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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 12 juin 1997 - Vol. 35 N° 116

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Table des matières

Présence du gouverneur de l'État de Mérida, au Venezuela, M. William Dvila Barrios

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence du gouverneur de l'État de Mérida, au Venezuela, M. William Dvila Barrios

Alors, j'ai le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, aujourd'hui, du gouverneur de l'État de Mérida, au Venezuela, M. William Dvila Barrios.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles? Non.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 151

Le Président: Alors, à l'article b du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de réduire à au plus de 270 le nombre de postes de juge de la Cour du Québec. Cette réduction du nombre de postes de juge se fera progressivement, au fur et à mesure que des juges de la Cour du Québec seront admis à la retraite ou cesseront d'exercer leur charge de juge.

Par ailleurs, ce projet de loi modifie le mode de nomination du secrétaire du Conseil de la magistrature.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article c, M. le Président.


Projet de loi n° 244

Le Président: Alors, à l'article c du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 244, Loi concernant la Ville de Lac-Mégantic. Le directeur de la législation a constaté que les avis n'ont pas été publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. En conséquence, ce projet de loi ne pourra être présenté sans le consentement unanime de l'Assemblée.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Sans que ça ait été fait conformément aux procédures habituelles et prévues, est-ce que le gouvernement peut quand même nous assurer que la population comme telle a été avisée par d'autres voies?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, au moment où on se parle, les informations que j'ai sont à l'effet que, oui, la population aurait été avisée conformément, relativement à ce projet de loi là. Mais c'est sous réserve, M. le Président. Je vais quand même vérifier de nouveau, et peut-être que, à ce moment-là, on pourra donner le consentement, mais sous réserve de pouvoir confirmer l'information.

Le Président: Ça va. Alors donc, c'est sous consentement. Je dépose donc ce rapport.


Mise aux voix

Mme la députée de Mégantic-Compton présente le projet de loi d'intérêt privé n° 244, Loi concernant la Ville de Lac-Mégantic. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Dépôt de documents

Le Président: Au dépôt de documents, M. le ministre de la Justice.


Entente relative à la réduction des dépenses de la Cour du Québec

M. Bégin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'entente relative à la réduction des dépenses de la Cour du Québec.

Le Président: Très bien. Ce document est déposé. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


Rapports annuels du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et de la Société de financement agricole

M. Julien: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1996-1997 suivants: celui du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ainsi que celui de la Société de financement agricole.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le ministre du Travail.


Rapport d'activité de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité 1996-1997 de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération.

Le Président: Ce document est également déposé.


Rapport annuel de la Commission de la fonction publique et rapport du Vérificateur général sur les frais d'administration de cet organisme

Pour ma part, je dépose, conformément aux articles 124 et 125 de la Loi sur la fonction publique, le rapport annuel 1996-1997 de la Commission de la fonction publique, accompagné du rapport du Vérificateur général pour l'année financière terminée le 31 mars 1997.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions maintenant, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée du projet de loi n° 65

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 10 et 11 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 65, Loi instituant au Code de procédure civile la médiation préalable en matière familiale et modifiant d'autres dispositions de ce code. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Mme la présidente de la commission de l'aménagement du territoire et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 63

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 10 et 11 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci, Mme la présidente de la commission de l'aménagement du territoire. Le rapport est déposé. M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 143

M. Lachance: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 11 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je voudrais déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par plus de 2 000 pétitionnaires, parents de l'école Wilder Penfield dans le comté de Robert-Baldwin.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Nous protestons contre les coupures budgétaires dans le domaine de l'éducation;

«Nous reconnaissons et nous appuyons fortement le mandat du ministère de l'Éducation, soit de fournir les moyens d'éducation et d'enrichissement de nos enfants et, de ce fait, de notre société;

«Pour cette raison, nous ne pouvons appuyer aucune action du gouvernement qui pourrait mettre en jeu ou menacer la qualité de l'éducation pour laquelle...»

Le Président: Consentement? M. le député de Robert-Baldwin, je pense qu'il y a une méprise. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, normalement, il y avait une demande de consentement qui devait être demandée. J'avais même parlé au député de Robert-Baldwin tout à l'heure, juste avant la période de questions, pour dire que demain, à ce moment-là, la pétition pourrait être déposée – je pense qu'il y a eu une méprise, M. le Président – pour qu'on puisse vérifier les allégués dans la pétition.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je ne voudrais pas trouver la personne qui est à l'origine du malentendu, mais il y avait effectivement eu entente à l'effet que la pétition serait déposée demain. Lorsque vous avez appelé le député pour qu'il présente sa pétition dès aujourd'hui, M. le Président... Vous êtes libre de le faire, c'est votre privilège, mais, à ce moment-là, ça ne rencontre pas les éléments de l'entente qui avait été convenue.

Le Président: Bien, écoutez, je n'avais pas été informé de l'entente. Je constate qu'effectivement le député de Robert-Baldwin avait l'air un peu surpris, alors on va remettre ça à demain et on va demander, à ce moment-là, au député de Jacques-Cartier qui, lui, semblait prêt à déposer sa pétition.

(10 h 10)

M. Kelley: Oui. Je demande le consentement afin de déposer une pétition non conforme. M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée...

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin. Est-ce qu'il y a consentement? Oui. Alors, allez-y.

M. Kelley: Jacques-Cartier, moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: On recommence. Je dépose l'extrait d'une pétition...

Une voix: Vous allez recevoir des appels, M. le Président! Ha, ha, ha!

Le Président: Bien. Alors, on va s'organiser pour que ma téléphoniste ne soit pas trop surchargée aujourd'hui.

M. le député de Jacques-Cartier.


Intervenir auprès de la ministre responsable de la Famille afin qu'elle révise sa politique familiale

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4 500 pétitionnaires, parents de différentes régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que la parution du livre blanc, le 23 janvier 1997, du gouvernement du Québec vient complètement bouleverser nos valeurs familiales;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de leurs enfants, nous disons non à la politique familiale de la ministre responsable de la Famille;

«Considérant que cette politique familiale défavorise grandement la famille de classe moyenne ayant trois enfants et plus – 27 % des familles;

«Considérant que cette politique familiale pénalise les familles qui n'utilisent pas les services de garde;

«Considérant que cette politique familiale ne tient pas compte des enfants de cinquième rang et suivants;

«Considérant que cette politique familiale est financée par les familles de classe moyenne et non par l'ensemble des Québécois;

«Considérant que cette politique familiale impose une garderie d'État aux familles qui utilisent le service de garde;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre responsable de la Famille afin qu'elle retourne faire ses devoirs pour que la politique familiale ne se fasse pas sur le dos des enfants.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Cette pétition est déposée. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement, M. le député de L'Assomption.


Maintenir le cours d'éducation économique sous sa forme actuelle

M. St-André: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée par 721 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de L'Assomption.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le cours d'éducation économique, sous sa forme actuelle, est menacé;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons de maintenir ce cours qui a élargi notre formation de base, qui nous a ouverts au fait économique et qui nous a mieux outillés pour jouer notre rôle de citoyen.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, la pétition est déposée.

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales M. le ministre du Travail répondra à une question posée le 17 avril dernier par M. le député de Brome-Missisquoi, concernant la sécurité dans les hôpitaux et dans les centres pour personnes âgées.


Questions et réponses orales

Alors, ça nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi.


Décès de patients en attente de chirurgie cardiaque

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le journal Le Canada français soulignait cette semaine le geste courageux posé par le député de Saint-Jean, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale du Québec. Le député, blâmé par le ministre de la Santé et par le premier ministre, a été félicité par le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu de même que par l'ensemble de ses concitoyens.

On comprend maintenant mieux, M. le Président, ce qui a pu animer le député de Saint-Jean-sur-Richelieu en prenant connaissance de la dernière édition du journal Le Canada français qui titrait: Mort en attendant une opération cardiaque pendant quatre mois, Michel Davignon serait encore vivant s'il avait été opéré dans un délai raisonnable, et il n'est pas le seul .

M. le Président, le même journal titrait: L'attente d'une chirurgie cardiaque s'est avérée trop longue. Michel Davignon: une victime des compressions du ministre de la Santé? . Michel Davignon, 53 ans, de Saint-Jean-sur-Richelieu, n'a plus besoin d'attendre un appel de l'hôpital pour un pontage cardiaque et une opération à une valve. Après avoir attendu en vain pendant près de quatre mois, il est finalement décédé le 3 mai dernier.

Le Dr André Dandavino, qui est président de l'Association des coroners du Québec, dit ce qui suit: «Je suis d'avis que Michel Davignon serait encore vivant aujourd'hui s'il avait été opéré à l'intérieur d'un délai raisonnable. Malheureusement, Michel Davignon n'est pas le seul à avoir attendu trop longtemps.» Le coroner poursuit: «Ce qu'il faut préciser, c'est le fait que le cardiologue précise dans son rapport que Michel Davignon souffrait d'une maladie tritronculaire, à savoir que trois vaisseaux de son coeur étaient atteints. L'autopsie a par ailleurs révélé que Michel Davignon est décédé à la suite de problèmes cardiaques. Bref...»

Le Président: M. le député, votre question.

M. Paradis: Oui, M. le Président, j'arrive à la question. «Bref, son coeur malade qui n'en pouvait plus d'attendre d'être soigné a flanché.»

Que répond le ministre de la Santé au coroner?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, comme d'habitude, quand on m'amène comme ça des cas particuliers, individuels, je vais d'abord prendre le temps de voir au complet ce qu'il en est de la situation et je donnerai les informations à cette Chambre.

Je voudrais quand même dire, à ce sujet, qu'il faut être prudent. Il y a quelques jours encore, cette semaine, dans tous les débats qu'on a eus, toutes les discussions autour de la chirurgie cardiaque, il y a des chirurgiens cardiaques, il y a des cardiologues qui ont rappelé qu'une maladie cardiaque est une maladie qui peut provoquer en tout temps une mort subite, même à des gens qui n'ont eu aucun symptôme. Le premier symptôme peut se manifester par une mort subite. Ces spécialistes ont aussi dit qu'il y a des gens qui ont une situation qui est évaluée, qui est stable, qui est sous traitement médical. Même si on a jugé que le traitement médical était le traitement qu'il fallait faire, ils peuvent aussi, comme nous tous ici, être victimes d'une mort subite. Même quand il n'était pas jugé qu'une intervention était nécessaire.

Dans le cas particulier, je ne saurais dire, je vais voir les informations, mais je veux qu'on fasse bien attention. Les médecins eux-mêmes ont été très prudents pour dire que, quand un décès d'une personne qui est en attente d'une intervention quelconque, cardiaque ou autre, arrive, ça peut être relié au fait que la personne aurait trop attendu, mais ce n'est pas nécessairement relié à ça. De toute façon, comme, dans les derniers jours, on a fait référence et mentionné qu'il y aurait eu des décès aussi, dans d'autres hôpitaux, de gens qui devaient avoir une intervention de chirurgie cardiaque, j'ai déjà demandé au Collège des médecins de voir avec chacun des hôpitaux pour faire une évaluation détaillée et précise de la situation, pour qu'on sache exactement à quoi s'en tenir.

Si c'étaient des connaissances nouvelles qu'on apprenait, que les règles, que les critères qui nous sont donnés par les spécialistes maintenant quant à la façon d'évaluer les patients et quant aux temps d'attente qui sont naturels selon l'état du patient, si ces règles devaient être révisées compte tenu de l'évolution de la maladie, elles le seront. Mais, maintenant, présentement, on procède avec des critères très clairs, qui indiquent quand une personne doit être opérée d'urgence, quand elle doit être opérée dans un court délai et quand la personne peut être très stable avec un traitement médical et attendre. C'est la situation qu'on va réviser. À ma connaissance, présentement, les gens qui doivent être opérés d'urgence ou rapidement l'ont été et continuent à l'être, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Que répond le ministre de la Santé à un malade cardiaque qui réside dans le comté de Brome-Missisquoi, et qui souffre de la même maladie cardiaque que Michel Davignon, et qui interpelle le ministre ce matin de cette façon: «Je suis en attente depuis le 10 décembre 1996 pour six pontages. Mon chirurgien m'a mentionné que j'étais sur la liste prioritaire, que j'avais un sérieux blocage des artères. Il y a maintenant six mois que j'attends et je suis au courant que le personnel va être réduit très bientôt pour la période des vacances»? Pour reprendre la question du député de Saint-Jean, que dois-je dire à mon commettant?

Le Président: M. le ministre.

(10 h 20)

M. Rochon: M. le Président, je peux comprendre, avec toute la publicité qu'on fait présentement au sujet de la chirurgie cardiaque, et où, sans reconnaître, sans du tout reconnaître, sans jamais rappeler que, depuis un an, la situation à cet égard s'est améliorée constamment... Il faut le dire. Il faut que les gens réalisent que, il y a un an, il y avait presque six mois d'attente, en moyenne. On est rendu à peu près à trois mois et demi d'attente au Québec. Il y a donc une situation qui s'améliore.

L'année dernière, la Régie régionale de Montréal, dans la réallocation des fonds au niveau de la région, avait réalloué 1 300 000 $ à la chirurgie cardiaque. On se prépare cette année à refaire une allocation qui va peut-être aller chercher vers 1 500 000 $, un peu plus que l'an passé, possiblement. On a eu une allocation du même type dans la région de Québec. Il y a donc eu des fonds qui étaient additionnés en plus.

Je pense que je vais rassurer la population, parce que, en plus de mettre de l'argent additionnel actuellement, en plus de faire une réorganisation importante des CHU pour qu'on ait un meilleur fonctionnement de ce qu'on a déjà, nous nous préparons pour s'assurer que, cet été, il n'y aura pas de diminution de services au-delà de ce qu'est le fonctionnement normal des hôpitaux durant cette période de l'année.

Alors, je veux rassurer la population que le domaine des soins surspécialisés, et singulièrement de la chirurgie cardiaque, est un domaine qui est prioritaire. On a fait déjà des réallocations et des efforts pour améliorer de ce côté-là, on continue à en faire et on va intensifier au maximum nos actions dans ce domaine-là, M. le Président.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, M. le Président, qu'est-ce que je dois communiquer à mon commettant, Robert Jalbert, qui attend depuis plus de six mois et qui souffre du même diagnostic cardiaque que celui qui est décédé cette semaine? La réponse technocratique que vient de me donner le ministre de la Santé, ou plutôt la réponse que donnait un chirurgien qui opère des vrais malades, lui, à tous les jours, et qui disait: «Le ministre de la Santé, le bureaucrate, se met le doigt dans l'oeil jusqu'au coude et – un terme que je n'ai pas droit – trompe la population lorsqu'il dit que les coupures n'affectent pas les services. Lui est en haut et les malades souffrent en bas et ne peuvent être opérés.»? Est-ce que je dois dire à M. Jalbert qu'il peut être opéré?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: On peut faire que des commentaires de journaux, si ça nous fait plaisir. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais j'ai vu, il n'y a pas longtemps, le président de l'Association des anesthésistes qui disait que, en le nommant par son nom, le leader de l'opposition parlait de ce qu'il ne connaissait pas, un peu à travers son chapeau. On peut sortir des phrases comme ça, en dehors de leur contexte, et s'envoyer des choses, on va s'équivaloir là-dessus.

M. le Président, je veux rassurer les patients et dans le cas d'espèce aussi. Dans chacun des cas particuliers qu'on va nous souligner, on va communiquer, comme on le fait toujours, avec le médecin. On va s'assurer de la situation et, normalement, si l'intervention devait être accélérée, quand même avoir l'information pourquoi ça n'a pas été possible. Et, si quoi que ce soit peut être fait pour améliorer cette situation, ça va être fait.

Mais, M. le Président, toute l'information que j'ai présentement – puis je veux que la population sache ça – c'est que, avec l'évaluation de chaque patient qui a une situation cardiaque, si l'intervention doit être faite en urgence, on peut la faire en urgence. Ça a été confirmé dans les dernières semaines par les centres de chirurgie cardiaque de Montréal, quand on a une situation de patient instable qui doit être opéré dans une semaine ou deux, les interventions sont faites dans ce délai, et les gens à qui on demande d'attendre, c'est des gens qui ont un traitement médical pendant ce temps-là, qui ont une situation stable et qui n'ont pas une vie qui est mise en danger à cause de l'attente. C'est ce que les médecins spécialistes – pas des bureaucrates – nous ont dit au cours des dernières semaines et c'est ce que l'équipe du GTI a eu comme témoignage.

Qu'on doive réduire au maximum les attentes, je suis d'accord, mais l'information que j'ai – puis je veux rassurer les patients – c'est que, quand leur médecin leur demande d'attendre, ils sont traités pendant ce temps-là, ils ont un état stable et ils peuvent attendre. Mais, malgré ça, on va continuer de tout faire pour améliorer encore plus et diminuer encore plus les temps d'attente. Et, surtout dans l'immédiat, toute personne qui risquerait d'être à risque va faire l'objet d'une intervention très rapide, M. le Président. Merci.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en principale.


Conséquences de la nouvelle allocation familiale unifiée pour les familles monoparentales

M. Copeman: Oui, M. le Président. Merci. La nouvelle prestation familiale qui sera instaurée par l'adoption du projet de loi n° 144 s'avère être une autre mesure appauvrissante pour les familles monoparentales avec de jeunes enfants qui feront une nouvelle demande d'aide sociale. Dès septembre 1998, le revenu disponible des familles monoparentales avec deux jeunes enfants diminuera de 726 $ par année en comparaison avec les barèmes actuels, ce qui nous a d'ailleurs été confirmé très clairement par les autorités de la Régie des rentes du Québec.

Comment la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité peut-elle être solidaire avec cette politique qui appauvrira davantage des familles monoparentales qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, je comprends que la nouvelle allocation familiale présentement étudiée à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire n'est pas encore versée en septembre 1997 que, déjà, le député de Notre-Dame-de-Grâce suppute et anticipe ce qu'elle sera en septembre 1998, si j'ai bien compris. Alors, je lui demande de laisser au gouvernement, d'abord, et de laisser à cette allocation familiale attendue dans la population la chance de s'implanter en septembre, et nous verrons, au fur et à mesure des travaux que nous sommes à compléter sur la réforme de l'aide sociale, ce qui se passera dans une année et demie.

Le Président: M. le député.

M. Copeman: M. le Président, étant donné que les bénéficiaires de l'aide sociale n'ont jamais été autant victimes de coupures que depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, la ministre peut-elle, aujourd'hui, alors qu'elle est toujours en tête de ce ministère, démontrer, contrairement aux gestes posés par ce gouvernement, qu'elle a véritablement à coeur les intérêts des familles pauvres au Québec en faisant en sorte que cette injustice soit corrigée avant l'entrée en vigueur du projet de loi?

Mme Harel: M. le Président, je vais devoir répéter au député de Notre-Dame-de-Grâce, comme j'ai eu l'occasion de le dire également à sa prédécesseure, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, que son indignation concernant les coupures serait pas mal plus crédible s'il ne maintenait pas un silence coupable sur les coupures fédérales dans les transferts à l'aide sociale.

Ce n'est pas peu, M. le Président. Seulement pour cette année, la moitié des 1 400 000 000 $ de moins versés au chapitre de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale, la moitié, 750 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux, dans le régime d'assistance publique du Canada qui a été abrogé l'an dernier. Ça, c'est pour cette année et mettez l'équivalent de 400 000 000 $ l'an passé, c'est-à-dire presque 1 000 000 000 $ de moins simplement au chapitre des transferts fédéraux à l'aide sociale.

Alors, dans ce contexte-là, je veux bien faire des miracles, M. le Président... D'autant plus que nous avons assisté à un resserrement d'éligibilité à l'assurance-emploi qui a amené des dizaines de milliers de chômeurs à l'aide sociale, qui auparavant avaient droit à l'assurance-chômage. Dans ce contexte-là, dois-je rappeler que le budget de l'aide sociale a été maintenu par le gouvernement au seuil où on le connaissait auparavant: 4 200 000 000 $, et un peu plus même que le budget d'il y a deux ans? C'est le nombre de chômeurs qui a augmenté à l'aide sociale, mais j'aimerais bien que le député de Notre-Dame-de-Grâce puisse avoir la crédibilité pour le reconnaître.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale?

Mme Loiselle: S'il vous plaît, M. le Président. Merci.

Le Président: En principale.


Lutte contre la pauvreté des femmes et contre les inégalités sociales

Mme Loiselle: M. le Président, on se rappellera tous et toutes que, le 22 mai dernier, le premier ministre du Québec et la ministre de la Condition féminine lançaient avec fierté le programme d'action 1997-2000 pour toutes les Québécoises. Aujourd'hui, M. le Président, j'attire votre attention sur le point 2 de ce document, de ce plan d'action, point 2 intitulé: La lutte contre la pauvreté des femmes et contre les inégalités sociales . Il est écrit dans le document, noir sur blanc, document de la ministre de la Condition féminine cosigné par le premier ministre du Québec, et je lis, M. le Président: «La situation des familles monoparentales est alarmante. Le taux de pauvreté des mères monoparentales ayant des enfants de moins de 18 ans est de 60 %.»

(10 h 30)

La ministre, dans son document gouvernemental, reconnaît également, M. le Président, et je lis: «L'importance et la gravité de la pauvreté chez les femmes, en particulier celles qui sont seules ou responsables d'une famille monoparentale, témoignent de la nécessité d'accentuer les actions en vue d'améliorer leur condition de vie économique.»

Est-ce que, M. le Président, de priver de 726 $ par année – chiffres qui nous ont été confirmés par la Régie des rentes du Québec en commission parlementaire – les familles monoparentales qui feront une demande d'aide sociale à partir de septembre 1998 est, pour ce gouvernement péquiste, une façon d'améliorer la condition de vie économique des femmes et des enfants les plus pauvres parmi les pauvres au Québec, M. le Président?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, puisque la signature du premier ministre a été en cause, je voudrais rappeler à l'opposition, et à bien d'autres en même temps, que ce gouvernement a adopté la loi d'égalité et d'équité salariale la plus progressiste du monde occidental, et l'opposition n'en a plus jamais reparlé depuis. Mais il faut le rappeler de temps à autre.

Je voudrais rappeler que 200 000 contribuables, qui sont surtout dans les plus démunis et qui sont souvent monoparentales et femmes, ne paieront plus d'impôts à la suite du dernier budget.

Je voudrais rappeler enfin que, depuis 1941, des foyers pauvres au Québec paient une taxe de vente sans n'avoir jamais été compensés. Ça n'arrivera plus jamais après le dernier budget. Il faut se rappeler ça aussi quand on parle des femmes et de la condition de certains foyers démunis.

Une voix: ...

Le Président: Je m'excuse, Mme la ministre, M. le vice-premier ministre a pris tout le temps pour la réponse. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Une voix: Du respect pour le pauvre monde, là.

Le Président: Alors, à ce moment-ci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Tout en respectant la discrétion que vous avez, je vous soumets respectueusement que la réponse du vice-premier ministre a été plus courte que le préambule de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je pense que ce qu'il faut apprécier ce n'est pas, à chaque fois, le minutage précis, c'est l'ensemble. La présidence, finalement, sur la moyenne d'une période de questions et sur la moyenne des périodes de questions, a à faire une évaluation et à faire en sorte que les choses soient équilibrées. Alors, si on commence à chaque fois à minuter, je dois vous dire que je ne suis pas certain qu'une ou l'autre des deux formations politiques principales seront gagnantes à ce jeu-là.

Alors, à ce moment-ci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Comment lui, le ministre de la Santé et des Services sociaux, peut-il oser affirmer, dans ce même document soi-disant axé sur la lutte à la pauvreté, page 50, que sa priorité à lui, le ministre de la Santé et des Services sociaux, est de promouvoir la sécurité alimentaire des Québécoises pauvres et de leurs enfants quand ce même ministre de la Santé vient de leur imposer une taxe-médicaments qui baisse leurs revenus de 200 $ par année, plus 726 $ par année, 926 $ que les familles les plus pauvres du Québec vont perdre à cause des décisions de ce gouvernement péquiste, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que l'Assemblée peut constater que, faute de pouvoir mobiliser l'opinion publique contre les politiques familiales qui seront implantées au 1er septembre cette année, qui sont attendues d'ailleurs par la population, l'opposition est en train d'essayer de faire grief au gouvernement de ce qui pourrait se passer en 1998, M. le Président?

M. le Président, je vais citer – c'est toujours mieux, n'est-ce pas, lorsque les compliments viennent des autres – une étude qui a été publiée dans le journal La Presse cette semaine et qui est signée par rien de moins que le titulaire, M. Richard Tremblay, de la Chaire sur le développement de l'enfant, à l'Université de Montréal. Et je cite, M. le Président: «Le gouvernement du Québec est l'un des rares gouvernements à tenter d'améliorer les services à la petite enfance dans une période de compressions budgétaires. Le gouvernement du Québec a compris l'importance du développement des jeunes enfants pour l'avenir de notre société.» Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président...

Une voix: Bravo!

Mme Harel: Puis-je également rappeler, M. le Président, que le ministre de la Santé et des Services sociaux a mis en place un programme qui s'intitule Naître égaux et en santé, de même que le programme pour les mères monoparentales qui attendent un bébé, un programme appelé OLO, du nom de oeuf, lait, orange et suppléments vitaminiques, lesquels programmes ont été appréciés par le Conseil canadien de la santé et du bien-être qui les a donnés en exemples, cette semaine, à l'ensemble des autres provinces, M. le Président? Alors, vraiment, on n'a rien à se reprocher à ce point de vue là.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, vraiment, est-ce que, par respect, là... Souvenez-vous des...

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que, par respect pour les jeunes mères adolescentes en difficulté, par respect pour les mères monoparentales pauvres du Québec et des enfants les plus pauvres du Québec que ce gouvernement ne fait qu'appauvrir, par respect pour ces personnes-là, le premier ministre peut retirer sa photo de ce document et la ministre responsable de la Condition féminine retirer sa signature de cette politique gouvernementale bidon, incohérente et qui appauvrit les gens?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Oui. Alors, M. le Président, est-ce que, par respect pour le bon sens et le bon jugement des personnes pauvres au nom desquelles Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne prétend parler, elle pourrait cesser d'être outrancière dans cette Assemblée?

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en principale.


Effets de la réforme du Régime de rentes sur la rente d'invalidité

M. Copeman: Merci, M. le Président. Présentement, les travailleurs qui deviennent invalides avant l'âge de 65 ans reçoivent la pleine rente pendant toute leur vie. À compter du 1er janvier 1998 – j'espère que ce n'est pas trop loin pour la ministre – avec le projet de loi n° 149, la ministre de l'Emploi pénalisera les travailleurs invalides en les privant de la pleine rente de retraite, à l'âge de 65 ans, comme s'ils avaient choisi d'être invalides. Les travailleurs invalides subiront ainsi la même réduction qu'un travailleur qui se prévaut librement et volontairement de sa retraite anticipée.

(10 h 40)

Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de faire des économies dans notre régime de retraite sur le dos des travailleurs et travailleuses qui n'ont pas, eux, choisi de devenir invalides?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, vous comprenez que le député de Notre-Dame-de-Grâce plaide la propre incurie de son parti lorsqu'il était au gouvernement. Nous avons retrouvé un Régime des rentes où il y avait décaissement à partir de 1992 et où, pendant toutes les années, presque une décennie où l'opposition a été au gouvernement, elle a laissé faire un régime public de retraite qui avait perdu la confiance de la population, qui avait perdu la confiance des jeunes générations. Alors, lorsque ma collègue Mme la ministre de l'Éducation, lorsque nous avons quitté le gouvernement en 1984, nous avions laissé...

M. Bélanger: C'est effrayant! M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous avez clairement entendu le chef de l'opposition traiter de menteuse la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. C'est inacceptable en cette Chambre, M. le Président. Vous l'avez clairement entendu.

Le Président: À ce moment-ci, il y a une personne qui a la parole, c'est Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, et les autres commentaires sont inacceptables. Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je rappelle donc que le projet de loi n° 149 qui est déposé à l'Assemblée pour examen a été extrêmement bien reçu par l'opinion publique, notamment dans les médias, et que ce projet de loi est le fruit, n'est-ce pas, d'une consultation publique qui s'est tenue l'automne dernier auprès de 40 organismes. Et je rappelle que le Régime de pensions du Canada, qui connaissait la même perte de confiance que le Régime de rentes, va aller beaucoup plus loin que ce que nous avons réussi à préserver au Québec à l'égard de la rente d'invalidité. Alors, je pense que nous avons réussi, contrairement à ce que l'opposition, lorsqu'elle était au gouvernement, avait soumis, d'ailleurs, au Conseil des ministres... Je pourrai déposer le mémoire, M. le Président, demain. Elle avait même proposé d'allonger l'âge de la retraite de 65 ans à 67 ans. Nous avons préservé tous les acquis du Régime: l'âge de la retraite, l'indexation complète de la retraite. Nous avons maintenu les acquis du Régime de rentes public et nous allons garantir aux jeunes générations qu'elles ne porteront pas un fardeau disproportionné par rapport aux prestations qu'elles recevront dans l'avenir.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Puis-je rappeler à la ministre, M. le Président, que, pendant toutes les consultations sur...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Pour faire plaisir au leader, est-ce que la ministre se souvient, elle, que, pendant toute la consultation publique, la mesure de pénalité pour la rente d'invalidité a été décriée par tous les intervenants sans exception? Et est-ce qu'on doit comprendre de la réponse de la ministre que la pérennité de notre Régime de rentes du Québec passe par un acharnement sur les travailleurs et travailleuses qui deviennent invalides et qui n'ont pas le choix d'une rente anticipée? Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, «acharnement», le terme est exagéré, bien évidemment. En fait, il s'agit de ceci. Dans les propositions qui sont faites dans le projet de loi n° 149, il s'agit exactement de ceci: dorénavant, la rente d'invalidité, qui est donc admissible avant l'âge de 60 ans, à partir de 60 ans sera considérée comme une rente de retraite anticipée que les personnes prennent à 60 ans. Alors, c'est là un traitement qui est équivalent aux retraités qui ont une rente de retraite anticipée à 60 ans.

Voilà, M. le Président, une des mesures qui va nous permettre d'atteindre un taux de cotisation qui ne dépassera pas le seuil de 10 % dans six ans, avec un effort collectif, pendant ces six années-là, un effort collectif extraordinaire, là. Il s'agit, depuis que nous sommes au gouvernement, de passer de 5,6 % à 9,9 % de cotisations payées à moitié par les employeurs et les travailleurs et travailleuses. C'est un effort en six ans parce que le gouvernement précédent, M. le Président, n'a rien fait et, à un moment donné, comme société, eh bien, il faut prendre ses responsabilités. Et je suis convaincue que la population est de notre côté.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Verdun, en complémentaire?

M. Gautrin: En complémentaire. Est-ce que la ministre pourrait éviter de politiser ce débat?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Est-ce qu'elle pourrait rappeler, est-ce qu'elle pourrait réaliser...

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce que la ministre pourrait rappeler à cette Chambre que le gouvernement précédent a augmenté les taux de cotisation de 0,2 % par année régulièrement depuis 1986 à 1996, que le problème qui se trouve à l'heure actuelle dans le Régime de rentes du Québec vient de deux sources: premièrement, d'un problème purement démographique; deuxièmement, est-ce que la ministre pourrait rappeler à cette Chambre que l'autre problème dans lequel se trouve le Régime de rentes du Québec vient de la baisse de l'activité économique au Québec qui a diminué les rentrées dans la caisse? Est-ce que la ministre pourrait au moins avoir l'honnêteté de rappeler ces faits-là à la Chambre?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je comprends que le député de Verdun veut que je rappelle que le gouvernement précédent a effectivement augmenté de 0,2 % régulièrement les cotisations au Régime de rentes du Québec, ce qui était connu dès 1985 comme insuffisant pour maintenir la réserve qui allait permettre, au moment de l'arrivée massive de la génération des baby-boomers, de garantir les prestations du Régime de rentes public sans augmenter pour les générations qui nous suivaient les cotisations de manière disproportionnée. Oui, je le répète, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Shefford.


Coïncidence du plan Paillé avec la campagne référendaire

M. Brodeur: Merci, M. le Président. À l'étonnement général, on apprenait la semaine dernière de la part du vice-premier ministre que le Vérificateur général n'avait, selon lui, rien compris au plan Paillé. Il allait même jusqu'à nous dire que le plan Paillé était un grand succès; qu'il était normal d'engager 400 000 000 $ de fonds publics dans un programme de démarrage d'entreprises qui n'exige aucune étude sectorielle et qui n'a aucune obligation de résultat.

Ma question s'adresse au vice-premier ministre: Alors que le plan Paillé est le seul programme sur la planète qui permettait à un individu de dépenser 50 000 $ en quelques mois, en quelques semaines, ou, pour les plus habiles, en quelques jours, le vice-premier ministre peut-il nous dire si les 400 000 000 $ du plan Paillé étaient investis à fonds perdus dans une précampagne référendaire?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

(10 h 50)

M. Landry (Verchères): M. le Président, il est évident que le député n'est pas très fort en chiffres ni en statistiques, mais on peut lui pardonner parce que l'exemple vient de haut.

Hier, dans un préambule, le chef de l'opposition s'est acharné à noircir le tableau économique de la ville de Montréal. Vous vous en souvenez? Il a négligé de dire que, sur les 25 villes citées, il n'y en avait que deux de canadiennes et que Toronto et Montréal étaient à la queue. Mais mon collègue a été prémonitoire en disant qu'il y en a qui s'appuient sur les statistiques plutôt que de s'en éclairer. Parce que tout ça est démenti par La Presse , ce matin, qui, elle, a l'humilité de reconnaître qu'elle a mal interprété les données de la ville. J'espère que, en raison du tort qu'il a fait à Montréal hier, le chef de l'opposition officielle reconnaîtra que Montréal a créé 49 000 emplois, portant le total, en mai, à 1 597 000, un niveau record. Au cours de la même période, Toronto a créé 29 000 emplois. Comme le chef de l'opposition est un personnage important dans notre démocratie et au Québec, à cause du tort qu'il a fait à Montréal et qui sera répercuté, évidemment, chez la concurrence étrangère, etc., je crois qu'il serait de bon augure qu'il essaie de clarifier la chose dans cette Assemblée ou ailleurs. Car il m'a très généreusement, hier, décerné le prix Nobel de la suffisance. S'il ne fait pas la correction, il va avoir une sérieuse option sur celui de l'insuffisance.

Le Président: M. le député de Shefford.

M. Brodeur: M. le Président, est-ce qu'on peut rappeler au ministre qu'on parlait du plan Paillé? Je comprends qu'il ne veuille pas en parler. Est-ce que le vice-premier ministre, qui déclare à qui veut l'entendre que le plan Paillé a créé 35 000 emplois, veut nous dire que le Vérificateur général a mal fait son travail, lorsqu'il dit, comme tous les observateurs, d'ailleurs, et je cite: «Le nombre d'emplois prévus est largement médiatisé, mais ni la SDI ni le ministère de l'Industrie et du Commerce n'ont inventorié les emplois effectivement créés»?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Le Vérificateur général relève de notre Assemblée et souvent, comme c'est normal, le tout est plus grand que la partie. Lui, le Vérificateur général, il est plus prudent que le député, car le Vérificateur général, il parle au conditionnel. Il a utilisé un échantillon minime par rapport à celui que la SDI a utilisé elle-même. Ce que j'ai dit en cette Chambre, c'est que le plan Paillé est un très grand succès, d'abord parce qu'il démontre les vertus de l'action par rapport à l'inaction, premièrement. Les libéraux et les néo-libéraux ne font pas de plan Paillé, ils laissent faire. Ils laissent se détériorer les choses, alors qu'avec le plan Paillé des dizaines et des dizaines de milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes ont retrouvé la dignité, dans vos comtés, et la moitié d'entre ceux et celles qui ont profité du plan Paillé, que vous décrivez, si je comprends bien, comme des chevaliers d'industrie, étaient tout simplement des chômeurs, des démunis et des assistés sociaux. C'est ça qu'un gouvernement qui comprend le progrès social et l'économie fait quand la situation l'exige.

Le Président: M. le député.

M. Brodeur: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre peut admettre que le plan Paillé a été conçu seulement pour que l'argent soit dépensé rapidement, en campagne référendaire, et que les pertes financières qui en découleraient ne puissent être véritablement connues avant un autre mandat? Même la méthode comptable a été changée afin que 35 % des pertes soient reportées au déficit accumulé.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Premièrement, les pertes sont inférieures à nos prévisions et sont inférieures à la moyenne de l'industrie et de la PME. Deuxièmement, le rythme de dépenses du plan Paillé a été grand, en effet, a été rapide. Il y avait tellement de gens qui voulaient faire quelque chose et qui ne pouvaient rien faire sous l'ancien gouvernement, ce qui a fait que le programme a marché rapidement et que le bassin des fonds disponibles s'est épuisé en quelques mois.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, comment la ministre de l'Emploi et le vice-premier ministre peuvent-ils prétendre que tout va bien lorsque les économies, à leur face même, que le gouvernement est en train de réaliser sont faites sur le dos, soit des adolescentes qui sont enceintes, soit des invalides qui n'ont pas eu le choix d'être invalides, d'une façon ou d'une autre, soit sur le dos – absolument – des services sociaux et de santé, soit en faisant allonger les listes d'attente? Est-ce que, dans le fond, ce qui se passe au Québec, ce n'est pas un gouvernement qui décide qu'il s'attaque aux gens les plus faibles pour balancer les livres, qui n'a aucune priorité, aucune compassion, et que c'est ça qui est outrancier, pas d'autre chose?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, si la situation n'est pas aussi bonne qu'on le voudrait, ce n'est quand même pas aussi pire que c'était il y a trois ans quand le chef de l'opposition était chef de gouvernement.

M. le Président, je regarde l'ensemble du chômage au Québec: en mai 1994, 13,5 %; et, en mai 1997, 11,9 %. C'est là le résultat.

Le Président: M. le député de Verdun.


Modifications aux examens de français du collégial

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Pour tous ceux – et il y en a un certain nombre en cette Chambre – qui ont à coeur la promotion du français, l'amélioration des résultats des jeunes cégépiens aux examens de français devrait être une raison de se réjouir. Mais, si on y regarde de plus près, la raison de ce succès semble résider plutôt dans le fait qu'on a modifié à la baisse le niveau des examens, qu'on a modifié les barèmes, qu'on a modifié les pondérations. C'est un peu comme si, M. le Président, pour faire croire qu'il y avait une amélioration de la qualité du français, on changeait, pour ce gouvernement, la manière de mesurer ce niveau de connaissance du français.

Alors, ma question à la ministre est bien simple: Pourquoi avoir changé les barèmes d'examens et l'ensemble des pondérations à la baisse?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, M. le Président, il n'y a aucune espèce d'intention délibérée – et je pense que le député le sait très bien – de réduire la qualité de ce que nous voulons atteindre à l'égard de l'apprentissage du français. Cependant, vous savez qu'il y a eu des modifications qui ont été introduites sur l'ensemble du régime des études collégiales – d'ailleurs, c'est l'ancien gouvernement qui l'avait fait – entre autres sur la question de l'épreuve-synthèse. Et, dans cette perspective, il était nécessaire, croyons-nous, de procéder à une certaine pondération et une révision d'un ensemble de critères qui comportent l'évaluation non seulement du français comme matière essentielle, bien sûr, mais aussi un ensemble de critères pour l'ensemble des autres matières qui vont être dorénavant évaluées d'une façon différente, plus globalement et plus totalement aussi, parce que ce n'était pas le cas dans le passé. Je crois que, en ce sens, c'est une décision sage qui a été prise.

(11 heures)

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées

Comme je l'ai annoncé précédemment, il y a cependant une réponse différée. Alors, M. le ministre du Travail va répondre maintenant à une question posée le 17 avril dernier par M. le député de Brome-Missisquoi concernant la sécurité dans les hôpitaux et dans les centres pour personnes âgées. M. le ministre du Travail.


Normes de sécurité dans les établissements de santé

M. Rioux: Oui, M. le Président. D'abord, permettez-moi de préciser dès le départ que ce n'est pas par manque de respect pour l'Assemblée nationale et les personnes qui y siègent qu'on a retardé de donner les informations sur la sécurité dans les hôpitaux du Québec. En ce qui a trait au dossier qui nous préoccupe tous aujourd'hui, la sécurité dans les hôpitaux, je vous informe qu'en effet, au moment où la question a été posée, la Régie du bâtiment du Québec n'avait pas toutes les informations sur la sécurité dans ces édifices publics. Je n'avais pas été informé non plus, et on a décidé de creuser toute la notion de procédures particulières appliquées par la Régie du bâtiment pour les établissements qui sont subventionnés par l'État.

On a donc décidé d'aller de l'avant et, même si ces critères-là avaient été approuvés en 1990 par le député de Saint-Laurent, alors ministre du Travail, on pense que ces analyses de procédures particulières... Je souscris d'ailleurs à ces analyses-là. Les établissements de santé, comme tous les autres édifices publics... Le ministère concerné est le ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous avons décidé de travailler ensemble afin que toutes les procédures soient examinées, que les recommandations soient faites aux établissements de santé pour que les correctifs soient apportés. On est allés plus loin que ça. Mon collègue de la Santé et moi avons créé un comité spécial pour examiner l'ensemble de la problématique et apporter les correctifs qui sont nécessaires dans les circonstances. Vous pensez, M. le Président, qu'au cours des prochains jours, des prochains mois, on va avoir un rapport complet de la Régie du bâtiment touchant les installations hospitalières et nous allons agir en conséquence.

Soulignons que les défectuosités constatées, lesquelles touchent principalement des éléments de détection des incendies et d'intégrité des issues en vue de permettre des évacuations sécurisantes et rapides, ça aussi, ça a fait l'objet d'informations. Ça a été porté à l'attention des libéraux lorsqu'ils étaient au pouvoir puis ça n'a pas été corrigé. Alors, nous, ce que l'on fait... Et j'en profite pour dire que les certificats de conformité qu'exigeait de moi le député de Brome-Missisquoi, bien, ils ont été abolis par décret en 1991. Donnez-nous le temps de réparer vos gaffes. On a besoin de temps et, quand le moment sera venu, on va faire notre travail.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du ministre qu'à part la création d'un comité très, très, très spécial il accrédite les chiffres qui ont été communiqués par l'Association des hôpitaux du Québec et qui ont été confirmés en Chambre par le ministre de la Santé à l'effet que, dans 20 % des établissements, la sécurité incendie suscite des craintes majeures quant à la qualité des équipements en place, tels que les extincteurs, les gicleurs, la canalisation, les boyaux, les coupe-feu; que le système d'électricité pose des problèmes à plus d'un titre; que les circuits de distribution sont désuets pour au moins 20 % des cas; que les équipements de production et de transformation nécessitent des changements pour plusieurs compte tenu de la présence de BPC; que des génératrices d'urgence sont, en général, dépassées et posent un risque aux usagers; que, dans plus de 30 % des cas, les ascenseurs sont dans un état avancé de désuétude?

Est-ce qu'on doit comprendre du ministre qu'il confirme cette situation et que l'engagement qui avait été pris dans le programme du Parti québécois à la dernière élection, qui s'intitulait Des idées pour mon pays et qui promettait de tout régler ça à court terme, va être suivi, trois ans après, par la création d'un comité très, très spécial?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Non, M. le Président, la situation n'est pas du tout ce qu'on vient de décrire.

Des voix: C'est pire!

Une voix: Taisez-vous!

M. Rochon: Avant la fin de cette session-ci, je vais déposer un rapport qui va donner tous les détails de ce qui a été fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux et le réseau de la santé et des investissements au titre des immobilisations qui ont été faits au cours des trois dernières années, et on verra qu'on est en très bonne voie de réaliser les engagements qu'on avait pris dans notre programme, M. le Président.

Le Président: Il nous reste encore un peu de temps. M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, le député de Brome-Missisquoi tente de laisser croire à l'Assemblée qu'il ne se fait rien en termes de sécurité dans les hôpitaux. Le ministère de la Santé fait son travail. Nous, on fait le nôtre, du côté de la Régie du bâtiment. Puis, quant aux certificats de conformité que vous m'avez demandés, M. le député de Brome-Missisquoi, c'est vous autres qui les avez abolis en 1991. Il ne faut quand même pas charrier!


Motions sans préavis

Le Président: Alors, nous en arrivons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 122

M. Bélanger: Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que le commission des transports et de l'environnement procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur la Société de l'assurance automobile du Québec et d'autres dispositions législatives, le lundi 16 juin 1997 et, à cette fin, entende les organismes suivants: de 11 heures à midi, la Confédération des personnes handicapées du Québec; de midi à 13 heures, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement. Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, s'il n'y a pas d'autres... Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la performance du Canada qui, pour la cinquième année consécutive, vient d'être reconnu par les Nations unies comme étant le premier pays au monde pour sa qualité de vie, ce qui lui confère le meilleur indice de développement humain.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Pas de consentement.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, il n'y a pas consentement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour savoir, dans cet esprit qui doit animer la fin de nos travaux parlementaires: Est-ce que le consentement n'est pas accordé parce que ça dérange le menu législatif du leader ou parce que le gouvernement n'est pas d'accord sur le fond de la motion?

M. Bélanger: Il n'y a pas de justification à donner, M. le Président. Il n'y a pas de consentement.

Le Président: Alors, il n'y a pas de consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons arriver à l'étape des avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 123, Loi modifiant diverses dispositions législatives des régimes de retraite des secteurs public et parapublic, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 55, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports et le Code de la sécurité routière, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission des affaires sociales se réunira en séance de travail aujourd'hui, le jeudi 12 juin 1997, à compter de 13 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de planifier le calendrier des travaux de la commission et de statuer sur des propositions de mandat d'initiative. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: On en est à l'étape des renseignements sur la travaux, M. le Président?


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: On arrivait à l'étape, mais je voulais juste... Alors, s'il n'y a pas d'autres avis concernant les travaux des commissions, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant, M. le leader du gouvernement, et Mme la députée de Jean-Talon par la suite.

M. Bélanger: M. le Président, c'est juste pour répondre à une préoccupation du leader de l'opposition relativement au projet de loi n° 244 concernant la ville de Lac-Mégantic, M. le Président. Alors, après vérification, M. le Président, suite à la question donc qui m'a été soulevée, évidemment il y a des avis qui n'ont pas été publiés. Alors, je tiens à rassurer le leader, puisqu'il a posé la question: Il n'y aura pas d'étude détaillée qui se fera tant que les avis n'auront pas été faits, pour s'assurer que le population a bien été renseignée.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(11 h 10)

M. Paradis: M. le Président, ce n'était pas le sens de la question. Je pense que le leader aurait avantage à peut-être vérifier auprès de l'ancien leader. Lorsque ces situations se présentent en fin de session – à chaque session finalement ces incidents se produisent – ce que l'on demande comme opposition et ce que le gouvernement agrée habituellement, c'est qu'à partir du moment où le contenu du projet de loi a été porté à l'attention de la population, bien que ce ne soit pas suivant les prescriptions de notre règlement, les parlementaires sont satisfaits qu'on ne joue pas dans le dos du monde. Et ce que la députée de Mégantic-Compton m'a indiqué, c'est qu'il y avait eu des annonces de parues dans les quotidiens qui circulent dans le milieu et, à partir du moment où la population a été avertie et qu'elle a la possibilité de se manifester, vous avez notre consentement pour procéder.

