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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 18 mai 1999 - Vol. 36 N° 31

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.


Affaires du jour

M. le leader adjoint du gouvernement, nous sommes aux affaires du jour.

M. Boisclair: Oui. Article 6, M. le Président, du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 21


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. M. le ministre du Revenu, la parole est à vous.


M. Bernard Landry

M. Landry: En effet, M. le Président, il s'agit de procéder à l'adoption, en principe, d'un projet de loi qui porte le numéro 21, et c'est pour modifier la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives et d'ordre fiscal. C'est des choses qui se font régulièrement en matière de taxation, d'impôt et de fiscalité et, des fois, d'autres choses. Quand les lois ont vieilli, il faut les changer, il faut les modifier, il faut les adapter aux situations nouvelles.

Alors, ce projet de loi, précisément, a pour objet de modifier la législation fiscale afin d'y apporter des changements de nature administrative. Il modifie sept lois afin de donner suite, d'une part, à des mémoires déposés par le ministre du Revenu recommandant au Conseil des ministres de déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi administratif et, d'autre part, une partie des discours sur le budget du 31 mars 1998 et du 9 mars 1999 qui demandaient aussi des modifications législatives.

Les mesures introduites visent notamment à alléger les charges administratives des exploitants d'entreprises du Québec, à faciliter l'application de certaines lois fiscales et enfin à renforcer l'application de celles-ci, particulièrement dans le cas de déclarations frauduleuses.

Tout d'abord, il modifie la Loi concernant l'impôt sur le tabac afin de supprimer l'obligation de détenir un certificat d'enregistrement prévu par cette loi et de supprimer l'obligation de détenir un permis d'opérateur de distributeur automatique de produits du tabac et aussi de permettre au ministre du Revenu d'annuler un permis qui n'est plus nécessaire pour l'application de la loi.

Alors, c'est des milliers de permis. Ma collègue, qui dirigeait si bien le ministère du Revenu, il y a quelques mois, en avait fait l'annonce. Il importe de souligner que cet exercice va éliminer environ 1 600 certificats d'enregistrement, 375 permis, diminuant ainsi considérablement le fardeau administratif des intervenants dans le domaine du commerce du tabac. Alors, c'est un allégement réglementaire, comme on dit, une déréglementation. Ça fait partie de l'action du gouvernement dans la lutte à la paperasse.

Il modifie également la Loi sur les impôts et la Loi sur le régime de rentes du Québec pour prévoir que le ministre du Revenu dresse les tables établissant le montant des retenues à la source qu'une personne qui verse une rémunération doit effectuer et pour prévoir que ces tables entrent en vigueur à la date de leur publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est fixée.

Par ailleurs, il modifie, ce projet, la Loi sur les licences afin de prévoir les modalités et le délai de versement au ministre du Revenu des droits de licence exigibles lorsque ceux-ci n'ont pas été payés par le détaillant au moment de l'achat de boissons alcooliques.

Ce projet de loi modifie aussi, M. le Président, la Loi sur le ministère du Revenu afin d'y insérer plusieurs mesures administratives. Essentiellement, il prévoit, premièrement, l'augmentation à 12 000 $ de la valeur des biens d'une succession qu'un liquidateur peut distribuer avant qu'un avis ne soit donné au ministre du Revenu et qu'une autorisation de distribution n'ait été obtenue.

Il prévoit, deuxièmement, l'augmentation à 1 000 000 $ du montant de l'amende maximale qui peut être imposée à l'égard d'une infraction relative à la falsification de livres et de registres, notamment pour contrer certaines pratiques illégales révélant que certaines personnes effacent, dans le système informatique de leur caisse enregistreuse, des ventes qu'ils ont effectuées, des logiciels destinés pour frauder le fisc et frauder l'impôt. Et il ne faut pas être très compréhensif à l'égard de ces gens, d'aucune espèce de façon, et la loi n'est pas compréhensive, elle est même précise.

L'introduction d'une présomption quant à la date où certains paiements sont faits au moyen d'une carte de crédit, sont reçus par le ministre du Revenu en même temps.

Que la signature du vice-président d'une société apposée sur des documents faits par la société soit reconnue pour l'application d'une loi fiscale ou de règlements édictés en vertu d'une telle loi.

Cinquièmement, que le Fonds de perception soit également constitué des sommes perçues d'un autre organisme ou d'un fonds spécial pour les services rendus par le ministre du Revenu et que les dépenses encourues pour rendre ces services soient prises à même le Fonds de perception.

Enfin, des modifications de concordance sont apportées à cette loi afin de tenir compte de la suppression du certificat d'enregistrement dans les régimes de l'impôt sur le tabac et de la taxe sur les carburants.

Il modifie par ailleurs la Loi sur la taxe de vente du Québec principalement afin de rendre obligatoire l'inscription des petits fournisseurs de carburant, puisque, M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi concernant la taxe sur les carburants notamment afin de supprimer l'obligation de détenir un certificat d'enregistrement prévu par cette loi.

(10 h 10)

Également, les modifications introduites par ce projet de loi permettront au ministre du Revenu d'annuler un permis qui n'est plus nécessaire pour l'application de cette loi et de limiter la portée de l'obligation de détenir un permis d'entreposeur de carburant ainsi que pour le transport de carburant en vrac. Cet exercice permettra l'élimination de près de 14 000 certificats d'enregistrement, d'environ 1 000 permis actuellement délivrés aux personnes effectuant l'entreposage de carburant et d'environ 45 permis qui ont été délivrés aux personnes effectuant le transport de carburant en vrac. Ainsi, M. le Président, cet exercice permettra aux exploitants d'entreprises du Québec oeuvrant dans ce secteur d'activité de bénéficier d'un allégement important de leur charge administrative, et ce, sans que le contrôle de l'application de cette loi par le ministère du Revenu ne soit affecté.

Je vous fais grâce, M. le Président, de l'énumération des autres sujets abordés par le projet de loi n° 21, puisque les notes explicatives de ce projet en font état et que nous aurons l'occasion de les examiner plus en détail en commission parlementaire, article par article évidemment.

J'invite donc, M. le Président, les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 21 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre des Finances. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, et je cède la parole à Mme la porte-parole officielle de l'opposition en matière de revenu et députée de Beauce-Sud. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, nous voilà appelés aujourd'hui à commenter le projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

À l'instar de la plupart des projets de loi à caractère fiscal qui ont été présentés devant cette Chambre au cours des dernières années, ce projet de loi contient 81 articles, pour la plupart de nature très technique. Il modifie sept lois, dont la Loi concernant l'impôt sur le tabac, la Loi sur les impôts, la Loi sur les licences, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur la taxe de vente du Québec, la Loi sur les licences et, enfin, la Loi concernant la taxe sur les carburants.

Essentiellement, ce sont des changements de nature administrative qui n'ont pas d'incidence sur le fardeau fiscal des Québécoises et des Québécois. On y traite, entre autres, de l'élimination de l'obligation d'obtenir plus de 17 000 certificats et permis reliés à la vente de tabac et de carburant. Cette disposition fait suite aux recommandations d'un groupe de travail créé en mai 1998 afin de réaliser un premier chantier de simplification réglementaire. Vous savez, M. le Président, j'ai vraiment à coeur l'allégement réglementaire au Québec, et mes actions et prises de position par le passé l'ont amplement démontré depuis que je siège à l'Assemblée nationale.

Plusieurs organismes ont été associés à cette réflexion du ministère du Revenu concernant la vente de tabac et de carburant, dont la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Institut canadien des produits pétroliers, le Réseau des femmes d'affaires du Québec, l'Institut des cadres fiscalistes, qui regroupe des fiscalistes oeuvrant au sein des grandes entreprises, l'Association nationale des distributeurs de tabac et de confiserie et l'Association québécoise des indépendants en pétrole.

Donc, on peut dire que les principaux organismes et représentants des gens concernés par les modifications apportées au projet de loi n° 21 ont donné leur aval à celui-ci, et je m'en réjouis. Toutefois, l'abolition de l'obligation de détenir des certificats et permis de vente de carburant est assortie, elle, à l'obligation d'obtenir un certificat d'inscription à la taxe de vente du Québec pour tout vendeur de carburant, même celui qui aura des ventes inférieures à 30 000 $ par année. D'autres part, le projet de loi no° 21 modifie la Loi sur les impôts et la Loi sur le régime de rentes du Québec pour prévoir que dorénavant les retenues à la source devront être établies conformément aux tables dressées par le ministre du Revenu et pour prévoir que ces tables entrent en vigueur à la date de leur publication dans la Gazette officielle du Québec ou à toute autre date ultérieure qui y est fixée.

En outre, le projet de loi vient resserrer les règles concernant la perception des créances, notamment en majorant l'amende, et là, ici, vraiment la majoration est forte, on parle de 25 000 $ à 1 000 000 $. Le ministère du Revenu veut ainsi s'assurer que les contribuables ne seront pas tentés d'éviter de payer leur dû au fisc. Toutefois, j'ai été étonnée d'y lire que dorénavant la remise d'une somme due au ministère du Revenu pourra se faire au moyen d'une carte de crédit. Déjà que les Québécoises et les Québécois ont un taux d'endettement très élevé, est-ce que le ministre du Revenu ne sera pas tenté par cette règle d'esquiver une entente de règlement de paiement avec les contribuables si ces derniers possèdent une carte de crédit en vigueur? C'est là une bonne question qui va mériter une réponse précise de la part du ministre lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire. Vous savez, M. le Président, que, bien que le taux d'intérêt perçu par le ministère du Revenu sur toute créance soit déjà très élevé, à 10 %, eh bien, celui des principales institutions financières émettrices des cartes de crédits se situe bien au-delà, à 18%.

Enfin, on aura le loisir de questionner le ministre sur cet aspect du projet de loi lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, de même que sur tous les autres aspects dont je viens de vous parler.

En conclusion, M. le Président, nous sommes d'accord pour l'adoption de principe de ce projet de loi malgré certaines réserves. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud, de votre intervention.


Mise aux voix

Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, le principe du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: On va peut-être suspendre, M. le Président, quelques instants, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à la demande, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise à 10 h 23)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Veuillez prendre place. Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article 11, M. le Président, du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 31


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 11, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 13 mai 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code de procédure civile. Alors, lors de la suspension des travaux, lors de l'ajournement du débat, la parole était au député de Marquette, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, et je l'informe qu'il lui reste un temps de parole de 51 minutes. Si vous voulez l'utiliser, M. le député, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je reprends la parole sur le projet de loi n° 31 concernant la modification au Code de procédure civile.

Au moment où nous nous sommes laissés, jeudi dernier, M. le Président, vous vous souviendrez l'appel à la collaboration de la part de la Procureur général et ministre de la Justice. J'ai eu l'occasion d'indiquer à ce moment-là les nombreux engagements pris par la ministre de la Justice de transmettre des documents à l'opposition, pris au salon rouge, lorsque nous étions à l'étude des crédits, à la commission des institutions, et je suis toujours en attente de ces documents-là.

J'ai eu l'occasion de rappeler également que la ministre avait pris l'engagement de me transmettre la revue de presse en matière de justice, que j'attends toujours depuis maintenant plus de deux mois. Alors, il y a des engagements qui sont non tenus. Je profite de l'occasion... Et je vois que la ministre de la Justice, elle est présente, alors je lui fais un rappel très gentil, parce que la collaboration, elle sait qu'en ce qui concerne l'opposition elle peut compter sur l'opposition pour faire adopter rapidement certains projets de loi. Encore faut-il qu'elle nous rende la pareille.

Et, puisque nous sommes sur ce dossier-là, le projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur les substituts du procureur général, nous avons tenté d'obtenir le mémoire qui a été déposé au Conseil des ministres. On sait qu'il y a une partie du mémoire qui est confidentielle, uniquement pour les membres du Conseil des ministres, ce que nous respectons, mais il y a une autre partie qui normalement est accessible au public. C'est cette partie-là que nous avons demandée, et, M. le Président, on nous a indiqué...

C'est un projet de loi de deux articles. Il y a un premier article qui vient modifier la Loi sur les substituts du procureur général; le deuxième article, il dit: «Cette loi entrera en vigueur à la date de...» Un très court projet de loi. Nous tentons d'obtenir le mémoire, ça nous a été refusé.

Alors, je ne comprends pas pourquoi. Qu'est-ce que ce projet de loi là peut bien cacher pour qu'on ne divulgue pas à l'opposition... et qui, semble-t-il, à première analyse, semble être également contraire au Code criminel, parce que la ministre de la Justice, en sa qualité de Procureur général, se dessaisit des pouvoirs qui lui sont conférés par le Parlement fédéral, qui dit que, concernant certaines poursuites, elles doivent faire l'objet d'une autorisation préalable de la Procureur général. La Procureur général est en train de dire: Je n'ai plus à autoriser ces poursuites-là. Vous comprendrez, M. le Président, qu'on se pose la question: Qu'est-ce qui se cache derrière cet important projet de loi là, qui apparaît anodin – un seul article, trois ou quatre lignes – mais qui est très lourd de conséquences? Alors, nous aurons l'occasion de revenir sur le projet de loi n° 54.

Mais le message que je lui fais, que je lui ai fait à plusieurs reprises... Et, soit dit en passant, sur un autre projet de loi, la loi visant à harmoniser les lois du Québec au Code civil du Québec, j'ai indiqué à la ministre que j'étais prêt à procéder rapidement dans ce projet de loi là, qui est quand même assez volumineux. Je pense que l'offre a été faite il y a à peu près deux mois, deux mois et demi. Le projet de loi a été déposé il y a plus de six semaines. La commission des institutions n'a jamais été convoquée pour amorcer les travaux sur ce projet de loi. M. le Président, je pense que la ministre, depuis, a déposé six ou sept autres projets de loi. Nous avons procédé à l'adoption du principe concernant certains de ces projets de loi là, mais je constate que la commission des institutions n'a toujours pas été mise à contribution.

Alors, ce qu'on sent, à la veille de l'ajournement, disons, au mois de juin, des travaux de cette présente session, on sent qu'il va y avoir un engorgement au niveau de l'étude des projets de loi. L'opposition n'aime jamais travailler dans ces conditions-là, alors que nous disposons, depuis plus de six semaines, d'amplement de temps. Je pense que la commission des institutions n'a pas encore été convoquée pour siéger, mise à part l'étude des crédits. Ça a été le seul moment, de mémoire, où la commission des institutions a été convoquée.

Alors, M. le Président, je rappelle à la ministre l'importance de saisir la commission des institutions de ces projets de loi là pour que nous puissions avancer, d'une part; d'autre part, également, l'importance pour la ministre de respecter sa parole et de transmettre les documents qu'elle a gentiment accepté, devant caméras au salon rouge, de nous transmettre, même si certains documents peuvent être embarrassants pour le gouvernement. Même si certains documents, à la suite de questions que l'opposition a posées, pourraient être embarrassants, lorsqu'il y a un engagement de donner ces documents-là, normalement on s'exécute assez rapidement. Alors, je suis toujours en attente.

Sur le Code de procédure civile, par ailleurs, ce que nous entendons, M. le Président, c'est que le ministère de la Justice ne semble pas donner les effectifs nécessaires au comité qui siège à la réforme du Code de procédure civile. Ils n'ont pas les effectifs voulus. Je pense qu'ils n'ont même pas de recherchistes pour faire les travaux assez fondamentaux et assez essentiels de recherche en matière de procédure civile. Aucune ressource n'a encore été affectée à ce dossier. Or, on nous présente un projet de loi qui vise à modifier le Code de procédure civile, mais, dans leur ensemble, les travaux n'avancent pas et les travaux ne progressent pas.

(10 h 30)

Alors, j'espère que la ministre est très sensible aux représentations de l'opposition, mais également aux représentations d'autres personnes qui sont autour de ce comité. Parce qu'il y a eu un sommet récemment, très «sommet», et c'est un club très sélect où on invite les juges, les représentants du ministère de la Justice, le bâtonnier, quelques bâtonniers de sections à travers les villes. C'est un club très sélect, M. le Président. Ça s'est déroulé sur une période de deux jours. Je pense que les messages ont été faits à la ministre de la Justice, de lui dire: Il est temps qu'elle commence à s'occuper de façon plus sérieuse de ces dossiers qui sont lourds de conséquences pas juste pour les praticiens du droit, pas juste pour la magistrature, mais particulièrement pour les citoyens.

Alors, je me répète et je réitère mon offre de collaboration à la ministre en souhaitant que ce soit réciproque, que les engagements soient tenus, que la commission des institutions soit mise au travail le plus rapidement possible, qu'on puisse fournir à l'opposition tous les outils dont nous avons besoin pour bien nous acquitter de nos tâches, parce que – j'ai à peu près quatre ans, quatre ans et demi d'expérience à l'Assemblée nationale, certains de mes collègues ont une expérience plus longue – on se méfie toujours des projets de loi qui comportent à peine un seul article. Par la suite, on dit que le mémoire est confidentiel d'un couvert à l'autre et qu'on n'a eu, à ce jour, aucune justification pour ce fait-là. Et on constate, par ailleurs, en comparant avec le Code criminel du Canada... la Procureur général voudrait se dessaisir des responsabilités qui sont les siennes. Alors, je m'arrête là-dessus, M. le Président, et c'est avec grande hâte et anxiété que j'attends les documents de la ministre de la Justice. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Marquette. Alors, le principe du projet n° 31, Loi modifiant le Code de procédure civile, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Article 14 du feuilleton de ce jour, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 14. M. le leader de l'opposition officielle, est-ce que vous êtes prêt à procéder de votre côté?

M. Paradis: ...une vérification quant à la présence du critique, M. le Président, si on pouvait suspendre pour quelques instants.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 45)

M. Boisclair: M. le Président, l'article 14 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 34


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 14, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil. Alors, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la parole est à vous.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, comme son nom l'indique, le projet de loi qui est devant nous propose de modifier le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil. Ainsi, en matière d'attribution de nom, le projet de loi consacre davantage le principe du choix des parents quant au nom de leur enfant en substituant le directeur de l'état civil par le Procureur général du Québec pour, en dernier recours, saisir le tribunal lorsque le nom choisi peut prêter au ridicule ou porter préjudice à l'enfant.

Toutefois, le projet de loi permettra l'inscription provisoire du nom contesté, ce qui actuellement n'est pas possible, selon les dispositions du Code civil. Et le projet de loi prévoit également que le nom de famille d'un enfant pourrait être composé par une partie seulement du nom de famille composé soit du nom de son père ou de sa mère. Et enfin, le projet de loi prévoit que la règle d'usage de l'alphabet français pour la transcription des noms et prénoms écrits en caractères différents de cet alphabet prévaudra.

On se rappellera, M. le Président, qu'en 1994 il y a une disposition de droit nouveau qui a été introduite dans notre Code civil et qui permettait au directeur de l'état civil du Québec de saisir le tribunal d'un différend qui l'opposait aux parents qui voulaient donner à leur enfant des noms ou des prénoms inusités qui prêtaient parfois au ridicule et qui étaient susceptibles de déconsidérer l'enfant. Il y a eu, on s'en rappelle, un certain nombre de cas illustres. Et souvent, en se fondant sur cette règle, le directeur de l'état civil a refusé, de fait, à deux occasions, comme refus formel, depuis le 1er janvier 1994, d'inscrire les prénoms choisis par les parents.

De la façon dont ça fonctionne, c'est que, chaque fois qu'il y a un tel prénom choisi par les parents et qui semble, de l'avis du directeur de l'état civil, poser un problème pour l'intérêt de l'enfant pour l'avenir, prêter au ridicule, commence d'abord une période de négociations avec les parents pour les sensibiliser au problème. Et, si jamais il ne réussit pas à les convaincre, bien, le directeur de l'état civil impose sa vision des choses et s'oppose à l'inscription du prénom de l'enfant. On se rappelle, par exemple de cas. Et, à un moment donné, si les parents ne sont pas d'accord, bien, ils vont devant les tribunaux, ils ont le fardeau de la preuve.

On se rappelle, à un moment donné, que le nom de Spatule avait été contesté par le directeur de l'état civil, en disant: L'enfant qui va s'appeler Spatule dans la vie va avoir des problèmes. Les tribunaux avaient confirmé sa décision. Mais, dans un autre cas, le prénom, c'était C'est-un-ange. Eh bien, dans le cas de C'est-un-ange, les tribunaux ont contesté la décision du directeur de l'état civil et ont accepté le choix des parents.

Alors, même si ce n'est pas arrivé souvent, le projet de loi, ce qu'il vient faire, c'est deux choses: réaffirmer clairement le principe que c'est d'abord le choix des parents de choisir le prénom de leur enfant, c'est un choix normal, un droit normal, mais il maintient cependant cette espèce de négociation que pourrait avoir le directeur de l'état civil, en disant: Écoutez, vous êtes bien sûrs que vous faites le bon choix? Et, si les parents maintiennent leur choix, eh bien, là, le directeur de l'état civil devra inscrire le nom choisi par les parents au registre, provisoirement, quitte à soumettre le cas au Procureur général du Québec, donc à quelqu'un d'indépendant qui n'aura pas participé à la négociation du dossier avec les parents. Et là, à ce moment-là, si le Procureur général du Québec considère que vraiment le choix des parents risque de nuire à l'enfant, de le déconsidérer pour l'avenir, eh bien, le Procureur général pourra mettre la cause devant les tribunaux du Québec qui, en dernier ressort, en décideront.

Donc, on prévoit, M. le Président, qu'avec cette formule au maximum peut-être un cas par année pourra se rendre jusque-là, peut-être même pas. Dans la plupart des cas, la discussion avec les parents règle les choses. Mais on vient clairement affirmer sans ambiguïté le fait que c'est d'abord le choix des parents, tout en préservant un garde-fou, puisqu'il faut bien reconnaître que parfois, dans notre société, certains parents, sans trop y penser ou parfois de bonne fois, oublient un peu que leur enfant aura à vivre toute sa vie avec le prénom choisi.

(10 h 50)

Dans le cas des noms de famille, dans le fond, ce que le projet de loi vient préciser, c'est que le nom de famille de l'enfant peut consister en une partie seulement du nom de famille composé de son père ou de sa mère. De la façon dont le Code civil du Québec est actuellement rédigé, on peut être amené à conclure que la totalité du nom composé d'un parent doit être transmise à son enfant. Par exemple, et ça se pose de plus en plus avec les dernières années, surtout depuis une vingtaine d'années, supposons que la mère de l'enfant se nomme Mme Louise – je prends un cas fictif – Tremblay-Côté et que son père s'appelle Jean Gagnon-Durand. Alors, si on interprétait le Code à la lettre, l'enfant de ce couple ne pourrait se voir attribuer comme nom de famille que soit Tremblay-Côté, soit Gagnon-Durand, selon le choix des parents, ou tout autre nom composé formé d'au plus deux parties provenant du nom de famille des père et mère.

Alors, il y a des parents qui portent un nom de famille composé parce que, de plus en plus dans notre société il y a eu, avec notamment tout le mouvement d'affirmation des femmes, de leur vie personnelle, etc., des noms composés donnés aux enfants. Et il y a des parents qui souhaitent attribuer à leur enfant une seule partie de leur nom, ce qui fait que, quand on prend l'exemple donné précédemment, ce que va permettre la loi, c'est que dorénavant on puisse appeler l'enfant soit Tremblay, soit Côté, soit Gagnon, soit Durand, ou les noms composés si on le souhaite, respectant ainsi le principe de liberté de choix des père et mère en matière de nom.

Voilà pour les noms, M. le Président. C'est important, le nom qu'on porte, dans la vie, d'où l'importance que la loi vienne clarifier ces choses, en respectant encore une fois les droits des parents.

Ce que vient faire également le projet de loi, c'est qu'il vient établir clairement que la règle d'usage de l'alphabet français pour la transcription des noms et prénoms écrits en caractères différents de cet alphabet prévale. Alors, on sait qu'il y a eu un jugement de la Cour supérieure, le 15 décembre 1997, et qui avait décidé que le directeur de l'état civil devait inscrire au registre de l'état civil les noms et prénoms tels que demandés par les parents pourvu que les lettres et accents qui composent ces noms-là existent dans la langue française.

Alors, on pouvait se retrouver évidemment avec des accents graves sur des consonnes ou des choses semblables; c'est des accents qui existent dans la langue française mais qui ne sont pas utilisés dans la langue française. Alors, on vient clarifier cette situation, puisque, avec le projet de loi maintenant, tel qu'il sera, les noms qui comportent des caractères ou des signes, pour utiliser un mot savant, M. le Président, diacritiques – c'est un mot que je ne connaissais pas avant de faire l'étude de ce projet de loi; ce sont les accents, on appelle ça des signes diacritiques... Donc, les caractères ou les signes diacritiques qui n'appartiennent pas à l'alphabet français feront l'objet d'une transcription en alphabet français qui apparaîtra au registre informatique attestant de l'état civil.

Alors, avec ce système, le Québec se conforme à peu près à ce qui existe dans la plupart des pays occidentaux. Cela permettra aux anglophones du Québec de continuer à inscrire les noms de leurs enfants dans la langue anglaise, puisque c'est l'alphabet français romain qui est utilisé couramment sans accent. Et pour le reste, bien, ce sera des accents lorsque nécessaire, les accents français tels qu'utilisés, de façon, bien sûr, à garantir une uniformité de l'état civil pour qu'on puisse s'y reconnaître et s'y retrouver. Et, ce faisant, le Québec s'inspire de ce qui se fait dans la plupart des États américains, dans les provinces canadiennes, au gouvernement fédéral, dans la plupart des pays européens.

Enfin, M. le Président, deux autres points. Les délais de transmission des déclarations de mariage. À l'heure actuelle, le Code civil fixe à 30 jours le délai pour la transmission de ces déclarations au directeur. Il y a des personnes qui souhaitent obtenir plus rapidement leur certificat de mariage, pour toutes sortes de raisons, et la loi va faire en sorte que les délais puissent être raccourcis.

Également, le projet de loi confirme le rôle des directeurs de funérailles dans la transmission des avis entourant l'établissement des actes de décès. Dans les faits, depuis déjà quelques années, depuis particulièrement la réforme du Code civil, c'est ce qui se passe à toutes fins pratiques même si la loi n'était pas claire à cet effet. Alors, là, maintenant, on viendra le confirmer. Et là encore on va, ce faisant, assurer que ce qu'ils faisaient volontairement va devenir la loi et on va assurer une meilleure mise à jour, plus rapide, plus efficace de l'état civil en matière de décès.

Et puis, bien, le projet de loi confirme la compétence du directeur de l'état civil en matière de déclaration tardive, par exemple en matière de déclaration tardive de paternité. Parfois, un enfant est enregistré à la naissance sans pour autant que la paternité soit clairement établie, et, sous certaines conditions, lorsque l'enfant, par exemple, qui a plus de 14 ans... Dans le fond, ça va prendre le consentement des intéressés, dont le mineur s'il est âgé de plus de 14 ans, l'absence d'une autre filiation établie, aucune contestation, etc. Et, à ce moment-là, on pourra confirmer, en matière de filiation, une filiation qui est non contestée à un acte de naissance qui ne l'indiquait pas.

Puis il y a quelques autres dimensions du projet de loi, M. le Président, je n'entre pas dans les détails, certaines questions reliées à des modifications informatiques, certaines modifications concernant des délégations de responsabilité du directeur de l'état civil. Ce sont davantage des modalités.

Donc, en conclusion, M. le Président, ce que je pourrais dire, c'est ceci. Ce que nous faisons avec ce projet de loi, c'est d'apporter un certain nombre de corrections à la loi existante, au Code civil, qui vont permettre au directeur de l'état civil de jouer un rôle plus efficace, plus conforme aux réalités d'aujourd'hui et qui vont dans le sens de ce qu'ont été les représentations des parents depuis déjà de nombreuses années. Et, ce faisant, M. le Président, je pense qu'on améliore au total, au Québec, notre Code civil et l'ensemble de nos registres. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le ministre, de votre intervention. Alors, un simple rappel pour... Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations avec les citoyens et de l'immigration et député de Hull. M. le député, la parole est à vous.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, cette Chambre est saisie d'un projet de loi, le projet n° 34, qui, de prime abord, peut sembler anodin et nous interpeller pour simplement modifier certaines dispositions du Code pour le rendre plus conforme à la réalité québécoise. De penser cela serait faire fausse route parce que, bien qu'il y ait certains éléments avec lesquels on est en accord, notamment le principe de donner plus de latitude aux parents pour la désignation d'un nom... Et ça, provenant d'un côté ministériel qui a peu l'habitude de faire plus confiance aux gens, provenant d'un côté ministériel qui a plus d'État et moins de libertés individuelles, bien c'était rafraîchissant de voir cela, de voir qu'on donnait plus de place aux parents, moins à l'état civil, au directeur de l'état civil pour désigner un nom. Donc, sous cette forme, les dispositions que le ministre nous propose semblent faire bien du bon sens et aller dans le sens de l'opposition officielle, à savoir plus de libertés individuelles. Et de forcer le directeur de l'état civil à avoir recours maintenant aux tribunaux via un procureur semble une bonne chose.

Par contre, lorsqu'on fouille en détail le projet de loi, on s'aperçoit rapidement qu'il y a quelque chose de fondamental là-dedans et que tous les Québécois sont interpellés là-dessus, c'est-à-dire la désignation du prénom, notamment. Et ce que le ministre nous dit aujourd'hui, c'est: Écoutez, pour des raisons et académiques, et de détails, et d'application, on va limiter les prénoms qu'on peut attribuer aux enfants. Et comment on fait ça? Bien, on dit: Voici le genre d'alphabet qu'on décide d'utiliser, voici quels sont les accents, où on va mettre les accents.

Tout ça, M. le Président, provient d'une situation qui, en 1997, a fait en sorte que le tribunal a dit: Bien, il y a un certain nom qui devrait être accepté au Québec, le nom Thomas avec un accent sur le a, Tomás. Alors, vous voyez qu'avec un accent aigu sur le a il y avait un vent de panique dans le ministère, puisque le tribunal avait décidé de donner raison aux parents. Dans un document qu'on peut lire, on voit que l'attribution de Tomás occasionnait des problèmes importants dans ce ministère-là et que de tenter de permettre l'attribution de ce nom aurait entraîné certaines conséquences.

(11 heures)

Alors – et on dit ça, là, en toute honnêteté – les trois principales conséquences, en ordre de priorité, c'est que, bien, il faudrait modifier le système informatique de l'état civil, modification dont le coût est estimé à plus de 1 000 000 $ et que le ministère serveur de l'état civil de même que les organismes pour lesquels le directeur de l'état civil recueille des renseignements, tels que la Régie de l'assurance-maladie, devraient également modifier leurs systèmes informatiques. On va voir tantôt que cette recommandation-là n'est pas retenue par le ministre. Et ça, c'est les arguments qui ont influencé le ministre. Alors, on peut comprendre que de dépenser 1 000 000 $ pour donner plus de liberté aux parents, ça, ça a été évacué par le gouvernement du Parti québécois, qui par contre n'a pas vraiment de scrupules à investir 95 000 000 $ pour la tenue d'un référendum au Québec. Mais quand vient le temps de donner des libertés individuelles aux parents qui veulent nommer leurs enfants, ah, là, c'est une autre partie. On décide de ne pas investir 1 000 000 $, c'est beaucoup trop compliqué, beaucoup trop onéreux pour respecter le choix des parents. Après tout, c'est quand même une honte appeler un enfant Tomás, c'est quand même inacceptable, selon ce côté-là, d'appeler un enfant Tomás, bien que la Cour ait dit que c'était parfaitement acceptable.

Maintenant, on continue en termes d'arguments puis on dit qu'on retrouvera dans les registres de l'État civil du Québec des noms et prénoms étrangers – quelle horreur – qui n'ont pas de reconnaissance dans la langue française ou langue anglaise mais qui s'écrivent avec l'une ou l'autre des lettres, l'un ou l'autre des accents de l'alphabet romain. Où est le problème? Où est le problème?

Finalement, troisième conséquence: Que sont exclus du registre de l'état civil les noms et prénoms qui s'écrivent dans une langue n'ayant pas un équivalent dans l'alphabet romain. Mais, ça, on peut peut-être comprendre ça. Mais ce qu'on fait avec ce projet de loi là, M. le Président, c'est qu'on est en train d'aplanir les différences au Québec. On est en train de refuser la spécificité aux parents, aux enfants, et on est en train de faire des Québécois pareils. Et, provenant du ministre qui est aussi responsable des questions d'immigration et de citoyenneté, c'est paradoxal. C'est paradoxal, parce que d'un côté de la bouche il nous dit: On doit être une terre d'accueil, un endroit chaleureux pour accueillir ceux qui sont les plus démunis de notre société, notamment nos réfugiés, mais ceux aussi qui choisissent le Québec pour faire une nouvelle vie, nos immigrants.

Mais ce ministre dit aussi à ces gens-là: Mais prenez garde, vous devrez oublier vos différences, vous devrez rentrer dans le rang au Québec, faire comme tous les autres et surtout prénommer votre enfant avec un nom qui nous convient, au Parti québécois, et tout ça pour épargner 1 000 000 $. Quand on est allé chercher des avis, pourtant le côté ministériel s'est fait dire: Pensez-y, ça n'a pas de bon sens, cette affaire-là.

