L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 5 mai 1998 - Vol. 35 N° 174

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Lettre de démission de la députée de La Prairie déposée

Affaires courantes


Annexes
Membres de l'Assemblée nationale du Québec
Membres du Conseil des ministres

Journal des débats


(Quatorze heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, je vous souhaite la bienvenue. Nous allons maintenant nous recueillir.

Merci. Veuillez vous asseoir.


Lettre de démission de la députée de La Prairie déposée

Avant de procéder aux affaires courantes, je vous avise que j'ai reçu la lettre de démission de Mme Monique Simard, députée de La Prairie, datée du 1er mai 1998. Je dépose ce document.


Affaires courantes

Nous débutons nos affaires courantes.


Déclarations ministérielles

Au chapitre Déclarations ministérielles, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Mme la ministre.


Bilan des interventions du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. En cette semaine des personnes assistées sociales, je désire déposer le bilan à ce jour de l'utilisation du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Je veux avant tout souligner la contribution exceptionnelle de solidarité que représente le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds, d'un montant de 250 000 000 $ en trois ans, résulte d'un consensus remarquable du Sommet sur l'économie et l'emploi d'octobre 1996. Il a produit des résultats fort encourageants depuis sa mise en oeuvre en juin 1997. Déjà 8 013 personnes ont pu accéder à un emploi ou se sont résolument engagées dans une démarche de formation ou d'insertion qui conduit à l'emploi. Un montant de 83 000 000 $ a été engagé dans 901 projets présentés par des organismes de toutes les régions du Québec. À peine 10 mois après son implantation, le Fonds, M. le Président, a engagé 59 500 000 $ dans des projets de création d'emplois et presque 24 000 000 $ répartis équitablement entre les projets de formation et les projets d'insertion et de stages en entreprise.

La plupart des projets de création d'emplois financés par le Fonds touchent le secteur non seulement des services sociaux et de la santé, mais aussi celui de l'économie sociale, de l'aménagement sylvicole, de la mise en valeur d'habitats fauniques. Plusieurs projets concernent la culture, le récréo-tourisme, le démarrage de micro-entreprises et l'aide à la recherche d'emploi. Les personnes qui occupent des emplois dans le cadre des projets du Fonds de lutte contre la pauvreté sont rémunérées au taux du marché pour un poste similaire. Tous les emplois financés par le Fonds assurent généralement une formation qualifiante et transférable. Les personnes peuvent aussi bénéficier d'un accompagnement ainsi que d'un soutien professionnel et psychosocial.

Avec l'instauration du régime universel d'assurance-médicaments, de l'allocation-logement et de la nouvelle politique familiale accessible dorénavant aux travailleuses et travailleurs à faibles revenus, le gouvernement a créé les conditions qui font en sorte qu'il est maintenant payant de travailler. Partout au Québec, la gestion décentralisée et participative du Fonds de lutte contre la pauvreté a donné lieu à une formidable mobilisation de tous les partenaires socioéconomiques autour de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion du marché du travail.

Des milliers de gens ont conjugué leurs efforts afin de faire émerger des projets répondant aux besoins de leur milieu. C'est véritablement un geste de solidarité, un effort accru des contribuables et des entreprises afin de donner espoir aux personnes les plus démunies.


Document déposé

Pour l'année qui vient – 1998-1999 – une somme de 106 000 000 $ est maintenant disponible pour soutenir d'autres projets conçus par les organismes régionaux et locaux. Saluons donc, M. le Président, le geste tangible de solidarité que constitue le Fonds de lutte contre la pauvreté, et j'aimerais en déposer le bilan.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Nous cédons maintenant la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce pour ses commentaires. M. le député, vous avez cinq minutes.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est un plaisir pour moi de m'associer à cette déclaration ministérielle au nom de mes collègues de l'opposition officielle et d'entendre de nouveau la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, qui évidemment était accompagnée hier par le premier ministre et qui a essentiellement révélé le contenu de la déclaration ministérielle en conférence de presse, hier. Mais on connaît le penchant de ce gouvernement de dédoubler les annonces quand elles sont positives, aussi rares qu'elles le sont.

(14 h 10)

M. le Président, je vous rappelle également, évidemment, que de notre côté de la Chambre nous avons appuyé l'adoption du projet de loi qui établissait le Fonds de lutte contre la pauvreté. Je salue l'effort collectif des Québécois et des Québécoises, parce qu'essentiellement, si on a des remerciements pour l'établissement du fonds, pour le fonctionnement du fonds, ça devrait être dirigé, ces remerciements, à tous les contribuables québécois parce que, comme vous le savez, il s'agit essentiellement de la perception d'impôts additionnels. Il n'y a aucun engagement des dépenses du gouvernement du Québec dans le Fonds de lutte contre la pauvreté. Il s'agit de sommes qui ont été perçues de nos poches, collectivement, comme société québécoise.

M. le Président, on peut se questionner cependant sur le choix du gouvernement d'établir un tel fonds par les moyens utilisés. Il s'agit d'impôts additionnels. Le gouvernement du Québec dispose de 35 444 000 000 $ pour ses dépenses de programmes. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité dispose de 4 249 000 000 $ dans ses dépenses de programmes. Est-ce qu'il fallait nécessairement percevoir des sommes nouvelles, des impôts additionnels des Québécois et Québécoises pour assurer la lutte contre la pauvreté? Est-ce que ce n'est pas un rôle essentiel de l'État que de s'engager dans la lutte contre la pauvreté par le biais de ses dépenses qui lui sont propres?

M. le Président, nous avons, nous, lors de l'adoption du Fonds de lutte contre la pauvreté, questionné le ministre des Finances en commission parlementaire pour nous assurer que les gestes posés par le Fonds sont des gestes de complémentarité et non pas de substitution du rôle de l'État. Nous avons longuement questionné le ministre des Finances là-dessus. Il nous a assuré, à ce moment-là, que, oui, effectivement – et il y avait eu un amendement à cet effet dans le projet de loi – les projets prônés par le Fonds de lutte étaient des projets complémentaires. Mais, avec le bilan, on apprend que, sur les 8 000 et quelques personnes impliquées, 4 244, plus que la moitié, ont été engagées dans des projets de formation, ou des projets d'insertion en emploi, ou des stages en milieu de travail. Nous, de notre côté, nous allons scruter le bilan pour nous assurer qu'il s'agit de gestes complémentaires à l'activité gouvernementale et non pas de substitution.

Dernier commentaire, M. le Président. La raison de cette prudence de notre part est très simple. Depuis janvier 1995, le nombre de participants à l'aide sociale, c'est-à-dire les gens qui reçoivent un barème augmenté en raison de mesures actives, a chuté, de janvier 1995 à janvier 1998, de 36 679 à 23 174. Ça, c'est une diminution de 37 % dans le nombre de participants à l'aide sociale. Il faut être très prudent afin qu'on ne remplace pas les programmes de l'aide sociale, les mesures actives par un fonds dédié avec une durée limitée de trois ans. Il faut s'assurer que l'État ne se désengage pas de ses propres responsabilités par le biais d'impôts additionnels aux Québécois et Québécoises. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous cédons maintenant la parole à Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité pour son droit de réplique. Madame.


Mme Louise Harel (réplique)

Mme Harel: Alors, M. le Président, qu'il me soit permis, cet après-midi, de confirmer devant les membres de cette Assemblée nationale qu'aucune diminution des programmes réguliers des mesures actives n'est intervenu suite à la création du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Il faut être bien clair: ce sont des sommes qui s'ajoutent à celles qui sont déjà dépensées. Je comprends que la complémentarité que recherche le député de Notre-Dame-de-Grâce est celle aussi que poursuit le gouvernement.

Les programmes réguliers des mesures actives sont dorénavant administrés par Emploi-Québec, et ai-je à rappeler que, pour la première fois depuis aussi longtemps qu'on puisse s'en rappeler, les personnes qui sont en situation de chômage à l'aide sociale peuvent bénéficier de ces programmes maintenant administrés par Emploi-Québec au même titre que n'importe quel travailleur ou chômeur qui reçoit une autre forme de sécurité du revenu. Nous les avons donc décloisonnés, ces programmes, et nous avons cessé la stigmatisation qui s'appliquait aux chômeurs sur l'aide sociale qui n'avaient pas accès aux programmes.

Je rappelle également, M. le Président, que le nombre de participants auquel se réfère le député de Notre-Dame-de-Grâce doit être additionné à d'autres mesures qui ont été mises en place au fil de la dernière année. Nous aurons l'occasion, demain, lors de l'étude des crédits en commission parlementaire, de le démontrer.

Je termine en vous disant que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'aurait pu saluer l'effort collectif des Québécoises et des Québécois, n'aurait pu saluer cette contribution exceptionnelle de solidarité, n'eût été de la volonté politique du gouvernement d'établir le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Je comprends que c'est là une suite du Sommet sur l'économie et l'emploi qui, en décidant d'indexer pleinement les prestations des 116 000 ménages qui ont des contraintes sévères à l'emploi, choisissait aussi, par le moyen de ce Fonds de lutte, de soutenir la réinsertion au travail de ceux et celles qui en ont été exclus. Alors, je comprends, M. le Président, que, pour toutes ces raisons, nous sommes solidaires, dans cette Assemblée, pour souligner le geste tangible de solidarité qui est constitué avec le Fonds de lutte. Merci.


Présentation de projets de loi

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous passons maintenant à la rubrique Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, veuillez prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 422

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article b de votre feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 422, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales et la Loi sur les tribunaux judiciaires. M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les cours municipales et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de permettre la création de la fonction de juge en chef des cours municipales. Choisi parmi les juges des cours municipales, le juge en chef des cours municipales est nommé par le gouvernement pour un mandat non renouvelable de sept ans. Il a notamment pour fonctions de voir à la désignation des juges suppléants et des juges par intérim, d'élaborer, en concertation avec les juges municipaux, des politiques générales des cours municipales, de voir à l'adoption de règles de pratique communes nécessaires à l'exercice de la compétence des cours municipales ainsi que de veiller au respect de la déontologie judiciaire.

Le projet de loi précise de plus les règles applicables à l'exercice de la fonction de juge municipal lorsqu'est abolie la cour municipale à laquelle il est affecté.

Enfin, le projet de loi procède à diverses modifications législatives techniques relatives à l'application de la Loi sur les cours municipales. Entre autres, il permet à une municipalité régionale de comté de conclure une entente ou d'adhérer à une entente existante relative à une cour municipale ayant compétence sur un territoire limitrophe au sien. De plus, il permet aux municipalités de convenir d'endroits communs, autre que le chef-lieu, où la cour municipale doit siéger et il précise les disposition législatives relatives aux effets de l'abolition d'une cour municipale ou du retrait d'un territoire d'une municipalité de la compétence d'une cour municipale.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. L'Assemblée accepte-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: L'article c, M. le Président.


Projet de loi n° 421

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article c de votre feuilleton, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune présente le projet de loi n° 421, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune afin de transférer au ministre certains pouvoirs du gouvernement concernant l'établissement de territoires fauniques et la détermination des normes relatives aux conditions d'exploitation de la faune, telles que les périodes de chasse ou de piégeage et les limites de capture, en raison du caractère variable de ces normes.

(14 h 20)

Ce projet de loi accorde également au ministre le pouvoir de déterminer, par règlement, les conditions permettant à un titulaire de permis de piégeage d'endommager le barrage d'un castor ou d'ouvrir la tanière d'un rat musqué pour y installer un piège ainsi que la période durant laquelle il peut y procéder. Il permet aussi au ministre, à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune, de délivrer un permis autorisant une personne à passer outre à l'interdiction de la loi de modifier quelque élément d'un habitat faunique.

Par ailleurs, ce projet de loi soustrait les amphibiens de l'application du régime juridique relatif aux activités piscicoles. Il soustrait aussi la fourrure apprêtée et la fourrure d'élevage du régime juridique applicable aux activités relatives au commerce de la fourrure.