M. Bélanger: M. le Président, je suis rassuré. Moi, je voulais, tout simplement, répondre aux préoccupations du leader de l'opposition. Quant à moi, je n'avais même pas soulevé la question à l'effet de la non-conformité. Donc, j'étais d'accord, mais j'avais interprété les réactions du leader de l'opposition comme quoi il voulait vraiment s'assurer que tous les avis allaient être faits avant l'étude détaillée. Alors, puisqu'il me dit que finalement il n'y a pas de problème, eh bien, d'accord, je prends acte, M. le Président, à ce moment-là, de l'intervention du leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il ne m'appartient pas d'indiquer au leader du gouvernement comment procéder, mais c'est sa responsabilité comme leader du gouvernement de s'assurer que la population a été avisée comme telle. Un des moyens de le faire, c'est parfois par nos échanges à l'Assemblée nationale comme tels. Je le remercie de sa collaboration, mais, la prochaine fois, j'apprécierais qu'il fasse son travail avant plutôt qu'après.

Le Président: Très bien. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'aimerais demander au leader du gouvernement si son gouvernement a l'intention de déposer le projet de loi n° 233, projet de loi privé concernant la ville de Repentigny. Il s'agit ici d'un remboursement important d'un montant de taxes aux citoyens, et on ne le retrouve pas actuellement au feuilleton. Parce que, nous, on serait prêts à accorder notre collaboration la plus étroite pour que ça puisse s'adopter le plus rapidement possible.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Relativement à ce genre de projets de loi, normalement, c'est le ministre des Affaires municipales qui nous prévient quand finalement on est prêt pour qu'un tel projet de loi soit déposé. Le ministre des Affaires municipales me fait part que, probablement, on va être prêt. Alors, je prends acte de la collaboration de l'opposition et, dès qu'il sera prêt, nous pourrons le déposer à ce moment-là.

Mme Delisle: Est-ce que vous me permettez, M. le Président, une question additionnelle? Est-ce qu'on parle de cette session-ci, là? Pour la session qui se termine?

M. Bélanger: M. le Président, si je me fie aux indications que me donne le ministre des Affaires municipales, tout en vous rappelant encore que, normalement, cette période porte sur des choses inscrites au feuilleton, quand même, dans un esprit de collaboration qui nous anime, oui, nous allons faire l'impossible afin qu'il puisse être déposé à cette session.

M. Paradis: Est-ce que le leader pourrait profiter de l'occasion pour s'assurer que le minimum, sinon le maximum de mesures de publicité sont prises pour que la population – parce que ça va se faire en période de fin de session – soit quand même avisée? En suivant les normes si c'est possible, mais en obtenant l'objectif, si ce n'est pas possible.

M. Bélanger: Comme c'est toujours fait, M. le Président.


Avis de sanction

Le Président: Très bien. De mon côté, je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur aujourd'hui, à 11 h 30.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 21 de notre feuilleton et je dois vous déposer une motion sur cet article.


Projet de loi n° 92


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Alors, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et du territoire sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Il y a des interventions? Mme la leader adjointe du gouvernement.


Motion d'amendement aux références contenues dans le projet de loi

Mme Caron: Oui. Une motion, M. le Président:

«Procéder à l'ajustement des références contenues dans les articles du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, le 1er mai 1997, de la mise à jour au 1er mars 1996 de l'édition sur feuilles mobiles des Lois refondues du Québec, décret 568-97 du 30 avril 1997.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, d'abord, pour présenter la motion? Je m'excuse, mais est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de la motion de Mme la leader adjointe du gouvernement sur le projet de loi n° 92?

Une voix: Oui.


Mise aux voix

Le Président: Alors, il y a consentement. Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Alors, M. le ministre d'État à la Métropole.


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport amendé


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, c'est quand même pour moi un assez grand plaisir que de voir ce projet de la Commission de développement de la métropole avancer. Et, avant de parler des améliorations qui ont été apportées au projet de loi à la suite des consultations qui ont été tenues et particulièrement à la suite de l'étude détaillée du projet de loi qui a été faite récemment, j'aimerais que l'on comprenne bien la situation dans laquelle nous sommes. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que quelque chose de particulier doit être fait pour Montréal et pour la métropole. Ce que le ministère fait dans son ensemble... Je rappelle que les actions les plus importantes du ministère – je l'ai toujours reconnu – sont les actions à caractère économique, mais du côté des structures aussi il y a beaucoup de choses à faire.

Alors, là, je pense que les gens doivent commencer à réaliser que, au fond, il y a deux méthodes: il y a la méthode ontarienne et il y a la méthode que nous essayons au Québec, qui est une méthode de consensus. Dans l'état où je suis arrivé dans les dossiers, j'avoue que j'avais beaucoup d'hésitation à prendre la méthode ontarienne, même si je sais qu'en la prenant les politiciens auraient pu jouir d'une grande notoriété et probablement d'une grande popularité. D'abord, j'ai mes doutes – et je pense qu'ils sont partagés – sur le fait que plus un gouvernement est gros, moins il coûte cher puis mieux c'est. Ça semble être l'opinion actuellement partagée en Ontario. Je crois qu'il faut trouver, surtout au niveau municipal, le niveau de gouvernement qui est le plus apte à prendre les meilleures décisions pour les citoyens. D'abord, je pense aussi qu'avec des structures qui seraient appliquées de façon consensuelle, qui seraient acceptées de façon consensuelle, les gens qui les occupent risquent de travailler mieux ensemble que si elles sont imposées d'en haut.

Je pense effectivement qu'au niveau municipal, c'est un niveau où il est important que les citoyens aient encore la capacité d'avoir, je dirais, un contact direct avec leurs élus pour influencer les décisions qui sont prises à leur égard particulier, qui ne sont pas des décisions, si vous voulez, qui influencent l'ensemble de la société, comme nous en prenons, par exemple, lorsque l'on prépare un budget, lorsqu'on organise le système de santé, lorsque l'on prévoit un système de sécurité du revenu ou le système d'éducation, et ainsi de suite. C'est le niveau qui doit être le plus près des citoyens. À ce moment-là, j'ai hâte de voir ce que ça va donner une ville de 2 200 000, à Toronto. On verra bien pour l'expérience.

À partir de ce moment-là, il est nécessaire de concilier des points de vue carrément opposés: des gens qui, à cause de leur situation, estiment qu'ils ont trop fourni, qu'ils doivent encore trop fournir par leurs taxes à la vie économique de la grande métropole, ce qui fait la richesse non seulement de leurs électeurs, mais aussi des électeurs voisins; d'autres qui, réalisant – et, très souvent, par leur initiative – la croissance économique aussi de la métropole, ont peur que l'on profite de cette croissance pour détourner de chez eux par la taxation des argents qui viendraient au secours d'administrations que, eux, estiment inefficaces et qui sont plus vieilles.

Il fallait trouver un juste milieu entre des positions vraiment contradictoires. À ce moment-là, il est inévitable que les solutions que nous retenions soient critiquées par certains, parfois d'un côté, parfois de l'autre. La position que doit chercher un ministre de toute la métropole, non pas uniquement de l'une de ses parties, même si c'était la plus grande, c'est une position d'équilibre et, par conséquent, certains virages plus ou moins prononcés sont nécessaires pour garder cet équilibre. Ces remarques pourraient m'être inspirées par mon expérience agréable de président du Tour de l'île de Montréal. Justement, si une bicyclette se tient en équilibre, c'est parce que, au moment où elle part, on doit faire des virages importants et, quand on a pris notre vitesse de croisière, on peut s'orienter dans une direction, mais en corrigeant continuellement le tir. C'est ce que nous inspire aussi, plus sérieusement, la méthode consensuelle.

(11 h 20)

Nous avons donc tenu de nombreuses consultations, beaucoup de rencontres privées. Beaucoup de mémoires ont été reçus. Nous avons tenu un grand forum de consultation, l'automne dernier; nous avons tenu des auditions publiques, des consultations particulières lors de la commission parlementaire de mars dernier. Nous avons fait une étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire la semaine dernière.

J'ai voulu, quant à moi, appliquer l'esprit de nos règles qui est que, si parfois les débats, qui m'apparaissent encore parfois un peu artificiels en cette Chambre, sont trop liés par les lignes de parti, les députés jouissent d'une grande liberté dans mon parti politique lors de ces audiences et qu'ils y jouent, par conséquent, un rôle important car on doit rappeler que l'Exécutif n'est pas le législateur, même s'il faut, d'abord, être élu comme député, c'est-à-dire comme législateur, avant de devenir ministre, c'est-à-dire membre de l'Exécutif. L'Exécutif ne doit pas écraser le législateur, et j'ai laissé beaucoup de liberté et beaucoup d'initiative aux députés de mon parti. J'en ai récolté une remarquable participation et aussi une attention. Et je pense que, ça, les gens qui sont venus devant la commission l'ont remarqué. Je crois qu'il n'y a pas un seul point de vue légitime, même s'ils sont parfois contradictoires, qui n'a pas reçu une expression ou une oreille favorable à l'intérieur des membres de notre parti à la commission parlementaire.

Je dois dire aussi que cela a entraîné, je crois, une attitude d'égale collaboration avec l'opposition et j'aimerais parfois que les débats de ces commissions parlementaires, où les députés travaillent vraiment ensemble pour comprendre les exigences de la population et améliorer un projet de loi qui, nécessairement, lorsqu'il commence, n'est pas parfait, j'aimerais que ces débats soient plus diffusés peut-être que les débats artificiels – ha, ha, ha! – je trouve, que nous avons parfois ici. C'est pourquoi mes remerciements vont autant aux députés de l'opposition qu'aux députés de mon parti.

Mais tout le monde s'entend sur un certain nombre de choses. Après 30 ans d'études, de rapports et de débats, nous devons avoir la détermination de passer à l'action et de rattraper le temps perdu. La Commission, nous l'avons constaté, est un aboutissement attendu et incontournable après un long processus d'attente et des débats sans fin. C'est un outil nécessaire pour rassembler les décideurs de la métropole et pour créer entre eux cette cohésion absolument indispensable afin que les intérêts de la métropole à l'étranger soient bien défendus par une voix cohérente, par une voix uniforme, et qu'on mette fin à ces multiples expressions où ville Saint-Laurent va se vanter qu'elle fait partie de Montréal, mais que c'est à ville Saint-Laurent que c'est mieux, en compétition avec Laval ou en compétition avec Boucherville, alors que, quelle que soit la ville qui obtiendrait un investissement étranger, eh bien, l'on sait, puisque les Montréalais circulent facilement à travers les frontières municipales – la plupart du temps d'ailleurs sans même s'apercevoir qu'ils les traversent – que, chaque fois qu'une activité économique, qu'un investissement est fait n'importe où sur le territoire de la métropole, cela est à l'avantage de l'ensemble de la métropole. Donc, afin que les intérêts de la métropole à l'étranger soient bien défendus et afin que des décisions cruciales pour le développement de la métropole soient prises, je pense que l'opposition officielle convient également de la nécessité d'un lieu de coordination à l'échelle métropolitaine.

Notre objectif est donc que la métropole, au fond, reprenne une vigueur économique et une cohésion sociale afin qu'elle occupe une place enviable parmi les grandes métropoles du monde. Nous avons donc présenté plusieurs modifications pour réaliser cet équilibre dont je parlais et nous avons tenu compte de plusieurs avis reçus qui améliorent le projet de loi. Mais il faut bien comprendre que je ne peux diminuer le projet de loi qui doit réaliser une commission où l'ensemble des acteurs, même s'ils ne sont pas entièrement satisfaits de ce que devrait être la Commission, reconnaissent quand même qu'il y a là un dénominateur commun à partir duquel ils pourront travailler ensemble et développer autre chose, si c'est ce qu'ils découvrent qui est nécessaire.

Alors, il n'y a pas nécessairement consensus sur l'ensemble du projet de loi, cela va de soi à cause des positions contradictoires que nous avons. Il faut donc tenir compte de l'avis de la très grande majorité qui veut, par contre, que nous allions de l'avant. Il faut donc conserver à la Commission ce qui fait sa force et son originalité: d'abord, son caractère évolutif; ensuite, nous lui donnons des compétences stratégiques en transport, en développement économique et en aménagement du territoire. Nous lui permettons de réaliser une planification à l'échelle métropolitaine, mais dans des délais précis. Nous croyons nécessaire qu'elle ait une composition mixte, c'est-à-dire avec des élus et des non-élus, mais où la majorité sont des élus – en fait, la majorité, les deux tiers, sont des élus – une composition mixte donc adaptée à la complexité des décisions et au caractère complémentaire des dossiers métropolitains.

Son originalité aussi, c'est dans la mise en place de mécanismes de collaboration et de partenariat entre la métropole et le gouvernement. Et, en faisant cela, je pense que je réalise un des grands objectifs du ministère de la Métropole, c'est-à-dire d'amener les ministères à avoir une planification particulière pour la métropole plutôt que de présenter une planification globale pour l'ensemble du Québec et de chercher à l'adapter à la métropole.

Parce que la métropole, c'est 47 % de la population du Québec. C'est aussi la plus grande concentration d'activités économiques. C'est, hélas, l'endroit où les problèmes, généralement, naissent les premiers et puis, ensuite, se répercutent dans d'autres villes. Donc, les solutions originales, très souvent, doivent, d'abord, être apportées dans la métropole. Alors, en forçant – ce n'est pas un terme que j'aime, mais, au fond, il m'échappe – en amenant, plutôt, les ministères à planifier avec les élus locaux, parce que c'est comme ça que se réaliseront les planifications dans les trois grandes compétences stratégiques dont je parlais: le transport, le développement économique et l'aménagement du territoire, en amenant donc les ministères du Québec à planifier avec les élus de la métropole, nous amenons inévitablement une nouvelle mentalité à l'intérieur – nous la confortons, je l'ai remarqué, parce qu'elle existait déjà d'une façon embryonnaire et maintenant elle pourra s'exprimer encore davantage – et nous les amenons donc à planifier de façon particulière pour la métropole.

Nous avons donc amélioré le projet de loi avec des amendements qui ont été adoptés en commission parlementaire, et ce, dans le sens des modifications de ceux qui souhaitent un véritable changement et qui fondent de grands espoirs sur le rôle de la Commission. D'abord, nous avons apporté des amendements pour que la reconnaissance soit accrue à l'égard du rôle des élus municipaux. Certains nous ont dit qu'ils sentaient encore trop que le gouvernement gardait la tutelle sur sa Commission: par exemple, en choisissant les vice-présidents. Nous avons trouvé cette critique légitime. Donc, le choix des vice-présidents, maintenant, sera fait par le milieu municipal et par les élus seuls... Non, par le milieu municipal; ils seront choisis par le conseil, mais on devra nécessairement en trouver un du centre, c'est-à-dire de l'île de Montréal, et l'autre des villes qui l'entourent, Laval et couronne nord ainsi que couronne sud.

Le vote des élus municipaux aussi pour l'adoption concernant le cadre d'aménagement métropolitain. On nous fait valoir que – et ça, j'étais d'accord avec ça, de toute façon, au départ – qu'à partir du moment où la Commission prendra des décisions qui ont des effets contraignants sur les finances publiques seuls des élus ont l'imputabilité nécessaire pour prendre ces décisions. Indirectement, l'élaboration d'un cadre d'aménagement aura des conséquences sur l'aménagement, donc éventuellement sur les choix budgétaires. Il n'est donc que normal que le vote final sur le règlement adoptant le cadre d'aménagement métropolitain soit pris par les élus seulement. Nous avons aussi accepté la recommandation de la Conférence des maires de banlieue de Montréal de désigner d'office son président sur le conseil.

(11 h 30)

Nous avons aussi augmenté le pouvoir d'initiative de la Commission. D'abord, quant au cadre d'aménagement, la Commission pourra intervenir auprès du ministre des Affaires municipales pour s'assurer de la concordance entre les schémas d'aménagement et le cadre d'aménagement. Que l'on comprenne, le cadre d'aménagement s'appliquera à l'ensemble de la métropole et les schémas locaux, bien, il y en a autant qu'il y a de MRC, c'est-à-dire de municipalités régionales de comté. Il y en a 11, d'ailleurs, dans le territoire de la Commission, et puis la Communauté urbaine de Montréal.

De même, dans le cas du plan de transport, la Commission pourra réaliser ce plan par des ententes qu'elle pourrait signer avec le ministère des Transports du Québec, l'Agence métropolitaine de transport et toute autre autorité organisatrice de transports, tant privée que publique, afin de mettre en oeuvre des projets ou mesures du plan de transport. Une fois que le plan de transport sera réalisé, sera conçu par la Commission, qui regroupe des élus municipaux et ses autres membres, et le ministère des Transports, nécessairement cela implique des montants importants. Donc, comment les élus... enfin, les élus de la Commission ne peuvent quand même pas – ils n'ont pas l'imputabilité, puisqu'ils ne sont pas élus pour ça – imposer au gouvernement du Québec des dépenses extrêmement importantes, puisque c'est le gouvernement du Québec qui en est responsable devant la population. Alors, comment va-t-il réaliser le plan de transport? Eh bien, justement, s'ils se sont mis ensemble pour le faire, ce sera par des ententes précises et, à ce moment-là, s'ils passent des ententes, bien, déjà là, les montants nécessaires pour la réalisation du plan de transport seront dans ces ententes et c'est ainsi qu'ils réaliseront le plan de transport qu'ils auront conçu. Et ces ententes seront d'autant plus faciles qu'il y aura eu consensus dans la réalisation d'un plan de transport pour l'ensemble de la métropole.

Chose remarquable – et là-dessus je dois rendre hommage à l'ouverture d'esprit de la ville de Montréal qui n'avait jamais accepté de se conformer au schéma d'aménagement révisé de la CUM – mais la ville de Montréal a compris, elle qui est le coeur de la métropole, son coeur historique, mais encore très largement son coeur économique, culturel et celui des grandes manifestations. Et, si elle désire que les municipalités régionales de comté, que les autres municipalités se sentent liées par ce que nous déciderons ensemble, à la Commission, elle doit donner l'exemple et cet exemple, cela doit la lier, elle aussi. Elle a donc accepté, par des amendements qui, lorsqu'on les lit, sont assez difficiles à cause du langage épouvantablement compliqué qu'on est obligé d'utiliser chaque fois que l'on intervient pour modifier la Charte de la ville de Montréal, mais dont le but est de voir à ce que la ville de Montréal soit liée par le schéma d'aménagement de la CUM, ce schéma qui devra être conforme au cadre d'aménagement sur lequel nous nous serons entendus à la Commission de développement.

J'ai eu quelques difficultés avec la gestion des déchets. C'est vrai que c'était mon idée et que ça n'avait pas été suggéré, ça n'avait pas fait vraiment l'objet d'un consensus, mais je trouvais que c'était un problème vraiment métropolitain et que ça deviendra, surtout dans les années futures, un problème métropolitain. Je crois que la génération qui nous suit est déjà, avec raison, beaucoup plus consciente d'une nécessité de prendre des décisions pour protéger l'environnement et que, dans le cadre d'une grande métropole, ces décisions doivent être contraignantes pour l'ensemble des entités qui composent une grande métropole, sinon, tout le monde aura cette tendance de pousser ses déchets à l'extérieur, alors que la tendance qu'il faut encourager, c'est: quand on produit des déchets, il faut s'en occuper, il faut les recycler au maximum, développant ainsi, d'ailleurs, de nouvelles industries. Mais il faut que les factures pour cela soit distribuées de façon équitable.

J'aurais voulu... et c'est pourquoi je pensais que, à la Commission, en plus on devait préparer un plan de gestion des déchets commun. Je m'aperçois que les délais imposés sont courts, que, de toute façon, le ministère de l'Environnement est en train de développer sa politique des déchets, qu'il y a déjà sur l'île de Montréal une régie qui, après des difficultés... d'abord, elle fonctionnait bien, mais, finalement, la ville de Montréal s'est jointe à cette régie, de sorte qu'elle regroupe... que, dans les couronnes, il y a plusieurs initiatives louables de recyclage, et je ne voulais donc pas briser ces initiatives.

Enfin, j'ai été convaincu par les représentations qui m'ont été faites que nous serions mieux, à la Commission, de voir le problème de la gestion des déchets dans sa globalité, avec les autres aspects de l'environnement. Mais je ne crois pas qu'il aurait été possible de réaliser, dans des délais aussi courts que pour le plan de transport, le cadre d'aménagement et le développement économique, un véritable plan de gestion des déchets qui serait global. Nous avons donc créé plutôt l'obligation pour la Commission de formuler au gouvernement ses recommandations sur la qualité de l'environnement dans sa globalité, en incluant notamment la gestion des déchets, mais aussi la gestion de la qualité de l'air et de l'eau. Je crois que cela peut être réalisé dans des délais assez courts. Dans ce contexte, le champ de compétence concernant la gestion des déchets est donc retiré dans l'attente des recommandations de la Commission portant sur l'environnement.

De plus, encore là à la suggestion de bien des intervenants venant tant du milieu des élus municipaux que des autres organismes socioéconomiques qui participent au développement de la métropole, nous allons obliger la Commission à tenir des consultations publiques sur au moins deux sujets: des consultations publiques sur le cadre d'aménagement et sur le plan de transport. La Commission est un organisme public, il est donc important qu'elle ne s'écarte pas des besoins réels et des attentes que la population pourrait exprimer au cours de pareilles audiences publiques. Remarquez que, dans les autres cas, elle pourra tenir des consultations publiques, mais elle aura maintenant l'obligation de le faire dans le cas de l'élaboration de son cadre d'aménagement et de son plan de transport.

Nous avons retenu aussi les représentations du milieu agricole, conscients que dans cette métropole... D'ailleurs, quand des visiteurs étrangers viennent ici, l'une des premières choses qu'ils remarquent de notre métropole, ce sont les espaces verts, bien, avec raison, parce qu'il y a encore 54 % du territoire de la métropole qui est zoné zone verte, c'est-à-dire qui voué uniquement à l'agriculture. De plus, c'est sur le territoire de la métropole que nous avons une des industries agroalimentaires les plus prospères en Amérique. Et, je pense que les Montréalais l'oublient peut-être parfois, nous jouissons d'ailleurs d'une qualité dans le domaine de la nourriture qui est absolument remarquable et qui doit être maintenue, à cause de la qualité du goût généralement des Québécois. Mais l'industrie a su répondre à ces goûts et c'est d'ailleurs l'une des industries les plus importantes sur le plan de l'emploi. Mais, à cause justement de cette importance du secteur agricole sur le territoire de la métropole, nous allons voir à ce que, parmi les représentants socioéconomiques, il y ait un représentant du milieu agricole qui siège sur la Commission. Alors, la loi nous fera donc l'obligation de consulter ce secteur, mais je prends l'engagement personnel de voir à ce qu'il y ait un représentant qui soit choisi venant du milieu agricole.

Ensuite, les autres amendements viennent renforcer la cohérence des actions gouvernementales. Donc, afin de s'inscrire dans la démarche gouvernementale de réflexion sur l'organisation territoriale prévue dans la nouvelle politique de soutien au développement local régional, ce qu'on a appelé le fameux livre blanc sur la régionalisation, la Commission devra formuler au gouvernement ses recommandations sur les structures gouvernementales et régionales au plus tard le 31 mars 1998. C'est un délai très court pour la tâche à accomplir, mais qui doit demeurer court à cause de l'urgence. Tout le monde le reconnaît, il y a trop de structures sur le territoire de la métropole.

(11 h 40)

La Commission sera le lieu où nous allons pouvoir simplifier ces structures. Ce sera le lieu ou la seule structure où les gens viennent collaborer ensemble sur des problèmes vraiment métropolitains. Et c'est pourquoi c'est une des tâches les plus importantes, les plus exigeantes et les plus urgentes à laquelle elle devra s'attaquer, formuler au gouvernement ses recommandations non seulement sur les structures dans la région, mais même sur les structures gouvernementales, donc sur les structures gouvernementales et régionales, et cela, au plus tard le 31 mars 1998.

Aussi, pour assurer cette cohérence dans les MRC dont le territoire est limitrophe – celles qui entourent la métropole – à celui de la Commission, la cohérence avec les orientations gouvernementales en matière d'aménagement à l'égard de la métropole sera assurée par le ministère des Affaires municipales. Je crois que cela peut sécuriser les MRC qui acceptent qu'elles sont une partie intégrante, vivante, qui participe au développement d'un ensemble – qui est la métropole – et qui acceptent de s'imposer certaines règles, d'être rassurées que, les MRC qui sont juste de l'autre côté de la frontière, leurs politiques, leur aménagement devront être cohérents avec ce qui sera décidé sur le territoire de la métropole. Ça ne veut pas dire que ce sera la même chose, mais ça veut dire que nous serons très attentifs à ce que l'étalement urbain ne saute pas une troisième couronne. Il a sauté une couronne en dehors de la ville de Montréal, une couronne après ça à Laval, une couronne sur la Rive-Nord et qui saute toujours, comme ça s'est fait dans trop d'endroits, jusqu'à temps que la métropole soit tellement éclatée qu'elle perde sa force grâce à sa concentration.

Afin aussi d'assurer la cohérence des actions des différents partenaires et de reconnaître l'importance du cadre d'aménagement dans les choix d'aménagement à l'échelle métropolitaine, la Commission de protection du territoire agricole aura le pouvoir de différer une décision jusqu'à ce que le cadre d'aménagement soit adopté. La Commission de protection du territoire agricole du Québec pourra ainsi agir lorsqu'une demande de dézonage sera susceptible de mettre en cause le processus d'élaboration du cadre d'aménagement métropolitain. Ce que ça veut dire en clair, c'est que, lorsque nous serons en train de planifier un cadre d'aménagement et qu'il semble qu'un consensus se fait pour la protection de certaines régions, bien, on coupe la course à ceux qui voudraient changer, n'est-ce pas, ou profiter de la vocation actuelle qui risque d'être changée par le cadre d'aménagement. Ce pouvoir avait été donné déjà à la Commission de protection du territoire agricole lorsqu'elle avait été créée.

En conclusion, M. le Président, je vous dirais que tout le monde reconnaît que c'est le temps de passer à l'action parce que l'avenir de la métropole en dépend. Ce projet marque le début d'une étape qui sera cruciale dans l'évolution de la métropole. C'est la clé qui permettra à toutes ses composantes de contribuer pleinement et avec cohérence à sa croissance. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, d'entrée de jeu de cette prise en considération du rapport de la commission de l'aménagement du territoire relative au projet de loi n° 92, je veux affirmer, comme le disait d'ailleurs le ministre de la Métropole, que nous ne sommes pas contre une table réunissant les ensembles des intervenants pour discuter des choses métropolitaines. À preuve, cette méthode ou ce fonctionnement se retrouve, un, dans le programme de notre parti. Mais mieux que ça, c'est que, durant le dernier mandat où nous étions au pouvoir, il y avait une instance qui existait et qui était issue de la Table des préfets et maires, qui avait été transformée, un peu sur l'influence du rapport Pichette, quoique le ministre des Affaires municipales à l'époque, M. Ryan, ne croyait pas, après étude, à une grande structure lourde. Alors, ce qu'il avait fait, c'est qu'il avait transformé la Table des préfets et maires en une Table des préfets et maires de la région métropolitaine, une TPMM, il avait augmenté les représentants pour qu'ils soient proportionnels – contrairement à ce que mon collègue disait la semaine dernière, en disant: Oui, mais Montréal était sous-représentée, elle avait un vote. Pas dans la TPMM – et il avait commencé à travailler avec les élus, d'abord de façon très suivie en leur donnant un rendez-vous systématique à tous les deux ou trois mois, avec un échéancier aussi par rapport à certains projets que ceux-ci devaient regarder et sur lesquels se prononcer. Voilà le fonctionnement que nous avions.

Nous avions aussi, et je le répète, un fonctionnement où il y avait une table réunissant aussi l'ensemble des ministres concernés pour voir au développement de la métropole. Donc, un fonctionnement qui était extrêmement léger et qui ne nécessitait pas les millions que l'on voit présentement appliqués à un fonctionnement soit du ministère de la Métropole ou encore de cette future Commission de développement. D'ailleurs, Le Soleil disait hier ou avant-hier qu'on devrait revenir au Conseil permanent des ministres de la métropole et abolir tout simplement le ministère de la Métropole. Alors, ce que ça veut dire, c'est que, quand on dit qu'on veut abolir l'ensemble des structures, on est d'accord. On est plus que d'accord. On sait que la région métropolitaine est la région la plus structurée au Québec. Alors, quand on exprime l'intention d'abolir les structures, tout de go le gouvernement a non seulement notre consentement, mais aussi notre appui, excepté que ce n'est pas en créant d'autres structures coûteuses qu'on va résoudre le problème d'un ensemble de structures qui régissent le grand territoire métropolitain et qui se devraient d'être simplifiées.

Cela dit, M. le Président, au niveau de la Commission de développement de la métropole, il faut souligner et, je dois le dire, aussi déplorer le fait que nous avons pris conscience de 60 amendements la veille. Je comprends que ces amendements-là ont été insérés dans le projet de loi suite aux grandes consultations que nous avons eues. On verra de toute façon la qualité des amendements au fur et à mesure qu'on les déclinera, excepté que 60 amendements la veille, avant renumérotation, sur 110 articles, pour moi, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas sérieux parce que, par respect pour le processus parlementaire, il faut quand même laisser le temps aux gens de pouvoir les étudier, de les analyser, en fonction de questions pertinentes. Parce que vous savez comme moi, M. le Président, que, quand on dépose un projet de loi, quand on l'adopte, c'est le gouvernement qui va le faire adopter, il faut vivre avec. Et c'est très rare, quand un organisme est créé par loi, il est difficile, très difficile ensuite de l'abolir. On le voit d'ailleurs par le ministère de la Métropole.

Cela dit, je pense que le travail... j'ai été inconfortable, je dois le dire, j'ai été inconfortable par rapport au travail que nous avons dû mener et j'espère que, dans l'avenir, ça ne se présentera plus. Il faut se rappeler, M. le Président, que le projet de loi n° 92 a été déposé le 19 décembre 1996. Par la suite, nous avons procédé à des consultations particulières en février 1997 et nous nous sommes retrouvés, à la veille de l'étude article par article, soit le 4 juin dernier, avec cette série importante d'amendements. Malheureusement, M. le Président, dans la plupart des cas... pas dans tous les cas par exemple, il y a eu des amendements qui sont positifs et nous allons le noter. Mais, dans la plupart des cas, les amendements qui ont été apportés sont des amendements, à notre avis, cosmétiques, qui, au-delà de certains ajustements, n'augmentent pas le mordant de cette nouvelle structure. D'ailleurs, les amendements apportés ne semblent pas avoir satisfait ni ceux qui sont en faveur d'une commission décisionnelle ni ceux qui sont en faveur d'une structure consultative, parce que c'est là le débat, M. le Président, au niveau de la métropole.

Nous pouvons sans nous tromper continuer d'affirmer, sans reprendre l'historique de la dernière année, que, du premier rendez-vous métropolitain, en passant par le forum de consultation de 1996, aux consultations particulières de février dernier et à l'étude article par article de la semaine dernière, le ministre d'État à la Métropole n'a pas changé d'idée d'un iota. Et, M. le Président, comme il nous l'expliquait en septembre dernier, ce qui recueille l'adhésion du ministre et du gouvernement, c'est une commission consultative, mais peut-être décisionnelle dans le temps, qui n'empiéterait pas sur les plates-bandes des structures en place et n'interviendrait que dans les dossiers où un certain consensus existe déjà. Alors, on part avec ça, M. le Président.

Selon le ministre, les modifications apportées visent à répondre, entre autres, aux objectifs suivants: une reconnaissance accrue des élus municipaux; les deux vice-présidents de la Commission seront issus du milieu municipal et choisis par tous les membres; un projet de cadre d'aménagement sera adopté par la Commission puis soumis à la consultation publique; par la suite, le cadre d'aménagement sera adopté par la Commission, par règlement, par les seuls membres issus du milieu municipal. Le président de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal détiendra un siège d'office au sein de la Commission.

(11 h 50)

Tout d'abord, mentionnons que la volonté des élus municipaux était de mettre en place une commission décisionnelle et qu'à ce titre les représentants socioéconomiques auraient eu à jouer un rôle différent de celui proposé par le projet de loi. Je dois dire, M. le Président, que, quand on parle de l'ensemble des élus municipaux, on parle aussi principalement des élus de l'île de Montréal, d'une part, et aussi d'un membre de la Rive-Sud, c'est-à-dire le maire de Longueuil. Autrement dit, au niveau de la représentativité par rapport au poids de la population, si on calcule que le maire de Montréal a été élu par 400 000 personnes et représente presque 1 000 000 de personnes, si on calcule que, dans l'ensemble de la région de Montréal, il y a un énorme bassin incluant Longueuil, donc, par représentativité au niveau de l'ensemble de la population, le poids démographique, on demandait une commission décisionnelle.

Mais on doit avouer que ça n'a pas fait le consensus. Laval veut avoir un club social – c'est clair, là – le moins décisionnel possible, le plus consultatif possible, et, de toute façon, comme le maire Vaillancourt l'a si bien dit, avec les négociations qui sont en cours présentement avec le ministre des Affaires municipales, Laval dit que la Commission va passer au second plan et au second rang. Ça, c'est Laval. Il y a une partie de la Montérégie, par contre, qui tient à avoir aussi, pour l'instant, une commission consultative.

Rien, d'ailleurs, n'a été changé à cet égard, si ce n'est d'assurer une plus grande place aux élus municipaux sur le comité exécutif de la Commission. Si on revient au comité exécutif et à la méthode de gestion de cette Commission, ceci m'amène à souligner la disproportion, aussi, que nous devons constater en regard du poids démographique et économique au sein de cette Commission, Montréal, entre autres. Le ministre, à ce sujet, nous a indiqué que 39 personnes, c'était déjà un maximum pour que la Commission se tienne et que, dans ces circonstances, il ne pouvait modifier quoi que ce soit. Par ailleurs, à titre d'exemple, le poids relatif – je le disais tantôt – de la ville de Montréal au sein du conseil d'administration de la Commission et de son comité exécutif ne lui réserve pas une place de choix, encore une fois, par rapport à son poids démographique et aussi par rapport à son poids économique. Il en va de même du rôle joué par les couronnes nord et sud qui devront se partager le poste de vice-président disponible.

Pourquoi ne pas avoir élargi le comité exécutif, sachant que c'est à cet endroit que se prendront la plupart des décisions? D'abord, on sait que le comité exécutif, c'est lui qui se réunit de façon plus régulière que l'ensemble, la totalité des membres du conseil de la Commission. D'autre part, comme le ministre tient à accorder une place importante aux représentants socioéconomiques, pourquoi alors leur avoir retiré ce poste de vice-président? Cet amendement ne provient d'aucune demande répétée lors des consultations particulières.

Finalement, à ce sujet, la promesse répétée du premier ministre d'accorder des postes de vice-président à un francophone et à un anglophone semble s'être totalement dissipée. En contrepartie, le ministre d'État à la Métropole a tenu à nous spécifier qu'il avait l'intention de nommer quelqu'un de chaque CRD, d'équilibrer les hommes et les femmes, de considérer l'âge, les différents milieux et les qualités personnelles des individus. Ces précisions non incluses dans le projet de loi devront se limiter aux représentants socioéconomiques, considérant qu'il n'y aura pas d'autres choix à faire en regard des élus.

En ce qui a trait au poste d'office reconnu au président de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, cet amendement ne me semble pas suffisant, car la Conférence des maires de la banlieue continue d'exiger une commission décisionnelle et demande de surseoir à l'adoption du projet de loi tant que les négociations avec le ministre des Affaires municipales au sujet du pelletage de 500 000 000 $ ne seront pas complétées.

Contrairement à ce que disait le ministre hier en Chambre: Ce que l'opposition veut, c'est que l'on sursoie au projet de loi; ce n'est pas l'opposition qui veut ça, là. On s'entend? Quand l'opposition parle, c'est parce que l'opposition a reçu des téléphones. L'opposition n'a pas besoin de prendre le téléphone puis d'appeler, l'opposition les reçoit, les téléphones. Et l'opposition, c'est aussi son rôle de représenter, tel que les élus du gouvernement, les intervenants de la région qu'elle défend. Alors, quand on demande de surseoir, c'est parce qu'il y a eu une demande de l'extérieur. On n'y va pas de notre propre initiative, M. le Président. C'est clair que cette demande-là, d'ailleurs, a été acheminée officiellement vendredi dernier dans une conférence de presse au ministre d'État à la Métropole.

Quant au cadre d'aménagement, je dois admettre, et avec plaisir je le fais, que les amendements de dernière minute présentés vendredi dernier en regard de la conformité du plan d'urbanisme de la ville de Montréal avec le schéma d'aménagement de la communauté urbaine sont un pas en avant qui mérite d'être souligné. À cela s'ajoute le principe d'imputabilité qui s'exprimera lors de l'adoption par règlement du cadre d'aménagement. Ça, M. le Président, dans l'ensemble, c'est un pas en avant, donc un amendement positif.

Rôle plus actif pour la Commission. À ce titre-là, le ministre a par ailleurs tenté de nous laisser croire que la Commission jouera un rôle plus actif. Les schémas d'aménagement devront être harmonisés avec le cadre d'aménagement métropolitain. Si la Commission est d'avis que les schémas révisés ne respectent pas son cadre d'aménagement, elle s'adressera au ministère des Affaires municipales qui aura le pouvoir d'assurer la concordance. La Commission pourra signer des ententes avec le ministère des Transports, l'Agence métropolitaine de transport, une municipalité ou une autorité organisatrice de transport pour assurer la mise en oeuvre du plan intégré de transport adopté par la Commission.

Le premier élément nous permet de rappeler qu'à chaque décision prise par la Commission il y a aussi la volonté du gouvernement d'en disposer à sa guise. La grande lacune d'ailleurs de ce projet de loi, à notre avis, est de limiter la Commission à sa fonction de recommandation. Dans le cas de l'aménagement, par exemple, les grandes orientations gouvernementales auront toujours préséance sur les volontés de la Commission, même si c'est elle qui devrait être experte à gérer son territoire, la Commission ayant aussi pour président le ministre d'État à la Métropole.

Quant à la mise en oeuvre du plan intégré de transport et la possibilité de signer des ententes, ces amendements démontrent la multiplicité des acteurs qui jouent des rôles similaires sur le territoire. En cette matière, c'est toujours le ministère des Transports qui définira les grandes orientations et c'est lui aussi qui détient les fonds.

Par ailleurs, l'Agence métropolitaine de transport, qui ne relève pas du ministre des Transports mais du ministre d'État à la Métropole, est actuellement en consultation présentement sur son plan stratégique du transport en commun sur 10 ans. Et, au même moment, la future Commission de développement de la métropole aura le mandat de définir un plan intégré des transports, incluant les transports maritime, ferroviaire et aérien, qui ne relèvent pas de sa compétence. Donc, M. le Président, selon nous, ce qui se passe non pas en théorie ou dans nos esprits qui veulent avoir une coordination de façon positive, mais ce qui se passe en réalité sur le terrain, c'est un méli-mélo qui nous confirme qu'il risque d'y avoir trop d'intervenants. À preuve, le ministre d'État à la Métropole, en commission, a constaté qu'il était dommage que l'Agence métropolitaine de transport ait vu le jour avant la Commission de développement de la métropole et que, de toute façon, nous aurons à revoir son mandat éventuellement.

Les recommandations que la Commission devra formuler au gouvernement au niveau de la question de l'environnement devront porter sur la qualité de l'environnement dans sa globalité, en incluant notamment la gestion des déchets, la gestion de la qualité de l'air et de l'eau. Dans ce contexte, le champ de compétence concernant la gestion des déchets, comme le ministre le disait tantôt, a été retiré. À ce sujet, il faut rappeler que la gestion des déchets ne faisait pas partie du consensus exprimé lors du forum de consultation de novembre dernier. Le ministre avait choisi malgré tout de l'ajouter et, comme il dit, il l'a retiré aussi après l'étape de consultations particulières où, là, l'ensemble des intervenants l'avaient plutôt décrié de façon véhémente. Il faut se rappeler, par ailleurs, que les élus de l'île de Montréal représentés au sein de la Régie intermunicipale de gestion des déchets de l'île avaient accueilli favorablement ce champ de compétence, mais les couronnes, particulièrement celle du nord, s'y opposaient farouchement.

À ce sujet, l'article 51 élargit maintenant la portée de la recommandation à la qualité de l'environnement en y ajoutant la double finalité du développement durable et de l'équité fiscale. L'équité fiscale sous-entend la répartition équitable des coûts et, à ce sujet, je suis loin d'être convaincue qu'il y a un large consensus et que cet amendement, tel que formulé, reçoit une adhésion générale. Comme le ministre l'a toujours dit durant tout le temps de la commission, on le verra à l'usage. Il faudra être vigilant afin de s'assurer que ce nouvel article et son objectif d'arriver à des recommandations en 1999 ne deviennent pas un élément de zizanie au sein de la métropole.

(12 heures)

D'autre part, je me permettrai d'ajouter que, compte tenu du fait que le ministre a décidé sans consensus d'ajouter la gestion des déchets à son projet de loi, en décembre dernier, il aurait dû agir de même pour le développement culturel. Indissociablement lié au développement économique et d'une importance majeure pour la métropole, tant par ses activités que par ses infrastructures, il est dommage que la Commission n'en fasse pas l'une de ses priorités, au même titre que le tourisme, M. le Président.

Quant à la participation active du milieu agricole, le milieu agricole s'ajoute aux autres groupes socioéconomiques consultés pour combler les 13 postes qui leur sont dévolus, soit l'entreprise, la main-d'oeuvre, la culture, le communautaire, l'environnement, le transport et le tourisme. Il aurait été souhaitable que le ministre définisse plus précisément dans sa loi le mode de nomination des représentants socioéconomiques et identifie mieux les différentes catégories que je mentionnais précédemment.

Nous aurions souhaité que le ministre donne une place aux dispensateurs de services, soit la Régie régionale de la santé, la commission scolaire, par exemple, de l'île de Montréal qui l'ont demandée. Mais le ministre a préféré nous donner comme réponse qu'il y avait déjà 39 membres plus lui et que c'était suffisant.

Par ailleurs, nous devons constater qu'il n'y a aucune précision quant à la représentation régionale des représentants socioéconomiques. Il aurait été souhaitable que le ministre soit plus clair quant à la sélection du membre de l'organisme sélectionné ou nous indique qu'il s'agit d'un individu plutôt que d'un organisme. Est-ce que ce sera la CSN qui sera choisie et qui désignera quelqu'un ou est-ce que ce sera Arthur Sandborn, par exemple, qui sera choisi personnellement?

Quand on parle des CRD, ce n'est pas une mauvaise idée de dire: On va mettre l'ensemble des présidents des CRD. Mais encore une fois ce n'est que dans la conversation; il n'y a aucune indication de la façon justement dont ces nominations seront faites.

Finalement, nous considérons qu'il était primordial, considérant le mandat de la Commission, d'accorder une place au milieu agricole afin de s'inscrire dans la démarche gouvernementale de réflexion sur l'organisation territoriale prévue dans la nouvelle politique de soutien au développement local et régional, soit le livre blanc.

La Commission devra formuler au gouvernement des recommandations sur les structures gouvernementales et régionales au plus tard le 31 mars 1998. C'est ici, M. le Président, que l'on parle et que l'on revient à notre questionnement sur des actions gouvernementales cohérentes.

Dans les MRC dont le territoire est limitrophe à celui de la Commission, la cohérence avec les orientations gouvernementales en matière d'aménagement à l'égard de la métropole sera assurée par le ministre des Affaires municipales.

La modification concernant le livre blanc sur la régionalisation démontre bien, aussi, le manque de vision commune du gouvernement et la place ambiguë du ministère de la Métropole. À cet égard, il est aussi cocasse de noter que la Commission devra faire ses recommandations au 31 mars 1998, alors que la nouvelle politique, c'est-à-dire le livre blanc, doit entrer en vigueur le 1er avril 1998.

Comment concilier les rôles respectifs de la Commission, des CRD, des futurs CLD et CLE? Comment tenir compte des différents ministres qui contrôlent, avec leur agenda respectif, les orientations de ces diverses instances? D'autre part, comment analyser le rôle du ministre d'État à la Métropole, qui devient le mandataire du ministre responsable du Développement des régions sur les territoires de l'île de Montréal et de Laval?

M. le Président, c'est ici aussi que le bât blesse. Quand nous avons eu une rencontre avec le ministre du Développement régional, c'est-à-dire pas avec lui personnellement mais avec sa sous-ministre et ainsi qu'avec un membre de son cabinet politique, on nous a expliqué très clairement qu'avec la mise sur pied du livre blanc les CRD, dans leur vocation, étaient pour être modifiés et que, évidemment, avec la mise sur pied des CLE, par exemple, et des CLD, le rôle de l'ensemble de ces intervenants-là était pour changer ou, encore une fois, s'adapter les uns aux autres.

Quand on a étudié le projet de loi de la Commission de développement de la métropole... Il est clairement indiqué, dans ce projet de loi, que la Commission aura l'obligation et le mandat d'analyser l'ensemble des structures; pas de les abolir. On sait qu'il y a en a trop, de structures, on n'arrête pas de le dire, et d'un bord et de l'autre. C'est très clair qu'au niveau des Affaires régionales, et on se l'est fait dire quand on a posé la question, il n'est pas question d'abolir les CRD dans la région de Montréal; il n'en est pas question. Il n'est pas question de revoir, par exemple, ou de restructurer, si on veut, pour la région métropolitaine, le mandat des CLD ou encore des CLE ou, bon, au besoin.

Autrement dit, il n'est pas question que la Commission de développement de la métropole se penche là-dessus. Pourquoi? Parce que la responsabilité finale de l'application du livre blanc, donc de l'organisation au niveau du territoire, relève du ministre responsable du Développement des régions et que le ministre de la Métropole n'est que mandataire. Il est finalement, à ce niveau-là, sous tutelle du ministre qui est responsable de l'ensemble de l'application du livre blanc.

Alors, si la Commission de développement n'a pas les mains libres pour regarder et analyser l'ensemble des intervenants sur son territoire, si ça se passe comme ça avec le ministre des affaires régionales, ça va se passer comme ça aussi avec le ministre des Transports et, par contre, avec la ministre de l'Éducation, avec le ministre de la Santé, etc. Pourquoi? Parce que eux ont la responsabilité globale sur le territoire et ils ne peuvent pas se permettre de faire d'exception pour la métropole parce que, à une exception donnée, il va y avoir d'autres régions qui vont demander elles aussi des mesures d'exception. Et ce n'est pas dans l'objectif – et on l'a bien senti, l'ensemble des ministres, M. le Président – qu'il y ait cette réévaluation de l'ensemble des structures qu'eux mettent en place.

Alors, la Commission de développement de la métropole devient par-dessus l'ensemble des structures une autre structure avec le ministère de la Métropole, qui a été créé ces deux dernières années, et qui finalement vont s'ajouter à l'ensemble des intervenants qui vont opérer sur le territoire métropolitain.

Autre chose aussi, M. le Président, c'est au niveau des CRD. On sait que le CRD de Montréal a demandé depuis très longtemps aussi l'augmentation de son fonctionnement. Quand nous avons mis les CRD en place, c'est vrai, on a donné le même budget pour tout le monde. Sachant qu'à Montréal le CRD prendrait beaucoup plus de temps, on s'est dit: Avec l'accumulation des années, finalement, le CRD, quand il va démarrer, va avoir les fonds et on révisera ensuite le partage. Bon, c'est fait, là, M. le Président. Je pense que le CRD de l'île de Montréal, le CRDIM, qui a eu des difficultés, on doit le dire, de démarrage et d'arrimage, fonctionne maintenant, il fonctionne bien. La seule chose, c'est qu'il en a large à couvrir. C'est un CRD qui doit finalement s'attaquer à plusieurs demandes et ne serait-ce que son fonds de fonctionnement... C'est-à-dire que son budget de fonctionnement est de 1 200 000 $ sur l'ensemble du budget de 3 000 000 $ et quelques. Alors, pourquoi? Parce que ça prend du monde pour traiter les demandes, etc. C'est ce qu'ils nous disent.