Notamment, le Secrétariat à la politique linguistique, qui a été consulté sur l'utilisation notamment de l'alphabet français pour l'écriture des noms, a manifesté son désaccord avec cette solution. Ce désaccord et ces avis-là ont été évacués du portrait. Et, lorsqu'on regarde également, M. le Président, la proposition du gouvernement, on peut lire, dans un document qu'il détenait lorsqu'ils ont pris la décision de proposer le projet de loi n° 34: «Cette hypothèse de solution risque cependant de susciter des réactions de la part des citoyens québécois allophones, plus particulièrement ceux de langue espagnole, portugaise ou slave, parce qu'ils ne verraient pas intégralement respecter l'écriture de leurs noms.»

Alors, M. le Président, quand on regarde ces faits-là, il me semble qu'il y aurait eu d'autres solutions possibles, qu'il y aurait eu d'autres avenues à explorer, et, dans un élan d'ouverture, le gouvernement aurait pu proposer autre chose qui aurait respecté les différences plutôt que de les aplanir, qui aurait mis en valeur l'avantage de la multiethnicité au Québec plutôt que de tenter de l'évacuer. En fait, lorsqu'on regarde les dispositions qui nous sont proposées et qu'on entend notamment des publicités qui nous disent: yeux bridés, coeur québécois, eh bien, maintenant, M. le Président, on devrait continuer la phrase: Yeux bridés, coeur québécois, mais nom francophone. Point à la ligne. Parce qu'au Québec on rentre dans le rang ou on ne vient pas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, s'il vous plaît, un député à la fois. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion, la parole est à vous.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup. M. le Président, on ne peut pas dire qu'il s'agit ici d'un projet de loi qui va faire – je ne sais pas, moi – trembler tout le monde, ou en tout cas faire braquer les feux des projecteurs sur nos paroles et nos délibérations ici, en Chambre, pendant des heures et des heures et des journées et des semaines. Je ne crois pas non plus que ça va être le projet de loi le plus important que le député-ministre aura présenté, mais, pour les personnes touchées, c'est quand même d'une importance certaine. Il s'agit de quelque chose, M. le Président, où on a auparavant fait ressortir des aspects loufoques de la situation qui prévalait avant, où les parents ne pouvaient pas donner le nom qu'ils voulaient à leur enfant parce qu'un fonctionnaire quelque part avait décidé que ce n'était pas dans l'intérêt de l'enfant. Comme si on pouvait allégrement se substituer à la responsabilité parentale en étant assis sur une chaise quelque part dans une tour d'ivoire à Québec.

Et ce projet de loi révise un peu les procédures qui sont prévues pour entre autres décider les noms des enfants qui sont acceptables dans la société québécoise. De façon générale, on s'est retiré du champ de juridiction – pour utiliser un langage que nos amis d'en face connaissent bien – des parents; on va, pour l'essentiel, leur laisser plus ou moins la paix. Je dis «plus ou moins», et c'est l'aspect qui m'a fait intervenir ici, parce que je vois dans ce projet de loi un genre de résultat où les fonctionnaires, ou l'appareil gouvernemental, ou la mentalité bureaucratique qui voulait faire en sorte qu'on puisse contrôler même l'appellation des enfants, se voyant incapable de garder tous ces pouvoirs entre ses mains, obligée devant l'évidence même de l'insignifiance de la façon qu'on faisait avant, est obligée de laisser aller et d'ouvrir les portes. Mais, comme on connaît bien l'appareil puis cette mentalité, le réflexe est de dire: Oui, mais pas tout, il faut quand même garder une certaine emprise; il ne faudrait pas envisager la possibilité que vraiment on prenne la décision que les parents décident comment ils peuvent nommer leur enfant, mais on se garde toujours une possibilité.

Puis, cette fois-ci, on a trouvé un angle pour maintenir ce contrôle qui est un peu légitime mais qui est très étroit dans son application: on soulève la situation et la question des personnes provenant d'ailleurs dans le monde, qui ont un alphabet ou une façon d'écrire leur nom qui ne correspond pas à l'alphabet romain, que ce soit l'anglais, le français ou l'espagnol, des lettres qu'on reconnaît tous. Je prends mon propre cas, M. le Président. Je suis d'origine hellénique. On a un alphabet hellénique qui est différent de l'alphabet romain. Donc, personne ne pourrait comprendre ce que j'écrirais si jamais j'écrivais mon nom avec les lettres de l'alphabet grec. Évidemment, on transpose les sons faits dans cette autre langue avec des lettres d'un alphabet reconnaissable, et ça, je pense que personne ne s'objecte à ça. Ce n'est que normal si on veut pouvoir communiquer puis se faire connaître et se parler, M. le Président.

Mais là où je suis un peu stupéfié par le résultat de cet effort que les fonctionnaires ont fait – je prétends que c'est les fonctionnaires, d'un coup que ce serait le ministre lui-même qui pense comme ça, ça serait encore plus inquiétant... Parce que finalement c'est lui qui doit prendre la responsabilité. Donc, on va parler directement à lui, M. le Président. Je suis stupéfié un peu de cette approche du ministre qui est de ne pas laisser aller et de vraiment se cantonner dans un effort de restreindre au maximum la latitude que pourraient avoir des parents.

Et là on trouve l'astuce – ça, c'est un autre mot que les gens de l'autre côté aiment bien, l'astuce – de dire: Ah! on est au Québec, ça va se passer en français, point à ligne, l'alphabet français. Et ça, c'est le résultat un peu navrant pour plusieurs parents, surtout ceux qui sont d'une tradition romaine, qui utilisent aussi un alphabet très reconnaissable – je pense aux Espagnols, par exemple, à nos amis latino-américains, aux Portugais; je pense que mon collègue l'a mentionné également – qui ont cette fâcheuse habitude d'avoir un accent aigu, par exemple, sur le a plutôt que sur le e. Mais vous voyez, ici, M. le Président, on va empêcher, ce ministre va empêcher que les parents puissent appeler leur fils Tomás avec accent aigu sur le a parce que c'est juste sur le e qu'on a des accents aigus ici. Pourtant, tout le monde serait capable de lire et de comprendre que Tomás, c'est d'origine espagnole, tout le monde comprendrait que c'est Thomas, même si ce n'est pas T-h-o-m-a-s et que c'est T-o-m-á-s. Si on permet que «Thomas» soit écrit T-o-m-a-s, pourquoi ne pas permettre qu'il soit écrit correctement, avec un accent aigu sur le a, M. le Président?

(11 h 10)

Pourquoi cet acharnement à ne pas avoir la générosité d'esprit de dire: Vous aviez raison, il faut donner le maximum de latitude aux parents. Il faut introduire, par contre, cet aspect de préoccupation pour qu'on puisse avoir une communication réelle, donc utiliser des caractères d'alphabet qui sont reconnaissables dans la société occidentale dans laquelle nous vivons en Amérique du Nord, où on parle et l'anglais et le français. Mais, à la limite, si un parent veut mettre un petit accent sur le a ou – je ne sais pas comment on l'appelle...

Une voix: ...

M. Sirros: ...oui, vous comprenez ce que je veux dire – le petit signe qui fait que le «n» devient «gn», M. le Président, pour donner une indication qu'on est ouvert à d'autres cultures, à d'autres réalités, il me semble que ce ne serait pas la fin du monde.

Alors, je fais une dernière tentative de faire entendre raison au ministre, M. le Président, pour qu'il puisse trouver cette générosité d'esprit qu'il n'a pas beaucoup démontrée ici jusqu'à date. Alors, ce serait l'occasion pour lui de démontrer qu'il est capable de cette générosité d'esprit où il ne se braquera pas pour essayer de garder un peu le résultat, en tout cas, de garder ce vestige de l'ancien système. Parce que c'est un vestige de l'ancien système où, finalement, le ministre, par l'entremise de ses fonctionnaires, décidait, même si le nom était permissible pour l'enfant. Alors, étant donné qu'il a laissé tomber l'essentiel de ce pouvoir proclamatoire qu'il avait, pourquoi il ne fait pas tout le travail pour s'ouvrir généralement?

Alors, c'est dans ce sens-là que je suis venu plaider ici, M. le Président, pour qu'on puisse avoir des accents aigus sur les a avec des accents aigus sur les e, pour qu'on puisse démontrer notre ouverture d'esprit réellement. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Je suis prêt à reconnaître... M. le député? M. le député de Salaberry-Soulanges.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. Mon intervention sera brève concernant le projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, présenté et déposé par notre collègue de la circonscription de Mercier et ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration devant l'Assemblée nationale le 4 mai dernier.

M. le Président, ce projet de loi contient une vingtaine d'articles, 19 précisément. Ces différents articles de ce projet viennent modifier quelques articles du Code civil du Québec en matière d'attribution de nom, d'une part, et, d'autre part, en matière de registre de l'état civil. Ce projet de loi vient consacrer le principe fondamental du respect du choix des parents quant aux noms et prénoms de leurs enfants. La liberté des parents vient maintenant d'être consacrée par texte législatif. Et, corollaire à ce grand principe, dorénavant, le directeur de l'état civil n'aura plus le pouvoir de s'opposer au choix des parents et devra ainsi inscrire le nom choisi au registre de l'état civil, ce que ne permettaient pas les dispositions actuelles du Code civil.

Toutefois, dans l'intérêt de l'enfant, le directeur de l'état civil pourra jouer un rôle de conseiller auprès des parents, de facilitateur – vous reconnaissez cette belle expression – de conciliateur auprès des parents. Il pourra alors les rencontrer pour échanger et faire valoir les différents points de vue. Je pense que cette nouvelle approche, M. le Président, est tout à fait dans la pratique moderne de services que l'État rend auprès de chacun des citoyens et citoyennes des différents pays, cette proximité de l'État face aux citoyens. Elle améliore, bien sûr, en somme, la relation entre l'État et le citoyen.

Mais, à défaut d'une entente, il appartiendra dorénavant au Procureur général de décider de saisir le tribunal d'une requête en justice dans le cas d'un prénom pouvant porter préjudice à l'enfant. Parce qu'on sait l'importance du prénom et des noms que nous portons tout au long de notre existence. C'est bien sûr l'exception, je dirais, l'exception exceptionnelle, puisqu'on remarquera, M. le Président, que, si on se reporte aux années 1994 à 1998, il y a eu inscription au registre d'environ 425 000 naissances. De ces 425 000 naissances sur cinq ans, 100 cas seulement ont été en discussion entre l'État, le directeur de l'état civil et les parents, pour différentes raisons, pour une question d'interprétation ou d'évaluation. Sur ces 100 cas au total, deux seulement ont été portés au niveau de la justice, en cour de justice: un s'est réglé en faveur des parents, l'autre en faveur de l'État. Alors, on voit que c'est l'exception exceptionnelle, on parle de 0,02 % au cours de ces cinq dernières années. Il fallait donc... Et le gouvernement du Parti québécois consacre de façon extraordinaire le principe de liberté de choix des parents, ce qui est fort important, il faut le dire et le redire, contrairement à ce que laissent entendre nos amis d'en face, de l'opposition.

Il faut noter également que nous allons utiliser, dans nos registres de l'état civil, l'alphabet français. Et, pour être de bon compte avec nos amis de l'opposition, notons que l'alphabet anglais est compris dans l'alphabet français. Nous faisons mieux ici, M. le Président, au Québec, que nos voisins, les autres provinces, nous faisons mieux que beaucoup de pays et nous avons décidé ici d'utiliser l'alphabet français qui est notre langue officielle. Je pense que tout le monde se retrouve dans un grand consensus avec l'utilisation de cet alphabet français, qui fait largement consensus à travers de la société civile, de la société québécoise.

Il faut le redire encore une fois: Au Québec, nous faisons mieux, nous faisons plus que les autres provinces, que nos voisins, que l'Ontario, que Terre-Neuve, que le Nouveau-Brunswick. Alors, je n'ai pas vu de démonstration de l'opposition... Et, au moment où ces lois étaient passées, on fait référence au fait qu'on n'utilisait qu'une partie. Ici, il me semble que c'est clair, que c'est net. Encore une fois, j'imagine qu'ils font leur travail de l'opposition, bien sûr, mais je ne crois pas beaucoup ce qu'ils disent et qu'ils vont se ramener dans le droit chemin. Le projet de loi vient moderniser plusieurs articles du Code civil, vient moderniser nos différentes lois, parce que l'état civil, c'est important. Et on l'a vu dans certains cas. Donc, on vient, en termes de gouvernement responsable, de modifier, de simplifier, de bonifier certains articles du Code civil en matière de nom des personnes physiques.

Également, ce projet de loi n° 34, M. le Président, vient modifier, au Code civil, en matière de registre de l'état civil, différents éléments qui peuvent paraître très, très techniques, très administratifs, mais c'est important lorsque à tous les jours on fait des actes administratifs pour les citoyens et citoyennes. Donc, bien sûr, on parle ici du délai de transmission des déclarations de mariage, de cette obligation des directeurs de funérailles de faire référence le plus rapidement possible aux décès.

On parle également, à différents articles, de la compétence du directeur de l'état civil en matière de déclaration tardive. On vient accorder des pouvoirs au directeur de l'état civil pour faire référence, pour faire plus rapidement... faire diligence dans cette transmission des informations pour que le citoyen soit servi plus rapidement et mieux servi.

(11 h 20)

Alors, M. le Président, je terminerai ici. Je voulais être bref. Je vais bien sûr voter en accord, voter pour l'adoption de ce projet de loi qui, comme on l'a dit de l'autre côté, n'est pas une grande pièce législative, sauf que chacune des pièces fait en sorte que, sur le plan collectif, on vit mieux et les choses sont en ordre, et c'est ce que tout gouvernement responsable, dont celui qui est en poste, fait présentement. Je remercie le ministre des Citoyens et de l'Immigration d'avoir présenté devant l'Assemblée nationale ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, et je reconnais le prochain intervenant, M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de recherche, science et technologie, Régime de rentes du Québec, RREGOP, vice-président de la commission des institutions et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Oui. Merci, M. le Président. J'écoutais le député de Salaberry-Soulanges. Avec toute l'amitié que je peux lui porter, je crois qu'il devrait vérifier ce qui se passe au Nouveau-Brunswick quant à leur règlement d'état civil. Je crois qu'il a fait une légère erreur quant à la possibilité d'utiliser les différents alphabets, en ce qui touchait le Nouveau-Brunswick. Mais je pense que, dans son élan oratoire, il s'est laissé peut-être un peu entraîner. Mais je tenais à le préciser ici, M. le Président.

Le projet de loi n° 34 pourrait paraître banal à première vue. De fait, il modifie légèrement ce qui touche l'état civil, précise le rôle du directeur de l'état civil, des mesures qui sembleraient relativement banales. Il reste, M. le Président, que ce projet de loi comporte une incongruité parce qu'il n'est pas cohérent. Et je vous explique.

On a, petit à petit, de tradition, ici, au Québec – et je crois que le projet de loi le permet – fini par reconnaître des prénoms qui n'étaient pas des prénoms soit anglophones ou francophones mais qui étaient des prénoms venant de langues qui étaient des langues hispaniques, lusophones – portugaises – et éventuellement des langues comme l'allemand ou le suédois, le danois, qui ont leur propre bagage de prénoms, et rien dans le projet de loi n'empêche de donner un tel prénom à des enfants.

Il est fréquent... Tiens, je vais vous donner un exemple, M. le Président. Dans une autre vie, j'enseigne à l'Université de Montréal. Il est fréquent, par exemple, de trouver des jeunes étudiants qui maintenant s'appellent des Miguel Tremblay, par exemple, parce que les parents, dans un couple, un père qui est de vieille souche et une mère qui est d'origine hispanique ont voulu transmettre un peu ces deux cultures à l'enfant en lui donnant non pas un prénom comme Michel, mais Miguel, sous sa forme hispanique. Tout ceci étant parfaitement accepté.

Il n'empêche néanmoins que des langues utilisent des alphabets. Et, si on veut respecter le caractère des prénoms de chacune des langues, les langues hispaniques, l'allemand, le danois, le suédois, tout en utilisant un alphabet romain, utilisent à l'intérieur de l'alphabet romain certains caractères. Les orateurs précédents ont signalé l'accent sur le «a» en espagnol. Je me sens assez concerné, moi, mon petit-fils s'appelle Luis Thomás. C'est mon petit-fils. Mes deux petits-fils... Moi, j'ai deux petits-fils qui sont, Luis Thomás et Luis David, de tradition... dont un des parents est hispanophone, et mes deux autres petites-filles, elles, sont de tradition germanophone. Et le fait de ne pas reconnaître la spécificité même du prénom dans l'écriture qu'il a dans la langue en laquelle on va le donner me paraît une incongruité.

Ou bien, M. le Président, on aurait eu... Et je sais que ce n'était pas l'idée de mes collègues d'en face, ou bien on aurait été dans la direction de dire: Voici, nous n'acceptons plus au Québec que des prénoms qui sont des prénoms faisant partie de l'héritage anglophone ou francophone, ou bien: nous nous ouvrons à la réalité des différentes cultures qui sont en train de construire le Québec de demain et nous pouvons accepter des prénoms qui viennent de traditions autres que les traditions anglaise ou française.

Si c'est le chemin que nous faisons, M. le Président, je crois qu'on doit les respecter dans l'écriture qui est propre à la langue dans laquelle ils s'expriment. Ça veut dire quoi? Ça veut dire, M. le Président, qu'on doit être en mesure, dans l'écriture des prénoms, de pouvoir accepter un accent sur le a, parce que Tomás – je m'excuse de vous le dire – en espagnol, s'écrit avec un accent sur le a. Ça veut dire qu'on doit être en mesure, dans l'alphabet, de pouvoir accepter des «phi», parce que le danois va utiliser ce symbole, le symbole grec du «phi». Ça veut dire qu'éventuellement on pourra utiliser le bêta, parce que, comme vous le savez, l'Allemand utilise, dans les signes dont il use pour écrire des noms, en plus des caractères strictement romains habituels de l'alphabet français, le bêta. Ça veut dire éventuellement qu'il faudrait qu'on puisse utiliser le tréma sur le o, parce que les Suédois et les Danois utilisent le tréma sur le o.

Une voix: ...

M. Gautrin: Attendez un instant, là, M. le Président! Et je vois les lazzis, actuellement, qui viennent du ministre. Je ne suis pas en train de lui dire à l'heure actuelle qu'il faudrait multiplier, à ce moment-là... Il y a les langues qui sont dans des alphabets qui ne sont pas des alphabets latins, issus du latin, et, bien sûr, lorsque les alphabets ne sont pas des alphabets issus du latin – je pense à l'alphabet cyrillique, je pense à l'alphabet grec, par exemple, ou, évidemment, à l'alphabet arabe ou l'alphabet... bon, on pourrait rentrer l'alphabet chinois aussi, il n'est pas... bien sûr, dans une certaine nécessité, de rendre lisible le prénom, de pouvoir faire une transcription, à ce moment-là, dans un alphabet latin.

Le but du débat que nous avons ici aujourd'hui, M. le Président, c'est, dans le cadre où nous utilisons un alphabet latin, qu'on soit en mesure, parce qu'on respecte la possibilité d'utiliser des prénoms issus de traditions autres que la tradition française ou anglaise et dans des langues qui utilisent – et c'est important de bien le comprendre – l'alphabet latin, sans nécessairement avoir tous les mêmes caractères... Et le ministre, qui est un homme cultivé, sait que l'utilisation de l'alphabet latin comme tel... et ce qu'on appelle, entre guillemets, l'alphabet français a ajouté à l'alphabet latin un certain nombre de signes, que ce soit la cédille sous le c, que ce soit les accents aigus, ou graves, ou circonflexes sur le e, que ça soit le tréma.

Vous avez d'autres langues, M. le Président, et vous le savez parfaitement, qui vont utiliser d'autres signes. Je l'ai rappelé brièvement, et je n'en ai pas fait une étude exhaustive, le député – je crois que c'est le député de Hull – a rappelé, par exemple, l'utilisation du tilde sur le n qui peut faire partie de l'expression d'un certain nombre de prénoms, l'accent sur le a dans la tradition hispanique, le tréma sur le o dans la tradition suédoise, le phi dans l'utilisation de ces langues nordiques – je crois que ce n'est pas pour le danois et je crois aussi que le phi est utilisé aussi dans le... je suis sûr quant au danois, je pense qu'il est aussi utilisé par le suédois et le norvégien, mais je n'en suis pas tout à fait sûr, M. le Président – il y a un certain nombre de... le bêta, par exemple, utilisé dans la langue allemande pour exprimer ce phonème qui est le s prolongé, que, nous, on aurait tendance à réécrire avec trois s, par exemple, si on voulait retransmettre ce phonème allemand qui est propre à l'utilisation du bêta et qui correspond à un s plus allongé.

(11 h 30)

Alors, M. le Président, il me semblerait qu'on devrait permettre, à l'intérieur de ce projet de loi, l'utilisation de ces quelques symboles.

Est-ce qu'il y aurait difficulté? Écoutez, il ne faut vraiment pas connaître l'informatique pour pouvoir prétendre qu'il y a difficulté. Vous savez parfaitement, vous, M. le Président, parce que vous connaissez Word et que vous utilisez Word, que, si vous allez simplement à l'intérieur même, même si vous avez, dans votre ordinateur, un traitement de texte qui utilise l'alphabet courant, l'alphabet français, et vous avez ça si vous prenez Office 1997 avec le Word qui est à l'intérieur... Il existe, à l'intérieur même de votre traitement de texte, si vous faites un petit effort, certains symboles. Ça prend à peu près trois touches de plus à taper que taper une touche habituelle, mais vous êtes en mesure de réutiliser – parce que c'est inscrit à l'intérieur du traitement de texte – les symboles habituels dont je suis en train de vous parler.

La possibilité de mettre un tilde sur le n, la possibilité d'imprimer un phi, la possibilité de mettre un tréma sur le o n'est pas courante sur le clavier du traitement de texte Word 7 que doit utiliser le ministre actuellement. Mais je suis prêt – et je suis sûr qu'il sait le faire aussi – à m'asseoir avec lui et, à peu près avec deux ou trois touches, il n'aurait aucune difficulté à réentrer un accent grave ou aigu sur le a d'un éventuel Tomás, il n'aurait aucune difficulté, M. le Président, à mettre un tréma sur un o et il n'aurait aucune difficulté à pouvoir rentrer un phi ou un bêta.

Alors, le problème que j'ai, M. le Président – et j'essaie réellement de bien le préciser au ministre – n'est pas, à l'heure actuelle, de vouloir dire: Il faudrait que tous les prénoms puissent s'inscrire dans n'importe quel alphabet. Qu'il ne dise pas que c'est ça que je dis, ce n'est pas du tout ça qu'on dit. Il y a des alphabets qui sont des alphabets qui ont des règles de transcription dans la langue française. D'ailleurs, il le sait parfaitement. Si on utilise l'alphabet cyrillique, les noms écrits en alphabet cyrillique ne se transcrivent pas, suivant l'utilisation en français ou en anglais, de la même manière, le «off» ayant tendance, lorsqu'on le traduit du symbole cyrillique en symbole latin, à s'écrire en «off» dans le cas d'une transcription dans un alphabet de type français et va se traduire en «ov» lorsqu'on le traduira en une transcription dans un alphabet de type anglais.

J'accepte facilement, avec le ministre, qu'on doive écrire les prénoms dans le cadre d'un alphabet de type latin. Je pense qu'on en conviendra facilement. Et je crois aussi que le député de Laurier-Dorion, qui, comme il l'a rappelé, est d'origine hellénique, était tout à fait d'accord qu'il fallait avoir une transcription de l'alphabet grec – qui est l'alphabet qui nous a nourri dans notre jeune âge – vers l'alphabet latin. Ce n'est pas le but de mon propos.

Autrement dit, qu'on n'essaie pas de travestir la position, actuellement, de l'opposition. Ce n'est pas de dire: Ouvrons la place à tout de manière que les caractères... Et la multiplicité des caractères chinois... Je suis sûr que le ministre, comme moi, connaît un peu la multiplicité et la difficulté des dictées en mandarin ou des choses comme ça. Donc, ce n'est pas le but que j'ai à l'heure actuelle.

Le but de la position de l'opposition est très clair, c'est de dire: Si nous acceptons – et, comme société, je crois, M. le Président, que nous l'acceptons et je crois que les ministériels l'acceptent – à l'heure actuelle, la possibilité d'utiliser des prénoms issus des bagages culturels qui ne sont pas le français ni l'anglais mais qui peuvent être, pour une bonne partie, l'espagnol mais aussi le portugais, ou l'allemand, ou le suédois, ou toutes sortes d'autres affaires, si nous acceptons ceci, acceptons-le complètement, si tant est que ces noms-là puissent s'écrire dans un alphabet latin. Acceptons-le complètement.

Il semblerait bizarre – et je m'excuse, M. le Président – qu'on puisse accepter sans se poser de problèmes de prénommer un enfant Miguel parce qu'il s'écrit avec des caractères qui sont des caractères latins mais qui ne font pas appel – c'est un prénom espagnol, comme vous le savez – à des signes qui ne sont pas propres à l'alphabet français, mais qu'on aurait de la difficulté quant à Tomás parce qu'il prend un accent sur le a. Il me semblerait qu'une ouverture dans ce sens-là de la part du ministre me semblerait une ouverture qui serait pleine de bon sens.

Alors, je vais essayer... Sur le reste du projet de loi – je crois que le porte-parole l'a rappelé tout à l'heure – l'opposition n'a pas de problèmes, elle trouve que c'est un projet de loi qui facilite à l'heure actuelle et qui met à l'heure juste le fonctionnement du directeur de l'état civil, et il corrige certaines difficultés qui étaient apparues au moment de l'application du projet de loi.

Je reste quand même extrêmement... Et je plaide une dernière fois, M. le Président, sur une toute petite chose sur le projet de loi, c'est-à-dire la possibilité que, dans le cadre d'un nom qui peut s'écrire en caractères latins, on respecte que des prénoms qui s'écrivent en caractères latins puissent utiliser des symboles qui ne sont pas des symboles strictement propres à l'alphabet français. Comprenez-moi bien, hein? Je répète bien que, dans les prénoms qui s'expriment en caractères latins, on puisse permettre l'utilisation de symboles... Je l'ai répété tout à l'heure, je voudrais le répéter une dernière fois, par exemple, une ou deux avec le grec, le bêta, en allemand, le phi, en danois, le tréma sur le o, en suédois, le tilde sur le n en espagnol, l'accent sur le a aussi en espagnol. Je m'excuse de mal connaître le portugais, il doit probablement y avoir, en portugais, quelques signes aussi. Je fais amende honorable sur mon ignorance à cet effet-là, mais qu'on puisse permettre cela. Ce n'est pas beaucoup, on n'est pas en train de rechanger ça, on n'est pas en train de tout modifier, mais on respecte réellement ce qui, je crois, est l'esprit du projet de loi.

Faites attention, mon intervention, M. le Président, est tout à fait dans l'esprit du projet de loi qui est de dire: On reconnaît aux parents la possibilité de mieux s'exprimer et on veut aussi respecter, si un parent choisit de donner un prénom, donc, venant d'une autre culture, souvent parce que... Et vous allez voir de plus en plus de mariages mixtes, c'est-à-dire où les deux parents ne sont pas nécessairement de la même culture. Et, pour donner part ou rappeler l'ascendance de cette autre culture à l'enfant, la tendance est souvent de donner un prénom issu de cette deuxième culture lorsque le nom est un nom, disons, de tradition ou traditionnellement québécois.

Il me semble, M. le Président, que ce que nous demandons ici, de l'opposition, est relativement simple, et, si le ministre a un problème d'informatique à ce niveau-là, je m'offre aujourd'hui pour l'aider à corriger ce problème d'informatique quant aux symboles que ça doit utiliser. Réellement, faites-moi confiance, il n'y a pas de problème sur l'informatique à ce niveau-là pour avoir ça. Il n'y a pas de problème, et je vais l'aider s'il a des problèmes à ce sujet-là. Vraiment, je... Mais, dans l'esprit de son projet de loi – et je vais terminer là-dessus, M. le Président – il me semblerait que cette ouverture que nous voudrions y voir incluse, il s'agit d'une ouverture positive. Merci, M. le Président.

(11 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 34 quant à son adoption de principe, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission des affaires sociales et député du comté de Champlain.


M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je suis heureux également de participer à ce débat sur ce projet de loi qui modifie le Code civil du Québec en matière de nom et de registre de l'état civil. Juste avant d'aborder le coeur du sujet, en ce qui me concerne, j'ai bien noté l'intervention du député de Verdun, j'ai noté aussi ses réticences, ses interrogations, ses suggestions, son offre de compétence, et tout, mais, au fond, quant à l'utilisation de l'alphabet romain, qui comprend d'ailleurs et le volet français et le volet anglais, pourquoi le faisons-nous?

Bien, c'est que chaque pays se donne des règles pour inscrire au registre de l'état civil les noms de ses concitoyens et de ses concitoyennes. On n'est pas innovateur, ça se fait dans tous les pays. Et il est essentiel d'avoir cette espèce, disons, de code d'inscription pour que tout le monde s'y reconnaisse, pour ne pas que l'utilisation de multiples alphabets...

On a noté tantôt... Écoutez, il y a toutes sortes de gens au Québec et très heureusement, mais... Il y a des Japonais, des Chinois, des Russes, des Latino-Américains, des Latinos tout court. Alors, pour faire en sorte que l'on s'y retrouve quant à l'inscription au registre de l'état civil, pour éviter une situation un peu de tour de Babel, il était important, essentiel que le Québec se dote de ces règles d'inscription, et en ce sens-là le projet de loi va de beaucoup clarifier et simplifier la vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

D'autre part, le projet de loi aussi consacre davantage le principe ou la préséance du choix des parents quant aux prénoms à donner à leurs enfants et aussi réduit de beaucoup l'intervention de l'État quant à la détermination des prénoms que choisissent les parents. À ce sujet-là, effectivement, l'intervention de l'État sera encore davantage réduite en raison du fait que la responsabilité dernière partira du directeur de l'état civil au Procureur général du Québec, dans l'optique où il y a mésentente quant aux prénoms entre les parents et le directeur de l'état civil.

Il est très vrai aussi qu'il faut préserver, qu'il faut privilégier – c'est dans notre civilisation, dans notre culture – les droits des parents quant à leurs enfants. Mais aussi il faut garder une petite note d'intervention publique, d'intervention de l'État, pour les intérêts de l'enfant, et je m'explique.

Au début des années quatre-vingt, j'avais eu l'occasion de participer à un mandat d'initiative portant sur la protection de la jeunesse – d'ailleurs, le député de Laurier-Dorion était sur cette commission-là qui était présidée par le président actuel de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Charbonneau – et ça concernait la protection de la jeunesse quant aux droits de l'adoption. Il y avait la problématique d'adoption. Il y avait, à ce moment-là, les droits des parents naturels, bien sûr, il y a les droits des parents adoptifs et qui sont des droits qui se comprennent, qui se justifient, qui doivent s'ajuster également. Mais on avait ajouté un élément qui n'était pas dans la loi et qui était l'intérêt de l'enfant, ce qui voulait dire que, oui, au bout de la ligne, au bout de la course, il y va toujours, et c'est un principe qui a été introduit notamment... C'est un principe d'abord qui est affirmé dans l'article 33 du Code civil, et aussi à l'article 6 de la Loi sur la protection de la jeunesse, et aux articles 394.1 à 394.5 du Code de procédure civile.

Loin de considérer qu'il y a intervention de l'État, le projet de loi actuel, justement, est en train de réduire au minimum l'intervention de l'État, mais il reste encore une possibilité quand il s'agit de l'intérêt de l'enfant. Et je crois que c'est une acquisition, c'est un acquis que cette ouverture du projet de loi sur la préséance des droits des parents, mais tout en maintenant aussi une espèce, disons, de vigilance de l'État quant aux intérêts de l'enfant qui, par des prénoms, pourrait avoir certaines difficultés de vie, de qualité de vie ou de vie quotidienne avec son entourage.

Le deuxième élément du projet de loi, qui est également important, ne se fonde plus sur des questions de droit des parents ou d'intérêts, mais se fonde sur un phénomène social et un phénomène familial. Je fais partie de cette génération dont les parents... Les parents de mon épouse et les miens étaient des parents qui avaient un seul nom. Nos enfants ont nos deux noms. Alors, c'est exactement dans l'évolution. Il n'y a rien de génial dans ça. C'est dans l'évolution des choix familiaux, c'est dans l'évolution de notre société. Et c'est dans cet ordre-là que, quand il y aura nécessité de transmission à une troisième génération à partir de parents qui auront déjà deux noms chacun, c'est en ce sens-là que la loi vient faciliter le choix des parents en précisant – le projet de loi – que le nom de famille de l'enfant peut consister en une partie seulement du nom de famille composé de son père ou de sa mère. C'est assez important.

Puis, pour terminer, je vais donner un exemple bien précis pour que tout le monde l'apprécie, le comprenne. Prenons un exemple. Disons que la mère de l'enfant se nomme Louise Tremblay-Côté et le père s'appelle Jean Gagnon-Durand. Si on interprète actuellement le Code à la lettre, l'enfant de ce couple ne pourra se voir attribuer comme nom de famille que Tremblay-Côté, donc soit que le nom de la mère, ou Gagnon-Durand, donc que le nom de son père. Alors, avec la présente prescription de la loi, en autorisant la transmission d'une seule partie du nom composé, là encore le choix des parents dans leurs droits et dans leur choix est davantage préservé. Et on pourra, à ce moment-là, retrouver dans les noms des enfants de ces parents-là, on pourra trouver un bon ajustement, un bon équilibre en provenance du nom du père ou du nom de la mère.

