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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 12 décembre 1997 - Vol. 35 N° 148

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération, M. le Président, l'article a.


Projet de loi n° 400

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre du Travail présente le projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Oui, M. le Président. Ce projet de loi édicte des règles, particulières à l'année 1997, pour la prise en compte de certaines dépenses des employeurs de l'industrie de la construction aux fins de leur participation au développement de la formation de la main-d'oeuvre.

Il prévoit aussi le transfert de sommes accumulées dans le Fonds de formation établi en 1992 dans l'industrie de la construction à tout fonds de formation institué par une convention collective de travail applicable dans un secteur de cette industrie.

Le projet de loi habilite enfin la Commission de la construction du Québec à former tout comité requis pour donner suite aux dispositions d'une convention collective, notamment en matière de formation.

Ce projet de loi modifie la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et modifie également la loi R-20 sur la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement une question d'information soit au ministre du Travail ou au leader du gouvernement. Est-ce que le gouvernement a l'intention de tenir des consultations quant à ce projet de loi?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Pour le moment, M. le Président, non.

Le Président: Alors, l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, un projet de loi public au nom d'un député, l'article c.


Projet de loi n° 199

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le député de Lévis présente le projet de loi n° 199, Loi modifiant la Loi sur l'information concernant la rémunération des dirigeants de certaines personnes morales. M. le député de Lévis.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, le projet de loi n° 199, Loi modifiant la Loi sur l'information concernant la rémunération des dirigeants de certaines personnes morales, a pour objet de modifier la Loi sur l'information concernant la rémunération des dirigeants de certaines personnes morales pour obliger une fédération régie par la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit à inclure dans son rapport annuel un état de la rémunération de ses cinq dirigeants les mieux rémunérés.

Le projet de loi a aussi pour objet d'obliger une fédération de coopératives, la Coopérative fédérée de Québec et une société mutuelle d'assurance à fournir les mêmes renseignements dans leur rapport annuel.

Enfin, le projet de loi apporte une modification technique concernant l'administration de la Loi sur l'information concernant la rémunération des dirigeants de certaines personnes morales.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, maintenant, M. le ministre de la Justice.


Avant-projet de loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale

M. Ménard: M. le Président, je dépose l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale.

Le Président: Ce document est déposé.

Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.

Mme Signori: M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Blainville.

Mme Signori: Oui. À titre d'information, j'aimerais savoir si le ministre de la Justice a l'intention de demander des consultations sur cet avant-projet de loi là.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Oui, M. le Président. Justement, pourquoi nous procédons par avant-projet de loi? C'est justement pour tenir des consultations sur ce domaine qui est peut-être sensible. Et je dois ajouter que les amendements qui sont demandés sont vraiment mineurs et qu'ils visent à corriger un cas particulier où le Québec a des règles qui sont totalement en dehors de tous les autres pays développés et qui empêchent les Québécois de bénéficier de certaines recherches médicales lorsqu'il s'agit de personnes qui sont capables, d'adultes capables, mais qui deviennent incapables de façon accidentelle, où on voudrait que ce soient les personnes qui peuvent autoriser les soins qui puissent donner l'autorisation aussi pour être soumis à un programme d'expérimentation comme les autres, comme les tuteurs, comme les majeurs inaptes qui ont déjà un curateur. C'est un peu complexe, mais c'est précis et ce n'est pas très...


Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Très bien. Alors, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 168

M. Baril (Arthabaska): Oui. Je dépose le rapport de la commission des finances qui a siégé le 11 décembre 1997 afin procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 169

Également, je dépose un autre rapport. La commission des finances publiques a siégé également le 11 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. La commission a adopté également ce projet de loi avec un amendement.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés. M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Étude détaillée du projet de loi n° 39

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 28 novembre et 5 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements, dont un au titre.

Le Président: Ce rapport est également déposé. Mme la présidente de la commission de l'aménagement du territoire et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 175

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 2, 3, 4 et 11 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. La commission a adopté le projet de loi avec amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 166

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 26 novembre 1997 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives.


Étude détaillée du projet de loi n° 166

Je veux également déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé les 28 novembre, 3, 5, 10 et 11 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec amendements. Merci.

(10 h 10)

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Saint-François.


Négocier une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 25 pétitionnaires du comté de Saint-François.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le litige impliquant l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés et le ministère de la Santé et des Services sociaux;

«Considérant que l'acceptation des exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux conduit, à brève échéance, à la disparition des établissements privés conventionnés – conventionnels, pardon;

«Considérant que nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons de notre satisfaction à l'égard du centre d'accueil Shermont inc.;

«Considérant que nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons à l'effet que le milieu de vie y est agréable, que nous sommes traités avec respect et que nous tenons à la qualité des relations humaines toujours présentes;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignées et soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre Jean Rochon, ministre de la Santé et des Services sociaux, afin qu'il négocie une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés qui ne met pas en péril la survie de cette catégorie d'établissements.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition, M. le Président.

Le Président: Très bien. Cette pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. Mme la députée de Bourassa, en principale.


Cohabitation d'enfants souffrant de maladie psychiatrique et d'adultes toxicomanes à L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Jésus de Québec

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Hier, en cette Chambre, le ministre de la Santé affirmait, dans le dossier de la cohabitation des adultes toxicomanes avec des enfants souffrant de maladie psychiatrique, et je cite: «C'est faux de dire qu'il y a eu une décision de prise dans ce dossier.» Or, la vérité est tout autre. La Régie régionale de Québec confirme exactement le contraire dans une lettre du 13 novembre dernier: «La décision est prise. L'intégration se fera et sera exécutoire le 1er avril 1998.»


Document déposé

J'aimerais, M. le Président, demander consentement pour déposer copie de la lettre de la Régie régionale de Québec.

Le Président: Alors, il y a consentement? Il y a consentement, Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, pourquoi le ministre a-t-il induit hier cette Chambre en erreur et affirmé exactement le contraire?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon, M. le Président, je voulais prendre le temps de lire la lettre qui vient d'être déposée, la lettre du 13 novembre. Ce que j'ai dit hier en Chambre, c'est qu'à ma connaissance, au moment où la question avait été posée, je savais que c'était une question qui était en discussion et que je ne pensais pas qu'une décision définitive avait été prise compte tenu de l'opposition qui avait été faite par certains sur ce qu'on avait appelé la cohabitation.

Je vois rapidement la lettre qui a été transmise par la Régie régionale. Son premier paragraphe dit que le conseil d'administration du Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec – ce n'est pas la Régie régionale, c'est l'établissement... Non, non, mais ça fait une différence, M. le Président, parce que, en bout de ligne, s'il y a un problème qui se présente, on sait qu'une régie régionale peut intervenir puis faire des réajustements et au besoin le ministère.

Alors, l'établissement, le Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec a identifié effectivement L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur comme son premier choix pour l'installation de ses services administratifs et cliniques. Premier choix. Ça ne veut pas dire que c'est final.

Oui, on va aller au dernier paragraphe: «Compte tenu du transfert en cours des activités de pédopsychiatrie vers la région Chaudière-Appalaches et la transformation envisagée à l'interne de L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur pendant l'hiver 1998, et que ces deux derniers éléments libèrent des locaux, nous vous demandons, dans les circonstances, de mettre en place un comité de travail, conjointement avec le Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec, pour assurer l'intégration physique de ce dernier dans les locaux [...] et de nous faire rapport au plus tard fin janvier 1998.» L'établissement a donc fait un premier choix, a demandé qu'un comité de travail fasse un plan pour ça et qu'il fasse rapport au mois de janvier. «Nous vous remercions pour la collaboration de votre établissement». C'est le dernier paragraphe. Alors, j'avais vraiment lu le dernier paragraphe.

Alors, M. le Président, la situation est la suivante. Il y a un établissement qui a regardé les dossiers. Il a fait un premier choix. Il a demandé qu'on lui fasse un plan et qu'on lui fasse rapport. Et là il faut faire attention, cohabitation, c'est sûr, hein, c'est dangereux. Je sais que, quand on met ça entre un président puis un premier ministre, ce n'est pas toujours facile, mais, sur un campus physique, ce n'est pas dit que des installations ne peuvent pas être utilisées très correctement – je pense que ce n'est pas dit, je ne connais pas le dossier – sans exposer du tout des enfants.

Ça, c'est un peu comme la réaction quand on veut bien réintégrer des gens qui ont eu des problèmes de toxicomanie ou autre chose dans une communauté: on veut les voir partout dans la communauté, mais pas dans son quartier à soi. N'importe où, mais pas...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que je peux lire le quatrième paragraphe de...

Des voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: En principale, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Installation du Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec dans des locaux de L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Jésus de Québec

Mme Lamquin-Éthier: Alors, c'est une lettre qui vient de la Régie et qui est adressée à l'établissement: «Nous vous demandons, dans ces circonstances, de mettre en place un comité de travail, conjointement avec le Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec, pour assurer l'intégration physique de ce dernier dans les locaux de L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Jésus de Québec à partir du 1er avril 1998 et de nous faire rapport au plus tard fin janvier 1998.»

Est-ce que le ministre est d'accord avec ça, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Rochon: Non, mais, comme exemple, là, d'essayer de faire un problème avec une situation qui n'en constitue pas, ça commence à être pas mal bien. Alors, M. le Président, ce qui est dit là-dedans... C'est signé par la Régie, là. Mais la Régie fait référence à la décision prise... Le premier paragraphe, je pense que la députée a dû le lire: «Le conseil d'administration du Centre de réadaptation en toxicomanie de Québec a fixé comme premier choix...» Alors, la Régie régionale lui demande – c'est son premier choix – de faire un plan pour assurer l'intégration et de faire rapport le 1er janvier pour une intégration le 1er avril.

(10 h 20)

Alors, là, ou bien on décide, nous, dans cette Chambre ou la députée a décidé que ce monde-là n'est pas capable – c'est des professionnels, des gens qui connaissent la situation – de regarder ça sérieusement et de voir si un énorme édifice qui existe, comme L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur, un campus très important, ne peut pas être utilisé pour servir différentes clientèles. On conclut que, si on approche ces gens-là sur un même campus, les enfants vont être en danger. Je pense que c'est de présumer, de façon un petit peu odieuse, que les gens sur le comité ne sont pas assez intelligents pour prendre une décision qui a de l'allure.

En plus de ça, M. le Président, les enfants, c'est très important, ils doivent être protégés, mais on «peut-u» s'occuper aussi des gens qui ont des problèmes de toxicomanie? Ce n'est pas important, ça aussi? Ce n'est pas important? Alors, là, de lancer le drame de la cohabitation comme si on mettait ces gens-là indistinctement ensemble, c'est faux parce que ça peut être fait éventuellement sur un même campus sans qu'il y ait cohabitation. De toute façon, ce qu'on peut dire, c'est qu'avant que la décision soit mise en place il y a un comité de gens qui connaissent ça qui va faire rapport, la Régie va avoir le temps de regarder le rapport, et, si on le met en application, si jamais il y a quoi que ce soit qui ne devait pas être fait, le ministère aussi aura le temps d'intervenir.

Alors là, on est vraiment dans l'attitude...

Le Président: M. le ministre. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé est d'accord avec la décision qui sera effective le 1er avril 1998? Oui ou non, est-il d'accord?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La bonne foi se présume normalement, mais il ne faudrait pas qu'on nous fasse une démonstration du contraire, la présomption va finir par tomber. M. le Président, il y a clairement une situation là où un établissement – qui a une mission, qui a un mandat, qui a des gens responsables, là – a fait un premier choix. La Régie régionale demande de faire un plan et de le soumettre pour le 1er janvier pour voir comment pourrait être assurée, sûrement correctement, l'utilisation... Nos espaces, il faut les utiliser. Il y a eu un gouvernement qui en louait puis qui en achetait sans savoir ce qu'il faisait, avant. Nous, on apprend à utiliser correctement les espaces et les édifices qu'on a.

Il y a un plan qui va être déposé à la Régie, la Régie confirmera, rajustera ou infirmera la décision selon que le traitement qui est fait aux deux groupes de personnes – les enfants et les toxicomanes – est correct et sur la base d'avis d'experts, et, selon ce que la Régie pourra décider ou soulèvera comme difficultés, au besoin le ministère et le ministre interviendront.

Alors, il y a un processus de décision. Il faut respecter les gens qui prennent leurs responsabilités, arrêter de leur faire des procès d'intention et de conclure sans connaître exactement quels sont les faits, M. le Président. C'est ça qui n'est pas acceptable, de faire des procès d'intention aux gens et de refuser de faire confiance à des gens responsables.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Mise en place d'un comité d'hémovigilance pancanadien

M. Williams: Merci, M. le Président. Ma question porte sur l'avenir de notre système de sang. D'abord, laissez-moi dire que tout le monde sait que le système de santé relève de la compétence du Québec. Mais rien n'empêche le Québec d'exercer sa pleine responsabilité en association avec nos autres partenaires provinciaux. D'ailleurs, le juge Krever avait recommandé plusieurs avenues pour assurer la protection de notre système de sang partout au Canada. Il a notamment recommandé la création d'une agence pancanadienne, un comité d'hémovigilance indépendant, avec un budget adéquat, pour assurer la qualité et l'accessibilité du sang et des produits sanguins.

Ma question, M. le Président: Comment les Québécoises et les Québécois peuvent-ils être mieux protégés par un système isolé et séparé que par un système pancanadien partagé avec nos partenaires?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, il y a quelques semaines on a pris la peine d'avoir, à la commission des affaires sociales, un briefing assez complet sur la situation du sang au Québec, sur les projets qu'avait le ministère et sur où on en était rendu dans son application. La façon dont le député pose la question, là, je ne sais pas s'il était là de corps et d'esprit, s'il a compris ou s'il a suivi, mais ça ne correspond pas trop, trop à ce qu'il nous dit là comme question.

Une voix: ...

M. Rochon: Non, non, la situation est la suivante. Le Québec a commencé à mettre en place, dans son système de santé, un réseau responsable pour que ceux qui vont recevoir du sang le reçoivent dans des établissements hospitaliers où on n'a plus seulement une banque de sang, mais où on a des services de médecine transfusionnelle et on a des comités qui évaluent la qualité des services qui sont donnés, comme pour tous les services qui sont donnés, hospitaliers et médicaux. Ça, ça n'existait pas. On a déjà mis en place un comité d'hémovigilance avant les recommandations du Dr Krever pour s'assurer qu'il y a un contrôle épidémiologique complet de la situation et là on est en discussion depuis un bon moment avec les autres provinces pour voir comment on établit une collaboration, quel type de collaboration il faut établir pour l'approvisionnement en sang.

Il y a d'annoncée, vers le milieu de janvier, une conférence interprovinciale suivie par une conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé qui vont discuter de la question. Alors, je pense que le Québec, là-dessus, s'il y a quelque chose, on a déjà une bonne partie des recommandations du juge Krever qu'on est après mettre en place, le député devra le reconnaître. S'il y a quelque chose, on est en avance sur les autres provinces là-dessus. On va faire le point en janvier, et je pourrai vous donner l'information par la suite, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé n'est pas au courant que ce n'est pas juste de collaboration dont nous avons besoin? Nous avons besoin du même système de surveillance, du même système de contrôle, du même système de logiciels, d'un système de surveillance veine à veine, parce que le sang vient de partout, il n'y a pas de frontières. Et pourquoi ne veut-il pas être membre de l'agence pancanadienne? Il me semble que ce serait tout à fait logique s'il veut vraiment aider le système du sang partout au Canada. Si vous êtes à la table décisionnelle, vous pouvez influencer les décisions et ne pas être à la remorque des autres. Il me semble que ce serait tout à fait logique d'aider le système pour assurer que nous aurons partout au Canada le meilleur système.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il y a déjà des choses acquises, que j'ai répétées souvent, qui ont été expliquées en commission pour tout ce qui regarde les standards de qualité qui devraient être appliqués. On est déjà sur le système non seulement pancanadien, nord-américain, mais mondial, là-dessus, et on va le rester, ça, c'est très clair, comme collaboration avec les autres provinces du Canada, et avec les autres pays qui sont en Amérique, de toute façon. C'est international, la partie des standards et du contrôle des normes, et on est là-dedans.

Deuxièmement, pour ce qui est du patient qui reçoit du sang, ça, c'est toujours le système de santé qui va en assurer la qualité. Ce n'est pas une organisation sans but lucratif installée à Vancouver ou à Toronto qui va être capable de contrôler des services de santé dans nos hôpitaux. Ça, ce n'est pas vrai. Puis pour le reste, pour ce qui regarde l'approvisionnement, le partage de l'information, le député sait très bien qu'on est déjà inscrit dans des systèmes comme celui pour les maladies contagieuses, par exemple, qui est de la même nature que ce que le juge Krever propose.

On a un système québécois qui est arrimé non seulement sur le reste du Canada, mais sur le monde et sur l'Organisation mondiale de la santé. Alors, tout est en place pour ça. On est prêt à offrir une collaboration, mais on va prendre le temps de regarder comment ça se fait, et on va s'assurer que les Québécoises et les Québécois vont tirer le meilleur avantage de quoi que ce soit des arrangements qu'on fera avec les autres provinces.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle, en principale.


Campagne publicitaire du ministère de la Santé et des Services sociaux

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ce matin le journal Le Soleil titrait: Ils ont peur de la critique. Au centre hospitalier...

Le Président: Alors, je voudrais peut-être rappeler à certains collègues qui s'amusaient à exhiber des articles de journaux, que l'article 32 sur le décorum est clair: les députés «doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée». M. le leader de l'opposition officielle.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

(10 h 30)

M. Jolivet: M. le Président, vous voulez du décorum dans cette Chambre, mais, quand le ministre de la Santé parlait, à deux questions tout à l'heure, de l'autre côté, on l'interrompait. Vous n'avez pas fait ce geste-là. Pourquoi vous le faites à ce moment-ci?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ce matin, le journal Le Soleil titrait, et c'est approprié: Ils ont peur de la critique. Au Centre hospitalier de l'Université Laval, on ne peut pas opérer tellement on manque de lits, affirme le Dr Louis Béland , chef de département. «Le Dr Louis Béland accuse même le service des communications du Centre hospitalier de mentir et de faire de la désinformation pour soigner leur image! "C'est sciemment qu'ils le font, car ils ont peur de la critique", dit-il.»

M. le Président, au même moment, le ministre de la Santé et des Services sociaux, lui, ne manque pas d'argent pour soigner son image. En effet, qui n'a pas vu la publicité du ministre de la Santé à la télévision, qui est répétée à satiété, à répétition où une dame tombe sur son plancher de cuisine après avoir glissé sur un raisin? Rapidement, le transport ambulancier – ça, c'est à la télévision, dans l'annonce du ministre – ...

Une voix: Ça coûte cher, ça.

M. Paradis: ...rapidement, tous les soins requis, rapidement hospitalisée, on la voit déguster une appétissante salade de fruits coiffée... d'un raisin! La question, M. le Président, a deux volets. Le premier...

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée de Matapédia, s'il vous plaît. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Alors qu'on manque d'argent, M. le Président, pour soigner les malades, combien de milliers de dollars coûte cette publicité pour soigner l'image du ministre?

Deuxième volet: Est-ce que cette publicité est vraie? Est-ce que les gens sont soignés rapidement, comme on le voit dans cette publicité, ou s'agit-il d'une publicité trompeuse?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, vous allez me permettre de répondre et au commentaire-préambule et à la question, parce qu'il y avait deux points de soulevés. Alors, je vais prendre le temps de répondre aux deux. C'est trop facile, les petites insinuations en passant, mine de rien, puis on répand des impressions. On connaît le style.

M. le Président, ce qu'on voit là sur le CHUQ ce matin, ce qu'on a vu de discussions puis de chicanes entre des hôpitaux ailleurs au Québec dans les derniers mois, dans les dernières semaines, c'est, dans le fond, très sain, là, ce qui se passe. Ce qui arrive, là, c'est qu'avec la mise en place de la transformation du réseau les chicanes entre établissements puis maintenant les chicanes entre départements, là, c'est après finir. Et l'organisation va se faire en fonction des patients et non pas de chicanes à l'intérieur. Alors, laissez le monde régler leurs affaires, là, et je pense que le patient va être pas mal mieux servi en bout de ligne. C'est très transparent, ce qui se passe, et c'est très sain, dans le fond, ça, M. le Président.

La campagne d'information. Oui, oui, il y a une campagne d'information...

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il y a une campagne d'information qui est faite parce que la vérité a ses droits et la population a le droit de connaître les faits et la réalité. Et la campagne qui est faite a été évaluée à un peu plus de 1 000 000 $. Ça va coûter 0,20 $ par personne, 0,20 $ par citoyen du Québec pour corriger...

Le Président: Est-ce que vous avez besoin d'un moment de suspension pour retrouver votre calme ou si on peut continuer la période de questions? M. le ministre.

M. Rochon: Parce que la réalité, là, l'autre face de la réalité qui correspond à tous les témoignages qu'on reçoit – ça, ça ne fait pas la manchette des journaux – de gens qui ont eu des services, qui ont eu les services dont ils avaient besoin, qui ont été satisfaits. Il y a 90 % des gens qui ont eu des services qui sont satisfaits et qui donnent des louanges à ceux qui les leur ont donnés. Des décisions comme la régie de Montréal vient de prendre, qui vont augmenter les services en première ligne, qui vont augmenter les services pour des soins de longue durée, c'est ça, la réalité du réseau qu'on veut redire au monde. Et ça va coûter 0,20 $ par citoyen et citoyenne au cours des prochains mois, et, si vous voulez qu'on arrête de dépenser de l'argent pour ça, arrêtez de répandre toutes sortes de questions qui ne correspondent pas à la réalité.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


Coûts de la campagne publicitaire du ministère de la Santé et des Services sociaux

M. Paradis: En principale, M. le Président. Le député de Jeanne-Mance m'a remis, hier, copie d'une lettre adressée au ministre de la Santé par l'une de ses commettantes qui nous autorise à donner son nom, Mme Solange Lebrun, de Saint-Léonard. Elle s'adresse – et vous me permettrez de citer, M. le Président – au ministre de la Santé comme suit:

«Je vais vous raconter ma petite histoire. Le 11 novembre 1997, j'ai fait une chute dans ma cuisine et ma cheville droite s'est mise à enfler. Donc, à 16 h 30, je prends un taxi et je me rends à l'hôpital Santa Cabrini, à l'urgence. J'attends, j'attends et j'attends encore avec cette douleur insupportable à la cheville, et, finalement, à 21 heures, on décide de me passer une radiographie. Là encore, j'attends et, finalement, à 21 h 30, je rencontre le médecin qui me dit finalement: Vous avez une fracture au péroné et l'os est déplacé, mais, malheureusement, vous devrez revenir demain pour vous faire faire un plâtre, car, après 16 h 30, on ne fait plus de plâtre à l'hôpital. Je suis repartie avec mon petit bonheur et ma douleur épouvantable et mon insécurité totale, car je me disais: Si j'aggrave mon cas, on devra m'opérer.»

Le lendemain, elle se présente à l'hôpital à 9 heures, et c'est finalement 24 heures plus tard qu'elle a son plâtre, M. le Président. Et elle conclut comme suit: «Chaque fois que je vous entends parler, M. le ministre, de coupures dans les hôpitaux et de votre fameux virage ambulatoire et que vous dites que tout va bien, vous me donnez la nausée. De votre tour d'ivoire, vous pouvez dire n'importe quoi. Vous devriez aller travailler un mois – et je conclus, M. le Président – dans un hôpital pour comprendre le désarroi des patients et du personnel hospitalier.»

M. le Président, la question au ministre: Comment voulez-vous que Mme Lebrun ou les autres malades, dans ce contexte difficile, apprécient votre coûteuse campagne de publicité de raisin?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, 0,20 $ par citoyen et citoyenne du Québec au cours des prochains mois pour corriger l'information distordue qui est répandue, entre autres, par nos gens d'en face, c'est très peu. C'est très peu pour des gens qui, eux, laissent croire qu'il n'y avait pas de problème dans leur temps. Ça allait bien dans leur temps, alors qu'ils dépensaient 1 000 000 000 $ dans le déficit par année pour améliorer, entre autres, les services de la santé. C'est sûr, c'était une priorité. Il n'y avait pas de problème dans ce temps-là. Les gens n'attendaient pas 24 heures, ça allait bien!

M. le Président, «Mme Gabrielle Hudon a 66 ans. Une femme dynamique et vive d'esprit. Depuis un an, elle a mal à une hanche, un mal lancinant, incessant: arthrose de la hanche. La greffe est nécessaire, a tranché l'orthopédiste. Depuis un an, Mme Hudon, qui habite Rimouski, attend désespérément – pas 24 heures, un an – le téléphone de l'Hôtel-Dieu de Québec qui ne vient toujours pas. Aujourd'hui, Mme Hudon est exaspérée.» On est en août 1991. C'est le genre de situation dont on est parti, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce que c'est la réponse que le ministre souhaite que je transmette à Mme Lebrun, qui intervient pour que d'autres personnes n'aient pas à subir ce qu'elle a subi, pour que vous cessiez de prendre son argent pour tenter d'améliorer votre image et que, plutôt, vous utilisiez cet argent pour soigner les malades dans les hôpitaux?

Le Président: M. le ministre.

(10 h 40)

M. Rochon: Le 0,20 $ par personne du Québec qui est utilisé sert essentiellement... Parce que, en plus de la télévision, il y a de l'information qui est distribuée au domicile des patients dans chacune des régions, c'est pour que les gens sachent justement ce qui est fait pour augmenter les soins de première ligne, ce qui est fait pour augmenter les services aux personnes âgées, comme la régie de Montréal vient de décider, rôle accru aux CLSC, le détail, on n'en parle pas de ça, il faut que les gens le sachent.

Et ce que je dis à madame et à tous les gens qui ont eu certaines difficultés, c'est qu'on va leur donner plus d'informations, ils vont savoir à qui s'adresser pour savoir exactement quel est leur état, ce qui peut être fait à eux autres. Ils ne seront pas obligés de dépendre du genre de ragots qui sont répandus par nos gens d'en face, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de Jean-Talon.


Autorisation d'emprunts municipaux pour mise à la retraite accélérée de fonctionnaires

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Le vice-premier ministre peut-il nous dire s'il est d'accord avec certains de ses collègues qui, hier soir, ont tenté de permettre aux municipalités d'adopter des règlements d'emprunt sans avoir obtenu l'autorisation des citoyens, tel que la loi l'oblige, et tout ça dû, évidemment, au fait que le gouvernement a refilé une facture de 375 000 000 $ aux municipalités?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 175 sur différentes modifications législatives, il a été déposé, hier soir, un amendement à ce projet de loi pour permettre aux municipalités de contracter des emprunts ou d'adopter des règlements d'emprunt, avec l'approbation du ministre des Affaires municipales, pour faire en sorte que l'on puisse mettre en oeuvre des programmes de mise à la retraite accélérée au niveau des municipalités au Québec. Cet amendement a été retiré, il ne fera pas l'objet d'un élément du projet de loi qui reviendra ici en troisième lecture.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales peut-il nous garantir en cette Chambre aujourd'hui que cet amendement-là ne réapparaîtra pas ni en troisième lecture ni dans le bâillon, si jamais il y en avait un?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, on sait qu'à l'étape subséquente de l'étude de ce projet de loi à l'Assemblée nationale un amendement peut toujours être présenté s'il y a consentement de l'opposition. Il n'en tient qu'à madame, s'il doit y avoir un amendement supplémentaire, qu'il puisse être adopté, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Lévis.


Traitement des eaux usées par la Communauté urbaine de Québec

M. Garon: Alors, M. le Président, récemment, on apprenait que la Communauté urbaine s'apprête à rejeter au fleuve des eaux usées qu'elle ne veut plus traiter aux rayons ultraviolets afin d'économiser 200 000 $ par année. On sait que ça aura pour effet d'augmenter les taux de coliformes fécaux dans les eaux du fleuve et sur les plages de la région de Québec au même niveau qu'ils étaient avant l'investissement de plus de 350 000 000 $ de fonds publics pour traiter les eaux usées de la Communauté urbaine de Québec. Et on sait que la désinfection par ultraviolets permet de réduire la contamination bactériologique et d'abaisser les taux de coliformes des eaux pour rendre les plages accessibles, et aussi des prises d'eau qu'on trouve dans le fleuve un peu partout et qu'on connaît... Depuis que je reste sur le bord du fleuve, je vois assez le flux et le reflux des glaces et des eaux pour savoir à quel point le brassage se fait.

Est-ce que le gouvernement a l'intention, et je demande au ministre des Affaires municipales, qui doit s'assurer de la sécurité des municipalités qui sont menacées par d'autres municipalités... est-ce qu'il a l'intention de s'assurer et de faire en sorte qu'il ne soit pas permis à la Communauté urbaine de ne pas traiter ses eaux pour qu'on reçoive des coliformes fécaux sur nos plages et dans nos prises d'eau, M. le Président?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, j'ai été informé par la voie des journaux le 3 décembre dernier de l'intention de la Communauté urbaine de Québec de cesser les traitements ultraviolets pour le traitement de ses eaux usées, ce qui aurait pour effet, suivant les informations qui m'ont été communiquées subséquemment, d'augmenter le niveau de coliformes qui pourraient apparaître dans les eaux rejetées dans le fleuve dans la région de Québec. Évidemment, cela risque d'affecter effectivement d'autres municipalités, et tout le monde sait, par exemple, que la circonscription que représente le député de Lévis est située en face de la ville de Québec et que ça peut avoir des effets, évidemment, sur les municipalités environnantes.

Nous avons donc, M. le Président, été d'abord aux vérifications quant aux autorisations nécessaires, et je puis affirmer devant cette Assemblée que la convention de réalisation des systèmes de traitement des eaux usées avec la Communauté urbaine de Québec, qui nous a coûté 350 000 000 $, inclut effectivement les dispositions qui nous permettent de contrôler le niveau de rejets qui en résulte dans le fleuve. Nous avons l'intention de faire appliquer ces dispositions et de faire en sorte que les eaux soient traitées adéquatement et que les municipalités environnantes n'en souffrent pas au niveau des rejets dans le fleuve Saint-Laurent, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Garon: M. le Président, en additionnelle. Est-ce que le ministre peut s'assurer en même temps que le système bactériologique qui avait été mis en place et qui n'a jamais vraiment fonctionné va fonctionner, pour qu'on traite les bactéries également, parce qu'il semble que ça soit un mystère, les bactéries, dans l'assainissement des eaux de la Communauté urbaine?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, les lois et les dispositions réglementaires en pareille matière, qui sont administrées par le ministère de l'Environnement, prévoient, oui, des contrôles réguliers pour vérifier la qualité des eaux qui sont rejetées dans les cours d'eau, en l'occurrence ici, le fleuve Saint-Laurent, et nous allons nous assurer que les normes soient respectées et qu'il n'y ait pas d'incidence, sur la population de Lévis en particulier, à partir des traitements des eaux usées qui s'effectuent dans la région de Québec et que l'on respecte toutes les normes nécessaires en pareille matière.

Le Président: M. le député.

M. Garon: M. le Président, ma question n'est pas générale, elle est précise: Que le système pour contrôler les bactéries, pour ne pas qu'on retrouve des tapons de... le système, j'ai été visiter personnellement, puis, en passant, le diffuseur va le plus loin possible du côté du fleuve...

Le Président: Votre question, M. le député de Lévis.

M. Garon: Alors, que le système bactériologique fonctionne. Dans un système qui a coûté plus de 350 000 000 $, ce serait normal que le système pour contrôler les bactéries fonctionne. Et est-ce que le gouvernement va s'assurer que le système fonctionne, pour ne pas qu'on retrouve des masses de gélatine dans l'usine qui s'en vont direct au fleuve?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, je n'ai pas été vérifier personnellement si de telles quantités de tapons se retrouvent dans le fleuve, mais je peux vous indiquer ceci très clairement. À l'égard du système de traitement des eaux usées de la Communauté urbaine de Québec, nous avons pris, au cours des dernières années, toutes les dispositions nécessaires. D'abord, pour s'assurer de l'efficacité du système dans les cas de débordement, nous avons même nommé une personne-ressource, un ingénieur spécialisé en pareille matière, pour examiner le cas particulier du système de traitement des eaux usées de la Communauté urbaine de Québec. Un rapport nous est parvenu et les corrections pourront être engagées très rapidement, puisque ce n'est pas très coûteux au niveau du traitement.

Par ailleurs, au niveau des débordements en cas de grandes pluies, il se pose là un problème très particulier pour lequel des solutions demeurent à être trouvées pour ces périodes particulières. Quant aux rejets, il n'y aura pas d'exception pour le traitement des eaux usées dans la région de Québec par rapport aux normes générales du ministère de l'Environnement et à la réglementation qui s'applique en pareille matière. Vont s'appliquer au traitement des eaux usées de la Communauté urbaine de Québec exactement les mêmes normes qui s'appliquent ailleurs pour s'assurer de la protection des populations, des municipalités environnantes ou des populations riveraines du fleuve Saint-Laurent, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Impasse dans les négociations entre la Société des traversiers et la CSN

M. Béchard: M. le Président, dans le dossier du conflit des traversiers, le ministre des Transports, malgré tous les mots qu'il a employés mardi dernier, a simplement démontré son incapacité à régler ce dossier qui traîne déjà depuis 31 mois. À preuve, les services de traverse Québec–Lévis et Sorel–Saint-Ignace-de-Loyola sont aujourd'hui interrompus. La proposition syndicale du 31 octobre 1997 est devenue lettre morte. Il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement et du ministre des Transports qui, selon le syndicat, n'aurait pas dit toute la vérité mardi. Rappelons que ce conflit a des impacts économiques et sociaux néfastes pour les régions concernées et également pour celle du ministre du Travail et député de Matane, où le service risque d'être interrompu le 24 décembre, soit la veille de Noël.

M. le Président, comment le ministre du Travail peut-il accepter l'attitude de son collègue des Transports qui envenime et laisse traîner ce dossier qui dure déjà depuis deux ans et demi? Qu'est-ce que le ministre de Matane fera pour régler ce dossier qui touche des régions, qui nuit au développement économique de certaines régions, dont la sienne, M. le Président? Qu'est-ce qu'il va faire, le ministre du Travail, là-dedans?

(10 h 50)

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, il est vrai que les négociations entre la Société des traversiers du Québec et les syndicats durent depuis un bon moment. Vous savez également qu'en novembre on a délégué deux médiateurs au dossier qui ont tout fait pour rapprocher les parties et essayer d'en arriver à un règlement. On en est arrivés à l'impasse, ce que tout le monde regrette, d'ailleurs. Et je n'ai pas besoin du discours du député de Kamouraska-Témiscouata pour me dire combien ça a un impact sérieux dans la région de Matane, là où je suis député. C'est l'évidence, M. le député.