Alors, le problème qu'on a présentement, c'est que le CRDIM est sous-financé. Tout le temps que le CRDIM était sous la responsabilité du directeur des affaires régionales, celui-ci leur disait: Attendez, on va régler ça. Ce que le ministre des affaires régionales a fait, c'est que, pour dorer la pilule un peu au niveau du ministre de la Métropole, il a fait: Voici, maintenant, je te donne la responsabilité des CRD, l'implantation des CLD et des CLE au niveau de Montréal et de Laval. Moi, je me garde la Montérégie, qu'il a dit. Mais c'est parce que, à Montréal, il y a un problème, le problème existe. Le problème, aussi, c'est que le financement global des CRD, donc le montant total appliqué à l'ensemble des CRD, à distribuer pour l'ensemble des CRD, ça ne relève pas du ministre de la Métropole, ça relève encore une fois du ministre du Développement régional.

Ce que ça veut dire, M. le Président, dans le net net, pour faire une histoire courte, c'est que le CRD de Montréal n'a pas et n'aura pas, si on n'augmente pas son budget, la même indépendance, si on veut, par rapport à ses objectifs et à son fonctionnement que les autres CRD au niveau de la province. Il y a une inéquité là. Pourquoi? Parce que, quand on va parler du Fonds d'aide aux entreprises ou d'autres actions de développement spécifiquement économique... Je ne parle pas, moi, des actions qui sont spécifiquement retenues pour l'aide à la pauvreté, où là ce sont des programmes, et c'est bien balisé; moi, je parle de ce que les CRD doivent faire au niveau du développement économique de la région de Montréal ou, enfin, de l'île de Montréal.

S'ils n'ont pas le budget nécessaire, ils devront aller cogner aux portes du ministre de la Métropole qui, lui, a un fonds qui n'est pas balisé. Le ministre de la Métropole a un fonds, lui, qui n'est pas normé. Alors, celui-ci, oui, peut les aider à sa discrétion et à sa guise, excepté que sa discrétion fait en sorte que le CRD, lui, ne peut pas fonctionner de façon indépendante comme les autres.

À notre avis, ce qui est aussi urgent quand on parle de l'ensemble des intervenants, c'est beaucoup plus de réorienter ou, enfin, de s'assurer de la concordance de l'ensemble des intervenants de la métropole au lieu d'augmenter finalement les structures lourdes par-dessus les structures lourdes. Ça, ça aurait été une belle façon pour le gouvernement, depuis 1994 – je ne dirais pas, non, parce que le problème ne devait pas être en 1994; le problème était plus vers la fin, donc, de l'année 1996 – ou, enfin, fin 1995-1996, de régler le problème, ce que le gouvernement n'a pas fait. Ce n'était pas la faute du ministre de la Métropole, à l'époque, il n'avait pas la responsabilité, mais c'était la faute du ministre du Développement régional, par exemple. Ça, oui!

(12 h 10)

En conclusion, M. le Président, on en arrive à cette fin d'étape. On peut dire aussi que les amendements apportés sont essentiellement, comme on disait, à part celui au niveau du plan d'aménagement, selon nous, cosmétiques. Et il semble, seulement au niveau de l'aménagement du territoire, y avoir là une vraie volonté d'harmonisation et aussi le respect, par rapport à ça aussi, de la sauvegarde du territoire agricole. Comme on le dit, ça, ça a été quand même une bonne mesure, puis il faut donner à César ce qui appartient à César.

Par ailleurs, aucune modification n'a été apportée quant à la nécessité d'assurer une plus grande réponse affirmative des recommandations de la Commission. Il aurait été, selon nous, souhaitable qu'elle soit plus qu'un lieu de rencontres, d'échanges et de réflexion sur les enjeux métropolitains. Bien que le ministre semble prioriser une approche à petits pas, nous considérons, nous, que c'est insuffisant et que la métropole demande beaucoup plus que la mise en place d'une structure qui ne réglera rien à court terme des difficultés rencontrées par des milliers de citoyens et citoyennes de la grande région de Montréal.

Ce qu'on aurait aimé, M. le Président, honnêtement, c'est que, compte tenu qu'il y a présentement d'intenses discussions avec le ministre des Affaires municipales et avec le premier ministre – c'est lui qui a décidé de prendre le flambeau, c'est lui qui a décidé de négocier directement; alors, là, ce n'est même plus dans la cour du ministre des Affaires municipales, c'est dans la cour du premier ministre – et comme ces négociations devront s'achever au mois de septembre, selon l'échéancier, alors, à ce moment-là, M. le Président, il aurait été sage d'attendre. Pourquoi? Parce que les conclusions de ça, si on règle la fiscalité, par exemple, l'équité fiscale au niveau de la métropole, auraient influencé fortement une commission de développement de la métropole, ou une table où on amène tous les intervenants, et peut-être auraient pu donner – ce qu'on voulait, nous autres – plus de mordant à cette Commission.

Alors, M. le Président, voilà l'ensemble de nos remarques. Il y a une chose à laquelle j'aimerais que le ministre nous réponde, si possible. C'est qu'aujourd'hui on s'aperçoit que son ministère, selon son fonds de développement, s'apprêterait, puis c'est peut-être à tort, à donner 2 000 000 $ au niveau du musée du Forum. La seule chose qu'on aimerait savoir et que les intervenants montréalais aimeraient savoir, c'est: Est-ce que c'est vrai? Parce que ça arrive souvent aussi qu'il y a des choses qui sont rapportées et qui ne sont pas vraies, qui sont fausses. Alors, la seule chose qu'on voudrait savoir, c'est: Est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est tout simplement ce qu'on appelle en anglais des voeux souhaités, ou du «wishful thinking», de la part de la ville, entre autres? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. J'ai suivi ce projet de loi avant même que le ministre ne le dépose, au moment où il était tout simplement dans l'air, et suite au dépôt du document de consultation que le ministre a amené dans le milieu. Donc, à cette étape de prise en considération du rapport, M. le Président, je voudrais joindre ma voix à celle de ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys qui a si éloquemment exprimé au nom de l'opposition officielle toutes les remarques et tous les commentaires qu'on avait à faire par rapport à ce qui ne fonctionne pas dans ce projet de loi. Je profite de cette occasion en tant que députée montérégienne, M. le Président, pour réitérer encore une fois, en cette Assemblée, la volonté de la Montérégie de contribuer à la relance de Montréal et à la relance du Grand Montréal.

C'est tellement vrai, M. le Président, que, dès que le premier ministre avait annoncé la création du ministère de la Métropole – on se rappellera, c'était en janvier 1996, avec tambours et trompettes, ça a créé d'énormes attentes – le premier ministre avait dit à ce moment-là: «Montréal et sa région métropolitaine présentent un cas à part. La démographie montréalaise, la complexité de son tissu de villes et de banlieues, son rôle économique et culturel ainsi que l'ampleur des problèmes qui l'assaillent démontrent amplement que le Montréal métropolitain doit être doté d'un levier politique à sa mesure.» C'était le premier ministre du Québec, M. le Président, le 29 janvier 1996.

Cette déclaration et tout le faste qui l'a entourée ont créé dans le milieu beaucoup d'attentes. On a dit: Enfin, il y a une volonté qui s'exprime, le gouvernement va oser. On nous a dit que c'était un gouvernement qui allait oser faire les choses. Et, finalement, M. le Président, tout ce que ce gouvernement-là a fait, c'est qu'il nous a proposé une autre structure, personnalisée par la Commission de développement de la Métropole.

Permettez-moi, M. le Président, de rappeler la démarche qui a été faite en Montérégie pour exprimer la volonté de cette région de contribuer au développement de la métropole, mais d'y contribuer aussi tout en s'assurant que la Montérégie ne serait pas laissée pour compte. Donc, en avril 1996, on a eu déjà une volonté qui s'est exprimée des quatre CRD, de la Montérégie, Laval, Laurentides et Lanaudière, qui ont pris l'initiative, avant même que le projet de loi ne soit déposé et avant même que le document de consultation du ministre ne soit également rendu public, de préparer un document de réflexion qu'ils ont présenté au ministre au mois de juin 1996 pour lui exprimer l'intérêt que le milieu de ces quatre régions administratives autour de Montréal manifeste à l'égard de la métropole.

Le ministre lui-même a déposé son document de consultation à Montréal, le 4 septembre 1996. S'en est suivi des forums. Chez nous, en Montérégie, les gens ont pris les choses au sérieux, ils se sont investis, ils y ont investi temps et argent, parce qu'on a effectivement débloqué des fonds pour organiser des colloques sous-régionaux. On est allé partout dans les cinq sous-régions de la Montérégie pour consulter les partenaires, pour consulter le milieu, sur comment ils voyaient leur participation et leur implication à l'intérieur de cette métropole à laquelle tout le monde croyait. Parce que, sur le principe, nous sommes tous d'accord qu'il faudrait relancer la grande région de Montréal, qui est le coeur du Québec, le coeur dans le sens économique du terme, et qui pourrait aussi, une fois bien relancée économiquement et bien maillée aux autres régions du Québec, bénéficier à l'ensemble des régions du Québec.

Donc, le ministre a déposé son document de consultation. On se rappellera que, dans ce document de consultation, en partant, il y avait trois hypothèses. On parlait d'une commission de développement de la métropole qui serait consultative; deuxième hypothèse, elle serait peut-être décisionnelle; et on a également parlé, comme troisième hypothèse, d'un conseil métropolitain.

Donc, nous, en Montérégie, on s'est approprié ce dossier, on a fait nos devoirs sérieusement. On a dit: Bon, il y a quelque chose là-dedans, on va regarder ça et on va voir comment on peut y participer. On a eu, au mois de novembre, M. le Président, en plus des cinq colloques sous-régionaux dont je vous ai parlé, une consultation, un forum de consultation, qui s'est passé d'ailleurs dans mon comté. Et je vous souligne, M. le Président, que j'étais présente à toutes les étapes, donc j'ai pu être témoin de cette démarche et de ce que le milieu a dit et de ce qu'il voulait. Donc, en novembre 1996, on a eu un forum sur la métropole, qui a réuni les décideurs de l'ensemble de la Montérégie.

Suivit au mois de décembre, le 19 décembre, du fameux projet de loi n° 92. Enfin, on en a vu la couleur. Et qu'est-ce que ce projet de loi nous dit? Essentiellement, il porte sur quatre volets. Il définit: d'abord, le rôle de la Commission; le territoire, il définit le territoire de cette Commission; la composition de son conseil; et également les fonctions que la Commission peut avoir.

(12 h 20)

Alors, si je reprends les quatre volets sur lesquels, d'ailleurs, la Montérégie s'est prononcée par la voix de ses décideurs, qui ont également présenté un mémoire devant la commission de l'aménagement et des équipements, ce que le milieu a dit par rapport à ça, au niveau du rôle de la Commission, on peut lire que le projet de loi a pour objet de créer la Commission de développement de la Métropole dont la mission principale est de soutenir le développement de la région de la Métropole. Là-dessus, les gens étaient d'accord pour soutenir le développement de la métropole, mais pas nécessairement par une nouvelle structure. C'est vraiment le consensus qui s'est dégagé.

Et on a dit: Bien, s'il faut vivre avec une structure, essayons de voir à ce qu'elle soit la plus fonctionnelle possible. Mais la première hypothèse, M. le Président, quant à la pertinence d'une Commission de la métropole, elle a été fortement questionnée. Mais, comme on nous a dit: De toute façon, elle va avoir lieu, vous devez y participer, les gens ont dit: On va prendre notre mal en patience; s'il faut nécessairement vivre avec une nouvelle structure, essayons de la rendre la plus fonctionnelle possible dans l'intérêt du Grand Montréal, mais dans l'intérêt aussi des régions limitrophes, M. le Président.

Le territoire. «La Commission exerce ses fonctions sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal et des 11 municipalités régionales de comté environnantes indiquées en annexe du projet de loi.» Alors, sur ce plan-là, M. le Président, la Société montérégienne de développement, qui a présenté son mémoire devant la commission de l'aménagement et des équipements en mars dernier, a clairement exprimé son opposition au fait qu'on puisse avoir un territoire unique pour la métropole. Plutôt, ils ont proposé une formule très novatrice et très intéressante, celle de territoire à géométrie variable.

Sur la composition aussi, M. le Président, il y a eu des réserves assez sérieuses. Et, puisque vous m'indiquez que finalement le temps passe très vite et qu'il me reste peut-être deux minutes, je vous dirais que la Montérégie a exprimé son intérêt pour le projet de loi. Elle a fait ses devoirs. Mais en même temps elle a amené des propositions extrêmement intéressantes concernant le territoire de la Commission, concernant le fonctionnement également de cette Commission, sa composition aussi. La Montérégie a manifesté l'intérêt d'y être – s'il faut qu'elle soit créée – également représentée.

Mais, au cours de tout ce débat, M. le Président... Le ministre est en poste depuis pratiquement un an et demi maintenant et tout ce qu'il a réussi à obtenir durant cette période-là, c'est la création de son ministère: une structure qui a autour de 8 000 000 $, je crois, de budget, déjà, et 75 fonctionnaires. Mais, dans les faits, qu'est-ce que Montréal a obtenu de tout ce débat, de toutes ces énergies dépensées autour de négociations de structures, M. le Président? Rien et moins que rien. Parce qu'on dépense aussi de l'argent dans toutes ces consultations qui n'ont pas nécessairement abouti à un résultat concret.

Pour nous, en Montérégie, il y a eu entre-temps la déclaration de la ministre responsable de la Montérégie qui a surpris tout le monde autour du débat sur la métropole quand elle a déclaré, en février 1996, que la métropole était une région démesurée et un non-sens. Alors donc, M. le Président, pour toutes ces raisons, les gens en Montérégie estiment qu'ils ont fait leurs devoirs, mais ils sont déçus de voir que le ministre, lui, n'a pas fait les siens et n'a pas réussi à amener un projet qui aurait l'adhésion de tous les partenaires et auquel la Montérégie aurait été très intéressée à participer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il n'y a pas d'autres intervenants? Il y a M. le ministre qui peut profiter d'une intervention d'une durée de cinq minutes.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Rapidement, M. le Président. Puisqu'on m'invite à donner certaines réponses, je voudrais en donner quelques-unes. Je suis heureux d'ailleurs de l'atmosphère dans laquelle nous critiquons. Je comprends parfaitement que l'opposition ait des choix différents sur certaines choses. On est tous dans un même autobus au fond, hein? Vous pouvez parler au chauffeur, lui suggérer des choses, mais c'est important que ce soit lui qui tienne le volant et puis à un moment donné qu'il fasse des choix au fur et à mesure de la route qu'il doit suivre.

J'irai rapidement. Je comprends que la solution préférée de l'opposition – et c'est celle qu'ils ont appliquée avant la création du ministère – c'était la Table des préfets et maires. Mais il faut reconnaître que – et pourtant l'opposition est assez critique là-dessus – la Table des préfets et maires souffrait d'un manque de représentation démographique parce que le maire de Montréal, qui représente 1 000 000 d'habitants, était sur le même pied que le maire de Mirabel, qui en représente 20 000. Il fallait par conséquent établir un certain équilibre entre nécessité de représentation régionale, qui est très importante, mais d'un autre côté aussi nécessité de reconnaître le poids démographique.

Mais, comme le poids démographique du centre contient la majorité absolue – puis je dois dire que j'ai déjà eu les mêmes problèmes quand j'étais bâtonnier du Barreau du Québec, soit dit en passant, parce que la majorité absolue des avocats du Québec est à Montréal – il faut absolument tenir compte, si on veut quelque chose de fonctionnel, dans lequel les gens vont entrer avec confiance, qu'il y ait un rééquilibrage en faveur des régions.

On me dit – bon, je passe rapidement: Pourquoi ne pas avoir élargi le comité exécutif, puisque c'est là que se prendront les décisions? Bien, parce que, dans un comité exécutif, moins il y a de monde, plus c'est efficace. Je ne dis pas qu'il faut descendre à des extrêmes, mais, effectivement, le comité exécutif, si on veut le réunir souvent, si on veut qu'il soit un comité exécutif, il faut qu'il regroupe des joueurs les plus importants de la métropole. Mais l'autre aspect, enfin, la compensation de cela, c'est que le comité exécutif doit soumettre toutes ses décisions à l'approbation du conseil. Donc, il doit nécessairement gouverner selon les consensus qu'il perçoit d'avance du conseil, et, s'il se trompe là-dessus, il risque d'être renversé. Je signalerais que, s'il peut parfois siéger à huis clos... Parce qu'il peut aussi siéger en public, mais, s'il siège à huis clos, les membres du conseil ont le droit d'y assister.

Quant à la promesse d'un vice-président anglophone, évidemment, si le gouvernement les nommait, le gouvernement pourrait s'engager à nommer un vice-président anglophone. J'espère que, maintenant que je donne au conseil la juridiction de nommer les vice-présidents, ils en tiendront compte, puisque l'élément anglophone de la métropole est un élément tellement important. Mais il ne faut pas se rendre ridicule non plus. À un moment donné, on me suggérait de mettre quatre vice-présidents. Sur un comité exécutif de huit, franchement, il y aurait eu un président et quatre vice-présidents. La distinction, ça aurait été d'être simple membre. À un moment donné, le poste de vice-président a son importance et il faut qu'il y en ait peu.

Je ne comprends pas très bien non plus quel est le désir de l'opposition sur le fait qu'il faudrait surseoir à la mise sur pied de la Commission de développement de la métropole. L'opposition commence par nous dire: Bien, ce n'est pas nous; ce sont les téléphones que nous avons reçus et qui ont été rendus officiels au cours d'une conférence de presse. Par contre, quand elle approche de la conclusion, elle me semble favoriser cette solution. Moi, je pense qu'il faut absolument que nous installions la Commission le plus rapidement possible. Voyons donc! Les gens de la métropole sont assez intelligents, sont assez travaillants, les élus sont assez travaillants pour mener plusieurs chantiers de front. Attendre qu'un chantier soit réglé avant d'en régler un autre, ça, c'est la recette pour l'immobilisme. La métropole ne peut pas se permettre ça.

Je passe alors rapidement sur autre chose. Je suis très heureux de la contribution de la députée de La Pinière. J'ai remarqué chez elle une certaine évolution dont je me réjouis. Je remarque – et c'est normal – qu'ayant été élue députée de la Montérégie son coeur semble avoir été emporté par la région dont elle était issue. Et puis je pense qu'elle a réalisé lentement, comme beaucoup de gens, que la Montérégie, une partie de la Montérégie fait aussi partie de la métropole et qu'on peut parfaitement avoir plusieurs allégeances de front. C'est ça, la vie. Donc, je me réjouis.

Enfin, une dernière question que vous m'avez demandée. Si vous me l'aviez posée à la période de questions, j'aurais pu répondre. J'ai donc répondu à la presse. Je vous dis sommairement qu'il n'est pas question que nous mettions 2 000 000 $ dans le musée du Forum. Par contre, nous étions prêts à mettre 2 000 000 $ pour nous assurer que les deux projets, celui du film de Brian de Palma et la réalisation d'un grand complexe cinématographique, pourraient se réaliser tous les deux, parce qu'il y avait des pertes pour le projet cinématographique, le projet de grand complexe cinématographique, les contrats ayant été donnés, et il fallait quelqu'un pour indemniser de ces pertes, sinon on perdait un des deux projets.

(12 h 30)

Le Forum refusait de donner les lieux au film de Brian de Palma pour réaliser son projet ou alors son projet ne se réalisait pas. C'est pour ça. Mais on m'a proposé cette question de musée. Ça a été un non catégorique. Ça doit vivre de ses propres ailes dans la ville du hockey, sinon c'est une expérience qui pourra attendre.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'aménagement du territoire portant sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 22 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 148


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 22, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, il s'agit d'un sujet beaucoup plus court, je crois que nous aurons probablement le temps d'en disposer avant le délai pour dîner. Je vous rappelle donc que le projet de loi n° 148 propose de modifier la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport sur deux aspects distincts de ses activités, les systèmes de vente et de perception des titres de transport et son statut de poursuivante en matière pénale, le statut de la Commission comme poursuivante en matière pénale lorsque ses inspecteurs ont décelé une infraction.

Lors de l'étude article par article par les membres de la commission parlementaire des transports et de l'environnement, certains amendements ont été apportés aux dispositions traitant du système de vente et de perception des types de transport.

Le premier amendement: prévoir une étape de consultation. Le premier amendement touche le nouvel article 21.2 de la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport, édicté par l'article 1 du projet de loi. Cet article donne au gouvernement le pouvoir de mandater l'Agence aux fins de concevoir, d'implanter et d'exploiter un système intégré de vente et de perception des titres de transport dans la métropole.

Nous espérons éventuellement que tous ceux qui fréquentent le système de transport de la métropole, quelle que soit la société qui l'organise, aient une carte à puce qui leur donne un accès facile partout. Donc, la nécessité d'avoir un système, une technologie compatible partout sur le territoire de la métropole. Ce pouvoir s'exercerait en l'absence d'un consensus entre les autorités organisatrices de transport sur un projet commun d'équipement de vente et de perception – ce pouvoir de mandater l'Agence.

Lors des discussions avec la Société de transport de la CUM, une crainte légitime a été exprimée quant au contenu du mandat qui serait confié par décret à l'Agence. La crainte porte sur l'impact de ce mandat sur les activités quotidiennes des opérateurs de réseaux de transport en commun. Un mandat qui ne tiendrait pas compte des réalités de ces opérateurs risquerait de créer des problèmes de mise en place et de fonctionnement du nouveau système de vente et de perception.

Alors, afin de rassurer les opérateurs de réseaux de transport en commun, j'ai proposé d'amender le nouvel article 21.2 afin de prévoir une étape de consultation des autorités organisatrices de transport avant que le gouvernement procède à l'adoption du décret mandatant l'Agence. Cet amendement a été bien accueilli par nos partenaires dans la métropole. Je rappelle, cependant, pour qu'il n'y ait pas de confusion, qu'il n'y aura de décret que s'il n'y a pas de consensus. Tous ceux qui entreront dans un consensus, il n'y aura pas de décret, il y aura un mandat qui aura été librement consenti. Ce n'est que si nous obtenons un consensus, par exemple, de 17 ou 18 autorités organisatrices de transport sur 21 que, à ce moment-là, pour que la technologie soit compatible partout, nous décréterons le mandat qui est donné pour les trois qui n'ont pas participé au consensus.

Le deuxième amendement concerne la suspension de l'entrée en vigueur de l'article 21.2. Le deuxième amendement touche l'article 4, qui prévoit le moment de l'entrée en vigueur de l'ensemble ou de certaines de ces dispositions. Je viens tout juste de vous exposer le contenu du nouvel article 21.2 de la Loi sur L'Agence, édicté par l'article 1 du projet de loi. Le pouvoir de décréter qu'une chose se réalise parce que les premiers intéressés n'arrivent pas à s'entendre est toujours une mesure exceptionnelle que l'on doit utiliser avec précaution. Sa présence peut inciter les gens à s'entendre, comme elle peut les mener dans une attitude de blocage.

Faisant suite aux représentations de la Société de transport de la CUM, j'ai proposé un amendement qui fait en sorte de suspendre l'entrée en vigueur du nouvel article 21.2 édicté par le projet de loi. Alors, il sera voté, mais il ne sera pas mis en vigueur comme le reste de la loi. Les partenaires de la métropole nous ont indiqué que cet amendement est de nature à préserver le climat, je dirais, de collaboration qui s'est développé depuis peu autour d'une entente de principe entre toutes les autorités organisatrices de transport.

Le projet métropolitain d'équipement, de vente et de perception est important pour la métropole, et je souhaite qu'enfin il se réalise. Je rappelle que c'est un projet qui représente plus ou moins 90 000 000 $, lesquels devraient être entièrement couverts par les économies qui seront faites soit parce que la fraude sera rendue plus difficile, soit aussi par les économies dans l'administration du système. Les nombreux autres avantages, aussi, sont évidents. Ils permettra de connaître avec exactitude quelle est la partie du transport en commun que chaque autorité organisatrice de transport a assumée, c'est les passagers, sur quelle distance, et ainsi de suite, grâce, n'est-ce pas, aux avantages de l'informatique.

Mais je préfère évidemment que tout cela se réalise par le consensus de tous les partenaires concernés. Je crois que les amendements retenus par la commission parlementaire favoriseront le climat propice à une entente. Mais, à défaut d'une telle entente, les amendements apporteront plus de réalisme et d'efficacité à la décision gouvernementale mandatant l'Agence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État à la Métropole. Je vais céder la parole maintenant à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. C'est un projet de loi pour lequel nous sommes pour, projet de loi qui vise, je dirais, à améliorer le fonctionnement de l'Agence métropolitaine de transport.

Nous avions quand même quelques réticences au début par rapport à l'article 21, c'est-à-dire par rapport à l'Agence métropolitaine qui, quand on lisait l'article, se prend le droit ou s'arroge le droit au niveau de la vente des titres, par exemple, elle prend le mandat de s'assurer de cette gestion intégrée de perception au niveau du grand territoire, principe avec lequel nous sommes très, très d'accord, mais c'était la façon de faire. Alors, on avait des questionnements là-dessus.

Avec les amendements, 21.1, par exemple, quant au contenu du décret au niveau du mandat que l'on donne à l'Agence, c'est-à-dire quand on spécifie le mandat donné à l'Agence, par rapport aussi à la mise en vigueur, c'est-à-dire à l'amendement qui prévoit une mise en vigueur, mais qui est différente pour effectivement préserver le climat qui existe déjà, ils ont fait un gros bout de chemin là-dessus, les AOT.

Alors, ça satisfait notre questionnement, d'une part. Et, après avoir parlé aux différents intervenants, dont la STCUM... Parce qu'on sait que la STCUM, c'est elle qui a fait le plus grand travail là-dessus, étant la plus grosse commission de transport. Elle gère aussi le métro, entre autres, qui n'existe pas... ou, enfin, un peu sur la rive sud, mais qui est répandu surtout sur son territoire. Elle a établi une certaine expertise là-dedans. Elle a fait beaucoup de travail pour essayer de voir quel système serait le meilleur au niveau d'une perception intégrée dans la grande région de Montréal. Et on avait peur que l'AMT s'approprie un peu, à titre gratuit, ce travail qui a été fait depuis plusieurs années par la STCUM. Il y a eu des conversations, ententes, etc., avec le ministre qui semblent satisfaire autant la Commission de transport de Laval que celle de Montréal. Donc, si ça satisfait l'ensemble des intervenants, ça nous satisfait aussi.

Quant aux autres articles, quand on parle d'avoir le pouvoir, par exemple, de l'AMT de donner des amendes à des contrevenants, je pense que c'est tout à fait normal. Ce sont des correctifs. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on s'est dit que ce projet de loi améliore, si on veut, la portée de l'AMT.

Donc, M. le Président, effectivement, c'est un projet de loi pour lequel nous sommes pour, et il n'y a pas d'autres commentaires à faire là-dessus.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Il n'y a plus d'autres intervenants.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission des transports et de l'environnement portant sur le projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 24 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 107


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 24, M. le ministre des Transports propose l'adoption du projet de loi n° 107, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports. Il n'y a pas d'intervenants.


Mise aux voix

Ce projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

(12 h 40)

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 23 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 96


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 23, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail. M. le ministre du Travail, je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, je prendrai quelques secondes pour rappeler à cette Assemblée que le projet de loi n° 96 propose de modifier la Loi sur les normes du travail, et les membres de l'Assemblée, d'ailleurs, connaissent très bien la portée de ce projet de loi et ils en connaissent également le contenu. Parce qu'essentiellement ça consiste à réduire la durée de la semaine normale de travail de 44 à 40 heures, au cours des quatre prochaines années. C'est ça l'essentiel.

L'objectif ultime du projet de loi, c'est de créer de l'emploi. Pour ce qui est du nombre, je suis fermement convaincu que nous atteindrons nos objectifs malgré le scepticisme de l'opposition officielle. Ils seront même largement dépassés, pour les raisons que j'ai expliquées en cette Chambre, d'ailleurs, il y a deux jours.

Toutes les objections qui ont été faites pour contrer l'adoption de ce projet de loi n'ont jamais réussi à me convaincre que le gouvernement ne devait pas investir de la manière la plus exemplaire pour y arriver, intervenir de la manière la plus opportune dans les circonstances, étant donné que nous avions l'accord du patronat et des syndicats pour le faire.

Même si, à la limite, M. le Président, la nouvelle mesure ne créait pas autant d'emplois que prévu, ce que je ne crois pas, ou encore que la nouvelle mesure ne créerait pas d'emplois au rythme que nous avions prévu, ce que je ne crois pas non plus, il restera toujours que le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour permettre le développement de la main-d'oeuvre et aussi l'insertion en emploi du plus grand nombre possible de personnes.

C'est ainsi que l'on supporte l'épanouissement des travailleurs et des personnes dans notre société, car, M. le Président, les personnes, le soutien aux personnes, ça passe d'abord par le travail et ça passe aussi par le fait de partager le travail. On n'a pas le droit, comme société, de se croiser les bras puis de laisser faire uniquement les règles du marché pour créer des emplois.

Ça, c'est la pensée néolibérale qui croit à ça. Il y a un espace où les entreprises et le gouvernement peuvent se joindre, et c'est ce que nous avons fait, avec l'aide des syndicats. Ainsi, on a mis de notre côté toutes les chances pour y arriver et faire en sorte que la durée de la semaine passe de 44 à 40 heures d'ici l'an 2000.

C'est un consensus assez exceptionnel et assez exemplaire. Le travail, ce n'est pas seulement une valeur économique, ce n'est pas seulement un pis-aller faute de machines ou de robots, c'est aussi une valeur sociale, le travail, et cette valeur, M. le Président, c'est parce qu'elle est importante que le gouvernement du Québec fait voter aujourd'hui le projet de loi n° 96.

M. le Président, je voudrais faire une toute petite remarque en terminant. Pendant les discussions en commission parlementaire, le député d'Argenteuil a contesté tous les chiffres qu'on a mis de l'avant pour démontrer qu'il y avait création d'emplois. Il s'est évertué à essayer de contredire les thèses qui avaient émané du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et de tous les experts qu'on a consultés.

Alors, M. le Président, j'ai perdu espoir de le convaincre, mais je n'ai pas perdu espoir, quand même, qu'il va voter en faveur du projet de loi n° 96. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. J'entendais le ministre du Travail nous dire que la législation qu'il nous présente, c'est-à-dire le projet de loi n° 96, aurait pour but de partager le travail. Et pourtant on a tous vu récemment les sondages qui nous montraient que les travailleurs, ils ne voulaient pas partager le travail; ils veulent travailler plus. Ce n'est pas de partager le travail qu'ils veulent; ils veulent travailler plus. Et ce que le ministre propose: Bien, écoutez, vous allez travailler moins. Alors, on ne partagera pas le travail puis la richesse, M. le Président, on va partager la pauvreté.

On sait qu'en Amérique – pour ne pas s'étendre, aller trop loin, restons près de chez nous – depuis les années soixante-treize, M. le Président, on s'appauvrit, on s'appauvrit. Année après année, on s'appauvrit. On s'appauvrit, M. le Président, parce que, d'abord, les augmentations de salaire n'ont pas couvert l'inflation à un certain moment donné. Pendant plusieurs années, l'inflation était galopante et les salaires ne pouvaient pas suivre, donc les gens s'appauvrissaient. Ensuite, il y a eu des changements dans le travail. Les gens ont perdu leur emploi et, pour travailler, pour être capables de faire vivre leurs familles, ils ont dû accepter des emplois moins rémunérateurs. Alors, ils se sont encore appauvris. Puis, finalement, M. le Président, vous le savez, tout le monde le sait, les augmentations de taxes et de tarifs que l'on reçoit de part et d'autre, de toutes les administrations, alors comment voulez-vous que ces gens-là, aujourd'hui, on leur dise: Bien, écoute, ton 44 heures, tu vas tomber tranquillement, sur quatre ans, à 40 heures.

Et comme j'ai dit déjà, puis je le répète à nouveau, M. le Président, c'est facile pour des dirigeants de grandes entreprises d'aller imposer ce consensus aux petits dirigeants d'entreprises en leur disant: Bien, 44 à 40 heures, il n'y a aucun problème. Sauf que, eux, ça ne les touche pas, ils sont déjà à 36 heures, ou à 35 heures, ou à 37 heures. C'est facile de dire ça. C'est facile de pelleter dans la cour du voisin quand ça ne nous affecte pas. Ça n'affecte pas leur efficacité et leur rendement, ils sont déjà inférieurs à cela. Et, moi, M. le Président, je suis au courant que certains dirigeants de groupes se sont fait demander s'ils avaient pris du «pot» quand ils ont acquiescé à la demande des patrons des grandes entreprises de diminuer de 44 à 40 heures. Ils se sont fait poser cette question-là. Ce n'est sûrement pas parce que les dirigeants d'entreprises des multiples PME au Québec, qui sont d'ailleurs l'apanage des emplois au Québec, quand ils ont dit ça à leurs dirigeants, ce n'est sûrement pas parce qu'ils étaient de bonne humeur, sûrement pas non plus parce qu'ils étaient d'accord avec la démarche à laquelle ils s'étaient engagés. Et vous allez comprendre, lorsque l'on vit des choses du genre, qu'on ne peut pas d'emblée souscrire au projet de loi qui nous est soumis par le ministre.

D'ailleurs, M. le Président, il y a plusieurs dirigeants d'entreprise qui s'étaient dit: La troisième révolution industrielle, ne craignez rien, ça va être beau, ça va être fantastique. Ils va y avoir du travail pour tout le monde. Les retombées, là, ah! c'est incroyable. On avait dit: Bien, ça va diminuer le coût des produits parce que la machine va produire, ça coûte moins cher qu'un employé puis ça va produire avec une plus grande efficacité, donc on va réduire les prix, mais, en même temps, le consommateur va augmenter ses dépenses, il va acheter plus. Tous des beaux termes, M. le Président. Bien, on va ouvrir des nouveaux marchés. On exporte, au Québec, 80 % de notre production. C'est beau. Puis ça va ouvrir des emplois mieux rémunérés.

Bien, M. le Président, mal nous en prit, parce que la réalité n'a pas du tout répondu aux souhaits de ces grands dirigeants, ces grands penseurs qui nous avaient conviés à une telle démarche. Les produits n'ont pas vraiment baissé. Il y a eu un réaménagement à l'intérieur de la distribution du revenu, mais le prix n'a pas vraiment baissé. La consommation n'a pas augmenté de façon effrayante. M. le Président, vous le savez, on les suit, ces indices-là. À tous les jours, le ministre d'État des Finances se fait poser des questions dans ce sens-là. Au Québec, ça baisse, des fois ça monte un petit peu, ça baisse un petit peu. Ce n'est pas la flambée qu'on nous avait annoncée. Les nouveaux marchés, M. le Président. On ne peut pas ouvrir des marchés pour vendre des meubles quand partout ailleurs on en produit. Alors, il faut être très sélectif. Alors, on devient des gens qui vont produire dans un niveau très précis. Alors, la réalité, ça n'a pas été du tout ce à quoi on s'était engagé.

(12 h 50)

Je vais vous donner des exemples. J'en ai déjà donné beaucoup lors de l'adoption du rapport, M. le Président, puis je vais en redonner d'autres. Mais je vais changer d'échelon progressivement. Je vais vous donner un exemple de comment la considération de l'employé est après perdre toute sa valeur.

Il y a quelques années, USX, qui est une grosse entreprise dans l'aciérie aux États-Unis, qui était un des leaders de l'acier, a décidé de fermer une usine dans le Sud-Est américain. On a envoyé une lettre à tous les employés. Comme si c'était dans la norme, au deuxième paragraphe, on leur annonçait, comme ça: Dans un projet de restructuration et de réorganisation, votre usine sera fermée et vous perdez votre emploi. Bang! Ça a été la considération des employés, M. le Président. Dans une lettre standard, bien simple, comme on dirait en anglais, «casually», simplement, on leur apprenait qu'ils venaient de perdre leur emploi. Il y en a qui travaillaient là depuis 25, 30 ans, 35 ans, qui avaient donné leur vie à l'entreprise, puis on leur apprenait, dans une petite lettre courante, au deuxième paragraphe, que c'était fini.

Mais, M. le Président, 40 % de ces gens-là savaient à peine lire et écrire. On leur demande, à ce moment-là: Allez vous recycler puis on va vous réengager à quelque part. C'est simple, facile à dire, mais je dois vous dire que ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident, puis je pourrais en faire témoigner plusieurs de mes confrères ici. Si je les mets devant un ordinateur, plusieurs ne seront pas capables de faire grand-chose avec. Puis, si on leur demande de se recycler, ils vont dire: Bien, je vais montrer ça à mon fils, mon fils va me montrer comment ça fonctionne. Et c'est ça qu'on vit, M. le Président, aujourd'hui. Ces gens-là, bien, il y en a qui ont perdu leur emploi; ils se sont retrouvés sur le bien-être. D'autres ont fait exactement ce que j'ai dit tantôt, ils se sont trouvé un autre emploi moins bien rémunéré, donc ils se sont appauvris. Puis il y en a d'autres qui se sont retrouvés dans la drogue, dans l'alcoolisme ou dans le crime. Puis d'autres ont réussi à se replacer, pour un certain nombre d'entre eux. Mais c'est l'évolution de la technologie.

Et ce dont j'ai essayé de convaincre le ministre, dans l'adoption du rapport, il y a deux jours, et ce que je vais essayer de faire encore aujourd'hui dans l'espoir qu'à la dernière minute il change d'idée, c'est que son projet ne sera pas créateur de 15 000 emplois mais créateur de 15 000 chômeurs. Parce que, justement, les entrepreneurs qui ont trois puis quatre ans pour mettre en place cette coupure du nombre d'heures-semaine avant d'arriver à un temps supplémentaire, ils vont s'organiser pour réétablir les forces de leur entreprise, pour renouveler leur équipement technologique et pour s'assurer que la performance de l'équipement est améliorée. Donc, on n'engagera pas quelqu'un, on va mettre du monde à pied. Et c'est ça qu'on prépare, M. le Président.

En même temps, je rejoins l'élément qu'on a mentionné ici à multiples reprises, du côté de l'opposition, le gouvernement tient un double langage, M. le Président. Puis vous allez le reconnaître, vous qui êtes un philosophe, vous allez sûrement vous apercevoir qu'il a un double langage. Facile à comprendre, M. le Président. Le gouvernement nous dit: Nous, ça nous coûte trop cher, on va couper nos coûts. Qu'est-ce qu'on fait? On encourage des gens à partir à la retraite avec leur pension anticipée. Bon, jusque-là, ça va. Mais, en même temps: Il faut reconnaître que les 15 000 emplois qu'on a fermés vont demeurer fermés. Donc, il y a 15 000 personnes qui sont disparues.

Le gouvernement a dit: Moi, je vais rendre mon service plus efficace, l'efficience va s'améliorer, mon efficacité va s'améliorer, j'ai moins de monde qui va travailler pour moi, ils vont me donner les mêmes services puis ma masse salariale globale, elle va diminuer, donc c'est fantastique; là, je deviens très efficace, c'est tout beau! Un côté du langage, M. le Président. Le double langage, en même temps, on dit à l'entreprise privée: Écoutez, vous êtes du bon monde, vous autres, puis il faut que vous créiez 15 000 jobs. Moi, je viens d'en couper 15 000, mais, vous autres, vous allez en créer 15 000.

Je comprends mal ce discours. Puis là on leur dit: Bien, vous autres, ce n'est pas important; nous autres, on a augmenté notre efficacité, mais, vous autres, vous allez la diminuer. Vous allez diminuer votre efficacité parce que vous allez ajouter du monde; oui, vous allez ajouter des employés pour répondre au nombre d'heures qu'on va diminuer. Comment penser, M. le Président, que pour un même problème on ait deux solutions aussi éloignées l'une de l'autre? L'une qui dit: On met 15 000 personnes dehors puis on va fonctionner avec une masse salariale moindre, on va donner les mêmes services, on va être plus efficace, puis, de l'autre côté, on dit à l'entreprise privée: Bien, vous autres, là, engagez donc du monde puis diminuez votre efficacité, diminuez votre rendement puis diminuez vos profits. C'est ça que ça veut dire, dans le fond.

Comment l'entreprise privée va-t-elle répondre à ça, M. le Président? Le ministre m'a dit: Ils vont répondre en créant 15 000 jobs. Moi, je lui dis: Ils vont créer 15 000 chômeurs. Et je m'explique, M. le Président. Je m'explique. Ils vont créer 15 000 chômeurs, parce que la réaction normale d'un entrepreneur lorsqu'on lui impose une façon de gérer avec laquelle il peut réagir en améliorant la productivité, elle va se faire en améliorant ses équipements, et elle va se faire en renouvelant ses équipements, en rentrant de la haute technologie. Quand on rentre de la haute technologie, M. le Président, nommez-m'en une qui a créé des emplois. Nommez-m'en une! Je n'en demande pas 10, j'en demande une au ministre. Qu'il me nomme un équipement de haute technologie qui a créé des emplois dans une entreprise. Il n'y en a pas. Le résultat final, c'est toujours une plus grande productivité avec une diminution de la main-d'oeuvre.

Alors, l'entrepreneur, même les PME du Québec vont réagir sainement: Le gouvernement m'impose une diminution des heures avant de payer le temps supplémentaire, alors qu'est-ce que je vais faire? Je vais améliorer ma technologie pour améliorer mon rendement. Je vais l'améliorer, je vais rentrer des nouveaux équipements, des nouvelles machines, des nouveaux appareils, puis je vais mettre du monde à pied. Ça va être la résultante, M. le Président. Alors, comment penser que le gouvernement puisse nous dire deux discours si différents l'un de l'autre? Un qui s'applique au gouvernement puis l'autre qui s'applique à l'entreprise privée. Moi, je me dis: Ça ne tient pas debout.

Entre 1989 et 1993, M. le Président, au Canada, il s'est perdu 150 000 emplois dans le secteur manufacturier. On n'en crée pas, des emplois dans le secteur manufacturier, on en perd. Pourquoi on en perd? Pas parce qu'on vend moins de produits, on en vend plus. Je ne sais pas combien de fois il va falloir que je le répète au ministre: on vend plus de choses, on fabrique plus de choses, toujours avec moins de monde. Puis, lui, il me dit: On va avoir plus de monde, on va créer 15 000 jobs. Mais il faut être rêveur, M. le Président! Il faut être rêveur, lorsqu'on sait qu'on est en compétition, que la terre est devenue un petit village et qu'on est en compétition avec plusieurs autres entrepreneurs. Alors, la compétition ne se fait plus au niveau local, elle ne se fait plus au niveau du village ou de la ville; elle se fait au niveau de la terre. C'est la planète qui est impliquée là-dedans, M. le Président.

Alors, l'entrepreneur chez nous qui est en compétition avec les entrepreneurs en Ontario et aux États-Unis, on ne peut pas lui demander d'augmenter son nombre d'employés et de diminuer sa productivité et son efficacité alors qu'il est en compétition avec l'autre qui va vendre moins cher. Lui, il a cet avantage-là. On ne peut pas lui demander ça. Il est en compétition avec les compagnies qui sont à l'étranger, que ce soit en Asie, que ce soit en Europe de l'Ouest, de l'Est, partout, M. le Président. C'est avec le monde qu'on est en compétition. On ne peut pas se regarder et se limiter dans un ghetto, au Québec. Ce n'est pas ça qu'on veut faire. On ne veut pas mettre des frontières partout, on veut les ouvrir. Alors, envisageons la compétition non pas localement mais à la grandeur de la terre.

Non pas que j'en aie contre la diminution des heures, mais j'en ai contre qu'on me dise que cette diminution des heures de travail par semaine va créer 15 000 emplois. Ça ne tient pas la raison, M. le Président. Ça ne tient pas la raison. Vous savez, les statistiques gouvernementales, c'est souvent trompeur.

Alors, M. le Président, vous m'indiquez que le temps achève. On va terminer et on pourra revenir au moment que vous jugerez approprié. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Étant donné qu'il est 13 heures, je dois suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Vous pourrez reprendre votre discours à ce moment-là. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 9)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons reprendre nos débats aux affaires du jour. Nous avions commencé le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 96 et M. le député d'Argenteuil avait déjà 15 minutes de son temps de pris. Alors, je lui céderai la parole pour poursuivre. Vous avez droit jusqu'à 60 minutes, mais ce n'est pas une obligation, c'est une faculté.

M. Beaudet: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très conscient que ce n'est pas une obligation, mais, à l'occasion, ça peut être une nécessité.

Lorsque nous avons pris la pause du midi, M. le Président, j'étais à dire que les statistiques gouvernementales sont souvent trompeuses, trompeuses parce qu'on nous parle qu'il y a eu une création d'emplois importante. Ce que les statistiques négligent de dire, c'est que souvent ce sont des emplois à temps partiel. Malheureusement, ce que les travailleurs et les travailleuses du Québec recherchent, pour la grande majorité, entre autres, c'est d'avoir un emploi permanent, un emploi fixe sur lequel ils peuvent compter pour faire vivre leur famille et s'assurer d'un revenu régulier.

(15 h 10)

Je rejoins ce que j'expliquais plus tôt, M. le Président. Je vais vous donner un exemple personnel. J'ai un ami qui travaillait à Air Canada comme machiniste à 24,50 $ l'heure, et, toujours sous ce vocable, une restructuration, un regroupement d'activités, il a perdu son emploi. Père de deux enfants, bien, il s'est retrouvé sur le chômage. Heureusement que son épouse a pu se trouver un emploi, donc elle a pu assurer le revenu de la famille pendant un certain temps.

Lorsque le premier ministre du Québec nous dit qu'il y a une création d'emplois quasiment époustouflante au Québec, bien, je vous dirai quasiment que c'est vrai, il a quasiment raison. Mais c'est toujours des demi-vérités. Il a raison, mais... Le «mais», M. le Président, c'est que madame s'est trouvé un emploi. Et, à un moment donné, elle a eu une offre d'un autre emploi. Donc, elle occupe deux emplois. Lui, il a fini par se trouver un emploi. Finalement, il a aussi, lui aussi, eu l'offre d'un autre emploi. Alors, ils sont deux maintenant dans la famille à travailler à deux emplois. Donc, ils ont quatre emplois. Alors, le premier ministre a raison, on a créé des emplois. Le malheur, M. le Président – et ça, c'est le «mais» – les quatre emplois auxquels ils participent ne leur assurent pas le revenu qu'il avait à son emploi premier chez Air Canada. Ils ne réussissent pas, à deux, en occupant chacun deux emplois, à obtenir le revenu qu'il avait initialement dans son emploi permanent.

Alors, oui, on crée des emplois, mais quelle sorte d'emplois? C'est des emplois à revenu inférieur, des emplois qui ne sont pas ceux de la haute technologie dont on aurait rêvé. Alors, vous comprendrez que ce genre de situation, M. le Président, va inciter au travail au noir. Les gens qui n'ont pas de travail, qui vont recevoir les subventions de l'assurance-emploi, vont être incités à aller aider un ou l'autre afin de bénéficier d'un supplément pour se permettre de «booker» les fins de mois.