De plus, ce projet de loi accorde au gouvernement le pouvoir de fixer, par règlement, le montant des droits exigibles lors de l'enregistrement d'animaux ou de poissons et il permet au ministre d'autoriser une personne, une société ou une association à enregistrer des animaux ou des poissons et à conserver une partie des droits perçus à cet effet.

Enfin, ce projet de loi transfère au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de l'application des normes concernant l'exploitation des étangs de pêche à des fins commerciales, notamment la délivrance du permis et l'élaboration des normes réglementaires pouvant régir ce secteur d'activités. À cet effet, il modifie aussi la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales.

Ce projet de loi comporte, de plus, des dispositions transitoires et des modifications de concordance. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Le dernier projet, cet après-midi, M. le Président, l'article d.


Projet de loi n° 423

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article d de votre feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration présente le projet de loi n° 423, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur l'immigration au Québec sous divers aspects afin d'en faciliter l'application.

Principalement, il y ajoute que le ministre élabore annuellement un plan d'immigration qu'il dépose à l'Assemblée nationale.

Ce projet permet aussi au ministre de délivrer un certificat d'engagement en faveur d'un ressortissant étranger au lieu d'un certificat de sélection et il substitue au document d'attestation d'identité d'un ressortissant étranger celui de certificat de situation statutaire.

Ce projet soustrait de la forme réglementaire, en matière de services d'intégration linguistique, l'assistance financière offerte aux nouveaux arrivants, pour en confier la responsabilité au ministre.

De plus, ce projet supprime l'obligation du ministre de prescrire des formulaires, sauf dans le cas d'un engagement d'aider un ressortissant étranger à s'établir au Québec, et il permet d'exiger un tarif différent selon les étapes d'examen d'une demande de certificat de sélection.

Enfin, ce projet contient certaines dispositions de concordance.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.


Dépôt de documents

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous passons maintenant à la rubrique Dépôt de documents. M. le ministre délégué au Tourisme.


Politique de développement touristique du Québec intitulée Pour donner au monde le goût du Québec

M. Cliche: Merci, M. le Président. Pour la Semaine nationale du tourisme, j'ai le plaisir et l'honneur de déposer la politique de développement touristique du Québec, qui a été adoptée récemment par le gouvernement et qui a pour titre Pour donner au monde le goût du Québec .


Notes explicatives sur les prévisions budgétaires 1998-1999 et sur les rapports financiers préliminaires 1997-1998 du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce document est déposé. Pour ma part, je dépose les notes explicatives sur les prévisions budgétaires 1998-1999 et sur le rapport financier préliminaire 1997-1998 au 31 mars 1998 du Directeur général des élections. Je dépose également les notes explicatives sur les prévisions budgétaires 1998-1999 et sur le rapport financier préliminaire 1997-1998 au 31 mars 1998 de la Commission de la représentation électorale.

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, il n'y en a pas aujourd'hui.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Sauvé.


S'assurer que la Société d'habitation du Québec demeure l'unique propriétaire des HLM

M. Parent: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 55 pétitionnaires qui résident au 6750, boulevard Gouin Est, à Montréal-Nord, dans le comté de Sauvé.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que les 65 000 logements à prix modique (HLM) construits au Québec depuis 30 ans constituent un patrimoine social et un actif économique important qui méritent d'être conservés au profit de l'ensemble des citoyens et citoyennes;

«Attendu que le projet de transférer la propriété des HLM vers les municipalités, contenu dans le plan d'action en habitation du gouvernement, menace la survie même des HLM;

«Attendu que le gouvernement promet, depuis mars 1997, des mesures afin de protéger les ménages travailleurs à faibles revenus mais que celles-ci tardent à être adoptées;

«Attendu que les locataires souhaitent obtenir un règlement leur garantissant le droit de participer pleinement à la gestion démocratique et transparente des HLM;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: s'assurer que la Société d'habitation du Québec (SHQ) demeure l'unique propriétaire des HLM et n'en transfère pas la responsabilité aux municipalités; s'assurer que la SHQ adopte des mesures positives à l'égard des ménages travailleurs à faibles revenus à l'intérieur des HLM et n'augmente pas les loyers; s'assurer que la loi de la SHQ soit modifiée afin que les associations de locataires puissent s'impliquer réellement dans l'administration de leurs logements.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Sauvé. Cette pétition est donc déposée. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le ministre.

M. Trudel: C'est tout réglé, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous n'avons pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège.

Avant de procéder à la période des questions, permettez-moi de vous aviser qu'après la période des questions et réponses orales Mme la ministre de l'Éducation répondra à une question posée le 30 avril 1998 par M. le député de Marquette concernant les conseillers en orientation et l'abolition du cours Éducation au choix de carrière.

Nous débutons maintenant la période des questions et réponses orales. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: Oui. À propos des réponses différées, mon collègue de Marquette m'indique qu'il y a deux semaines il y a une autre réponse différée qui était attendue à propos des manuels scolaires.

M. Jolivet: M. le Président.

M. Fournier: À ce moment-ci, si vous me laissez la parole...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, ce n'est pas le moment de poser cette question-là. Il pourra la poser à un autre moment donné, s'il le veut, on y répondra.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: À ce moment-ci, l'opposition est disposée à libérer la ministre de son obligation, en vertu de l'article 80, pour pouvoir rendre la réponse sur les manuels scolaires.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je suis actuellement à la période des questions et réponses orales. Après la période des questions et réponses orales, Mme la ministre de l'Éducation répondra à la question soulevée.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: C'est une très belle pratique comme futur leader, mais ce n'est pas le bon moment pour poser la question.


Questions et réponses orales

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous le permettez, nous allons maintenant débuter la période des questions et des réponses orales. M. le député de Nelligan.


Indemnisation des victimes du sang contaminé

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Hier, à la commission des affaires sociales, le ministre de la Santé a montré qu'il n'était pas au courant à savoir combien de victimes du sang contaminé viennent du Québec. Il a montré qu'il n'était pas au courant du coût de ce programme, il a montré qu'il a supporté aveuglément, sans une vraie analyse, selon les critères de ses avocats...

He wasn't aware of the number of victims, he wasn't aware of the cost of the program, he had forgotten, put aside the victims of contaminated blood pre 1986, post 1990. His compassion just arrived last week.

Ma question est fort simple, aujourd'hui, M. le Président: Est-ce que le ministre de la Santé est prêt à retourner à la table avec les autres ministres de la Santé, et à établir un programme pour toutes les victimes, et, si c'est nécessaire, à augmenter la participation financière du Québec, comme l'Ontario l'a fait? Est-ce que lui il est prêt à augmenter la participation financière du Québec?

(14 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je ne sais pas où était le député, hier, pendant qu'on étudiait les crédits. On a passé quelques heures à discuter de la situation du système du sang en général et singulièrement de la question de l'hépatite C. Je pense qu'on a rappelé que, selon les estimations qui avaient été établies, on savait très bien que, pour la période de 1986 à 1990, il s'agissait d'à peu près 20 000 à 22 000 personnes qui seraient visées par le programme de compensation qui a déjà été convenu entre les gouvernements des provinces et le fédéral. Pour les personnes qui auraient été infectées avant cette période-là, je pense qu'on a dit que les estimations avaient varié entre 20 000 et 60 000, possiblement, personnes qui peuvent avoir été infectées pendant cette période-là. On sait qu'il y a peut-être à peu près 25 000 personnes qui vivent toujours et qui auraient été infectées avant cette période-là. C'était très clair, ces données-là, et on peut à partir de là extrapoler quels seraient les coûts d'un programme additionnel.

On a aussi très bien rappelé qu'on connaît les coûts de l'ensemble des services de santé déjà prévus par l'assurance-santé, l'assurance-hospitalisation, des coûts non assurés auxquels les provinces contribuent pour aider le plus possible les gens qui ont été affectés par ce problème, M. le Président. Il s'agit, au total, de 400 000 000 $ à peu près pour les personnes dans la fenêtre de 1986 à 1990, un montant qui varierait de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ pour les personnes avant cette période-là. Ça, c'était très clair. Je ne vois pas pourquoi le député, tout d'un coup, dit qu'on ne connaissait pas la situation. Il devait être absent ou il devait avoir l'esprit ailleurs.

En ce qui regarde la position du Québec, je pense qu'elle est très claire. Il y a une deuxième résolution qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le Québec, encore une fois, a pris un leadership dans cette situation.

Vendredi dernier, il y a eu une conférence de l'ensemble des ministres, une conférence téléphonique des ministres de la Santé et, alors qu'on avait cru que deux gouvernements adoptaient des positions pour supporter la position du Québec, on s'est retrouvé, à la fin de cette conférence, encore une fois isolé. Le Québec était seul. En fin de journée, ça a semblé changer. Et là il semble y avoir encore un peu d'ambiguïté à savoir où on est.

Tout ce que je dirais, c'est que le Québec a été à la table parmi les premiers, est toujours à la table et attend qu'on le rejoigne pour convenir de ce qu'on fera finalement dans cette question-là, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. En principale ou complémentaire?

M. Williams: Complémentaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): En complémentaire, M. le député.

M. Williams: Le ministre sait que ses chiffres sont exagérés. Il sait que ses chiffres sont exagérés.

La question: Est-ce que le ministre trouve ça normal et acceptable que le gouvernement, son gouvernement, puisse trouver 11 000 000 $ pour faire la publicité du ministre de la Santé, 8 000 000 $ pour les crédits d'impôt pour les banques, 60 000 000 $ pour les hippodromes, 60 000 000 $ pour les chevaux, et que vous n'ayez pas assez d'argent pour les malades, pour les victimes du sang contaminé? Est-ce que c'est ça, vos priorités?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, si le député soulève la question des priorités de ce gouvernement, je pense qu'il y va avoir pas mal de monde qui va pouvoir lui fournir des réponses, M. le Président. Et je lui ai dit aussi... On recommence la commission des crédits d'hier, là. C'est le même scénario qui recommence.

D'abord, les chiffres que j'ai cités, il ne peut pas dire que je sais qu'ils ne sont pas exacts, ces chiffres-là, c'est les chiffres que se partagent les provinces, que les équipes conjointes des provinces et celle du fédéral ont pu estimer. Alors, le député est très mal informé ou se comporte d'une façon inqualifiable dans cette Chambre, si on veut utiliser du langage parlementaire, en faisant des déclarations comme ça. Mes chiffres sont les chiffres connus à travers tout le Canada et partagés par les ministres de la Santé des différentes provinces.

Maintenant, la santé, comme je l'ai rappelé au député hier, ça dépend de services de santé, ça dépend de comportements, ça dépend d'un environnement sain, ça dépend d'un niveau de richesse que se partage équitablement une société, parce que la pauvreté est un des déterminants les plus difficiles, qui rend les gens dans des conditions de santé et des conditions sociales qui font un poids sur les services de santé par la suite. Que le gouvernement investisse et développe dans différents domaines pour que l'emploi et la richesse redonnent un niveau de santé collective plus grand, en plus des services de santé, c'est le comportement d'un gouvernement qui agit sur plusieurs fronts en même temps, qui en même temps assainit les finances publiques, plutôt qu'un gouvernement qui nous a mis dans la dèche et qui a laissé le système de santé dans une situation épouvantable.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. En complémentaire, M. le député de Nelligan?

M. Williams: Complémentaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous inviterais, M. le ministre, à raccourcir votre préambule et à aller directement au noeud. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Est-ce que le ministre n'est pas au courant que la Société d'hémophilie du Canada a publié les chiffres? Ils sont beaucoup moins grands, et ils ont dit que le programme d'indemnisation, ça va coûter beaucoup moins cher. Est-ce qu'il n'est pas au courant de ça? Et je redemande la question: Est-ce que, lui, il est prêt à retourner à la table et à augmenter la participation financière du Québec comme l'Ontario l'a fait, oui ou non? Une simple réponse, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé.