Alors, ce projet de loi était essentiellement sur ces trois volets: le volet du prénom, le volet du nom composé et aussi le volet de s'assurer d'inscrire de façon correcte, de façon claire au registre de l'état civil les noms de nos concitoyennes et de nos concitoyens, ce qui fait qu'à ce moment-là l'utilisation de l'alphabet romain paraît une solution la plus simple et la plus correcte. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Champlain. Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. En ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille et enfance, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, Bill 34, An Act to amend the Civil Code as regards names and the register of civil status.

M. le Président, tel qu'indiqué par plusieurs collègues en cette Chambre, le projet de loi modifie certaines pratiques en matière d'inscription des prénoms et des noms de famille au registre de l'état civil. Il donne une certaine flexibilité au directeur de l'état civil également en matière de délais, et ainsi de suite.

M. le Président, j'ai écouté attentivement, comme je le fais toujours, le député de Champlain quand il a fait ses interventions. Un ex-ministre délégué, d'ailleurs, à la Famille dans le gouvernement de M. Lévesque, je crois, sinon de Pierre Marc Johnson, mais un ex-ministre délégué à la Famille du gouvernement du Parti québécois... Le député de Champlain a indiqué que le projet de loi n° 34 vise à réduire jusqu'au minimum l'intervention de l'État. M. le Président, je suis d'accord. Je suis d'accord, comme député, comme porte-parole, que, essentiellement, quand on veut légiférer dans le domaine des prénoms – quelque chose intime au plus haut point, le choix d'un prénom et le choix d'un nom de famille pour des familles recomposées ou composées, les noms de famille composés – il faut aller avec beaucoup de prudence et de droitesse.

Il s'agit de savoir, effectivement: Est-ce que le projet de loi réduit au minimum – j'utilise les mots du député de Champlain – l'intervention de l'État dans cette affaire? Je prétends qu'il ne la réduit pas au minimum. Il donne encore un pouvoir trop important. Pouvoir non pas, dans le cas du projet de loi, au directeur du registre de l'état civil, mais au Procureur général du Québec. Là, on est rendu à un certain niveau, M. le Président. S'il y a une dispute dans le choix des prénoms entre le directeur du registre de l'état civil, s'il y a un litige entre cette personne et les parents, ce litige est transféré au Procureur général pour que le Procureur général tranche sur la question, soit d'entamer des procédures judiciaires. Je ne suis pas convaincu, personnellement, M. le Président, que ça va alléger beaucoup le processus. Le dossier sera rendu sur le bureau d'un ministre du gouvernement qui est le Procureur général, et on lui donne, on lui confère des pouvoirs importants.

(11 h 50)

M. le Président, je crois que la responsabilité primordiale quant au choix des prénoms reste avec les parents. Je crois fermement que c'est une responsabilité importante comme parents. Il peut y avoir des situations où, semble-t-il, ça pourrait créer préjudice à un enfant. Il faut trouver un mécanisme pour régler ça. Je ne suis pas convaincu que le mécanisme proposé par le gouvernement est le bon. Antérieurement, on disait que, si ça peut entamer un certain ridicule... Là, on ajoute dans le projet de loi que, manifestement, il faut que le nom de l'enfant puisse porter ridicule. Mais la différence entre «ridicule» et «manifestement ridicule» m'apparaît un peu subjective.

Je prends l'exemple, simplement, du prénom de mon fils cadet, qui est «Romney», R-o-m-n-e-y, qui était le nom de fille de ma mère, ma regrettée mère, que nous avons décidé d'utiliser comme prénom pour mon fils. C'est un nom très rare, je n'en connais pas d'autres. Je n'ai jamais rencontré un gars qui s'appelait Romney comme prénom. Est-ce que quelqu'un peut décider en quelque part que ça peut porter préjudice à mon fils, le fait qu'il s'appelle Romney, que ça peut l'ouvrir à du ridicule ou d'être ridiculisé? Ça, il me semble que c'est un jugement que, moi, je devrai porter comme parent et non pas l'appareil gouvernemental québécois.

There is another problem of course, Mr. Speaker, with the proposal to register names only using the French alphabet, which is the term used in the legislation «l'alphabet français». Je pense que mon collègue le député de Verdun vise juste quand il indique que c'est plutôt l'alphabet latin, mais, quand même, ça peut poser certaines difficultés, tel que décrit par mes collègues. L'accent aigu sur le a dans le mot Tomás ne serait plus permis; le tilde sur les n dans les prénoms espagnols peut être défendu, et ça, semble-t-il, pour des raisons de coûts que je trouve très discutables, comme raisonnement.

Dans le mémoire au Conseil des ministres, la partie accessible au public, on indique... D'ailleurs, M. le Président, un jugement de la Cour supérieure du Québec oblige le directeur de l'état civil à inscrire les noms et prénoms tel que demandé par les citoyens pour que ces lettres et accents qui les composent existent en français. Conséquemment, les systèmes informatiques du directeur, de son serveur, de ses organismes pour lesquels il recueille les renseignements devraient être modifiés à un coût important. Semble-t-il que c'est une question de coûts.

Mais là, encore une fois, M. le Président, où est le rôle de l'État? Est-ce que le rôle de l'État est d'empêcher l'utilisation d'accents non habituels dans l'alphabet français pour sauver de l'argent? Ou est-ce que l'action de l'État devrait être plus respectueuse des choix des parents? On trouve des millions et des dizaines de millions de dollars pour faire des choses pour lesquelles on a une volonté politique. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas envisager, s'il y a un coût associé à ça, que le système informatique du directeur de l'état civil soit ajusté en conséquence? Je crois que ce serait beaucoup plus respectueux de la volonté des parents.

M. le Président, je suis fondamentalement d'accord que ça prend une transcription des noms, par contre. C'est tout à fait normal. Je donne comme exemple les noms hébreux de mes fils qui sont Josef Yaakov et Mordecai. Bien, évidemment, écrit en hébreux, avec des caractères non latins, c'est presque impossible de comprendre, évidemment à moins qu'on parle hébreux. Alors, la façon dans laquelle on fonctionne dans ma communauté, c'est qu'on fait une translittération, c'est le mot qu'on utilise, des voyelles, des «consonants», des sons qui n'existent pas en français ni en anglais. Le «khe» dans Mordecai n'existe pas écrit en français ou en anglais. Il faut jouer avec des k et des h pour tenter d'être le plus proche possible, pour respecter le son «khe» dans le mot Mordecai, qui est le nom de mon fils.

M. le Président, dans le cas des noms hébreux, on n'utilise pas des accents, mais on pourrait, à la limite, empêcher certaines translittérations parce que les accents ou les sons, l'utilisation des voyelles n'existent pas en français, ce que je trouve très irrespectueux.

M. le Président, compte tenu de l'heure et compte tenu que je n'ai pas terminé ma présentation, je propose l'ajournement des travaux.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vous proposez, M. le député, l'ajournement du débat, compte tenu de l'heure. Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée? Adopté.

Donc, le débat est ajourné, et je suspends les travaux, en conséquence, jusqu'à 14 heures cet après-midi. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: À l'ordre, chers collègues! Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Rapport annuel de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

Mme Lemieux: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Brassard: Oui. M. le Président, je dépose la réponse à la question n° 1 inscrite au feuilleton du 2 mars 1999 par le député de Rivière-du-Loup et la réponse à la question n° 5 inscrite au feuilleton du 25 mars 1999 par le député de Verdun.


Décision du Bureau de l'Assemblée nationale

Le Président: Alors, les documents sont déposés. Pour ma part, je dépose la décision 908 du Bureau de l'Assemblée.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Et j'ai reçu également dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie de ce texte de préavis.

Alors, il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Il y a cependant un dépôt de pétition conforme. M. le député de Saguenay.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: M. le leader.

M. Brassard: Oui. Je voudrais quand même signaler que c'est une journée historique, aujourd'hui, nous avons enfin une pétition conforme.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Oui. J'espère qu'on finira par avoir d'autres pétitions conformes. M. le député de Saguenay.


Maintenir les places à contribution réduite en garderie scolaire durant la semaine de relâche et la saison estivale

M. Gagnon: Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 196 pétitionnaires.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Les parents qui ont un ou plusieurs enfants d'âge scolaire âgés entre 5 et 12 ans qui utilisent présentement un service de garde régi par le ministère de la Famille et de l'Enfance, qui désirent pouvoir bénéficier d'une place à contribution réduite – 5 $ par jour – durant la période estivale, réclament l'intervention suivante:

«Une intervention rapide de l'Assemblée nationale afin que des corrections soient apportées à la situation dénoncée, que les parents d'enfants âgés de 5 à 12 ans puissent bénéficier du même soutien financier que celui offert durant la période scolaire, que les places à contribution réduite scolaire soient maintenues durant la semaine de relâche et la saison estivale.»

Le Président: Très bien. Cette pétition est déposée. M. le député de Nelligan, vous avez une pétition?

M. Williams: Oui. Je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Très bien. Alors, vous pouvez y aller, M. le député de Nelligan.


Ajouter l'Aricept à la liste des médicaments remboursables par la RAMQ

M. Williams: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 6 000 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«La maladie d'Alzheimer touche 41 000 familles au Québec seulement. Les recherches en milieu pharmaceutique sont nombreuses et il y a maintenant de l'espoir pour certains patients atteints de la maladie et leurs familles.

«Aricept, seul médicament actuellement disponible pour le traitement de l'Alzheimer, recevait l'approbation de la Direction générale de la protection de la santé du gouvernement du Canada en août 1997. Aricept améliore la qualité de vie des patients atteints de l'Alzheimer, allège le fardeau des aidants et retarde l'entrée en institution des patients.

«Une première demande pour inscrire Aricept au formulaire de médicaments de la Régie de l'assurance-maladie a été déposée en août 1997. Nous voici en septembre 1998 et le gouvernement du Québec refuse toujours de rembourser Aricept, laissant ainsi des centaines de Québécoises et Québécois sans accès au seul médicament disponible pour contrôler les symptômes de leur maladie.

«Alzheimer's is a debilitating disease which affects 41 000 families in Québec alone. Now, there is hope for many of these patients and their families due to new Alzheimer's medications such as Aricept.

«Aricept, the first medication available for treating Alzheimer's disease, was approved by the Federal Health Protection Branch in August 1997. Aricept improves the quality of life of the Alzheimer's patients, eases the heavy burden placed on their care givers and enables sufferers to be cared for at home as opposed to institutions for a longer period of time.

«An initial request for patient access to Aricept through the Régie de l'assurance-maladie du Québec drug formulary was also made in August 1997. Subsequently, the Government of Québec has consistently refused to provide reimbursement for Aricept. This has left hundreds of Quebeckers unable to access the only medication available to them for controlling the symptoms of Alzheimer.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Par la présente, les soussignés demandent à l'Assemblée nationale d'appuyer publiquement l'accès aux nouveaux traitements pour l'Alzheimer et d'ajouter immédiatement Aricept au formulaire de médicaments de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

«We, the undersigned, ask the members of the National Assembly to publicly support access to new Alzheimer's medication and urge the government of Québec to immediately add Aricept to the Régie de l'assurance-maladie du Québec drug formulary.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Bien, M. le député de Nelligan. Alors, cette pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Plan d'intervention pour contrer la pénurie de médecins en région et de radio-oncologues


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question aujourd'hui, malheureusement, touche une question dont les Québécoises et les Québécois ont souvent entendu parler, c'est la question de la pénurie des médecins, à la fois des médecins spécialistes et des médecins dans les régions du Québec.

Depuis longtemps, le Parti libéral, et l'opposition, prend la peine de dire au gouvernement et de rappeler au gouvernement qu'il y a un problème de pénurie, un problème qui va aller en s'aggravant et qui va affecter directement les soins de santé. On en a malheureusement la preuve aujourd'hui avec ce qui arrive pour les gens qui ont besoin de traitements en radio-oncologie. Or, la ministre sait très bien que le problème en radio-oncologie – ce n'est pas nouveau, ça fait très longtemps qu'on s'en plaint – c'est qu'il y a moins de radio-oncologues per capita au Québec qu'ailleurs au Canada.

(14 h 10)

Et j'aimerais savoir aujourd'hui, de la part du gouvernement, s'ils ont un plan, s'ils ont un message d'espoir pour les gens qui sont sur les listes d'attente, s'ils sont prêts non seulement à prendre des mesures immédiates, les mesures qu'on doit prendre pour soigner ces gens-là, mais est-ce qu'il y aura la reconnaissance du problème, d'une part, et un plan à plus long terme pour soigner les Québécois, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je remercie le chef de l'opposition de sa question. Il conviendra cependant avec moi que je n'ai pas attendu les questions de l'opposition pour demander un plan d'intervention rapide pour réduire la liste d'attente dans le cas des personnes atteintes de cancer, et qui, dans certains cas, ne peuvent pas attendre très longtemps compte tenu de leur situation.

Par ailleurs, il conviendra aussi, M. le Président, que cette question de planification des ressources médicales, particulièrement dans des domaines aussi spécialisés, si ce n'est surspécialisés, que la radio-oncologie, relève souvent de décisions qui n'ont pas été prises il y a deux ans, il y a trois ans, il y a quatre ans, mais il y a sept, huit, neuf ou 10 ans. Et donc, parce que la science médicale progresse à grands pas, il y a certaines spécialités dont le développement est plus difficile à prévoir que d'autres.

Je n'ai jamais nié ici, M. le Président, qu'il pouvait y avoir un problème de pénurie. Ce que j'ai dit, et je le répète très brièvement, c'est que les nombres dans leur valeur absolue nous disent qu'il y a un plus grand nombre de médecins ici per capita qu'il y en a dans l'ensemble canadien. Cependant, lorsque nous creusons la question – et c'est ce que j'ai demandé que l'on fasse – c'est-à-dire que, spécialité par spécialité, au niveau des généralistes, on regarde les modes de pratique... Il y a une féminisation de la pratique. Est-ce que ça a changé le nombre d'heures de pratique des médecins? Est-ce que ça a changé aussi l'entrée en spécialité ou pas, M. le Président? Et ce sont toutes ces questions qui ont été posées. J'attends un certain nombre de réponses qui nous permettront de procéder à une planification plus systématique. Mais, cela étant, il y a déjà en cours des groupes sur l'entrée en médecine, sur la reconnaissance de spécialités, sur la reconnaissance de médecins étrangers et toutes espèces d'autres mesures.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que la réponse venant de la ministre, ce n'est pas rassurant, d'autant plus qu'on apprend, à moins que je ne me trompe, que le fait qu'il y ait plus de femmes en médecine serait une des raisons qui feraient en sorte que les Québécoises, Québécois recevraient moins de services. Assez intriguant, d'autant plus que la ministre semble dire que le problème existait déjà depuis un bon moment. Et, si le problème existait déjà depuis un bon moment et si le gouvernement le savait, comment se fait-il qu'ils ont mis en place eux-mêmes un programme de mise à la retraite qui affectait des spécialistes, des omnipraticiens, des infirmières, infirmiers? Pour quelle raison ont-ils mis en place et insisté pour mettre à la retraite ces gens-là, alors qu'ils auraient très bien pu pratiquer et servir les Québécois?

Mais ce qu'il y a de plus inquiétant, M. le Président, c'est que le discours de la ministre, ce n'est pas nouveau. Quand elle parlait d'il y a quatre ou cinq ans, bien, il y a justement cinq ans, le chef de son parti, Jacques Parizeau, le 8 septembre 1994, écrivait ceci au sujet de la répartition des médecins en région, et je cite: «Ainsi, il est clair que le Parti québécois entend régler très rapidement le problème de la répartition des effectifs médicaux au Québec.» Il faisait référence, dans sa lettre, à l'Abititi – en passant, si ça peut réconforter le député d'Abitibi, car je sais qu'il est d'accord avec moi sur le problème dans sa région. Ma question est la suivante: Quand le gouvernement dit qu'il va régler le problème très rapidement, est-ce qu'on peut espérer que ce soit à l'intérieur des cinq prochaines années?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le gouvernement s'attaque à tous les problèmes auxquels il est confronté et tente de les régler d'une façon systématique dans la mesure des moyens que nous avons. Et, dans le cas, entre autres, des listes d'attente à l'égard du problème du cancer, nous n'attendons pas, justement, nous intervenons maintenant. Nous posons des gestes qui nous permettent de soigner les gens rapidement pour qu'ils n'aient pas à souffrir d'attente qui leur causeraient des préjudices irréparables. C'est à ça qu'on s'attarde, puis je pense qu'on ne le fait pas trop mal malgré tout.

Mais, M. le Président, je veux revenir sur les propos qu'on me prête et sur leur interprétation. Je trouve ça quand même assez inadmissible, quand je dis qu'il y a féminisation de la profession, je ne dis pas que c'est sur le dos des femmes que porte actuellement le manque de médecins, je dis que leur mode de pratique... Et, il ne m'a sûrement pas entendue souvent, M. le Président, je dis que leur mode de pratique – elles sont plus respectueuses, souvent, de leur qualité de vie et de la qualité de vie de leur entourage – fait en sorte qu'on réduit le nombre d'heures disponibles au travail. Et ce n'est pas seulement le cas des jeunes femmes, c'est le cas aussi des jeunes médecins qui ont un mode de pratique différent de ceux qui les ont précédés. Cela, c'est mal documenté. C'est tout simplement ça que je dis, c'est mal documenté, et donc nous sommes en train de le faire. Est-ce que c'est...

Des voix: ...

Mme Marois: Je suis obligée de lever le ton et je déteste ça, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Une question de règlement, M. le leader?

M. Brassard: Oui, c'est ça. Il me semble que nous avons écouté avec attention et en silence la question du chef de l'opposition, il me semble que la ministre mériterait le même sort.

Le Président: En conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, dans les faits, nous travaillons d'une façon systématique autant avec la Fédération des médecins omnipraticiens qu'avec la Fédération des médecins spécialistes, évidemment appuyés par des recherches qui doivent être faites pour pousser un petit peu plus loin un certain nombre de questions. Déjà, nous comptons augmenter le nombre d'entrées en médecine dès cette année, et un certain nombre d'autres mesures seront prises pour couvrir l'ensemble du Québec. J'aimerais peut-être rappeler, M. le Président, aux membres de cette Assemblée d'ailleurs...

Le Président: Je m'excuse, Mme la ministre, vous êtes en réponse sur une question complémentaire. Alors, M. le chef de l'opposition officielle. Ou Mme la députée de Bourassa, en question principale?


Perte de radio-oncologues ayant bénéficié du programme de départ à la retraite


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Oui. M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé peut nous dire pourquoi, si le gouvernement du Parti québécois savait dès 1997 qu'il y aurait une pénurie aiguë de médecins, il a imposé des programmes de départs et pourquoi il a laissé partir six radio-oncologues?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Peut-être pour faire comprendre un certain nombre de choses à notre collègue de Bourassa comme quoi on ne peut pas toujours tout prévoir, voyez-vous, en juillet 1994, le chef du gouvernement de l'époque, M. Johnson, niait, lui, qu'il existe quelque problème que ce soit. Alors, au moment de la campagne électorale, ce n'était pas important de le prévoir.

Alors, oui, M. le Président, vous savez que ce qui explique la rareté des radio-oncologues... C'est vrai que la situation est plus lourde ici, si on veut. Dans les faits, nous avons moins de radio-oncologues pour servir la population, toutes proportions gardées, par exemple, que l'Ontario. Mais, par ailleurs – et c'est ça que j'essaie d'expliquer, M. le Président, tant à la députée de Bourassa qu'au chef de l'opposition – il faut savoir qu'il y a eu des changements majeurs dans la science médicale. Entre autres, trois raisons viennent expliquer la hausse des listes d'attente en radio-oncologie. Bien sûr, le vieillissement de la population, mais aussi un travail plus intense auquel nous avons procédé, et nous sommes le seul endroit actuellement, en Amérique du Nord, qui fait cela: c'est du dépistage et de la prévention du cancer; et, lorsque nous dépistons, évidemment, les gens se présentent à nous. Et enfin...

Le Président: Alors, Mme la ministre, en terminant, s'il vous plaît.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Et enfin, les connaissances médicales s'étant améliorées d'une façon très significative, au lieu d'avoir des interventions qui, finalement, étaient très dramatiques pour beaucoup de personnes qui avaient à les vivre, particulièrement dans le domaine du cancer, on intervient maintenant de façon beaucoup plus fine, beaucoup plus spécifique, de telle sorte que la vie des gens en est améliorée en qualité et en longévité, sauf que le traitement à faire est beaucoup plus long, évidemment, que ceux auxquels on procédait par le passé.

Une dernière information, M. le Président. Vous savez, nos modes de pratique et les façons différentes d'aborder les spécialités font en sorte, par exemple, que la fédération des oncologues, justement, c'est-à-dire l'association des spécialistes en radio-oncologie, a invité d'une façon spécifique les finissants en médecine à se diriger vers cette formation. Et on constate que, dans les faits, les gens hésitent à le faire parce que c'est une formation qui est hautement technique...

(14 h 20)

Le Président: Mme la ministre, écoutez, je comprends qu'on veut des explications, sauf que je voudrais rappeler, en particulier aux membres du gouvernement que, à la période de questions et de réponses orales, les réponses ne sont pas des déclarations ministérielles.

Alors, on s'est donné des règles de pratique, et je veux bien être tolérant, mais il y a des limites. Alors, question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Additionnelle, M. le Président. Et merci de la mise au point parce que ça fait longtemps justement que la ministre nous sert des statistiques et des chiffres et des excuses. D'ailleurs, on est fort surpris, de ce côté-ci de la Chambre, qu'elle n'ait pas encore blâmé le gouvernement fédéral...

Le Président: Alors, il n'y a qu'un député, à ce moment-ci, qui a le droit de parole, c'est le chef de l'opposition officielle. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Elle a réussi, si j'ai bien compris, dans ses réponses, à blâmer le gouvernement précédent, à blâmer les femmes, blâmer les médecins omnipraticiens. Or, il s'avère qu'au mois de mars c'était rendu public que le ministère de la Santé et des Services sociaux savait, dès 1997, qu'il y aurait pénurie aiguë de médecins omnipraticiens, entre autres au Québec, et que, malgré cela, ils ont fait des mises à la retraite. Ce n'est pas les gouvernements précédents, ce n'est pas les femmes du Québec qui ont fait ça, ce n'est pas le gouvernement fédéral qui a fait ça, c'est le gouvernement actuel. S'il n'y en a pas de problème, M. le Président, comment expliquer aux malades du Québec qu'ils devront aller se faire soigner aux États-Unis? Comment se fait-il qu'ils doivent aller dans un autre pays se faire soigner si tout va bien au Québec, comme le dit la ministre?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Ce pourquoi, M. le Président, mes réponses sont un peu longues, vous le comprendrez, c'est parce qu'il y a tellement de démagogie de l'autre côté qu'il faut être au moins capable d'expliquer.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, un simple rappel.

Le Président: Il y a une question de règlement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, un simple rappel aux dispositions de l'article 35 de notre règlement. À moins que vous ayez considéré que le mot «démagogie» était réhabilité, rappeler Mme la ministre à l'ordre.

Le Président: Alors, Mme la ministre, selon les dispositions de notre règlement, s'il vous plaît, votre réponse.

Mme Marois: Bien sûr. Merci, M. le Président. On interprète effectivement incorrectement mes propos, et donc cela prend parfois un certain temps avant de remettre tout cela dans l'ordre. Oui, oui, s'il le faut, et je dis bien s'il le faut, et nous cherchons toute autre solution pour ne pas arriver là, mais, oui, je dis bien «s'il le faut», nous irons faire traiter les gens aux États-Unis parce que je pense que la vie vaut bien cela. Et nous allons le faire, s'il le faut, je le dis.

D'ailleurs, si cette situation est difficile ici, au Québec, il faut savoir qu'elle est aussi difficile ailleurs, entre autres en Ontario et en Colombie-Britannique où on procède de la même façon. Donc, ils vivent aussi certains problèmes de planification. Et je ne nie pas qu'il y en a, mais il y en a qui sont causés par toutes sortes de facteurs, et ce n'est pas un seul élément quelque part, soit-il le départ d'un certain nombre de médecins, qui a cet effet-là.

Et d'ailleurs, du côté des généralistes, il n'est pas encore évident qu'il manque de généralistes, en nombre. Il en manque dans certaines régions, et nous travaillons avec acharnement pour nous assurer que les services sont disponibles dans ces régions, M. le Président. Parce que l'objectif que nous avons, il est toujours le même, c'est nous assurer qu'en toute circonstance la qualité des services et la qualité de la santé des personnes est préservée par l'intervention et de nos généralistes et de nos spécialistes sur tout le territoire. Et nous travaillons, pour le reste, à essayer, oui, de résoudre ces difficultés qu'on connaît depuis 15 ans au Québec, pas seulement depuis cinq ans, pas seulement depuis 10 ans. Il me semble qu'on devrait se souvenir un peu de ce qui s'est passé.

Le Président: En principale ou en complémentaire, Mme la députée?

Mme Lamquin-Éthier: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: Très bien. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci. M. le Président, la ministre peut-elle nous expliquer, encore une fois, si la situation est plus lourde ici, au Québec, et si, ici, au Québec, il y a moins de radio-oncologues, si le gouvernement savait dès 1997 qu'il y aurait une sévère pénurie, pourquoi a-t-il laissé quitter six radio-oncologues?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, il arrive parfois, oui, que certains spécialistes quittent et décident de pratiquer ailleurs qu'au Québec. C'est vrai en radio-oncologie, c'est vrai aussi dans d'autres secteurs d'intervention. Par ailleurs, on a constaté...

Le Président: Ce qui était vrai pour le chef de l'opposition officielle, quand il avait la parole et qu'il était le seul à avoir le droit de parole, c'est également vrai pour la ministre à ce moment-ci. Elle est la seule à avoir le droit de parole. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Par ailleurs, on a constaté que, si un certain nombre de nos spécialistes quittaient parfois, en contrepartie, d'autres reviennent ou d'autres viennent se joindre à nos équipes.

Alors, dans les faits, M. le Président, à partir du moment où les connaissances médicales progressent au rythme que nous connaissons maintenant, il y a eu des situations où il n'était pas imaginable et prévisible que nous allions manquer de spécialistes dans certains secteurs. Et je reviens à l'explication que je donnais tout à l'heure: une formation pour traiter par la radio-oncologie est une formation de haut niveau technique et scientifique qui relève autant d'une formation en ingénierie qu'en informatique, qu'en médecine, et c'est une profession qui attire plus difficilement, il faut bien en convenir, M. le Président.

Alors, ma responsabilité, je le répète, c'est de m'assurer que les gens aient accès à des services dans des délais acceptables. Si nous ne pouvons l'offrir avec les médecins que nous avons ici, avec les institutions que nous avons – n'oubliez pas que je travaille par ailleurs sur l'ajout d'équipement, sur la reconnaissance de permis restrictif pour des radio...

Le Président: Écoutez, avant de poursuivre, je voudrais rappeler, en particulier aux membres du gouvernement, que les réponses des ministres aux questions principales, selon les règles que nous nous sommes données, en moyenne elles doivent être de 1 min 15 s, et les réponses aux questions complémentaires, de 45 secondes. Alors, là, on était rendu à plus que deux fois le temps requis. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. La ministre de la Santé est-elle consciente que les six radio-oncologues ont quitté suite aux programmes qui ont été mis en place par le gouvernement du Parti québécois, des programmes de mise à la retraite, et que ces programmes-là, en ce qui a trait aux oncologues, aux médecins spécialistes, ça coûtait 300 000 $?

Des voix: Par médecin.

Mme Lamquin-Éthier: Par médecin! Par médecin!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, j'essaie de travailler et sur le présent et sur le futur, et par ailleurs je suis bien consciente que, si nous avons été confrontés à des problèmes majeurs, en termes budgétaires, qui auraient pu faire en sorte que nous ayons à fermer un très grand nombre de services de santé, ce que nous n'avons pas fait, c'est parce qu'un gouvernement irresponsable nous avait précédés et n'avait pas assumé à cet égard ce que ça implique que d'être responsable et de nous laisser des finances publiques saines.

(14 h 30)

Oui, nous avons proposé à l'ensemble du personnel des secteurs public, parapublic et médical d'utiliser la retraite, si tel était leur choix, pour nous permettre de passer à travers un moment difficile. Nous n'empêchons pas, cependant, et nous le faisons d'une façon spécifique, des retours dans la profession lorsque ces personnes le souhaitent, le désirent et que leur présence est nécessaire. Mais il faut qu'elles le souhaitent et le désirent, cependant, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: En question principale, Mme la députée de La Pinière, maintenant.


Passage à l'an 2000 des systèmes informatiques du ministère du Revenu


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, dans la presse du 14 mai dernier, le ministre du Revenu a laissé entendre que la suspension des contrats informatiques aura des impacts sur les travaux destinés à régler le problème du bogue de l'an 2000 dans son ministère. Or, dans un rapport officiel sur l'état d'avancement du bogue de l'an 2000 en date du 31 mars dernier, le président du Conseil du trésor affirme que le ministère du Revenu serait prêt d'ores et déjà, et ce, dans une proportion de 100 %.

M. le Président, qui dit vrai: le rapport officiel du Conseil du trésor ou le nouveau ministre du Revenu?

Le Président: M. le vice-premier ministre, ministre d'État à l'Économie et aux Finances et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: J'avais promis, lors d'une séance où on m'avait posé quelques questions sur le ministère du Revenu, de déposer la liste des contrats qui ont été suspendus. Afin de prendre toutes les précautions, suivant notre règle que trop de précautions ne nuit pas, j'ai fait constituer cette liste. Il y a 16 contrats informatiques qui ont été interrompus. Comme on l'a souligné – et je suis reconnaissant à ceux qui l'ont souligné, je le souligne à mon tour – l'intégrité des firmes en question ou de leurs travailleurs ou travailleuses n'est nullement questionnée. Ces contrats ont été suspendus. J'en donne le détail. Il y en a un qui m'angoisse pas mal plus que tout le bogue de l'an 2000: c'est celui qui pourrait, si nous ne prenons pas les mesures appropriées, compromettre le remboursement de 300 000 000 $ pour le 1er août aux contribuables pour la taxe de vente, à raison de montants de 150 $ chacun. Ça veut dire des contribuables qui ont besoin de cet argent.

Alors, je vais déposer la liste. Je demande à l'opposition d'y réfléchir et j'espère que, si jamais, comme je l'ai laissé entendre, nous avons besoin...

Une voix: ...

M. Landry: M. le Président, ma collègue n'aime pas élever la voix; elle le dit. Moi, ça ne me déplaît pas, mais j'aimerais mieux ne pas avoir à le faire. Est-ce que je pourrais, M. le Président, moi aussi, profiter du silence?

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.


Document déposé

M. Landry: Bon. Alors, l'opposition, que j'invitais à réfléchir, si elle en est capable, parce qu'elle m'a interrompu pendant que je leur faisais cette demande au nom de l'intérêt public...

Si nous avons besoin d'un amendement législatif, comme la Commission d'accès à l'information l'a laissé entendre et comme je le considère sérieusement moi-même – il me manque quelques avis avant d'aller au Conseil des ministres – j'espère que l'opposition officielle supportera activement cet amendement de façon à ce que les contrats puissent être réactivés rapidement et que nul citoyen ou citoyenne du Québec n'en souffre. Et je dépose la liste.

Le Président: Il y a consentement pour le dépôt du document? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, bien que ça n'avait pas d'affaire avec la question posée.

Le Président: Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je répète ma question: Qui dit vrai, le nouveau ministre du Revenu ou le président du Conseil du trésor? L'un nous dit que le ministère du Revenu est prêt à 100 % en date du 31 mars 1999 – il y a un mois et demi – et le nouveau ministre du Revenu nous dit que le bogue de l'an 2000, il bogue encore dans son ministère puis qu'il ne sera pas prêt. Qui dit vrai, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Si l'opposition avait pris le temps de lire. C'est vrai qu'il ne faut pas les bousculer trop, là, ils n'ont peut-être pas suivi de cours de lecture rapide, mais... Il y a un contrat qui touche justement la problématique de l'an 2000. Et je précise que ces contrats incluent notamment ceux relatifs au passage du ministère du Revenu à l'an 2000, mieux connu sous le nom de bogue de l'an 2000, et un autre contrat de récupération de timbres que j'ai mentionné l'autre fois. Oui, effectivement, mais il faut justement... Le ministère est prêt à condition que les équipes soient là, que les personnels soient en place et qu'ils soient dans la maison.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le vice-premier ministre, en terminant.

M. Landry: M. le Président, ils ont parlé de pingouins, mais, moi, je sais bien où sont les vilains. S'ils voulaient me laisser répondre!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Le ministère est prêt, comme les pompiers sont prêts à répondre à une alerte, à condition que les pompiers soient dans la caserne. Là, avec ces contrats-là, on a été obligé d'en sortir un certain nombre. Il faut qu'ils rentrent au plus vite, et c'est pour ça qu'on va demander la collaboration de l'opposition.

Le Président: Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que le nouveau ministre du Revenu ne réalise pas qu'il est en train de nous dire que le président du Conseil du trésor, qui nous donne des informations à caractère officiel, c'est, en réalité, des rapports virtuels et que le ministère du Revenu n'est pas prêt parce qu'il n'a pas les ressources pour répondre à la demande des travaux du bogue de l'an 2000?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, l'avancement de nos travaux quant aux activités essentielles dans les ministères est de 95,1 % au 31 mars. C'est d'ailleurs sur le site Internet du Conseil du trésor du gouvernement.