Il y a un autre élément, M. le Président, que le ministre a oublié. Le ministre a oublié qu'il y a certains corps de métiers – exemple, dans certaines municipalités, les pompiers et les policiers – qui travaillent 42,5 heures-semaine, qui ont une convention, et, lorsque la convention sera échue – parce que les conventions vont être respectées – c'est évident que ces pompiers et ces policiers vont négocier 40 heures-semaine. Mais, là encore, je rejoins le double discours. Le gouvernement dit: Nous, on fait des mises à pied, mais, vous autres, de l'autre bord, engagez du monde, diminuez votre productivité, diminuez votre efficacité, il n'y a pas de problème. Nous, le gouvernement, on va améliorer la nôtre. On met du monde dehors, on diminue notre masse monétaire, on donne les mêmes services avec moins de monde, mais ça, c'est correct pour le gouvernement. Pour les entrepreneurs privés ou les municipalités, évidemment, qui se voient accablés de taxes additionnelles et de surcharge par le pelletage du gouvernement, bien, pour eux autres, ce n'est pas permis. Alors, vous allez comprendre que ça va se solder, au bout de la ligne, par encore une fois une augmentation de taxes. Puis qui va payer? C'est encore le citoyen.

Dans le processus de réingénierie, de rationalisation des entreprises, il n'y en a que pour les employeurs. Il n'y a rien pour les employés là-dedans. Et c'est ça que le projet de loi du ministre va inciter les entrepreneurs à faire. Il va inciter les entrepreneurs à se mécaniser encore plus, à transformer leurs entreprises au high-tech pour diminuer les emplois qu'ils créent et les employés qu'ils supportaient financièrement.

Depuis que l'on parle de ce projet de loi, M. le Président, j'ai surtout touché le niveau des cols bleus. J'ai très peu parlé des cols blancs. Mais il ne faudrait pas penser que l'orientation des entrepreneurs, qui s'en va de plus en plus vers le high-tech, néglige ou oublie les cols blancs, bien loin de là. La réingénierie, elle s'en occupe. Vivez une expérience, je vous l'offre, vous-même. Allez vous promener dans des banlieues cossues, des banlieues notoires pour les salaires élevés. Les gens qui demeurent dans ces milieux-là ont des salaires élevés, des revenus importants. Allez vous promener aujourd'hui, cet après-midi, ce matin, demain, la semaine prochaine ou dans deux semaines; quand on aura terminé, vous allez voir des gens qui prennent leur marche le matin à 10 heures, à 9 heures, à 15 heures l'après-midi ou à 16 heures. Ne pensez pas qu'ils sont en vacances, M. le Président. Les gens pensent qu'ils font la marche avec leur chien puis qu'ils sont là pour s'amuser, qu'ils font leur marche de santé. Ces gens-là ont perdu leur emploi, pour la grande majorité d'entre eux. Pour la grande majorité d'entre eux, ils ont perdu leur emploi.

Qu'est-ce qu'ils font? Ces gens-là avaient un bon salaire, une belle éducation, une belle formation, ils avaient des enfants à l'école privée, ils avaient deux autos, une belle maison, souvent une maison à la campagne, et, subitement, le château s'écroule parce qu'ils ont perdu leur emploi. Je vous parle de gens dans le niveau des cadres. Puis combien d'entreprises, aujourd'hui, qui avaient un comptable ou deux à leur service les ont remerciés? Pourquoi remercient-ils les comptables? Ils n'en ont plus besoin. Ils prennent un aide-comptable, ils mettent la disquette dans l'ordinateur puis l'aide-comptable rentre les chiffres; tout se fait automatiquement.

Alors, on est rendu au niveau des cadres, des cols blancs. On ne parle plus seulement des gens à col bleu, on parle d'un autre niveau. Et c'est ça qu'on est en train de préparer. Et c'est ce qui m'inquiète. Non pas que je veuille arrêter le progrès, que je veuille reculer il y a 100 ans. Mais encore faut-il se préparer à faire face à ce défit important. Et pourtant ce n'est pas ce que l'on vit, M. le Président.

Les gens, je vous le dis, dans les banlieues cossues, ils sont gênés au début; ils ne veulent pas sortir, ils ne veulent pas dire qu'ils ont perdu leur emploi. Alors, ils restent chez eux. Puis, une bonne journée, il y a un accident au coin de la rue, un désastre, ils sortent dehors, puis tout d'un coup: Hein! qu'est-ce que tu fais là? Bien, moi, j'ai perdu mon emploi. Ah! toi aussi? Moi aussi. Ils se rencontrent sur le coin de la rue par un pur hasard. Ils sont trois, quatre dans le même coin qui ont perdu leur emploi. Des gens bien pourvus puis, pourtant, qui se retrouvent aujourd'hui sur le marché de la recherche d'emploi. Ils passent leur temps à envoyer des «résumés», des curriculum vitae et ils vérifient leurs tuyaux. Puis, finalement, ils se rendent compte que ce n'est pas facile. Puis, là, ils font ce que plusieurs bibliothécaires peuvent confirmer aujourd'hui, ils se ramassent dans les bibliothèques. Ils vont dans les bibliothèques, ils vont s'informer, ils vont lire, ils vont essayer de continuer de se cultiver, d'ajouter à leurs connaissances.

Ça, M. le Président, c'est un phénomène nouveau des dernières années. Et le ministre, avec son projet de loi, il dit: Accélérez un peu ce phénomène, allez plus vite! Moi, je dis: Ho! Est-ce que c'est nécessaire d'aller plus vite aujourd'hui? Moi, je pense qu'il aurait été préférable, ce que je lui ai dit à plusieurs reprises, je lui redis à nouveau, de s'harmoniser avec les provinces voisines de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick et d'attendre leur décision, leur réaction avant, nous, d'agir, avant que le Québec prenne une position.

Depuis 10 ans, M. le Président, il y a eu 150 000 emplois de niveau moyen d'éliminés au Canada. Cent cinquante mille emplois, M. le Président, là, ce n'est pas peu dire. Ça, se sont des comptables, des cadres supérieurs, des dirigeants d'entreprise, des chefs dans l'industrie pharmaceutique, des gens de haut niveau qui aujourd'hui sont à la recherche d'un emploi.

Le ministre m'a critiqué à plusieurs reprises en commission parlementaire de voir noir, de ne m'attarder qu'au livre de Rifkin, The End of Work. Bien, je suis sûr qu'il ne me dira pas la même chose de Peter Drucker – qu'il connaît sûrement, sinon personnellement au moins de nom et de renom; il a sûrement lu de ses livres – qui est un sage des mesures du travail et de l'organisation du travail; c'est une autorité mondiale dans l'organisation et la gestion d'entreprise, et je le cite, M. le Président: «La classe de direction se sent comme les esclaves à l'encan.»

(15 h 20)

«Se sent comme les esclaves à l'encan», c'est là qu'on est rendu, M. le Président. C'est celui qui offrira le plus pour avoir qui il voudra, et, comme les gens reçoivent des emplois à la baisse, ils vont sauter sur n'importe quoi. Ils sont sur le marché, puis n'importe qui peut les saisir, et c'est ça qui arrive actuellement, M. le Président.

Partout les cols bleus ont perdu des emplois; le secteur du détail ne peut plus les accueillir comme il le faisait antérieurement, comme une éponge. C'est fini, ce temps-là. Les cols blancs ont commencé à perdre leur emploi eux aussi depuis deux, trois ans, on le sait; des comptables, des notaires dirigent les gens qui sont à la recherche d'emploi.

Ils sont victimes, M. le Président, du régime minceur. Le régime minceur qui est une production avec un minimum d'employés, de cadres, l'automation rapide, la compétition reliée à la globalisation. Alors, si on veut être compétitif, il faut avoir le moins d'employés possible, M. le Président, pour être capable d'avoir le prix le plus bas possible pour son produit.

Quand on fait ça, M. le Président, on ne crée pas de l'emploi, on crée du chômage, on créé des chômeurs. Puis c'est ça que le ministre va faire avec son projet de loi, il va inciter les PME du Québec à se moderniser plus rapidement qu'elles ne l'auraient fait. Et, à ce moment-là, M. le Président, ça ne fait pas autre chose que de créer du chômage. Puis je lui ai dit à de multiples reprises, je suis conscient que c'est inévitable, on s'en va vers une diminution des heures de travail. Mais où le bât blesse, M. le Président, c'est quand il me dit qu'il va créer 15 000 emplois. Moi, je lui dis qu'il va créer 15 000 chômeurs. Petite différence! Il y a juste 30 000 de différence, là; je pense que ça commence à être important.

On sait, M. le Président, qu'actuellement, au moment où on se parle, il y a 35 % des nouveaux gradués qui arrivent sur le marché du travail qui vont se trouver un emploi qui ne correspond pas ou qui n'exige pas leurs compétences. Ils ont une formation qui dépasse l'emploi qu'ils vont occuper. Ce n'est pas un chiffre banal. 35 % de tous les jeunes qui se rendent sur le marché du travail après avoir terminé leur collégial arrivent là et ils prennent un emploi où ils auraient pu arrêter au secondaire, ça aurait fait tout pareil. C'est ça qu'on vit actuellement, M. le Président. C'est ça qu'on vit.

On en a entendu parler récemment, vous le savez, il y a 15 % des travailleurs au Québec, c'est près de 500 000 personnes, qui sont des travailleurs autonomes; 55 % des nouveaux emplois au Québec sont des travailleurs autonomes. Mais ce n'est pas pour rien, M. le Président, que la FTQ veut aller les chercher. Ils veulent aller les chercher, pourquoi? Pour bénéficier de tout le support qu'ils vont pouvoir avoir avec une centrale, mais aussi, évidemment, les cotisations. Mais ils vont avoir les assurances, le support médical qu'ils vont pouvoir aller chercher, ils vont avoir la protection qu'ils vont aller chercher avec ça. Mais c'est important, quand on parle que 55 % des nouveaux emplois, c'est des emplois autonomes, M. le Président. Ce n'est pas banal comme chiffre.

Le grand danger qui surveille notre société, M. le Président – et c'est le dernier chapitre que je voudrais présenter au ministre pour qu'il s'inquiète de cet avenir qui n'est pas nécessairement reluisant – c'est une guerre de classes. C'est ce qu'on est en train de préparer. Pourquoi est-ce qu'il va y avoir des difficultés entre les classes de la société? À cause de la recherche des gains de productivité, et la recherche du gain de productivité va se faire aux dépens des travailleurs, elle va se faire avec la machine aux dépens du travailleur. Alors, le travailleur va recevoir son licenciement, l'entrepreneur va empocher encore plus de profits et, finalement, on va se retrouver avec – ce que nous discutions tantôt, M. le Président – un petit pourcentage de la société propriétaire d'un gros pourcentage de la richesse. L'important, M. le Président, ce sera, pour le futur gouvernement des années à venir, de voir comment on peut répartir cette richesse.

Juste un exemple rapide. Quand on voit qu'un semi-conducteur, qui est un équipement bénin, tout petit, il y en a 3 % qui va pour la matière première et l'énergie, ce n'est pas grand-chose; 5 % qui s'en va au propriétaire de l'entreprise, ce n'est encore pas grand-chose, pour fournir ces équipements, les facilités, l'édifice, etc.; 6 % pour le travailleur. Puis là on commence à sauter: 85 % pour le dessinateur ou l'ingénieur. Il y a toute une disproportion: 6 % pour le travailleur puis 85 % pour l'ingénieur puis celui qui est propriétaire du brevet ou des droits d'auteur.

M. le Président, je veux juste vous transmettre, dans cet énoncé de chiffres, l'importance de la connaissance. La connaissance. Et cette connaissance-là, on ne l'acquerra pas chez nous si on ne s'y prépare pas. On n'est pas prêt actuellement à faire face aux défis des années 2000, on n'est pas prêt à avoir les travailleurs sur l'industrie de la connaissance, on n'est pas préparé du tout à ça et on va manquer le bateau si nos gouvernements ne réagissent pas rapidement afin de s'assurer qu'on est une société dans laquelle la connaissance va prendre la primauté. Elle va prendre la plus grande place dans l'éducation et la formation qu'on va donner à nos enfants.

On le sait, M. le Président, l'influence du travail, ça diminue de jour en jour. Je pense que c'est le travailleur de connaissance qui va prendre le dessus. Alors, il faut s'assurer qu'on est capable de lui transmettre ces connaissances-là. Ce n'est pas une augmentation réelle d'emplois, ça, c'est une augmentation de la possession intellectuelle d'un individu. Quand on pense que dans l'avenir 60 % de tous les revenus de la société seront en possession des travailleurs de la connaissance, vous vous imaginez? Et ça, c'est le petit pourcentage de la société qui va avoir 60 % de la possession des biens rapportés par le travail de la machine, d'où l'importance non pas de s'attarder aujourd'hui à diminuer de 44 à 40 heures la semaine de travail puis d'arrêter de payer du temps supplémentaire à 40 heures... de commencer à payer à 40 heures au lieu de 44 heures. Ce n'est pas à créer du chômage. Les gens, ils veulent travailler, M. le Président.

La plus belle preuve, c'est quand on parle des travailleurs autonomes. Je ne connais pas de travailleurs autonomes qui ne travaillent que 40 heures par semaine. Je disais ce midi à des gens: J'ai cinq enfants, sur les cinq, j'en ai quatre qui travaillent autonomes. Il n'y en a pas un parmi eux qui travaille moins de 60 heures par semaine, M. le Président, pas un. Et c'est l'apanage de la majorité de notre jeunesse aujourd'hui.

On sait que 55 % des jeunes qui prennent le marché du travail s'en vont sur le travail autonome. Et ces jeunes-là ne travaillent pas 40 heures, ils travaillent 50, puis 60, puis 70 heures. Pourquoi? Parce qu'ils veulent travailler. Ils veulent travailler. Ce n'est pas que la société ne veut pas qu'ils travaillent, c'est qu'on ne leur fournit pas, à plusieurs d'entre eux, l'essentiel pour être capable de travailler, la formation qu'il leur faut pour travailler. Et ça, c'est important, M. le Président, de s'assurer que l'éducation qu'on va transmettre à nos jeunes les prépare, qu'elle soit appropriée au travail qu'ils devront envisager.

Qu'on les prépare aussi à envisager le travail dans sa globalité. Nous, au Québec, on a une caractéristique un peu spéciale. Ça peut être un avantage comme ça peut être un inconvénient. Moi, j'appelle ça «les deux pieds dans le ciment». On n'aime pas ça bouger du Québec. On est attaché au Québec. On aime le Québec. Pour nous, c'est dans nos tripes, M. le Président, on ne peut pas quitter le Québec. Je l'ai expérimenté, j'ai vécu six ans aux États-Unis. Quand le temps est venu de revenir, j'avais des hésitations. Je suis revenu parce que je ne pouvais pas rester en dehors du Québec; mes tripes sont ici, M. le Président, mes ancêtres sont ici, mon milieu de vie, c'était ici. Je suis revenu. Mais, quand vous regardez, aux États-Unis, les gens sont à New York puis, le lendemain, ils sont rendus à Los Angeles puis, six mois plus tard, ils sont rendus à Phoenix, puis après ça c'est Chicago. Ça se promène d'un bout à l'autre. Ils n'ont pas cette appartenance que nous avons. Alors, ça a une qualité, mais ça a le défaut que ça limite les gens à un milieu très précis, dans un cadre très précis.

(15 h 30)

Je pense que, dans le marché de la globalisation que nous connaissons aujourd'hui, on devrait tenter de leur ouvrir les horizons pour qu'ils soient plus mobiles sur la planète, pour qu'ils puissent aller investir ailleurs puis rapporter ici, au Québec, les fruits des expériences qu'ils sont connues et vécues ailleurs. Ça, ça m'apparaît très important, M. le Président, et que l'éducation soit ciblée sur leurs besoins. Puis la formation générale, évidemment, il faudrait qu'elle soit plus élargie, plus étendue pour leur permettre plus d'ouverture. Parce que le temps d'«une vie, un emploi», ça fait longtemps que c'est fini. Là on est rendu: un emploi, cinq ans, six ans, sept ans. Mais, si on attend encore, dans 20, 25 ans, ça va être: un emploi, un an et demi, deux ans. Ce sera beau si on fait deux ans. Alors, il est important de leur donner un étalage le plus large possible de formation de base pour que, de là, ils puissent rayonner dans n'importe quel niveau et réseau pour être capables de se retrouver un emploi.

Je termine, M. le Président, en parlant des répercussions qu'aura cette ère de technologie à laquelle on est déjà, à laquelle nous participons déjà activement mais qui va aller beaucoup plus vite que tout ce que nous pouvons anticiper. Le grand défi que nous aurons, comme gouvernement, comme législateurs, ce sera de voir comment répartir la richesse, la richesse qui sera le résultat du travail de la machine.

On ne pourra pas dire: Je rémunère un employé. Il ne sera plus sur le chantier. Nous aurons un appareil qui fera le travail. Comment allons-nous redistribuer, comme élus, comme législateurs, et s'assurer que la population, en général, a accès à de l'argent pour être capable de consommer des biens? Comment allons-nous, comme législateurs, s'assurer que la venue de cette technologie ne sera pas, d'une part, avilissante pour la société et lui permettra plutôt de bien vivre et d'en profiter, de ces heures de loisirs qui s'en viennent?

Le ministre a raison quand il dit: C'est inévitable, le 40 heures, puis c'est probablement 36 heures, puis 30 heures dans un espace d'années très réduit. Il a raison. Où il n'a pas raison, et je ne pense pas avoir réussi à le convaincre, mais j'en suis profondément convaincu, c'est qu'il n'y aura pas création de 15 000 emplois. Il y aura exactement, comme le gouvernement a fait, des mises à pied pour augmenter son efficacité, son rendement, avec un nombre réduit d'employés pour les mêmes services. Il y aura la même performance des PME du Québec qui diront: Si vous croyez que je vais payer plus de monde pour venir faire moins d'ouvrage, vous vous trompez. Je vais améliorer mon rendement en ajoutant de l'équipement.

C'est ça qu'on prépare, M. le Président. C'est ce message que je veux transmettre aujourd'hui non seulement au ministre, mais à tous les autres parlementaires, ce message du défi auquel nous serons confrontés, le défi de la répartition de la richesse qui ne sera plus l'apanage du travail de l'homme mais le résultat du fonctionnement d'une machine. Ce sera le rôle du législateur de s'assurer que la richesse produite sera répartie dans toute la société pour qu'il soit capable de vivre heureux, de bénéficier des périodes de loisirs qui lui seront accordées et, en même temps, de permettre un fonctionnement harmonieux entre les différents groupes de cette société.

J'espère, M. le Président, que, par ces arguments, j'ai réussi à convaincre le ministre que son projet de loi, bien que, dans son ensemble, réaliste, de diminuer les heures de travail, ne créera pas les 15 000 emplois. Devant cette situation, je ne peux pas – je ne peux pas – accepter de voter favorablement un projet de loi qui va accélérer le chômage au Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, le projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 2 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 39


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 2, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. Je vais céder la parole à M. le ministre. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, cette discussion du projet de loi est le résultat d'un assez long processus. C'est peut-être utile, en guise d'introduction, de se rappeler comment notre société, au cours du dernier siècle, a connu une évolution très importante en ce qui regarde nos attitudes et nos valeurs en regard de la santé, singulièrement de la santé mentale, et on pense bien sûr aux personnes, aux gens qui ont un problème important de comportement ou des problèmes de santé mentale.

La première loi dans l'histoire du Québec remonte à 1856 – il y a plus de 100 ans – et à ce moment-là, comme les autres pays d'ailleurs, on avait plutôt une approche vraiment de protection un peu défensive vis-à-vis des gens qui avaient un problème de santé mentale, et c'était vraiment une loi, d'ailleurs, qui était une loi québécoise, qui portait sur les asiles. Ce qu'on avait comme approche à ce moment-là, c'est: quand un malade mental était dans une situation ou avait des comportement où il pouvait être jugé dangereux pour lui-même ou pour son environnement, on amenait ces gens-là dans un asile pour les protéger, pour leur sécurité bien sûr, mais c'était une approche d'exclure un peu du fonctionnement normal de la société la personne qui avait un problème de maladie mentale.

Pendant longtemps, pendant près de 70 ans, on en est resté sur cette voie-là. Et c'est seulement en 1925 que la loi a été amendée mais toujours dans le même sens. À ce moment-là, les principales modifications introduites à la loi étaient à l'effet de permettre que l'internement d'une personne pour un problème de santé mentale puisse être décidé pour la vie de la personne, toujours sur une base de sécurité pour la personne ou de sécurité pour son environnement.

C'est dans les années soixante-dix, au tout début, plus précisément en 1972, où on a eu une autre intervention législative où déjà là on voyait le résultat d'un travail important qui s'était fait au Québec dans les années soixante. Il y avait eu une étude très étendue, un rapport qui était connu sous le nom du rapport des docteurs Bédard, Lazure et Roberts, qui a vraiment amené une révolution de la pratique de la psychiatrie et qui a accompagné un changement de nos valeurs et de nos façons de voir des gens qui avaient des problèmes de santé mentale. Et c'est là qu'on est arrivé plus avec un concept de protection du malade mental.

Il s'agissait toujours de protection et de loi d'exception, mais déjà là on avait une approche qui reconnaissait d'abord les droits d'une personne qui avait un problème de santé mentale et qui proposait des interventions visant pas surtout et d'abord à exclure cette personne parce qu'elle était dangereuse, mais à amener sa protection, mais dans une approche de traitement des problèmes que la personne pouvait avoir. Cette évolution a été beaucoup confirmée quand on a adopté nos chartes sur les libertés et les droits de la personne et quand, dans les années quatre-vingt-dix, on a modifié notre Code civil pour apporter encore une plus grande protection à l'ensemble de nos droits et de nos valeurs.

Comme cette évolution se faisait, on n'a jamais été complètement heureux avec notre loi de 1972. Je pense que c'était, à ce moment-là, le meilleur consensus qui pouvait se faire. Mais, dans les années qui ont suivi, vers la fin des années soixante-dix, déjà il y a beaucoup d'organismes, l'Association des psychiatres, la Commission des droits de la personne, le Comité de la santé mentale, différents organismes de protection des droits des malades mentaux, organismes réunissant des parents, des amis des malades mentaux, donc une forte vague, qui nous demandaient de réexaminer à fond et de voir comment on pourrait aller plus loin, toujours dans cette poussée qui nous amenait à protéger les droits de plus en plus avec des chartes et des modifications au Code civil.

C'est dans ce contexte-là que nos modifications à la loi interviennent présentement, qu'on refait, si vous voulez, dans un nouveau projet de loi, notre loi de la protection du malade mental, pour vraiment l'asseoir plus sur les fondements légaux que nous avons maintenant dans notre propre Code civil, qui ont été apportés là lors des derniers amendements au Code civil, au début des années quatre-vingt-dix, et pour pouvoir assurer une bonne harmonisation avec les législations existantes.

(15 h 40)

Pour faire ce travail, malgré que pendant une dizaine d'années il y ait eu beaucoup de discussions sur la loi, on a voulu, dès le début de 1997, élargir la consultation, et on l'a amenée finalement jusqu'en consultation avec une commission parlementaire qui nous a permis de recevoir 35 mémoires et d'entendre, en plus, de rencontrer 27 groupes ou associations différents. On retrouve toujours les mêmes groupes que j'ai cités tout à l'heure, qui ont maintenu leur intérêt et qui sont venus nous dire essentiellement que, même si à différents égards on souhaitait encore que la réflexion se poursuive et qu'on continue d'améliorer notre façon, comme société, de traiter avec des gens qui ont des problèmes de comportement importants ou des problèmes de santé mentale, on a vraiment pu prendre en compte que, pour l'ensemble des gens, il y avait un consensus que la loi, telle qu'elle se présente présentement, est un bon pas en avant, exprime vraiment un consensus et qu'il faudrait l'adopter pour les prochaines années.

L'objectif, donc, principal qui est visé par la loi qui est déposée, c'est d'établir un meilleur équilibre encore entre les droits des individus, le respect des droits des individus – et on comprend bien à ce moment-là qu'on pense aux gens qui ont des problèmes de comportement et de santé mentale, d'une part – et aussi les droits de la collectivité et de la sécurité d'une population, d'autre part.

Pour décrire un peu plus le contenu du projet de loi, je vais rapidement le faire en deux parties, d'abord rappeler les éléments qui sont plus en harmonisation avec le Code civil et, deuxièmement, mentionner les principales dispositions complémentaires à l'harmonisation de notre législation avec le Code civil.

En ce qui regarde le lien avec le Code civil, les changements qui sont proposés vont vraiment dans le sens des principes qui ont été maintenant bien ancrés lors de la révision du Code civil, entre autres celui de l'inviolabilité de la personne, et de l'appliquer aussi bien à une personne qui n'a peut-être pas l'utilisation complète et autonome de tous ses moyens et de ses facultés, de s'assurer que cette personne demeure fondamentalement inviolable.

Ce que ça veut dire essentiellement pour la Loi sur la protection du malade mental, c'est de passer d'un concept qu'on a actuellement, de cure fermée, qui suggérait qu'on pouvait aller jusqu'à imposer un traitement à une personne, même si la loi telle qu'elle est ne va pas jusque-là présentement... C'est plutôt une loi qui vise à garder dans un établissement contre sa volonté quelqu'un qui aurait un problème trop important. Mais, parlant de cure fermée, on va jusque dans le sens d'amener quelqu'un à prendre un traitement pour lequel il ne serait vraiment pas d'accord.

Là, le concept parle vraiment plus de garde en établissement. Et on campe très bien que, devant l'inviolabilité de la personne humaine, on peut garder quelqu'un contre sa volonté dans un établissement, que ça soit pour un problème de santé mentale ou pour un autre problème, si, pour un certain temps, et un temps le plus limité possible, cette personne n'est pas dans un état où elle peut fonctionner correctement dans la société.

Les autres éléments qui viennent donc compléter cette harmonisation de cette évolution plus vers la notion de garde par rapport à la cure sont de trois ordres, trois éléments complémentaires. Un premier traite vraiment de la garde provisoire dans des situations d'urgence. Déjà, le Code civil, présentement, permet, lorsqu'un danger peut être imminent, qu'une personne puisse être placée sous garde sans son consentement et même sans qu'un tribunal l'ait autorisé au moment où on prend cette décision. La loi qui est présentement en vigueur, notre Loi sur la protection du malade mental, prévoit qu'un médecin qui travaille au sein d'un établissement peut admettre une personne sous garde contre le gré de cette personne, sans l'autorisation du tribunal, s'il considère que la situation est urgente.

Alors, ce qui est proposé dans le projet de loi que nous déposons, c'est des mesures particulières permettant de prendre en compte des motifs raisonnables de croire qu'il existe à un certain moment, à un moment donné, un danger imminent pour la personne qui souffre de maladie mentale, de permettre, bien sûr, que cette personne puisse être gardée dans un établissement, mais de s'assurer que les mesures qui sont prises sont vraiment bien dosées à l'état de la personne et de la situation et qu'on aura une confirmation par le tribunal éventuellement de la garde de la personne.

Et, pour s'assurer que tout se passe bien quand on amène quelqu'un... une décision quant à une garde provisoire, le projet de loi prévoit qu'on pourra donner, reconnaître, si vous voulez, qu'un agent de la paix puisse être appelé à l'aide et puisse aider des gens qui peuvent être désemparés, dans une situation où il y a violence, par exemple, vu l'état d'une personne, puisse intervenir et puisse amener quelqu'un correctement dans un hôpital et qu'on puisse prendre une décision pour protéger cette personne, mais que, ultimement, on soit assuré, vu qu'il s'agit d'une question de garde maintenant pour cette personne-là, qu'un tribunal interviendra pour prendre la décision finale.

Mais, différence importante, on donne un moyen aux gens pour que, tout en respectant l'inviolabilité de la personne qui a un problème, on puisse prendre en compte ses besoins sans être obligé d'avoir une procédure lourde au point de départ pour décider de la garde, mais que, dans un temps très limité, très bien encadré, cette décision de garde provisoire soit confirmée par un tribunal.

Deuxième élément qui est rajouté et qui, celui-ci... On verra quels amendements peut-être on pourra considérer lors de l'étude article par article. Ce changement dans la loi voudrait confirmer une pratique déjà existante. Une fois qu'une personne a été retenue dans un établissement, que son état s'améliore et qu'on veut, qu'on a comme objectif de ramener la personne le plus rapidement possible dans son milieu familial, dans son milieu social, qu'on puisse la ramener le plus rapidement possible, mais aussi en toute sécurité pour elle-même et pour son environnement.

Il y a une pratique qui s'est installée de pouvoir le faire graduellement, c'est-à-dire qu'on permet à une personne de quitter l'hôpital pendant une fin de semaine, pendant quelques jours, pendant une semaine. C'est le médecin qui décide avec le patient que cette personne-là peut retourner dans son environnement naturel pour un temps limité et revenir en milieu hospitalier. De sorte que, si vous voulez, le retour est progressif, le passage entre le moment du traitement plus intensif en garde vers une vie normale dans la société peut être gradué, ce qui n'empêche pas – ce qui ne deviendra pas une implication universelle – qu'un patient, après avoir été traité à l'hôpital, obtienne son congé et parte complètement. C'est probablement la majorité des situations.

Qu'on ait cette flexibilité qui s'est introduite, de toute façon, dans la pratique, mais, en la mettant dans la loi, on pourrait s'assurer de bien l'encadrer et de toujours s'assurer que les gens qui ont ces pratiques, les professionnels, ont des guides, ont des paramètres très clairs qui leur sont donnés dans la loi et dans ses règlements. De sorte que le patient, lui, est assuré que cette pratique sera faite pour son bien et ne risquera pas de débordement ou de dérapage... si ce n'était pas déjà bien balisé dans une loi. Donc, c'est un deuxième élément qui est proposé en complémentarité avec les modifications qui avaient été introduites dans le Code civil.

Finalement, l'autre mesure importante qui nous est proposée dans le projet de loi regarde l'utilisation de protocoles pour l'application de mesures de contention à l'intérieur des établissements. Ça aussi, on sait que c'est une situation qui existe, qu'une personne, même une fois qu'elle a été amenée en toute sécurité à l'hôpital, une fois qu'on a obtenu une décision et qu'on a bien révisé, que le tribunal a pu réviser la décision après la garde provisoire de garder quelqu'un un certain temps à l'hôpital... En général, ça se passe très, très bien, mais il peut y avoir des moments où la personne a des comportements qui peuvent être violents et qui demandent une intervention dite de contention, qui peut être physique, où on retient quelqu'un pour qu'il ne saute pas par la fenêtre, par exemple, ça peut être chimique, il y a des médicaments aujourd'hui qui permettent que quelqu'un puisse être un peu calmé, si vous voulez, pendant qu'on s'occupe de la personne et qu'on l'aide à améliorer sa santé.

(15 h 50)

Mais, quand on réalise, là, qu'on est déjà intervenu – et on pense toujours que le principe de base, là, c'est l'inviolabilité de la personne humaine, là – pour retenir cette personne contre son gré pour la traiter et qu'on est obligé de la contenir pendant une période de temps, bien on veut être bien sûr que ça aussi, ça soit très, très bien balisé. Bon. Ça l'est déjà dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et la loi prévoit que les établissements doivent se donner un protocole, un cadre, des guides, de sorte que chaque professionnel – et on pense toujours aussi à la protection des professionnels – sache dans quel encadrement il peut fonctionner quand il doit intervenir de cette façon-là, et que le patient sache aussi qu'il y a là un professionnel qui a un guide de pratique, qu'il ne va pas réagir, lui aussi, au comportement du patient mais qu'il a vraiment une attitude et un comportement professionnels.

Et ça se passe très bien, de façon générale, parce qu'il faut dire que ce genre de situation là peut arriver aussi à une personne pour d'autres raisons qu'un problème de santé mentale. Ça peut être quelqu'un qui a consommé des drogues, par exemple, ou de l'alcool et qui est, pour un moment, dans un état où ses facultés n'assurent pas le contrôle satisfaisant sur son comportement. On fait confiance – et ça se passe très, très bien, de façon générale – aux établissements, aux professionnels. Donc, établir ces guides de pratique. C'est en général fait par les établissements, en comptant sur l'encadrement que les ordres professionnels, qui sont responsables de la qualité de la pratique des professionnels, font, eux aussi, pendant une intervention en proposant des guides de pratique.

Maintenant, ce qu'on propose ici, c'est que, pour la situation de quelqu'un qui a un problème de santé mentale, qui se trouve peut-être dans un état de fragilité plus grande, de vulnérabilité plus grande que quelqu'un qui, pour d'autres raisons, aurait ce problème de comportement, on aille plus loin et que, au lieu de le laisser dans les protocoles que les professionnels établissent dans des établissements avec l'aide des ordres professionnels, la loi prévoie que les règlements de cette loi donnent des balises encore plus précises et encadrent de façon plus rigoureuse et de façon un peu plus standard, si vous voulez.

Aussi, là-dessus, évidemment, comme sur tous les points qui sont proposés dans cette loi, on a eu beaucoup de commentaires, de suggestions, et il y aura peut-être des accommodements et des ajustements qu'on pourra faire, parce qu'on peut réaliser comment ces interventions sont délicates. Et, même si on a un consensus qui est bien établi, la consultation nous a suggéré un certain nombre de pistes à explorer pour apporter peut-être un certain nombre de petites améliorations à la loi. Alors, voilà. Je pense, M. le Président, que, après avoir suivi un bon cheminement au cours des dernières années, avoir travaillé en étroite relation, le ministère, les établissements et les organismes qui représentent les personnes ou les parents des personnes qui ont un problème de santé mentale, on a réussi à bien cerner la situation et à pouvoir apporter des améliorations assez importantes à notre loi.

Avant de conclure, je rappellerais peut-être le principal élément de consensus présentement qui est vraiment une pierre d'achoppement au projet de loi qui est déposé et qui est vraiment le concept qui vient faire le contrepoids, si vous voulez, à ce concept et au principe de base de l'inviolabilité de la personne humaine, et c'est le concept, qu'on retrouve dans cette loi-là, de la dangerosité. Je pense que c'est un mot qu'on a inventé, mais qui est vraiment utilisé. C'est peut-être un nouveau jargon, mais qui est utilisé par tous les professionnels, où on dit comment... Et il y a même des critères qui ont pu être établis, de voir sur quelle base – et c'est là-dessus que porte la décision – une personne, par son comportement, son attitude, représente vraiment un danger pour elle-même ou pour son environnement.

Et ce n'est que cette raison qui peut amener à prendre une décision d'imposer à quelqu'un une garde, comme on le fait pour d'autres comportements dans notre société, où on va imposer à un citoyen, une citoyenne une garde dans un établissement. Qu'on puisse le faire, mais pour une période la plus courte possible, avec un processus de prise de décision qui est très, très clair, que notre système judiciaire, qui est là pour protéger les droits des gens, joue son rôle, que les professionnels de la santé jouent le leur, qui est celui d'aider la personne à améliorer sa situation et à retrouver un état de santé complet, ce qui veut dire, quand on travaille avec ce principe d'inviolabilité et de dangerosité...

On a, dans le projet de loi, des mesures plus précises, et je ne veux pas entrer dans l'examen de ça lors de la présentation générale du projet de loi, mais, par exemple, le projet de loi prévoit qu'on va s'assurer que l'information est disponible pour la personne qui a les problèmes, évidemment, mais pour sa famille aussi, de sorte que ce citoyen ou cette citoyenne conserve tous ses droits de citoyen ou de citoyenne pendant qu'il ou elle a un traitement pour l'aider à reprendre une vie tout à fait normale en société.

Je soulignerais, en concluant, qu'il faut aussi voir ce projet de loi dans son contexte général. On ne peut pas régler toutes les situations – et c'est revenu souvent pendant nos discussions en commission parlementaire – dans un seul projet de loi. Ce projet de loi prend tout son sens si on voit qu'il vient bonifier notre loi actuelle de protection du malade mental, qu'il vient en harmonie avec ce qu'on retrouve déjà dans le Code civil et dans le même concept que l'évolution de notre Code civil – qui est notre loi de base dans ce domaine – et cette loi se place aussi dans le contexte des orientations ministérielles en santé mentale, qui ont été annoncées il y a quelques mois, sur lesquelles il y a présentement une consultation mais une consultation très terrain, M. le Président.

Ce n'est pas une consultation pour se demander quelles seraient les orientations qu'on doit avoir; on les a déjà de façon générale. On les a déjà depuis 1989, où on s'était donné une stratégie, une politique de santé mentale, qui a été d'ailleurs encadrée dans notre politique générale de santé et de bien-être au début des années quatre-vingt-dix. Et on sait qu'on a évalué, après quatre ou cinq ans, au cours de la dernière année, qu'il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine-là, que, oui, on a fait beaucoup d'efforts pour permettre aux gens qui ont des problèmes de santé mentale et aux gens aussi qui ont des difficultés au niveau de déficiences intellectuelles de vivre une vie la plus normale possible dans la société.

Et ça a été un mouvement qu'on a connu sous le nom de la désinstitutionnalisation. Il y a beaucoup de gens effectivement maintenant... On est très loin de notre concept de 1856 où, dès que quelqu'un présentait un comportement jugé un peu différent ou qu'on qualifiait d'anormal, assez facilement, on pouvait amener cette personne-là dans un asile pour qu'elle ne dérange pas, si vous voulez. Maintenant, notre attitude est complètement différente, et les gens ne sont retenus dans un établissement que s'ils représentent un danger. Ce qui veut dire que toutes les autres personnes qui ont un problème de santé mentale, ce qu'on vise comme objectif, et c'est ce qui a commencé à la fin des années quatre-vingt, c'est de trouver le moyen le plus possible pour que cette personne-là vive une vie avec sa famille, son entourage, dans son milieu.

Maintenant, on sait que l'évaluation qui a été faite par le ministère, celle qui a été faite par le Vérificateur général, nous a dit que, oui, on a fait la désinstitutionnalisation, mais, non, on n'a pas donné assez de ressources aux communautés ou aux familles pour que les gens aient vraiment toutes les chances qu'ils devraient avoir pour compléter une insertion sociale, une insertion professionnelle dans les meilleurs délais. Alors, les orientations que nous avons publiées, qui sont présentement l'objet de consultations et de discussions avec les établissements dans toutes les régions...

Parce qu'on en est rendu à des degrés différents dans différentes régions. Dans certaines régions, on a parfaitement bien réalisé la stratégie et la politique. On a vraiment une continuité de services impressionnante entre l'hôpital, le CLSC, les médecins en pratique – psychiatres ou médecins de famille – les groupes communautaires, qui donnent un bon nombre de services, et la contribution des familles, avec un soutien qui est donné aux familles. Mais c'est inégal d'une région à l'autre. Alors, là, ce qu'on fait dans notre consultation, c'est de bien prendre en compte où en sont les différentes régions, ce qui est à faire pour vraiment amener tout le monde à un niveau optimum, et là on pourra voir que, sur un profil de cinq ans...

On s'est donné cinq ans parce qu'on sait qu'on travaille dans un secteur, encore une fois, où les valeurs sont très importantes, où les réactions peuvent être très vives et très sensibles et où les choses ne se consolident que si on est établi sur un consensus qui est assez profond, qui a des racines assez sérieuses. Alors, graduellement, année par année, on va continuer à améliorer la situation, et sur un horizon de cinq ans on pense qu'on peut en arriver à voir au Québec un pays qui a tous ses citoyens, en tenant compte de ceux qui sont sûrement dans des situations de plus grande difficulté, entre autres les gens qui vivent avec un problème de santé mentale, que ces gens-là ont dans leur communauté tout ce qu'il faut pour retrouver une vie la plus normale possible, que tout le potentiel qu'ils ont soit utilisé de façon constructive sur le plan social, sur le plan économique, pour eux-mêmes, pour leur famille et pour leur entourage.

(16 heures)

Alors, M. le Président, je pense que nos travaux en commission parlementaire et la façon dont on a travaillé avec l'opposition me laissent rassuré sur le fait qu'on pourra approuver le principe de cette loi puis qu'on sera en situation au cours de l'été, peut-être en août, début de septembre, de pouvoir faire l'étude article par article de ce projet et qu'il aura fait son mûrissement. Parce que c'est un projet qui a été déposé à la dernière session. On en a refait l'étude du principe, en détail, cette fois-ci. On pourra faire, au cours de l'été, dans l'intersession, l'étude article par article. Je pense qu'il y aura certains amendements qui devront être considérés, certaines améliorations, encore, qu'on pourra apporter sur la base de la dernière consultation et des travaux de la commission parlementaire. Et, avant la fin de cette année, lors de la prochaine session, on pourra adopter une loi qui va être une amélioration très, très importante et qui, encore une fois, va se situer dans tout un contexte où il y a une action très grande qui se fait au Québec pour améliorer le sort de nos citoyens et de nos citoyennes qui ont des difficultés de cet ordre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Le prochain intervenant, M. le leader de l'opposition. Alors, je vous cède la parole.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Merci, M. le Président. Quand on prend connaissance du titre du projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives, on serait tenté d'acquiescer à l'adoption du principe du projet de loi. Lorsqu'on prend connaissance des notes explicatives qui sont l'enrobé des quelque 45 articles que contient le projet de loi, on serait tenté de faire la même chose. Je sais que vous avez déjà pris connaissance de ces notes explicatives, M. le Président, mais, pour les gens qui nous écoutent, il serait peut-être avantageux de situer ces 45 articles dans l'enrobage que le ministre veut bien donner à ce projet de loi.

«Ce projet de loi propose une réforme de la Loi sur la protection du malade mental. Il vient d'abord compléter les règles sur l'examen psychiatrique, prévues par le Code civil du Québec, en déterminant quels professionnels de la santé peuvent effectuer un tel examen. Il énumère aussi les différents éléments que le rapport d'examen psychiatrique doit contenir, notamment dans les cas d'un examen psychiatrique ordonné en application du Code de procédure pénale.

«Dans le respect des règles prévues au Code civil du Québec en cette matière, le projet de loi prévoit ensuite les règles applicables en matière de garde des personnes atteintes de maladie mentale. Il indique notamment le type d'établissement auprès duquel peuvent être dirigées ces personnes et établit les différentes règles à suivre lorsqu'une personne est mise sous garde par suite d'une décision d'un tribunal. Il prévoit de plus, entre autres, des examens périodiques de la personne sous garde, les conditions de transfert de ces personnes auprès d'un autre établissement de santé et les droits de sortie temporaire qui peuvent leur être accordés par le médecin traitant.

«Le projet de loi traite également des gardes provisoires et prévoit, dans les cas d'urgence, la prise de mesures exceptionnelles, notamment la possibilité de garder une personne contre son gré et sans l'autorisation du tribunal, dans les cas où il existe un danger imminent pour la sécurité ou l'intégrité de la personne elle-même ou d'un tiers.

«Le projet de loi impose ensuite différentes règles de procédure de façon à assurer à la personne elle-même et à ses proches une information complète et suivie des droits et recours de la personne sous garde. Comme dans la loi actuelle, le projet accorde à la Commission des affaires sociales le droit de réviser, sur demande ou d'office, toute décision prises à l'égard d'une personne atteinte de maladie mentale.

«Le projet de loi introduit ensuite une disposition qui oblige les établissements à respecter un minimum de règles administratives, lorsqu'ils se voient forcés d'utiliser des mesures de contention à l'égard de personnes atteintes de maladie mentale, et ce, qu'elles soient sous garde ou non.

«Le projet de loi effectue enfin des modifications de concordance dans diverses lois.»

Ainsi enrobé, M. le Président, nous serions, là aussi, tentés de donner notre aval à un tel projet de loi, parce que l'intention semble correcte. Maintenant, les diverses mises en garde qui nous ont été adressées par à peu près tous les intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire nous indiquent qu'il faut faire preuve de prudence. Nous sommes dans un domaine où nous traitons avec des gens qui, parmi les plus démunis dans la société, sont les gens qui sont le plus sans défense dans notre société.

Si le ministre avait raison et si le titre et les notes explicatives traduisaient exactement ce que s'apprête à accomplir la société québécoise, ça ne poserait pas problème. Si le ministre continue de dire, comme il l'a fait – et je le souligne – qu'il est prêt, au moment de l'étude article par article, à tenir compte de recommandations qui ont été transmises à l'Assemblée nationale par les divers groupes d'intervenants qui ont comparu devant la commission des affaires sociales, là aussi, on considère qu'il y a une ouverture qui est intéressante.

On reviendra tantôt sur le seul consensus qui animait tous et chacun des groupes qui représentaient ces personnes, qu'il s'agisse d'experts ou de groupes d'intervention bénévoles dans la société, M. le Président, il y a eu un consensus qui s'est démarqué de tous les autres.

M. le Président, après avoir dit des bonnes choses, il faut également se porter à la défense des gens qui peuvent se retrouver d'innocentes victimes d'une réforme qui nous est amenée par un ministre qui a déjà des antécédents dans le domaine des réformes.

M. le Président, moi, je sais que vous en avez pris connaissance, probablement que les autres membres de l'Assemblée nationale... mais simplement pour se le rappeler, au moment où on est appelé à voter le principe de ce projet de loi, un article paru dans La Presse du 24 mai 1997, sous la plume de Marie-France Léger, Santé mentale: une réforme angoissante , M. le Président. À ce moment-ci, est-ce qu'on peut se placer dans les souliers de ces gens qui, parmi les plus démunis, sont les plus démunis et tenter de vivre l'angoisse que vivent ces gens au moment où le gouvernement s'apprête à fermer, d'ici cinq ans – d'ici cinq ans, M. le Président – la moitié des lits? Il y a présentement, là, 6 000 lits au Québec qui sont occupés par des gens qui ont besoin de les occuper, qui sont des psychiatrisés.

L'objectif du ministre de la Santé, c'est de couper ça de moitié, un petit peu plus, là. Il veut en garder, d'ici cinq ans, 2 900. Ça, sur le plan de la planification technocratique, là, ça peut se défendre. Mais qui sont ces 3 100 individus qu'on va désinstitutionnaliser, qu'on va sortir de l'institution? Et à qui va-t-on les confier? Va-t-on simplement, M. le Président, comme on a vu – ça s'est produit trop de fois, hélas, dans le virage ambulatoire – les mettre à la rue? Et avec quelles conséquences, M. le Président, et avec quelles ressources?

Marie-France Léger nous raconte un cas parmi tant d'autres, M. le Président, un cas qui traduit bien l'importance de l'attention que nous devons, comme parlementaires, porter à ces personnes qui sont les plus démunies parmi les plus démunies et qui n'ont aucune possibilité, sauf la voix des députés à l'Assemblée nationale, s'il y en a, qui se préoccupent de leur sort, M. le Président.

Marie-France Léger nous raconte ce qui suit: «En pleine crise d'angoisse, Anne-Marie, 33 ans, s'est dirigée vers le centre le Transit, rue Cherrier, à Montréal. On l'a envoyée à l'étage au-dessus, au centre d'hébergement de crise L'Ombelle, où elle a vécu pendant neuf jours. Juste le temps qu'il fallait pour retomber sur ses pieds. La jeune femme maniaco-dépressive, qui vivait une première rechute depuis 10 ans, a réussi à se dénicher un toit où elle pourra communiquer avec d'autres femmes. Elle n'aura plus à supporter la solitude.