M. Rochon: D'abord, M. le Président, si le député a d'autres estimations, d'autres données sur l'estimation, je lui demanderais de les déposer pour qu'on puisse voir comment ça se compare aux données que, moi, j'ai obtenues de nos comités conjoints, et on verra comment évoluent les estimations dans le domaine. Alors, est-ce que je pourrais avoir un dépôt de ces documents, que je sache de quoi on parle?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Nelligan, vous êtes levé. Est-ce que vous désirez déposer un document?

M. Williams: Oui, je vois que le ministre est en train de pratiquer la période de questions. Je vais certainement déposer les chiffres, s'il peut répondre à ma question: Oui ou non... Voyons donc! Oui ou non, est-ce que vous allez augmenter la participation...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je m'excuse, MM., Mmes les députés, j'ai énormément de difficulté à comprendre. Alors, s'il vous plaît, je pense qu'on a une période de questions assez sérieuse.

M. le député de Nelligan, est-ce que vous désirez déposer un document? Bon. O.K. Alors, on a réglé ça. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, s'il vous plaît.

M. Rochon: M. le Président, je pense que la situation est claire. Le député, carrément, dit que je cite des données qui ne sont pas exactes. Moi, j'étudie des données qu'on a partagées dans les études qu'on a faites avec les autres provinces. Il fait des références à d'autres données qu'il ne cite même pas. Alors, s'il met en doute les données qui sont les données formelles et officielles que j'ai utilisées, je le droit d'avoir un dépôt des documents qu'il utilise, s'il y a d'autres études qui ont été faites.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, sur le même sujet, M. le Président. Est-ce que le ministre ne se rend pas compte que ce qui est en cause ici, ce n'est pas son droit d'avoir un bout de papier, qui est incidemment une évaluation de la Société canadienne de l'hémophilie? C'est ça, la source, là. Bien, oui, vous allez l'avoir. Vous n'avez pas à vous énerver avec ça.

Est-ce que le ministre se rend compte qu'il est en train de vouloir ce bout de papier là pour ne pas répondre à la question de fond, qui n'a rien à faire avec le papier ou pas le papier, là? Est-ce que, oui ou non, le gouvernement du Québec est disposé à y mettre du sien, à faire une contribution financière? On ne demande pas de faire un chèque de 10 000 000 000 $. Est-ce que les bons sentiments qui animent le ministre sont capables de se traduire dans une contribution financière réelle? C'est ça qui est en cause ici à ce moment-ci. C'est tout ce qu'on lui demande.

La question n'est pas de savoir si le gouvernement est dans la dèche ou pas dans la dèche. Ce qui me préoccupe, ce qui devrait préoccuper tout le monde, c'est si les victimes de sang contaminé, elles, vont être dans la dèche en raison de l'immobilisme du ministre à partir de ce moment-ci.

(14 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé.

M. Rochon: Alors, M. le Président, la situation est claire, je l'ai déjà dit. Le ministre est parti avec la résolution votée à l'unanimité par cette Assemblée nationale. Lors d'une conférence entre les ministres de la Santé, vendredi passé, on s'est retrouvé isolé. Il semble que depuis ce temps-là la situation évolue, et on veut être sûr de voir ce qu'est finalement la situation.

Le Québec est toujours à la table et le Québec a un mandat très clair de l'Assemblée nationale, et c'est avec ce mandat-là que je travaille. Encore une fois, si la démocratie et le parlementarisme veulent dire quelque chose, l'immunité parlementaire, ce n'est pas pour dire n'importe quoi. Il faut que je connaisse les données qui viennent, semble-t-il, contredire celles que j'ai. Bien, moi, je veux travailler dans la vérité et corriger mes données, si elles ne sont pas exactes et si les autres sont meilleures. Il me faut ce document, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Au premier ministre. Même si le ministre réfère, et avec raison, à la résolution unanime qu'il y a eu ici la semaine dernière, tout le monde sait que le point de départ n'a pas été le même des deux côtés de la Chambre. Et, si le gouvernement a toujours été cohérent dans son désir de ne pas verser un seul sou de plus, de ce côté-ci, on a manifesté, à 11 heures le matin, en Chambre, ici, dans les longues tractations qui ont mené à l'unanimité – et c'est important, l'unanimité, à cet égard-là pour les victimes de sang contaminé – il n'en reste pas moins que le choix qu'on a fait de ce côté-ci était de démontrer de façon concrète un véritable appui, plus que moral, financier aux victimes de sang contaminé.

Est-ce que le premier ministre, contrairement à son ministre, est capable d'envisager, lui, comme au moins une province voisine est en train de le faire, d'y mettre un peu du sien, de faire en sorte que les contribuables québécois soient prêts à faire un effort financier à l'endroit des victimes de sang contaminé de la période avant 1986 et depuis 1990 et que c'est ça, la vraie mesure de compassion et de justice qui devrait animer le gouvernement du Québec?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, jeudi dernier, alors que l'Assemblée nationale était saisie d'une motion de la part du chef de l'opposition officielle, nous avons eu un débat, nous avons eu des discussions, des rencontres. Il en est sorti une sorte de moment privilégié du parlementarisme où, de façon unanime, nous avons tous voté pour une résolution que j'ai devant moi et qui, dans un premier mouvement, reconnaît que les victimes qui ne bénéficient pas de l'entente déjà intervenue entre les provinces et le gouvernement fédéral devraient en bénéficier et, dans un deuxième temps, affirme que les coûts de l'extension du programme pour ces victimes doivent être financés par le gouvernement fédéral. La résolution ajoutait même: «compte tenu que le gouvernement du Québec assure déjà tous les soins et les services dispensés à ces personnes».

Dans les arguments que nous avons énoncés au soutien de l'ajout de ce deuxième paragraphe, il y avait le fait que l'argent est à Ottawa, que, nous, on n'a pas l'argent, on est allé aux limites de ce qu'on peut faire, dans l'entente que nous avons déjà conclue, dans les coûts de l'ordre de 400 000 000 $ que vont nous coûter les soins qui seront dispensés à ces victimes et que, Ottawa ayant un surplus – d'ailleurs réalisé sur notre dos – qu'il a réalisé, à la hauteur de 7 000 000 000 $ qu'il nous a enlevés, dans le financement de la santé au Québec depuis 1994, il convient donc que le fédéral assume les coûts de cet ajout à l'entente déjà intervenue. Alors, nous en remettons à l'unanimité atteinte dans cette Chambre, nous en remettons à cette affirmation solennelle qui a été faite par tous les parlementaires ici, que le gouvernement du Québec assurait déjà sa part dans ce domaine, et, en conséquence, le surplus doit incomber au gouvernement fédéral, M. le Président.

J'ajouterai que c'est même la position du nouveau chef du Parti libéral du Québec, qui, le lendemain de l'adoption de la résolution dont je viens de parler, donc le 1er mai, interrogé sur la question, a dit que, lui, c'est sa position également et que, même, à l'époque où il était à la Chambre des communes, à Ottawa, il a chargé sa critique de la Santé de demander au gouvernement fédéral de faire, et je cite, «ce que l'Assemblée nationale a voté». Voilà.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre, comme tout le monde, convient que cette résolution unanime a réussi à relancer le débat – ça, c'est extrêmement important, que le débat soit relancé – qu'il l'a été en yo-yo, en dents de scie, en montagnes russes depuis quelques jours, mais que le fait nouveau qu'il y a, c'est qu'il y a au moins une province, notre voisine, l'Ontario, qui est disposée, elle, à relancer davantage le débat, à casser, j'ai l'impression, cet embâcle en y mettant du sien quelque peu, en faisant un choix budgétaire qui est celui du gouvernement de l'Ontario. Si ça leur coûte 100 000 000 $ pour aller là, c'est un 100 000 000 $ qui n'ira pas ailleurs. Il y a une décision budgétaire qui a été prise.

Ce que je demande au premier ministre, c'est: Est-ce qu'il est lié à la lettre de notre résolution unanime, ici, pour l'éternité ou est-ce qu'il n'est pas conscient également qu'il a la responsabilité et qu'il est en position de faire des choix budgétaires, comme ceux que mon collègue a mentionnés, ou quelque autre choix que ce soit, afin de manifester de façon concrète un appui aux victimes du sang contaminé, notamment de l'hépatite C, depuis 1990 et avant 1986, et que c'est là la vraie mesure de la compassion, que c'est là la vraie mesure du sens d'équité et de justice et que c'est là la vraie mesure concrète des choix budgétaires, des priorités du gouvernement?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il ne s'agit pas d'une question qui relève de savoir: Est-ce qu'il faut ou pas avoir de la compassion? La compassion, tout le monde l'a dans l'ensemble du Canada, et ça a été démontré par des gestes très concrets qui ont été posés par les provinces, qui ont accepté de signer une entente, pour les victimes à compter de 1986, qui va coûter au Québec un montant de 75 000 000 $ et qui va, en plus, bien sûr, mais c'était acquis déjà, ça... Nous sommes déjà obligés, et nous le ferons correctement, de dispenser les soins qui sont requis à ces victimes, à la hauteur de 400 000 000 $. Donc, ce n'est pas une question de compassion. La compassion, elle est là, elle est acquise, elle est déjà démontrée concrètement par des gestes budgétaires, justement.

Mais, par contre, le problème qui se pose maintenant quand il s'agit d'ajouter aux sommes qui ont déjà été allouées à cette affaire, c'est une question de moyens. Le Québec est arrivé à la limite extrême de ce qu'il peut faire, M. le Président. Je crois savoir que la plupart des provinces sont dans la même situation. L'Ontario, on le sait, est une province beaucoup plus riche que le Québec, a des moyens budgétaires que nous n'avons pas, a des marges de manoeuvre que nous n'avons pas, et nous sommes en train, nous, de récupérer notre liberté de choix que nous n'avons pas encore, que nous aurons lorsque nous aurons atteint le déficit zéro. Pour le moment, nous n'avons pas les moyens d'aller plus loin, et je m'en remets, là-dessus, à l'accord et à la reconnaissance unanimes que nous en avons fait, tout le monde, jeudi dernier, quand nous avons dit que le Québec en avait déjà assez fait.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): En principale?


Mandat de la commission d'enquête Nicolet sur la tempête de verglas

M. Marsan: Oui. Nous apprenions récemment – c'était dans un article du Devoir du 23 avril dernier – que le président de la commission scientifique et technique sur la tempête du verglas, M. Roger Nicolet – et je cite l'article – basera ses travaux sur la prémisse que l'effondrement de plus de 900 pylônes est d'abord et avant tout le fait d'un accident météorologique plutôt que la conséquence d'un mauvais entretien ou de la détérioration progressive d'une partie du réseau de transport d'Hydro-Québec.

M. le Président, ma question est bien simple au président du Conseil du trésor: Pourquoi créer une commission d'enquête scientifique et technique si les conclusions sont déjà tirées?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, je suis surpris que le Parti libéral pose cette question, parce que lui-même a logé des commandes à cette commission. Quand on a étudié le plan stratégique en commission parlementaire, les représentants de l'opposition ont même demandé que la commission Nicolet étudie de façon spécifique, par exemple, l'entretien du réseau, étudie de façon spécifique une panne au Québec mais une continuité du courant vers les États-Unis. Voilà autant de questions qui ont été posées et qui seront soumises à la commission Nicolet.

Deuxièmement, il y a une seule commission. Il y a toute la dimension de la sécurité publique qui sera également étudiée. Les plans d'urgence, les plans de sécurité dans chacune des municipalités du Québec, voilà ce sur quoi se penchera la commission Nicolet, qui a ouvert d'ailleurs ses travaux ce matin, et je dois vous avouer qu'on doit donner toutes les chances possibles à cette commission et ne pas connaître d'entraves. Ils ont cette tendance malheureuse, les libéraux: après avoir réclamé une commission et l'avoir obtenue, ils prennent des moyens pour l'arrêter. Laissez-la partir, celle-ci.

Le Vice-Président (M. Pinard): En additionnelle, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Est-ce que le président du Conseil du trésor peut, lui, bien comprendre cette question? Il y a eu affirmation que les conclusions sont déjà tirées. La question: Pourquoi avoir créé une commission d'enquête scientifique et technique si les conclusions sont déjà tirées?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

(14 h 50)

M. Chevrette: M. le Président, il y a eu du verglas. J'espère qu'on s'en rappelle!

Une voix: On le savait.