Mais ce que je voudrais souligner aujourd'hui, c'est que j'ai eu l'occasion de communiquer avec le ministre des Transports, on en a discuté, et ce que je lui ai dit... et le ministère du Travail est là pour ça; nous avons, au ministère du Travail, les meilleurs spécialistes au Canada pour régler des conflits et on est toujours à la disposition du ministère des Transports, de la Société des traversiers et des syndicats pour régler. Ce n'est pas moi qui signe des conventions collectives, c'est la Société des traversiers et le syndicat CSN. Et, là-dessus, M. le Président, on est toujours disponibles pour rendre les plus grands services aux Transports et ailleurs.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: Est-ce que le ministre du Travail se rend compte que, même s'il y a deux, trois, quatre médiateurs qui seraient nommés pour rapprocher les parties, le ministre des Transports et son attitude les éloignent? Et est-ce que le ministre des Transports peut mettre son chapeau de ministre des Transports... du Travail, c'est-à-dire, son chapeau de ministre du Travail, intervenir dans ce dossier et le régler pour qu'il n'y ait pas d'arrêt de traversiers dans le temps des Fêtes, la veille de Noël, ce qui nuit au développement économique et au développement social des régions? Est-ce qu'il va agir ou il va attendre encore deux ans et demi?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, le député de Kamouraska-Témiscouata disait, l'autre jour, que le ministre du Travail est un peu jovialiste. J'aimerais dire au député de Kamouraska-Témiscouata une couple de petites choses pour son information. Sur le front social au Québec, on a la paix: 88 conflits, moins de 20 000 travailleurs impliqués et une diminution de 26 %, sur 1996, des conflits au Québec. Ça va quand même assez bien.

Quant à celui des traversiers qui nous préoccupe tous, lui autant que moi, c'est sûr, ce que je peux dire, c'est qu'il y a des mains expertes qui sont présentement au dossier pour aider la Société et le syndicat, et j'ai bon espoir qu'on en arrive à un règlement avant Noël.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: M. le Président, est-ce que notre jovialiste ministre du Travail, au lieu de jouer sur les chiffres puis sur les statistiques, peut simplement nous dire ce qu'il va faire concrètement d'ici les prochains jours pour que ce conflit-là soit réglé avant les Fêtes? C'est simple à répondre. Qu'est-ce qu'il va faire, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: J'ai envie de dire au député de Kamouraska-Témiscouata de modérer ses transports un peu. Les négociations, il faut quand même lui rappeler que ce n'est pas toujours simple et, quand on joue dans des planchers d'emploi, quand on joue dans des heures de traverse qu'on doit faire ou qu'on ne doit pas faire, qu'on a à assurer aussi un service dans une région comme celle de Québec, c'est sûr que c'est des problèmes compliqués, on ne prend pas ça à la légère, ni au ministère des Transports ni au ministère du Travail. Ce que je dis au député, c'est que tout est mis en oeuvre présentement pour régler ce conflit-là au plus vite. On a tous intérêt à ce que ça se règle. Alors, pourquoi faire de l'urticaire aujourd'hui?

Le Président: En principale, M. le député de D'Arcy-McGee.


Conditions de réalisation du mandat de l'Office de la protection du consommateur

M. Bergman: En principale, M. le Président. M. le Président, depuis l'arrivée au pouvoir des péquistes, ils ont fait des coupures massives dans le budget de l'Office de la protection du consommateur: 50 % du personnel, plus de 40 % du budget total, et les enquêtes sont passées de 640 à 179 l'an passé. Suite à cela, le Protecteur du citoyen dit que l'Office n'est qu'une vitrine sur l'information et qu'au niveau des enquêtes, au niveau des recours pour infraction aux lois, le personnel n'est pas là.

Et alors que le ministre connaît le problème des lecteurs optiques depuis deux ans, hier, à la télévision, un membre de l'Office disait qu'il y aura rencontre avec les représentants de l'industrie seulement en janvier pour savoir qu'est-ce que c'est, le problème.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Est-ce que le ministre peut arrêter de mettre le fardeau du problème sur le consommateur? Est-ce que le ministre va prendre ses responsabilités et remplir le mandat dans la mission de l'Office de la protection du consommateur?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: M. le Président, c'est la première fois que j'ai l'occasion, à l'Assemblée nationale, d'aborder cette question avec le député. Cependant, il a été présent à plusieurs reprises en commission parlementaire, à l'étude des crédits, où la démonstration a été faite: s'il y a moins d'enquêtes, c'est parce que l'Office de la protection du consommateur règle davantage de dossiers par médiation. La médiation est la voie privilégiée par l'Office de la protection du consommateur.

Et ce que je suis heureux de souligner, c'est que, quant aux plaintes traitées, malgré les compressions réelles que notre gouvernement a dû imposer – et nous sommes, au ministère, comme ailleurs au gouvernement du Québec, solidaires de l'effort que nous devons faire – nous avons maintenu nos bureaux régionaux et nous avons maintenu le nombre de plaintes traitées. C'est ça, M. le Président, faire autrement, mieux faire dans le respect de l'équilibre des finances publiques.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Nelligan. Dernière complémentaire.

M. Williams: Est-ce que le ministre, compte tenu qu'il était au courant que le ministère des Finances a dans ses coffres de l'argent perçu illégalement, soit un montant de 25 000 000 $, et que c'est sa faute si les citoyens ont trop payé, va insister au prochain Conseil des ministres pour que le ministère des Finances transfère ces sommes perçues illégalement à l'Office de la protection du consommateur afin que cette institution puisse avoir les moyens de protéger les consommateurs?

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, ça n'a pas de bon sens, la question que le député me pose. D'abord, ce à quoi il fait référence, c'est l'utilisation des nouvelles technologies de l'information pour les gens qui vont payer à la caisse. Est-ce que je peux lui rappeler la situation qui prévalait auparavant: il y avait des taux d'erreur de 10 %. Aujourd'hui, il demeure des taux d'erreur qui sont inférieurs.

Cependant, ce que le député a oublié de dire, c'est que, si parfois il y a des erreurs qui se font à l'avantage du consommateur, il y en a aussi qui se font à l'avantage de l'entreprise. Est-ce que le député est en train de suggérer qu'il faudrait peut-être cotiser les consommateurs qui n'auraient pas payé des taxes sur certains produits, puisqu'ils les auraient payés moins cher? Ça n'a pas de bon sens, M. le Président.

Rappelons tout simplement que la situation actuelle est de beaucoup supérieure, est beaucoup meilleure que celle qui prévalait auparavant: d'un taux d'erreur de 10 % avec les vieilles caisses, on est passé à des taux d'erreur de 3 %. On devrait féliciter, M. le Président, les commerçants qui se dotent de pratiques qui sont rigoureuses. Et est-ce que je peux rappeler aussi que, pour régler le cas particulier des biens qui sont soldés, j'ai demandé à l'Office de la protection du consommateur de rencontrer les commerçants. Et je suis convaincu qu'avec leur bonne foi on va régler le problème

Puis les commentaires de l'opposition officielle à l'heure actuelle ne sont certainement pas ceux sur lesquels on peut compter pour nous aider à régler ce problème, M. le Président.

Le Président: Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, nous allons immédiatement aller aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Révocation du renvoi à la commission des institutions du projet de loi n° 151 et renvoi à la commission plénière

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'en aurais d'abord une, qui est une motion de révocation suite à une entente avec les gens de l'opposition.

Je fais motion afin de révoquer l'ordre du 19 juin 1997 concernant le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, qui avait été déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Je fais donc motion pour que le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, soit déféré en commission plénière pour étude détaillée.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis, M. le leader du gouvernement?


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 171

M. Jolivet: J'en ai une deuxième, M. le Président.

«Que la commission de l'aménagement du territoire procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, le mardi 16 septembre 1997, et à cette fin entende les organismes suivants», suite, encore, à une entente...

Une voix: Le 16 décembre.

(11 heures)

M. Jolivet: Oui, 16 décembre, excusez-moi. «... 16 décembre 1997, et, à cette fin entende les organismes suivants – c'est suite à une entente avec les représentants de l'opposition: le mardi 16 décembre 1997, de 11 heures à 13 heures, la ville de Montréal conjointement avec la ville de Québec, la ville de Trois-Rivières, la ville de Chicoutimi, la ville de Sherbrooke et la ville de Hull;

«Que le ministre d'État des Ressources naturelles et ministre responsable du Développement des régions soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. M. le Président, est-ce que le leader du gouvernement peut nous indiquer par la même occasion si, dans le cas de la Communauté urbaine de Québec de même que de la Communauté urbaine de Montréal, il y aura place à l'intérieur de nos travaux, avant l'ajournement, pour qu'elles puissent être entendues? Et, en ce qui concerne la ville de Lévis, qui est en demande pour devenir ville-centre, est-ce qu'elle pourra aussi être entendue?

M. Chevrette: Non. Les six villes-centres sont vraiment attitrées tel que dans la résolution. Quant aux communautés urbaines, dépendant de l'état de leurs travaux et, comme je l'ai déjà confirmé au député de Richmond, n'importe quand à l'intérieur du délai, là on pourra les entendre, si elles veulent bien se faire entendre parce qu'il y a une proposition à faire. Ça nous fera plaisir.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui. M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 17 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, ainsi que le lundi 15 décembre 1997, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 185, Loi sur l'élection des premiers commissaires des commissions scolaires nouvelles et modifiant diverses dispositions législatives, le lundi 15 décembre 1997, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Et enfin, que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 183, Loi concernant le budget de la Ville de Montréal, le lundi 15 décembre 1997, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui, le vendredi 12 décembre, de 15 heures à 15 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'établir un calendrier en vue de l'étude des projets de modifications au règlement déposés cette semaine, qui seront déposés ultérieurement également.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: M. le Président, hier le ministre des Finances nous indiquait qu'il y avait de la législation qui s'en venait pour donner effet au moratoire annoncé en surprise par le premier ministre sur les eaux souterraines. Est-ce que le leader peur nous informer quand il entend appeler ce projet de loi qui, semble-t-il, va apparaître d'ici les Fêtes pour donner effet à ce moratoire insignifiant qu'a annoncé le premier ministre?

M. Jolivet: D'abord, M. le Président, ces derniers mots sont de trop, d'autant plus qu'il le verra en temps et lieu.

Le Président: M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: M. le Président, j'ai remarqué, depuis un certain temps, qu'un de vos collaborateurs à la table, ici... Ça faisait 10, 12 ans que je remarquais qu'il était toujours là, M. Gérard Laliberté. Est-ce qu'il a été affecté à une autre fonction? Parce que je remarque qu'il n'est pas ici.

Le Président: Effectivement, M. le député, il a été affecté à une autre fonction, et vous comprendrez que la présidence n'entend pas discuter de l'affectation du personnel à l'Assemblée nationale; ça peut se faire au Bureau de l'Assemblée ou dans d'autres instances.


Affaires du jour

Alors, aux affaires du jour, maintenant, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. De consentement... Excusez. On va commencer par d'abord appeler l'article, demander de prendre en considération l'article a. Mais il faut un consentement pour déroger aux articles 237 et 230, alors je demande le consentement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader du gouvernement, j'ai l'impression que, si vous répétiez votre demande de consentement, ça nous aiderait, à ce moment-ci.

M. Jolivet: M. le Président, il y a eu des discussions entre les gens de l'opposition et de la partie ministérielle en vue d'adopter le principe d'un projet de loi qui a été déposé ce matin, le projet de loi n° 400. À ce moment-là, il faut un consentement pour déroger aux articles 237 et 230.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Paradis: Pour le moment, M. le Président, il y aurait consentement, compte tenu que le projet de loi vient d'être déposé, pour que nous renoncions au délai de sept jours. Pour le moment, c'est le consentement que nous donnons.

Le Président: Ça va, M. le leader du gouvernement?

M. Jolivet: Ça va. Donc, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article a.


Projet de loi n° 400


Adoption du principe

Le Président: À l'article a, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction. Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 237 du règlement prévoyant un délai d'une semaine entre la présentation et l'adoption du principe? C'est ça que nous venons de faire? Alors, est-ce qu'il y a des interventions, à ce moment-ci? M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, il n'est pas dans mes habitudes de parler de moment historique; ça ne fait pas partie de mon vocabulaire beaucoup. Mais ce que je voudrais souligner, c'est que le projet de loi qui est déposé aujourd'hui vise à remettre 60 000 000 $ aux travailleurs de l'industrie de la construction aux fins de formation professionnelle. Vous me permettrez d'expliquer ce que ça signifie dans la réalité.

M. le Président, ce projet de loi concrétise enfin la volonté de l'industrie de la construction, qui a été exprimée dès 1992, de créer un fonds de formation pour les travailleurs de l'industrie. Il s'agit, en clair, de cotisations venant des employeurs afin de former leurs travailleurs. Pour des raisons qui seraient trop longues à expliquer, ce fonds de formation n'a jamais fonctionné. L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec s'objectait à la création de ce fonds parce que, prétendait-elle, il y avait des irrégularités dans le fonctionnement ou dans la procédure devant conduire à la création de ce fonds.

J'aimerais dire aussi à ma collègue ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité que le projet de loi n° 400 assurera la participation des entreprises de la construction aux objectifs de sa loi visant le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Il faut que ces choix-là soient clairs entre nous.

C'est au sein de la Commission de la construction du Québec qu'on va vivre l'essentiel du projet de loi qu'on dépose aujourd'hui. Parce qu'il ne faut pas oublier que, pendant que se déroulaient les événements devant les tribunaux, il y a eu trois conventions collectives de signées dans l'industrie de la construction et qu'il devenait difficile pour le gouvernement du Québec de tolérer encore davantage le fait qu'on ait des millions d'accumulés aux fins de formation et qu'on ne puisse pas s'en servir.

Du reste, je suis très heureux de dire à cette Assemblée que l'APCHQ a retiré sa démarche devant les tribunaux. Je suis très heureux aussi de dire que les parties patronale et syndicale de l'industrie sont d'accord pour que soient libérés enfin les millions devant servir à la formation des travailleurs. M. le Président, il y a de quoi être fier.

La contribution du gouvernement dans ce projet, c'est d'édicter des règles particulières qui vont faire en sorte qu'on empêche les employeurs de l'industrie de la construction de payer une double cotisation. J'exprimais tout à l'heure la loi qui a été votée par ma collègue de l'Emploi et de la Solidarité, qui oblige à verser 1 % de la masse salariale aux fins de formation. Mais, étant donné que la construction est un régime particulier, les employeurs de l'industrie devaient verser 0,20 $ l'heure travaillée, aux fins de formation. Alors, si le gouvernement ne bougeait pas ou si l'industrie n'était pas d'accord avec nous, ça obligerait des entrepreneurs de l'industrie à payer le 1 % exigé par la loi sur la formation de ma collègue de l'Emploi et de la Solidarité et un autre 0,20 $ l'heure évidemment prévu à la loi R-20 sur la formation et la négociation dans l'industrie de la construction.

(11 h 10)

Cela dit, M. le Président, il faut savoir que ce projet de loi donne enfin à la main-d'oeuvre et aux entreprises de l'industrie un levier financier pour augmenter la compétence de la main-d'oeuvre. Alors que le Québec vient de signer une entente de mobilité de la main-d'oeuvre avec l'Ontario, comment peut-on songer priver encore plus longtemps les travailleurs de formation alors que, dans ce secteur-là comme dans d'autres, on se doit d'être hautement compétitif?

M. le Président, j'estime que c'est un grand jour pour l'industrie de la construction. C'est un grand jour pour les travailleurs et les employeurs. Et c'est un grand jour aussi pour tous ceux et celles qui, au Québec, sont préoccupés de doter l'industrie de la construction des meilleurs travailleurs et des meilleurs employeurs possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur le principe du projet de loi n° 400 que nous avons devant nous. Cette loi, M. le Président, elle répond à un enjeu majeur pour tout l'avenir de l'industrie de la construction au Québec. Il s'agit, dans un premier temps, de dénouer un noeud extrêmement coriace et extrêmement important pour les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la construction.

Le ministre du Travail nous propose, à l'Assemblée nationale, une solution aux difficultés judiciaires entourant la gestion d'un fonds de formation destiné aux principaux acteurs de l'industrie de la construction: les employeurs et les salariés; un fonds, d'ailleurs, M. le Président, qui a été mis en place par le précédent gouvernement qui visait à s'assurer de la formation de tous les travailleurs de la construction. Ce fonds, M. le Président, est venu au monde en 1992 dans la foulée du rapport Sexton-Picard sur la stabilisation des revenus dans l'industrie de la construction. Son accouchement s'est confirmé lors des modifications du Décret de la construction en 1993, donnant suite à une entente entre les parties.

Vous comprendrez qu'avec les difficultés avec les obstétriciens de ce temps-ci, M. le Président, les accouchements vont être difficiles. Eh bien, celui-là aussi a été difficile. Depuis sa naissance en 1993, de nombreuses contractions d'ordre juridique et judiciaire, bien que légitimes, empêchaient ce fonds de fonctionner, elles empêchaient les acteurs, patronaux et syndicaux, de la construction d'agir concrètement en matière de formation de la main-d'oeuvre. Imaginez, M. le Président, à l'heure où tout le monde s'entend sur l'importance des ressources humaines dans un monde où la concurrence est féroce, l'industrie de la construction, elle, est paralysée sur le plan de sa formation depuis au-delà de cinq ans.

Je n'ai pas l'intention ici de relater les nombreuses péripéties judiciaires qui ont eu comme conséquence d'empêcher les travailleurs et les entreprises de pouvoir bénéficier d'une amélioration des programmes de formation dans l'industrie de la construction. Je ne voudrais pas offenser qui que ce soit dans les propos que je pourrais tenir. Qu'il me suffise de dire, M. le Président, que l'opposition souhaitait depuis un bon moment que quelqu'un, dans ce gouvernement, s'occupe activement à trouver avec les partenaires de l'industrie une solution pragmatique et réaliste, solution qui serait une alternative aux interminables débats devant les tribunaux. Le ministre faisait part tantôt du retrait de l'appel en Cour d'appel du Québec par l'APCHQ, retrait, M. le Président – il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué – qui est conditionnel à l'adoption de ce projet de loi. Alors, le retrait ne sera efficace que lorsque ce projet de loi sera adopté.

Comment comprendre qu'un fonds de formation dans lequel 60 000 000 $ ont été investis ne puisse être utilisé pour les objectifs pour lesquels il a été conçu il y a plus de cinq ans? Au pouvoir depuis plus de trois ans, M. le Président, ce gouvernement n'a rien fait pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses d'améliorer leur sort. Bien plus, M. le Président, il a fallu pousser dans le dos du ministre et insister pour qu'il dépose enfin un projet de loi permettant de libérer ce fonds de formation de plus de 60 000 000 $, et il le sait, M. le Président, parce que nous lui avons donné d'avance notre accord en autant que le projet respecterait les balises que l'on s'était données dans nos discussions préalables, il va sans dire.

Le ministre du Travail, sous notre gouvernement, avait tout mis en place, peu de temps avant les élections, pour avoir une solution rapide à ce dilemme. Il nous aura fallu attendre plus de trois ans: trois ans d'inactivité. Il fallait trouver un moyen de déjudiciariser ce dossier dans l'intérêt supérieur des entreprises et des travailleurs de l'industrie.

Depuis cinq ans, l'industrie a ramassé plus de 60 000 000 $ par le biais d'une contribution des employeurs de l'industrie de l'ordre de 0,20 $ par heure travaillée. Depuis cinq ans, les fonds s'accumulent d'année en année, et pas un seul sou n'a encore été versé pour les travailleurs et les travailleuses afin de les aider à avoir une formation additionnelle et de favoriser les entreprises, car, M. le Président, on le sait très bien, formation égale meilleure connaissance, et une meilleure connaissance donne une meilleure productivité.

Ce qui m'amène à parler du deuxième principe que l'on retrouve à l'intérieur de ce projet de loi, qui évitera aux entreprises de la construction une double taxation. Compte tenu de l'imbroglio judiciaire, les entreprises de la construction avaient été obligées de subir une double taxation en vertu de l'application d'une loi entrée en vigueur en 1996, une autre loi pénalisante, encore une fois, mise en place par ce gouvernement.

Une des preuves qu'il n'est pas nécessairement utile de légiférer, c'est que l'industrie de la construction elle-même s'était autodisciplinée et avait volontairement décidé de contribuer à un fonds de formation, d'où je conclus qu'il n'était pas nécessairement utile de légiférer pour une loi obligeant les entrepreneurs à verser dans un fonds ou une taxe de 1 % pour la formation.

Les entrepreneurs ont contribué 0,20 $ de l'heure, en vertu de leurs obligations issues du régime de la construction, et ils auraient aussi été obligés de contribuer en même temps au 1 % de la masse salariale en dépenses admissibles en vertu de la loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Ce problème n'est pas nouveau, ce problème est connu depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1 %, en 1996. Le gouvernement n'avait pas accepté, à ce moment-là, d'exclure le secteur de la construction de sa loi du 1 %. Et, encore une fois, aujourd'hui, nous procéderons par une exception mettant à l'écart l'industrie de la construction de contribuer au 1 % parce qu'ils contribuent le 0,20 $ de l'heure travaillée, ce qui, au fond, est à peu près l'équivalent du 1 %.

Nous n'avons aucune difficulté avec cette section du projet parce qu'elle est favorable à tous les entrepreneurs et qu'ils contribuent déjà au fonds de formation. Toutefois, nous comprenons que le ministre du Travail a eu certaines difficultés à attacher la proposition qu'il nous fait aujourd'hui quant au règlement du litige qui divise l'industrie depuis plus de cinq ans au sujet de la constitution et surtout de la gestion et de la répartition du fonds de formation.

Nous avons la possibilité, avec le projet de loi devant nous, d'obtenir un règlement et un désistement à l'amiable du litige actuellement devant la Cour d'appel du Québec, ce à quoi le ministre faisait référence tantôt. M. le Président, il faut bien comprendre que ce règlement, s'il se réalise, permettra enfin de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars pour améliorer la formation de la main-d'oeuvre de la construction.

Pour ces motifs, M. le Président, nous allons être favorables à la démarche du ministre du Travail, il va sans dire, tout en soulignant que ce problème de fonds de formation aurait dû être une question prioritaire pour les autorités gouvernementales dès le début de leur mandat afin d'appliquer une solution qui, aujourd'hui, nous est proposée. Je voudrais dire au ministre du Travail que de nombreux problèmes continuent d'affliger l'industrie de la construction au Québec. Le projet de loi devant nous ne réglera pas l'ensemble des problèmes, et il lui en reste plusieurs auxquels il devra s'adresser dans les mois à venir.

(11 h 20)

Un des plus graves, M. le Président, c'est le manque d'ouvrage. Plusieurs métiers de la construction sont victimes d'un taux de chômage très élevé. Quand on se promène un peu ailleurs au Canada, la première chose qu'on remarque, c'est la prolifération des grues, des chantiers de construction. Ça bouge ailleurs beaucoup plus qu'ici. Souvent, on se fait dire, M. le Président: Tout va bien au Québec. Or, c'est vrai que ça va mieux au Québec, mais tout est relatif. Lorsque nous comparons la performance du Québec au reste du Canada ou aux autres pays du G 7, c'est un peu moins drôle.

Le deuxième problème que l'on retrouve aussi dans l'industrie de la construction, c'est la multiplication des complications et de la réglementation, auquel problème le ministre devra trouver le temps de s'adresser dans les prochaines semaines.

Un troisième problème, c'est celui qu'on retrouve au niveau du régime de la négociation. Ce régime est jeune et mérite des ajustements; comme toute la jeunesse, on doit réorienter le tir. La définition des secteurs est plus ou moins précise, et on se demande où sont les frontières. Il y a beaucoup de chevauchements, des allées et venues entre différents secteurs par les travailleurs. Qui fait quoi? On entend, sur le terrain, des signes inquiétants pour la prochaine ronde de négociations qui débutera dans les quelques semaines, dans les prochaines semaines. Le ministre se devra d'être très attentif aux rumeurs qui grondent sur le terrain, sortir de sa tour du centre-ville, faire de la prévention et s'assurer que le cadre législatif permettra aux acteurs de s'entendre.

Nous sommes tous témoins de l'impasse qui perdure dans le secteur résidentiel. Le fait que le ministre du Travail demeure insensible et immobile risque de donner des idées aux autres secteurs. Si cet exemple est suivi, le Québec risque gros. Vous savez l'adage qui dit: Je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console. Mais, nous, au Québec, M. le Président, on devrait plutôt dire: Quand je me regarde, je me console; et, quand je me compare, je me désole.

Je sais que le ministre du Travail est conscient de tout ce qui s'en vient. Comment et par qui seront prises les décisions dans l'organisation et la gestion des fonds de formation sectorielle? Le texte de loi devant nous, M. le Président, n'est pas très clair et très explicite. J'en ai déjà fait part au ministre, et il m'a assuré qu'il nous apporterait les éclaircissements nécessaires à obtenir notre assentiment à son projet de loi, et ce, de la façon la plus rapide.

Est-ce que le vote sur la distribution des fonds se fera au conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec, ou au Comité de formation professionnelle dans l'industrie de la construction, c'est-à-dire le CFPIC, ou en vertu de la représentativité? Et ça, c'est très important, M. le Président, la représentativité qui est applicable aux nouveaux comités de gestion prévus dans le projet de loi.

Alors, ces nouveaux comités, c'est comme un triangle dans lequel la CCQ formera les nouveaux comités qui auront à gérer le fonds et aussi la convention collective, si j'ai bien compris le ministre. Par ailleurs, la CCQ a aussi formé le CFPIC. Alors, il y aura une ligne directe entre ces deux comités formés par la CCQ. Mais, entre le CFPIC et les nouveaux comités, il n'y aura que des pointillés. Il y aura sûrement des échanges d'information, mais il n'y aura pas de relations directes d'autorité.

Et ça, ça m'apparaît important, et que ce soit éclairci par le ministre. Qui aura le dernier pouvoir décisionnel? Le CFPIC ou les comités de gestion qui seront mis en place par la CCQ, tel que prévu aux conventions collectives? Qui décidera, M. le Président? Le Comité de formation professionnelle dans l'industrie de construction, la Commission de la construction du Québec ou encore la nouvelle coalition – que nous avons tous appris dans les journaux il y a quelques jours – de la FTQ et de la CFD, à cause du pourcentage de travailleurs et de l'importance qu'ils prendront dans l'industrie de la construction ensemble? Qui décide de la gestion des fonds de la formation sectorielle?

On peut penser que la convention collective sera l'élément dominant de cette orientation. Et les parties devront dorénavant porter une attention particulière, dans leurs négociations, à la partie formation parce que celle-ci, faisant partie de leur convention, sera obligatoirement mise en place et renforcée par les comités de gestion qui seront formés par la CCQ. On veut savoir à qui le ministre va confier le pouvoir décisionnel dans la gestion des fonds de formation. Il faut clarifier ces différents aspects de la loi. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément. Alors, je suis sûr que le ministre, au cours du débat que nous aurons en plénière, saura nous éclairer sur ces différents aspects du projet de loi.

Du côté patronal, la réponse, elle est simple et elle est claire. Du côté des organisations syndicales, c'est plus difficile de connaître la réponse. La représentativité sectorielle des associations représentatives a été abolie par le gouvernement du Parti québécois à la demande de la FTQ-construction, lors de l'application de la loi 46. M. le Président, souvenez-vous de la loi 46. Peut-être que vous, étant du parti au pouvoir, vous ne vous souvenez pas de la loi 46 avec autant d'intensité que le parti de l'opposition officielle, qui a subi les foudres de la FTQ-construction pendant la campagne électorale, se faisant plastrer ses pancartes avec la loi 142 et une grosse barre en travers.

Vous comprendrez, M. le Président, qu'il ne faut pas légiférer à l'aveuglette. On va débloquer autour de 60 000 000 $ qui se sont accumulés au cours des cinq dernières années. Alors, c'est un montant important qui sera libéré aux fins pour lesquelles il a été versé, c'est-à-dire la formation de la main-d'oeuvre. Le dispositif que propose le ministre doit être clair, compréhensible et simple. Un texte flou qui laisse ceux et celles qui cotisent dans le doute n'est pas souhaitable. Alors, j'espère que le ministre comprend mon message. Il serait très malheureux que la loi soit de nouveau l'objet de contestations judiciaires et d'avocasseries, comme on en a vécu avec l'APCHQ, allant aux tribunaux pour essayer de faire spécifier la loi, alors que c'eût été beaucoup plus simple de le mettre clairement dès le départ, de sorte que ce genre d'avocasseries qui n'étaient pas souhaitables n'auraient pas eu lieu.

Je sais que le ministre du Travail est conscient de toutes ces difficultés. Les parties recommencent à négocier dès le mois de mars prochain, les dernières conventions négociées arrivant à échéance le 1er avril 1998. Le ministre a la responsabilité d'être proactif, non pas réactif, dans ses négociations; vigilant, je le sais, il l'est; mobilisateur, il en est fort capable; et au service des partenaires de l'industrie, c'est son rôle, comme ministre, de s'assurer que les partenaires s'assoient à une même table, négocient de bonne foi et puissent arriver à la conclusion de leurs négociations. Il devra répondre rapidement aux difficultés qui seront portées à son attention.

Le secteur de la construction est trop important pour le laisser de côté. C'est un secteur important, au Québec, et qui est utilisé afin de s'assurer de la bonne évolution de ce secteur du travail. Vous savez, M. le Président, on dit souvent que le secteur de la construction, c'est le moteur de l'économie au Québec. Moi, je vous dis que, quand la construction au Québec va, tout va. Mais c'est un petit peu à une autre échelle qu'on devrait le dire.

En terminant, M. le Président, je veux juste vous laisser sur cette pensée que l'expérience m'a apprise au cours des dernières années, c'est que, quand l'économie va, la construction au Québec va. Et actuellement la construction au Québec ne va pas, non pas qu'elle devrait supporter l'économie du Québec, mais elle ne va pas parce que l'économie au Québec ne va pas. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Alors, M. le ministre du Travail, je vous cède la parole quelques minutes.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, juste quelques remarques, suite à l'intervention du député d'Argenteuil, lorsqu'il évoquait les difficultés de l'industrie de la construction. J'aimerais lui rappeler bien simplement que, dans l'industrie de la construction, quels que soient les secteurs d'activité, ça ne va pas si mal. On a connu des périodes beaucoup plus sombres, au Québec. Et on peut dire que, grosso modo et en tout état de cause, l'industrie se comporte quand même très bien.

(11 h 30)

C'est sûr, M. le Président, que je suis aisément d'accord avec le député d'Argenteuil pour dire que l'industrie de la construction est une industrie réglementée, je dirais même surréglementée. Mais pourquoi on en est là? C'est parce que ce régime, c'est le régime des parties. Les employeurs comme les syndicats n'ont pas l'air à trop détester la situation actuelle, puisqu'ils ont une industrie très réglementée et ils s'en accommodent. Mais ce que je peux dire au député, par exemple: le jour où les parties – on va s'asseoir et on va en discuter, de ça – voudront un peu plus de souplesse, ou si elles veulent faire entrer de l'oxygène dans la machine, vous comprendrez bien que je serai d'accord avec elles puis on s'entendra sur les modalités.

Le régime de négociation – le député d'Argenteuil l'a évoqué – je n'ai jamais prétendu, moi, M. le Président, que ce régime-là était parfait et qu'il était garanti pour l'éternité. C'est un régime qui est là, oui, il a ses temps forts et il a ses temps faibles, mais j'accepterais volontiers, un jour, qu'on revoie les mécanismes de ce régime-là pour voir s'il n'y aurait pas lieu d'en arriver à un mécanisme beaucoup plus souple, beaucoup plus simple aussi, beaucoup moins légaliste et beaucoup moins surréglementé.

M. le Président, j'aimerais dire au député d'Argenteuil, pour le consoler un peu, parce qu'il accusait tout à l'heure le gouvernement – puis, à travers le gouvernement, évidemment, il essayait de me rejoindre – de s'être traîné les pieds dans le dossier. J'aimerais lui dire que, d'abord, dans l'industrie présentement on procède à un examen extrêmement sérieux qui s'appelle la révision de tous les métiers de l'industrie. Ça, ça devrait lui faire plaisir. Il m'en a parlé à quelques reprises. Alors, je l'informe aujourd'hui que nous avons un beau document sur la table, qui s'appelle le rapport Gaul, qu'on est en train d'examiner à la CCQ, et que bientôt on aura l'occasion de le rencontrer, d'ailleurs, pour lui faire état de la situation, parce qu'on n'a rien à cacher, on n'a rien à cacher dans nos travaux.

Je terminerai mes remarques, M. le Président, en disant que, oui, ça n'a pas été facile d'en arriver à un consensus sur le dépôt du projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui. Je voudrais signaler au député d'Argenteuil que les choses sont parfois simples à dire, mais pas toujours faciles à faire. Il a fallu être patient, mais on y est arrivé. Et si on dépose ce projet de loi aujourd'hui... je voudrais quand même le dire en toute simplicité, mais aussi en toute honnêteté pour le député, c'est que, n'eût été la collaboration de l'opposition, il aurait été impossible de déposer notre projet, il aurait été impossible d'en débattre aujourd'hui et de tenter de l'adopter. Et, en cela, je suis redevable au député d'Argenteuil, à sa grande compréhension, et également à la compréhension de son collègue de Saint-Laurent avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter et qui, en somme, sur le principe... Sur le principe, et c'est ce qui est important, on va regarder les modalités tout à l'heure, et j'ai bien hâte qu'on le fasse; mais, sur le principe, l'opposition et le parti au pouvoir s'entendent pour libérer enfin cet argent-là et remettre aux travailleurs ce qu'ils sont en droit d'avoir depuis cinq ans.

Vous admettrez avec moi qu'il y a quelques ministres qui se sont cassé les dents là-dessus, et je suis quand même fier aujourd'hui qu'on franchisse une étape et qu'on passe à autre chose. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Le principe du projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, à cette étape-ci, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Jolivet: Je fais donc motion, M. le Président, pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée? Adopté. Alors, nous allons suspendre les travaux quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 40)


Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Alors, conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour faire l'étude détaillée du projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction.

Il y a souvent des remarques préliminaires qui sont possibles. Vous venez d'exposer vos idées sur le principe. Est-ce que vous seriez prêts à ce qu'on commence par le premier article immédiatement?