Une voix: Elle est bien informée.

M. Léonard: Nous avions planifié 78 290 jours-personnes à l'ensemble du gouvernement, et il en restait à faire, au 31 mars, 3 839. Il reste 5 % des travaux.

M. le Président, je pense qu'il est important de voir que, même d'ores et déjà, il y a beaucoup de travail de fait, de ministères qui ont terminé leurs travaux. Je n'ai pas la liste ici, mais il n'y avait aucune indication que le ministère du Revenu ne serait pas prêt. Et, d'autre part, je parle toujours des activités essentielles, mais, sur d'autres activités ordinaires qui n'ont pas d'impact ou qui sont moins essentielles, il se peut qu'il y ait des travaux qui ne soient pas terminés. Mais, sur les activités essentielles, je n'ai pas d'indices que le ministère du Revenu ne serait pas prêt.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull.


Transmission de renseignements par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. La semaine dernière, je demandais au ministre du Revenu de s'engager à faire la même chose que son ex-collègue du Revenu et à demander à la Commission d'accès de faire enquête dans le dossier du Bureau de la statistique du Québec. Alors, en réponse, et je le cite au texte, comme il aime qu'on le fasse: «Vraiment, on est plus vite que l'opposition. Non seulement j'ai demandé l'avis, mais j'ai reçu la réponse.» Très bien. Alors, à la lecture de la réponse, M. le Président, on constate que la lettre de M. Comeau qu'on lui a transmise, qu'on a transmise au ministre du Revenu, traite de contrats informatiques du ministère du Revenu. Nulle part dans la lettre, nulle part ne parle-t-on de sondages au Bureau de la statistique du Québec.

(14 h 40)

M. le Président, il est temps que le ministre cesse de noyer le poisson. Et peut-il s'engager aujourd'hui à demander à la Commission d'accès de faire une véritable enquête dans le dossier du Bureau de la statistique du Québec?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, j'avais affirmé, sur de bonnes informations préliminaires, que le gouvernement a été plus vite que l'opposition. Maintenant j'en ai la certitude parce que, ayant fait regarder ça de plus près, j'ai découvert une série de contrats, depuis 1991, comportant une transmission à des firmes privées d'informations du ministère du Revenu. Alors, 1990, ETI Québec, réalisation de la version annuelle et entretien du système de cotisation de l'impôt des particuliers pour une période de trois ans; 1991, Info-Conseil, mécanisation des activités de délinquance, donc des dossiers; 1992, Info-Conseil encore; 1990, Industrielle-Services techniques; 1991, Conseillers en gestion et informatique; 1991, Industrielle-Services, etc. J'en ai avec le Groupe DMR, j'en ai avec Informission, j'en ai encore avec DMR, j'en ai avec LGS et j'en ai un, en 1992, avec informatique CGI. Alors, si la même transparence avait existé à l'époque, on l'aurait su, et tout ça aurait été corrigé depuis très longtemps. Maintenant qu'on le sait, grâce largement à l'action de celle qui m'a précédé au ministère du Revenu...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bon. Très bien, là. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: M. le Président, il ne faut pas être spécialiste dans l'interprétation des rires pour savoir que ceux qu'on a entendus il y a une minute n'étaient pas un signe d'intelligence, surtout si l'on considère...

Le Président: Je demanderais à M. le vice-premier ministre de conclure, s'il vous plaît.

M. Landry: Je vais conclure, M. le Président, avec un argument que vous allez vous-même juger percutant. Nous avons modifié la Loi du ministère du Revenu en commission parlementaire. L'opposition y était, j'y étais, et M. Pinsonnault, du ministère du Revenu, M. Jacques Pinsonnault, répondant à une question, a dit: L'article, le sous-alinéa k nous permet de communiquer des renseignements confidentiels au Bureau de la statistique. Vous m'entendez bien, M. le Président? Nous avons changé notre loi. Et, plus loin, quand il est venu le temps de voter, le président, député d'Arthabaska: Est-ce que le paragraphe k est adopté? M. Gendron dit: Adopté. Je cite le texte, donc je nomme le député par son nom. Le président, Baril, Arthabaska, dit: Sur division? Il demande à l'opposition si c'est sur division. M. le député de Verdun dit: Non. Et M. le député de Nelligan dit: Non, je l'adopte. Alors, nous avons changé la loi avec votre concours et l'unanimité. Alors, pourquoi tout ce spectacle rétroactif?

Le Président: En question principale... Du côté gouvernemental, le vice-premier ministre avait le droit de parole, il a dit ce qu'il avait à dire. Maintenant, du côté de l'opposition officielle, M. le député de Chomedey.


Registre des communications de renseignements nominatifs par le ministère du Revenu


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est important de reconnaître que l'article 69k qui a été effectivement adopté à l'unanimité prévoit ce qui suit: Que le Bureau de la statistique du Québec peut recevoir une telle transmission, mais uniquement dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires à l'application de la Loi sur le Bureau de la statistique du Québec. Or, c'est écrit noir sur blanc dans le registre du ministère du Revenu que la transmission en question avait eu lieu pas pour les fins de l'application de la Loi sur le Bureau de la statistique, mais bel et bien pour la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, et de un. Et de deux, M. le Président, la semaine dernière on a reçu dépôt de la quatrième version du registre du ministère du Revenu du Québec, et le ministre vient de se lever dans cette Chambre pour nous dire: J'ai trouvé un paquet d'autres affaires, des sondages qui datent de 1991-1992.

Est-ce qu'il peut nous dire comment il se fait qu'après avoir tenu une conférence de presse pour dire: Ça y est, finalement, la quatrième version du registre que je dois, en vertu de la loi, tenir, elle est la bonne, comment ça se fait qu'aucun de ces nouveaux sondages ne figure sur le document qu'il a eu le culot de déposer en Chambre la semaine dernière?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: Un rappel de la Loi du Bureau de la statistique du Québec. L'article 13, dans mission et fonctions. Le Bureau de la statistique doit se pencher sur, je cite, «tous les aspects de la société québécoise pour lesquels de telles informations sont pertinentes».

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle là-dedans.

M. Landry: Quand on ne peut plus argumenter de façon rigoureuse, M. le Président, on émet des sons informes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Deuxièmement, M. le Président, «de collaborer avec les ministères et organismes du gouvernement pour l'exploitation de données administratives à des fins statistiques». Quant au catalogue requis – et il est requis par la loi – alors que l'opposition officielle n'a pas été capable d'en produire un en 10 ans, nous avons en quatre jours produit un tel document, et il a eu l'agrément de la Commission d'accès à l'information. Et je cite la lettre du 11 mai. D'abord, tout comme la première partie, on a déposé en partie, c'est vrai, on a collecté une information que vous aviez laissé traîner éparse dans le ministère pendant 10 ans, on l'a collectée et, tout comme la première partie, la seconde répond effectivement, dans sa forme, aux prescriptions de l'article 67.3. Voilà, M. le Président, la différence entre l'action et l'inaction et ses conséquences.

Le Président: M. le député.


Nature des informations transmises par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, ce dont il s'agit depuis un an et demi dans cette Chambre, ce sont des questions intimement reliées à un droit fondamental de tout citoyen, le droit d'avoir sa vie privée respectée lorsqu'il donne de l'information à un gouvernement. Le ministre du Revenu vient de se lever pour admettre...

Le Président: En question principale.

M. Mulcair: En question principale, M. le Président, bien entendu. Le ministre du Revenu vient de se lever en cette Chambre pour avouer que la liste qu'il a annoncée, qui était finale en conférence de presse, était incomplète parce qu'il vient d'ajouter des informations ce matin.

M. le Président, le ministre, aussi, tente de dire qu'en vertu d'un autre article de la Loi sur le Bureau de la statistique du Québec ils auraient, selon lui, le droit de recevoir transmission de toute information confidentielle pourvu que ça ait trait avec l'analyse statistique de l'État du Québec. M. le Président, rappelons que, dans le cas précis qui nous occupe, ils ont transmis des choses aussi spécifiques que la catégorie de revenus en dessous ou au-dessus du seuil de faibles revenus.

M. le Président, je veux demander au ministre du Revenu s'il est conscient que c'est par sa désinvolture vis-à-vis de ces questions essentielles de droit fondamental à la vie privée, commençant avec le projet de loi n° 32 qui a percé une brèche importante, qui était jusque-là présente... des murs qui séparaient les différents ministères et organismes, est-ce qu'il réalise que, ça, c'est l'aboutissement logique? Il ne respecte pas le droit des citoyens d'avoir une vie privée.

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Des deux désinvoltures les plus graves que j'ai vues dans cette Chambre, l'une est une désinvolture et l'autre une quasi-désinvolture, elles sont le fait de l'opposition officielle. La première désinvolture, c'est de laisser entendre, comme le député vient de le faire, que des renseignements personnels ont fui et qu'il y a eu des fuites. Dans aucun cas...

Une voix: ...

M. Landry: Dans aucun cas il n'y a eu de fuites. Que des procédures n'aient pas été parfaitement respectées, cela a été admis, et ça durait depuis 1985. Mais c'est de la désinvolture et c'est le fait d'ameuter inutilement les populations à des fins partisanes que de laisser entendre qu'il y a eu de l'information qui a fui. Et la deuxième désinvolture ou quasi-désinvolture, c'est quand une députée de cette Chambre a voulu déposer, en vous demandant la garde, des informations dont elle avait dit elle-même que c'étaient des renseignements personnels. Là on l'a échappé belle, cette fois-là, mais pas dans ce qui s'est passé au ministère du Revenu sous l'administration de ma collègue ou sous la mienne.

(14 h 50)

Le Président: M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre du Revenu réalise que, dans la quatrième version du registre qu'il a déposée ici en Chambre la semaine dernière, il est prévu, à l'item 31, Ressources du Bureau de la statistique du Québec, et c'est intéressant pour toute personne qui veut le vérifier... Comparez le contrat avec le bureau privé de statistiques SOM, qui a mené à la démission de la députée de Rosemont comme ministre, et la description ici: c'est la même chose. Elle était ministre pour SOM; il était le ministre pour BSQ.

Est-ce qu'il est en train de nous dire qu'il n'y a rien de privé ni de confidentiel lorsqu'on donne, sur des milliers de payeurs de taxes, le type de clientèle, créancier ou débiteur, la catégorie de revenus, en dessous ou au-dessus du seuil de faibles revenus, langue française ou anglaise, nom, prénom, adresse, téléphone de résidence, téléphone de travail, sexe? Ça, ce n'est pas des renseignements qui appartiennent au public? Ça, ça devrait nécessairement transiter d'un ministère à un autre sans aucun garde-fou, parce qu'il y a un article de portée générale au début de la Loi sur le Bureau de la statistique du Québec qui dit que ça existe pour monter des idées statistiques sur le Québec? Il dit que tout ça, dorénavant, ça va être transmis. C'est ça, le genre de société dans laquelle il veut que l'on vive? On veut une réponse, M. le Président!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Il y a peut-être des déclarations ministérielles, mais il va falloir inventer un nouveau terme pour «déclarations oppositionnelles», au genre de questions... À la vitesse du débit, en plus, ça en fait plus, M. le Président. Il a pris beaucoup de temps puis il a parlé très, très, très vite, et c'est dans son intérêt qu'on n'ait pas tout compris ce qu'il a essayé d'insinuer.

Je redis, M. le Président – et il ne me prêtera pas de paroles: C'est nous qui avons eu l'honneur de voter la loi d'accès à l'information, nous, notre formation politique. C'est nous qui avons eu l'honneur de modifier les lois du ministère du Revenu, en présence du commissaire ou des commissaires, et avec le plus grand soin, et ils ont été entraînés à voter avec nous parce qu'ils en ont compris le bien-fondé et le bon sens.

Il y a des informations nominatives dans les États modernes. Il y en a à Ottawa, là – on voit ce qui se passe ces jours-ci – il y en a dans tous les pays du monde. Elles doivent être traitées avec le plus grand soin. La société québécoise, au cours des 20 dernières années, a fait d'énormes progrès. Elle n'est pas parfaite, mais, si on veut nous laisser un tant soit peu continuer l'action entreprise depuis quelque temps, nous allons nous rapprocher de cette perfection. Si ce n'est pas encore parfait après, on travaillera encore plus fort. Mais on ne laissera pas entendre que l'État du Québec ne traite pas de façon sérieuse, depuis les 20 dernières années, les renseignements personnels.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Chomedey.


Responsabilité du vice-premier ministre dans la transmission de renseignements nominatifs par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, lors de sa conférence de presse de jeudi, dans une de ses envolées classiques...

Une voix: Oratoires.

M. Mulcair: ...oui, c'est ça, une de ses envolées oratoires classiques, le ministre du Revenu, dans une de ses fabulations classiques, s'était vu comme un «damage evaluation officer» de l'armée. C'est comme ça qu'il se voyait, et le terme en anglais est de lui, qu'il était là un peu comme un général de l'armée puis qu'il allait dire aux gens comment faire. Est-ce que ce brave soldat peut nous dire pourquoi, comme meneur de ses troupes, il a envoyé au front la députée de Rosemont? Il a dit que c'était la chose noble à faire, alors qu'elle a effectivement fait comme a demandé mon collègue le député de Hull, un avis formel de la Commission d'accès à l'information là-dessus, pas sur d'autre chose? Est-ce que le général Patton de Verchères peut nous dire pourquoi il n'a pas fait la même chose?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: Alors, sur une question de règlement, M. le leader.

M. Brassard: Bien, écoutez, les comparaisons militaires sont inappropriées en cette Chambre, même si le député de Châteauguay s'agite sur les barricades.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, ce n'était évidemment pas une question de règlement. M. le vice-premier ministre, une dernière réponse.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je crois que le député est allé trop loin en me prêtant des paroles et en tenant des propos qui sont inqualifiables. Et je n'aime pas non plus élever la voix, mais, quand on pousse trop loin, je vais répondre. Parce qu'il a parlé de vocabulaire militaire, j'ai quelques munitions. Un juge de la Cour d'appel du Québec a dit de M. Thomas Mulcair...

Des voix: ...

M. Landry: Qu'on me laisse parler!

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre, je pense que vous savez – vous avez suffisamment d'expérience – que, d'abord, nos règlements interdisent de nommer un collègue par son nom, d'une part. Et je vous inviterais par ailleurs – je crois que vous comprenez le sens de nos règlements – à éviter de tomber dans des propos qui seraient...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre, je suis convaincu d'avoir votre collaboration. En fonction de nos règles, s'il vous plaît.

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: Un instant.

Des voix: ...

Le Président: Alors, aujourd'hui, s'il y avait un peu moins de gérants d'estrade, ce serait plus facile pour la présidence de faire son travail. M. le leader du gouvernement, M. le leader de l'opposition officielle par la suite, sur des questions de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Bien, enfin, M. le Président, je voudrais savoir en vertu de quelle règle de notre règlement ou de la jurisprudence du règlement, en vertu de quelle disposition il est interdit en cette Chambre de citer un jugement public d'un tribunal. La députée de Bonaventure, depuis des semaines, ne cesse de citer le jugement de Mme la juge Rousseau sur la ligne Hertel–des Cantons, ce qui est tout à fait... Je ne m'en offusque pas, là, c'est un jugement, il est public. Alors, je ne vois pas pourquoi, dans le cas présent, le ministre des Finances, on lui interdirait de citer un jugement d'un tribunal.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, sur une autre question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Deux éléments, M. le Président. Je ne pensais pas avoir à rappeler à un parlementaire d'expérience comme le leader du gouvernement la règle de la pertinence en cette Chambre. Deuxième élément, le vice-premier ministre et nouveau ministre du Revenu a commencé son intervention en indiquant qu'il y avait des choses inadmissibles qui s'étaient produites; je reprends à peu près ses propos. À ce moment-là, le vice-premier ministre a suffisamment d'expérience parlementaire. Il connaît – et, s'il ne les connaît pas, il peut vérifier auprès de son leader – les dispositions des articles 66 et suivants et l'enclenchement possible de la commission de l'Assemblée nationale du Québec en vertu des dispositions des articles 317 et suivants. Si M. le vice-premier ministre veut tirer l'affaire au clair, qu'il aille jusqu'au bout et qu'il invoque les dispositions de ces articles.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, notre règlement, qui existe depuis fort longtemps et qui s'appuie sur une jurisprudence qui est encore plus ancienne que le règlement lui-même et une tradition parlementaire, n'a pas pour objectif de faire en sorte que les débats ne soient pas vigoureux. Mais, au-delà de la vigueur des débats et des attaques que les débats peuvent amener de part et d'autre, il y a, malgré tout, les dispositions du règlement. Et, quand on dit clairement dans notre règlement qu'on ne peut se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit, il revient à la présidence, dans chacune des situations particulières, non seulement de rappeler les membres à l'ordre, mais parfois de rappeler qu'on a enfreint le règlement. En l'occurrence, j'ai invité le vice-premier ministre à la prudence, et c'est tout ce que j'ai fait à ce moment-ci. M. le vice-premier ministre.

(15 heures)

M. Landry: M. le Président, c'est facile à vérifier, ces conférences de presse sont enregistrées. Le député de Chomedey m'a prêté des paroles, il a parlé d'affabulation, ce qui est un mot injurieux qui implique le mensonge ou la déraison. Ce sont des propos injurieux.

M. Paradis: M. le Président.

M. Landry: Dans sa question...

M. Paradis: M. le Président, question de règlement...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, oui, le mot «fabulation» a été utilisé par le député de Chomedey. C'est le même mot qu'a utilisé la ministre de la Justice la semaine dernière en cette Chambre, et à ce moment-là la présidence a jugé que c'était parlementaire.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Ça peut être parlementaire quand c'est vrai, M. le Président.

Des voix: Ah!

M. Landry: Quand on dit...

Le Président: Je pense que tout le monde conviendra que, s'il fallait à chaque occasion interdire tous les propos qu'on utilise, il n'y aurait pas grand-chose qui se dirait à l'Assemblée. Ceci étant, je crois que les dispositions du règlement sont claires, et on n'a aucun intérêt, ni de part et d'autre, à s'acharner sur des choses qui, finalement, ont comme objectif de blesser personnellement un adversaire politique. Alors, je vous demande, de part et d'autre, de comprendre le sens du règlement. Le sens du règlement, c'est qu'il n'est pas interdit de faire des débats vigoureux, mais on s'interdit, au niveau du code d'honneur de l'Assemblée, de faire sciemment une blessure verbale à un adversaire politique. C'est ça, le sens du règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je veux bien comprendre, M. le Président, votre interprétation du règlement. Est-ce que ça signifie qu'un honorable juge, président d'un tribunal, a tenu à l'endroit du député de Chomedey des propos violents et injurieux alors qu'il a reconnu que ce dernier faisait des procès d'intention, ce qu'il fait régulièrement en cette Chambre?

Le Président: M. le leader du gouvernement, je pense que vous êtes, vous aussi, un des vétérans de l'Assemblée et un habile parlementaire et je crois que vous savez très bien que, vous non plus, vous ne pouvez pas faire indirectement ce que vous ne pouvez pas faire directement. Alors, en l'occurrence, dans les échanges et dans la vigueur des propos, il est évident qu'à chaque jour, sinon à chaque débat, il y a des attaques qui sont portées contre des vis-à-vis. L'objectif du règlement et le sens du règlement, c'est de faire en sorte que ces attaques portent sur le fond des choses, sur les contenus et non pas sur les individus.

Et, en l'occurrence, on peut bien faire des analogies de temps à autre, ce que j'ai fait, j'ai demandé au vice-premier ministre, qui s'apprêtait à faire une intervention, d'être prudent et de respecter l'esprit du règlement. Connaissant son sens de l'honneur, je suis convaincu qu'il va se conformer aux dispositions du règlement. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Effectivement, M. le Président, vous me faites beaucoup d'honneur en faisant allusion à mon sens de l'honneur, et c'est justement à cause de ce sens de l'honneur que je ne peux accepter que le député de Chomedey, dans des attaques sur le fond qui sont tout à fait légitimes... Et on est ici pour répondre, et j'ai répondu pendant 45 minutes l'autre fois, puis je répondrai aussi longtemps que vous voudrez. On est ici pour répondre. Ça, ça va, M. le Président, on a été élu pour ça. Mais ce qu'il a fait dans sa question, ça n'avait rien à voir avec la recherche de la vérité, il voulait blesser, il a...

M. Paradis: ...il y a des dispositions, là.

M. Landry: Il a travesti...

Le Président: Sur une question de règlement.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que vous auriez l'obligeance de rappeler au vice-premier ministre, ministre du Revenu, les dispositions des articles 66 et suivants. Il tente de faire indirectement ce qui est clairement prévu et dont un parlementaire peut se prévaloir correctement à l'Assemblée nationale, une question de droit et privilège, sauf que, s'il la fait correctement, ça peut avoir des conséquences. Il veut, encore une fois, éviter les conséquences de ses gestes.

Le Président: En terminant, M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Si je voulais éviter les conséquences de mes gestes, M. le Président, je n'aurais pas choisi ce métier que je respecte et qui implique qu'on vive avec les conséquences de ses choix. Et je dis que le député de Chomedey, dans sa question, tout le monde l'a entendu – c'est facile à vérifier, les conférences de presse sont enregistrées, il y a un système d'enregistrement mécanique avec un préposé, c'est facile de comparer les textes – il a travesti mes paroles. M. le Président...

Le Président: M. le vice-premier ministre, vous comprendrez qu'à ce moment-ci, quand vous indiquez que le député de Chomedey a travesti vos paroles, vous présumez que la présidence serait en mesure d'abord de connaître ce qui a été dit, d'avoir le texte de votre déclaration en conférence de presse devant ses yeux et de pouvoir faire la comparaison si, oui ou non, le député de Chomedey a cité correctement ou non. La présidence, à ce moment-ci, n'est pas en mesure de le faire. Ce que je vous demande, c'est que peut-être avez-vous considéré, à juste titre, je n'en ai aucune idée, que le député de Chomedey vous avait mal cité ou mal interprété. Je vous demande de pouvoir rectifier votre point de vue sans nécessairement prêter au député de Chomedey des intentions et le blesser inutilement. C'est tout ce que je vous demande.

M. Landry: Le député m'a mal cité, je le redis. Comme la bonne foi se présume, il a droit, même lui, à ce qu'on présume de sa bonne foi. Je la présume, et, comme vous avez fait un appel à la paix et à l'honneur, je vais me contenter, sur cette question, de ce que mon leader a déjà très bien dit. Merci, M. le Président.

Le Président: Très bien. Merci, M. le vice-premier ministre. La période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui. Mmes et MM. les députés, le travail n'est pas pour autant terminé.


Motions sans préavis

Alors, il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, mais il y a une motion sans préavis. Mme la whip en chef du gouvernement et députée de Terrebonne.


Remplacer Mme Diane Barbeau par Mme Rita Dionne-Marsolais à la commission de l'administration publique

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion, conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, afin de procéder à un remplacement permanent dans la composition de la commission de l'administration publique:

«Que Mme Rita Dionne-Marsolais, députée de Rosemont, remplace Mme Diane Barbeau, députée de Vanier.»

Le Président: Très bien. Est-ce que la motion est adoptée? Ça va, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Paradis: Simplement une vérification, M. le Président. Si on veut suspendre 30 secondes que j'effectue une vérification, à savoir si les consentements ont été échangés de part et d'autre.

Le Président: Alors, on peut suspendre quelques instants, le temps de faire cette vérification. La séance est suspendue quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

(Reprise à 15 h 11)


Mise aux voix

Le Président: Nous reprenons la séance. Alors, M. le leader de l'opposition officielle, la motion de Mme la whip en chef du gouvernement est adoptée? Adopté.

Alors, Mme la whip, la motion est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. D'abord, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que le commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 2, Loi sur la réforme de la comptabilité gouvernementale; le projet de loi n° 9, Loi sur Financement-Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la Louis-Joseph-Papineau;

Et que la commission de l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières relativement à la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998, aujourd'hui, de 15 h 30 à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 19 mai 1999, de 10 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture va se réunir demain, le mercredi 19 mai, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement, afin d'entreprendre les consultations particulières dans le cadre du mandat d'initiative sur le bogue de l'an 2000.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique va se réunir demain également, le mercredi 19 mai, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de la séance est d'entendre le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux sur les services préhospitaliers d'urgence au Québec, conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je viens d'apprendre que la motion du mercredi qui émane de l'opposition officielle va porter sur la Régie de l'énergie. Alors, je m'étonne, l'opposition sachant que je n'ai pas le don d'ubiquité et que je suis en commission parlementaire. Même si l'opposition a décidé de quitter la commission, la commission poursuit ses travaux toute la semaine. Alors, je m'explique mal, là – c'est certainement de propos délibéré – qu'on ait présenté une motion du mercredi qui m'implique, évidemment, comme ministre, sachant très bien que je suis conscrit, en quelque sorte, dans une commission parlementaire.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le leader du gouvernement est toujours libre de s'autoconscrire là où il souhaite s'autoconscrire.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je comprends que c'est tout à fait délibéré et planifié de la part de l'opposition officielle. J'en prends bonne note.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, on ne peut pas prétendre au même niveau de planification que du côté gouvernemental, compte tenu des ressources qui sont à notre disposition.

Le Président: Écoutez, à cet égard-là, la présidence ne peut que constater. Alors, effectivement, je vous informe que demain, comme vient de l'indiquer le leader du gouvernement, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, va être débattue la motion de Mme la députée de Bonaventure. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

Je vous rappelle également que, conformément à l'entente intervenue entre MM. les leaders, le débat de fin de séance concernant la question du député de Châteauguay à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux sur le centre hospitalier Anna-Laberge a été reporté à la fin de la séance d'aujourd'hui, et que ce débat ne sera pas comptabilisé aux fins de l'application de l'article 312 de notre règlement.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions ou interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 14 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 34


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil.

Je suis prêt maintenant à recevoir une autre intervention. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, je vous prierais, compte tenu que j'ai commencé mon intervention avant l'ajournement des travaux, de m'indiquer combien de temps il me reste dans mon droit de parole.

Le Président: Nous allons vérifier ça immédiatement, à la table. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

(Consultation)

Le Président: Ah bon. D'accord. Alors, il vous reste, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, 11 minutes. D'accord?

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je comprends que c'est trop long pour le ministre de la Solidarité sociale, mais il sera condamné à m'écouter, ou à ne pas m'écouter, pendant la période de mon intervention pareil.

M. le Président, je disais, avant l'ajournement de nos travaux, que, sous beaucoup d'aspects, le projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, ne corrige pas l'interventionnisme de l'État, un interventionnisme, quant à moi, qui est trop lourd, qui est démesuré. On peut comprendre peut-être la volonté soit du directeur de l'état civil ou de la Procureur général du Québec de vouloir protéger les enfants contre des noms qui risquent de leur porter préjudice, qui risquent de les exposer à du ridicule, mais je pense que le gouvernement va trop loin.

Dans le cas du choix des prénoms, quant à moi, M. le Président, c'est essentiellement la responsabilité des parents. Je comprends, le député de Champlain a voulu assimiler d'une certaine façon le projet de loi n° 34 à des mesures de protection de la jeunesse, mais il faut être réaliste. Il est vrai que le gouvernement intervient quand la santé de l'enfant est à risque, son développement intellectuel est à risque, son développement peut-être même social est à risque, mais, de là à dire que nous avons besoin de mesures assez fortes pour contraigner le choix des prénoms à des parents, ça m'apparaît démesuré, d'autant plus...

Parce que ça, ce n'est qu'un volet évidemment du projet de loi. Il y a le deuxième volet auquel je faisais référence avant l'ajournement de nos travaux vers midi, qui est l'obligation d'utiliser l'alphabet français dans la transcription des noms. Ça peut faire en sorte, entre autres, tel qu'exposé par d'autres collègues, que le nom Tomás, avec un accent aigu sur le a, sera rejeté par le directeur de l'état civil et qu'une famille, mettons, portugaise – parce que c'est un nom assez commun des gens issus de la communauté portugaise – pourrait être traînée en cour par le Procureur général du Québec pour avoir mis un accent aigu sur le a. Il me semble qu'on tombe un peu dans le dirigisme absolument excessif de la part d'un gouvernement.

L'autre exemple utilisé, évidemment, M. le Président, c'est le tilde sur le n en espagnol. Par quelle logique est-ce que le gouvernement actuel veut interdire l'utilisation de ces types de sigles ou d'accents non habituels dans la langue française pour, semble-t-il, vouloir protéger l'enfant? Mais, dans ce cas-là, semble-t-il, l'explication donnée par le gouvernement, c'est que le système informatique du registre de l'état civil ne peut pas prendre en considération des accents aigus sur un a dans le nom Tomás, ça coûterait trop cher. Ça coûterait cher au gouvernement de vouloir changer ces systèmes-là. Là, encore une fois, je pense qu'on va avec des mesures absolument démesurées.

So, Mr. Speaker, in particular, that specific item in the bill that requires that the children's names – first names – be drawn up in signs that form part of the writing of the French language. I'll just quote the article, Mr. Speaker: «Where a name contains characters or diacritical signs that are not part of the alphabet used for the writing of French, a transcription must be produced – which is fine, Mr. Speaker – and substituted for the original form of the name in the computerized copy of the register and on copies of acts, certificates and attestations.»

(15 h 20)

And so, Mr. Speaker, a transcription or transliteration, I think, is quite appropriate because there are of course languages that do not use a latin alphabet, and the example I mentioned earlier, Mr. Speaker, is Hebrew, of course, and Chinese, Mandarin, Cantonese, a number of Middle-Eastern languages, of course, for whom, either English speakers or French speakers, it would be impossible to pronounce the name or read the name of the individual.

And, Mr. Speaker, therefore, to require a transliteration of that name, I think, is appropriate. But again, to limit it to the alphabet of the French language seems to me disrespectful of members of our cultural communities who make use of diacritical marks that are not common in the use of French, and I just don't quite understand, Mr. Speaker, why this government would feel compelled to limit the transcription of these types of names. The registry of these types of names to the alphabet used for the French language strikes me as being somewhat chauvinistic in it's approach, Mr. Speaker. You know, that to put the acute accent on an a in the name Tomás somehow this concerns this government, I'm not quite sure why. It doesn't strike me that the world is going to stop turning because we allow an acute accent on an a in the first name Tomás or Tomás in Portuguese. So, fundamentally, we, on this side of the House, believe that this bill, although it does tend to reduce to some extent the intervention of the State in the naming of children, both as their first name and, of course, a choice of composite names, family names, it doesn't go far enough. It still leaves too much power in the hands of the Director of Civil Status, Civil Register, and too much power in the hands of the Attorney General, Mr. Speaker.

I'll just close by giving the example, as I did earlier, of my own son whose first name is Romney, R-o-m-n-e-y, which is a name not usually heard even in English, Mr. Speaker. It's very rare. It happens to be my late mother's maiden name, her family name, which we transposed into a first name for my son. I've never met another child named Romney and I wonder if, according to that criteria used by this government, perhaps whether the Director of the Register of Civil Status would look at the name Romney and decide that this might expose my child to ridicule and, therefore, there would be some dispute over whether that name could be used. I would find that, of course, as one could understand, Mr. Speaker, unacceptable. And, even to have to justify to the Director of Civil Status, the Registrar of Civil Status and, ultimately, to the Attorney General of Québec, the choice that I might have for my children's names strikes me as – if you'll pardon the expression – illiberal in a Western democracy.

And so, Mr. Speaker, we will oppose these particular provisions of the Act that we find to be too restrictive, that permit too much State intervention in the choice of what is essentially, fundamentally, the choice of parents: names, Mr. Speaker, names for their children, it is fundamentally the responsibility of parents to choose their names for their children, and I think, ultimately, we have to rely on their good sense of responsibility to ensure that their children are appropriately named.

Alors, pour ces raisons, M. le Président, l'opposition va s'opposer à l'adoption en admettant qu'il y a certaines améliorations, mais que ça ne va pas assez loin dans le but de réduire le rôle de l'État, l'intervention de l'État dans le choix de quelque chose qui, quant à moi, est excessivement personnel et relève d'une responsabilité familiale, c'est-à-dire le choix des prénoms pour les enfants. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et critique officiel de l'opposition en matière de famille et d'enfance. Nous cédons maintenant la parole à M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 34 est un projet de loi qui, sous des aspects banals d'amélioration ou de normalisation de l'état civil québécois, interpelle certains aspects fondamentaux, et en particulier celui du droit du choix d'un père et d'une mère de donner à leur enfant le prénom qu'ils jugent devoir lui donner. Bien souvent, M. le Président, les gens vont choisir des prénoms qui ont un rapport avec la famille. On va choisir le prénom du grand-père, de l'arrière-grand-père, de la grand-mère pour une fille, afin de continuer une filiation non seulement basée sur le nom, le patronyme, mais aussi basée sur le nom usuel par lequel cette personne ou ce personnage était connu.

Alors, c'est un peu ce que nous avons connu, M. le Président, et ce que nous connaissons ici, au Québec, depuis des siècles. Cela était en effet basé sur le Code civil français tout d'abord, mais aussi sur cette tradition française qui date du temps du royaume de France et qui a été mise dans les textes législatifs au moment de la Révolution française, si mes souvenirs sont exacts. Et, même en France, je crois que seulement depuis deux ou trois ans, ou quatre ans, cette disposition a évolué, car, à ma connaissance, on continuait, bien sûr, de prendre le prénom des enfants... on a recours aux ancêtres, on a recours aux grands-parents, aux arrière-grands-parents ou à des frères, à des oncles décédés dans des circonstances malheureuses, à la guerre ou par maladie, et envers lesquels la famille avait un attachement sentimental particulier. Et on sait en particulier que, lors de la dernière Guerre mondiale, les gens avaient pour habitude de nommer un des fils ou une des filles de leurs enfants du prénom d'un des leurs qui était décédé à cette guerre. C'était pareil à la dernière guerre de 1914-1918.