«"Je ne pouvais plus vivre seule. J'ai quitté la maison de mes parents il y a deux ans seulement. Avec le nouvel emploi à l'hôpital, c'était trop. J'ai craqué", a expliqué la jeune femme, tremblante. Elle est encore fragile, mais de nouveau prête à affronter l'extérieur.

«Anne-Marie a trouvé une oreille attentive chez les intervenants de ces deux organismes à but non lucratif, subventionnés par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre. Il existe 10 centres de crise au Québec, dont six à Montréal.

«"Nous accueillons deux types de clientèles: la clientèle en santé mentale et la clientèle dite «psychosociale» ou en détresse. Cette dernière catégorie peut toucher tout le monde", explique le directeur du Transit, Daniel Cossette.

«L'intervenant est formé en psychologie et en travail social. Lors d'une première étape – au Transit ou à domicile – il évalue le cas et désamorce la crise. Si nécessaire, la personne souffrante est ensuite dirigée à l'étage de l'hébergement ou vers une ressource plus appropriée.»

Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, il y a M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: Je demanderais le quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous voulez le quorum? Alors, effectivement, là, nous avons quelques absences, ce qui fait qu'on n'a pas quorum. Alors, nous allons attendre quelques minutes, puis, si on peut remédier à la situation rapidement, on n'aura pas à sonner les cloches. Sinon, on devra sonner les cloches.

Il y avait une espèce de conventum.

Alors, le quorum est reconstitué. M. le leader de l'opposition, je vous cède la parole.

(16 h 10)

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je l'avais souligné au début de mon intervention, quand on parle des plus défavorisés parmi les plus défavorisés, des sans voix, il est important que les députés de l'Assemblée nationale s'intéressent à ces gens parce qu'ils n'ont pas d'autre voix dans la société que celle des élus du peuple.

Je poursuis donc, M. le Président, la lecture de cet article de Marie-France Léger, qui a été publié dans La Presse du 24 mai 1997: «"Quand ils arrivent à L'Ombelle, l'anxiété a déjà diminué. On travaille à la résolution de la crise. On essaie de voir ensemble sur quoi agir de façon à éviter une autre crise", souligne Dominique Lebel, responsable du centre d'hébergement.

«Ouverts en 1995, les deux centres font face aujourd'hui à un afflux massif de la clientèle dû en partie – parce qu'il y a des conséquences aux gestes qui ont été posés par le ministre de la Santé dans sa réforme de la santé – à la fermeture de l'aile psychiatrique de l'Hôtel-Dieu. En 1995-1996, on a procédé à 826 évaluations de cas et à 200 hébergements. L'an dernier, on est passé à 1 200 évaluations et 320 hébergements – ça, c'est avant la fermeture des 3 100 lits que nous annonce le ministre de la Santé aujourd'hui.

«Et, avec la réforme des services en santé mentale annoncée par le ministre Rochon, plusieurs questions préoccupantes surgissent. Ainsi, pour Daniel Cossette, à moyen et long terme, il faudra prévoir beaucoup plus de ressources transitoires d'hébergement. Pour Dominique Lebel, il ne faudra pas oublier la clientèle en santé mentale qui est déjà dehors "au lieu de privilégier uniquement celle qui sortira des hôpitaux d'ici cinq ans".

«Daniel Cossette s'inquiète aussi du chambardement vécu par trois des hôpitaux du secteur, en pleine fusion: Saint-Luc, Notre-Dame et l'Hôtel-Dieu. Les urgences seront-elles situées à l'Hôtel-Dieu? Si oui, il faudra négocier une nouvelle entente privilégiée pour la clientèle en crise.

«Mais, selon lui, le véritable enjeu des prochaines années sera de réussir à garder dans le système les gens âgés de 40 et 50 ans aujourd'hui et dont les parents, vieillis et épuisés, ne pourront bientôt plus s'occuper. "Est-ce qu'on prépare quelque chose pour ces gens-là? C'est comme une bombe à retardement. Ça va sauter."»

Ce n'est pas l'opposition libérale qui vous lance ce témoignage, c'est une journaliste qui a suivi la scène attentivement et qui nous rapporte le témoignage d'experts qui ont à vivre ces situations quotidiennement.

J'ai parlé tantôt d'un consensus au niveau des groupes qui sont intervenus en commission parlementaire. Il n'y a eu qu'un seul et véritable consensus: pas de désinstitutionnalisation, pas de fermeture de lits tant et aussi longtemps que les ressources alternatives ne seront pas créées. Les gens sont conscients du double langage du gouvernement dans le virage ambulatoire. On a fermé des hôpitaux et on n'a pas donné ce qu'il fallait aux gens pour que les patients puissent recevoir dans leur milieu les soins auxquels ils ont droit de s'attendre. Et là on parlait des gens qui, normalement, possèdent leur santé mentale. Quand on s'attaque maintenant aux gens qui ont des difficultés à ce niveau-là, il nous faut être doublement prudents.

Moi, j'ai demandé en commission parlementaire au ministre: Est-ce que le ministre nous garantit et nous assure que les ressources alternatives vont être là, dans le milieu, pour répondre aux besoins criants actuellement et pour répondre aux besoins des clientèles qui vont être désinstitutionnalisées? Et le ministre m'a demandé de lui faire confiance. Moi, je veux bien lui faire confiance, mais, maintenant qu'on a appris à le connaître un petit peu plus, on va lui faire confiance, mais on va lui demander des garanties. On va lui demander des garanties, pas pour l'opposition officielle, on va lui demander des garanties pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale et qui n'ont pas de voix autre que celle des députés de l'Assemblée nationale. Et je vais demander au députés ministériels, de l'autre côté, qui se préoccupent des plus démunis parmi les plus démunis de se lever à l'Assemblée nationale aujourd'hui et de faire valoir leur voix pour ces gens-là et de demander au ministre de la Santé des garanties.

Moi, j'ai cherché dans les crédits budgétaires du ministre, qui a accepté des compressions budgétaires dans le domaine de la santé cinq fois supérieures à l'ensemble des compressions budgétaires du reste du gouvernement. Le reste du gouvernement, en moyenne, a diminué de 0,6 %. Le ministre de la Santé, lui, a accepté de diminuer de cinq fois plus, de 3,2 %. À quelle place dans soit le livre du président du Conseil du trésor, à quelle place soit dans le livre du ministre des Finances on retrouve une indication que l'engagement pris en commission parlementaire par le ministre de la Santé va être respecté, M. le Président? À quelle place on retrouve un seul dollar pour créer ces ressources alternatives sans lesquelles tout le projet de désinstitutionnalisation est voué à l'échec?

Si le ministre peut nous indiquer dans sa réplique qu'il a tous les crédits nécessaires, qu'on pourra s'occuper adéquatement des cas qui sont déjà problématiques et désinstitutionnalisés, qu'on aura suffisamment de ressources pour s'occuper des autres qu'on s'apprête à désinstitutionnaliser, j'ai garanti au ministre la collaboration de l'opposition dans l'adoption de son projet de loi. Mais, si le ministre ne peut pas nous indiquer où on retrouve ces sommes d'argent, soit dans le livre du président du Conseil du trésor, soit dans le livre du ministre des Finances, on devra conclure qu'encore une fois soit qu'il s'est fait avoir, soit qu'il n'a pas pris la défense des gens dont la santé commande des ressources additionnelles avant d'être désinstitutionnalisés.

M. le Président, tantôt on mentionnait qu'il n'y avait pas de problème à la désinstitutionnalisation. Particulièrement les gens qui vivent dans les centres urbains, le centre-ville de Montréal et, au moment où nous nous parlons, également le centre-ville de Québec peuvent être des témoins quotidiens des problèmes que vivent les gens qui ont été désinstitutionnalisés, qui se retrouvent en pénurie de ressources et à qui les travailleurs sociaux se doivent de dire, à un moment donné: Si tu veux être hébergé quelque part, il faut que tu commettes un acte pénal. Là tu vas pouvoir aller en prison, je vais pouvoir te faire embarquer par la police, je vais pouvoir aller te mener à l'urgence de l'hôpital, qui est déjà engorgée. Ça, c'est la situation qu'on vit actuellement au Québec, à la veille du projet de désinstitutionnalisation du ministre.

Et est-ce que le ministre peut se permettre, en conscience, d'ajouter à ces problèmes? La façon de procéder normale, la façon avec laquelle vous procéderiez, M. le Président, vous qui avez une approche philosophique dans ce type de dossier, c'est que vous régleriez les problèmes actuels, vous feriez en sorte que les ressources soient disponibles pour corriger les lacunes du système actuel et, par la suite, en entreprenant la désinstitutionnalisation, qui est souhaitable, pas dans des chiffres ou des dimensions technocratiques ou arbitraires, mais pour des individus, vous vous assureriez que ces individus-là puissent recevoir dans leur communauté les soins ou les supports auxquels ils sont légitimement en droit de s'attendre comme personnes humaines dans une société qui se respecte. Si le ministre choisit cette voie-là, pourvoir de ressources suffisantes les endroits où on est déjà en crise au Québec, et si le ministre peut nous indiquer à quel endroit...

Puis, si ce n'est pas dans les livres, là, qu'il l'admette puis qu'il aille au Conseil du trésor puis qu'il demande les budgets nécessaires, qu'il les obtienne, qu'il revienne à l'Assemblée nationale et qu'il nous dise: Maintenant, là, nous avons la garantie que notre processus de désinstitutionnalisation est précédé par les ressources nécessaires sur le terrain pour accueillir les gens. Moi, là, si on fonctionne de cette façon-là, M. le Président, je peux assurer le ministre, je peux assurer le gouvernement, je peux assurer la partie ministérielle de la collaboration de l'opposition. Mais, si ce n'est pas le cas, si le ministre ne règle pas les problèmes actuels et s'embarque dans un vaste processus de désinstitutionnalisation non pas comme un ministre de la Santé, mais comme le bras droit du ministre des Finances et le bras droit du président du Conseil du trésor pour fermer des lits puis économiser de l'argent encore une fois sur le dos des plus démunis parmi les plus démunis de la société, il ne fera pas taire les députés de ce côté-ci de la Chambre. Peut-être qu'il réussira à en faire taire certains de l'autre côté.

(16 h 20)

Mais ça commence à être de plus en plus difficile, hein, mesdames et messieurs de l'autre côté, de se taire quand on fait du bureau de comté et qu'on a à répondre à nos concitoyens et à nos concitoyennes des gestes posés par le bras droit du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor, le ministre de la Santé. Peut-être qu'il y en aura d'autres qui manifesteront le courage qu'a eu le député de Lévis, le courage qu'a eu le député de Saint-Jean la semaine passée puis le courage qui manque présentement à certains de se lever, là, pour défendre leurs concitoyens plutôt que de défendre le gouvernement auprès de leurs concitoyens, M. le Président.

Ceci étant dit, M. le Président, je veux remercier tous et chacun des groupes qui s'occupent actuellement, et qui sont débordés, des personnes qui ont déjà été désinstitutionnalisées. Je veux remercier tous et toutes qui ont comparu en commission parlementaire pour nous demander d'apporter des amendements essentiels au projet de loi déposé par le ministre. Et je tiens à assurer l'ensemble des intervenants que le consensus qu'ils ont dégagé ensemble à l'effet qu'il n'y aura pas de désinstitutionnalisation sans ressources additionnelles est un principe auquel nous adhérons, de ce côté-ci de la Chambre, et je souhaite que ce soit un principe auquel nous pourrons rallier la majorité des députés qui se soucient du bien-être des plus démunis parmi les plus démunis de la société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Nelligan, je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai pensé que peut-être un membre du côté ministériel aurait voulu accepter l'offre du député de Brome-Missisquoi de se lever et faire ses commentaires sur le projet de loi n° 39, mais, finalement, ils ont décidé de ne pas faire ça. J'espère que pendant le débat nous allons avoir un niveau d'intérêt beaucoup plus élevé que ça.

M. le Président, le projet de loi n° 39, c'est la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives, Bill 39 is entitled An Act respecting the protection of mentally ill persons and amending various legislative provisions.

M. le Président, j'ai participé à la consultation sur l'avant-projet de loi que nous avons eue – si ma mémoire est bonne, nous avons commencé ça le 18 février 1997 – mais aussi, en préparation pour le discours de principe, j'ai eu une chance de parler avec plusieurs groupes et j'ai voulu avoir leurs commentaires. J'ai eu plusieurs commentaires. Ils ne sont pas nécessairement toujours ciblés directement sur le projet de loi, mais sur le contexte actuel. Parce qu'ici on peut avoir un excellent débat, on peut dire les bonnes choses, on peut donner les discours qu'on veut défendre tout le monde, mais la chose qui compte: être sur le terrain.

D'abord et avant tout, tout le monde dit que, avec le comportement du ministre de la Santé et des Services sociaux, qui agit plus souvent comme adjoint parlementaire au ministre des Finances, c'est inacceptable au niveau du financement. Moi, je pense que, si vous voulez parler d'un consensus, ils ont dit qu'avec le fameux virage ambulatoire, et tout ça, et les coupures partout, c'est inacceptable, le niveau de financement. Comme le député de Brome-Missisquoi a déjà mentionné, en santé, nous avons vu des coupures cinq fois plus élevées que tout le reste du gouvernement. Dans le reste du gouvernement, malgré les beaux discours, ils ont juste coupé 0,6 % dans leur budget, mais, en santé, ils ont coupé 3,2 % de leur argent.

Avec ça, M. le Président, ça fait mal à ces groupes. La première réaction est de dire: Oui, il y a des choses intéressantes dans le projet de loi n° 39 – et je vais expliquer ça un peu plus tard – mais nous avons besoin de plus d'argent pour faire le travail. Le projet de loi a ciblé les responsabilités de plusieurs établissements. Mais aussi, les alternatives, les ressources communautaires, de plus en plus, on leur demande de faire le travail que les institutions ont fait jusqu'à maintenant, mais elles n'ont pas le moyen de supporter les clientèles de plus en plus nombreuses. Avec ça, le premier message qu'on veut passer aujourd'hui: oui, on va travailler ensemble pour faire avancer le projet de loi n° 39 et bonifier ça dans le plus bref délai.

Je pense que nous allons commencer l'étude détaillée de ça au mois de septembre; nous allons être prêts. Mais on doit s'assurer que, pendant le passage de cet article de loi, le ministre donne les garanties que les choses qu'il donne aux personnes atteintes de maladie mentale soient les ressources nécessaires pour répondre à leurs besoins.

Deuxième commentaire que j'ai entendu, que le fameux mot «désinstitutionnalisation» peut être un rêve ou peut être un cauchemar. Parce que je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui disent que la meilleure place pour les personnes atteintes de maladie mentale est en institution. Mais, certainement, dans quelques cas, ça va être la seule place qui peut avoir les ressources, les moyens de répondre à leurs besoins et à leur protection aussi.

Mais je pense qu'il y a un grand intérêt de la part de la communauté, de la société et certainement pour les familles et les patients, qu'on veut encourager la désinstitutionnalisation, mais pas juste de façon à vider nos hôpitaux, à vider les lits psychiatriques. Parce que j'ai peur, avec le comportement que nous avons vu du ministre de la Santé et des Services sociaux – qui agit souvent comme adjoint parlementaire – derrière ça, c'est juste une façon de sauver de l'argent pour le ministre des Finances. Ce n'est pas vraiment basé sur un intérêt à répondre aux besoins des citoyens, des Québécois et des Québécoises. Et, comme j'ai mentionné, M. le Président, sans avoir un bon système d'appui communautaire, de soutien communautaire, la désinstitutionnalisation ne marche pas, malgré les bonnes intentions.

Je pense qu'on doit encourager les tendances à la désinstitutionnalisation, mais on doit s'assurer que les sous et le soutien sont là. Et on doit s'assurer que les communautés sont prêtes à accepter toutes ces clientèles. J'ai vu des exemples, moi-même; avec une mauvaise préparation de la communauté, il y a des réactions négatives qu'on doit arrêter. On doit s'assurer qu'une fois qu'on installe un service communautaire la communauté est prête à supporter sa clientèle. J'ai travaillé moi-même avec plusieurs groupes qui essaient de faire ça, et j'espère qu'ensemble on pourra trouver le meilleur mécanisme pour s'assurer qu'on ne voie pas la réaction NIMBY, «not in my backyard», comme on dit, et qu'on peut actuellement avancer le mouvement pour la désinstitutionnalisation pour ceux et celles qui répondent à ces critères.

Nous sommes certains que ce n'est pas toutes les personnes qui ont besoin de la désinstitutionnalisation. Mais j'ai peur, M. le Président, et aussi les groupes avec qui j'ai parlé ont peur qu'avec l'annonce de 3 000 fermetures de lits on peut avoir un désastre dans le réseau des services pour les personnes atteintes de maladie mentale. Annoncer des coupures de moitié des lits, c'est potentiellement très sérieux, M. le Président. Et, pendant l'étude détaillée de ce projet de loi, nous allons certainement demander des questions sur l'impact de ces fermetures. Pendant l'étude des crédits, cette année, nous avons vu les listes, et je ne citerai pas tous les lits fermés un après l'autre dans chaque territoire du Québec. On doit s'assurer qu'il y ait des ressources nécessaires pour remplir ces services.

(16 h 30)

On peut aussi comparer le montant d'argent disponible pour les ressources alternatives. Il n'y en pas nécessairement beaucoup. Je ne peux pas les citer toutes, mais c'est tout disponible. Si le monde veut faire le suivi de ce débat, c'est dans le tome I de l'étude des crédits 1997-1998, et c'est aux pages, si ma mémoire est bonne, 273 à 295. M. le Président, c'est clair que la façon de répondre à ces personnes, ce n'est pas nécessairement des coupures comme nous avons vues dans tous les autres programmes du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il doit avoir les ressources, il doit avoir les sous, les dollars pour répondre à ces besoins.

M. le Président, quand même, il y a des choses intéressantes dans le projet de loi n° 39, mais le sujet est tellement sérieux qu'il doit y avoir un débat sérieux et profond. On doit s'assurer qu'on cherche à avoir une balance entre le pouvoir de protéger quelqu'un, le pouvoir de garder quelqu'un peut-être contre sa voix, de protéger cette personne contre elle-même et on doit s'assurer que nous avons fait ça en toute protection de ses droits. Et ce n'est pas facile, M. le Président.

Et mes commentaires sur les questions, ce n'est pas du tout de mettre la bonne foi en doute du ministre. Je pense que maintenant nous sommes en train de dire qu'effectivement il y a des citoyens québécois qui ont besoin de protection, qui présentent, pour utiliser les mots du projet de loi n° 39, un danger pour eux-mêmes. Et il me semble que nous avons un besoin légitime de répondre à ces besoins. Mais, comme nous avons vu que le projet de loi traitait également des gardes provisoires et prévoit, dans les cas d'urgence, des prises de mesures exceptionnelles, notamment la possibilité de garder une personne contre son gré et sans l'autorisation du tribunal, dans les cas où il existe un danger imminent pour la sécurité ou l'intégrité de la personne elle-même ou d'un tiers, c'est un concept extrêmement sérieux, M. le Président, et on doit s'assurer que nos interlocuteurs, nos professionnels ont les moyens de protéger une personne contre elle-même. Mais on doit s'assurer, une fois qu'on étudie ce projet de loi, qu'on protège les droits de ces personnes.

Dans le projet de loi n° 39, M. le Président, il y a des articles qui parlent, qui commencent à répondre aux questions de protection de droits. Il y a le droit de communication en confidentialité, il y a le droit d'informer la personne de ses droits, le temps qu'elle doit rester dans l'institution. Avec ça, je pense, il y a un pas dans la bonne direction, mais peut-être qu'avec des amendements on peut bonifier ces droits.

M. le Président, aussi, dans le projet de loi n° 39, il y a un article assez important, et je voudrais profiter de l'occasion sur le débat du principe pour mentionner l'article 24 qui parle de: «L'utilisation dans une installation maintenue par un établissement de santé et de services sociaux de la force, de l'isolement, des moyens mécaniques ou des substances chimiques, pour empêcher une personne atteinte de maladie mentale, qu'elle soit sous garde ou non, de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions, doit être minimale et doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne.»

C'est un concept, M. le Président, tellement important, aussi, parce que nous avons tous entendu des histoires tellement tragiques du passé quand nous avons institutionnalisé les personnes. Elles étaient maltraitées. Je ne cite pas d'exemple. Mais, je pense, on trouve un article de loi extrêmement important pour assurer que les populations qui doivent être institutionnalisées soient bel et bien protégées. Mais, pendant l'étude détaillée de ce projet de loi, je vais certainement questionner le ministre sur les modalités et les paramètres de cette loi.

Il y a un autre sujet qui m'intéresse moi-même beaucoup, et je sais que le député de Verdun est très intéressé par ce sujet, c'est toute la question de protection de l'information confidentielle. Et souvent nous avons eu la possibilité ensemble de faire les débats, de questionner les ministres de plusieurs ministères sur cette question.

Je ne vois pas, à la première lecture de ce projet de loi, la même tendance de mettre de côté toute la protection de la vie privée, comme nous avons vu dans les projets de loi comme, exemple, le projet de loi n° 32. Mais, quand même, il y a un certain échange d'information, qui peut être transmise entre la Commission des affaires sociales, l'institution, le Curateur, les avocats et les représentants des clients. Je voudrais juste m'assurer que, quand on donne l'obligation de transférer une information aussi sensible que ça, il y a une certaine protection de la vie privée. Peut-être que le ministre va expliquer que, dans les articles de la loi, il y a une protection assez substantielle, mais on doit s'assurer au-dessus de tout doute qu'il y a cette protection.

Il y a aussi le droit d'être informé, de savoir ce qui se passe. Une fois que vos droits sont enlevés, parce qu'on parle de garder quelqu'un contre son gré, contre...

M. Gautrin: Son gré.

M. Williams: ...son gré, contre son gré, avec ça nous sommes en train de suspendre certains droits. Mais aussi, dans le contexte de ça, on doit s'assurer que le reste de ses droits sont protégés.

Je voudrais utiliser le temps aujourd'hui aussi pour juste mettre sur la table la question de, j'espère, l'obligation d'informer ces personnes. Ça ne va peut-être pas nécessairement être soumis à toutes les exigences, comme nous l'avons vu dans plusieurs autres, d'un débat linguistique. Pour ceux et celles qui ne parlent pas français mais qui sont soumis à ces articles de loi, pour leur protection – avec ça, je ne mets pas ça en doute – cette obligation d'être informés, ils doivent avoir cette information dans la langue qu'ils comprennent. J'espère que nous allons nous assurer, M. le Président, qu'effectivement... Dans les cas comme ça, quand les personnes sont atteintes d'une maladie mentale, il n'y a aucun débat linguistique là.

Mr. Speaker, this is a bill that in a large measure has some interesting concepts, but we are going to be very careful as we go through article by article with the Minister, in full collaboration with the Minister, to make sure that the rights of the citizens and the responsibilities of the institutions are balanced in a way that responds to the interest of, first and foremost, the citizens and, second, the society at large. This is a bill that addresses a part of society that is not easily organized. It's not a part of society that has natural voices that can defend themselves. It's not a part of society that has lobby groups and has associations defending it. It's not a part of society that is politically active.

Avec ça, je pense, M. le Président, qu'il y a une responsabilité au-dessus de tous les autres intérêts partisans. On peut travailler ensemble pour s'assurer qu'on défende leurs intérêts, et je pense qu'il y a un appui unanime sur ce point-là. Parce que nous sommes un peu, quand nous sommes en train d'étudier le projet de loi n° 32, le curateur, curatrice public comme législateurs. On doit s'assurer que, une fois que nous aurons adopté ce projet de loi n° 39, nous aurons mis en place les outils pour répondre à leurs besoins, particulièrement quand ils ont besoin de protection contre eux-mêmes, mais aussi que leurs droits sont bel et bien protégés.

M. le Président, aussi je voudrais juste peut-être terminer mes remarques aujourd'hui avec mon appui pour les groupes communautaires qui donnent un service extraordinaire pour les personnes qui sont atteintes de maladie mentale. De plus en plus, on demande à ces groupes de rendre des services que, dans les années passées, nous avions demandé aux institutions de faire avec beaucoup plus d'argent. Maintenant, particulièrement avec la vague de fermetures que nous avons vues, causées par l'adjoint parlementaire du ministre des Finances, on demande plus à ces groupes communautaires de rendre les services assez difficiles, et je voudrais féliciter tous ces groupes.

(16 h 40)

Mais je voudrais aussi passer un message au ministre de la Santé et des Services sociaux. Si on veut vraiment protéger les droits, comme il l'a dit pendant ses remarques, on doit s'assurer qu'on subventionne ces groupes pour les aider à défendre les intérêts de ces patients. Je sais et il sait que, dans la loi 120, qui est maintenant la loi sur la santé et services sociaux, il y a le concept des comités de clients, les comités de patients. On doit s'assurer que ces comités aient le pouvoir de représenter ces personnes. S'il arrive des problèmes, on doit bonifier ce qui existe déjà, parce que souvent, s'il y a une question de droit, s'il y a une question de qualité du service, on doit s'assurer que ces personnes ont les moyens de s'exprimer.

Comme j'espère que le ministre a compris aujourd'hui, il me semble qu'il y a des concepts utiles dans le projet de loi n° 39, je pense qu'il y a des concepts qui ne sont pas faciles, et on doit... J'assure le ministre aujourd'hui que, quand on commencera l'étude détaillée de ce projet de loi, nous allons travailler en collaboration pour s'assurer qu'ensemble, une fois que ce sera adopté – dans le plus bref délai, j'espère, certainement avant la fin de l'année du calendrier – nous allons mettre un projet de loi qui donne les outils aux professionnels, mais aussi protège les citoyens québécois qui sont atteints de maladie mentale.

Merci beaucoup, M. le Président, pour cette opportunité de faire quelques commentaires pendant le débat de principe du projet de loi n° 39.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 39. M. le ministre, vous vous prévalez de votre droit de réplique? Vous avez un temps de parole de 20 minutes.


M. Jean Rochon (réplique)

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je serai bref. Il me semble utile, en terminant ce débat, d'insister peut-être sur deux aspects. D'abord, cette fameuse question de désinstitutionnalisation. J'ai voulu bien rappeler que ce projet de loi pour la protection du malade mental se situe dans le contexte d'un grand nombre d'actions et d'efforts qui sont faits présentement par le gouvernement, par le ministère, par le réseau de la santé et des services sociaux pour améliorer les services aux personnes.

La désinstitutionnalisation, ce n'est pas du tout ce qu'on prépare, M. le Président; c'est fait, la désinstitutionnalisation. Elle a été faite largement. Ce qui n'a pas été fait, ce qui n'a pas été réalisé assez, c'est de compléter la désinstitutionnalisation, c'est-à-dire que, une fois qu'on a permis aux personnes de retourner dans leur milieu, la logique, c'est qu'on développe dans leur milieu plus de moyens qui sont donnés aux familles, qui sont donnés aux gens eux-mêmes, d'abord, bien sûr, plus de moyens qui sont donnés aux groupes communautaires pour que les gens qui retournent dans leur milieu aient l'appui, aient le soutien à des services dont ils ont besoin.

Il faut qu'il y ait localement, sur chacun de nos territoires, dans toutes les communautés, des moyens d'intervention de crise, par exemple. Parce que quelqu'un qui a un problème de santé mentale peut, pour différentes raisons, être déstabilisé, à un moment donné, et avoir un retour aigu de problèmes. Ça a été assez bien démontré, à ce que me disent tous les spécialistes dans ce domaine-là, que ce qui est important, c'est d'être capable d'intervenir avec la personne rapidement, de façon intense, pour répondre à ses besoins et, le plus possible, dans le milieu où la personne vit. Dans beaucoup de cas, ça, ça peut éviter une hospitalisation.

Si une hospitalisation est nécessaire, il faut qu'on ait les ressources, il faut que la personne puisse être hospitalisée, mais il faut que, autant que possible, la personne reste le moins longtemps possible à l'hôpital. Il n'y a personne qui souhaite être longtemps à l'hôpital. Il faut donc que la personne ait, là aussi, une intervention, des services, le plus intensifs possible pour qu'elle retrouve la santé assez pour reprendre une vie normale.

Ce dont il est question dans les prochaines années, et c'est ce qui est commencé avec les orientations en santé mentale, c'est de compléter la désinstitutionnalisation, de reprendre où on a laissé la continuité des services et de s'assurer que, de l'hôpital jusque dans la vie personnelle des gens, il y a vraiment une continuité.

Pour que ça puisse se faire, il faut qu'il y ait une concertation, il faut qu'il y ait une participation à tous les niveaux. Ça se bâtit à partir du terrain. Il faut que l'hôpital soit là, mais ce n'est pas l'hôpital qui peut aller organiser des services dans la communauté. Le réseau de la santé peut y contribuer beaucoup. Les CLSC sont là pour ça, ils sont déjà impliqués. Il faut que les CLSC travaillent de très près avec les médecins, avec les psychiatres de l'hôpital, avec les médecins de famille qui s'occupent des gens sur le terrain. Il faut que les médecins et les CLSC soient bien liés aux groupes communautaires et bien en lien avec les familles.

Alors, quand on parle de désinstitutionnalisation, ce qu'on veut faire, c'est vraiment de resserrer, d'améliorer la continuité de cette chaîne de services et de s'assurer que, pour tout problème qu'une personne peut avoir, elle va se retrouver à la bonne place pour avoir des services dont elle a besoin, l'objectif n'étant pas d'hospitaliser des gens, étant de permettre à des gens de faire une vie normale, la plus normale possible.

On aura toujours besoin d'hôpitaux, mais on a présentement peut-être un débalancement de nos ressources. La crainte qu'on a – et je veux profiter de l'occasion pour le redire – de fermetures de lits dans les hôpitaux... C'est un fait, on a deux fois plus de lits qu'à peu près tout le monde, dans le domaine de la santé mentale. Maintenant, attention, les lits qui vont être fermés, c'est par conséquence des services qu'on va développer, ce ne sont pas des services qui sont enlevés aux gens.

Par exemple, ce qu'on sait, c'est que, dans les 3 000 lits qui graduellement pourraient être convertis en d'autres ressources, il y a présentement à peu près 1 000 personnes, me dit-on, qui sont des gens qui ont un problème de déficience intellectuelle, qui sont maintenant assez âgés, qui ont été là longtemps et qui ont surtout besoin d'un établissement de soins de longue durée. Ils n'ont pas besoin d'un établissement et d'un endroit de santé mentale. Alors, présentement, et ça, ça se passe dans les hôpitaux, il y a des évaluations cliniques qui sont faites de ces personnes-là pour bien s'assurer de leurs besoins, et elles sont orientées vers des établissements de soins de longue durée qui leur donnent des services qui correspondent beaucoup mieux à ce dont elles ont besoin. Et ça, ça libère des lits.

Alors, qu'est-ce qu'on va faire avec ces lits-là? On va les garder vides? On va hospitaliser des gens? Plutôt que de donner des ressources pour garder les gens en dehors de l'hôpital, on va les emmener dans ces lits-là pour les occuper parce qu'on les a? Bien non! La logique, c'est qu'une fois que ces lits-là se sont libérés parce que les gens sont rendus dans des établissements de soins de longue durée ça nous fait autant d'argent, de ressources, de personnels qui peuvent travailler autrement avec les gens. Ça, c'est une première chose.

À mesure, avec cette vague-là et ce qu'on va pouvoir mettre en plus dans les communautés, qu'on va avoir une meilleure capacité de rétention sociale de nos gens, on va utiliser moins l'hôpital. Quand les personnes vont y aller, elles vont être là moins longtemps, donc on va avoir besoin de moins de lits. C'est comme ça que ça s'est fait dans tous les endroits. Alors, progressivement, sur cinq ans, ce qu'on dit c'est que, en développant vraiment le type de services dont les gens ont besoin, ça va permettre de rééquilibrer nos services.

Alors, il faut ôter le focus sur le fait que c'est d'abord une question de fermeture de lits; ce n'est pas ça. C'est une question de développement de services et de développement de services avec les gens dans la communauté où ils vivent. Et, par voie de conséquence, tant mieux, à mesure qu'on pourra libérer des ressources, ça va nous permettre d'en faire plus et plus vite auprès des communautés.

Voilà donc pour ce contexte dans lequel se situe ce projet de loi. Et je pense, même en écoutant correctement les commentaires qui ont été faits par les collègues de l'opposition, qu'on sent qu'il y a effectivement un accord sur les améliorations qui sont apportées dans ce projet de loi là. Il y aura du peaufinement encore à apporter à ça, sur la base des commentaires qui nous ont été faits en consultation.

Je suis content qu'on en arrive à une étape où, après plusieurs années de discussions, d'analyses, d'examens, on a réussi à cerner de plus près, un peu, une situation. Et on va pouvoir s'assurer que ce principe d'inviolabilité de la personne humaine, qui est consacré maintenant encore mieux dans notre Code civil... que cette notion de dangerosité va être mieux cernée et que, oui, les gens qui ont besoin d'être amenés à l'hôpital quand ils sont dans un état de crise extrême peuvent l'être avec toute la protection de leurs droits, dans tout le respect de leur personne et qu'eux et leur famille peuvent être assurés qu'ils ont des bons traitements et qu'ils sont retournés pour faire leur vie normale dans les meilleurs délais possibles.

C'est donc un chaînon. Ce n'en est qu'un seul, mais c'est un chaînon important. Et je souhaite qu'à la prochaine session une fois qu'on en aura, j'espère, adopté le principe, cette fois-ci on pourra compléter l'étude des articles de ce projet de loi là et le proposer pour sanction finale. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé. Alors, à ce stade-ci, le principe du projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

(16 h 50)

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 149


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 7 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 11 juin dernier, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Le dernier intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 149 a été Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve et ministre de la Sécurité du revenu. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 149? Alors, M. le député de Verdun et critique officiel de l'opposition.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci. M. le Président, je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti, de couvrir – et de la manière la moins partisane possible parce que je regrette les débats un peu trop partisans face à cette question éminemment importante – à la fois l'histoire du Régime de rentes du Québec, pourquoi on se trouve aujourd'hui dans la situation qui est la nôtre, quels sont les amendements ou les modifications qui sont proposés dans le projet de loi, quelles sont les craintes que l'opposition peut avoir face à ces modifications et je terminerai en expliquant le sens de notre vote en deuxième lecture.

Alors, lorsqu'on parle du Régime de rentes du Québec, on ne parle pas de petits chiffres, M. le Président. C'est un régime de rentes qui sort – autrement dit qui paie aux pensionnés, aux Québécois et Québécoises – de l'ordre de 5 000 000 000 $ par année. C'est un régime de rentes qu'on a constitué en 1966. Je ne rentrerai pas dans l'historique qui a créé la distinction entre le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada. En 1966, il faut bien vous rappeler, nous étions encore dans une période où on sortait de ce qui avait été la grande explosion démographique, c'est-à-dire que génération après génération les parents avaient beaucoup plus d'enfants que le couple qu'ils étaient, c'est-à-dire que la population était fortement en croissance.

Deuxième élément. Cette période des années soixante a été, si on regarde sur tout l'ensemble du XXe siècle, exceptionnelle en termes de croissance économique. Nous avions, à l'époque, des taux de croissance économique importants. Et ceux qui ont pensé le Régime de rentes ont dit: Puisqu'on a des taux de croissance économique importants, puisque nous sommes dans une situation d'explosion démographique – on pensait que la situation allait continuer dans les années qui allaient venir – au lieu d'avoir un régime de rentes capitalisé – comprenez bien ce que c'est qu'un régime de rentes capitalisé: chaque individu verse dans une caisse d'un régime de rentes, on fait fructifier cet argent-là, et c'est avec les intérêts de cet argent-là que l'on paie éventuellement la pension – on va constituer un régime de rentes par répartition, c'est-à-dire que les générations plus jeunes vont payer pour les générations plus âgées.

Comme on était dans une situation où on pensait qu'on aurait eu pour longtemps une croissance de la démographie et une croissance de l'économie, on pouvait avoir des prestations de ce Régime de rentes avec des cotisations beaucoup moindres. C'était un peu qu'on pensait que, dans le fond, comme il y aurait eu beaucoup plus de gens dans les générations qui auraient suivi et qu'ils auraient gagné beaucoup plus que ceux qui étaient en train de travailler, on pouvait constituer un régime de rentes avec des cotisations relativement modestes. Alors, ça, ça a été le pari du Régime de rentes en 1966, et il a, comme tout régime de rentes qui se constitue...

Au début, tout le monde y participait et peu de personnes en bénéficiaient parce qu'il fallait avoir contribué pendant au moins 10 ans pour pouvoir en bénéficier, pouvoir obtenir des prestations. Le principe de la cotisation – et on reviendra dans les détails tout à l'heure – était établi à 3 %, partagé entre employeur et employé, d'une partie des salaires qu'on appelle dans notre jargon «le maximum des gains admissibles». Alors, la réalité, et c'est une tendance extrêmement lourde de notre société... C'est pour ça que je ne voudrais surtout pas éviter... Parce qu'on pourrait absolument prendre des dates puis dire: C'est la faute de l'un ou c'est la faute de l'autre; c'est magnifique, ce qu'on fait.

La réalité est la suivante: c'est que la croissance démographique, qui est la tendance lourde dans notre société, que nous avions connue comme société dans les années cinquante et même vers le début des années soixante, a brutalement chuté dans les années soixante-dix et quatre-vingt, ce qui fait, à l'heure actuelle, que, si on mesure... Une mesure de cette croissance démographique, c'est l'indice composite de fécondité. Actuellement, il voisine entre 1,4 et 1,5 suivant les années. On est une société qui ne se régénère même plus, à l'heure actuelle. On est une société qui, si elle n'avait pas l'apport de l'immigration, ne se régénérerait plus, c'est-à-dire ne fait plus assez, entre guillemets, d'enfants pour pouvoir se régénérer. Ça, c'était le premier problème.

Deuxièmement, après ces périodes de forte croissance économique dans les années soixante et dans les années soixante-dix, on a connu un premier ralentissement économique, au début des années quatre-vingt, qui s'est maintenu. C'est-à-dire, pas seulement au Québec, dans l'ensemble du continent nord-américain, mais ici, au Québec, comme ailleurs, la croissance de l'économie s'est considérablement ralentie.

Donc, ces deux tendances lourdes, c'est-à-dire la tendance démographique et la tendance de la croissance économique, ont fait que ce qui avait été les objectifs initiaux de ceux qui avaient conçu le Régime de rentes du Québec en 1966 ne se sont pas réalisés. Dès 1982 – on va rentrer au point de vue historique – l'ensemble des revenus de cotisations n'étaient plus suffisants pour payer les prestations. Comprenez donc bien comment fonctionne ce Régime de rentes: c'est essentiellement les cotisations qui servent à payer les prestations. Mais, bien sûr, on a au milieu une espèce de caisse d'équilibre. Alors, évidemment la caisse d'équilibre – et on en discutera tout à l'heure – doit représenter quelques années de... On en a un peu pour payer deux ou trois années de prestations.

(17 heures)

Dès 1982, les revenus de cotisations n'étaient plus suffisants pour payer les prestations, et il a fallu, pour payer l'ensemble des prestations, avoir recours aux revenus d'intérêt. Vous comprenez bien que, entre 1966 et 1982, les cotisations étant supérieures aux prestations. On avait accumulé un certain montant d'argent dans la caisse qui, en 1982, était de 8 000 000 000 $. Il faut bien être conscient que, quand on considère les régimes de rentes, on parle de sommes extrêmement importantes, 8 000 000 000 $. Donc, dès 1982, on aurait dû avoir une cloche en disant: Attention! Il faut faire quelque chose. Si je faisais de la petite politique, je dirais: En 1982, c'était le gouvernement qui actuellement est là qui aurait dû déjà agir. Je ne le ferai pas parce que je trouve que ça serait, disons, politiser un débat qui ne devrait pas l'être, d'après moi, et je regrette que la députée de Hochelaga-Maisonneuve l'ait fait ce matin.

Je vais revenir ensuite... En 1986, après l'évaluation actuarielle de 1984, on a dit: Il est important d'augmenter les cotisations. Ça voulait dire quoi, augmenter les cotisations? Ça voulait dire: pour éviter qu'on commence à manger les revenus d'intérêts, on a commencé à augmenter les cotisations, sur une période de 10 ans, de 0,2 % par année. C'est-à-dire, de 1986 à 1996, un taux de cotisation qui était de 3 %, on l'a monté lentement de 0,2 % par année, année après année, jusqu'à atteindre 5,6 %.

Cette augmentation de taux de cotisation ne s'est pas avérée suffisante pour contrer l'effet de la chute démographique qui s'est accentuée à partir du début des années quatre-vingt et pour contrer aussi le ralentissement économique. Vous comprenez bien, comme je vous l'ai expliqué, M. le Président, il y a deux variables lourdes dans le fonds de pension, c'est évidemment les variables démographiques, qui sont une chute des naissances, d'une part, à laquelle s'est adjointe une augmentation de l'espérance de vie. C'est-à-dire qu'on se trouve dans une situation où les personnes font de moins en moins d'enfants; par contre, elles vivent de plus en plus longtemps. Ce n'est pas que je critique que les personnes vivent de plus en plus longtemps, mais, vivant de plus en plus longtemps, elles reçoivent de plus en plus longtemps du Régime de rentes du Québec.

Alors, ces deux variables lourdes qu'il y avait à l'intérieur du Régime de rentes ont eu pour effet que l'augmentation de cotisation qui avait été prévue en 1986, de 0,2 % pendant une période de 10 ans, ne s'est pas avérée suffisante et on a commencé, dès 1993, une forme de décaisse de la réserve, c'est-à-dire que non seulement les revenus de cotisation, non seulement les revenus d'intérêts n'étaient plus suffisants pour payer les prestations, mais on a commencé à utiliser le capital qui avait été accumulé à l'intérieur du Régime de rentes du Québec.

Alors, c'était la situation dans laquelle nous étions. Face à ça, et je dois dire, il était important que nous ayons ce débat de société, au Québec, bien sûr, mais dans le reste du Canada, pour savoir ce que l'on fait avec le Régime de rentes. Il est important de comprendre dans ce qui va suivre... M. le Président, pour bien comprendre les problèmes du Régime de rentes, c'est qu'on projette quels vont être les besoins d'un régime de rentes, on regarde, dans un cas, la répartition, quelle est la masse salariale totale de ceux qui travaillent, on regarde quels sont les besoins des prestations et on prend, en pourcentage, quel pourcentage de la masse salariale de ceux qui travaillent correspond aux prestations qu'on doit recevoir du RRQ.

Alors, la projection avait été faite dès 1994. Elle a été corrigée ensuite. On voit que lentement on croît pour arriver, vers 2010, à 10 % de la masse salariale, ce qui serait nécessaire pour payer les prestations, et on arrive au «peak» en 2040, à 14 % de la masse salariale nécessaire pour payer les prestations. Alors, il y a deux manières de réagir à cela. Il faut soit augmenter les cotisations, soit diminuer l'ensemble des prestations.

Le choix qui est fait, c'est l'élément qu'on va commencer maintenant à discuter. Le gouvernement avait fait... on a tenu une commission parlementaire longue où, évidemment, on a toujours eu ces deux variables en tête: on peut soit augmenter le taux de cotisation, soit diminuer les prestations.

Vous allez comprendre avec moi que, si on augmente rapidement le taux de cotisation, on va réaugmenter la réserve. Cette réserve est en mesure de produire des revenus d'intérêt, et on va être en mesure, en augmentant rapidement le taux de cotisation, peut-être d'avoir un taux de cotisation stable qui soit plus bas que ce qu'il n'aurait été si on l'augmentait progressivement.

Il y avait deux scénarios qui avaient été préparés pour l'étude, ce qu'on appelait la séquence d'augmentation rapide, qui augmentait de 0,4 % en 1997 – c'est ce que nous avions fait – ou pour amener le taux de cotisation à 6 %, 0,6 %, 0,8 %, 1 %, 1,2 %, 1,2 %, 1,3 %, pour arriver en 2003 à 12,2 % du taux de cotisation. Il y avait une séquence plus rapide qui étalait jusqu'en 2007 l'augmentation des taux de cotisation.

M. le Président, il faut bien comprendre alors deux choses, on va parler de ça ensemble, si vous voulez: les effets non pas dans le fonds de pension, mais les effets sur l'économie d'une augmentation des taux de cotisation. Vous comprenez bien que l'augmentation des taux de cotisation, c'est une taxe sur la masse salariale. Donc, ça diminue d'autant le pouvoir d'achat des Québécois et des Québécoises et ça a un effet direct sur l'emploi.

Maintenant, on pourra débattre quel est l'effet que cela a sur l'emploi. On pourrait estimer une augmentation de 1 %, à peu près, à 25 000 emplois. C'est les chiffres qui ont été avancés. Je ne voudrais pas actuellement débattre sur ça. Je pense qu'on a besoin des études économiques pour pouvoir discuter de cela.

La question qui est devant nous, c'est que le projet de loi à l'heure actuelle propose une augmentation jusqu'à un plafond de 9,9 %. Oui, je dois dire que dans les deux mois d'auditions que nous avons eus, il était clair que l'économie québécoise ne pouvait pas supporter une taxe sur la masse salariale qui aurait dépassé le 10 %. Donc, on reste en deçà du 10 %. On reste en deça du 10%, par contre, on l'augmente relativement très rapidement, mais pas autant rapidement qu'on aurait pu le penser dans le scénario le plus rapide. Entre le scénario le moins rapide et le scénario le plus rapide, on a une augmentation seulement de jusqu'à 9,9 %.

Alors, crainte tout de suite et lumière rouge qui va être une des préoccupations de l'opposition, ce taux d'augmentation de 0,4 %, 0,6 %, 0,8 % et 0,5 % en 2003, quel est son effet direct sur la création d'emplois? Quel est son effet direct sur l'économie du Québec? Ça, c'est la première crainte que l'on peut avoir.

(17 h 10)

Deuxièmement, et je ne comprends pas que personne ne se soit posé la question, le taux de 9,9 % est inférieur même à ce qu'on appelait la progression rapide, qui était un taux de 12,2 %, pour assumer les mêmes bénéfices que l'on a actuellement dans le fonds. Donc, si on arrive, dans le projet de loi, à avoir un taux de cotisation stabilisé à 9,9 %, c'est qu'on a dû réduire ou diminuer une partie des bénéfices que l'on pouvait obtenir du Régime de rentes du Québec.

Alors, c'est le deuxième élément qu'on va essayer de regarder ensemble: Qu'est-ce qui a été proposé comme diminution? Parce qu'il faut bien être conscient, dans le livre qui était le livre vert déposé par le gouvernement pour équilibrer, en quelque sorte, le régime, même avec une augmentation du taux de cotisation plus rapide que ce qui était proposé ici, on était obligé d'arriver à un taux de cotisation, en 2003, de 12,2 % pour maintenir les mêmes bénéfices du Régime de rentes. Or, entre le moment où le gouvernement a déposé ce livre vert et le moment où il dépose son projet de loi, il n'y a pas eu de miracle qui s'est produit. Donc, si, dans le projet de loi, on demande à l'heure actuelle aux Québécois et Québécoises de financer le Régime de rentes à 9,9 % en 2003, c'est soit que l'ensemble des bénéfices va être diminué, soit qu'il y a quelque chose qui ne marche pas dans l'ensemble des calculs. Et, personnellement, je ne suis pas sûr que l'ensemble des calculs soient corrects, et je finirai par arriver là-dessus.

Donc, je vous rappelle bien, on nous propose ici une augmentation jusqu'à 9,9 % en 2003. Le dépôt, ce qu'on appelait la séquence la plus rapide, dans le livre vert, arrivait pour maintenir le même niveau de bénéfice du Régime de rentes, de devoir monter à 12,2 %.