M. Chevrette: On le savait. Plus que d'habitude, on le savait. Nos normes sur les lignes électriques sont quatre fois plus grandes que les normes canadiennes: 12 mm à l'échelle canadienne, 45 mm à l'échelle québécoise. Malgré tout ça, il y a eu des avaries, il y a eu des pylônes qui sont tombés en cascade.

Il y a des moyens qui seront étudiés par la commission pour voir si on peut sécuriser le réseau davantage, mais il y a aussi toute la dimension, je le rappelle, de la sécurité des citoyens qui sera également étudiée. Mais, de grâce, laissons cette commission voir comment elle peut faire des recommandations concrètes au gouvernement pour améliorer autant la sécurité du réseau chez Hydro-Québec que des recommandations faites à l'ensemble de la Sécurité publique pour améliorer nos méthodes d'intervention, nos modes d'intervention advenant des catastrophes naturelles comme celle qui s'est produite. Mais, M. le Président, on ne présume pas, parce que la commission Nicolet fait le constat, que son travail part d'un verglas épouvantable qu'on n'a jamais vu, du jamais vu...

Une voix: ...Ontario, Nouveau-Brunswick.

M. Chevrette: ...eh bien, l'Ontario est dans le même cas que nous. Les États-Unis ont eu le même cas. Le Labrador a eu le même cas il y a à peine six mois avant. On veut avoir des recommandations d'experts, et la commission Nicolet nous offre cette opportunité. Et j'ose espérer que les libéraux, cette fois-ci, ne se présenteront pas devant les tribunaux pour l'arrêter.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le député.

M. Marsan: M. le Président, puisque les conclusions de la commission semblent déjà avoir été tirées, est-ce que les recommandations du rapport Nicolet n° 2, celui sur la crise du verglas, vont avoir le même impact que le rapport Nicolet n° 1, celui sur les pluies diluviennes du Saguenay, c'est-à-dire être classées sur une tablette en attendant un troisième désastre?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, voyez-vous, encore une affirmation gratuite au niveau d'une question. Le rapport Nicolet, au niveau du déluge du Saguenay, est pris en compte, et mon collègue de l'Environnement pourra en donner des exemples très concrets. Il est en cheminement vers la présentation d'un avant-projet de loi. Et c'est de même qu'on agit. On ne dispose pas a priori, avant même que les travaux d'une commission commencent, des résultats d'une enquête. On verra les recommandations que la commission Nicolet fera et on fera de ce rapport-là exactement ce qu'on a fait du premier rapport. Je cède la parole au ministre de l'Environnement, qui va démontrer clairement qu'on a donné suite au rapport Nicolet.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Bégin: M. le Président, la semaine dernière, j'ai présenté au comité de développement économique et de l'emploi ce qui pourrait être un avant-projet de loi soumis à cette Assemblée et, ce matin, j'ai présenté au COMART, le comité sur le développement des régions, le même document, de telle sorte que nous devrions être en mesure de soumettre au Conseil des ministres un projet de loi ou un avant-projet de loi dans les quelques jours. Je pense que c'est une suite complète, totale du rapport Nicolet, et vous allez voir qu'on s'est occupé véritablement de donner suite au rapport.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de Robert-Baldwin, en complémentaire.

M. Marsan: Oui, M. le Président. Le président du Conseil du trésor, j'aimerais qu'il nous dise combien vont coûter les travaux de cette commission, une commission qui vient de demander une extension de son mandat, actuellement, avant de commencer les travaux.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, je prends avis de la question et je déposerai exactement les prévisions budgétaires de cette commission, comme on le fait, en toute transparence.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette, en principale.


Financement des services de garde à 5 $ en milieu scolaire

M. Ouimet: M. le Président, dans le dossier des services de garde en milieu scolaire, depuis que le premier ministre a décidé de récupérer le crédit d'impôt pour faire miroiter un coût de 5 $ aux parents, par jour, pour les garderies, rien ne va plus. À cause de l'improvisation, du cafouillage de sa ministre et des calculs mal faits – elle aurait sûrement bénéficié d'une calculatrice TI 82 – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: ...il manque une quarantaine de millions de dollars, ce qui oblige la ministre à réduire le service de garde qui sera financé.

En effet, on réduit le nombre d'heures, on réduit le nombre de jours et on demande aux commissions scolaires – c'est sorti vendredi, ça, M. le Président – de tarifer un supplément aux parents pour les heures et pour les jours non couverts par la ministre de l'Éducation. Voici ce qu'on a appris vendredi: la garderie scolaire coûtera 7 $ pour les enfants qui y restent cinq heures; la garderie coûtera entre 15 $ et 20 $ par jour de la semaine de relâche; la garderie coûtera 9 $ pour les enfants qui y restent six heures de temps; la garderie coûtera entre 15 $ et 20 $ par jour pour les sept journées pédagogiques, non couvertes par la ministre, et également pour les journées avant Noël et après Noël et celles avant et après les camps de vacances des municipalités...

Le Vice-Président (M. Pinard): Votre question, s'il vous plaît.

M. Ouimet: ...et, le tout, sans crédit d'impôt.

Question au premier ministre, M. le Président, qui tenait l'engagement lors du fameux Sommet socioéconomique: Aura-t-il la décence et l'honnêteté de financer entièrement son engagement politique afin d'éviter que les parents paient plus que 5 $ pour cette garderie et afin d'éviter également qu'on pige encore une fois dans les budgets des écoles pour financer des engagements du gouvernement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Alors, nous avons 20 heures, vous savez, M. le Président, pour étudier les crédits du ministère de l'Éducation. Je pense que je vais proposer à mon collègue d'en ajouter quelques-unes pour qu'on puisse prendre le temps ensemble de bien lui expliquer ce que nous faisons du côté de la garde en milieu scolaire. Il en manque encore, parce qu'il n'a pas compris ce que nous avons expliqué, et dit, et répondu vendredi dernier.

Et, d'ailleurs, c'est son habitude. Il annonce toujours la catastrophe. C'est la catastrophe appréhendée. Ça ne fonctionnera pas. Il est dans le club des pessimistes. Et, dans les faits, on doit bien constater que l'implantation de nos maternelles a été particulièrement bien. Les parents et les enfants y trouvent satisfaction. Nous avons modifié en profondeur tout le Régime d'allocations familiales, avec un résultat positif, M. le Président. Nous sommes en train de transformer l'aide aux parents sous forme de garde en garderie, en centre de la petite enfance ou en milieu familial. Et, encore là, non seulement les parents sont contents, ils en redemandent.

Bon. Maintenant, rappelons les faits, rétablissons les faits, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais vous mentionner qu'actuellement vous avez pris l'habitude d'introduire un préambule qui est de la durée totale du temps qui vous est alloué pour poser une question; et, également, au niveau de la réponse, c'est la même chose. Alors, là, nous devons partager le temps équitablement. Alors, je vous demanderais, si possible, pour la poursuite de nos débats cet après-midi, d'introduire le préambule et de poser la question dans le temps requis, et même chose au niveau de la réponse. Alors, madame, vous n'avez point terminé votre temps. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis heureuse, dans le fond, que le député pose la question parce que ça va nous permettre de rétablir les faits. Alors, je le remercie de cette question.

D'abord, un enfant qui utilisera les services de garde en milieu scolaire pendant cinq heures, le parent ne paiera que 5 $. N'oublions pas qu'il est pendant cinq autres heures à l'école. Il aura donc été pendant 10 heures à l'école. C'est beaucoup. C'est beaucoup. Par ailleurs, un parent qui veut utiliser les services de garde pendant les journées pédagogiques, M. le Président, il pourra avoir accès aux services pendant toute la journée à 5 $ par jour.

Par ailleurs, si des activités spéciales devaient être organisées, du genre une sortie, il va de soi qu'à ce moment-là il pourrait être demandé des sommes aux parents pour les fins de la sortie. Mais le service de base doit être offert à 5 $. La semaine de relâche, elle est une semaine de congé et, à ce que je sache, à ce moment-là, il est normal que les parents contribuent. Cependant, ce que nous disons aux services de garde, c'est de se rendre disponibles pour que les parents puissent avoir accès aux services. Mais, oui, ils pourront payer certaines sommes plus élevées que le 5 $ par jour, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette.

(15 heures)

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de l'Éducation peut-elle reconnaître ce que tous les acteurs savent: elle est dans la dèche parce qu'elle a annoncé quelque chose puis elle n'a pas le moyen de le financer, elle est obligée de financer ça avec des fonds de tiroirs?

Peut-elle prendre l'engagement, M. le Président, que jamais un parent ne va payer plus que 5 $ pour la garderie en milieu scolaire, indépendamment du nombre d'heures, indépendamment de la date, indépendamment des jours, et sans que ça soit financé par les commissions scolaires? C'est ça, l'engagement qu'on veut, pour que vous respectiez vos engagements.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, c'est absolument fantastique, dans le fond. Un parent payait auparavant 8 $, 10 $, 12 $. Nous lui annonçons aujourd'hui qu'il paiera 5 $, et dans certains cas moins, si ses revenus sont en deçà d'un certain seuil, et le député de Marquette essaie de faire passer ça pour une mauvaise nouvelle. C'est quand même assez fascinant!

L'engagement que nous prenons, M. le Président, c'est, dans le fond, de couvrir exactement les services que nous couvrions par le passé. Mais, au lieu que l'on paie 10 $ ou 12 $, on en paiera 5 $. Il me semble que c'est facile à comprendre! Je n'ai pas besoin de prendre d'engagement supplémentaire, puisque, dans les faits, les parents qui utilisent les services de garde, généralement, les utilisent pour une moyenne de quatre heures. Nous couvrirons cinq heures. Nous couvrirons plus que ce qu'ils utilisent déjà maintenant. Il me semble que c'est évident!

Le Vice-Président (M. Pinard): En conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: Pendant les journées pédagogiques, on paiera 5 $, même si on doit utiliser toute la journée le service de garde. Il me semble que c'est mieux que ce qu'on a maintenant, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. La ministre de l'Éducation a indiqué en commission parlementaire, vendredi passé, qu'il n'y aura que 60 000 places de disponibles à 5 $ dans les services de garde en milieu scolaire, malgré le fait qu'il y a déjà 93 000 enfants inscrits dans ces services de garde. On sait déjà que l'offre des services de garde à prix réduit risque d'être populaire, et on peut s'attendre à une forte...

M. le Président, si on ne tient pas compte des faits une fois, ça, c'est un accident. Si on le répète deux années de suite, ça, c'est de la mauvaise planification. Et c'est ça que ce gouvernement est en train de faire, parce qu'effectivement ça risque d'être populaire. On ne compte pas les besoins existants, c'est-à-dire qu'il y a 93 000 enfants inscrits aujourd'hui dans les services de garde. La ministre va en financer 60 000. Alors, c'est quoi, la réponse que la ministre va donner aux parents, à la rentrée scolaire de l'automne de cette année, qui n'auront pas accès au service à 5 $, faute de places?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, le député lui-même a reconnu que c'était une mesure qui risquait d'être populaire et qui allait augmenter la demande. Donc, ça ne doit pas être une mauvaise idée. On a déjà établi une base en partant. Ça, c'est bon. Maintenant qu'on s'est dit ça... En fait, ce qu'on essaie de faire, du côté de l'opposition, c'est de confondre les règles de financement pour essayer de faire croire à une catastrophe appréhendée, et que les parents non seulement ne paieront pas 5 $, mais paieraient des sommes absolument astronomiques. Ce n'est pas le cas, parce que nous connaissons le taux de fréquentation de la garde en milieu scolaire, et nous couvrirons les 93 000 places, et même un peu plus, puisque nous avons une provision, au plan du budget, pour nous permettre de couvrir une augmentation de la demande.

