L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 27 mai 1999 - Vol. 36 N° 36

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la République de Hongrie, M. Sandor Papp

Présence de membres du Barreau du Québec

Motion proposant que l'Assemblée souligne le 150e anniversaire du Barreau du Québec

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés!

Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur de la République de Hongrie, M. Sandor Papp

Alors, pour débuter la séance, j'ai le plaisir d'abord de souligner la présence dans nos tribunes de l'ambassadeur de la République de Hongrie, Son Excellence M. Sandor Papp.


Présence de membres du Barreau du Québec

J'ai également le plaisir de souligner la présence du bâtonnier du Barreau du Québec, Me Jacques Fournier, de la bâtonnière du Barreau de Québec, Me Kim Legault, et du président de la Corporation des fêtes du 150e anniversaire du Barreau de Québec, M. le bâtonnier Jean Paquet, à l'occasion de l'inauguration de l'exposition qui souligne le 150e anniversaire du Barreau du Québec, Juristes et parlementaires, 150 ans d'histoire .

Alors, je crois que, pour souligner cet événement, je vais d'abord céder la parole au premier ministre.


Motion proposant que l'Assemblée souligne le 150e anniversaire du Barreau du Québec

M. Bouchard: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 150e anniversaire du Barreau du Québec, du Barreau de Montréal, du Barreau de Québec, du Barreau de Trois-Rivières, ainsi que le rôle majeur que les avocats et juristes ont joué au sein de nos institutions parlementaires québécoises.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Alors, il y a consentement. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je ne surprendrai sans doute personne en affirmant que je suis particulièrement heureux de souligner aujourd'hui le 150e anniversaire du Barreau du Québec et des Barreaux de Québec, Montréal et Trois-Rivières. L'existence du Barreau du Québec puise ses racines au coeur de notre histoire collective. Il convient que nous puissions célébrer ensemble cet événement dans notre Assemblée nationale.

Le Barreau, tel que nous le connaissons, existe depuis le milieu du XIXe siècle, mais les avocates et les avocats du Québec participent à la vie collective depuis plus de 200 ans. En effet, pour plusieurs historiens, l'année 1765 est celle où les premières commissions d'avocats, comme on les appelait à l'époque, furent octroyées. Et, de 1765 à 1849, les quelques avocats exerçant au Québec étaient regroupés sous diverses appellations et l'accès de certains individus à la profession se faisait par des moyens discrétionnaires.

Il y a donc lieu de marquer l'année 1849, puisqu'elle établit une étape importante aussi bien dans l'histoire des avocates et des avocats que dans l'histoire du Québec. Le Barreau du Bas-Canada, qui devient le Barreau du Québec, a alors commencé à jouer un rôle important dans notre vie démocratique. Tout au long du siècle et dans les dernières années, les représentants des membres du Barreau, les bâtonniers, ont fait entendre le point de vue des juristes du Québec dans la plupart des débats qui animent notre société. Plus près de nous, la participation du Barreau aux débats entourant les projets de loi déposés en cette Chambre rend cette institution incontournable pour notre démocratie.

Le Barreau a aussi la mission de protéger les intérêts du public, de veiller à ce que la population puisse avoir accès à un système de justice crédible et efficace. Il doit aussi s'assurer que les services juridiques offerts maintiennent un haut standard de qualité. Ce n'est certainement pas un hasard si autant de membres du Barreau siègent parmi nous. Nous adoptons les lois qui modèlent notre société, qui la rendent conforme à nos attentes et à nos engagements. Les avocates et les avocats étant formés à la dure école de la rédaction législative, de l'étude des lois et du sens des mots, il n'est pas surprenant que certains et certaines s'intéressent à la vie parlementaire. Je ne dis pas que les membres de cet ordre professionnel considèrent la vie politique et publique comme une vocation, mais une chose est sûre, il s'agit d'un mariage qui n'est pas contre nature.

Je me permets de souligner que, si l'on s'en tient uniquement à la présente Législature, 33 de nos collègues ont une formation juridique et 21 d'entre nous ont exercé la profession avant d'être élus à cette Assemblée. J'ai d'ailleurs pratiqué le droit avec passion pendant plus d'une vingtaine d'années, M. le Président.

Au cours de la présente décennie, le Barreau est entré dans une marche accélérée vers la modernité. Habitués au rôle plus classique de plaideur ou de négociateur, certains craignaient les changements radicaux apportés par le développement des technologies de l'information, de la mondialisation et de l'ouverture de nouveaux créneaux. Mais, par ses publications, ses cours de formation permanente, ses liens avec les Barreaux étrangers et la multiplication des ententes de service entre cabinets, le Barreau du Québec et ses membres ont pris le virage qui s'imposait.

L'an dernier, j'ai eu le plaisir de clore le congrès annuel du Barreau au Manoir Richelieu. Les travaux portaient notamment sur l'adaptation des avocates et des avocats aux nouvelles réalités. J'ai été frappé par le formidable effort d'imagination et de dépassement accompli par ses membres, compte tenu des nouvelles exigences de la pratique et de l'explosion des admissions à l'exercice de la profession.

(10 h 10)

À cet égard, un seul chiffre parle par lui-même; de 2 629 que nous étions à mon admission en 1964, le Barreau compte, en mai 1999, tout près de 18 000 avocates et avocats. Cette augmentation s'accompagne d'une très bonne nouvelle: une présence accrue des femmes dans cette profession. Près de 40 % des membres de cet ordre sont maintenant des femmes. Je souhaite d'ailleurs que la présence d'une femme comme ministre de la Justice, la première à occuper cette fonction, contribuera à donner le goût à beaucoup d'autres d'investir cette profession à la fois exigeante et gratifiante.

En terminant, je veux saluer le bâtonnier actuel, Me Jacques Fournier, ainsi que tous les avocats et avocates qui l'accompagnent de même que la bâtonnière et les bâtonniers de Québec et de Trois-Rivières.

En souhaitant que les célébrations prévues soient couronnées de succès, j'émets le voeu que le Barreau continue à jouer un rôle important dans notre société, conscient d'un changement qui parfois s'impose et de la nécessité de bâtir ici une société éprise des valeurs fondamentales de justice et d'équité. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que je veux ajouter ma voix aujourd'hui à celle du premier ministre et à tous mes autres collègues de l'Assemblée nationale pour souligner le 150e anniversaire du Barreau, également saluer M. le bâtonnier Fournier, Mme la bâtonnière et ceux qui accompagnent aujourd'hui les leaders du Barreau du Québec.

M. le Président, c'est l'occasion pour nous de rappeler un fait historique pour le Québec et pour le Canada, une décision qui a beaucoup influencé notre histoire et nos institutions, celle prise en 1774, de reconnaître ici une langue, une culture et un régime juridique différents et la cohabitation de ces régimes juridiques. C'est là une décision qui, pour nous, de génération en génération, aura été très, très significative et qui permet à la fois au Québec et au Canada de se distinguer comme pays, comme État. Le Barreau du Québec est au coeur de cette grande institution qui est présente ici à tous les jours à l'Assemblée nationale, qui vise à définir les relations que nous avons entre nous, entre citoyens, dans la société civile.

M. le Président, c'est d'autant plus un honneur pour moi d'ajouter mes commentaires aujourd'hui que, comme le premier ministre, comme ceux qui m'entourent, en passant, que ce soit le leader en Chambre, l'adjoint au leader, le whip, notre porte-parole, je suis également membre du Barreau et membre du Barreau du district de Saint-François, qui, si j'ai bien compris, était inclus dans le district de Trois-Rivières au moment où, en 1849, les avocats s'associaient pour la première fois.

Le premier ministre remarquait il y a quelques minutes que, dans la création du Barreau, la période qui avait précédé était une période où les avocats étaient reconnus par commission et qu'il y avait là un élément d'arbitraire, que lentement la profession s'est développée, que le Barreau s'est développé et a pu prendre et occuper une très grande place dans notre société. Lorsque les parlementaires étudient un projet de loi et que le Barreau du Québec se prononce, c'est là une opinion qui pèse très lourd dans la balance pour l'ensemble des décisions que nous sommes appelés à prendre.

Mais l'anniversaire d'aujourd'hui nous rappelle aussi à quel point le Barreau est au centre des grands changements que nous vivons. Je vais donner un exemple, M. le Président. La préoccupation de l'environnement, du développement durable est une préoccupation relativement nouvelle chez nous, très importante au Québec, puisque nous sommes une des économies dans le monde qui dépend le plus de ses ressources naturelles, donc de son environnement.

Eh bien, voilà un domaine où le droit s'est développé très rapidement, où le droit est à la frontière des changements que nous vivons comme société et où le Barreau du Québec a dû, lui aussi, composer avec ces changements sociétaux. C'est donc dire à quel point le Barreau est à l'avant-plan des grands changements que nous vivons, que ce soit dans le domaine des nouvelles technologies, de la protection de la vie privée ou tout autre domaine comme la médiation et les nouvelles approches qui permettent aux citoyens de mieux régler les problèmes, les conflits que nous vivons.

M. le Président, il a souvent été dit que, pour siéger à l'Assemblée nationale, c'est utile d'avoir une formation d'avocat. Ce n'est pas moi aujourd'hui qui vais contredire cette affirmation. Et j'ai souvent entendu dire dans les dernières années aussi qu'il y avait trop d'avocats, je ne dirais pas trop de notaires, mais trop d'avocats à l'Assemblée nationale et que cela avait un impact sur la façon dont on se comportait, on traitait nos lois. M. le Président, à ce que je sache, s'il est vrai qu'il y a plus d'avocats aujourd'hui, je n'ai pas l'impression qu'on est est mieux gouverné qu'on l'était à l'époque où il y en avait peut-être un peu moins d'avocats. Cela étant dit, je laisserai au public le choix, et aux citoyens, de décider...

Des voix: ...

M. Charest: Et aux élus également, si ça peut faire plaisir au leader du gouvernement en Chambre. Mais je veux aujourd'hui dire à quel point c'est un honneur, pour ceux et celles d'entre nous qui sommes de la profession, de siéger à l'Assemblée nationale, de bénéficier également de cette formation, de l'appui du Barreau, et dire notre fierté aujourd'hui d'être membres d'une profession qui fête 150 ans d'association, qui a beaucoup influencé nos institutions et qui, espérons-le, aura l'occasion aussi d'influencer nos institutions à l'avenir. Merci.

Le Président: Toujours sur la même motion, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Nous avons l'opportunité de souligner aujourd'hui le 150e anniversaire, d'abord, du Barreau du Québec, mais aussi des Barreaux de Québec, de Montréal, de Trois-Rivières, 150 ans où le Barreau, représentant une profession des plus anciennes de notre société, a évolué avec la société, a participé à l'édification de ses lois, a participé à l'édification de ses institutions, a participé à la rédaction de ce qui, dans le concret de la vie des gens, a constitué des normes d'éthique, des normes de morale, des règles de fonctionnement.

150 ans, mais, dans le fond, ça fait plus longtemps que ça que les avocats, par le monopole que leur confère leur pratique, ont jugé nécessaire de s'associer, de se donner des normes d'éthique, parce que déjà en 1779 les avocats de la ville de Québec choisissaient de se regrouper. Ça fait 220 ans de ça.

Dans les étapes certainement importantes de l'évolution du Barreau, avril 1941, l'entrée, l'admission des femmes au Barreau du Québec est certainement un moment qui est incontournable et qui a pris tout son sens, le premier ministre en a parlé, alors qu'aujourd'hui 40 % des personnes qui pratiquent cette profession-là sont des femmes.

Je veux aussi souligner, en parlant de l'importance du Barreau, l'importance du troisième pouvoir dans notre société, du pouvoir judiciaire, pour protéger la démocratie et parfois même pour protéger le Parlement contre ses propres abus. Le parti politique que je représente à l'Assemblée nationale a dû avoir recours au système judiciaire, il y a quelques mois de ça, pour éviter un certain nombre d'abus que le Parlement, les partis politiques présents au Parlement s'étaient donnés. Alors, le pouvoir judiciaire, en ce sens-là, est un gardien de la démocratie, des institutions et des principes. Et le Barreau, comme porte-étendard des pratiquants de cette profession, s'en fait aussi le gardien.

Alors, je veux saluer, du même coup, le bâtonnier et ses collègues qui sont présents aussi aujourd'hui, tous les avocats qui sont dans cette pratique, qui certainement souhaitent que ce 150e anniversaire soit souligné à la hauteur de ce qu'il doit être, et en espérant que ce 150e anniversaire soit l'occasion pour les avocats de renouveler leurs engagements à continuer à bien servir le Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que la motion du premier ministre est adoptée.


Le Président

À titre de président de l'Assemblée nationale, vous me permettrez d'ajouter quelques mots. Je me réjouis, à ce moment-ci, de l'adoption de cette motion par laquelle la première institution de notre État de droit, de notre société de droit, s'associe cette année au Barreau du Québec pour souligner le 150e anniversaire de l'incorporation du Barreau du Bas-Canada. C'est en effet le 28 mai 1949, sous le régime de l'Union des Canada, que le Parlement de l'Union d'alors a voté la loi constitutive du Barreau, créant du coup les Barreaux de Québec, de Montréal et de Trois-Rivières.

Ce n'est pas sans cause que l'Assemblée nationale évoque ce souvenir comme un moment significatif de sa propre histoire, car, il faut bien le reconnaître, les avocats ont joué un rôle majeur au sein même de nos institutions parlementaires. Sur la scène politique du Québec, ils ont été des acteurs de premier plan et parfois même des metteurs en scène. Bien avant l'adoption de la loi de 1849, comme l'ont signalé le premier ministre et le chef de l'opposition, des avocats avaient donné à la politique québécoise le meilleur de leur talent, de leur intelligence et parfois de leur vie.

(10 h 20)

À cet égard, l'exposition Juristes et parlementaires, 150 ans d'histoire , que nous présentons en ces murs pour commémorer l'anniversaire du Barreau évoque, entre autres, les noms de Pierre Bédard, Louis-Joseph Papineau qui fut un président de l'Assemblée, Louis-Hippolyte LaFontaine, tous des personnages considérables qui ont marqué en profondeur l'évolution de la démocratie québécoise. D'autres les ont suivis.

Depuis plus de deux siècles, c'est la profession juridique qui a fourni, comme on l'a signalé, le plus fort contingent de la classe politique du Québec. La parenté naturelle entre la fonction de législateur et la pratique juridique explique bien sûr cette réalité. Heureusement – et les avocats en conviendront eux-mêmes – depuis une génération, la composition professionnelle de notre Parlement se diversifie comme d'ailleurs la société qu'il représente. Le Barreau est toujours brillamment présent au sein de la députation, mais, cela est normal, en moins grand nombre. Les historiens ont d'ailleurs commencé à étudier le rôle non moins important d'autres professions dans l'histoire politique du Québec, notamment celles de journaliste et d'enseignant.

En visitant l'exposition, on prendra un peu la mesure des liens étroits qui ont uni les institutions parlementaires et juridiques. Ce n'est pas un hasard si le Parlement et les cours de justice ont pendant longtemps emprunté un rituel commun avec des costumes et des accessoires très semblables, d'ailleurs, les pouvoirs législatifs et judiciaires devant, chacun à leur façon, encadrer le pouvoir exécutif et travailler avec lui pour les droits et libertés des citoyens et des citoyennes.

Un sage a déjà fait remarquer que la justice est la seule vertu qui a donné son nom à une fonction de l'État. D'ailleurs, la justice n'éclaire pas uniquement les magistrats et la classe juridique; c'est à elle que le président de l'Assemblée demande souvent l'inspiration. Et je peux dire qu'il doit aussi en invoquer d'autres, comme la prudence, la patience et la sagesse. Mais aujourd'hui, à l'occasion de cet anniversaire du Barreau, je joins ma voix à celle de tous les membres de l'Assemblée pour vous offrir nos meilleurs voeux. Cette expression unanime de souhaits adressés au Barreau québécois démontre plus clairement que bien des discours qu'au-delà des adversités politiques l'Assemblée nationale reconnaît l'importance d'une profession qui contribue, depuis un siècle et demi et plus, à l'avancement du Québec.

On a pu pendant longtemps parler du conservatisme des lois québécoises, mais force est de constater que depuis une génération le Québec a rajeuni son droit, l'a adapté aux réalités contemporaines et a même souvent innové en plusieurs domaines. Un tel progrès a été rendu possible grâce au concours de juristes solidement formés dans nos universités, encadrés par un Barreau vigilant et dynamique. Cette commémoration de la loi de 1849 rappelle aussi que le droit a été, est et sera toujours un point d'ancrage pour notre peuple. C'est un bien collectif qui évolue certes, mais qui est façonné par ses représentants élus et qui demeure un pôle de notre identité collective.


Affaires courantes

Alors, cela étant dit, nous allons maintenant aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles aujourd'hui.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère, M. le Président, à l'article b.


Projet de loi n° 63

Le Président: Alors, à l'article b de notre feuilleton, M. le ministre du Revenu présente le projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu. M. le ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère du Revenu afin de soumettre à certaines exigences en matière de protection des renseignements confidentiels les contrats de services confiés par le ministre ou le sous-ministre du Revenu pour l'entretien ou le développement de systèmes informatiques, le traitement informatique de données ou la destruction de documents et impliquant l'accès à des renseignements confidentiels ou la communication de tels renseignements. Le projet prévoit notamment que ces contrats devront être soumis pour avis à la Commission d'accès à l'information quant à leur conformité aux exigences que le projet édicte.

Le projet de loi prévoit de plus que ces contrats, s'ils sont présentement en cours, sont réputés satisfaire à ces exigences. Ils devront toutefois être soumis pour avis à la Commission d'accès à l'information et le ministre du Revenu devra faire un rapport sur les suites à donner à cet avis et le déposer à l'Assemblée nationale.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant à l'article h, M. le Président.


Projet de loi n° 217

Le Président: Oui. En regard de cet article du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 217, Loi concernant Club de Curling et Social de Magog, Limité. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé, et je dépose le rapport.


Mise aux voix

M. le député d'Orford présente le projet de loi d'intérêt privé n° 217, Loi concernant Club de Curling et Social de Magog, Limité. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi important soit déféré à la commission des finances publiques et qu'en vertu de l'article 124 du règlement de l'Assemblée nationale le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte cette motion? Adopté? Très bien.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Solidarité sociale.


Ententes d'échange de renseignements entre la Régie des rentes du Québec et la SAAQ, la RAMQ et la CSST, et avis de la CAI

M. Boisclair: M. le Président, je dépose trois avis de la Commission d'accès à l'information: le premier, l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information ainsi que l'entente modifiant l'entente entre la Régie des rentes et la Société de l'assurance automobile du Québec; l'avis favorable aussi de la Commission d'accès à l'information ainsi que l'entente entre la Régie des rentes du Québec et la Régie de l'assurance-maladie du Québec; et, finalement, l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information ainsi que l'entente entre la Régie des rentes du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.


Protocole d'entretien entre le président du Landtag de Bavière et le président de l'Assemblée nationale du Québec

Pour ma part, je dépose d'abord un exemplaire du protocole d'entretien signé, hier, entre le président du Landtag de Bavière, M. Johann Böhm, et le président de l'Assemblée nationale du Québec, afin d'initier un processus de relations institutionnelles entre les deux Parlements et notamment de permettre aux deux Assemblées de suivre de plus près les processus d'intégration hémisphérique en cours en Europe et dans les Amériques.


Lettre du chef de l'opposition officielle concernant la Conférence parlementaire des Amériques

Je dépose également une lettre que m'a adressée, le 20 mai dernier, le chef de l'opposition officielle et député de Sherbrooke concernant la Conférence parlementaire des Amériques, dans laquelle le chef de l'opposition officielle réitère l'importance de maintenir ce forum interparlementaire dans les Amériques et, également, formule une proposition pour permettre au Parlement fédéral canadien de réintégrer les rangs.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, au dépôt de rapports de commissions, M. le vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Viger.


Étude détaillée du projet de loi n° 35

M. Maciocia: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 25 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Alors, ces rapports sont... Vous avez un autre rapport, M. le Président.


Étude détaillée du projet de loi n° 41

M. Maciocia: J'en ai un autre, M. le Président. J'aimerais déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 25 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Alors, les rapports du président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, en fait du vice-président, sont déposés.

Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Oui, M. le Président. Je demande l'autorisation pour déposer une pétition adressée à l'Assemblée nationale par M. Jacques Dubreuil et les Courtiers J.D. & Associés, qui n'est pas conforme.

Le Président: M. le leader du gouvernement, il y a consentement?

M. Brassard: M. le Président, je me dois de refuser le consentement.

Une voix: ...

M. Brassard: Bien, je peux l'expliquer. Dans la pétition, il y a des termes et des allégations qui, s'ils étaient prononcés par des membres de cette Chambre, seraient considérés comme non parlementaires.

Le Président: Alors, il y a... Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Mais, est-ce que je dois comprendre, M. le Président, que le gouvernement refuse le dépôt d'une pétition qui fait suite à un rapport du Protecteur du citoyen?

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: Je comprends simplement que le leader du gouvernement indique qu'il n'y a pas consentement pour le dépôt d'une pétition qui n'est pas conforme aux exigences de notre règlement.

(10 h 30)

Alors, puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, je vais immédiatement... M. le leader de l'opposition officielle.


Demande de directive


Délai pour répondre à une question dont avis a été pris


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Soit une question d'information ou de renseignement de la part du leader du gouvernement ou une question de directive à la présidence. Plusieurs questions, plus d'une demi-douzaine de questions ont été prises en avis par des ministres du gouvernement depuis le 1er avril, et nous sommes toujours en attente des réponses. Les principales sont les suivantes:

Le 1er avril, le premier ministre, à une question du député de Chomedey concernant les modalités de l'enquête sur la fuite de renseignements personnels du ministère du Revenu et qui auraient transité par le bureau du premier ministre;

Le 1er avril, le premier ministre, à une question du député de Marquette concernant le non-renouvellement du mandat de juge au Tribunal administratif du Québec;

Le 1er avril, le ministre de la Santé et des Services sociaux, à une question de la députée de Bourassa concernant les compressions supplémentaires de 1 600 000 $ au complexe de la santé de Nicolet-Yamaska;

Le 4 mai, le ministre des Relations avec les citoyens, à une question du député de Chomedey à savoir qui est responsable de la transmission de renseignements confidentiels à la firme Léger & Léger;

Le 4 mai, le ministre de l'Éducation, à une question du député d'Anjou concernant les frais divers exigés par des parents à l'école Saint-Joseph d'Anjou;

Le 5 mai, le ministre du Revenu, à une question de la députée de Beauce-Sud concernant un envoi par fax entre la Direction des pensions alimentaires et le ministère de la Solidarité sociale, et ce, sans aucune page de mise en garde;

Le 25 mai, la ministre de la Santé et des Services sociaux, à la question de la députée de Bourassa concernant les raisons qui expliqueraient pourquoi la Régie régionale de la santé du Québec n'autorise pas le remplacement de trois pédopsychiatres qui sont sur le point de quitter.

Certaines de ces questions datent du 1er avril, dans le cas du premier ministre. Est-ce qu'on peut s'attendre à recevoir dans les prochains jours, d'ici la semaine prochaine des réponses à ces questions? Sinon, est-ce que la présidence peut intervenir?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, d'abord, je vous demande à vous, le président, de nous indiquer combien, réellement, il y a eu de questions qui ont été prises en délibéré. Je pense que c'est à vous qu'il appartient de nous l'indiquer. Et, à partir de là, j'indique à cette Chambre qu'avant l'ajournement d'été il y aura des réponses aux questions.

Le Président: Écoutez. Moi, ce que j'ai comme indication, et ce n'est pas nécessairement une indication qui est complète, j'ai six questions qui ont été prises en avis. Et la présidence à cet égard-là n'a pas de disposition réglementaire qui lui permet de forcer le gouvernement à répondre dans un délai particulier. Alors, la façon d'intervenir pour avoir des réponses, c'est soit de revenir à la période des questions et des réponses orales soit de faire comme vous l'avez fait, c'est-à-dire de signaler le fait que certains avis n'ont pas encore donné lieu à des réponses. Mais la présidence n'est pas dans la possibilité, de façon réglementaire, d'obliger le gouvernement dans un délai quelconque à répondre, puisqu'il a pris avis. Sur la question de...


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Est-ce que la présidence me permettrait de soulever un précédent, une décision déjà rendue par la présidence? Le fait pour des ministres de remettre en retard, avec un certain retard, des rapports annuels, de les déposer, constitue une atteinte aux droits et aux privilèges des membres de l'Assemblée nationale. Je soumets à la présidence qu'elle pourrait peut-être s'inspirer de cette décision déjà rendue par le président Saintonge pour rappeler à l'ordre, à moins que le leader choisisse de le faire lui-même auprès de ses collègues, les membres ministériels pour que les députés et la population obtiennent des réponses à leurs questions. Ça fait partie également des fonctions de la présidence.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Je ne suis pas convaincu, contrairement à ce que vous venez d'indiquer, que ça fait partie des prérogatives, mais je vais faire les vérifications pour voir dans le passé quelles ont été les décisions qui auraient pu être prises. Et je pense qu'il faut faire la distinction entre des questions et des réponses orales, des questions écrites au feuilleton ou des documents qui doivent être déposés selon les exigences législatives.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons aborder la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Impact fiscal des services de garde à 5 $ par jour pour les familles à faibles revenus


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Il y a quelques semaines, on apprenait, par une étude faite par des fiscalistes, que la politique du gouvernement du Parti québécois, la politique fiscale, faisait en sorte que des familles qui gagnaient, qui avaient des revenus autour de 30 000 $ et qui avaient une augmentation de salaire pouvaient voir cette augmentation de salaire imposée jusqu'à 105 %.

Vous vous rappellerez, M. le Président, au moment où l'opposition officielle a soulevé ces aberrations dans la fiscalité québécoise, que le président du Conseil du trésor, en réponse et pour seule défense de ces aberrations, avait dit ceci, et je cite: «Le présent gouvernement a déjà posé des gestes significatifs qui atténuent cette problématique, notamment par la politique de garde à tarif réduit de 5 $. À elle seule, cette politique réduit d'environ 25 % les taux marginaux présentés par les auteurs.» Fin de la citation, M. le Président.

Or, hier, Radio-Canada nous apprend que, suite à une nouvelle étude, faite également par des fiscalistes, contrairement à ce que le gouvernement a laissé entendre, une famille avec un revenu de moins de 32 000 $, pour elle, il vaut mieux payer 20 $ par jour pour les frais de garde que de recourir aux services de 5 $ et que les seuls bénéficiaires à peu près du système actuellement, ce sont les familles qui gagnent plus de 50 000 $ par année.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire aujourd'hui s'il a l'intention de corriger ces aberrations dans la fiscalité que son gouvernement impose aux familles du Québec, s'il a l'intention d'agir rapidement pour qu'on puisse offrir un peu de justice aux jeunes familles du Québec à faibles revenus?

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Alors, M. le Président, l'analyse qui a été faite prétend que les familles à faibles revenus sont désavantagées par le programme des places à 5 $. Or, lors de la création de la politique familiale en 1997, nous avons justement fait le choix politique de privilégier les familles à faibles revenus pour leur permettre de couvrir leurs besoins essentiels. Alors, il faut regarder la politique familiale dans son ensemble. Et, encore une fois, un fiscaliste qui ne regarde qu'un élément, c'est de mal évaluer la politique familiale québécoise.

La politique familiale québécoise, elle est faite de plusieurs mesures, M. le Président, dont les services de garde, mais aussi l'allocation familiale. Alors, si on regarde l'allocation familiale, c'est pourquoi nous avons passé d'un régime d'allocation familiale universel dans lequel toutes les familles avaient les mêmes sommes, peu importe le revenu, et maintenant on a passé... L'allocation familiale, elle a été augmentée en fonction du revenu des familles. Alors, je pense, M. le Président, qu'avant de tirer des conclusions trop rapidement il faut regarder la politique familiale dans son ensemble, dans sa globalité et non mesure par mesure.

Et, si on regarde les familles visées par cette analyse, M. le Président, c'est de la liquidité pour pouvoir manger, se vêtir et avoir un toit pour se loger. Elles ne peuvent se permettre d'attendre un éventuel crédit d'impôt 12 mois plus tard. Et c'est là que le programme de garderies à 5 $ par jour est extrêmement intéressant pour elles. C'est à chaque semaine que les familles québécoises peuvent bénéficier de liquidités. Alors, la politique familiale leur a permis quand même d'avoir accès à des services de garde, M. le Président, éducatifs et de qualité. Et je tiens à dire, M. le Président, que...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre aurait intérêt à ajouter dans sa déclaration que les allocations familiales dont elle vient de parler commencent à diminuer à partir d'un revenu de 25 000 $ par année. Elle parle de liquidités. Je comprends qu'elle se préoccupe de liquidités à chaque semaine, sauf qu'il y a une semaine dans l'année qui pèse lourd dans la balance, c'est la semaine où le contribuable québécois signe son rapport d'impôts. Et on apprend que, cette semaine-là, le contribuable québécois perd et que, entre autres, les familles à faibles revenus perdent, que ce gouvernement prétendait qu'il avait une politique familiale universelle, qu'une famille sur trois seulement a accès aux garderies à 5 $.

M. le Président, j'aimerais savoir s'il va y avoir un moment de lucidité dans les banquettes ministérielles, si on va réussir à se secouer pour reconnaître les aberrations et les absurdités de la fiscalité, en plus du fait qu'on est l'endroit le plus taxé en Amérique du Nord, et si le gouvernement va déclarer aujourd'hui son intention de réparer ces aberrations-là pour qu'on puisse offrir un peu de justice aux familles du Québec.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, nous offrons beaucoup de justice aux familles québécoises. D'ailleurs, le gouvernement du Québec soutient les familles québécoises. En 1997, nous avons investi 2 700 000 000 $; en 1998, 2 900 000 000 $; et à terme, près de 3 200 000 000 $. Alors, moi, je peux dire que, aussi, il faut regarder peut-être un petit peu le gouvernement fédéral depuis que le gouvernement du Québec a mis en vigueur les places à contribution réduite. Le gouvernement fédéral retire plus d'impôts, M. le Président, de la part des parents québécois parce que leur déduction pour frais de garde a diminué, ce qui a pour effet d'augmenter le revenu imposable. Alors, par exemple...

(10 h 40)

Le Président: Mme la ministre, en terminant. Mme la ministre, en terminant... Vous avez terminé? En terminant.

Mme Léger: M. le Président, on l'a réclamée, notre part pour les familles québécoises, au fédéral. J'ai un exemple pour les frais de garde, M. le Président. Si on comptait les familles québécoises qui payaient, avant la politique familiale du Québec des garderies à 5 $, 20 $ par jour, les parents pouvaient déduire 5 000 $, en fin de compte, par année, alors que maintenant, avec les places à 5 $, leurs frais déductibles sont de 1 250 $. Alors, les parents doivent donc maintenant payer de l'impôt au fédéral sur 3 750 $ supplémentaires. Alors, cette analyse dévoile au public que le gouvernement fédéral fait de l'argent sur le dos des familles québécoises, M. le Président.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle, en question principale.


Avis du jurisconsulte concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Hier, à la toute fin de la période de questions, vous m'avez retiré mon droit de parole comme parlementaire parce que j'avais...

Le Président: M. le député.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Hier, à la toute fin de la période de questions, vous m'avez retiré mon droit de parole comme parlementaire parce que j'avais contrevenu aux dispositions de l'article 35 du règlement de l'Assemblée nationale. Cet incident est survenu suite à des propos prononcés en cette Chambre par le premier ministre dans le dossier de la transmission de renseignements confidentiels du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec.

Faisant référence à l'avis de la jurisconsulte dans ce dossier, le premier ministre s'est exprimé comme suit, et je le cite au texte: «L'avis a été demandé, M. le Président, pour éclairer cette Chambre de même que l'ensemble des fonctionnaires du gouvernement quant au sens à donner à l'application d'une loi très importante relativement à la possibilité ou non de recourir à des tiers dans l'exercice d'un cadre légal.»

Est-ce que le premier ministre peut reprendre ces propos aujourd'hui, en cette Chambre, ou préfère-t-il les modifier?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, la question qui était posée – parce qu'on a fait abstraction d'un élément important de la question – était à l'effet que – ou dans le préambule – l'avis avait été demandé au jurisconsulte pour venir en aide ou supporter la cause du vice-premier ministre. C'était le sens de l'affirmation dans le préambule de la question qu'a posée le chef de l'opposition officielle.

J'ai répondu, M. le Président, que cet avis n'a pas été demandé pour venir en aide à un ministre, en aucune façon, que cet avis a été demandé pour nous permettre de savoir, dans l'esprit et dans l'opinion du jurisconsulte, qui est l'opinion formelle de l'État québécois au point de vue du droit, quel était le sens du mot «fonctionnaire» et dans quelle mesure on pouvait ou non étendre le mot «fonctionnaire» à des tiers qui pourraient être chargés d'assumer des tâches de perception ou de contribution à la perception des revenus, ainsi de suite.

Alors, nous avons demandé cet avis. Les conclusions de l'avis ont été rendues publiques, et l'avis énonce une interprétation qui étend le mot «fonctionnaire» à plus loin que celui de «fonctionnaire» au sens strict et considère qu'on peut exempter, qu'on peut assujettir à la même immunité de traitement de renseignements privilégiés les gens qui agissent dans le cadre, légalement, de tâches qui leur sont confiées en vertu de la loi. Et ça visait essentiellement la question des consultants en informatique, M. le Président.

Parce que fondamentalement le problème que nous avons actuellement, c'est qu'il y a un avis de la Commission d'accès à l'information qui fait en sorte que le gouvernement ne pourrait plus faire appel à des consultants en informatique. Nous avons besoin de ces consultants en informatique et des contrats de services qui sont rendus, comme tous les gouvernements du monde qui perçoivent des impôts, et, si nous ne pouvons pas faire en sorte qu'en vertu des mécanismes informatiques se poursuivent des activités qui sont en cours, par exemple les remboursements qui sont dus, de l'ordre de 300 000 000 $, et ainsi de suite, là il y aura un problème, un blocage important, et qu'en conséquence il faut clarifier le droit.

Il appert que le jurisconsulte a une opinion différente de celle qui a été émise par la Commission d'accès à l'information et qu'en conséquence il y a un problème, parce que même tous les fonctionnaires maintenant qui travaillent avec nous... et surtout les contrats de services qui ont été rendus, qui ont été signés, ne peuvent pas être exécutés parce que les gens s'exposeraient à violer la loi. Alors, pour éviter tout cela et faire en sorte qu'il y ait une clarté dans les fonctions qui s'exercent à l'État du Québec, il va falloir clarifier la loi. Et la Commission d'accès à l'information elle-même nous a suggéré de clarifier la loi. Nous allons donc très, très, très bientôt déposer un projet de loi...

Une voix: C'est fait.

M. Bouchard: ... – c'est fait? – qui va se calquer sur les exigences et les recommandations de la Commission d'accès à l'information. C'est ce que nous ferons, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Est-ce que le premier ministre maintient que l'avis a été sollicité de la jurisconsulte pour éclairer cette Chambre de même que l'ensemble des fonctionnaires? Et, à ce moment-là, à quel moment va-t-il déposer l'avis en cette Chambre?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je viens de m'expliquer sur le sens de l'avis et sa portée. Quant à savoir si l'avis va être déposé à la Chambre, nous avons eu hier un débat extrêmement intéressant là-dessus qui a donné lieu à la révélation d'informations qui ont confirmé cet usage très ancien et acquis, constant, en cette Chambre et dans les Parlements de type britannique, à l'effet de ne pas déposer ces avis. Et nous avons en particulier déposé, en tout cas certainement cité une opinion formelle qui a été émise par...

Une voix: Une réponse.

M. Bouchard: ... – je m'excuse – une réponse formelle qui a été donnée par le ministre de la Justice de l'époque, M. Gil Rémillard, qui a confirmé l'existence de ce principe et de cet usage qui veulent que les avis juridiques du jurisconsulte formels du gouvernement ne sont pas déposés en Chambre, ne sont pas rendus publics.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Est-ce que le premier ministre peut convenir qu'il y a eu des exceptions à cette règle, entre autres dans l'affaire Le Hir, dans l'affaire du FLQ, dans l'affaire du Club Rez? Quand ces avis ont servi les intentions du gouvernement, ils les ont rendus publics. Pourquoi cette fois-ci les tient-il cachés et secrets?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, on l'a indiqué hier, ma collègue la ministre de la Justice l'a indiqué hier, je rappelle de nouveau à cette Chambre que, dans le cas Le Hir, c'est une note, une simple note du sous-ministre de la Justice, que, dans l'autre cas, dans le cas dit FLQ, ce sont des conclusions – exactement, le ministre de la Justice d'alors a fait exactement ce qu'a fait la ministre de la Justice maintenant, actuelle, il a rendu publiques des conclusions et non pas l'avis – et, dans le cas du Club Rez, c'est le leader de l'opposition qui les a rendus publics, malheureusement avec notre consentement.

Le Président: En question principale, M. le député de Chapleau.


Droit de subir un procès dans la langue officielle de son choix


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, il y a deux semaines, je demandais à la Procureur général du Québec de se désister de son appel auprès de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Cross. J'affirmais alors que cet appel était inutile, puisque la Cour d'appel du Québec avait tranché le problème dans un jugement unanime, clair et logique. J'affirmais également que cet appel envoyait un mauvais message aux anglophones du Québec et aux francophones du reste du Canada, dont les droits légitimes avaient été clairement reconnus par la Cour d'appel du Québec. La Procureur général et même le premier ministre du Québec m'avaient répondu qu'ils réfléchissaient à la possibilité de se désister de l'appel dans l'affaire Cross. Les arguments que l'opposition officielle a soulevés en cette Chambre, le 12 mai 1999, ont d'ailleurs été confortés par le jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Beaulac, le 20 mai 1999.

(10 h 50)

Ma question est donc la suivante: La Procureur général peut-elle nous dire si sa longue réflexion est terminée et peut-elle affirmer dans cette Chambre qu'elle est maintenant prête à se désister de l'appel dans l'affaire Cross, comme l'opposition officielle l'a demandé, et qu'elle entend désormais respecter les droits des anglophones du Québec et des francophones du reste du Canada?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, la réponse qui avait été donnée à la question qui avait été posée était justement que, considérant l'importance de ce dossier, considérant les droits fondamentaux, à savoir la langue, qui étaient impliqués, nous allions prendre tout le temps nécessaire pour qu'on puisse faire un réexamen du dossier et pour savoir s'il est toujours pertinent de maintenir le fait d'aller devant la Cour suprême.

Il est évident que le jugement a été rendu jeudi dernier dans l'affaire Beaulac. C'est un jugement qui est fort important et qui est tout à fait pertinent dans le dossier qui est actuellement devant le tribunal. Alors, vous comprendrez, M. le Président, qu'il est important, comme jurisconsultes, que nous prenions tout le temps nécessaire pour évaluer les tenants et aboutissants et les conséquences d'un tel jugement. Et je pense que tous les citoyens et citoyennes du Québec s'attendent à ce que la jurisconsulte prenne tout le temps nécessaire avant de prendre une décision aussi fondamentale que celle-là. Mais soyez assuré, M. le Président, qu'elle ne tardera pas à venir. Nous sommes justement, au ministère de la Justice, à étudier tous les impacts du jugement Beaulac en rapport avec le jugement qui est devant les tribunaux actuellement.

Le Président: M. le député.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, la Procureur général est-elle consciente que la permission d'en appeler dans l'affaire Cross a été demandée il y a maintenant sept mois, que la Cour suprême du Canada a décidé d'entendre cet appel il y a maintenant un mois et demi, que le jugement a été rendu dans l'affaire Beaulac il y a maintenant une semaine, que de nombreux journalistes s'expriment sur le fait que la question est très claire et devrait normalement amener une confirmation des droits des francophones du reste du Canada et des anglophones du Québec et que la ministre est beaucoup plus rapide pour rendre des avis juridiques au ministre du Revenu qu'elle ne l'est pour défendre les francophones du reste du Canada?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, il est pour moi un privilège d'occuper les fonctions comme ministre de la Justice et d'avoir des jurisconsultes qui travaillent avec efficacité et qui le font en appliquant la règle de droit. Cependant, un jugement devant la Cour suprême – c'est la plus haute instance du tribunal – il est important que l'on puisse y apporter tout le temps nécessaire pour mesurer l'impact d'une telle décision, et principalement sur l'administration de la justice. Alors, nous allons prendre le temps, le temps nécessaire – non pas trop de temps, mais le temps nécessaire – pour être capables de prendre une décision qui soit à la fois éclairée et qui prenne en considération les tenants et aboutissants et les implications, entre autres, du jugement Beaulac.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Tarification de services offerts aux élèves ayant échoué un cours au secondaire


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, le conseil d'établissement d'une école secondaire demandait récemment aux parents de faire un choix relativement à leurs enfants qui ont eu un échec dans les matières suivantes: français, anglais, mathématiques, au cours de la dernière année, relativement aux cours de récupération qu'ils pourraient prendre pendant l'été. Les choix sont les suivants: premièrement, soit ils paient 25 $ pour l'examen de reprise seulement et on leur fournit en prime une liste de professeurs privés et le taux horaire de ces professeurs, soit ils paient 290 $ par enfant avant le début des cours, ce qui donne accès aux cours et à l'examen ou, finalement, s'ils n'ont pas les moyens de payer, ils doivent recommencer l'automne prochain.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut avouer que cette situation, où des enfants dont les parents ont les moyens de payer peuvent avoir des cours de récupération pendant l'été et les autres qui n'ont pas les moyens doivent perdre une année, constitue une discrimination tout à fait inacceptable, surtout dans un système qui est supposément gratuit et égal pour tout le monde?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, j'ai déjà dit dans cette Chambre, au cours des derniers jours, que je suis à revoir tous les frais chargés aux parents dans les commissions scolaires. Je suis en train de le faire avec le président de la Fédération des commissions scolaires, qui doit me remettre un rapport au cours des prochains jours. Donc, je ne suis pas au courant du cas mentionné. Évidemment que, si c'est le cas, ce n'est pas acceptable. On ne peut pas demander de l'argent sous peine de traiter différemment certains enfants.

Par contre, je rappellerai au député que c'est notre gouvernement, avec ma prédécesseur, qui a mis en place les conseils d'établissement. Dans chaque conseil d'établissement, la moitié des représentants sont des parents, incluant le président ou la présidente, et je fais confiance aux parents pour prendre des décisions pour le bien des enfants, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte qu'il a beau dire qu'il fait confiance aux parents, qu'il travaille avec les commissions scolaires, mais que les vrais responsables de la situation dans laquelle se retrouvent ces parents-là et ces dirigeants de commissions scolaires là, ce sont eux et leurs coupures dans les dernières années, le sous-financement du réseau de l'éducation actuellement, et que les administrateurs scolaires n'ont d'autre choix que d'exercer cette discrimination-là entre ceux qui ont les moyens de payer et ceux qui n'ont pas les moyens? Qu'est-ce qu'il entend faire, quand il entend réinvestir, quand il entend mettre fin à cette situation où, au Québec, maintenant, les riches ont plus de chances de réussir que les pauvres?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, il faut rappeler évidemment que les quatre dernières années ont été des années de restrictions budgétaires qui ont été imposées par une gestion inacceptable du gouvernement précédent, qui nous a laissé un déficit important, plus de 6 000 000 000 $ ou environ 6 000 000 000 $ par année. Donc, il a fallu évidemment ajuster les budgets pour vivre selon nos moyens.

Dès cette année, nous avons commencé à réinvestir en éducation. Plus de 600 000 000 $ ont été investis en éducation, dans le dernier budget. Nous allons continuer à le faire, mais nous allons le faire selon nos moyens, comme ça devrait être fait pour avoir une bonne gestion, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du ministre que, pour lui, vivre selon ses moyens, dans sa philosophie, c'est faire en sorte que ceux qui ont les moyens auront la chance d'avoir une éducation et de s'en sortir et ceux qui n'ont pas les moyens n'auront pas la chance d'avoir des cours de récupération et les mêmes services que les autres et que, donc, ils demeureront dans la pauvreté? C'est ça, vivre selon ses moyens, pour lui?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je rappellerai au député de Kamouraska-Témiscouata que déjà nous investissons, en pourcentage de notre richesse collective, c'est-à-dire en pourcentage de notre PIB, davantage en éducation, au Québec, que ce qui est investi dans le reste du Canada. Je sais que les gens de l'opposition sont habitués de gérer en investissant davantage que ce qu'on a comme moyens. Nous, on pense qu'on doit investir en pourcentage de notre richesse collective, et on investit davantage.

Je rappellerai aussi, M. le Président, au député que, dans les règles budgétaires, pour les commissions scolaires, il y a déjà des montants de plus de 100 000 000 $ qui seront accordés pour les milieux plus démunis, justement pour faire face aux besoins qui sont plus grands dans ces milieux.

Je rappellerai aussi, en terminant, M. le Président, que j'ai annoncé hier la constitution d'une nouvelle carte socioéconomique qui a été faite en prenant la richesse, c'est-à-dire le revenu moyen de chaque famille autour de chaque école, au Québec. Nous utiliserons cette carte au cours des prochains mois, des prochaines années pour réinvestir là où il y a des besoins plus importants. Et nous ne laisserons jamais les milieux plus défavorisés ne pas avoir accès non seulement à l'école, mais accès à la réussite, M. le Président.

Des voix: Bravo!

(11 heures)

Le Président: M. le député de Vaudreuil, en question principale.


Frais imposés pour la garde des élèves le midi, à la commission scolaire Lester-B.-Pearson


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, M. le Président, le 20 avril dernier, la commission scolaire Lester-B.-Pearson s'est vue obligée, suite aux coupures du gouvernement, de faire parvenir une missive à tous les parents dont les enfants dînent à l'une des écoles le midi. Dans cette lettre, on apprenait que le montant chargé pour les frais de garde du midi, à cette école, serait de 225 $ par enfant. Cette école sera en déficit à la fin de l'année, et ce, à cause des coupures aveugles de ce gouvernement.

Est-ce que, M. le Président, le ministre de l'Éducation trouve normal qu'une famille avec deux enfants se voie imposer des frais de garde de 450 $ par année, le midi, en plus de la multitude des autres frais que les commissions scolaires ont dû imposer aux parents au cours des dernières années?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, d'abord, je dirais au député que j'ai rencontré la semaine dernière le président de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, qui est venu avec une liste de revendications, et, parmi cette liste, il n'y avait pas de sujet concernant les frais de garde. Donc, il ne semble pas que ça soit une grande préoccupation pour la commission scolaire. Par contre, j'ajouterai aussi...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Legault: M. le Président, concernant les frais de garde, comme je l'ai dit tantôt ou comme je l'ai dit à quelques reprises précédemment, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, c'est permis de charger des frais de garde. Ces frais de garde doivent être approuvés par le conseil d'établissement, conseil d'établissement qui inclut... la moitié de ses membres, ce sont des parents. Je continue à faire confiance aux parents pour déterminer des montants raisonnables pour les frais de garde en milieu scolaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, est-ce que, dans notre système d'éducation où l'école est censée être gratuite pour tout le monde, donner un accès égal à tout le monde, le ministre trouve acceptable qu'une école en soit réduite à envoyer une lettre de menaces aux parents qui n'ont pas les moyens de payer les frais de garde du midi, en menaçant d'isoler leurs enfants durant cette période? Est-ce que c'est là où on en est rendu, avec la multitude de tous les autres frais que doivent également payer les parents? Et est-ce qu'il considère que des montants de 500 $, 700 $ ou 1 000 $, ce n'est pas important pour une famille?

Des voix: Bravo! Bravo!


Document déposé

Le Président: Alors, vous demandez le consentement pour le dépôt d'un document. Il y a consentement?

Des voix: ...