Alors, quelles sont les différentes modifications qui sont demandées, premièrement? Après, je terminerai sur les questions que je peux avoir. La première modification qui est faite, c'est ce qu'on appelle le gel de l'exemption générale de base; la deuxième, c'est la modification de l'âge de retraite des bénéficiaires d'une rente d'invalidité; la troisième, c'est la question de la prestation de décès; la quatrième, c'est l'obligation de verser des cotisations, pour les retraités qui travaillent; la cinquième, c'est la modification du calcul des gains admissibles; et la dernière modification est une modification qui n'a pas d'effet actuariel, sur laquelle on n'a aucune difficulté à être tous d'accord ici, dans cette Chambre, c'est la nécessité d'avoir périodiquement, tous les trois ans, une évaluation actuarielle. Donc, on peut tout de suite dire que cette dernière ne pose aucun problème et a fait déjà le consensus de part et d'autre.

Reprenons, actuellement, les unes après les autres les modifications qui sont proposées et voyons – parce que c'est des diminutions, en quelque sorte, des bénéfices que les gens vont pouvoir retirer du Régime – ce que ça peut avoir comme effet pour pouvoir ensemble dire qu'il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part. Je reviens sur l'uniformisation de la prestation de décès. Alors, vous savez que le Régime de rentes du Québec est non seulement un régime de pension, mais est aussi en quelque sorte un régime d'assurance. Il assure à la succession de toute personne qui décède un montant pour voir aux frais funéraires. Ce montant était calculé jusqu'à maintenant en fonction des cotisations qui avaient été versées au régime. Il pouvait varier entre 3 000 $ et quelques dollars et un montant qui était de 10 % de ce qui avait été accumulé.

Le gouvernement fait un choix en fixant d'une manière uniforme la prestation de décès à 2 500 $. Personnellement, je crois que ça va simplifier les calculs. Je crois que, néanmoins, il n'y aura pas de difficulté de part et d'autre à être d'accord là-dessus. Et, comme effet d'économie actuarielle – rappelez-vous qu'il faut que j'en fasse un certain nombre, d'économies actuarielles, entre le 12,2 % et le 9,9 % qui est présenté. En termes d'économies actuarielles, je crois que c'est virtuellement nul, parce qu'on va diminuer les prestations de décès à ceux qui avaient le plus et on va les augmenter à ceux qui avaient le moins, pour tomber autour de 2 500 $. C'est, je dirais, une mesure socialement plus juste, parce que, dans le fond, les frais funéraires sont les mêmes, que vous soyez riche ou pauvre. Mais c'est une mesure de répartition et ça n'a pas un coût sur le régime, ni en économies ni en coûts. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément, si vous me permettez, M. le Président, on attaque, à l'intérieur du régime – je dis «on attaque» parce que c'est important – on va... Vous savez que ce régime, le Régime de rentes du Québec, a essentiellement trois sorties de fonds, trois groupes de bénéficiaires: d'une part, les pensionnés, d'autre part, les veufs ou veuves, c'est-à-dire les personnes qui bénéficient de la rente de conjoint survivant, et, troisième élément, les personnes qui sont les bénéficiaires d'une rente d'invalidité. Le phénomène était le suivant: jusqu'à maintenant, lorsque vous étiez invalide, vous touchiez une rente d'invalidité jusqu'à 65 ans et ensuite vous touchiez la rente du Régime de rentes du Québec. Le projet de loi modifie la situation par rapport aux personnes invalides en disant que l'âge va être l'âge de 60 ans et qu'à partir de 60 ans on va considérer que la personne invalide aurait... Ce serait dans la situation d'une personne qui prendrait une retraite anticipée à 60 ans avec une pénalité actuarielle. Donc, d'une part, ça va être pénalisant pour les personnes qui sont bénéficiaires de la rente d'invalidité; deuxièmement, bien sûr, avec cette mesure, on diminue donc les prestations.

Je ne suis pas sûr quel est l'effet important sur les économies que l'on peut faire avec cette mesure, toujours mesurée en pourcentage de la masse salariale totale de l'ensemble des Québécois et Québécoises. Mais, si on regarde ce qui avait été estimé à l'intérieur du livre vert, c'est en fractions de 1 %, 0,2 % ou 0,3 % comme économies. Vous comprenez bien, M. le Président, que, si les sorties de fonds du régime sont principalement pour la retraite, principalement aussi pour la rente au conjoint survivant, les sorties de fonds pour question d'invalidité ne représentent que 9 % des sorties de fonds, dans le cas du Régime de rentes du Québec. Je sais parfaitement que la situation est différente dans le cas du Régime de pensions du Canada, où, là, à ce moment-là, la part qui avait été dévolue aux prestations d'invalidité était plus importante, et que peut-être cette mesure, si c'est une mesure d'harmonisation avec le RPC, a des effets plus importants en termes d'économies actuarielles pour le cas du RPC.

Il n'est pas inutile, M. le Président, de rappeler que le Régime de rentes au Québec, puisqu'on a été en mesure de mieux harmoniser le RRQ avec la CSST et la Régie de l'assurance automobile du Québec, en termes de prestations d'invalidité sur le Régime de rentes, est moins important au Québec qu'il ne l'est dans le reste du Canada, c'est-à-dire qu'on a été en mesure, comme on a un régime purement provincial, de mieux coordonner à la fois le Régime de rentes avec les deux autres mesures en cas d'invalidité, soit les mesures de la CSST et celles de la Société d'assurance automobile du Québec, ce qui permet, pour le Régime de rentes du Québec, une économie certaine.

(17 h 20)

Troisième élément dans les mesures proposées: le gel de l'exemption générale de base. Alors, il faut, pour qu'on se comprenne, qu'on comprenne bien comment marchent les versements, en quelque sorte, de pension aux bénéficiaires du Régime de rentes du Québec. Vous cotisez sur la partie du salaire qui est entre un montant qu'on appelle le maximum des gains admissibles et quelque chose qui est l'exemption générale de base. Autrement dit, si vous gagnez, par exemple, 50 000 $, ne sera cotisable pour le RRQ que la partie de vos gains qui est comprise entre 3 500 $ à peu près et le maximum des gains admissibles, qui est de l'ordre de 35 000 $, enfin, je pense que c'était un peu moins que ça, mais de cet ordre là. Vous voyez?

Alors, la proposition qui est faite, c'est de dire: traditionnellement, avec la poussée inflationniste, le maximum des gains admissibles avait constamment augmenté et l'exemption annuelle de base représentait 10 % du maximum des gains admissibles, c'est-à-dire la partie de vos revenus était, au maximum, à 90 % du maximum des gains admissibles. La proposition propose de geler, c'est-à-dire ne plus suivre avec la poussée inflationniste, de geler l'exemption générale de base. Ce qui, si on suit la poussée, si on était en situation inflationniste, doit avoir pour effet d'obliger des gens qui ont très peu de revenus à cotiser au RRQ, au Régime de rentes du Québec. C'est-à-dire – et on aura, on a déjà eu en commission, et je crois qu'on va réavoir un débat autour de cela – c'est faire cotiser sur des années où vous avez des revenus virtuellement très, très faibles des personnes, alors qu'elles pourraient les compter dans ce qu'on appelle les mesures dans le 15 % de mesures de retranchement. C'est assez technique, M. le Président, mais c'était important de l'exprimer.

Nous avons des débats sur ce choix qui est fait. Je ne le favorisais pas, et, bon, on l'a retenu. Mais, encore là, ce gel de l'exemption générale de base n'a qu'un effet actuariel important, mais qui ne dépasserait pas 0,5 % de la masse salariale totale. Alors, je n'arrive toujours pas, dans mon calcul, à retomber du 12,2 % à 0,9 %. Alors, ça, on reviendra toujours au point où on ne se comprend pas.

Troisième élément, M. le Président, on a une mesure qui, à première vue, dans une situation non inflationniste, va avoir peu d'effet mais qui, si jamais on se retrouve en situation inflationniste, va avoir beaucoup d'effet. C'est-à-dire que le calcul des prestations... Pour l'instant, le calcul des prestations est basé en fonction des gains ajustés sur la moyenne des gains admissibles pour les trois meilleures années, qui sont toujours, en général, les trois dernières années. La modification va calculer les gains admissibles non pas sur les trois dernières années, mais sur les cinq dernières années. En situation non inflationniste ou lorsque l'inflation est relativement faible, ça a peu d'effet sur la pension. En situation inflationniste, ça a des effets considérables, enfin relativement importants, sur les revenus de pension.

Alors, M. le Président, moi, j'allume ici une lumière importante. À court terme, on va dire: Bon, puisque nous sommes dans une situation où l'inflation est relativement faible, cela changera peu aux gains ou aux revenus de pension. Si jamais nous nous retrouvions dans la situation où nous nous sommes trouvés au milieu des années quatre-vingt, où la poussée inflationniste était extrêmement importante, cette modification que nous aurions adoptée ou que nous adopterions aujourd'hui pourrait avoir des effets importants sur la diminution, de fait, des prestations de retraite. Alors, c'est un élément important à signaler. Est-ce que ça entraîne une réduction des taux de cotisation, en parlant de pourcentage de la masse salariale? Je ne crois pas que ça entraîne des taux importants.

Alors, voici à peu près, les modifications qui sont proposées au Régime de rentes aux termes des bénéfices, autrement dit: une diminution pour les personnes invalides; une diminution en cas de poussée inflationniste forte pour les prestations, puisqu'on calculera les prestations, les gains admissibles sur cinq ans et non pas sur trois ans; une uniformisation de la prestation de décès – et je dois dire dès le départ que c'est un point sur lequel il n'y a pas de difficulté, parce que c'est un jeu à coût nul – une autre modification qui est quand même relativement marginale, celle du versement des cotisations par le retraité qui travaille, c'est un point sur lequel, je crois, il y avait un fort consensus entre tout le monde.

Alors, quand j'en arrive au bout de tout ça, M. le Président, je me dis: Wo! Je ne comprends pas comment on pouvait, lorsqu'on a déposé le livre vert, dire, pour maintenir les bénéfices, qu'on avait besoin d'augmenter le taux de cotisation en augmentation rapide, jusqu'à 12,2 % de la masse salariale globale, que là, actuellement, on ne l'augmente que jusqu'à 9,9 %, et on prétend qu'on va continuer à avoir les mêmes bénéfices. Et, comme il n'y a pas de miracle ni de génération spontanée de bénéfices, il y a quelque chose que je ne comprends pas quelque part dans les calculs actuellement. Ou bien les calculs qui étaient faits au moment où le gouvernement a déposé ce document, ce livre vert, qui était Pour vos enfants, garantir l'avenir , qui, pour maintenir les prestations, prétendait que, si on prenait le choix – et ce n'était pas le choix qu'on recommandait – d'une augmentation rapide des cotisations, on devait aller en 2003, au niveau de 12,2 %... Actuellement, on nous propose une augmentation assez rapide, mais en 2003 à 9,9 %. Il y a donc une différence, de 2,3 %. Et, dans ce que j'ai vu comme compression ou comme diminution de bénéfices, je n'arrive pas à retrouver les 2,3 %.

À moins qu'on ait eu une vision, M. le Président, de dire, parce qu'on fait des calculs en pensant qu'on se trouve dans une situation où demain les jours vont être merveilleux, que demain on pense qu'on va se trouver à l'aube d'une très forte croissance économique ou que la démographie va redevenir une démographie importante, si ce n'est pas le cas, il y a quelque chose qui ne marche pas à l'intérieur des chiffres qui sont devant nous. Je n'arrive pas à prendre l'ensemble des chiffres qui étaient dans le document vert, à les remettre en fonction de ce qui a été déposé et affirmé par la ministre et à finir par voir que cela concorde.

Qu'est-ce qui n'est pas dans le projet de loi? Parce qu'il est important – je vous le rappellerai comme je l'ai rappelé au début, M. le Président – de bien comprendre qu'il y a réellement un problème dans le Régime de rentes du Québec et qu'il fallait agir; tout le monde était d'accord à ce niveau-là. Ce qui n'a pas été fait et qu'on aurait pu faire, je vais vous en dire deux points, et je pense qu'il aurait été important qu'on réfléchisse à cela.

(17 h 30)

Premièrement, il aurait peut-être été important de débloquer le maximum des gains admissibles pour faire en sorte que les plus nantis cotisent plus au Régime de rentes. On aurait pu même faire en sorte que les prestations, pour la partie débloquée, soient moindres pour les salaires plus bas, de manière à avoir une forme de redistribution et de justice sociale. On aurait pu parfaitement avoir cette approche-là qui, à mon sens, aurait été beaucoup plus juste socialement que d'aller toucher les handicapés, d'aller toucher les personnes qui gagnent 3 500 $ et moins. On aurait pu avoir un mécanisme de répartition plus juste. Ce n'est pas le choix qui a été fait par le gouvernement, et je le regrette, M. le Président.

Deuxième élément, et il faut bien être conscient que c'est une partie importante, on a déjà échangé à ce sujet-là, il reste la prestation au conjoint survivant. M. le Président, la prestation au conjoint survivant représente à peu près 24 % des sorties de fonds du Régime de rentes. C'est de l'ordre de 900 000 000 $ par année qui sortent du Régime de rentes du Québec. Alors, il est clair qu'à l'époque où notre société était une société basée sur un noyau familial où souvent, dans la famille traditionnelle, au moment où on a conçu ce Régime de rentes, il y avait un des deux membres de la cellule familiale, un seul qui travaillait, il était clair et socialement juste que, si cette personne décédait, le Régime de rentes voie à maintenir une certaine aisance à la personne qui, parfois, n'était pas sur le marché du travail mais qui avait quand même à assumer un certain nombre de besoins. C'était l'idée qui avait amené les concepteurs du Régime à développer le principe d'une rente au conjoint survivant, qui était une rente relativement généreuse.

La société a considérablement changé, particulièrement dans ses tranches les plus jeunes, et on peut dire, si on regarde actuellement les statistiques, que, indépendamment des sexes, les personnes sont de plus en plus engagées dans le marché du travail. C'est-à-dire que les nouveaux couples, c'est-à-dire les couples qui ont dans la trentaine actuellement, sont en général formés de deux personnes qui sont engagées elles-mêmes sur le marché du travail. Le besoin d'une rente à un conjoint survivant, qui est une conception d'une société où la cellule familiale était formée avec une seule personne qui contribuait au marché du travail, devient moins nécessaire.

On aurait pu réfléchir sur l'adaptation, en quelque sorte, de la rente de conjoint survivant à cette nouvelle réalité sociale qui est la nôtre ici, au Québec, mais qui est la nôtre aussi dans l'ensemble du continent nord-américain. Ça ne veut pas dire qu'il aurait bien fallu être en mesure de tenir compte des réalités sociales en termes de couches d'âge. C'est-à-dire que, lorsqu'on parle des personnes plus âgées, il aurait fallu quand même tenir compte que les personnes plus âgées ont basé leur stratégie de revenu sur le fait qu'il n'y avait qu'une des deux personnes du couple qui travaillait. Mais, si on regarde les personnes plus jeunes, cette situation semble avoir considérablement changé et il y aurait lieu de réadapter, en quelque sorte, les bénéfices du Régime de rentes du Québec à la nouvelle réalité sociale. Alors, ça, ça aurait été, je crois, ce qu'on aurait pu avoir comme élément de modification ou sur lequel on aurait dû réfléchir.

Dernier point, M. le Président. Il y a un côté futile, aussi, dans le débat que nous faisons ici, et j'en suis parfaitement conscient. Il est éminemment important que le Régime de rentes du Québec continue à être harmonisé avec le Régime de pensions du Canada. La mobilité des travailleurs à l'intérieur du Canada reste un élément extrêmement important. Il faut que, si vous avez travaillé deux ans à Calgary en cotisant au Régime de pensions du Canada, que vous venez travailler trois ans à Québec en cotisant au Régime de rentes du Québec et que vous retournez travailler à Hamilton, vous puissiez avoir une mobilité, qui est un élément à la fois au niveau des cotisations et au niveau des prestations, c'est-à-dire des choses qui sont analogues. C'est pour ça que les modifications que l'on peut faire au Régime de rentes sont des modifications qui ne peuvent être faites qu'avec entente avec le Régime de pensions du Canada, ce qui explique, à l'heure actuelle, l'importance de maintenir un taux de cotisation identique à celui qui avait été choisi par le Régime de pensions du Canada, car c'est aussi important d'avoir des prestations qui, sans être totalement identiques, sont analogues, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas avoir des modifications importantes des prestations de conjoint survivant ou des prestations d'invalidité ou des prestations de retraite qui soient fondamentalement différentes. Elles peuvent varier à la marge parce que les deux régimes sont autonomes l'un et l'autre, mais il importe, pour l'importance économique de la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada, de s'assurer qu'il y ait harmonisation entre les deux régimes.

Lorsqu'il n'y a pas eu harmonisation – et ça a été pendant de très courtes périodes au Canada, et particulièrement en ce qui touche les niveaux de cotisation – les pressions économiques tant du niveau canadien que du niveau québécois ont amené à revenir rapidement au niveau d'harmonisation entre les cotisations aux deux régimes. Vous comprenez parfaitement, M. le Président, si vous êtes gestionnaire d'une compagnie qui a des employés qui sont à la fois en Ontario et au Québec, si vous devez calculer avec les taux de cotisation différents entre vos employés au Québec et vos employés en Ontario, que ça serait un véritable cauchemar. Alors, dans ce cadre-là, l'élément qu'on doit reconnaître, c'est que le projet de loi déposé par la ministre suit, en quelque sorte, les éléments d'harmonisation avec ce qui avait été fait pour le Régime de pensions du Canada.

Je terminerai ici, M. le Président, en signalant donc quelle est la démarche que l'opposition va faire. L'opposition est critique aujourd'hui quant à la réalité et à la véracité des chiffres qui sont déposés. Quand je dis «critique quant à la véracité», il faut bien être conscient qu'on est, à l'heure actuelle, sur des calculs, sur des projections. Je ne crois pas que les réductions des bénéfices qui sont proposées à l'intérieur du Régime de rentes du Québec justifient et peuvent soutenir, actuellement, le taux de cotisation à 9,9 % et avoir un taux de cotisation qui serait stable, à ce moment-là, en 2003. Mais je dis: Quand je ne crois pas, je le fais à partir des chiffres qui ont été déposés dans le livre vert du gouvernement à l'époque et des calculs qui sont faits quant aux économies que l'on peut faire avec les mesures qui sont proposées.

Néanmoins, M. le Président, l'opposition va voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Pourquoi? Parce que je dois dire qu'il est important de faire des modifications actuellement au Régime de rentes du Québec. Nous allons pouvoir débattre en commission parlementaire de ce qui est proposé. Je ne connais pas du tout ce que nous ferons lorsqu'on arrivera à un débat en troisième lecture. J'ai des doutes, et des sérieux doutes, quant à la possibilité de soutenir ce que le gouvernement prétend, c'est-à-dire de soutenir qu'il pourra, avec un taux, sans diminuer plus qu'il ne le fait les bénéfices du régime – et il diminue actuellement les bénéfices du régime... Sans diminuer plus les bénéfices du régime, je doute qu'il puisse atteindre un taux stable, en 2003, de 9,9 %, à l'heure actuelle, tel qu'il est proposé. Je crains que d'ici trois, quatre ans on soit encore à dire: On s'était trompé, comme on s'était pas mal trompé déjà dans le passé, et qu'on se dise: Tiens, il faudrait à nouveau qu'on réaugmente les taux de cotisation.

(17 h 40)

Comprenez-moi bien, M. le Président, il est important d'en arriver à un taux de cotisation stable et uniforme. Ceux qui ont conçu le régime l'avait conçu à 3 %. Le principe d'un taux stable et uniforme est important parce que, je voudrais le rappeler aussi, ce qui est proposé par le gouvernement va, d'après moi, être pénalisant sur la création d'emplois. Comment cela va-t-il être pénalisant? J'imagine qu'on aura à échanger sur les études. Il faut bien être conscient qu'il faut faire quelque chose, mais ça aura des effets directs sur la création d'emplois. On aura donc à échanger sur cet effet-là.

Je resterai très dubitatif, donc, sur l'ensemble des chiffres qui sont devant moi, mais je ne peux pas, à l'heure actuelle, ne pas donner le bénéfice du doute et dire que, en termes strictement intellectuels, ce qui est là me semble bizarre, me semble peu crédible. Mais, tant que je n'ai pas démontré que c'était inexact, je ne peux pas dire, à ce moment-là: C'est inexact. Mais je trouve que c'est, à première vue, hautement surestimé.

Alors, M. le Président, je terminerai sur cela. Nous allons voter, à ce moment-là, donc, en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Nous ne nous commettons pas, c'est-à-dire, ceci ne veut pas dire qu'après l'étude article par article on ne sera pas en mesure de réviser le vote de l'opposition, qui pourrait être un vote... et de soulever les problèmes qui pourront être amenés. Mais, et je terminerai avec ça, il était important de faire une modification au Régime de rentes.

Le fait que le taux de cotisation ne dépasse pas le 10 % est un élément positif. Je doute qu'il soit crédible. Mais le fait qu'il soit annoncé est un élément positif. Je pense qu'il va falloir soit réduire les bénéfices, soit revenir plus tard, et, à ce moment-là, ce serait extrêmement dommageable pour l'économie de l'augmenter. Nous allons échanger longuement, j'imagine, en commission parlementaire, mais – je terminerai ici – l'inquiétude, aussi, que l'on peut avoir du choix qui va être fait d'une augmentation rapide du taux de cotisation va avoir des effets directs sur l'emploi. Quels effets aura-t-elle? Je ne peux pas l'estimer actuellement. Elle est plus élevée que ce qui avait été annoncé comme augmentation de cotisation, bien sûr pour capitaliser le régime plus rapidement.

Quels seront les effets du fait que les taux d'intérêts, actuellement, sont très bas et vont probablement se maintenir bas sur une longue période? Alors, vous comprenez bien que, quand on capitalise un régime avec des taux d'intérêt bas, le fait de le capitaliser devient beaucoup moins intéressant si les taux d'intérêt sont bas. Quels effets cela aura? C'est un ensemble de questions sur lesquelles nous allons échanger avec la ministre en commission parlementaire. Mais, aujourd'hui, tout en restant extrêmement dubitatif, nous ne pouvons pas ne pas voter en faveur du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun et critique officiel de l'opposition. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 149?

Une voix: Non, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Le principe du projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je pose la question simplement au leader. Vous savez que la commission des affaires sociales a énormément de travail. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de le déférer à une commission à caractère plus économique, par exemple la commission des finances publiques, ou quelque chose comme ça?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, du consentement de cette Chambre, je me soumets à la proposition du député de Verdun. Donc, je retire ma motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous en refaites une nouvelle?


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: Oui, je ferai une nouvelle motion, du consentement donc de cette Chambre, pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je vous demanderais de suspendre quelques instants seulement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous suspendons donc, à la demande du leader du gouvernement, quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 17 h 46)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez nous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous remercie. Alors, je vous demanderais de prendre en considération l'article 27.


Projet de loi n° 141


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, à l'article 27 de votre feuilleton, le ministre d'État des Ressources naturelles propose l'adoption du projet de loi n° 141, Loi sur l'Agence de l'efficacité énergétique. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 141? M. le député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Mes remarques seront brèves, mais je les concentrerai autour du même sujet, comme je l'ai fait à chacune des étapes de ce projet de loi, concernant les représentations qui nous ont été faites, de façon plus particulière par l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie. Vous souviendrez qu'à chacune des occasions, même cette semaine, lors de la prise en considération du rapport, j'avais fait valoir des arguments similaires, et vous souviendrez sans doute que je terminais mon intervention en suggérant au ministre que, suite à l'ensemble des discussions que nous avions eues à cet effet en commission parlementaire et entre ces sessions-là, nous assurions que les représentations faites par l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie soient prises en bonne considération.

Le ministre nous a assurés que, lors d'une rencontre avec cet organisme, il l'avait assuré d'une place au conseil d'administration, position qu'il a réitérée en Chambre. Ce n'est pas l'approche que ces gens-là souhaitaient. Ces gens-là auraient souhaité être imbus de la responsabilité. Mais, pour des raisons que j'ai évoquées lors de la prise en considération, le gouvernement a décidé de faire de cette Agence de l'efficacité énergétique un organisme gouvernemental et nous a informés qu'il ne pouvait souscrire à la suggestion de l'organisme, qu'il soit, lui, imbu de la responsabilité de... pour les raisons que le gouvernement a invoquées.

Donc, à chacune des étapes, M. le Président, on a fait valoir que c'est un organisme qui a sa place au Québec, qui a une réputation, qui est impliqué depuis une douzaine d'années, qui a la reconnaissance et la validité de son milieu. C'est une référence sûre, au Québec, et l'importance que cet organisme-là joue dans ce domaine-là... Et j'avais suggéré, vous souviendrez, au ministre, et mes propos avaient été: Comme c'est toujours possible pour lui de le faire, je lui demande de les reconsidérer, ses positions, afin que l'expertise et le savoir-faire de cette association ne soient pas remis en cause. Le ministre a eu des propos rassurants à cet égard-là mais n'a pas choisi d'apporter des modifications à son projet de loi qui rassureraient davantage l'organisme. Il a dit qu'il leur assurait une place au conseil d'administration, que, pour lui, c'était la façon la plus sûre, disait-il, de s'assurer de la collaboration de cet organisme-là, qu'une des préoccupations de l'organisme, également, est de s'assurer que ça ne constitue pas une nouvelle forme de taxation et qu'il y ait dédoublement – ça pourrait même mettre en péril, selon leurs propos, l'organisme en cause. Le ministre a dit que justement leur présence au sein de l'organisme leur permettra de s'assurer que ça ne constitue pas un dédoublement d'aucune façon et que, de cette façon, ils pourront continuer à apporter leur expertise, leur savoir-faire et s'assureront du même coup que ça ne mette pas en danger l'existence de l'organisme.

(17 h 50)

Ils auraient souhaité et j'aurais souhaité que ça puisse se faire autrement, mais le ministre a choisi à cette étape-ci de maintenir la loi telle qu'elle est. Alors, je profite tout simplement de l'occasion pour rappeler encore une fois que nous suivrons à l'exercice si les préoccupations de l'organisme s'avèrent fausses ou non. À ce moment-là, vous pouvez être assuré, M. le Président, que nous rappellerons au ministre les engagements qu'il avait pris à cet égard.

Mais, dans l'ensemble, vous comprendrez, M. le Président, que, comme ça découle de la table de concertation sur l'énergie, c'est quelque chose qui est une volonté exprimée par l'ensemble du milieu et, dans un deuxième temps, que la contribution que peut faire cet organisme de l'Agence énergétique, à cause des compétences qui souvent sont exclusives à des gens du Québec, à cause de la nature de nos travaux de construction, à cause de notre climat qui est particulier, va contribuer de façon extrêmement importante à nous assurer de développer une économie.

Vous n'avez qu'à penser – je vais terminer là-dessus – à l'importance de l'aspect de la rénovation domiciliaire et tout ce qu'on peut y inclure comme économies d'énergie. On sait que souvent la créativité d'entreprises en région dans ce domaine peut amener une contribution, un essor économique d'une valeur extrêmement importante. Je vois que vous identifiez votre région comme en étant une qui pourra tirer avantage de la création de cette Agence et des possibilités qui sont à l'intérieur. Donc, c'est pourquoi il y va dans l'intérêt, il me semble, supérieur des Québécois que cette Agence-là réponde aux espoirs qu'ensemble nous y mettons, et c'est pour cette raison, M. le Président, que nous allons collaborer en votant, encore une fois, à cette étape de la procédure, pour ce projet de loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du projet de loi n° 141? Alors, le projet de loi n° 141, Loi sur l'Agence de l'efficacité énergétique, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté unanimement. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, compte tenu de l'heure, je vous suggérerais de bien vouloir suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, suite à la requête du leader du gouvernement, il me fait plaisir de suspendre nos travaux à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, nous allons reprendre nos débats aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer les affaires au menu.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 26 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 138


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 26, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement. Je céderais la parole à M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, très succinctement, M. le Président. Il s'agit essentiellement d'une réforme de l'activité du bingo. On sait que les activités de bingo constituent au Québec, pour plus d'un millier d'organismes de loisirs, d'organismes charitables, d'organismes communautaires, leur principale source de financement et que, donc, c'est à travers cette disposition un peu particulière du Code criminel qu'ils sont autorisés de façon un peu exceptionnelle à tenir une activité de loterie, une activité de jeu qu'on appelle le bingo. Et les revenus, une fois les prix donnés, vont à ces organismes. Et évidemment, quand on sait comment, pour chacun des ces organismes, chaque dollar est important, comment il permet de faire une action en faveur de la communauté, une action importante, eh bien, c'était nécessaire, souhaité que le gouvernement vienne apporter des correctifs, pour un certain nombre de raisons.

D'abord, parce qu'avec les années ces organismes avaient vu la part, une fois les prix donnés au public, de ce qu'il leur restait pour financer leurs activités diminuer de plus en plus. Pendant ce temps-là, les frais d'administration, les frais de location de salles, eux, augmentaient constamment. Alors, il y avait là un problème à corriger. Il y avait nécessité d'encadrer l'activité des locateurs de salles de bingo, et le projet de loi vient remédier à ces questions.

Puis il fallait aussi en quelque sorte apporter un souffle nouveau à cette activité, et c'est ce que fait le projet de loi de deux manières. Dorénavant, il sera possible de pouvoir jouer au bingo, de jouer à divers types de jeux, des variantes du jeu de bingo qui jusqu'à maintenant étaient interdites. Il y aura donc un intérêt nouveau pour les amateurs de cette activité et en même temps on imagine que, s'il y a un intérêt nouveau, bien, il y aura plus d'amateurs, donc plus de profits pour les organismes.

Mais, surtout, Loto-Québec va s'intégrer dans cette activité par ce qu'on appelle un tour en réseau. C'est-à-dire que 200 des plus grandes salles où se déroulent les activités de bingo au Québec vont être reliées par satellite à une salle centrale où sera tiré cette espèce de tour spécial de bingo, et les prix pourront aller jusqu'à 25 000 $, peut-être 30 000 $, peut-être 50 000 $, alors que les prix actuels sont limités à 3 500 $ ou 5 000 $, dépendamment des cas. Donc, on peut imaginer que, là aussi, il y aura un renouveau d'intérêt, un regain d'intérêt à l'égard de cette activité. Alors, qui dit regain d'intérêt à l'égard de cette activité dit possibilité pour les organismes d'augmenter leurs revenus. Et pour ceux des organismes qui ne seraient pas partie de ces salles où se dérouleront en réseau, par satellite, des activités spéciales, il y a un fonds de stabilisation qui est créé pour garantir à ces organismes que leurs revenus seront en quelque sorte protégés.

Alors, essentiellement, M. le Président, c'est un projet de loi qui vient après de très nombreuses consultations. Et, dans ces consultations, une des choses que les gens nous ont dites, c'est qu'il était très important que dorénavant la Régie travaille davantage en concertation avec le milieu. Dans la plupart des villes du Québec – Drummondville, dans l'Outaouais – les gens se sont regroupés pour mieux organiser cette activité. Et donc, là aussi, dans le projet de loi, il y a des dispositions qui vont permettre à la Régie de travailler davantage avec les organismes.

Sur un autre plan, au niveau des règlements, la Régie a pris l'engagement – et on y verra – de simplifier les procédures, de prévoir la disposition des organismes, par exemple, que c'est toujours le même agent qui fait affaires avec eux, que l'organisme sait avec qui il fait affaire, qu'il n'est pas toujours obligé de recommencer son histoire, donc toutes sortes de mesures pour faciliter la vie aux organismes.

Dans le fond, M. le Président, derrière tout ça, il y a une idée bien simple dans l'intention du gouvernement, c'est de répondre à un voeu maintes fois exprimé par plus d'un millier d'organismes qui rejoignent parfois dans leur action des centaines de milliers de bénévoles, c'est de répondre à ce voeu exprimé de corriger les défauts, d'améliorer une situation, de redonner une impulsion nouvelle et surtout de garantir que les revenus provenant de l'activité du bingo continueront de constituer pour ces organismes une source importante de financement. Et, au nom du gouvernement, M. le Président, j'en prends l'engagement.

(20 h 10)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Nous abordons la dernière étape de l'étude du projet de loi n° 136. Le ministre a décrit de façon assez précise en quoi consiste le projet de loi n° 136. Ça vise essentiellement à restructurer un petit peu l'activité du bingo au Québec. L'activité du bingo au Québec, ce n'est pas rien qu'une activité de loisir, c'est une activité économique, hein? On parle de plus ou moins 200 000 000 $ d'argent qui se brasse à l'intérieur des centaines de bingos qui se tiennent partout sur tout le territoire du Québec. C'est 3 500 personnes qui gagnent leur vie à l'intérieur de cette activité-là.

Et, j'oserais dire, le bingo et également tout ce qu'il y a d'autres activités de jeu au Québec, c'est à peu près la seule activité économique qui est en croissance, avec le gouvernement du Parti québécois. Il y a rien que l'activité du jeu qui est en croissance. La vraie dynamique économique au Québec, là, partout, particulièrement dans les régions, est en décroissance. Il y a de plus en plus de chômage, il y a de plus en plus de sous-emploi et dans les grandes régions urbaines comme Montréal et dans nos régions, M. le Président. Moi, je parle pour la région Chaudière-Appalaches particulièrement. L'exception, c'est peut-être la Beauce, parce que, dans la Beauce, on le sait, depuis toujours, à cause de son réseau absolument extraordinaire de petites et de moyennes entreprises, on s'en tire assez bien au niveau de l'emploi. Quant au reste, partout au Québec, on enregistre à tous les jours, malheureusement, des pertes d'emplois ou une stagnation, au mieux.

L'activité du jeu, ça, ça va bien. Alors, le gouvernement du Québec a décidé de pousser là-dessus. Parce que, à l'intérieur du projet de loi n° 138, on n'en parle pas, ou presque pas, sinon lorsqu'on prévoit, à l'article 7, que les règlements n'auront pas à être prépubliés. C'est seulement à l'article 7 et indirectement – le ministre en a glissé un mot tout à l'heure – sauf erreur, qu'on a, on le sait et on en a parlé abondamment lorsqu'on a fait l'étude détaillée du projet de loi... On sait, M. le Président, que Loto-Québec va mettre en place au cours des prochains mois le bingo réseau. Alors, ça va évidemment avoir des conséquences sur les bingos communautaires tels qu'on les connaît aujourd'hui.

Alors, le projet de loi n° 136, essentiellement... Je finirai peut-être tout à l'heure, M. le Président, ou, avant de conclure, je glisserai un mot sur l'implication de Loto-Québec dans cette activité de jeu. Mais je voudrais, dans un premier temps, très rapidement, résumer la position du Parti libéral du Québec en regard du projet de loi n° 138.

Vous savez, on a insisté pour tenir des consultations, consultations qui se sont effectivement tenues le 3 juin. Pour quelle raison l'opposition tenait tellement à ce qu'il y ait de la consultation, à ce qu'on puisse entendre les intervenants? C'est qu'on avait de la difficulté, je dois l'avouer, M. le Président, à se brancher, du côté du Parti libéral du Québec. L'opposition avait de la difficulté à bien comprendre, à bien saisir l'évaluation que faisaient les intervenants un petit peu partout au Québec de l'intention du gouvernement.

Avec les consultations tenues le 3 juin 1997, on est en mesure maintenant de dire qu'il n'y a pas, et loin de là, unanimité quant au projet de loi n° 138, il n'y a pas unanimité au niveau des différents intervenants qui sont touchés par l'activité du bingo. Il y a peut-être une espèce de consensus pour certains volets du projet de loi, mais sûrement pas pour l'ensemble de toutes les dispositions du projet de loi n° 138.

Il y a des groupes qui sont venus nous dire: On n'est pas d'accord lorsque le gouvernement décide – et c'est ce qu'il fait dans son projet de loi, à l'article 5, où on modifie l'article 50.0.1 de la Régie des alcools, des courses et des jeux – de contingenter les licences ou permis de bingo. Contingenter, M. le Président, ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire qu'on s'attaque au libre marché de cette activité du jeu de bingo, qui est en même temps, comme je l'ai dit tout à l'heure, une activité économique. Et, dans ce sens-là, l'opposition est d'accord avec les intervenants qui, pour plusieurs, ont dit au ministre: Vous ne devriez pas contingenter cette activité-là. Laissez donc aller les forces du marché et, dans cette activité-là comme dans le reste, M. le Président, il y en a qui vont s'éliminer d'eux-mêmes.

Mais ce n'est pas ça que le gouvernement décide de faire. Il contingente. On va limiter, à partir de l'adoption de la loi et de la mise en place des tables de concertation, les permis dans certaines régions, dépendamment de ce qui se passera. Si on arrive à la conclusion qu'il y a trop de permis pour la population dans une région donnée, on décidera, sur recommandation des tables de concertation, de contingenter et de refuser l'émission des permis de bingo dans cette région donnée pour une certaine période, jusqu'à un maximum d'un an, qui pourra être répétée pour une autre année.

Alors, nous, du côté de l'opposition, on dit: Non, c'est une atteinte, c'est une attaque à l'entreprise privée. Parce que c'est l'entreprise privée qui fait ces activités de bingo.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, est-ce que les pouvoirs additionnels que l'on va conférer à la Régie des alcools... Est-ce que, dans un premier temps, la Régie des alcools, compte tenu des effectifs qui sont en place, qui sont... Puis on a eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises avec Ghislain K.-Laflamme, le président-directeur général de la Régie des alcools. Est-ce que les effectifs sont suffisants pour prendre ces nouvelles responsabilités? Est-ce que les budgets mis à la disposition de la Régie sont suffisants, là encore, pour ramasser ces nouvelles responsabilités qui seront confiées à la Régie avec le projet de loi n° 138? On est loin d'être certain. Deuxième chose, l'opposition a des réserves sur l'intervention de plus en plus agressive, entre guillemets, de la Régie dans toutes sortes d'activités des Québécois et des Québécoises.

La table de concertation – j'en ai glissé un mot tout à l'heure – que le gouvernement veut mettre en place ne reçoit pas, loin de là, l'approbation de tous les intervenants. Bien au contraire, au moment où j'ai fait mon intervention sur le principe du projet de loi et également à l'occasion d'une intervention beaucoup plus courte, de 15, 20 minutes, il y a quelques jours à peine, sur la prise en considération du rapport de la commission parlementaire des institutions qui a étudié le projet de loi article par article, j'ai indiqué que le groupe ROBIN, qui représente, on le sait, et ça a été répété à plusieurs reprise, au-delà de 400 organismes qui sont membres, répartis dans 90 municipalités – c'est énorme, le groupe ROBIN, M. le Président – en commission, au moment de la consultation, est venu dire au ministre, a expliqué dans le détail que la table de concertation, ce n'était pas souhaitable, pour les raisons qui ont été expliquées par la présidente du groupe, Mme Chantal Gagnon. On a même prétendu, et ça apparaît au mémoire déposé par le groupe ROBIN, que la table de concertation, ça permettrait de faire de la petite politique, de la politicaillerie; c'est ce qu'on a dit.

(20 h 20)

L'opposition en a pris bonne note, elle a demandé au ministre de bien évaluer sa décision de la mise en place des tables de concertation. Il ne semble pas que le ministre ait entendu le message ni de l'opposition... Vous savez, l'opposition, M. le Président, est là pour surveiller le gouvernement. La responsabilité de l'opposition, ce n'est pas de bloquer bêtement un projet de loi, c'est de surveiller le gouvernement dans son administration quotidienne, c'est ça, le rôle de l'opposition, et, à l'occasion de l'étude d'un projet de loi, de tenter de le bonifier.

On a fait des suggestions au ministre, on a fait des mises en garde au ministre partant des points de vue exprimés par les différents intervenants lors de la consultation. Le ministre, M. le Président, sauf – parce que ça, c'était tellement évident – à une occasion, n'a d'aucune façon modifié le projet de loi. Alors, la seule modification au projet de loi, c'est le mot «secteur» qui a été remplacé par un mot qui est beaucoup plus précis, qui veut dire vraiment ce qu'on entend, ce qu'on veut faire comme législateurs, le mot «secteur» a été remplacé par le mot «territoire». Quant au reste, le ministre n'a rien modifié. Il s'en est tenu intégralement au projet de loi tel qu'il est écrit, malgré les consultations, malgré l'étude détaillée article par article.

L'opposition était en désaccord au niveau du principe parce qu'on avait des réserves sur certains éléments. On se disait, à ce moment-là: On verra, au moment de la consultation, ce qu'on nous dira. Et, au moment de la consultation, M. le Président... Puis c'est assez exceptionnel, je m'excuse, la consultation s'est tenue avant le principe, avant le débat de la première étape, qui est le principe. Alors, à plus forte raison, au moment où on a débattu le principe, qui était le 4 juin, c'était le lendemain de la consultation, c'était évident, à ce moment-là, qu'on pouvait, du côté de l'opposition, indiquer très clairement qu'on était en désaccord avec certains éléments du projet de loi. Il y a certains éléments avec lesquels on est d'accord; pas tous, loin de là.

On avait espéré, à l'occasion de l'étude détaillée, que le ministre aurait tenu compte des mises en garde qui lui ont été faites par plein d'intervenants. Ça n'a pas été le cas, de sorte que ce que je dis au ministre, M. le Président, ce soir: On est, évidemment, du côté de l'opposition, logiques avec notre démarche. On a demandé des consultations, on les a eues. Ces consultations ont indiqué que plein de groupes ont des réserves avec le projet de loi. Alors, nous, du côté de l'opposition, on prend acte de ces inquiétudes, on prend acte de ces réserves, on le répète au ministre et on lui dit: Soyez prudent, M. le Président. Vous avez eu, M. le ministre, des mises en garde faites par des professionnels de l'activité du bingo qui connaissent ça, et de loin, beaucoup plus que le gouvernement, que ceux et celles qui entourent le ministre, qui connaissent ça beaucoup plus que l'opposition, et ces intervenants-là sont venus dire au ministre: On est inquiets, on n'est pas certains qu'avec 138 vous allez vraiment améliorer l'activité, que l'activité sera plus disciplinée.

Ce qu'on a comme impression finalement, c'est que, avec le projet de loi n° 138, finalement, M. le Président, tout ce qu'on veut faire, malgré que dans le projet de loi on n'en parle presque pas, sinon, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, par la dispense de prépublication des règlements pour mettre en place les nouvelles dispositions de la loi, c'est de permettre à Loto-Québec de mettre en place son réseau bingo. Finalement, on a l'impression que tout ce brassage-là, le ministre le fait pour permettre l'arrivée de Loto-Québec dans l'activité du bingo, puis ça, bien, ça nous inquiète.

Moi, je l'ai dit aux groupes qui sont venus nous exprimer leur point de vue. Je leur ai dit: Surveillez de très près Loto-Québec, surveillez le gouvernement. Loto-Québec, c'est un géant dans l'activité du jeu au Québec. Les casinos, tout ce qu'il y a de permis de loteries au Québec, que ce soient dans les bars avec ce qu'on appelle les «slot-machines», les casinos, tout ça, c'est administré par Loto-Québec. Et imaginez-vous, là... Les vidéopokers. C'est l'expression que je cherchais. Imaginez-vous, M. le Président, si Loto-Québec met le pied dans l'activité du bingo, elle ne fera pas ça en amateur. Ça va être fait gros, avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur le petit bingo communautaire.

J'espère que l'opposition ne verra pas ses inquiétudes se concrétiser. On souhaite en toute objectivité que le projet de loi n° 138 atteigne les objectifs, que les groupes communautaires puissent profiter de ce qu'il pourrait y avoir de bon dans le projet de loi en question, et aussi on espère, de notre côté, que Loto-Québec ne viendra pas modifier toutes les règles du jeu pour écraser, finalement, les groupes communautaires qui, partout au Québec, réussissent à se financer avec l'activité du bingo.

Je termine en disant qu'on suivra de très, très près l'évolution des choses. Les groupes communautaires et ceux et celles qui ont suivi le débat savent qu'ils peuvent compter sur l'opposition, M. le Président.

Si jamais il s'avérait que 138 amène plus de mal que de bien, on pourra communiquer avec nous. On sera toujours là pour questionner le gouvernement, que ce soit ici, à l'Assemblée nationale, ou ailleurs. Il faut également, et je l'ai dit à plusieurs reprises aux intervenants, il faudra surveiller le gouvernement au cours des prochaines semaines. La mise en place de la nouvelle réglementation, la mise en place du bingo en réseau par Loto-Québec va se faire sans que les règlements, je me répète, sans que les règlements n'aient à être publiés; ce qui est une exception à la règle, M. le Président. La loi des règlements prévoit qu'il doit y avoir une prépublication de 45 jours pour permettre aux intervenants de réagir, s'il y a lieu. Ça ne sera pas le cas, M. le Président, pour les nouvelles règles du bingo à partir de l'adoption de 138 puis ça ne sera pas le cas non plus pour la mise en place du bingo en réseau par Loto-Québec.

Alors, nous autres, on est inquiets, et j'ai dit aux intervenants: surveillez; surveillez le gouvernement, surveillez Loto-Québec pour ne pas qu'on vous joue de tours, M. le Président, et, si nécessaire, passez par l'opposition. On sera là pour questionner le gouvernement; c'est ça qui est notre responsabilité. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Il n'y a plus d'autres intervenants? Le projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, est-il adopté?

M. Lefebvre: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: J'aimerais prendre en considération l'article 25 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 125


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 25, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique. M. le ministre de la Sécurité publique, je vous cède la parole.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi qui est devant nous, M. le Président, c'est un projet de loi qui, on le sait, est né de la volonté du gouvernement de lutter contre les groupes de motards criminalisés. On sait comment, tant à Montréal que dans la région de Québec, particulièrement cette année dans la région de Québec, on sait comment ces groupes ont sévi. Il y a eu des gestes, des actes criminels de posés extrêmement dommageables, bien sûr, pour les biens et la propriété et également des vies humaines, mais aussi des gestes et des actes qui mettaient en cause la sécurité du public. Le gouvernement a donc décidé d'agir et l'a fait de plusieurs façons.

On se rappellera la création de l'unité GRICO, des forces de police pour la région de Québec, qui est venue compléter l'action de Carcajou. On se rappellera également bien sûr l'interpellation du gouvernement fédéral, puisqu'une partie des outils législatifs sont dans les mains du gouvernement fédéral, notamment dans les modifications au Code criminel. Ces interventions se sont faites, le Parlement du Canada a adopté certaines de ces lois, puisque c'est encore le Parlement du Canada qui intervient en ces matières, M. le Président. Peut-être, un jour, on le souhaite rapproché, ça sera différent, mais pour l'instant, malheureusement, c'est encore à Ottawa qu'il faut aller quêter certaines interventions. Mais je dois reconnaître que le gouvernement fédéral, sans pour autant épouser toutes les suggestions que nous lui faisions, a quand même rapidement mis de l'avant un certain nombre de mesures que nous avons saluées.