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Pouvons-nous poursuivre? Il nous reste encore 10 minutes. Pouvons-nous poursuivre avec un petit peu plus de calme dans cette Assemblée? Conservons notre décorum, s'il vous plaît.

Alors, Mme la ministre, est-ce que vous aviez terminé votre réponse?

Mme Marois: Non, M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Le président est debout et, ensuite... le président vérifie le temps de chacune des questions et des réponses. Et le temps alloué n'était pas complété. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça va me permettre effectivement de continuer à donner une explication plus complète.

Lorsque nous avons établi le budget et les transferts à faire aux services de garde, nous avons regardé la situation telle que nous la connaissons, en évaluant aussi un risque, évidemment, d'augmentation de la demande, ça va de soi. Ce que nous savons, c'est qu'une proportion très importante de ces 93 000 enfants fréquentent les services de garde en milieu scolaire moins de deux jours et moins de deux heures ou trois heures par jour. Alors, on ne va pas payer les commissions scolaires pour des services qui seraient utilisés cinq heures, alors qu'on sait qu'ils le sont pendant deux heures. On a donc établi des moyennes pour transférer les budgets.

Par ailleurs, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je regrette, Mme la ministre, votre temps alloué...

Mme Marois: Je compléterai s'il revient avec une question, ça me fera...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Jacques-Cartier, en complémentaire.

M. Kelley: Est-ce que la ministre est consciente qu'il y aurait un changement des choix des parents, comme nous avons vu dans le dossier des quatre ans, où il existe toujours de longues listes d'attente dans nos garderies, faute de places? On est en train de recréer la même situation dans les services de garde en milieu scolaire, parce que la ministre a affirmé qu'il n'y a que 60 000 places disponibles à partir de septembre, en commission. Et je peux la déposer, c'est ça, la réponse que la ministre a donnée en commission, vendredi: 60 000 places. Il y a déjà 93 000 places, et ça va être populaire. Il y aura une augmentation de la demande. Alors, qu'est-ce qu'on va dire aux parents exclus du nouveau système?

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, imaginons qu'il y aurait 60 000 places temps plein et qu'il y aurait 30 000, 40 000, 50 000 places temps partiel, pour lesquelles les parents n'utilisent le service que quelques heures par jour. À ce moment-là, non seulement ils ne paieront pas 5 $, mais souvent ils vont payer 1 $, 2 $ ou 3 $ pour obtenir ce service.

Nous avons fait des prévisions sur une base raisonnable. Nous croyons, oui, qu'il y aura sans doute une légère augmentation de clientèle, mais ce qu'il faut savoir, c'est que, à cause du message que nous avons envoyé très clairement aux commissions scolaires l'an dernier, entre autres sur le fait qu'il y aurait une obligation, maintenant, dans les commissions scolaires, d'offrir les services de garde en milieu scolaire, il y a eu un effet significatif, l'an dernier, et, cette année, nous croyons qu'il y aura hausse, mais que nous pourrons l'assumer dans les crédits budgétaires dont nous disposons, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, madame. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: En complémentaire, M. le Président, la ministre peut-elle reconnaître que son gouvernement a récupéré les crédits d'impôt de tous les parents? Et peut-elle prendre acte également de la vérité qui sortait de la bouche de son fonctionnaire, en commission parlementaire, qui disait ceci: Donc, les commissions scolaires vont pouvoir tarifer pour la plage qui excède le nombre d'heures du service de base? C'est ça qui est en train de se passer. C'est tellement tout croche! Les règles budgétaires ne sont pas encore adoptées, à ce jour.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Bien sûr, M. le Président, que je sais tout ça. Mais ce que je dis, c'est que le service de base, il sera accessible aux parents pendant une plage de 10 heures, pour cinq heures par jour. Alors, si un enfant est aux services de garde pendant cinq heures, est à l'école pendant quatre heures ou quatre heures et demie, j'imagine que, normalement, les parents devraient aller le chercher ou le conduire pour être capables de couvrir cette réalité-là. Il peut arriver cependant que des parents, oui, demandent que les services soient offert plus longtemps, et, dans le fond, à ce moment-là, les services pourront demander quelques dollars de plus. Mais, quand on aura passé 10 heures...

Ah, vous pensez que c'est normal et que ça a du bon sens qu'un jeune de cinq ans, de quatre ans... Vous pleuriez sur les maternelles jusqu'à cinq ans, craignant que les enfants soient trop longtemps à l'école, puis là vous voudriez les y laisser pendant 12 heures? Il me semble que ça n'a pas beaucoup de bon sens.

Des voix: Bravo! Bravo!

Mme Marois: Puis je n'ai pas fini.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: Juste faire remarquer que vous avez déjà indiqué à la ministre qu'elle avait terminé son temps de réponse. Nous avons une autre question; qu'on procède, M. le Président.

Mme Marois: Très bref. Il y avait deux volets...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Budget annuel et programme de développement du Centre hospitalier de l'Université de Montréal

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. Jacques Girard, président du conseil d'administration du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, écrivait, dans une lettre ouverte au Devoir , le 18 mars dernier: «Le CHUM est en chantier et il a un urgent besoin d'un budget de développement, qu'on lui avait reconnu et que l'on avait pris la peine d'inscrire au protocole d'entente.»

(15 h 10)

On se rappelle le protocole d'entente signé par les trois hôpitaux concernés, par le ministère de la Santé, par l'Université de Montréal et aussi par la Régie de Montréal-Centre. Ce protocole d'entente faisait appel à un budget de 325 000 000 $ en immobilisations, on se rappelle, pour réaliser un centre ambulatoire de type universitaire et réaménager les deux campus d'hospitalisation.

Maintenant, le 2 avril, sur une question similaire au niveau des budgets pour la Régie de Montréal-Centre, le ministre me répondait: Alors, on a eu le dépôt des crédits, on a maintenant le budget, et je peux assurer à la population, comme j'ai déjà assuré la régie régionale et ses établissements, que, une fois que les crédits sont déposés, la préparation des budgets pour la prochaine année va se compléter et que Montréal va avoir sa part équitable. M. le Président, on est le 5 mai, et il est évident que le CHUM n'a pas reçu encore le budget de 325 000 000 $, tel que promis dans le protocole d'entente. Quand on parle du CHUM, M. le Président, on parle souvent, on fait référence à un manque d'anesthésistes, manque de radiologistes, fermeture probable de l'urgence de l'Hôtel-Dieu.

Alors, la question, M. le Président, c'est: Comme le conseil exécutif du CHUM se rencontre ce soir, est-ce que le ministre de la Santé peut leur dire s'ils vont recevoir cette semaine – parce qu'on va se donner un échéancier – le budget prescrit dans le protocole d'entente, soit de 325 000 000 $, pour qu'il puisse procéder à l'implantation du centre hospitalier de Montréal?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, il va falloir démêler deux choses, là, d'abord, M. le Président. Le montant de l'ordre de 325 000 000 $, qui est mentionné dans le protocole de création du CHUM, se réfère au montant des investissements et des immobilisations qui devront être faits – je pense que c'est très clair – au cours des prochaines années pour le développement surtout des services surspécialisés, ce qui est nécessaire au niveau de la recherche et du développement ou d'autres services à l'hôpital.

Depuis que ce protocole a été signé et de façon plus intensive au cours des derniers mois, à mesure que l'organisation interne se complète au CHUM, des travaux sont en cours pour justement établir l'échéancier et le plan d'action concret selon lequel ces investissements vont se faire pour le futur développement. Spécialement pour ce qui regarde la recherche, il y a déjà beaucoup de travaux qui ont été faits pour assurer le développement d'une plateforme technologique importante.

Le ministère de la Métropole, d'ailleurs, mon collègue, a contribué, vu que la santé fait partie d'un des axes importants de développement pour Montréal, un montant de 1 000 000 $ pour l'étude de faisabilité pour le développement d'une plateforme technologique qui va impliquer plusieurs centaines de millions, avec différents types de contributions. Donc, pour ce qui regarde ce développement pour l'avenir, le plan d'action est à se mettre en oeuvre, en collaboration entre le CHUM, la régie régionale et le ministère, qui est très actif là-dedans vu qu'il s'agit de développement de niveau de troisième ligne et de recherche.

Quand j'ai répondu à la question de la députée, là, on parlait du budget de fonctionnement annuel, et ça, c'est une autre chose. Effectivement, d'ici une semaine ou deux à peu près, l'information qui a déjà été communiquée aux régies régionales sera confirmée, comme à chaque année, dans une lettre qui donne à chacun des établissements leur budget pour l'année. Alors, il ne faudrait pas mêler le programme de développement, pour lequel on a un échéancier, et le budget de fonctionnement pour l'année.

Je suis assez assuré que l'exécutif du CHUM a ça de clair dans sa tête et qu'il ne sera pas mêlé, comme la question qui vient de m'être posée, entre les deux échéanciers, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Ceci met fin à la période des questions et réponses orales.


Réponses différées


Effets des compressions budgétaires en éducation sur les services d'orientation scolaire

Nous passons maintenant à notre rubrique Réponses différées. Alors, Mme la ministre de l'Éducation répondra maintenant à une question qui nous a été posée le 30 avril 1998 par M. le député de Marquette concernant les conseillers en orientation et l'abolition du cours Éducation au choix de carrière. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. En fait, le député de l'opposition est sans doute mal informé quand il affirme – d'ailleurs, ça devient une habitude – que le cours Éducation au choix de carrière a été aboli. Ce cours, d'abord, est toujours offert dans nos écoles et continuera de l'être pendant encore quelques années, jusqu'à l'établissement du nouveau curriculum du secondaire. C'est déjà écrit dans de nombreux documents que j'ai eu la chance de déposer ici et à mes partenaires de l'éducation.

Encore là, M. le Président, cependant, lorsque le cours Éducation au choix de carrière sera aboli, soit vers 2002, les enseignantes et les enseignants de ce cours auront quand même un rôle important à jouer dans l'orientation des élèves, puisque ce cours sera remplacé par des activités plus concrètes, plus pertinentes, axées davantage sur les besoins du marché du travail. Il est donc faux de prétendre, comme le fait le député, que nos jeunes seront abandonnés à leur sort. Comme d'habitude, le député crie au loup.

De plus, le député devrait être prudent dans l'utilisation des chiffres. On se rend compte que, selon les données annuelles, qui sont les seules données fiables, entre l'année 1994 et 1997, la diminution de conseillers d'orientation est en réalité de 1,6 %, M. le Président. Je pense que ça presse que leur chef arrive, ça calmerait peut-être la troupe!

Des voix: ...

Mme Marois: Je n'ai pas fini. Alors, pourquoi y a-t-il cette différence? Parce que les données sont relevées au 30 septembre et qu'un certain nombre d'engagements de professionnels se font en cours d'année scolaire. D'ailleurs, j'ai les chiffres ici. Pour les variations en données annuelles, la différence est de quelques-uns à peine, alors que, lorsqu'on la prend au 30 septembre, elle est très importante.

Quant au cas des deux commissions scolaires qu'a mentionnées – il faut que je réponde à toute la question, j'imagine, M. le Président? – le député, les données que nous avons en date du 30 septembre 1997 indiquent que, à la commission scolaire de Sainte-Thérèse, on retrouve cinq conseillers en orientation plutôt qu'un seul, comme le député le prétend. De plus, la stratégie d'information professionnelle a été modifiée en vue d'offrir des services de stage d'un jour. C'est bon, hein? Enfin, à la commission scolaire de Marieville, le conseiller d'orientation a pris sa retraite le 30 juin dernier. J'aimerais rappeler au député que, depuis 1992, il n'y avait qu'un seul conseiller d'orientation à cette commission scolaire, donc pas depuis que je suis ministre de l'Éducation, mais depuis 1992, M. le Président.

En outre, compte tenu du regroupement du 1er juillet avec d'autres commissions scolaires qui ont un nombre significatif de ces professionnels, compte tenu de la possibilité pour la commission scolaire de Marieville d'utiliser les services d'un professionnel de la commission scolaire Provençal et, enfin, compte tenu de l'opportunité de la fusion pour repenser ce service de consultation, la commission scolaire a fait le choix de ne pas engager, pour cette année, un autre conseiller d'orientation.