Bon. Le monde a évolué, M. le Président, et lorsqu'il n'y avait pas ces dispositions-là, on avait recours simplement au bon vieux calendrier. Je ne sais pas si, encore dans notre société, particulièrement pour les jeunes qui nous regardent, il y en a aujourd'hui, mais les plus âgés, peut-être, se souviennent de ça, M. le Président, ce bon vieux calendrier où à chaque jour il y a un saint. Alors, on commençait au 1er janvier pour terminer au 31 décembre, et c'est comme ça que nous retrouvons des Noël, des Bastien, des Jean, des Pierre, parce que le jeune homme ou la jeune fille – ou des saintes, des Anne – était né le jour du calendrier où il y avait la fête de ce saint-là. C'était aussi une autre manière.

Ou alors, simplement, les gens regardaient dans le calendrier, entre eux, puis ils choisissaient un prénom pour leur enfant, qui correspondrait à ce à quoi ils pensaient que l'enfant devrait correspondre; peut-être parce qu'ils avaient une attirance particulière pour tel saint ou tel autre saint, sainte Anne, par exemple, ou beaucoup de Jean, à cause de saint Jean-Baptiste, probablement. Même au Québec, ici, on me dit qu'une vieille tradition religieuse s'appliquait à l'effet que tous les garçons devaient se nommer Joseph et toutes les filles Marie. Une tradition, on dirait, M. le Président, absente du vieux continent, mais qui, quand même, ici, démontrait cet attachement aux racines et à la société religieuse qui était celle qui régissait les rapports non seulement civils, mais moraux aussi, et humains, entre les Québécois et les Québécoises.

(15 h 30)

Bon. Notre société a évolué, certes. Force est de constater, M. le Président, qu'après les pays européens qui ont connu une immigration assez forte de différentes parties du monde, le Québec, depuis une trentaine, une quarantaine d'années, a été touché lui aussi, surtout depuis une quinzaine d'années, par des vagues d'immigration qui viennent d'autres continents, d'autres régions. Et là, M. le Président, on se retrouve devant une situation un peu particulière parce que ces gens ont, bien sûr, de la descendance, des enfants, et ils n'ont pas forcément envie de les appeler Jean, ou Baptiste, ou Julien, ou Michelle, ou Marie, ou Caroline, et je ne sais quels prénoms que nous utilisons. Ils veulent garder des noms comme Tran Van, comme... J'ai dans ma circonscription une famille d'Africains dont le jeune garçon s'appelle Dowdow. Alors, nous, au Québec, si tu t'appelles Dowdow, on pourrait le traduire D-o-u-d-o-u; dans leur cas à eux, c'est D-o-w-d-o-w. Bon. Alors, M. le Président, nous sommes confrontés à ce genre de situations. Il est vrai que nos systèmes... D'abord, nos systèmes, nos fonctionnaires, nos employés civils ont été un peu surpris, un peu désorientés, peut-être, et ont une tendance, peut-être, à avoir de la difficulté à retransmettre ça dans les fichiers de l'état civil, d'autant plus que, l'informatique s'en mêlant, nous nous retrouvons dans une situation où le nôtre a été fait, il est vrai aussi, à base de l'alphabet romain, de l'alphabet latin, celui qui est utilisé, bien sûr, dans notre sphère de culture.

Alors, notre gouvernement se retrouve devant des situations qui semblent phénoménales et décide de déposer un projet de loi pour remédier à ça. Alors, M. le Président, à l'habitude technocratique gouvernementale qui nous caractérise depuis peut-être une trentaine ou une quarantaine d'années, on y va, et on décide de rationaliser, et, bon, on dit: Voilà, maintenant, les noms qui seront inscrits devront correspondre à tel critère, tel autre critère, tel autre critère, et là on gomme, ce faisant, en normalisant ces prénoms, on gomme ou on va gommer toute l'appartenance, toute l'identité que nos nouveaux compatriotes québécois, dans notre pays, ici, qui viennent d'autres pays, eh bien, aimeraient garder. Alors, c'est une réponse technocratique à un problème humain. Il est vrai que ça peut coûter cher. Il est vrai que changer un système informatique pour pouvoir adapter, ça coûte de l'argent, c'est vrai. Mais est-ce que le rôle de l'État n'est pas de s'adapter aux citoyens plutôt que d'adapter les citoyens à l'administration? Moi, je crois personnellement que le rôle de l'État n'est pas de régir dans tous ses détails, dans tous ses moindres recoins la vie, la culture et l'identité que les gens veulent se donner ou, au contraire, ont acquise au fur et à mesure de leur évolution ou de leur culture depuis des siècles. Au contraire, le rôle de l'État est de faire en sorte de valoriser ça, d'en profiter et de faire en sorte que la société dans son ensemble s'en retrouve gagnante, tout en préservant, bien sûr, le droit des gens qui sont dans cette situation-là.

Alors, M. le Président, ce projet de loi, malheureusement, ne rencontre pas les critères de l'opposition. Mes collègues ont eu l'occasion de le mentionner à plusieurs reprises, et je crois que le gouvernement pourrait lui-même d'ailleurs se pencher là-dessus – on sait qu'il y a dans ce projet des ministres qui sont confrontés à ce genre de phénomènes dans leur région, dans leur circonscription électorale, des phénomènes où il y a de fortes densités ou des densités assez importantes de Québécois d'autres origines qui écrivent leur prénom avec des orthographes différentes, avec des accents différents – et trouver en sorte que le miracle de l'informatique puisse remédier à ça sans qu'on fasse un projet de loi pour éviter d'avoir à faire le miracle de l'informatique. On dit que l'informatique est au service de l'homme, au service de l'humain. Eh bien, si c'est vrai, nous avons là une belle occasion d'en faire la démonstration. On dit qu'au Québec nous avons les meilleurs spécialistes dans ce domaine, et c'est vrai et je le crois. Alors, on ne fait pas, en plus, un changement... On parle de 1 000 000 $. J'ai lu quelques notes explicatives, des documents qui m'ont été transmis d'ailleurs gracieusement par le ministère, et on ne parle pas d'un transfert pour 1 000 000 $ pour une année, on parle de mettre à point, de faire un système qui va inscrire l'état civil pour les décennies qui viennent, parce qu'on ne reverra pas ça avant 10, 15, 20, 30, 50 ans. Et, lorsqu'on voit l'évolution de l'immigration au Québec, force est de constater que ce ne serait peut-être pas une somme si mal investie que ça. Bon.

En plus, ça serait dans la tradition des Québécois et des Québécoises, parce qu'on parle là d'accents, on parle de langues étrangères. Personne ne demande qu'on écrive en alphabet étranger, bien sûr, le prénom de quelqu'un. Il est évident qu'il doit être inscrit et écrit dans la langue, dans l'alphabet qui est celui qui est parlé. Je ne crois pas qu'on doive écrire en alphabet cyrillique ou qu'on doive écrire, M. le Président, en langue arabe, des prénoms. Il faut que, bien sûr, tout le monde puisse les lire et les prononcer. Ce n'est pas de ça dont il est question. Il est question de certaines manières d'inscrire, d'écrire, de ponctuer ces prénoms. Bon.

Alors, au Québec, nous avons déjà montré le champ, M. le Président. Quand je suis arrivé... Moi-même qui, d'ailleurs depuis bientôt 30 ans, suis arrivé d'une autre sphère de culture ou de tradition, j'ai été surpris, de voir qu'on avait ici l'évolution, qu'on avait ici l'imagination de nommer des enfants par des prénoms que nous n'osions même jamais envisager de l'autre côté de l'Atlantique, dans la vieille Europe, en France. C'est comme ça que j'ai découvert, lorsque je suis arrivé ici, dans le début des années soixante-dix, des Marie-Soleil, des Neige, des prénoms somme toute assez romantiques mais qui, au départ, pouvaient choquer l'Européen que j'étais et qui, lui, avait été éduqué, élevé dans les prénoms du fameux calendrier catholique et religieux.

Alors, si on l'a déjà fait, M. le Président, pourquoi ne pas permettre, pourquoi ne pas faire preuve du même genre d'ouverture d'esprit en ce qui concerne l'écriture de prénoms, authentiques ceux-là, mais qui viennent d'une autre culture, à condition bien sûr de les écrire dans la langue, dans l'alphabet que tout le monde peut comprendre? Quand même on les prononcerait ici à la manière québécoise, eh bien, ils seraient écrits pour ces familles-là, pour ces gens qui veulent identifier parfois un grand-père, une grand-mère, un oncle mort sur un champ de bataille, un poète de leur pays ou un historien, un libérateur, un penseur. Eh bien, pour eux, ça a une importance. Je ne comprends pas que le gouvernement n'ait pas vu ça. Je crois que le gouvernement pourrait se montrer là plus progressiste. Il le fait dans certains domaines. On voit qu'il y a des lois qui ne font pas l'unanimité au Québec, qui ont été déposées en cette Chambre, mais que les Québécois, dans leur acceptation globale et leur générosité et leur ouverture d'esprit envers la société et ses changements, sont prêts à accepter. Alors, là, pourquoi tomber dans le rigorisme contraire en ce que ça concerne? Serait-ce parce que c'est là des prénoms de gens qui sont immigrants? Je ne le crois pas. Personne ne me fera croire qu'il peut y avoir des gens dans le gouvernement en face qui ont des idées aussi étroites que cela. Ça ne se peut pas. Donc, je crois simplement qu'on est là devant un projet de loi qui vise à peut-être éviter d'avoir à dépenser de l'argent – on parle de 1 000 000 $ dans ce projet – et qui, sous cette raison-là, vise à normaliser la culture, les traditions, je le répète, de toute une partie de nos compatriotes, nos concitoyens.

Même au niveau de l'orthographe... On y parle de l'orthographe. Je voyais encore dans le journal cette semaine, en lisant un article, qu'il y avait une Québécoise, une chercheuse de je ne sais plus trop quelle université, et son nom était Marie-Pierre. Il n'était pas écrit Marie-Pierre, M-a-r-i-e, Pierre à côté; c'était écrit Maripière, M-a-r-i-p-i-è-r-e, et ça se touchait. Disons que c'est un prénom qui a été mis dans l'état civil. Alors, pourquoi pas, M. le Président, un Thomás avec un accent grave ou un accent circonflexe, sans h en avant? Pourquoi pas? Est-ce que l'économie réalisée est si importante? Est-ce que le symbole d'identification de notre société est si compromis, autant que de ne pas le faire? Je ne le crois pas. Je crois au contraire que ce serait là un signe de maturité, d'ouverture. Parce que, si on accepte des Marie-Soleil, des Marie-Pier sans e, avec un seul r, et je ne sais combien d'autres prénoms qui ont été adaptés à notre environnement ici, eh bien, pourquoi ne pas accepter des Thomás avec des accents? Pourquoi ne pas prendre les moyens de le faire? Pourquoi ne pas avoir cette ouverture d'esprit?

Je pose les questions, M. le Président. Je pourrai en deviser longuement. Moi-même, je vous le disais, ayant été surpris à mon arrivée ici, il y a une trentaine d'années, je suis encore surpris aujourd'hui, 30 ans après, que cette évolution s'arrête, bute, chute, un peu comme une vague va se casser, cette ouverture d'esprit sur les prénoms au Québec, sur des noms à consonance étrangère, et je le déplore, et je le regrette. Je le regrette parce que je sais que ce n'est pas ça, les Québécois. Je sais que, le Québec, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça et ça ne sera jamais ça, même si certains aimeraient que ça soit ça pour pouvoir mieux peut-être se donner une image aux Québécois de gens qui n'ont pas d'ouverture d'esprit ou qui ont l'esprit assez obtus. Moi, je sais que ce n'est pas ça. Je sais que les Québécois sont des gens ouverts, des gens qui ne sont pas... Et j'en suis un témoin, j'en sais quelque chose, ça fait 14 ans que je suis député, M. le Président, et force est de constater qu'avec l'accent que j'ai je ne viens pas de quelque part d'une des régions du Québec, ce qui démontre grandement l'ouverture de l'ensemble de la population québécoise. Alors, est-ce que les élites de la population québécoise pourraient être à la hauteur de la population et faire en sorte d'ouvrir et de ne pas regarder devant, malheureusement, une petite économie pour normaliser, pour niveler l'appartenance, l'affiliation culturelle d'une partie importante de nos concitoyens actuels et futurs?

(15 h 40)

Alors, M. le Président, malheureusement, malgré qu'on cherche à améliorer certaines choses dans ce projet de loi là, l'opposition ne pourra pas en être, nous ne pourrons pas donner notre aval, donner notre appui à ce projet, et cela est fort regrettable. Et, M. le Président, peut-être que, dans une évolution future de ce projet de loi, nous verrons des changements, et ça nous permettra peut-être d'avoir une révision de notre position actuelle. Alors, pour l'instant, bien sûr, nous nous opposons à ce projet de loi là et, bien sûr, nous sommes ouverts à des suggestions et à des modifications venant du gouvernement.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Comme il n'y a pas d'autres interventions, le principe du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 13 du feuilleton.


Projet de loi n° 33


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 13 de votre feuilleton, M. le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie propose l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

Avant de vous céder la parole, M. le ministre, permettez-moi, puisque je suis requis par nos travaux d'annoncer qu'il y aura, en plus du débat de fin de séance de la semaine dernière qui a été reporté exceptionnellement à ce soir, à la fin de nos travaux, également trois autres débats de fin de séance qui vont s'ajouter à ce dernier. Le premier aura lieu entre Mme la députée de Bourassa et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la pénurie de médecins. Le second aura lieu entre le député de Hull et le ministre du Revenu concernant le dossier de la fuite de renseignements personnels et confidentiels du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec. Et le troisième débat aura lieu entre Mme la députée de La Pinière et M. le président du Conseil du trésor concernant le bogue de l'an 2000 au ministère du Revenu. Donc, ces trois débats et celui qui a été annoncé précédemment par le président auront lieu dans l'ordre.

Je reviens sur l'article 13 de votre feuilleton concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Alors, M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, la présentation de ce projet de loi est l'expression de la volonté politique du gouvernement de se redonner au Québec une politique de la recherche, du développement technologique et de l'innovation et de se donner aussi des moyens de mettre en oeuvre cette politique en créant un ministère qui aura le mandat de développer la politique et de la mettre en oeuvre avec les différents partenaires gouvernementaux des milieux de recherche, tant des universités, des entreprises que des instituts et des centres de recherche qui existent au Québec, et tous ceux qui sont impliqués dans le développement de différents types d'innovations et d'inventions.

Et cette volonté politique est reliée à l'objectif que poursuit le gouvernement d'assurer pour le Québec son développement tant sur les plans économique, social que culturel et aussi de le faire en assurant une continuité dans ce qu'ont été les actions du Québec au cours des 20 dernières années.

Alors, je voudrais rapidement rappeler pourquoi c'est si important de se redonner des moyens modernes d'assurer et de maintenir l'innovation dans une société, parce que notre vie en dépend constamment. On l'oublie un peu, notre vie quotidienne absorbe régulièrement différents changements, mais, si on vit aujourd'hui dans des sociétés modernes, il faut se rappeler qu'on est parti de très loin. L'être humain a longtemps survécu de chasse et de cueillette, mais, graduellement, avec l'accumulation de connaissances, on a appris à faire de l'agriculture, on a appris à faire de l'élevage, la vie a complètement changé. On a connu une révolution industrielle qui a permis de conserver mieux les aliments, de les faire circuler à travers le monde. Et, aujourd'hui, on est dans des développements de biotechnologies qui permettent encore une plus grande facilité de biens plus accessibles à plus de gens.

On pourrait prendre tous les secteurs de notre vie. Aujourd'hui, que ce soit au travail, que ce soit dans la cuisine, au foyer, on est constamment entouré de moyens qui ont graduellement changé au cours des années et qui sont le résultat de connaissances qui se sont développées et de la capacité de la société d'utiliser ces connaissances pour améliorer notre vie et assurer un meilleur fonctionnement de nos sociétés. Alors, l'innovation, c'est essentiellement ça, c'est cette capacité de modifier les choses, de les améliorer constamment sur le plan physique, sur le plan économique, sur le plan social et pour le fonctionnement général d'une société.

Maintenant, pour que cette amélioration constante puisse se faire, pour que l'innovation soit soutenue, il faut que les connaissances soient développées, et ça, c'est tout le secteur de la recherche qui permet que les connaissances se développent en amont et qu'on ait aussi toute une activité de développement technologique qui voit à transformer ces connaissances dans des technologies, dans des pratiques professionnelles, dans des services nouveaux qui, eux, mènent à cette innovation qui conditionne notre vie. Alors, les sociétés modernes dépendent de cette capacité d'innover constamment et d'un encadrement pour le faire en s'assurant que les allocations de ressources font que les innovations et tout le développement qui est nécessaire pour soutenir l'innovation sont bien ciblés sur les priorités d'une société.

Maintenant, pour maintenir ce type d'activité, le Québec se retrouve présentement dans une situation où notre développement des dernières années nous donne des avantages importants, mais nous fait réaliser aussi qu'il y a des secteurs d'activité où on doit bouger rapidement. Le Québec a vraiment commencé à être très sensible au développement technologique et au développement des connaissances et au lien entre le développement des connaissances et de l'innovation autour des années soixante-dix. On a d'abord connu une période, jusqu'au début des années quatre-vingt, où on a vraiment centré notre activité, notre effort pour se donner une capacité de développement de connaissances en développant nos universités, nos centres de recherche publics.

Et ça, c'est une période qui a culminé, si vous voulez, au début des années quatre-vingt par une première politique que s'est donnée le Québec, une première politique scientifique, qui a donné lieu, d'ailleurs, à une loi qu'on appelait la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec, qui a été adoptée en 1983. Et cette loi prévoyait la création de différents fonds qui ont soutenu le développement de la recherche dans le réseau des universités, dans le réseau de la santé, et qui a permis aussi, comme législation, de se donner un Conseil de la science et de la technologie qui, régulièrement, a avisé le gouvernement en matière de développement technologique et en matière d'innovation.

(15 h 50)

Alors, toutes ces ressources nous ont portés vers une deuxième phase, sur la base de cette connaissance mieux développée dans une université, qui a fait réaliser beaucoup plus l'importance du développement technologique. Et ça, je pense que c'est au début des années quatre-vingt, où, sur la base de cette nouvelle politique, de l'énoncé de politique, de la nouvelle législation qu'on s'était donnée, il y a un grand programme économique qui s'est d'ailleurs appelé, à l'époque, au moment où la loi a été adoptée, le «virage technologique» qui a permis d'intéresser tout le monde des entreprises du Québec, les PME et les entreprises de plus grande envergure, à être graduellement plus innovantes, en meilleure capacité d'intégrer des nouvelles technologies et de les développer elles-mêmes. Cette période-là a été marquée, au Québec, par le développement, en plus des fonds subventionnaires, d'une série de mesures fiscales qui sont venues encourager, aider et soutenir les entreprises, et je pense que le Québec s'est marqué une place qui fait un peu l'envie d'autres dans le monde par le soutien de son réseau d'entreprises.

Pour aller rapidement, pour nous rappeler que ce qui nous amène aujourd'hui est de bien réaliser la continuité qu'on veut assurer pour l'avenir du Québec, la fin des années quatre-vingt et des années quatre-vingt-dix, donc, grosso modo, la dernière décennie, a fait réaliser une transformation importante. On avait une bonne base de développement de connaissances avec nos universités, nos centres de recherche, les entreprises s'étaient de plus en plus intéressées et ont effectué un rattrapage assez important, si on se compare à d'autres pays, en étant elles-mêmes impliquées dans la recherche, dans le développement, étant de plus en plus capables d'innover.

Mais les difficultés ont graduellement surgi, avec les moyens qu'on utilise présentement, en réalisant que les connaissances maintenant se développent de plus en plus et les moyens pour appliquer les connaissances se développent de plus en plus par une interaction beaucoup plus grande entre ces grands secteurs qu'on a développés, entre le monde des universités, entre les centres ou les instituts de recherche et entre les entreprises, et on réalise que ce qu'on s'est donné comme capacité de développement va bien rejoindre chacun de ces partenaires dans son secteur mais rend difficile l'interaction plus rapide parce qu'on n'est plus à l'époque où la découverte de nouvelles connaissances pouvait porter, dormir pendant quelques décennies avant d'être récupérée de nouveau et appliquée dans des transformations et de l'innovation.

Très souvent, maintenant, les recherches ne sont pas complètement terminées que déjà on peut suspecter, on peut voir l'application possible et qu'il y a une interface très importante à assurer entre le complément d'un travail de recherche, d'assurer qu'on permet de rendre jusqu'à la fin de son processus logique une recherche et de bien faire le lien et le pont avec des transformations, des applications et de l'innovation, et ça, on a réalisé qu'on était un peu en difficulté, compte tenu de la rapidité avec laquelle on a avancé et on s'est développé. Donc, quand on regarde la situation, on peut faire différents constats qui montrent qu'on a la chance de ne pas être dans une situation de grand rattrapage à faire. Je pense qu'il faut d'abord reconnaître nos forces parce que c'est là-dessus qu'on va bâtir. Et, si on veut assurer une bonne continuité avec les étapes de développement qu'on a traversées, faut bien prendre en compte la situation où on est présentement.

Alors, le Québec, grâce à la vision que nos prédécesseurs ont eue, au tournant des années quatre-vingt, en nous donnant une première politique, un ministère et des moyens pour appliquer cette politique, se retrouve aujourd'hui dans une position qui est très concurrentielle dans trois grands domaines qui sont des pierres d'assise des économies modernes, comme tout le secteur des biotechnologies, le domaine de l'aérospatiale et aussi le domaine des technologies de l'information. Quand on regarde les ressources et les développements qui se sont faits au Québec, on s'aperçoit que beaucoup de nos régions ont vu se développer certaines collaborations entre des universités, des collèges qui ont des centres collégiaux de transfert des technologies et des entreprises, et on voit que l'économie de plusieurs de nos régions est beaucoup conditionnée aujourd'hui par le développement technologique dans des secteurs qui appartiennent aux particularités, qui tiennent compte des particularités d'une région.

Mais, en plus de ça, le Québec s'est donné, dans ses grands centres universitaires, ce qu'on peut vraiment appeler des technorégions, des régions qui ont transformé leur économie, qui soutiennent mieux une production de savoir et son application, et la région de l'Estrie en est une, la région de la capitale nationale en est une autre et Montréal, où on retrouve une beaucoup plus grande concentration de développement technologique, est un pôle, je pense, sûrement qu'on peut qualifier de mondial dans ce domaine-là et une tête de proue pour le développement du Québec.

Quand on regarde les atouts du Québec, il faut voir aussi tout l'environnement culturel, social et économique du Québec, parce que des connaissances et de l'innovation, ça se développe dans un environnement. Et, de façon générale, même si tout est loin d'être parfait, quand on compare ce que le Québec peut offrir pour garder et pour attirer des chercheurs et des équipes de haut niveau, on a un potentiel énorme qu'on a su exploiter dans le passé et qu'on devrait être capable d'exploiter encore mieux dans l'avenir.

Sur le plan plus économique, je pense que le Québec se caractérise par deux types de mesures qu'on a su développer et qui sont très à point présentement compte tenu de ce qu'a été le développement antérieur, qu'on n'utilise peut-être pas toujours à leur meilleur escient, mais qui sont là une force réelle, qui est notre régime de fiscalité pour les entreprises, où le Québec a vraiment, comme on dit, mis le paquet là-dessus – et il y a sûrement des améliorations à y apporter, mais là on a une carte très, très, très importante – de même que le capital de risque.

Et on sait que, pour ce transfert de développement de connaissances en développement technologique et en innovation, il y a un type de financement qui est très particulier parce qu'il y a un risque à assurer. Ce n'est pas le financement que les banques ou les institutions financières que l'on connaît généralement vont... Ce n'est pas le type d'investissement qu'ils vont privilégier, et là il y a un investissement particulier. On dit qu'il y a à peu près le tiers des entreprises à capital de risque ou de capacité qui existent au Canada qu'on retrouve au Québec et que, quand on regarde le nombre de projets qui sont soutenus par du capital de risque, ça monte peut-être à 40 % de ce qui se fait dans l'ensemble du Canada.

Donc, indéniablement, on est en position, une position relativement de force. Alors, pourquoi changer les choses? Pourquoi se redonner une politique? Et pourquoi créer un nouveau ministère? Eh bien, quand on regarde la situation de plus près, il faut réaliser que cette situation, relativement avantageuse à plusieurs égards, cache un certain nombre de faiblesses qui sont très bien connues dans le milieu. J'ai eu l'occasion, M. le Président, au cours des quatre ou cinq derniers mois, de rencontrer plusieurs centaines de personnes dans des grands milieux de recherche et de développement innovateur au Québec, et tout le monde s'entend pour dire qu'il va être important qu'on se redonne une politique parce que, maintenant, n'ayant pas eu de renouvellement de notre politique, on se retrouve dans plusieurs secteurs à avoir une force de développement qui ne profite pas des interfaces qui sont rendues absolument indispensables et que, là, on perd relativement de la vitesse de développement, on manque des occasions importantes parce qu'il y a des connexions qui ne se font pas ou qui se font trop tardivement. Et on sait que, dans ce domaine très compétitif, un retard dans une capacité de développer et d'innover est souvent une perte qu'on ne peut jamais retrouver.

Alors, prenons quelques exemples de ce qu'on constate maintenant, sur lesquels il faut agir. La relève dans le domaine de la recherche est en état de faiblesse importante présentement au Québec pour différentes raisons. On n'a pas le temps présentement de rentrer dans les détails, mais prenons juste un indicateur: l'âge moyen des chercheurs qui sont responsables des équipes présentement dans les universités ou dans les centres de recherche est de plus de 50 ans, alors on est après perdre une génération, là, de chercheurs qui sont capables de diriger des projets importants parce que les universités, les centres de recherche n'ont pas pu tenir le renouvellement de leurs chercheurs et le renforcement des plans de carrière de façon suffisante. Ça se reflète, cette difficulté, par le problème de main-d'oeuvre hautement qualifiée en quantité suffisante et bien ciblée dans les différents secteurs où le Québec veut assurer son développement pour l'avenir, et ça, on a vu les partenaires l'exprimer récemment, et le gouvernement a déjà, d'ailleurs, consenti des efforts pour parer aux coups, mais, justement on agit toujours un peu en réaction présentement, on n'est pas en situation de voir venir les coups suffisamment rapidement.

(16 heures)

Les carrières scientifiques, au-delà de l'encadrement des équipes de recherche et du personnel de recherche, doivent se préparer très, très, très en amont. Ça se prépare à partir du primaire, du secondaire, du cégep. On ne devient pas intéressé à une carrière scientifique... Que ça soit dans le domaine des sciences pures, naturelles, dans le domaine social, dans le domaine des humanités, une carrière de recherche, une carrière de développement, une carrière d'innovation, ça se prépare de très longue main, et on doit constater présentement qu'on est un peu en difficulté là-dessus parce que les créneaux scientifiques dans nos écoles et nos collèges sont ceux qui attirent le moins d'étudiants, et c'est ceux où il y a un taux de perte, d'abandon le plus élevé.

On a aussi, il faut le réaliser, une faiblesse dans les mécanismes de transfert de connaissances. Les universités – et ça, c'est général à travers le Canada, ce n'est pas particulier au Québec, mais là, là-dessus, on ne fait pas figure de champions – même si elles ont fait des grands progrès, même si on a adopté différents moyens, on manque de mécanismes assez souples pour que tout ce monde-là puisse travailler ensemble de façon plus importante.

Quand on fait ces constats-là, on réalise qu'il y a des enjeux auxquels on ne peut pas faire face avec les outils qu'on a présentement. Je vais n'en nommer que trois pour faire une image. Pour revoir notre développement pour l'avenir, il faut être capable de faire plus de prospective, et on n'a à peu près pas de mécanismes pour le faire présentement. On a appris à faire de la veille, à voir comment se fait le développement. Ça, ça nous dit ce qui se passe en temps réel et comment on peut s'ajuster. Mais il faut aller plus loin, et il y a des méthodologies qui existent pour ça maintenant, pour être capable de prospecter et pour pouvoir faire ce que ceux qui nous ont précédés ont fait il y a 15 ou 20 ans: prévoir, en plus des secteurs qu'on doit renforcer, dans quels domaines, dans cinq ans, dans 10 ans ou dans 15 ans, le Québec voudra être aussi en avant de toute la compétition. On ne peut pas être bon dans tout, être les meilleurs dans tout, mais il y a des secteurs où on peut continuer à l'être et de nouveaux secteurs où on peut le devenir. Mais, pour ça, il faut être capable de choisir. Et, pour ça, il faut être capable de voir beaucoup plus loin en avant. Il faut se donner des moyens pour faire ça.

Un deuxième enjeu important, c'est de bien équilibrer les environnements propices au développement des connaissances et à l'innovation. On peut souvent dire: On a un problème de fiscalité, on manque de tel genre de financement, tel ou tel autre problème qu'on peut relever dans un endroit ou l'autre du Québec. Mais ce n'est pas en travaillant sur une seule variable ou un seul facteur qu'on va améliorer la situation. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus, il faut que, le Québec étant ce qu'il est, nos forces économiques étant où elles sont, le milieu socioculturel qu'on représente, nos capacités des universités...

Par exemple, le Québec, se comparant à toutes les autres provinces du Canada ou aux autres pays, a beaucoup tablé sur ses universités comme ancrage de la recherche fondamentale et a permis que les entreprises se développent. On a développé tout un réseau d'instituts et de centres de recherche publics qui sont maintenant financés aussi par le privé pour aider les entreprises à rattraper le terrain qu'elles avaient perdu auparavant. Donc, on a des alliages de nos forces qui nous sont propres, qu'il faut être capable de revoir, et de donner l'environnement qui va permettre aux gens que l'on forme de faire une carrière dans les différents domaines qui assurent notre développement pour l'avenir et qui va nous permettre aussi d'attirer des gens pour qu'on fasse un bon mélange des gènes.

Finalement, un autre enjeu important, qui est à peu près inexistant présentement parce que c'est plus récent, ça s'est développé surtout dans les 10 dernières années, c'est d'être capable pas seulement de faire de la prospective, mais d'évaluer sur une base régulière, de bien suivre et d'évaluer nos politiques, nos programmes, nos mesures pour les ajuster constamment, encore une fois pas toujours en réaction et au cas par cas, mais d'être capable d'avoir une vision, un suivi et de renforcer ce qui donne les résultats qu'on voulait et de modifier ce qui ne les donne pas. Alors, ça aussi, il faut se donner des moyens pour faire ça.

Alors, c'est ce qui a amené le gouvernement à réaliser, au cours des dernières années, qu'il était essentiel de remettre à jour notre politique, de le faire en rapprochant les différents secteurs de recherche, en renforçant ce qui se fait dans des secteurs où on a déjà une capacité de recherche, que ça soit dans le domaine des transports, des sciences naturelles, de l'environnement, de l'agroalimentaire, dans les réseaux des universités et des cégeps, dans le réseau de la santé, dans les technologies de l'information. C'est un peu le panorama qu'on a devant nous, où, déjà, nos ministères sont très actifs, sont très en lien avec les partenaires, mais de façon isolée. Et ce qui peut ramener tout le monde avec une autoroute centrale, c'est une politique qu'on se donne, une politique nationale ancrée sur la force des différentes régions, mais des priorités dont on aura convenu et des moyens modernisés.

Et le premier des moyens pour développer une politique et l'appliquer, c'est un ministère, et c'est ce qui est proposé, c'est le projet de loi que l'on dépose aujourd'hui. Un ministère qui a comme mission, justement, de la mettre à jour, de la développer, cette politique, avec les différents partenaires, et de se donner les moyens de la mettre en oeuvre et de bien la suivre. Ce qui veut dire d'être capable de faire de la prospective, d'être capable d'appliquer des mesures concrètes, comme on a commencé à le faire dès le dernier budget, pour vraiment être capable d'agir en temps réel à mesure qu'on se donne une vision pour l'avenir, d'être capable de faire une bonne évaluation et d'assurer une diffusion d'une... pour renforcer notre culture scientifique, de faire une promotion de la science et de l'innovation au Québec pour rejoindre la population, rejoindre les écoles et qu'on ait un projet commun pour développer dans ce domaine-là.

Alors, le ministère, les équipes mises en place ont déjà commencé à développer des capacités de coordination de l'action gouvernementale par un comité ministériel à cet effet-là, il y a déjà une concertation qui s'établit avec le milieu, ça, c'est une fonction importante, coordination et concertation; les outils auxquels j'ai fait référence, de prospective et d'évaluation, pour avoir une planification stratégique qu'on mettra à jour; et, finalement, des programmes qui devront se rajouter l'an prochain à ceux comme Innovation Québec ou Valorisation-Recherche Québec qui ont déjà été créés, des programmes qui pourront renforcer ce que chacun des secteurs fait et donner vraiment un forum commun d'interface, d'interrelation beaucoup plus active entre les différents milieux de recherche et entre les différents partenaires.