M. Beaudet: Non.

M. Rioux: Oui.

Le Président (M. Brouillet): Non? Vous voulez faire quelques remarques?

M. Beaudet: Des remarques préliminaires.

Le Président (M. Brouillet): Bon, c'est très bien. M. le ministre, est-ce que vous voulez faire quelques remarques, et puis après ça M. le député?

M. Beaudet: Je suis sûr que le ministre a des remarques préliminaires. J'en suis sûr.

M. Rioux: M. le Président, j'en aurais une, remarque préliminaire.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.


Remarques préliminaires


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Je voudrais demander au député d'Argenteuil s'il a lu les journaux aujourd'hui et s'il a réfléchi sur le texte qui a été publié sur la santé économique de l'industrie de la construction. C'est assez intéressant. La construction reprend, au Québec, de plus belle. Alors, Le Soleil en fait état et Le Devoir également, de Montréal.

Mais ce n'est pas là l'essentiel de ce que j'ai à dire. Ce que je voudrais signaler aujourd'hui, c'est que, avec le projet de loi qui est devant nous, au fond, ce que le gouvernement veut faire par le biais de l'Assemblée nationale, c'est de faciliter les choses à l'industrie de la construction pour que les millions accumulés en formation puissent servir dans les meilleurs délais possible. Le gouvernement ne veut pas se substituer aux parties, le gouvernement veut juste faire une chose, c'est être un facilitateur qui permet aux parties d'utiliser l'argent versé pour la formation, à part évidemment le secteur de l'APCHQ où il n'y a pas de convention collective de signée, mais on espère qu'un jour il y aura convention collective de signée dans le résidentiel au Québec.

Mais ce que je voudrais souligner en terminant, c'est que le gouvernement, par cette loi-là, permet aux parties patronales et syndicales de l'industrie, permet également à la Commission de la construction du Québec d'agir au nom des parties, selon l'intérêt des parties et en fonction des conventions collectives qui ont été signées. C'est tout ça. C'est considérable, dans un sens, mais ce n'est pas plus que ça. Il ne faut pas prêter à l'État d'autres ambitions que celles qui sont inscrites au projet de loi. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. D'abord, il me fait plaisir de mentionner la présence de M. Mireault que nous retrouvons assis à l'arrière du ministre et qui est, de mémoire, un homme qui a contribué énormément à la négociation des ententes collectives et des différentes évaluations au Québec. Je suis heureux de voir qu'il a pris la décision de se joindre à l'équipe du ministre du Travail parce que je suis sûr qu'il va apporter une connotation de sagesse, avec toute l'expérience qu'il a acquise au cours des années dans le domaine des négociations et des évaluations des conflits de travail, et qu'il saura fournir au ministre des informations claires, des décisions que le ministre va sans doute endosser. J'espère que le ministre sera à l'écoute de son sous-ministre parce que la sagesse, on a souvent tendance à la reléguer de côté, de nos jours, et pourtant nous savons combien ça peut être très important.

Les peuples autochtones essaient de nous le dire et de nous le redire, combien la sagesse des personnes âgées dans leur société a une telle importance, et, avec l'expérience que M. Mireault amène avec lui au ministère, je suis sûr que ce sera un atout fort positif pour le ministre dans les mois et les semaines à venir où il vivra sûrement des choses un petit peu difficiles avec les négociations qui s'enclenchent.

Alors, je trouve ça un ajout important, bien que le départ de M. Boily doive être quand même regretté. Il avait fait un travail exceptionnel au niveau du ministère, et je suis sûr que nous allons tous regretter son départ. Mais il a décidé de son libre choix d'aller vers d'autres cieux, des cieux plus sereins, j'assume, moins controversés, et qui vont sûrement lui permettre de compléter une très belle carrière dans le milieu du service public.

Le but précis du projet de loi, M. le Président...

M. Rioux: Si M. le député d'Argenteuil me permet...

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, pour quelques... Ce sont des remarques pré-préliminaires.

M. Rioux: J'aimerais vous souligner que les sous-ministres Boily et Mireault ont traversé à peu près tous les régimes, et ce qui a marqué leur carrière jusqu'à ce jour ça a été sous le sceau de l'excellence qu'ils ont fait les choses. C'est des grands commis de l'État qui ne s'enfargent pas dans les barrières idéologiques. Ce sont des serviteurs de l'État, ils sont au-dessus des partis. Dans un sens, ils sont chanceux. Mais par ailleurs l'expertise qu'ils ont apportée dans la machine jusqu'à ce jour, c'est considérable. M. Boily, à compter du début janvier, occupera le poste de président de la Commission des normes du travail. C'est une bonne nouvelle. Il saura injecter ce qui nous manque parfois à la Commission, c'est-à-dire beaucoup de transparence et un souci d'informer le public, les travailleurs et les entreprises sur les valeurs inestimables de cette Loi sur les normes du travail.

Quant à Réal Mireault que je connais depuis très longtemps, vous comprendrez bien que je suis ravi de le voir intégrer l'équipe du ministère du Travail. Et c'est vrai, ce que disait le député d'Argenteuil, ce sont des hommes qui ont acquis une expérience très vaste et en plus ils sont des sages. Bien, pas dans tout, là – les connaissant un peu – mais en matière de relations de travail, ce sont des hommes d'une très grande qualité.

Je voudrais vous présenter également M. Vachon, qui est ici, des services juridiques du ministère, Mario Saint-Laurent qui fait office de backbencher ce matin et qui est du cabinet du ministre du Travail. Alors, on est prêt à procéder.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, pour terminer vos remarques préliminaires, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, je n'avais pas terminé mes remarques préliminaires. Moi aussi, je voudrais vous présenter mon recherchiste, M. Archambeault; en fait, nous formons équipe. Étant un spécialiste du domaine du travail, moi étant novice dans ce secteur, j'ai grandement profité de son expérience, de ses sages conseils, d'ailleurs, et de son support tout au cours de ces mois et je tiens à l'en remercier publiquement. Ça fait des années que M. Archambeault oeuvre dans le domaine du travail, des négociations de travail et des conflits de travail, alors, son apport m'a été d'un grand secours au cours de toutes les démarches avec le ministère du Travail depuis que je suis critique officiel, depuis le mois de mars 1997, et particulièrement à chaque occasion où nous avons eu à débattre d'un projet de loi.

Dans le Fonds de formation, puisque c'est ce qui nous concerne ce matin, le projet de loi n° 400, le but du Fonds est un élément très précis, c'est de s'assurer que la main-d'oeuvre a une formation appropriée, main-d'oeuvre qui doit faire face à de nouveaux matériaux, de nouveaux équipements, de nouvelles technologies. Et, Dieu sait, que nous qui sommes bricoleurs à nos heures, on retrouve toutes sortes de nouveaux équipements, de nouveaux matériaux qui nous sont proposés lorsque nous allons magasiner pour acheter une simple serrure. Puis là on se fait dire: Ah! bien non. Il y a de nouvelles serrures, maintenant. Vous n'avez plus besoin de clé. Si vous la perdez, bien vous n'aurez pas de problème, vous avez un bouton pressoir puis vous faites votre code. Oui, mais mon code... Ah! il n'y a pas de problème, vous pouvez changer votre code. Alors, c'est une nouvelle technologie à laquelle nous sommes confrontés et à laquelle les travailleurs, évidemment qui la connaissent, eux, aujourd'hui, ont dû faire face à un moment donné.

(11 h 50)

Bon, il y a des nouveaux équipements aussi, des nouveaux matériaux d'isolation, etc. On pourrait continuer, la kyrielle est sans fin. Et je pense qu'il est important que les membres ou la main-d'oeuvre du domaine de la construction soient bien au fait de tous ces nouveaux éléments, que ce soit aussi – on a parlé des matériaux, des équipements, de la technologie – les mesures de sécurité au travail auxquelles ces gens-là doivent faire face et auxquelles ils doivent s'adapter. Vous savez, moi, je connais des endroits où les gens ne veulent pas du tout porter de chapeau de sécurité. Pourtant, il y va de leur bien-être. Alors, il faut qu'il y ait une diffusion qui soit faite. Ça fait partie de la formation des gens du travail de s'assurer qu'ils puissent bénéficier des meilleurs atouts pour les protéger. Des fois, on doit le faire à contrecoeur, mais il faut qu'eux soient mis au courant, et c'est une partie de ce que le Fonds devra faire.

Les partenaires, M. le Président, ont tous évalué le projet de loi, tel qu'il nous est présenté ce matin, et l'ont tous vu. Nous avons contacté chacun et obtenu leurs commentaires, leurs craintes, leurs hésitations devant certaines imprécisions du projet de loi. Et, que ce soit l'ACQ, la FTQ, le Conseil des métiers, l'APCHQ, la CSN, tout le monde a émis des commentaires, mais souhaite ardemment que ce Fonds, qui est versé dans un but très précis, c'est-à-dire de participer à la formation de la main-d'oeuvre, des travailleurs de la construction, que ce Fonds soit enfin, finalement, libéré.

Alors, les travailleurs ont des besoins importants. Il y a une évolution qui s'est faite dans l'industrie de la construction. La main-d'oeuvre, elle ne rajeunit pas, et vous comprendrez pourquoi elle ne rajeunit pas, M. le Président. Nous avions, nous du Parti libéral, lorsque nous étions au pouvoir, mis en place la loi 142 que je mentionnais tantôt, qui nous a valu du plastrage pendant une campagne électorale et qui a été remplacée par la loi 46, la loi 46 qui a favorisé l'isolement des jeunes dans le marché de la construction. C'est de plus en plus difficile pour les jeunes d'entrer dans la main-d'oeuvre de la construction à cause de la loi 46 qui a été mise en place, laquelle loi favorise le travail au noir, ce que nous avions tenté d'éliminer, tenté de limiter – «éliminer» est peut-être un bien grand mot, mais, en tout cas, de le limiter.

Et, malheureusement, le gouvernement du Parti québécois est arrivé avec sa Loi n° 46 qui, elle, j'allais dire maintient le travail au noir. Ce n'est pas le maintenir, ça le favorise. Et ça, c'est regrettable, et ça devrait être revu éventuellement, que, dans la loi n° 46, l'on puisse revoir et implanter des mesures qui favorisent la diminution sinon la disparition du travail au noir, mais aussi, en même temps, favoriser l'entrée de jeunes dans le travail et qu'ils puissent participer au maintien de la construction parce que, éventuellement, on n'aura plus de travailleurs de la construction, il n'y a pas de jeunes qui entrent. Alors, ça, ça m'apparaît des éléments importants.

On sait qu'il n'y a pas de convention collective encore de négociée dans le secteur résidentiel depuis 1995, début 1996 – ça fait près de deux ans – et ça, c'est difficile à digérer, et le ministre devra s'y attarder. Je comprends que ça ne fait pas partie du projet de loi n° 400, mais ça fait partie des conditions de travail de tous ces gens-là et c'est un des problèmes que j'ai soulevés tantôt dans l'adoption de principe et auquel le ministre devra s'adresser dans les mois qui viennent sans tarder parce que, plus on retarde, plus la condition va pourrir et plus les conditions de travail vont se détériorer. Alors, je pense qu'il est souhaitable que le ministre regarde non seulement le problème que nous allons solutionner aujourd'hui – je l'espère, s'il finit par l'adopter, nous allons solutionner un problème – mais tous les autres problèmes qu'il reste à régler. Et, oui, on peut s'encenser, dire qu'on va régler un problème, mais il ne faut jamais oublier tous ceux qui restent. Je vous remercie.


Étude détaillée

Le Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Nous allons entreprendre l'article 1. Si vous voulez, je peux lire rapidement l'article, et, après, vous ferez les commentaires appropriés. Ça va permettre à tout le monde de saisir un peu l'article, d'abord, avant d'entendre les commentaires.

À l'article 1, la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre est modifiée par l'insertion, après l'article 64.1 édicté par l'article 53 du chapitre 74 des lois de 1996, du suivant:

«64.2 Les contributions payées au cours de l'année 1997 par un employeur de l'industrie de la construction au fonds du Plan de formation établi par l'article 2 du Décret modifiant le Décret de la construction, adopté par le décret 1883-92 du 16 décembre 1992, ou à un fonds de formation institué par une convention collective de travail en vigueur dans un secteur de l'industrie de la construction sont prises en compte dans le calcul de sa participation au développement de la formation de la main-d'oeuvre pour l'année 1997.

«La Commission de la construction du Québec émet à cette fin, dans les deux premiers mois de l'année 1998, des relevés des contributions payées à ces fonds par les employeurs de l'industrie de la construction au cours de l'année 1997.

«Pour l'application de l'article 11, les contributions payées à ces fonds au cours de l'année 1997 sont assimilées à des dépenses de formation admissibles.»

Alors, M. le ministre, vous avez des commentaires, des présentations?

M. Rioux: Oui, M. le Président. Si on se réfère, par exemple, à l'article 64.1 qui a été voté comme disposition l'an passé pour épargner les employeurs de l'industrie de la construction de payer deux fois une cotisation aux fins de formation, on a gardé le même libellé, au fond, pour le 64.2 qui apparaît ici, que le 64.1 de l'an passé.

Ce que je voudrais préciser aussi, c'est que cet article a pour objet de faire en sorte que les contributions de 0,20 $ l'heure travaillée versées en 1997 par les employeurs de l'industrie à tout fonds de formation existant dans cette industrie, ça soit pris en compte dans l'application de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, même si aucun déboursé pour les activités de formation n'a été effectué à même ce fonds. C'est important de bien comprendre ça. Dans le contexte du déblocage imminent du Fonds de formation de 1992 relié au désistement de l'APCHQ, cette mesure d'exception est proposée, et, nous l'espérons tous, ça va être pour la dernière année, hein? Avec la loi que nous votons aujourd'hui, M. le Président, c'est qu'on n'aura plus à revenir, dans les années à venir, pour épargner aux employeurs de l'industrie de cotiser deux fois.

Ce qu'il est important aussi de retenir – et vous y avez fait allusion pendant la lecture – c'est que, en ce qui a trait à l'article 11, les contributions qui ont à être versées au fonds, si par hasard il y avait excédent, si le 20 % représentait un excédent, bien, cet excédent-là serait reporté à l'année suivante. C'est-à-dire, s'il y a un excédent en 1997, ce sera reporté pour 1998 de sorte que l'argent ne se perde pas et qu'on puisse l'utiliser à bon escient. Donc, c'est un article important. On prévoit une mesure d'exception, c'est sûr, mais ça règle, au fond, la contribution que doivent payer les employeurs en 1997 dans l'industrie au plan de formation.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui. Merci, M. le Président. Vous savez, ça soulève plusieurs interrogations qui sont mineures, mais qui sont quand même présentes. Le ministre nous dit: On vient avec l'article 64.2 qui est exactement le même que 64.1 de l'an dernier, sauf pour changer l'année. On pourrait dire simplement: Est-ce qu'on va revenir à tous les ans faire une loi d'exception pour le secteur de la construction? Alors, pourquoi, dans le projet de loi 90, on n'a pas prévu d'emblée l'exclusion de l'industrie de la construction de la loi 90, l'éliminant de ne pas payer ou lui permettant de ne pas payer le 1 % de la formation parce que le 0,20 $ de l'heure travaillée équivalait à peu près à 1 %?

(12 heures)

Moi, je comprends mal qu'on doive revenir année après année pour exclure le secteur de la construction par un projet de loi. L'année prochaine, ça va être l'article 64.3, en changeant l'année, puis on va répéter à tous les ans. On a autre chose à faire que de venir passer une loi juste pour dire: On vous exclut puis on va le faire tous les ans. On «pourrait-y» régler ça une fois pour toutes? Ou il y a une exclusion permanente de sorte que le secteur de la construction... ou on dit: Vous ne versez plus votre 0,20 $ de l'heure puis vous êtes soumis à la même loi que tout le monde, c'est-à-dire la loi 90 telle qu'elle a été présentée par la ministre, et à ce moment-là c'est l'équivalent, 0,20 $ ou à peu près, 1 %. Ou bien donc qu'on les exclue du 1 % puis qu'on dise: Vous, vous allez payer le 0,20 $.

Le ministre nous a mentionné: S'il y a un surplus, on va le transférer à l'année suivante. Qu'arrive-t-il s'il y a une insuffisance? Parce que le 0,20 $... on sait que le salaire moyen de l'industrie actuellement, c'est à peu près 20 $ de l'heure. Il y en a que c'est plus, il y en a que c'est moins. Alors, si on pense que c'est 20 $ de l'heure, 0,20 $, c'est 1 %. Mais si, dans trois ans, le salaire horaire moyen est rendu à 25 $ puis qu'on est toujours à 0,20 $, ce n'est plus 1 %. Alors, les autres secteurs dans l'industrie, en dehors de l'industrie de la construction, vont se plaindre qu'il y a une iniquité, parce que la construction va payer moins que le 1 % auquel eux sont soumis, dans d'autres secteurs, les entrepreneurs.

Alors, je me dis: Pourquoi procéder année après année par des exceptions? Pourquoi ne pas procéder une fois pour toutes à un règlement clair, précis qui les exclut complètement du 1 %? Ou leur dire: Bien, écoutez, comme tout le monde, votre entente de 0,20 $, dans vos négociations que vous allez entreprendre dans quelques mois, négociez-la; il n'y en aura plus de 0,20 $, vous allez être soumis au 1 %. Alors, ils vont s'entendre entre eux pour abolir la contribution de 0,20 $ de l'heure, mais ils auront l'obligation, comme tous les autres secteurs des entreprises, à contribuer 1 %. Et, à ce moment-là, on ne fera pas de loi d'exception, on n'aura pas une loi qui se prête à des coupures partout: Ah! bien, lui, on va l'enlever de là. Ah! bien, lui, on peut l'enlever. On va avoir une loi égale pour tout le monde et équitable.

Et d'autant plus équitable, M. le Président, parce que... Et je disais tantôt: Par une décision volontaire, les gens de la construction ont accepté de verser à un fonds de formation, bien avant que la loi de Mme Harel arrive, ils ont accepté spontanément et volontairement de verser à un fonds de formation tellement ils y croyaient. La loi, maintenant qu'elle est présente, pourquoi essaie-t-on de faire une exception pour dire: Bien, écoutez, on vous exclut de la loi, mais vous versez déjà votre 1 %. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne leur dit pas, dans la convention qu'ils vont bientôt négocier, qu'ils vont entreprendre très bientôt: Vous ne négociez plus votre 0,20 $ l'heure, vous allez être soumis d'emblée au 1 % comme tout le monde; alors, vous allez continuer à verser l'équivalent d'à peu près 0,20 $, sauf que je ne ferai pas de loi d'exception année après année. Parce que ça va se répéter. Là, on est en 1997 puis on leur donne une loi d'exception pour 1997, mais, au mois de décembre l'an prochain, M. le Président, on doit revenir pour une autre loi d'exception, pour dire: Bien, là, on vous exclut pour l'année 1998, tout en sachant d'avance qu'on se prépare pour le 64.4 en l'année 1999, parce qu'il faudra revenir pour à nouveau les exclure.

Assurons-nous donc de leur transmettre un message clair: Dans vos négociations, enlevez le 0,20 $ de l'heure comme contribution au Fonds de formation, puis vous aurez l'obligation, comme toutes les entreprises au Québec avec un minimum d'employés mais qui évoluent dans les années, les mêmes obligations de verser votre 1 %. Alors, ça devient équitable, on ne fait pas des lois d'exception à tout bout de champ, puis je pense que tout le monde se sent mieux traité, puis ça évitera de se prêter à une disparité. C'est-à-dire, si on n'augmente pas le 0,20 $ de l'heure, le ministre devra revenir pour leur dire: Écoutez, là, votre 0,20 $, ça ne marche plus, parce que là ce n'est plus 1 %, vous allez devoir l'augmenter. Comment est-ce qu'il va leur donner ça? Il va être obligé de passer une autre loi pour leur dire: Écoutez, le salaire moyen dans l'industrie de la construction, c'est rendu 25 $, donc c'est 0,25 $ de l'heure travaillée. Puis on va être obligés de revenir ici pour passer une autre loi.

Alors, j'aimerais entendre le ministre là-dessus, sur ces différents commentaires. C'est évident qu'on ne réglera pas ça aujourd'hui ici, mais je pense qu'il y a des messages clairs qui peuvent être transmis aux partenaires pour leur dire: Écoutez, vous êtes en train de vous préparer à négocier, assurez-vous donc qu'au lieu d'avoir le 0,20 $ de l'heure vous envisagiez de vous soumettre au 1 % de la loi n° 90, tel qu'elle s'applique à tout le monde, pour qu'on n'ait pas, nous, à revenir à chaque année faire une loi d'exception.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, oui, je comprends très bien le sens de l'intervention du député d'Argenteuil. Cependant, il y aurait peut-être deux, trois choses à préciser. Rappeler, par exemple – je ne sais pas s'il y en a qui vont s'en souvenir; sûrement que MM. Mireault et Boily vont s'en souvenir – c'est qu'en 1986 l'industrie de la construction a arraché de haute lutte le fait d'avoir un régime particulier. En matière de formation, moi, je l'ai toujours dit, l'industrie de la construction a fait preuve d'une exemplarité assez spectaculaire. Ils se sont pris en main. Puis le gouvernement de l'époque a reconnu, après les batailles qui ont été menées par l'industrie, que, oui, ils étaient suffisamment sérieux pour assumer leurs responsabilités.

Souvenez-vous, M. le député d'Argenteuil, puis votre collègue va s'en souvenir aussi, puis tout le monde ici, moi, je me souviens, au Sommet de 1993, l'industrie avait une unanimité assez frappante quant à la possibilité pour eux de non seulement se prendre en main, mais dire: On va gérer nous-mêmes puis on va développer nous-mêmes notre modèle de formation. Le député revient souvent sur l'idée de passer une loi à chaque année pour faire en sorte que les employeurs n'aient pas à cotiser deux fois. Vous le savez, M. le Président, puis le député d'Argenteuil le sait très bien, c'est que, si on est obligé de venir à deux reprises, c'est parce que le Fonds était bloqué, et c'est pour ça qu'il fallait faire en sorte que les entreprises ne soient pas pénalisées. C'est bien beau, investir dans la formation, mais il ne fallait quand même pas être pénalisé. C'est pour ça que, l'an passé, on a passé une loi pour les soustraire à cette obligation.

Maintenant, là, je sens bien que le député d'Argenteuil m'envoie le message suivant, et il envoie le message, au fond, à tout le monde en disant: Il faudrait dire dès maintenant à l'industrie que désormais ils vont vivre sous l'empire de la loi n° 90 de ma collègue Mme Harel. Non. Moi, ce que je ne voudrais pas que l'on fasse, je ne voudrais jamais que l'on intervienne dans les conventions collectives. Ça, c'est leurs affaires. On leur a reconnu ça. Si le 0,20 $ ne correspond pas au 1 %, hein, il y a des ajustements qui doivent se faire, c'est sûr. Il est vrai que le 0,20 $ peut ne pas correspondre tout à fait au 1 %, mais l'obligation de compléter le 1 % est quand même là.

Par exemple, je vais vous souligner une chose, M. le député, qui est intéressante pour notre compréhension à tous. Supposons, par exemple, et ma collègue évoquait ça l'autre jour, Mme Harel: Tous les travailleurs qui ne sont pas couverts par les conventions collectives, qu'est-ce qu'on fait avec eux en termes de formation? Bien, c'est justement l'écart entre le 0,20 $ l'heure et le 1 % qui fait qu'on a de l'argent pour investir dans la formation des gens qui sont des cadres ou des gens qui sont des techniciens, ou des ingénieurs, ou du monde comme ça. Alors, il n'y a personne d'oublié, au fond. Il y a de l'argent pour la formation de ce monde-là.

Alors, pour clore là-dessus, dans le contexte du déblocage du Fonds de 1992, parce que l'APCHQ a décidé de retirer, au fond, sa cause devant les tribunaux, bien, c'est la dernière année, là, et là le député doit le comprendre très clairement, c'est la dernière année qu'on légifère pour les exempter. On n'a pas le choix, sinon on les pénaliserait. Et ce n'est le goût de personne de pénaliser les employeurs de la construction, qui ont manifesté jusqu'à maintenant une volonté nette de faire de la formation et d'investir de l'argent et d'investir beaucoup dans la formation.

Alors, c'est pour ça que je disais dans mon intervention devant l'Assemblée tout à l'heure qu'au fond c'est un grand jour pour eux autres. Mais c'est un grand jour pour nous autres aussi. C'est un grand jour pour notre industrie.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: J'aimerais avoir un éclaircissement de la part du ministre. Je comprends ce qu'il me dit là: On ne reviendra pas ici à tous les ans, là. Alors, s'il me dit qu'on ne vient pas ici à tous les ans, est-ce qu'il peut me dire ce qu'il va faire avec les contributions en 1998? Parce que dans le projet de loi c'est marqué pour l'année 1997. Alors, on dit que la contribution au Fonds est une dépense admissible, comparativement au 1 % pour la formation. Bon. J'accepte ça. Mais c'est bien dit «en 1997». Qu'advient-il en 1998 pour les dépenses qui seront versées, c'est-à-dire le 0,20 $ de l'heure versé au Fonds de formation, alors qu'ici on dit bien: C'est 1997.

(12 h 10)

Alors, est-ce que le «1997» est essentiel dans l'article ou s'il ne faudrait pas plutôt reformuler le paragraphe en disant: «Les contributions payées à ces fonds au cours des années sont assimilées à des dépenses de formation admissibles»? Et, à ce moment-là, on n'aura pas besoin de revenir en 1998 pour dire: Bien, là, on vous exclut puis, en même temps, non seulement on vous exclut, mais on vous dit que vos dépenses, en 1998, pour le Fonds de formation ou ce que vous avez versé, c'est-à-dire le 0,20 $ de l'heure, bien, c'est admissible à l'impôt pour fins fiscales. Mais, si on marque «1997», on s'attache, alors que, si on ne marque pas d'année, bien là on n'a pas l'obligation de revenir pour respécifier, année après année, 1998 ou 1999. Pourquoi revenir en 1998 pour dire: Écoutez, dorénavant, c'est admissible? Pourquoi on ne le dit pas maintenant? Enlevons le «1997».

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Rioux: Oui, M. le Président. C'est que, le Fonds étant débloqué, on peut présumer qu'il y aura des dépenses en formation pour 1998, hein? Le Fonds est débloqué. On va s'en servir. Il va y avoir des programmes d'élaborés, il va y avoir des priorités d'établies en formation, et on est sûrs qu'il va s'en faire. Et, en cela, on respecte l'article 12, hein: Les contributions payées au cours d'une année par un employeur de l'industrie de la construction à un fonds de formation administré par la Commission de la construction en application de la loi sur les relations du travail et la formation professionnelle sont prises en compte dans le calcul de sa participation au développement de la formation, à la condition qu'il y ait des déboursés qui aient été faits.

Alors, ce que je viens de dire au député, M. le Président, c'est que je prends honnêtement pour acquis que, le Fonds étant débloqué, il y aura des déboursés, il y aura des plans de formation et il y aura de l'argent d'investi. Donc, on est corrects. Je ne sais pas si ma compréhension est claire, mais M. Vachon pourrait peut-être ajouter, s'il a le goût, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. Vachon, si vous voulez ajouter quelques explications.

M. Vachon (Pierre-Yves): Oui, M. le Président. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'article 64.1 qui, l'an dernier, a été introduit dans la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, tout comme l'article 64.2 qu'il vous est proposé d'introduire cette année, sont des mesures d'exception qui sont uniquement reliées au fait que, en raison du gel du Fonds de formation de 1992, il n'a pas pu y avoir de déboursés de faits à même ce Fonds au cours des deux dernières années.

Cette situation devrait changer l'an prochain, dans le contexte du déblocage dont le ministre a parlé, de sorte que ce sont les règles générales de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre qui s'appliqueront. Et une des règles générales, c'est que les contributions des employeurs de la construction à un fonds de formation institué dans l'industrie de la construction sont prises en compte dans le calcul de son 1 %, pourvu qu'il y ait eu des déboursés pour des activités de formation de faits au cours de l'année concernée.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Beaudet: Si je comprends bien, c'est le fait qu'à partir du Fonds maintenant on va pouvoir utiliser des sommes d'argent pour participer à une formation quelconque. Advenant que la somme d'argent utilisée au cours d'une année n'est pas l'équivalent des sommes versées, est-ce que ne sera admissible à la déduction fiscale que la partie qui sera dépensée ou la partie contribuée? Parce que, là, si je comprends bien, vous reliez la déduction fiscale au fait qu'il y a une dépense. Le Fonds, assumons que c'est 15 000 000 $ ou 20 000 000 $ par année, pour le besoin de notre discussion. Si on ne dépense pas 20 000 000 $, on en dépense 15 000 000 $, est-ce que l'entrepreneur qui contribue à 20 000 000 $ – quand je parle de «le», je parle de l'ensemble des entrepreneurs en construction – ne pourra déduire de sa fiscalité, comme contribution, que 75 % parce qu'il n'y aura eu que 75 % du Fonds de déboursé? Vous me suivez? C'est clair? O.K.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. Vachon.

M. Vachon (Pierre-Yves): En fait, dans le contexte que vous décrivez, si les déboursés de formation sont inférieurs au montant des contributions d'un employeur, l'employeur va bénéficier, aux fins de l'application de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, de la déduction de l'ensemble de sa contribution, parce que ce n'est pas lui qui conditionne le niveau d'activité de formation dans l'industrie de la construction. Il a contribué, disons, pour 1 000 $. Même s'il s'est dépensé 700 $ sur sa contribution, il va avoir le bénéfice de 1 000 $ parce qu'il a payé 1 000 $. C'est beau? Ça va?

M. Beaudet: Parfait. Ça répond à ma question.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, l'article 1 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 2: La Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction est modifiée par l'insertion, après l'article 18.14, de ce qui suit:

«Section IV. Autres comités.

«18.15. La Commission peut former tout comité pour donner suite aux dispositions d'une convention collective.

«Lorsqu'un tel comité s'occupe de la gestion d'un fonds institué par une convention collective, les dépenses reliées au fonctionnement du comité sont à la charge du fonds.»

M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, on a eu l'occasion d'en débattre ensemble, le député d'Argenteuil et moi, mais, au fond, l'article, ça vise essentiellement à habiliter la Commission de la construction du Québec à former tout comité requis pour donner suite aux dispositions des conventions collectives conclues dans l'industrie depuis un certain nombre de mois. Là-dessus, on a eu l'occasion d'en débattre et on s'est très bien compris.

Le projet de loi prévoit également que, lorsqu'un tel comité s'occupe de la gestion d'un fonds de formation institué par la convention collective...

Une voix: ...

M. Rioux: Oui, c'est ça. Ça peut être n'importe quel fonds, O.K.? Ça prévoit également que, lorsqu'un tel comité s'occupe de la gestion d'un fonds institué par la convention collective, ces dépenses-là de fonctionnement sont à la charge du fonds et non à la charge de la CCQ. Or, par ce dernier élément, par l'élément dont on vient de parler, on vise à faire en sorte que, s'il s'agit d'un fonds à portée sectorielle et non industrielle, le financement soit à la charge du secteur et non à la charge de l'ensemble de l'industrie.

M. le Président, j'aimerais ajouter, parce qu'il ne faut pas cacher ça, on sait que, lorsque le Plan du fonds de formation a été créé, en 1992, ce que l'industrie voulait, c'est que le Fonds soit dépensé «at large», toutes catégories ou secteurs confondus. Et c'était là une des revendications de l'APCHQ qui, elle, souhaitait que l'argent soit dépensé par secteur. Ça créait un petit problème et ça a créé un problème à ce point grand que l'APCHQ a contesté l'existence même du Fonds, et sa création et le processus conduisant à cette création. Alors, dans le paysage, il faut tenir compte de cette réalité-là aussi. On ne peut pas dire qu'il y a une unanimité féroce dans l'industrie pour dire: On va dépenser par secteur. Ce n'est pas ça, la réalité, mais il y a du monde qui, au nom de l'intérêt général, est capable de transcender l'aspect sectoriel et de dire: Oui, c'est tellement important qu'on débloque ce Fonds-là, on va voir comment les choses vont aller au cours des prochains mois, des prochaines années, puis on pourra réexaminer comment vont s'effectuer les travaux en matière de formation. Mais l'article, ça veut dire tout ça en même temps.

(12 h 20)

Remarquez, M. le Président, qu'il y a des gens plus compétents que moi pour faire de l'histoire en ce qui a trait à cette industrie, mais je dois vous dire que, après l'avoir suivie pendant 20 ans comme journaliste, il y a des souvenirs qui me remontent à l'esprit qu'on ne peut pas oublier et que le législateur ne doit pas oublier non plus. C'est important pour l'information du législateur, lorsqu'il décide, d'avoir un peu – comment pourrais-je dire ça – «l'inside story», un petit peu de recul sur le plan historique.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, c'est probablement l'article dans le projet de loi – évidemment, ce n'est pas un projet de loi très long – qui cause le plus d'inquiétudes, à cause des imprécisions. Le ministre nous parlait d'histoire, qu'il suit l'industrie de la construction depuis 15 ans, depuis 20 ans; c'est comme conduire son auto dans le rétroviseur, hein, il faut regarder en avant. Et en avant, ce qui inquiète les partenaires, les gens du milieu, c'est: Qui va siéger sur ces comités-là, comités qui vont être formés par la CCQ? Alors, qui, quand, comment, quoi? Qui va être présent sur ces comités-là? Est-ce que les différentes corporations vont pouvoir être représentées sur ces comités-là? Qui va décider qui va siéger sur ces comités-là? Ça, c'est un. Alors, j'ai mis plusieurs qui, quand, quoi, là.

L'autre élément qui m'inquiète un peu, puis c'est le ministre qui y a fait allusion, on dit «...la gestion d'un fonds institué par une convention collective, les dépenses reliées au fonctionnement du comité sont à la charge du fonds.» Vous comprendrez que, si on passe notre temps à aller au restaurant puis à prendre une bonne bouteille de vin, puis qu'on y va toutes les semaines, il ne restera plus rien dans le Fonds pour les travailleurs, puis c'est le comité qui va avoir mangé. Alors, est-ce qu'il y a des balises de mises? C'est important, ça, M. le Président.