Alors, le député peut être en désaccord avec nos choix, mais, de là à dire n'importe quoi, comme d'habitude, c'est inacceptable, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette, pour une question complémentaire.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre comprend-elle pourquoi son chef et premier ministre a quitté?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette, deux points. Un, décorum. Je pense qu'effectivement il faut absolument qu'on maintienne un décorum à cette Assemblée. Deuxième point, vous savez très bien qu'en vertu de notre règlement vous n'avez absolument pas le droit de citer que quelqu'un est absent de nos débats.

(15 h 20)

Alors, maintenant, je vous inviterais à reformuler votre question complémentaire, s'il vous plaît.

M. Fournier: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai beaucoup de difficulté à vous comprendre, M. le leader adjoint de l'opposition. J'ai comme l'impression que, si j'étais professeur, je pourrais facilement vous annoncer qu'il y aura tempête. Alors, s'il vous plaît! Ça devient excessivement difficile de diriger les débats. Et, s'il y avait possibilité qu'on puisse continuer à travailler sereinement, ça aiderait à la fois la présidence et à la fois les membres ici présents, en cette Assemblée. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: M. le Président, je vous ai entendu soulever deux points. Et, avec mon collègue de Marquette, je voudrais d'abord vous dire, au niveau du décorum, que je ne vois pas en quoi le député de Marquette a soulevé quelque problème à l'égard du décorum. Pour ce qui est du deuxième point que vous avez soulevé, concernant la présence ou l'absence du premier ministre, du chef du Parti québécois, je dois vous dire que c'était un débat qui était initié par la partie ministérielle. Si elle se contentait de répondre aux questions plutôt que d'absorber tout le temps qui devrait être disponible à l'opposition, peut-être qu'il y aurait plus de transparence au Québec avec ce gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint de l'opposition. À ce stade-ci, nous en sommes rendus...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! M. le député de Marquette, je vous ai reconnu pour poser une question complémentaire. M. le député.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Comment la ministre de l'Éducation peut-elle faire une telle affirmation, que les conseillers d'orientation n'ont été coupés que de 1,6 %, alors qu'aujourd'hui, au moment où on se parle, le Conseil supérieur de l'éducation vient de rendre public un avis qu'il donne à la ministre de l'Éducation: les chiffres démontrent qu'il y a eu des coupures, au niveau du poste de conseiller d'orientation, de 10,4 %? Ça vient de sortir aujourd'hui. C'est dans les documents PERCOS du ministère de l'Éducation. La CEQ en a fait état il y a environ trois semaines, et l'opposition il y a un mois et demi. Il y a une coupure sans précédent des postes professionnels dans les écoles, et ça affecte la qualité des services qui sont donnés aux élèves. Comment est-ce que la ministre de l'Éducation peut-elle nier de telles réalités?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre de l'Éducation, brièvement.

Mme Marois: M. le Président, merci. Alors, le député avait relevé un certain nombre d'informations en utilisant des chiffres erronés et en citant certaines commissions scolaires, et je lui ai répondu. Je suis allée aux sources directement.

C'est vrai qu'il y a une variation, d'une année à l'autre, du nombre de professionnels, et particulièrement les conseillers en orientation, les conseillers pédagogiques et un certain nombre d'autres professionnels. Certains, d'ailleurs, voient leur nombre augmenter et d'autres voient leur nombre diminuer. Les dernières données comparatives, sur lesquelles je me suis basée, montrent qu'effectivement, en données annuelles, quand on ne s'arrête pas à la donnée du 30 septembre, souvent, ce que nous donnent les données PERCOS du ministère, nous constatons qu'il y a une différence significative. Et il y a 150 de différence entre 1997 et 1996.

Alors, M. le Président, c'est tout simplement sur la base de données réelles, constatées que j'ai répondu au député. Je ne nie pas, cependant, qu'il y a des resserrements du côté de certains services professionnels, et j'espère que nous pourrons passer à une autre phase éventuellement qui va nous permettre de réinvestir dans nos services d'éducation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre.

Nous n'avons pas de votes reportés.


Avis touchant les travaux des commissions

M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, avant de passer aux votes reportés, j'aimerais passer aux avis des commissions. Excusez, pas de votes reportés, M. le Président, je m'excuse, les motions sans préavis. Donc, j'ai la permission pour faire les avis qui sont les suivants.

J'avise cette Assemblée que la commission de la culture procédera à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Culture et des Communications aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que demain, le mercredi 6 mai 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Santé et des Services sociaux aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'éducation poursuivra l'étude des crédits budgétaires du ministère de l'Éducation aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 6 mai 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et du territoire poursuivra l'étude des crédits budgétaires du ministère des Affaires municipales demain, le mercredi 6 mai 1998, de 9 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et, finalement,

Que la commission des institutions complétera l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice demain, le mercredi 6 mai 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement.


Motions sans préavis

Nous allons maintenant passer à la rubrique Motions sans préavis.

M. Copeman: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Souligner la Semaine nationale des personnes assistées sociales

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de proposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine nationale des personnes assistées sociales, qui se tient du 4 au 8 mai.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui? Consentement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est un privilège pour moi de proposer la motion qui souligne la Semaine nationale des personnes assistées sociales du Québec, qui se tient cette semaine, également un privilège de m'associer à tous les organismes de défense des personnes assistées sociales au Québec dans leur lutte quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, annuelle pour améliorer le sort, la dignité et les conditions de vie des quelque 700 000 bénéficiaires d'aide sociale au Québec, c'est-à-dire à peu près un Québécois sur 10 et une Québécoise sur 10 qui vivent dans un ménage qui dépend de l'aide sociale au Québec. C'est un chiffre très élevé, qui demeure toujours trop élevé, malgré la baisse appréciable dans le nombre de ménages depuis à peu près deux ans, une baisse d'à peu près 24 000 depuis un an, un total de presque 40 000 ménages de moins, depuis quelques années, à l'aide sociale, et c'est une situation dont il faut se réjouir.

Malgré ça, M. le Président, il y a quand même un bilan assez concret du gouvernement actuel en ce qui concerne le sort des personnes assistées sociales au Québec. L'année passée, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a remis 75 000 000 $ au trésor québécois grâce essentiellement à une baisse dans le nombre des ménages au Québec. Cette année, on prévoit 50 000 000 $ de moins de crédits, essentiellement dû à une baisse du nombre de ménages. J'en conviens avec la ministre, j'accepte ses paroles, évidemment, qu'il n'y aura pas de compressions, de coupures dans les chèques d'aide sociale au Québec cette année, que le 50 000 000 $ de compressions peut être fait et absorbé sans qu'il y ait une diminution dans les chèques de l'aide sociale que reçoivent les quelque 700 000 personnes au Québec, moins, évidemment, les enfants, qui se nombrent à peu près à 200 000, 225 000. Il n'en demeure pas moins que ces sommes-là – l'année passée, 75 000 000 $, cette année, 50 000 000 $ – retournent au trésor. Et, de ce côté de la Chambre, nous plaidons, nous allons continuer de plaider pour que ces sommes-là restent dans le budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, pour faire une des deux choses essentielles, soit de redresser les compressions faites par ce même gouvernement depuis trois ans dans les chèques ou d'accroître le nombre de mesures actives en emploi pour qu'il y ait encore plus de bénéficiaires de l'aide sociale qui puissent en sortir.

M. le Président, le fléau de la pauvreté touche tout le monde au Québec. Il est faux – et je pense que, comme députés, on le sait – de croire que la pauvreté touche uniquement les personnes pauvres. La pauvreté touche tout le monde, parce que ça crée des situations pénibles pour nos concitoyens, face auxquels on ne peut pas être sans compassion. Ça crée des coûts sociaux, la pauvreté, soit en termes de soins de santé qui sont dispensés, soit en décrochage, soit en créant une classe quasiment complète de gens qui sont exclus de la société québécoise. Et ça crée des problèmes.

(15 h 30)

Dans tout ce phénomène de fléau de la pauvreté, qui ne touche pas uniquement les bénéficiaires de l'aide sociale, ça touche également les personnes aînées, évidemment, et d'autres travailleurs à faibles revenus qui sont dans des situations précaires, je pense qu'on pourrait s'entendre que généralement les 700 000 personnes assistées sociales, au Québec, sont très pauvres. Ça dépend comment on définit la pauvreté, évidemment, mais elles sont très pauvres.

Et nous avons trouvé une citation d'un ancien premier ministre du Québec – ce n'est pas mon habitude de citer trop souvent Jacques Parizeau, mais je le fais de temps en temps – qui, lors de l'assermentation de la ministre d'alors de la Sécurité du revenu, la députée de Chicoutimi, dit, il est cité, dans une coupure de presse, lors de l'assermentation de la ministre d'alors: «Je vous demande, madame – ça, c'est Jacques Parizeau – de faire la guerre à la pauvreté, pas la guerre aux pauvres.»

M. le Président, peu après, un an et quelque mois plus tard, nous avons eu un changement de gouvernement, un changement de premier ministre au Québec. Les gestes concrets du gouvernement du Parti québécois sont très faciles à documenter. Il s'agit, selon la Coalition nationale sur l'aide sociale, de compressions, de coupures, de ponctions dans les chèques d'aide sociale et d'autres services rendus à des personnes assistées sociales de l'ordre de 400 000 000 $ sur trois ans. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité dispute ces chiffres-là; ça, c'est un débat pour une autre journée.

Mais une chose est claire: depuis trois ans, il y a eu des compressions très sévères même dans les chèques des personnes assistées sociales au Québec. Le chèque de base est passé de 500 $ par mois à 490 $. Les barèmes de participation sont passés de 150 $ à 120 $. Le barème de disponibilité a été complètement éliminé. Alors, ces faits font partie quand même du bilan du gouvernement. On ne peut pas l'ignorer.

Il y a un autre fond de scène très inquiétant dans cette Semaine nationale des personnes assistées sociales, qui est composé de deux éléments: la politique familiale et la réforme de l'aide sociale. La politique familiale, nous avons découvert il y a quelques semaines que les majorations pour les bénéficiaires d'aide sociale avec des jeunes enfants, les familles seules, ne seront pas reconduites dans le budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, à partir du 1er septembre, pour les nouveaux demandants.

Ça a l'air complexe, M. le Président, mais ça ne l'est pas. À partir du 1er septembre, une famille monoparentale avec de jeunes enfants qui fait une demande d'aide sociale va – l'effet combiné avec la politique familiale – recevoir moins que la même famille, avec les mêmes enfants, même âge, qui a été prestataire au 31 août, dont les droits acquis sont protégés.

Mme la ministre nous réfère à sa collègue la ministre de la Famille pour tenter de corriger cette situation. Si elle n'est pas corrigée soit par le biais du budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité ou celui de la Famille, ça peut occasionner des pertes importantes, de l'ordre de 300 $ à 600 $, dépendant de la composition familiale, pour les familles monoparentales et les familles avec des jeunes enfants. Ce sont des pertes que ces familles-là ne peuvent pas absorber. Quant à moi, c'est des pertes complètement inacceptables.

Deuxième fond de scène, évidemment, la réforme de l'aide sociale. Nous attendons avec hâte le début de la commission parlementaire, les audiences, l'étude détaillée sur le projet de loi n° 186. Quelques manchettes depuis le dépôt de la réforme: Le PQ crée son adversaire , Un million d'électeurs québécois sont des assistés sociaux et des pauvres . Dans La Tribune , de Sherbrooke: La loi n° 186 est l'effort demandé aux plus démunis ; dans La Parole , de Drummondville: Il ne correspond d'aucune façon aux besoins des plus démunis: Rejet catégorique du projet de loi n° 186 sur la réforme de l'aide sociale ; dans le journal L'Union : Les assistés sociaux deviennent la classe à part ; dans L'Action : Les groupes communautaires ont manifesté contre le projet de loi n° 186 ; dans La Presse : Un net recul, la réforme de l'aide sociale: Des mesures actives financées par l'appauvrissement des sans-emploi ; dans Le Devoir : À la Noël, la fin de la sécurité du revenu, le projet de loi n° 186 .