Alors, ce projet de loi est tout simple, dans un sens. Il a les deux, trois premiers articles qui donnent cette mission en termes légaux, que je viens de vous résumer, et les grandes fonctions du ministère, et, par la suite, on retrouve une série d'articles qui donnent des éléments d'organisation d'un ministère – ça, on retrouve ça dans la loi de tous les ministères – et finalement une section qui fait tous les changements de concordance qui doivent être faits dans un bon nombre de lois du Québec pour redonner à ce ministère les moyens d'action et ses liens avec les différents secteurs.

Alors, j'ai bien confiance, M. le Président, que les travaux en commission pourront – je l'espère, en tout cas – nous amener rapidement à concrétiser ce moyen et qu'on puisse accélérer notre développement d'une politique et la mettre en oeuvre. Et je pense qu'il est réaliste de penser que, dans moins d'un an d'ici, on aura vraiment redonné au Québec la place qu'il doit occuper à cet égard. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre responsable de la Recherche, de la Science, de la Technologie et également de l'Innovation. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun et critique officiel de l'opposition en matière de recherche, science et technologie. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, devant nous, à mon sens, on a un certain nombre de questions à répondre. Première question, de portée très générale: Est-ce que l'innovation, la recherche, la science, la technologie, c'est quelque chose de fondamental pour le développement économique d'une société? Ma réponse, c'est oui.

Deuxième question: Est-ce que, compte tenu de l'organisation des différents programmes qui existent au gouvernement du Québec, la création d'un ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, c'est quelque chose d'utile? Ma réponse, c'est oui, M. le Président. Est-ce que la portée et les responsabilités propres à ce ministère sont suffisantes? Ma réponse, c'est un oui mitigé, c'est-à-dire – j'aurai le temps et je vais m'expliquer là-dessus – qu'il y aurait lieu de revoir encore la portée et les responsabilités de ce ministère. Est-ce que les articles de loi tels qu'inclus dans le projet de loi actuellement couvrent tout ce que nous voudrions faire dans le fonctionnement même de ce ministère? Ma réponse est non, et j'expliquerai pourquoi un certain nombre d'amendements sont nécessaires au projet de loi.

(16 h 10)

Alors, en résumé, M. le Président, oui, je crois fondamentalement que l'innovation est le moteur du développement et de la croissance des économies modernes. Je pense, compte tenu des diversités des programmes, qu'il était utile et nécessaire d'avoir, de créer un ministère. Je vais échanger sur la portée, actuellement, des responsabilités de ce ministère et quelques éléments du projet de loi. Pour ces raisons, parce que nous croyons à l'importance du ministère, M. le Président, l'opposition va voter en faveur du projet de loi, en deuxième lecture, et nous nous réservons la possibilité d'amener un certain nombre d'amendements au moment de l'étude article par article.

Vous savez, M. le Président, parce que vous êtes un homme qui suivez de près les questions économiques, à quel point dans les économies modernes ce n'est plus les ressources naturelles, c'est-à-dire le fait de posséder beaucoup de ressources naturelles, qui vont être les éléments majeurs dans le soutien de la croissance, mais c'est d'abord notre capacité d'innover, c'est-à-dire, bien, soit de découvrir ou d'avoir des produits qui ne se font pas ailleurs soit de développer des moyens de production qui, par leur originalité, ont une efficience supérieure à ce qui se fait ailleurs. Parce que, comprenez-moi bien, l'innovation, bien sûr, touche la recherche, la science mais touche aussi la manière dont vous pouvez fabriquer, la manière dont vous pouvez organiser, par exemple, dans une entreprise, vos ressources humaines pour être plus efficient, pour être en mesure de produire à meilleur coût.

Le ministre l'a rappelé: Nous ne partons pas de rien. Le Québec a déjà une base qui était une base importante sur le plan de la recherche. Je me permets ici de saluer d'un coup de chapeau des précurseurs. Je pense à Gilbert Paquet, que probablement beaucoup des gens dans cette Chambre ont oublié parce qu'on oublie tellement vite les gens qui font de la politique, qui avait une vision à l'époque d'un premier ministère d'ailleurs de la Science et de la Technologie. Je pense à des Gérald Tremblay aussi, dans cette vision du développement du Québec où il fallait concentrer autour des forces qui sont les nôtres.

Parce qu'un des points qu'il faut bien que vous compreniez, M. le Président, c'est que, lorsqu'on aura une politique de la recherche et de l'innovation, on ne pourra pas avoir une politique de la recherche et être bon partout. Il faut savoir choisir. Il faut savoir dire... La pire chose que l'on peut faire en soutenant la recherche et l'innovation, c'est le saupoudrage, de dire: Tout le monde est égal, etc. La qualité est par essence discriminatoire. On ne peut pas être bon dans tous les domaines, et il va falloir choisir et il faut savoir choisir. Et j'espère que la politique qu'on mettra de l'avant sera en mesure de pouvoir faire ces choix.

Donc – on pourrait discourir longtemps – je crois que de part et d'autre, des deux côtés de cette Chambre, nous sommes absolument convaincus que, si notre société n'est pas capable d'innover, notre société ne sera pas capable de soutenir sa croissance. Et tout ce qui va aller dans le sens du soutien à l'innovation, du soutien à la recherche, vous aurez l'appui complet de l'opposition sur ces questions-là.

Maintenant, on peut s'inquiéter quand même des bases qui étaient les nôtres, pour toutes sortes de raison. Et je ne voudrais pas faire ici de petite politique, mais le ministre concourra avec moi pour dire que les compressions – et je vais essayer d'être le moins partisan possible – que le systèmes universitaire et le système de la recherche dans le monde hospitalier ont dû subir ces cinq dernières années – et je ne voudrais pas rentrer pour dire que c'est votre faute ou c'est notre faute – ont certainement hypothéqué notre potentiel de recherche et notre potentiel de rajeunissement ou de rénovation de nos équipes de recherche. Vous comprenez, M. le Président, facilement. On ne peut pas se départir de 900 professeurs dans le réseau universitaire, on ne peut pas se départir d'un certain nombre de chercheurs importants dans nos réseaux des centres hospitaliers sans que cela ait des effets.

M. le Président, je voudrais répondre maintenant à la deuxième question. Est-il nécessaire, est-il utile d'avoir un ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie? Ma réponse est oui. Ma réponse est oui, parce que regardons ce qui est la situation actuelle. Actuellement, M. le Président, le gouvernement du Québec, quels que soient les partis qui ont été là, a fait des efforts importants pour soutenir la recherche et l'innovation, extrêmement importants, mais l'a fait de manière disparate, dans des programmes multiples gérés par de nombreux ministres. Je vais vous en donner quelques exemples, et vous allez comprendre tout de suite.

Il y a un fonds qui s'appelle le Fonds FCAR, le Fonds de soutien à l'aide à la recherche. Il est actuellement – on n'a pas créé le ministère – sous la responsabilité du ministre de l'Éducation. Vous aviez, pour la recherche, qui était plus spécifiquement la recherche en milieu médical, un fonds qui s'appelait le FRSQ, qui, lui, était sous la responsabilité du ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous aviez un fonds qui s'appelait le CQRS, qui était sous la responsabilité, lui aussi, du ministre de la Santé et des Services sociaux. Mais ce n'était pas tout l'effort que faisait le gouvernement du Québec à cet effet-là. Vous aviez des fonds directs de soutien, je pense au FDT, le Fonds de développement technologique, ou vous aviez aussi le Fonds des priorités gouvernementales en science et en technologie, qui, eux, étaient des fonds qui étaient sous la responsabilité du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

Et ce n'est pas tout dans les diversités. Vous aviez des centres de recherche qui étaient directement sous la responsabilité du ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Pêcheries, vous aviez des centres de recherche qui étaient sous la responsabilité du ministre de l'Environnement. De surcroît, vous avez encore, parce que, dans toute cette activité de soutien à la recherche, vous aviez ce qui touchait la production de capital de risque... Je ne voudrais pas rentrer ici sur le détail du débat sur les Innovatech, mais vous avez un certain nombre de sociétés Innovatech qui étaient sous la responsabilité du ministre des Régions, à l'exception d'Innovatech du Grand Montréal qui était sous la responsabilité du ministre du Grand Montréal.

Je n'ai pas terminé, M. le Président, je continue à faire le tour du périmètre des diversités qui existent actuellement. Il y a de surcroît l'effort important qui est fait par les crédits d'impôt à la recherche, à la science et à la technologie qui sont virtuellement gérés par le ministre du Revenu. Les gens qui bénéficient des crédits d'impôt, j'ai un long contentieux à cet effet-là que je continuerai à débattre en commission parlementaire.

Vous voyez bien, M. le Président, le Québec fait actuellement un effort important sur le plan du soutien à la recherche et à l'innovation, mais effort qui est fractionné en de nombreux ministères. Vous allez me dire, parce que vous connaissez bien la structure gouvernementale, que déjà le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie avait cette mission horizontale de coordonner les activités du gouvernement en matière de science et technologie. C'est vrai sur le papier, mais, sans vouloir critiquer les différents titulaires du poste qui se sont succédé et quels que soient les partis qui se sont succédé sur ce poste-là, la priorité qui était la leur, bien sûr, a été consacrée, d'abord, au soutien à l'industrie, au commerce. Le rôle un peu ingrat de devoir coordonner une politique horizontale, et vous savez à quel point être un ministre horizontal, c'est-à-dire où vous allez regarder dans ce qui se passe chez vos voisins, est un rôle ingrat que, en général, le ministre de l'Industrie préférait ne pas jouer.

Maintenant, pour répondre à cela, je réponds: Oui, je crois que c'est un choix judicieux, à l'heure actuelle, de revenir à ce qui avait été l'idée originale parce que, et le ministre l'a rappelé initialement, lorsque la première politique de la science et de la technologie avait été mise de l'avant, en 1983, elle avait abouti à un ministère qui avait, à l'époque, juridiction sur les fonds, qui avait créé le Fonds FCAR et le FRSQ, et, bon, on était encore dans une situation embryonnaire, à l'époque, et il avait une certaine juridiction. Je crois qu'il est sage, donc, de créer un ministère.

(16 h 20)

Je voudrais rappeler, M. le Président – et je vais surveiller bien sûr le ministre à cet effet-là – qu'il ne faudrait pas que la création d'un tel ministère génère des dépenses nouvelles pour le gouvernement. Si j'ai bien compris – et on aura à échanger en commission parlementaire – la création de ce nouveau ministère va se faire, en termes de fonctionnaires... On ne va pas engager de nouveaux fonctionnaires, mais ça ne va pas être simplement une des divisions du ministère actuel, du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui va être détachée du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pour devenir, en quelque sorte, le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Donc, dans ce cadre-là, si tant est qu'il n'y ait pas de nouvelles dépenses de gestion, de nouvelles dépenses d'administration, nous serons d'accord avec la création de ce nouveau ministère.

M. le Président, je vais maintenant aborder le troisième volet. Alors, je répète, oui... Et je pourrais parler beaucoup plus longtemps encore de l'importance de l'innovation, et je crois qu'il n'y a personne qui va réellement contester que c'est la base de notre développement futur. Donc, oui, on concourra à tout ce qui soutiendra l'innovation. Oui, je crois aussi qu'il est important à l'heure actuelle qu'un organisme, qu'une personne au Conseil des ministres, avec l'appui d'un certain nombre de fonctionnaires, soit responsable de cette coordination entre les différents programmes dont j'ai énuméré la liste tout à l'heure. Cela me semble un plus.

Je reste néanmoins inquiet quant à la juridiction de ce ministère, sur deux éléments. J'ai lu le projet de loi, je sais les responsabilités du ministre, les responsabilités horizontales du ministre. Je dois dire que nous avons eu un échange extrêmement fructueux pendant les 15 heures d'échanges sur les crédits, où on a dépassé strictement les crédits du ministère, mais on a joué pleinement la vocation horizontale de ce ministre pour s'assurer qu'il a non seulement, bien sûr, des fonds à gérer, mais aussi à coordonner l'activité de recherche du gouvernement.

Le député de Charlesbourg l'a signalé tout à l'heure dans son intervention, si, au Québec, le capital de risque en matière de recherche existe et est disponible, si, au Québec, on a un potentiel et une fiscalité qui soutient et qui incite à la recherche, on a, à mon sens, un problème au niveau de la formation. On a un problème au niveau de la formation, M. le Président, au niveau de la formation du bassin critique de chercheurs, d'être en mesure de s'assurer que ces personnes que l'on forme aient les capacités suffisantes, qu'on attire assez de personnes dans ces vocations, dans ces professions de recherche, qu'on soit en mesure aussi... que ceux qu'on a attirés dans ces professions de la recherche puissent avoir décemment une insertion sur le marché du travail, parce que trop souvent j'ai vu des gens qui terminent leurs études de deuxième ou de troisième cycle, et qui ont consacré énormément de temps à leur formation, et qui ont de la difficulté d'insertion sur le marché du travail. Et je veux m'interroger, dans l'étude article par article, sur les liens qu'il y aura entre ce nouveau ministre et ministère et les programmes de formation de niveau universitaire de deuxième et troisième cycles.

Vous comprenez bien, M. le Président, que vous ne pouvez pas... Et je crois que le ministre va être d'accord avec moi. Si vous voulez avoir une politique d'innovation, il est important d'avoir à la fois un capital de chercheurs bien formés, un capital de risque accessible et un environnement gouvernemental, c'est-à-dire par le cadre de la fiscalité, qui soit favorable à l'innovation. Il me semble, à l'heure actuelle, que, si je fais l'analyse de ce qui se passe, on a un peu une certaine faiblesse quant à la formation. Et il me semble qu'il va falloir réfléchir ou voir quel lien ce ministre va pouvoir avoir avec son collègue de l'enseignement supérieur, enfin, son collègue de l'Éducation responsable de l'enseignement supérieur, quant aux programmes de formation ou au soutien aux programmes de formation.

Il a déjà dans sa responsabilité, parce qu'il est responsable du Fonds FCAR... Et je sais parfaitement que le Fonds FCAR est un fonds qui donne de nombreuses bourses aux étudiants au niveau post-baccalauréat. Mais il y aura lieu de voir à l'articulation entre les deux, M. le Président. Je vais prendre les quelques minutes qu'il me reste... Donc, ce point-là m'inquiète.

Deuxième élément qui m'inquiète, et je vais essayer de voir à clarifier. Je comprends parfaitement que les Innovatech ont un rôle important dans le développement des régions, et vous êtes un député de région, M. le Président, vous devez nécessairement le comprendre. Mais la coordination des activités des Innovatech, qui sont, rappelez-vous, essentiellement des fournisseurs de capital de risque pour des projets d'innovation, me semble devoir avoir un lien, et je vais être plus nuancé, je ne dis pas nécessairement doit être rattachée mais devrait avoir un lien, ou le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie devrait avoir un certain lien aussi avec les Innovatech.

Je sais que la force des Innovatech, justement, c'est qu'elles sont relativement indépendantes du pouvoir politique, mais elles sont coordonnées un peu avec le pouvoir politique. J'aurai à échanger avec le ministre pour voir comment on peut insérer dans la loi une certaine manière d'un lien, tout en respectant et tout en comprenant – je dis bien tout en comprenant – qu'il peut être utile de rattacher les Innovatech au développement des régions, parce que c'est un pôle important du développement régional. Je comprends ça, mais, si on a une vision globale du développement de la recherche, de la science et de la technologie au Québec, il me semble qu'il y aurait lieu de voir les liens qui rattacheraient ce ministre-là avec les Innovatech.

Je reste, dans le projet de loi, perplexe. Donc, je vais entrer sur des détails plus techniques, M. le Président, du projet de loi, sur deux points. Vous avez, à l'intérieur du projet de loi, et je fais référence plus spécifiquement à l'article 2, dans le cadre de la politique qui va être élaborée, d'une politique de la recherche... Cette politique de la recherche doit développer des indicateurs de performance, enfin, ce n'est peut-être pas le terme exactement, mais des indicateurs de mesure, à quel point on puisse régulièrement être en mesure d'évaluer les progressions ou la stagnation de notre effort collectif dans ce cheminement long et difficile qui est celui de l'innovation et de la recherche.

Il me semble qu'il serait utile que périodiquement les parlementaires, et non pas seulement une fois dans le rapport annuel, soient informés de ces indicateurs et que les commissions responsables soient à même de se pencher sur ces indicateurs pour que la commission parlementaire, c'est-à-dire les parlementaires, puisse suivre périodiquement ce qui arrive, et non pas le faire une fois l'an, au moment du dépôt du rapport annuel ou du débat sur les crédits. J'aurais l'intention de soumettre à l'approbation des ministériels un amendement dans ce sens-là.

(16 h 30)

Deuxième élément qui m'inquiète dans le projet de loi, et j'ai discouru déjà sur la portée quant au lien avec l'éducation supérieure, l'enseignement supérieur et avec les Innovatech, le deuxième élément est plus concis. Le ministre a choisi – et je ne pense pas que ça soit un mauvais choix – de confier une partie de l'administration des fonds pour la valorisation de la recherche à un organisme indépendant nommé, à tiers, tiers, tiers, en partie par des gens issus du monde de la recherche universitaire, en partie par des gens issus des grands fonds de subvention et en partie issus du monde des affaires. Il me semble, et j'aimerais... Par contre, la loi ne précise pas, à l'heure actuelle, quel lien statutaire il existe entre cet organisme, qui est un organisme sans but lucratif créé, à ce moment-là, d'une manière indépendante, en quelque sorte, qui est un organisme qui est autonome, maintenant créé en fonction de la troisième Loi des compagnies et qui est indépendant complètement de la reddition de comptes aux parlementaires...

Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de voir à inscrire dans la loi le même type de lien qui existe actuellement entre les Innovatech et le ministre responsable des Innovatech, c'est-à-dire le ministre responsable des Innovatech, dans la loi sur les Innovatech, s'il n'y aurait pas lieu d'avoir un même type de lien. Et, d'ailleurs, je ne veux pas remettre en question l'autonomie de Valorisation-Recherche, je pense que, en ce qui touche la recherche, il est bien important de laisser de la souplesse en quelque sorte, mais, que ça se fasse complètement indépendamment du rôle de la loi et du rôle des parlementaires, moi, je verrais à amender la loi éventuellement pour pouvoir introduire ce même type de lien qui existe entre les Innovatech et le ministre responsable soit des Régions soit du Grand Montréal, qu'on puisse avoir malgré tout, formellement, dans une loi, un lien entre cet organisme qui, pour l'instant, est complètement... C'est exactement comme si on avait pris un organisme sans but lucratif de votre propre comté auquel on aurait donné 100 000 000 $. Je ne veux pas caricaturer, je sais exactement comment il a été constitué, etc., je sais ce qu'il va faire, je sais ce qu'il doit faire, mais il n'y a formellement, en termes législatifs, aucun lien avec le ministre et aucune surveillance de la part des députés. Alors, je pense, M. le Président, qu'il y aurait peut-être lieu d'amender la loi dans ce sens-là.

Alors, pour me résumer, M. le Président, parce que vous avez raison de me signaler que le temps passe, je rappellerai que, oui, la question qui touche l'innovation est, de notre côté, quelque chose d'important et quelque chose que l'on doit soutenir. Je pense que, compte tenu des situations disparates des programmes, le fait que l'on crée un ministère pour mieux coordonner l'ensemble des efforts du gouvernement en matière de recherche et développement et de l'intégrer à l'intérieur d'une politique est un geste positif. J'ai quelques réticences quant à la portée éventuellement exacte du ministre, c'est-à-dire non pas, comprenez-moi bien, dire qu'il a trop de portée, mais quant à la portée qu'il n'a pas en quelque sorte, le ministre, c'est-à-dire les champs qui, à mon sens, devraient aussi avoir un lien statutaire avec le titulaire de ce ministère, et quelques remarques d'amendements sur le fonctionnement avec quelques organismes.

C'est dans ce sens-là, M. le Président, que nous allons voter en faveur de la loi n° 33 sur la création du ministère mais que, à l'article par article, nous aurons et des questions et des amendements à proposer au ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun et critique officiel de l'opposition en matière de recherche, science et technologie. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi?


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour une étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je vous prierais d'appeler l'article premier du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 1


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 1 de votre feuilleton, M. le ministre responsable de la Réforme électorale propose l'adoption du principe du projet de loi n° 1, Loi concernant l'obligation pour l'électeur de s'identifier au moment de voter.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 1? M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous aurez remarqué, quand le leader adjoint s'est levé, il a dit: Je voudrais que vous appeliez l'article numéro 1 du feuilleton. Pourquoi? Pourquoi, M. le Président? Parce que, durant le campagne électorale, nous avions promis à nos électeurs... En pleine campagne électorale, nous avions pris l'engagement que le projet de loi sur la réforme électorale serait la loi n° 1 qui serait déposée en cette Chambre. Et, comme on le fait d'habitude, on respecte nos engagements, il y a très peu de surprises de ce côté-ci, mais il y en a un peu dans le public de voir qu'une équipe gouvernementale respecte de plus en plus, de façon très régulière, de façon soutenue, de façon cohérente, ses engagements électoraux.

Et, M. le Président, comment c'est venu, cette loi créant l'obligation à l'électeur ou à l'électrice de s'identifier? Parce que c'est ça exactement, l'essence même du projet de loi n° 1, nous créons l'obligation pour l'électeur de s'identifier lorsqu'il ira voter. C'est ça essentiellement, le projet de loi. Pourquoi? Comment c'est venu? Ah, puis, aux yeux de l'opposition officielle, il n'y avait aucun problème. Il n'y avait aucun problème.

Vous vous rappellerez que j'avais déposé un projet de loi en cette Chambre avant les élections et que les libéraux s'étaient offusqués; je pense à la députée de La Pinière, je pense au député de Laurier-Dorion, je pense au député de Chomedey, je pense à tous ces députés très avant-gardistes, là, très, très, très proactifs dans le domaine de la démocratie. Ils disaient qu'on rêvait en couleur, que ça n'avait pas de bon sens de légiférer dans ce sens-là, que ça n'avait pas de bon sens de forcer un électeur à présenter sa photo. Parce que ce qu'on voulait, c'était ta photo avec une adresse puis une date de naissance. C'était tout ce qu'on voulait pour bien savoir si c'était cet électeur qui avait le droit de voter au nom et à l'adresse qui étaient inscrits sur la liste électorale.

Non, non, non, c'était de la paranoïa, à toutes fins pratiques. Le député de Joliette ne comprenait pas cela. M. le Président, il aura fallu deux reportages télévisés, dont un, le premier, vous vous rappellerez... C'est un animateur de TVQ, Télévision Québec...

Une voix: ...

M. Chevrette: ...TQS, excusez, Quatre Saisons qui dit quoi, à TV Quatre Saisons? Ah! tu vois l'animatrice ou l'animateur voter à trois, ou quatre, ou cinq reprises. M. le Président, là ça a été pris au sérieux. Dans 20 secondes ou dans 30 secondes à peine à la télévision, on a démontré que notre système n'était pas à l'épreuve de toute tricherie, et ça a fait du bruit, ça a démontré jusqu'à quel point, malgré tous les efforts que l'on a faits au cours des années... En tout cas, depuis 1977 qu'on ne cesse, en cette Chambre, de déposer des projets de loi visant à améliorer notre législation.

On n'a pas été capable de voter ce projet de loi là avant les élections, les libéraux ne voulaient pas. Bien, après les élections, M. le Président, suite à un deuxième reportage où on a fait témoigner des gens, où les gens allaient même jusqu'à expliquer comment ils s'y prenaient, dans des endroits très spécifiques, pour tricher le système électoral, pour faire en sorte que des gens puissent aller voter à la place d'un autre, sachant ou bien qu'il allait voter dans l'après-midi, qu'il travaillait, ou sachant que la personne était en voyage, ou sachant qu'elle était hospitalisée, qu'elle ne pouvait aller voter, là c'était, du moins ce qui est présumé au moment où on se parle, en train de s'ériger en système, la substitution d'un vote, aller usurper le droit d'un autre. Et on me dit que ce n'est rien, à part ça. On me dit que ce n'est rien, ce qu'on a vu, que, si on assistait à certaines élections municipales, c'est même pire que cela.

Donc, M. le Président, on est revenus. On est revenus, fidèles aux engagements qu'on a pris, pour dire: Dorénavant, on va tout faire pour que notre système démocratique permette à celui qui a un droit véritable de vote de l'exercer sans craindre de se faire usurper son droit par qui que ce soit. Et il y a un moyen, c'est déjà mis à l'épreuve dans plusieurs autres pays du monde, c'est l'identification de l'électeur. On ne dit pas qu'on veut aller dans les dossiers, fouiller dans les dossiers médicaux si on utilise la carte d'assurance-maladie, on ne dit pas qu'on veut aller fouiller dans le dossier de l'assurance automobile du Québec parce qu'on utiliserait le permis de conduire avec photo, on ne dit rien de cela, on dit: Tu dois, quand tu te présentes... Guy Chevrette demeure à x adresse, rue Saint-Louis, Joliette, et pourra aller voter parce que ça correspond exactement à ce qui est écrit sur une des trois cartes d'identification. C'est tout! Ce n'est pas plus malin que ça!

On a essayé de faire croire que les droits et libertés de la personne étaient enfreints. Quel crime commet celui qui prend ma place puis qui va voter à ma place, M. le Président? Est-ce qu'il a la liberté de voler mon vote? Est-ce qu'il a la liberté de se substituer à mon vote? Il y a des limites au charriage dans une société. On a des droits, mais on a aussi des devoirs, des prérogatives, des obligations, et le droit de vote, c'est un droit fondamental qui appartient à l'individu lui-même qui a le droit de vote, puis qui est bien à une telle adresse, puis qui est né telle date. Ce n'est pas n'importe qui.

(16 h 40)

Quand je pense à l'histoire, par exemple, de la grand-mère qui est assise à une table comme représentante, puis sa petite-fille est supposément sur la liste électorale; elle est là, là, telle adresse. C'est sa petite-fille, elle la connaît. Qu'est-ce qui arrive? Une autre personne vient voter à la place; elle s'identifie comme étant sa fille. Elle dit: Je ne peux pas, ce n'est pas toi. Je la connais, c'est ma petite-fille. Mais que, par le simple fait de déposer une main sur une bible ou encore de dire: Je prends l'engagement solennel de dire la vérité, c'est moi qui m'appelle de même, on ne peut pas continuer cela, là. C'est de la bouffonnerie vis-à-vis d'un droit fondamental.

Il est temps qu'on resserre la situation, qu'on oblige les gens à s'identifier. Et ça se fait ailleurs dans le monde, ça. Il ne faut pas avoir honte de s'identifier quand c'est toi, surtout qu'on veut utiliser un droit fondamental. On va-tu donner plus de chance à ceux qui veulent l'usurper ou si on va donner le droit fondamental à celui qui a le droit de l'exercer? C'est ça, la question fondamentale qu'il faut se poser. Et ce projet de loi là répond, M. le Président. Il dit: La personne qui a un droit pourra l'exercer correctement tout simplement en s'identifiant. Ce n'est pas plus malin que ça, le projet de loi. Ce n'est pas plus fort que cela, mais c'est tout cela.

Il y en a qui voudraient qu'on aille plus loin, probablement avec raison, à part de ça – je vous le dis d'avance, si j'étais capable d'aller plus loin, moi, je serais un de ceux qui iraient probablement plus loin – parce qu'il y en a trop de fins finauds, sous le couvert des droits et libertés de la personne, sous prétexte des droits de toute nature qui sont inclus dans des chartes, favorisant, à toutes fins pratiques, le fait qu'un individu pourrait aller se prévaloir d'un droit qui n'est pas le sien mais qui appartient à un autre. Je pense que c'est assez fondamental comme question à ce stade-ci.

Et, moi, je ne rigole pas avec ce genre de situation. Je ne rigole pas, puis je ne fais pas de filibuster comme j'ai subi à la dernière Législature par nos amis d'en face. Pendant des heures et des heures on a rigolé sur le fait qu'on charriait en voulant faire identifier l'électeur. Est-ce que la présente élection n'a pas démontré qu'il y a certaines personnes qui avaient lancé la rondelle dans leur propre but? Est-ce qu'il y en a qui n'ont pas compris que, cracher en l'air, ça pouvait parfois leur tomber sur le nez? M. le Président, le projet de loi n° 1 vient redonner à l'individu la chance d'utiliser son droit sans que ce droit lui soit enlevé par qui que ce soit, ni par un réseau bien monté ni par des individus dont l'esprit tordu ne cherche qu'à usurper un droit d'un autre. C'est ça que ça vient faire, le projet de loi n° 1, M. le Président, pas plus, pas moins.

Et nous avons eu, la semaine dernière ou il y a une quinzaine de jours, avec le député de Westmount–Saint-Louis et le député de Rivière-du-Loup, une rencontre du comité consultatif, puis on se rend compte, M. le Président, qu'il y a plusieurs articles, plusieurs points sur lesquels on s'entend déjà. Par exemple, ce n'est pas tout d'améliorer l'identification de l'électeur, il faut aussi améliorer la liste électorale. Et, pour que cette liste électorale soit le plus à jour possible, je pense qu'il nous faut instituer une fois pour toutes une commission permanente. Il nous faut régulièrement, de façon soutenue, modifier nos listes pour qu'elles correspondent à la réalité au moment du vote. Et ça, je le dis d'ores et déjà au député de Saint-Louis comme je le dis au député de Rivière-du-Loup et à tous mes collègues de cette Chambre, nous serons ouverts à plusieurs amendements, M. le Président, qui font consensus au niveau des députés présentement, au niveau des trois formations politiques. Par exemple, je donne deux ou trois exemples. J'en donne un: changer le nom du parti sur un bulletin de vote, comme ça s'est fait à la dernière élection. Est-ce qu'on appelle ça «l'ADQ», ou si on appelle ça «l'équipe Mario Dumont»? Dorénavant, on ne pourra pas faire ça en pleine campagne électorale. Ça va être clair, ça, dans la loi.

On va essayer de régler les problèmes qui se sont présentés. On en a l'occasion. Et, chaque fois que le comité technique ou le comité consultatif sera d'accord sur un, deux, trois, quatre ou cinq points, on le fera également. Il nous faut changer, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, si on arrive à des consensus avant l'adoption de la loi, il nous faut changer, par exemple, la Loi sur le financement, autant des élections que des consultations populaires, suite au jugement qu'on a eu durant la campagne électorale concernant les représentants des partis. Bien, on va la changer. Si on est prêt à la changer d'ici la fin de juin, on la changera. On a été très ouverts là-dessus, les trois formations politiques. Je pense qu'on est capables, dès qu'on aura des consensus, qu'on pourra changer, modifier cette loi, M. le Président, pour la rendre encore plus acceptable sur le plan démocratique, malgré qu'on en soit fiers, de cette loi-là.

Il ne faut pas oublier, M. le Président, qu'on sert de modèle à plusieurs pays. Plusieurs pays font appel au Québec concernant nos règles démocratiques. Continuellement, des professionnels de la Direction générale des élections ou encore du personnel-cadre sont appelés dans divers pays du monde pour aller donner précisément ce qu'on a fait. Mais on découvre d'une fois à l'autre qu'il y a des lacunes mais qu'on veut bonifier. Il y a des trous qu'il faut colmater, des brèches qu'il faut colmater, mais je pense que l'esprit du présent projet de loi, c'est de faire en sorte qu'on s'assure une fois pour toutes – ça, c'est l'esprit même du projet de loi – que le bon électeur, qui a la qualité d'électeur, qui est inscrit correctement sur la liste, à son adresse, qui correspond exactement, avec sa date de naissance, c'est lui qui va avoir le droit de voter, pas un autre, et ça, je serais surpris...

Après 23 ans en vie politique, il ne faut pas que je dise «jamais» parce que, des fois, je dis: Je serais bien surpris, puis la surprise arrive. Mais il me semble, en tout cas, que ce serait surprenant qu'une formation politique s'objecte, avec tout ce qui s'est passé au cours des derniers mois, durant la dernière campagne électorale. Il faut absolument, en tout cas, qu'on colmate cette brèche, et je suis persuadé que toute formation politique désireuse de faire en sorte que notre système démocratique soit le plus parfait possible va voter pour cette loi, je suis convaincu. On ne peut pas laisser ce qui a été fait. On ne peut pas laisser du monde, par exemple...

En tout cas, si ce que j'ai entendu est vrai, c'est assez grave. On invite des dizaines de personnes dans des salles, on les forme en disant: Toi, tu t'appelles Mme Unetelle ou monsieur X, puis tu vas voter, puis tu restes à telle adresse. Mais pourtant elle ne reste pas là, là. C'est des gens qui sont payés à tant du vote. C'est très grave. Puis, je répète, dans le monde municipal, il m'a été donné d'écouter une cassette, puis je peux-tu vous dire que ce n'est pas drôle, que ce n'est pas rose? Puis, s'il y a des gens qui cautionnent ça, là, je peux-tu vous dire une chose? Ils sont mieux de ne pas s'installer devant moi là-dessus parce que, moi, je n'endure pas, personnellement, qu'on puisse se substituer à un autre.