Si on disait, exemple, dans la gestion du Fonds, il y a 10 %, comme on calcule dans une entreprise, grosso modo, 10 % pour l'administration, bon, j'accepte ça. Si on me dit – puis soyons généreux, là – 15 % du Fonds peut être utilisé à des fins de gestion par le comité, «fine», je suis prêt à regarder ça. Mais, quand on ne met pas de balises, on sait comment il est facile d'arriver à des excès. Alors, ça, ça m'inquiète, cette partie-là, la dépense de la gestion du Fonds qui va être comptabilisée au niveau du Fonds. Ça, ça m'inquiète parce que le comité peut vider le Fonds; ce n'est pas compliqué, là, il peut le vider. Alors, est-ce que la CCQ va exercer un rôle de surveillance au niveau des comités qui vont être formés – plusieurs comités, il n'y en aura pas juste un? Ça, c'est un. Puis qui va siéger sur ces comités-là et qui va les nommer, les participants à ces comités-là?

Parce qu'il ne faudrait pas qu'une iniquité de représentation se retrouve au niveau des comités, parce qu'à ce moment-là tout ce qu'on a voulu accomplir par la CFPIC, on va le laver. Et je ne pense pas que ce serait souhaitable d'éliminer les partenaires importants, exemple les corporations. Qu'est-ce qui me dit que les électriciens vont siéger à un de ces comités-là, ou les tyauteurs, ou je ne sais pas quoi, moi, tout le groupe de métiers spécialisés? Les patrons vont-ils être là? Est-ce qu'il ne va y avoir que des patrons? Tout ça, c'est nébuleux, ce n'est pas précisé, alors ça me laisse des questions et un questionnement important.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, j'aime beaucoup ce que soulève le député. Je pense qu'il faut se comprendre parce que sinon il peut y avoir un quiproquo entre nous assez impressionnant. Quant à la représentation des parties – la première chose que le député a soulevée – si les parties l'ont prévue à leur convention collective, c'est ça qui va s'appliquer. Si elles ne l'ont pas prévue, M. le député d'Argenteuil, c'est la CCQ qui va décider, parce que, à la CCQ, les parties sont représentées, hein, c'est clair. Si vous prenez la convention collective et vous regardez Administration du Fonds de formation, le petit texte est assez clair, c'est: «L'administration du Fonds de formation est confiée à la Commission de la construction du Québec, et la Commission va agir à titre de collecteur, de fiduciaire, de gestionnaire des fonds de formation, et un comité de gestion du Fonds de formation est formé de représentants des associations patronales et syndicales.» Alors, quand c'est prévu à la convention et que c'est la volonté des parties, c'est ça qui s'applique. S'il n'y a pas de disposition de prévue, ça va être la Commission qui va décider. Ça, c'est la première chose.

La deuxième, le député soulève toute la question des dépenses et des extravagances qui peuvent entourer ça. C'est une crainte correcte, ça, c'est légitime. Mais je n'aimerais pas voir le législateur se mettre les pattes là-dedans. C'est que c'est leur argent, M. le Président. C'est leur argent. C'est eux autres qui investissent dans la formation et c'est eux autres aussi qui décident comment tout ça va être géré.

Moi, ce que je souhaite, c'est que les gestionnaires, les représentants patronaux et syndicaux qui vont travailler sur ces comités aient la sagesse élémentaire de bien investir dans l'aspect gestion des fonds et de ne pas se lancer dans des dépenses somptuaires, comme on a déjà vu dans d'autres secteurs. Je pense que c'est des gens suffisamment sérieux et, moi, j'ai tendance à leur faire confiance.

M. le Président, ces personnes qui seront nommées pour gérer les fonds auront des comptes à rendre, hein, alors il va falloir qu'elles aient, elles aussi, un souci de transparence. Alors, en cela, tout en partageant un peu l'inquiétude du député, j'ai tendance à faire confiance aux parties. S'il y a des abus, on va les rejoindre par la loi R-20, à l'article 9, parce que «la Commission doit, au plus tard le 30 juin de chaque année, soumettre au ministre un rapport de ses activités pour l'année financière précédente». Et là je peux continuer la lecture de l'article 9: «Ce rapport doit faire état de l'utilisation faite de tout fonds de formation administré par la Commission en vertu du paragraphe 9° de l'article 4, le cas échéant, et contenir, à cet égard, les renseignements que le ministre indique.» Alors, on est pas mal... Ça va?

M. Beaudet: Ça répond.

M. Rioux: Parfait.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Beaudet: Je pense que ça répond à la crainte que j'ai, parce qu'il faut quand même se souvenir que je ne suis pas le seul à soulever – je m'excuse M. le Président – cette inquiétude-là. Le Vérificateur général, en 1994, l'avait soulevée. Souvenons-nous des voyages à l'extérieur du Québec à grands frais et qui avaient été faits par des gens de la CCQ. Ça a sorti. Alors, ce n'est pas une crainte personnelle qui m'est uniquement réservée, là, c'est une crainte qui est partagée par d'autres personnes qui sont en meilleure position que moi, d'ailleurs, pour le vérifier et le critiquer.

Alors, je pense que, devant cette situation, j'étais légitimé de poser cette question-là. Vous y répondez par l'article 9 dans la loi R-20, qui répond à ça, parce que la CCQ doit faire rapport à l'Assemblée nationale non seulement de ses dépenses à elle, mais de tous les comités des fonds de formation. Bien, là, je pense que ça englobe cette situation-là.

Revenons maintenant, M. le Président...

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Une petite minute, M. le député. M. le ministre.

M. Rioux: Oui. Avant de clore là-dessus, parce que le député a soulevé une question importante, je lui dis que l'article 9 nous permet, permet au ministre de rattraper ceux qui pourraient être des délinquants. C'est vrai qu'il y a eu les folies de 1994, mais, en 1995, vous vous souviendrez qu'on avait ajouté à la loi 46 cette disposition-là. S'il y a un fleuron de la loi 46 qu'on doit retenir, c'est celui-là.

M. Beaudet: C'est le seul. Ha, ha, ha!

M. Rioux: C'est un fleuron.

M. Beaudet: C'est peut-être le seul fleuron de la 46, M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Il y en a au moins un, alors... Ha, ha, ha!

M. Rioux: Je n'ai pas à être d'accord avec les derniers propos.

M. Beaudet: ...à part d'avoir aidé le Parti québécois à prendre le pouvoir en nous faisant plastrer pendant la campagne électorale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Maintenant, est-ce que nous...

M. Beaudet: Non, ce n'est pas fini, je voudrais revenir...

Le Président (M. Brouillet): Nous poursuivons sur l'article 2? Très bien.

(12 h 30)

M. Beaudet: Je voudrais revenir, M. le Président, si vous me permettez, à la représentation syndicale. Alors, vous me parliez de la négociation qui était faite et de la convention collective. On sait que, avec les ententes entre syndicats récemment, les pourcentages de représentation vont changer un peu. Pas besoin de vous dire que ça va créer un petit peu de guerre, un petit peu de friction, un petit peu, en tout cas, d'engueulades et de tout ce qu'on pourra envisager. J'espère que ça se fera de façon civile et civilisée, mais je demeure quand même avec une inquiétude. Exemple, on a 51... Vous allez me dire: À 50 % plus un, c'est ça, la démocratie. C'est peut-être ça dans la loi, mais, moralement et éthiquement, je suis loin d'être sûr que c'est ça.

Et, dans une négociation où il y a une représentation syndicale à 51 %, qu'arrivera-t-il des autres 49 %? Est-ce qu'ils vont avoir une représentation, eux autres? Qu'arrivera-t-il de tous les métiers, là, le Conseil des métiers de la construction qui va être en infériorité un peu partout, sauf dans certains secteurs? Qu'arrivera-t-il? Est-ce qu'on ouvre une porte à de la guerre qui ne serait pas souhaitable, en tout cas à mon avis? Est-ce qu'il y a des mécanismes qui sont prévus? Est-ce que vous pouvez m'éclairer puis m'assurer qu'on ne s'en va pas dans un gouffre de batailles effrénées et sans fin dans les négociations qui s'en viennent? Parce que chacun va vouloir avoir son pouvoir, là. Parce que, toujours, à l'origine de toutes les guerres, c'est une question de pouvoir. Que ce soit en politique ou ailleurs, c'est toujours une question de pouvoir. Et je ne voudrais pas, moi, que le ministre soit en train de faire un cadeau de Noël à ses alliés traditionnels comme la FTQ.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: Oui. On pourrait épiloguer longtemps là-dessus. D'ailleurs...

M. Beaudet: Sur vos alliés traditionnels? Ha, ha, ha!

M. Rioux: Oui. Ha, ha, ha! Mais, vous savez, l'industrie a ses règles du jeu, qu'on connaît, et les périodes de maraudage donnent des résultats parfois, bon, surprenants. Au moment où l'on se parle, la FTQ-construction contrôle 39 %, à peu près, des adhérents. Le Conseil provincial en contrôle 33 %, ce n'est pas rien, le député a raison. Là, il évoque la nouvelle alliance qui vient de se créer dans l'industrie entre la FTQ-construction et la CSD, et la CSD contrôle 12 %, donc ça fait 51 %. Bon. C'est les règles du milieu, mais il ne faut jamais perdre de vue que le Conseil provincial des métiers de la construction a signé la convention collective. Ils sont partie prenante de la convention. Le député s'inquiète de leur représentation. Il a peut-être raison, mais je ne peux pas, moi, dire aux partenaires syndicaux de l'industrie comment se regrouper. Ça, ça relève d'eux, et c'est comme ça que ça marche dans ce milieu. C'est qu'il y a des maraudages, puis il y en a qui sortent gagnants, puis il y en a qui sortent perdants.

Et la nouvelle alliance, je dirais, entre la FTQ et la CSD, c'est sûr, j'ai eu l'occasion d'en parler avec M. Pouliot, du Conseil provincial, et je vous avoue honnêtement qu'il le prend dur. Mais il m'a ajouté cette phrase que j'ai trouvée magnifique. Il dit: Je respecte les règles du jeu de l'industrie et je souhaite bonne chance à mes collègues en espérant qu'ils fassent aussi bien ou mieux que ce qu'on faisait, nous, antérieurement. Alors, venant de M. Pouliot, qui n'est pas un être plus magnanime qu'il faut, il est quand même respectueux des règles parce qu'il a contribué à les établir.

M. Beaudet: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Beaudet: Oui, je comprends le respect de la démocratie, je voudrais juste rappeler à...

M. Rioux: J'ai dit magnanime vis-à-vis de ses partenaires, pas magnanime vis-à-vis...

M. Beaudet: Oui, mais...

M. Rioux: Il est magnanime vis-à-vis de l'ensemble de l'industrie. Ça, c'est correct.

M. Beaudet: Vous savez que la magnanimité, M. le Président, ça se limite souvent à peu de choses. Et on comprendra que, quand on parle de démocratie avec 50 % plus un, on voit ce que ça suscite déjà dans la population, quand on parle de référendum sur la séparation puis que, à 50 % plus un, ça va être correct, puis que là les gens commencent à parler de sécession, puis des batailles, puis des affrontements. Ce n'est pas ça qu'on souhaite. Bon. Mais, justement, parce qu'on parle de 50 % plus un, ça va amener à des affrontements. Vous savez, quand on est 50 % plus un puis qu'il y en a 49,9 % de l'autre bord, ça fait bien du monde qui s'affrontent, ça. Quand il y en a 80 % d'un bord puis 20 % de l'autre, il y en a un qui domine plus, et c'est plus facile. Bon.

Alors, c'est un petit peu la même chose dans les métiers. Quand je vois, moi, l'exemple – je veux juste donner quelques exemples – des chaudronniers, ils sont 98,58 % qui relèvent du Conseil provincial, alors qui va s'assurer, à l'intérieur du comité, que ces gens-là vont avoir accès à la formation?

M. Rioux: J'ai une réponse à ça, M. le Président.

M. Beaudet: C'est celle-là que je veux.

M. Rioux: J'ai une réponse à ça.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: Il reste que la FTQ, selon l'information que je possède, a conclu des ententes avec certains métiers qui relèvent du Conseil provincial des métiers de la construction. Je veux dire, la liaison ou le lien, est-ce qu'il est juridique, il est organique? Je ne sais pas, mais il y a certains gros syndicats qui relèvent du Conseil provincial des métiers de la construction qui ont l'assurance de la part de la FTQ qu'ils seront très bien représentés. Alors, est-ce que ça satisfait M. Pouliot? Il semblerait que oui. Mais je ne veux pas parler à sa place.

Et l'interrogation du député est correcte, mais il faut quand même vivre avec ce qui... Mais il se parle, ce monde-là. Il y en a qui croient que c'est la guerre entre eux autres, non, non, ils se parlent, ils négocient, ils ont des ententes formelles, informelles, ils ont des ententes de bonne foi, qu'ils respectent. Encore une fois, il faut leur faire quand même confiance.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, le ministre a raison quand il dit que ces gens-là se parlent, qu'ils échangent et qu'ils font des ententes. Il va admettre avec moi que ce n'est pas l'amour parfait. Il va comprendre ça. Je ne pense pas que ça soit l'amour parfait entre la FTQ et la CSN non plus. Je pense que c'est évident. C'est connu de tout le monde. Alors, oui, ils sont obligés, à un moment donné, de faire entente comme des gens sensés, des gens intelligents et qui voient le bien de leur métier. Ils finissent par prendre une entente.

Mais je reste quand même avec certaines inquiétudes quand je vois que 98 % des travailleurs chaudronniers relèvent du Conseil provincial, que 92 % des monteurs d'acier relèvent du Conseil provincial et que ces gens-là, peut-être, n'auront pas de représentation au sein du comité qui décidera de la répartition des fonds pour la formation, d'une part, et, d'autre part, qui vont non seulement décider des fonds, mais à quoi s'adressera la formation. Parce que ça aussi, c'est important. Ce n'est pas juste l'argent, il y a ce qu'on va enseigner ou sur quoi va porter notre attention. Ces gens-là, oui, il y aura peut-être des représentations qui seront faites avec les groupes majoritaires, et des ententes, mais, non, il n'y en aura peut-être pas pour certains. Et je ne voudrais pas que ces groupes-là soient laissés pour compte. C'est ça que j'aimerais savoir de la part du ministre: Est-ce qu'il a fait des provisions dans ce sens-là pour s'assurer que ces gens-là ne seront pas laissés pour compte parce qu'ils ne sont pas majoritaires?

M. Rioux: Le premier élément de réponse, je l'ai donné tout à l'heure. Ces très gros métiers et très importants métiers semblent avoir conclu une entente avec la FTQ aux fins de représentation. Mais j'aimerais attirer l'attention du député d'Argenteuil, et je pense bien que ça devrait le satisfaire, c'est que ces gens-là dont il parle, qui sont sous la houlette du Conseil provincial des métiers de la construction, M. le député, ils vont être représentés au CFPIC. Il ne faut quand même pas le perdre de vue.

M. Beaudet: Le CFPIC, M. le Président, n'a rien à dire au comité. Il a à dire à la CCQ, mais il n'a rien à dire au comité qui sera formé par la CCQ. Évidemment, je n'avais pas de tableau pour essayer de l'illustrer tantôt. Moi, je ne suis pas à la télévision avec le ministre quand il va à la télévision avec ses tableaux. J'ai essayé de représenter ça en triangle, avec trois secteurs: la CCQ, les comités qui seront formés par la CCQ, d'une part, et le CFPIC d'autre part. Deux lignes pleines entre le CFPIC et la CCQ, les comités et la CCQ, mais, entre le CFPIC et les comités, ça, c'est des pointillés. Ça, ce n'est pas évident. Il n'y a pas d'influence qui peut se jouer du CFPIC aux comités qui auront été formés par la CCQ. Il y en a directement à la CCQ, mais il n'y en a pas entre eux.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, on entre dans une ère nouvelle dans les relations syndicats-patronat quant à la formation. On aura une interface à créer, je n'en doute pas, mais ça va faire partie des ajustements qu'ils vont devoir vivre. Je réponds encore une fois que je ne peux pas changer les règles du jeu de l'industrie. Le maraudage a donné les résultats que ça a donné. La FTQ a décidé de se choisir un nouveau partenaire. C'est sûr que, à l'époque où la FTQ et le Conseil formaient à peu près 75 % ou 74 % en termes de représentation dans la construction, c'était un peu différent. Mais on va vivre, M. le Président, une nouvelle réalité à laquelle on va devoir s'habituer. Voilà.

Le Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, je comprends ce que le ministre me dit. J'aurais souhaité que, dans la démarche de la formation des comités par la CCQ, on obtienne la même représentativité qu'on avait au sein du CFPIC, ce qui n'est pas le cas. Parce que, là, on s'en va vers la convention collective, et c'est celle-là qui va primer. C'est ça qui m'inquiète parce que je ne voudrais pas voir des pans de murs complets de travailleurs isolés et ignorés parce qu'ils n'ont pas une majorité et, de ce fait, ne sont pas représentés, adéquatement en tout cas si représentés, au sein de ces comités-là.

(12 h 40)

Je comprends que c'est ça, le jeu de la démocratie. C'est ça, le jeu. Mais là on ne parle pas de démocratie, M. le Président, on parle de formation. Je comprends que le jeu de la démocratie, c'est ça, mais la formation, c'est autre chose. C'est des connaissances que je voudrais obtenir parce qu'il y a des nouvelles technologies, des nouveaux matériaux desquels je veux être informé, puis, peut-être parce que je n'ai pas la majorité, je vais rester dans l'ignorance. Il ne faudrait pas créer, à l'intérieur de l'industrie de la construction, ce qu'on essaie d'enlever dans nos écoles, M. le Président, où on veut donner accès à tous les enfants à toutes les connaissances au même niveau justement par souci de démocratie.

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: Je disais tout à l'heure que la représentation au sein du CFP est réelle, et je pense que les parties vont pouvoir se faire entendre. Mais sachez une chose, c'est qu'au conseil d'administration de la CCQ le Conseil provincial des métiers de la construction est là. Il y est représenté comme les autres partenaires, d'ailleurs, donc il aura un mot à dire. La crainte de voir des pans entiers ignorés, ça m'apparaît extrêmement difficile, connaissant un peu la dynamique du milieu. Je vous le dis, ils se parlent, mais, quand ça ne marche pas, ils se brassent, ce monde-là, ils sont habitués. Alors, moi, je leur fais confiance. Ça va?

M. Beaudet: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Beaudet: Je reste encore avec des craintes, des hésitations, mais la démocratie m'impose le respect de la convention collective qui aura été négociée par la majorité. Alors, elle devra voir à être représentée. Mais je reste quand même avec beaucoup de craintes là-dessus.

M. Rioux: Mais il y a quand même quelque chose d'assez intéressant dans les doutes qu'entretient le député d'Argenteuil. Je pense qu'il a lu attentivement Thivollier et qu'il l'a médité. Vous savez, ce célèbre livre, Toi qui cherches!... Toi qui doutes!... ça nous remonte à nos formations de jésuites.

M. Beaudet: Je voudrais laisser savoir au ministre que ne suis pas allé chez les jésuites, Ha, ha, ha!

M. Rioux: Dommage! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 2 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Nous passons à l'article 3: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 126.0.2, du suivant:

«126.0.3 La Commission applique toute disposition d'une convention collective qui prévoit le transfert, à un fonds de formation institué par cette convention collective, des sommes accumulées dans le fonds du plan de formation établi par l'article 2 du décret modifiant le décret de la construction, adopté par le décret 1883-92 du 16 décembre 1992.

«La Commission établit le montant à transférer sur la base de l'évaluation qu'elle fait des contributions versées au fonds du plan de formation au titre des heures de travail effectuées dans le secteur visé par la convention collective et des produits du placement des sommes correspondant à ces contributions, déduction faite des montants visés à l'article 92.1 qu'elle impute à ce secteur.»

M. le ministre.

M. Rioux: Alors, M. le Président, cet article vise à habiliter la Commission de la construction du Québec... Est-ce que je continue? Oui?

Le Président (M. Brouillet): Peut-être qu'on va attendre une petite minute, parce que, là... Bon, on va suspendre quelques secondes, et puis nous poursuivrons.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise à 12 h 47)

Le Président (M. Brouillet): ...nos travaux et je vous avais cédé la parole, M. le ministre. J'avais lu l'article 3, et nous sommes rendus à l'article 3, alors je vous cède la parole.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Bon. L'article 3, ça vise tout simplement à habiliter la CCQ à transférer, à tout fonds de formation institué par une convention collective, les sommes accumulées – ça, ça inclut le capital puis intérêts, etc. – dans le fonds de formation de 1992, celui qui a été créé en 1992, et provenant du secteur concerné par la convention collective. Alors, le transfert sera toutefois fait déduction faite aussi des frais d'administration que la CCQ est habilitée à imputer au secteur concerné par l'article 92.1 de la Loi R-20. Dès que ce projet de loi là, M. le Président, va être adopté, les transferts vont être faits par secteur, O.K, industriel, institutionnel et commercial, et génie civil et voirie, c'est-à-dire les trois conventions qui ont fait l'objet d'ententes entre les parties.

Là, vous allez me dire: Pourquoi cet article? Si on avait quatre conventions collectives dans l'industrie, on n'en aurait pas besoin, de cet article-là. Il nous en manque une, convention, c'est le résidentiel. Alors, ça explique la présence de cet article-là pour rendre les choses opérationnelles et permettre aussi au secteur résidentiel de ne pas être pénalisé. Très important. En tout cas, l'engagement qu'on a pu prendre vis-à-vis d'eux, c'est de dire: Dans le règlement du fonds de formation, l'APCHQ ne sera pas pénalisé outre mesure. Évidemment, on a hâte qu'elle signe, l'APCHQ, sa convention collective avec les syndicats. On a bien hâte. Mais ce n'est pas la réalité au moment où on se parle.

Pour ce qui est du résidentiel, qui n'est pas actuellement régi par une convention collective, alors la contribution de formation des employeurs de ce secteur-là va être maintenue dans un fonds, dans le fonds de 1992, jusqu'à ce qu'ils aient réalisé ce qu'on attend tous d'eux et d'elles, la signature d'une convention. Ce sera le bonheur à ce moment-là pour l'ensemble de l'industrie où chacun des secteurs aura droit à des dépenses de formation et à puiser dans le fonds de 59 000 000 $ ou 60 000 000 $.

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, le ministre vient de nous dire là que, si jamais on avait la convention dans le résidentiel, ce serait le bonheur parfait. Je vais vous dire, s'il fonde son bonheur sur une période de trois mois et demi, ce n'est pas très long. Parce que les trois autres conventions vont être échues le 31 mars. Ça ne fera pas un bonheur... Il ne pourra pas en jouir bien, bien longtemps.

M. Rioux: C'est mieux que rien.

(12 h 50)

M. Beaudet: C'est mieux que rien. Ah bien! il se satisfait de peu, je comprends ça.

M. Rioux: Est-ce que je peux rappeler au député d'Argenteuil que les bonnes choses sont courtes?

M. Beaudet: Les bonnes choses étant si rares, M. le Président, quand elles se présentent, on les goûte jusqu'à la dernière goutte. Dans le transfert des fonds, eu égard à la mobilité, exemple un travailleur qui travaille dans le résidentiel plusieurs mois et qui s'en va travailler dans le commercial plusieurs mois contribue aux deux, où est-ce qu'il va obtenir sa formation? Et où sa contribution à lui... Évidemment, je m'en vais sur un individu, je suis après séparer les morceaux, mais où la contribution qui a été faite, lui, va-t-il la recevoir?

M. Rioux: Le député s'inquiète du fait que les conventions collectives peuvent prendre fin en mars. Mais vous savez qu'il y a une beauté dans notre régime, hein, une convention collective demeure existante et bien efficace tant et aussi longtemps qu'il n'y en a pas une autre de signée ou que les conditions n'ont pas été changées par lock-out ou autrement. Donc, cette partie-là ce n'est pas trop, trop inquiétant, parce que, si on arrive à l'expiration des conventions collectives puis qu'ils n'en ont pas de nouvelles de signées, on ne peut pas dire que ce sera un drame pour le fonds de formation ou l'argent investi dans la formation.

Non, moi, je crois que ce qu'on va devoir surveiller au cours des prochains mois, c'est comment les parties prenantes dans l'industrie vont s'ajuster. Moi, c'est ça, qui m'intéresse au plus haut point. Même si le résidentiel n'est pas encore tout à fait dans la partie comme on le souhaiterait, il reste que ça va démarrer les choses, la machine va se mettre en marche, il y a un rodage qui va se faire. Je suis optimiste; sans être naïf, je suis optimiste. Et j'ai la conviction aussi que les représentants de l'APCHQ, qui sont quand même des gens sérieux, responsables, ne priveront pas très longtemps leurs travailleurs de formation. Ça aussi... Ils sont dans l'industrie comme tout le monde, ils sont partie prenante de l'industrie, on a intérêt à être compétitif. Vous savez que le secteur résidentiel, il t'a une concurrence féroce là-dedans! Alors, on a intérêt à avoir les meilleurs travailleurs, les mieux formés possible pour que les choses marchent rondement.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait m'éclairer sur: Est-ce qu'il y a une possibilité à un moment donné qu'une contribution différente soit demandée à un secteur par rapport à un autre? Exemple, le commercial va donner 0,23 $ puis le résidentiel va continuer à 0,20 $ – ou vice-versa, bon, c'est un exemple que je donne – est-ce que c'est quelque chose qui est du possible ou, à cause de l'entente qui est négociée avec la CCQ, ce sera un taux uniforme à l'ensemble de l'industrie?

M. Rioux: M. le Président, ce que dit le député d'Argenteuil est peu probable, mais c'est théoriquement possible. C'est possible qu'un secteur décide de mettre 0,23 $, 0,24 $ l'heure travaillée et qu'un autre décide de garder ça à 0,20 $, c'est très possible. Mais c'est peu probable en vertu de la culture du milieu et de la façon dont les choses se déroulent dans ce milieu-là. Mais la question est intéressante, comme toujours.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 3 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 4: «La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi).» Alors, cet article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Le titre du projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Ceci met fin à nos travaux en commission plénière. Je remercie toutes les personnes qui y ont participé. Et, afin de revenir en Assemblée, je vais suspendre quelques minutes et demander aux personnes qui doivent quitter de le faire, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 12 h 56)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

J'inviterais M. le député de La Peltrie à présenter le rapport de la commission plénière, s'il vous plaît.

M. Côté (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction, et qu'elle l'a adopté.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui. M. le Président, ça me prendrait le consentement des membres de cette Assemblée pour déroger à deux articles, l'article 230 et l'article 22, pour procéder immédiatement, en vertu d'une entente, à l'adoption finale de ce projet.


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement pour procéder immédiatement à l'adoption du projet? Très bien. Est-ce qu'il y aurait des interventions sur ce projet? M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: J'aimerais, M. le Président, en 30 secondes, adresser mes remerciements d'abord à l'opposition officielle, adresser également des remerciements et des félicitations aussi aux parties patronale et syndicale de l'industrie qui ont collaboré avec nous, avec moi, pour rendre possible la loi qui va être sanctionnée très bientôt. C'est un grand moment pour l'industrie, c'est un moment extraordinairement précieux pour les travailleurs de l'industrie de la construction au Québec, et, moi personnellement, j'aurais été très déçu qu'on ne puisse pas régler ce problème majeur à cette session-ci. C'est du bonheur pour l'industrie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Oui. Merci, M. le Président. C'est une journée mémorable parce que ça fait cinq ans que ce fonds destiné à la formation des travailleurs de l'industrie de la construction est gelé, gelé pour toutes sortes de tracasseries législatives ou autres mais qui ont privé tous ces travailleurs d'une formation à laquelle ils avaient droit, et ça, c'est très malheureux.

Maintenant, aujourd'hui je voudrais juste dire au ministre du Travail que, quand on lui présente un projet de loi qu'elle trouve positif, qui s'oriente vers la construction, l'amélioration de notre société ou d'un secteur donné de notre société, l'opposition officielle joue le jeu qui lui est donné, c'est-à-dire de s'assurer que le projet de loi répond aux demandes du milieu, répond au bien de la population et de la société en général, et on répond positivement à une telle démarche. Les échanges que nous avons eus, le ministre et moi, à ce sujet ont été fort positifs, et nous nous sommes entendus pour procéder rapidement au dépôt du projet de loi, à l'adoption du principe, à la discussion et à l'adoption article par article et, enfin, à l'adoption finale.

Alors, comme vous le savez, M. le Président, on a commencé, ce matin vers 11 h 30, il est 12 h 59 et vous m'indiquez que mon temps achève, alors vous me coupez. Moi, j'avais l'intention de parler au-delà d'une heure, mais je n'aurai pas le temps, vraisemblablement. Alors, je peux juste remercier le ministre de sa collaboration, du support de toute son équipe et aussi de mon équipe qui m'a supporté et m'a informé au cours de cette démarche, et remercier tous ceux qui ont participé de près ou de loin à l'entente que le ministre a pu négocier avec les partenaires.

Alors, je souhaite bonne chance au ministre dans son projet de loi et avec tout ce qui s'en vient dans la négociation de la construction. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Le projet de loi n° 400, Loi édictant diverses dispositions législatives relatives à la formation dans l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, il est 13 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président de l'Assemblée nationale, pour être dans le même optimisme que vous en ce vendredi après-midi où il est exactement 15 h 2 et nous devons continuer à travailler, alors je vous demanderais de bien vouloir considérer l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 184


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 5 de votre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 184? Alors, comme il n'y a pas d'intervention sur... Il y a une intervention. Très heureux de l'apprendre. Alors, M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: D'abord, M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Une voix: Il est bien bon.

M. Ménard: Ha, ha, ha! Elle est bien bonne, M. le député de Terrebonne. Non... Ha, ha, ha!

Alors, le projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges, que nous étudions aujourd'hui, ne concerne pas que la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales. En effet, le véritable objectif de ce projet de loi, comme nous le verrons, est de maintenir la confiance du public dans l'impartialité et l'indépendance de la magistrature et, donc, l'efficacité de notre système judiciaire.

Vous me permettrez, M. le Président, de dire quelques mots des quatre pourvois pour lesquels la Cour suprême du Canada a rendu jugement le 18 septembre dernier. Ces pourvois concernaient la rémunération des juges des cours provinciales de l'Alberta, du Manitoba et de l'Île-du-Prince-Édouard et, notamment, la validité de mesures législatives qui réduisaient la rémunération de ces juges provinciaux. Bien que le Québec n'ait pas été directement impliqué dans ces pourvois, la Cour suprême a étendu les principes qu'elle a dégagés à l'ensemble des juges nommés par le gouvernement fédéral par les provinces et par les Territoires. De fait, la Cour suprême est venue fixer les nouveaux paramètres de la dimension institutionnelle ou collective de la sécurité financière des tribunaux, sécurité financière qui, comme vous le savez, est l'une des caractéristiques essentielles de l'indépendance judiciaire. Dans son arrêt du 18 septembre 1997, arrêt fort étayé puisqu'il comporte plus de 200 pages, la Cour suprême a donc statué que la dimension institutionnelle de la sécurité financière comprend trois éléments.

Premièrement, la rémunération des juges, c'est-à-dire leur traitement et leurs autres avantages sociaux, y compris le régime de retraite, peuvent être haussés, bloqués ou réduits soit dans le cadre d'une mesure économique générale touchant le salaire de toutes les personnes rémunérées sur les fonds publics, soit d'une catégorie d'entre elles, soit même dans le cadre d'une mesure ne visant que les juges.

Cependant, le juge en chef Lamer affirme, et je le cite: «L'obligation de protéger les tribunaux contre l'ingérence politique exercée par le biais de la manipulation financière requiert l'interposition d'un organisme indépendant, une commission de la rémunération, entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs de l'État. Cet organisme aurait pour rôle de dépolitiser le processus de détermination des mesures visant à modifier ou à bloquer la rémunération des juges. Cet objectif serait réalisé en confiant à cet organisme la tâche précise de présenter à l'exécutif et à la législature un rapport sur les traitements et autres avantages accordés aux juges, rapport répondant aux propositions faites par le gouvernement à cet égard. De même afin de parer à la possibilité que l'inaction du gouvernement puisse servir de moyen de manipulation financière du fait qu'on laisserait les traitements réels des juges reculer à cause de l'inflation et aussi pour parer à la possibilité que ces traitements tombent sous le minimum requis pour assurer l'indépendance de la magistrature, la commission doit se réunir, si une période déterminée, par exemple de trois à cinq années, s'est écoulée depuis la présentation de son dernier rapport, afin d'étudier le caractère adéquat des traitements des juges à la lumière du coût de la vie et d'autres facteurs pertinents.» Fin de la citation. C'était au paragraphe 147 de l'opinion du juge en chef.

Il s'ensuit donc, M. le Président, que toute modification apportée au traitement, au régime de retraite et autres avantages sociaux des juges sans avoir recours au préalable à un organisme indépendant, efficace et objectif est inconstitutionnel. Les autorités fédérales, provinciales et territoriales ont désormais l'obligation constitutionnelle d'établir de tels organismes.

Deuxièmement, la sécurité financière institutionnelle des tribunaux implique qu'il n'est, en aucune circonstance, permis à la magistrature non seulement collectivement par l'entremise d'organisations représentatives, mais également à titre individuel d'entamer avec l'exécutif ou des représentants du pouvoir législatif des négociations concernant leur rémunération. En effet, de telles négociations seraient fondamentalement incompatibles avec l'indépendance de la magistrature. Cependant, la Cour a noté que cette prohibition de négociations n'empêche pas la magistrature de faire part au gouvernement de ses préoccupations concernant le caractère adéquat de la rémunération des juges ni de présenter ses observations à cet égard.

Troisièmement, la Cour a établi que les réductions des traitements des juges ne doivent pas avoir pour effet d'abaisser le traitement sous le minimum requis par la charge de juge. En effet, la confiance du public dans l'indépendance de la magistrature serait sapée si les traitements versés aux juges étaient si bas que ces derniers risquaient d'être perçus comme étant vulnérables aux pressions politiques exercées par le biais de la manipulation financière. Il importe donc, selon la Cour, de parer à la possibilité que l'inaction de l'État puisse servir de moyen de manipulation financière en laissant les traitements réels des juges reculer en raison de l'inflation et, de ce fait, que ces traitements descendent sous le minimum requis pour assurer l'indépendance de la magistrature. C'est pourquoi il importe que l'organisme indépendant se réunisse périodiquement et régulièrement afin d'étudier le caractère adéquat des traitements à la lumière de l'augmentation du coût de la vie et d'autres facteurs pertinents. Tels sont, M. le Président, les éléments de la sécurité financière collective et de l'indépendance judiciaire.

Je mentionne, à tout événement, que la Cour a établi que ces prescriptions constitutionnelles n'ont pas à être suivies en cas de crise financière exceptionnellement grave provoquée par des circonstances extraordinaires. Sauf l'exception que je viens de signaler, le jugement de la Cour suprême entraîne donc l'obligation pour le législateur fédéral et ceux des provinces et des territoires de modifier leurs lois afin d'établir un processus de détermination de la rémunération des juges qui soit conforme aux paramètres constitutionnels que la Cour a dégagés.