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt. M. le ministre, en réponse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je répète ce que j'ai dit tantôt, on est à revoir actuellement avec le président de la Fédération des commissions scolaires tous les frais qui sont chargés dans les commissions scolaires aux parents pour s'assurer qu'il y a équité d'une école à l'autre.

Par contre, ce que je comprends: on parle d'un montant de 200 $ par année. Je sais qu'il y a des parents qui souhaitent que leurs enfants soient à l'école le midi. Je pense qu'il faut voir aussi quels sont les services qui sont inclus. C'est très difficile de comparer une commission scolaire avec l'autre.

Pour ce qui est des menaces, M. le Président, effectivement, je pense qu'il ne doit pas être accepté d'y avoir des menaces auprès des parents. Par contre, je rappelle encore que les conseils d'établissement sont gérés à 50 % par les parents, donc je pense qu'ils devraient être en meilleure position pour savoir ce qui est bon pour eux.

Le Président: Mme la députée de Sauvé, en question principale.


Levée du moratoire sur le programme de soutien aux équipements culturels


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Le 14 avril dernier, en commission parlementaire, la ministre de la Culture répondait ceci aux questions de l'aile libérale portant sur la levée du moratoire sur les équipements culturels, et je la cite: «Vous me permettrez, quand je parle à des journalistes, d'être très prudente. Mais je pense que, si je peux avoir l'appui de l'opposition, un appui positif me permettant de demander au gouvernement de lever le moratoire, vous pouvez le demander rapidement.»

Et, un peu plus loin, elle disait: «La commission – parlant de la commission de la culture – peut rappeler au gouvernement qu'il serait intéressant...» Je répète: «La commission peut rappeler au gouvernement qu'il serait intéressant que le moratoire soit levé le plus rapidement possible.» C'était la ministre de la culture.

Nous avons alors compris qu'elle nous invitait à nous adresser directement au premier ministre et à lui rappeler sa promesse électorale faite le 1er novembre dernier, qu'il n'a pas tenue, concernant la levée du moratoire sur les équipements culturels.

Ma question s'adresse donc au premier ministre: Considérant, entre autres, le transfert de 1 400 000 000 $ du gouvernement fédéral, le moratoire sur les équipements culturels ne devrait-il pas être levé immédiatement?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, effectivement, il est important que la ministre de la Culture et des Communications dise qu'elle tient à ce qu'on continue le travail formidable qu'on a fait dans les années passées en construction d'équipements, soit bibliothèques, salles de spectacle, toujours en s'alignant sur les grandes politiques qu'on a faites, la politique de diffusion de la scène, la politique de la lecture et du livre.

Toutefois, il y a un moratoire parce qu'il y a eu des dépenses immodérées pendant le précédent gouvernement...

Des voix: ...

Mme Maltais: ...libéral, et on a dû restreindre... Alors, la réalité, M. le Président, c'est que j'ai bien dit que, si le discours libéral était enfin positif et, au lieu d'attaquer dans du petit cas par cas – ma bibliothèque, mon ci, mon ça – qu'on allait vers une vision globale et qu'on disait enfin...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre, en conclusion.

Mme Maltais: En terminant, donc, nous voulons tous, je pense, continuer ces grands travaux. L'opération d'assainissement des finances publiques est faite et il y aura levée du moratoire dans le présent mandat. C'est un engagement électoral, et nous allons le réaliser dès que ce sera possible, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Que répond le premier ministre aux six organismes suivants: la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec, les bibliothèques publiques du Québec, l'École de bibliothéconomie de l'Université de Montréal, le Regroupement des centres régionaux de services aux bibliothèques publiques, l'Association professionnelle des techniciennes et techniciens en documentation du Québec et l'Association du personnel des services documentaires scolaires qui lui ont personnellement récemment écrit pour lui indiquer, et je cite: «Nous constatons que votre gouvernement a décidé de freiner la mise en place de nouvelles bibliothèques publiques plus adéquates au moment même où il investit massivement dans la Grande Bibliothèque du Québec»? J'espère qu'en réponse le premier ministre ne nous référera pas vers la ministre de la Culture, parce qu'elle-même nous réfère vers lui. Merci.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, la députée de Sauvé sait très bien qu'il n'y a aucun budget engagé actuellement dans la construction de la Grande Bibliothèque du Québec. Elle le sait. Donc, la construction de la Grande Bibliothèque du Québec n'entame, en aucun cas, actuellement, quelque budget que ce soit qui soit accordé à des constructions de bibliothèques.

D'autre part, je rappelle à la députée tous les investissements qui ont été faits depuis la politique de la lecture et du livre, de l'argent qui, en collaboration avec le ministère de l'Éducation, a été mis sur l'achat de livres dans les bibliothèques, de livres dans les écoles, sur la numérisation des bibliothèques. Il y a eu des investissements importants aussi pour la formation. Il y a, au contraire, depuis la politique de la lecture et du livre au Québec, une volonté de réseautage et de renforcissement des bibliothèques publiques, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: En additionnelle, M. le Président. En additionnelle.

(11 h 10)

Le Président: En complémentaire, M. le député de Châteauguay, d'abord.


M. Jean-Marc Fournier


Document déposé

M. Fournier: Oui. M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte que, devant le consensus québécois pour la levée du moratoire, il n'y a qu'un seul frein, et c'est lui? Sa ministre a demandé l'appui des intervenants. Ma collègue a cité tous les organismes directement concernés, auxquels il faut ajouter le partenaire principal, c'est-à-dire le monde municipal qui, par la voix de l'Union des municipalités du Québec, a adopté une résolution unanime le 8 mai dernier. Avec le consentement, M. le Président, je voudrais déposer la résolution de l'UMQ du 8 mai. Est-ce que j'ai le consentement?

Le Président: Il y a consentement? Pour dépôt, oui.

M. Fournier: Merci. Est-ce que le premier ministre, M. le Président, se rend compte aujourd'hui que celui qui empêche la levée du moratoire, c'est justement celui qui avait promis de le lever, celui qui se drape sans cesse dans les consensus? Va-t-il respecter ce consensus? Va-t-il enfin respecter sa parole donnée et lever le moratoire?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je pense que les milieux de la culture sont à peu près tous d'accord pour reconnaître que, s'il y a un gouvernement qui a fait des efforts remarquables et remarqués dans le domaine de la culture, c'est bien notre gouvernement, dans une période de grande rigueur budgétaire.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et, s'agissant plus spécifiquement de la question des bibliothèques et de la politique du livre, nous avons tenu, M. le Président, un sommet sans précédent où nous avons obtenu l'appui, et je dirais enthousiaste, de tous les intervenants à ce sommet pour reconnaître que les mesures qui ont été annoncées à l'époque, l'an dernier, pour renflouer les bibliothèques existantes, pour faire en sorte que plus de livres soient achetés, qu'il y ait une politique de soutien des libraires, de la distribution du livre, c'est une politique extrêmement positive.

Alors, c'est vrai qu'on peut faire encore plus, on peut toujours faire plus, M. le Président. Et, nous, nous faisons plus que ceux qui nous ont précédés, de toute façon, bien qu'ils nous aient laissé un déficit épouvantable qui nous a obligés à gérer de façon rigoureuse.

Et j'ajouterai en terminant, M. le Président, que l'engagement que nous avons pris sera respecté, comme tous ceux que nous prenons, c'est-à-dire, durant ce mandat-ci, de lever le moratoire sur les équipements culturels.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en question principale.

M. Dumont: M. le Président...

Une voix: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, question de règlement.

M. Paradis: Oui, simplement pour vous rappeler à ce moment-ci une décision rendue le 20 septembre 1995 par votre prédécesseur qui occupait le fauteuil à cette époque qu'une question principale, et je la résume très rapidement, soit accordée à un député indépendant à toutes les trois séances. La pratique veut que ce soit la quatrième question. Dans le cas du député de Rivière-du-Loup, il a outrepassé largement, avec votre bénédiction et votre permission, cette décision. Est-ce que vous renversez la décision prise par votre prédécesseur?

Une voix: ...

Le Président: Sur la question de règlement?

M. Dumont: Oui. Je comprends la souffrance de mon bon ami le leader de l'opposition qui a perdu son droit de parole hier, mais le... Mais vous savez très bien qu'en vertu du règlement, en appréciant un ensemble de circonstances, c'est le président qui a à distribuer les questions.

Le Président: D'ailleurs, vous vous rappellerez, M. le leader de l'opposition officielle, hier, à la fin de la séance, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, on a eu cet échange à la fois sur les...

Une voix: ...

Le Président: Ah non, hier, avant-hier, effectivement. Alors, cet échange m'avait amené à préciser la façon dont je fonctionne à l'égard des questions et des réponses orales. Et nous avons entrepris cette semaine la période des travaux intensifs parlementaires, ce qui fait qu'il y a une période de questions et de réponses orales de plus par semaine, au minimum, d'une part. Je crois qu'il est trop tôt à ce moment-ci pour conclure le comportement de la présidence à l'égard de l'ensemble de la période des travaux intensifs. Et je crois que, en l'occurrence, le député de Rivière-du-Loup, comme c'est son droit et comme ça arrive à l'occasion de part et d'autre, a informé la présidence qu'il ne serait pas à l'Assemblée demain et qu'il souhaitait poser une question d'actualité. M. le député.

M. Dumont: Merci, M. le Président. L'historique récent des solutions ou des tentatives de solutions concernant...

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


Position du gouvernement sur le regroupement des municipalités de l'île de Montréal


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. L'historique récent des solutions concernant la question de la métropole n'a pas été très glorieux. Il a été plutôt de structures artificielles en structures artificielles qui ont tourné d'échecs en échecs, le plus récent échec étant confirmé, consacré durant la présente session avec l'abolition du ministère de la Métropole, qui était supposément la politique officielle du gouvernement actuel.

Or, hier, le maire de Montréal a mis sur la table le véritable débat, l'union des forces, l'union des municipalités sur l'île de Montréal. On sait que le premier ministre actuel s'est souvent inspiré, dans un certain nombre de ses politiques, du premier ministre de l'Ontario – son ami, semble-t-il – et reconnaîtra qu'en Ontario il y a un leadership très clair qui est venu de la part du gouvernement, un leadership politique, qu'il y avait opposition des maires de banlieue mais qu'à terme c'est un maire de banlieue qui est devenu le maire de la nouvelle grande ville de Montréal parce que quelqu'un entre les deux, le gouvernement, a mis ses culottes et a pris des décisions.

Ici, après des années de tergiversations, le gouvernement, et même l'opposition officielle, a tourné finalement le débat sur l'avenir de la métropole en une espèce de paranoïa ethnolinguistique. Alors, ma question au premier ministre est très simple: Sur le plan du développement concret, est-ce que le premier ministre a une position concernant l'union des forces sur l'île de Montréal, est-ce que le premier ministre, lui, a une position politique?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, d'abord il est inexact de parler, comme vient de le faire le député de Rivière-du-Loup, d'abolition du ministère de la Métropole. Il y a fusion entre le ministère de la Métropole et celui des Affaires municipales, et j'invite les membres de cette Assemblée nationale à prendre connaissance du projet de loi que j'ai présenté en cette Chambre. Il n'y a pas de deuil au ministère de la Métropole; il y a un mariage entre les Affaires municipales et la Métropole.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Des conjoints de fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: M. le Président, d'autre part je voudrais rappeler au député de Rivière-du-Loup que le gouvernement a signé, le 1er avril dernier, une entente-cadre – c'était la première fois qu'un gouvernement du Québec signait, avec la ville de Montréal ou avec quelque autre ville au Québec, une entente-cadre, en fait – qui est un plan qui dégage des sommes importantes qui permettent à la ville de Montréal de rencontrer ses obligations en attendant un meilleur partage fiscal. Ai-je besoin de rappeler que, durant les quatre dernières années, le gouvernement du Québec a injecté directement 240 000 000 $ en financement dans la ville de Montréal et que, depuis cette année et pour les trois prochaines années, nous contribuons pour l'équivalent de 53 000 000 $ par année au financement d'équipements montréalais à portée métropolitaine et nationale?

Alors, M. le Président, en conclusion, je crois que nous nous acquittons de nos obligations envers la ville de Montréal mais qu'il y a un grand objectif de société, celui de renforcer nos agglomérations urbaines, et particulièrement l'agglomération métropolitaine.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, à la question précise, M. le Président, est-ce que le premier ministre peut arrêter de voir son gouvernement être ballotté par le vent, de rapports en rapports, et peut nous dire sa position? On peut être d'accord, on pourrait être en désaccord, lui et moi. Il peut être contre, mais, s'il est contre, qu'il se lève en Chambre et qu'il nous dise: Je suis contre une île, une ville, je suis contre l'union des forces. Mais le premier ministre du Québec ne peut pas ne pas avoir de position sur un enjeu politique aussi majeur, et son gouvernement, est-ce qu'il peut nous livrer aujourd'hui, en Chambre, une position claire et précise?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, bon, c'est de bonne guerre que le député d'opposition, qui est le député de Rivière-du-Loup, souhaite avoir une position du gouvernement. Elle viendra, M. le Président; nous en discutons présentement, nous en avons discuté longuement au Conseil des ministres et nous avons ajourné pour pouvoir encore en discuter la semaine prochaine. Alors, je comprends qu'il y a un mois à peine, ça fait un mois, depuis avant-hier seulement, que la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locales a transmis son rapport, et soyez bien assuré, M. le Président, que nous faisons diligence dans ce dossier.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Alors, nous abordons l'étape des motions sans préavis. Est-ce qu'il y a des motions à présenter? Non?


Avis touchant les travaux des commissions

Les avis touchant les travaux des commissions, alors. M. le leader du gouvernement.

(11 h 20)

M. Brassard: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 56, Loi sur la Société de développement de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, aujourd'hui, après les affaires courantes, de 11 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Bien. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée... Alors, M. le député de Châteauguay, whip en chef de l'opposition officielle.

M. Fournier: Oui, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Est-ce que je pourrais inviter les membres de l'Assemblée qui doivent travailler à l'extérieur du salon bleu de quitter maintenant, s'il vous plaît? M. le député de Châteauguay.


Question de règlement sur la répartition des questions entre l'opposition officielle et le député indépendant


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens dans mes fonctions de whip. J'ai entendu la décision que vous avez rendue à l'égard d'une question soulevée par notre collègue de Rivière-du-Loup. Je dois vous avouer que, s'il peut paraître évident que, pour un caucus de un, il soit possible de gérer de cette façon-là, vous conviendrez que, dans un caucus comme le nôtre, c'est un peu plus difficile de prévoir la répartition, la participation de nos collègues dans les travaux à partir de l'agenda particulier de chacun. Et je dois avouer que le précédent qui est le vôtre, d'aujourd'hui, s'il devait être maintenu, devrait nous amener à peut-être vous proposer que, parfois, la période de questions soit plus longue, parce qu'on a des collègues qui ne peuvent pas y être tel jour ou tel autre jour, de participer au choix des projets de loi qui sont déposés, parce qu'on a des collègues qui doivent être pris à tel endroit ou à tel autre endroit.

À partir du moment où la présidence prend des décisions en fonction de l'agenda personnel de chacun des collègues, parce qu'on est tous sur un pied d'égalité ici, on est tous des députés, on devrait être considérés là-dedans. On doit aussi considérer, j'imagine, jusqu'à un certain point, le vote que nous recevons comme entité et, dans ce sens-là, on ne peut quand même pas cacher... il faut le rappeler peut-être un certain nombre de fois, mais on ne peut quand même pas cacher que le Parti libéral du Québec, celui qui forme l'opposition officielle, a reçu le plus de votes au Québec à la dernière élection, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: Alors, conséquemment, c'est un point d'information, guider un peu le whip de l'opposition officielle sur les décisions que vous donnez, parce que je devrai, tant qu'à moi, partager avec mes collègues sur le sens de ces décisions et la façon dont chacun d'entre eux va organiser son agenda personnel.

Le Président: Sur la même question de règlement, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Je ne sais pas exactement à quoi réfère le député de Châteauguay, M. le Président. Dans les rapports que j'ai eus concernant la question d'aujourd'hui avec les gens de votre bureau, il n'y a jamais eu de question d'agenda. J'ai prévenu qu'il y avait aujourd'hui une question d'actualité, que je ne me prévaudrais pas donc de droit de parole à la période de questions de demain, que, sur l'ensemble, ça rééquilibrait le nombre de questions. Il n'a jamais été question de question de... Et le lien que le député de Châteauguay... je le comprendrais s'il le faisait avec l'agenda...

Des voix: ...

M. Dumont: Non, non, mais il n'a jamais été question d'agenda, la question d'aujourd'hui...

Le Président: Est-ce qu'on peut laisser le député de Rivière-du-Loup expliquer son point de vue, puis, après ça, je pourrai intervenir? Mais, d'abord, laissons-le donc s'exprimer, s'il vous plaît! C'est aussi le respect de l'esprit du règlement. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Alors, voilà. Donc, la question d'aujourd'hui, sa pertinence était reliée au fait que le maire de Montréal a prononcé, hier, un discours qui est d'actualité ce matin, qui va l'être moins demain, lundi, mardi...

Des voix: Ah!

M. Dumont: Donc, ça n'a absolument rien à voir. Je comprendrais les appréhensions du député si c'était ça, mais il ne s'agit pas du tout de ça.

Des voix: ...

Le Président: Alors, je pense que...

Une voix: ...

Le Président: Non. Mais, écoutez, je pense que je suis suffisamment éclairé sur la question de règlement pour vous indiquer... parce que, de toute façon, c'est à la présidence de faire les indications. Je pense que la question de règlement a été soulevée, par rapport aux préoccupations des députés de l'opposition officielle, par le whip en chef. Alors, sur la question, mais je vous le dis, c'est la dernière intervention.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, un deuxième point vient d'être ajouté dans la représentation que le député de Rivière-du-Loup vous fait. Non seulement ne pouvait-il pas être à la période de questions demain et il vous a demandé de pouvoir la poser aujourd'hui, mais, en plus, il vous dit que son sujet était un sujet d'actualité. Moi, je peux vous dire, M. le Président, que normalement j'étais sur le rôle de la période des questions pour aujourd'hui, avec aussi une question d'actualité, et je vais vous demander la permission de pouvoir la poser...

Une voix: Maintenant.

M. Dupuis: ...maintenant, si on décide que dorénavant on prend les décisions en fonction de nos présences ou non à l'Assemblée nationale et de la pertinence des questions ou non sur des sujets d'actualité.


Décision du président

Le Président: Bien. Alors, j'ai indiqué que c'était terminé, là. D'abord, même si j'ai indiqué qu'effectivement on m'avait informé – et je ne dis pas que c'est le député de Rivière-du-Loup directement – on m'a avisé qu'il serait absent... Est-ce que c'est vrai? Je ne le sais pas, je n'ai pas fait une enquête. Ce que j'ai indiqué, c'est que je considère qu'à partir du moment où on commence la période des travaux intensifs...

Et je prends à témoin les deux leaders qui sont ici, des deux groupes parlementaires. Quand on a fait une réunion des leaders au début de nos travaux parlementaires de cette session et de cette Législature, on m'a indiqué et on m'a prié de conserver cette latitude que la présidence avait d'apprécier les situations. Et de deux choses l'une: ou on fonctionne de façon très mécanique ou on fonctionne avec le fait que le président a un jugement à exercer pour équilibrer les choses.

Et je n'ai pas à tenir compte, ni en faveur du député de Rivière-du-Loup ni en faveur de l'opposition officielle, du nombre de suffrages populaires qui ont été exprimés lors de la dernière élection. Ce qui est clair, c'est que, dans notre tradition parlementaire, l'opposition officielle a un rôle majeur à exercer.

Je vous rappelle que ce matin, avant que je cède la parole au député de Rivière-du-Loup, il y a eu 15 questions dont six questions principales qui ont été adressées aux membres du gouvernement, sur un total, finalement – on en ajoute deux – donc, de 17 à la fin de l'échange. Et je crois pouvoir indiquer que – je l'ai fait en toute transparence et ça ne s'était jusqu'à maintenant, à ma connaissance, jamais fait – j'envoie à chaque semaine non seulement le compte rendu, le résultat, le bilan des questions et des réponses posées à chaque semaine, mais le temps pris. Et je vous indique à cet égard-là que vous seriez... Je vous invite à le faire. Regardez le pourcentage du temps qui est occupé, dans la période des questions et des réponses orales, par les échanges initiés par l'opposition officielle et je ne pense pas à ce moment-ci que vous pouvez considérer qu'il y a un abus de la présidence en faveur du député indépendant de Rivière-du-Loup.

Ceci étant, je n'ai pas indiqué aujourd'hui mon intention pour l'avenir de tenir compte des agendas personnels ni, en plus, des questions d'actualité ou pas qu'on pourrait m'indiquer d'avoir. J'ai indiqué que, dans l'avis qui m'a été communiqué que le député de Rivière-du-Loup souhaitait poser une question, on m'a fait mention de ce fait-là. Et, moi, je considère qu'à partir du moment où on commence cette semaine la période des travaux intensifs... Je vous invite, avec finalement comme seule donnée objective la façon dont je préside les travaux depuis trois ans et demi, à attendre à la fin du mois de juin et vous verrez le bilan. Vous ferez, à ce moment-là, l'évaluation si le président a ou non a péché par excès de favoritisme. Jusqu'à maintenant, je ne pense pas que ce soit le moment de faire le bilan ni que ce soit la tendance qui se dessine des bilans que je vous transmets à chaque semaine. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Une précision, M. le Président. On sait qu'on n'a pas le droit de souligner l'absence d'un député en cette Chambre. Quel est l'article du règlement qui permet au président de le faire?

Le Président: Je vous ai indiqué la semaine dernière que... Je ne sais pas pourquoi vous soulevez cette question, là.

Une voix: ...

Le Président: Non. J'ai indiqué la semaine dernière – je crois que vous étiez là – que, en fait, l'idée que les députés ont qu'on ne peut pas signaler l'absence ou la présence d'un collègue est une idée basée non pas sur le règlement, mais sur une lecture du règlement qui est erronée. La question, ce n'est pas d'empêcher de mentionner l'absence ou la présence; la question, c'est d'empêcher de prêter des motifs indignes. Et, à partir de cette notion du règlement qui nous empêche tous et toutes de prêter des motifs indignes à un collègue, en général, quand on signale l'absence avec l'intention manifeste de prêter des intentions incorrectes à un collègue, là la présidence intervient; autrement, il n'y a pas de restriction particulière dans le règlement.

(11 h 30)

M. Dupuis: M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Sur le même sujet, M. le Président, je veux simplement ajouter la chose suivante. Ce n'est pas tant autre chose qu'une question de justice à l'endroit de tous les députés qui siègent à l'Assemblée nationale et qui sont tous placés sur un pied d'égalité.

M. le Président, est-ce que je peux vous informer du fait que, demain, j'ai refusé de me rendre à Montréal, dans mon comté, demain matin, pour une inauguration importante où mon devoir de député m'amènerait en principe, parce que l'autre partie de mon devoir de député me commande d'être présent à la période de questions, demain matin? Alors, M. le Président, je vais vous appeler après midi puis je pense que je vais vous demander la permission de me donner deux questions la semaine prochaine pour remplacer celle que je ne pourrai pas poser demain parce que je vais être dans mon comté. Ça n'a pas de bon sens, c'est une question de justice.

Pourquoi le député de Rivière-du-Loup a-t-il, lui, le droit de prendre le téléphone et d'avertir la présidence que, demain, il ne pourra pas être à la période de questions puis qu'il voudrait poser sa question aujourd'hui, et que le président lui fait une fleur et lui dit «très bien», sans consulter personne – sans consulter personne, il a dit: Très bien, vous pourrez y aller demain, je vais vous donner votre question aujourd'hui – et que le député de Saint-Laurent ne peut faire la même chose? C'est ça, M. le Président, qui est le principe en cause. C'est une question de justice pour tout le monde. Pourquoi lui a le droit de vous appeler, de vous demander la permission de s'en aller demain, de poser sa question aujourd'hui, et que, sans consultation, vous lui donnez cette permission-là, et que, nous, on ne peut pas le faire? C'est juste ça, la question, mais elle est importante.

Le Président: Alors, sur la question de règlement, à nouveau, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. M. le Président, je ne veux surtout pas m'ingérer dans une chicane d'opposition, mais j'ai envie... Je ne les ai pas sous les yeux, mais je pourrais citer abondamment mon vis-à-vis, le leader de l'opposition, qui nous rappelle et qui nous a rappelé souvent que le premier devoir d'un parlementaire quand la Chambre siège, c'est d'être au Parlement.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: J'entends les propos du député de Saint-Laurent, mais je pense que le député de Saint-Laurent n'a pas la perspective de comment les choses se produisent. Si le député de Saint-Laurent veut poser une question, son caucus organise la période de questions, dont ils ont presque le monopole généralement. Le député de Rivière-du-Loup, dans sa position, n'ayant pas de leader, doit toujours – ce n'est pas un cas exceptionnel – communiquer au président son intention de poser une question pour être reconnu, pour être vu par le président. Ça, c'est la façon, dans l'usage, de procéder qui a toujours été la même pour les députés indépendants. Ce qui ne force pas le président... À plusieurs reprises, j'ai communiqué au président l'intention de poser une question, je me suis levé en Chambre, et le président ne m'a pas reconnu. Il n'y a pas d'adéquation entre le fait d'avertir le président d'une intention et la décision du président. Et c'est survenu à plus qu'une occasion.

Et là je pense que vous devriez, par contre, vous inspirer des propos du député de Châteauguay, qui tout à l'heure vous invitait, lui, à tenir compte de l'importance numérique de l'opposition officielle. Moi, je pense que c'est tout à fait juste. L'opposition officielle représente trois fois et demie plus de votes à l'intérieur de la population, comme il l'a souligné, que l'ADQ. On devrait avoir la même proportionnalité...

Le Président: Non, je m'excuse, c'est terminé. Alors, j'ai suffisamment d'éclairage sur la question de règlement. Je crois que ce que j'avais à dire, je l'ai dit. Et, encore une fois, pour le moment, je ne crois pas – et c'est l'institution de la présidence qui est en cause aussi – qu'on puisse dire à ce moment-ci que la présidence a fait du favoritisme à l'endroit d'un député par rapport à un autre.

On est au début de la période de travaux intensifs, et c'est un peu tôt pour porter un bilan global sur la façon dont finalement les questions seront réparties au total. Mais je vous invite déjà à utiliser les bilans que je vous ai fait parvenir à chaque semaine depuis le début de la session parlementaire, et vous allez vous rendre compte que, tout compte fait, l'équité et le fair-play ont prévalu dans l'octroi des questions et réponses orales.

Je n'ai, encore une fois, jamais indiqué que le critère que j'avais utilisé et que j'utiliserais serait le critère de l'absence, ou de la non-absence, ou de l'actualité. J'ai indiqué que le député m'a avisé, comme effectivement il vient de l'indiquer, que ça se fait en général du côté des députés indépendants. Ils avisent la présidence parce qu'ils n'ont pas de whip à aviser ou de leader à aviser, et le président a souvent fait en sorte, ne jugeant pas à ce moment-là l'équilibre atteint, de ne pas reconnaître un député. Et souvent c'est arrivé que le député de Rivière-du-Loup se lève avant un député de l'opposition officielle, et, si je suivais la règle stricte, c'est que je reconnais le député qui se lève en premier. Mais ce n'est pas ça que je fais. En général, je tiens compte effectivement de l'équilibre des répartitions des temps de parole qui doivent être en vigueur à l'occasion de la période de questions et de réponses orales. Alors, je crois que, pour aujourd'hui, les choses sont suffisamment claires.

M. Paradis: Non, M. le Président. Juste une question d'information et de directive. Si vous accordez le même traitement à tous les parlementaires, est-ce qu'on doit comprendre des propos que vous venez de tenir en cette Assemblée qu'autant les députés ministériels que les députés de l'opposition et que le député de Rivière-du-Loup qui souhaitent poser une question à l'Assemblée nationale se doivent de téléphoner au président de l'Assemblée nationale, d'alerter le président de leur intention, de souligner qu'ils ne seront probablement pas là le lendemain ou la journée d'après et que la présidence, comme ça, va traiter équitablement, correctement, sera whip ou leader pour tout le monde à l'Assemblée nationale mais qu'il n'y aura pas de traitement particulier? Donc, tous les députés qui ont des questions peuvent appeler à votre bureau, vous allez recevoir les appels par ordre de... où ils seront placés, les appels, et, vous, ça vous permettra de mieux préparer votre période de questions et votre travail.

Le Président: Non, je m'excuse, mais... Non. Je vous le dis tout de suite, là, s'il y a des députés de la majorité ou des députés de l'opposition officielle qui commencent ce petit jeu là, je vais les renvoyer au whip puis au leader. Parce que ce qui est clair, c'est que ce que le député de Rivière-du-Loup vient d'indiquer... Et je pense qu'il ne s'agit pas ici de faire semblant. La réalité, c'est que, depuis que je suis président, et je crois que c'était le cas avant, les députés indépendants, par courtoisie puis pour faciliter le travail du président, l'informaient de leur intention. Et leur intention, ce n'est pas une directive à la présidence, évidemment, et non plus un geste automatique: au moment où on avise, on a une question. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Et, si c'était comme ça...

Je vous invite à regarder comment les périodes de questions et de réponses se sont déroulées depuis trois ans et demi, et vous verriez que ce n'est pas comme ça que ç'a fonctionné et ça ne fonctionnera pas comme ça non plus à l'avenir. Mais je crois qu'à ce moment-ci ce qu'il faut, c'est de voir: Est-ce que l'ensemble est équilibré? Et il n'y a aucune raison, et je le prétends très fermement, à ce moment-ci pour qu'un groupe parlementaire prétende qu'il a été négligé ou défavorisé en regard de la tradition parlementaire et des usages de l'Assemblée. Une dernière question, M. le leader.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce qu'on doit comprendre des propos que vous venez de tenir que, si le leader du gouvernement, ou le whip du gouvernement, ou le leader de l'opposition, ou le whip de l'opposition, ou les chefs vous appellent, vous allez prendre l'appel au même titre que vous prenez l'appel du député de Rivière-du-Loup et que ça va fonctionner de façon équitable?

Le Président: Ça fonctionne déjà de façon équitable, c'est ma prétention. Si vous avez la prétention contraire, faites-la valoir, mais je crois que... Et vous savez très bien qu'une période de questions et de réponses orales ne peut pas être jugée sur une question. Parce que, à chaque jour, à ce moment-là, des députés ministériels pourraient se lever et poser des questions, et le président, selon la tradition et les usages, serait aussi appelé à les reconnaître, parce que, effectivement, selon le droit parlementaire, il n'y a pas de distinction. Et ce n'est pas le président qui décide qui pose des questions et comment il les pose. Sauf que, dans le cas des députés indépendants, ce n'est pas depuis hier que cette pratique qui vient d'être invoquée est utilisée.

Encore une fois, vous n'avez pas, d'aucune façon, la capacité d'indiquer que, à chaque fois que cela a été fait, automatiquement il y a eu une question d'accordée. Plus souvent qu'autrement, même avec avis, il n'y avait pas de question accordée parce que la présidence considérait que, dans l'équilibre dont il doit tenir compte, l'équilibre n'avait pas été respecté, ou il fallait rétablir les choses, ou attendre. Et je crois qu'à cet égard ça ne sert pas tellement l'institution que de questionner, finalement, la façon dont la présidence exécute ses travaux...

Une voix: ...

Le Président: ...dans la mesure où les précédents, les usages et les bilans sont là pour faire la démonstration que tout a été fait dans les règles.

(11 h 40)

M. Paradis: Je m'excuse, M. le Président. Quand on parle du respect des institutions et des décisions, les précédents des décisions rendues par vos prédécesseurs font partie du respect qu'on doit porter à l'institution. Et jamais, moi, en 20 ans, je n'ai entendu un de vos prédécesseurs invoquer le fait que l'absence du lendemain d'un député justifiait qu'il le reconnaisse aujourd'hui. Je n'ai jamais entendu ça, sauf aujourd'hui, et on ne se privera pas de vous le faire remarquer.


Affaires du jour

Le Président: Très bien. Alors, ceci étant dit, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article 3 du feuilleton.


Projet de loi n° 20


Adoption du principe

Le Président: À l'article 3 du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci. Vous échangez de président? Alors, M. le Président et M. le vice-président, MM. les présidents, le projet de loi n° 20 dont il est ici question a principalement pour objectif d'améliorer le processus visant à établir la durée de la suspension d'un permis d'alcool ou la nécessité de prononcer sa révocation lorsqu'un titulaire de permis a acquis illégalement des boissons alcooliques ou des appareils de loterie vidéo non immatriculés, tout en maintenant notre objectif de mener une lutte constante et rigoureuse contre l'économie souterraine dans ces secteurs d'activité; deuxièmement, de compléter l'harmonisation du processus décisionnel de la Régie avec celui établi dans le cadre de la réforme de la justice administrative adoptée par cette Assemblée et en vigueur depuis le 1er avril 1998; et, finalement, d'octroyer aux titulaires de permis d'alcool dont l'établissement est situé à l'aérogare internationale Jean-Lesage le privilège d'exploiter leur permis d'alcool 24 heures par jour, au même titre que ceux dont l'établissement est situé aux aérogares internationales de Montréal, soit Dorval et Mirabel.

Préalablement à la présentation détaillée des mesures que contient ce projet de loi, j'aimerais, M. le Président, rappeler succinctement le contexte qui nous amène à proposer deux de celles-ci, et ce, afin d'apporter le meilleur éclairage qui soit sur la situation.

Rappelons, pour le bénéfice de l'ensemble des membres de cette Assemblée, que les dispositions relatives à l'interdiction de tolérer dans un établissement des boissons alcooliques acquises illégalement et des appareils de loterie vidéo non immatriculés ont été adoptées en 1995 dans un contexte de lutte à la contrebande d'alcool et de lutte à la possession illégale d'appareils de loterie vidéo.

Par la suite, le gouvernement, poursuivant sa volonté d'enrayer l'évasion fiscale résultant du commerce illégal de boissons alcooliques et de l'utilisation illégale d'appareils de loterie vidéo, accentuait, par le biais du projet de loi n° 125, les moyens mis à sa disposition afin d'accroître l'efficacité des interventions réalisées par divers acteurs comme le ministère de la Justice, les services policiers et la Régie.

Il mettait alors en place l'opération spéciale connue sous le vocable ACCES ou ACCÉS parce que, au fond, ACCES, c'est pour Action concertée contre l'économie souterraine. Aujourd'hui, grâce aux actions énergiques concertées des divers intervenants dont la Régie, nous sommes à même de constater que ces mesures ont porté fruit, le programme ACCES ayant généré à lui seul 54 000 000 $ de revenus au cours de l'exercice financier 1997-1998. Plus spécifiquement, cette opération a amené la Régie à intervenir auprès de 1 000 établissements licenciés. Il en est de même pour les appareils de loterie vidéo, puisque plus de 10 800 appareils de loterie vidéo illégaux ont été saisis depuis 1995.

La Régie doit bien sûr, M. le Président, continuer à agir vite et de façon rigoureuse afin que les titulaires de permis comprennent bien la gravité des gestes posés et les conséquences néfastes qui en découlent pour l'ensemble de l'économie québécoise. Bien que l'opération contre l'économie souterraine entreprise dans ces secteurs d'activité ait produit des résultats probants, il faut toutefois, compte tenu de son importance, demeurer vigilants et s'assurer que nous ciblons justement les établissements fautifs. Ainsi, forte de l'expérience acquise, la Régie devra raffiner certains de ses moyens d'intervention.

Notre objectif est clair, M. le Président, il faut permettre aux régisseurs d'imposer des sanctions administratives qui tiennent compte des circonstances propres à chaque dossier et des facteurs aggravants existant.

C'est dans ce contexte que, tout en maintenant l'obligation de suspendre ou de révoquer le permis, nous préconisons les mesures suivantes: l'introduction législative d'un pouvoir discrétionnaire aux régisseurs afin de leur permettre d'évaluer la durée de la suspension ou la nécessité de procéder à la révocation, plutôt que l'obligation d'imposer une mesure fixe prédéterminée, comme le prévoit à l'heure actuelle la loi; l'introduction de l'obligation pour les régisseurs, dans la détermination de la mesure à imposer, de tenir compte de certains facteurs aggravants, telles la quantité de boissons alcooliques, la provenance de ces boissons et la tentative d'éluder le paiement des droits par le biais de la vente d'alcool illégal, la récidive, la menace que représentent ces boissons pour la santé de la population, la bonne foi et l'intention du citoyen.

Ainsi, lorsqu'un titulaire d'un permis enfreindra la loi, la Régie conservera l'obligation de suspendre ou de révoquer ce permis. Toutefois, grâce aux nouvelles mesures proposées, la sanction sera déterminée en fonction de la gravité du manquement, ce qui sera apprécié par les régisseurs.

Par ailleurs, le 16 décembre 1996, l'Assemblée nationale adoptait l'importante réforme de la justice administrative en vigueur depuis le 1er avril 1998. Par cette réforme, M. le Président, le législateur exprimait sa volonté de déjudiciariser et de simplifier, pour l'ensemble des organismes administratifs comme la Régie, les processus de prise de décision administrative touchant les citoyens, en s'assurant bien sûr de respecter leurs droits fondamentaux. Le législateur aménageait, de plus, des règles de fonctionnement différentes selon le palier décisionnel appelé à rendre une décision. Il a donc prévu que les organismes en lien direct avec les citoyens, soit ceux exerçant une fonction administrative comme la Régie, aient dorénavant l'obligation d'aviser le citoyen de leur intention de rendre une décision défavorable afin de lui permettre de présenter ses observations.

En juin 1997, le législateur amorçait, suivant l'esprit même de cette réforme, la modification du processus décisionnel de la Régie en introduisant l'obligation de transmettre un préavis de décision projetée informant préalablement le citoyen des manquements constatés et des mesures envisagées par elle en vue de les sanctionner. La loi prévoyait, de plus, que l'administré pouvait, après la réception de ce préavis, faire valoir son point de vue par la transmission d'observations ou en demandant une audience à la Régie.

M. le Président, il y a lieu d'harmoniser davantage le processus décisionnel de la Régie des alcools, des courses et des jeux avec celui introduit par la réforme de la justice administrative. C'est pourquoi, tout en maintenant l'obligation de donner l'occasion au citoyen de présenter ses observations, le projet de loi propose: d'abord, le remplacement du préavis de décision projetée par un préavis d'intention de rendre une décision défavorable, prévu à l'article 5 de la Loi sur la justice administrative; deuxièmement, la confirmation de l'autonomie de la Régie en matière de preuve et de procédure, de manière à lui permettre d'intervenir avec simplicité, souplesse et sans formalisme, conformément au cadre général prévu à la Loi sur la justice administrative.

Le respect des droits fondamentaux est assuré ici de plusieurs façons, notamment par la présentation des observations ainsi que par la mise en place de règles souples, dépourvues de formalisme, permettant au régisseur de contacter le citoyen au besoin après la réception de ses observations et de l'entendre par les moyens appropriés pour compléter son dossier. Le respect de ses droits est d'autant plus assuré que le citoyen dispose de la possibilité de contester les décisions finales de la Régie devant le Tribunal administratif du Québec. Enfin, ce projet de loi comporte des modifications de concordance visant à harmoniser les dispositions actuelles avec celles proposées. Je vous remercie.

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous allons maintenant céder la parole au député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique. M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'il faut d'abord se réjouir du fait que, dorénavant, évidemment l'aéroport de Québec sera considéré, pour les fins de la loi d'application qui nous concerne, au même titre que l'aéroport international de Dorval. Je pense que les gens de Québec seront très heureux de constater que le gouvernement suit les traces du gouvernement fédéral, qui, dans les dernières années, a consacré un certain nombre de sommes d'argent pour confirmer la vocation internationale de l'aéroport Jean-Lesage de Québec. Alors, évidemment dans ses humbles moyens le ministre confirme cette vocation de l'aéroport, et je pense qu'il faut s'en réjouir.

Je voudrais dire à ce moment-ci et revenir sur les propos que vient de tenir le ministre au sujet de toute cette question du préavis dans la loi sur la régie des permis d'alcool. Tout le monde sait, ou, enfin, tout le monde dans ce milieu-là sait que l'expression «préavis» est une expression qui ne traduit pas exactement la réalité. Mon collègue de Papineau d'ailleurs s'adressera à la Chambre tantôt, après que je l'aurai fait, pour expliquer de façon peut-être plus éloquente et plus élaborée ce que signifie le mot «préavis». Mais je pense qu'il faut savoir que l'expression «préavis» dans la loi veut dire en fait «projet de décision». Alors, au fond, lorsqu'une infraction est constatée, la Régie, les commissaires, les régisseurs peuvent rédiger un projet de décision, donc déjà se former une opinion sur le dossier et faire parvenir à l'infractaire présumé ce projet de décision qu'on appelle un «préavis».

Bien sûr, le projet de loi qui est déposé par le ministre de la Sécurité publique prévoit que l'infractaire présumé qui reçoit ce préavis ou ce projet de décision pourra faire, dans les 10 jours, des observations auprès des régisseurs pour tenter d'influencer évidemment le projet de décision. Curieusement, M. le Président, l'article 8 du projet de loi qui est déposé et qui modifie la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux prévoit que l'article 33 de cette loi, que je viens de mentionner, est modifié par l'article 58 du chapitre 51, et l'article 51 du chapitre 79 est abrogé. Or, il faut aller voir dans la loi sur la régie des permis d'alcool, M. le Président, l'article 33.

Qu'est-ce qu'il prévoyait, l'article 33 qui est abrogé? L'article 33 qui est abrogé prévoyait que la Régie, aux fins de rédiger son projet de décision, avant de le faire parvenir à l'infractaire, pouvait se baser sur une preuve documentaire qui lui était fournie par soit un agent de la paix soit un chimiste qui aurait présumément analysé les boissons qui avaient été saisies. Et donc, avant que les régisseurs ne rédigent ce projet de décision, une certaine preuve documentaire pouvait leur avoir été présentée. Or, là, l'article 33 est aboli, ce qui veut dire que cette preuve documentaire qui pouvait être présentée aux fins de rédiger le projet de décision, il n'y a plus d'obligation.

Alors, la situation dorénavant va être laquelle? Devant quoi on va se retrouver? Comment les régisseurs, comment les gens qui doivent rédiger le projet de décision, sur quoi vont-ils se baser pour rédiger ce projet de décision? Je pense que c'est une question importante, cette question-là. À cette question-là nous n'avons pas de réponse pour une raison, entre autres, c'est parce qu'on n'a pas eu accès au mémoire qui a été déposé auprès du Conseil des ministres pour tenter de voir quel était le but, par exemple, de cet amendement-là.

Je confirme au ministre que le service de recherche a fait un appel pour obtenir le mémoire et qu'on nous aurait répondu que le mémoire était totalement confidentiel. On n'a pas eu le mémoire. Évidemment, le ministre a peut-être eu une mauvaise expérience avec l'opposition officielle relativement au mémoire sur la modification au projet de loi n° 19. C'est pour ça qu'il aurait décidé peut-être de les rendre tous confidentiels. Mais j'explique simplement au ministre que c'est assez utile pour l'opposition officielle d'avoir accès à la partie accessible au public des mémoires qui sont déposés auprès du Conseil des ministres pour connaître les intentions du gouvernement, ses motivations lorsqu'il légifère.

Alors donc, l'opposition officielle est dans le noir quant à savoir la raison pour laquelle l'article 33 de la loi sur la régie des loteries et courses est abrogé et comment les régisseurs pourront-ils rédiger, à la lumière de quels faits, à la lumière de quelles preuves les régisseurs pourront-ils rédiger dorénavant leurs projets de décision ou, enfin, le préavis qui va être envoyé aux infractaires. Évidemment, à l'étude article par article du projet de loi, le ministre pourra nous renseigner là-dessus. Mais c'est important qu'il le fasse parce que, déjà, dans les milieux intéressés par ce projet de loi là, on se pose des questions à ce sujet-là. Et le ministre n'est pas sans ignorer, j'ajoute, que cet article 32.1, qui prévoit...

Le ministre a dit: Vous savez, on envoie le préavis, les gens ont 10 jours pour faire leurs observations auprès de la Régie, donc on respecte les principes de justice fondamentale. J'ai trop de respect pour le ministre de la Sécurité publique, j'ai trop de respect pour la profession qu'il a pratiquée avant d'accéder à ces fonctions importantes pour ne pas savoir que, quand il dit ces choses-là, il doit y avoir dans son esprit, tout de même, une lumière rouge qui est allumée ou un certain doute dans son esprit.

Écoutez, les gens, les régisseurs, se penchent sur, présumément, un dossier d'infraction, rédigent un projet de décision. Pour rédiger un projet de décision, pour le commun des mortels, il faut déjà avoir une opinion. Et c'est bien évident qu'on ne rédige pas un projet de décision, de la part des autorités qui décident, sans avoir une idée déjà, sans avoir une opinion. Sans ça, ça serait illogique de le faire.

Alors, là, vous demandez à des administrés, à des infractaires présumés, à des propriétaires d'avoir confiance qu'ils vont être entendus, que la règle, qui est bien connue chez les juristes, audi alteram partem sera tout à fait respectée, quand on sait très bien que les régisseurs se sont déjà formé une opinion et qu'ils donnent un projet de décision.

Je ne suis pas le seul à dire ça, là, ce n'est pas le député de Saint-Laurent qui est le seul à dire ça, il y a actuellement, à ma connaissance et selon mes informations, des causes pendantes devant les tribunaux qui contestent la constitutionnalité de l'article en question. Et le principal reproche que l'on fait, dans ces causes pendantes devant les tribunaux, à la loi est le fait que cet article-là, qui prévoit ce préavis, serait inconstitutionnel parce que violant la règle audi alteram partem.

Évidemment, le ministre, ce matin, dans son discours et dans son enthousiasme de déposer ce projet de loi là, n'a pas mentionné ces faits. Mais je pense qu'il va falloir aussi en discuter à l'étude article par article. Il va falloir qu'on soit éclairé là-dessus à l'étude article par article.

Une dernière chose qui est importante à retenir en matière de Loi sur les permis d'alcool ou en matière de Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux – je m'excuse, tantôt, j'ai employé l'appellation ancienne, mais, dans mon ancienne vie, évidemment, la loi était appelée d'une façon différente – ce dont il faut se souvenir et ce dont il faut surtout être conscient, M. le Président, c'est que, quand on fait affaire dans ce domaine-là, on fait affaire bien sûr avec des individus, mais on fait affaire surtout avec des PME. Les lois qui sont modifiées par le projet de loi n° 20 concernent des commerces plus ou moins importants mais qui procurent des emplois à des gens, qui procurent évidemment une activité économique importante et des commerces qui procurent aussi des revenus importants au gouvernement. Et je vois déjà le député de Papineau qui salive à l'idée de se lever tantôt et de vous entretenir, M. le Président, sur les bénéfices fiscaux que ces commerces-là procurent au gouvernement.

Donc, on fait affaire avec des PME, on fait affaire avec des gens qui opèrent des commerces plus ou moins importants, mais dont l'importance, dans certains cas, est évidente, hein, le Château Frontenac, entre autres, pour employer un exemple qui est aux antipodes de l'importance, et tous ces grands hôtels. Alors, rendez-vous compte, ces gens-là, à un moment donné, se font signifier un préavis, qui est un projet de décision qui a été pris depuis et à compter de l'adoption de ce projet de loi là, un projet de décision, une opinion que les gens se sont déjà formée, à partir de quoi? Là, on ne le saura plus, parce que l'article qui prévoit qu'une preuve documentaire va être déposée auprès de la Régie avant que le préavis, ou avant que le projet de décision soit rédigé n'est plus obligatoire. Mettez-vous dans leur peau, ils se posent beaucoup de questions et, évidemment, ils aimeraient bien ça que le ministre réponde à ces questions-là.