Ce n'est pas l'opposition qui écrit tous ces articles, M. le Président, c'est des acteurs qui travaillent dans le domaine. Et, finalement, aujourd'hui on apprend qu'il y a une occupation du bureau de comté du ministre des Relations avec les citoyens par le Regroupement autonome des jeunes du Québec pour manifester contre l'impact du projet de loi n° 186 sur les jeunes.

M. le Président, c'est le fond de scène qui est présent. C'est très inquiétant. Et j'espère que la ministre va tenir compte des maintes représentations qui seront faites lors des audiences particulières qui débutent le 19 mai et quand on passera à l'étude détaillée en commission parlementaire.

M. le Président, juste avant de terminer, je veux rassurer la ministre, je veux rassurer les députés d'en face qui, de temps en temps, nous accusent, nous autres, de ne pas avoir une politique, de critiquer pour critiquer, de parler sans rien dire, je veux simplement rassurer la ministre et ses collègues, que bientôt le Parti libéral du Québec va commencer des discussions publiques sur une orientation majeure en ce qui concerne l'État québécois et la pauvreté et que, à un moment très propice, la population québécoise va être saisie de nos orientations très claires et très concrètes quant à la nécessité pour l'État québécois de combattre la pauvreté.

Et je terminerais, M. le Président, avec une citation qui sort de l'Antiquité, qui sort de quelqu'un que j'ai étudié comme étudiant à l'Université McGill, quelqu'un qui a écrit il y a plus de 2 000 ans dans son travail, les politiques, Aristote, qui a dit: «La misère est la source de tous les maux dans une démocratie. Le meilleur emploi des revenus publics, quand la perception en est achevée, est d'aider largement des pauvres.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous cédons maintenant la parole à Mme la ministre de la Sécurité du revenu.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Le gouvernement s'associe volontiers à la motion du député de Notre-Dame-de-Grâce. Je le remercie de nous avoir cité Aristote, n'est-ce pas, et de nous avoir rappelé, à raison, ce principe important de compassion à l'égard de nos concitoyens les plus démunis. C'est là, je crois, une question stratégique au coeur même de toute démocratie. Évidemment, la question, c'est de savoir comment, quelles sont les solutions que l'on peut mettre de l'avant pour remédier à ces situations que nous pouvons tous, évidemment, déplorer.

Nous attendons avec impatience le programme du Parti libéral en ces matières. C'est assez décevant, n'est-ce pas, M. le Président, que depuis des mois et des mois, malgré le dépôt par le gouvernement d'un livre vert qui a été étudié longuement, presque pendant deux mois et demi, en commission parlementaire l'an passé, le dépôt d'un projet de loi l'automne dernier, l'examen qu'on en fera en commission parlementaire, on est toujours en attente. Mais on a un avant-goût des intentions très claires et très concrètes du nouveau chef de l'opposition, en fait du Parti libéral, non pas le chef de l'opposition en Chambre mais le chef du Parti libéral du Québec, M. Charest. On peut le lire d'ailleurs aujourd'hui dans le Globe and Mail du mardi 5 mai – nous sommes bien le 5 aujourd'hui. Nous pouvons donc, dans cet article reproduit à la page A-5 du Globe and Mail , comprendre que M. Charest a, comme idée élogieuse en matière d'aide sociale, ce qui s'est fait en Ontario et ce qu'a pratiqué le premier ministre ontarien, M. Harris. En fait, c'est l'éloge du «workfare» pratiqué par les gouvernements conservateurs de l'Alberta et de l'Ontario qui semble inspirer le nouveau chef du Parti libéral en matière d'aide sociale.

(15 h 40)

M. le Président, je crois qu'il faut saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui justement pour bien distinguer en quoi les propositions du gouvernement du Parti québécois s'éloignent de celles appliquées par le gouvernement conservateur d'Ontario et par le gouvernement conservateur de l'Alberta et, semble-t-il, évidemment, des orientations que semble préconiser le nouveau chef du Parti libéral. D'abord, il est certain que le député de Notre-Dame-de-Grâce serait plus convaincant, quand il parle du sort des personnes assistées sociales qui ont subi des coupures... D'ailleurs, j'ai confirmé dans cette Assemblée, en commission parlementaire également, la nature des réductions sur les prestations qui ont été faites au cours des trois dernières années, et ce n'est pas les montants qu'on brandit. Par exemple, on entend 400 000 000 $. Ce n'est pas de ça dont il s'agit. C'est quand même 215 000 000 $, et ça, c'est quand on additionne aussi la contribution pour la franchise à l'assurance-médicaments, à laquelle dorénavant les personnes, les ménages à l'aide sociale doivent contribuer, comme les personnes à faibles revenus.

Mais le total à la fois de cette franchise pour l'assurance-médicaments et de l'ensemble des autres diminutions qui sont survenues, qui ont été effectuées sur le chèque, c'est 215 000 000 $. Ce n'est pas rien, M. le Président, et ça, j'en conviens parfaitement. Mais c'est du passé, parce qu'on sait bien qu'il n'y a plus de compressions à l'aide sociale. Il n'y en aura pas cette année, et je ne crois pas qu'on puisse, d'aucune façon, brandir quelque menace que ce soit par rapport aux années qui viennent.

Ceci dit, le député de Notre-Dame-de-Grâce serait plus convaincant, quand il nous parle justement des sacrifices qui ont été demandés aux personnes assistées sociales, si en même temps il dénonçait le 1 000 000 000 $ de coupures fédérales dans le paiement des transferts au Québec en matière d'aide sociale. C'est 1 000 000 000 $. C'est beaucoup d'argent, ça, M. le Président. C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent. Vous voyez, c'est le quart de ça que le gouvernement du Québec a coupé dans les ménages à l'aide sociale, mais c'est 1 000 000 000 $ que le gouvernement du Québec s'est vu couper dans les programmes de transfert, au titre du Régime d'assistance publique du Canada, dans le partage à 50 % du financement qui a été stoppé brutalement avec le budget Martin et, à partir de 1996, modifié.

Et ce n'est pas tout, ça. Ça, c'est au chapitre du financement de l'aide sociale, mais encore faut-il aussi ajouter que, en termes d'augmentation du nombre de chômeurs à l'aide sociale, là il faut ajouter des centaines de milliers de personnes qui, depuis le début des années quatre-vingt-dix, compte tenu des réformes successives à l'assurance-chômage, qui est devenue l'assurance-emploi, se sont retrouvées, même si elles avaient cotisé dans une caisse supposément d'assurance contre le risque du chômage... On cotise à une caisse pour que, au moment voulu, on puisse en bénéficier. Et pourtant, au moment voulu, n'est-ce pas, les critères d'admissibilité se sont tellement resserrés que maintenant il n'y a que 47 % des chômeurs au Québec qui ont droit à des prestations d'assurance-emploi.

Ils étaient 100 % des chômeurs au début de la décennie, en 1990, parce qu'on ajoutait évidemment les congés de maternité et les congés de maladie. C'était 100 % des personnes en chômage qui avaient cotisé à l'assurance-emploi qui pouvaient en bénéficier, étant donné, comme je vous le dis, les additions de programmes maternité et maladie à celui du chômage aussi, alors que là, c'est 47 %.

Pour des travailleuses enceintes, là, c'est particulièrement grave, M. le Président, parce que ça signifie que le congé de maternité ou le congé parental qui est associé à l'assurance-emploi, pour lequel elles ont cotisé... Parce que, en plus de ces changements de resserrement, dorénavant, la première heure travaillée est cotisée. Avant, il fallait travailler 15 heures, qui étaient exemptées de cotisation, puis, ensuite, les employeurs et les travailleurs commençaient à payer à la caisse. Là, maintenant, la première heure travaillée est cotisée. Malgré ça, c'est la moitié des chômeurs qui ont droit, même s'ils ont payé des cotisations. C'est grave, ça, parce que ça a eu un effet de reflux, c'est bien évident, de chômeurs qui auparavant auraient eu droit à l'assurance-emploi et qui, là, ont eu à s'appauvrir. Parce que l'aide sociale, c'est une aide de dernier recours, puis cette aide de dernier recours, bien, on y a droit quand on a épuisé le reste de son vieux-gagné. Alors, ça, ça a eu des conséquences, c'est évident, majeures, M. le Président. La conséquence, c'est que, malgré la croissance économique, qui est réelle – là, il faut bien comprendre que c'est 107 000 emplois depuis le Sommet d'octobre 1996, 107 000 emplois, au Québec, qui ont été créés et qui nous amènent à espérer, vendredi qui vient, de baisser pour la première fois depuis une décennie en bas de la barre du 10 % du chômage – malgré ça, malgré cette croissance économique réelle, malgré cet élan, n'est-ce pas, du côté de l'emploi, on a constaté 40 000 ménages de moins.

Mais, en fait, c'est le double de ménages de moins qu'on aurait dû enregistrer. Il aurait dû se passer la même chose qui s'est passée dans les années quatre-vingt. Après que la récession de 1982-1983 eut augmenté de 130 000 le nombre de ménages à l'aide sociale, durant les années 1984-1985, ensuite de ça, on a vu que ça avait diminué de 100 000 ménages. C'est une diminution de 100 000 ménages qu'on aurait dû enregistrer. Alors, dans cette situation, M. le Président, je crois qu'il faut reconnaître que, même si ça a fait mal, les coupures à l'aide sociale, c'est beaucoup mes collègues des autres ministères qui ont écopé de ces économies que le fédéral a faites sur le dos des paiements de transfert, parce que le 1 000 000 000 $ qu'on a eu en moins, il y en a eu le quart dont les ménages assistés sociaux ont écopé, mais le trois quarts, c'est le reste des autres ministères qui l'ont épongé.

M. le Président, je voudrais profiter de cette motion pour faire la distinction qui s'impose entre le «workfare» et ce qu'on appelle «la politique active du marché du travail». Le «workfare», vous savez, c'est quelque chose qui, à mon point de vue, est complètement dépassé. C'est quelque chose, ça, qui a été lancé il y a bien des années, en particulier aux États-Unis, et, dans le fond, c'est comme une sorte d'abréviation pour dire: «Work for welfare», travailler pour avoir sa prestation. Mais c'est travailler sans en avoir le statut: ni statut de travail, ni statut d'étudiant, ni statut de stagiaire, ni statut d'apprenti. C'est travailler pour rester assisté; c'est ça, le «work for welfare». Et ça a l'air d'être ça que préconise M. Charest. M. Charest disait: «What some call workfare.» Bon, il disait: «Mr. Harris has done a lot to bring the Ontario economy back to be a growth economy.» En fait, il fait l'éloge de ce qu'a fait M. Harris, y compris dans ces domaines-là.

Moi, M. le Président, je dois vous dire que je ne crois pas du tout, du tout au «workfare», je n'y crois pas du tout. D'abord, dans tous les pays ou les endroits où cette politique a été tentée, ça s'est avéré impraticable; c'est un constat d'échec. Puis c'est un constat d'échec qui devrait faire qu'on ne devrait plus en parler sérieusement. Et ce n'est pas sérieux quand les opposants à la réforme confondent la politique active du marché du travail puis le «workfare». Pourquoi c'est pas sérieux? Parce que, M. le Président, c'est pas de ça du tout dont il s'agit. En fait, il s'agit non pas de mettre en place une bureaucratie, comme c'est le cas avec le «workfare», pour essayer d'encadrer ou de contrôler des personnes, mais il s'agit, au contraire, de mettre en mouvement, de mettre en activité le marché du travail lui-même, les établissements d'enseignement pour faire une place à part entière aux personnes qui ont été exclues. Il s'agit de faire une place à part entière.