Les principes étant dégagés, je voudrais rappeler les dispositions législatives actuellement applicables au Québec en ce qui a trait à la fixation de la rémunération des juges de nomination provinciale, c'est-à-dire les juges de la Cour du Québec ainsi que les juges des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec. Pourquoi ces trois-là avec les juges de la Cour du Québec? Parce que, dans les trois grandes villes du Québec, les juges de la Cour municipale sont nommés de façon permanente et qu'ils doivent occuper leur fonction de façon exclusive comme les autres juges de la Cour du Québec. C'est pourquoi nous les traitons avec les juges de la Cour du Québec, tandis que les juges des autres cours municipales, eux, sont régis par une autre loi. Ce sont des avocats qui continuent à pratiquer, pour la plupart, et leur fonction n'est donc pas à plein temps.

(15 h 10)

Actuellement, l'article 115 de la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit que le gouvernement fixe par décret le traitement des juges de la Cour du Québec et que ce traitement, une fois fixé, ne puisse plus être réduit. Cette disposition prévoit également que le traitement des juges de la Cour du Québec, une fois fixé par décret, est majoré annuellement dans la même proportion que la majoration de l'indemnité des membres de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit les règles applicables au régime de retraite des juges de la Cour du Québec. En outre, les articles 124 à 126 de cette loi prévoient que le gouvernement forme à tous les trois ans un comité composé de trois personnes chargées d'étudier si la rémunération, le régime de retraite et les autres avantages sociaux des juges de la Cour du Québec sont satisfaisants et de lui faire part de son avis à cet égard. Le comité doit remettre son rapport dans les six mois et ce rapport est déposé devant l'Assemblée nationale. La situation est un peu différente pour les cours municipales, mais s'y rapproche quand même beaucoup.

Donc, le projet de loi prévoit, en premier lieu, l'institution d'un comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales. Comme je l'ai mentionné, il existe déjà un comité triennal formé à tous les trois ans et chargé d'étudier si la rémunération globale des juges de la Cour du Québec est satisfaisante. Toutefois, sa composition et ses modalités de fonctionnement ne rencontrent pas les prescriptions de la Cour suprême. Quant aux juges municipaux, ils ne bénéficient pas, actuellement, des recommandations du comité triennal, sauf les juges municipaux de Laval, Montréal et Québec. Le projet de loi prévoit combler cette lacune.

Le comité aura deux fonctions. La première de ces fonctions, et ce sera la responsabilité principale du comité, sera d'évaluer, à tous les trois ans, si le traitement, le régime de retraite et les autres avantages sociaux des juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec sont adéquats. Le comité procédera aussi à une telle évaluation triennale pour les juges des cours municipales autres que celles de Laval, de Montréal et de Québec en ce qui a trait à leur traitement et à leurs autres avantages sociaux. Je rappelle que les juges de ces dernières cours municipales exercent principalement leurs fonctions à temps partiel et qu'ils ne bénéficient pas d'un régime de retraite. Le comité fera rapport au gouvernement et lui transmettra ses recommandations à cet égard.

L'objectif de cette révision triennale est, comme la Cour suprême l'a reconnu, d'éviter que l'inflation ne fasse reculer le traitement des juges sous un niveau adéquat. La Cour a suggéré que cette révision périodique soit opérée à des périodes variant de trois à cinq ans. Compte tenu que le comité triennal existant devait être formé à tous les trois ans, il est apparu opportun de retenir la même périodicité.

La deuxième fonction du comité sera d'examiner toute modification proposée par le juge en chef de la Cour du Québec, la Conférence des juges du Québec ou le gouvernement au régime de retraite des juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec ainsi qu'aux avantages sociaux reliés au régime de retraite et aux régimes collectifs d'assurance de ces juges. Dans ce cas, le comité évaluera si la modification proposée est adéquate, en fera rapport au gouvernement et lui transmettra ses recommandations. Cette deuxième fonction sera exercée de façon ponctuelle. Elle s'avère nécessaire car, comme on le sait, les régimes de retraite sont modifiés de façon régulière et souvent, même, annuellement. On évitera ainsi d'attendre à tous les trois ans pour soumettre la modification au comité de rémunération.

J'aborde maintenant la composition du comité. La Cour suprême a décidé que, pour que le comité soit indépendant, ses membres devraient occuper leur charge pendant une période déterminée. Ce sera le cas. Quant aux modalités de ces nominations, le projet de loi prévoit que le gouvernement nommera les quatre membres qui auront préalablement été désignés par la magistrature et le gouvernement. À cet égard, M. le Président, nous avons été guidés par la recherche du consensus. En effet, les membres du comité devront, autant que faire se peut, être désignés d'un commun accord par le juge en chef de la Cour du Québec, la Conférence des juges du Québec, la Conférence des juges municipaux du Québec et le gouvernement. Il en ira de même pour la désignation des membres de chaque formation, dont je parlerai tout à l'heure.

Ce consensus devrait être établi au plus tard le 15 février 1998 pour le premier comité et, par la suite, à tous les trois ans. Si ce consensus devait ne pas se réaliser, le projet de loi prévoit une procédure alternative. En pareil cas, le juge en chef de la Cour du Québec et la Conférence des juges du Québec désigneraient un membre; la Conférence des juges municipaux désignerait un membre; le gouvernement désignerait un membre; enfin, le président du comité serait désigné conjointement par la magistrature et le gouvernement ou, à défaut d'accord, par le gouvernement après consultation de la magistrature. À ce propos, permettez-moi, M. le Président, d'exprimer le souhait que le gouvernement et la magistrature en arrivent rapidement à un consensus sur les quatre membres à désigner, advenant, bien entendu, que le projet de loi n° 184 soit adopté et sanctionné avant l'ajournement des travaux parlementaires.

Pour en revenir au projet, une fois que les membres auront été désignés de la façon que j'ai indiquée, le gouvernement procédera à leur nomination au plus tard le 1er avril 1998 et, par la suite, à tous les trois ans. Dès qu'ils auront été nommés, les membres devront se mettre à l'oeuvre.

Il m'apparaît nécessaire que le comité exerce ses fonctions en deux formations, c'est-à-dire une pour les juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, Montréal et Québec – tous les juges permanents, en somme – et une autre pour les juges des autres cours municipales, ceux qui n'exercent leurs fonctions, pour ainsi dire, qu'à temps partiel. En effet, ces deux catégories de juges ont un statut distinct quant à l'exercice de leurs fonctions: à temps plein pour la Cour du Québec et les cours municipales de Laval, Montréal et Québec et, généralement, à temps partiel pour les juges des autres cours municipales. Par ailleurs, ils n'ont pas tous le même mode de rémunération. Les premiers ont un traitement annuel et les autres reçoivent une somme forfaitaire à la séance.

Le comité exercera donc ses fonctions en deux formations de trois membres chacune. Ici encore, comme je l'ai déjà signalé, nous voulons en arriver à un consensus avec la magistrature pour la désignation des membres qui composeront chaque formation. À défaut d'accord, le projet de loi prévoit que chaque formation serait composée des mêmes membres pour les deux comités, sauf pour le membre désigné par la magistrature qui serait différent selon que le comité exerce ses fonctions soit pour les juges de la Cour du Québec et les cours municipales de Laval, Montréal et Québec, soit pour les juges des autres cours municipales. Il appartiendra évidemment au président de coordonner les travaux des deux formations. Nous avons préféré créer un seul comité avec deux formations plutôt que deux comités afin d'assurer une plus grande cohérence dans les recommandations et une utilisation plus rationnelle des ressources humaines et financières.

Je voudrais dire quelques mots sur l'autonomie administrative du comité proposé par le projet de loi n° 184. En premier lieu, ses membres toucheront, comme il se doit, les honoraires fixés par décret du gouvernement. Par ailleurs, il nous est apparu souhaitable que le comité dispose d'une certaine autonomie administrative et financière. C'est ainsi que le président du comité assumera la gestion des ressources financières du comité. Il va cependant de soi qu'il devra respecter le cadre légal et réglementaire normalement applicable aux ministères et organismes du gouvernement. De plus, les sommes requises pour son fonctionnement seront prises sur le fonds consolidé du revenu, comme c'était d'ailleurs le cas pour le comité triennal prévu dans la loi actuelle.

En outre, nous avons voulu que le comité dispose d'une structure légère pour tenir compte du mandat des membres et de la particularité qu'ils n'exerceront vraisemblablement pas leurs fonctions à temps plein. Ce sera également le cas au niveau du personnel du comité qui, on peut le croire, n'exercera pas ses fonctions à temps plein. Le président du comité pourra donc recourir aux services de soutien et aux services professionnels nécessaires à l'exercice des fonctions du comité.

Par ailleurs, le président du comité soumettra ses prévisions budgétaires à tous les ans. Il devra également soumettre des prévisions supplémentaires si, en cours d'exercice, les dépenses du comité excèdent les prévisions. Ces prévisions seront déposées devant l'Assemblée nationale. Je tiens toutefois à signaler, M. le Président, qu'il n'est pas prévu que ces prévisions budgétaires soient soumises à une autorisation gouvernementale ou parlementaire, le tout afin de respecter la nécessaire autonomie du comité. Enfin, les comptes du comité seront vérifiés par le Vérificateur général. Ces caractéristiques devraient assurer au comité l'indépendance au sens de l'arrêt de la Cour suprême.

Pour que le comité soit objectif, il doit, selon la Cour suprême, recevoir les observations de la magistrature, du gouvernement et des autorités municipales concernées, observations qu'il doit analyser à la lumière de critères objectifs et équitables avant de faire rapport au gouvernement et de formuler ses recommandations. Le projet de loi prévoit donc que le comité devra recevoir les observations du juge en chef de la Cour du Québec, de la Conférence des juges du Québec, du gouvernement et des villes de Laval, de Montréal et de Québec lorsque la formation compétente exercera les fonctions du comité eu égard aux juges de ces cours. Par ailleurs, la formation compétente eu égard aux juges des autres cours municipales devra recevoir les observations de la Conférence des juges municipaux du Québec, du gouvernement et des organismes représentatifs des municipalités, notamment l'UMQ et l'UMRCQ. Je signale que l'intervention des autorités municipales à ce stade se justifie amplement par le fait que la rémunération des juges municipaux est à la charge des municipalités qui ont établi une cour municipale.

Enfin, le comité a la discrétion d'inviter toute personne ou tout organisme à lui présenter ses observations, par exemple le Barreau du Québec. Par souci de transparence, le projet de loi prévoit que le comité pourra recevoir ces observations en séance publique. Quant aux critères à la lumière desquels le comité analysera ces observations, la Cour suprême recommande fortement, sans en faire une obligation, que la loi les énumère. Le projet de loi énumère donc les facteurs que le comité doit prendre en considération.

(15 h 20)

Certains de ces facteurs tiennent compte des préoccupations de la magistrature, tels: 1° les particularités de la fonction de juge; 2° la nécessité d'offrir aux juges une rémunération adéquate; 3° la nécessité d'attirer d'excellents candidats à la fonction de juge; 4° l'indice du coût de la vie; 5° la rémunération versée à d'autres juges exerçant une compétence comparable au Canada.

D'autres facteurs tiennent compte des préoccupations gouvernementales et municipales, tels: 1° la conjoncture économique du Québec et la situation générale de l'économie québécoise; 2° l'évolution du revenu réel par habitant au Québec; 3° l'état des finances publiques ou des finances publiques municipales, selon le cas; 4° l'état et l'évolution comparés de la rémunération des juges concernés, d'une part, et de celle des autres personnes rémunérées sur les fonds publics, d'autre part; 5° le fait que des juges municipaux exercent leur fonction à temps partiel.

Par ailleurs, le projet de loi laisse la discrétion au comité de prendre en considération tout autre facteur qu'il estime pertinent. Je signale, en outre, le fait que le comité pourra, de sa propre initiative ou à la demande de la magistrature ou du gouvernement, confier à des experts le mandat d'examiner toute question qu'il pourra leur soumettre. Il pourra s'agir d'actuaires ou d'experts en rémunération. Je suis certain, M. le Président, que la prise en considération de ces facteurs et le recours aux expertises permettra aux membres du comité de s'acquitter de leurs responsabilités avec objectivité et efficacité.

Pour que le comité soit efficace, les autorités chargées de déterminer la rémunération des juges, le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif, selon le cas, ont l'obligation constitutionnelle, selon la Cour suprême, de ne pas modifier la rémunération et les autres avantages sociaux des juges avant d'avoir reçu le rapport et les recommandations du comité. Par ailleurs, pour que ces recommandations aient un effet concret dans le processus de détermination du traitement et des avantages sociaux, ces autorités doivent répondre formellement au rapport du comité dans un délai déterminé et justifier leur décision de rejeter une ou plusieurs recommandations du comité. Cette justification doit reposer, selon la Cour suprême, sur des objectifs d'intérêt public et comporter un fondement factuel raisonnable.

Le projet de loi prévoit donc que le comité disposera de six mois pour faire rapport au gouvernement et lui présenter ses recommandations. Par la suite, le ministre de la Justice déposera ce rapport devant l'Assemblée nationale dans les 10 jours de sa réception ou, si elle ne siège pas à ce moment, dans les 10 jours de la reprise des travaux de l'Assemblée.

Quant à la mise en oeuvre du rapport du comité, trois mécanismes pourraient être envisagés, selon la Cour suprême. Le premier consiste à donner force exécutoire au rapport du comité. C'est actuellement le système ontarien. Dans ce système, ni l'Assemblée ni le gouvernement ne disposent du pouvoir décisionnel. Le gouvernement doit mettre en oeuvre le rapport du comité dans son intégralité.

Le second mécanisme consiste, comme c'est le cas dans la loi actuelle, à laisser au gouvernement la responsabilité de fixer la rémunération des juges ou à proposer à l'Assemblée nationale les mesures législatives pertinentes après avoir déposé devant l'Assemblée nationale un rapport établissant la position gouvernementale eu égard aux recommandations du comité de rémunération.

Enfin, le troisième mécanisme consiste à confier le pouvoir décisionnel à l'Assemblée nationale qui, par une résolution motivée, approuverait, modifierait ou rejetterait en tout ou en partie les recommandations du comité. Par la suite, le gouvernement prendrait les mesures requises pour mettre en oeuvre la décision de l'Assemblée nationale. C'est la solution la plus répandue au Canada.

Aucune de ces solutions n'est dépourvue de mérite. Elles comportent toutes des avantages et des inconvénients. Après mûre réflexion, il nous a semblé que la troisième solution, c'est-à-dire celle qui confie le pouvoir décisionnel à l'Assemblée nationale, était celle qui était la plus appropriée. En effet, elle assure une plus grande transparence au processus de détermination de la rémunération des juges en confiant cette détermination aux représentants du peuple, qui sont, en démocratie, les seuls responsables habilités à lever les impôts et, par voie de conséquence, à gérer les deniers publics et à voter l'affectation des crédits de l'État. Ce principe constitutionnel, cette primauté du législatif en regard de l'octroi des fonds publics, revêt une importance aussi fondamentale que l'indépendance judiciaire elle-même.

Des trois mécanismes envisagés par la Cour suprême, le seul qui m'apparaît concilier ces deux principes fondamentaux demeure celui que nous proposons, c'est-à-dire consacrer le pouvoir décisionnel de l'Assemblée nationale à cet égard. Autant la solution dite du rapport exécutoire nous laisse entrevoir un doute – c'est le moins qu'on puisse dire – au titre du respect des attributions du Parlement en regard de l'administration des deniers de l'État, autant la solution laissant au gouvernement la responsabilité de fixer les émoluments des juges nous semble faire l'économie à la fois d'un débat salutaire et de la nécessaire contribution du Parlement à l'une des rares problématiques – en l'occurrence, la rémunération des juges – qui interpellent l'intervention des trois pouvoirs de l'État que sont l'exécutif, le législatif et le judiciaire, autant la voie que nous proposons nous semble assurer l'équilibre des pouvoirs. «Checks and balances», expression chère au député de Chomedey, non seulement en respectant les prérogatives de nos institutions démocratiques, mais aussi et surtout en renforçant et en clarifiant le rôle dévolu à celles-ci.

Le projet de loi prévoit donc que l'Assemblée nationale pourra, par résolution motivée, approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les recommandations du comité. Le gouvernement aura ensuite l'obligation de prendre avec diligence les mesures requises pour mettre en oeuvre la résolution de l'Assemblée nationale en prenant les décrets appropriés ou en proposant les mesures législatives requises. Toutefois, afin d'éviter tout délai indu susceptible de porter atteinte à l'indépendance de la magistrature, le projet de loi prévoit que la résolution de l'Assemblée devra être adoptée au plus tard le trentième jour de séance suivant le dépôt du rapport du comité de rémunération devant l'Assemblée nationale, à défaut de quoi le gouvernement devra avec diligence mettre en oeuvre intégralement les recommandations du comité.

Telles sont donc, M. le Président, les mesures innovatrices proposées par le projet de loi n° 184 afin d'accorder à la magistrature québécoise un processus de détermination de sa rémunération qui assurera son indépendance et la mettra à l'abri de ce que la Cour suprême a appelé «les risques d'ingérence politique par le biais de la manipulation financière». Dans son jugement, la Cour suprême s'était fixé comme objectif de dépolitiser le processus de détermination de la rémunération des juges afin d'assurer leur indépendance non pas au bénéfice de la magistrature elle-même, mais plutôt pour maintenir la confiance du public dans l'impartialité de la magistrature et l'efficacité de notre système judiciaire. À cet égard, il n'importe pas seulement que justice soit rendue par nos tribunaux, mais qu'elle paraisse y avoir été rendue. Le projet de loi n° 184 poursuit cet objectif, celui de renforcer la perception de nos concitoyens que justice est rendue devant les tribunaux québécois présidés par des personnes indépendantes.

En terminant, je veux assurer la magistrature de mon entière collaboration et souhaiter que nous en arrivions très rapidement à un consensus sur la désignation des membres du premier comité de la rémunération des juges. Il va sans dire que, plus tôt les membres seront désignés, plus tôt ils seront nommés, plus tôt ils se mettront à l'oeuvre.

Enfin, en terminant, je crois que ce projet de loi marquera un tournant historique et je comprends l'indépendance de certains juges à l'égard des longs délais avant de fixer leur rémunération, mais je pense que ce projet de loi réglera ce problème une fois pour toutes. Je ne leur demanderais pas d'être patient si je n'étais assuré maintenant que cette patience aura sa limite. D'ici un an, il est certain que le premier comité aura fait son rapport et que les recommandations auront été mises en vigueur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Mes remarques seront brèves, car le ministre vient, d'une manière assez complète, de faire un survol des dispositions aux plans technique et législatif, et il l'a très bien expliqué.

Avant d'aborder la substance du projet de loi n° 184 concernant la rémunération des juges, M. le Président, à notre point de vue, une remarque préliminaire s'impose, et c'est la suivante. C'est qu'on tient à saluer le fait que l'actuel Procureur général et ministre de la Justice ait mis autant d'empressement, d'énergie et de ressources pour répondre à un jugement de la Cour suprême du Canada, et je tiens à saluer mon collègue le ministre de la Justice à cet égard.

Ça n'a pas toujours été le cas. Au contraire, sans nommer d'individus, on a malheureusement entendu des gens au cours des derniers mois démontrer beaucoup moins de respect pour les jugements de la Cour suprême que ce n'a été le cas ici. Je pense que ça mérite d'être souligné, car notre constitution est celle qui doit nous régir jusqu'à ce qu'un quelconque changement intervienne, et le respect des tribunaux est un des fondements de notre société. D'ailleurs, ça nous renvoie à la substance même du projet de loi n° 184, le respect des tribunaux.

(15 h 30)

Lorsqu'un citoyen, que ça soit vous, M. le Président, que ça soit moi, le ministre de la Justice ou un autre député, les gens qui nous écoutent, peu importe qui est le citoyen qui doit aller devant un tribunal, il y a juste une chose qu'on veut: pouvoir exercer notre droit de faire valoir notre point de vue et, que l'on gagne ou que l'on perde, que la seule chose qui soit intervenue, c'est l'intelligence, la perception de l'expérience d'une personne qui s'appelle un juge, qui dit: Bien, oui, vous avez raison, je dois appliquer la loi en votre faveur, ou: Mais non, même si vous croyez avoir un bon point, malheureusement je donne raison à l'autre partie. C'est ça. C'est cette expérience, c'est cette formation, c'est cette sérénité qui doit être la seule chose qui guide un juge ou une juge lorsque cette décision est rendue.

Le problème, évidemment, c'est lorsqu'un juge n'exerce pas son métier, sa profession en toute tranquillité. Ça fait depuis 1990 qu'il n'y a pas eu une réelle augmentation des salaires des juges au Québec, en fait, qu'il n'y a même pas eu d'ajustement. Depuis 1992, c'est gelé complètement. Donc, ça va faire bientôt six ans que c'est complètement gelé. Même pas une augmentation au coût de la vie.

Le 1er août 1993, le comité présidé par Charles-Albert Poissant, qui comportait aussi Me Claudette Tessier Couture et M. Pierre Paquette, a rendu une décision qui a été adressée à un procureur général, M. Gil Rémillard, qui était d'un gouvernement précédent. Donc, à un an des dernières élections, il y a déjà eu ce rapport. Mais, avec les échéanciers politiques, tout ça a été refoulé, et vous le voyez bien, M. le Président, il n'y a pas de partisanerie là-dedans, il n'y a pas un groupe qui est responsable pour ces délais, mais c'est une réalité que, bientôt six ans plus tard, on a des femmes et des hommes qui siègent et n'ont pas toute cette tranquillité. Parce que, quand il y a des difficultés qui surviennent à ce niveau-là, que ce soient des personnes qui ont des différends au niveau des impôts ou à d'autres endroits qui peuvent impliquer directement ou indirectement l'État, même pour des amendes, la question peut validement être posée: Est-ce que la personne qui est là en train de décider le fait en toute quiétude, sans la moindre influence d'une autre considération de quelque nature que ce soit?

Donc, il n'est pas faux de dire que ça peut avoir un certain effet de démotivation sur les juges et, à mon point de vue, il y a un autre élément qui doit vraiment être considéré, et la même considération peut même s'appliquer à cette Assemblée nationale pour ce qui est de la rémunération des députés. Vous vous souvenez, M. le Président, que, au printemps, on a étudié un projet de loi qui visait à réduire les salaires de tout le monde de 6 %. Pourquoi les seules personnes qui ont vu leur salaire réellement réduit de 6 %, comme vous le savez aussi bien que moi, ce sont les députés? Aujourd'hui, si on regarde ça objectivement, la question peut être validement posée: Est-ce qu'on est en train de faire en sorte que les députés que l'on va attirer vont pouvoir avoir une rémunération qui va leur permettre de vivre décemment et aussi éviter toute autre considération qui peut venir influencer leurs décisions?

C'est la même chose pour les juges. Si un juge se sent démotivé, si un juge sent que, justement, il n'est pas bien considéré, ça peut avoir un effet d'entraînement sur la qualité et la quantité du travail. Mais, si le salaire n'est pas assez attrayant, en partant, il faut savoir qu'un juge d'une dénomination fédérale avec le même nombre d'années d'expérience qu'un juge à qui on demande d'aller à la Cour du Québec va gagner quelque chose de l'ordre de 70 000 $ de plus par année. C'est une énorme différence, alors que la charge de travail est tout à fait comparable. Alors, la question se pose: Quelle sorte de candidats et candidates allons-nous être capables d'attirer dans ces fonctions-là? Parce que la dernière chose que l'on veut, c'est d'attirer des gens pour qui c'est une sinécure d'aller vers cette fonction-là parce que, comme ça, c'est vraiment bien par rapport à ce qu'ils peuvent faire. Ce n'est peut-être pas la meilleure indication que ce qu'ils sont capables de faire à l'heure actuelle est à un niveau de pratique qui les rendait à la face même des candidats attrayants.

Donc, pour éviter ça, il me semble, et pour éviter d'autres écueils qui peuvent, pour le dire clairement, être vraiment de nature à affecter non seulement leur sérénité, mais leur intégrité, pour s'assurer, en d'autres mots, M. le Président, qu'une personne qui est nommée à cette importante fonction de juge gagne décemment bien sa vie, par rapport à ce qu'on gagne en pratique privée, par rapport à ce qu'on gagne dans d'autres fonctions analogues, il est absolument nécessaire d'avoir un système pour non seulement déterminer ce qui devrait être un salaire, mais pour l'appliquer. Et, là-dessus, M. le Président, je pense que le ministre et moi, on est d'accord, parce que ça fait trop d'années qu'on trouve des astuces. J'ai déjà travaillé avec un homme politique dans une autre fonction que j'occupais. Il disait toujours, quand il avait des gros problèmes: On va les pelleter en avant. Mais c'est sûr que, si on pellette en avant tout le temps, on peut toujours se clairer un peu d'espace autour de soi, mais éventuellement il va falloir franchir le mur, et ce n'est pas toujours une solution. Donc, cette fois-ci, avec le projet de loi n° 184, je crois qu'on a le début d'une solution valable.

Une dernière remarque préliminaire que je voudrais faire à mon collègue, c'est que le titre du projet de loi est assez curieux, car, théoriquement, on est en train d'étudier la Loi concernant la rémunération des juges, mais, une fois qu'elle va avoir été adoptée, elle n'existera plus. Il n'y aura pas un article de cette loi-là qui aura une existence indépendante. En fait, c'est une loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et la Loi sur les cours municipales. C'est à titre de remarque préliminaire. On ne se formalisera pas là-dessus, mais c'est une drôle d'idée d'avoir un titre qui paraît autonome alors qu'il ne restera plus rien du projet de loi n° 184 une fois qu'il sera mis en vigueur.

Tout ça étant dit, il fallait, aux termes du jugement rendu au mois de septembre par la Cour suprême, que l'on agisse, comme toutes les autres provinces. La célérité, l'empressement, la diligence dont a fait preuve le ministre dans ce dossier est, à notre point de vue, tout à son honneur, et on a l'intention de l'étudier avec lui aujourd'hui en faisant les remarques qui, de notre côté, s'imposent et en espérant que ça puisse être adopté rapidement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi? Est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré en commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

M. Boulerice: Je vous fais donc motion, M. le Président, pour que cette Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): En conséquence, je suspends donc pendant quelques instants les travaux afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 15 h 41)


Commission plénière

M. Pinard (président de la commission plénière): Conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis maintenant en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges. Nous allons débuter par les remarques préliminaires. M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Mes remarques sur l'adoption du principe sont tellement fraîches que je ne crois pas nécessaire d'en faire d'autres.

Le Président (M. Pinard): Très bien. Est-ce que, M. le critique officiel, vous avez des remarques?

M. Mulcair: Sur l'article 1?


Étude détaillée

Le Président (M. Pinard): À ce moment-là, comme il n'y a pas de remarques préliminaires de part et d'autre et qu'il n'y a pas non plus de motion préliminaire, nous allons immédiatement débuter nos travaux sur l'article 1.

L'article 115 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (L.R.Q., chapitre T-16) est modifié par la suppression de la deuxième phrase du premier alinéa et du deuxième alinéa. M. le ministre.

M. Ménard: Ce sont évidemment des suppressions qui sont nécessaires, puisque c'est ça que le comité va remplacer. Ce sont ces dispositions, essentiellement, que la structure du comité va remplacer. On peut supposer que ce sont les dispositions, si la Cour suprême avait été saisie de notre loi, qu'elle aurait déclaré inconstitutionnelles.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: En ce qui concerne l'article premier, M. le Président, on voudrait proposer quelque chose au ministre. On comprend le pourquoi de l'abrogation de la deuxième phrase du premier alinéa ainsi que du deuxième alinéa, mais c'est surtout à propos de la dernière phrase du premier qu'on a un problème, et on voudrait en discuter brièvement avec lui.

On dit, à l'heure actuelle, à l'article 115: «Le traitement et les montants de la rémunération [...] ainsi fixés ne peuvent être réduits.» On comprend pourquoi on veut changer ça, parce que, effectivement, la Cour suprême ouvre la porte à la possibilité d'une réduction, donc c'est normal de vouloir le faire sauter. Mais, étant donné ce que nous avons dit dans nos remarques préliminaires, et c'est un fait historique que le ministre sait aussi, à notre point de vue, ça serait intéressant si on trouvait la manière de dire que la rémunération, telle qu'elle existe en date d'aujourd'hui, qui, rappelons-le, n'a pas été majorée depuis les cinq dernières années... En d'autres mots, à partir de l'entrée en vigueur de cette loi, il n'est pas question qu'on réduise la rémunération existante.

Je pense que, si on est capable de parler de démotivation des juges, des difficultés que l'on vit, ça serait la moindre indication de dire: Écoutez, il va y avoir un processus d'évaluation des rémunérations. Ça va se faire au terme d'un comité où vous allez avoir de la participation. Mais, même si la Cour suprême parle d'une réduction possible, on veut quand même que tout le monde sache qu'il y a une sorte de droit acquis, à l'article 115. Il n'est pas question pour nous d'avoir à l'esprit une réduction, en deçà de ce qui existe couramment. Si on pouvait trouver un mécanisme léger pour prévoir ça, on pourrait procéder à l'adoption de 1 tel que modifié légèrement.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Avec respect, je pense que cette modification est inutile, puisqu'il est évident, maintenant que le jugement en Cour suprême a été rendu, que nous ne pourrions diminuer le salaire des juges sans passer par ce comité que nous allons instituer. Donc, il est évident que les juges, qui sont les premiers à interpréter les lois et qui, j'en suis certain, ont tous étudié ce jugement de la Cour suprême même s'il est très long, savent très bien que leur rémunération est protégée jusqu'au rapport du premier comité. Et, à partir du premier comité, bien, ça va toujours dépendre des circonstances.

La Cour suprême, voulant faire un comité qui durerait pendant des années et des années, a voulu que les dispositions qu'elle crée puissent s'appliquer autant en période de déflation – ce qui est très rare, ce qui n'est pas arrivé de mon vivant – que dans les périodes d'inflation. C'est pourquoi... Et puis nous faisons la même chose ici. Je pense que nous établissons... C'est pour ça que je voulais lui donner ce titre-là, même si la loi va disparaître, parce que j'estime que c'est une loi historique, que c'est un moment historique que nous vivons pour assurer l'indépendance des juges. Je ne crois pas qu'on ait besoin de leur donner cette assurance; cette assurance leur est donnée par la Constitution actuelle, en l'absence de comité, et quand il y aura un comité, ce sera conformément à la procédure que nous allons adopter.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: De notre côté, M. le Président, nous trouvons que c'est la moindre des choses au moins de geler en date d'aujourd'hui les salaires et de donner cette assurance-là. Quand on parle d'un droit acquis, c'est en ce sens que la législation existe déjà, la deuxième phrase du premier alinéa de 115 est là. Il y avait une sorte de garde-fou là-dedans aussi, parce que ce n'était que par un débat parlementaire et par le biais d'une modification législative qu'on pouvait procéder auparavant.

Maintenant, il va y avoir un rapport, un dépôt. C'est sûr que le Parlement va continuer à exercer un certain contrôle, mais ce n'est pas pareil, et, avant de le faire sauter complètement, on s'était dit qu'étant donné que ce que le ministre nous dit est vrai – il dit: Personne n'a l'intention d'aller en-deçà de ce qui existe déjà – nous, on se dit: On comprend le raisonnement qui préside au désir d'enlever ça; pour que tout le reste se tienne, il faudrait quand même l'enlever. On veut bien. Mais on se dit: Quand même, respectons cet aspect-là qui est déjà là – si vous me passez l'expression – ça ne coûte pas cher, parce que ça ne peut pas coûter une cenne de plus; on est justement en train de dire que ça ne coûterait certainement pas moins, du moins par juge. Parce qu'il faut savoir qu'il y a une autre série de dispositions que l'on regarderait pour réduire en même temps le nombre de juges à la Cour du Québec, ce qui vient éviter ce qui était à la base d'un nombre de problèmes et de discussions et d'objections de notre part, parce qu'on n'aimait pas qu'on réduise comme ça les salaires des juges, qui étaient prévus. Ça, c'est en train d'être évité.

Alors, si on veut l'éviter, si on veut éviter le problème, peut-être que les légistes qui travaillent et les proches collaborateurs du ministre peuvent nous trouver une disposition d'entrée en vigueur ou autre qui rassure les juges et qui assure le respect de ce que, nous, on prétend être un droit acquis.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Je crois vraiment que c'est inutile. Je crois que les juges savent que depuis le 18 septembre 1997 il est inconstitutionnel de diminuer la rémunération des juges sans passer par un comité, et aucun de ces comités n'existe au Canada; nous aurons l'honneur d'avoir le premier, d'après ce que je comprends. Donc, c'est garanti, et s'il y a bien quelqu'un qui devrait le savoir, c'est bien les juges. Nous avons des dispositions pour rassurer les juges quant à leur – non, dans l'autre projet de loi, par contre – pour les rassurer qu'ils seront bien nommés, même si on réduit leur nombre. Mais, dans ce cas-ci, je suis convaincu que c'est une bonne intention de l'opposition, mais c'est vraiment inutile.

M. Mulcair: Alors, pour terminer sur l'article 1, M. le Président, on serait prêt à procéder au vote, ça va être sur division. On comprend la réticence du ministre. Le reste de son projet de loi respecte généralement... On aura d'autres points qu'on va soulever avec lui. Cependant, on trouve que ça aurait été plus facile... Parfois, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Le ministre, par contre, vient de dire très publiquement – comme on dit en anglais, «on the record» – que ce serait anticonstitutionnel de procéder d'une autre manière. On vient d'avoir sa garantie personnelle, et je pense que ceux et celles qui nous écoutent vont prendre ça à sa face même comme étant une bonne garantie de la part de ce ministre et de ce gouvernement, et le temps nous dira si nous, de l'opposition, et les gens qui doivent l'appliquer avons eu raison de suivre cet argument-là.

Donc, vous pouvez appeler l'article 1. Ça va être sur division.

Le Président (M. Pinard): D'accord. À ce stade-ci, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Pinard): Sur division. L'article 2: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 122.3, du suivant: «122.4. Le gouvernement ne peut prendre les décrets visés à l'un des articles 115 à 122.2 qu'après que les prescriptions de la Partie IV.4 aient été observées.» Y a-t-il des interventions sur l'article 2? M. le ministre.