Quand on est rendu là dans un système démocratique puis qu'on essaie de se placer au-dessus de tout ça en disant: Ah! faut penser à la Charte des droits et libertés, faut penser aux chartes canadienne et québécoise, faut faire attention pour ne pas faire ombrage aux chartes, est-ce que la Charte dit qu'on a le droit de se substituer à un autre? Est-ce que la Charte nous permet d'aller voler le vote d'un autre? Est-ce que la Charte permet d'avoir un système pour voter à la place de n'importe qui? Je ne crois pas, moi. La Charte concède beaucoup de libertés individuelles, mais, dans une société démocratique, ça suppose qu'on a des règles du jeu au niveau démocratique qui doivent transcender ceux et celles qui ont le goût de poutiner dans cela.

J'en suis convaincu, moi, il n'y a pas une ligue des droits et libertés de la personne qui peut cautionner la substitution à un vote, comme il n'y a pas une commission d'accès à l'information qui pourrait cautionner le fait qu'un homme ou une femme veuille se substituer à une autre personne et usurper le droit d'un autre. J'en suis convaincu. Et je répète que l'esprit de cette loi-là et la lettre ne sont pas d'aller fouiller dans des dossiers, c'est d'obliger la personne à dire qu'elle est bien celle qui est inscrite sur la liste électorale permanente.

Donc, M. le Président, je ne prendrai pas plus de temps. Je suis convaincu que mes collègues pourront enrichir cette discussion. Mais je suis convaincu d'une chose, c'est qu'à compter d'aujourd'hui on entame le processus de la bonification de notre Loi électorale. Je suis ouvert, je le répète, et j'offre toute la collaboration au député de Saint-Louis, au député de Rivière-du-Loup, qui représentent les deux autres formations politiques en cette Chambre. Je veux qu'on puisse bonifier davantage nos règles démocratiques. Nous avons au moins cinq ou six points déjà que l'on pourra ajouter d'un consentement unanime pour faire en sorte que nous pourrons sortir d'ici avant les vacances d'été et dire: Nos règles démocratiques se sont enrichies. Nous avons consolidé le fait que le vote est un droit fondamental et qu'il appartient bel et bien à la personne qui est correctement inscrite sur nos listes électorales. Je vous remercie, M. le Président.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports et délégué aux Affaires autochtones.

J'inviterais maintenant le député de Westmount– Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je serai relativement bref aussi sur le sujet. Le ministre a évoqué, si j'ai bien compris, quelques-unes de ses frustrations antérieures, au moment où, lors d'une législature précédente, il avait cherché à modifier la Loi électorale. Mais il faut se rappeler que sa recherche de modifications de la Loi électorale se passait quelques jours avant le déclenchement des élections, et, à ce moment-là, vous comprendrez que les parlementaires sont toujours soucieux de ne pas changer les règles du jeu avant de partir pour la guerre, avant de partir pour la campagne électorale.

À ce moment-ci puis dans l'année qui vient, nous aurons certainement le loisir de réformer notre Loi électorale, peut-être éventuellement même notre mode de scrutin, si le gouvernement justement s'intéresse à cette question. Si le gouvernement regarde les faits de la dernière élection, non pas simplement quelques reportages aux nouvelles de TQS ou de Radio-Canada, mais aussi les conclusions que l'électorat nous a données au cours de la dernière campagne, faisant en sorte de donner à un parti qui est dans l'opposition la pluralité des voix...

Ce qui nous amène à nous poser des questions sur une éventuelle réforme du mode de scrutin, comme plusieurs pays qui l'ont déjà amorcée. Je pense à l'Angleterre. On a vu des élections en Écosse la semaine dernière. On a vu des élections dans certains pays qui ont modifié ou qui ont des modes électoraux un peu différents du nôtre et qui permettent, dans le fond, une meilleure représentation du voeu exprimé par la population.

M. le Président, j'ai déjà dit, lorsque le projet de loi n° 1 avait été déposé, que c'était un peu étrange que la priorité numéro un du gouvernement soit l'identification des électeurs, au moment où on n'avait pas siégé pendant quatre mois. Je le répète, c'est encore aussi étrange aujourd'hui, le 18 de mai, que ce l'était au 17 mars, quand le projet de loi a été déposé. Il n'en demeure pas moins que, en ce qui nous concerne, les principes sur lesquels nous allons asseoir notre réflexion, les principes sur lesquels les membres de l'opposition vont asseoir leur réflexion en ce qui concerne ce projet de loi et la Loi électorale en général sont relativement clairs, simples et faciles à démontrer, faciles à défendre. Nous allons faire en sorte de nous associer à toute espèce de loi qui ferait en sorte que ceux qui votent soient seulement ceux qui y ont droit. C'est clair. Ce n'est pas compliqué. Mais aussi un deuxième principe dont nous allons définitivement nous assurer qu'il prévale dans le cours de nos discussions: nous allons nous assurer que tous les citoyens qui ont le droit de vote puissent le faire, et le faire le plus facilement possible.

M. le Président, le gouvernement a choisi de voir, comme première partie d'éventuelles modifications à la Loi électorale, de traiter de l'identification. C'est son choix. Il ne m'apparaît pas que ça soit là la plus importante et la plus compliquée des situations, celle que nous avons vécue lors de la dernière élection, si on la compare à d'autres problèmes de nature découlant de notre Loi électorale. Le ministre vient d'annoncer qu'il offre une ouverture éventuelle pour améliorer ce projet de loi qui est, ce projet de loi, relativement bénin. Il ne traite que de l'identification des électeurs. Nous aurions voulu et nous souhaitons parler de comité de révision de la liste électorale permanente, un comité permanent de la liste électorale.

Je vous rappellerai, M. le Président, que, pour les quelques cas soulevés par TQS ou éventuellement Radio-Canada et qui ne sont, au moment où on se parle, que des cas présumés, pour la bonne et simple raison que le Directeur général des élections doit faire enquête sur ces deux cas, nous attendrons évidemment d'avoir l'opinion et les conclusions du Directeur général des élections sur cette situation-là. Mais, en ce qui nous concerne, ces deux cas pourraient relever autant... Ça pourrait être un vaste canular dans un cas comme dans l'autre. Nous n'en savons rien, mais nous les prenons au sérieux au cas où.

Et, toutefois, nous devons constater que les règles qui font en sorte dans notre loi actuelle... qui ont permis une supposition de personnes dans quelques endroits différents sont quand même malgré tout... Malgré l'effet pervers, malgré – il faut le dire comme on le pense, de toute façon, M. le Président – le sentiment de dégoût qui nous vient à l'esprit lorsqu'on pense à des gens qui ont pu justement frauder la Loi électorale puis voter à la place d'autres, on sait – puis c'est connu officiellement – que notre Loi électorale n'a pas permis à des dizaines de milliers de personnes de pouvoir voter lors de la dernière élection. C'est un problème beaucoup plus important que celui qu'on a devant nous. Des dizaines de milliers de personnes.

On est estomaqué de constater que, par exemple, la Société de l'assurance automobile du Québec qui fournit la Régie de l'assurance-maladie en informations, en données d'information sur les tas de gens qui déménagent puis qui font des corrections au niveau de leur permis de conduire, la tendance, dans leurs propres lois, ils font transférer... Lorsque, par exemple, un homme demande un transfert de son permis de conduire d'une place à une autre, la Société de l'assurance automobile du Québec transfère non seulement l'adresse de cet homme-là, mais transfère en même temps toute sa famille, ce qui veut dire, M. le Président, que, depuis maintenant deux ans et demi, tous les gens qui ont divorcé au Québec ont vu leurs permis de conduire modifiés. Ils ont déménagé, souvent, et puis, en même temps, toutes leurs familles déménageaient.

Puis, pour donner un exemple bien concret, un M. Tremblay qui divorcerait puis qui habiterait à Sept-Îles, divorce puis il déménage à Montréal. Avec notre système actuel, bien, sur la liste électorale pour la dernière élection, toute sa famille était rendue à Montréal. Son ex-épouse puis ses enfants majeurs étaient rendus à Montréal avec lui. Il y a des dizaines de milliers de noms qui ont été perdus comme ça pendant l'élection. Ça aussi, on pourrait dire que c'est une forme de vol de son propre droit de voter. Dans le fond, c'était un vol qui n'était sûrement pas recherché, il n'y avait pas de mens rea coupable, mais l'effet réel, c'est qu'il y a des dizaines de milliers de personnes qui n'ont pas pu se prévaloir de leur droit de vote parce que les systèmes les ont empêchées d'avoir leur droit de vote, et ça, ça doit être corrigé tout à fait rapidement.

Il y a toutes les questions concernant les votes des citoyens hors Québec. Combien de plaintes on a reçues des gens qui votent hors Québec? Ils ont reçu leur bulletin de vote trop tard. Ils l'ont renvoyé quand ils l'ont reçu, des gens ne l'ont pas reçu. Ils ont renvoyé le bulletin de vote, ils n'avaient plus de temps pour le renvoyer, leur bulletin n'a pas été compté. Enfin, des problèmes avec l'organisation de notre Loi électorale, il y en a de nombreux qui sont soulevés, puis de partout. De partout.

Et, comme notre Loi électorale n'est pas un objet sur lequel, en principe, on doit jouer régulièrement, bien, je pense qu'il est important... puis l'opposition souhaite faire une révision globale, complète de la Loi électorale. Le processus qui est amorcé depuis quelques mois est un processus qui, idéalement, devrait nous permettre, d'ici un an, un an et demi, de faire le tour de notre Loi électorale et, éventuellement aussi, d'avoir une réflexion puis peut-être des corrections à notre mode de scrutin.

(17 heures)

Sur le contenu, maintenant, du projet de loi n° 1, M. le Président, tout en conservant le premier principe dont je vous parlais, faire en sorte que ceux qui votent soient seulement ceux qui y aient droit, effectivement, le projet de loi nous suggère que l'on aura désormais l'obligation de présenter une carte, soit la carte d'assurance-maladie, la carte de permis de conduire ou d'autres cartes qui... On verra plus tard en commission parlementaire celles qui pourraient être utiles. On a aussi parlé dans le projet de loi de la carte de citoyenneté ou encore du passeport canadien. Bon, on verra plus tard, évidemment, dans le projet de loi et en commission parlementaire, les effets de ces cartes-là et comment on pourra fonctionner avec ce système et ce processus.

Mais il y a une question que je soulève tout de suite – puis je vois le ministre responsable de l'application de cette loi – l'article 338.1, l'article qui fait en sorte d'essayer de répondre au problème qu'on va retrouver un peu partout à travers le Québec, des gens qui vont arriver pour aller voter puis qui n'auront pas leur carte. Ils pourraient s'appeler puis être connus comme Guy Chevrette venant de Joliette, mais, quand tu n'as pas ta carte, on ne te laisse pas voter.

Alors, si tu n'as pas ta carte, qu'est-ce qu'on fait? Le processus qu'on nous suggère ici, dans le projet de loi, de déclarer d'abord sous serment qu'on est bien l'électeur dont le nom apparaît sur la liste électorale et qu'on a le droit d'être inscrit à l'adresse qui y apparaît, pourrait apparaître logique et normal. Mais ce processus-là est enrichi d'un deuxième processus: il faut être accompagné d'une personne qui, elle aussi sous serment, «s'identifie conformément au premier alinéa de l'article 337»; deuxièmement, «atteste l'identité et l'adresse de l'électeur»; troisièmement, «déclare ne pas avoir accompagné au cours du scrutin un autre électeur qui n'est pas son conjoint ou son parent au sens de l'article 205» de notre Loi électorale; quatrièmement, «présente un document visé à l'alinéa de l'article 337 pourvu que ce document comporte sa photographie».

M. le Président, ce processus m'apparaît extrêmement lourd et extrêmement difficile d'application. Il va falloir, en commission parlementaire, regarder comment on pourra faire pour essayer de raccourcir les délais que ça va prendre au bureau de votation pour faire en sorte de faire toutes ces vérifications-là, procéder à la première assermentation, procéder à la seconde assermentation. Et, au bout de la ligne, c'est une formule, M. le Président, qui risquerait de ralentir le processus électoral dans certains cas et, dans ce cas-là, de venir s'attaquer au deuxième principe que je vous soulevais, M. le Président, c'est-à-dire celui de s'assurer que tous les citoyens qui ont le droit de vote puissent le faire.

Vous comprendrez qu'à la rigueur – je vais prendre les dispositions d'esprit de notre collègue de Joliette, sans paranoïer – il se pourrait fort bien qu'un groupe de gens qui travaillent dans des sections de vote, dans des polls, aient eu comme formation ou qu'on leur ait demandé d'assermenter le plus grand nombre possible de gens, de prendre leur temps pour faire chacune de ces opérations. Eh bien, M. le Président, c'est évident que vous auriez des dizaines et des dizaines de personnes en attente auprès de chacune des boîtes de scrutin à travers le Québec, des gens malheureux d'un système puis d'une réorganisation par lesquels on cherche à éviter des suppositions de personnes, mais qui pourraient faire en sorte de diminuer notre taux de participation qui est déjà quand même relativement élevé, autour de 80 % à 82 %.

Alors, la mécanique trouvée dans le projet de loi n° 1 m'apparaît mal fondée sur le plan de sa capacité, d'une part, de voir à accélérer le vote, puis, d'autre part, de permettre en même temps d'identifier les gens qui n'auraient pas leur carte. Et ça, M. le Président, je souhaite que nous puissions corriger cette situation-là le plus vite possible pour empêcher qu'on puisse attaquer notre Loi électorale en lui prêtant des... ou en faisant en sorte qu'en l'utilisant on puisse non seulement ralentir le vote partout au Québec, mais qu'on puisse en même temps créer des obstacles au vote des gens dans certaines situations.

Et on se rappellera, M. le Président, que, dans la formation des officiers d'élection, on aura vu, entre autres au cours de la période référendaire puis la journée du référendum en 1995, que, dans un comté comme Chomedey, dans un comté comme Marguerite-Bourgeoys, dans un comté comme le mien, eh bien, il y a eu des gens qui ont systématiquement – puis il faut bien appeler ça comme ça, c'est ce que l'analyse du sujet du Directeur général des élections a amené comme conclusion – qui travaillaient pour le comité du Oui dans ces trois comtés-là et qui ont systématiquement fait de l'obstruction pour comptabiliser des votes qui étaient pour le Non. On a trouvé des moyens, des moyens qui étaient techniquement assez maladroits, mais de toute façon qui ont servi à faire en sorte que, dans des comtés comme Chomedey, on s'est retrouvé avec 12 % ou 13 % de votes rejetés. Depuis ce temps-là, on a corrigé le bulletin de vote pour éviter que cela se reproduise, mais il y a quand même, donc, une possibilité réelle, M. le Président, que des organisations puissent utiliser une loi pour essayer de faire en sorte d'utiliser une partie de la loi pour modifier évidemment l'esprit de cette loi. Si l'esprit de cette loi cherche à s'assurer, comme je l'ai signalé, que tous les citoyens qui ont le droit de vote puissent le faire, il faut s'assurer que cela arrivera avec l'adoption d'un projet de loi comme celui qu'on a devant nous.

Quant à l'identification des électeurs comme telle, le député de Joliette nous a annoncé tout à l'heure que ça se faisait dans plusieurs endroits. Je n'ai pas trouvé d'endroits en Amérique du Nord, sauf exception de certains États. Enfin, on pourra m'en donner des exemples, je n'en ai pas trouvés. Mais je n'ai pas trouvé non plus... Ça, je suis plus certain. Au Canada, il n'y a pas d'endroits où ça se fait. Je ne pouvais pas m'empêcher de trouver un peu curieux que le modèle québécois fasse en sorte que, maintenant, le gouvernement, peut-être, n'ayant pas suffisamment confiance dans ses ressortissants, le gouvernement n'ayant pas confiance suffisamment aux Québécoises puis aux Québécois pour être honnêtes en matière de réflexes électoraux, cherche à faire en sorte que nous nous différenciions des gens des autres provinces.

Je suis tout à fait surpris que le député de Joliette puisse avoir cette approche. Lui-même, comme ministre des Transports, nous suggère à bon droit, à mon avis, que nous puissions avoir la capacité, le droit de tourner à droite sur les feux rouges, parce que le restant de l'Amérique du Nord le fait et le monde en Amérique du Nord n'a pas commencé à s'écraser et à se frapper parce qu'ils ont le droit de tourner à droite sur les feux rouges. Alors, pourquoi, dans ce cas-là, devrions-nous être les seuls à avoir le pas? Ce sera au ministre de s'expliquer en commission parlementaire et de nous développer sa thèse qui voudrait que les Québécois soient des citoyens qui ne soient pas aussi responsables que les autres Canadiens en matière de réflexes électoraux et de capacité d'éviter de sombrer dans la supposition de personnes puis de remplacer puis de jouer à faire en sorte de passer des télégraphes, comme ça se disait il y a 30, 40 ans.

Bref, M. le Président, l'opposition va voter en faveur du projet de loi en principe, mais élève des réticences majeures quant à l'application de l'article 338.1, des réticences majeures – je le signale comme ça – et qui mériteront des discussions approfondies.

Deuxièmement, nous sommes très ouverts – je prends au vol l'ouverture que le ministre a faite – à enrichir le projet de loi pour faire en sorte d'améliorer la qualité de nos listes électorales et d'améliorer d'autres objets qui découlent de notre Loi électorale, pour lesquels la commission consultative s'est réunie déjà à deux reprises et se réunira demain matin, et pour lesquels, encore une fois, nous pourrons améliorer la Loi électorale pour permettre enfin que tous ceux qui votent, tous ceux qui ont le droit de vote puissent voter et puissent le faire le plus facilement possible, et que ceux qui votent soient seuls ceux qui ont le droit de voter. Dans ce cadre-là, nous serons donc en faveur de ce projet de loi là, mais nous voulons l'enrichir en ce qui concerne la Loi électorale et nous souhaitons une discussion profonde et éventuellement des modifications au mode de scrutin, dont j'ai parlé tout à l'heure. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il n'y a plus d'autres intervenants sur ce projet de loi. Alors, je vais mettre aux voix le principe du projet de loi.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 1, Loi concernant l'obligation pour l'électeur de s'identifier au moment de voter, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, est-ce que je pourrais peut-être demander qu'on suspende quelques instants? Cela pourra nous permettre, s'il y a consentement de l'opposition, de procéder immédiatement aux débats de fin de séance.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez, nous allons suspendre.

Une voix: ...

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, il y a ça. Alors, c'est pour ça qu'il faut vérifier absolument. Alors, écoutez, nous allons suspendre quelques instants et nous reviendrons pour la suite.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 18 h 4)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Débats de fin de séance


Nombre de médecins spécialistes au centre hospitalier Anna-Laberge de Châteauguay

Alors, nous allons entreprendre nos débats de fin de séance. Nous en aurons quatre. Durant le premier débat, le député de Châteauguay interrogera la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le centre hospitalier Anna-Laberge. Alors, M. le député de Châteauguay, vous avez cinq minutes de droit de parole.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'ai un débat de fin de séance parce que, la semaine dernière, je suis intervenu à la période de questions. J'ai posé une question principale, une question additionnelle à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, une question que je résume, qui était bien simple: Est-ce que Mme la ministre va venir au centre hospitalier Anna-Laberge? Va-t-elle venir à Châteauguay pour constater la situation? Je le dis parce que ce que nous vivons à Châteauguay, au centre hospitalier Anna-Laberge, que j'appellerai ci-devant le CHAL, si vous me permettez, c'est une injustice, et je souhaite, et je ne suis pas seul, tous les intervenants de la santé souhaitent que Mme la ministre vienne à Châteauguay pour qu'elle constate la situation.

Je disais la semaine dernière que je présume qu'elle ignore l'injustice qui est causée au CHAL parce que, si elle savait qu'il y a une injustice et qu'elle décidait de perpétuer cette injustice, c'est donc, à mon avis, un scandale. Je dois donc présumer qu'elle ne connaît pas cette injustice et qu'elle sera mieux à même, en voyant, en constatant, en écoutant les gens sur place, de voir qu'il y a une réelle injustice. Je la résume très rapidement. Tout autour de nous, à Valleyfield, à Saint-Jean, à LaSalle, sur l'île de Montréal, les hôpitaux ont droit de faire venir ou de garder les jeunes médecins à 100 % de leur rémunération. À Châteauguay, entre ces villes, au centre de ce rayon-là, de ce cercle-là, nous sommes condamnés au 70 %. Comment voulez-vous garder vos anesthésistes qui sont jeunes chez nous? On en a 2,33; la norme, c'est de 4. On est déjà en dessous de la norme. Le 1er juillet, il y en a deux qui s'en vont, il en reste 0,33. On ne garde pas un hôpital vivant avec 0,33 anesthésiste.

Mme la ministre m'a annoncé, aux crédits, qu'elle avait une réponse. Une entente avait été faite, et maintenant tout allait bien. Or, la seule entente qu'il y a, c'est un déplafonnement, du dépannage jusqu'au 30 juin. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que les anesthésistes quittent le 1er juillet. Si le déplafonnement est bon jusqu'au 30 juin, ça règle quoi? Ça ne règle rien. Et, même si le déplafonnement était pour une période plus longue, ce que ça nous donne, nous, à Châteauguay, c'est du dépannage pendant que, ailleurs, tout autour, ils vont pouvoir sécuriser leur hôpital en maraudant nos jeunes médecins.

Et c'est une autre dimension que je veux donner à Mme la ministre. Le CHAL, il doit – c'est pour ça qu'elle doit venir – être vu pour ce qu'il est: le plus récent hôpital au Québec, le plus moderne, avec une équipe d'intervenants fantastiques qui sont là, qui ont réussi, dans les quatre dernière années, à prendre le virage que le ministre de la Santé de l'époque disait: Ramenez vos gens chez vous; dites-leur qu'ils laissent Montréal, qu'ils viennent fréquenter le CHAL. Nous avons développé une rétention de la population extraordinaire, et aujourd'hui on a une ministre de la Santé qui donne des politiques incitatives à la population pour s'en aller à nouveau parce qu'elle a décidé que les médecins s'en iraient. Après avoir amené la population, maintenant c'est les médecins qui s'en vont, par la décision prise par la ministre.

Donc, ce que j'ai dit à plusieurs reprises avec Mme la ministre... Et je vais profiter de toutes les occasions qui me sont données pour lui rappeler l'injustice au CHAL. Je pense que c'est important qu'elle le sache. Je voudrais qu'elle le sache non pas seulement de la bouche du député de Châteauguay, mais surtout de ceux qui travaillent, qui oeuvrent quotidiennement à cet hôpital, qu'elle entende comment ça peut être impossible de gérer un hôpital, de garder notre population quand, en même temps, on dit aux médecins: Voyez-vous, vous, vous pouvez aller ailleurs; Valleyfield, Saint-Jean, LaSalle peuvent vous marauder. Vous aurez, vous, du dépannage perpétuel. Ce ne peut pas être une solution valable pour notre population. Et je reviens à la charge pour dire à la ministre que nous avons, à Châteauguay, des payeurs de taxes qui ont le droit aux mêmes services que ceux qui sont à Valleyfield, que ceux qui sont à Saint-Jean, que ceux qui sont à LaSalle.

Il me reste une minute, M. le Président. Je termine cette première étape en disant à la ministre ceci: Depuis les récentes interventions, j'ai entendu dire que le ministère de la Santé avait demandé un état de situation à la Régie à propos de cette situation au CHAL. Je tiens à dire à la ministre que je suis heureux de voir que le ministère a commencé à constater qu'il y avait un problème et demande un état de situation sur le CHAL à la Régie. Je lui dis ceci: Ce que ça a eu comme effet auprès des intervenants, c'est de leur donner un espoir. Je demande à la ministre de ne pas trahir cet espoir.

La rencontre dont elle me parlait, des hôpitaux de la Montérégie, pour le mois de juin, c'est trop tard. Il faudra qu'elle rencontre les intervenants au plus tôt et qu'elle leur donne une situation qui leur fait justice quand on compare avec les autres hôpitaux autour. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je peux rassurer le député de Châteauguay, je ne trahis jamais les gens; j'essaie de les servir. C'est ce pour quoi je me suis engagée en politique, et je continue de le faire dans la fonction que j'occupe maintenant.

(18 h 10)

Je peux comprendre le député de Châteauguay, et c'est d'ailleurs tout à son honneur de défendre le dossier du centre hospitalier de l'hôpital Anna-Laberge. Il l'a fait au moment de la commission parlementaire de l'étude des crédits, il l'a refait il y a quelques jours devant cette Assemblée. Mais je veux aussi le rassurer, et il le sait que ce n'est pas parce que je ne rencontre pas les gens et toutes les personnes qui me demandent des rencontres... Parce que, à ce moment-ci, je ne pourrais pas même participer au débat de fin de séance, je n'aurais pas le temps de venir à l'Assemblée nationale, M. le Président. Mais, comme il le sait, je viens à l'Assemblée nationale, je participe au débat. Mais, cependant, je me suis assurée que les gens du centre hospitalier Anna-Laberge étaient vus.

D'ailleurs, je veux dire au député que c'est un hôpital que j'ai visité à ses tout débuts, lorsqu'il était difficile d'y retenir des patients ou des malades parce qu'on ne connaissait pas l'hôpital, qu'on démarrait, qu'on n'avait pas nécessairement tout le personnel, et effectivement, c'est une réussite. Ça a pris du temps à démarrer, je m'en souviens très bien. On a eu des débats, d'ailleurs, dans cette Chambre. Ça a été très long. On fête le 10e anniversaire actuellement, mais ça va tout à fait bien actuellement. Dans le fond, ça va à ce point bien qu'on veut avoir tous les spécialistes nécessaires pour répondre aux besoins des gens, et je comprends ça.

Donc, ce que j'ai fait, c'est que mon attaché politique responsable de ces dossiers chez moi est allé rencontrer le centre hospitalier, mais il est allé le rencontrer surtout avec le député de La Prairie, mon collègue de l'Assemblée nationale, qui lui-même m'a fait état d'une demande qui se compare à celle que me fait le député de Châteauguay actuellement et qui plaide en faveur d'Anna-Laberge.

C'est vrai qu'en commission parlementaire d'étude des crédits j'avais dit qu'il y avait eu une entente, et c'était vrai. Il y avait eu une entente pour que du dépannage soit disponible; un dépannage déplafonné, comme on dit dans notre jargon, autrement dit où on peut être rémunéré à 100 % de son plafond, parce qu'il y a aussi un plafond, et cela est valide, effectivement, jusqu'à la fin de juin. Donc, si on veut continuer en ce sens-là, il faut revoir certains aspects de cette entente ou la confirmer, la continuer, ou modifier l'entente générale. C'était ce à quoi a fait référence notre collègue député de Châteauguay, c'est l'entente générale.

C'est vrai, il a raison, nous avons demandé un état de situation à la Régie. Le ministère en avait fait une, mais j'ai souhaité qu'on vérifie un certain nombre de choses suite, justement, à la visite et à la rencontre qu'il y a eu avec les gens de l'hôpital Anna-Laberge. Évidemment, en même temps qu'on souhaite la rémunération à 100 %, il faut bien voir que c'est une rémunération à 100 % qu'on obtient après un certain nombre d'années de pratique, hein? On n'est pas toujours payé à 70 % du salaire, mais les jeunes médecins qui arrivent le sont et, à ce moment-là, évidemment, ils quittent quand ils peuvent trouver un endroit où ils sont rémunérés à 100 %. C'est un petit peu normal.

Mais, par ailleurs, il faut dire qu'il y en a un, là, qui est à 100 % actuellement mais qui, il semble, va quitter quand même. La tâche est peut-être un peu lourde parce qu'il se voit un peu seul finalement – et c'est tout à fait juste – pour accomplir cette tâche-là.

Je n'ai pas, en soi, d'objection à revoir cette rémunération et le faire passer de 70 % à 100 %. Mais, cependant, si, ce faisant, ça a tout l'effet domino que l'on connaît et que ça ne signifie plus rien qu'une rémunération est différenciée selon qu'on pratique dans le centre de Montréal ou dans sa périphérie immédiate alors qu'on a là suffisamment de spécialistes ou de médecins et que, à ce moment-là, on ramène tout le monde dans la ceinture mais qu'on a des problèmes à l'extérieur de la ceinture... Parce que c'est ça qu'on vit actuellement, hein? On a Lac-Mégantic. On en a à Richmond. On a des problèmes à Granby. On en a dans des régions beaucoup plus excentriques, et là ils sont payés à 115 %. Mais on a d'autres types de difficultés à cause de l'éloignement, etc. L'exemple de La Sarre est un bon exemple.

Alors, oui, on l'examine, cela, mais, si nous n'arrivons pas à retoucher la rémunération sous cet angle, il faut trouver d'autres types de mesures. Ce n'est pas souhaitable, j'en conviens, et ce n'est pas ce que je recherche, mais, cependant, je sais que, si je ne modifie pas certaines règles et que ça continue d'avoir l'effet qu'on a maintenant, il faut que les services soient assurés, et à ce moment-là on a, oui, parfois des équipes de dépannage. On essaie que ces équipes soient stables parce que les patients, évidemment, créent l'habitude. Et c'est surtout les équipes de médecins dans le cas présent parce que les anesthésistes, souvent, travaillent avec d'autres spécialistes, d'autres médecins et pas directement nécessairement avec le patient, sauf lorsqu'ils interviennent.

Alors, oui, toute cette situation est prise en compte, et j'espère que, rapidement, on pourra donner des nouvelles à Anna-Laberge, M. le Président. Mais nous nous en occupons.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant donner le deux minutes de réplique à M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: D'abord, M. le Président, je prends au vol que Mme la ministre envisage la possibilité que, à Châteauguay, comme dans les hôpitaux autour, Valleyfield, Saint-Jean, LaSalle... Je le dis: Autant sur l'île de Montréal que tout autour, à quelques kilomètres de Châteauguay, la règle de 100 % est là. Je l'entends parler des effets domino, j'en ai déjà parlé avec elle. Je constate, moi aussi, que, lorsqu'on prend une entente avec un ou avec l'autre, il y a des effets domino. C'est bien pour ça qu'il y a une injustice à Châteauguay, c'est parce qu'il y a eu des décisions comme ça qui ont été prises pour Valleyfield, pour Saint-Jean, pour LaSalle, partout autour, et que conséquemment il y a une injustice.

Alors, quand j'entends Mme la ministre qui dit: Il faut vérifier ce qu'il y a autour, je lui annonce à l'avance qu'elle peut prendre cette décision. Il n'y a aucun problème, puisque, partout autour, ils vivent déjà dans cette situation-là. Et le plus tôt sera le mieux parce que, une fois qu'on l'aura annoncé, on va empêcher le maraudage. Il n'y a rien de pire dans une société que de voir des hôpitaux se voler les médecins les uns contre les autres quand on se bat pour une population. Alors, le plus tôt sera le mieux, d'annoncer ça.

Je tiens aussi à dire à Mme la ministre: Si elle pense que c'est avec le CHAL qu'on va envoyer du monde en Abitibi, et seulement avec le CHAL, et que Valleyfield, Saint-Jean, LaSalle, il n'y a pas de problème, je lui dis qu'elle se trompe, et c'est pour ça qu'elle doit s'y rendre. Dans le cas du CHAL, c'est le plus jeune hôpital. Il y a là des jeunes médecins, et c'est plus compliqué qu'un vieil hôpital.

Disons, par exemple – et je le dis à titre d'exemple simplement – Pierre-Boucher, qui existe depuis longtemps, doit avoir une banque de médecins d'assez d'expérience qui sont, eux, dans le 100 %. Il n'ont donc pas, eux, de raison de quitter. Mais chez nous ils sont à 70 %, puis juste à côté on leur fait: Youhou! venez chez nous, on vous paie 100 %. Qu'est-ce qu'ils font? Ils s'en vont, et Mme la ministre l'a compris. J'en ai un qui est à 100 %, le seul qui resterait? Bien, il se fait appeler. Il veut être à 100 % dans une équipe plutôt qu'être seul. Savez-vous ce que c'est, être seul, M. le Président, dans un hôpital, comme anesthésiste? Ça veut dire travailler du lundi au lundi, 365 jours par année. Il a raison de quitter. J'implore Mme la ministre pour qu'elle mette en oeuvre ce qu'elle vient de nous dire. Elle l'envisage. J'espère qu'avant la fin du mois de mai elle va nous annoncer qu'il n'y aura plus d'injustice et que nous serons sur le même pied que LaSalle, Valleyfield et Saint-Jean. Merci, M. le Président.


Plan d'intervention pour contrer la pénurie de médecins en région et de radio-oncologues

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Nous allons entreprendre le deuxième débat de fin de séance. Mme la députée de Bourassa interrogera la ministre de la Santé et des Services sociaux au sujet de la pénurie de médecins. Mme la députée, cinq minutes.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, merci. Vous vous souviendrez que le chef de l'opposition officielle abordait aujourd'hui, à la période de questions, la pénurie de médecins, et il évoquait plus particulièrement la situation de personnes qui sont actuellement en attente, donc des malades cancéreux qui sont en attente de traitement en radio-oncologie, situation qui avait d'ailleurs été clairement questionnée par l'opposition officielle qui demandait à la ministre de la Santé et des Services sociaux... Le 6 mai, elle évoquait les 426 malades cancéreux qui étaient en attente de traitement, une attente de cinq mois pour le cancer de la prostate et une attente, également, de cinq mois pour les cancers du sein.

Vous savez, M. le Président, aujourd'hui, au moment où on se parle, il y a 1 200 patients au Québec qui sont en attente de traitements en radio-oncologie. Alors, vous comprendrez bien que l'opposition officielle avait dénoncé à peu près au même moment l'année dernière la situation de malades qui sont en attente de recevoir des traitements. Donc, un an après, la situation n'a pas changé pour ces patients-là, qui sont malheureusement, un an après, exactement dans la même situation, à savoir en attente de traitements.