(15 h 50)

Et je voudrais tout de suite faire un aparté pour dire au député de Notre-Dame-de-Grâce que la formation, ça s'avère souvent essentiel. J'en ai la preuve aujourd'hui dansun article paru dans La Tribune, de Sherbrooke, et qui révèle qu'il y a plus d'un millier d'emplois disponibles, malgré des problèmes importants de chômage élevé, un millier d'emplois disponibles. Pour quelle raison, vous pensez, qu'il y a un millier d'emplois disponibles, avec le taux de chômage qui est quand même élevé dans l'Estrie? Parce qu'il y a bien des gens qui n'ont pas les compétences ou qui n'ont pas les qualifications pour relever, si vous voulez, les exigences des nouveaux emplois.

On assiste en cette fin de siècle à la mort de l'emploi non qualifié. On peut le regretter, on peut être nostalgique du passé, l'emploi non qualifié n'existe quasiment plus. J'assiste, moi, dans mon quartier, à des événements qui consistent à remettre des diplômes, des attestations d'études à des personnes qui suivent des cours d'entretien ménager, parce que c'est devenu un métier maintenant, avec des exigences en santé et sécurité au travail, compte tenu des matériaux qui sont utilisés, qui peuvent avoir des conséquences, des bouches d'aération, etc.

Alors, il n'y a pas de métier où on ne demande plus une qualification. Et c'est dans ce sens-là que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, y compris le Fonds de lutte contre la pauvreté, a un rôle à jouer non pas en matière d'apprentissage des matières fondamentales – le ministère de l'Éducation, de l'Éducation nationale, c'est son rôle – mais en matière de rapprochement avec les besoins du marché du travail, dans des formations qui y conduisent directement.

Ceci dit, je ferme la parenthèse, M. le Président, parce que ce dont je veux vous parler, c'est de perceptions. Il ne s'agit pas, là, dans ce qu'on entreprend, d'expédients pour embrigader des personnes, les embrigader pour avoir leurs prestations sans qu'elles aient un statut de citoyen à part entière. La politique du «welfare», c'est un échec, d'abord parce que les chômeurs, ça ne forme pas un bloc homogène et que ce n'est pas une médecine comme par enchantement qui pourrait tout solutionner. On ne traite pas la main-d'oeuvre en gros, c'est un par un, parce que c'est des personnes qu'il s'agit. Et c'est la raison pour laquelle ce qu'on a proposé ne sont pas des interventions de masse, là, mais des interventions individualisées; il s'agit de faire du sur-mesure, il s'agit de faire finalement quelque chose qui va faire que la personne va se réaliser.

Je voudrais également, M. le Président, profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour dire à quel point cette idée généreuse du revenu minimum garanti passe à côté, n'est-ce pas? Parce que c'est un peu comme la chanson de Raymond Lévesque: Quand les hommes vivront d'amour . On est tous prêt à la chanter, mais on sait que ce n'est pas pour demain ni pour après-demain.

Le revenu minimum garanti, c'est une idée qui, moi-même, m'avait séduite. Alors, je suis allée demander, puisque j'en ai l'occasion, avec les services du ministère, d'en calculer les coûts. Ça, c'était avant, évidemment, que je présente les autres scénarios au gouvernement, parce que je m'étais dit: Pourquoi pas l'envisager aussi? Pour me rendre compte que, un revenu minimum garanti, au Québec, là... Et puis, en prenant, évidemment, nos désirs pour des réalités, parce que ça suppose, entre autres, ça, un revenu minimum garanti, qu'on abolisse les crédits d'impôt des deux gouvernements, Ottawa puis Québec. Alors, ça supposerait que le fédéral nous suive là-dedans, également. Mais un revenu minimum garanti où les citoyens verraient l'abolition des crédits d'impôt dans les rapports d'impôts, mais remplacés par un revenu minimum garanti, juste à la hauteur de la prestation de participation à l'aide sociale, c'est-à-dire 610 $ par mois, même indexée à 630 $, là, ce que j'ai fait calculer, c'est 19 000 000 000 $. Vous voyez? 19 000 000 000 $!

Pour vous donner un ordre de grandeur, ce que les contribuables, tous les contribuables québécois, là, tous les gens qui, au Québec, paient de l'impôt, en 1994, le chiffre le plus récent que j'ai, là, vous savez combien ça totalisait? Ce qu'ils envoyaient au ministère du Revenu comme contributions, c'était 13 000 000 000 $. Alors, avez-vous idée à quel point, quand on parle d'un revenu minimum garanti puis qu'on pense que c'est une solution, que c'est comme la chanson, ça? Ce n'est pas pour demain ni après-demain, bien évidemment.

Alors, il faut en même temps ne pas se résigner en se croisant les bras puis en pensant qu'il n'y a rien qu'on peut faire, cependant. Moi, je crois que ce qu'on doit faire, c'est la même chose que le Parti socialiste français, avec le revenu minimum d'insertion, c'est la même chose que le Parti social-démocrate danois, du Danemark, avec sa réforme récente de l'aide sociale, et puis c'est la même chose que l'actuel gouvernement travailliste anglais.

Moi, j'ai eu l'occasion de le vérifier il n'y a pas 10 jours, M. le Président, en rencontrant le ministre travailliste britannique qui s'occupe de la réforme de l'aide sociale qui est devant le Parlement à ce moment-ci. Eux, ils ont choisi de faire l'inverse du «workfare». Ce n'est pas travailler pour avoir sa prestation en restant assisté, mais ils ont choisi de faire travailler l'aide sociale pour accompagner des gens vers la formation et l'insertion en emploi. Ils appellent ça, eux autres, du «welfare to work» et non pas l'inverse.

C'est ça, la politique active, M. le Président, du marché du travail. C'est, autrement dit, placer l'aide sociale... Pour les chômeurs! Il y a des personnes à l'aide sociale, leur vie durant, qui vont avoir besoin de protection sociale, qui auront besoin de l'appui inconditionnel de leurs concitoyens, mais il y a des chômeurs à l'aide sociale. Ce n'est pas des fraudeurs, ce n'est pas des profiteurs, comme le disait le gouvernement précédent, ce sont des chômeurs. Le chômeur n'est pas responsable du chômage. Mais, en même temps, on est responsable, comme société, comme collectivité, comme gouvernement, d'offrir à ces chômeurs tous les outils dont ils ont besoin pour reconquérir leur place à part entière soit sur le marché de l'emploi ou la reconquérir à part entière aussi en étant utiles à la société, mais pas avec un statut d'assisté. C'est ça, l'objectif que j'ai. Il s'agit non pas, comme je vous le disais, de faire un régime qui traite les exclus, n'est-ce pas, qui administre les personnes exclues, qui, en même temps que de les administrer, dans le fond, ajoute à leur exclusion, mais de faire un régime qui soit un parcours, qui soit une passerelle, qui soit un outil, qui soit un coup de pouce, finalement, vers l'insertion, vers la formation, vers l'activité et vers l'emploi.

Est-ce que mon temps est déjà écoulé, M. le Président, ou je peux poursuivre?

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez droit à une heure, madame.

Mme Harel: Bon. Bien, je vais terminer parce que je sais, en même temps, que certains de mes collègues ont aussi d'autres obligations, mais je voudrais juste terminer en vous disant un mot sur les jeunes de 18-24 ans, à qui la réforme qui est déposée oblige à un parcours individualisé vers l'emploi. «Oblige à un parcours», en fait, ce que ça signifie, c'est que, évidemment, le jeune ne sera pas pénalisé si un parcours qui lui convient ne lui est pas offert, puis il ne s'agit pas non plus de l'obliger à faire quelque chose dans le parcours qui ne l'intéresse pas; il ne s'agit pas de faire de la soudure si, finalement, il veut faire de la coiffure. Ce n'est pas de ça dont il s'agit. Il peut même y avoir des refus motivés, puis ça, la loi le prévoit aussi.

Mais il s'agit surtout de se rappeler que, chez les 18-24 ans qui sont sur l'aide sociale, qui n'ont pas d'enfant ni de handicap, 36 000 d'entre eux qui sont sur l'aide sociale, il y en a presque la moitié qui n'ont pas fini leur secondaire III. Ça, c'est l'équivalent de la neuvième année de nos parents. Quand on additionne, secondaire III, ça équivaut à neuf ans. Neuf ans il y a 50 ans, ça pouvait équiper quelqu'un pour le reste de sa vie. Pas avoir fait son neuf ans, sa neuvième année finie à la veille de traverser dans le XXIe siècle, M. le Président, je pense que c'est faire de ces jeunes-là, finalement, des personnes qui vont être vulnérables pour le reste de leur vie.

Alors, je comprends que l'idée, c'est de les accompagner en innovant. Innover pour diversifier les voies de formation. Il ne s'agit pas de retourner ces ex-décrocheurs. 66 % ont décroché de l'école. Il ne s'agit pas de les retourner de force à l'école tout simplement, il s'agit d'innover, et ça, cette obligation, cette responsabilité d'innovation, elle incombe aux services publics d'emploi. C'est la raison pour laquelle ce parcours individualisé offert aux 18-24 ans interpelle les services publics d'emploi, puisqu'on va devoir offrir à des jeunes des parcours individualisés avec des résultats à la clé, là, comme on dit.

(16 heures)

Vous savez, Emploi-Québec se fixe des objectifs de résultats. Il ne s'agit pas de mettre des jeunes, comme ça a été le cas pendant une décennie... Avec le gouvernement précédent, il y avait des statistiques de participants plus élevées que celles que le député de Notre-Dame-de-Grâce a citées aujourd'hui, mais saviez-vous que deux tiers de ces participants décrochaient dans l'année? Alors, finalement, ce qu'on calculait, c'était le siège sur lequel ils étaient assis et non pas le résultat que ça donnait. Le parcours individualisé, ça nous oblige, ça nous impose d'amener ce jeune vers le résultat et non pas juste de l'amener à perdre autrement le temps qu'il perdait sans participer.

Alors, il faut donc trouver des alternatives, ouvrir les portes des entreprises afin que ces jeunes aient accès à des stages, les engager dans des activités qui vont leur donner véritablement le mouvement pour aller de l'avant. Je pense que, à 20 ans, le meilleur service qu'on peut leur rendre, je le pense vraiment, je crois que c'est ça. Parce que la majorité de ces jeunes, ce qu'ils nous disent, c'est: Dites-nous quoi faire, on va le faire. Ce sont, la plupart du temps, des jeunes qui ont manqué d'encadrement dans leur milieu familial et dans leur milieu social. Ces jeunes vont pouvoir, en contrepartie, réclamer le soutien plein et entier des services publics d'emploi dans leurs démarches vers l'emploi.

Moi, je trouverais bien plus positif que tous ces gens que le député de Notre-Dame-de-Grâce a cités, qui font les manchettes dans les journaux, nous disent à quelles conditions les parcours vont être réussis que de nous dire que ces jeunes ne devraient pas faire de parcours. Alors, M. le Président, de toute façon, moi, je pense avoir vraiment non seulement l'appui de l'opinion publique, mais des jeunes eux-mêmes. Les sondages qui sont faits révèlent que même les jeunes sur l'aide sociale sont favorables à l'obligation de faire des parcours.

Alors, pour toutes ces raisons, je crois, oui, que les rapports sociaux s'établissent, dans une démocratie, sur la base du respect et sur la base d'engagement mutuel. C'est sur cette base de respect et d'engagement mutuel que seront élaborés les parcours tant à l'intention des jeunes qu'à l'intention de tous les autres chercheurs d'emploi. Et je crois, M. le Président, que les travaux que nous compléterons dans les semaines qui viennent nous permettront, si tant est que cela soit nécessaire, d'améliorer encore ce que nous proposons. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il n'y a pas d'autres motions sans préavis? Puisque nous sommes à l'étude des crédits, conformément aux dispositions de l'article 282 de notre règlement, l'Assemblée ne procède qu'aux affaires courantes. Je lève donc la séance et les travaux de l'Assemblée sont ajournés au mercredi 6 mai, à 14 heures.

(Fin de la séance à 16 h 3)