(15 h 50)

M. Ménard: Oui. Alors, sommairement, cet article reprend justement le principe établi par la Cour suprême du Canada selon lequel les autorités chargées de déterminer la rémunération des juges ont l'obligation constitutionnelle de ne pas modifier la rémunération – ça va à la hausse comme à la baisse – et les autres avantages sociaux des juges avant d'avoir reçu le rapport et les recommandations du comité de rémunération des juges. C'est l'effet pratique de la prohibition qui est faite au gouvernement à l'article proposé.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Pour ce qui est de l'abrogation prévue aux articles 2 et 3, le raisonnement que vient de donner le ministre est exact, c'est-à-dire que c'est le sens même du projet de loi de s'assurer qu'on réfère dorénavant à ce comité-là. Mais, si j'étais à la place des juges de la Cour du Québec, j'aurais tendance à dire: Puis alors?

J'ai cité tantôt le rapport Poissant, qui date du mois d'août 1993 et qui était lui-même le résultat de beaucoup d'autres tractations, et problèmes, et tergiversations; comme je l'ai dit, sans partisanerie – ha, ha, ha! – c'est un problème qui se perpétue depuis longtemps, puis on a vu qu'il y a eu toutes sortes de tentatives. Mais on a le rapport d'un comité, et, objectivement, aux termes de la loi, il aurait dû être déjà appliqué, ce rapport-là.

Évidemment, les juges se font mettre dans un drôle de situation. En ce moment, il y a un extraordinaire conseiller juridique, que j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de voir à l'oeuvre, Raynold Langlois, qui les représente, qui est en train de prendre ce rapport Poissant de 1993 puis de regarder ce qui existe légalement. Ce sont évidemment les juges qui paient ça eux autres mêmes, à même leurs émoluments, pour essayer de défendre leurs droits. Mais tout ça est terriblement inconfortable pour tout le monde. On peut aisément comprendre, on est de retour devant des tribunaux avec des juges qui plaident en quelque sorte contre le gouvernement avec des avocats qui, par ailleurs, doivent plaider devant eux. En tout cas! Pas besoin de faire une longue explication de comment tout ça, ça peut devenir difficile et très délicat.

Mais le fait est que, de bonne foi, on avait un comité qui a produit un rapport, qu'aux termes de la législation existante il n'y a aucune raison pour laquelle ce rapport n'a pas encore été mis en vigueur plus de quatre ans plus tard, et que ç'aurait pu fonctionner comme ça. Encore une fois, peut-être qu'il y aurait eu moyen de faire, par le biais d'une disposition transitoire, quelque chose qui aurait pu au moins tenir compte du rapport Poissant. Je suis conscient que le groupe qui va être mis en place, le premier comité, va regarder ça puis toutes les autres études qui existent. L'IRIR, je présume, va être mis à contribution pour faire la comparaison des rémunérations, et tout ça. Mais j'aimerais juste avoir un aperçu, de la part du ministre, de son sentiment à l'égard de ce rapport-là.

Je sais bien que, lui, il est ministre de la Justice seulement depuis quelques mois et que le rapport date de plus de quatre ans. Mais, pour rassurer encore une fois, comme on a tenté de le faire tantôt dans notre échange, quelle est sa réaction à l'égard de cette prétention de la part des juges et des gens qui regardent ces questions-là, comme quoi il n'y a rien qui aurait empêché le rapport Poissant déjà d'être en vigueur?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: La rémunération des juges, comme, d'ailleurs, la rémunération des députés et des ministres, a toujours été un sujet délicat que plusieurs gouvernements avant nous et plusieurs Assemblées avant nous ont voulu dépolitiser. Nous avions cru réussir, au Québec, à dépolitiser la rémunération des députés. On avait voulu – et ça, je ne faisais pas partie du gouvernement à cette époque-là – faire bénéficier les juges, de la même façon, de cette méthode. Alors, ce que l'on avait fait, c'est que l'on avait attaché l'augmentation de la rémunération des juges à celle des députés et qu'on avait attaché celle des députés à celle de certains administrateurs d'État – je ne me souviens plus à quelle classe ils étaient – de façon à ce que ce soit automatique et que cette augmentation de rémunération, qui avait pour but certainement pas de récompenser des gens, mais justement d'attirer dans ces postes publics d'excellents candidats et candidates, soit détachée de la démagogie facile.

C'est significatif que le rapport Poissant n'ait été suivi ni par un gouvernement ni par l'autre, par les deux. C'est parce qu'il s'agit, au fond, de forces plus grandes, je dirais, que chaque gouvernement. Si les juges n'ont pas été augmentés depuis 1992, c'est parce que les députés n'ont pas été augmentés depuis 1992. Et, si les députés et les juges n'ont pas été augmentés, comme les ministres, donc, si les trois pouvoirs n'ont pas été augmentés, c'est que la situation est si difficile que ceux qui détiennent le pouvoir n'osent pas montrer à la population, qui pour une bonne partie est désavantagée, où la majorité des gens sont incertains de garder leur emploi, où beaucoup doivent se contenter parfois de perdre leur emploi et trouvent des emplois de moins grande rémunération... L'économie ne va pas bien. On est obligés, même, de réviser l'aide sociale, de réviser la façon dont on donne les soins, de réviser des choses du filet social avec lesquelles les gens ont été habitués. Dans ces circonstances-là, il est difficile d'augmenter les gens qui, même s'ils ne sont pas au sommet de l'échelle des rémunérations, parce que ce sont ceux qui sont dans l'entreprise privée qui sont à ces sommets, mais d'augmenter ceux qui détiennent le pouvoir d'augmenter ces...

Là, les juges vont avoir un système qui les met à l'abri même de ce genre de chose, même de ce genre de sentiment. Je pense qu'ils peuvent être patients, dans les circonstances. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne leur demanderais pas la patience si je n'étais pas assuré du terme de la patience que je leur demande, de la date à laquelle ce sera terminé. J'espère que ça pourrait être aussitôt que l'automne prochain. Mais c'est ça que sont mes sentiments.

Nécessairement, ayant pratiqué le droit pendant plus de 25 ans, j'ai beaucoup d'amis qui ont été nommés juges, donc j'ai beaucoup d'amis dans cette profession. Je les sais animés tous d'un grand idéal, et je suis certain que l'idéal était l'une des choses qui les a poussés à poser leur candidature. Je suis convaincu qu'ils comprennent la situation difficile du gouvernement, qu'ils sont conscients de la situation difficile que vivent la majorité de leurs concitoyens et qu'ils sont prêts à faire preuve de cette patience dans l'immédiat, sachant que, peut-être pas pour eux dans l'immédiat mais certainement pour eux dans le futur et pour ceux qui les suivront, il y a maintenant un mécanisme qui devrait les détacher non seulement de la démagogie facile, mais aussi du genre de situation dans laquelle nous sommes, où, même convaincus que ceux qui s'occupent de la fonction publique ne sont pas assez payés, nous n'osons pas augmenter leur rémunération parce qu'il y a trop de citoyens et de citoyennes qui ont peur que leur rémunération, même, disparaisse ou certainement, en tout cas, soit diminuée. Dans les trois pouvoirs, au fond, maintenant, ils sont les mieux protégés contre cet accident.

M. Mulcair: Le ministre, M. le Président, soulève un excellent point et il le plaide très bien. De notre côté, on tente de soulever des préoccupations qui sont basées sur le «track record» de tous les gouvernements dans ces matières-là.

Évidemment, il y a une chose qui est nouvelle dans le dossier, c'est l'arrivée d'un jugement très bien détaillé de la Cour suprême, qui, d'ailleurs, doit faire l'objet d'une réaudition à la demande de la province de l'Alberta, si je ne me trompe pas, sur certains aspects très techniques du jugement. Donc, la Cour suprême est venue dire: Écoutez, quand on parle de l'indépendance de la branche du gouvernement qui s'appelle le «judiciaire», voici un peu ce que ça veut dire en ce qui concerne cet aspect-là, le traitement.

(16 heures)

On prend acte, encore une fois, des explications et de l'interprétation du ministre. Et, vu qu'il s'agit d'un domaine quasi constitutionnel, évidemment, c'est ce genre d'explication, contrairement aux autres lois où les débats en Chambre ou en commission, comme aujourd'hui, ne servent normalement pas, dans notre système de droit parlementaire britannique, à interpréter, contrairement à la France où les travaux en commission comme ça, des travaux dit préparatoires, font partie intégrante du texte et, quand on achète... une nouvelle loi, il y a toujours les travaux préparatoires qui vont avec... Mais, en matière constitutionnelle comme celle-ci, c'est un peu plus facile de s'y référer. Et je suis sûr que non seulement les juges qui peuvent nous écouter ou nous prendre en différé, mais certainement leur conseiller juridique, Me Langlois, ont pris acte de l'explication du ministre.

On serait prêts à procéder pour les articles 2 et 3, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté. L'article 3: Les articles 124 à 126 de cette loi sont abrogés. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques ou si...

M. Ménard: L'article 3 va dans le même sens que l'article 2.

Le Président (M. Pinard): Dans le même sens.

M. Ménard: C'est simplement parce qu'il concerne d'autres articles qu'il poursuit le même but et a les mêmes effets.

Le Président (M. Pinard): D'accord. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que l'article 3 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté. L'article 4: La partie VI.3 de cette loi est modifiée par l'insertion, avant l'article 246.23, de l'article suivant:

«246.22.1. La présente partie et les parties VI, VI.1 et VI.2 s'appliquent sous réserve des dispositions de la partie VI.4.»

M. le ministre.

M. Ménard: C'est un article qui a la même portée que les deux que nous venons d'adopter, mais qui concerne maintenant les régimes de retraite, alors que les autres articles concernaient la rémunération des juges.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté. Alors, l'article 4 est adopté. L'article 5: Cette loi est modifiée par l'insertion, avant la partie VII, de ce qui suit:

«Partie VI.4. Du comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales.

«246.29. Est institué un comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales.

«Le comité a pour fonctions d'évaluer à tous les trois ans si le traitement, le régime de retraite et les autres avantages sociaux des juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec sont adéquats. Il a également pour fonctions d'évaluer à tous les trois ans si le traitement et les autres avantages sociaux des juges des cours municipales auxquelles s'applique la Loi sur les cours municipales (chapitre C-72.01) sont adéquats. Le comité en fait rapport au gouvernement et lui transmet ses recommandations à cet égard.

«Le comité a en outre pour fonctions d'examiner toute modification que le juge en chef de la Cour du Québec, la Conférence des juges du Québec ou le gouvernement propose d'apporter au régime de retraite des juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec ainsi qu'aux avantages sociaux qui sont reliés soit à ce régime, soit aux régimes collectifs d'assurance de ces juges. Le comité évalue si cette modification est adéquate, en fait rapport au gouvernement et lui transmet ses recommandations à cet égard.

«246.30. Le comité exerce ses fonctions en formation de trois membres.

«Une formation exerce les fonctions du comité eu égard aux juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec et l'autre eu égard aux juges des cours municipales auxquelles s'applique la Loi sur les cours municipales.

«Le rapport de chaque formation constitue le rapport du comité.

«246.31. Le comité est formé de quatre membres, nommés par le gouvernement pour un mandat de trois ans.

«Le juge en chef de la Cour du Québec, la Conférence des juges du Québec, la Conférence des juges municipaux du Québec et le gouvernement désignent, d'un commun accord, les membres du comité, y compris le président, ainsi que les membres qui composent chacune des formations.»

M. Boulerice: M. le Président.

Le Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, vous comprendrez que je ne peux intervenir de mon siège pour des raisons bien évidentes.

Le Président (M. Pinard): Je vous en sais gré.

M. Boulerice: Est-ce que je pourrais solliciter le consentement de l'opposition et du ministre pour que l'on passe l'étape de lecture mot à mot du contenu du projet de loi?

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, quand on arrivera à chaque article, si on disait «246.29» et, nous, on procéderait directement à nos commentaires, ça va. Il faut savoir qu'on est à l'intérieur de l'article 5 qui court sur plusieurs pages. Alors, on pourrait effectivement sauter cette longue lecture et, chaque fois que, nous, à l'intérieur de ce très long article, parce que ça finit par modifier des douzaines d'articles de la loi... Quand on arriverait à chacun, on identifierait nos questions et nos objections, et on pourrait suivre comme ça. Je pense que ça faciliterait pour tout le monde. Parce que le temps que le président finisse la lecture, on aura oublié ce qu'il y avait au début. C'est extrêmement long, effectivement. C'est une bonne suggestion pour faire avancer les travaux.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, est-ce que vous acquiescez à cette demande?

M. Ménard: Oui, ça va.

Le Président (M. Pinard): Pas de problème.

M. Boulerice: Je remercie mes collègues, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: On peut commencer, M. le Président – je me permets de vous faire la suggestion...

Le Président (M. Pinard): Oui. On était rendu à la lecture au niveau de 246.31. Donc, nous revenons en arrière.

M. Mulcair: À .29.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez des remarques, M. le ministre, sur 246.29?

M. Ménard: Alors, nous entrons dans le coeur de cette loi, la création d'un comité de la rémunération.

Le Président (M. Pinard): C'est ça.

M. Ménard: Il prévoit essentiellement la révision automatique à tous les trois ans, son fonctionnement, puis une évaluation ponctuelle pour les modifications qui pourraient être proposées au régime de retraite des juges.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, quelques questions brèves. Évidemment, là, on va quand même au coeur du nouveau système. Je voudrais avoir une indication, de la part du ministre et de ses proches collaborateurs, de leur choix de terme quand ils disent «adéquats». Est-ce que c'est un terme qui sort de la jurisprudence ou est-ce que c'est un terme qui a fait l'objet d'une analyse? Parce qu'on pourrait penser à d'autres termes comme «appropriés», «suffisants», «indiqués». Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont été regardés? Parce que, si ça résulte de la jurisprudence ou d'une analyse sérieuse, on voudrait juste avoir quelques indications de la provenance de ce choix.

M. Ménard: Oui. Bon, alors, je pense que le député, qui connaît bien la décision de la Cour suprême du 18 septembre, sait que c'est le terme utilisé par la Cour suprême, d'une part. Mais j'attire son attention aussi sur le fait que je pense que la rémunération adéquate se mesure aussi à un certain nombre de critères et que nous aurons l'occasion d'examiner un à un les 10 ou 11 critères qui seront prévus pour s'assurer que la rémunération correspond à cette notion derrière le mot «adéquats», qui exprime bien le concept qui est exprimé par le mot «adéquats».

M. Mulcair: O.K.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Ça va, M. le Président. J'apprécie la décision, puis je pense que c'est mieux aussi de le garder avec son équivalent en anglais, à ce moment-là.

Je veux juste faire une suggestion ici, puis, à quelques reprises au cours de nos remarques, on ferait des suggestions en ce qui concerne le libellé de la version anglaise. Et, conformément à une certaine tradition, d'habitude ce n'est pas débattu longuement et ça a tendance à être intégré à la fin.

Alors, dans un premier temps, je me permettrais de souligner que, à mon sens, le terme «avantages sociaux» se rend, la plupart du temps, en anglais, par «fringe benefits» et pas par «social benefits». Alors, je laisserais la liberté au ministre de vérifier ça avec les gens responsables de la rédaction, et, s'ils sont d'accord avec nous, on pourrait l'intégrer à la dernière version.

Sur ce point des «fringe benefits», des «avantages sociaux», une petite question, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous dire si, à son point de vue, «avantages sociaux», ça comprendrait des choses comme les frais de déplacement? Normalement, c'est autres, mais on veut essayer de savoir, parce que, justement, s'il y a une différence, si on a 0,40 $ du kilomètre lorsqu'on voyage, parce qu'il y a plusieurs juges qui doivent faire des palais de justice un peu partout... s'ils sont à 0,38 $ du kilomètre, puis, tout d'un coup, on les faisait tomber à 0,14 $ du kilomètre, ça change radicalement leur émolument, au sens global. Je voulais juste essayer de savoir le contenu de cette notion d'«avantages sociaux» dans l'esprit du ministre.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: Bien, pour le moment, ça remplace des dispositions qui prévoient effectivement les indemnités de voyage des juges. Mais j'avoue que là-dessus... Bien, d'abord, je pense que ce qui est important, c'est que les juges aient les moyens de voyager selon leurs fonctions et leurs conditions, et je ne veux pas annoncer trop de choses en avance, mais j'espère, un jour, que c'est le genre de chose qu'ils pourraient gérer eux-mêmes avec peut-être plus d'efficacité. Mais, effectivement, ça remplace des dispositions qui prévoyaient déjà... Notamment, ça remplace l'article 119, c'est ça? Ah non! l'article 119 reste.

M. Mulcair: Donc, pour ce qui est du dernier alinéa de 246.29, M. le Président, le terme «social benefits» revient dans la version anglaise; on pourrait le remplacer. Et je propose de remplacer la première ligne de la version anglaise par la suivante. On retrancherait les quatre premiers mots, les mots «An additional function of», et la phrase commencerait avec: «The committee is also responsible for the examination of», et ça se poursuit, «any change proposed». Donc, le reste, ça se suit. Je sais que les légistes vont pouvoir aisément suivre ce léger remaniement terminologique.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que le député de Chomedey nous le dépose?

(16 h 10)

M. Mulcair: Ce que nous faisons d'habitude avec ces suggestions-là au niveau terminologique de la version anglaise, pour faciliter le travail des comités, c'est qu'on les indique au ministre et à ses proches collaborateurs, qui en prennent note, et, la plupart du temps, ils sont tout simplement intégrés dans la dernière version anglaise plutôt que de commencer à préparer formellement une série de modifications. Ça a fonctionné jusqu'à date comme ça, et le ministre semblait indiquer tout à l'heure que ça pouvait aller.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que ça fonctionne, M. le ministre, la méthode proposée par le député de Chomedey?

M. Ménard: Bien là, là, j'ai deux oreilles, mais j'ai de la misère à entendre deux personnes en même temps. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Alors, vous nous comprenez davantage lorsque nous siégeons, maintenant.

M. Ménard: Mais je comprends bien. Le député de Chomedey m'en avait parlé auparavant. Je pense que la solution qu'il m'avait offerte, si c'est la même qu'il vous a offerte, est la meilleure. C'est qu'il fasse état de ses remarques, qui seront notées par les légistes traducteurs de l'Assemblée nationale pour apporter des corrections adéquates.

M. Mulcair: À la demande de notre formation, M. le Président, est-ce que je pourrais solliciter une très brève suspension de nos travaux?

Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Pinard): Nous reprenons nos travaux en commission plénière. Nous avons débuté le travail sur l'article 5, notamment l'insertion de l'article 246.29, qui est accepté de part et d'autre. Nous allons maintenant passer à l'article 246.30, que vous avez eu le plaisir de m'entendre tout à l'heure vous réciter au long. Alors, M. le ministre, vos commentaires sur 246.30.

M. Ménard: Oui. Alors, l'idée de siéger en deux formations, c'est parce qu'il y a deux types de problèmes particuliers: la rémunération, évidemment, des juges qui sont permanents et qui doivent consacrer tout leur temps à leur fonction de juge, et la rémunération de ceux qui exercent la fonction de juge à temps partiel tout en continuant à pratiquer leur profession d'avocat. Alors, c'est pourquoi il y aura donc deux formations qui siégeront pour les deux catégories de juges, si je peux m'exprimer ainsi sans blesser personne.

Maintenant, on comprend qu'il n'y aura qu'une personne qui sera différente dans chaque formation. C'est celle qui aura été nommée grâce à un consensus avec les juges permanents qui va céder sa place à celle qui aura été nommée par un consensus avec la Conférence des juges municipaux.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Ça va, M. le Président. Je tiens juste à faire remarquer que j'ai reçu copie d'une correspondance récente envoyée par l'Union des municipalités du Québec, particulièrement de Mario Laframboise. M. Laframboise est le président, maire de Notre-Dame-de-la-Paix et préfet de la MRC de Papineau. Et je tenais juste à mentionner que le ministre avait reçu une lettre de la part de l'UMQ exprimant un certain nombre de réserves sur le caractère approprié d'inclure les juges municipaux à temps partiel en même temps que les temps-pleins de Montréal, Québec et Laval dans le projet de loi. Je suis sûr que le ministre a eu l'occasion de le mentionner. Mais, puisqu'ils ont jugé bon de nous faire obtenir copie de cette correspondance juste à la veille du début de nos travaux, je tenais à les remercier d'avoir partagé avec nous leurs préoccupations.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, l'article 246.30 vous convient?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Pinard): L'article 246.31. M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Oui. Alors, justement, le comité dans son ensemble est formé de quatre membres et on comprend qu'il y en a un, au fond, qui... Disons que, s'il n'y a pas consensus, il y en a un qui est nommé par le gouvernement. Il y en a un autre qui est nommé par les juges permanents. Il y en a un troisième qui est nommé à la suite d'un accord entre le gouvernement et la Conférence des juges municipaux. Et, finalement, celui qui va présider sera nommé à la suite, d'abord, d'un accord entre la magistrature et le gouvernement et, si cet accord n'est pas possible par le gouvernement, après consultation de la magistrature. Mais on comprend pourquoi c'est un comité de quatre qui siège par banc de trois. Il y en a toujours seulement un qui change, c'est celui qui est plus particulièrement préoccupé soit du statut de la rémunération des juges permanents soit de la rémunération des juges à temps partiel.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

(16 h 20)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, c'est le noyau même de la mécanique qui va être mise en place pour la détermination de la rémunération que recevront les juges. La question risque de se poser: Qu'est-ce qui va se passer pour la nomination de la troisième personne? Je pense qu'on peut commencer déjà à dire, M. le Président, que, même si le ministre dit que c'est la dernière fois qu'on va demander aux juges de faire preuve de patience, à notre point de vue il n'y a aucune raison d'attendre jusqu'au 15 février pour cette nomination. Et il sait comme nous que les juges sont prêts tout de suite.

Je veux bien que... peut-être que ce que Egan Chambers appelait «the glacial pace of the public service» fait en sorte que, dans l'esprit de ceux qui rédigent les lois, le 15 février peut paraître le lendemain des vacances de Noël, mais ce n'est pas vraiment le cas. On peut au moins... Et c'est une suggestion que je fais au ministre, ici, de changer, dans le troisième alinéa, la référence du 15 février. Si on veut vraiment faire preuve de bonne foi et de notre intention d'y aller le plus rapidement possible aux juges qui attendent depuis des années et des années et des années que ça bouge, marquons au moins le 15 janvier. Il n'y a rien qui nous empêche de faire ça. À notre point de vue, c'est une simple modification qui peut se faire assez facilement.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, l'expression, c'est «au plus tard». Mais ma première idée, ça avait été, moi aussi, de mettre ça le 15 janvier. Mais là on m'a signalé que, d'abord, on ne savait pas exactement à quelle date il serait approuvé par l'Assemblée nationale. Ça pourrait être très bien le 19 ou peut-être même le 22 ou le 23 – personne ne le souhaite. Ensuite de ça, il faut qu'il y ait la sanction. Je ne pense pas qu'on délibère beaucoup entre le 23 décembre et puis le 3 janvier. Alors, déjà, ça nous met un peu plus tard. Ensuite, peut-être qu'on pourrait s'entendre, je crois qu'on va s'entendre rapidement avec les juges sur la nomination des personnes, mais il faut quand même demander à ces gens-là aussi d'accepter. Et il se pourrait bien que ces gens-là, des gens sur lesquels on s'entende, nous demandent un délai de réflexion. Il se pourrait que certaines de ces personnes aient pris leurs vacances ailleurs qu'au Canada ou ailleurs qu'au Québec pendant le temps des Fêtes.

Alors, on a mis «au plus tard le 15 février» pour être sûr qu'on ne serait pas obligé de revenir demander un amendement législatif ou je ne sais trop quoi ou encore, pire encore, d'être pris en défaut. Mais c'est quand on s'est mis à penser non pas tellement entre le gouvernement et les juges, mais aux candidats eux-mêmes et aux délais de réflexion qu'ils pourraient nous demander qu'on s'est dit: Ce serait plus prudent de se donner jusqu'au 15 février pour atteindre un consensus.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Étant donné que le ministre a déjà réfléchi à la date du 15 janvier comme nous et qu'il y a un certain mérite à son argumentation en ce qui concerne les départs possibles et tout ça, je lui propose un compromis – ce n'est peut-être pas le meilleur terme, mais enfin – la solution mitoyenne suivante: Pourquoi est-ce qu'on ne met pas le 31 janvier? Ça montrerait qu'on est sérieux quand on dit que c'est la dernière fois qu'on demande aux juges de faire preuve de patience, puis ça va aussi mettre un peu de pression sur tout le monde pour régler ça rapidement. Alors, nous proposons de modifier 246.31 par le remplacement des termes «15 février 1998» par «31 janvier 1998» dans les versions française et anglaise.

Le Président (M. Pinard): Vous nous apportez votre...

M. Mulcair: Je viens de le faire verbalement. Je pense que, si le ministre l'accepte, on... De la manière dont ça procède cet après-midi, ce serait peut-être le plus simple.

M. Ménard: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on en discute, mais ma position, c'est de garder le 15 février.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, avant toute chose, même si le député de Chomedey vous le communique, nous, au niveau du processus législatif, ça nous prend une copie de l'amendement déposé. Alors, peu importe qui fera l'amendement...

M. Ménard: Mais peut-être, je ne sais pas s'il veut... Moi, je maintiens le 15 février après y avoir pensé longtemps. Écoutez, des dates, on peut en discuter. Ça pourrait être le 14 février aussi, c'est la Saint-Valentin, ha, ha, ha!...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...ou le 7. Mais on a pensé qu'un mois de plus pour obtenir le consentement des personnes à qui on demanderait... Moi aussi, je suis toujours pressé, mais là on m'a signalé que, à l'être trop, je risquais d'être placé dans une situation impossible à régler. Nous voulons un consensus, et, si le temps pour obtenir ce consensus ne dépend pas que de nous, que de ceux qui le veulent et qui peuvent l'atteindre, bien, c'est peut-être bon de leur donner un mois de plus. J'estime qu'un mois, c'est mieux que 15 jours. C'est pour ça que, avec respect pour l'opinion de l'opposition qui voudrait le 31 janvier, je pense que c'est mieux de se donner un mois de plus, et je maintiendrais le 15 février.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, vous avez maintenant en main notre proposition de modification. On serait prêt à... Si vous la jugez recevable, nous, on tient quand même à faire voter le gouvernement sur cette modification que nous trouvons honnête et une manière de prouver aux juges qu'on est sérieux lorsqu'on dit qu'on va le faire dans les meilleurs délais. Alors, on propose la modification que vous avez en main.

Le Président (M. Pinard): Alors, l'amendement qui m'est déposé, c'est: L'article 246.31 est modifié par le remplacement de la date du 15 février 1998 par le 31 janvier 1998. Alors, l'amendement est jugé recevable. Est-ce que vous avez d'autres discussions à faire sur à la fois l'amendement et à la fois l'article principal 246.31?

M. Mulcair: J'aimerais vider l'amendement avant de procéder avec le reste de l'article, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Allez-y.

M. Mulcair: Alors, nous avons dit notre point de vue là-dessus, on serait prêt à procéder au vote.

Le Président (M. Pinard): O.K. Est-ce que vous avez d'autres commentaires, M. le ministre?

M. Ménard: Moi aussi. Il faut bien qu'on soit en désaccord sur quelque chose.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Alors, en mettant l'amendement au vote, est-ce que l'amendement déposé par le député de Chomedey est adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Rejeté.

M. Mulcair: ...M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous exigez un vote nominal?

M. Mulcair: Non, ça va. On va accepter le...

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, est-ce que l'article 246.31 est adopté?

M. Mulcair: À l'article 246.31, M. le Président, il y a un aspect qui nous préoccupe, c'est dans la partie du centre. C'est le troisième alinéa, en fait le troisième paragraphe de ce troisième alinéa, qui dit que, à défaut d'accord avant la date fatidique du 15 février, le troisième membre serait nommé par le gouvernement. Et, à notre point de vue, la manière la plus simple et la plus sûre de faire ça, c'est de suivre ce qui s'est fait dans d'autres provinces et ce qui existe aux termes d'autres législations sociales. À défaut d'entente, ça devrait être les deux premières personnes nommées qui doivent s'entendre sur la troisième. On est mal à l'aise avec l'idée que ce soit le gouvernement et on a voulu avoir une indication de la réflexion qui a présidé à ce choix-là.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, cette disposition-là, sauf erreur – mais je suis à peu près certain – ne semble pas inquiéter les juges. Probablement qu'ils sont conscients que le rapport Poissant, qui avait eu un mode de nomination semblable, en était arrivé à des recommandations vraiment acceptables. Il faut bien éventuellement que, quand il n'y a pas d'accord, quelqu'un décide. Les gens qui auraient été nommés seraient obligés de commencer eux-mêmes un processus de consultation, d'approcher des candidats pour savoir s'ils étaient d'accord ou pas d'accord. Finalement, on préférait que ce soit le gouvernement, qui est quand même responsable. Même si c'est l'Assemblée qui doit voter, c'est le gouvernement qui est responsable, au jour le jour, d'assurer le respect des objectifs budgétaires qui lui sont fixés par l'Assemblée, et on pense que la formule, si elle est menée de bonne foi, va donner un bon résultat.

(16 h 30)

Ensuite, la suggestion qui est faite par le député de Chomedey est une solution qui emprunte au droit du travail, au droit de la négociation, et il ne faut pas que la formule, je crois, qui sera retenue ressemble au droit du travail parce que – et la Cour suprême le dit bien – tout ce qui pourrait avoir l'air de négociations entre le gouvernement et les juges doit être défendu. Et la Cour suprême dit: Ça doit être défendu pour la perception que les gens ont de l'impartialité des juges. Il faut comprendre ce que ça veut dire en pratique. Ça veut dire, en pratique, que le gouvernement n'ait pas trop favorisé ses juges pour que, lorsque les juges soient saisis d'un litige entre le gouvernement et le citoyen, le citoyen ne pense pas que le gouvernement a des moyens – je n'ose pas dire le mot, mais c'est peut-être plus une question de perception, je peux le dire – d'exercer une certaine forme de manipulation financière sur ses juges.

Alors, la formule que vous suggériez est la formule paritaire, qui est bien connue dans le milieu du travail. On en a donc préféré une autre qui fait que, en l'absence de consensus, l'arbitre final, c'est le gouvernement. C'est peut-être notre statut d'ancienne colonie où le gouvernement exerce le pouvoir du lieutenant-gouverneur, lequel tenait de la reine, laquelle tenait de Dieu, n'est-ce pas? Mais c'est cette tradition que nous suivons plutôt que celles qui sont établies en droit du travail.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, ce n'est pas mon intention de parler de Dieu cet après-midi avec le ministre de la Justice. Il est à Ottawa en train de négocier. Ce que je voulais, c'est, avec lui, le Procureur général du Québec, le ministre de la Justice, essayer de regarder ce qui s'est déjà passé dans ce dossier-là pour essayer de tirer des enseignements qui nous soient utiles à tous pour l'avenir.

Vous savez, M. le Président, l'article 124 actuel de la Loi sur les tribunaux judiciaires dit: Au cours du mois de janvier 1993 et, par la suite, à tous les trois ans. Donc, au moins depuis janvier 1996, on avait l'obligation un peu analogue à ça de procéder à ce genre de travail là. Ça ne s'est jamais fait. C'est dans la loi actuelle. Tout le contraire s'est produit. L'année dernière, on a vu une tentative, une menace, de réduire de 6 % le traitement des juges. Nous, on est en train de se dire: Il faut, comme Parlement, en édictant cette nouvelle loi là, que non seulement on suive les admonitions de la Cour suprême, mais qu'en plus on démontre effectivement qu'on est de bonne foi et qu'on a l'intention de la mettre en vigueur.

Ça nous préoccupe de voir que c'est le gouvernement qui, aux termes de la législation qui est proposée ici pour adoption par l'Assemblée, est en train de dire: Si ça ne s'entend pas, on va le garder nous-mêmes. On aurait préféré, au moins, et on en fait une proposition... Avant de le mettre par écrit, j'aimerais sonder le ministre là-dessus. Mais, à notre point de vue, il y a un problème de cohérence là-dedans si on met le gouvernement ici, et l'Assemblée nationale pour ce qui est de l'approbation du comité. On demanderait au ministre d'essayer de voir avec ses propres collaborateurs la possibilité de changer cette référence au gouvernement pour, au moins, la substituer par «Assemblée nationale», car il faut que tout ça se tienne. Si on est en train de prévoir une nomination, à défaut d'entente avec les autres ou à défaut que les autres procédures marchent, peut-être qu'on devrait substituer la référence au gouvernement pour une référence à l'Assemblée nationale. Ça assurerait une certaine cohérence avec le reste du texte de la loi. On aurait voulu l'entendre là-dessus.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Ménard: On voit bien par les solutions de rechange qu'il y en a relativement peu, et celle-là est particulièrement lourde. Il serait très lourd que l'Assemblée nationale se mette à aller consulter, à approcher les candidats pour leur demander s'ils sont prêts à exercer cette responsabilité, puis faire rapport, puis ensuite... Et puis, en plus, quand l'Assemblée nationale ferait-elle la nomination? Il faudrait qu'elle soit en session. Justement, notre désir, c'est que la nomination soit faite avant le 1er avril 1998. La session commence en mars. Ça nous donne vraiment trop peu de temps. De toute façon, c'est un processus qui est beaucoup trop lourd.

Les juges semblent penser – d'ailleurs, je partage cette opinion – que n'importe quelle personne raisonnable, qui est correctement informée, qui reçoit les représentations du gouvernement et des juges, va en arriver à une solution adéquate. Au fond, leur demande, ce qu'ils nous disent, c'est: Vous en avez déjà eu, de ces personnes-là. Peu importe comment elles ont été nommées. C'est encore plus fort si c'est le gouvernement qui les a nommées. Appliquez ce qu'elles vous ont recommandé. Alors, c'est...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Bien, justement, on est en train de dire la même chose. On n'a pas appliqué ce qui était prévu, et là on est en train de dire: Bien, on va changer ça. On va mettre d'autres règles en place. Puis les juges sont en train de dire: «He must be kidding». Pourquoi n'appliquez-vous pas ce qui est déjà prévu? Le gouvernement a refusé de nommer ces membres aux termes du comité qui était déjà prévu dans la loi. Enfin, là-dessus, M. le Président, on va s'entendre pour ne pas s'entendre. Ça ne sert à rien de s'éterniser là-dessus.