Et il faut comprendre – et j'ai côtoyé des malades pendant 11 ans – quand on a un cancer, je vous assure, à partir de la première minute où on en est informé, qu'on est extrêmement inquiet. J'ai une amie, d'ailleurs, qui est décédée récemment d'un cancer, et malheureusement elle s'est aperçue bien malgré elle, bien malgré le combat qu'elle a mené, que c'est difficile d'emporter une bataille contre l'évolution des métastases. C'est des cellules, ça, qui ne pardonnent pas.

Alors donc, le gouvernement, un an après, vient dire à des personnes qui sont toujours en attente: Bien, écoutez, on n'attend pas après l'opposition officielle pour demander un plan d'intervention rapide. Bien non, on n'attend pas après l'opposition officielle pour demander un plan rapide, sauf que, au même moment où l'opposition rappelle des interventions qu'elle a faites un an avant, bien, comme par hasard, le gouvernement et le ministère vont agir plus rapidement qu'ils ne l'ont fait.

(18 h 20)

Et j'aimerais rappeler, M. le Président, et c'est dommage que ça ne soit pas plus récupéré dans le discours, que le gouvernement du Parti québécois et le ministère de la Santé et des Services sociaux savaient dès 1997, suite à une analyse ou une étude qui a été conduite par le GRIS, le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, qu'une pénurie aiguë – et ce ne sont pas mes mots, je cite au texte – de médecins menaçait le Québec.

Alors, le gouvernement du Parti québécois, bien que sachant dès 1997 qu'une sévère pénurie allait sévir au Québec et irait jusqu'en s'aggravant dans les années 2015, un gouvernement qui est toujours demeuré extraordinairement fidèle à ses objectifs de compressions budgétaires, donc un gouvernement qui a continué, contre tout bon sens, alors qu'il sait que la population vieillit, alors qu'il sait que plus on vieillit, plus on est malade, donc plus on demande de traitements...

Puis la population n'a pas vieilli de façon spontanée, il y a des études qui en parlent depuis des années, des années et des années qu'on va se ramasser avec une population extrêmement âgée qui va avoir des besoins grandissants. Un gouvernement qui a des experts, un gouvernement qui favorise l'approche statistique, l'approche comptable, l'approche mathématique, un gouvernement qui sait qu'il y a une pénurie, donc qui demeure fidèle à ses compressions, son objectif, alors il coupe sans précédent de façon aveugle dans le réseau de la santé et ne se préoccupe pas, à ce moment-là, parce qu'il ne planifie pas son action, des conséquences de ses actes.

Alors, comme si ce n'était pas suffisant, il va par la suite réduire le nombre d'inscriptions à la faculté de médecine. C'est une mesure qui est tout à fait responsable quand on sait qu'il y a déjà des pénuries! Alors, là, ce n'était pas encore assez, ils ont instauré, par-dessus le contingentement au niveau des facultés, un programme de départs assistés. Puis là aujourd'hui ils vont s'étonner, hein? Alors, imaginez-vous.

Et je vous rappelle que ce gouvernement-là, dès 1994, le gouvernement du Parti québécois, avait pris des engagements qui sont constatés dans le programme. Ils disaient qu'ils allaient procéder, dès après leur élection, «à la convocation des parties concernées pour une conférence exceptionnelle sur la répartition des effectifs médicaux au Québec aux fins de dégager des solutions adéquates et concrètes. À défaut d'en arriver à des mesures satisfaisantes, le gouvernement assumera ses responsabilités et prendra des mesures appropriées pouvant même aller jusqu'à des mesures de rigueur».

Alors, on en est après, malheureusement, ces beaux discours, hein, malgré une ministre... Et je la comprends de se voir rassurante et de vouloir être rassurante. Actuellement, il y a 1 200 patients qui sont en attente de recevoir des traitements en radio-oncologie. Alors, ce que l'opposition officielle dit, c'est que le gouvernement le savait, aurait pu l'éviter.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Simplement une première chose, et je vais expliquer par la suite ce que nous faisons actuellement à l'égard des problèmes d'attente en radio-oncologie, c'est-à-dire des gens qui ont le cancer et qui peuvent être ainsi traités. Vous savez, j'ai encore vérifié cet après-midi – je l'affirmais parce que j'avais lu ça dans mes documents, mais je voulais le confirmer encore – cela prend neuf ans pour former quelqu'un qui va travailler en radio-oncologie. Faites le simple calcul: 1999, 1999 moins neuf, 1990. Ce sont donc des décisions prises au début des années quatre-vingt-dix que nous vivons aujourd'hui. C'est ça! Qu'est-ce que vous voulez, ça prend neuf ans, former un radio-oncologiste.

Cela étant, M. le Président, effectivement nous n'avons pas attendu les questions de l'opposition pour nous préoccuper de ce problème qui est bien réel pour les gens, et je suis d'accord avec la députée de Bourassa, je pense que c'est... Qu'est-ce que vous voulez, c'est la vie ou la mort, parfois, alors on comprend pourquoi des gens peuvent être anxieux et inquiets.

J'ai demandé dans quatre spécialités, en cardiologie, en installation de prothèses, en ophtalmologie et en oncologie, de voir qu'est-ce que nous pouvions faire rapidement pour nous assurer d'une liste ou de délais acceptables pour soigner quelqu'un qui avait ces problèmes. Je ne reviens pas sur les trois premiers, parlons simplement du traitement du cancer. J'ai confié un mandat au Dr Freeman, avec son équipe, avec une petite équipe qu'elle s'est constituée, pour nous dire quels allaient être ses critères, qu'est-ce qu'on devait faire, et évidemment aborder la question de la liste d'attente, cela va de soi, M. le Président. On devait me remettre ce rapport-là quelque part à la fin juin.

Quand j'ai vu – parce qu'on analyse systématiquement ce qui se passe dans le réseau; il y a des choses qui peuvent parfois nous échapper, mais les choses essentielles, normalement, on doit les connaître – que les listes commençaient à réaugmenter, j'ai demandé qu'on accélère la présentation du comité présidé par le Dr Freeman, ce qu'ils ont fait. Ils l'ont devancée de presque deux mois, et c'est au début de la semaine dernière que mon sous-ministre a rencontré cette petite équipe. Dès mercredi, j'ai pu travailler avec le Dr Deschênes, chez nous, qui est affecté à ce dossier. On a fait un bon tour de piste et on a retenu surtout un certain nombre de mesures à appliquer à très court terme, dont, entre autres, l'utilisation optimum, c'est-à-dire utiliser complètement les heures d'opération ou d'intervention disponibles dans les centres québécois.

Et vous savez, à cet égard, que c'est vrai qu'on a moins d'oncologistes, par exemple, que les Ontariens, toutes proportions gardées. Mais il faut savoir que, parce que nos oncologistes travaillent plus longtemps... Et j'ai vérifié, en plus, si le plafond salarial était une limite dans leur cas; elle ne l'est pas. Ils ne l'atteignent pas actuellement. Donc, on ne peut pas dire qu'il y a une limite là. Quand on regarde – et c'est la seule statistique que je vais donner, M. le Président – comment on traite de patients sur l'ensemble canadien, on en traite le même nombre, en moyenne, que partout ailleurs. Donc, ça veut dire que nos médecins travaillent plus fort, plus longtemps et traitent plus de gens. Donc, on en traite autant qu'ailleurs.

Donc, la première chose, c'est faire ça. Pour faire ça, ça nous prend un groupe qui va connaître les listes d'attente. Ce n'est pas si la liste d'attente est à tel hôpital, à tel autre puis tel autre... qu'on va pouvoir utiliser au mieux notre temps d'intervention. Donc, ça, j'ai déjà le projet devant moi. C'est un projet. Il reste certaines choses à finaliser. Dès cette semaine, ça va s'opérationnaliser.

Trois, on regarde pour reconnaître des personnes formées à l'étranger qui ont des diplômes en radio-oncologie mais qui ne sont pas reconnues formellement par le Collège des médecins, pour les faire reconnaître plus rapidement. Je rencontre le Collège des médecins d'ici quelques jours. On est en contact régulier avec eux. Et je dis aussi aux membres de cette Assemblée que déjà les personnes qui traitent, les spécialistes qui traitent, qui interviennent en radio-oncologie à Rimouski sont deux personnes qui ont été formées à l'extérieur du Québec. Donc, ils viennent combler parfois des départs aussi. Il faut savoir ça.

Alors donc, un, nous utiliserons d'abord notre capacité ici. Nous regarderons s'il est possible de reconnaître rapidement des gens formés à l'étranger en autant qu'ils répondent évidemment aux critères et aux exigences du Collège des médecins, ça va de soi. On serait irresponsable si on ne faisait pas ça. Et enfin, bien sûr, équiper en nouveaux appareils les centres qui auraient encore du temps disponible. Ça aussi, c'est exploré. Et, en dernière possibilité, le traitement aux États-Unis, si tant est qu'on doive le faire, parce que la vie d'une personne mérite qu'on fasse tout ce qui est nécessaire pour l'aider.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Et je vais remettre la parole à Mme la députée de Bourassa pour sa réplique de deux minutes.


Mme Michèle Lamquin-Éthier (réplique)

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, la ministre nous rappelle certaines des actions qu'elle est en train de poser. Je trouve ça extrêmement intéressant. J'aimerais, encore une fois, revenir sur le passé. Je veux bien qu'on parle du présent et de l'avenir, mais il faudrait peut-être qu'on comprenne qu'une bonne partie de ce présent-là et de l'avenir... que les patients qui sont en attente, les 1 200 personnes qui attendent des traitements, ils vivent les conséquences des décisions qui n'ont pas été prises par le gouvernement qui est en place, un gouvernement qui savait, dès 1997, qu'il y aurait de sévères pénuries de médecins, un gouvernement qui a permis qu'on réduise les budgets au niveau des universités, donc, du même coup, les admissions en faculté de médecine au Québec. De 280 finissants environ, en 1996-1997, on est passé à un peu plus de 200 cette année.

Alors, il ne faut pas venir s'étonner, puisqu'on prend des mesures qui font en sorte qu'on comprime le nombre des étudiants qui entrent à la faculté, qu'on n'en a pas assez. Il ne faut pas venir nous annoncer comme une vérité de La Palice que ça va prendre entre 10 ans et 12 ans. On le savait, ça. Ce n'est pas nouveau, ça.

(18 h 30)

Deuxièmement, ce même gouvernement qui savait ça a pris, par-dessus encore, d'autres mesures, comme si ce n'était pas suffisant, et il a mis en place des programmes de départs assistés et des programmes de départs à la retraite. Je vous rappelle, M. le Président, qu'il y a 1 250 médecins qui sont partis, dont une partie très importants de médecins spécialistes. Ce que ça représente, ici, c'est 300 000 $ par médecin. Le Québec a perdu, grâce à ces mesures qui ont été mises en place par le gouvernement du Parti québécois, six oncologues. Il y a déjà une situation qui est plus lourde, de l'aveu même de Mme la ministre à la période de questions. Elle a admis que la situation était plus lourde ici, au Québec. Elle a également admis qu'on avait moins de radio-oncologues. Malgré ça, sachant qu'il y aurait une pénurie, ils ont coupé, coupé, coupé, et ils ont pris des mesures qui sont tout à fait incompatibles avec assurer une accessibilité et des traitements à des patients. Comme dans le discours qu'on nous sert, la préoccupation est, nous dit-on aujourd'hui, d'assurer une accessibilité.

Je vous rappelle que, dans le programme du Parti québécois, on disait: «Dans la mesure où les solutions retenues nécessiteront un certain nombre...»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bourassa.


Transmission de renseignements par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec

Nous allons entreprendre le troisième débat de fin de séance. M. le député de Hull interrogera le ministre du Revenu au sujet du dossier de la fuite de renseignements personnels et confidentiels du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec. M. le député de Hull, pour cinq minutes.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Si on se retrouve ici ce soir, en débat de fin de séance, c'est parce que le ministre du Revenu se cache. Il se cache maintenant depuis trois semaines derrière une foule d'arguments qui ne tiennent pas.

On va reprendre certains faits, M. le Président. Ce n'est pas compliqué. De son propre chef, de son aveu, il dit: «Il y a eu fuite d'informations entre le ministère du Revenu et le Bureau de la statistique du Québec. Il y a eu violation de la loi.» Ce sont ses paroles. Suite à ça, une foule d'événements se sont produits. Du côté de l'opposition officielle, ça a été simple. On a demandé, j'ai demandé la semaine dernière au ministre, textuellement: «Est-ce qu'il peut s'engager aujourd'hui à demander un avis à la Commission d'accès dans le dossier du Bureau de la statistique du Québec?» Quels mots n'a-t-il pas compris dans cette question-là? Sa réponse: «Vraiment, on est plus vite que l'opposition, vraiment. Non seulement j'ai demandé l'avis, mais j'ai reçu la réponse.» Bien, M. le Président, le ministre du Revenu a induit la Chambre en erreur: ou bien il n'a pas lu l'avis, ou bien il ne le comprend pas.

Premièrement, l'avis date du 11 mai. Il est adressé à André Fiset, le sous-ministre par intérim, son sous-ministre par intérim. La première phrase: «Vous m'avez transmis ce matin la deuxième partie du registre de communication de renseignements nominatifs que tient le ministère du Revenu.» C'est de ça dont on parlait. Et la conclusion, M. le Président, est à l'effet que les informations dans ce registre traitent particulièrement du développement ou de l'entretien des systèmes informatiques. Ça ne traite pas du tout du Bureau de la statistique du Québec.

Alors, ce soir, on est à reprendre cette argumentation et demander au ministre: De quoi a-t-il peur? Quatre sondages ont été réalisés par le Bureau de la statistique du Québec avec des informations nominatives provenant du Revenu, de Revenu Québec, au moment même où il était le ministre responsable de Revenu Québec. Ce qui est bon pour sa collègue, qui a dû démissionner du ministère, ne semble pas bon pour lui. Pourquoi? Posons-nous la question, M. le Président. Que veut-il cacher? Il est clair que, de son propre aveu, il avoue que la loi a été violée, que des informations personnelles ont été transmises. L'avis de la Commission dans le dossier SOM était limpide sur ce qu'on pouvait faire et ce qu'on ne pouvait pas faire dans le dossier de Revenu Québec. Il le sait très bien. Et c'est pour cette raison qu'il se camoufle derrière des arguments loufoques.

M. le Président, en conférence de presse, la semaine passée, le ministre du Revenu nous a dit, en anglais, effectivement: Yes, I think, technically, the law was broken, dans le cadre du Bureau de la statistique du Québec. Il l'avoue encore. Quand on lui pose la question, aujourd'hui: Est-il prêt notamment à demander à la Commission d'accès de faire enquête?, il nous répète: Non, je ne suis pas intéressé à avoir la vérité dans ce dossier-là. Cet homme est un homme d'honneur, M. le Président, un homme d'expérience, un parlementaire aguerri. Il connaît tous les trucs du métier et il les utilise, aujourd'hui. Il les utilise pour cacher la réalité aux Québécois et aux Québécoises.

Ce que l'opposition lui demande, M. le Président, aujourd'hui, c'est très simple, et je peux utiliser tous les mots qu'il souhaite que j'utilise. Pourquoi ne se lève-t-il pas tantôt et ne nous dit-il pas: Oui, je vais demander à la Commission d'accès de faire enquête pour élucider tout ça une fois pour toutes? J'ai affirmé que la loi a été violée; bien, que la Commission fasse enquête et j'assumerai les conséquences, comme ma collègue les a assumées, et ça, ça sera un ministre d'honneur, ça sera un ministre transparent, ça sera un ministre pour qui on aura au moins l'estime de son courage. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre d'État à l'Économie et aux Finances et ministre du Revenu. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, ça fait 15 ans que j'ai l'honneur de siéger dans cette Assemblée de même qu'au Conseil des ministres, et la population a eu l'occasion de juger, de centaines de dossiers, de lois, de règlements, que ma vie publique a été basée sur la transparence, sur l'honneur, comme il me fait l'honneur de le dire. Dans ce dossier, j'applique exactement les mêmes principes, et la population l'a bien compris.

Transparence: déposer tous les dossiers au fur et à mesure et autant qu'il en faut; et prudence: c'est-à-dire aller même au-delà de la loi et ne rien faire dans le doute, s'abstenir, avoir l'autorisation de la Commission d'accès à l'information au préalable. En d'autres termes, en faire plus que moins, et c'est ça que j'ai commencé à faire, et c'est ça que je vais continuer à faire, quelles que soient les récriminations de l'opposition qui a pour rôle de s'opposer. C'est leur devoir de le faire, et je trouve qu'ils pourraient le faire avec plus d'élégance de temps en temps, mais, en tout cas, je ne suis pas ici pour les juger, je suis ici pour informer la population, et c'est ce que j'ai fait le 24 mai à l'occasion d'un débat de fin de séance.

J'ai appliqué la politique de transparence annoncée dès le départ en informant la Chambre que le fameux registre du 26 avril, auquel faisant référence l'opposition, n'était pas complet. Il n'était pas complet. C'est ça, la transparence. J'aurais pu essayer de dire qu'il était complet; il ne l'était pas. Il avait été réparti dans plusieurs sections du ministère, et ce n'est pas ça que la loi dit. Je ne me suis pas contenté de cet exercice de dire qu'il n'était pas complet au sujet des trois mandats additionnels avec le BSQ, j'ai déposé le lendemain les quatre contrats entre le BSQ et le ministère du Revenu et j'ai demandé au ministère de s'asseoir avec la Commission d'accès à l'information pour nous assurer d'avoir un registre conforme à la loi, tant au niveau de la forme que du caractère complet des informations qui doivent y apparaître.

Le 20 mai, l'exercice était complété, et le président Comeau, dans une lettre, dit textuellement que «le registre répond aux prescriptions de l'article 67.3 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels». Alors, transparence et approbation par la Commission suivant les principes que j'ai énoncés dès le départ.

Je me rappelle que l'opposition a glosé abondamment sur le mode de tenue du registre, que cette obligation date de 1985. C'est nous qui avons passé cette loi. Dès que nous avons eu des doutes sur la manière de tenir le registre, dès que nous avons eu des doutes, nous avons nettoyé le dossier avec la collaboration de la Commission d'accès. On ne peut pas en dire autant de l'opposition qui n'a rien corrigé pendant neuf ans, ce qu'elle nous reproche depuis quelques semaines.

L'opposition met dans un même panier – et c'est pour ça qu'elle fait l'erreur et qu'elle demande ma démission – le contrat de SOM avec les quatre contrats accordés au BSQ.

Il y a des distinctions importantes entre le contrat SOM et les quatre contrats accordés au BSQ, et cela va de soi, c'est dans la nature des choses: SOM est une firme privée, c'est clair, ce qui n'est pas le cas du BSQ, un organisme du gouvernement. Il y avait absence de contrat en bonne et due forme entre SOM et le MRQ, tout le monde le sait, tout le monde l'a dit, alors que le BSQ était lié par contrats dans lesquels existaient les clauses de confidentialité appropriées. Et je vous les ai déposés, ils sont dans les mains de cette Assemblée.

Il n'était pas prévu à la Loi sur le ministère du Revenu qu'un organisme privé puisse faire des sondages, mais, dans le cas du BSQ, une exception est prévue à la loi, c'est l'article 69.1k pour lequel l'opposition a voté, je l'ai démontré durant la séance de cet après-midi. Et, dans le cas de SOM, il y a eu non-respect de l'article 67.2 et suivants de la loi sur l'accès à l'information, alors que dans le cas du BSQ il y a eu respect de cet article, M. le Président. «Un organisme public – on le sait, c'est dit à 67.2 – peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat confié par l'organisme public à cette personne ou à cet organisme.» Le BSQ est un organisme public.

Dans le cas de l'organisme public, il faut confier ce mandat par écrit – ça a été fait – «indiquer, dans ce mandat, les dispositions de la présente loi qui s'appliquent au renseignement qui lui a été communiqué ainsi que les mesures qu'il doit prendre pour que ce renseignement ne soit utilisé que dans l'exercice de son mandat», ce qui a été fait.

Et, dans le cas qui nous occupe, il y a eu ententes écrites. Ces ententes apparaissent au registre, et une déclaration de confidentialité, conformément aux dispositions de la loi, a été dûment signée. Il n'y a pas eu de fuite de renseignements, M. le Président, il y a eu des transmissions qui, depuis 1985, ne concordent pas totalement. Et, comme l'a dit la Commission, elle souscrirait, la Commission d'accès à l'information, à l'adoption par l'Assemblée nationale d'une modification législative pour clarifier la situation, ce qui indique bien que la situation n'était pas claire. Nous allons la clarifier. Ça aurait dû être fait depuis très longtemps, et j'espère que l'opposition, qui n'a pas eu le courage et le désir de le faire pendant neuf ans, au moins nous appuiera de toutes ses forces pour clarifier maintenant cette situation, M. le Président.

(18 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre du Revenu. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: En vertu de 214, M. le Président, est-ce que le ministre aurait l'obligation de déposer la note qu'il a lue?


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je tiens à vous faire remarquer, cependant, que c'est une note personnelle, vous n'êtes pas obligé de... Le règlement dit très bien: Quand vous citez un texte... À ce moment-là, on peut demander de citer. Alors, c'est ça. Je vous dis ça, là, je pense que c'est bon de connaître le sens du règlement. Alors, vous êtes tout à fait libre d'accepter de le déposer, mais vous n'êtes pas obligé par le règlement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, bien, je vous remercie puis je vais céder la parole à Mme...

M. Cholette: Aïe! Aïe!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! ce serait la réplique, là. M. le député de Hull, je vous cherchais. Alors, très bien. Vous êtes loin un petit peu, mais vous vous rapprocherez un jour probablement.


M. Roch Cholette (réplique)

M. Cholette: Merci, M. le Président. Quinze ans d'expérience, Conseil des ministres, vice-premier ministre, ministre des Finances et de l'Économie, ministre du Revenu, il lit un texte préparé par ses avocats, il ne déroge pas d'une virgule, M. le Président, puis c'est un nouveau de quatre mois d'expérience qui pose la question. J'aurai tout vu. Il cache quelque chose. S'il a raison...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Monsieur, il vous reste une minute et demie. Vous étiez à la limite de l'acceptable au niveau du règlement, durant vos cinq minutes. Alors, je vous invite, s'il vous plaît, à respecter le règlement. On ne peut pas laisser soupçonner des intentions malveillantes, et ainsi de suite; c'est l'article 35, vous le savez. Alors, il faut quand même respecter cet esprit du règlement. M. le député de Hull.

M. Cholette: Le ministre aux multiples chapeaux, qui vient de lire un texte textuellement en réponse à une question fort simple, est en train de démontrer qu'il est en train d'induire la Chambre en erreur. Il est en train, M. le Président, de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, vous affirmez que le ministre est en train d'induire la Chambre en erreur. Alors, il ne faut pas attribuer des intentions. Alors, je vous cède la parole. Faites attention pour ne pas attribuer des intentions malveillantes.

M. Cholette: Je vous remercie de vos propos, M. le Président. Alors, on est évidemment dans une courbe d'apprentissage, mais quand on voit des choses comme ça, il faut utiliser les mots qui s'appliquent. Et, présentement, ce qu'on voit, c'est que le ministre est en train de se camoufler derrière un écran de fumée pour ne pas répondre de ses gestes, de ses actes à la population du Québec. Ce qu'il doit faire, c'est demander à la Commission d'accès de faire enquête dans le dossier du Bureau de la statistique du Québec. Ça a été la chose honorable que sa collègue a faite, c'est la chose honorable qu'il devrait faire: il devrait se lever aujourd'hui et nous dire qu'il demandera à la Commission d'accès de faire enquête. S'il n'a rien à se reprocher et à cacher, il le fera avec honneur. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Hull. Alors, ceci met fin au débat.


Passage à l'an 2000 des systèmes informatiques du ministère du Revenu

Nous allons entreprendre le quatrième et dernier débat pour la soirée. Mme la députée de La Pinière interrogera le président du Conseil du trésor au sujet du bogue de l'an 2000 au ministère du Revenu. Alors, Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. le Président, à la période des questions, j'ai questionné le vice-premier ministre et ministre du Revenu sur l'état de préparation au bogue de l'an 2000 dans son ministère suite à une déclaration qu'il a faite en conférence de presse le 13 mai dernier, déclaration qui a été rapportée dans les médias, notamment dans La Presse du 14 mai 1999.

De quoi s'agit-il, M. le Président? Le 13 mai 1999, le ministre du Revenu et député de Verchères a décidé de suspendre une centaine de consultants informatiques qui travaillaient dans son ministère. On se rappellera que le ministre du Revenu a refusé, comme mon collègue le député de Hull vient de le dire, de demander l'avis de la Commission d'accès à l'information dans le cas des transferts de son ministère de renseignements nominatifs au Bureau de la statistique du Québec, ce qui est, comme on le sait, M. le Président, illégal.

Au lieu de faire la chose qu'il faut dans les circonstances et suivre l'exemple de sa collègue de Rosemont, c'est-à-dire démissionner, il a choisi une tactique de diversion en annonçant la suspension des contrats des consultants informatiques. Et, comme un malheur avec le vice-premier ministre ne vient jamais tout seul, il nous a également annoncé que son ministère, le ministère du Revenu, n'était pas prêt pour le passage du bogue de l'an 2000. J'ai pu confronter cette information-là avec le rapport qui nous est donné par le secrétariat du Conseil du trésor et intitulé Bienvenue sur le site l'an 2000 du gouvernement du Québec, 228 jours avant l'an 2000 . Le décompte est commencé. Et, dans ce rapport, on peut lire, en ce qui a trait au ministère du Revenu plus spécifiquement, daté du 31 mars 1999, c'est-à-dire qu'il y a un mois et demi que ces données-là figurent dans le rapport du ministère du Revenu: «encaissement des sommes perçues par le gouvernement, 100 % de préparation; perception des différentes sommes, gestion des entrées, 100 % de préparation; cotisations des contribuables, les particuliers, les sociétés, l'apport Logis-rentes, 100 % de préparation; cotisations des mandataires, TVQ, TPS, carburant, transporteurs, tabac, RAS, 100 % de préparation; vérification, 100 % de préparation; perception des pensions alimentaires, 100 % de préparation; perception des créances fiscales, 100 % de préparation.» Ça, M. le Président, c'était le rapport virtuel du président du Conseil du trésor qu'il prenait pour être un rapport officiel.

Or, lorsque le vice-premier ministre et ministre du Revenu a déclaré que son ministère n'était pas prêt, il l'a fait pas plus tard que le 13 mai. Alors, le capitaine du bogue de l'an 2000 et président du Conseil du trésor nous annonçait donc que, lui, était prêt au 31 mars. Alors, qui dit vrai, M. le Président? Qui dit vrai? Nous avons d'un côté le président du Conseil du trésor qui dit que le ministère du Revenu est prêt à 100 %, il y a déjà un mois et demi, et, de l'autre, vous avez le ministre titulaire du ministère du Revenu qui, lui, dit: On ne sera pas prêt d'ici le 31 décembre 1999.

M. le Président, le président du Conseil du trésor, dans la réponse qu'il m'a donnée cet après-midi, loin de nous rassurer, avoue, et je le cite, qu'il n'a «pas d'indice que le ministère du Revenu ne serait pas prêt». Il n'a pas d'indice. Or, l'indice a été donné il y a cinq jours par son collègue le ministre du Revenu, et il a été répété devant nous, dans cette Assemblée, pas plus tard qu'à la réponse du ministre.

M. le Président, comment est-ce qu'on peut faire confiance à ce gouvernement? Comment est-ce qu'on peut faire confiance à deux ministres majeurs, poids lourds dans le gouvernement, qui parlent des deux côtés de la bouche? L'un dit noir, l'autre dit blanc. Il s'agit ici d'un enjeu majeur, essentiel, le bogue de l'an 2000. Le gouvernement est en train d'investir des sommes colossales dans ce dossier. On a droit d'avoir l'heure juste. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le président du Conseil du trésor. M. le président.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, dans le cadre des travaux d'adaptation visant le passage harmonieux à l'an 2000, dans l'ensemble des activités essentielles du gouvernement, chacun des ministères a dû identifier ses propres activités. Et je rappelle à cette Assemblée qu'une activité essentielle est une fonction ou un service exécuté par un ministère du gouvernement, ayant une incidence sur la santé, la sécurité des citoyens et sur la stabilité économique de l'État, dont la perte ou l'interruption, même pendant une courte période, est considérée susceptible d'occasionner un risque inacceptable. Ça a été la définition qu'on s'est donnée dès que nous avons été au dossier de l'an 2000.

(18 h 50)

Le ministère du Revenu, quant à lui, a identifié huit activités essentielles, et je vous les énumère: l'encaissement des sommes perçues par le gouvernement; la saisie des documents, incluant les échanges électroniques; la perception des différentes sommes; gestion des entrées; cotisation des contribuables, particuliers, sociétés, APPORT, Logirente, les différents programmes; la cotisation des mandataires, TVQ, TPS, carburants, transporteurs, tabac, RAS; la vérification; la perception des pensions alimentaires; et la perception des créances fiscales.

Au 30 avril 1999, les travaux d'adaptation sont complétés à 100 % pour toutes ces activités essentielles, à l'exception d'une activité intitulée Saisie des documents incluant les échanges électroniques, qui affiche un taux d'avancement de 94 %. Cette activité sera complétée à 100 % le 26 juin, ce qui va d'ailleurs, à ce moment-là, compléter l'ensemble des activités.

Je précise une chose: ce qu'il reste à faire, c'est les essais qui se font et qui seront terminés le 26 juin. C'est la seule chose qu'il reste à faire, le 6 %. Alors, M. le Président, sur ce plan, très substantiellement, ce que j'ai dit est exact et ce qui est publié au site Internet du Conseil du trésor est exact, 94 %. Il reste des essais.

M. le Président, en plus des activités essentielles, parce que c'est là, je pense, où l'opposition peut peut-être se poser des questions, les ministères doivent assurer que tous leurs systèmes stratégiques pourront effectuer adéquatement le passage à l'an 2000. Au 30 avril 1999, le ministère du Revenu avait identifié, quant à lui, 14 systèmes stratégiques qui supportent les huit activités essentielles. À cet égard, il ne reste que 36 jours-personnes à réaliser. De plus, il y a 13 autres systèmes qui sont également stratégiques, au ministère. Parmi eux, deux systèmes stratégiques exigent un effort de 400 jours-personnes pour que les travaux soient complétés, et je vous précise encore une fois qu'un système est dit «stratégique» lorsqu'il est de première importance pour la réalisation de la mission du ministère ou de l'organisme. Ça a toujours été les mêmes définitions depuis le début. Nous avons parlé des activités essentielles, et c'est celles que nous visons au 31 décembre, et je dirais même avant ça, au 30 juin, avec différents échéanciers. C'est celles que nous visons d'abord et avant tout. Les systèmes stratégiques viennent après.

Mais je pourrais continuer quant au bilan pour vous dire que, en ce qui concerne les systèmes stratégiques, nous en sommes actuellement à 93 % et, en ce qui concerne l'ensemble des travaux, comprenant tous ceux qui ne sont ni essentiels ni systèmes stratégiques, nous en sommes à 80 %, 80,3 %. Alors, sur ce plan-là, le ministère du Revenu sera prêt, M. le Président, même au 30 juin.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor. Je vais céder la parole, pour les deux dernières minutes, à Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin (réplique)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, on est obligé de l'applaudir parce que, d'une certaine manière, mes collègues m'applaudissaient parce que c'est exactement le rapport que j'ai fait de son rapport qui est sur Internet et sur lequel je navigue quotidiennement. Mais ce que le président du Conseil du trésor ne veut pas entendre, c'est ce que son collègue...

Une voix: C'est ça.

Mme Houda-Pepin: ...le ministre du Revenu nous a déclaré ici même, dans cette Assemblée, il y a quelques heures. Qu'est-ce que le député de Verchères, vice-premier ministre et ministre responsable du Revenu, a dit? Je le cite au texte: «Le ministère est prêt à condition que les équipes soient là, que les personnels soient en place et qu'ils soient dans la maison.» Ils vient de les mettre dehors, M. le Président.

Qu'est-ce que le vice-premier ministre et ministre du Revenu a déclaré aussi, M. le Président? Je le cite, au grand bénéfice du capitaine du bogue de l'an 2000. Je cite le vice-premier ministre: «Le ministère est prêt, comme les pompiers sont prêts à répondre à une alerte, à condition que les pompiers soient dans la caserne. Là, avec ces contrats-là, on a été obligé d'en sortir un certain nombre.»

M. le Président, les pompiers ne sont pas dans la caserne et les équipes ont été renvoyées. Le capitaine du bogue de l'an 2000 refuse de rendre publiques, dans un rapport du Conseil du trésor, toutes les activités liées au bogue de l'an 2000, notamment tout ce qui touche les systèmes stratégiques – il vient d'en parler, mais il ne donne pas les chiffres – les systèmes spécialisés, les systèmes informatiques. Il les cache. Il les cache parce qu'il sait pertinemment qu'il ne va pas se rendre à l'an 2000 avec les préparations nécessaires, et il nous donne, M. le Président, sur Internet, des rapports truffés et virtuels, et le chat vient de sortir du sac avec le ministre du Revenu.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin aux débats de fin de séance, et nous allons ajourner nos débats à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 56)


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