(12 heures)

D'ailleurs, l'Association des restaurateurs du Québec, déjà au mois de mars dernier, à ma connaissance, et depuis un certain temps, a réclamé de rencontrer le ministre de la Sécurité publique du temps – celui qui est là actuellement, bien sûr – son prédécesseur, M. Bélanger, et, à ma connaissance, à moins que le ministre ne me contredise à ce sujet-là, ils n'ont pas eu encore le bonheur de rencontrer le ministre de la Sécurité publique.

Une voix: ...

M. Dupuis: Ah bon! Alors, le ministre de la Sécurité publique m'indique... Puisque nous n'avons pas de paravent pendant que nous parlons, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique m'indique que... Prévoyant probablement la critique du député de Saint-Laurent ce matin en Chambre...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: ...prévoyant probablement qu'il serait vertement semoncé par le député de Papineau à ce sujet-là, le ministre de la Sécurité publique m'indique qu'il a rencontré hier l'Association des restaurateurs, alors il va probablement nous donner le résultat de cette rencontre-là.

Mais le ministre a probablement... et là je comprends mieux pourquoi tantôt, pendant son discours, le ministre a indiqué: La Régie devra raffiner ses moyens d'intervention. J'ai l'impression que la rencontre que le ministre a eue hier avec l'Association des restaurateurs du Québec a produit ses fruits. J'avais l'intention de lui dire aujourd'hui que l'Association voulait le rencontrer pour lui suggérer que la Régie pourrait raffiner ses moyens d'intervention. Mais, si j'ai bien compris, le ministre a compris le message de l'Association des restaurateurs, et on verra évidemment ce que ça donnera, et je demanderais au ministre, respectueusement, de nous informer de son opinion à ce sujet-là à l'étude article par article qu'on entreprendra bientôt.

C'est essentiellement, au niveau de l'adoption de principe, ce que j'avais à mentionner. Dans le fond, M. le Président, je voulais annoncer au ministre de la Sécurité publique que nous allons probablement avoir une rencontre intéressante et fructueuse à l'étape de l'étude article par article du projet de loi, et l'opposition, sur la question de l'adoption de principe du projet de loi n° 20, n'aura pas d'objection à son adoption.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique. Nous cédons maintenant la parole au whip adjoint de l'opposition et député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je remercie mon collègue de Saint-Laurent de me donner l'opportunité de pouvoir discuter à la présentation de la loi n° 20. Je dois vous dire, M. le Président, que c'est un peu par expérience que je veux m'exprimer au ministre ici ce matin, et on aura sûrement la chance, en commission parlementaire, de continuer cette discussion.

Il y a aussi la Corporation des bars et brasseries du Québec – depuis deux ou trois ans que ça existe – qui ont des problèmes. On se rappelle, par votre prédécesseur, qu'il y a eu une commission parlementaire, et vous avez parlé tantôt que ça avait été baptisé ACCES, ou quelque chose de même, qui avait été faite par les sûretés municipales et la Sûreté du Québec dans toutes les régions du Québec.

Je dois vous dire, M. le Président, qu'à cette commission parlementaire j'avais mentionné au ministre du temps qu'il y a une différence entre les Hell's Angels puis les Norm MacMillan qui sont propriétaires de bar depuis 27 ans dans une petite municipalité de 10 000 ou 12 000. Il y a une sacrifice de différence, M. le ministre, si vous me permettez, M. le Président, parce qu'on a mis ce projet de loi surtout pour ça, pour empêcher les Hell's Angels ou les Rock Machine ou tous ces gens-là d'avoir de la boisson de contrebande, etc., et de les arrêter, et on était tous d'accord avec ça, aucun problème.

Mais, dû à ce projet de loi là, ou à l'escouade ACCES dans chacune de nos régions, tout à coup, après 27 ans... Et si on va dans l'historique de la Régie des alcools, M. le Président, il y avait des inspecteurs de la Régie des alcools qui existaient dans le temps, qui faisaient le tour régulièrement; il y avait le Service d'hôtellerie du Québec qui émettait les permis pour les chambres, etc., et c'est ces gens-là qui faisaient le tour, avec la Sûreté du Québec, pour forcer les détenteurs de permis d'alcool à suivre les lois comme le projet de loi n° 20 qui s'en vient.

(12 h 10)

Malheureusement, les propriétaires de bar ou de brasserie n'ont pas eu la chance de rencontrer les escouades pour leur dire dans quelle intention ces gens-là étaient pour surveiller les détenteurs de permis. Un exemple. Moi, j'ai demandé chez nous, comme détenteur de permis, de rencontrer l'escouade, puis j'étais porte-parole de tous les détenteurs de permis dans l'Outaouais, la plupart, par la Corporation des bars et brasseries, et on m'a répondu qu'on n'avait pas le temps. Malheureusement, je pense que ce n'est pas comme ça qu'on devrait le faire. Et j'espère que les gens de la Régie écoutent, ou ils vont écouter, ou ils vont venir à la commission parlementaire. C'est que nous, chez nous, un exemple, création d'emplois, comme mon collègue de Saint-Laurent le mentionnait tantôt, on a une dizaine d'emplois qui donnent au-dessus de 100 000 $ par année au gouvernement, soit par les loteries soit par les impôts, etc.

On n'a pas la chance de se défendre. Je vais vous donner un exemple. Les gens qui travaillent chez moi font un inventaire à tous les matins, un inventaire manuel, qu'on appelle, avec une balance. On n'a pas les moyens d'avoir des caisses d'aujourd'hui puis de payer 15 000 $ à 20 000 $ pour qu'on puisse vérifier nos inventaires de tous les jours. Alors, la personne, qui est mon frère, fait l'inventaire, prend une bouteille qui a été achetée à la Régie des alcools, avec un timbre qu'on a payé la taxe dessus, et il en demeure un quart d'once ou quelque chose. Pour balancer, pour qu'à la fin de la soirée on ne dise pas à la personne qui, à 4 heures, va remplacer mon frère qu'il manque un quart d'once, ou une once, ou deux onces, on prend la bouteille et on le met. C'est de la boisson qu'on a payée, avec timbre, qu'on a le droit de faire.

Résultat: la Sûreté du Québec, ou l'ACCES, ou le groupe entre chez nous, saisit la bouteille parce qu'on n'a pas le droit de transvider. Pour nous, pas le droit de transvider, c'est de la boisson qui est frauduleuse, de la boisson qui est frelatée, si vous voulez, ou de la boisson achetée aux États-Unis pour ne pas payer de taxes. Mais, quand tu peux prouver avec ta facture, avec le numéro, de la Régie des alcools, de la bouteille, tu le transvides puis on dit que c'est une cause... On est en cour présentement. Si on perd cette cause-là, on peut fermer. Ça n'a pas d'allure. Si la boisson était frauduleuse ou achetée sans timbre, parfait, 100 % d'accord, mais, si on va en cour, on est obligé d'engager un avocat. Ça fait deux fois qu'on passe en avant de la cour, sur le témoignage de mon frère qui ne le sait pas, qui dit à la police: Oui, on a transvidé, mais c'est une bouteille qu'on a achetée légalement. Ça n'a pas d'allure, M. le Président.

Alors, c'est ça que je voudrais laisser un peu comme message, c'est qu'on n'a pas d'endroit à qui parler de nos expériences. Les gens qui sont assis... Les régisseurs à Montréal ou les commissaires ne connaissent pas ça. Je m'excuse, ils ne connaissent pas ça. Ils sont à Montréal assis en arrière de leur bureau, ils ne connaissent rien de la pratique à tous les jours. Vingt ans passés, ces inspecteurs-là venaient chez nous, dans l'hôtel, faire les inspections, M. le Président. Alors, ces gens-là étaient au courant. Là, ça n'existe plus, ces commissaires-là. C'est les gens locaux ou la police municipale, la Sûreté du Québec qui font ça et qui ne donnent aucune chance à personne de pouvoir se défendre. Légalement, on est obligé de dépenser peut-être 1 500 $, 2 000 $ d'avocat pour une niaiserie.

Et ce que je veux dire par ça aussi, c'est qu'à cause des Hell's Angels, là, bien, les petits hôtels ou les bars, les brasseries paient la note, parce qu'on veut être plus strict, à la Régie. On est tous d'accord qu'on n'a pas d'affaire à acheter de la boisson de contrebande, on est tous d'accord qu'il y a eu du marché au noir à l'extrême, on est tous d'accord. On est tous passés à travers de ça. Exemple: chez nous, dans 27 ans, on n'a jamais eu une cause. Jamais une cause dans 27 ans. Là, on est rendu à trois depuis un an et demi, pour des niaiseries, à cause qu'on a voulu faire une loi pour empêcher les Hell's Angels de contrôler les bars. Parfait. On voulait même donner l'autorité au maire de la place de fermer la place. Imaginez-vous, si le maire de chez nous, dans mon cas, avait été mon opposant à la dernière élection, du Parti québécois, puis que, moi, je l'avais défait par 5 000, 6 000 de majorité, comme je l'ai fait d'ailleurs à la dernière élection. Lui, le lendemain matin, il est en beau maudit après le député de Papineau. Il ferme la place. Il aurait eu à avoir le droit, si je n'avais pas été là en commission parlementaire, de faire ça. Le ministre du temps, M. Bélanger, a accepté d'enlever ça.

On va avoir la chance, M. le Président, de pouvoir en discuter. Et peut-être qu'en troisième lecture on pourrait recevoir des gens, des corporations, des bars, des brasseries, juste prendre une heure, deux heures, avec les régisseurs de la Régie des permis d'alcool à Montréal, qu'ils viennent écouter ces gens-là. Je pense que la loi serait encore meilleure. Je pense que la loi, au moins, après... Les détenteurs de permis, les donneurs de jobs, des petites et moyennes entreprises, des machines vidéopokers qu'on a chez nous, par exemple, qui donnent au-delà de 1 400 000 $ au gouvernement du Québec, juste chez nous, l'année passée, là, à cause de cette cause stupide là, on pourrait fermer pour deux semaines, une semaine, un mois. Alors, c'est une perte d'emplois – alors, l'assurance-emploi qui viendrait – c'est une perte de taxe de vente sur les ventes qui arrivent et c'est une perte des revenus des vidéos... des loteries vidéo, pour avoir le bon terme.

Alors, je pense qu'il y aurait une logique avec le projet de loi n° 20 qu'on pourrait mettre sur la table, avec mon collègue de Saint-Laurent et avec le ministre de la Sécurité publique, pour régler ce problème-là une fois pour toutes, qu'on ait au moins la chance de s'exprimer en avant des gens de la Régie. Présentement, ce n'est pas ça qui se passe. Nous, on est en Cour provinciale et, si on est trouvé coupables, on va aller à la Régie après, et on peut nous fermer. Peut-être, après quatre, cinq causes où il y a de la boisson qui est frauduleuse, mais quand ce n'est pas de la boisson frauduleuse, quand on peut prouver que c'est de la boisson achetée et que les taxes sont payées... Si on transvide puis on n'a pas le droit, qu'on nous le dise, on ne le refera plus. Mais ce n'est pas écrit, à nulle part, dans la loi, là.

Une voix: ...

M. MacMillan: Avec de la boisson? En tout cas, on ne l'a jamais vu.

Mais pourquoi nous fermer pour 15 jours et que ces gens-là n'aient plus de job? Pourquoi est-ce qu'on ne mettrait pas une amende de 2 000 $ au lieu de la fermeture? Si c'est des lois de vente de drogues, je suis complètement d'accord que vous fermiez toutes les places qui vendent de la drogue. D'ailleurs, c'est très difficile à contrôler, on a l'expérience chez nous avec des Hell's qu'on a mis à la porte, et... On fait notre job.

Alors, j'aimerais qu'on ait la chance, avec cette commission parlementaire, M. le Président... Et le message que j'aimerais laisser, c'est de donner une chance aux petits tenanciers, la Corporation des bars et brasseries du Québec, l'Association des restaurateurs du Québec, de venir pendant deux, trois heures discuter avec vous en troisième lecture pour trouver les bonnes solutions. Et vous allez vous apercevoir que ces détenteurs de permis là vont vouloir collaborer, ceux, en tout cas, qui sont dans les situations comme nous, mais pas les gens qui sont propriétaires de bars qui sont des Hell's Angels, ou d'autres choses – ça, je suis complètement d'accord avec ça. Mais qu'on nous donne donc la chance, pour une fois. Dans 27 ans, je n'ai jamais eu la chance de pouvoir exprimer les expériences qu'on a avec la Régie des alcools. Alors, je profite de mon rôle comme député et j'espère, M. le Président, que le ministre pourra profiter de nos expériences. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, le principe du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Dupuis: ...est-ce que, compte tenu de la demande qui vient d'être faite par M. le député de Papineau, compte tenu de la présence du ministre de la Sécurité publique, le gouvernement pourrait indiquer tout de suite s'il entend consentir à ce qu'il y ait, par exemple, une consultation particulière et qu'on puisse établir ensemble, le ministre et moi, la liste des gens qui pourraient être entendus, pour donner suite à la demande de M. le député de Papineau, pour permettre aux gens, si le ministre est d'accord, de préparer tout de suite leur présentation?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'en discuterai avec le ministre concerné, mais je vois par son attitude qu'il n'est pas réfractaire à ce scénario. Alors, on en rediscutera.

M. Dupuis: Alors, je prends acte de la bonne volonté que manifeste le leader du gouvernement de même que le ministre de la Sécurité publique. Et, si vous le permettez, M. le ministre, on pourrait se parler pour voir, établir la liste. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, comme c'est la coutume. Malheureusement, cette coutume-là n'a pas été respectée quand...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, excusez-moi, M. le leader. La motion que vous avez faite, de renvoi à la commission des institutions pour étude détaillée, est-elle adoptée?

M. Brassard: Oui, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Elle est adoptée? Merci.

M. Brassard: Oui. Et selon la coutume, nous discuterons avec l'opposition pour voir comment des consultations particulières pourraient être tenues. C'est ce que j'ai ardemment souhaité dans le cas de la sécurisation du réseau d'Hydro-Québec; malheureusement, ça ne s'est pas fait.

M. Dupuis: Avec votre permission, je ne peux pas laisser passer ça. Dans le cas de la consultation relative au projet de loi n° 20, ce que je comprends, c'est que ça va être une vraie consultation qui va pouvoir donner de vrais résultats, alors que l'attitude de l'opposition officielle dans la commission parlementaire que le leader du gouvernement évoque, l'objection était à l'effet que c'était une consultation bidon.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président. Comment l'opposition peut-elle qualifier la commission parlementaire, les audiences particulières qui ont eu lieu la semaine dernière sur la sécurisation du réseau d'Hydro-Québec de consultation bidon, ils n'étaient pas là?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ayant entendu de part et d'autre de merveilleuses répliques, nous venons de terminer l'adoption du principe du projet de loi n° 20. Ce projet est maintenant dévolu à la commission des institutions. Et je vous céderais de nouveau la parole, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, je vous réfère maintenant à l'article 14 du feuilleton.


Projet de loi n° 52


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 14 de votre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi concernant les enquêtes sur les incendies. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 52? Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: M. le Président. Je présentais devant cette Assemblée, le 13 mai dernier, le projet de loi n° 52 intitulé Loi modifiant la Loi concernant les enquêtes sur les incendies. Aujourd'hui, il me fait plaisir d'entreprendre le débat sur le principe de ce projet.

Tout d'abord, M. le Président, permettez-moi de rappeler à cette Assemblée que l'actuelle loi qui régit les enquêtes sur les incendies a été adoptée il y a maintenant plus de 30 ans. En effet, c'est en 1968 que le gouvernement de l'Union nationale proposait à l'Assemblée législative une nouvelle loi des enquêtes sur les incendies. À l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi, le premier ministre de l'époque, également Procureur général et parrain du projet de loi, informait l'Assemblée que l'un des principes fondamentaux dont on s'était préoccupé en élaborant le projet de loi était, et je cite, «l'importance de découvrir rapidement et efficacement les causes des incendies». Il ajoutait «que les recherches et l'enquête doivent se faire rapidement et que c'est aussitôt après l'incendie qu'on peut déceler les signes, les traces, les instruments qui ont pu servir au crime, s'il y en a un». Fin de la citation.

Après 30 ans, M. le Président, vous conviendrez qu'il est devenu impératif de revoir certaines dispositions de la Loi concernant les enquêtes sur les incendies. Cet exercice est justifié par l'évolution du rôle du commissaire-enquêteur. Il l'est également par mon désir de m'assurer davantage de la conformité de ces dispositions avec les lois constitutionnelles et la Charte canadienne des droits et libertés. Il l'est enfin par mon souci de voir ces dispositions s'appliquer en harmonie avec celles qui poursuivent des objectifs de même nature et que l'on retrouve dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès.

M. le Président, nous sommes tous conscients que le rôle du commissaire-enquêteur sur les incendies s'est élargi au fil des ans, notamment avec la tenue de plusieurs enquêtes publiques sur les incendies ou événements particuliers, dont les médias ont d'ailleurs fait largement état. Je pense ici à l'enquête sur les incendies causés par le chauffage radiant, menée à la demande du ministre de la Sécurité publique, et plus récemment l'enquête sur l'explosion au Cercle de la garnison de Québec. Je signale en passant que ce sont justement des enquêtes où l'on ne soupçonnait pas et où on n'aurait pas conclu qu'il y avait crime, comme était la principale préoccupation il y a 30 ans et comme évidemment elle ne peut plus l'être à cause des exigences constitutionnelles qui ont évolué.

Alors, qu'il me soit permis, M. le Président, de souligner ici le travail accompli depuis les 30 dernières années par Me Cyrille Delâge, Commissaire aux incendies pour la ville de Québec et pour tous les districts judiciaires du Québec et coroner ad hoc. Le projet qui est devant nous propose d'élargir la portée de la Loi concernant les enquêtes sur les incendies en permettant au commissaire-enquêteur de rechercher la cause, l'origine ou les circonstances de tout incendie ou toute explosion ayant causé des dommages à des personnes ou à des biens. Auparavant, ce dernier était tenu de rechercher les circonstances seulement lorsqu'il avait des raisons de croire que cet événement n'était pas accidentel.

(12 h 20)

Les modifications vont dans le même sens en ce qui concerne le pouvoir d'enquête; le commissaire-enquêteur pourra déterminer, à la suite de la recherche des causes et des circonstances, de l'utilité de mener une enquête et estimer si celle-ci nuira au déroulement d'une enquête policière déjà en cours.

À cet égard, M. le Président, la Cour d'appel, dans une affaire récente, déplorait le fait qu'une enquête devant le commissaire aux incendies avait dans les faits été convoquée par la police et que l'appelant et son épouse avaient été contraints de témoigner et de fournir des renseignements qu'ils avaient légitimement refusé de fournir à l'occasion de l'enquête policière. Pour la cour, le principe interdisant l'auto-incrimination, en tant que principe de justice fondamentale garanti par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, exige notamment que les personnes contraintes à témoigner bénéficient d'une immunité résiduelle contre l'utilisation de la preuve dérivée. La preuve dérivée, M. le Président, est celle qui a permis qu'au cours d'un témoignage forcé l'accusé révèle des informations que la police n'aurait pu obtenir autrement. Pour la cour, il était inacceptable qu'on utilise des organismes d'enquête pour contourner l'exercice légitime du droit au silence.

À l'avenir, pour déterminer l'utilité d'une enquête, le projet de loi propose que le commissaire-enquêteur tienne compte de la nécessité de recourir à l'audition de témoins. Ce pourrait être le cas notamment pour obtenir des informations propres à établir la cause, l'origine ou les circonstances d'un incendie et d'une explosion, pour informer le public sur la cause, l'origine ou les circonstances d'un incendie ou d'une explosion ou pour permettre la formulation de recommandations visant à assurer une meilleure protection des personnes et des biens. C'est là que le commissaire aux incendies joue son rôle maintenant le plus utile, essentiel, et en cela il ressemble un peu justement au rôle que jouent les coroners lorsqu'il y a mort d'homme.

Toutefois, M. le Président, le projet propose que le commissaire-enquêteur ne puisse tenir ou poursuivre une enquête sur un incendie ou une explosion lorsque une personne fait l'objet d'une poursuite criminelle relativement à cet incendie ou à cette explosion, et ce, tant que le jugement sur cette poursuite n'a pas acquis force de chose jugée.

Vous comprendrez, M. le Président, que l'objectif recherché par l'application des dispositions de cette loi, telle qu'elle sera modifiée avec le consentement des membres de cette Assemblée, est de circonscrire la portée d'une telle enquête à la recherche des causes et des circonstances de tout incendie ou toute explosion ayant causé des dommages à des personnes ou à des biens.

Conséquemment, M. le Président, et c'est également le but que je poursuis, cet organisme d'enquête ne devrait pas être utilisé dans le but d'enquêter sur la perpétration alléguée d'infractions criminelles par des personnes nommées. D'ailleurs, pour illustrer encore davantage ma détermination à préserver les droits constitutionnels des individus, je propose également que le commissaire-enquêteur ait autorité sur la présentation de la preuve et sur le déroulement de l'enquête. Il pourra notamment recevoir toute preuve qu'il juge pertinente aux fins de l'enquête, exclure celle qui est de nature répétitive ou dont la valeur probante est minime et limiter l'interrogatoire ou le contre-interrogatoire vexatoire d'un témoin.

Je propose en outre que soit exclus du rapport du commissaire toute mention relative à un verdict, à un crime ou à une personne qui en serait l'auteur présumé. Il faut comprendre que c'est aux tribunaux de poser de tels verdicts dans le respect des droits qui sont reconnus à tous les citoyens de ce pays.

En terminant, M. le Président, je crois opportun de rappeler que l'incendie au Québec demeure un phénomène préoccupant. On dénombre près de 10 000 incendies de bâtiments en moyenne par année; ceux-ci entraînent des pertes matérielles de l'ordre de 370 000 000 $, ce qui est bien plus que notre voisine, l'Ontario, laquelle est plus populeuse. Le Québec est en fait en tête de liste au Canada à ce chapitre. La recherche des causes et des circonstances des incendies ne peut que contribuer à une meilleure connaissance du phénomène de l'incendie et, ce faisant, à l'amélioration des mesures de prévention, de protection et de lutte contre l'incendie.

Les constats et les recommandations du commissaire-enquêteur sur les incendies demeurent à cet égard les éléments essentiels au redressement du bilan des incendies au Québec. Je propose donc que cet organisme soit doté de tous les outils nécessaires pour qu'il puisse s'acquitter de son mandat avec professionnalisme, diligence et efficacité, et cela, dans un cadre législatif et procédural en harmonie avec le cadre constitutionnel qui nous gouverne. Les modifications soumises par le projet qui est devant nous vont dans ce sens.

Je veux signaler aussi que ce n'est pas uniquement par cette mesure que nous avons l'intention de corriger la situation inacceptable des incendies au Québec. Je dois annoncer prochainement, en fait la fin de semaine prochaine, pas celle qui s'en vient mais l'autre, un vaste plan d'action pour consultation, au cours de l'été, qui devrait mener, j'espère, à la présentation d'un projet de loi plus tard, à l'automne.

Je me permets donc, M. le Président, d'inviter cette Assemblée à poursuivre avec moi cette démarche et à adopter le principe du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi concernant les enquêtes sur les incendies. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides et ministre de la Sécurité publique. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique, le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Je dis tout de suite au ministre que l'opposition va se rendre à la demande et à l'invitation du ministre relativement à l'adoption de principe du projet de loi n° 52. Je n'ai pas l'intention d'intervenir très longtemps, M. le Président, mais comment intervenir sur le projet de loi n° 52 et comment étudier le projet de loi n° 52, avant d'intervenir à son sujet, sans penser, bien sûr – et le ministre y a fait référence – à la personne au Québec qui est la plus connue et reconnue comme commissaire-enquêteur en matière d'incendie et qui – à la blague, à l'occasion, je dis – sévit depuis si longtemps au Québec, mais, enfin, qui exerce cette responsabilité importante depuis si longtemps au Québec? Je veux bien sûr faire référence à Me Cyrille Delâge, que tout le monde connaît, et que tout le monde connaît parce que certains se sont présentés devant lui au fil des années, et j'en suis un, et ont eu l'occasion de bénéficier de son style, en certaines occasions, expéditif.

Mais je pense qu'on peut dire de Me Cyrille Delâge que, sans aucun doute, c'est un personnage qui est efficace, qui connaît ses responsabilités, qui connaît bien sa matière et qui, bien sûr, mène bien ses enquêtes, bien qu'on puisse à l'occasion, quand on est un plaideur devant lui, ressentir une certaine frustration vis-à-vis de son style expéditif. Mais je le fais à la blague, et ce n'est pas un reproche que je lui fais. Tout le monde lui reconnaît sa compétence. Je ferai référence d'ailleurs, tantôt, à une modification que le ministre cherche à introduire et sur laquelle je voudrais m'attarder juste un petit peu plus.

Je pense, M. le Président, que tant celui qui vous parle que le ministre de la Sécurité publique avons eu l'occasion au cours de nos carrières respectives de nous présenter devant ces instances avant que les exigences constitutionnelles ne viennent encadrer le travail et surtout les règles de procédure et de preuve qui prévalaient, et je suis heureux, comme le ministre, que nous puissions, dans cette loi comme dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, nous adapter évidemment à la jurisprudence et au droit existant.

(12 h 30)

Dans le fond, ce que le ministre veut faire, c'est qu'il veut faire du commissaire-enquêteur aux incendies un coroner en matière d'incendie. Enfin, je vois que le ministre est d'accord avec cette affirmation-là. Je pense que, quand on lit le projet de loi, c'est clair. Il ajoute, bien sûr, qu'il pourra y avoir des enquêtes qui se tiendront lorsque des personnes auront subi un préjudice, pas seulement des biens, une modification qui me permet de dire au ministre que le commissaire-enquêteur aux incendies deviendra une espèce de coroner, si vous voulez.

J'applaudis au fait que le ministre se rend au fait que le coroner, dorénavant, devra surtout s'attaquer aux causes et circonstances des incendies plus qu'aux personnes qui pourraient les avoir causés, d'où, évidemment, la modification qui fait en sorte que dorénavant le coroner ne pourra rendre de verdict sur la responsabilité civile ou criminelle d'un individu. Et ça, c'est un principe qui a cours dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, pour faire référence au coroner. Et, évidemment, le coroner... le commissaire-enquêteur aux incendies – pardonnez-moi, M. le Président – ne tiendra pas d'enquête lorsqu'une enquête policière se tiendra. Et je pense que ça aussi, il faut applaudir à cette modification-là.

La question que nous discuterons ou que j'inviterais le ministre à discuter en commission parlementaire sur l'étude article par article du projet de loi aura trait particulièrement à l'article 25, qui stipule, et je vais le lire pour les fins de cette présentation: «Le commissaire-enquêteur a autorité sur la présentation de la preuve et le déroulement de l'enquête. Il peut notamment recevoir toute preuve qu'il juge pertinente aux fins de l'enquête, exclure celle qui est de nature répétitive ou dont la valeur probante est minime et limiter l'interrogatoire ou le contre-interrogatoire vexatoire d'un témoin.» C'est une disposition que l'on retrouve telle quelle dans la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès. Donc, les coroners se gouvernent également à la lumière de cette disposition.

On discutera ensemble évidemment, M. le ministre et moi, avec sa permission, du fait qu'il devra en toute circonstance... Et on pourra voir s'il n'y a pas moyen de soit retrancher ou soit ajouter des dispositions qui pourraient éclairer encore plus la gouverne du commissaire-enquêteur des incendies, lorsqu'il tiendra des enquêtes, sur son devoir, tout de même, d'agir équitablement. Il reste que le commissaire-enquêteur aux incendies continuera d'entendre des témoins, M. le Président. Et, à toutes les fois qu'un témoignage est déposé devant une instance quelconque, que ce témoignage-là est rendu sous serment, il peut évidemment y avoir des conséquences éventuelles dans d'autres procédures.

Évidemment, le commissaire-enquêteur aux incendies pourra toujours tenir une enquête relativement à des faits qui n'auront pas encore donné lieu à une enquête policière ou relativement à des faits qui n'auront pas encore donné lieu à une accusation criminelle, pour toutes sortes de raisons. Et, évidemment, le fait d'avoir rendu témoignage devant le commissaire-enquêteur aux incendies pourrait avoir des répercussions pour des individus. Alors, il faudra s'assurer – et là évidemment je ne fais pas de personnalité et je ne fais pas référence au travail de Me Delâge – il faudra toujours s'assurer, je pense, et il faudra avoir toujours cette prudence relative au devoir d'une autorité administrative, au devoir d'un commissaire-enquêteur comme celui du commissaire-enquêteur aux incendies d'agir équitablement, qui est un critère que la Cour suprême a retenu évidemment relativement aux autorités administratives. On verra si ce qui est contenu dans le projet de loi à l'article 25 s'adapte bien à cette prescription jurisprudentielle. On en discutera au moment de l'étude article par article.

Essentiellement, M. le Président, c'est ce que l'opposition officielle voulait faire valoir à ce stade-ci, à l'adoption de principe. Et nous voterons pour le projet de loi n° 52.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 52? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre réplique? Non?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi concernant les enquêtes sur les incendies, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Brassard: Et je vous réfère maintenant à l'article 11.


Projet de loi n° 44


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 11 de votre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi de police. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 44? Alors, M. le ministre de la Sécurité publique, à vous la parole.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole afin de présenter à nos collègues de l'Assemblée nationale les principes et les modifications proposés dans le projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi de police.

Pour l'essentiel, ce projet de loi vise à alléger le processus relativement à la composition de l'état-major de la Sûreté du Québec, à permettre à un membre de la SQ de contribuer au régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, à assurer le commandement d'un corps de police municipal sur une base intérimaire, lorsque nécessaire, et à introduire à la loi une disposition habilitante destinée à permettre au gouvernement d'établir un règlement sur les qualités requises pour exercer les fonctions d'enquête dans un corps de police.

Au regard de la facture générale de ce projet de loi, on pourrait être tenté de croire que les mesures y étant contenues revêtent uniquement un caractère administratif ou technique. Or, comme on s'en rendra compte durant la discussion entourant l'adoption de ce projet de loi, celui-ci traite plutôt de questions de principe importantes pour les corps de police, dont la Sûreté du Québec.

Cela étant dit, avant d'entrer dans le vif du sujet, vous me permettrez, M. le Président, une brève parenthèse au profit de l'ensemble des membres de cette Chambre. Bien que cinq des six mesures comprises dans ce projet de loi s'inscrivent, dans une certaine mesure, dans le courant de pensée découlant du rapport Poitras, il ne faudrait surtout pas penser que le présent projet de loi, de législation, constitue la pièce maîtresse du suivi que j'entends donner aux multiples recommandations formulées par la commission d'enquête chargée d'enquêter sur la Sûreté du Québec.

À ce sujet, je désire informer mes collègues de l'Assemblée nationale que l'examen du suivi à accorder au rapport de la commission Poitras est à toutes fins utiles complété, que les principales mesures à être comprises au plan d'action gouvernemental sont présentement l'objet de discussions entre un certain nombre d'intervenants, et que, sous peu, je devrais être en mesure de dévoiler le contenu des orientations que j'entends poursuivre à cet égard.

Par ailleurs, le directeur général de la SQ, M. Florent Gagné, m'a présenté, vendredi dernier, le plan de renouvellement qu'il entend mettre en oeuvre pour répondre à de nombreuses recommandations du rapport Poitras qui interpellent au premier plan la direction générale de la Sûreté du Québec. Ce document constitue un document de travail qui doit faire l'objet de consultations et d'analyses, et il sera soumis au gouvernement sitôt ces démarches terminées, pour approbation finale.

Venons-en maintenant aux principales composantes du projet de loi modifiant la Loi de police. En premier lieu, trois mesures visent à alléger le processus concernant la composition de l'état-major de la SQ. Actuellement, pour des raisons que l'on peut qualifier d'historiques, la Loi de police prévoit que la SQ doit obligatoirement avoir cinq directeurs généraux adjoints – ni plus ni moins – sans que cela réponde nécessairement aux besoins de l'organisation, autant sur une base opérationnelle qu'administrative. À titre illustratif, dans un passé relativement récent, le gouvernement a été dans l'obligation de nommer sur une base intérimaire des directeurs généraux adjoints en remplacement de membres de la SQ placés dans une situation d'incapacité d'agir. Les directeurs généraux adjoints, qui avaient fait l'objet d'un remplacement provisoire, n'avaient pas pour autant pris leur retraite, été suspendus ou démis de leurs fonctions. Dans un tel contexte, on aura compris que la contrainte liée à l'existence d'un nombre précis de directeurs généraux adjoints prescrit par la loi, tout en n'ajoutant rien à la qualité du contrôle qu'exerce le gouvernement sur la SQ, impose une rigidité inutile dans les circonstances.

Dans le même ordre d'idées, s'il advenait que, pour différentes raisons de nature administrative ou opérationnelle, la Sûreté du Québec soit appelée à créer une nouvelle direction générale, il nous faudrait possiblement, à cette fin, envisager à nouveau de modifier en conséquence la Loi de police. Dans l'objectif de conférer une certaine souplesse au processus, le projet de loi propose donc que la Loi de police ne fasse plus état du nombre précis de directeurs généraux adjoints devant composer l'état-major de la SQ. De plus, pour des raisons liées à la nécessité d'une flexibilité d'action accrue et à des fins d'efficience, le projet de loi prévoit également que le ministre de la Sécurité publique, et non le gouvernement du Québec, convienne du directeur général adjoint pouvant remplacer sur une base intérimaire le directeur général de la SQ, si celui-ci devenait dans l'incapacité d'agir. Cette façon de faire permettra non seulement de reproduire au sein de la SQ la pratique usuelle observée dans la fonction publique, mais le gouvernement conservera, comme dans le cas de la nomination des sous-ministres, la responsabilité de désigner sur une base permanente le directeur général de la Sûreté du Québec.

Une troisième modification à la Loi de police vise à ce que le gouvernement du Québec puisse fixer une limite différente des 32 ans de service prévus actuellement pour la retraite d'un directeur général adjoint. Un tel déplafonnement de l'âge de la retraite est d'ailleurs en vigueur pour le directeur général de la SQ. Présentement, l'article 58 de la Loi de police prévoit que la pension avec retraite est obligatoire pour tout membre de la SQ après 32 ans de service.

M. le Président, certains députés de cette Chambre ayant un certain nombre d'années d'ancienneté se rappelleront sans doute que l'un de mes prédécesseurs, au début des années quatre-vingt-dix, avait proposé ici même, à l'Assemblée nationale, un amendement législatif à la Loi de police de manière à décloisonner le plafonnement des 32 ans de service pour permettre à un directeur général de la SQ de continuer à occuper ses fonctions au-delà de cette période. J'imagine que l'un des motifs qui avaient été invoqués à l'époque par le représentant du gouvernement d'alors consistait à faire valoir l'importance de conserver l'expertise à la Sûreté du Québec.

(12 h 40)

À titre d'ancien criminaliste et en qualité de ministre de la Sécurité publique, je suis en mesure de témoigner du caractère hautement complexe de la fonction de directeur d'un service de police, notamment lorsque celui-ci est de la taille d'une organisation comme celle de la SQ. Non seulement est-il difficile d'assumer la direction de ce genre d'organisation policière, mais, en plus, les candidats habilités à occuper ce type de fonction doivent disposer d'une solide expérience de gestion.

Or, dans le milieu policier comme ailleurs, les départs massifs à la retraite observés durant les dernières années soulèvent un problème de relève. Bien plus, dans beaucoup d'organisations, on se rend compte désormais que les départs à la retraite de nos gestionnaires les plus expérimentés ne favorisent pas toujours une amélioration des performances des organismes. Bien au contraire, il est même fréquent que les entreprises en viennent à accorder à d'anciens gestionnaires des contrats de consultants dans l'unique objectif de ne pas être dépossédées de l'expertise précieuse acquise par ceux-ci. La SQ n'échappant pas à la règle, il nous apparaît aujourd'hui opportun, pour des motifs d'efficacité et de maintien de l'expertise, de décloisonner ce plafond des 32 ans de service pour les directeurs généraux adjoints de ce corps policier, lesquels composent son état-major.

Par ailleurs, au cours des dernières années, différentes analyses, divers rapports et commentaires émanant d'observateurs de la scène publique ont fait état de l'importance de favoriser les entrées latérales au sein des corps policiers en vue d'améliorer l'ouverture et le développement de la culture au sein de ces organisations paramilitaires. Je suis conscient qu'il y a beaucoup à faire en ce domaine, et il va de soi qu'au cours des prochaines années nous serons en toute vraisemblance témoins de nombreuses initiatives en ce sens. Bien qu'il ne s'agisse pas, au sens où on l'entend habituellement, d'entrées latérales, il n'en demeure pas moins que l'actuel gouvernement du Québec a fait figure de pionnier en cette matière en nommant à la tête de la SQ, en 1996, un civil et haut fonctionnaire de carrière, M. Guy Coulombe, lequel a été depuis remplacé par un ancien sous-ministre chevronné, en la personne de M. Florent Gagné.

Cela dit, il ne faudrait pas que l'acceptation par un employé de l'État de relever un défi aussi exigeant que celui d'assumer la direction de la SQ se traduise dans les faits par un préjudice financier au regard de son plan de retraite. C'est la raison pour laquelle il est proposé, au projet de loi, une modification destinée à ce que le gouvernement puisse rendre le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics applicable à un membre de la SQ si ce régime s'appliquait à ce membre au moment de sa nomination.

Par ailleurs, l'article 7 du projet de loi traite de la direction intérimaire d'un corps de police municipal. Le mandat d'assumer la direction d'un service de police est une fonction névralgique. Le raisonnement est fondé pour la SQ, mais il l'est tout autant pour un corps de police municipal. En vertu de l'article 68 de la Loi de police, tout corps de police municipal est sous la direction d'un directeur qui le commande. Le directeur général d'une municipalité n'a aucune autorité sur toute matière concernant une enquête policière.

À la simple évocation de cet élément de la Loi de police, on se rend aisément compte que le législateur a bien pris soin de distinguer les limites propres à la gestion administrative d'un service de police municipal des fonctions de gestion nécessitant le statut d'agent de la paix. Dit autrement, bien qu'un service de police municipal puisse être considéré par certains comme un service parmi tant d'autres au sein d'une localité, en raison de ses attributions, la gestion immédiate de celui-ci doit être assumée par un agent de la paix.

Au cours des dernières années, il a été observé par le ministère de la Sécurité publique que certaines municipalités confrontées au départ de leur directeur de police prenaient acte de la vacance du poste de direction sans pour autant entreprendre de démarche particulière en vue d'assurer l'intérim. Alors que, dans certains cas, il n'y avait aucune nomination pour assumer la direction du service de police, dans d'autres, cette fonction fut confiée au directeur ou à la directrice générale de la municipalité.

Lorsque l'on sait que le processus public d'embauche du directeur d'un service de police municipal peut nécessiter une période d'une durée d'environ une année, nous concevons aisément que cette situation soit de nature à susciter des problèmes réels. En effet, l'absence d'un commandement peut engendrer des problèmes opérationnels graves, mais elle peut également susciter le développement de problématiques particulièrement délicates au plan des enquêtes criminelles.

Ainsi, la modification proposée consiste à s'assurer que, lors du départ d'un directeur de police ou lorsque celui-ci est dans une incapacité d'agir, la municipalité ait l'obligation de nommer un nouveau directeur sur une base intérimaire. Une telle précision législative permettra de clarifier le rôle de la municipalité à l'égard de son corps de police, de même qu'elle permettra de s'assurer en tout temps d'un encadrement et d'une gestion appropriés pour le corps de police.

Mais, sans doute, l'élément déterminant de ce projet de loi est, de toute évidence, celui ayant trait à la formation des enquêteurs policiers. Bien que les premiers efforts de la formation policière aient été développés au début des années soixante, c'est véritablement en 1968, avec l'avènement de la Commission de police du Québec et la création de l'Institut de police du Québec, qu'a été entreprise une vaste opération de modernisation de la police.

À cette époque, comme c'était le cas dans beaucoup d'autres secteurs, nous étions confrontés à une mission de rattrapage en fonction de laquelle des ressources considérables ont été consenties en matière de formation policière. L'objectif poursuivi consistait à rehausser la formation exigée des recrues et à enrichir la formation de base des policiers et policières déjà en poste.

Une des étapes importantes de ce processus de la modernisation policière a été la création d'un programme de technique policière dans les collèges du Québec, lequel a notamment eu pour effet de renouveler les normes de formation fixant l'entrée dans la carrière policière. À l'heure actuelle, nous pouvons être fiers de ce qui a été accompli jusqu'à maintenant au plan de la formation policière de base, car l'effet combiné des efforts déployés par le réseau collégial et l'Institut de police du Québec fait l'envie de plusieurs États développés à travers le monde. D'ailleurs, nous en recevons plusieurs qui viennent visiter l'Institut de police du Québec.

La qualité de la formation policière de base est citée en exemple, notamment parce que le modèle québécois est appuyé sur un enseignement supérieur de niveau collégial, ce qui a permis progressivement au système de s'éloigner de la formation de type militaire ou paramilitaire au profit d'une plus grande ouverture sur la communauté. Nous en arrivons cependant à une autre étape cruciale du développement de la formation policière au Québec. En effet, au cours des dernières années de nombreux rapports sont venus nous rappeler qu'il apparaît désormais indispensable de renforcer la formation des enquêteurs.

En 1995, alors que j'étais moi-même ministre de la Sécurité publique, j'avais procédé à la création d'un groupe de travail chargé d'examiner les pratiques en matière d'enquêtes criminelles au sein des corps de police du Québec, sous la présidence d'un criminaliste bien connu et ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Me Jacques Bellemare. Dans son rapport déposé en 1996, celui-ci avait mis en perspective l'importance de rehausser de façon significative la formation des enquêteurs policiers et d'assortir celle-ci d'un diplôme.

Au printemps 1997, le ministre de la Sécurité publique de l'époque avait pour sa part mandaté un chargé de mission, M. Claude Corbo, de revoir tout le système de formation policière au Québec. Le rapport, déposé en décembre 1997 par M. Corbo, qui s'intitulait Vers un système intégré de formation policière , reprenait à son tour plusieurs des constats observés au cours des dernières années et en venait également à la conclusion de rehausser la formation des enquêteurs policiers, voire même d'assujettir la formation de ces derniers à des exigences réglementaires. Une telle proposition a par ailleurs été maintenue par M. Corbo dans son rapport de suivi des recommandations qu'il avait formulées lors de son premier mandat.

Je voudrais ajouter, M. le Président, que les deux rapports Corbo sont à mon avis parmi les meilleurs que j'ai lus depuis que je suis entré en fonction comme ministre de la Sécurité publique, dans les deux mandats.

Plus récemment, la commission Poitras, chargée d'enquêter la Sûreté du Québec, a elle aussi à sa façon porté une attention particulière à la problématique de la formation policière, notamment des enquêteurs. L'idée de l'obtention d'un diplôme préalable au cumul de la fonction d'enquête a encore une fois refait surface.

Avant d'aller plus loin, il m'apparaît très important de faire une nuance indispensable à la compréhension de la véritable problématique à laquelle nous sommes confrontés en matière de formation destinée aux enquêteurs policiers. Comme M. Corbo le soulignait à juste titre dans ses rapports, au Québec, la problématique en ce domaine n'est pas liée à une difficile accessibilité des programmes de formation destinés aux enquêteurs. Bien au contraire, l'Institut de police du Québec dispense présentement une douzaine de cours de formation en enquêtes criminelles, lesquels varient par leur nature, leur ampleur, leur degré de spécialisation et leur durée. Tout au plus, cette formation pourrait être quelque peu renforcée au plan de la déontologie, de l'éthique et du droit.

La véritable carence du système actuel est bien davantage liée à la réalisation d'enquêtes sans que les policiers enquêteurs aient au préalable obtenu la formation requise à cette fin. Comme les promotions dans un service policier réfèrent principalement à l'obtention d'un poste d'enquêteur et que l'accession à ce statut est régi à l'interne par les services policiers, c'est-à-dire par le biais des conventions collectives en vigueur, il est fréquent que des enquêteurs puissent occuper une telle fonction pendant plusieurs mois, voire même des années, sans minimalement avoir eu une formation au plan des enquêtes criminelles.

(12 h 50)

À l'heure actuelle, dans une société en constante évolution, laquelle a d'ailleurs subi de profondes mutations au cours des décennies, cette situation de la formation des enquêteurs est devenue inacceptable. Sans minimiser pour autant les exigences propres aux fonctions de gendarmerie et de patrouille, il apparaît désormais manifeste que le niveau de complexité de la fonction d'enquêteur, les contraintes multiples associées à cette pratique et l'évolution de l'environnement socioéconomique dans lequel interviennent les enquêteurs policiers sont tous des facteurs militant en faveur d'un rehaussement tangible de la formation de ces spécialistes policiers.

Il est important de rappeler que le cadre juridique à l'intérieur duquel sont menées les enquêtes policières a été considérablement modifié depuis près d'une vingtaine d'années. L'entrée en vigueur, en 1982, de la Charte fédérale des droits et libertés et la jurisprudence qui l'a interprétée et qu'en ont donnée et continuent d'en donner les tribunaux et, au premier chef, la Cour suprême du Canada, ont un impact majeur sur les méthodes utilisées lors d'enquêtes criminelles, notamment en ce qui a trait à la recevabilité des preuves à présenter aux tribunaux. Plusieurs enquêteurs chevronnés n'hésitent d'ailleurs plus à faire valoir que la complexité juridique croissante de la fonction mine de façon significative leur efficacité professionnelle.

Par ailleurs, comme nous l'avons vécu dans plusieurs domaines professionnels, un autre aspect est également venu modifier sensiblement le travail des enquêteurs policiers, soit l'évolution accélérée des technologies diverses. Outre les technologies gravitant dans le giron de l'informatique, il y a lieu de noter que des progrès importants ont été faits dans les sciences, au grand bénéfice d'une amélioration des méthodes d'enquête. Que l'on songe simplement à l'identification des délinquants par le recours à des échantillons d'ADN. Dans le contexte policier, l'évolution rapide des technologies fut accompagnée d'une sophistication de la criminalité, phénomène particulièrement perceptible au chapitre de la criminalité organisée. Il va de soi que les enquêteurs policiers n'ont pas à maîtriser l'ensemble de ces méthodes scientifiques et technologiques, mais il demeure malgré tout indispensable qu'ils aient recours à ces disciplines lorsque requis dans la tenue de leurs enquêtes.

On doit également signaler que le travail d'enquête doit aussi composer avec l'évolution générale de la société. Les changements observés dans les valeurs et les styles de vie, la diversification ethnique et culturelle de la population de même que l'émergence de nouveaux phénomènes sociaux invitent à une évolution de la fonction d'enquêteur. Pourtant, alors que l'admission aux corps de police est régie par le règlement sur les normes d'embauche des agents et cadets de la SQ et des corps de police municipaux et que l'accès à la direction d'un service de police municipal est assujetti, lui, au règlement sur le niveau de scolarité et les cours de formation policière exigibles ainsi que les autres qualités requises pour devenir directeur d'un corps de police municipal, il n'existe aucune norme d'encadrement établissant les qualités et exigences requises pour assumer les fonctions d'enquête.

Compte tenu de ce qui précède, le projet de loi sur lequel nous serons appelés à nous prononcer propose que le niveau de formation requis pour l'exercice de fonctions d'enquête dans un corps de police soit désormais régi par un règlement du gouvernement applicable à l'ensemble des corps de police. Concrètement, la modification proposée vise à introduire à la Loi de police une disposition habilitant le gouvernement à réglementer le niveau de formation exigible pour la tenue d'enquêtes.