On aimerait faire quelques remarques brèves concernant la version anglaise. Les références au «chief judge» devraient prendre, pour chaque mot, la majuscule. Et, dans le paragraphe numéroté 4, c'est-à-dire le 4 qui fait partie du troisième alinéa, les références, dans la version anglaise, lorsqu'on dit: «One member, who shall act as the committee chair, shall be designated, by mutual agreement by the chief judge of the Court of Québec, the Conférence des juges du Québec, the Conférence des juges municipaux du Québec...» Those two references, in our point of view, Mr. Chairman, should both be in English if this is going to be an English Statute. Section 133 of the British North America Act provides that the statutes are to be enacted in both languages. The Charter of the French language, chapter C-11 – if I am not mistaking – of the Revised Statutes of Québec, adopted some 20 years ago, does provide that «l'administration publique n'utilise que la langue française pour désigner les organismes du gouvernement».

Cependant, M. le Président, cette Assemblée nationale ne fait pas partie de l'administration publique au sens de la Charte de la langue française, premièrement. Deuxièmement, les deux instances qu'on vient de nommer ici, qui font partie d'un autre palier du gouvernement, un autre pouvoir au gouvernement, le pouvoir judiciaire, c'est sûr et certain que ça ne fait pas partie de l'administration publique au sens de la Charte de la langue française. Alors, pour ces raisons-là, il est, à notre point de vue, incorrect, voire même une faille qui peut entacher la validité de cette législation, de conserver à ce paragraphe-là ces références en langue française seulement dans la version anglaise du projet de loi. On invite le Procureur général à regarder cette question-là en même temps qu'il étudiera les autres propositions de modification en ce qui concerne le libellé et la traduction. De retrouver ça là-dedans, à notre point de vue, risque d'entacher la loi qu'on est en train d'adopter aujourd'hui. Et je ne voudrais pas donner des armes à Me Langlois plus qu'il n'en a déjà.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Je pense qu'on les nomme par le nom qu'elles se sont donné elles-mêmes, alors ce n'est pas... On va vérifier ça, mais je pense que c'est le nom qu'elles se sont donné.

Le Président (M. Pinard): Ça vous convient?

M. Ménard: C'est comme Canadian Tire. Ha, ha, ha! Non, mais enfin c'est comme les noms commerciaux en langue anglaise.

Le Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, l'article 246 peut être...

M. Mulcair: ...sauf que je ne sais pas ce que les juges de la Cour du Québec vont penser de la comparaison avec Canadian Tire. Mais, à part ça, on est prêt à voter sur le 246.31.

Le Président (M. Pinard): Alors, ça va pour l'article 246.31?

M. Ménard: Disons que ce n'était pas la meilleure comparaison que j'aie jamais faite, mais c'est la première qui m'est venue à l'esprit.

Le Président (M. Pinard): L'article 246.32: «Le gouvernement procède à la nomination des membres du comité au plus tard le 1er avril 1998 et par la suite à tous les trois ans. Le comité exerce sans délai les fonctions qui lui sont conférées par la présente partie.» M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Alors, je pense que cet article est clair. Comme on le dit dans cet anglicisme, il parle par lui-même ou, en français, il est explicite.

M. Mulcair: Mr. Chairman, if 246.32 speaks for itself, I would propose that we make a slight amendment to the English version, and beginning with the last sentence: «The committee shall begin to carry out its responsibilities under this part immediately.» It is our contention that the words «without delay» are simply borrowed from the French «sans délai». It is not something that one sees very often in an English version of a statute. So, we would prefer to see the word «immediately». And the other small changes we have proposed, it does not change the meaning. Other than that, Mr. Chairman, we are ready to vote. On est prêt à procéder au vote sur le 246.32.

Le Président (M. Brouillet): Je m'excuse, j'étais occupé au-dessous. J'arrive, là. Vous étiez rendus au...

M. Ménard: Dans l'article 5.

Le Président (M. Brouillet): L'article 246.32.

M. Ménard: Oui.

Le Président (M. Brouillet): Et vous êtes d'accord pour qu'on l'adopte? Oui?

M. Ménard: Oui.

M. Mulcair: Adopté.

(16 h 40)

Le Président (M. Brouillet): C'est fait? Bon, adopté. Alors, l'article 246.33: «À l'expiration de leur mandat, les membres demeurent en fonction jusqu'à ce qu'ils soient remplacés ou nommés de nouveau.»

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 246.34. «Lorsqu'un membre décède, remet sa démission ou est autrement empêché d'agir, le gouvernement procède, de la façon prévue à l'article 246.31, à la nomination d'un membre pour le remplacer. La durée de son mandat correspond à la partie non écoulée du mandat du membre qu'il remplace.»

M. Ménard: Je pense qu'on peut l'adopter.

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Bon. On me dit qu'il y avait une entente où je ne lisais pas les articles. Alors, on peut aller plus vite. Si vous êtes prêts à adopter le l'article 246.35, on peut l'adopter tout de suite.

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 246.36. Il est un peu plus long. Alors, est-ce qu'il y a des questions ou des commentaires?

M. Mulcair: Oui, sur le 246.36, M. le Président, on aimerait une clarification de l'intention du gouvernement en ce qui concerne les études. On peut lire que le président a la gestion des ressources financières. Ça, c'est dans le premier paragraphe. Ensuite, on dit: «Il peut recourir aux services de soutien et aux services professionnels qu'il estime nécessaires à l'accomplissement des fonctions du comité.» On dit à la fin: «...peut confier à des experts le mandat d'examiner toute question qu'il leur soumet.»

Mais ce n'est pas clair, à notre point de vue, qui va être responsable de payer ces études-là. Est-ce que ces études-là vont être rendues publiques? Est-ce qu'elles vont toutes être prises en considération? Qui contrôle, finalement, ces études-là? Est-ce que ça peut, par exemple, inclure le fait pour les juges de se payer les services d'un avocat au cours de tout ce processus-là?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: Ça ne couvre pas la situation de l'avocat, mais ça couvre tous les autres experts, et c'est le comité qui les paie.

M. Mulcair: C'est le comité qui les paie?

M. Ménard: Exactement. Donc, ça donne une indépendance totale, mais ça donne aussi une certaine rigueur administrative, puisque, comme on le verra plus loin, le président va quand même se soumettre aux règles d'administration de la fonction publique et pourra être vérifié par le Vérificateur général.

M. Mulcair: D'accord. On est prêt à voter là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Alors, 246.36 est adopté. L'article 246.37. Est-ce qu'il y a des questions ou des commentaires?

M. Mulcair: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Ça va pour l'article 246.37. Alors, nous sommes maintenant à 246.38. Ça ne pose pas de problème, celui-là. Alors, adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 246.39.

M. Mulcair: Ça va.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 246.40.

M. Mulcair: Ça va.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 246.41.

M. Mulcair: Encore une fois, M. le Président, je voudrais faire référence à cette lettre qui a été envoyée par l'Union des municipalités du Québec qui soulève un certain nombre de préoccupations, lettre envoyée au ministre, mais dont nous avons reçu copie juste à la veille des travaux aujourd'hui. On tenait quand même à dire qu'on avait été sensibilisés par l'UMQ à ces préoccupations et ça soulève encore ici... En gros, ils se demandent comment ça se fait qu'ils n'ont pas été intégrés un petit peu plus dans le circuit décisionnel de cette loi-là, puisque ce sont eux les bailleurs de fonds, ce sont eux qui vont finir par payer la facture, et ils n'ont pas participé à l'élaboration des règles du jeu.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: Oui, mais ça ne change rien à la situation actuelle, et on a bien l'intention de toute façon de les consulter, on leur donne un rôle à jouer devant le comité, elles pourront intervenir et être consultées. Maintenant, dire qu'il y a aussi, je ne dirais pas que c'est un avantage, mais, enfin, il faut comprendre qu'on crée une cour municipale, on assume le coût de son juge, mais aussi on reçoit les amendes, le profit des amendes qui sont imposées. Alors, ce n'est pas une opération commerciale d'aucune espèce de façon. Mais disons que, normalement, malgré qu'il peut y avoir des hauts et des bas au cours des années, sur le plan budgétaire, ça devrait avoir des conséquences nulles. Et vous comprendrez, et certainement que vous êtes d'accord avec le fait que, par contre, il est essentiel que la rémunération des juges des cours municipales ne soit pas décidée par chaque municipalité qui les emploie et qu'il y ait une uniformité de rémunération pour les séances tenues par les juges municipaux, où qu'ils siègent au Québec.

M. Mulcair: Très bien.

Le Président (M. Brouillet): Alors, 246.41 est adopté. Article 246.42. M. le ministre.

M. Ménard: Alors, c'est un article quand même important. Il donne, au fond, neuf critères à respecter, le dixième étant: «tout autre facteur que le comité estime pertinent.» Je pense qu'il y en a un qui est particulièrement important pour les juges, c'est «la nécessité d'attirer d'excellents candidats à la fonction de juge». Pour le reste, j'en ai déjà parlé dans mes remarques, lors de la première prise en considération du projet de loi.

M. Mulcair: De notre côté, M. le Président, on considère que les paragraphes 5°, 6° et 7° auraient quasiment pu être fusionnés. Ça renvoie à la notion d'économie, au sens général. Je me permets de les lire. Donc, dans les quatre premiers paragraphes, on a donné une indication qu'on doit regarder les particularités de la fonction, comme le ministre vient de le dire, la nécessité d'attirer des bons candidats, etc. Là, on dit: «la conjoncture économique du Québec et la situation générale de l'économie québécoise; l'évolution du revenu réel par habitant au Québec; l'état des finances publiques ou des finances publiques municipales, selon la formation compétente.»

Je vous avoue, M. le Président, que, vu que tout ça renvoie à des facteurs d'ordre purement économique, public, ça nous semble une distinction qui est difficile à suivre. On aurait préféré une référence un peu plus globale à l'économie. Mais, si le ministre pense que c'est vraiment fondamental puis qu'il y a une vraie distinction entre les deux...

Je ne voudrais pas qu'en édictant cette loi-là avec autant de critères on soit en train de créer l'occasion de plus de chicanes. S'il faut regarder les paragraphes 5°, 6° et 7° et tenir compte individuellement de chacun de ces éléments-là, et déterminer ce que ça veut dire, et essayer de le mesurer, de le pondérer et de l'appliquer dans notre détermination d'une rémunération adéquate pour les juges, il me semble que peut-être on est en train de compliquer la tâche plutôt que de la faciliter. C'est le point de vue de l'opposition sur cet aspect-là, bien qu'il n'y ait rien dans cet article-là qui va à l'encontre du jugement de la Cour suprême; on veut être clair là-dessus.

Mais, parfois, en législation, si on utilise un terme un peu plus général, on se facilite la tâche. Parce que quelqu'un qui veut être tatillon, qui va dire: Oui, mais la conjoncture économique, il faut comprendre que c'est autre chose que l'état des finances publiques et c'est encore différent de l'évolution du revenu réel, puis il faut vraiment pondérer ces trois choses-là, moi, je vous avoue, ça va peut-être donner du travail aux économistes qui vont faire les études, mais je ne suis pas sûr qu'à la fin de la journée pour le monde ordinaire, ça change grand-chose.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 246.42...

M. Mulcair: Mais on aurait voulu avoir la réaction du ministre là-dessus, s'il sent vraiment nécessaire d'avoir cette distinction-là.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, 7°, vous le comprenez, est essentiel pour distinguer les finances publiques, dans un cas, puis les finances publiques municipales, dans l'autre. Les paragraphes 5°, 6°, 7°, au fond, on va du plus général à quelque chose de plus particulier. La conjoncture économique, c'est bien vague, mais c'est quand même important. Puis l'évolution du revenu réel, parfois... c'est certain que c'est relié, mais ce n'est pas relié de façon absolue. Alors, c'est une bonne indication. Nous aurions pu le mettre dans un paragraphe, avec des virgules. Nous trouvions ça plus pédagogique de le mettre comme ça, 1°, 2°, etc. Mais, là-dessus, les opinions des honnêtes gens peuvent être différentes.

(16 h 50)

M. Mulcair: Un dernier point sur le 246.42, M. le Président. Au neuvième alinéa, on dit qu'une considération dont le comité doit tenir compte est la suivante: «la rémunération versée à d'autres juges exerçant une compétence comparable au Canada». Évidemment, le mot compétence renvoie à différentes choses. Souvent, on parle de juridiction, ce dont ils sont responsables. Ça peut aussi être leur autorité. Mais, à notre point de vue, il serait plus exact d'utiliser les deux termes «compétence» et «charge», en ce sens que le neuvième se lirait comme suit: «la rémunération versée à d'autres juges exerçant une compétence et une charge comparables au Canada». «Charge» pouvant renvoyer justement à deux choses distinctes: une charge en termes de la sorte de responsabilité et une charge en termes du fardeau du travail. Parce que ça aussi, ça peut varier.

Le juge qui doit décider, tous les jours de la semaine, comme ici, au Québec, de sommes très importantes qui impliquent, dans de vrais litiges, des procès au fond, il est un juge de la Cour provinciale, mais, si on dit que c'est la même compétence, le juge de la Cour provinciale dans la province X, qui n'entend jamais un procès au-dessus de 5 000 $, bien, c'est peut-être la même compétence, ils sont tous les deux des juges de la Cour provinciale, mais leur charge, leur responsabilité, si vous voulez – c'est peut-être un autre terme qu'on pourrait employer – sont vraiment différentes. Je ne pense pas que la terminologie utilisée à l'alinéa 9° soit suffisamment flexible pour permettre de tenir compte de ce genre de distinction.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, nous avons eu, chez nous, des discussions. La première expression qui avait été suggérée, c'était «juridiction équivalente», mais ça a été réglé en dictionnaire. On m'assure, et je crois partager cette opinion, que le mot le plus exact en français, c'est le mot «compétence». C'est d'ailleurs celui qui est utilisé dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, lorsque, à la partie III, on parle de la Cour du Québec, alors la section I de la partie III commence: «Compétence, divisions régionales et chambres de la cour». Le mot «compétence» est le mot le plus exact en français. Quant au mot «charge», je comprends son caractère plus général, mais je crois que c'est le genre de chose qui est couvert par 8°, par voie de comparaison. Et 9° est un critère qui veut que ce soit aussi... 8°, c'est avec les autres personnes de la fonction, autrement dit le degré de responsabilité, la compétence que cela prend, la charge de travail que ça suppose, et ainsi de suite.

Mais on voulait aussi que le comité prenne en considération les juges qui ont une compétence... moi, j'allais dire «équivalente», mais on m'a dit: Non. C'est mieux de dire «comparable», même si c'est compétence comparable. Alors, phonétiquement, ça se ressemblait. Moi, mes meilleurs légistes m'assurent que ce sont les termes les plus exacts.

M. Mulcair: On verra ce que le comité est capable de faire avec, M. le Président. Mais, en terminant sur le 246.42, on veut juste faire remarquer au ministre que, à notre point de vue, il y a un paragraphe qui tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe. Tout le reste, ça se tient. On est capables de le suivre, notamment en regard du jugement de la Cour suprême, même si on est plus ou moins d'accord sur la manière de les rédiger à certains égards. Mais le 8° se lit comme suit:

«Le comité prend en considération les facteurs suivants:

«8° l'état et l'évolution comparés de la rémunération des juges concernés d'une part, et de celle des autres personnes rémunérées sur les fonds publics, d'autre part».

Ouf! Je ne suis pas convaincu que le comité va pouvoir faire grand-chose avec ça. Je ne suis pas sûr que les gens qui vont le lire vont savoir où est-ce qu'on tente de les amener. Est-ce que le ministre peut essayer de nous aider avec ça? Qu'est-ce qui est visé par l'article 8°? Et pourquoi est-ce qu'il trouve ça pertinent en regard du jugement de la Cour suprême, ça, comme critère?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: Il faut décider de la rémunération des juges en fonction de la situation particulière des autres personnes qui occupent des charges publiques qui demandent une compétence équivalente, etc., dans des conditions de responsabilité et d'étude ou d'expérience qui soient celles du Québec et non pas celles d'un autre État dans le monde. C'est pourquoi ça les invite, au fond, à regarder une situation locale mais à l'intérieur de la fonction publique. C'est vrai que la formule est compliquée, mais je pense qu'elle est facile à comprendre. En somme, on veut qu'ils tiennent compte du taux... que ça se situe quelque part relativement à la façon dont les autres hauts fonctionnaires sont payés, même si les juges ne sont pas des hauts fonctionnaires. Il y a les hauts fonctionnaires puis il y a aussi ceux qui exercent d'autres pouvoirs: ceux qui exercent le pouvoir exécutif, ceux qui exercent le pouvoir législatif.

M. Mulcair: On est sur la même longueur d'onde, là, avec le ministre, sauf que ce n'est pas ça qui est écrit à l'article 8°. C'est écrit: «et de celle des autres personnes rémunérées sur les fonds publics, d'autre part». Ça, c'est tout le monde.

Je vais vous donner un exemple, M. le Président. On est en train de dire que les personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et des services sociaux, les gens qui travaillent en éducation, toute personne qui est payée sur les fonds publics, ces gens-là, leurs salaires sont déterminés suite à des négociations dans le cadre d'une négo classique dans la fonction publique. On a un syndicat, on a le gouvernement, on a l'employeur, et presque inévitablement, surtout aux niveaux professionnel et technique, on a des corps d'emplois avec des échelons, des niveaux. À chaque année d'expérience, on monte. Au début, c'est souvent deux échelons par année; tous les six mois, on monte. Puis il y a une grille que tous les employés de l'État connaissent dans leur corps d'emploi, avec le salaire. Donc, même quand on dit que le gouvernement a gelé les salaires dans la fonction publique, toute personne qui travaille dans la fonction publique sait que, en changeant de corps d'emploi et de catégorie à chaque année, il y a des augmentations souvent substantielles qui vont venir. C'est pour ça d'ailleurs que le public a tellement de difficultés des fois à comprendre comment ça se fait que la masse salariale continue à monter d'année en année même quand on essaie de réduire le nombre de personnes et qu'on réduit les augmentations. Parce que, quand les gens disent «augmentation», ils disent «augmentation sur la masse», ce n'est pas «augmentation dans leur petite catégorie». Leur catégorie, à chaque fois qu'ils changent, ils l'ont. Ça, c'est toujours garanti, parce que l'expérience doit compter.

Le ministre a fait référence tantôt aux hauts fonctionnaires. On l'aurait suivi si c'était ça qui était écrit. Si on disait: «aux autres fonctions supérieures de l'État», comme phrase générale pour le décrire, on l'aurait suivi. Mais ce n'est pas ça qui est écrit ici. C'est une drôle de bébite, ça. De faire une comparaison entre les syndiqués de la fonction publique qui ont ces catégories d'emplois avec leurs échelles de salaire qu'ils modifient avec les années d'expérience, c'est une drôle d'idée, ça. Parce que les juges, qu'ils soient là depuis un an, ou depuis 13 ans, ou depuis 25 ans, gagnent exactement le même salaire, à moins, bien sûr, d'occuper une autre fonction, un peu comme un vice-président de l'Assemblée ou un président de commission parlementaire gagne un salaire supplémentaire pour cette charge additionnelle. Il y a des juges coordonnateurs, il y a des gens qui font d'autres choses dans la sphère judiciaire et qui ont des émoluments additionnels. Mais, d'une manière générale, c'est exactement le même salaire. C'est vraiment comparer des choses qui ne sont, à notre point de vue, vraiment pas comparables. Alors, ou on enlève le 8° ou on fait une référence aux autres fonctions supérieures de l'État plutôt qu'aux autres personnes rémunérées sur les fonds publics. Il y a vraiment un problème avec la manière dont c'est écrit là.

(17 heures)

M. Ménard: Oui et non. Je trouve que vous avez de bons exemples. Il suffit juste de continuer. Tous les ministres gagnent la même chose, quel que soit... Il y a des ministres qui administrent des budgets de plusieurs milliards et d'autres de quelques millions. Ils gagnent la même chose, quel que soit leur âge, quelle que soit leur expérience. C'est la même chose pour les députés. Le doyen de l'Assemblée nationale, ici, malgré tout le respect qu'on lui porte, gagne la même chose que le dernier rentré. C'est parce qu'il ne faut quand même pas voir, isoler 8° des autres critères. Quand on met plusieurs critères, ils s'interprètent les uns avec les autres. Sans vouloir éliminer complètement la comparaison avec le secteur privé, il reste qu'il faut que les... il me semble être évident que le comité va regarder ce qui se paie dans la fonction publique pour des fonctions que le comité va estimer équivalentes. En tout cas, on voudrait bien qu'il regarde dans la fonction publique aussi. Et si, à un moment donné... N'oubliez pas qu'on suit aussi la Cour suprême, hein. Quand la Cour suprême nous dit qu'une mesure de diminution du salaire des juges serait rationnelle si elle se faisait dans le cadre d'une diminution générale de la fonction publique, c'est donc qu'il fallait qu'il y ait, dans un des critères que considérerait le comité, une référence aux personnes qui sont payées à même les fonds publics.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député.

M. Mulcair: M. le Président, on propose la modification suivante: Remplacer, au huitième paragraphe de 246.42, les mots «personnes rémunérées sur les fonds publics» par «fonction supérieure au sein de l'État», ce qui est la terminologie existante à l'article 124 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Le Président (M. Brouillet): Alors, si vous pouvez écrire le texte, M. le député. Vous pourrez me l'acheminer.

M. Mulcair: Ça y est. On va vous le donner.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci. Alors, nous avons un amendement. Nous allons attendre que M. le ministre et ses conseillers en discutent.

M. Ménard: C'est une solution qui a été étudiée et rejetée, et je dois dire que, à mon avis, elle trouve son fondement dans le jugement de la Cour suprême aussi quand ils parlent de... D'ailleurs, si je me souviens bien, la première comparaison d'une solution rationnelle, c'était une diminution dans le cadre de l'ensemble de la fonction publique, mais la Cour suprême a ajouté «ou d'une catégorie».

Non, je préfère cette expression, qui est plus large que celle que vous suggérez, qui est plus restreinte. Enfin, on le sait qu'il y a des gens qui sont rémunérés à même les fonds publics dans la haute fonction publique, des gens qui reçoivent de très hauts salaires, parce que, justement aussi, le temps qu'ils vont occuper ce poste est très court et est extrêmement exigeant. Je pense que le Québec n'aurait pas les moyens de payer, par exemple – et je suis convaincu qu'il ne se sentira pas offensé – les juges le salaire du président d'Hydro-Québec, par exemple. Mais il faut certainement que leur salaire soit... Comme j'ai dit, moi, je trouve que la meilleure expression qu'on leur donne déjà, c'est: «3° la nécessité d'attirer d'excellents candidats à la fonction de juge». C'est déjà beaucoup. L'autre est risquée, en pratique, celle que vous proposez.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député, sur l'amendement?

M. Mulcair: Juste pour faciliter la compréhension du ministre, on était dans le 8°, pas dans le 3°, et on était en train de dire qu'on voulait faire une comparaison non pas avec l'ensemble des personnes rémunérées sur les fonds publics, ce qui comportait, à notre point de vue, des écueils, mais vraiment faire référence, comme le fait à l'heure actuelle la Loi sur les tribunaux judiciaires, aux autres fonctions supérieures de l'État. Ils ont, comme vous le savez très bien, la majorité, et ça ne sert à rien de se buter à n'en plus finir contre ça... Mais, à notre point de vue, c'est vraiment une erreur. Ça va être un écueil, ça va être une difficulté d'application de garder cette rédaction-là.

L'autre rédaction avait au moins le mérite de faire une comparaison entre comparables. Commencer à dire que la personne qui occupe une fonction purement technique au niveau d'entrée qui a deux échelons par année va être comparée... que l'évolution de sa rémunération, une évolution qui comporte, rappelons-le, des échelles, va pouvoir se comparer avec quelque chose qui n'a aucun rapport, c'est-à-dire une fonction puis une manière de rémunérer qui n'a aucun rapport, on trouve que c'est une invitation à des problèmes qui peuvent être évités si le ministre accède à notre invitation et soit retire le paragraphe 8° carrément, soit fait une référence à quelque chose qui est comparable. Les autres fonctions supérieures de l'État ne comportent pas ces échelles de salaire. Donc, c'est évident qu'on serait en train de comparer avec quelque chose de comparable, et le travail du comité va pouvoir se faire intelligemment.

On craint vraiment que toute cette belle structure risque de se heurter à un problème presque insoluble et, si on dit que le comité «prend» en considération les facteurs suivants – l'utilisation de l'indicatif présent – c'est l'impératif, dans ce cas-ci: le comité «doit» le prendre en considération. Si le comité arrive à une conclusion qui ne fait pas ce qui est prévu au paragraphe 8° parce qu'ils ne peuvent pas le faire, on retourne à la case départ, et je pense que ce n'est pas souhaitable. Je pense qu'il faut maintenant, comme législateurs, qu'on assume nos responsabilités et qu'on mette le terme qui risque d'être le plus facile à appliquer et qui est... Nous soumettons respectueusement le terme que nous avons proposé au ministre.

M. Ménard: On diverge d'opinion.

Le Président (M. Brouillet): Il n'y a plus d'autres commentaires sur l'amendement, alors l'amendement est donc rejeté sur division. Alors, nous revenons maintenant à ce paragraphe. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 246.42? Non, pas d'autres commentaires. Alors, est-ce que le paragraphe est adopté? Adopté.

Le paragraphe 246.43.

M. Ménard: Alors, adopté ou bien?

Le Président (M. Brouillet): Questions et commentaires.

M. Mulcair: Pour ce qui est de 246.43, M. le Président, on voulait juste essayer de voir l'agencement des dates avec le ministre. On dit: «Ce rapport est remis dans les six mois de la date à laquelle les membres ont été nommés ou, lorsque le comité exerce ses fonctions conformément au troisième alinéa de l'article 246.29, dans les six mois de la date à partir de laquelle le comité a reçu la proposition de modification.» Le ministre est tenu de déposer devant l'Assemblée nationale dans les 10 jours ou, si elle ne siège pas, dans les 10 jours de la reprise des travaux.

Ça peut être long, ça. Est-ce qu'il n'y a pas moyen, encore une fois dans le même but, de s'assurer qu'on agence les dates avec ce qui est déjà prévu? Plus tôt, le ministre a refusé de bouger de la date du 15 février. La date du 1er avril est toujours là-dedans, présumément pour aller avec l'exercice financier du gouvernement. Mais là, si on est en train de parler d'un autre six mois à partir de là – c'est effectivement le cas – on ne sera probablement pas en session. Est-ce qu'il n'y a pas moyen d'agencer ça un peu mieux pour s'assurer qu'on ne tombe pas dans le vide?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, six mois, c'était la date qui était déjà prévue. Alors, c'était le délai qui était donné à l'ancien comité. Ensuite, prenez le... Même d'avril, vous arrivez en octobre. Ça veut dire que nous sommes en session. Nous avons 30 jours pour en décider. Donc, j'ai calculé qu'au plus tard – ça ne veut pas dire qu'on ne pourra pas le faire avant, bien au contraire – mais au plus tard ça devrait être réglé dans un an. Et nous serons les premiers au Canada.

M. Mulcair: Je pense que nous vous avons dit très clairement et très ouvertement dès l'ouverture de cette session aujourd'hui, M. le Président... on a félicité le ministre. On sait pertinemment bien qu'on est la première province à suivre les indications de la Cour suprême rendues au mois de septembre, et c'est pour ça qu'on offre toute notre collaboration, on trouve ça très important aussi. Mais la manière de proposer l'agencement – le ministre nous dit qu'on sera en session, pas nécessairement, mais peu de temps après, de toute façon – et on espère que ça va se faire de cette manière-là. On aurait préféré avoir quelque chose d'un peu plus compact. Mais on va suivre. C'est notre première tentative ensemble, et on sera toujours là à l'automne à moins que, bien entendu, le gouvernement déclenche des élections au mois de juin, comme d'aucuns disent, auquel cas ça serait nous en face. Mais vous pouvez être sûr qu'on va suivre l'excellent modèle qui est proposé ici.

Le Président (M. Brouillet): Alors, le paragraphe 246.43 est adopté. Le paragraphe 246.44. Vous avez des remarques ou des questions?

(17 h 10)

M. Mulcair: De notre côté, M. le Président, on a une remarque générale que nous avons déjà eu l'occasion de faire en commission parlementaire au ministre à l'effet qu'à notre point de vue il aurait été souhaitable, préférable et probablement moins difficile pour le gouvernement de tout simplement prévoir que les recommandations du comité lient le gouvernement, que ça soit exécutoire. On parle en anglais de «binding». À notre point de vue, ça aurait évité tous les problèmes qu'on a connus avec le rapport de la commission Poissant qui existe mais qui date maintenant d'il y a plus de quatre ans, et avec d'autres rapports qui, malheureusement, ont été tablettés. Je sais bien que ce qui est prévu ici vise à s'assurer que ça entre en vigueur. Et, comme parlementaire, je peux difficilement dire que je trouve fondamentalement aberrant ou inacceptable le fait que ça soit le Parlement qui doive entériner le rapport. Mais s'il y a encore d'autres étapes qui ouvrent à notre point de vue inutilement à du troc ou à de la négociation, tout ce processus-là qui, rappelons-le, doit justement être mis en place aux termes du jugement de la Cour suprême pour que le public voie ses tribunaux comme étant complètement indépendants. Et, à défaut de pouvoir avoir le «binding», comme on l'avait demandé – on dit justement en anglais «half a loaf is better than none» – on aimerait que le ministre regarde avec nous, cet après-midi, la possibilité suivante. On dit, au début de 2.46.44 que «l'Assemblée nationale peut par résolution motivée – ce qui est déjà très bien, la résolution doit donner des raisons; c'est ça que ça veut dire, quand on dit que ça peut être motivé – approuver, modifier ou rejeter...»

Au moment où on se parle, le gouvernement est en train de proposer un mode de règlement du différend social dans le domaine des municipalités, qui est la meilleure dernière offre. C'est un peu l'équivalent, en matière de négociations, d'une clause dite «shotgun» dans un contrat de société. Il est en train de dire: C'est l'un ou c'est l'autre, ça ne va pas être une négociation entre les deux.

Nous disons qu'à défaut d'avoir une disposition qui prévoit que le travail de ce comité va automatiquement lier tout le monde et est exécutoire il serait peut-être opportun d'enlever la référence à «modifier», ici, que l'Assemblée nationale peut accepter ou rejeter. À notre point de vue, c'est un moindre mal, parce que, si on commence à jouer dans le texte, dans les détails de ce document-là, à notre point de vue, on serait en train d'ouvrir la porte à des possibilités de critiques, qu'il y a eu justement manipulation de négociations. On aimerait entendre le ministre là-dessus. C'est une proposition que nous sommes prêts à mettre par écrit, mais on voulait le sonder là-dessus, dans un premier temps.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Ménard: Non. Je trouve que c'est beaucoup trop dangereux. Si l'Assemblée nationale n'est pas d'accord avec les recommandations du comité, je pense que la solution la plus naturelle, ce n'est pas de garder les juges à la rémunération antérieure. Et je ne vois pas, ensuite, comment... En fait, plus j'y réfléchis... C'est une situation, vous le savez très bien, qui la rendrait obligatoire parce que la Cour suprême a très bien dit que, si l'Assemblée nationale ou le gouvernement n'accepte pas les recommandations du comité, mais que sa propre proposition ne rencontre pas les critères de la simple rationalité, alors, les juges ont un recours judiciaire.

Donc, si l'Assemblée nationale n'a pas la possibilité de modifier les recommandations, ça va de soi que les juges ont un recours judiciaire. Et le tribunal qui serait saisi de leur recours n'aurait en face de lui qu'une seule proposition, à supposer que l'Assemblée nationale ne soit pas d'accord avec le fait de garder les juges dans le statu quo, mais soit d'accord pour leur donner une rémunération plus élevée, mais pas aussi élevée que celle que recommandait le comité. Alors, ça m'apparaît non seulement très dangereux, mais ça m'apparaît, au fond, faire le choix que nous avons décidé de ne pas faire.

Maintenant, pourquoi avons-nous décidé de ne pas le faire? Je reconnais avec l'opposition que ça aurait été plus facile pour le gouvernement, mais je pense qu'il s'agit là quand même d'une question fondamentale. L'indépendance des juges est un principe fondamental dans une société démocratique et libre, mais ce n'est pas le seul principe sur lequel est assise une démocratie. L'autre principe qui est aussi fondamental dans une société démocratique, c'est que ce sont les élus qui sont responsables de la taxation et, donc, de l'allocation des ressources. Et, quand il s'agit justement de l'allocation des ressources pour ceux qui exercent le pouvoir dans une société, je pense que cela doit nécessairement appartenir à des élus.

Donc, le principe «pas de taxation sans représentation», je suis convaincu que tout le monde le reconnaîtra, est un principe qui est fondamental. La révolution américaine s'est faite sur ce principe avant même, je pense, le principe d'indépendance judiciaire, lequel est un principe d'une société encore plus raffinée. Mais, à la base même de la démocratie, est le fait qu'on ne puisse vous taxer sans que vous ayez un mot à dire et que ceux qui ont un mot à dire, les électeurs, s'attendent, même s'ils savent que leur influence n'est pas très grande individuellement, mais qu'ils s'attendent à ce que ceux qu'ils élisent aient effectivement un mot à dire dans la distribution des argents publics. C'est pourquoi je pense que c'est une responsabilité que doit exercer l'Assemblée nationale.

Et je pense que les juges avaient peur, mais je pense que cette crainte, au fond, ne devrait pas se matérialiser, je pense que les juges avaient peur des discours démagogiques qui pourraient se faire sur leur rémunération. Mais j'ai remarqué que, chaque fois que les gens... C'est vrai que la première réaction peut-être, pour les juges comme d'ailleurs pour les députés et les ministres: Ah! on les paie bien trop cher. Comme pour la police aussi. La première réaction facile, démagogique. Mais, dès que les gens se mettent à réfléchir à la fonction, au type de candidats que l'on veut voir occuper la fonction, ils en arrivent généralement à des raisonnements beaucoup plus intelligents, beaucoup plus mesurés et ils en arrivent à la nécessité de voir qu'il faut effectivement attirer d'excellents candidats dans ces fonctions. C'est le cas – j'ai remarqué – de tous les éditorialistes. Ce fut le cas – les juges l'ont remarqué – du rapport Poissant. En fait, sauf l'élection d'un gouvernement d'extrême droite qui aurait des tendances fascistes et qui voudrait renverser un gouvernement extrémiste, je vois mal les députés avoir autre chose que des discussions mesurées, raisonnables sur la question de la rémunération des juges.