(20 h 30)

Nous avions convenu également, M. le Président, que, dans les domaines de la juridiction du Québec, au-delà de l'action des forces policières, nous apporterions également un certain nombre de modifications à nos propres lois. Aujourd'hui, cette loi le fait dans trois grands secteurs d'activité. Elle vient modifier la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, notamment en ce qui concerne la gestion des permis de bar surtout. Elle vient modifier également certaines lois municipales – et ça, c'est à la demande, je dirais, unanime des municipalités, en tout cas, surtout celles de la région de Montréal et de Québec – pour faciliter l'intervention d'urgence des villes dans certaines situations. Et, enfin, elle vient corriger, elle vient rajouter certaines exigences lorsque le ministère de la Sécurité publique émet des permis à des détenteurs de permis d'explosifs.

Alors, très rapidement, M. le Président, dans le cas des lois municipales, essentiellement ce que nous faisons, c'est permettre aux municipalités, d'abord, de pouvoir agir rapidement lorsqu'elles pensent que la sécurité du public est en jeu, donc de pouvoir éventuellement fermer des établissements quitte à ce que, par la suite, les personnes qui s'estimeraient injustement lésées par un tel geste de l'administration puissent utiliser un certain nombre de recours judiciaires – puis on sait que parfois c'est un peu long – pour défendre leur cas. Donc, ce qu'on corrige là-dedans, c'est qu'on permet aux municipalités d'agir rapidement, puisqu'il y va de la sécurité du public.

On permet également aux municipalités de légiférer, M. le Président, en ce qui concerne ce qu'on a appelé les bunkers ou les forteresses. Essentiellement, ce que ça permettra aux municipalités, c'est d'avoir des règlements pour limiter et empêcher la création de telles forteresses dans leurs municipalité pour l'avenir, mais aussi pour forcer ceux et celles qui en auraient déjà érigé à corriger la situation. Autrement dit, il n'est pas normal que, dans un quartier résidentiel, on retrouve de véritables châteaux forts comme à l'époque du Moyen Âge. Donc, les municipalités pourront intervenir par leurs règlements non seulement pour se prémunir pour l'avenir, mais pour corriger également le passé. De telle sorte que, suite à l'adoption de cette loi, par exemple, la municipalité de Saint-Nicolas pourra adopter un règlement et, en vertu de ce règlement, les Hell's qui ont un tel bunker à Saint-Nicolas devront dans les six mois régulariser leur situation. Alors, on vient donc corriger ce deuxième problème.

Dans le cas des permis de bar, M. le Président, la loi va permettre à la Régie d'aller beaucoup plus loin que nous ne le faisions jusqu'à maintenant pour savoir qui vraiment demande le permis. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui se cache derrière la demande de permis? D'où viennent les fonds pour financer l'ouverture du bar? Quel genre de spectacles vont y être donnés? Et, en cours de route, si les conditions du permis sont modifiées dans les faits, la Régie pourra, là aussi, éventuellement intervenir d'urgence et fermer un établissement, fermer même l'accès à cet établissement pour toute personne si elle juge qu'il y va de la sécurité du public.

Le dernier point: les explosifs. La loi actuelle, bien sûr, contenait des restrictions, mais, même encore aujourd'hui, quelqu'un, par exemple, qui a été condamné pour trafic de narcotiques, quelqu'un qui a posé un certain nombre de gestes criminels peut actuellement obtenir, aussi étonnant que ça puisse paraître, un permis d'explosifs. Nous fixons là-dessus des contraintes supplémentaires.

Dans le fond, M. le Président, très simplement, l'adoption de ce projet de loi vient s'ajouter à l'action des forces policières. Encore une fois, ce seul projet de loi ne permet pas de régler tous les problèmes, mais il vient rajouter à la panoplie des instruments qui sont les nôtres pour lutter contre de telles activités criminelles, l'objectif étant de ramener dans les rues du Québec, dans les rues de la ville de Québec et dans les rues de Montréal la paix et la sécurité pour l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. M. le député de Frontenac, je vous cède maintenant la parole.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Le ministre a terminé sa courte intervention en disant: On comprend que les dispositions contenues dans le projet de loi n° 125 ne régleront probablement pas tous les problèmes. C'est une évidence. Et je vais aller plus loin que ça: en donnant des pouvoirs additionnels aux municipalités, en donnant des responsabilités additionnelles à la Régie des alcools, des courses et des jeux, il ne faudrait surtout pas que le gouvernement du Québec – et son ministre de la Sécurité publique – pense qu'il n'a plus la responsabilité première de protéger la sécurité des citoyens au Québec. Je l'ai dit au ministre de la Sécurité publique à je ne sais pas combien de reprises.

Au début de son intervention, il est venu à un cheveu de tomber dans le piège d'essayer encore une fois de faire croire aux gens que, si on n'était pas accrochés au Canada, si on était souverainistes, si on était séparatistes, ça irait mieux. Il est venu à un cheveu de dire ça, M. le Président, alors qu'aujourd'hui encore l'ONU a à nouveau dit que le Canada, c'est le pays le plus extraordinaire quant à sa qualité de vie. Il n'y a que le Parti québécois qui n'est pas d'accord avec ça. Tout le monde est d'accord avec ça. En Amérique, qualité de vie exceptionnelle au Canada.

Puis le ministre a eu envie de dire, tout à l'heure: Vous savez, si on était séparés, là, il n'y aurait plus de guerre de gangs de motards criminalisés au Québec. Attention, M. le Président! Le ministre de la Sécurité publique – et son gouvernement – dans le contexte actuel, là, Québec à l'intérieur du Canada, a tous les pouvoirs pour protéger les citoyens et citoyennes du Québec. Non seulement il a tous les pouvoirs, il en a, lui, le ministre de la Sécurité publique – et son gouvernement – le devoir, avant le fédéral, avant les municipalités puis avant la Régie. C'est lui qui a la responsabilité.

Et, c'est drôle, plein de gens comprennent ça. D'ailleurs, le ministre se l'est fait dire dans une lettre qui lui a été adressée par l'UMQ, signée par M. le président, Mario Laframboise, qui lui rappelle, au ministre... Essentiellement, ce qu'on dit du côté de l'Union des municipalités du Québec, c'est: Ce n'est pas bête, 125, on est d'accord avec ça, mais il ne faudrait pas que le gouvernement – et son ministre de la Sécurité – oublie qu'il a la responsabilité de nous protéger, puis de nous protéger en donnant aux corps de police du Québec les moyens nécessaires. Dans la lettre de l'UMQ, adressée au ministre le 29 mai 1997, on dit ceci: «L'UMQ aurait apprécié – on traite du projet de loi n° 125 – que le gouvernement, en plus de conférer davantage de pouvoirs aux municipalités – voyez-vous – s'attaque aux véritables causes de la criminalité et qu'il soutienne – le gouvernement – le déploiement des effectifs policiers nécessaires à la résolution de ce problème.»

Combien de fois, moi, j'ai questionné le ministre ici, en Chambre? Combien de fois je lui ai rappelé que, d'abord et avant tout, c'est de forces policières solides qu'on a besoin pour réprimer le crime au Québec? Je me souviendrai toujours – et ça avait été à la grande surprise de ses propres collègues – que le ministre, à qui je demandais, il n'y a pas tellement longtemps: Il y a combien de policiers à l'intérieur de l'escouade Carcajou Québec? ne le savait pas. C'est assez exceptionnel, ça. On était, à ce moment-là, en plein, là, dans peut-être le pic de la guerre des gangs de motards criminalisés dans la région de Québec. Ça fait plus ou moins un mois de ça, M. le Président. La guerre des gangs avait atteint son apogée. La population de Québec, de la capitale, était extrêmement inquiète, à ce moment-là. Le ministre ne savait pas combien d'effectifs se retrouvaient dans l'escouade Carcajou Québec.

(20 h 40)

C'est assez inquiétant, ça, quand on réalise que c'est lui qui a la responsabilité au premier chef de protéger les Québécois puis les Québécoises. Pas le fédéral, pas la police fédérale; c'est la Sûreté du Québec, les corps de police municipaux. Et le ministre de la Sécurité publique a toujours et en tout temps un droit de regard sur l'ensemble des forces policières au Québec, surtout évidemment la Sûreté du Québec, mais également les corps de police municipaux. Il a, lui, l'obligation, le devoir de s'assurer que ce qui est fait est bien fait, que les citoyens sont bien protégés.

L'UMQ continue en disant ceci... On vient de dire: «qu'il soutienne le déploiement des effectifs policiers nécessaires». Les élus municipaux ont compris ça, M. le Président. Il n'y a pas que l'opposition qui dit au gouvernement puis à son ministre de la Sécurité publique: Êtes-vous certains qu'il y a assez de polices? Quand est-ce que ça va arrêter, les congédiements à la Sûreté du Québec? Quand allez-vous arrêter, M. le ministre de la Sécurité publique, d'exécuter bêtement et aveuglément les commandes du président du Conseil du trésor, les commandes du ministre des Finances puis de sous-budgétiser, encore cette année, la Sûreté du Québec pour 17 000 000 $? Quand le ministre de la Sécurité publique va-t-il défendre sa police, la Sûreté du Québec, auprès de ses collègues du Conseil des ministres, M. le Président?

C'est ça que l'UMQ lui dit: «Car, bien que les municipalités pourront dorénavant intervenir de meilleure façon pour garantir la sécurité de leurs citoyens avec le projet de loi n° 125, la criminalité ne cessera pas pour autant et, en cette matière – Mario Laframboise, président de l'UMQ, de l'Union des municipalités du Québec – il appartient au gouvernement du Québec d'assurer la sécurité publique sur tout le territoire du Québec.»

Ce n'est pas le problème du fédéral, ça. Ce n'est pas au fédéral. Le fédéral a la responsabilité d'ajuster le Code criminel. C'est ce que l'ex-ministre de la Justice, Allan Rock, a fait. On dormait ici, au Québec, ou on attendait. Alors, Allan Rock a bougé. Là, le ministre de la Sécurité publique s'est dit: Ça n'a pas de bon sens, il faut que je fasse quelque chose; ce qu'il aurait pu faire bien avant. Là, le fédéral a bougé; le ministre de la Sécurité publique a suivi, sous la pression des élus municipaux qui avaient compris qu'il fallait que lui aussi bouge. Et où je rejoins le ministre, jusqu'à un certain point, c'est qu'il fallait également que le ministre de la Justice fédéral regarde de quelle façon il pouvait améliorer le Code criminel. Ça a été fait et ça a été, je pense, globalement, assez bien fait.

Est-ce que, M. le Président, avec 125, on fait un pas dans la bonne direction? Je dis oui. Les élus municipaux le voulaient, 125. Et, dans quelques minutes, le projet de loi sera adopté, mais sans avoir, techniquement, l'accord de l'opposition, pour des raisons que j'ai longuement expliquées en commission parlementaire et ici, à l'Assemblée, lors des discours sur la première étape, le principe et également lorsqu'on est revenus sur la prise en considération du rapport, après l'étude du projet de loi en commission parlementaire.

Pourquoi on a des réserves, de notre côté? À cause de ce que je viens de lire, mais aussi de ce que je vais lire: «L'UMQ est extrêmement inquiète sur les débats judiciaires à venir – à venir – suscités par certaines dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi n° 125. Ce que l'UMQ souhaite...» Puis ça a été dit au ministre, mais le ministre n'en parle pas, de ça. J'aurais aimé ça, M. le Président, j'aurais apprécié que le ministre profite de sa dernière intervention sur le projet de loi n° 125 pour répondre aux municipalités, à l'UMQ. «L'Union comprend que l'ensemble de ces nouvelles dispositions législatives a fait l'objet d'un examen attentif de leur constitutionnalité et que, partant, les municipalités...»

Je ne sais pas si le ministre m'écoute, M. le Président. S'il m'écoute, j'espère qu'il va répondre à l'UMQ.

Des voix: ...

M. Lefebvre: Bon! Je suis content de voir que... J'entends le député de Dubuc, je ne sais pas, peut-être qu'il va pouvoir intervenir tout à l'heure, M. le Président, il n'est que 20 h 45. Moi, je vais faire mon intervention, puis, après ça, mes collègues, mes amis d'en face pourront parler, s'ils ont des choses à dire. Mais, en attendant, j'apprécierais que le député de Dubuc me laisse parler, M. le Président.

Une voix: ...

M. Lefebvre: Non, non. S'il a des choses à dire qu'il se lève, qu'il soulève une question de règlement puis on va la débattre.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, s'il vous plaît, on va reprendre selon les règles. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, j'apprécierais que le ministre prenne l'engagement, puis je lui donnerai un consentement pour qu'il... pas un consentement, non, il a droit à une réplique, une courte réplique. S'il veut parler plus longtemps qu'il ne l'a fait sur son intervention principale, je vais rester ici et je vais l'écouter attentivement. J'apprécierais que le ministre réponde à l'inquiétude des élus municipaux. Plein de députés en ont, des élus municipaux, dans leur comté. Ce ne sont pas tous des députés de Montréal qui sont ici; ce ne sont pas tous des députés de la grande région de Québec. Il y a des élus municipaux des municipalités pour plusieurs comtés du Québec, ici représentés par des députés ministériels; c'est 15, 20 municipalités, M. le Président. Des municipalités comme Saint-Nicolas, il y en a plein au Québec.

Quelle est l'inquiétude des élus municipaux exprimée par leur président? C'est qu'on soit obligé de faire la bataille devant les tribunaux, les municipalités devant être placées dans l'obligation de supporter des frais judiciaires énormes. Ça, le ministre le sait, que cette inquiétude-là existe au niveau des élus municipaux, y compris à Saint-Nicolas. Le maire de Saint-Nicolas l'a exprimée lorsqu'il est venu nous saluer en commission parlementaire, M. le Président. Est-ce que les municipalités n'auront pas à faire les frais d'éventuelles contestations judiciaires de ces pouvoirs que confère aux élus municipaux, aux municipalités le projet de loi n° 125? Si les municipalités devaient, en définitive, supporter les frais juridiques d'une contestation judiciaire des nouveaux pouvoirs du projet de loi n° 125, le gouvernement du Québec, loin d'avoir amélioré les pouvoirs d'intervention des municipalités, n'aura fait que transférer des coûts.

L'UMQ est inquiète. Jamais, jamais le ministre n'a répondu à ces inquiétudes légitimes de l'UMQ. Moi, évidemment il n'a pas à m'adresser copie de la correspondance qu'il aurait échangée avec l'UMQ. La lettre dont je viens de donner lecture de plusieurs paragraphes, signée par le président de l'UMQ, elle est datée du 29 mai 1997. À ma connaissance, le ministre n'a pas répondu au questionnement de l'UMQ. Je lui demande ce soir, au moment de sa réplique, de dire clairement – on en a parlé d'ailleurs à l'étude détaillée en commission parlementaire – si le gouvernement du Québec va prendre fait et cause, va plaider, s'il y a lieu...

Je ne souhaite pas évidemment que ça soit contesté devant les tribunaux, que certaines dispositions de 125 soient contestées devant les tribunaux, mais si ça arrivait... Quand la municipalité de Saint-Nicolas, à titre d'exemple, va décider de mettre en marche le processus judiciaire pour faire démolir ou rendre conforme le célèbre bunker de Saint-Nicolas, est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut dire au conseil municipal de Saint-Nicolas: On va prendre fait et cause pour la municipalité, on s'engage à supporter les frais judiciaires d'un débat qui peut être très long? C'est ça que je demande au ministre, M. le Président.

Ce soir, c'est la dernière occasion qu'il a de le dire à l'Assemblée nationale; il pourra le dire par écrit subséquemment. Ici, à l'Assemblée nationale, au moment de sa réplique, j'aimerais, tout à l'heure, qu'il nous indique s'il va prendre fait et cause pour les municipalités dans d'éventuels débats judiciaires dans le cadre de l'application de la loi n° 125. Et le ministre le sait, que c'est une question extrêmement pertinente, M. le Président. Si le ministre refuse de répondre ce soir, moi, je comprendrai et l'UMQ comprendra qu'encore une fois le gouvernement du Québec essaie de déplacer ses responsabilités sur le dos des municipalités.

Imaginez-vous, là, on est en matière de sécurité publique, M. le Président. Je ne pourrais pas imaginer – j'espère que je me trompe – que ça soit le cas; je ne pourrais pas imaginer que le ministre de la Sécurité publique, avec les conseillers du premier ministre, aurait décidé de transférer d'une façon hypocrite des responsabilités sur le dos des municipalités dans un dossier aussi délicat que la sécurité des citoyens. Si le ministre me dit: Oui, on va prendre fait et cause, oui, on va financièrement supporter le débat devant les tribunaux dans quelques causes types, si le ministre me répondait ça, M. le Président, moi, je serais rassuré. L'UMQ aurait reçu réponse aux questions qu'elle soulève et ça éliminerait, M. le Président, bien des inquiétudes qui existent présentement à l'intérieur du monde municipal, exprimées dans une lettre du 29 mai et exprimées également à d'autres occasions par l'UMQ.

(20 h 50)

Encore une fois – on en a parlé, tout à l'heure, à l'occasion du débat sur le projet de loi n° 138 sur les bingos – le projet de loi n° 125 transfère, donne à la Régie des pouvoirs énormes, d'autres pouvoirs énormes, M. le Président. Même questionnement que tout à l'heure: Est-ce que la Régie est capable d'administrer, de gérer tous ces nouveaux pouvoirs, toutes ces nouvelles responsabilités? J'espère. Pas certain. J'ai dit à plusieurs reprises qu'on est d'accord avec les modifications à la Loi sur les explosifs. Il n'y a eu à peu près pas de questionnement, sinon pour des questions d'ordre technique. On est d'accord là-dessus.

Outre celles dont j'ai parlé tout à l'heure sur les inquiétudes de l'UMQ, les réserves de l'opposition, plus que des réserves dans certains cas – je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre, on en a parlé abondamment en commission parlementaire – sont sur les entorses qu'on fait à des principes de droit dans le projet de loi n° 125. Ça a été d'ailleurs relevé, le ministre le sait, ces inquiétudes, par le Barreau du Québec qui, le 29 mai 1997, dans une lettre de plusieurs pages – quatre ou cinq pages – adressée au ministre, signée par le nouveau bâtonnier du Québec, exprimait ses inquiétudes sur certains volets du projet de loi n° 125. Certains pouvoirs qu'on veut donner à la Régie, certains pouvoirs qu'on donne aux municipalités apparaissent, aux yeux du Barreau, comme étant inhabituels. Puis ça, on l'a dit; je l'ai dit, moi aussi: C'est une situation exceptionnelle que la guerre des gangs de motards criminalisés.

Peut-être que le raisonnement du ministre, c'est: Il faut, dans un contexte comme celui-là, prendre des risques avec les principes de droit. Bien, ça, nous autres, on ne peut pas souscrire à ça, M. le Président. L'opposition ne peut pas non plus parallèlement faire une bataille à n'en plus finir pour bloquer 125. Ça aurait été, du côté de l'opposition, je pense, une attitude plus ou moins correcte et responsable. L'attitude de l'opposition dans le projet de loi n° 125, ça a été de questionner certaines dispositions qui apparaissent dans le projet de loi, ça a été de questionner le ministre longuement en commission parlementaire, ça a été également de communiquer avec ceux et celles qui sont concernés, particulièrement les élus municipaux, ça a été de demander au Barreau d'intervenir. Ça a été ça, l'attitude de l'opposition.

Mais il y a quelque chose là-dedans qui mérite sûrement d'être essayé et c'est pour cette raison-là que le ministre va l'avoir, son projet de loi. Le gouvernement l'aura. Les municipalités vont réaliser rapidement s'il y a quelque chose là-dedans de vraiment solide et concret pour leur permettre de régler les situations auxquelles elles et leurs citoyens sont confrontés. De ce temps-ci, là, ça fait plus ou moins trois semaines que c'est calme, M. le Président, autant dans la région de Montréal que dans la région de Québec. Il ne faut pas s'endormir là-dessus. Puis, là-dessus – je pense bien que le ministre en est conscient – il faut être de plus en plus vigilant. J'espère que ça va continuer puis que ça va continuer jusqu'à la fin des temps, hein!

Mais je reviens et je conclurai un peu comme j'ai commencé. Le ministre ne doit jamais, jamais oublier que c'est lui qui a la responsabilité. Il doit s'assurer que la Sûreté du Québec a les effectifs qu'il faut, l'expertise qu'il faut pour venir à bout de ces guerres de gangs entre motards criminalisés qui causent des drames. Ils en ont causé trop, à date, des drames. J'espère que le ministre est bien conscient qu'il a cette lourde responsabilité et qu'il s'en souvient à tous les jours.

Ce n'est pas toujours évident lorsqu'on réalise, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ce qu'on est en train de faire, à la Sûreté du Québec. Le ministre a fini, là, l'enquête Poitras. Il a passé trois jours à se faire questionner sur ce que lui a fait ou pas fait, sur ce que son prédécesseur, le député de Laval-des-Rapides, a fait et n'a pas fait depuis deux ans, sur ce que l'ex-directeur – parce que je l'appelle «l'ex-directeur de la Sûreté du Québec» – M. Barbeau, a fait et n'a pas fait.

Vous savez, pour arriver à décréter une enquête publique à la Sûreté du Québec, il fallait que ça aille mal à la shop, comme on dit. C'est toute une succession de mauvaises décisions qui ont été prises autant par le pouvoir politique que par ceux et celles qui avaient la responsabilité de gérer la Sûreté du Québec, M. le Président. Ce n'est pas un événement en particulier qui a amené le gouvernement à devoir décréter une enquête publique à la Sûreté du Québec; c'est toute une succession de mauvaises décisions. Et il y a des responsabilités énormes qui reposent sur les épaules de ceux qui ont géré la sécurité publique depuis deux ans et demi, depuis le 12 septembre 1994.

Et l'opposition, on l'a demandée, l'enquête publique, et on ne se trompait pas. C'est pire que tout ce qu'on aurait pu imaginer, M. le Président, malheureusement. Ce qu'on souhaite, c'est que la Sûreté du Québec sorte grandie de cette... parce qu'on posera des gestes après, puis que l'expérience ou les expériences qu'on a vécues depuis deux ans et demi aient servi pour toujours. J'en profite pour conclure en disant que la Sûreté du Québec, d'aucune façon, n'a jamais été remise en question globalement quant à son dévouement à protéger les citoyens du Québec, quant à son professionnalisme. L'opposition a toujours été extrêmement prudente lorsqu'elle questionnait le gouvernement là-dessus.

Le projet de loi n° 125 va être adopté sur division, je le dis tout de suite, M. le Président, parce qu'il y a trop de choses là-dedans sur lesquelles on a des réserves, trop de choses qui créent de l'inquiétude. Il y a trop de choses qui constituent des précédents. Le leader du gouvernement sait très bien – je suis convaincu qu'il a lu 125 – qu'il y a des entorses à des règles de droit fondamentales. Audi alteram partem, ça n'existe plus; la règle de la meilleure preuve, ça n'existe plus; la présomption d'innocence, ça n'existe plus; le droit à une défense pleine et entière, ça n'existe plus dans certains volets du projet de loi n° 125, puis ça, c'est inquiétant. Il faut que le gouvernement se sente vraiment coincé pour proposer des modifications à des principes aussi fondamentaux dans une société démocratique comme la nôtre.

Ce qu'on souhaite, en conclusion, c'est que les pouvoirs qu'on transfère aux municipalités puissent être exercés le plus facilement possible. Si, par hypothèse, ces pouvoirs-là que l'on retrouve dans 125 sont attaqués devant les tribunaux – je répète ce que j'ai demandé au ministre tout à l'heure – que le gouvernement du Québec ne laisse pas les municipalités se débrouiller avec tout ça, M. le Président, que le gouvernement du Québec ne réponde pas aux élus municipaux de Saint-Nicolas: Ce n'est plus le problème du gouvernement du Québec, on vous a donné les pouvoirs d'agir. J'interpelle le ministre, j'interpelle le leader du gouvernement, en conclusion, en passant par vous, M. le Président, je demande au ministre de répondre à une question très simple: Est-ce que vous serez là pour supporter les municipalités si, éventuellement, certains pouvoirs qu'on transfère aux municipalités par le projet de loi n° 125 sont contestés devant les tribunaux? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Il n'y a pas d'autres intervenants. Alors, je vais céder la parole, pour la réplique, à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Oui, M. le Président. Ça sera bref comme réplique. Le critique de l'opposition a terminé en disant qu'il ne pouvait pas appuyer le projet de loi. Non. Il a plutôt commencé en disant qu'il espérait que le ministre prendrait ses responsabilités puis il a terminé en disant qu'il ne pouvait pas appuyer le projet de loi. M. le Président, par chance que, de ce côté-ci, on prend nos responsabilités parce que, si on avait l'attitude de l'opposition et du critique de l'opposition, je pense bien que nos concitoyens du Québec pourraient, à juste titre, s'inquiéter pour leur sécurité.

(21 heures)

Si je comprends bien, sur une question aussi importante, alors que, à Ottawa, l'opposition, le Bloc a donné sans hésitation son appui au parti au pouvoir, au Parti libéral, l'opposition s'invente des arguments pour s'opposer. Elle n'est même pas capable, sur une question aussi fondamentale pour la sécurité de nos compatriotes, M. le Président, de donner son appui. Le critique de l'opposition dit: Est-ce que le ministre... Un des problèmes qu'on a, un gros problème qu'on a – là, on parle de la lutte au crime organisé, on parle de choses fondamentales – c'est: est-ce qu'on a la garantie que, par exemple, si la loi est contestée – il y a des petites municipalités – le gouvernement va l'appuyer?

M. le Président, j'ai déjà dit – et je le répète – que le gouvernement se sentait coresponsable dans cette opération avec les municipalités, que nous répondions là-dessus à une demande des municipalités de les doter de plus de pouvoirs. Ce seront leurs pouvoirs, M. le Président. Et j'ai déjà indiqué qu'il serait tout à fait normal que, si la loi était attaquée, bien, ce soit à tout le moins une responsabilité partagée. Alors, je le redis, M. le Président, au critique de l'opposition. Donc, j'imagine que, quand va venir le temps de voter, si c'est sa raison d'être contre, bien, M. le Président, je peux lui dire tout de suite qu'il n'a pas raison d'être contre pour ça parce que là-dessus on s'entend.

Il y aurait, semble-t-il, quelques articles reliés à des principes de droit. On a eu l'occasion d'expliquer longuement en commission que le droit à une défense, le droit d'être entendu était respecté. C'est tellement vrai qu'il y a un juge qui, devant des oppositions du côté de la Régie à utiliser une disposition similaire à celle qu'on donne aux municipalités, a mis une condition: il faudra qu'il y ait un avis puis il faudra que les gens soient entendus; une fois qu'ils le sont, il a considéré que c'était tout à fait acceptable.

Alors, M. le Président, je termine en disant que je regrette profondément que, sur un projet de loi de cette importance, l'opposition trouve ce qui me semble être des arguments pour le moins fallacieux – je pense que c'est parlementaire de dire fallacieux – pour finalement ne pas rejoindre ce qui est l'unanimité au Québec, à savoir que c'est un projet de loi dont on a besoin, qui est attendu, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, est-il adopté?

M. Lefebvre: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 28.


Projet de loi n° 150


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 28, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité propose l'adoption du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Je vous cède la parole, Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Le projet de loi n° 150 créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail est maintenant arrivé à cette étape finale pour l'adoption, en troisième lecture, à l'Assemblée nationale. La commission parlementaire de l'économie et du travail a procédé à son étude et à son adoption en deuxième lecture. Les travaux de la commission ont permis une analyse approfondie du projet de loi, notamment grâce à la participation de l'opposition et plus spécifiquement au travail constructif et soutenu des députés de la commission parlementaire, et particulièrement de la députée de Saint-François.

Je veux souligner l'intérêt de tous les membres, M. le Président, et le travail que le président de la commission, le député de Charlevoix, a réalisé. Il a su mener avec efficacité et rigueur le déroulement de nos travaux en deuxième lecture. Il est rare que l'on souligne le travail des présidents de nos commissions, mais je souhaitais pouvoir le faire ce soir, M. le Président.

Si le travail de la commission a permis d'apporter des amendements au projet de loi, il s'est agi principalement d'amendements en regard de représentations faites par divers groupes, et je souhaiterais rapidement pouvoir vous en faire un bilan.

Ainsi, en réponse à la demande de la Coalition des personnes bénéficiaires de l'aide sociale, nous avons modifié l'article 3 portant sur la responsabilité du ministre de l'Emploi et de la Solidarité devant élaborer et proposer au gouvernement des politiques et mesures. Dorénavant, en réponse aux demandes soumises par la Coalition des personnes bénéficiaires de l'aide sociale, il faudra lire une formulation qui est similaire à celle qu'on retrouve dans la Charte québécoise des droits et libertés et qui parle d'assurer un niveau de vie décent plutôt que convenable, en fait, ce qui était l'expression que nous retrouvions dans la loi antérieure.

Également, M. le Président, pour donner suite aussi à des représentations, notamment de la Coalition des personnes bénéficiaires de l'aide sociale, nous avons prévu que la Commission des partenaires soit celle qui approuve les tarifications qui pourront être mises en vigueur pour l'obtention de certains services, dans le contexte des compressions budgétaires que nous connaissons. La Coalition des personnes bénéficiaires de l'aide sociale souhaitait, je pense, cette garantie pour s'assurer qu'il y ait un débat au sein des partenaires du marché du travail avant qu'une tarification soit imposée à des personnes sans emploi.

Également, M. le Président, je voudrais signaler qu'en réponse aux demandes, cette fois, des partenaires du marché du travail – il s'agit, en l'occurrence, des grandes associations patronales, syndicales, communautaires et du milieu de l'éducation – nous avons également modifié la formulation du mandat de façon à ce qu'il soit précisé que la Commission des partenaires approuve les plans d'actions régionaux qui lui seront soumis annuellement plutôt que cela soit laissé, en fait, à son libre arbitre seulement.

Également, parmi les représentations faites pour obtenir des amendements, nous avons donc, à la demande du ministère de la Métropole, ajouté un membre non votant au sein de la Commission des partenaires du marché du travail, qui va être à la fois composée de 18 membres votants, six appartenant à la catégorie patronale, six à la catégorie syndicale et six à la catégorie «autres», où on retrouve à la fois des gens du milieu communautaire et de l'éducation.

Alors, il y a également, au sein de la Commission des partenaires, des sièges qui seront assignés à des membres non votants. Il s'agira, en l'occurrence, de sous-ministres des ministères associés à vocation économique, comme le ministère de l'Industrie et du Commerce, ou à vocation sociale, comme le ministère de l'Éducation, comme le Secrétariat au développement des régions, qui, en fait, a une double mission, à la fois sociale et économique, et également le ministère de la Métropole. Alors, les sous-ministres siégeront au sein de la Commission des partenaires, mais en tant que membres non votants.

D'autre part, M. le Président, encore une fois, à la demande des partenaires, nous avons modifié le projet de loi pour que nous retrouvions au niveau, cette fois, des commissions régionales des partenaires du marché du travail, également une représentation du Secrétariat au développement des régions, du directeur régional du ministère de l'Éducation et/ou de son représentant désigné par le sous-ministre.

Vous comprenez que le profil derrière ça, M. le Président, c'est que, dorénavant, il soit, en fait, considéré comme non avenu et qu'il soit même récusé toute idée de travailler chacun de son côté. Non seulement on n'en a plus les moyens, mais on a une obligation morale de résultat, qui oblige à mettre nos appareils de gouvernement au diapason en fonction des priorités et des besoins de la population. Ça signifie que le ministère de l'Éducation, celui de l'Industrie et du Commerce, ceux de l'Emploi et de la Main-d'oeuvre, de la Formation professionnelle, du Développement régional, ça ne peut plus travailler chacun de son côté.

(21 h 10)

Alors, suite à la proposition qui a été déposée en commission parlementaire par Mme la député de Saint-François, la commission de l'économie et du travail convoquait les membres de l'exécutif du conseil d'administration de la SQDM pour entendre leur témoignage sur le projet de loi n° 50: Mme Nancy Neamtan, qui est membre du conseil d'administration de la SQDM et qui évidemment a d'autres responsabilités, comme on le sait, M. Gérald Larose, qui est aussi membre du conseil d'administration de la SQDM est qui est aussi, entre autres choses, président de la Confédération des syndicats nationaux, et M. Gérald Ponton, membre également du conseil d'administration, tous trois d'ailleurs membres du comité exécutif de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Et je rappelle que M. Ponton est le directeur général de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs. Alors, ils sont venus vendredi dernier confirmer devant les membres de la commission parlementaire non seulement leur accord personnel au projet de loi n° 150, mais l'accord du conseil d'administration, l'accord du comité exécutif rendu public dans un communiqué officiel lors du dépôt, le 15 mai dernier, du projet de loi n° 150.

Au nombre des motifs justifiant leur accord, ils ont fait valoir qu'ils pourront dorénavant, au sein de la Commission des partenaires du marché du travail, s'assurer que la prestation des services publics d'emploi sera rendue en fonction d'objectifs de résultat et que ces objectifs de résultat, ils contribueront à les définir et à les évaluer chaque année dans le cadre du plan annuel d'action. En fait, ce qu'ils sont venus nous dire, c'est qu'ils étaient prêts, M. le Président, à s'impliquer en tant que patrons, en tant que syndicats, en tant que milieux communautaires, prêts à s'impliquer dans l'identification d'objectifs de résultat pour la main-d'oeuvre du Québec, mais aussi prêts à s'impliquer pour atteindre les résultats identifiés.

Comme vous le savez, les services publics d'emploi seront dorénavant offerts par une unité autonome de services portant le nom d'Emploi-Québec. Une entente de gestion sera donc conclue entre la Commission des partenaires et le ministre responsable de l'Emploi et de la Solidarité, entente qui définira les responsabilités de chacun. Pour les partenaires, cette formule leur permet de participer activement à la gestion d'Emploi-Québec. Ils pourront donc appliquer une forme de gestion par résultat, de loin préférable à une gestion par processus, par normes, trop rigide, qui ne permet pas d'intégrer les réalités diverses, sectorielles, locales, régionales du marché du travail. Ainsi, les partenaires du marché du travail nous ont dit non seulement être satisfaits, mais nous ont dit être enthousiastes à l'idée de s'engager dans ce qui leur est proposé. Ils considèrent pouvoir mieux adapter l'intervention jusqu'à maintenant gouvernementale, une intervention étatique jusqu'à maintenant. Ils pensent pouvoir mieux l'adapter de façon plus collective en étant d'ailleurs responsables chacun à leur niveau et, de cette façon, exercer un certain leadership dans la coordination des ressources.

M. le Président, vous savez, il faut comprendre qu'en matière de main-d'oeuvre il est impensable d'imaginer de procéder comme avant alors que tout autour de nous a changé en matière économique. Il n'y a pas si longtemps, quand je suis entrée dans cette Assemblée – ça fait déjà quand même 16 ans et demi, et, quand on a 16 ans, c'est la demie qui compte, comme vous le savez, n'est-ce pas – vous savez, on pouvait mettre à l'abri des secteurs ou des pans de notre économie. Je me rappelle des grands programmes mis en place par le gouvernement de l'époque dans le secteur des pâtes et papiers, dans le secteur du textile en particulier, et ils étaient possibles parce qu'on pouvait protéger des industries que l'on choisissait derrière des barrières tarifaires, derrière des barrières douanières. En l'espace d'une décennie, tout cela, comme on le sait, a volé en éclats, et dorénavant il nous faut, dans le fond, travailler au grand vent, puisqu'on peut aller évidemment s'emparer des marchés à l'étranger, mais l'étranger peut aussi venir s'emparer de nos marchés. Et ce qu'il faut apprendre, bien évidemment, c'est à retenir comme valeur essentielle celle de nos ressources humaines, celle qui ajoute de la valeur à nos investissements, à notre recherche et développement. Et c'est la conjugaison de tout ça qui va nous permettre de réconcilier à la fois la compétitivité mondiale, règle du jeu dans laquelle nous sommes engagés même à notre corps défendant, et de réconcilier cette compétitivité mondiale avec la solidarité locale, régionale et nationale.

Le projet de loi n° 150 permet donc, M. le Président, d'amorcer une réelle gestion concertée du marché du travail en reconnaissant un partage des responsabilités et, jusqu'à un certain point, un partage de l'imputabilité. On peut en juger en regard des responsabilités confiées au niveau régional, au niveau local où s'exercera, d'ailleurs, la responsabilité du plan d'action local pour l'économie et l'emploi.

La commission parlementaire a aussi accepté d'entendre le témoignage, à la demande de Mme la députée de Saint-François, des partenaires de la Commission de la construction. Suite à leur témoignage, j'ai eu l'occasion, au moment de la prise en considération du rapport de la commission, de faire adopter un premier amendement introduisant la notion de «comités sectoriels» à celle, déjà formulée dans le projet de loi, d'un «développement local, régional et national».

Je pense, M. le Président, que l'ajout du mot «sectoriels» dans la loi vient préciser, de toute façon, l'intention du législateur et, en même temps, vient bien faire comprendre l'équilibre des forces en présence. Parce que l'équilibre qui va nous permettre d'être gagnant, c'est à la fois un équilibre où on prend en considération les besoins des grands secteurs de notre économie, des branches industrielles, l'aéronautique, la pétrochimie, les pâtes et papiers, le transport routier, où, donc, on prend vraiment en considération, au sein de comités sectoriels qui sont finalement l'héritage, le meilleur que nous aient laissé les grappes industrielles de Gérald Tremblay au moment où il a été député d'Outremont et ministre de l'Industrie et du Commerce...

Il y a présentement 26 comités sectoriels qui travaillent, M. le Président, dans leurs branches respectives, mais pas seulement au niveau industriel. Par exemple, au niveau agricole, il y a un comité sectoriel, dans le secteur de la main-d'oeuvre, extrêmement dynamique. Dans le milieu agricole, dans le milieu du tourisme, dans le milieu de la culture, de la danse. Finalement, l'idée est très simple, c'est que, plutôt que de se retrouver face à face, patron-syndicat, capital-main-d'oeuvre ou capital-travail, comme on disait auparavant, plutôt que de se trouver antagonisé en collision, les comités sectoriels permettent de se retrouver côte à côte en dégageant une vision commune des besoins de la main-d'oeuvre, mais des besoins, aussi, en main-d'oeuvre, en termes de pénurie de main-d'oeuvre qu'il nous faut combler. Mais cette vision commune, c'est aussi celle d'une reconfiguration de leurs industries respectives dans le contexte de l'économie mondiale dans lequel nous sommes.

Alors, oui, c'est avec bonheur, M. le Président... Et je pense que nous avons fait un bon travail en commission parlementaire, parce qu'on a amélioré le projet de loi. Et, moi, je suis très contente que les commissions parlementaires servent à ça. Et je crois que d'introduire le mot «sectoriels» a vraiment permis, justement, peut-être de garantir un équilibre qui était voulu, mais qui n'était peut-être pas suffisamment exprimé au sein du projet de loi, de sa formulation, l'équilibre étant, comme je le rappelle, celui des branches industrielles, des secteurs de notre économie, des secteurs qui, dans le fond, sont des secteurs qui vont chercher la culture aussi – il faut comprendre que la dimension de notre économie, c'est, d'une certaine façon, dans tous les aspects de notre vie – alors qui vont à la fois chercher ces dimensions sectorielles et puis, en même temps, celles du développement local et régional.

(21 h 20)

Alors, je rappelle les grands objectifs que nous poursuivons avec l'adoption de la loi n° 150: mettre de l'ordre dans le secteur stratégique du développement de la main-d'oeuvre et des mesures d'aide à l'emploi; développer une gestion concertée du marché du travail, j'en ai parlé, M. le Président; intensifier le partenariat, tant au niveau régional, où il existait déjà, et national, et l'implanter au niveau local; agir de façon plus cohérente, plus efficace sur le décloisonnement, le développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi; maximiser les possibilités d'emploi de la main-d'oeuvre disponible par les mesures d'insertion, d'intégration de nos concitoyens au marché du travail; établir les nécessaires liens entre l'économie et l'emploi pour une utilisation plus adéquate des ressources humaines; et puis, assurer un niveau de vie décent à chaque personne et à chaque famille par des mesures de soutien du revenu.

Mettre de l'ordre, cela se traduit par une simplification des structures, et je mets au défi n'importe qui dans cette Assemblée de prétendre qu'on complexifie les structures. Alors que, M. le Président, de trois réseaux dispersés sur le territoire, en 287 points de services, avec une trentaine de directions régionales, avec trois adresses différentes pour le citoyen dans sa localité, eh bien, M. le Président, on va retrouver une intégration en un seul réseau, celui des CLE, de cette dispersion que je viens de décrire.

Une harmonisation des interventions dans le domaine de la main-d'oeuvre et de l'emploi, une simplification des structures. Encore un mot seulement pour vous rappeler l'intégration en un réseau unique des CLE, des services actuellement offerts dans les 129 centres Travail-Québec, les 51 points de services de la SQDM et les mesures actives dans les 78 centres locaux de Développement des ressources humaines Canada. Avec le nouveau ministère de l'Emploi et de la Solidarité, un réseau pourra se simplifier environ à la moitié, n'est-ce pas, des points de services actuels, mais en accueillant l'ensemble des demandeurs d'emploi indépendamment de l'étiquette, ou du statut, ou de la couleur du chèque qu'ils reçoivent ou qu'ils ne reçoivent pas.

Également, M. le Président, mettre de l'ordre, c'est la simplification; une seule porte d'entrée donnant accès à l'ensemble des services publics d'emploi sur le territoire d'une MRC ou dans un quartier ou un arrondissement dans une municipalité. La simplification, c'est le décloisonnement des clientèles. Décloisonnement, harmonisation seront également possibles et permettront de rendre plus actives les mesures afin d'augmenter les chances de retour sur le marché du travail.

On nous fait le grief, n'est-ce pas, de ne pas avoir une politique d'emploi. Mais qu'est-ce que vous pensez que c'est une politique d'emploi? J'entends parfois les députés de l'opposition nous dire de façon incantatoire, comme si c'étaient les processions de la Fête-Dieu: On veut une politique d'emploi. Mais une politique d'emploi, qu'est-ce que vous pensez que c'est, une politique d'emploi? Une politique d'emploi, ça a été d'abord d'adopter la loi du 1 %. Imaginez-vous que l'argent public, l'argent des gouvernements, ça s'en allait pour la formation des travailleurs en emploi, M. le Président, alors que c'est la responsabilité des entreprises d'introduire une culture de formation continue dans l'entreprise. La première chose qu'on a faite, il y a deux ans maintenant, c'est d'adopter la loi du 1 %, qui avait été demandée dans un rapport d'une commission, en 1982. Alors, vous avez idée qu'il y a deux ans, en 1995, on était déjà en retard de 13 ans, M. le Président, mais il fallait mettre les bouchées doubles, c'est évident. Là, présentement, la population a le sentiment... c'est vrai que ça bouge partout, mais c'est évident qu'après tant d'années de statu quo puis d'immobilisme il a fallu prendre les bouchées doubles. Alors, loi du 1 % il y a deux ans.

La semaine passée, qu'est-ce qu'on a adopté? La loi créant le régime d'apprentissage. C'est quoi, ça, cette loi-là, si ça ne fait pas partie d'un volet de préparation à l'emploi? Savez-vous que dans les pays industrialisés avec lesquels on a à se comparer et qui sont les pays les plus performants, hein – je l'ai souvent rappelé, mais je le dis encore – la moyenne des pays industrialisés, les 25 membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, la moyenne des jeunes qui sortent avec un diplôme d'études secondaires, de métier, c'est 38 %. L'an passé, au Québec, c'était 2,5 %. Alors, vous avez idée du rattrapage qu'on doit faire. Et, dans ces pays, ils offrent à des jeunes d'apprendre en travaillant, d'être diplômé, avec un diplôme à part entière, parce que, si on abolit les frontières économiques et qu'on a moins besoin du passeport qu'avant, bien, maintenant, le passeport pour traverser les changements dans les métiers, ce passeport-là, M. le Président, ça s'appelle un diplôme.

Mais ce diplôme-là, il ne faut plus être obligé, comme avant, d'aller à l'école seulement pour aller le chercher, il faut être capable d'aller le chercher en travaillant. Parce que, dans n'importe quelle société, même les plus industrialisées, il y aura toujours des jeunes qui n'entreront pas dans le monde des adultes par l'école. C'est ça, M. le Président, une réalité qu'on a voulu nier, avec les résultats que l'on sait.

Vous savez que 48 000 jeunes de 18-24 ans, au Québec, sont sur l'aide sociale? Ils n'ont pas d'enfants, pas de handicaps, ils ne travaillent pas et n'étudient pas. Savez-vous que, sur ces 48 000 jeunes de 18-24 ans, 71 % ont été des décrocheurs scolaires, il y a à peine quelques années? C'est des jeunes de 19, 20, 21 ans. Ça, c'est évident que ça ne pouvait pas durer.

Une politique de l'emploi, vous savez comment ça commence, aussi? Ça commence en mettant des jeunes en apprentissage dans le milieu du travail et en leur donnant des chances d'y rester. Parce que la pire chose qui puisse arriver à un jeune, c'est, dans le fond, d'en être tellement éloigné qu'il finit par s'habituer à l'idée de ne jamais s'y retrouver.

Alors, M. le Président, donc, développer une gestion concertée du marché du travail. La loi n° 150 propose que les partenaires au sein de la Commission soient directement impliqués, comme je le mentionnais, dans la gestion. Ils conservent leur rôle combien déterminant, indispensable de suivre l'application de la loi n° 90 – la loi du 1 % – sur la contribution des employeurs à la formation de la main-d'oeuvre. Ils conservent leur rôle de soutenir l'intervention sectorielle, dont je viens de vous parler, de promouvoir et de développer le régime d'apprentissage, qui débute au mois de juin, cette année, enfin. Ils seront également associés à la définition des orientations et des politiques touchant la main-d'oeuvre et l'emploi. Ce sont aussi les partenaires de la Commission qui approuveront les plans régionaux qui leur seront soumis annuellement.

Au niveau régional, les partenaires du marché du travail voient leur rôle confirmé. Plus encore, ils auront la tâche d'adopter un plan régional qui servira entre autres de cadre de référence pour l'harmonisation des plans locaux. Ces plans locaux et régionaux serviront à déterminer l'intervention pour la mise en oeuvre des cinq volets de la politique active du marché du travail.

Vous vous rappelez ce grand tableau que j'ai utilisé au moment de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, où on retrouvait 110 mesures et programmes? Eh bien, M. le Président, on va pouvoir simplifier ça en cinq grands volets: préparation à l'emploi, ça, c'est l'apprentissage; insertion à l'emploi, ça, c'est les entreprises d'insertion qui se mettent en place au Québec présentement; maintien à l'emploi, ça, ça a à voir beaucoup avec tous ces programmes, dont APPORT, par exemple, c'en est un. Maintien à l'emploi, ça a à voir aussi avec le 1 %, parce que le 1 %, c'est aussi une façon continue de pouvoir relever les défis, les exigences des emplois au fur et à mesure que l'économie va se développer. Il y a aussi la stabilisation de l'emploi, et ça, c'est très lié au partage du temps de travail, à la réduction du temps de travail. Et ai-je à rappeler que la semaine dernière nous avons aussi adopté une loi sur la retraite progressive et la retraite anticipée? Ça aussi, M. le Président, c'en est un autre morceau dans l'ensemble de ce qu'on appelle une politique d'emploi, celle de l'aménagement, du partage et de la réduction du temps de travail.