Certains pourront faire valoir que les syndicats policiers opposeront une certaine forme de résistance à l'établissement d'une telle norme de formation. Il existe effectivement certains courants de pensée quant aux modalités de mise en application d'un rehaussement des standards de formation relativement à la fonction d'enquête. Toutefois, tous s'entendent désormais, syndicats policiers inclus, sur l'importance d'accroître le niveau de formation des policiers à assumer ce type de fonctions. J'estime donc qu'une fois bien comprises les dispositions de ce projet de loi, ces résistances devraient diminuer. Je vous en remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous cédons immédiatement la parole au critique officiel de l'opposition et député de Saint-Laurent.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président. C'est la première fois que je vois... J'avais fait une entente avec le ministre à l'effet que j'essaierais de l'accommoder pour qu'il puisse quitter – je sais qu'il a des fonctions importantes à accomplir cet après-midi – à 13 heures, mais je constate que le ministre s'est filibusté lui-même. Alors, évidemment, avec la bienveillance du leader du gouvernement, j'imagine qu'on me permettra de dépasser de quelques minutes le temps de 13 heures, si jamais mon discours n'était pas terminé.

Par contre, j'ai les idées très claires sur ce projet de loi là, comme sur tous les autres d'ailleurs dont on a discutés ce matin. Mais le ministre ne sera pas aussi heureux de la réaction de l'opposition officielle en ce qui concerne ce projet de loi là qu'il ne l'a été pour les deux précédents, pour quatre raisons principales, M. le Président.

Premièrement, en ce qui concerne la pension obligatoire à 32 ans dont il réserve les bénéfices à l'état-major de la Sûreté du Québec seulement, mais pas aux officiers, pas aux sous-officiers et pas aux membres de la Sûreté du Québec. Autrement dit, ce qu'il est en train de faire, dans ce projet de loi là, il est en train de dire: Quand on a un bon membre de l'état-major qui a 32 ans de service, qu'on veut le garder au service de la Sûreté du Québec parce que son expérience et sa compétence vont nous être utiles, on devrait être en mesure de pouvoir le garder et de prolonger au-delà des 32 ans de service ses années de dévouement pour la Sûreté du Québec. Mais il ne le fait que pour les membres de l'état-major.

Est-ce qu'il est en train de dire qu'il y a seulement les membres de l'état-major qui sont compétents au point de... ou qui ont l'expérience suffisante pour qu'on décide qu'on voudrait les garder au service de la Sûreté du Québec? Moi, je suis complètement en désaccord avec cette discrimination – j'emploie le mot entre guillemets – cette discrimination qui est faite à l'égard des officiers, des sous-officiers et des membres de la Sûreté du Québec. Et je suis certain qu'il y a à la Sûreté du Québec des policiers qui sont soit des officiers, soit des sous-officiers, ou soit des agents, des membres de la Sûreté du Québec qui ont atteint cette prestation de service de 32 ans, qui sont extrêmement compétents, qui ont énormément d'expérience et qu'on voudrait probablement garder au sein de la Sûreté du Québec, compte tenu de toutes les recommandations qui sont faites dans le rapport Poitras au sujet de la compétence que devraient revêtir dans le futur les policiers. Alors, moi, j'ai une objection de principe à voter pour le principe de cette disposition-là en particulier, puisqu'elle fait une discrimination à l'égard des officiers et sous-officiers, des membres de la Sûreté du Québec. Première objection.

Deuxième objection, en ce qui concerne le régime de retraite: permettre le transfert ou permettre que ne soient pas pénalisés dans le régime de retraite les gens que la Sûreté du Québec va engager, soit des gens qui viennent de l'extérieur, de la fonction publique ou d'ailleurs, mais principalement de la fonction publique dans ce cas-là, ou des gens qui viennent d'autres corps de police, comme il semble que le gouvernement cherche à orienter dorénavant, en partie, certains des engagements qui seront faits à la Sûreté du Québec.

Dans ce cas-là, pour les régimes de retraite, c'est bon pour le directeur général, et je n'ai pas de problème avec ça, je suis très heureux que M. Gagné ne soit pas pénalisé d'avoir accepté l'emploi de directeur général de la Sûreté du Québec, dans son régime de retraite. Je n'ai aucun problème avec ça. Mais pourquoi seulement le directeur général, les directeurs généraux adjoints et les officiers? Parce que votre article prévoit... Selon les informations, et selon la recherche que nous avons faite, et selon l'étude du projet de loi que nous avons faite, votre disposition ne s'applique que pour le directeur général, les directeurs généraux adjoints et les officiers.

Pourquoi pas les autres? D'autant plus que dorénavant on va recruter ou, en tout cas, le ministre, le directeur général de la Sûreté du Québec a annoncé récemment que dorénavant il va y avoir du recrutement qui va se faire à l'extérieur évidemment du cadre de la Sûreté du Québec. Et donc il se coupe... S'il n'allonge pas cette disposition-là ou s'il ne l'élargit pas, cette disposition-là, à la possibilité de le faire dans d'autres postes qui seraient comblés à la Sûreté du Québec, il se prive peut-être de compétences à l'extérieur. Alors donc, cette disposition-là est également, entre guillemets, discriminatoire, et évidemment nous avons une objection à ce qu'elle le soit. Il va falloir en discuter et en discuter de façon importante lors de l'étude article par article en commission parlementaire.

Le ministre, quand il s'est autofilibusté tantôt, il s'est autofilibusté sur la fonction d'enquêteur. Il se targue et il s'applaudit lui-même en nous mentionnant que, dans son projet de loi, il permet que dorénavant il y ait des critères qui soient envisagés, normés pour la fonction d'enquêteur à la Sûreté du Québec. J'applaudis à ça, moi. Je n'ai pas de problème avec ça. Sauf qu'on ne sait rien encore ce matin. Tout ce qu'il nous dit, c'est que dorénavant, en vertu d'un règlement, on va pouvoir établir quelles sont les qualités requises pour devenir enquêteur à la Sûreté du Québec; mais, le règlement, on le l'a pas, là. On ne le voit pas. On ne sait pas vers quoi il s'oriente au moment où on se parle.

(13 heures)

Ce qu'on sait, c'est qu'il va y avoir des facteurs en vertu desquels on va pouvoir décider ce que ça prend, quelles sont les qualités requises pour devenir enquêteur. Moi, je suis persuadé que ça va être des bonnes choses, mais on voudrait savoir c'est quoi. Ce n'est pas dans le projet de loi qu'on l'apprend. Alors, il aurait pu réserver son grand, grand discours d'autocongratulations et d'applaudissements à son égard pour une autre étape de l'adoption du projet de loi, mais pas celle-ci, on ne sait rien. Évidemment, j'espère qu'à l'étude article par article le ministre va savoir où il s'en va, là, plus qu'il n'a l'air de le savoir en ce qui concerne les recommandations principales du rapport Poitras. Et je termine là-dessus.

L'autre raison pour laquelle nous ne pouvons voter pour l'adoption du principe de ce projet de loi, c'est que l'une des recommandations charnières de la commission Poitras, c'est la recommandation 1 et suivantes, les premières, elles concernent la création d'un conseil de contrôle permanent, dont à date on n'a jamais été capable de discuter avec le ministre parce que jamais il ne nous a donné ses orientations au sujet du conseil de contrôle permanent.

L'une des recommandations à l'intérieur du rapport Poitras, lorsque le rapport Poitras dit: Il devrait y avoir la création, la mise sur pied d'un conseil de contrôle permanent de la Sûreté du Québec, l'une des prérogatives de ce conseil-là qui était recommandé dans le rapport Poitras, c'est que, toute la question des nominations du directeur général, des directeurs généraux adjoints, le conseil de contrôle permanent ait son mot à dire dans ces nominations-là, entre autres, un pouvoir de recommandation auprès du gouvernement, un pouvoir de recommandation auprès du ministre. Le ministre choisit aujourd'hui, par le projet de loi n° 44, d'aller jouer, d'aller se promener dans le mode de nomination, par exemple, du directeur général par intérim, si jamais le directeur général devait quitter ses fonctions pour toutes sortes de raisons. Est-ce qu'il est en train de nous donner un signal qu'il a l'intention d'ignorer l'une des principales recommandations du rapport Poitras, soit la recommandation de la création d'un conseil de contrôle permanent?

Beaucoup de questions à poser là-dessus éventuellement au ministre. Le conseil de contrôle permanent, c'est quoi, ses orientations? Est-ce que le conseil de contrôle permanent sera composé d'élus plutôt que de fonctionnaires? Est-ce que le conseil de contrôle permanent, les gens qui siégeront dessus seront des gens qui auront été nommés par le gouvernement plutôt que des élus? Toutes ces questions-là devront être discutées. Mais là, le ministre, il donne une indication dans le projet de loi n° 44: il a décidé d'aller jouer dans le mode de nomination du directeur général directement. Est-ce qu'il est en train de nous donner un message sur son orientation vers le conseil de contrôle permanent? Est-ce qu'il obvie à la recommandation principale du rapport Poitras en ce qui concerne ça? Il va falloir qu'il nous réponde.

Alors, donc, pour ces quatre motifs principaux, l'opposition ne peut voter pour l'adoption de principe du projet de loi n° 44.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Comme il n'y a pas d'autres interventions, le principe du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi de police, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Considérant l'heure, nous allons suspendre nos travaux, qui vont débuter cet après-midi à 15 heures. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.


Projet de loi n° 16


Adoption du principe

Alors, aux affaires du jour, Mme la ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Mme la ministre de la Justice, je vous reconnais et je vous cède la parole.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 16, intitulé Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, vise à transférer de Cowansville à Granby le chef-lieu du district judiciaire de Bedford.

Afin de bien comprendre l'objectif poursuivi par le projet de loi n° 16, il m'apparaît opportun, M. le Président, de rappeler les particularités du district judiciaire de Bedford et plus particulièrement du palais de justice de Cowansville. Contrairement à la majorité des districts judiciaires du Québec, qui ne sont desservis que par un seul palais de justice offrant tous les services aux citoyens, le district judiciaire de Bedford est présentement desservi par deux centres de services complets, soit ceux de Cowansville et de Granby. Sur les 35 autres districts judiciaires du Québec, seulement trois ont deux centres de services offrant l'ensemble des services aux citoyens, soit Saint-Maurice, La Tuque et Shawinigan, Abitibi, comprenant Val-d'Or et Amos, et Labelle, comprenant Maniwaki et Mont-Laurier.

(15 h 10)

M. le Président, vous constaterez que ces districts couvrent de vastes territoires et que la distance séparant les centres de services est très importante, ce qui n'est pas le cas pour le district de Bedford. Tous les intervenants reconnaissent que le palais de justice de Cowansville ne répond plus aux besoins d'une justice moderne et que des travaux d'envergure devraient y être obligatoirement effectués pour y maintenir tous les services. Je tiens à souligner d'ailleurs que le palais de justice de Cowansville est inoccupé depuis cinq ans et que les services sont offerts temporairement dans d'autres locaux.

Au surplus, M. le Président, dans les faits, aucun juge ne réside actuellement à Cowansville. De plus, la répartition des activités judiciaires dans le district de Bedford au cours des dernières années et la fermeture du centre de détention ne justifient pas, dans un souci de saine gestion de fonds publics, les investissements requis pour effectuer de tels travaux, surtout dans un contexte géographique où deux palais de justice doublaient les services au sein d'un même district, et ce, dans un rayon d'à peine 32 km.

Rappelons, M. le Président, qu'afin de maintenir le palais de justice de Cowansville des investissements supplémentaires de l'ordre de 5 340 000 $ auraient été requis. En considérant les montants déjà investis, soit 2 190 000 $ pour les plans et devis et le stationnement, investissements initiés dans le temps par les libéraux, le projet de reconstruction aurait totalisé une dépense de 7 530 000 $. Le coût du loyer annuel qu'aurait dû assumer le gouvernement pour occuper l'édifice rénové aurait été, selon les estimés, de l'ordre de 1 200 000 $. De plus, le fait de rétrocéder l'édifice à la Société immobilière du Québec permettra d'économiser un loyer annuel de 171 000 $, loyer qui est présentement assumé bien que le palais soit inoccupé. À la lumière de ces faits, le gouvernement a donc décidé de réorganiser les services de justice dans le district de Bedford. La réorganisation envisagée ferait en sorte que le Centre de services de justice de Cowansville continuerait d'offrir des services à la population, notamment les services en matière pénale, ceux relatifs à la protection de la jeunesse et à l'adoption, ainsi que les petites créances et la célébration des mariages civils. Le Centre de services de justice de Granby, quant à lui, dispenserait, en plus des services précédemment énumérés, les services en matière familiale, civile, criminelle et jeunes contrevenants pour l'ensemble du district judiciaire.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, la décision a été prise dans un souci d'équilibre entre une saine gestion des fonds publics et le maintien des services à la population. En effet, comme je l'indiquais lors de l'étude des crédits, nous avons préféré affecter des fonds publics pour le bien-être de la population plutôt que dans le béton. Après la réorganisation, les justiciables continueront de bénéficier à Cowansville des services les plus près de la population. De plus, quant aux autres services, la situation des justiciables, incluant ceux de la partie sud du district judiciaire, demeurera satisfaisante quant aux distances à parcourir, comparativement à celles des justiciables dans la majorité des districts judiciaires du Québec. Cette réorganisation nécessite toutefois une modification législative, car, en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires, la Cour supérieur doit tenir ses séances au chef-lieu du district judiciaire, lequel est établi à Cowansville en vertu de la Loi sur la division territoriale. Il est donc nécessaire de modifier cette loi afin d'établir le chef-lieu du district judiciaire de Bedford à Granby.

Tel est donc, M. le Président, le principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, principe dont je recommande l'adoption. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre, pour votre intervention. Alors, je rappelle que nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et député de Marquette. M. le député, la parole est à vous.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, en apparence, lorsqu'on écoute la ministre de la Justice et Procureur général, nous sommes sous l'impression que effectivement on pourrait croire, à première vue, les propos tenus par la ministre de la Justice, sauf qu'il y a des éléments dans ce dossier-là qui sont troublants et qui indiquent une volonté du point de vue gouvernemental. Et peut-être que la ministre de la Justice n'est pas au courant, mais on est en train de se servir d'elle pour tenter de bâillonner le député de Brome-Missisquoi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: On s'attaque, M. le Président... Ça soulève les rires de la part de l'opposition. Eux, sûrement, ne sont pas au courant des stratégies du vice-premier ministre et du premier ministre, parce qu'on sait depuis quatre semaines... Et c'est très pertinent à l'étude du projet de loi n° 16 parce qu'il s'agit des droits et privilèges des parlementaires en cette Chambre de poser des questions, de représenter leur collectivité, de défendre les intérêts de leur comté et de voir qu'un gouvernement, par la porte d'en arrière, est en train de bâillonner et de garder sous silence un député qui exerce librement son droit de parole et qui pose des questions embarrassantes pour le gouvernement, pour le vice-premier ministre, qui est le numéro deux du gouvernement, et de constater que la Procureur général, peut-être – et je lui accorde le bénéfice du doute – sans le savoir, est en train de se rendre complice de la manoeuvre du vice-premier ministre.

M. le Président, ce qu'on est en train de faire, et mes collègues l'ont vu...

M. Boisclair: M. le Président. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la question de règlement, M. le leader adjoint.

M. Boisclair: M. le Président, j'ai la réputation d'être tolérant, mais je ne tolérerai pas l'intolérable. À l'évidence, il s'agit d'une infraction claire, nette à l'article 35 du règlement. Le député ne peut imputer des motifs indignes, pas plus à la ministre de la Justice qu'au vice-premier ministre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je vous rappelle que nous sommes sur le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, et j'attire votre attention sur la pertinence du débat.

M. Ouimet: M. le Président, vous avez raison d'attirer mon attention sur la pertinence, parce que ce n'est pas le seul projet de loi, ce n'est pas la seule mesure gouvernementale qui vise à affecter défavorablement le député de Brome-Missisquoi. Et c'est extrêmement sérieux, M. le Président, ce qui est en train de se passer.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au député de Marquette. M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, peut-être que, lorsque je vais énumérer les différentes causes qui concernent le comté de Brome-Missisquoi, les députés ministériels vont comprendre ce que peut-être la Procureur général n'a pas encore compris.

On tente de fermer l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins. Le gouvernement a procédé à des coupures importantes au niveau du ministère des Transports, qui dessert, entre autres, le comté de Brome-Missisquoi. Il y a des coupes à blanc qui sont effectuées de la part de la compagnie Domtar, qui est, M. le Président, dans le comté de Brome-Missisquoi. Et on sait que l'actionnaire majoritaire et principal de Domtar, c'est le gouvernement du Québec.

M. le Président, à l'époque de Maurice Duplessis, on agissait de cette façon-là. Et on reconnaît à l'actuel premier ministre des ressemblances étranges avec Maurice Le Noblet Duplessis, qui exerçait des pressions sur des députés afin d'atteindre ses objectifs. Ses objectifs, M. le Président, c'est de faire reculer l'opposition par rapport à des questions que nous posons depuis maintenant quatre semaines concernant le vice-premier ministre du Québec. Et, M. le Président, si le gouvernement voulait agir de façon cohérente, le vice-premier ministre poserait les mêmes gestes que la députée de Rosemont.

(15 h 20)

M. le Président, si je soulève ces questions-là, c'est que, entre 1994 et 1998, nous étions dans un régime péquiste. Nous étions dans un régime où l'actuel gouvernement était issu du même parti politique, c'est-à-dire le Parti québécois. Or, de façon successive, les ministres de la Justice qui ont eu à regarder cette question ont pris la même décision, c'est-à-dire qu'ils ont promis des travaux d'aménagement et de rénovation majeurs au palais de justice de Cowansville, qui se retrouve dans le comté de Brome-Missisquoi. Et le ministre, député de Louis-Hébert, et le député de Laval-des-Rapides avaient une constance, avaient pris la décision qu'il fallait effectuer des travaux majeurs de rénovation et d'aménagement au niveau du palais de justice de Cowansville. C'est tellement vrai que la Procureur général et ministre de la Justice a elle-même, avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve et ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole, décidé de financer une étude à cet égard-là. J'ai entre mes mains, M. le Président, des lettres datées du 1er février 1999 et du 16 février 1999 qui ne laissaient aucunement présager le projet de loi n° 16 qui a été déposé il y a quelques semaines, qui vise ni plus ni moins la fermeture d'un palais de justice dans un comté dont le député est un député d'opposition qui pose des questions, depuis les quatre dernières semaines, qui embarrassent le gouvernement au plus haut point.

C'est de ça dont il s'agit, M. le Président. Ce sont des pratiques qu'a mises de l'avant un premier ministre, Maurice Le Noblet Duplessis, à l'époque de la grande noirceur, l'époque, M. le Président, où on souhaitait que rien ne soit transparent. Et, par la bande, ce qu'on est en train de faire, on est en train de vouloir fermer des services à la population.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, j'aurais cru que, de votre propre chef, vous vous seriez levé. Vous connaissez comme moi les dispositions de l'article 35 du règlement.

Le député ne peut «attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question». Il ne peut «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole».

J'ai remarqué que vous avez écouté très attentivement le député, vous en êtes sûrement venu aux mêmes conclusions. Je vous demande, M. le Président, de rappeler le député à l'ordre sur cette question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Marquette, je vous rappelle à la pertinence du débat, l'article 16.

M. Paradis: Sur la question de règlement...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la question de règlement, M. le député.

M. Paradis: Il n'est jamais interdit à un député de rappeler des faits. Si le leader adjoint du gouvernement est pris d'un sentiment de culpabilité, c'est qu'il comprend la situation.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, c'est très difficile de pouvoir parler des faits sans reprocher la présence ou l'absence d'une personne à notre Assemblée. Je note que le député de Brome-Missisquoi vient de se joindre au débat. Alors, il ne pouvait pas être là au moment où le député s'exprimait.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Brome-Missisquoi a son bureau, et les débats sont télévisés. Il peut avoir vu les débats. Alors, s'il vous plaît, là-dessus. Alors, je demande au député la pertinence du débat et je vous demande votre collaboration, M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, je vous assure de mon entière collaboration. La ministre a évoqué...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député de Saguenay, je vous demande votre collaboration à vous aussi. M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre a évoqué des motifs qui, lorsqu'on fait le bilan du dossier, lorsqu'on regarde les éléments factuels dans le dossier, on se rend compte que ça ne résiste pas à l'analyse. Il y a eu des gestes posés par le même gouvernement dans le passé, par la ministre de la Justice elle-même, qui viennent contredire le dépôt d'un projet de loi qui vise ni plus ni moins à fermer un palais de justice dans un comté.

M. le Président, le principe, il est extrêmement important. Je pensais que les moeurs politiques avaient évolué depuis les années soixante. Je me rends compte que, lorsque l'opposition fait son devoir dans une société libre et démocratique, le gouvernement tente de trouver des façons pour éviter que le gouvernement fasse face à des questions qui pourraient être embarrassantes pour le vice-premier ministre et ultimement pour le premier ministre.

M. le Président, il ne s'agit pas uniquement du palais de justice de Cowansville dans le comté de Brome-Missisquoi, il s'agit également de l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, dans le même comté, que le même gouvernement vise à fermer. Il s'agit également des coupures imposées par le ministère des Transports au niveau de la même circonscription électorale occupée par et représentée par le député de Brome-Missisquoi, qui est un député libéral mais qui est également leader en chef de l'opposition, qui pose depuis quatre semaines des questions qui font mal au gouvernement et au vice-premier ministre. Il s'agit également de coupes à blanc effectuées par Domtar dans le même comté, alors qu'on sait que le gouvernement du Parti québécois est un actionnaire principal de Domtar, dans le comté.

Lorsqu'on regarde l'ensemble de ces éléments, lorsqu'on regarde également le bilan des prédécesseurs de la ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, Paul Bégin, ministre de la Justice, le député de Laval-des-Rapides, Serge Ménard, qui était également ministre de la Justice, eux avaient pris la décision, entre 1994 et 1998, que des travaux d'aménagement et de rénovation majeurs seraient effectués au palais de justice de Cowansville et qu'il y avait, M. le Président, consensus au niveau de la communauté locale et également au niveau de la ville de Granby et des environs pour que cela puisse s'effectuer.

C'est à ce point vrai que l'actuelle ministre de la Justice, dans une lettre qu'elle adressait à M. Robert Desmarais en date du 16 février 1999, acceptait de financer une étude. Avec sa collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole, elle acceptait de financer une étude pour assurer l'existence et la pérennité d'une maison de la justice dans Brome-Missisquoi. Je cite la ministre au texte. Le 16 février 1999, elle disait ceci: «Je consens à vous octroyer une aide financière de 9 715 $ représentant 50 % des coûts de l'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi.» La ministre, M. le Président... Plaçons-nous dans le contexte. C'est le 16 février...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un peu d'ordre, s'il vous plaît, à ma droite. C'est à ma droite, en arrière, M. le ministre. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Ouimet: M. le Président, plaçons-nous dans le contexte. C'est le 16 février 1999, avant le retour en Chambre des députés, avant les questions embarrassantes de l'opposition au vice-premier ministre qui disent que le vice-premier ministre devrait poser le même geste que la députée de Rosemont et démissionner de ses fonctions de ministre. Avant ce moment-là, la ministre de la Justice, tout à fait de bonne foi, disait: Je consens à financer une étude pour voir à la pérennité de la maison régionale de la justice dans Brome-Missisquoi. La députée d'Hochelaga-Maisonneuve, le 1er février 1999, allait dans le même sens. Une lettre signée de Mme Louise Harel, le 1er février 1999, et je la cite au texte: «La création éventuelle d'une maison de la justice rencontre les objectifs du programme d'aide financière annoncé le 9 avril dernier.» Et elle faisait état des études qui devaient être rendues publiques et que c'étaient des dépenses admissibles payées par le gouvernement. Or, tout ça est dans le dossier, avec ce que disaient les deux prédécesseurs de l'actuelle ministre de la Justice qui, eux, disaient qu'on devait rénover et réaménager le palais de justice de Cowansville.

Or, M. le Président, depuis des semaines maintenant, l'opposition exerce son rôle, l'opposition pose des questions gênantes et embarrassantes pour le vice-premier ministre, pour le premier ministre, pour la ministre de la Justice, et on est aujourd'hui à l'heure des règlements de comptes. Et le règlement de comptes...

(15 h 30)

M. Boisclair: M. le Président, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je regrette, là. Ça fait deux fois que vous rappelez le député à l'ordre. Cette fois-ci, j'espère que c'est la dernière fois que j'interviens. D'abord, le député est en train d'affirmer dans cette Chambre que nous tentons d'influencer le vote ou le comportement de députés de l'opposition. Agir de cette façon serait agir de façon contraire au règlement. Je rappelle que l'article 35 du règlement nous indique que d'aucune façon on ne peut tenter d'influencer le vote ou les propos d'un député à l'Assemblée nationale et que d'aucune façon non plus on ne peut adresser des menaces à un député. Ce que le député est en train de faire à l'heure actuelle, c'est de nous prêter des motifs; le règlement le lui interdit. Et, s'il avait un peu de décence, il s'en tiendrait aux faits puis il s'en tiendrait encore plus au projet de loi qui est soumis à l'étude présentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. S'il vous plaît, à l'ordre! Oui?

M. Mulcair: M. le Président, un Parlement existe pour avoir des débats, n'en déplaise au leader adjoint du gouvernement à qui un membre du personnel vient de lui souffler: Lève-toi sur la question de pertinence. C'est pertinent, lorsqu'on discute d'ingérence dans l'administration de la justice, de démontrer qu'il y a un thème en jeu. Même si ça ne plaît à ce gouvernement autocratique, c'est ça, le rôle d'une opposition, et il n'y a rien dans les remarques de mon collègue qui va à l'encontre de la règle de la pertinence et encore moins qui donnerait lieu d'interrompre à nouveau mon collègue.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je rappelle aux députés de toujours faire attention à la pertinence. Je rappelle qu'il a le droit de donner son opinion, de donner des exemples également. Alors, j'attire votre attention sur la pertinence et vous demande votre collaboration.

M. Ouimet: M. le Président, je n'ai fait que relater les faits de l'histoire. Je comprends que le leader adjoint soit mal à l'aise par rapport à la stratégie de son gouvernement, mais j'ai quand même un devoir comme député de l'opposition de me lever et d'indiquer en cette Chambre ce que vise le projet de loi n° 16.

Parce qu'il s'agit aujourd'hui des droits et privilèges du député de Brome-Missisquoi, mais demain, M. le Président, face à un autre gouvernement, ça pourrait être les droits et privilèges du député de Gouin. Si un gouvernement agissait pour tenter de le réduire au silence parce qu'il posait des questions embarrassantes pour un gouvernement, je suis convaincu qu'il serait le premier à se lever en cette Chambre et à dénoncer de telles manoeuvres. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui il puisse se lever pour dénoncer ce que nous effectuons, dire la vérité, qu'un gouvernement est en train de s'acharner sur un comté, sur un député, parce que depuis des semaines ils sont malmenés à la période des questions.

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la question de règlement, M. le leader adjoint.

Des voix: ...

M. Boisclair: Bien oui. Vous avez compris les propos comme moi: s'acharner sur un comté puis qu'on brimerait le député de Brome-Missisquoi dans ses droits et privilèges. D'abord, c'est imputer des motifs indignes. Et, deuxièmement, si le député de Brome-Missisquoi veut déposer une question de fait personnel ou une question de droits et privilèges, qu'il le fasse en fonction des procédures qui sont prévues au règlement. En attendant, que le député cesse ses accusations mensongères.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la même question...

M. Mulcair: Sur la question de règlement, M. le Président, sa stratégie est en train de fonctionner, cela fait trois fois qu'il interrompt mon collègue le député de Marquette. Mais ce n'est pas grave, il y aura d'autres députés pour prendre la relève, pour insister sur les points qui doivent être soulevés dans cette Chambre et pour démontrer l'évidence de l'ingérence de ce gouvernement dans l'administration de la justice pour porter sa petite vengeance.

Des voix: Ah, ah, ah!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Alors, moi, je vais suspendre les travaux... Je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

Une voix: Bravo!

(Suspension de la séance à 15 h 35)

(Reprise à 15 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.

Je rappelle aux membres que nous sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, et j'ai suspendu compte tenu des questions de règlement du leader adjoint et du leader de l'opposition officielle.

Alors, M. le député de Marquette, le fait de prétendre qu'un projet de loi est présenté dans le but de nuire à un député dans l'exercice de ses fonctions constitue une imputation de motifs indignes en vertu de l'article 35.6°. Le gouvernement, dans ses interventions, va expliquer ce qui motive sa décision. Si un ou des députés n'acceptent pas l'argumentation – de la ministre, dans ce cas-ci – il n'a qu'à l'expliquer dans son discours, en respectant les dispositions du règlement tant sur la pertinence – parler du sujet – qu'en conformité de l'article 35 – il ne peut imputer des motifs indignes. Et j'invite le député à éviter ce type de remarques dans son discours et à poursuivre son intervention. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, en appliquant les dispositions de l'article 41 de notre règlement, lorsque vous enlignez des décisions gouvernementales autour d'un dossier, vous vous maintenez dans la pertinence et, lorsque vous additionnez les gestes gouvernementaux à l'endroit d'un citoyen du comté, vous avez des conclusions que vous avez l'obligation de tirer. Il appartiendra à la ministre, dans son droit de réplique, ou aux autres députés ministériels qui souhaitent intervenir, pour ceux et celles qui connaissent le dossier, de corriger...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous parlez de l'article 41? Parce que je n'ai pas saisi le début de votre remarque.

M. Paradis: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez la recommencer, s'il vous plaît.

M. Paradis: Ah, je peux recommencer complètement, M. le Président, je n'ai aucune objection. Le député de Marquette a le droit, en traitant de ce projet de loi, d'y additionner d'autres actions gouvernementales qui visent le comté de Brome-Missisquoi et il demeure, je vous le soumets très respectueusement, dans la pertinence du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur ce fait-là, lorsque le député a donné des exemples dans le comté de Brome-Missisquoi, je ne l'ai pas rappelé à la pertinence sur ce sujet.

M. Paradis: Sur quoi?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je le rappelais à la pertinence sur le sujet de ne pas imputer des motifs indignes sur le travail du député, que le gouvernement n'a pas présenté ce projet de loi là à cause du travail du député de Brome-Missisquoi dans l'exercice de ses fonctions.

M. Paradis: M. le Président, j'ai écouté depuis le tout début le débat et je tiens à vous assurer que jamais le député de Marquette ne m'a imputé, comme député, de propos indignes quant à mon...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, non, il n'a pas imputé de motifs indignes, M. le député... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Non. On a tous, ici, bien entendu...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!

M. Boisclair: ...le leader de l'opposition. M. le Président, le chat vient de sortir du sac. Ce que le député vient d'affirmer, c'est que, par les gestes qui seraient posés par le gouvernement, nous tentons d'influencer le comportement du leader de l'opposition.

Le député de Marquette, tout à l'heure, juste avant que vous suspendiez – je vous réfère aux galées – a affirmé que nous attaquions les droits et privilèges, et je le cite sur cette question, du député de Brome-Missisquoi. M. le Président, la Loi de l'Assemblée nationale est très claire: «Nul ne peut [...] essayer d'influencer le vote, l'opinion, le jugement ou l'action du député par fraude, menace ou par des pressions indues.» Si nous agissions de cette façon, nous enfreindrions le règlement, et la façon, pour le député, de se faire replacer dans ses droits, c'est de présenter une motion. Il y a des modalités de signalement pour une violation de droits et privilèges, s'il y a atteinte aux droits, qui sont prévus à l'Assemblée nationale. Et, si c'est le cas, qu'il le fasse; mais, en attendant, qu'il ne nous impute pas des motifs et qu'il ne nous dise pas qu'il y a violation de droit ou de privilège du député de Brome-Missisquoi. Lui-même, le député de Brome-Missisquoi, vient d'affirmer que c'est ça que nous faisions. Si c'est le cas, M. le Président, qu'il dépose une motion. Sinon, qu'il change de cassette.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, les dispositions qui s'appliqueraient dans le cas évoqué par le leader adjoint du gouvernement sont les dispositions des articles 66 et suivants, combinées avec les dispositions des articles 315 et suivants. À chaque fois qu'un député en cette Chambre a tenté de l'invoquer, le gouvernement s'est dérobé. Si le gouvernement me donne son consentement à ce moment-ci pour que vous puissiez convoquer une commission de l'Assemblée nationale sur ce sujet...

Des voix: ...

M. Paradis: ...sur ce sujet, parce que le gouvernement ne fera pas de procédurite, parce que le gouvernement souhaite aller au fond des choses, M. le Président, il me fera plaisir de déposer la motion.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Ouimet: M. le Président, je poursuis, là, mais, si le leader adjoint veut répondre au leader de l'opposition, qu'il enclenche le processus.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, vous avez le droit de parole. Le leader adjoint, s'il veut intervenir tantôt, il pourra le faire. M. le député de Marquette, vous avez la parole.

M. Ouimet: J'ai compris, M. le Président, et les téléspectateurs qui nous écoutent auront compris que le gouvernement ne souhaite pas aller de l'avant, n'est-ce pas? Par le silence du leader adjoint, on aura compris.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur le projet de loi.

M. Ouimet: M. le Président, je ne fais que relater des faits, et les téléspectateurs qui nous écoutent auront compris qu'un gouvernement est extrêmement habile, un gouvernement a tous les moyens à sa disposition, d'un premier ministre à un vice-premier ministre à une ministre de la Justice, qui, au lieu de retirer des appels... Elle dit que ça fait des semaines et des semaines qu'elle réfléchit sur une question, pour un avis que demande un vice-premier ministre; ça se fait dans les heures qui suivent.

Là, c'est un petit peu la même chose et c'est l'objet du projet de loi n° 16, M. le Président. La même Procureur général qui devrait avoir une indépendance, la même ministre de la Justice est à la solde et à la remorque du vice-premier ministre qui est le véritable auteur...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député, je vous demanderais de retirer vos derniers propos, s'il vous plaît.

Des voix: Lesquels?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Les propos: la ministre de la Justice est à la solde du vice-premier ministre. Je vous demande de retirer vos paroles, M. le député. Question de règlement?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le mot «solde» peut être interprété comme vous l'interprétez, et à ce moment-là il serait contraire à notre règlement. Maintenant, le mot «remorque» est toujours admis.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez retirer les derniers propos que vous avez prononcés et poursuivre.

M. Ouimet: M. le Président, je vais me rendre à votre décision, je vais retirer le mot «solde» par le mot «remorque». La Procureur général, et c'est évident...

M. Boisclair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, vous avez rendu une décision. Je vous demande de la faire respecter. Vous comprenez très bien qu'au-delà des mots qui sont utilisés ce sont les motifs qu'il tente d'imputer à la députée, et je vous réfère aux décisions que votre collègue Charbonneau a rendues sur le banc, en rappelant qu'au-delà des mots c'est les intentions qu'on prête à quelqu'un. Et, ce qui est en cause, ce sont des intentions qu'on prête au ministre de la Justice. Qu'on dise «à la solde» ou «à la remorque», on dit que cette personne n'est pas indépendante et que, de cette façon, elle nuit à sa fonction et qu'elle ne respecte pas son serment d'office. M. le Président, c'est extrêmement grave, et à nouveau je vous demande, comme vous l'avez fait depuis les quatre fois où je vous ai demandé de le faire, de rappeler le député, et cette fois-ci de le faire à nouveau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la... question, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, sur le mot «solde», votre décision... Et c'est ce que vous avez spécifié dans votre décision, le mot «solde» n'était pas parlementaire, le député de Marquette l'a retiré. Le mot «remorque» est parlementaire, a été utilisé à maintes reprises par des députés qui ont déjà siégé de ce côté-ci de la Chambre. L'autre côté, je comprends, ils ne disent rien, ils ne peuvent pas utiliser de mots, là...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!

M. Paradis: Mais il a été accepté par...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques minutes, parce que je ne veux pas perdre patience non plus, hein?

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 h 2)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Alors, M. le député de Marquette, ce ne sont pas les mots qui sont antiparlementaires, «solde», «remorque», ce sont les intentions de motivation. Alors, je vous demande de retirer ces propos de «solde» ou «de remorque du ministre». Si vous voulez retirer ces propos et continuer votre intervention.

M. Ouimet: M. le Président, par respect pour la présidence, je vais retirer les mots «solde» et «remorque», mais on comprend, et la population comprend, que la ministre fait partie d'un Conseil des ministres. Elle est tenue à la règle de la solidarité, elle est tenue à la ligne de parti. Et, M. le Président, ce à quoi nous faisons face, c'est exactement ce que je décrivais avant d'être interrompu à plusieurs reprises par le leader adjoint du gouvernement qui fait partie du même Conseil des ministres, qui est tenu à la même solidarité et à la même ligne de parti. La présidente du conseil de l'Association péquiste du comté de Brome-Missisquoi... Ça va peut-être intéresser le député, qu'on n'a pas encore entendu en cette Chambre, là, ça va peut-être intéresser le député...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous vous adressiez à la présidence, j'apprécierais.

M. Ouimet: M. le Président, ça va peut-être intéresser le député, qui fait des bruits dans le coin, que même la présidente de l'Association péquiste du comté de Brome-Missisquoi a démissionné par rapport à cette question-là, parce que elle a compris ce qui est en train de se passer, et je pense qu'elle avait honte de son gouvernement. La présidente de l'Association péquiste a démissionné là-dessus. Plus que ça, le candidat péquiste du comté de Brome-Missisquoi aux dernières élections avait pris l'engagement devant l'ensemble de la population dont il sollicitait la confiance que le palais de justice de Cowansville serait agrandi. Agrandi. Deux des leurs, M. le Président. Deux des leurs...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! Vous pouvez poursuivre, M. le député.

M. Ouimet: Deux des leurs. Et, plus que ça, ils s'inscrivaient dans la lignée du député de Louis-Hébert, ministre de la Justice, qui, lui aussi, s'était engagé dans la même voie, sous un même gouvernement, sous le même premier ministre.

Et l'actuelle ministre de la Justice, M. le Président, je ne sais pas si elle a pleinement conscience de ce qui se passe. C'est vrai qu'elle est nouvellement élue à l'Assemblée nationale, c'est vrai qu'elle est nouvelle en politique, mais le danger d'une personne qui est nouvellement élue et qui est nouvelle en politique, c'est de se faire utiliser par des personnes qui ont beaucoup plus d'expérience qu'elle et qui la conduisent dans un coin pour déposer des projets de loi qui visent à faire en sorte – et je relate toujours les faits – de garder au silence un leader et une équipe de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je vous demande de retirer les derniers propos, en ce qui a trait au leader par rapport à la ministre de la Justice. S'il vous plaît. M. le leader.

M. Paradis: Sur la question de règlement, l'offre vaut toujours. À partir du moment où ces accusations-là sont portées, on peut lui donner suite en vertu des articles 66 et suivants et 318 et suivants. Compte tenu que le gouvernement a toujours fait de la procédurite et empêché la commission de l'Assemblée nationale de siéger là-dedans, un simple consentement de mon bon ami le leader adjoint du gouvernement à l'effet qu'on peut déposer et qu'il ne s'objectera pas à la réunion de la commission de l'Assemblée nationale pour fouiller complètement le dossier, assigner tous les témoins de la région. M. le Président, à ce moment-là, nous déposerons, le leader adjoint du gouvernement aura le fond de la vérité, et la présidence sera à l'aise. C'est facile de donner son consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il n'y a pas de... Oui, M. le leader adjoint.

M. Boisclair: M. le Président, que mon bon ami me fasse un grand plaisir, puis qu'il commence donc par respecter le règlement. M. le Président, vous avez rendu une décision; il a beau la contester, mais vous avez demandé au député de retirer ses paroles...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, j'ai demandé au député de retirer ses paroles sur ce qu'il vient de dire.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, non, je ne vous retire pas votre droit de parole. Pas du tout, M. le député. C'est peut-être un travail qui est des fois difficile, mais je le fais au meilleur de ma connaissance, M. le député. Mais je tiens à vous dire que, lorsque vous avez des propos vis-à-vis de la ministre de la Justice... Je vais suspendre puis je vais vous les donner textuellement. On va suspendre puis on va vous les donner. Je vais vous demander de les retirer, vos propos.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 27)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Je rappelle aux membres de l'Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. J'ai suspendu les travaux suite à des propos du député de Marquette, que j'ai visualisés, et je vais insister selon ce que nous avons entendu à la télévision et non... ce n'est pas en vertu des galées, qui n'étaient pas prêtes à ce moment-là. Alors, le député de Marquette, je le cite textuellement, à la vision que j'ai eue de la cassette que j'ai visualisée: «...le danger d'une personne qui est nouvellement élue [...] est de se faire utiliser par des personnes qui ont beaucoup plus d'expérience qu'elle [...] – et d'être amenée à – déposer des projets de loi qui visent à faire en sorte [...] de garder au silence un leader et une équipe de l'opposition.»

Ces propos-là sont non conformes en vertu des articles 35.5°, 35.6° et 35.7°; 35.6° et 35.7°, si on attaque la conduite de la ministre qui veut garder au silence le leader de l'opposition. On attaque. «De garder au silence le leader et une équipe de l'opposition». On lui impute des motifs indignes et on se sert d'un langage blessant.

M. Dupuis: Avec votre permission, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Avec ma permission, oui.

M. Dupuis: Sur la question de règlement, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Dupuis: ...relativement à... Comment... comment...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, il veut avoir... Je vais permettre au député, là, s'il veut me poser une question brève... Je vais répondre à votre question.

M. Dupuis: M. le Président, si un député dit: Voici le danger qui guette la ministre, il n'impute aucun motif indigne à la ministre, aucun motif indigne. C'est le danger qui guette la ministre. Il n'a pas dit qu'elle avait donné dans le danger. Il n'a pas dit que c'est ça qu'elle avait fait. Il a dit: Voici le danger qui guette un membre du conseil des ministres lorsqu'il est nouvellement nommé. Il n'y a aucun motif indigne qui est imputé à la ministre dans cette phrase-là. Absolument pas. M. le Président, c'est ce que je vous soumets bien respectueusement. S'il avait dit: Voici le danger qui guette le membre du gouvernement, et le membre du gouvernement est tombé dans le piège, il l'a fait. Là, évidemment, il lui aurait imputé un motif indigne, mais là...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je vous ai écouté, mais je vous demanderais, M. le député de Marquette, après avoir visualisé ça, de retirer les derniers propos. Je vous demande de retirer vos derniers propos.

(16 h 30)

M. Ouimet: M. le Président, par respect pour votre décision, et vous savez tout le respect que je vous voue, je vais retirer mes propos. Mais je tiens à signaler, dans le cadre du débat sur le projet de loi n° 16, on comprend. Quelqu'un qui pose des questions et qui dirige une opposition, c'est comme un peu un quart-arrière d'une équipe de football. Prenons l'image d'un quart-arrière d'une équipe de football, M. le Président, qui, à chaque fois, fait des passes et remet le ballon à des endroits, qui marque des points, et là on verrait, M. le Président, des gens de l'autre équipe de football s'acharner pour tenter de blesser le quart-arrière. Est-ce qu'on comprend l'image? On s'acharne pour tenter de blesser le quart-arrière pour l'empêcher de jouer son rôle de joueur dans une équipe, pour marquer des points, M. le Président.

Il ne s'agit pas de marquer des points, il s'agit, dans un système démocratique, un système parlementaire, d'avoir des comptes. Mais la population, je pense, comprend que, quand... et dans la Ligue américaine de football, on a interdit de telles pratiques parce qu'on avait compris que ce n'était pas sain pour le sport de tenter de volontairement blesser un quart-arrière pour le sortir du jeu, pour éviter que de bonnes attaques se dirigent. Si je transpose l'image sur le plan parlementaire, au niveau des principes démocratiques, un leader de l'opposition qui a beaucoup d'expérience et qui dit: Nous sommes face à une situation où une ministre a dû démissionner parce qu'elle avait un avis que son ministère avait enfreint la loi. Cette personne-là pose le geste honorable et elle démissionne. Dans un même dossier, des faits quasi identiques, un personnage important d'un gouvernement, lui, refuse, dans de telles circonstances, de poser le même geste honorable que la personne qui a eu l'honneur de respecter l'institution de la démocratie et de démissionner lorsque son ministère a violé les lois du Québec, quand la personne admet à deux reprises qu'elle a violé les lois du Québec.

M. le Président, la personne admet à deux reprises qu'elle a violé les lois du Québec et puis, par la suite, demande à la jurisconsulte – et ça nous amène dans le cadre du projet de loi n° 16 – et la ministre de la Justice qui aujourd'hui dépose le projet de loi n° 16, dans un premier temps, de participer à un comité, alors qu'elle est dans une position que le président d'une Commission, la Commission d'accès à l'information, a compris, lui, qu'il était en position de conflit d'intérêts. Mais le vice-premier ministre avait demandé à cette personne-là de siéger sur le comité. La personne a eu la sagesse de dire: Vous voulez me placer en position de conflit d'intérêts? Ma réponse, c'est non. Je me retire de ce comité.

Le même vice-premier ministre en autorité – c'est le numéro deux du gouvernement – demande à la jurisconsulte, la Procureur général, elle, de siéger sur le comité. Et ce que je disais tantôt, M. le Président, c'est que... Et je n'impute aucun motif indigne à la ministre de la Justice, je dis que c'est une jeune parlementaire. Elle a six mois d'expérience en politique, mais elle occupe un poste qui est extrêmement important pour un gouvernement. Elle suit les consignes d'un vice-premier ministre alors qu'elle devrait avoir la présence d'esprit de dire: Comme Procureur général, comme jurisconsulte, je ne peux pas participer à un tel comité. Malheureusement, elle n'a pas pris cette décision-là, parce que, je pense, M. le Président, elle s'est soumise à l'autorité d'un vice-premier ministre.

Et, par la suite, le même vice-premier ministre demande à cette même personne un avis pour le tirer d'un mauvais pas, hein? Et ce qu'on comprend, dans le cadre du projet de loi n° 16... Parce qu'on imagine, quand on entend les propos de la Procureur général, de la ministre de la Justice, que c'est pour économiser quelques dollars. Ce qu'elle a prétendu, c'est pour économiser quelques dollars. Or, celui au sein du gouvernement qui, depuis les trois dernières années, demande aux ministres d'économiser des dollars, c'est le vice-premier ministre. Alors, le même vice-premier ministre met de la pression sur la ministre de la Justice, Procureur général et jurisconsulte, pour dire que, concours de circonstances, dans le comté de Brome-Missisquoi, on va fermer le palais de justice pour... Et voilà les motifs apparents donnés par la ministre: pour tenter de sauver quelques dollars. Or, on pourrait croire, M. le Président, la prétention de la ministre de la Justice, et des députés ministériels, et des membres du Conseil des ministres. À première vue, on a l'impression que c'est une décision logique, mais on regarde le dossier, on se rend compte cependant que tous les ministres de la Justice qui ont précédé la même ministre de la Justice, eux, ont décidé, plutôt que de fermer le palais de justice, de l'agrandir et de le réaménager. Tous les ministres de la Justice qui ont précédé la ministre de la Justice ont pris cette décision-là.

Mieux que ça, cette même ministre de la Justice, avant que notre quart-arrière député de Brome-Missisquoi commence à poser des questions embarrassantes pour le gouvernement, cette même ministre de la Justice, avant cela, décide de financer des études, M. le Président, pour les motifs que je disais tantôt. En date du 16 février 1999: «Je tiens à saluer ainsi la volonté de la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi de se prendre en main en mettant de l'avant une idée originale dans le domaine de la justice.» Ça, c'était avant que le quart-arrière embarque sur le terrain avec son équipe, hein? Tout allait bien, elle suivait l'inspiration de ses prédécesseurs.