Nous n'avons pas voulu imposer à l'Assemblée une façon de procéder, mais je suis convaincu que l'Assemblée, elle, voudra référer ça à une commission et en discuter entre les deux partis politiques. Et je suis convaincu, quant à moi, qu'il n'y aura pas d'arguments démagogiques qui seront soulevés, mais il y aura certainement – et c'est le propre des élus de le faire – une discussion sur l'allocation des ressources, sur les comparaisons, sur l'argent qui est disponible, sur l'état de l'économie, sur les autres mesures que les élus sont obligés de prendre dans l'allocation des fonds publics et qui sont des décisions extrêmement difficiles notamment par les temps qui courent. Je crois qu'il y aura des discussions de ce type-là, mais je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'arguments démagogiques qui soient soulevés. Donc, c'est une question, je pense, de respect pour l'Assemblée nationale et de respect pour un principe démocratique qui est au moins aussi fondamental que celui de l'indépendance judiciaire.

M. Mulcair: M. le Président, on partage les mêmes préoccupations que le ministre et c'est parce qu'on les partage qu'on veut éviter de se placer dans une situation où tout le bon travail bien balisé de ce comité risque de se faire rejeter, jeter par-dessus bord par une ingérence en commission parlementaire où le jeu entre les deux côtés ne tiendra pas nécessairement compte seulement de l'intérêt de garder des tribunaux autonomes et indépendants.

Ceci étant dit, comme pour d'autres aspects de notre discussion cet après-midi, on doit s'en tenir aux paroles du ministre, à ce qui a été enregistré et que c'est l'attitude et l'intention de son gouvernement à cet égard. Et on est prêt à procéder sur les autres articles tout de suite, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 246.44 est donc adopté. L'article 246.45.

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Nous revenons à l'article 5 maintenant, parce que nous avons passé l'ensemble des paragraphes. L'article 5 est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

M. Ménard: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Nous sommes à l'article 6: L'intitulé de la sous-section... Oui, il est adopté.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 7.

M. Mulcair: Ça va, sauf sous réserve de notre remarque en ce qui concerne la terminologie «social benefits».

Le Président (M. Brouillet): L'article 7 est adopté.

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Oui, mais on va adopter l'article 8.

M. Ménard: L'article 8, ça va, oui.

(17 h 20)

Le Président (M. Brouillet): L'article 8 est adopté. Alors, là, il y aurait un amendement après l'article 8, une fois qu'on aura adopté l'article 8. Ça va pour le 8? Oui? Alors, l'amendement que j'ai ici, on m'a déposé le texte: Insérer, après l'article 8 du projet de loi, ce qui suit:

8.1 Le dernier alinéa de l'article 3.0.1 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif, édicté par l'article 1 du chapitre 6 des Lois de 1997 et modifié par l'article 361 du chapitre 43 des Lois de 1997, est de nouveau modifié par:

1° le remplacement, dans la troisième ligne et après les mots «Cour du Québec», de «et» par... et après ça, il y a une virgule;

2° l'insertion, dans la quatrième ligne et après le mot «magistrature», de «et le comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales».

Alors, nous avons le texte de l'amendement.

M. Ménard: Je pense que, pour faciliter la compréhension, vous devez aller en bas de la page, où vous avez l'article tel qu'il serait lu après ces amendements. Vous voyez que le but, c'est justement de rendre le comité aussi indépendant que les juges en ne les soumettant pas... Comme le Conseil de la magistrature.

Le Président (M. Brouillet): Alors, cet amendement est adopté? Donc, l'amendement est adopté. L'article 8, tel qu'amendé, est adopté? Adopté.

L'article 9, il s'agit de l'entrée en vigueur de la loi. Il est adopté? L'article 9 est adopté.

Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Ménard: Oui. Maintenant...

Le Président (M. Brouillet): Le titre, oui. Ça ne pose pas de problème?

M. Ménard: Le titre, ça va.

Le Président (M. Brouillet): Oui, le titre est adopté.

M. Ménard: J'ai une motion à faire pour renuméroter les articles du projet de loi, compte tenu des amendements. En fait, il y en a un.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, on doit en faire comme une motion adoptée, oui.

M. Mulcair: Une motion de fond.

Le Président (M. Brouillet): Nous adoptons la motion de renumérotation. Eh bien!

Alors, ceci met fin à nos travaux. Je remercie toutes les personnes qui y ont participé. Pour permettre à la commission de se reconstituer en Assemblée, j'inviterais tous ceux qui auraient à quitter à le faire, s'il vous plaît. Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 24)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. J'inviterais Mme la députée de Pointe-aux-Trembles à présenter le rapport de la commission plénière, s'il vous plaît.


Mise aux voix du rapport de la commission

Mme Léger (présidente de la commission plénière): J'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges, et qu'elle l'a adopté avec un amendement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, M. le leader adjoint, si vous voulez nous indiquer la suite.

M. Boulerice: Vous me permettrez de remercier mes collègues pour la promptitude avec laquelle ils ont procédé à la commission plénière de tantôt. Je vous demanderais maintenant de bien vouloir, s'il vous plaît, appeler l'article 10.


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous passons, je crois, à l'adoption du projet de loi comme tel. Vous voulez bien passer à l'adoption du projet de loi? C'est ça, M. le leader? Oui? Très bien. Alors, est-ce qu'il y a des interventions?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 184, Loi concernant la rémunération des juges, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Pourrais-je vous demander, M. le Président, de bien vouloir suspendre 10 secondes?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, là, c'est clair que le projet de loi est adopté. Pour la suite, nous allons attendre les indications que le leader voudra bien nous donner dans quelques instants.

Nous suspendons quelques secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 28)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. M. le leader adjoint, nous sommes à votre écoute.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je vous demanderais de considérer l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 151

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 10, je crois que vous voulez me suggérer de nous transformer en commission plénière, c'est ça?

M. Boulerice: Vous avez appelé l'article 10, M. le Président, je vous en remercie et je ferai donc motion que l'Assemblée se transforme en commission plénière, répondant à un souhait que vous avez manifesté avec beaucoup d'impatience. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, en conséquence, nous suspendons les travaux quelques instants. Nous allons nous constituer en commission plénière pour faire l'étude détaillée du projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires.

(Suspension de la séance à 17 h 29)

(Reprise à 17 h 32)


Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Alors, conformément à la motion que nous venons d'adopter, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. Alors, nous allons entreprendre nos travaux par des remarques préliminaires et nous passerons, après, à l'étude article par article. M. le ministre.

M. Ménard: Mes remarques préliminaires avaient déjà été faites. Je n'ai rien à y ajouter.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, M. le député.


Remarques préliminaires


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Justement, M. le Président, nous prenons acte des remarques préliminaires du ministre à l'effet que le service à la population – parce que c'est notre préoccupation première – ne sera pas diminué en raison de la réduction que nous sommes en train de prévoir dans le nombre de juges à la Cour du Québec.

On réduit le nombre de juges, M. le Président, pour réduire la masse salariale. Et ça, c'est ce qui nous permet d'éviter la coupure de 6 % qui a été prévue et qui aurait de toute évidence été illégale, à la lumière du jugement de la Cour suprême qu'on vient de débattre dans une autre instance.

M. le Président, si cela peut faciliter nos travaux, je dis à mon collègue le ministre de la Justice que nous avons pris connaissance déjà des modifications qui sont proposées. Le projet de loi ne renferme que deux idées: une, c'est la réduction du nombre de juges; l'autre a trait au secrétaire, qui dorénavant sera nommé à même des employés de l'État, ça ne serait plus un juge. Et on a évité le problème qui existait avant, d'une sorte d'ingérence, vu que c'est le juge en chef qui s'occupe de ça.

Donc, on peut se dispenser de la lecture du projet de loi. Vous avez les mêmes amendements que nous, c'est très bref, et on peut procéder directement, en ce qui nous concerne.


Étude détaillée

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 1.

M. Mulcair: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Ménard: À l'article 2, il y a un amendement.

M. Mulcair: L'amendement est adopté.

Le Président (M. Brouillet): À l'article 2, il y a un amendement qu'on m'a remis ici. Voulez-vous que je lise l'article? L'amendement, vous en avez pris connaissance de part et d'autre. Alors, l'amendement à l'article 2 est adopté. L'article 3.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Il y a un amendement à l'article 4, c'est bien ça?

M. Ménard: Ils vous ont donné le dernier?

M. Mulcair: Ils me l'ont donné tout à l'heure.

Le Président (M. Brouillet): Il a été remis. Donc, vous avez pris connaissance de l'amendement. L'amendement à l'article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 5 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 6 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté.

Alors, ceci met fin aux travaux de la commission plénière. Vous avez eu le temps de vous asseoir, tout le monde?

Une voix: Le titre, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui. Avant, il faut que je vous demande si vous acceptez le titre. Le titre est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté.

Je remercie donc tous les gens qui ont participé activement à cette commission. Et bien vouloir se retirer, nous allons suspendre pour nous reconvertir en Assemblée.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 17 h 36)

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'inviterais Mme la députée de Pointe-aux-Trembles à faire le rapport de la commission plénière, s'il vous plaît.

Mme Léger (présidente de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, et qu'elle l'a adopté avec des amendements.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour déroger à l'article 230 de notre règlement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): En vue d'adopter le projet de loi?

M. Boulerice: ...en vue d'adopter le projet de loi.


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, il y a consentement? Il y a consentement. Alors, nous sommes à l'adoption du projet de loi. Est-ce qu'il y a des interventions sur ce projet de loi? Il n'y a pas d'intervention. Alors, je m'en vais simplement repérer le projet de loi comme tel. On en a tellement fait aujourd'hui. Alors, j'y suis.


Mise aux voix

Le projet de loi n° 151, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, fort de l'unanimité de cette Chambre, je vous demanderais de considérer l'article 4.


Projet de loi n° 176


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà. À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 11 décembre 1997 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Y a-t-il des interventions? Mme la députée de Bourassa, je vous cède la parole.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Si vous me le permettez, j'aimerais d'abord, en ouverture, rectifier certaines affirmations qui ont été faites et qui me concernent, d'abord celle faite par le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques hier soir, alors qu'il faisait valoir l'article 77 du règlement de l'Assemblée nationale, me faisant un procès d'intention, me reprochant d'avoir formulé une question qui reposait sur une supposition. Or, j'ai déposé ce matin la preuve qu'il ne s'agissait pas d'une hypothèse ou encore d'une supposition, mais bel et bien d'une lettre qui émanait de la régie régionale, à savoir du conseil d'administration de la régie régionale, et qui confirmait bel et bien que la décision était prise.

(17 h 40)

M. le Président, je pense qu'on ne doit pas lancer de roches quand on vit dans une maison de verre. Je n'ai pas l'habitude de parler à travers mon chapeau. Si vous me le permettez, j'aimerais rappeler que, pendant plus de 10 ans, j'ai travaillé auprès du Comité provincial des malades à titre de directrice générale. C'est un organisme provincial de promotion et de défense de droits qui voit à représenter les personnes malades, les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes à domicile, les personnes qui passent à travers le réseau de la courte durée. J'ai travaillé d'arrache-pied pendant plus de 10 ans, et je crois qu'on me prêtait une crédibilité qui s'est assise sur une expérience acquise durement au quotidien et qui s'est acquise par contact direct avec les clientèles que nous protégions et pour lesquelles j'ai toujours fait valoir des interventions.

J'aimerais également, M. le Président, aborder les affirmations que faisait hier le ministre de la Santé lorsqu'il disait: «C'est faux de dire qu'il y a eu une décision de prise, qu'on a imposé une solution ou une situation à des gens. Nous faisons confiance aux gens plutôt que faire des procès d'intention à tout bout de champ. Alors, la députée de Bourassa n'est pas la seule en possession de la vérité.» Et je continue de citer: «M. le Président, il n'y a pas de décision prise en ce sens. Laissons les gens prendre leurs responsabilités. Alors, au lieu de faire comme la députée de Bourassa, de porter des jugements de valeur, de critiquer des gens, de conclure avant toute l'information, je vais attendre d'avoir le portrait complet avant de prendre une proposition là-dedans.»

Aujourd'hui, M. le Président, le ministre de la Santé affirmait, au contraire: «Je sais que, quand on met ça au niveau entre un président et un premier ministre...»

M. Boulerice: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, Mme la députée de Bourassa. Excusez-moi. Est-ce que vous intervenez sur le projet de loi? Écoutez, parce qu'il y a, dans le règlement, un temps. S'il vous plaît, je vous inviterais à arriver au projet de loi le plus tôt possible. Parce que, habituellement, je vous dis ça, il y a un temps prévu pour ces faits personnels, qu'on fait dans le cadre des affaires courantes. Alors, soyez assez brève pour aborder le sujet.

Mme Lamquin-Éthier: N'ayez crainte, M. le Président. Donc, aujourd'hui, le ministre revient en disant: «Je ne connais pas...

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Il y a un président ici. Bon. Alors, terminez sur ça et abordez le sujet le plus tôt possible.

Mme Lamquin-Éthier: Si je peux prononcer la phrase, je vais pouvoir terminer. Donc, aujourd'hui, le ministre de la Santé nous dit, au contraire de ce qu'il a dit hier: «Je ne connais pas le dossier.»

Alors, aujourd'hui, j'ai déposé, comme je le disais, une lettre qui émane de la présidente du conseil d'administration de la régie régionale...

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie. Il existe un article dans notre règlement, qui est l'article 39, qui parle de violation de règlement signalée par un député. Si c'était l'article que Mme la députée de Bourassa voulait invoquer, il aurait fallu qu'elle le lise où c'est marqué qu'elle doit l'évoquer, mais avec diligence, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ça ressemble beaucoup plus à une question de fait personnel, et il est bien de son droit, M. le Président, de faire une question de fait personnel à cette Assemblée, sauf qu'à ce moment-là je vais lui demander de le faire au moment approprié dans notre ordre du jour.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est en plein ce que je venais de dire, M. le leader adjoint, et je lui avais demandé d'être brève. Je vous demande de cesser maintenant, parce que vous avez continué quand même au-delà du temps que j'avais l'intention de vous laisser pour ça. Alors, je vous inviterais à aborder immédiatement le projet de loi et non pas à vouloir revenir rectifier des faits personnels, comme vous le faites présentement depuis un certain temps. Alors, si vous voulez aborder le projet de loi.

Mme Lamquin-Éthier: Je comprends très bien, M. le Président, sauf qu'on me reproche des choses que je ne mérite pas. Alors, il m'apparaissait normal et dans l'ordre des choses de pouvoir en parler.

Quant au projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et plus particulièrement l'article 1 qui concerne l'article 9.2 où il est dit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application», le ministre de la Santé disait, notamment hier, que cet article-là était très clair. Il disait: parce qu'il réfère à une entente, à la possibilité de déléguer à un organisme – enfin, il faut comprendre que ça procède d'une pensée automatique – l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi.

Je ne pense pas que l'article que je viens de lire est transparent. Je ne pense pas que cet article-là soit clair, parce qu'il ne réfère pas directement aux conditions, aux balises spécifiques, aux moyens de contrôle, à l'imputabilité, bref à tous les éléments qui sont importants et que l'on ne trouve pas audit article 9.2.

Tout le monde ne se promène pas avec le texte d'adoption de principe. Si, pour le ministre, c'est clair et s'il le répète dans un texte que personne n'a en sa possession, en commençant par moi, M. le Président, je pense que ce n'est pas aussi clair qu'on le prétend.

L'article dit que le ministre pourra, par entente, déléguer à un organisme. Le ministre de la Santé est venu dire – et encore une fois ce n'est pas tout le monde qui se promène avec le texte d'adoption de principe – qu'il s'agissait d'un organisme gouvernemental et d'un organisme public. Or, ce n'est pas écrit dans le texte. Si tel est le cas, je ne vois pas pourquoi on ne référerait pas directement, dans le texte, à un organisme gouvernemental public, directement.

Au contraire, on parle de déléguer à un organisme. Donc, c'est une phrase qui n'a pas de balises, c'est une phrase-fleuve. Les législateurs n'aiment pas ce type de phrases qui n'ont pas de limites, qui peuvent nous porter à penser – avec raison puisque ce n'est pas précisé – qu'il s'agit de tout organisme, donc d'un organisme privé aussi bien qu'un organisme communautaire. Et on peut tout aussi bien penser qu'il s'agit d'un transfert de responsabilités, ce qui n'est pas précisé.

Le Regroupement des organismes communautaires de Québec dénonçait justement, la semaine dernière – je l'ai évoqué par voie de communication en cette Chambre – des faits concrets qui prévalent dans le réseau, alors qu'on prétend exactement le contraire. J'ai en main ici un mémoire qui a été déposé par le Regroupement des organismes communautaires de la région de Québec où les organismes communautaires sont venus dire qu'au-delà du beau discours qu'on entend ils en ont plein le dos, qu'ils sont à bout, qu'assez c'est assez. On assiste à un pelletage de responsabilités vers le secteur communautaire qui n'est pas outillé pour y faire face, qui n'a pas les habiletés requises, qui n'a pas la formation, qui n'a pas les ressources. Le Regroupement des organismes communautaires a dénoncé les rendez-vous de la santé. Et j'aimerais citer le texte qui apparaît à la page 3 du mémoire du regroupement, où il est dit: «Encore une fois, contrairement aux discours, la précipitation avec laquelle s'est déroulée cette vaste consultation des régions était loin de nous rassurer. Pour le Regroupement des organismes communautaires de la région de Québec, l'heure était plutôt au bilan. Un tel bilan était impossible à effectuer dans le cadre prévu pour la consultation du ministre, notamment en raison du peu de temps et du peu d'espace accordés aux organismes communautaires.»

Le mémoire évoque de la même façon différentes préoccupations concrètes qui font partie du vécu des gens qui passent à travers le système. On parle d'un démantèlement en règle d'un patrimoine collectif. On parle d'un glissement dans les mandats, d'une confusion dans les rôles. Et, on l'a évoqué plus particulièrement à l'égard des centres hospitaliers et des CLSC, les arrimages ne sont pas faits, et ils ne sont pas faits parce que les professionnels n'ont pas encore bien compris, bien saisi leur rôle; ils ne peuvent donc pas assumer des responsabilités s'ils ne savent pas exactement de quelles responsabilités il s'agit. C'est la même chose pour les CLSC. Ils ne peuvent faire face à des responsabilités additionnelles qu'on leur donne alors qu'ils sont pris dans le maintien à domicile, dans le postopératoire et qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire.

Le Regroupement des organismes communautaires dénonce de la même façon le virage ambulatoire, qui pose et qui ramène toute l'acuité, l'importance de la question des ressources additionnelles qui ont été promises mais qui n'ont pas encore été livrées. On dit que les organismes communautaires sont appelés à assumer des responsabilités importantes, et ça a un impact important sur ces organismes. Les problèmes auxquels ils font face, suite à la clientèle, sont de plus en plus lourds. La clientèle vit plus longtemps, elle a plus de problématiques. Ces problématiques-là sont de plus en plus importantes et demandent un personnel qui est de plus en plus formé et capable d'y faire face. Je pense que des bénévoles qui, pour des raisons humanitaires, posent des actes qui sont du ressort des professionnels, soit les soins infirmiers, c'est quand même des soins exclusifs, et je pense qu'on a tort de ne pas dénoncer les situations qui se passent et qui sont, en soi, inacceptables. Et je pense qu'on se doit de les dénoncer dans le meilleur intérêt des clientèles, qui ont le droit d'avoir les meilleurs services qui soient.

(17 h 50)

Le Regroupement des organismes communautaires dénonce également le communautaire alternatif et non supplétif aux services publics. Malheureusement, c'est une situation qui tend à se généraliser de plus en plus, qui mérite qu'on s'y arrête et qu'on y pense. Le communautaire est là pour jouer un rôle extrêmement important, mais il n'est pas là pour suppléer, pour assumer les responsabilités qui sont toujours, au regard de la Loi sur les services de santé et les services sociaux – qui n'a pas été changée, à ce que je sache – la mission des établissements du réseau de la santé de dispenser des soins et des services de santé. Ce n'est pas à des bénévoles, qui, avec la meilleure volonté du monde, vont intervenir avec la meilleure des bonnes fois, de le faire. Et ce n'est pas plus à des soignants naturels de le faire. Ces personnes-là ont dénoncé, et je pense que ça mérite qu'on s'y arrête, ne pas avoir la compétence requise pour le faire.

Le ROC évoque également, comme on l'a déjà invoqué ici, l'impact des conditions de vie sur l'état de santé de la population. La population est prise dans un virage, un virage ambulatoire, un virage-milieu, un virage-désinstitutionnalisation. Les changements arrivent extrêmement vite, elle a de la difficulté à se situer. Le discours est complexe. On assiste, comme le dit le ROC, le Regroupement des organismes, à un clivage entre les pauvres qui sont méritants et les pauvres qui ne sont pas méritants.

Enfin, on soulève une autre question qui est extrêmement importante: la non-accessibilité à de l'hébergement pour des personnes âgées. On dit que la situation est dramatique, elle est importante. Beaucoup de personnes sont en attente d'un hébergement.

Or, M. le Président, si, comme l'affirme M. le ministre à l'égard du projet de loi n° 176 et plus spécifiquement à l'article 9.2, il s'agit d'une responsabilité précise, pourquoi ne pas le dire dans le texte, pourquoi ne pas l'écrire, pourquoi ne pas la désigner nommément, cette responsabilité précise, ou pourquoi ne pas dire précisément qu'il s'agit de la déléguer à un organisme gouvernemental public et non pas à un organisme privé, et non pas à un organisme communautaire? On est fondé de le penser parce que ce n'est pas écrit.

On assiste à un défaut de planification, à un défaut de coordination, à un manque de ressources additionnelles, des arrimages qui ne sont pas faits, une collaboration qui n'est pas établie. Encore une fois, comme le titrait un article d'un journal de ce matin, c'est un grand «I»: un grand «I» pour improvisation, un grand «I» qui témoigne d'un grand art, d'un grand théâtre. C'est le «I» de l'illusion, c'est le «I» des illusionnistes. C'est le parti, M. le Président, des illusionnistes, ce sont les champions de la désillusion: on dit des choses alors que la réalité est tout à fait contraire.

Ce que l'opposition demande, M. le Président, en regard du projet de loi n° 176, ce n'est pas de l'arrogance, ce n'est pas du mépris non plus à l'égard des propos qui ont été tenus par mes collègues ou même des propos que j'ai tenus, mais, au contraire, ce sont des précisions: donc, un texte qui dit clairement quelle est la responsabilité qu'on entend déléguer, à qui on entend la déléguer, comment elle s'exécutera, qui conservera une imputabilité, comment elle s'exercera, à l'intérieur de quelles balises, quels seront les moyens de contrôle, et ce n'est vraiment pas précisé. Je pense que la population a le droit d'avoir l'heure juste, et ce qui se conçoit aisément peut...

Une voix: S'énonce.

Mme Lamquin-Éthier: Oui, s'énonce clairement et peut s'écrire tout aussi clairement et tout aussi aisément.

Dans la vraie vie, le vrai monde, les gens qui vivent au quotidien les difficultés du réseau de la santé – et, encore une fois, des gens avec qui j'ai vécu concrètement au quotidien pendant plus de 10 ans – ces gens-là vivent des inquiétudes certaines. Ils ont des angoisses qui sont vives. Ils ont des douleurs importantes, physiques et morales. Ils sont dans des situations de détresse qui sont extrêmement sérieuses. Leur souffrance mérite du respect; elle est intense. Le personnel – il y a des statistiques fort éloquentes – le taux de burnout est en augmentation. Le taux de suicide, M. le Président, n'a jamais été aussi élevé.

Ce que le ministre de la Santé demande, ce qu'il me demande, c'est de faire un acte de foi. M. le Président, je regrette, mais je ne peux pas. Comme députée, j'ai un rôle au niveau de la législation et je ne peux malheureusement pas endosser un texte qui ne réfère pas spécifiquement, nommément à la responsabilité dont il s'agit, à l'organisme dont il s'agit et à la façon avec laquelle l'imputabilité s'exercera, à l'intérieur de quelles balises et à travers quels moyens de contrôle.

L'article 2 du projet de loi n° 176 se lit comme suit: L'article 2 de la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec [...] est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «La Régie exerce également toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.»

Le ministre de la Santé nous a dit que cet article concernait les personnes âgées, les personnes prestataires de la sécurité du revenu, et que ça concernait également une allocation pour dépenses personnelles. Il n'y a pas de référence spécifique dans ce texte aux personnes âgées ni à l'allocation pour dépenses personnelles dont il s'agit. Le ministre, hier, encore une fois, disait, en regard de cette allocation-là: Il lui reste quand même assez d'argent pour pouvoir tenir compte de ses dépenses personnelles.

M. le Président, l'allocation pour dépenses personnelles, c'est 145 $ par mois, donc un peu plus de 4 $ par jour. C'est vous dire qu'il n'en reste pas gros, parce que, pour qu'il en reste, il faut qu'on en ait de trop. Avec 140 $ par mois pour faire face à des dépenses, des services de coiffure, des articles de soins personnels, des cosmétiques, des fixatifs, des lotions après-rasage, du tabac, des repas, des frais d'entretien de vêtements, de reprisage, de nettoyage, le téléphone, le câblodiffuseur, la location d'un téléviseur ou autre, c'est évident que ce n'est pas assez. Or, le ministre, encore une fois, malgré la réalité, malgré le fait que ce soit 145 $, malgré le fait que ça couvre des dépenses qui ne sont pas assumées par l'établissement, prétend qu'il lui reste quand même assez d'argent pour pouvoir tenir compte de ses dépenses personnelles. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact.

Encore une fois, ce que nous demandons, c'est de la transparence, qu'on réfère spécifiquement dans le texte à la responsabilité précise dont il s'agit, à l'organisme auquel on entend déléguer l'exercice de fonctions, et de quelles fonctions s'agit-il et en regard de quelle clientèle. Je regrette, encore une fois, M. le Président, d'avoir à vous le dire, comme députée, je ne peux pas faire un acte de foi et je ne peux pas appuyer un projet de loi qui me semble manquer de transparence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. Y-a-t-il d'autres intervenants? Alors, on peut peut-être obtenir le consentement pour prolonger au-delà du 18 heures. Il reste quelque 30 secondes avant 18 heures. Alors, il y a consentement?

M. Paradis: Il y aurait consentement dans les circonstances, surtout que le ministre pourrait en profiter pour souligner l'anniversaire de naissance de Mme la députée de Bourassa.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, je crois que nous sommes rendus à la réplique. Alors, je vous cède la parole.


M. Jean Rochon (réplique)

M. Rochon: M. le Président, merci. Je veux rassurer tout le monde, ça sera très bref. Je suis heureux d'apprendre l'anniversaire de naissance de la députée de Bourassa. Je lui souhaite un très bon anniversaire, étant assuré qu'une année de plus, ça sera un pas vers une sagesse qui va se développer au cours des prochaines années.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Alors, M. le Président, quand elle aura atteint l'âge du...

Une voix: Du leader.

M. Rochon: ...leader de l'opposition, elle sera sûrement très sage. Ça ne joue pas à tous les coups, mais des fois ça marche.

(18 heures)

Bon, alors, brièvement, M. le Président, je sais qu'il est très tard et qu'on a déjà investi beaucoup de temps, plus de trois jours, pour discuter d'un projet de loi de trois articles – un jour par article – et avec des interventions qui, malheureusement...

C'est pour ça que je voudrais conclure en rappelant quel est l'essentiel de ce projet de loi, parce que beaucoup, beaucoup d'interventions qu'on a entendues n'avaient rien à voir avec le projet de loi. On a refait encore toutes sortes d'affirmations plus ou moins distordues, hors contexte sur le système de santé et de services sociaux. Ça, ça a été un bon bloc, plus que la moitié, je pense, de ce qu'on a entendu. On a été obligé de le discarter, malheureusement, en rapport avec le projet de loi.

Par ailleurs, on a passé aussi beaucoup de temps. On a entendu une cassette que tout le monde a répétée, où les gens prenaient l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et essayaient de voir que ça serait bien terrible si le ministre risquait de pouvoir déléguer la responsabilité qu'il a d'assurer la protection sociale des individus et des familles ou de déléguer la responsabilité qu'il a de promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins. On a lu tout l'article 3, mais sans dire, sans reconnaître, peut-être, pour certains, sans réaliser qu'il s'agit de l'article de la loi sur le ministère qui parle des devoirs du ministre.

L'amendement qui est proposé, ou le projet de loi qui amende la loi ne vise pas les devoirs du ministre, mais les fonctions du ministre. Les fonctions du ministre, c'est l'article précédent, qui est tout court et qui identifie deux types de fonctions essentiellement qu'a le ministre de la Santé et des Services sociaux: une première fonction, qui est politique, qui est la responsabilité du ministre d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux; une deuxième fonction, de type administratif, qui est de voir à la mise en oeuvre de ces politiques, à en surveiller l'application et à en coordonner l'exécution.

Un député de l'opposition est intervenu avec certains éléments de contenu un peu plus pertinents. C'est une intervention que j'ai attendue à cet effet, je dois le reconnaître. Le député de Verdun a lui-même reconnu dans son intervention que c'est sûr que, dans un projet de loi comme celui qui est présenté, on ne peut pas parler des fonctions politiques d'un ministre. Ça serait contre tout sens, et il ne peut pas en être question, il n'y a rien à craindre là-dessus.

Quant aux autres fonctions, qui sont des fonctions administratives, il y a déjà une situation qui est celle d'un ministère qui est assez important quant au budget qui est consacré au secteur et qui fonctionne déjà dans un système de délégation. Il y a une première délégation qui existe, comme tous les ministères, de responsabilités à toute la fonction publique du ministère. Il y a aussi une délégation importante à tout un réseau, à des régies régionales, à des établissements qui ont, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, légalement des mandats qui sont des délégations de fonctions, d'exercices de fonctions. Et il y a des organismes qui, dans la loi du ministère, ont déjà certaines responsabilités et certains mandats d'exécution de fonctions qui leur sont donnés.

On est rendu à un moment où on s'aperçoit que, pour que l'avenir puisse continuer à bien se faire, on ne peut pas revenir à chaque fois pour faire un amendement à la loi quand, en plus de tout le réseau et du ministère, il y a lieu que certains organismes, publics ou gouvernementaux, doivent assumer d'autres responsabilités, et que la bonne façon de faire, compte tenu de l'évolution des choses, c'est de prévoir un article, bien balisé, qui donne le pouvoir au ministre de déléguer certaines de ses fonctions, l'exercice de certaines de ses fonctions à d'autres organismes pour s'assurer de l'efficacité du fonctionnement du système, et l'amendement est bien balisé. On dit bien que le ministre peut déléguer, mais à un organisme. Mais là je veux bien respecter l'opinion de collègues, de députés, mais il y a un élément technique là-dedans dont je suis obligé de tenir compte, de tout ce que les experts nous disent... c'est qu'«un organisme», dans une loi de droit administratif, ça veut dire un organisme gouvernemental ou un organisme public.

On parle bien de l'exercice de ses fonctions. Ça aussi, une intervention a bien reconnu qu'on ne parle pas de déléguer des fonctions, mais l'exercice de la fonction, dans le sens de l'article 2, et non pas toute la liste des devoirs du ministère. On précise aussi dans l'article que ça, ça se fait dans le cadre d'une entente, donc, qui précise les modalités de la délégation. Il y est très bien établi aussi en droit administratif qu'un ministre qui délègue, donc, l'exécution d'une fonction garde toute la responsabilité, toute l'imputabilité devant le gouvernement et devant l'Assemblée nationale.

Alors, je pense que c'est important de rappeler quelle est vraiment la situation, de rappeler que là on fait un amendement qui est un ajustement, une modernisation de la loi du ministère de la Santé et des Services sociaux, article, d'ailleurs, qu'on a mis dans la loi du dernier ministère qui a été créé, qui est le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et là ça a déjà été mis de façon plus moderne, où, là, l'article 6... On a un article qui est à peu près identique à celui qui est proposé ici, parce qu'on prévoyait déjà à l'époque qu'il y avait un premier cas d'espèce, un premier cas de figure qui se présentait pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et pour le ministère de la Santé et des Services sociaux – et je ne reviendrai pas sur les détails – mais c'est ces programmes à la fois de contribution pour l'hébergement dans les établissements du réseau et de prestation d'aide sociale que les deux ministères, Santé et Services sociaux et Emploi et Solidarité, sont obligés de gérer ensemble, avec un mécanisme assez lourd, et qu'il apparaissait très utile de pouvoir remettre cette fonction, l'exercice de cette fonction à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui est parfaitement équipée pour faire ça. Et il peut se présenter d'autres situations comme ça qui correspondent aux mêmes balises.

Alors, ce qui est proposé, c'est tout simplement de moderniser la loi du ministère de la Santé et des Services sociaux, comme on l'a fait lors de la création du dernier ministère, en juillet dernier, et de s'assurer qu'on n'aura pas à prendre le temps de l'Assemblée nationale et surtout de s'exposer à des exercices comme celui-là, où on prend trois jours pour discuter de quelque chose qui aurait pu se régler, au niveau du principe, beaucoup plus rapidement si on avait voulu le faire, et que, à l'avenir, quand, à l'intérieur de ces balises-là, il y aura des décisions à prendre, bien, on pourra laisser à l'Assemblée nationale le temps de faire ce qu'elle doit vraiment faire, c'est de discuter sur le principe, au fond, sérieusement, la substance de projet et de légiférer correctement.

De toute façon, après l'adoption du principe, M. le Président, il y aura un travail en commission, et, s'il y avait des améliorations qui pouvaient être considérées, on pourra toujours les regarder, en supposant que l'opposition voudra travailler enfin sérieusement, si on peut se rendre à cette étape-là. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division.

M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: ...suite à l'entente que nous avons eue avec le leader de l'opposition, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le lundi 15 décembre, de 21 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, est-ce qu'on revient ce soir ou si on ajourne? J'aurais besoin... Ah, très bien, excusez. Alors, M. le leader de l'opposition d'abord, et puis on reviendra au leader du gouvernement.

M. Paradis: Oui. Comme il s'agit d'un sujet extrêmement important qui concerne la santé de nos concitoyens et concitoyennes et que, au salon bleu, nous avons cru nécessaire de part et d'autre d'y consacrer quelques journées de discussion, est-ce que le leader peut nous assurer que la commission parlementaire sera télédiffusée?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.

M. Jolivet: Je ne peux pas, à ce moment-ci, prendre cette position, M. le Président. Nous verrons. Et, en conséquence des décisions que j'ai à prendre à ce moment-ci, M. le Président, pour libérer le monde, leur permettant d'aller faire leurs représentations durant toute la fin de semaine, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 16 décembre 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux, donc, à mardi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 9)