Le croiriez-vous qu'en commission parlementaire l'opposition a fait une charge à fond de train contre une décision du sommet économique de réduire de 44 à 40 heures progressivement, sur quatre ans, les heures de travail? Mais comment imaginer qu'ils viennent ici ensuite réclamer une politique de l'emploi, alors qu'en commission parlementaire ils paralysent un projet de loi qui avait justement pour objet de se mettre au diapason des autres sociétés industrielles! L'Ontario, M. le Président. Ça va faire bientôt, en Ontario, neuf ans qu'ils ont la semaine régulière de travail de 40 heures. Nous, on est encore à 44 heures, comme il y a 30 ans.

(21 h 30)

Alors, le projet de loi n° 150 nous permet d'agir de façon plus cohérente et plus efficace pour le développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Et je le rappelle, en fait, avec la mise en place de la politique active, avec la mise en place du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, il va être possible de décloisonner les clientèles. Que l'on soit prestataire de l'aide sociale ou encore prestataire de l'assurance-emploi, que l'on n'ait droit à aucune prestation de soutien de revenus, il sera maintenant équitable pour tout citoyen et citoyenne de se prévaloir de services équivalents et d'aide à l'emploi équivalente.

La mise en oeuvre de l'entente conclue avec le gouvernement fédéral, le 21 avril dernier, sur le transfert de responsabilités à l'égard des mesures actives financées par le compte de l'assurance-emploi rend encore plus cohérente cette intégration. En plus d'une harmonisation des interventions, c'est à leur intégration ainsi qu'à celle des structures et des services publics d'emploi qu'il est possible de procéder. Il nous sera également possible, M. le Président, de rendre encore plus active la politique du marché du travail par une intégration des mesures passives et des mesures actives. Les mesures passives ou les mesures dites passives, en fait, ce sont celles des prestations, alors que les mesures actives, ce sont celles d'aide à l'emploi.

Dans les pays industrialisés avec lesquels on a à se comparer – c'est 25 pays dont j'ai parlé tantôt – la proportion des efforts publics consacrés aux mesures actives et passives est de 35-65, c'est-à-dire que 35 % de l'effort public va dans les mesures actives en moyenne et 65 %, dans les mesures passives. Nous, au Québec, c'était 90 % aux mesures passives et 10 % aux mesures actives. Et dans les pays les plus performants – je pense à l'Allemagne et à d'autres pays en particulier – c'est moitié-moitié.

Alors, vous avez idée que, dans un contexte de persistance du chômage, de hausse des coûts des programmes de remplacement de revenus, puisqu'il y a de plus en plus de chômeurs qui s'ajoutent aux personnes qui ont besoin d'aide de dernier recours, il faut absolument intégrer, dans les mêmes services d'emploi, les mesures dites passives de remplacement de revenus avec les mesures actives d'aide à l'emploi. L'objectif, c'est de fournir un engagement beaucoup plus efficace aux personnes en chômage et atteindre ainsi une plus grande efficacité.

Il faut également, M. le Président, établir des liens nécessaires entre l'économie et l'emploi. Vous savez, une politique d'emploi, ça commence avec la réconciliation du social et de l'économie. Dans les années soixante, on avait quasiment, malheureusement, les moyens de désunir le social et l'économique parce qu'on avait quasiment assez d'argent pour que chacun roule de son côté, alors qu'on sait maintenant qu'une véritable politique de l'emploi, c'est quand le social et l'économique sont vraiment intimement associés. Et c'est évidemment au niveau local d'abord, par un plan d'action local de développement de l'économie et de l'emploi, et au niveau de la complémentarité de la stratégie de développement de l'économie et l'emploi. On sait très bien, par exemple, maintenant les facteurs de localisation d'une entreprise. Vous savez, les facteurs de localisation au début du siècle, c'étaient les cours d'eau, c'étaient les richesses naturelles. Les facteurs de localisation étaient physiques, alors que maintenant les facteurs de localisation d'une entreprise sont bien, bien différents. D'abord, ils sont très liés aux ressources humaines.

J'ai eu l'occasion cet après-midi de rencontrer le gouverneur de l'État du Mérida, dans le pays du Venezuela, qui est venu en mission au Québec et qui tenait absolument à rencontrer la personne, au gouvernement, responsable de la formation professionnelle et qui est venu en fait me dire combien, pour leur développement économique, ils avaient un absolu besoin, vous savez de quoi? De techniciens et de gens de métier. Ce qu'il m'a expliqué, c'est qu'au Venezuela ils ont, comme on avait il y a 20 ans, des jeunes qui vont en formation générale et qui, moins nombreux sans doute, mais en proportion dans leur pays, s'acheminent vers les études universitaires. Mais ce qui leur manque cruellement, dramatiquement, c'est finalement cette catégorie de techniciens puis de gens de métier qui attirent les entreprises maintenant. C'est autour de ces ressources humaines que les investissements les plus prometteurs se font.

Alors, M. le Président, la politique de soutien au développement local et régional, au développement sectoriel va nous permettre certainement de maximiser les efforts publics considérables. Pensez que, cette année, on consacrera environ 9 000 000 000 $, au Québec, pour l'assurance-emploi et les chômeurs à l'aide sociale, à peu près 9 000 000 000 $, soit payés par des travailleurs et des employeurs à même une cotisation versée au compte de la caisse d'assurance-emploi, soit payés à même les impôts à Québec comme à Ottawa pour l'ensemble des mesures et des différents programmes.

Également, je rappelle que le projet de loi n° 150 a comme objectif d'assurer un niveau de vie décent à chaque personne et à chaque famille par des mesures de soutien du revenu. Il importe de rappeler que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité continuera d'élaborer et de mettre en application la politique de sécurité du revenu. La réforme de la sécurité du revenu, qui sera présentée l'automne prochain, reconnaîtra qu'il s'agit clairement d'une responsabilité de l'État.

Autant la gestion concertée des mesures actives du marché du travail, de la politique du marché du travail, autant c'est une gestion concertée avec les partenaires, autant la responsabilité de la sécurité du revenu est une responsabilité exclusive de la compétence de l'État, puisqu'il nous faut assurer sur le territoire non pas seulement un traitement équivalent, mais un traitement uniforme, de façon à ce qu'un chômeur, une personne invalide ou un aîné qui recourt à l'aide sociale sur le territoire québécois ait finalement droit aux mêmes prestations sans qu'il y ait de discrimination.

Évidemment, cependant, en constatant que les chômeurs sont de plus en plus nombreux à se retrouver prestataires de l'aide sociale, alors qu'inversement ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir bénéficier des prestations de l'assurance-emploi, compte tenu des resserrements à l'éligibilité, il faut chercher à proposer davantage un parcours individualisé vers l'insertion, vers la formation et vers l'emploi. Il s'agit là d'une responsabilité partagée avec l'ensemble de la collectivité. Comment mieux combattre l'exclusion sociale autrement qu'en développant la solidarité, tant au niveau local, régional que national?

M. le Président, en conclusion, je vous dirai que, oui, nous sommes soumis à des tensions nouvelles sans cesse changeantes, apportant parfois des aspects négatifs, comme un chômage qui persiste malgré la reprise économique, malgré la croissance économique bien réelle, n'est-ce pas, comme le soulignaient les économistes, et malgré d'ailleurs une création d'emplois. Il faut se rappeler, depuis les six derniers mois, à chaque mois, ça a été une augmentation soutenue, consécutive de l'emploi, une augmentation, une création nette d'emplois. Nous en sommes à 67 000 nouveaux emplois, depuis six mois, au Québec.

Mais à quoi assistons-nous, dans le fond, M. le Président? À un phénomène que d'autres décriront, après nous sûrement, comme si nous traversions une nouvelle époque, comme si l'époque encore récente appelée l'époque industrielle était finalement une époque qui s'était caractérisée par la question ouvrière en particulier, et qui s'était caractérisée par l'émergence des syndicats et finalement par l'émergence de relations patronales-ouvrières.

(21 h 40)

Et à quoi assistons-nous maintenant? Je pense que c'est à l'arrivée de ce qu'on pourra appeler sans doute l'époque postindustrielle, qui, elle, se caractérise plus par la question de l'exclusion sociale. Et la preuve en est, n'est-ce pas – je pense que le ministre du Travail pourrait le confirmer – que l'antagonisme n'est plus, comme avant, entre patrons et syndicats. Pensez qu'en 10 ans, au Québec, on a assisté à une diminution de 95 % des jours perdus suite à des conflits de travail. On assiste au contraire, M. le Président, à une sorte de synergie nouvelle, dans le fond, comme si patrons et syndicats comprenaient que l'antagonisme n'est pas dans l'usine, dans l'entreprise ou au bureau, mais que la compétitivité, le défi à relever est à l'extérieur, à l'étranger.

Alors, cet antagonisme patrons-syndicats s'est en fait atténué, M. le Président, en partie aussi – et ça, c'est un autre élément que je ne voudrais pas oublier – du fait de l'emploi qui s'est développé depuis le début de la décennie de quatre-vingt-dix: à 55 %, les emplois créés ont été des emplois autonomes, de travailleurs autonomes; 55 % des 149 000 emplois créés ont été créés par des travailleurs autonomes et non pas par du travail salarié. C'est le travail salarié qui est en pleine mutation. Et c'est évident que les services que nous offrions de la même façon depuis 20 ans n'étaient plus adaptés parce que ces services passaient souvent totalement à côté de la nouvelle réalité en progression vertigineuse, qui est celle du travail autonome.

Puis, M. le Président, pour faire face au défi qui caractérise, je pense, l'époque postindustrielle dans laquelle nous sommes, qui est le défi de l'exclusion sociale, il faut arrêter de penser que c'est par des programmes gouvernementaux. La façon de relever véritablement le défi, c'est par une mobilisation non pas étatique, mais collective de l'ensemble de notre société sur cette question de l'exclusion.

Les politiques sociales conservent toute leur pertinence à condition qu'elles évoluent et permettent de répondre au nouvel environnement social, économique et culturel créé au fil de la dernière décennie. Le projet de loi n° 150 se situe dans cette perspective en proposant de se donner les moyens de mieux réagir et de répondre aux mutations comme aux changements parfois imprévisibles que connaîtra le marché du travail. Le rôle de l'État doit évoluer et c'est pourquoi une large place est faite aux partenaires du marché du travail afin qu'ils contribuent directement à maximiser notre capacité d'adaptation et de réaction aux changements.


Amendement déposé

M. le Président, en terminant, je voudrais déposer un amendement, à ce stade-ci de nos travaux, avec le consentement de l'opposition et le consentement de l'Assemblée, qui donnerait satisfaction, je pense, aux représentations faites par l'industrie de la construction, autant les travailleurs, employeurs et syndicats, qui sont venus en commission parlementaire. D'ailleurs, c'est significatif que les représentations qui ont été faites devant la commission de l'économie et du travail l'aient été soit par un panel composé d'un président de centrale syndicale, d'un président d'une grande association patronale et d'une organisatrice communautaire, conjointement. C'était impensable d'imaginer quelque chose de semblable il y a quelques années à peine. Et je comprends que l'industrie de la construction souhaite voir mieux reconnue la spécificité de l'industrie, de son organisation juridique et légale dans le cadre notamment de la loi R-20.

Alors, l'amendement serait le suivant. Est-ce que je dois en faire lecture? Insérer, après le paragraphe 6° de l'article 17 du projet de loi n° 150, le paragraphe suivant:

«6.1 Examine tout plan ou toute proposition qui lui est soumis au nom de l'industrie de la construction en matière de main-d'oeuvre et d'emploi.»

En fait, il s'agit de donner à la Commission des partenaires du marché du travail, qui aura à élaborer le plan d'action annuel, un mandat d'examiner tout plan ou toute proposition qui pourra lui être soumis au nom de l'industrie de la construction en matière de main-d'oeuvre et d'emploi, évidemment dans le cadre légal des différentes responsabilités qui sont assignées dans la loi R-20 qui chapeaute l'industrie de la construction.

Je pense, M. le Président, que jusqu'à la fin nous aurons tenté et, j'espère, réussi à améliorer le projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. J'aimerais qu'on transmette l'amendement. Très bien, merci. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. De consentement, je vous demanderais qu'on procède aux écritures relativement à cet amendement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement pour que nous procédions aux écritures? Oui, très bien. Alors, nous allons nous constituer en commission plénière pour la suite des événements. Alors, cette motion – donc, on en fait une motion – est adoptée? Oui?

Une voix: Adopté.


Commission plénière


Étude de l'amendement de la ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): On se constitue en commission plénière. Alors, l'amendement de Mme la ministre à l'article 17 et qu'elle vient de nous lire est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Est-ce que le rapport de la commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. En conséquence, nous allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du projet de loi n° 150. Je vais céder la parole à Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, vous me permettrez, bien sûr, en premier lieu, de me prononcer sur l'amendement que vient de déposer la ministre. Nous sommes tout à fait d'accord avec cet amendement. On se souviendra que, lorsque la ministre a consenti à entendre les représentants du milieu de la construction, ils nous avaient fait certaines propositions. L'opposition avait également déposé un amendement qu'elle a retiré suite à une autre lettre que nous avons reçue en tout dernier lieu, à la toute dernière minute, hier, lorsque nous étudiions le rapport de la commission. Alors donc, j'avais fait part de cette préoccupation à la ministre, cette préoccupation du milieu de la construction en matière de main-d'oeuvre et d'emploi. Je suis contente de voir que la ministre a répondu à cette demande et rassure ainsi le milieu de la construction. Donc, je suis tout à fait d'accord, M. le Président, avec cet amendement.

Je ne reviendrai pas, M. le Président, sur toutes les discussions du projet de loi n° 150, bien sûr, parce qu'on en a parlé lors du principe et du rapport de la commission. Cependant, je veux encore souligner le fait que nous n'avons pas encore tous ces morceaux du casse-tête et qu'on ne peut pas dire que tout est encore très clair. On ne connaît pas nécessairement la vision d'ensemble du gouvernement. En ce qui concerne le projet de loi de la ministre, je dois dire que c'est un peu plus clair, et je comprends qu'il y a énormément de travail à faire. C'est un peu plus clair malgré, comme je l'ai toujours soutenu, qu'il y a certaines portions du projet, c'est-à-dire qui ne relèvent pas du projet de loi, mais qui sont associées à son projet de loi et qui correspondent davantage à la politique du développement régional.

Cependant, là où le milieu s'inquiète, je pense, c'est quand on parle, je dirais même, de fouillis, M. le Président, actuellement. C'est l'ensemble, ce n'est pas uniquement son projet. Je pense que, quant au projet de la ministre, on peut réussir, à un moment donné, à comprendre et à être rassuré du fait que, bien oui, on réduira le nombre de structures et on décloisonnera les clientèles et les services. Ça, c'est tout à fait correct, on n'en a pas contre ça, M. le Président. Là où c'est beaucoup plus difficile et où le milieu aussi se pose des questions, c'est sur l'ensemble des gestes que pose actuellement le gouvernement.

Je voudrais revenir sur certains pour bien faire comprendre à la ministre pourquoi je parle de fouillis, M. le Président, actuellement, au niveau de nos régions. C'est parce que même les régionaux ne savent plus où donner de la tête. Quand on pense, par exemple, actuellement, au niveau de la santé, M. le Président, tout le virage ambulatoire qui ne se fait pas comme il devrait se faire actuellement. On a fermé des hôpitaux dans nos régions et on a transféré du personnel. Il y a encore des infirmières ou une quantité de personnel, de fonctionnaires qui devront quitter à compter du 1er juillet. Sans qu'on sache exactement ce qui va se passer cet été; on prend le risque ou on prend le pari que tout va bien se passer, que tout va bien fonctionner, mais les gens dans le milieu sont affectés. Il y a des gens actuellement qui s'en vont à la pharmacie et, parce qu'ils ont eu une prescription du médecin, une fois qu'ils arrivent à la pharmacie, on leur dit: Voici, monsieur, ça coûte tel prix. Ils sont obligés de laisser le médicament là parce qu'ils n'ont même pas l'argent pour payer la prescription. C'est ce qui se passe dans nos régions, actuellement.

(21 h 50)

C'est la même chose au niveau des commissions scolaires actuellement, M. le Président. Quand on pense aux commissions scolaires, aux cartes des territoires des commissions scolaires, on ne sait pas encore s'il y aura une, ou deux, ou trois, s'il y aura des fusions de commissions scolaires, s'il y en aura une seule dans nos propres régions. On ne sait pas encore où les enfants iront à l'école. Est-ce qu'ils iront à l'école dans le territoire actuel ou s'ils devront prendre l'autobus pour aller dans une école à l'extérieur du territoire? Parce qu'on sait très bien que ces cartes doivent être en fonction des MRC. Puis on ne sait même pas s'il y aura diminution ou réduction des MRC ou si encore il y aura fusion des municipalités. Alors, au même moment où on met toutes ces structures en place, il y en a d'autres qui s'ajoutent puis il y a d'autres discussions au niveau de nos régions, et nos gens dans les régions... notre milieu est inquiet, actuellement. Les gens avec qui on fait affaire actuellement sont inquiets.

C'est la même chose au niveau des municipalités. Je mentionnais qu'on ne sait pas quelles sont les municipalités qui seront fusionnées. Mais c'est bien plus que ça, M. le Président, c'est comment on va arriver à payer nos taxes avec ce que le gouvernement pellette dans le territoire des municipalités: 500 000 000 $ à compter du 1er janvier 1998. Alors qu'il y a une date butoir du 1er septembre, on ne sait pas s'il y aura une loi spéciale ou non. Naturellement, on ne veut pas en imposer, mais cependant on dit: Écoutez, il faut absolument que vous négociiez, que vous en arriviez à des ententes. Alors donc, on sait très bien que... Dans nos petites municipalités, comment voulez-vous récupérer 6 % de réduction sur la masse salariale alors que vous avez un secrétaire ou une secrétaire à mi-temps bien souvent qui fait le travail pour la municipalité?

M. le Président, ce sont tous ces chambardements qui font qu'actuellement le milieu ne sait pas où il s'en va et voit, dans les gestes du gouvernement, de l'improvisation et de l'insécurité pour ces gens qui sont dans le milieu et qui vivent tous ces chambardements. Alors donc, vous savez que la ministre aura un travail colossal à effectuer, je dirais, non seulement au cours des prochaines semaines, au cours des prochains mois, mais aussi au cours de la prochaine année. On sait très bien que la ministre aura à négocier toutes les modalités de l'entente qu'elle a signée avec le gouvernement fédéral concernant la main-d'oeuvre et on se réjouit de la signature de cette entente. Et je me réjouis également de la nomination du ministre actuel, Pierre Pettigrew, au niveau fédéral, qui a conservé ses fonctions, parce que je pense justement, s'il y a une bonne volonté de la part du gouvernement du Québec, qu'il y aura sûrement possibilité de poursuivre le travail amorcé par la ministre et de compléter l'entente qui vient d'être signée.

Je disais cependant que la ministre, en plus de négocier les modalités d'entente, elle devra aussi intégrer tous les fonctionnaires fédéraux dans la fonction publique québécoise. Donc, c'est un travail colossal. Et, en plus de tout ça, M. le Président, la ministre aussi doit, bien sûr, modifier son ministère, créer le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, mais aussi en même temps démanteler la Société québécoise de la main-d'oeuvre, réduire toutes les structures régionales, mais en même temps créer aussi Emploi-Québec au sein de son ministère, unité autonome qui aura à gérer l'entente qui sera signée entre la ministre et la Commission des partenaires du marché du travail. Elle aura aussi à créer, au niveau régional, Emploi-Québec qui relève, bien sûr, de son ministère pour gérer les services en région; elle aura à créer les conseils régionaux des partenaires du marché du travail; elle aura à créer aussi des fonds, hein, la création des fonds aussi régionaux.

Elle aura aussi à créer, c'est-à-dire son collègue devra créer, son collègue du Développement régional... Parce que vous savez que, quant aux CLD, qu'on appelle, les conseils locaux de développement ou encore les conseils locaux d'emploi, ces conseils seront créés à partir de la politique du développement régional. On sait très bien qu'actuellement le ministre est en discussion avec tout le milieu des régions pour mieux connaître cette politique et savoir justement si elle sera adoptée telle quelle, puisqu'il s'agit d'un livre blanc. Et est-ce que le ministre déposera un projet de loi? Nous sommes rendus, M. le Président, au 12 juin. Je doute que le ministre puisse déposer son projet de loi d'ici la fin de la session, ce qui signifie que ce projet de loi sera déposé possiblement à l'automne prochain seulement. Alors, c'est seulement à ce moment qu'on saura si les CLE ou les CLD sont toujours les mêmes structures qu'on prévoyait dans la politique du développement régional et s'ils joueront toujours les mêmes rôles que la ministre souhaite qu'ils jouent au niveau de sa politique de main-d'oeuvre et aussi de la sécurité du revenu.

Alors donc, M. le Président, la ministre aura a créer ces centres locaux d'emplois, ces centres locaux de développement, avec son collègue, et bien sûr ça exclut les comités aviseurs, ça exclut les comités sectoriels. Bon. Il y aura également tous les plans que les milieux locaux devront élaborer. Et, lorsque j'assistais à une rencontre en ce qui regarde le développement régional en fin de semaine, M. le Président, on commençait à se poser des questions: Quelle sorte de plan? Comment allons-nous nous prendre? Est-ce que ce sont les consultants qui vont faire ces plans? Est-ce qu'on va avoir un modèle?

On n'a pas de réponse pour le moment. Bien sûr, il est trop tôt. On ne peut pas avoir toutes ces réponses. Mais par contre il y a des questions au niveau des gens, au niveau des régionaux et il y a aussi des chambardements. Des chambardements pour eux qui sont majeurs. Alors, ils sont en droit de se questionner, parce qu'aussi ils seront interpellés à faire partie des conseils d'administration. C'est toujours à peu près les mêmes personnes. Ce sont des personnes qui ne sont pas rémunérées et qui doivent le faire de façon bénévole. On sait que ce sont toujours les mêmes personnes qui sont appelées à siéger sur les différents conseils d'administration, ces différents conseils au niveau des structures. Mais, M. le Président, ce sont toutes des questions que ces gens se posent actuellement et pour lesquelles ils n'ont pas nécessairement, actuellement, toutes les réponses.

Alors je maintiens, M. le Président, qu'avec tout ce qu'est en train de faire le gouvernement actuellement au niveau des régions ça insécurise. On a vraiment l'impression que le gouvernement improvise. Et ce n'est pas nécessairement le projet de loi de la ministre, mais c'est l'ensemble. Et on n'a pas l'impression d'avoir tous les morceaux. On a l'impression que c'est tortueux. Parfois on avance, parfois on recule. On décide quelque chose, mais à cause de la pression du milieu, on décide de changer d'idée. Alors, tout ça fait, M. le Président, qu'il y a beaucoup d'insécurité.

Je voudrais répondre aussi, M. le Président, à la ministre lorsqu'elle a interpellé l'opposition quant à la politique de l'emploi. M. le Président, pour moi, une politique d'emploi, c'est un engagement qu'a pris le Parti québécois pour se faire élire lors de la dernière campagne électorale. Et, en somme, c'était une politique du plein emploi. Alors, une politique pour moi, M. le Président, du plein emploi, premièrement c'est que ça a pour objectif de réduire le taux de chômage. Seulement chez les jeunes, l'emploi chez les jeunes, M. le Président, depuis mai 1996 à mai 1997: 37 000 emplois de moins chez les jeunes depuis un an. Alors, on ne peut pas dire, M. le Président, que c'est une politique pour aider les jeunes.

Création d'emplois: je veux bien croire, M. le Président, que le gouvernement peut bien se vanter qu'on a créé beaucoup d'emplois au cours des six derniers mois, mais si on le regarde, M. le Président, sur une période de février 1996 à mai 1997 – c'est un an et quelques mois, hein – il s'est créé au Québec 7 700 emplois, alors qu'il s'en est créé en Ontario 113 000, et 233 000 au Canada. Je veux bien croire qu'on peut prendre des statistiques qui font notre affaire, c'est-à-dire les quelques derniers mois, mais par contre il faut quand même être logique et se rendre compte que le Québec a été défavorisé en termes de création d'emplois depuis la dernière année, c'est-à-dire depuis l'arrivée du premier ministre actuel au gouvernement.

Qu'est-ce que ça signifie aussi? Ça signifie qu'il faut avoir une rémunération hebdomadaire qui soit satisfaisante. Mais la croissance de la rémunération hebdomadaire moyenne, de mars 1996 à mars 1997, M. le Président, c'est incroyable: le Québec est sur le même pied d'égalité que l'Île-du-Prince-Édouard. Alors, regardez le Québec, la croissance de la rémunération par rapport à Saskatchewan, à l'Alberta et l'Ontario: le Québec est à la queue, sur le même pied d'égalité que l'Île-du-Prince-Édouard.

(22 heures)

Ce ne sont pas des données qui sont très réjouissantes, M. le Président. Et je ne pense pas qu'on puisse se vanter ou dire qu'on a créé au Québec le plein emploi et qu'on a une véritable politique d'emploi. Pour moi, M. le Président, une politique d'emploi, c'est aussi de faire en sorte que l'environnement soit favorable à créer de l'emploi. Je comprends que ce n'est pas le gouvernement qui crée de l'emploi. Au contraire, le gouvernement actuellement fait plutôt des mises à pied, ou des mises à pied volontaires dans un certain sens. Mais n'oublions jamais...

M. le Président, on l'a déjà oubliée, cette fameuse Déclaration de l'emploi lors du Sommet économique, hein, on se vantait, on était très heureux. Je me souviens, moi, d'avoir vu les gens qui ont signé cette Déclaration de l'emploi lors du Sommet socioéconomique. L'encre n'était pas encore séchée sur cette Déclaration de l'emploi que le gouvernement nous avertissait déjà qu'il voulait mettre à pied 15 000 fonctionnaires et qu'il fallait prendre les mesures, avec des départs assistés ou autres. Des départs assistés, ça coûte des sous, M. le Président, aussi, mais le gouvernement, déjà, était prêt à mettre 15 000 fonctionnaires à pied. Et ça, on le savait à l'époque, on le savait à l'époque que déjà, lorsqu'on a signé cette Déclaration de l'emploi, il y avait 15 000 personnes qui devraient quitter leur emploi.

Mais plus que ça, M. le Président, on est en train de faire la même chose avec les municipalités actuellement. Parce que, si on n'est pas capable de réduire les salaires de 6 %, que nous disent les municipalités actuellement? Elles devront réduire leur masse salariale dans le sens qu'elles devront couper dans le nombre d'emplois, et c'est encore des milliers d'emplois qui se perdront au Québec. Alors, au même moment où on signe une déclaration de l'emploi pour s'assurer qu'on puisse, au Québec, travailler dans un même sens pour essayer d'accroître l'emploi, le gouvernement, premier employeur, s'assure qu'il y en a 15 000 qui quitteront leur emploi, et les municipalités, probablement, imiteront le gouvernement en faisant de nombreuses mises à pied.

M. le Président, une politique d'emploi, c'est une politique aussi où le gouvernement doit gérer de façon à avoir ce climat propice. Donc, il faut déréglementer. Moi, M. le Président, depuis le dernier Sommet, j'ai vu le gouvernement qui a davantage réglementé que déréglementé. C'est un gouvernement aussi qui doit se soucier de la fiscalité des entreprises. Ça prend aussi une stabilité politique, M. le Président. C'est tout ça, une véritable politique d'emploi. On a beau avoir certains morceaux, mais on ne les a pas tous encore. Et on a hâte, M. le Président, d'avoir un plan, un plan qui soit vraiment un plan qui permettra de créer des emplois, et non pas de se retrouver avec des taux de chômage, entre autres au niveau des jeunes, inacceptables.

La ministre a parlé, bien sûr, de gestes que le gouvernement a posés qui allaient dans le sens, bien sûr, d'aider l'emploi. Je pense, entre autres, à l'équité salariale. C'est un dossier sur lequel j'ai travaillé avec la ministre, mais je dois vous avouer, M. le Président, que je m'inquiète à ce moment-ci au niveau de l'équité salariale. Je m'inquiète énormément parce que je ne suis pas sûre que le budget que souhaitait obtenir la ministre – budget qui a été transféré d'ailleurs au ministre du Travail – pour s'assurer que l'équité salariale, que la Commission sur l'équité salariale puisse fonctionner, on l'ait obtenu, loin de là.

On m'informait, M. le Président, et on m'informait récemment, et j'espère que je me trompe, M. le Président, que les pouvoirs conférés par la loi à la Commission de l'équité salariale seraient transférés et exercés par des ententes à négocier à la Commission des normes du travail dont les budgets proviennent entièrement des cotisations des employeurs. Et, selon nos informations, on parle des pouvoirs de surveillance des programmes d'équité salariale, du pouvoir de recevoir des plaintes, du pouvoir d'enquête, du pouvoir de médiation puis du pouvoir de diffusion de l'information et de communication.

Et je me souviens, M. le Président, que, lors de la commission parlementaire, j'avais mis la ministre en garde et je lui avais dit: Il faut absolument avoir une commission de l'équité salariale, il ne faut pas que ça relève de la Commission des normes du travail. Parce que ma grande inquiétude, c'était que le gouvernement se serve de la Commission des normes du travail pour faire assumer les frais de la Commission par les employeurs, qui, déjà, assument une bonne proportion de l'équité salariale. Parce que le gouvernement n'avait pas prévu de budget à l'époque, ne savait pas exactement quel serait le budget. Alors, j'ose espérer, M. le Président, que les informations que j'ai sont erronées et qu'on va pouvoir mettre de la chair autour de cette Commission de l'équité salariale mais que ça ne sera pas une coquille vide.

Donc, M. le Président, pour moi, ce qui est important au niveau de ce projet de loi, c'est, bien sûr, le client, la cliente, c'est l'employé qui est important, et j'ose espérer que ces structures, actuellement, qu'on prévoit, elles seront vraiment en fonction des services à donner et qu'on s'assurera que le citoyen ou la citoyenne sera mieux servi, le sera plus rapidement, plus efficacement, que le projet de loi va aider davantage et aussi qu'on va davantage créer d'emplois que de brasser des structures au niveau de nos régions. Je pense que c'est important aussi qu'on puisse s'assurer que la personne qui est à la recherche d'emploi puisse trouver un emploi, que la personne qui veut se recycler, la personne qui veut compléter une formation puisse obtenir ces services.

Alors, M. le Président, c'est dans cet esprit-là que je pense qu'on pourra dire s'il y aura mission accomplie ou non et qu'on pourra juger le gouvernement aux résultats. On sait que la ministre, avec l'entente qu'elle a signée avec le gouvernement fédéral, elle a une obligation de résultat, qu'elle devra rendre des comptes, et, cependant, je comprends aussi qu'il doit y avoir des gens, des personnes et des fonctionnaires qui également doivent être imputables. Alors donc, dans ce sens-là, nous sommes d'accord avec les moyens qu'on se donne pour évaluer, pour s'assurer de la bonne gestion de tous les services qu'on rendra, parce qu'il s'agit quand même de millions de dollars importants. Mais encore, M. le Président, pour moi, ce qui est important, c'est l'employé, c'est le citoyen, la citoyenne. Alors, ce sont ces personnes qui méritent d'être mieux servies, au-delà de toutes les structures qu'on pourra mettre en place. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Il n'y a plus d'autres intervenants? Le projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Gagnon-Tremblay: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 1.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a entendu le sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et des dirigeants d'organismes publics du secteur agricole conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a entendu, en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, le sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de même que les dirigeants des organismes publics suivants: la Commission de protection du territoire agricole du Québec, le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, la Régie des assurances agricoles du Québec, la Société de financement agricole et la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Ce rapport contient une recommandation.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable. J'ai tenu une réunion avec les leaders et je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la durée de ce débat restreint: cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être réutilisé, et les interventions ne seront soumises à aucune limite. Alors, je serais prêt à reconnaître le premier intervenant. Mme la députée de Marie-Victorin, je vous cède la parole.


Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Comme vous l'avez mentionné, suite à l'audition que nous avons tenue dans le cadre de l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, nous avons entendu, les 18 et 19 février 1997, plusieurs dirigeants d'organismes. Nous avons aussi déposé un résumé de la commission ainsi qu'une recommandation, et c'est sur ce point que j'aimerais m'attarder et faire aussi connaître notre recommandation des membres de la commission.

(22 h 10)

En tout premier lieu, M. le Président, j'aimerais aussi relever la qualité des débats qui se sont tenus au moment de cette commission parlementaire et des séances de travail où nous avons réussi à nous entendre et à faire en sorte que nous soyons capables, des deux côtés, en fait, autant de l'opposition que des membres du gouvernement, d'en arriver à une recommandation où tous, nous étions d'accord pour que la commission recommande que la limite maximale des prêts soit augmentée afin de tenir davantage compte de l'étendue de la valeur des terres.

M. le Président, on sait très bien qu'actuellement, lorsqu'on est propriétaire d'une ferme, c'est des coûts astronomiques, ça représente énormément d'investissements. Et, quand les gens veulent faire des prêts en vertu des marchés agricoles, bien sûr qu'il y a une limite, en fait, au niveau provincial, qui est de l'ordre de 1 000 000 $. Au point de départ, 1 000 000 $, ça semble exagéré, très fort et très important, mais, si on regarde l'investissement que représente une ferme, toute la machinerie agricole ainsi que les quotas de lait, ça ne prend pas de temps que, déjà, nous avons largement dépassé cette somme d'argent pour investir et pour mener à bien cette entreprise.

Alors, bien sûr, il arrive très souvent que nos fermiers ou que nos propriétaires de ferme ont de la difficulté. Ils empruntent une première tranche à partir d'une hypothèque, et, très souvent, à cause de cette limite-là que nous avons imposée, les gens sont obligés de se retourner vers un autre gouvernement pour aller chercher des fonds, pour faire face à leurs obligations.

Alors, nous ne voulons pas de cet état de fait. Nous aimerions davantage que nous prenions nos responsabilités, du côté du gouvernement provincial, et que nous soyons capables d'accorder des sommes qui vont en considérant les montants qui sont exigés pour partir de telles entreprises qui sont de l'ordre agricole. M. le Président, j'espère que, lorsque nous parlons du maximum des prêts consentis, le ministre de l'Agriculture entendra cette recommandation, en tiendra compte et qu'il pourra aussi répondre aux voeux et aux souhaits de l'ensemble des producteurs agricoles, et surtout des propriétaires de ferme agricole.

Alors, M. le Président, nous avons eu plaisir à travailler à cette commission et nous avons eu plaisir aussi à faire ce rapport et cette recommandation. Même si nous nous étions entendus de ne pas déborder sur l'ensemble de notre rapport, les membres de la commission, de ne s'en tenir qu'à cet aspect du rapport et qu'à cette recommandation, je pourrais vous dire que, dans l'ensemble, nos recommandations ont été bien reçues par le ministre de l'Agriculture. Et plusieurs sont déjà en cheminement, notamment la loi n° 23, dont la réglementation est déjà mise en vigueur, et qui répond aux souhaits, aussi, de l'audition que nous avons tenue en commission parlementaire dernièrement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Nous cédons maintenant la parole au député de Beauharnois-Huntingdon. M. le député.


M. André Chenail

M. Chenail: M. le Président, nous, de la commission de l'agriculture, nous nous sommes réunis pour nous donner un mandat afin de modifier le financement agricole et d'en faire une recommandation. M. le Président, à plusieurs reprises, je suis intervenu auprès de la commission afin que la commission voit l'urgence de modifier le financement agricole. La Société de financement agricole autorise et garantit des prêts qui peuvent atteindre 1 000 000 $ ainsi que des ouvertures de crédit de 500 000 $. Le taux d'intérêt est basé sur le taux d'intérêt hypothécaire résidentiel offert par les institutions financières. Le programme de financement de la Société prévoit aussi une protection contre les hausses d'intérêt sur le 250 000 $ emprunté.

M. le Président, une ferme dans Saint-Hyacinthe qui cultive du maïs, 300 arpents de maïs, qui achète un semoir, des tracteurs, des silos, est une ferme qui peut se permettre d'avoir 1 000 000 $ de financement. Une ferme dans la culture maraîchère qui a 200 arpents de terre, quand on pense que c'est évalué à 5 000 $ l'arpent, qui a un entrepôt, qui a une salle d'emballage, peut se permettre d'avoir 1 000 000 $ de crédit, 500 000 $ de marge de crédit.

Que fait-on d'une ferme dans Saint-Hyacinthe ou dans mon comté, en Montérégie, qui a 1 000 arpents de maïs, qui a 100 vaches – un semoir à maïs coûte 100 000 $; un tracteur, 150 000 $? Que fait-on de ces gens-là? Ces gens-là vont au fédéral. Dans la culture maraîchère, dans mon comté, un agriculteur qui cultive 500 acres de légumes, qui a des tracteurs, qui a des salles à emballage, que fait-on? On va au fédéral. On parle de 250 000 $ de garantie par rapport au taux d'intérêt. De plus en plus, les gens vont chercher au provincial le 250 000 $ pour se garantir des intérêts; la balance, au fédéral.

Quand on regarde dans notre rapport de 1997, en Montérégie, 50 dossiers. Quand on regarde la répartition des prêts selon la production: production laitière, en 1994, 54,6; en 1997, 49,7. La différence, où ont été ces gens-là?

Quand on regarde l'horticulture: en 1994, 9,7; en 1997, 7,5. Quand on regarde les catégories d'emprunteurs: les sociétés, en 1994, 38,2; les sociétés, en 1997, 33,5. Parce que, vous savez, la société, le père de famille avec ses deux enfants qui sont devenus ses associés, n'a pas le droit à 3 000 000 $ de financement, elle n'a le droit qu'à 1 000 000 $ de financement. Donc, ces gens-là – on le constate par nos chiffres – vont se faire financer au gouvernement fédéral qui, lui, n'a pas de limite.

Quand on regarde l'agriculture, la répartition des ouvertures de crédit selon la production: en 1995, 37,3; en 1997, 24,9. L'horticulture, de plus en plus, va au fédéral.

Tout ça pour vous dire, M. le Président, que, de plus en plus... Si on regarde la répartition du nombre de personnes établies par région administrative: en Montérégie, en 1994, 324; 1997, 92. Juste 92 en 1997, quatre fois moins.

Quand on regarde, M. le Président, tout ce qui se passe dans le financement agricole, quand on regarde l'évolution de l'agriculture au Québec, quand on regarde ce qui se passe dans le maïs, dans les cultures maraîchères, on est dépassé par les événements, on est dépassé par le financement au fédéral. Au fédéral, on nous donne tout ce dont on a besoin. Au fédéral, ils se sont adaptés à l'agriculteur; au provincial, c'est l'agriculteur qui doit s'adapter au financement. Ça n'a pas de bon sens.

On s'est réunis en commission – je pense que tous les gens de la commission étaient d'accord avec ça – on a fait ensemble une prise de conscience, si on peut dire. On a pu se rendre compte de l'évolution de l'agriculture au Québec dans les 10 dernières années. Ce qu'on demande, c'est qu'on soit adapté, la même chose qu'au fédéral, la même chose, les mêmes recommandations, les mêmes normes qu'au gouvernement fédéral.

M. le Président, je pense qu'on est bientôt en l'an 2000, donc on devrait s'adapter pour pouvoir se rendre compte que, de plus en plus, on est sur les marchés mondiaux, que les fermes sont de plus en plus grosses. Une entreprise familiale dans Saint-Hyacinthe, chez Spingola, c'est de père en fils, puis ils cultivent 1 000 acres de légumes. Chez nous, c'est la même chose, on cultive 1 000 à 1 500 acres de légumes, puis c'est la famille. C'est devenu des entreprises familiales au Québec. Donc, je pense qu'il faut s'adapter aux besoins et je pense que la commission est consciente de ça puis on est tous d'accord avec ça.

On s'est entendus pour ne parler que de financement agricole. On a même dit qu'on ne parlerait pas du ministre, qu'on ne parlerait pas des coupures du ministre. Puis je leur ai dit en riant que je ne frappais jamais sur un gars à terre, ça fait qu'on ne frappera pas plus ce soir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauharnois-Huntingdon. M. le député de Roberval.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'à quelques heures de l'adoption de la loi n° 23 sur le droit de produire et la protection de l'ensemble des activités agricoles j'aurais aimé avoir beaucoup plus de temps pour faire l'analyse et commenter un peu le rapport qui touche à toutes les grandes activités agricoles, de près ou de loin. On peut dire qu'on a touché au secteur du territoire agricole, on a touché également aux assurances agricoles.

(22 h 20)

La Commission du territoire agricole, dans cet exercice d'imputabilité, s'est prêtée de bonne grâce à cet exercice. Parce que je pense que l'imputabilité prend sa source et prend son énergie dans l'agriculture, parce que la terre a toujours été imputable à ceux qui l'ont cultivée avec intelligence, à ceux qui ont su en retirer le profit. Elle est imputable envers l'agriculteur lui-même, envers sa famille pour la bien nourrir et pour la bien faire vivre. Je crois que l'agriculteur lui-même aussi a été imputable envers lui-même, envers sa qualité de vie, envers ses enfants, envers sa famille.

Et je crois que, dans le Parlement, actuellement, on parle beaucoup d'imputabilité. Toutes les lois qu'on est en train de voter touchent à l'équité, donc à l'imputabilité des personnes et des différentes catégories de personnes les unes aux autres. On regarde la commission qui discute actuellement de la politique familiale. C'est dans le but également de rendre accessible, d'éveiller la population à cette imputabilité face à nos responsabilités soit de parent, soit d'homme politique, soit d'agriculteur, l'imputabilité dans la société. Je crois que la commission de l'agriculture s'est bien prêtée pour éveiller davantage les agriculteurs à cette imputabilité face à la collectivité.

Face au crédit agricole, suite à la recommandation... C'est bien sûr, le financement agricole, c'est important. Tout à l'heure, Mme la ministre de l'Emploi nous a entretenus de la création d'emplois. Bien, Dieu sait si, en agriculture, il y aurait de la place à la création d'emplois. Et, pour rendre accessible cette création d'emplois, il faut donner toutes les possibilités à la relève de relever ce défi de la création d'emplois, ce défi de l'agriculture. Et on sait très bien que seulement les quotas, par exemple, peuvent se chiffrer à tout près de 750 000 $ à 1 000 000 $ pour une ferme familiale de deux, trois employés. Et on sait très bien qu'il y a beaucoup de fermes, dans nos régions, qui sont abanonnées et qui pourraient être accessibles à des jeunes qui sont en recherche d'emploi, en développant beaucoup d'initiatives, beaucoup de créativité dans de nouvelles productions.

Je pense qu'il faudrait absolument que le crédit agricole réponde à ces exigences-là. Ce n'est pas tout de placer un plafond de 1 000 000 $. Ça veut plus ou moins rien dire quand on regarde l'ensemble des besoins de l'agriculture qui comprennent à la fois des besoins d'expansion des fermes, à la fois de la relève et aussi à la fois de la création d'emplois pour sécuriser même la vie collective de nos milieux ruraux. Parce que, à ce moment-là, on sécurise également, en gardant les jeunes dans nos milieux, dans nos petites municipalités, la vie rurale, qui est une qualité de vie, qui est une qualité de vie également pour la famille et également pour la collectivité.

Et je crois que l'agriculture a toujours été un élément moteur du développement des régions depuis le début, depuis la colonisation, je dirais même depuis les squatters, à qui on a imputé bien des choses mais qui ont permis, je pense, le développement de l'ensemble du territoire du Québec. Je tiens à le souligner quand même.

Et, moi, j'avancerais également... contrairement à mon collègue de l'opposition, je ne dirais pas que le fédéral est avant le Québec, parce que l'Office du crédit agricole a été le pionnier au niveau du Québec. Alors qu'on prêtait de l'argent aux cultivateurs de l'Ouest, on n'en prêtait pas au cultivateurs du Québec. Pas du tout. Au contraire, on subventionnait les producteurs de l'Ouest pour ne pas semer parce qu'il y en avait trop et on subventionnait également leur transport de grain pour venir compétitionner les producteurs de céréales du Québec. Alors, je pense qu'il faut rétablir les pendules à l'heure.

Il faut dire que la Loi sur le crédit agricole, c'est sûr qu'elle a besoin d'amélioration, mais elle a sauvé, dans le temps de la crise de 1939, selon ce que mon père me disait, l'agriculture du Québec, elle a sauvé l'occupation du territoire de l'ensemble des régions du Québec. Il faut l'adapter, par exemple. Moi, en tout cas, pour un, comme père de famille, également comme ancien agriculteur, j'étais étroitement touché par ce problème-là. J'ai vécu mon propre établissement avec mon père, je vis depuis 1982-1983 l'établissement de mes enfants en agriculture, et je peux vous dire que ce n'est pas facile, justement, parce qu'il y a un manque de crédit et parce que l'agriculture n'a jamais été traitée, en termes de crédit, comme les grandes entreprises, comme les entreprises industrielles. On dépense 100 000 $, 150 000 $ pour créer un emploi en industrie, alors qu'on prête un petit 20 000 $ à un jeune pour s'établir en agriculture. Ce n'est pas équitable.

Et je souhaite, en terminant, M. le Président, que le crédit agricole s'adaptera à cette nouvelle dimension de la recherche de redonner à l'agriculture des régions une nouvelle vitalité, de redonner aux jeunes la possibilité de s'établir en agriculture, d'y gagner honorablement leur vie, de pouvoir également fonder un foyer et j'espère que ce sera dans le prochain plan. On a eu un plan Paillé, on pourrait avoir un plan Julien qui permettrait de rassembler, justement, tous ces besoins-là que l'agriculture a pour son développement, qui permettrait aux jeunes de s'établir en agriculture et qui permettrait à l'agriculture, également, de prendre de l'expansion. Merci beaucoup, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Roberval. Nous allons maintenant céder la parole au député de Beauce-Nord.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, M. le Président, de faire cette brève intervention. Suite à l'audition de la Société de financement agricole, lors des auditions publiques tenues le 18 et le 19 février 1997 dans le cadre de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation recommande l'augmentation de la limite de prêt qui ne répond plus à la réalité de certaines entreprises agricoles. La commission recommande que la limite maximale des prêts accordés par la Société de financement soit augmentée afin de tenir davantage compte de l'étendue et de la valeur des terres.

Les entreprises agricoles en Beauce et dans toutes les régions du Québec ont, depuis les dernières années, connu de nombreux changements. Entre autres, les unités de production agricole regroupent, dans bien des cas, de nombreux propriétaires d'une même famille ou d'associations d'individus augmentant ici la production et l'actif de l'entreprise.

En agriculture, M. le Président, il y a de moins en moins de producteurs. Mais les nouvelles technologies de gestion et de production, la recherche et le développement, la valeur des terres, des bâtiments, des cultures et des troupeaux obligent des investissements considérables. L'évolution de l'industrie agroalimentaire et de la pratique agricole, liée à l'obligation légale du projet de loi n° 23 et sa réglementation, passe par le développement d'une agriculture durable, et ce, tout en protégeant l'environnement. Cela oblige l'entreprise agricole à effectuer des emprunts à des taux d'intérêt compétitifs, acceptables, raisonnables afin de maximiser ses opérations et assurer son expansion et sa viabilité.

C'est pour ces motifs que la commission recommande au ministre de l'Agriculture d'augmenter la limite de prêt actuelle fixée à 1 000 000 $, afin de s'adapter aux temps modernes et de préserver cette richesse collective ayant de nombreuses retombées économiques, sociales et culturelles dans nos régions.

Je m'arrête là, on a convenu qu'on ne parlait que de la recommandation. Je remercie les membres de la commission, et j'espère que cette recommandation sera acceptée par le ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord. Comme il n'y a plus d'autres intervenants... Pardon? Alors, ceci met fin au débat sur le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au vendredi 13 juin 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous ajournons au vendredi 13 juin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 29)