Mais, cependant, l'homme d'expérience qu'est le vice-premier ministre émet des commandes pour faire fermer dans le même comté du quart-arrière député de Brome de Missisquoi le palais de justice, l'hôpital, des coupes à blanc, M. le Président, au niveau des forêts, hein, et puis, par la suite également, des coupures au niveau du ministère des Transports. Tiens, tiens, tiens! Que se passe-t-il? Que se passe-t-il dans ce dossier-là?

Si c'étaient uniquement les députés de l'opposition qui maintenaient cette thèse-là... La présidente de l'Association péquiste du comté de Brome-Missisquoi a décidé de démissionner, parce qu'elle disait que le gouvernement lâchait la population de Brome-Missisquoi. Elle a posé un geste, elle a attaqué son gouvernement. Elle a dit: Moi, je démissionne; je ne peux pas accepter de telles pratiques. Mieux que ça, le candidat péquiste de Brome-Missisquoi, Raôul Duguay, un de vos collègues – vous l'avez choisi pour faire partie de votre équipe lors de la dernière campagne électorale – lui a décidé de s'inspirer de ce qu'avaient dit les anciens ministres de la Justice, le député de Louis-Hébert et le député de Laval-des-Rapides, de dire qu'il fallait agrandir le palais de justice de Cowansville. Le sort a voulu qu'il soit battu. Mais l'enjeu, c'est qu'on tente...

M. Dupuis: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Qu'est-ce que vous...

M. Dupuis: Et je le fais à contrecoeur, mais ça va peut-être permettre au député de Marquette de continuer son discours dans le respect. M. le Président, l'article 32, troisième paragraphe: Les députés «doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui». La personne qui est en train de s'exprimer dans l'Assemblée nationale aujourd'hui, là, c'est le député de Marquette, à ce moment-ci, puis les gens qui empêchent l'expression du député de Marquette, c'est les gens de l'autre côté qui n'arrêtent pas de crier. M. le Président, je vous demande de faire respecter le règlement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Vous pouvez vous asseoir, j'ai compris. L'article 32, je le connais. Je suis d'accord pour le faire appliquer, mais je vais le faire appliquer tout le temps. Parce que, là, j'ai été relativement tolérant, c'est vrai, mais ça a été relativement calme aussi. C'est pour ça que j'ai été relativement tolérant. Il y a des fois où c'est de part et d'autre, et, si vous voulez qu'on l'applique sévèrement partout, on va l'appliquer partout sévèrement. Continuez, M. le député de Marquette.

(16 h 40)

M. Ouimet: M. le Président, ce qu'on comprend, hein, sans imputer de motifs indignes au gouvernement, c'est que, lorsqu'on n'aime pas les questions qui sont posées à la période des questions par un quart- arrière et par un groupe de députés dirigés par le quart-arrière, on envoie ce qu'on appelle en termes politiques des signaux. On envoie ce qu'on appelle en termes politiques des messages. Quels sont ces messages? On ferme l'hôpital, on ferme le palais de justice, on coupe le financement au niveau du ministère des Transports, on agit avec des coupes à blanc au niveau d'une société contrôlée par le gouvernement, et bien d'autres choses.

Ce que nous disons, M. le Président, c'est: Aujourd'hui, il s'agit du député de Brome-Missisquoi, demain, ça pourrait être un autre député. Ce sont des pratiques qui sont inacceptables dans une société libre et démocratique.

M. Boisclair: ...question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, une question de règlement.

M. Boisclair: Je voudrais, M. le Président, vous souhaiter la bienvenue parmi nous. Vous avez sûrement suivi les débats.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Malheureusement, non. Heureusement, plutôt. Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Alors, écoutez, je tiens tout simplement à rappeler à nouveau... Vous avez bien entendu le député et particulièrement ses dernières paroles. Ce que le député est en train de faire, c'est d'imputer des motifs indignes à ma collègue députée et ministre de la Justice, et ce qu'il nous dit, c'est que le gouvernement, ou la ministre, ou des membres du Conseil des ministres tentent d'influencer le vote, l'opinion, le jugement ou l'action d'un député et qu'on le menace par des pressions indues. À plusieurs reprises, à cinq reprises depuis le début de l'intervention du député de Marquette, votre prédécesseur, qui siégeait à votre place, a dû intervenir et le rappeler à l'ordre sur les questions que je soulève. Le député reprend le même processus.

M. le Président, je vous demande tout simplement de rendre les mêmes décisions qui ont été rendues et, s'il vous plaît, pour une fois, avertir pour la première fois le député, puis, si ça continue, vous lui retirez son droit de parole.

M. Dupuis: Sur la question de règlement, M. le Président, si vous permettez.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Brièvement sur ce point.

M. Dupuis: Le leader adjoint du gouvernement manque de rigueur, il faut qu'il lise l'article, là. L'article, il dit qu'il est interdit d'imputer des motifs indignes à un député. Jamais je n'ai entendu, dans le bout de phrase que le leader adjoint veut reprocher au député de Marquette, le député de Marquette imputer des motifs indignes à un député. Le député de Marquette parle du gouvernement...

Une voix: ...

M. Dupuis: ... – non, non – et le règlement ne défend aucunement de questionner les motivations du gouvernement. D'aucune façon. Et, d'ailleurs, c'est l'esprit du règlement. C'est tout l'esprit de l'article 35, celui qu'on ne peut pas attaquer la conduite d'un député nommément désigné dans un discours. Mais, le gouvernement en général, sur ses motivations, il n'y a rien dans le règlement qui interdit de se poser des questions sur les agissements du gouvernement. Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas personnaliser le gouvernement. C'est impossible de personnaliser le gouvernement. Ce qui est interdit par le règlement, c'est de personnaliser dans cette Chambre un individu. Mais ce n'est pas ça que le député de Marquette fait, il se pose des questions sur les motivations du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, là, on peut faire des avocasseries tout l'après-midi, là. Je dois vous dire que, quand nous visons les décisions qui sont prises par le gouvernement et qu'on vise par là... C'est des décisions qui ont été prises, les décisions ne se sont pas prises dans l'abstrait, ne le sont pas par un corps moral purement. C'est des individus au sein du gouvernement qui prennent des décisions, alors ce n'est pas parce qu'on dit «le gouvernement» qu'on ne vise pas des personnes. Tout simplement. Alors, au moins, vous visez une personne du gouvernement. Alors, c'est comme... Écoutez, ça, c'est des avocasseries, ça.

Maintenant, autre chose...

M. Dupuis: ...dernière expression en cette journée... En cette journée, M. le Président, où nous célébrons le 150e anniversaire du Barreau, ce n'est pas parce que je fais partie de cette profession-là que je me permets de me lever à ce moment-ci, mais vous conviendrez avec moi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Si vous ne comprenez pas le sens qu'a pris ce terme-là...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, hein...

Écoutez, j'arrive, je n'ai pas assisté au début du discours, je ne sais pas comment... Bien, écoutez, je sais très bien qu'il y a des façons de faire des discours, il y a différentes façons d'en faire. Il y a une façon qui fait de l'interprétation des faits. Alors, c'est un peu le genre de discours que j'entends. Que voulez-vous? Qu'au terme de cela il puisse y avoir l'effet de dégager des motifs, ça, que voulez-vous, c'est possible, mais il faudrait que j'entende davantage le discours.

Alors, là, actuellement, il y a de l'interprétation de faits. On fait des relations entre des faits et on essaie de dégager des relations de cause à effet, ainsi de suite. C'est un type de discours qui sied très bien à des avocats qui, devant le juge, veulent établir une thèse. Ils s'appuient sur des faits, ils établissent des relations entre les faits, que le juge ne voit peut-être pas nécessairement. Ha, ha, ha! Bon.

Alors, moi, malheureusement, je ne suis pas dans la position du juge qui a à se prononcer à savoir si les relations qu'il fait entre les faits sont vraiment de bonnes relations ou de mauvaises relations. C'est la différence entre moi, comme président, et un juge qui a à rendre une décision. Alors, vous voyez que je suis dans une mauvaise position.

C'est vrai qu'il n'a pas prêté explicitement des mauvaises intentions, mais il interprète des faits, il établit des relations. Moi, je ne suis pas en position du juge pour dire: Mauvaises relations, monsieur, bonnes relations. Ha, ha, ha!

Alors, écoutez, M. le député de Marquette, je vous inviterais à poursuivre, et puis, je verrai, là. Dans les limites du respect des gens de cette Assemblée, je vous donne la parole.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement sur le plan du temps qui est alloué au député de Marquette, j'ai noté que, lorsque les questions de règlement ont été soulevées antérieurement par des députés en cette Chambre, l'horloge arrêtait. J'ai remarqué, cette fois-ci, que l'horloge avait continué. Est-ce que vous auriez l'obligation de faire les ajustements requis?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, moi, je verrai un petit peu, là. Vous avez 60 minutes, je pense, hein, de prévues au règlement. Moi, j'en ai 39, 40, actuellement, d'indiquées. Alors, je verrai quelle est la coutume. Je sais qu'habituellement les questions de règlement qui sont soulevées dans le cadre d'un débat normal et les questions de règlement... le temps coule, habituellement, sauf dans certaines circonstances, je crois, où ça déborde un peu la normalité. Mais je vais m'entendre avec les gens de la table pour régler ça.

Une voix: ...de suspendre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non, ça ne demande pas une longue délibération. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, on aura compris. C'est l'intervention du leader adjoint, qui vous a demandé de suspendre mon droit de parole. C'est lui qui l'a dit, là. Il ne pourra pas dire que j'impute des motifs indignes au leader adjoint.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là...

M. Ouimet: Alors, franchement!

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'aimerais, s'il vous plaît, qu'on cesse ce petit jeu là. Il peut bien dire... Le président... Je n'ai pas accédé à sa demande. Que voulez-vous? S'il fallait, on n'en finirait plus. Je n'ai pas accédé à sa demande. Alors, c'est fini. Vous avez votre droit de parole. Alors, je ne vous ai pas privé de votre droit de parole. Alors, votre droit de parole, M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, dans un Parlement, j'ai le droit de dire des choses ici, n'est-ce pas? J'ai dit que le leader adjoint vous avait demandé de retirer mon droit de parole, puis j'ai le droit de poursuivre sur cette même veine. Vous n'avez pas à m'interrompre lorsque je fais un discours sur un projet de loi où on sent que les questions...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, il y a aussi le principe de la pertinence. Là on parle sur un projet de loi puis le principe. Ce n'est pas sur un rappel au règlement que vous avez à adresser votre parole, c'est dans le cadre de votre intervention sur le projet de loi. La règle de la pertinence s'applique. Je vous donne la parole.

M. Ouimet: M. le Président, dans le cadre du projet de loi, la règle de la pertinence a été soulevée par le leader adjoint. Il vous a demandé de retirer mon droit de parole, et je l'ai souligné parce que c'est dans les galées.

Est-ce que j'ai le droit de citer les propos du leader adjoint lorsqu'il vous demande, à vous, président, de retirer les droits de parole d'un député qui prend la parole sur un projet de loi, qui relate des faits et qui fait des liens entre des faits et un projet de loi qui est déposé aujourd'hui, pour des motifs que je n'arrive pas à accepter, M. le Président? Parce qu'ils ne résistent pas à l'analyse, à la lumière des questions que nous posons depuis les quatre dernières semaines sur les agissements du vice-premier ministre du Québec, le numéro deux. Je relate les faits, M. le Président, à nouveau, pour votre compréhension, parce que vous venez de vous asseoir sur le trône.

(16 h 50)

M. le Président, à plusieurs reprises, de façon successive, le gouvernement a posé des gestes qui sont préjudiciables – je choisis mes mots – au comté de Brome-Missisquoi. On tente par un projet de loi aujourd'hui de fermer le palais de justice de Cowansville, on a tenté récemment de fermer l'hôpital de Brome-Missisquoi– Perkins, on procède à des coupures au niveau du ministère des Transports, on procède à des coupes à blanc par la société Domtar, dont le principal actionnaire est l'actuel gouvernement du Parti québécois, dans des circonstances, M. le Président, où, par rapport au projet de loi que nous avons sous les yeux, projet de loi n° 16 qui vise à fermer le palais de justice... alors que les prédécesseurs de la ministre de la Justice se sont engagés publiquement à plusieurs reprises soit à agrandir le palais de justice, soit à le réaménager, mais jamais à le fermer.

L'actuelle ministre de la Justice – je ne peux pas dire, là, que c'était quelqu'un d'autre – en date du 16 février, a écrit au directeur général de la MRC de Brome-Missisquoi pour saluer ses initiatives pour en faire une maison régionale de la justice. Comment concilier ces gestes posés par elle, posés par la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole, qui, elle aussi, M. le Président, a écrit à la MRC de Brome-Missisquoi pour dire que le projet qui était mis de l'avant respectait les orientations gouvernementales...

On est en 1999. Ce qui s'est passé depuis la rédaction et l'émission de ces lettres, c'est que l'opposition pose des questions de façon systématique, à tous les jours de la période de questions, occasionnellement pendant 45 minutes, pendant toute la période de questions, qui embarrassent au plus haut point le gouvernement et le vice-premier ministre du Québec.

Or, M. le Président, on a vu que le vice-premier ministre du Québec et la ministre de la Justice, dans ce dossier-là, font un travail commun. En d'autres termes, la ministre de la Justice répond aux commandes placées par le vice-premier ministre...

M. Boisclair: Question de règlement.

M. Ouimet: ...répond aux commandes, M. le Président. Le vice-premier ministre a demandé à la ministre de la Justice de siéger sur un comité, elle a dit oui.

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Plusieurs rappels à l'ordre ont été faits au député de Marquette. Je le cite au texte. Il vient de dire que la ministre de la Justice répond aux commandes du vice-premier ministre. La ministre de la Justice, comme votre prédécesseur l'a reconnu à plusieurs reprises dans les décisions qu'il vient de rendre, a été reconnue comme ayant été lésée dans ses privilèges, dans sa réputation. Et, M. le Président, le député ne peut, comme il le fait, prêter des motifs indignes. Si la députée de Lévis se comportait comme le député le décrit, celle-ci manquerait à son serment d'office. M. le Président, ça fait plus de cinq fois que la présidence rappelle à l'ordre le député de Marquette. Ça fait plus de cinq fois que la présidence donne raison au leader et aux membres de ce groupe parlementaire.

Et je voudrais aussi, pour ajouter au point de vue que je défends, rappeler une jurisprudence dont il fera peut-être du bien au député de Saint-Laurent de prendre connaissance: Est-ce que les propos tenus à l'endroit d'un groupe parlementaire peuvent être qualifiés de non parlementaires? Oui. Oui. Décision 35-7-4 dans le recueil de jurisprudence. La thèse que le député tentait de défendre n'a jamais été reconnue par la présidence. Lorsque des propos comme ceux tenus par le député de Marquette... qu'ils s'adressent à un groupe, au gouvernement, à l'aile parlementaire ministérielle ou à un individu, c'est la même chose.

M. le Président, s'il vous plaît, mettez fin à cette mascarade et, pour la première fois, rappelez à l'ordre le député de Marquette.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, sur une des parties de votre intervention, j'ai statué tantôt que ce n'est pas parce qu'on mentionne le nom générique d'un groupe qu'on ne vise pas les individus du groupe. J'ai statué sur ça tantôt, on est d'accord sur ça, il y avait une jurisprudence, et tout. Bon. Maintenant, l'autre question, je n'ai pas le texte précis, là, des... Je pourrai le faire venir pour savoir s'il y avait...

Les mots que vous avez répétés, c'est que Mme la ministre avait... une demande. Je ne sais pas, là, une demande, mais je crois que c'est tout à fait dans l'ordre qu'on fasse une demande. Faudrait voir le libellé de la question, à ce moment-là. Que Mme la ministre ait donné suite à la demande du vice-premier ministre, alors, écoutez... Alors, je verrai le texte. Je demanderai le texte, puis on verra.

M. Dupuis: Avant que vous suspendiez, M. le Président, là-dessus, est-ce que je peux me permettre de vous suggérer d'aller vérifier deux choses supplémentaires: la première, le mot «mascarade»? Ce serait peut-être utile que vous alliez vérifier si ce mot-là est un mot parlementaire, dans le sens dans lequel le leader adjoint vient de l'employer, première chose.

La deuxième, sur la question de règlement principale du leader adjoint, vous pourriez aller vérifier – et je sais que vous écoutez les débats avec intérêt – particulièrement à la période de questions. Qu'on vienne nous dire, de l'autre côté, que ce n'est pas vrai que le ministre du Revenu a demandé à la ministre de la Justice de siéger sur son comité, premièrement, elle a accepté de siéger, elle a répondu à une commande. Deuxièmement, que le ministre du Revenu...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, c'est une chose d'accéder à une demande, puis d'obéir à une commande.

M. Dupuis: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, vous-même, vous avez fait un glissement qui n'est pas permis. C'est pour ça que je me suis levé pendant que vous preniez votre droit de parole. Alors, «commande» et puis «faire une demande», ce n'est pas la même chose, ça n'a pas la même signification.

M. Dupuis: Deuxième aspect, M. le Président, je vais vous demander de vérifier également s'il n'est pas vrai que le ministre du Revenu, en cette Chambre, a dit et que la ministre a confirmé, en réponse à une question, qu'il lui a demandé des questions précises aux fins de produire l'avis de la jurisconsulte dont on a parlé pendant tout ce temps-là en période de questions. Là aussi, elle accédait aux demandes du ministre du Revenu.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, écoutez, là, on ne suspendra pas, on va continuer la discussion. Cependant, je vous dis ceci, là, hein? À des interprétations de faits... Je comprends qu'il faut éviter d'imputer des motifs. Vous pourrez vous relever immédiatement après et, dans votre temps de parole, si vous voulez contredire les faits, à ce moment-là vous aurez droit de le faire. Alors, là, les questions de règlement, pour le moment, on va laisser ça de côté.

M. Boisclair: Non... la décision de la présidence sur des questions de règlement, le temps court, M. le Président. Mais je serais bien curieux de savoir pourquoi, pendant toutes les secondes où vous vous êtes exprimé, où il y a eu la question de règlement, l'horloge s'est éteinte. La présidence, à plusieurs reprises...

J'ai la jurisprudence devant moi, 209.1, à la page... Sur l'article 209, en tout cas, du règlement, une décision: sur les questions de règlement, l'horloge court. Elle est arrêtée depuis un bon bout de temps. Alors, ce sera du temps aussi à enlever à l'intervention du député de Marquette, qui est déjà trop longue.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous savez très bien que ce n'est pas moi qui contrôle, ici, le cadran, et puis il y a des règles qui font que... Ce qu'on m'a expliqué, c'est: quand le président intervient pour expliquer les aspects du règlement ou répondre des appels au règlement, à ce moment-là la coutume, c'est qu'on ne comptabilise pas le temps pris par le président pour expliquer des points de règlement ou des interventions. Alors, c'est la coutume qu'on m'a exposée tantôt, tandis que, quand c'est des points de règlement soulevés par les membres de l'Assemblée, le temps pris par les membres de l'Assemblée quand ils soulèvent des questions de règlement, à ce moment-là c'est comptabilisé et le cadran continue à courir. Alors, M. le député de Marquette, je vous inviterais à poursuivre.

M. Ouimet: M. le Président, vous aurez compris, c'est la huitième ou neuvième tentative du leader adjoint de m'interrompre, à chaque fois en soulevant – et je relate des faits – des questions apparentes de procédure. La dernière chose qu'il a dite, le leader adjoint, il m'a dit que j'imputais des motifs indignes à la ministre parce que je disais qu'elle avait reçu deux commandes du vice-premier ministre. S'il avait suivi le débat un tout petit peu, il aurait constaté qu'à deux reprises le vice-premier ministre du Québec a demandé, dans un premier temps, à la ministre de la Justice, Procureur général et jurisconsulte, de siéger sur un comité. Ça, j'appelle ça une commande. Et, dans un deuxième temps, le vice-premier ministre a demandé à la même personne de produire un avis juridique. Dans les deux cas, elle s'est exécutée. Moi, j'appelle ça une commande. Maintenant, M. le Président...

Des voix: ...

M. Ouimet: Franchement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, le mot «commande», dans le contexte, c'est comme si c'était un ordre et que l'autre ne pouvait pas refuser.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non. Écoutez... Non, non. Ce n'est pas correct de laisser entendre par cette expression que c'était un ordre qu'elle ne pouvait pas refuser. Bon...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non.

Une voix: C'est un ordre qu'elle n'a pas refusé. C'est-u mieux, ça?

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est une demande que la responsable, en fonction de ses devoirs et responsabilités, juge si elle doit y répondre ou non. Alors, à ce moment-là, c'est ça, là. Pour ça, je pense qu'il faut s'entendre si on veut poursuivre. Bon.

M. Ouimet: M. le Président, on aura compris que c'est une demande qu'a formulée le vice-premier ministre, que la ministre de la Justice n'a pas refusée. Avez-vous des objections avec ça? Est-ce que le terme est antiparlementaire?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Dans la mesure où elle le pouvait, très bien. Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Ce n'est pas antiparlementaire? À deux reprises, le vice-premier ministre... Puis on comprend, M. le Président, là, dans le cadre du fonctionnement d'un gouvernement, quand le numéro un ou le numéro deux font des demandes, c'est rare que les demandes soient refusées. C'est rare que les demandes soient refusées lorsqu'elles viennent du premier ministre ou du vice-premier ministre. Rappelez-vous, M. le Président, dans votre propre comté, lorsqu'ils ont fermé l'hôpital de Chauveau. Vous vous en souvenez? La demande venait du premier ministre. Malgré vos prétentions à vous, M. le vice-président, malgré tout ce que vous avez fait, et je m'en souviens, avec courage, avec détermination, avec vigueur, vous avez défendu votre population...

Des voix: Bravo!

M. Ouimet: Oui. Vous avez défendu votre population, et, malgré tout cela, le ministre de la Santé de l'époque, le député de Charlesbourg, a quand même fermé votre hôpital, comme il a fermé l'hôpital dans ma circonscription électorale, tout comme on tente de fermer l'hôpital dans la circonscription électorale de Brome-Missisquoi – c'est de ça qu'il s'agit – l'hôpital de Brome-Missisquoi et aujourd'hui le palais de justice de Brome-Missisquoi. Alors, les députés qui sont en cette Chambre, les 125, ne sont pas tous naïfs, ne sont pas tous innocents, savent bien ce qui se passe, lorsqu'on regarde la série de mesures qui, par un concours de circonstances tout à fait inhabituel, se retrouvent dans le comté de Brome-Missisquoi.

Et je faisais référence tantôt au quart-arrière de l'équipe qui dirige les attaques contre le gouvernement, on a décidé...Et des attaques, M. le Président, qui sont embarrassantes au plus haut point pour le numéro deux du gouvernement. Quand ça traitait de la députée de Rosemont, c'était correct, c'était noble, c'était honorable, hein, parce que c'était la députée de Rosemont, ministre du Revenu, mais, quand il s'agit du vice-premier ministre du Québec, du numéro deux, du champion de la cause de la souveraineté, au niveau des troupes péquistes...

Des voix: Bravo!

M. Ouimet: Bien, voilà. Alors, vous avez compris, M. le Président. Vous avez compris pourquoi les députés ministériels ne souhaitent pas qu'on s'attaque à cette personne-là, par rapport au geste qu'il devrait poser s'il avait un minimum d'honneur et de respect, par rapport aux propos qu'il a tenus lui-même à l'endroit de la députée de Rosemont et par rapport à sa responsabilité ministérielle. Lorsque, le ministère qu'on dirige, on reconnaît qu'il a enfreint les lois de notre province à deux reprises... pas à une reprise, à deux reprises, lorsqu'on reconnaît que les lois du ministère ont été enfreintes, M. le Président, on pose le geste que la députée de Rosemont a posé, on démissionne, hein? Mais le vice-premier ministre n'a pas voulu faire ça.

Mais, M. le Président, le leader de l'opposition, les députés de l'opposition, dont je suis, nous avons décidé, systématiquement, de rappeler le vice-premier ministre au respect de l'institution, au respect de ses fonctions ministérielles... et de poser le geste qu'il devrait poser.

On a regardé ses éléments de défense de façon systématique; ils tombent les uns après les autres. Le plus récent, M. le Président, c'est la ministre de la Justice qui rend un avis juridique sur une question formulée par le vice-premier ministre, qui fait tout dans la question sauf adresser la véritable question en litige, c'est-à-dire: Est-ce que la transmission effectuée par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec a enfreint les lois du Québec? La ministre de la Justice, jurisconsulte, n'a jamais répondu à cette question-là, parce que le vice-premier ministre n'a jamais posé cette question-là. Or, M. le Président, on comprend, par la suite, et c'est là qu'on regarde l'ensemble des éléments qui touchent le comté de Brome-Missisquoi, on se rend compte que le projet de loi qui est déposé aujourd'hui vise ni plus ni moins, et par ses effets directs ou indirects, à passer des messages à quelqu'un qui dirige une opposition qui pose des questions embarrassantes...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette, vous êtes assez intelligent pour comprendre que, là, c'est des procès d'intention directs. Bon. Non, non, non, écoutez, là. Vous établissez un lien très direct entre certains événements et une décision, ce qui implique une mauvaise intention. Il n'est pas question... Brièvement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Respectueusement, M. le Président, savez-vous ce qu'il était en train de faire? – il est assis, là. M. le Président, savez-vous ce que le député de Marquette était en train de faire? Il était en train de suivre pas à pas, fidèlement, loyalement, votre jurisprudence. Vous avez dit: Vous avez le droit de situer des faits et de faire une relation entre ces faits. De l'autre côté, si vous n'êtes pas d'accord avec ça, vous vous lèverez puis vous le direz. C'est ça que vous avez dit tantôt. C'est ça qu'il fait.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sauf que ce que je lui ai dit: Quand cette relation qu'on établit implique nécessairement une mauvaise intention, indigne, ce n'est pas acceptable. C'est clair?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a une limite, à un moment donné, puis on l'a atteinte. Comprenez-vous, là? On peut être tolérant, on peut donner le bénéfice du doute, mais il y a une limite qu'on ne peut pas franchir, puis je pense qu'on l'a atteinte. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, lorsqu'on ferme un hôpital dans un comté comme le comté de Chauveau, comme le comté de Marquette, comme le comté de Brome-Missisquoi, et lorsqu'on regarde également le système de santé que nous a légué le gouvernement actuel, le fouillis dans lequel on se retrouve, et que, par la suite, on regarde la tentative de fermeture du palais de justice de Cowansville, est-ce que c'est indigne? Lorsqu'on dit qu'un gouvernement est en train de passer des messages, est-ce que c'est indigne? La population dans le comté de Brome-Missisquoi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez un peu, là... Quand le message qu'on veut laisser entendre qu'il veut passer, c'est un message de chantage, c'est indigne. Écoutez un peu, là.

(17 h 10)

M. Paradis: Pour la question de règlement, quand la population d'un comté est unanime à croire les propos du député de Marquette, quand la population d'un comté et la présidente péquiste...

Une voix: ...il a le droit de le dire à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, il n'a pas le droit de le dire. Non, il n'a pas le droit de le dire. Le règlement ne dit pas: On ne peut pas attribuer des motifs indignes uniquement quand il n'y en a pas. Ce n'est pas ça que le règlement dit. Ce n'est pas parce qu'on pense qu'il y avait des motifs indignes qu'on a le droit de le dire à l'Assemblée nationale. Le respect qu'on se doit, c'est de prendre la parole et de prendre pour acquis que les gens ici n'ont pas de motifs indignes. C'est ça, le règlement, et vous le connaissez, M. le leader de l'opposition, vous le connaissez très bien.

M. Paradis: J'accepte vos propos. Je constate donc que la présidente du PQ de Brome-Missisquoi a démissionné pour rien.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous avez très bien compris ça dans mon intervention, mon interprétation, et vous la connaissez très bien, M. le leader de l'opposition.

Alors, M. le député de Marquette, il vous reste deux minutes.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il reste deux minutes! Et voulez-vous qu'on supprime le quorum puis qu'on s'en tienne à deux, trois pour rétablir le quorum? Je pense que dans l'avenir je vais passer un règlement pour qu'on réduise le quorum à trois membres.

Alors, écoutez, s'il vous plaît, comportez-vous comme une responsabilité responsable. M. le député de Marquette, deux minutes.

M. Ouimet: M. le Président, on aura compris, la ministre de la Justice aura compris, de ce côté-ci, l'opposition va mener une bataille farouche par rapport à ce projet de loi. Il n'est pas question qu'on laisse passer un tel projet de loi, alors que, de ce côté-ci, nous soupçonnons des motifs autres que ceux énoncés par la ministre de la Justice. Qu'elle en soit consciente ou pas, ça, c'est une chose. Mais nous soupçonnons que, si elle n'en est pas consciente, il y a d'autres personnes, aux niveaux les plus élevés de l'échelon du gouvernement, qui en sont fort conscientes, parce que ça ne suit pas la ligne tracée par les prédécesseurs de la ministre de la Justice.

Ça semble suivre un pattern établi dans d'autres dossiers concernant le comté de Brome-Missisquoi. Ça a donné lieu à la démission de la présidente de l'Association péquiste de Brome-Missisquoi. Ça va à l'encontre de l'engagement pris par le candidat péquiste dans le comté de Brome-Missisquoi et, au surplus, ça va à l'encontre des gestes qu'a posés la ministre de la Justice avant que l'opposition décide de questionner l'intégrité du vice-premier ministre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je mets fin à cette intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Saint-Laurent, je vous cède la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, je vous observe depuis un certain nombre de minutes, j'ai même eu avec vous des échanges récemment. Savez-vous ce que je lis dans votre regard quand vous nous regardez et que vous écoutez nos discours? Je lis l'admiration.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Savez-vous pourquoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Attendez la suite. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, je vous inviterais à vous ressaisir un peu. Il faut essayer de rester calme d'ici la fin de la séance. Alors, j'attends la suite avec intérêt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Savez-vous pourquoi je lis l'admiration dans votre regard, M. le Président? Parce que vous avez de la mémoire. Et, sous l'ancienne Législature, quand on a cherché à fermer votre hôpital dans Chauveau, il n'y en a pas un de ceux-là qui s'est levé pour vous défendre. Vous étiez vice-président de l'Assemblée nationale, vous n'aviez pas le droit de prononcer un discours là-dessus, il n'y en a pas un qui s'est levé de l'autre côté pour vous défendre. On cherchait à fermer, dans votre comté, un hôpital. Votre population était dans la rue, vous présidiez les manifestations dans la rue. Je m'en souviens. Il n'y en a pas un ici qui vous a défendu, pas un qui s'est levé, qui a eu le courage de se lever et de se prononcer contre son gouvernement pour protéger votre hôpital. C'est pour ça que je lis dans vos yeux l'admiration, c'est pour ça. Parce que vous savez très bien que, de ce côté-ci, quand le gouvernement va chercher à faire à l'un de nos collègues la même chose qu'il a cherché à faire à vous dans votre comté, ici, on va se lever puis on va se tenir debout puis on va défendre notre collègue. C'est pour ça que je lis l'admiration dans vos yeux.

Dans ce dossier-ci, le palais de justice de Cowansville, j'étais là en 1985, M. le Président, avec le ministre de la Justice de l'époque, Herbert Marx, avec le député de Brome-Missisquoi, l'actuel leader de l'opposition, quand le ministre de la Justice est venu visiter le palais de justice de Cowansville, a étudié le dossier et a décidé qu'il y aurait un agrandissement du palais de justice de Cowansville, dossier à l'appui, études à l'appui, toutes les études que vous voudrez. Le ministre de la Justice a décidé d'agrandir le palais de justice de Cowansville. Lui a succédé Gil Rémillard, ministre de la Justice, qui a regardé le dossier, qui l'a étudié, qui est venu à Cowansville personnellement visiter le palais de justice et qui a décidé lui aussi qu'il allait maintenir la décision de son collègue de l'agrandir, le palais de justice, pas de le fermer. Il est venu, il a constaté, il a décidé de l'agrandir. Vous direz, c'est sûr...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Vous me direz, M. le Président: C'est certain, ces gens-là étaient du même parti que le leader de l'opposition. Vous direz: Faux, faux. Le prédécesseur de l'actuelle ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, est venu dans le comté de Brome-Missisquoi, a visité le palais de justice, a étudié les dossiers que ses collègues qui l'avaient précédé, ministres de la Justice, avaient étudiés, et a décidé lui aussi de maintenir les décisions. Trois ministres de la Justice successifs qui, en étudiant les dossiers, ont décidé la même chose. Ils ne sont pas seuls à penser que le palais de justice de Cowansville ne mérite pas d'être fermé, mais mérite d'être rénové, mérite d'être agrandi. Ils ne sont pas tout seuls. La présidente de l'Association péquiste du comté de Brome-Missisquoi.

Ça, c'est des faits, là. Premier fait: Herbert Marx décide d'agrandir le palais de justice. Deuxième fait: Gil Rémillard décide la même chose. Troisième fait: le député de Louis-Hébert, alors ministre de la Justice, décide la même chose. Quatrième fait: la présidente de l'Association péquiste de Brome-Missisquoi a démissionné, pas un mois après l'annonce de la fermeture du palais de justice de Cowansville, le même jour. Le candidat péquiste à la dernière élection provinciale dans le comté de Brome-Missisquoi, lui, en campagne électorale, il dit: Il faut l'agrandir. Il n'est pas du parti de l'opposition officielle, là. Puis les ministres de la Justice du parti de l'opposition officielle qui avaient décidé de l'agrandir ne l'ont pas fait par solidarité partisane, ils l'ont fait parce que le dossier, au mérite, avait été étudié, et c'est ça qu'ils ont décidé.

M. le Président, non seulement la présidente de l'Association péquiste de Brome-Missisquoi était d'accord avec ça, non seulement le candidat péquiste à la dernière élection, mais aussi des intervenants communautaires. Suzanne David, Horizon pour elle, c'est une maison pour femmes battues qui a pignon sur rue dans le comté de Brome-Missisquoi. Savez-vous ce qu'elle dit, savez-vous ce qu'elle écrit quand elle apprend qu'il est question de fermer le palais de justice de Cowansville? «La situation des femmes victimes de violence conjugale dans Brome-Missisquoi est des plus alarmantes. Avec la fermeture des centres de détention locaux, les policiers de la région, lorsqu'ils se rendent dans un domicile pour un cas de violence conjugale, n'arrêtent que rarement le conjoint violent, car ils se retrouvent seuls avec une auto-patrouille pour assurer les services dans leur communauté et ne peuvent se déplacer à Sherbrooke ou à Montréal. Donc, où est la protection des femmes victimes de violence conjugale?»

Et elle continue en disant: «Avec la fermeture du palais de justice, Horizon pour elle devra assumer les frais de déplacement dans les accompagnements sociojudiciaires et dans les demandes de service d'assistance juridique, donc 64 km de plus et deux heures de plus, et avec quel budget?» M. le Président, la responsable de la maison des femmes battues Horizon pour elle, qui a pignon sur rue dans Brome-Missisquoi.

(17 h 20)

La ministre de la Justice, responsable de la Condition féminine, aurait intérêt à lire cette lettre, aurait intérêt à réfléchir à cette lettre parce que, dans sa responsabilité de ministre responsable de la Condition féminine, c'est de son devoir de considérer ces représentations-là.

Alors donc, la présidente de l'Association péquiste de Brome-Missisquoi, le candidat péquiste à la dernière élection provinciale, la responsable de la maison Horizon pour elle, savez-vous quoi, M. le Président? Ils ne sont pas tout seuls. Savez-vous qui était leur alliée jusqu'à temps que la session commence, cette session-ci, jusqu'à temps qu'on commence à poser des questions embêtantes, jusqu'à temps que le député de Brome-Missisquoi, comme leader de l'opposition officielle, mette son nez dans ce dossier-là? Savez-vous qui était leur alliée principale, à Herbert Marx, à Gil Rémillard, au député de Louis-Hébert, à la présidente de l'Association péquiste dans Brome-Missisquoi, au candidat péquiste à la dernière élection provinciale, à la responsable de la maison Pour elle? Leur alliée: la ministre actuelle de la Justice, qui, le 16 février 1999, non seulement n'avait jamais pensé de sa vie à fermer le palais de justice de Cowansville, mais elle donnait une subvention de 10 000 $ pour une étude de faisabilité pour l'implantation d'une maison de la justice régionale dans Brome-Missisquoi! L'actuelle ministre de la Justice, le 16 février 1999! Je suis certain que, si elle a décidé à ce moment-là de signer une lettre dans laquelle elle acceptait de donner une subvention pour l'établissement d'une maison de justice régionale dans Brome-Missisquoi, elle avait étudié le dossier.

Qu'est-ce qui est arrivé – je pose la question – entre le 16 février 1999 et la semaine dernière, quand elle a décidé de déposer un projet de loi annonçant la fermeture du palais de justice de Cowansville? Si aujourd'hui elle se lève tantôt puis si elle nous dit: Je vais fermer le palais parce que j'ai l'intention d'ouvrir une maison régionale de la justice dans Brome-Missisquoi, je pense que, si je parle au député de Brome-Missisquoi, on va pouvoir s'entendre avec elle, si c'est ça qu'elle veut nous annoncer... Mais je soupçonne que ce n'est pas ça qu'elle veut faire, pas du tout.

Ça, ce sont des faits. Autre fait troublant aussi, M. le Président, lors d'une des périodes de questions à l'Assemblée nationale sur le sujet de la fuite de renseignements personnels, dans le dossier qui occupe le ministre du Revenu...

Une voix: Le vice-premier ministre.

M. Dupuis: ...le vice-premier ministre, le premier ministre, je l'ai vu, je l'ai entendu, lors d'une question de règlement faite par le leader de l'opposition officielle, qui est virulent, lui dit d'un côté et de l'autre de la Chambre: Tu ne seras jamais nommé juge! Fâché. Et je pense que le député de Brome-Missisquoi peut en témoigner, nous l'avons tous entendu. Autre fait troublant. Premier ministre. Moi, je pensais, là, que les nominations de juges, ça se faisait de façon objective, au moins, pour le comité qui étudie les candidatures, mais là je m'aperçois que le premier ministre, lui, les nominations de juges, il mène aussi à sa façon.

Alors, depuis le 16 février 1999, M. le Président, alors que la ministre de la Justice est pleine de bonnes intentions à l'égard des infrastructures en matière de justice dans Brome-Missisquoi, tellement remplie de bonnes intentions qu'elle confirme par lettre une étude de faisabilité pour l'implantation d'une maison de justice régionale en Brome-Missisquoi, qu'est-ce qui est arrivé? Qu'est-ce qui a changé son attitude? Je ne peux pas répondre à cette question-là sous peine que le discours s'interrompe abruptement, mais on peut cependant donner certains faits, les faits, clairement.

Le ministre du Revenu, il a un problème: la fuite des renseignements personnels dans la dossier du Bureau de la statistique du Québec, dossier exactement, exactement pareil à celui qui a amené la démission de la députée de Rosemont. Mais, le ministre du Revenu, il frétille puis il essaie de se sortir du mauvais pas de toutes les façons possibles.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire en cette Chambre, dans un autre discours: il a commencé par maintenir l'ambiguïté sur les faits. Quand il a vu que ça ne pouvait pas fonctionner, il s'est retourné, du coin de l'oeil il a regardé la ministre de la Justice, puis il s'est dit: Woop! V'là mon sauf-conduit pour conserver ma job. Peu d'expérience – je ne le lui reproche pas, je n'en ai pas, moi non plus – lui, beaucoup d'expérience. Elle, évidemment, un poste stratégique, ministre de la Justice, jurisconsulte, Procureur général. Ça n'a pas été long, hein. Il s'est formé un comité, puis il a décidé de la nommer sur le comité. Elle a accepté tout de suite parce que, évidemment, c'est le vice-premier ministre, c'est le ministre des Finances, c'est le ministre du Revenu, alouette! Plus tard, il lui demande de produire un avis, ce qu'elle accepte de faire. Et le ministre du Revenu se débat. Il se débat jour après jour en cette Chambre pour essayer de sauver sa peau. C'est ça qui est arrivé. Ça, c'est des faits. On l'a vu, on est témoins de ça.

Quel est son système de défense, au ministre du Revenu, dans ce dossier-là, son système principal de défense, au ministre du Revenu, dans ce dossier-là? La jurisconsulte, la ministre de la Justice, la Procureur général du Québec, qu'il a utilisée. Qu'il a utilisée. Et ce n'est pas antiparlementaire de le dire, M. le Président, parce qu'il est allé chercher chez elle l'avis. Il est allé chez elle, la présence à un comité, et, malheureusement, je suis obligé de dire qu'elle n'a rien vu là-dedans. Il l'a utilisée, et elle s'est laissé utiliser.

Alors, qu'est-ce qui s'est passé entre le 16 février 1999, alors qu'elle semblait toute destinée, décidée à suivre les traces de M. Herbert Marx, ministre de la Justice, de M. Gil Rémillard, ministre de la Justice, de son collègue le député de Louis-Hébert alors qu'il était ministre de la Justice, relativement au palais de justice de Cowansville? Elle semblait toute destinée à suivre les traces. Non seulement elle semblait destinée à suivre les traces, mais elle semblait même destinée à implanter dans le comté de Brome-Missisquoi une vraie maison de la justice régionale.

Aujourd'hui, elle veut fermer le palais de justice? Le député de Brome-Missisquoi... Autre fait troublant, et autre coïncidence, et autre circonstance: on a tous vu le leader de l'opposition officielle, dans le dossier de la fuite de renseignements, imputer à l'actuel ministre du Revenu – nous l'avons tous vu, comme tous ceux qui ont posé des questions sur ce dossier-là – y mettre son coeur, ses énergies, son intelligence. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi mettre ses énergies, son intelligence et son coeur dans ce dossier-là? Parce que la population – la population, c'est pour ça qu'on est ici, là – a le droit, M. le Président, de savoir que des renseignements qui la concernent, qui sont hautement personnels, qui ne devraient intéresser personne, qui devraient intéresser seulement les gens qui ont le droit de s'y intéresser, ne seront communiqués à personne d'autre. C'est pour ça qu'on se bat dans ce dossier-là.

C'est, d'abord et avant tout, pour ça, parce que, les gens qui sont soit des débiteurs ou soit des créanciers de pensions alimentaires, ils n'aiment pas ça qu'une compagnie de sondage, dans un cas, ou que des fonctionnaires du Bureau de la statistique du Québec, dans un autre cas, soient au courant de leurs choses personnelles. C'est pour ça qu'on se défend. Et, quand un gouvernement fait preuve d'autant de laxisme relativement à des questions comme ça, c'est notre devoir, c'est le devoir du député de Brome-Missisquoi de défendre la population vis-à-vis de ça. Est-ce qu'il va payer pour ça?

(17 h 30)

La question que je pose, c'est: Toutes ces coïncidences étant mises l'une par rapport aux autres, tous ces faits troublants étant mis les uns par rapport aux autres n'amènent-ils pas la seule conclusion logique à laquelle on doive arriver? C'est qu'il y a des motifs, que je ne qualifierai pas, en arrière de cette décision-là.

M. le Président, il y a des précédents. Il y a des précédents. Moi, je me souviens très bien, dans l'ancienne Législature, le député de Chomedey, critique en matière de justice à ce moment-là, avec le député de Louis-Hébert, qui était alors ministre de la Justice, ça bardait, hein? Je pense qu'on peut le dire, là, de façon tout à fait réaliste, ça bardait. Le député de Chomedey, il n'est pas facile, puis le député de Chomedey, quand il décide qu'il s'attaque à un dossier puis qu'il pose des questions et qu'il s'attaque à un ministre du gouvernement, il faut qu'il soit prêt, le ministre, parce que ça barde. Et je me souviens très bien que, entre le député de Chomedey et le député de Louis-Hébert, qui était ministre de la Justice, ça bardait, effectivement. À un moment donné, il y a une décision de déménager un centre administratif de Joliette... pardonnez-moi, de Saint-Jérôme en quelque part. En quelque part. Le centre administratif, au lieu de s'en aller à Laval, parce qu'il est question, dans l'option qui est prévue, de le déménager à Laval, le ministre de la Justice de l'époque décide de le déménager à Joliette plutôt qu'à Laval. Il prend la décision.

Le député de Louis-Hébert est remplacé comme ministre de la Justice, et c'est l'actuel député de Laval-des-Rapides qui arrive dans le dossier. Il regarde ça, et, évidemment, la décision n'a pas de bon sens. Savez-vous pourquoi la décision n'a pas de bon sens? Parce que, si le centre administratif avait été déménagé, dans un premier temps, de Saint-Jérôme à Laval, il y aurait eu une économie de dépenses parce que tous les fonctionnaires qui étaient transférés de Saint-Jérôme à Laval, on n'était pas obligé de payer rien quant aux frais de déplacement, parce que Laval était dans un rayon de 50 km de Saint-Jérôme. La décision de déménager à Joliette a coûté des sous au gouvernement. Alors, évidemment, le nouveau ministre de la Justice, l'actuel député de Laval-des-Rapides, quand il a vu ce dossier-là puis qu'il a regardé les économies qu'il pouvait réaliser en appliquant la seule décision logique qu'il y avait à appliquer, c'est-à-dire de ramener ce centre administratif de la région de Joliette vers Laval, il l'a fait pour faire des économies. Et souvenons-nous que, depuis ce temps-là d'ailleurs, l'actuel député de Joliette lui en veut, effrayant, et ça a été public, mais c'était une décision qui était logique.

Pourquoi, à l'origine, le centre administratif, qui logiquement devait partir de Saint-Jérôme pour s'en venir à Laval, est-il allé à Joliette, alors que le député de Chomedey et que le député de Louis-Hébert, à l'époque, s'empoignaient en Chambre – façon de parler, bien sûr – verbalement? Là aussi, c'est d'autres coïncidences. Alors, ce gouvernement-là a ce genre d'attitude là, et je pense que ce genre d'attitude là... on a parfaitement le droit, en cette Chambre, de les rendre publiques, ces attitudes-là.


Motion de report

M. le Président, comme la ministre de la Justice, au mois de février 1999, était animée, semble-t-il, des meilleures intentions relativement à la région de Brome-Missisquoi et aux infrastructures en matière de justice, peut-être a-t-elle été influencée pour déposer le projet de loi qui est déposé aujourd'hui en cette Chambre, mais, pour lui permettre de réfléchir un petit peu plus longtemps à la question, je vais faire une motion en vertu de l'article 240 du règlement pour que l'étude du principe du projet de loi n° 16 soit reportée de six mois, pour que la ministre de la Justice puisse de nouveau regarder le dossier, se pencher sur la question de la maison de la justice régionale et peut-être puisse consulter les opinions que les ministres qui l'ont précédée ont rendues dans ce dossier-là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce que vous avez fait une motion de report?

M. Dupuis: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui? Alors, la motion de report, comme vous le savez, demande un débat de deux heures. À moins que vous y renonciez de part et d'autre? Ha, ha, ha!

Une voix: Pas pour le moment.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas pour le moment? Non? Bon. Alors, là, nous allons, si vous voulez, suspendre quelques minutes pour nous entendre sur le partage du temps du débat restreint de deux heures.

(Suspension de la séance à 17 h 35)

(Reprise à 17 h 42)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Asseyez-vous, s'il vous plaît. Alors, nous avons une motion de report, un débat restreint de deux heures sur cette motion. Nous nous sommes entendus sur le partage du temps. Il y aura cinq minutes de réservées pour le député indépendant, puis le reste du temps, donc 115 minutes, réparti à parts égales de part et d'autre, et sans limite d'intervention à l'intérieur de cette banque de minutes qui vous est réservée. Le temps non utilisé de la part d'un groupe peut être utilisé par l'autre, ce n'est pas obligatoire, mais peut être utilisé par l'autre. Puis, bon, c'est comme ça.

Maintenant, je serais prêt à donner la parole immédiatement à M. le ministre des Forêts. Je vous cède la parole.

M. Jolivet: Des Régions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Des Régions, en plus.

M. Jolivet: Non, non, juste des Régions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Je suis encore avec des souvenirs. Alors, le ministre des Régions.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, j'ai eu l'occasion, depuis 15 heures cet après-midi, au moment où nous avons repris nos travaux, d'entendre la ministre de la Justice expliquer la teneur de son projet de loi. J'ai entendu des gens de l'autre côté faire des représentations qui ont été malheureusement, dans bien des cas, coupées, entrecoupées par des décisions de la présidence, par des interpellations de l'autre côté. Alors, on vient, du côté de l'opposition, de nous faire une motion de report du projet de loi de façon à l'étudier davantage – c'est ce que je comprends, normalement, quand il y a une motion de report – ou d'éloigner ça dans le temps.

Alors, j'aimerais que les gens de l'opposition, à ce moment-ci, nous expliquent pourquoi il faudrait reporter l'étude de ce projet de loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin à votre intervention, M. le ministre des Régions?

M. Jolivet: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Oui, sur la question posée par le ministre des Régions, je me serais attendu à ce qu'il se lève à ce moment-ci, comme ministre des Régions, pour défendre les régions. S'il ne sait pas quoi dire pour défendre...

Une voix: C'est une question de règlement.

M. Boisclair: Est-ce que c'est sur la question de règlement ou sur le fond?

Une voix: C'est une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! Bien, excusez, je ne croyais pas que c'était une question de règlement. Excusez-moi. Je croyais que vous interveniez.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Viau, très bien, on va régler ça. Je sais très bien qu'il a le droit, mais il ne l'a pas mentionné comme tel au point de départ, et je n'avais pas entendu. Je veux savoir exactement à quel titre vous intervenez présentement.

M. Paradis: Je veux remercier mon bon ami le leader...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur une question de règlement?

M. Paradis: Oui, M. le Président. C'est une question de règlement. Je veux remercier mon bon ami le leader du gouvernement d'avoir attiré l'attention de la présidence à l'effet que je posais une question de règlement à la présidence. Lorsque le ministre responsable des Régions s'est levé, tout le monde s'attendait, M. le Président, à ce qu'il défende les régions du Québec.

M. Boisclair: Vous n'avez pas une question de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez. Non. Du calme, s'il vous plaît. Du calme. Je le sais, ce n'était pas une question de règlement, c'est évident.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement? Donnez-moi l'article.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: M. le Président, en fonction des droits de parole des députés à l'Assemblée nationale, est-ce que le ministre des Régions, vous considérez qu'il a utilisé son droit de parole à l'intérieur d'un débat restreint sur une motion de report?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Moi, je n'ai pas à décider du temps que la personne devra prendre à l'intérieur du temps de parole.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah oui, oui. Ah oui. Ah oui, oui, certainement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Ah non, non, comme vous avez failli, vous aussi, l'avoir utilisé. Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non. Alors, le prochain intervenant? M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, les téléspectateurs qui ont assisté à l'ensemble des débats sur le projet de loi auront compris de la brève intervention du ministre responsable des Régions, je pense, qui a duré 10 secondes, que c'était comme un jeu du chat et de la souris. Voyant les deux principaux intervenants sur le dossier quitter la Chambre, on se lève et on se rassoit pour tenter de nous prendre en défaut. C'est choquant. C'est quand même choquant, face à un projet de loi qui affecte une population, qui est appuyé de toute une population, péquistes et libéraux dans le comté de Brome-Missisquoi – à tout le moins, la présidente de l'Association péquiste qui appuie la position défendue par le député de Brome-Missisquoi – de voir cette tentative du gouvernement.

M. le Président, l'objet et le fond de la motion de report, entre autres, c'est de respecter la volonté émise par la députée et ministre responsable des Affaires municipales. La ministre de la Justice tente de court-circuiter la ministre responsable des Affaires municipales, parce que la ministre des Affaires municipales, j'ai eu le plaisir de l'indiquer tantôt dans mon discours, elle aussi, elle a subventionné l'étude. Voici ce qu'elle disait dans l'étude. Elle disait: Le projet d'étude de mise en commun de services dans la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi, tout comme celui pour la création éventuelle d'une maison de la justice, rencontre les objectifs du programme d'aide financière annoncé par le gouvernement le 9 avril dernier. Voici ce que disait la ministre comme condition pour émettre la subvention pour l'étude en question. Elle disait ceci – je la cite au texte, une lettre datée du 1er février 1999: «Conditionnellement à ce que ces études soient rendues publiques, le ministère rembourse 50 % des dépenses admissibles payées par une MRC, jusqu'à concurrence de 25 000 $.»

M. le Président, les conclusions de l'étude n'ont jamais été rendues publiques. C'est un élément additionnel par rapport à la thèse de l'opposition. Avec tout ce que nous avons dit en cette Chambre concernant le projet de loi n° 16, voici un élément additionnel qui vient s'ajouter au débat. Pourquoi la ministre de la Justice tente-t-elle de court-circuiter la ministre des Affaires municipales qui, elle, avait clairement dit: J'accorde une subvention pour une étude, l'étude est en voie d'être réalisée? Mais la ministre dit: J'accorde la subvention dans la mesure où l'étude sera rendue publique. Or, la ministre de la Justice vient interrompre le processus et dit: Moi, je veux faire adopter le projet de loi n° 16 avant que les conclusions de l'étude soient rendues publiques.

(17 h 50)

On comprend, M. le Président, derrière ce geste posé par la ministre de la Justice, de tenter de faire adopter à toute vapeur, à ce moment-ci, le projet de loi n° 16, on comprend que, sûrement, le vice-premier ministre du Québec a dû, en Conseil des ministres, émettre la demande que le projet de loi n° 16 soit adopté le plus rapidement possible, pour les motifs, M. le Président, que nous avons énoncés antérieurement.

Et, M. le Président, la raison d'être de la motion de report, c'est de permettre aux gens du comté de Brome-Missisquoi, au préfet de la MRC, aux forces vives de la MRC, même à la présidente démissionnaire de l'Association péquiste du comté de Brome-Missisquoi, à toutes ces personnes-là, de pouvoir faire entendre leur cause auprès du gouvernement et de ne pas se faire bulldozer littéralement, dans un processus qui ne tient pas la route pour deux minutes à la lumière de tous les faits que nous avons énoncés. La ministre, là, qui me regarde, comprend-elle le message de l'opposition? Elle ne comprend pas le message de l'opposition. M. le Président, là, on est en difficulté, puis c'est vrai. On est véritablement en difficulté. Elle comprend le message du vice-premier ministre, mais...

Et ça a été dit à plusieurs reprises, dès le moment où lui formule une demande, elle s'exécute rapidement. À l'intérieur de quelques jours, à l'intérieur d'un délai d'une semaine, elle s'exécute. Et il s'adonne, M. le Président, que les gestes qu'elle pose, comme par magie, vont dans le sens des intérêts du vice-premier ministre du Québec, qui, lui, est dans le pétrin pas à peu près. Pas à peu près.

Or, M. le Président, a-t-elle pris connaissance, la ministre de la Justice, de la lettre signée par sa collègue la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ministre aux Affaires municipales et ministre de la Métropole, qui, elle, dit... et elle a accordé la subvention. La subvention a été accordée, et la ministre a également accordé la subvention, mais, elle, la ministre députée de Hochelaga-Maisonneuve, disait: Moi, j'émets la subvention jusqu'à concurrence de 25 000 000 $, dans la mesure où les conclusions du rapport seront rendues publiques. Or, les conclusions du rapport n'ont pas encore été rendues publiques. Ce que nous disons, comme opposition, dans le respect principalement de la volonté de toute la population de Brome-Missisquoi... Et vous vous en souvenez, c'est quoi, M. le Président... Je me souviens de vous. Il y avait 10 000 personnes dans le comté de Chauveau pour sauver l'hôpital de Chauveau. Le député de Viau s'en souvent également. Il y avait plus de 10 000 personnes. Vous étiez là, sur les tribunes, vous aviez le microphone entre les mains et vous aviez pris l'engagement de tout faire ce qui était possible pour sauver votre hôpital.

M. le Président, le député de Brome-Missisquoi et la population de Brome-Missisquoi sont en train de faire la même chose par rapport au comté de Brome-Missisquoi. Mais plus que ça. C'est qu'il y avait une volonté annoncée par des ministres successifs soit d'agrandir, soit de rénover le palais de justice de Cowansville, et la ministre de la Justice s'inscrivait dans cette même lignée là, dans ce même tracé là pour dire qu'elle était d'accord, elle voulait aller aussi loin que de créer une maison régionale de la justice pour la région de Brome-Missisquoi.

Or, on sait ce qui s'est passé depuis. L'opposition pose des questions à tous les jours, à la période des questions, qui embarrassent au plus haut point le premier ministre, le vice-premier ministre et le Conseil des ministres, parce qu'il s'agit de questions de probité, il s'agit de questions d'intégrité, il s'agit de questions du respect des institutions. Alors que la députée de Rosemont... Si le leader a quelque chose à dire, M. le Président, qu'il prenne donc la parole sur le projet de loi. Depuis tantôt, il n'arrête pas de m'interrompre. S'il a quelque chose à dire, qu'il prenne donc la parole sur la motion de report, qu'il défende le dossier, mais qu'il laisse les députés de l'opposition faire leur travail et défendre leurs dossiers.

M. le Président, il faut se rappeler que, dans le cadre de ce dossier-ci, il ne s'agit pas d'un fait isolé. On tente de fermer l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, on tente de fermer le palais de justice de Cowansville, on impose des compressions budgétaires au niveau du ministère des Transports. La société Domtar, dont le gouvernement est le principal actionnaire, fait des coupes à blanc dans ce même comté, et on en passe. Quand on dit que même le candidat péquiste du comté de Brome-Missisquoi prenait l'engagement, en campagne électorale, d'agrandir le palais de justice de Cowansville... Les députés d'en face, qui semblent rire de cet état de situation, pourraient eux aussi se retrouver dans la même situation. Moi, je me rappelle du député Jean Filion, le député de Montmorency péquiste, quand il a été obligé de démissionner, hein? Il a été obligé de démissionner pourquoi? Parce qu'il avait osé dire que les pratiques par le vice-premier ministre du Québec au niveau des pratiques comptables allaient à l'encontre de sa conscience comme professionnel, comme comptable. Il l'a dit en Chambre. Il s'est levé puis il a dit: Moi, j'ai le courage de mes convictions, ça va à l'encontre des principes comptables reconnus par ma profession. Qu'est-ce qui lui est arrivé? Ils l'ont mis dehors.

Une voix: Il s'est fait battre.

M. Ouimet: Non. Avant de se faire battre, ils l'ont mis dehors. Vous l'avez mis dehors de votre caucus parce qu'il avait osé dire la vérité.

La même chose, M. le Président, rappelez-vous du député de Saint-Jean. Par rapport à l'hôpital, il s'était levé deux fois en Chambre pour poser des questions embarrassantes. Il a, lui aussi, traversé une très mauvaise période.

Ça a été la même chose pour le député de Lévis, prédécesseur de la ministre de la Justice. Je me souviens quand le député de Lévis s'est levé en cette Chambre pour poser des questions embarrassantes au premier ministre. Il l'a regardé d'un regard incroyable, meurtrier. Aujourd'hui, il n'est plus député à l'Assemblée nationale. Il a posé des gestes courageux qui allaient à l'encontre de la volonté gouvernementale mais qui représentaient la volonté du peuple qu'il a été élu pour représenter ici, à l'Assemblée nationale. Malheureusement, avec ce gouvernement-là... Et on se souvient du premier ministre lors de la campagne électorale...

M. Boisclair: Question de règlement.

M. Ouimet: Encore une fois, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: D'abord, la question de règlement est la suivante: Je voudrais rappeler le député à la pertinence. Et, s'il s'interroge sur le nombre de fois où je l'interromps, qu'il se questionne donc sur le fait que je n'ai pas dérangé une seule fois le député de Saint-Laurent, parce que, lui, il respectait le règlement. Alors, je prie, s'il vous plaît...

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Je prie le député de Saint-Laurent d'aller donner quelques cours au député de Marquette, et il va comprendre pourquoi dans un cas je suis intervenu six fois, puis vous m'avez donné raison, puis, dans le cas du député de Saint-Laurent, je ne suis pas intervenu une seule fois.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Ça achève, il reste deux minutes, et on va tous aller souper tranquilles, là. Ça va faire du bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça va faire du bien. Cependant, je voudrais rappeler aux gens qu'il faut autant que possible laisser au président de régler les choses. Si chacun s'assoit puis dit: Là, je surveille, puis, s'il y en a un qui a un poil de travers, je me lève, on va être debout, tout le monde en même temps, on va être debout tout le temps. Écoutez, je pense qu'il faut revenir – on a pris une discipline, un peu – et laisser le président voir à maintenir l'ordre. Et dans des cas exceptionnels et de temps en temps, peut-être, c'est possible, il y a des choses qui m'échappent des fois; je suis bien prêt à le prendre, mais là, c'est à celui qui interviendrait le plus souvent actuellement, là. Je pense qu'il faut faire attention un peu à cette tendance, parce que ce n'est pas comme ça qu'on va maintenir un bon climat des débats.

Deuxièmement, quand il y a des réponses possibles qu'on peut apporter à l'intervention d'un individu, dans la mesure où c'est dans les règles, c'est évident, ce n'est pas sur-le-champ, à tout bout de champ que chacun doit donner la réponse ou intervenir. Vous avez un droit de parole de 20 minutes chacun. Prenez des notes et, quand vous vous lèverez, vous répliquerez puis vous répondrez. Alors, c'est comme ça que ça fonctionne dans notre travail parlementaire. Ce n'est pas réagir spontanément chacun, là, selon les dires de tous et chacun, on n'en finira pas.

Alors, ceci dit, il est 18 heures, et nous allons aller nous reposer. Nous allons suspendre les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 13)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. L'Assemblée reprend le débat sur la motion de report présentée par M. le député de Saint-Laurent. La motion se lit comme suit:

«Que l'étude du principe du projet de loi n° 16 soit reportée de six mois.»

Selon la répartition du temps déterminée cet après-midi, le député indépendant dispose d'un temps de parole de cinq minutes. Les groupes parlementaires se partageront le reste du temps en parts égales. Jusqu'à maintenant, le groupe parlementaire formant le gouvernement a utilisé une minute, alors que l'opposition officielle a utilisé 14 minutes. Je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant. Mme la ministre de la Justice.

Des voix: Bravo!


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, merci. Alors, merci, M. le Président. D'abord, nous avons entendu, pendant une assez longue période, plusieurs éléments où on faisait référence au peu d'expérience que la nouvelle ministre de la Justice pouvait avoir. Il est exact qu'il y a à peine six mois que je débutais comme députée de Lévis ici, dans cette Assemblée, et au poste de ministre de la Justice et ministre responsable de la Condition féminine. Alors, il y a quand même une chose que j'ai été à même de constater: Qu'il ne fallait pas de nombreuses années d'expérience pour se rendre compte que l'opposition, tout ce qu'elle a fait jusqu'à maintenant, c'est de la pure fabulation.

Des voix: Bravo!

Mme Goupil: M. le Président, c'est la raison pour laquelle je me permettrai de vous expliquer et d'expliquer ici, en cette Assemblée, les raisons qui ont motivé la ministre de la Justice et Procureur générale du Québec en regard du palais de justice de Cowansville.

D'abord, M. le Président, on a parlé que ce dossier – et on a fait référence à des anciens ministres de la Justice – faisait à ce point l'unanimité qu'on a passé plusieurs ministres. Alors, vous me permettrez, M. le Président, de dire que, s'il avait été aussi clair que cela depuis de nombreuses années, bien, peut-être que ce projet-là aurait été réalisé depuis bien fort longtemps. Alors, il est vrai que cette décision que je devais prendre se devait d'être à la fois courageuse, rationnelle et réfléchie, et je peux vous dire qu'elle a été saluée par de nombreuses personnes, et des gens vivant dans le district judiciaire de Bedford, et plus particulièrement à Cowansville.

Et, M. le Président, je vais vous dire qu'une des premières choses qui a été faite au moment où, cette décision, elle a été prise... Je vous dirais, elle a été prise au mois de février, et, avant même de publier cet avis, j'ai appelé le député de Brome-Missisquoi pour lui faire part, à lui qui était un élu... Je l'ai appelé et je l'ai informé de la décision que j'allais prendre. Et, M. le Président, si le député de Brome-Missisquoi...

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...M. le Président, jamais la ministre ne m'a informé de ce qu'elle vient de dire.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement?

M. Boisclair: Non, non, ça va aller.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça va?

Mme Goupil: Alors, M. le Président, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ça confirme encore noir sur blanc que non seulement on fabule dans cette Chambre, mais, en plus, on fait de l'Alzheimer. Et je vous dirais que, au moment où j'ai appelé le député de Brome-Missisquoi pour l'informer, par respect à son égard parce que, justement, il a été celui qui a été choisi dans son comté par des gens... Au moment où l'appel s'est fait, j'étais en présence de quelqu'un de mon ministère et j'aurais souhaité expliquer davantage, et, lorsque j'ai parlé, j'ai même dit que c'était pour moi un privilège d'être en cette Chambre, d'avoir la chance de travailler avec des gens d'expérience, et le député m'a mentionné qu'il serait sûrement agréable... Et, lorsque je suis venue pour l'informer, il m'a prédit que je n'aurais pas une longue carrière politique et il m'a fermé la ligne au nez, M. le Président.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît. Excusez-moi, Mme la ministre. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Je le souligne immédiatement après le fait, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Excusez-moi, je ne vous comprends pas.

M. Paradis: Je le souligne immédiatement après le fait, à ce moment-ci. Vu qu'elle ne m'a rien annoncé, je n'ai pas pu être impoli envers elle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors... S'il vous plaît! Vous allez comprendre que, en vertu de notre règlement, un député peut se lever immédiatement pour faire apporter une correction sur une question de fait personnel. Et le président ne peut savoir si, effectivement, c'est pertinent ou pas, seulement après l'avoir entendu. Mme la ministre.

(20 h 20)

Mme Goupil: Alors, M. le Président, vous comprendrez que, lorsque nous prenons une telle décision, il y a évidemment une analyse qui est faite au niveau des experts du ministère de la Justice. Alors, la décision qui a été prise est une décision qui est tout à fait rationnelle dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui. Nous avons réussi, au Québec... et je rends hommage à notre gouvernement qui est en place, qui a réussi à atteindre le déficit zéro. Et, si on a été capable de le faire, M. le Président, c'est parce qu'on a pris des décisions qui ont été tout à fait cohérentes, des décisions rationnelles et des décisions courageuses.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, lorsque les gens du Québec ont réélu le gouvernement du Parti québécois, c'est parce qu'ils reconnaissaient le sens des responsabilités du gouvernement en place et qu'ils demandaient aussi que l'on puisse continuer à gérer les deniers publics de la même façon.

Alors, M. le Président, l'analyse qui a été faite au ministère de la Justice était une analyse en fonction des besoins, en fonction d'un service à la clientèle, et surtout pour une question, évidemment, de rationalité et d'économie. M. le Président, il faut se rappeler que le palais de justice de Cowansville est inoccupé depuis maintenant cinq ans. M. le Président, ce palais de justice, qui est inoccupé depuis cinq ans, oblige le ministère à assumer des coûts de loyer annuels de l'ordre de 171 000 $. Alors, ça fait maintenant cinq ans que l'on paie 171 000 $ des loyers qui sont inoccupés, et qu'en même temps nous maintenons des services, dans Cowansville, dans d'autres locaux qu'il faut également payer.

Alors, M. le Président, pour rénover le palais de justice de Cowansville, cela aurait coûté un budget de l'ordre de 5 034 000 $, en plus des montants qui ont déjà été investis, initiés par les libéraux, dont un montant de 2 019 000 $ pour les stationnements et les plans et devis. Alors donc, au total, M. le Président, c'est un budget de 7 530 000 $, ce qui représente une augmentation de loyer de plus de 1 200 000 $. Alors, ces édifices qui sont occupés présentement, et même ceux qui sont inoccupés actuellement, ils sont inadéquats, en ce sens qu'il faudrait réinvestir des sous importants pour rénover les locaux qui sont utilisés aujourd'hui à l'extérieur du palais de Cowansville, parce que Cowansville, comme je le disais, il est inoccupé depuis maintenant cinq ans.

M. le Président, dans le district de Bedford, il y a le palais de justice Cowansville et il y a le palais de Granby, qui est à 32 km. Alors, il y a au Québec seulement trois autres districts judiciaires sur 36 qui ont deux palais et qui offrent tous les services: il s'agit de Labelle, de Sainte-Mauricie et d'Abitibi, et, dans ces districts...

Une voix: ...

Mme Goupil: Saint-Maurice.

Une voix: ...

Mme Goupil: Centre Mauricie. Excusez-moi. Alors, ces trois autres districts... Et je vous ferai remarquer, M. le Président, que, pour ce qui est du district de Labelle, il y a une superficie, en kilomètres carrés, de 23 017 km². Pour ce qui est de la région de Sainte-Maurice, c'est 34 277 km² de superficie, et pour l'Abitibi, c'est 897 831 km², alors que, pour ce qui est du district de Bedford, il s'agit de 3 603 km². Donc, dans le rayonnement, il y a deux palais de justice qui sont situés très, très près.

La décision qui a été prise, d'abord, c'était de s'assurer que les gens de Bedford puissent avoir des services. Dans les éléments qui m'ont amenée à prendre cette décision avec les experts au ministère, c'était de s'assurer que nous maintenions des services à Cowansville, et ça, M. le Président, je pense qu'il n'y a personne au Québec qui va être en désaccord avec le fait que nous choisissions, dans une saine gestion administrative, d'investir pour conserver des services à la population plutôt que d'investir dans du béton. Alors, ce que nous avons privilégié, c'est vraiment de s'assurer que nous puissions maintenir des services à la population.

M. le Président, après que j'ai eu appelé le député de Brome-Missisquoi, j'ai également appelé le député de Granby, j'ai également appelé les gens qui vivaient aux alentours pour les aviser, et je peux vous dire qu'en aucun cas, sauf évidemment le député de Brome-Missisquoi qui m'a fermé la ligne au nez... quant aux autres, l'accueil a été très positif, et même, les gens m'ont dit: Mme Goupil, on vous félicite de prendre une décision qui était évidente, puisqu'on n'utilisait plus le palais de justice de Cowansville depuis cinq ans.

Alors, M. le Président, au même moment, j'ai informé la population en général de la réorganisation des services de justice pour le district de Bedford. Un communiqué a été acheminé à ce moment-là, le 18 février 1999. Alors, quand l'opposition nous dit qu'ils essaient de mêler tous les dossiers, de créer de la confusion, eh bien, M. le Président, avant même que cette Chambre ne commence à siéger, la décision, elle était rendue publique. Les gens qui étaient le plus touchés ont été informés, et je peux vous dire qu'en aucun cas nous n'avons eu des éléments négatifs à l'égard de cette prise de décision. Et, au contraire, elle a été soulignée comme courageuse, cette décision, parce qu'il y a de cela déjà plusieurs années que les gens savaient que nous ne réinvestirions plus dans le palais de justice de Cowansville.

Alors, d'entendre des propos pour vouloir dire que la décision qui a été prise est suite à des questions qui sont posées en cette Chambre, M. le Président... Il faut avoir l'esprit tordu pour dire publiquement ici, à plusieurs reprises et de façon redondante, que cette décision-là a pris les gens par surprise, par mon projet de loi que je viens de déposer, alors que c'est une décision qui est connue de tout le monde depuis le mois de février, en toute transparence.

Et je pense que, si le courage avait été de dire: On ne touche pas à ça parce que ça peut soulever de la part de l'opposition des commentaires négatifs, bien, je vais vous dire, M. le Président, gouverner, ce n'est pas avoir peur de poser les gestes responsables qui font en sorte que l'on s'assure que les deniers publics soient utilisés à bon escient. Et les deniers publics doivent être utilisés de façon rationnelle, de façon à maintenir des services de qualité pour tous les Québécois et Québécoises dans l'ensemble du territoire, et c'est surtout s'assurer que les investissements que l'on fait, on s'assure que, d'abord et avant tout, c'est pour maintenir des services à la population. Alors, la décision de ne plus réinvestir dans le palais de justice de Cowansville, c'est une décision, à mon humble avis, qui était confirmée déjà depuis de nombreuses années.

On est allé également mentionner que mes prédécesseurs auraient pris des engagements à l'effet de réinvestir dans le palais de justice de Cowansville. Je vais vous dire, M. le Président, à nulle part nous retrouvons de tels engagements. Et je peux vous dire qu'il est tout à fait surprenant qu'aujourd'hui on revienne avec cela, alors que, même du temps où les libéraux étaient au pouvoir, même du temps où le député de Brome-Missisquoi occupait ce côté-ci de la Chambre, il n'a pas été capable de réaliser ce projet-là.

Alors, M. le Président, je vais vous dire que les gens de Bedford, les gens de ce comté peuvent être rassurés parce que nous leur permettons, grâce à cette saine gestion, de maintenir des services à Cowansville. Et pour ce qui est du chef-lieu, dans l'avenir, ça sera à Granby. Alors, les services qui sont les plus près de la population sont conservés à Cowansville. Alors, les matières pénales, protection de la jeunesse et adoption, les petites créances et les mariages sont maintenus à Cowansville. Granby, quant à ce nouveau chef-lieu, inclura les services qui étaient auparavant offerts à Cowansville. Ces services seront transférés à Granby et ils le seront à compter du mois de septembre.

(20 h 30)

Alors, M. le Président, il est évident que la raison pour laquelle on ne peut reporter ce projet, c'est parce que, lorsqu'on prépare les cédules pour entendre les auditions et que l'on prépare les rôles, il est évident que ça se prépare des mois à l'avance. Et, comme il y a déjà bientôt cinq ans que l'on paie 171 000 $ inutilement puisque le palais est non occupé, alors je pense que nous n'avons nullement plus les moyens de payer des sommes d'argent inutilement alors que nous avons tant de besoins dans notre société auxquels nous devons répondre. Et, dans le cadre d'une saine administration de la justice, notre objectif premier doit être de permettre aux gens de maintenir des services. C'est ce que nous faisons: nous maintenons des services à Cowansville. Les gens auront moins de 32 km... le palais de justice de Granby est en mesure de leur offrir tous les services.

Et cette décision-là ne remet en question aucun emploi. Les gens maintiennent leur emploi. Les services sont maintenus. Et je vous dirais que, même au niveau de l'occupation du palais de justice de Granby, il y a eu des études qui ont été effectuées tant au ministère... et même le Vérificateur général a fait référence à cela, Granby, avec les nouveaux dossiers qui seraient acheminés de Cowansville, aurait une utilisation qui serait inférieure à 50 %, soit de l'ordre de 46 %. Donc, Granby peut recevoir facilement ce qui existait à Cowansville, pour que ce soit regroupé au palais de justice.

Alors, M. le Président, cette décision, qui se devait d'être prise, elle a été faite en discutant avec les gens du ministère, qui nous ont expliqué toute l'évolution du dossier. Ce dossier, qui date depuis 1985, qui jusqu'à maintenant n'a pas été... Il a été impossible de réaliser ce projet, pour toutes sortes de raisons que je ne commenterai pas puisque je n'étais pas là. Mais je peux vous dire qu'un palais de justice qui est inoccupé, qui est vide, il serait tout à fait irresponsable de maintenir une telle situation. Et je vais vous dire, les gens ne sont pas surpris de cette décision, ils s'y attendaient déjà depuis de nombreuses années. Et, au moment où elle est arrivée, M. le Président, les gens ont compris que c'était dans le cadre d'une saine gestion que nous avons pris cette décision.

Il est très important de rappeler que Cowansville va continuer à avoir des services. Et ça, je pense que nous devons le répéter plusieurs fois, parce que, dans le communiqué de presse, il était exprimé. L'opposition était tout à fait au fait des services qui étaient maintenus. Alors, la population du district judiciaire de Bedford va être vraiment mieux desservie, en termes de distance, que celle de la majorité des autres districts judiciaires, tels Hull, Terrebonne, Joliette, Trois-Rivières, Québec, Charlevoix, Montmagny, Beauce, dont plusieurs municipalités sont situées à une distance plus grande que celle séparant le palais de justice de Granby de celui de Cowansville. Alors, M. le Président, dans les faits, Granby est devenue graduellement le centre des activités judiciaires du district, et tous les juges du district retrouvent leur bureau au palais de Granby.

Alors, cette décision, elle a été prise au début de mes fonctions. C'est une décision qui assure des services de qualité à la clientèle. C'est une décision qui permet aussi de s'assurer d'une saine gestion. C'est une décision qui allait de soi, on se devait de la prendre. Nous l'avons prise, nous avons assumé nos responsabilités. Et elle a été prise, et l'opposition en a été informée par communiqué de presse. Le député de Brome-Missisquoi a été appelé, comme d'autres collègues également. Donc, il n'y avait aucune surprise.

Et, M. le Président, de vouloir mêler tous les dossiers comme on essaie de le faire, je ne pense pas que ça serve quiconque, et ça a pour effet de discréditer notre institution qu'est l'Assemblée nationale. Vous savez, je veux bien croire que, lorsqu'on arrive, nous avons des choses à apprendre, mais il y a quand même une chose qu'il est important de dire, c'est que les Québécois et Québécoises sont en droit de connaître la vérité. Ils sont en droit de connaître les décisions que nous prenons. Publiquement, j'ai envoyé des communiqués de presse pour informer la population, pour l'informer.

Et, M. le Président, je voudrais revenir également sur... Lorsque l'on parle de la maison de la justice, on tente de mêler les deux dossiers. Notre gouvernement, lors du mandat précédent, par l'entremise de mon collègue le député de Laval-des-Rapides qui était ministre de la justice à cette époque, avait pris des engagements à l'égard d'une demande de la MRC de Brome-Missisquoi pour contribuer à une demande du milieu qui était, à savoir, une étude pour la maison de la justice. Alors, cette demande, comme elle avait été engagée par mon prédécesseur, j'ai été cohérente avec les engagements que mon prédécesseur avait pris, donc j'ai soutenu et de façon très positive une subvention pour soutenir les gens du milieu qui souhaitaient se pencher sur la possibilité de réaliser une maison de la justice.

Mais, M. le Président, ce sont deux choses complètement différentes. La fermeture définitive du palais de justice de Cowansville qui était inoccupé depuis plus de cinq ans est une chose, alors que l'étude que la MRC... Et je trouve que c'est bien qu'un milieu se prenne en main et qu'il se pose des questions: qu'est-ce que l'on pourrait faire d'un tel immeuble? Eh bien, c'est sain, ça confirme que les gens se prennent en main et s'occupent de leurs choses.

Alors, ce n'est nullement contradictoire, la décision qui a été prise a été prise de façon cohérente, avec le souci que nous devons administrer les deniers publics de façon responsable. Et la décision maintient des services à Cowansville, permet aux gens qui occupaient un emploi de le conserver et, finalement, permet également aux gens dans le district judiciaire de Bedford d'avoir un palais de justice à Granby qui pourra offrir tous les services à la population et qui est disponible, qui contient les espaces suffisants, et ce sont des lieux qui sont tout à fait conformes à ce qu'on s'attend d'un palais de justice. Parce que, actuellement, les locaux utilisés pour le palais de justice de Cowansville sont dans un état assez lamentable, et il faudrait également que nous réinvestissions. Donc, je vais vous dire que je suis très heureuse d'avoir pris cette décision, et cette décision-là fait l'unanimité dans le milieu.

Je comprends qu'on essaie, ici, en cette Chambre, M. le Président, de faire des spectacles, de vouloir épater la galerie, de vouloir prendre des heures et des heures pour répéter les mêmes choses, mais, je vais vous dire, il est important que l'on rappelle les faits tels qu'ils se sont passés, et cette décision, elle a été prise au mois de février, un communiqué de presse a été acheminé pour informer la population des réorganisations des services de justice dans le district de Bedford.

M. le Président, je peux vous dire aussi que la présidente de la MRC avait demandé à me rencontrer. Nous lui avons proposé une rencontre, ça ne convenait pas à madame. Nous lui avons dit que nous allions être disposés pour la rencontrer, nous attendons toujours, mais je lui ai dit que nous souhaitions vraiment la rencontrer au moment où ça lui conviendrait.

Alors, M. le Président...

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, une question de règlement?

M. Paradis: Mme la ministre, le 3 juin est une date à laquelle la préfète va être à Québec.

Une voix: C'est-u une question de règlement, ça?

M. Paradis: Non, question d'information.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition officielle, s'il vous plaît. Madame, je vous prie de continuer. Excusez-nous.

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je vais vous dire, j'ai des gens compétents qui travaillent avec moi, des gens qui ont toute la disponibilité pour recevoir les gens. Mais ce que le député de Brome-Missisquoi semble oublier, c'est: quand on assume la responsabilité de ministre de la Justice et jurisconsulte, nous avons de nombreux dossiers, et nous avons également des dossiers qui sont prioritaires, et nous les prenons l'un après l'autre, et nous prenons tout le temps nécessaire, avant de prendre des décisions, de s'assurer que nous avons toutes les informations nécessaires.

M. le Président, lorsqu'on parle d'une saine gestion, je pense que l'opposition ne connaît pas ce que ça signifie, une saine gestion. C'est tellement évident que nous avions un taux d'endettement super élevé et que notre gouvernement, le gouvernement avec lequel j'ai le privilège de travailler aujourd'hui parce que des gens dans le comté de Lévis m'ont choisie pour les représenter, les représenter avec dignité et avec fierté... C'est ce que je m'efforce de faire depuis le début de mon mandat.

M. le Président, je peux vous dire que tous les propos qui ont été tenus en cette Chambre, ici, cet après-midi non seulement sont complètement faux, mais, en plus de ça, ont comme seul objectif de vouloir discréditer le travail extraordinaire qui est fait par toute une équipe gouvernementale.

M. Paradis: M. le Président. M. le Président, article 35.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, messieurs! M. le leader de l'opposition.

(20 h 40)

M. Paradis: ...demander à la ministre de la Justice de retirer ses derniers propos. Elle a attaqué des propos tenus par les députés cet après-midi. Elle les a qualifiés de complètement faux. On est tenu, en vertu du règlement, de prendre la parole, j'en ai été une des victimes hier à l'occasion de la période de questions. Lorsqu'on ne prend pas la parole, le président nous rappelle à l'ordre. Si on ne retire pas nos propos, on retire le droit de parole. À ce moment-ci, je vous demande d'appliquer à Mme la ministre de la Justice la même médecine que le président, hier, m'a appliquée à l'occasion de la période des questions.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je regarde actuellement notre article 35 et, selon l'article 35, je ne vois pas, dans les propos actuellement qui ont été prononcés par Mme la ministre de la Justice... Elle n'a pas attaqué la conduite d'un député, elle n'a pas imputé des motifs indignes à un député qu'elle aurait nommé ou elle n'a nommé aucun député par sa circonscription ni par son nom et elle ne s'est pas servie d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'endroit directement d'un député. Alors...

M. Paradis: M. le Président, simplement pour vous rappeler...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.

M. Paradis: ...la doctrine et la jurisprudence qui s'appliquent autant que le texte du règlement. On se doit de prendre la parole d'un député. Et lorsqu'on dit: Ce qu'un député a dit est faux, c'est qu'on refuse de prendre sa parole, et, à ce moment-là, on se doit de retirer ses propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je pense que, dans l'état actuel de nos débats, je n'ai pas senti, à titre de président, que les propos de Mme la ministre de la Justice attaquaient un député formant le groupe de l'opposition officielle et je n'ai pas senti non plus de violence ou d'injure dans les propos qu'elle a mentionnés.

Quant au fait de mentionner qu'elle ne pouvait pas accepter les propos qui avaient été...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...malheureusement, je dois vous avouer que je n'ai pas saisi le fait que Mme la ministre ait mentionné carrément que les propos qui étaient tenus cet après-midi à son égard étaient faux.

M. Paradis: Est-ce que vous pouvez prendre le temps d'aller vérifier, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: Si vous le permettez, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

Mme Goupil: ...je vais vous dire: Je respecte énormément le temps de cette Assemblée. Alors, si c'est pour faire un débat, pour étirer encore en longueur comme on l'a vu cet après-midi, je retire mes propos, M. le Président, qui étaient sans malice.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie, Mme la ministre...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...parce que je n'avais vraiment pas entendu ces propos, et c'est véritablement de la grande classe. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Mme la ministre vient de poser le geste qui s'imposait dans les circonstances.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, nous allons maintenant poursuivre notre débat. Vous avez terminé? Je vais maintenant reconnaître...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Pardon? Vous n'aviez pas terminé votre intervention? Alors... C'est vrai, vous vous êtes levé sur un point de règlement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: Nous avions compris, comme vous, que Mme la ministre avait terminé, mais il y a consentement à ce qu'elle poursuive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Mme la ministre. Alors, je considère que vous êtes bon joueur, M. le leader. Et, Mme la ministre de la Justice, je tiens à vous mentionner que vous n'avez absolument aucune limite dans votre temps.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): En autant qu'elle n'en prend que la moitié.

M. Paradis: Dans les deux heures prescrites par le règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Du temps imparti pour le débat. C'est ça, exactement.

Une voix: Je n'ai pas d'horloge.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous n'avez pas besoin d'horloge, j'ai l'horloge.

Mme Goupil: M. le Président, ce qu'il était important aussi d'ajouter, c'était le fait qu'il est très important que ce dossier ne puisse être reporté, parce que, si nous voulons continuer à être cohérents avec tous les gestes qui ont été posés par notre gouvernement au cours des quatre dernières années, nous ne pouvons absolument pas continuer à dépenser des sommes de 170 000 $ par année pour des locaux qui sont tout à fait inoccupés.

Avant que je m'assoie tout à l'heure, ce que je voulais exprimer, c'était que nous pouvions être fiers, notre gouvernement, d'avoir réussi. Et je veux rendre hommage à mes prédécesseurs, mes collègues qui ont occupé des postes de ministre de la Justice au préalable, que ce soient mes deux collègues... parce qu'ils ont réussi à maintenir un service de qualité au niveau de la Justice auprès des contribuables du Québec et ils ont réussi également, dans un contexte où il a fallu avoir vraiment un souci et un sens des responsabilités extraordinaires, à maintenir des services de qualité tout en étant capables d'atteindre le déficit zéro.

M. le Président, je vais vous dire: Je comprends que l'opposition essaie de vouloir nous contourner sur autre chose, mais il n'y a qu'un seul constat, c'est qu'au cours des quatre dernières années nous avons eu un gouvernement qui a été responsable, des gens qui ont occupé des postes, des fonctions importantes, qui ont réussi à assainir les finances publiques, qui ont réussi à maintenir des services à la population. Et je peux vous dire qu'il est vrai que je n'ai pas beaucoup d'expérience, mais j'ai une chose, par exemple: J'ai le privilège d'être avec une équipe qui a été superresponsable, une équipe qui a agi en toute transparence.

Et, M. le Président, ce que j'en retiens, c'est que les gens de l'opposition, actuellement, comme ils ne peuvent pas discréditer mes collègues qui ont travaillé de façon extraordinaire au cours des quatre dernières années, eh bien, ils s'acharnent sur la pauvre ministre de la Justice qui est toute jeune, qui vient d'arriver, qui est la première dans toute l'histoire. Mais je peux vous dire, M. le Président, que ça me flatte en même temps, puis que je remercie l'opposition parce qu'ils me permettent d'acquérir une expérience plus rapidement et...

Des voix: Bravo!

Mme Goupil: Et je vais vous dire, M. le Président, particulièrement dans le dossier de Cowansville, peut-être que, si, dans l'histoire du Québec, les libéraux ne nous avaient pas endettés à ce point, peut-être que le palais de justice de Cowansville aurait pu être réalisé du temps où les libéraux étaient là. Peut-être.

Mais, M. le Président, considérant le fait que notre gouvernement a assumé ses responsabilités, qu'il a été capable d'atteindre le déficit zéro... ce sont tous les Québécois et Québécoises, c'est grâce à leurs efforts à eux, ce sont les efforts des Québécois et des Québécoises, avec un gouvernement responsable, qui ont permis d'atteindre le déficit zéro.

Et je peux vous dire, comme jeune ministre qui vient d'arriver, M. le Président, que je ne crois pas que ce soit une difficulté. Au contraire, ce que ça signifie, c'est que, grâce à un travail extraordinaire qui a été fait, nous nous devons d'assumer nos responsabilités. Et lorsqu'il s'agit d'investir des deniers publics, il faut s'assurer qu'on les investit d'abord pour offrir des services à la clientèle, plutôt que de choisir d'investir dans le béton, M. le Président. Et, dans ce dossier-là, c'est ce que la ministre de la Justice a fait, grâce à un gouvernement qui a confirmé noir sur blanc qu'il était possible de gouverner, qu'il était possible d'atteindre le déficit zéro tout en permettant à la société québécoise de bénéficier de privilèges extraordinaires, comme les garderies à 5 $.

M. le Président, je pourrais vous dire que je pense qu'il y a plusieurs personnes qui aimeraient bien être de ce côté-ci de la Chambre. Mais, pour cela, il faut être membre du Parti québécois, et c'est celui qui a été choisi par les Québécois et Québécoises. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Justice et Procureur général du Québec. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, vous me permettrez, M. le Président, d'intervenir sur cette motion de report de l'étude du projet de loi n° 16, à cette étape du principe, report qui est demandé pour six mois. Et je voudrais vous expliquer les raisons pourquoi cette motion se justifie. Il y en a au moins six, raisons, M. le Président, qui plaident en faveur de ce report.

(20 h 50)

D'abord, le projet de loi n° 16 est en totale contradiction avec les engagements des ministres de la Justice qui ont précédé l'actuelle et nouvelle ministre de la Justice, y compris son collègue le député de Louis-Hébert, ici présent, qui était aussi ministre de la Justice.

Deuxième raison, M. le Président, ce projet de loi est en contradiction flagrante avec les propres gestes que l'actuelle ministre de la Justice a posés elle-même, notamment en ce qui concerne la subvention qu'elle a accepté d'octroyer.

Troisièmement, ce projet de loi fait l'unanimité contre lui. Malgré les affirmations de la ministre, qui a dit qu'elle n'a pas reçu d'éléments négatifs à cet égard, tous les milieux concernés se sont prononcés pour le maintien du palais de justice en question. Notre formation politique argumente depuis ce matin dans cette Assemblée, et au-delà, pour que le palais de justice reste ouvert. Et même les éléments du Parti québécois sont également en faveur de ce palais de justice.

Quatrièmement, ce projet de loi n° 16 vient contredire le discours que les péquistes aiment tellement entretenir et tenir sur la décentralisation. Or, voilà, nous avons un exemple concret d'une institution qui est près de la population, qui donne des services directs à la population, un service fondamental, soit dit en passant, car l'accès à la justice, ce n'est pas peu. Et la ministre trouve tout à fait logique, dans sa logique à elle, de le fermer.

Cinquièmement, ce projet de loi est un autre exemple concret de structurite aiguë dont ce gouvernement souffre, parce qu'il passe son temps, M. le Président, à brasser les structures au lieu de penser à la livraison et à l'accessibilité des services à la population.

Et enfin, M. le Président, comme autre raison, l'introduction de ce projet de loi fait suite à la bataille qui a été menée courageusement par le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle pour la protection de la vie privée dans le dossier du transfert des renseignements nominatifs du ministère du Revenu à des entreprises privées et au Bureau de la statistique, dossier dans lequel, d'ailleurs, la députée de Lévis est directement impliquée à double titre, comme ministre de la Justice et comme jurisconsulte.

M. le Président, permettez-moi de commenter ce que la ministre nous a dit tantôt, parce que, moi, je suis arrivée ici ouverte au dialogue, pour comprendre les raisons qui ont motivé la ministre pour prendre une telle décision. Et ce que j'ai entendu dans ses premières remarques, c'est qu'elle était très préoccupée par sa carrière politique, assez pour le rappeler. Et nous, de ce côté-là, on est préoccupés par les services à la population. Ça, c'est extrêmement important comme distinction.

M. le Président, en écoutant la ministre de la Justice, j'ai eu la preuve qu'elle est déconnectée, mais alors, là, totalement déconnectée de la réalité. Elle est complètement déconnectée de la réalité, et je vais vous le démontrer, M. le Président, parce qu'elle nous a dit que la décision de la fermeture de ce palais de justice a été décidée il y a plusieurs années. Ça, c'est ce qu'elle a dit, M. le Président. Vous l'avez entendue comme moi. Ce qui n'est pas vrai, M. le Président, et je vais vous le démontrer. Elle a également dit qu'elle avait l'appui du milieu, que le milieu s'est exprimé et que les gens lui ont dit qu'il n'y a aucun problème avec une telle décision. M. le Président, ceci n'est pas vrai, parce que nous avons la démonstration que le milieu a fait corps contre cette décision.

La ministre a argumenté que c'est une logique qui s'impose par la volonté d'assainir les finances publiques. Elle a donné l'exemple que le loyer du palais de justice coûte 171 000 $ par année et que le gouvernement paie ce montant-là depuis cinq ans. Je lui rappelle, M. le Président, que cet édifice est devenu un édifice patrimonial, que le gouvernement va continuer à payer le loyer. Et, de plus, elle-même s'est engagée à ne pas déménager ni couper dans le personnel qui travaille au palais de justice. Donc, le maintien du personnel, le maintien du loyer m'amènent à la questionner: Où sont les économies? Le déficit zéro, qui est devenu une sauce qu'on nous sert à chaque fois, M. le Président, c'est un argument qui ne tient pas debout, parce que le déficit zéro a déjà été atteint. Nouvelle pour la ministre, mais la fermeture du palais de justice de Cowansville ne se justifie pas. Non seulement cette décision qui a été prise par l'actuelle ministre de la Justice n'est pas rationnelle, mais elle démontre sa méconnaissance de ses dossiers et, de plus, sa méconnaissance de la géographie.

Alors, de quoi s'agit-il? Le projet de loi n° 16 nous dit ceci. C'est un projet qui modifie la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de transférer de Cowansville à Granby le chef-lieu du district judiciaire de Bedford. Quelle est la logique qui commande une telle décision, M. le Président? Quand on la regarde objectivement et à la lumière de l'énoncé qui nous est offert par le projet de loi, de toute évidence, c'est une décision qui n'est fondée sur aucune logique, aucun argument solide.

Donc, pour rafraîchir la mémoire de la nouvelle ministre de la Justice, il est utile de lui rappeler que les ministres de la Justice qui l'ont précédée, à commencer par le ministre Herbert Marx, par le ministre qui l'a précédée, le député de Louis-Hébert... Et je me permets de citer un communiqué de presse, puisque la ministre nous dit: C'est une décision qui a été prise depuis plusieurs années. Alors, j'ai ici un communiqué, de Cowansville, le 15 septembre 1995. Le ministre de la Justice de l'époque, député de Louis-Hébert, «est présent pour indiquer à la population du district judiciaire de Bedford que les travaux de rénovation et d'expansion du palais de justice seront enfin bel et bien entrepris». On ne parle pas ici de fermeture, on parle ici de rénovation et d'expansion du palais de justice. Est-ce que la ministre sait lire? Si elle ne comprend pas, est-ce qu'elle peut au moins lire les documents émanant de son propre gouvernement?

J'ajoute, M. le Président, dans ce même document daté du 15 septembre 1995: «Rappelant que des décideurs du milieu se sont regroupés au sein d'un comité afin de faire valoir leurs prétentions quant à la détermination des besoins de la population de la région en matière de services judiciaires, le Comité de concertation régional de Brome-Missisquoi a permis de dégager un consensus entre tous les intervenants intéressés de près ou de loin à l'avenir du palais de justice de Cowansville. Ces derniers ont approuvé le projet proposé aujourd'hui par le ministre de la Justice.»

M. le Président, la ministre vient de nous dire qu'elle n'a reçu aucun élément négatif par rapport à la décision qu'elle vient de nous annoncer et que, depuis plusieurs années, le monde sait que ce palais de justice allait fermer. Ça, c'est son propre gouvernement qui parle.

(21 heures)

Un autre argument qu'on peut avancer, c'est sa propre lettre, datée du 16 février 1999, par laquelle elle confirme à la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi l'octroi d'une subvention de l'ordre de 10 000 $ pour «l'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice dans Brome-Missisquoi». Comment se fait-il, M. le Président, si c'est logique dans son esprit de fermer un palais de justice, du même coup, investir l'argent des contribuables – elle qui parle d'assainissement des finances publiques – dans une étude qui vise justement à évaluer la possibilité d'implanter une maison régionale de la justice? M. le Président, ça n'a aucun sens. Ce n'est pas compréhensible, ce n'est pas logique, ce n'est pas raisonnable. La ministre dit: Tout le monde est d'accord avec sa décision.

Mais alors, comment expliquer la réaction déterminante de la présidente de l'exécutif du Parti québécois de Brome-Missisquoi, Mme Pierrette Saint-Onge, qui a dénoncé la décision prise par l'actuelle ministre de la Justice? Elle l'a tellement dénoncée, elle a été tellement scandalisée qu'elle a démissionné de l'exécutif du Parti québécois. Et le titre: Je démissionne parce que le comté est abandonné par le gouvernement. La Voix de l'Est en date du 18 février 1999. Et qu'est-ce qu'on lit dans cet article, M. le Président? «La présidente du Parti québécois de Brome-Missisquoi, Pierrette Saint-Onge, dit aussi avoir eu la confirmation de deux fonctionnaires du ministère de la Justice que non seulement il n'y aura ni agrandissement ni rénovation de l'édifice de Cowansville, mais qu'il sera définitivement fermé.» La «Cour du Québec, la Cour supérieure, tout ça sera enlevé à Cowansville, et le palais de justice fermera. C'est ce que j'ai appris de source sûre», estime Mme Saint-Onge, à la suite de ses tractations avec le ministère de la Justice.

Ça, M. le Président, ce n'est pas juste l'opposition officielle qui parle, c'est son propre parti par la voix d'une militante à la base qui, elle, vit dans le milieu et, elle, sent que le milieu est derrière cette institution-là. Mais il y a plus, il y a le témoignage de Mme Suzanne Tardif, coordonnatrice d'un organisme qui oeuvre auprès des femmes victimes de violence conjugale, un organisme du nom de Horizon pour elle. Et je lis ici un texte qui a été publié, est signé par Suzanne Tardif, où on peut lire ceci: «Avec la fermeture du palais de justice, Horizon pour elle devra assumer les frais de déplacement dans les accompagnements sociojudiciaires et dans les demandes de services d'assistance juridique, donc 64 km de plus et deux heures de plus, avec quel budget?»

Ça, M. le Président, c'est une personne qui oeuvre sur le terrain, qui connaît les besoins, qui sait à quoi ça sert d'avoir un palais de justice à la portée des citoyens et qui travaille avec une clientèle qui a souvent une interaction avec le milieu judiciaire. Et qu'est-ce qu'elle nous dit? Elle nous dit que le transfert et la fermeture de ce palais de justice vont se traduire par des heures supplémentaires de déplacement, par 64 km à parcourir et surtout par quels moyens, puisque la population est démunie et que souvent les femmes victimes de violence conjugale sont dans le besoin, elles n'ont pas suffisamment de ressources pour pouvoir accéder à la justice. C'est quelque chose sur laquelle tout le monde s'entend.

M. le Président, les conséquences d'une telle décision, si le palais de justice de Cowansville ferme, sont désastreuses. Désastreuses dans la mesure où concrètement il y aurait une perte ou un déplacement d'environ 400 emplois directs ou indirects. Il y aurait des pertes financières pour les commerces locaux. Il y aurait des coûts supplémentaires au niveau du transport et des déplacements des personnes victimes, comme les femmes qui sont victimes de violence conjugale et qui n'auront pas accès à la justice par les moyens les plus rapides. Il y a également un impact au niveau du bureau de l'aide juridique en termes d'accessibilité à la justice. Et il y a également des appuis par rapport à ce projet-là qui sont arrivés de différents milieux, et je ne vous citerai que trois exemples.

Premièrement, le maire de Cowansville et préfet de la MRC Brome-Missisquoi qui écrivait à l'ancien ministre de la Justice pour lui dire: «C'est avec grande satisfaction que nous avions accueilli, lors de votre conférence de presse, votre décision d'agrandir et de rénover le palais de justice de Cowansville.» On ne parlait pas de fermeture, à ce moment-là, on parlait d'agrandir et de rénover le palais de justice. Même que la mairie de Cowansville avait offert le permis de construction qui avait été demandé. Mais on attendait toujours la décision, M. le Président.

Un autre appui du milieu: il vient du Barreau, le Barreau de Bedford. La lettre est datée du 1er février 1995, et on peut y lire: «Le 26 janvier 1995, lors d'une assemblée générale spéciale où vous avez tous été convoqués, il a été unanimement résolu, tant par les avocats du nord que du sud, de se prononcer en faveur de l'opportunité de maintenir un palais de justice complet à Cowansville.» Voilà l'avis, M. le Président, des gens qui oeuvrent dans les milieux de la justice, qui connaissent les besoins du milieu et qui demandent et qui appuient le maintien, l'agrandissement, la rénovation du palais de justice.

Il y a également, en date du 21 décembre 1996, un appui qui est venu des citoyens, 500 citoyens qui ont écrit une lettre au ministre de la Justice pour réclamer que cette institution soit rénovée et demeure près de la population, près des services. Personnellement, pour avoir travaillé auparavant avec les femmes victimes de violence conjugale, je trouve ça honteux, pour le moins que l'on puisse dire, de fermer un palais de justice qui est près de la population. Je sais quelle détresse peuvent vivre ces femmes, je sais à quel point elles ont des problèmes à connaître même l'institution de la justice, et c'est pour ça qu'il y a des organismes de femmes qui travaillent auprès d'elles pour les aider, pour les outiller pour accéder justement à la justice. Or, en déplaçant un palais de justice, M. le Président, cela veut dire qu'on les éloigne des services, qu'on les empêche d'avoir accès à une justice rapide, efficace. Ça, ça me touche personnellement, et je trouve ça regrettable que la ministre de la Justice, qui est également ministre responsable de la Condition féminine, ne puisse pas avoir un réflexe le moindrement intelligent pour comprendre cette réalité, pour la saisir et pour la traduire dans une décision qui soit acceptable par la population qui va être directement affectée par ce projet de loi.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, et parce qu'il y a des études qui sont en cours, et parce que ces études-là n'ont pas encore été rendues publiques – on ne connaît pas encore les résultats – la logique nous commande que l'on attende d'abord que ces résultats soient terminés, que l'on sache exactement qu'est-ce que cette étude de faisabilité recommande. Et, à partir de là, il sera toujours temps de reprendre les débats, et on pourra à ce moment-là se prononcer là-dessus en connaissance de cause et en ayant tous les éléments. Alors, pour toutes ces raisons, je plaide auprès de vous, auprès de mes collègues pour l'on puisse comprendre une bonne fois pour toutes qu'il est extrêmement important que l'on décide de reporter l'étude de ce projet de loi afin qu'on ait tous les éléments au dossier et qu'on puisse se prononcer avec intelligence et compréhension. Merci.

(21 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Je vous avise que le temps actuellement pris par le gouvernement est de 36 minutes; le temps pris par l'opposition est de 34 minutes. Alors, nous cédons maintenant la parole à l'adjoint parlementaire à la ministre de la Justice et député de Drummond. M. le député.


M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, M. le Président, j'interviens relativement à la motion de report qui a été présentée par l'opposition relativement au projet de loi qui a trait au palais de justice de Brome-Missisquoi, au palais de justice de Cowansville, cette motion étant à l'effet de reporter de six mois l'étude de ce projet de loi.

D'abord, M. le Président, il y a un argument sur lequel je veux revenir, c'est l'argument qu'on nous a servi comme quoi, somme toute, en l'occurrence, on voulait faire taire le leader de l'opposition, on voulait prendre des décisions à l'endroit de sa circonscription parce qu'il pose des questions embarrassantes, nous a-t-on dit. Et on fait référence à des questions qui sont posées depuis trois semaines, un mois, en cette Chambre.

Alors, M. le Président, la décision que la ministre de la Justice a prise concernant le palais de justice de Cowansville, elle a été annoncée le 18 février 1999. Et je vous donne lecture du communiqué de presse qui a été émis à ce moment-là, et qui disait ceci – et c'est la ministre de la Justice qui parle, à ce moment-là, qui disait ceci: «Ainsi, le centre de services de Cowansville continuera d'offrir les services en matière pénale, en petites créances, les services relatifs à la protection de la jeunesse et à l'adoption, ainsi que la célébration des mariages civils. Pour sa part, le centre de Granby dispensera dorénavant, pour l'ensemble du district, les services en matière familiale, civile, criminelle et jeunes contrevenants. La réorganisation des services, qui devrait être réalisée d'ici l'automne prochain, n'entraînera aucune perte d'emploi.»

Et la ministre commençait son communiqué en disant qu'elle faisait connaître aujourd'hui – et on parle du 18 février 1999 – sa décision de procéder à une réorganisation des services de justice dans le district judiciaire de Bedford. Et la ministre ajoutait: «Ma décision est fondée sur un souci d'équilibre entre une saine gestion des fonds publics et le maintien des services à la population. C'est une question de gros bon sens. En conséquence, le ministère de la Justice n'entend pas procéder au projet de rénovation et d'agrandissement du palais de justice de Cowansville évalué à près de 8 000 000 $. Cette décision s'impose en regard de la proximité géographique des deux palais de justice qui, jusqu'à présent, doublaient les services dans un rayon de 30 kilomètres.»

Parce qu'il faut rappeler, M. le Président, qu'il y a un palais de justice à Granby, puis il y en a un à Cowansville. Ces deux palais de justice là sont situés à 30 kilomètres de distance. Le palais de justice de Granby, situé en plein coeur du district de Bedford, offre déjà tous les services judiciaires et compose avec un volume d'activités judiciaires supérieur à celui de Cowansville.

Alors, ça m'apparaît important, M. le Président, de rappeler ça. Le 18 février, la ministre de la Justice, elle annonce sa décision concernant le palais de justice de Cowansville. Alors, qu'on vienne nous dire que cette décision-là de fermer le palais de justice de Cowansville est prise en raison du fait que le leader de l'opposition poserait soi-disant des questions embarrassantes... je reviendrai tantôt sur ces questions embarrassantes là – ça me fait rire un peu – relativement au ministère du Revenu, à l'effet, donc, qu'il y aurait des questions embarrassantes qui seraient posées au gouvernement. Bien, je me dis: Ça ne tient pas, M. le Président, parce que ces questions-là ont commencé depuis deux à trois semaines. On est rendu à la fin de mai, et la décision a été annoncée le 18 février 1999.

Alors, ça veut donc dire, M. le Président, que tout ce qu'on nous a dit cet après-midi à ce sujet, entre autres le député de Marquette qui a insisté tant et plus à ce chapitre, bien, je me dis, M. le Président, que c'est un ballon qui est tout à fait dégonflé. Ça ne résiste pas à l'analyse. Quand on voit quand est prise la décision, on voit bien qu'il ne s'agit pas d'un complot, de quelque façon que ce soit, contre le leader de l'opposition.

Un autre élément, M. le Président, que, à mon avis, il faut rétablir, là, c'est la confusion que l'opposition veut faire régner relativement à un palais de justice et une maison de la justice. Et l'opposition semble dire que la ministre aurait pris un engagement, somme toute, de garder ouvert le palais de justice. Et là on confond le palais de justice et la maison de la justice.

Toujours le 18 février, ce que la ministre a annoncé, M. le Président, c'est ceci. La ministre a dit, et je fais référence toujours au même communiqué du 18 février: «La ministre tient à souligner son appui à l'initiative de la Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi de procéder à une étude de faisabilité d'un projet de maison de la justice régionale. Elle a d'ailleurs acheminé un chèque au montant de près de 10 000 $, représentant la moitié des coûts de l'étude, au directeur général de la MRC, le 16 février dernier. "Je tiens à saluer l'initiative de la Municipalité régionale de comté qui, par cette étude, met de l'avant une idée originale dans le domaine de la justice."»

Alors, on voit bien, M. le Président, qu'il y a une distinction entre un palais de justice et une maison de la justice. Dans son communiqué, la ministre annonce qu'elle ferme le palais de justice de Cowansville. Par ailleurs, elle dit: Je suis prête à soutenir une initiative d'un projet de maison de la justice. C'est quoi, le projet de la maison de la justice? On en a une idée, et là je veux vous référer à une résolution de la MRC de Brome-Missisquoi. Et, encore là, je vous lis cette résolution-là qui a été adoptée par la MRC de Brome-Missisquoi le 15 décembre 1998 et qui dit ceci. C'est la résolution numéro 366-1298 qui dit: «Étude de faisabilité d'une maison de la justice, demande d'aide financière au ministère de la Justice.

«Considérant que la MRC a déposé une demande d'aide financière de 9 715 $ au ministère des Affaires municipales dans le cadre du programme de mise en commun des services afin de réaliser une étude de faisabilité d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi;

«Considérant que cette étude coûtera 19 430 $ et qu'elle permettra d'étudier différents scénarios pour regrouper sur une base régionale les services de cour municipale, de greffe municipal et de cour et tribunaux administratifs de juridiction provinciale.»

Alors, c'est ça qu'on entend, M. le Président, c'est une initiative de la MRC qui voudrait conserver certains services judiciaires, et ces services judiciaires ont lieu à la cour municipale, un greffe de cour municipale et aussi les tribunaux administratifs de juridiction provinciale. Alors, on est loin d'un palais de justice où on retrouve un greffe et un plumitif de la Cour supérieure, un greffe et un plumitif de la cour du Québec, la chambre criminelle, la chambre de la jeunesse. Ce n'est pas du tout la même chose. On voit que c'est une initiative pour avoir peut-être certains services, mais en matière municipale.

Et là la résolution dit: «En conséquence, il est proposé par Gilles Lavoie, appuyé par Arthur Fauteux, et résolu de demander au ministre de la Justice une aide financière de 9 715 $, représentant 50 % des coûts de l'étude de faisabilité d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi.»

Donc, M. le Président, il n'y a pas place à confusion, là. La ministre n'a pas annoncé que peut-être elle garderait un palais de justice ouvert à Cowansville. Ce qu'elle a annoncé, elle a dit: On ferme le palais de justice de Cowansville. Dans un premier temps. Et, dans un deuxième temps, ce qu'elle dit: Si la MRC veut faire une étude de faisabilité concernant la possibilité d'une maison de la justice avec certains services de juridiction municipale, je suis prête à subventionner ça. L'autre élément aussi qui est important, l'engagement de la ministre, ce n'est pas à l'effet d'ouvrir une maison de la justice, c'est à l'effet de financer à 50 % une étude de faisabilité. Alors, qu'est-ce que l'étude de faisabilité va donner en bout de piste? On verra. Peut-être que l'étude de faisabilité dira: Bien, non, ça ne résiste pas à l'analyse. Peut-être qu'elle dira: Oui, c'est une bonne chose. On prendra une décision quand on en sera rendu là. Mais ce n'est pas là qu'on en est rendu.

Maintenant, M. le Président, toujours sur la motion de report, ce qui me fait le plus rire dans cette motion-là, c'est qu'on dit: On veut reporter ça de six mois. On a annoncé la décision il y a quelques mois déjà, le 18 février 1999, et on veut reporter ça de six mois.

(21 h 20)

J'entendais, cet après-midi, le député de Saint-Laurent qui nous disait que plusieurs ministres, antérieurement, avaient pris des engagements par rapport au palais de justice de Cowansville, et là il faisait référence à Herbert Marx, qui a été ministre de la Justice et qui aurait pris un engagement, en 1985, par rapport au palais de justice de Cowansville. Si on se rappelle, M. le Président, les libéraux ont été élus en 1985 et ils ont été au pouvoir jusqu'en 1994. Lui, Herbert Marx, il prend un engagement comme ministre de la Justice par rapport à ce palais de justice là de Cowansville en 1985. En 1994, lorsqu'ils ont été renvoyés dans l'opposition, ce n'était pas fait. Je pense que ça été assez reporté, M. le Président.

Et toujours le député de Saint-Laurent nous dit: Après Herbert Marx, il y a eu aussi Gil Rémillard qui... Je pense qu'il nous a parlé d'un engagement pris en 1989. Gil Rémillard a succédé comme ministre de la Justice à M. Marx. Gil Rémillard aurait pris un engagement aussi par rapport au palais de justice de Cowansville en 1989. Ils sont au pouvoir jusqu'en 1994, alors, sur une période de neuf ans, il ne s'est rien fait par rapport au palais de justice de Cowansville. Moi, je pense qu'on a assez reporté, M. le Président.

Mais qu'est-ce qu'il faut conclure de ça? Qu'est-ce qu'il faut conclure du fait que, durant neuf ans, les ministres de la Justice libéraux ont pris des engagements par rapport au palais de justice de Cowansville et ne les ont pas réalisés? Bien, de deux choses l'une, soit que les libéraux n'étaient pas capables de respecter leurs engagements – je pense qu'il y a probablement un peu de vrai là-dedans – ou ils n'y croyaient pas dans le projet du palais de justice de Cowansville. Et je pense que c'est les deux, probablement, mais c'est probablement plus que les libéraux eux-mêmes ne croyaient pas dans le fait d'investir dans un palais de justice à Cowansville, un palais de justice qui, je le répète... Et c'est là-dessus que se base la décision fondamentalement, c'est que vous avez un même district judiciaire, qui est le district judiciaire de Bedford, vous avez le chef-lieu, c'était Cowansville, vous aviez Granby puis vous aviez deux palais de justice pour desservir une population qui gravite autour de ces deux villes-là.

Moi, je pense que, si on parle d'une saine gestion des finances publiques, si on parle d'assainissement des finances publiques, il y a lieu de rationaliser, et ça n'a aucun sens, effectivement, qu'on se retrouve avec ces deux palais de justice situés à autant de proximité. Je me rappelle, M. le Président, une des premières fois que j'étais allé plaider à Cowansville, j'étais resté surpris de voir que, à si peu de distance, il y avait deux palais de justice pour un même district judiciaire. C'est comme si dans Drummond on se retrouvait avec deux palais de justice, un dans la ville de Drummondville puis un à l'autre bout de la MRC de Drummond. Qu'est-ce que les gens diraient? Les gens diraient: Bien, voyons, ça n'a pas de sens. Bien, c'est ça, ça n'a pas de sens. C'est un anachronisme de l'histoire, M. le Président, puis qu'on est en train de corriger.

En fait, quand on regarde l'histoire du district judiciaire, auparavant, le chef-lieu – et c'est encore ça, mais c'est ça qu'on veut corriger – c'était Cowansville. Il y avait un palais de justice juste à Cowansville. Mais, Granby est une ville beaucoup plus populeuse, il y a un palais de justice qui s'est construit à Granby dans les années quatre-vingt, puis tranquillement les affaires judiciaires se sont déplacées vers Granby, de sorte que maintenant, à l'heure où on se parle, trois quarts des affaires judicaires de ce district-là se font à Granby, les trois quarts des causes se plaident à Granby, que ce soit en matière civile, que ce soit en matière matrimoniale, que ce soit en matière criminelle.

Alors, là, on voudrait maintenir un palais de justice dans Cowansville, alors qu'il y a seulement 30 kilomètres de distance entre ces deux palais de justice là. Moi, je pense que faire cela, ce serait une décision tout à fait irrationnelle. Peut-être que ça aurait pu être envisagé différemment si le palais de justice de Cowansville était toujours ouvert puis qu'il était toujours en place, mais ce n'est pas ça, il est fermé depuis cinq ans. Le réouvrir, M. le Président – parce que le palais, il est fermé depuis cinq ans, il n'y a plus d'opérations là, il n'y a rien qui se passe dans le palais de justice de Cowansville, il y a certains services qui sont fournis à partir d'ailleurs – ça coûterait plus de 5 000 000 $.

Est-ce que, si on parle de saine administration, si on parle de saine gestion, ça a du sens d'aller faire un investissement comme celui-là, alors que les services judiciaires sont disponibles à 30 kilomètres de là puis dans un même arrondissement, puis une population qui gravite autour de ces deux villes-là? Moi, je soumets que ce serait tout à fait irrationnel d'investir ces montants-là pour maintenir cet autre palais de justice là, et c'est ça la décision qu'on prend. On n'a pas d'intentions à l'endroit du leader de l'opposition parce que c'est son comté. Comme a dit la ministre, ça, c'est de la fabulation. On a vu que, de toute façon, les faits ne soutenaient absolument pas cette argumentation-là.

Maintenant, M. le Président, un autre élément aussi que je veux mentionner, et ça me fait sourire un peu... C'était le député de Marquette qui insistait beaucoup là-dessus quand il disait: Bien, on pose des questions embarrassantes, puis on veut, somme toute, se venger à l'endroit du leader de l'opposition. Bon. Alors, je dis: Ça, ça n'a pas de sens, la décision a été prise bien avant, premièrement. Mais les questions embarrassantes, ce que l'opposition appelle des questions embarrassantes, c'est des questions qu'ils posent relativement au vice-premier ministre et ministre du Revenu par rapport à certains renseignements qui ont été fournis au Bureau de la statistique du Québec, et ça, ils considèrent que c'est des questions embarrassantes.

Je les regarde faire tous les matins à la période de questions, les libéraux, et l'image que j'ai toujours en tête, c'est comme s'ils avaient un pétard mouillé dans les mains puis que, à chaque matin, ils essayaient de le rallumer. Puis il ne se rallume pas, le pétard, puis ça n'avance pas plus, leur affaire, puis la période de questions finit, puis le pétard, il est toujours aussi mouillé qu'il l'était au début. Et c'est le même scénario. Et puis là on prend les grands moyens pour l'allumer, le pétard, M. le Président, parce que, là, la question commence par la députée de Beauce, puis là il y a un certain crescendo pour mettre de l'emphase et dire: On va montrer qu'il y a quelque chose de sérieux là-dedans, et là il y a une certaine gradation qui se fait, et là c'est le critique en matière de justice qui pose la question, puis après ça on s'en va au leader adjoint, puis après on s'en va au leader en chef, puis après ça c'est le chef de l'opposition qui arrive. Mais le pétard, en bout de piste, il est toujours aussi mouillé, et ça finit toujours en queue de poisson, comme on le fait depuis trois semaines.

Ce qui est assez étonnant de voir là-dedans, M. le Président, c'est que l'opposition semble fière d'elle-même. C'est ça qui est assez déconcertant, de voir qu'ils passent autant de temps sur cette question-là, de voir qu'ils ne marquent pas plus de points, qu'à peu près tous les observateurs de la scène politique, tous les commentateurs de la scène politique répètent à satiété qu'il n'y a rien là puis qu'ils perdent leur temps. Mais, eux, ils continuent avec leur pétard mouillé, puis là ils s'imaginent que c'est tellement bon qu'ils en sont rendus à voir des complots de notre côté par rapport à ces questions-là. Mais ça, la ministre a parlé de fabulation, j'entends quelqu'un qui parle de paranoïa; moi, je pense que, effectivement...

Une voix: Ça se soigne.

M. Jutras: ...il y a un grave problème, et c'est à se demander si ça se soigne, comme me suggère un de mes collègues. Je pense que ça ne se soigne pas, mais, en tout cas, on va les laisser, M. le Président, à leur fabulation puis on va les laisser à leur imagination. Mais je trouve ça malheureux qu'on perde autant de temps sur des questions comme celles-là.

Maintenant, aussi, M. le Président, toujours sur la question du report, moi, je connais bien le milieu judiciaire. J'ai parlé à des avocats de ce district-là, du district de Bedford, et, pour eux, c'est une évidence que ça se fasse parce que les finances publiques... Et l'État québécois n'est plus géré maintenant de la façon dont il était géré du temps des libéraux. Du temps des libéraux, on le sait, c'était mal géré, on allait de déficit en déficit. On a connu le déficit record de l'histoire du Québec. Ils prévoyaient un déficit de 1 000 000 000 $; ils le doublaient. Ils prévoyaient un déficit de 2 000 000 000 $; ils le doublaient. Mais ce n'est plus comme ça que ça marche, maintenant, au Québec. On a décidé que dorénavant on vivait selon nos moyens, de sorte que des décisions comme il pouvait s'en prendre avant, il ne s'en prend plus. Maintenant, on agit avec rationalité, on agit en regardant les argents que nous avons et on agit en prenant des décisions saines, des décisions qui ont du sens.

(21 h 30)

Dans le cas présent, M. le Président, c'est tout simplement une question de gros bon sens. C'est une question de gros bons sens et, surtout, ce qu'il faut dire, en plus, c'est : Non seulement ce palais de justice là est fermé depuis cinq ans – faut le rappeler, et le rouvrir, ça coûterait 5 000 000 $ – mais on a un palais de justice qui est tout juste à côté, qui peut offrir les services. Mais il ne faut pas oublier aussi qu'il y a quand même certains services qui vont être maintenus à Cowansville: on va encore offrir les services des petites créances, on va encore offrir les services des petites créances, on va encore offrir les services en matière pénale, on va encore offrir les services en matière de protection de la jeunesse. Alors, on va offrir les services de base, des services d'ordre minimal. Mais, par contre, pour ce qui est de la Cour supérieure, pour ce qui est de la Cour du Québec, pour ce qui est de la chambre criminelle, les gens se rendront à Granby. Puis c'est ce que vivent bien des gens à travers le Québec, M. le Président. Il y a nombre de districts judiciaires au Québec...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...

M. Jutras: Je vous remercie, M. le Président, de m'indiquer le temps qu'il me reste. Alors, il y a nombre de districts judiciaires, M. le Président, au Québec, qui sont beaucoup plus vastes que le district de Bedford, et il n'y a qu'un palais de justice. En fait, M. le Président, il y a quatre districts judiciaires au Québec présentement qui ont deux palais de justice, entre autres celui de Labelle. Mais, cependant, il y a une superficie qui est sept fois celle du district de Bedford. Vous avez le district de Saint-Maurice aussi, M. le Président, oui, il y a deux palais de justice, cependant il y a une superficie qui... La Tuque et Shawinigan, mais il y a une superficie qui est 10 fois grande comme celle du district de Bedford. Et il y a le district, aussi, d'Abitibi, il y a une superficie qui est au moins 100 fois, si ce n'est pas 200 fois, plus grande que celle du district de Bedford. Alors, sur de telles superficies, M. le Président, on peut comprendre qu'il y ait deux palais de justice. Mais, dans le cas présent où, à 30 km de distance, je le répète, seulement 30 km de distance... Les avocats du coin me disent: Ça nous prend 20 minutes, aller d'un endroit à l'autre. Alors, moi, je vous soumets, M. le Président, que ce n'est qu'une sage décision. Et d'ailleurs, les avocats de ce district-là, ce qu'ils disent, c'est que, oui, c'est normal que ça se fasse.

Et d'ailleurs, M. le Président, en terminant, ce que je dis, c'est qu'à l'assemblée du Barreau cette année, l'assemblée générale du Barreau, les avocats de ce coin-là prenaient ça pour acquis puis trouvaient ça tout à fait normal. Ils ne remettaient d'aucune façon cette décision-là en question. Ils ne disaient pas: Bien, là, non, il faudrait se repencher là-dessus. Les avocats trouvent ça tout à fait normal. Peut-être, M. le Président, qu'on va nous donner des exemples d'avocats qui protestent contre cela. Je comprends. Peut-être que l'avocat qui a son bureau à Cowansville, sur la rue principale, à côté du palais de justice de Cowansville, lui, peut-être qu'il proteste parce que effectivement ça va être un peu plus d'inconvénients pour lui. Mais les décisions qu'on prend, M. le Président, ce n'est pas en fonction d'un avocat qui a son bureau à côté du palais de justice de Cowansville, on prend les décisions en fonction de la majorité. On prend les décisions aussi en fonction de l'argent qu'on a. On prend nos décisions en fonction d'une saine administration. Et, dans le cas présent, M. le Président, c'est évident que cette décision-là, c'est une décision rationnelle, qui se défend, qui se soutient très bien, qu'il était grand temps qu'elle se prenne. Les libéraux, en 1985, auraient peut-être voulu la prendre; ils ont annoncé le contraire, mais ils ne l'ont pas fait. La même chose en 1989. Mais là, on en est rendu là.

Et ce projet de loi là, M. le Président, il n'y a pas lieu de le reporter. Il y a lieu de l'adopter le plus rapidement possible pour qu'enfin la situation soit régularisée et qu'on procède aux économies que la ministre nous a annoncées en fermant ce palais de justice là. Alors, M. le Président, je vous soumets donc que cette motion de report devrait donc être rejetée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Drummond et adjoint parlementaire à Mme la ministre de la Justice. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 16 est un projet de loi en quatre articles, quatre petits articles qui vont avoir des conséquences importantes non seulement sur les citoyens de Cowansville et de sa région, mais, M. le Président, des impacts très importants sur la région complète et sur la désertification et le début de l'abandon des régions par les Québécois, par les citoyens de cette région-là. Ça, M. le Président, c'est la suite d'un certain nombre de décisions qui ont été prises par ce gouvernement depuis quelques années.

Tout d'abord, nous avons assisté, M. le Président, à la fermeture du centre de détention. Nous avons assisté à la fermeture de l'hôpital de Cowansville; il y avait des services spécialisés qui étaient distribués, donnés à la population. Nous avons par la suite assisté, avec une certaine déconvenue supplémentaire, à la baisse des crédits alloués pour la réfection du réseau routier, comme si on voulait faire en sorte de donner une qualité moindre à ce réseau routier qui est important et primordial pour la liaison entre les différentes parties de la région.

Par la suite, nous arrivons maintenant à la fermeture du palais de justice. La ministre essaie de justifier, par toutes sortes d'arguments plus ou moins contradictoires à certains moments donnés de ses discours ou de ses allocutions, cette fermeture. Tout d'abord, je l'ai écoutée parler tout à l'heure. Elle nous disait: La décision est prise depuis longtemps. Mais, si la décision était prise depuis longtemps, pourquoi son prédécesseur, le ministre de la Justice du Parti québécois, a-t-il laissé planer, a-t-il laissé croire aux gens qu'il y aurait, lorsqu'il était ministre de la Justice, des rénovations, qu'il y aurait une reconstruction et qu'il y aurait une ouverture du palais de justice? Pourquoi avoir laissé planer ces doutes-là et ces choses-là? Pourquoi le candidat du Parti québécois à la dernière élection, un certain Raoul Duguay, lors de la campagne électorale, dans les journaux locaux, se targuait, comme promesse électorale et comme mission première, de rouvrir le palais de justice, d'ouvrir et de rénover le palais de justice de Cowansville? Pourquoi, M. le Président, si la décision était prise depuis longtemps, des officiels, des ministres et des candidats du Parti québécois, ont-ils fait ce genre de déclaration, ont-ils fait croire ce genre d'espoir aux autorités municipales et régionales? Parce que non seulement les gens de Cowansville sont à l'intérieur de cette coalition qui s'oppose à cette décision gouvernementale, mais aussi les gens de la MRC. Pourquoi?

Je vais vous le dire, M. le Président. Nous nous rendons compte qu'on assiste dans cette région... Et j'ai des difficultés à comprendre les raisons, parce que je ne crois pas, je n'aurais jamais pu croire qu'un gouvernement puisse penser ou agir pour des raisons autres que l'intérêt général d'une population. Mais il semble qu'on assiste à une offensive dirigée vers le comté de Brome-Missisquoi, le comté du leader de l'opposition officielle. Il semble que l'on se dise, en quelques officines privées: Mettons les ressources ailleurs, faisons en sorte que cette circonscription qui ne nous est pas tellement favorable, que ce soit dans les référendums, dans les élections, eh bien, après tout, mettons les ressources disponibles de l'État dans d'autres endroits.

Et ça, M. le Président, nous n'en avons pas la preuve, parce qu'aucun écrit de ce gouvernement ne le démontrera. Mais il y a comme une impression générale qui semble aller dans cette direction-là. Et, s'il s'avérait que c'est exact, cela serait certainement quelque chose d'inadmissible, et non seulement inadmissible, quelque chose de répréhensible, car, après tout, un gouvernement, lorsqu'il est élu, n'est pas élu seulement pour les gens qui l'élisent, n'est pas élu seulement pour les députés et les ministres qui, dans leur circonscription, se font élire par la majorité, il est élu pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Et, que je sache, dans la région de Cowansville, dans le comté de Brome-Missisquoi, les Québécois qui votent, quel que soit le parti pour lequel ils votent, quel que soit le candidat qu'ils élisent, sont des Québécois à part entière qui paient des taxes comme tous les Québécois et toutes les Québécoises, et peut-être plus que dans certaines autres régions. Et, à ce titre, ils ont droit aux mêmes services, ils ont le droit d'être respectés et d'être traités de la même façon que tous les contribuables québécois, qu'ils soient de comtés appartenant à la majorité gouvernementale ou à l'opposition.

M. le Président, regardons l'impact de ces coupures: plus d'hôpital, réseau routier en pleine dégradation, peu d'investissements, palais de justice fermé, centre de détention fermé. Non seulement les citoyens de ces régions-là, de ce coin-là, vont en subir les conséquences dans leur qualité de vie, vont devoir faire des kilomètres pour aller se faire soigner, pour aller attendre dans les salles d'urgence... Et Dieu sait, comme vous savez comme moi parce qu'on en parle à chaque jour en cette Chambre, on en parle à tous les jours dans les journaux du Québec, que, lorsqu'on va dans un hôpital, on attend des heures et des heures, si ce n'est pas quelquefois des nuits complètes. Eh bien, en plus de le faire maintenant comme dans beaucoup d'hôpitaux du Québec, les gens de Cowansville vont devoir le faire à l'extérieur, 30 km, 40 km plus loin.

(21 h 40)

M. le Président, les personnes, les justiciables qui vont devoir se rendre, pour obtenir justice, à 30 km, 35 km... J'entendais un député mentionner: Ce n'est pas loin, c'est 30 km. Mais 30 km pour un justiciable qui a des revenus pas tellement élevés, qui n'a pas d'automobile, qui doit se déplacer, c'est quelque chose de très important. Il ne mérite pas ça; il mérite, au contraire, que la justice soit accessible le plus rapidement possible.

Mais, surtout, le plus grave que l'on retrouve là-dedans, c'est le début de désertification des régions. On a un gouvernement qui se dit régionaliste, et qu'est-ce qu'il fait? Il coupe dans les régions, il coupe dans les endroits où ces organismes et ces institutions sont des points d'implantation de services et donc de la population. J'ai vu ça, M. le Président, dans certaines régions d'Europe, en Italie du Sud et en France, où on a commencé par couper justement l'hôpital, le palais de justice, les écoles par la suite. Et qu'est-ce qui est arrivé dans ces régions? Les gens ont changé, sont partis, et on se retrouve aujourd'hui avec des villes quasiment désertées, des villages abandonnés. Est-ce que c'est ça qu'on doit faire au Québec? Je ne le sais pas, si c'est ça qu'ils veulent faire, mais une chose est certaine, c'est ça qu'ils sont en train de faire!

Alors, M. le Président, on nous parle de 175 000 $ par année pour maintenir ce palais de justice, on nous parle de 5 000 000 $ pour le rénover. Si, lorsque le ministre de la Justice précédant la ministre actuelle était présent et qu'il avait annoncé qu'il le ferait, il l'avait fait, ça n'aurait pas coûté 5 000 000 $. Au lieu de louer des endroits ailleurs, où il y a des dépenses pour donner des services, on aurait pu mettre l'argent, rénover, reconstruire et rouvrir, premièrement.

Deuxièmement, et là je m'adresse aux gens de Brome-Missisquoi, vous savez que ce gouvernement, lorsqu'il veut de l'argent pour d'autres causes, il est capable de le trouver. On vous ferme votre palais de justice pour 170 000 $ par année, n'oubliez jamais ça, mesdames et messieurs. Par contre, quand il s'agit de faire les études Le Hir pour 6 000 000 $, on les trouve! Quand il s'agit de faire des expositions artistiques à Paris, on trouve 10 000 000 $! Et je ne parle pas de démagogie. Je ne dis pas que ce n'est pas justifié, mais, si on en trouve d'un côté pour la promotion de la culture, pourquoi pas nous trouver 170 000 $ pour donner un service direct et nécessaire à la population? Pourquoi pas trouver cet argent-là pour maintenir dans ces régions des institutions qui sont le point d'ancrage de la population et qui évitent l'exode rural, qui évitent l'exode des régions vers les grands centres?

Non, M. le Président. Ce gouvernement a certainement ou un manque de vision ou alors il a des intérêts personnels, des intérêts vindicatifs vis-à-vis du leader de l'opposition, député de Brome-Missisquoi. Il ne peut pas y avoir d'autres raisons, car comment justifier qu'on ne trouve pas 176 000 $ ou 170 000 $ alors qu'on trouve des millions de dollars? On a trouvé 800 000 $ pour faire un lancement, une campagne de Churchill Falls, avec le premier ministre, pour une compagnie de communication de Montréal. Il était facile, l'argent, à trouver, là. Un lancement de campagne hydroélectrique qui a foiré, qui n'a pas marché. Gaspillage d'argent! Eh bien, avec ça, on aurait pu tenir ouvert pendant cinq ans le palais de justice de Cowansville. Alors, l'argument financier invoqué par la ministre ne tient pas debout. La vraie raison, c'est que l'on...

Une voix: ...

M. Gobé: On n'a pas de vision. Et je croirais qu'ils n'en ont pas, M. le Président, de vision. Ils ont une vision rétrécie de la société québécoise. Ils ont une vision éminemment partisane, axée sur les régions dans lesquelles ils veulent faire des gains pour le référendum. Ils dégagent des moyens, ils dégagent des marges de manoeuvre financières en fermant dans les circonscriptions et les régions où ils savent qu'ils ne gagneront pas et qu'ils n'ont jamais gagnées pour aller les investir ailleurs où ils espèrent faire des gains dans le grand rendez-vous qu'ils promettent aux Québécois depuis 20 ans et qui nous a appauvris, qui nous a amenés à reculer par rapport au reste du Canada puis au reste de l'Amérique du Nord. Voilà les vraies raisons.

Maintenant, ils n'aiment pas ça qu'on leur dise ça, ça les dérange, mais, un jour, les Québécois vont se réveiller et ils vont être démasqués, et, ce jour-là, on verra le recul qu'ils ont fait prendre à la société québécoise et nous verrons tout ça ensemble, que, si ça n'avait pas été de ces attitudes, de ces comportements, le Québec serait aujourd'hui une société prospère, en avance, qui aurait la place que Montréal avait lorsque ces gens-là n'étaient pas au pouvoir encore: Montréal, métropole, capitale du Canada, porte d'entrée de l'Amérique du Nord. Non, le comportement mesquin, la vision rétrécie qu'ils ont axée sur le but, sur l'obsession qu'ils ont d'arriver à une indépendance, qui date des années soixante et qui maintenant est rendue un peu obsolète en tenant compte des changements continentaux que nous connaissons tant au niveau économique que politique... Et voilà, M. le Président, ce qui sous-entend...

Et voilà pourquoi les gens de Cowansville se font fermer leur palais de justice, se font fermer leurs hôpitaux. J'aurais cru, M. le Président... Moi, je sais qu'il y a des députés ici, en cette Chambre, qui sont des députés qui ont à coeur leur circonscription, qui ont à coeur leurs citoyens, et quelquefois les députés, ici, j'en ai vu, de ce côté-là, aller manifester parce qu'on fermait leur hôpital. J'en ai vu se plaindre parce qu'on fermait leur centre pénitentiaire. J'en ai vu se plaindre parce qu'on coupait la Sûreté du Québec dans leur circonscription, des députés d'en face, du Parti québécois. Et, aujourd'hui, certains se lèvent et se targuent de faire des discours pour justifier qu'on coupe chez un collègue parce qu'il est d'en face.

Deux poids deux mesures. Lorsqu'on ferme un hôpital dans la région de Québec ou dans d'autres régions et que c'est une circonscription du Parti québécois et que même les députés de cette formation se lèvent pour dénoncer leur ministre en Chambre, on trouve ça normal. Mais, lorsqu'il s'agit du député de Brome-Missisquoi, on se lève et là on essaie de faire des discours pour essayer de justifier l'injustifiable. D'autant plus que deux ministres, la ministre des Affaires municipales et la ministre de la Justice, ont donné des sommes d'argent pour faire une étude de faisabilité sur une maison de la justice, et, avant même que l'étude soit rendue publique, avant même qu'elle soit terminée, on décide, on passe une décision, on passe le couperet, quatre articles d'un projet de loi qui mettent fin aux espoirs de toute une population, avant même d'avoir reçu les résultats de ce pour quoi ce gouvernement a payé comme étude.

Alors, M. le Président, s'ils ont un peu encore de respect pour les citoyens, s'ils ont du respect pour l'argent qu'ils ont dépensé pour cette étude de faisabilité, eh bien, ils vont accepter une motion de report, ils vont accepter que nous reportions ce projet de loi là au moins après que nous ayons eu publiquement ici, pour justifier la dépense de fonds publics qui a été faite pour l'étude de faisabilité sur la maison de la justice dans cette région-là... Ils vont accepter au moins d'attendre que nous ayons eu le rapport. Et, si le rapport et l'étude de faisabilité démontraient que ce n'était pas possible, bien, nous verrons à ce moment-là peut-être d'autres choses, mais, pour l'instant, nous ne le savons pas. Et, s'ils n'attendent pas, c'est un autre gaspillage de fonds publics, M. le Président, et ça justifie grandement la demande de motion de report.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons maintenant céder la parole au député de Nelligan, en lui rappelant qu'il reste à sa formation politique un temps de parole de 13 minutes. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai voulu faire une intervention sur la motion de report sur le projet de loi n° 16, mais, avant de faire ça, il faut que je rappelle qu'est-ce que j'ai entendu par la ministre de la Justice aujourd'hui. J'étais enragé, choqué.

Une voix: ...

M. Williams: Attends, là. Attends, là.

La ministre a dit que ça confirme noir sur blanc que non seulement on fabule dans cette Chambre, mais qu'en plus on fait de l'Alzheimer. Elle a ridiculisé des patients. Elle les a ridiculisés, et vous avez ri aussi. Vous avez montré un non-respect pour les personnes atteintes d'Alzheimer. Hier, dans cette Chambre, la ministre de la Santé a refusé de rembourser le seul médicament disponible pour les personnes Alzheimer, et ce soir elle se moque. Elle se moque des patients, de ça. C'est inacceptable, M. le Président, et ce soir je veux demander une excuse. Je veux demander qu'elle s'excuse à nous, mais plus particulièrement aux 50 000 familles québécoises qui sont touchées par cette terrible maladie. Peut-être que ce côté de la Chambre trouve ça humoristique de faire des blagues comme ça, moi, je trouve ça inacceptable. Dans 24 heures, dans cette Chambre, un, le gouvernement refuse le seul médicament disponible au pays pour améliorer la qualité de vie de ces patients, et ce soir il fait des blagues. Moi, je trouve ça complètement inacceptable, et j'ai voulu certainement m'assurer que la population comprenne ce non-respect et ce comportement inhumain de traiter les personnes comme ça. M. le Président, de ridiculiser les personnes qui sont atteintes de maladies comme ça, c'est inacceptable. J'espère que je vais avoir une excuse de la ministre de la Justice.

(21 h 50)

M. le Président, c'est assez clair que ce projet de loi, c'est un règlement de comptes. C'est un règlement de comptes du Parti québécois contre les comtés qui ont voté libéral. Sept sur huit comtés dans l'Estrie sont libéraux. Mais, M. le Président, vous pouvez questionner: Est-ce qu'un exemple, ça fait la règle? Laissez-moi dire un deuxième exemple. Dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, 13 sur 13 comtés sont libéraux, 13 sur 13. Qu'est-ce qu'ils ont fait l'année passée? Ils ont fermé le Tribunal de la jeunesse. Ils ont fermé le tribunal des petites créances. M. le Président, c'est inacceptable comme comportement. Effectivement, c'est clair et net, c'est un règlement de comptes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Vous trouvez ça comique? S'il vous plaît, M. le Président, tous les autres députés, ils ont eu une chance de parler sur cette motion de report. Ils ont choisi de rester sur le banc, sauf un. Il n'a pas voulu défendre le ministre, parce qu'il sait que ce que nous sommes en train de dire, c'est vrai. Il sait ça. C'est pourquoi vous n'avez pas eu le courage de vous lever et défendre le ministre dans cette affaire-là, parce que vous avez honte. Vous avez honte pour le projet de loi et aussi sur les discours et les sorties de la ministre de la Justice contre les personnes Alzheimer. Je comprends ça. Avec ça, s'il vous plaît, mesdames et messieurs, j'espère que, pendant le vote, vous allez avoir le courage de respecter vos principes et respecter les gens, parce que, clair et net, c'est un règlement de comptes: un règlement de comptes pour les comtés libéraux et aussi un règlement de comptes quand on embarrasse le gouvernement, il arrive avec des fermetures comme ça.

M. le Président, j'ai entendu tout ça la dernière fois avec la fermeture du Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île de Montréal: Ils vont sauver de l'argent. Ils n'ont sauvé absolument rien, comme ici. La ministre de la Justice a dit qu'elle va sauver 160 000 $ par année. J'émets un fort doute. Mais, 160 000 $ par année, je pense que c'est la moitié d'une retraite prématurée encouragée par ce gouvernement pour les spécialistes. Une retraite, organisée par ce gouvernement, d'un spécialiste, ça nous coûte 300 000 $. Elle a fait ça avec les spécialistes dont on discute cette semaine, six fois 300 000 $. Et maintenant, vous savez les conséquences de cette question. Avec ça, les questions d'argent ne tiennent pas debout, M. le Président. Il n'y a aucune raison de croire ça.

M. le Président, l'accès à la justice... c'est fondamental, sur le concept de justice. Et quand nous avons besoin de nous déplacer de 30 ou 40 km de plus – ils ont utilisé cet argument chez nous aussi – ils disent: Il n'y a aucun problème. Mais ça cause un problème pour les victimes. Peut-être que le gouvernement n'acceptera pas ça, mais, dans le vrai monde, on sait que ça fait mal.

Mr. Speaker, this is a settling of accounts. This is a law that is a settling of accounts by this Government who only believes that they are there to govern for the péquistes, those who voted for the separatist obsession.

Seven out of eight ridings in the Eastern Townships are liberal, closing Cowansville Court. Thirteen out of thirteen in the West Island of Montréal, the west end of Montréal, are liberal. What did this Government do? They came with convoluted arguments and closed our Youth Court, closed le tribunal des petites créances, Small Claims Court.

Mr. Speaker, there is no way in the world that anybody believes this Government, that they're doing it for quality of services; the services are less accessible. And in Cowansville, Mr. Speaker, the services will clearly be less accessible. Do you expect somebody, a victim who has to go to Court, do you believe that their services are more accessible now that you close their court?

Le noyau du système de la justice est le tribunal. Une fois que c'est déménagé, vous savez que tous les autres services vont disparaître. J'ai vu ça dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, M. le Président. Et c'est pourquoi j'ai demandé une chance de parler aujourd'hui, parce qu'ils ont déjà fait ce mal chez nous. Et j'espère qu'ils ne feront pas la même chose à Cowansville. J'espère qu'ils vont accepter notre motion de report. On peut sortir les vrais faits. On veut laisser le comité sortir son étude, l'étude commandée par le gouvernement, qui n'a pas une chance d'être publiée encore, qui n'a pas une chance d'être finie encore.

M. le Président, je vais rappeler les faits. Dans 21 comtés... excusez-moi, M. le Président, dans un territoire qui représente 21 comtés, soit 20 comtés qui sont libéraux, ils ont fermé deux tribunaux. Moi, là, il y a une certaine tendance. Et, M. le Président, règlement de comptes, oui. Souvenez-vous, M. le Président, que, quand le Protecteur du citoyen a sorti un avis contre le gouvernement sur le projet de recherche et développement, ils ont eu une visite du chef du cabinet du premier ministre. Il a dit: À cause que vous avez sorti un avis contre le gouvernement, nous n'allons pas renouveler votre mandat. Règlement de comptes, M. le Président. Menace, M. le Président. Une menace. Oui, oui, c'est une menace, et il veut passer le message. Avec ça, M. le Président, c'est assez clair, qu'est-ce que le gouvernement est en train de faire. C'est une menace claire et nette, M. le Président. S'il peut nous convaincre du contraire, je lui souhaite bonne chance, M. le Président.

La décision, comme celle sur le Tribunal de la jeunesse, a été prise longtemps d'avance. L'étude commandée par le gouvernement, c'est une fausse étude, selon moi. La même chose dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Ils ont promis de faire les choses et de corriger les choses. Mais, non, finalement, ils ont décidé de juste fermer notre Tribunal.

Mr. Speaker, look what's happening in the Eastern Townships. This Government will not pass the access plans mandated by law for health and social services. They close a hospital in Cowansville, they deny services. Is this another trick? Is this another Machiavellian plan to reduce services for the English-speaking community? Because they are getting services in Cowansville, they are happy about getting services, there are bilingual services there. Is this another...

Because, let me tell you: They've gotten a lot more subtle in their approach, but it's very, very Machiavellian and it's very deliberate. There is a deliberate dismantling of the networks and services given to the English-speaking community: they have taken away a hospital, they're taking away a court.

If it is different, stand up and have the courage to vote against this. Stand up and have the courage to vote against Bill 16. Stand up and, at least... If you don't have the courage to do that, at least stand up and have the courage to delay the passage for six months. If you believe what you're doing is defendable and if you can prove it by the facts, allow the facts to come out.

Mais, non, vous allez utiliser votre tyrannie de la majorité. Comme d'habitude, vous allez insister... nous allons avoir le vote, et vous allez, comme d'habitude, vous assurer que tout le monde suive la ligne de parti. M. le Président, moi, je trouve ça inacceptable, qu'est-ce qui se passe ici, de fermer un tribunal comme ça. C'est en train de briser tout le noyau de la justice. J'ai vu qu'est-ce qui se passe dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, et, M. le Président, le projet de loi n° 16 montre un non-respect...

Des voix: ...

M. Williams: M. le Président, s'il vous plaît!

Une voix: ...

M. Williams: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Nelligan, il vous reste un temps de parole de deux minutes. M. le député.

M. Williams: Peut-être, M. le Président, que l'autre côté n'aime pas entendre la vérité, mais on doit dire ça pour protéger la population québécoise.

M. le Président, c'est un plan de ce gouvernement de ne pas respecter sa parole, une chose, et de ne pas gouverner pour tous les Québécois et Québécoises. C'est clair et net. Ils ont ciblé les comtés qui ont voté libéral. Dans mon opinion, ils sont en train aussi, lentement mais sûrement, de réduire les services pour la communauté d'expression anglaise. Moi, j'ai parlé souvent dans le domaine de la santé et services sociaux, mais maintenant on voit une stratégie dans la justice.

Mais aussi, M. le Président, il n'y a aucun argent que nous allons sauver dans cette affaire. La ministre a prétendu qu'elle va sauver de l'argent. Ça va coûter beaucoup plus cher pour ces victimes, beaucoup plus cher pour la police de se déplacer, beaucoup plus cher pour les victimes de se déplacer. Est-ce que la ministre de la Justice, après ses blagues contre les patients d'Alzheimer, pense que ça va vraiment rendre le système plus accessible, avec une fermeture du tribunal? Moi, je pense que c'est une mauvaise priorité. Ils ont toujours de l'argent pour le référendum. Ils ont toujours de l'argent pour leur obsession sur la séparation. Ils ont toujours de l'argent pour les conférences de presse, pour l'image des ministres. Mais ils n'ont pas d'argent pour la justice. Ils n'ont pas d'argent pour les régions. Ils n'ont pas d'argent pour les victimes.

(22 heures)

M. le Président, il me semble que c'est complètement inacceptable, et j'espère que ce court débat aujourd'hui va convaincre ce gouvernement au moins – au moins – d'accepter la motion de report, de reporter ça pour six mois, de donner la chance à tout le monde de discuter de cette question, et enfin qu'on puisse avoir un bon projet de loi qui respecte toute la population québécoise. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Ceci met fin à ce débat restreint...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, ceci met fin à notre débat restreint de deux heures sur la motion de report présentée par M. le député de Saint-Laurent. La motion se lit comme suit:

«Que l'étude du principe du projet de loi n° 16 soit reportée de six mois.»

Nous en sommes maintenant au moment de procéder au vote sur la motion de report du député de Saint-Laurent.

M. Paradis: Par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Un vote par appel nominal? Alors, que l'on appelle les députés.

(22 h 1 – 22 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place, si vous voulez vous asseoir. Si vous voulez prendre place, M. le député de Papineau. Veuillez vous asseoir. Comme vous avez le même poids que moi, je peux vous reconnaître facilement.


Mise aux voix

Je vais mettre aux voix la proposition de M. le député de Saint-Laurent, la motion:

«Que l'étude du principe du projet de loi n° 16 soit reportée de six mois.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Lemieux (Bourget), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Jolivet (Laviolette), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des abstentions? Aucune abstention.

Le Secrétaire: Pour:32

Contre:50

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Cette motion est rejetée. Nous poursuivons le débat sur le... Oui, M. le député de... Vous avez une question de règlement?

M. MacMillan: Encore une fois, selon l'article 32, encore une fois, quand mon collègue d'Anjou a été mentionné, les gens de ce côté-là ont encore nargué le député.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, moi...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Alors, nous reprenons le débat sur la motion de la ministre de la Justice pour adoption du principe...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Moi, je n'ai rien entendu, M. le député.

Une voix: Moi, je l'ai entendu.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bien, je ne l'ai pas entendu, moi. Écoutez, je surveillais cette dame qui faisait son effort pour appeler tous les députés pour la première fois et je n'ai pas entendu ces propos.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement pour vous souligner que celui qui occupait votre fauteuil lorsque le député de Papineau a fait la même remarque il y a quelques jours n'avait pas entendu la remarque non plus. Mais il s'est levé et il a rappelé à l'ordre les députés, l'ensemble des députés, rappelant les dispositions de l'article 32. Et, pendant qu'il rappelait à l'ordre les députés, ceux qui avaient commis l'infraction se moquaient du président. Vous avez simplement à relire l'article 32, et vous allez voir ceux qui se moquent de la présidence.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader de l'opposition.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! Order! J'ai passé un après-midi assez occupé. J'espère que je vais passer la fin de la journée d'une façon plus tranquille. Comprenez-vous? Alors, je n'ai pas entendu. Vous savez, j'ai travaillé pendant 17 ans à la ville de Montréal. Et ce que la jeune dame a fait aujourd'hui pour la première fois, j'étais bien plus préoccupé à suivre ce qu'elle faisait, qu'elle a bien fait, que je n'ai pas entendu les remarques. La prochaine fois, ça sera la deuxième fois, ou la troisième, ou la quatrième, je ne le sais pas, j'attirerai plus mon attention sur les comportements des députés, mais aujourd'hui ma priorité, c'était de la regarder travailler, ce que j'ai apprécié. Je m'en excuse.

Des voix: Bravo!


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député d'Orford. Alors, s'il y a des députés qui doivent aller à leur commission parlementaire, vous pouvez y aller.

Des voix: ...

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, le responsable de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford. M. le député, la parole est à vous.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, si nous sommes réunis ici ce soir, c'est pour le projet de loi n° 16 qui touche d'une façon particulière au comté de Brome-Missisquoi et d'une façon particulière à la ville de Cowansville. Il y a une institution dans la ville de Cowansville, qui est là depuis toujours, qui est un édifice avec de l'âme, un édifice patrimonial. Je veux d'abord parler de cet édifice, ensuite de la mission de cet édifice et de ce que le PQ est après essayer de faire de tout ça.

Cet édifice, il est un des très beaux édifices architecturaux du Québec, et, moi, comme porte-parole de l'environnement... Le ministre de l'Environnement ne se préoccupe pas trop des aspects architecturaux à la grandeur du Québec et d'édifices qui relèvent de notre histoire. Nous avons là un des plus beaux édifices au Québec, un des plus beaux palais de justice du Québec. Il a été partie prenante à des grands débats politiques, à des grands débats juridiques et, pour ne nommer qu'un seul des grands parlementaires et des grands juristes qui ont plaidé dans cet édifice, nul autre que le premier ministre, M. Bertrand, qui a fait toute sa carrière au palais de justice. D'ailleurs, il demeurait presque en face du palais de justice, et son épouse demeure encore d'ailleurs tout près du palais de justice de Cowansville.

M. le Président, c'est une institution là-bas. Les familles ont été mariées, les voisins se sont chicanés, les dilemmes se sont réglés, et c'est une institution qui date de génération en génération. Ce palais de justice avait aussi une particularité. C'est que, jour après jour, nous y cotoyions les deux communautés linguistiques. C'était un palais de justice où les Campbell, où les Hackett étaient aux côtés des Paradis et des Bachand, des avocats qui ont marqué la région là-bas. Aujourd'hui, nous apprenons que, sans trop se poser de questions sur les coûts – et j'y reviendrai – nous sommes après fermer ce palais de justice dans la magnifique ville de Cowansville.

C'est dans les années les plus noires de l'Union nationale qu'on se comportait de cette façon, M. le Président. On regardait d'abord les gens qui étaient dans l'opposition pour voir où on pouvait faire les économies et placer les petits amis dans les circonscriptions qui étaient plutôt du gouvernement. J'avais l'impression qu'à l'année 2000 nous avions dépassé ces dynamiques d'opposition et de parti au gouvernement. Nous sommes à une époque revenue à la noirceur de l'Union nationale. Nous avons regardé quelle était la circonscription de l'opposition et, soudainement, comme un aigle, nous nous sommes abattus sur le palais de justice de Cowansville.

Je reviendrai ensuite sur toutes les autres institutions de la ville de Cowansville que nous avons fermées ou que nous avons l'intention de fermer, M. le Président. Il y a une étude d'impacts économiques ici en ma possession; je vous les lirai un peu plus tard. Il y en a une pleine page, d'organismes gouvernementaux que ce gouvernement a fermés depuis qu'il est au pouvoir. Maurice Duplessis aurait eu honte de faire ça. Nous sommes dans les années les plus noires de la démocratie de la province de Québec. C'est là que nous sommes, M. le Président.

Cet édifice était un édifice patrimonial, et ces gens-là se gargarisent de notre histoire, de notre patrimoine. Nous avons là un édifice, une architecture, une histoire, et nous allons fermer ça. Demandez-leur ce qu'ils vont faire de cet édifice, ils n'en ont aucune idée. Ils le laisseront tomber en ruine, alors qu'une histoire a été écrite depuis des générations, des décennies, M. le Président.

J'écoutais la ministre de la Justice nous dire un peu plus tôt ce soir que tout le monde était d'accord là-bas. Il n'y avait pas de problème, elle avait appelé tout le monde. Ils étaient tous d'accord. Il y en a même qui l'aurait félicitée d'avoir fermé ça. Je ne sais pas si elle a parlé aux mêmes gens que nous, M. le Président, parce que... Oui, ma résidence est dans le comté de Brome-Missisquoi. Je suis le député d'Orford, mais je suis aux limites de Brome-Missisquoi. Donc, j'ai eu à oeuvrer dans ce palais de justice. J'ai eu à aller à l'hôpital de Brome-Missisquoi. Mon épouse a accouché là, ma fille vient d'accoucher là. J'ai participé à la vie politique, culturelle, économique de la région là-bas. Et je connais pas mal de monde.

Et, quand le bâtonnier, M. Monk, est venu me rencontrer, le bâtonnier là-bas, c'est-u drôle, lui, il ne m'a pas dit qu'il était d'accord, comme la ministre nous l'a dit. Loin de là. Quand j'ai rencontré le préfet et le maire de Cowansville, ils ne m'ont pas indiqué qu'ils étaient d'accord avec ça. J'étais chez un encanteur il y a quelques semaines, et l'encanteur – vous les connaissez, ces bons encanteurs dans les milieux ruraux, ils jasent pas mal pendant les encans – il a fait une sortie toute en trois dimensions nous disant comment il n'était pas d'accord, et les gens dans la salle, à l'encan, il y avait 400, 500 personnes – le député de Brome-Missisquoi sait de qui je parle quand je parle d'un encanteur dans ce coin-là – il n'y avait pas grand monde qui était d'accord avec la fermeture du palais de justice. D'ailleurs, il y a eu des chaînes de lettres auprès de la ministre, 500 lettres qui ont été envoyées, émissions de radio, etc.

Alors, quand la ministre nous dit que les gens là-bas, ils l'ont presque félicitée, il faudrait en enlever la moitié et en enlever encore un petit peu, M. le Président, parce que, dans la vraie vie, ce n'est pas pantoute ça qui s'est passé. Quand elle dit que tout le monde est d'accord, je ne sais pas où est-ce qu'elle prend ça? La présidente du PQ, M. le Président, la présidente du PQ – on s'est bien compris, pas la présidente du PLQ, la présidente du PQ – a démissionné au mois de février pour démontrer comment elle n'était pas d'accord.

Des voix: ...

M. Benoit: Je vois qu'il y a des membres ici qui veulent parler en même temps que moi, des membres du gouvernement, M. le Président. Ils ne sont pas d'accord que des gens ont exercé un geste libre et réfléchi pour s'opposer à ce que le gouvernement était après faire. La présidente du PQ dans Brome a démissionné. Elle a dit: Moi, je ne peux pas accepter qu'on ferme une institution comme celle-là à Cowansville.

Alors, quand la ministre nous dit que tout le monde est d'accord, M. le Président... C'est tellement pas vrai que tout le monde est d'accord que le ministre de la Justice avant elle ou avant l'autre est allé annoncer 9 000 000 $, en 1995, puis annoncer 9 000 000 $ pour ouvrir, entretenir. Il disait: Seront enfin bel et bien entrepris, en parlant de la construction, pour 9 000 000 $, le 15 septembre 1995. Alors, quand elle nous dit que tout le monde est d'accord avec la fermeture, il faudrait peut-être qu'elle aille voir le ministre de l'Environnement actuel, qui, lui, en tout cas, n'était certainement pas d'accord le 15 septembre 1995. Il a annoncé 9 000 000 $ et puis il a fait des beaux communiqués de presse. Vous savez comment le PQ peut faire des beaux communiqués de presse, ça d'épais, M. le Président, ils en envoient. On reçoit ça, on ne sait plus quoi faire. Et, finalement, seront enfin et bien entrepris les travaux.

La ministre de la Justice nous dit: Tout le monde est d'accord avec la fermeture de ça. Bien, moi, je vous dirai que, comme citoyen – oubliez que je suis un député – de cette région administrative, juridiquement, j'ai eu à aller témoigner. J'ai été invité comme témoin dans des causes, des causes de divorce où j'étais conseiller financier pour une partie. Et la qualité de ce palais de justice, la qualité des gens qui étaient là, la qualité des services qui ont été donnés, M. le Président, n'avaient pas de pareille à la grandeur du Québec. Et c'est avec beaucoup de peine finalement que je vois une autre de nos institutions fermer au Québec. Et ça, c'est le PQ qui devra l'emporter.

Mais j'irai plus loin que ça. Vous savez, ces gens-là, ils nous parlent constamment des régions. Ah! ça, là... Dans le dernier budget, on a donné de l'argent à notre ami M. Proulx pour Solidarité rurale. On se gargarise: les grands discours sur les régions. Moi, j'ai fait toute une campagne électorale. Ils sont venus à Magog, ils sont venus à Coaticook, ils sont venus partout nous parler des régions, comment c'était important, les régions, comment il fallait investir dans les régions, comment il fallait mobiliser le monde des régions, comment il fallait arrêter de fermer le milieu rural dans les régions, comment il fallait se prendre en main dans les régions. J'ai tout entendu ça, moi, pendant la campagne électorale. Puis, pendant ce temps-là, il y avait le grand prêtre M. Proulx qui leur disait de continuer, puis ils donnaient de l'argent à M. Proulx pour qu'il dise ça. Puis ils sont venus, ils ont fait des colloques. Moi, j'ai assisté à ces colloques-là. Le grand dogme des régions.

Je vois le ministre des Régions, qui était ici tantôt. J'aimerais ça, l'entendre, lui, nous faire un discours tantôt. J'aimerais ça que le ministre des Régions vienne nous dire ce qu'il pense de ça dans nos petites villes. Moi, je pensais que la décentralisation, M. le Président, on prenait des affaires des grosses villes, Montréal, Québec, puis on les envoyait dans les petites municipalités. À soir, j'ai la révélation: la décentralisation pour le PQ – j'avais compris ça à l'envers, M. le Président – on prend ça des petites villes, comme Cowansville, puis on envoie ça dans les grosses villes. C'est ça, la décentralisation. C'est ça, la solidarité rurale. On ferme les petites villes, on ferme toutes les retombées économiques dans nos petits milieux puis on envoie ça dans les plus grosses villes.

(22 h 30)

Puis, à la prochaine élection, ces gens-là vont venir encore chanter sur toutes les estrades comment c'est important, le milieu rural, comment il faut donner de l'argent à M. Proulx pour Solidarité rurale, pour sauver nos écoles. Il y a un député qui a essayé d'en sauver une école de rang. Ils en ont sauvé rien qu'une, M. le Président, les autres, le nouveau ministre de l'Éducation, il est tout après les fermer sans exception. Puis ils ont dit que, là-dessus, il n'y en aurait pas d'autres règles. Dans mon propre comté, j'apprends hier qu'on va en fermer une l'année prochaine, dans la magnifique ville de Fitch-Bay. Alors, là, on va la fermer. C'est ça. C'est ça, la chanson, M. le Président, du développement des régions.

Quel est le coût économique de fermer, dans les régions, des choses comme celles-là? Bien, imaginez-vous donc que, là comme ailleurs, il y a eu des études de faites, et celle-là, elle a été réalisée par Gilles Roy, licence en commerce et administration, et d'une compagnie qui s'appelle Managec, qui sont des conseillers en management et en économie, pour le CRD de Brome-Missisquoi, conseil régional de développement qui regroupe, comme vous savez, M. le Président, avec votre expérience politique, tous les intervenants du milieu; une étude, d'ailleurs, qui a coûté beaucoup d'argent, une étude qui comporte une quarantaine de pages. Je vais aller immédiatement à la conclusion, M. le Président, qui est le point le plus important de ce que je veux dire ici ce soir.

Quand on ferme une institution comme le palais de justice de Cowansville, on désorganise beaucoup de choses dans un milieu, mais on désorganise aussi ce qu'il y a de plus profond, probablement, le tissu économique. Moi, je suis toujours impressionné de voir qu'un petit bureau de comté comme le mien, dans une ville comme Magog, ce que ça peut reconnaître comme retombées économiques. Des gens viennent nous voir dans nos bureau de comté d'une autre partie de la province, d'une autre partie du comté, ils vont manger dans la ville de Magog, ils vont acheter du gaz à Magog, ils amènent leurs enfants, leur épouse magasiner. Alors, il y a toute une vie économique parce qu'il y a un bureau... Juste un petit bureau de député, M. le Président, il y a un paquet de retombées économiques à l'entour de ça. Imaginez-vous, quand on ferme un palais de justice, maintenant, quel peut être le coût de ces retombées économiques là.

Alors, cette étude dit: «Depuis cinq ans, le gouvernement du Québec a procédé à des rationalisations dans ses services à la population qui ont eu et auront des impacts importants sur la vie économique, sociale et politique sur le territoire de la MRC de Brome-Missisquoi. Les transferts ou fermetures de services gouvernementaux suivants ont entraîné et vont entraîner la perte pour la région ou le déplacement de plus de 400 employés.»

Cowansville, ce n'est pas la ville de Boston, c'est une petite municipalité, un tissu relativement fragile, M. le Président, une ville où l'économie a été changée, à un moment donné, du textile vers d'autres industries. Une population vieillissante, une ville qui est entourée d'une population anglophone grandement vieillissante, donc un tissu fragile. On perdra 400 emplois, et je vais vous énumérer la liste tantôt. Et ce n'est pas... Comme disait Gérard D. Levesque, «les belles maisons dans mon comté». Gérard D. Levesque disait souvent ça. «Les belles maisons dans mon comté de Bonaventure», c'était le directeur de l'hôpital, c'était le directeur du CLSC, c'était le directeur de la grosse école, c'était le directeur de la commission scolaire. Ce sont des beaux salaires, ça, M. le Président, dans une région et dans une ville comme Cowansville.

Alors, les gens qui ont perdu leur emploi ou qui sont transférés, même si les grands chantres du développement rural, la Solidarité rurale, sont venus nous dire combien c'était important, bien, le PQ ne les a pas entendus, M. le Président. Ils ont d'abord fermé la direction territoriale de Cowansville du ministère des Transports, 73 emplois; ils ont fermé les bureaux administratifs de la commission scolaire d'Avignon, 20 emplois; ils ont fermé la commission scolaire des Rivières, 12 emplois, ou transférés; la commission scolaire protestante du district de Bedford, cinq emplois; le Centre de services judiciaires de Cowansville, 13 emplois; le changement de vocation de l'hôpital Brome-Missisquoi–Perkins suite au déplacement du centre de traumatologie, 230 emplois, M. le Président; la Gendarmerie royale, cinq emplois; le Centre de détention provinciale, ça, c'était gros, 45; l'aide juridique, cinq, M. le Président. Pour un total de 400 emplois. C'est énorme dans une ville comme Cowansville.

Peut-être qu'à Montréal... Les ministres qui ont pris ces décisions-là viennent de Montréal et de Québec. Dans des villes où il y a millions de population, 400 emplois, c'est peut-être pas si important que ça. Au Québec, on semble se gargariser avec des taux de chômage de 10 % et 11 %. Alors que l'ensemble de l'Amérique est à 4 %, l'Ontario est à 6 %, 7 %, nous, on est encore à 10 %, 11 %. Mais, on perd 400 emplois comme ça, bah, ce n'est pas si grave que ça. Pourquoi on s'énerverait avec ça, M. le Président? Ça semble être un peu ce qui se passe de l'autre côté.

Et là je vous ai parlé des conséquences économiques du privé, M. le Président, mais, à chaque fois que vous fermez du public, il y a des conséquences sur le privé. Alors, à cela s'ajoute le déplacement vers Granby de cinq professionnels et employés de bureaux privés de huissiers, directement touchés par le déplacement des services judiciaires de Cowansville. Les pertes de salaires pour les trois autres services s'élèvent à 4 100 000 $. À Cowansville, c'est 4 100 000 $, M. le Président, dans une année, de salaires qui ne rentreront pas. Le manque à gagner pour les commerçants locaux est de plus de 1 000 000 $.

Moi, j'invite la ministre de la Justice à venir faire du porte en porte avec le député de Brome et moi, sur la rue principale, à Cowansville, qu'elle vienne expliquer ça quand elle dit que tout le monde, dans son discours euphorique tantôt, là, pour se faire applaudir par ses amis, quand elle disait que tout le monde était d'accord avec ça. Moi, je l'invite, je la mets au défi, M. le Président... Je l'ai fait, ce comté-là, rue après rue, en 1980, au référendum. D'ailleurs, on a gagné très fortement. Nous autres, on veut rester dans la fédération canadienne. On a gagné très fortement à Cowansville. Je l'invite à venir faire du porte en porte chez les commerçants, puis elle viendra leur expliquer ça, elle, que tout le monde est d'accord, à Cowansville, qu'on ferme le palais de justice, qu'on ait fermé une partie de l'hôpital, puis, si l'hôpital n'est pas tout fermé, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas essayé, M. le Président.

Il n'y a rien qu'ils n'ont pas fait pour fermer cet hôpital-là. Il n'y a rien qu'ils n'ont pas fait. Mais il n'y a rien que le personnel là-bas n'a pas fait pour empêcher que ça se ferme. D'ailleurs, on a, en ce moment, probablement le meilleur hôpital en obstétrique de toute l'Amérique. Les gardes-malades ont monté un système qui est absolument extraordinaire, et c'est le personnel qui l'a sauvé. René Lévesque a essayé de le fermer. Rochon a essayé de le fermer. Ils ont tous essayé, M. le Président. Et c'est le staff, c'est le personnel, c'est les gardes-malades, c'est Mme Bertrand, épouse d'un ex-premier ministre, c'est Laurent Beaudoin, de Bombardier, ça été des gens du milieu qui ont décidé que cet hôpital-là, jamais il ne se fermerait, M. le Président, et ils l'ont gardé. Ils l'ont gardé.

Le palais de justice, probablement qu'il est trop tard, le PQ a décidé qu'il fermerait. Ils sont après nous passer le projet de loi ce soir. Même si on parle jusqu'à minuit, leur décision est prise, on en est bien conscient. Mais les gens de Brome-Missisquoi, la devise du Québec, ils vont s'en souvenir, M. le Président: Je me souviens . Ils vont s'en souvenir longtemps qu'il y a 400 emplois de moins dans la ville de Cowansville.

Moi, à la prochaine élection, quand ils vont venir me dire, M. le Président, dans Magog, que le développement rural, c'est important, quand ils vont venir à Coaticook péter de la broue comme ils sont venus à la dernière élection me parler de développement rural, je vais leur en parler, moi, de développement rural. À chaque occasion qu'ils ont eue de fermer... la voirie, ils sont après fermer la centrale de la voirie à Magog. Ils sont après fermer une école à Fitch-Bay. Ils sont après fermer le palais de justice à Cowansville, après avoir essayé de fermer l'hôpital. Où est-ce qu'on arrête ça, M. le Président? Ça, c'est sans parler des hôpitaux où il n'y a plus de médecins, puis l'hôpital est ouvert, comme dans Mégantic-Compton, dans Richmond, où on a des hôpitaux où on n'a plus de médecins là-dedans. Où est-ce qu'on arrête ça, cette euphorie-là, M. le Président?

Et quand je les entends nous dire, et je finirai là-dessus: C'est la faute aux libéraux, les déficits, bien, qu'ils relisent donc l'histoire du Québec. Ça fait 30 ans, depuis la Révolution tranquille, tous les gouvernements qui ont été là, dans toutes les démocraties, autant en Amérique du Nord qu'en Europe, ont endetté les gouvernements. Quand je les vois essayer de créer un mythe qui ne colle pas, que c'est seulement dans les quatre dernières années du gouvernement libéral, quand nous savons tous que le plus important déficit en rapport au PIB a été fait par le premier ministre, M. Parizeau.

Alors, j'arrête ici, M. le Président. Nous retournons aux pires années de l'Union nationale où, parce que tu étais dans l'opposition, c'est là qu'on fermait tes affaires. Merci, M. le Président.

(22 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le président du caucus du parti de l'opposition officielle et député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, vous avez la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 16 que nous étudions ce soir, c'est un projet de loi qui est relativement bref, trois articles, plus le quatrième qui nous dit la date d'entrée en vigueur du projet de loi.

Dans ces trois articles, nous apprenons que le gouvernement a décidé dernièrement, contrairement à ce qu'il a fait toujours, contrairement à ce qu'il a dit toujours, de fermer le palais de justice de Cowansville, dans le district judiciaire de Bedford. Le palais de justice de Cowansville, comme mon collègue l'a dit, est un édifice ancien qui a été construit en 1864, et il mérite effectivement d'être rénové. Il mérite tellement d'être rénové que les quatre derniers ministres de la Justice, avant celle que nous avons actuellement, avaient décidé effectivement de le rénover, de permettre aux citoyennes et aux citoyens du district judiciaire de Bedford de pouvoir utiliser leur palais de justice pour des fins judiciaires. Ça été le cas du ministre Rémillard, qu'on se plaît souvent à citer chez les parlementaires ministériels, plus particulièrement dernièrement, ça a été le cas aussi du ministre Lefebvre, ça a été le cas, dans ce gouvernement du Parti québécois, du ministre Ménard et du ministre Bégin.

M. le Président, en 1995, le ministre Bégin annonçait qu'il avait l'intention de faire en sorte que l'on puisse garder l'édifice pour des fins auxquelles il avait été construit, qu'il puisse demeurer le centre du district judiciaire du comté de Bedford. Et on aurait pu s'imaginer, à l'époque, puis ce n'est pas vieux, là, on est en 1995, on est au mois de mars 1995... En mars 1995, le ministre Bégin annonce qu'il révise à la baisse le projet d'agrandissement du palais de justice de Granby de façon à satisfaire les gens de Cowansville, pour qu'ils aient aussi leur palais de justice. Et le maire de Granby annonce que c'est tout à fait raisonnable, ce qui est effectivement assez surprenant, lorsqu'on vous annonce que, dans votre ville, on va diminuer un projet puis on va permettre à votre voisin de pouvoir vivre. Le maire de Granby dit: Oui, c'est normal, et je pense que les gens – selon le maire Duchesneau, qui est encore maire à Granby – sont privilégiés, a commenté le maire de Granby, qui a qualifié de saine la décision du ministre Bégin. Pour le moment, on ignore de combien ça a réduit, ce projet d'agrandissement, bon, blablabla. Mais, pour le maire Duchesneau, l'important, c'est qu'il y ait réduction du nombre de pieds carrés ajoutés. Le nombre est une chose, mais la superficie, c'est drôlement plus important.

Bref, M. le Président, le gouvernement, ce gouvernement avait décidé, tout comme ses prédécesseurs l'avaient aussi décidé, de faire en sorte que ce palais de justice puisse demeurer. Je comprends bien, moi, qu'une résidence, qu'une institution qui a été construite en 1864 doive être rénovée. J'ai eu, personnellement même, à vivre le même genre de situation. J'ai acheté la maison familiale, chez nous, qui a été construite en 1843 et j'ai eu des rénovations importantes à faire là, c'est normal. Mais on n'a pas mis la maison à terre parce qu'elle a été construite en 1843.

Et, M. le Président, il faut savoir ce que ça implique pour les citoyennes et les citoyens du district de Bedford, les gens de Cowansville, les gens de Frelighsburg, les gens des alentours de Cowansville. Ce n'est pas simplement de ne plus avoir le service directement du justiciable, dans son palais de justice, à quelques pieds ou à quelques portes de chez soi. C'est tous les services connexes qui ont une relation directe avec les humains, les services qui font en sorte que – par exemple, les services policiers, les services sociaux qui sont coordonnés par le district judiciaire – ils puissent être desservis localement.

M. le Président, la ministre des Services sociaux du Québec, Mme Pauline Marois, a certainement reçu la lettre de Mme Suzanne Tardif, coordonnatrice d'un centre qui s'appelle Horizon pour elle. Je vais vous lire une partie de la lettre qu'elle a écrite à Mme Pauline Marois, lui soulignant l'importance de cette institution près du milieu de vie des gens de Brome-Missisquoi: «Toutes les femmes et les enfants que je connais, dit-elle, ont eu des services de qualité et dans leur milieu. Maintenir l'accessibilité à ces services me semble primordial et même essentiel. Comment des personnes malades ou en besoin de services juridiques pressants, qui n'ont pas les moyens monétaires ou physiques de transport...» Parce que c'est à ça qu'on fait référence évidemment, c'est partir de Frelighsburg, de Cowansville, de Dunham, puis de s'en aller à Granby. Granby, ce n'est pas à la porte, là. Quelqu'un qui est sur l'aide juridique, s'en aller à Granby, ce n'est pas facile puis ça va engendrer des coûts supplémentaires à l'État.

M. le Président, Mme Tardif disait ceci: «La situation des femmes victimes de violence conjugale dans Brome-Missisquoi est des plus alarmantes. Avec la fermeture des centres de détention locaux, les policiers de la région, lorsqu'ils se rendent dans un domicile pour un cas de violence conjugale, n'arrêtent que rarement le conjoint violent, car ils se retrouvent seuls avec une auto-patrouille pour assurer les services dans la communauté. Ils ne peuvent se déplacer ni à Sherbrooke ni à Montréal. Donc, où est la protection des femmes victimes de violence conjugale? Avec la fermeture du palais de justice de Bedford, de Cowansville, Horizon pour elle devra assumer les frais de déplacement dans des accompagnements sociaux, judiciaires et dans les demandes de services d'assistance juridique. Donc, 64 km – pas deux coins de rue là, 64 km – de plus et deux heures de plus. Avec quel budget, demande-t-elle à la ministre de la Santé et des Services sociaux? Heureusement, les femmes auront quand même le moyen de se faire entendre par la loi, mais qu'arrivera-t-il de toutes les autres qui n'auront pas recours à des organismes comme nous?»

Voilà des questions éminemment pertinentes qui démontrent la sensibilité ou le manque de sensibilité du gouvernement par rapport aux besoins sociaux des gens qui vivent dans ce milieu. M. le Président, s'il y a quelque chose qui est difficile à comprendre pour les citoyennes et citoyens, peu importe où ils demeurent, l'endroit, peu importe où ils demeurent dans le Québec, c'est vrai pour n'importe laquelle communauté, c'est de ne pas comprendre la cohérence de leurs gouvernants. L'absence de cohérence pour un gouvernement, c'est le début de sa fin.

Et, lorsque l'on regarde un peu la décision et le type de décision qui se prend actuellement dans le district judiciaire de Cowansville, on s'aperçoit, par exemple, que non seulement le ministre Bégin avait annoncé l'agrandissement et la rénovation du palais de justice de Cowansville, et il fut, entre autres, félicité par le maire Jacques Charbonneau qui était maire à Cowansville à ce moment-ci, mais aussi, plus récemment, cette année, en 1999, la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi dont la présidente, la préfet de comté est Mme Lise Charlebois, M. Robert Desmarais, directeur général, ont envoyé à Mme Harel, ministre des Affaires municipales, une résolution qui demande des fonds pour une étude de maison régionale de la justice et une étude de mise en commun des services dans les petites municipalités, donnant un mandat à des consultants.

M. le Président, cette demande-là n'était pas innocente, cette demande faisait évidemment suite aux décisions prises antérieurement par le gouvernement, tant par M. Bégin que M. Ménard. Cette demande, M. le Président, évidemment, faisait part de la démolition du centre de détention de Cowansville qui est un immeuble qui est directement adjoint au palais de justice de Cowansville. On disait ceci: «Le gouvernement, par le biais de la Société immobilière du Québec, a déjà entrepris la démolition du centre de détention de Cowansville, attenant au palais de justice. Nous déplorons vivement le fait que nous ayons dû apprendre ce projet par la voie des journaux.» Le premier ministre qui est allé annoncer qu'on fermait le centre de détention de Cowansville, les gens de Cowansville, la municipalité régionale de comté l'ont appris par les journaux. Les principes de bienséance élémentaires n'ont pas certainement guidé le gouvernement au moment où il a pris sa décision.

(22 h 50)

«Nous avons dû apprendre ce projet par la voie des journaux, dis-je, quand la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit clairement qu'un ministre doit signifier – la loi le prétend, la loi annonce clairement, prévoit – à la MRC – à la municipalité régionale de comté – un avis pour un projet de démolition d'un de ses immeubles, afin que le conseil de la MRC puisse se prononcer quant à la conformité de cette intervention par rapport aux objectifs de son schéma d'aménagement en vigueur.» Ce n'est pas rien. La MRC a appris par la voix des journaux qu'on était pour démolir un de ses immeubles, l'immeuble du centre de détention de Cowansville, qui est adjacent au palais de justice. «Ces dispositions apparaissent aux articles 149 et suivants. Non seulement la SIQ – la Société immobilière du Québec – a débuté les travaux de démolition sans analyser le conseil de la MRC, mais nous avons été placés devant une situation de fait accompli. En effet, une fois le contrat de démolition accordé et les travaux débutés, la SIQ nous a avisés que, pour faire cesser les travaux de démolition, la MRC devait s'engager à lui rembourser intégralement tous les frais découlant d'un bris de contrat et tous les coûts de maintien et d'entretien du bâtiment.» Non seulement le gouvernement s'est mis dans une position d'illégalité, mais, en plus, il demande à la MRC de faire en sorte de défrayer l'ensemble des coûts que le gouvernement a dû assumer pour se mettre dans cette position d'illégalité.

Mais, en plus, la MRC de Brome-Missisquoi demande à la ministre, puisque la démolition du centre de détention est déplorable, compte tenu que le conseil des maires de la MRC a reçu, le 1er février 1999 – pas il y a cinq ans, le 1er février 1999 – l'appui financier de la ministre des Affaires municipales, Mme Louise Harel, pour effectuer une étude de faisabilité d'une maison régionale de la justice pour Brome-Missisquoi... Cette étude vise à vérifier la possibilité de mettre sur pied un guichet unique de la justice dans l'édifice du 920, rue Principale, à Cowansville. Qu'est-ce qu'on retrouve dans le 920, rue Principale, à Cowansville, M. le Président? Le palais de justice.

Des voix: Ah!

M. Chagnon: Alors, d'une main, la ministre des Affaires municipales donne un financement pour permettre la mise sur pied d'une maison régionale de la justice pour Brome-Missisquoi dans le palais de justice puis, de l'autre main, la ministre de la Justice veut fermer le palais de justice. Où est la cohérence, M. le Président? Où est la cohérence? Comment ça se fait qu'au 1er février 1999, cette année, là, il y a à peine quelques mois, on est localement heureux que la ministre des Affaires municipales ait accordé une subvention pour permettre d'effectuer une étude de faisabilité d'une maison régionale de la justice, là où est le palais de justice actuellement, puis trois mois plus tard, la ministre de la Justice, ne sachant pas ce que ses autres collègues du ministère et du cabinet font, décide: On va fermer le palais de justice, on va tout concentrer à Granby? Tant pis pour le monde qui est à côté. Tant pis pour les gens qui habitent et qui font leurs affaires avec le palais de justice de Cowansville. Tant pis. Que les justiciables se promènent.

Dans le fond, ce gouvernement-là a dit la même chose aux gens qui risquaient d'être malades. Souvenez-vous, M. le Président, que non seulement on a démoli le centre de détention de Cowansville, mais, il n'y a pas si longtemps, le ministère a annoncé qu'il voulait fermer le centre de traumatologie de l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins de Cowansville, le BMP, l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins de Cowansville. Et fermer l'hôpital à Cowansville, fermer le centre de détention, le démolir, fermer le palais de justice de Cowansville, ça implique ni plus ni moins que de fermer la ville. Ce sont des centres parmi les plus importants. Il va rester la polyvalente. Mais, quand même, ça n'a pas vraiment de sens. Autant pour l'hôpital, tous ceux qui ont reçu des services de l'hôpital Brome-Perkins pourront le dire, ils en ont déjà témoigné, cet hôpital donne des services d'une qualité rare, d'une qualité que l'on ne retrouve pas souvent, d'une qualité qu'on voudrait voir répartie partout sur le territoire. C'est un hôpital qui a reçu la majorité des prix de qualité de service que le ministère de la Santé pouvait décerner, et pas dans l'an de grâce, pas l'an du siège, ils les ont reçu en 1996, 1997, 1998. On décide de fermer le service de traumatologie.

La traumatologie, là, ce n'est pas rien. Quand vous avez un accident, généralement vous vous retrouvez dans le service de traumatologie. Généralement, vous êtes heureux... Quand vous avez eu un accident, vous avez plus de chance de vous en sortir si vous allez à un endroit qui est plus près de l'endroit où vous avez eu un accident que s'il est plus loin. Alors, si on ferme le centre de traumatologie de Cowansville pour le transférer à Granby... Évidemment, évidemment, c'est clair, c'est écrit dans le ciel, il y a des gens qui sont à 25, 30 minutes de Cowansville qui vont se retrouver à une heure, une heure et quart de Granby. Donc, les risques d'effets secondaires, les risques néfastes, les risques de pertes de vie sont élevés, suite à une décision gouvernementale qui est dure à comprendre, qui n'est pas comprise par la population locale puis qui n'est même pas comprise par les gens de Granby non plus.

Quant au palais de justice, M. le Président, on a cité tout à l'heure qu'il y a 400 emplois qui gravitent autour du palais de justice. Quatre cents emplois dans une municipalité comme Cowansville, ce n'est pas rien. Quatre cents emplois dans une municipalité comme Cowansville, 400 emplois directs, ça peut s'évaluer probablement autour de 1 000 emplois directs et indirects. Mille emplois directs et indirects pour une municipalité puis une région comme celle de Cowansville, c'est énorme. C'est un peu comme si on disait: Désormais Cowansville, le gouvernement du Québec a décidé que vous n'existiez plus, que vous n'êtes pas importants, que vous n'êtes plus importants.

Cette vision de décentralisation que le gouvernement professe dans ses discours, cette vision de décentralisation que le gouvernement édicte et semble vouloir nous envoyer dans son verbiage est un charabia qui finalement devient un baratin. C'est clair, M. le Président, que le gouvernement ne croit pas ce qu'il nous dit. S'il le croyait, il serait cohérent avec lui-même. Au moment où il donne une subvention pour faire en sorte de créer une maison de la justice dans le comté de Brome-Missisquoi puis là où est le palais de justice – puis on lui a donné 25 000 $ – bien, on ferait en sorte d'éviter deux mois plus tard de fermer le palais de justice dans lequel on veut faire cette maison de la justice.

L'absence de cohérence, M. le Président, pour un gouvernement est probablement ce qu'on qualifie, dans les milieux qui observent les gouvernements, du début de la fin. Lorsqu'un gouvernement ne sait plus ce que sa main droite fait, puis, quand la main gauche prend des décisions que la main droite ne comprend pas, quand les citoyens et citoyennes d'une région ne peuvent plus comprendre, c'est quoi, la vision gouvernementale dans un domaine, que ce soit dans le domaine de la justice, de la santé ou de l'éducation, c'est clair que ce gouvernement-là est appelé éventuellement à être jugé très sévèrement par la population.

Et, dans le cas qui nous occupe, M. le Président, lorsqu'on regarde les effets nocifs de la loi n° 16, on ne peut pas faire autrement que de comprendre que la population de Brome-Missisquoi, sa préfet, Mme la préfet en tête, son député, ses députés, soient outrés tout comme la population des effets pervers des décisions gouvernementales qui sont prises non pas pour le bien-être de sa population mais pour une rationalisation technocratique dont les effets sur la population sont tout à fait nocifs.

M. le Président, je pense que le gouvernement fait fausse route. Le gouvernement... et la ministre de la Justice devrait faire comme ses deux prédécesseurs, les députés de Laval-des-Rapides et Louis-Hébert, et devrait faire en sorte de réaménager le palais de justice de Cowansville pour permettre aux gens et aux justiciables du district de Bedford d'avoir droit à une justice équitable sur l'ensemble du territoire de ce district judiciaire. Merci, M. le Président.

(23 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le président du caucus du parti de l'opposition officielle et député de Westmount–Saint-Louis. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Et je reconnais maintenant le prochain intervenant. Il est le vice-président de la commission des institutions, il est porte-parole de l'opposition officielle en matière de recherche, science et technologie, responsable du dossier du RREGOP, responsable du dossier de la Régie des rentes du Québec et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Il y a, dans notre système démocratique, un certain nombre de principes auxquels, je crois, nous devons tous adhérer, c'est le respect entre les trois formes de pouvoir: le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Et le codicille qui va avec le respect du pouvoir judiciaire, c'est le suivant. C'est de dire: les tribunaux doivent pouvoir être accessibles à la population.

Alors, M. le Président, j'avoue ne pas comprendre le projet de loi qui veut actuellement fermer le palais de justice de Cowansville et, donc, implicitement, réduire l'accessibilité des citoyens au palais de justice, donc à la justice.

Surtout que ça se fait, M. le Président, à un moment... Et j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours du budget du vice-premier ministre, qui disait: Bon, nous sommes arrivés, avec beaucoup d'efforts, au déficit zéro. Nous sommes arrivés, à l'heure actuelle, après des compressions importantes, à pouvoir dire: La fin des compressions dans l'ensemble des secteurs gouvernementaux. Alors, j'imagine, M. le Président, ce n'est pas pour des raisons purement budgétaires qu'on nous propose de limiter l'accessibilité des citoyens du comté de Brome-Missisquoi à la justice, parce que, clairement, les finances publiques, nous dit-on, sont en meilleur état, et parce que, clairement, à l'heure actuelle, ça n'apparaît aucune économie.

M. le Président, il est intéressant de se rappeler que, dans notre histoire, le palais de justice de Cowansville a été l'objet de nombreuses menaces de fermeture. Ça datait d'un député dont, peut-être vous vous rappelez, qui s'appelle M. Marx. M. Marx était ministre de la Justice; d'aucuns auraient voulu l'amener à vouloir éventuellement fermer le palais de justice de Cowansville. M. Marx, qui était député de D'Arcy-McGee à l'époque, s'est déplacé. Il a été sur place rencontrer les citoyens et a été en mesure de comprendre que la fermeture du palais de justice de Cowansville n'avait aucun sens si on était empreint d'un principe de permettre aux citoyens d'avoir accès à la justice.

Après M. Marx, les titulaires du ministère de la Justice se sont succédé. On a parlé de Gil Rémillard aussi, qui, lui, était député de Jean-Talon à l'époque. M. Gil Rémillard, ministre de la Justice, encore les... a amené à penser qu'on pourrait éventuellement devoir fermer le palais de justice de Cowansville. M. Rémillard s'est déplacé, M. Rémillard a été rencontrer les citoyens et, lui aussi, il a compris que, fermer le palais de justice de Cowansville, c'était quelque chose qui ne pouvait pas se faire si on voulait maintenir un principe auquel il croyait et en lequel nous croyons aussi, de notre côté de la Chambre, à savoir le principe que la justice doit être accessible.

Les aléas de la politique ont fait que le ministre Lefebvre, qui a été ministre de la Justice et été député de Frontenac, ensuite, n'a pas eu à se prononcer sur une éventuelle fermeture du palais de justice de Cowansville, peut-être parce qu'il n'est pas resté assez longtemps ministre de la Justice.

Ensuite est arrivé... Non, non, mais je continue les ministres de la Justice, M. le Président, pour arriver à aujourd'hui. Il est arrivé deux autres ministres de la Justice, l'actuel député de Louis-Hébert – je ne peux pas donner son nom parce qu'il est encore député – a été un ministre de la Justice. L'actuel député de Louis-Hébert... Parce qu'il y a toujours cette espèce de magma qui continue à freloter à droite et à gauche en fonction d'une éventuelle fermeture du palais de justice de Cowansville... Donc, il a été aussi soumis à des pressions pour envisager une éventuelle fermeture du palais de justice de Cowansville. Le député de Louis-Hébert, lui aussi, comme le député de D'Arcy-McGee, M. Marx, comme M. Rémillard, député de Jean-Talon, s'est déplacé, il a été sur place rencontrer les citoyens et il a compris que la fermeture du palais de justice de Cowansville limitait l'accès à la justice. Et, parce que c'est un avocat, parce que c'est un démocrate, parce que c'est quelqu'un qui pense lui aussi qu'il est important de maintenir l'accès au palais de justice et l'accès à la justice à l'ensemble des justiciables, il est arrivé à dire: On ne peut pas fermer le palais de justice de Cowansville.

Son successeur, l'actuel député de Laval-des-Rapides, M. le Président, lui aussi a été soumis à des tentatives de vouloir encore – parce que vous comprenez que ça continue, là – de vouloir envisager une fermeture du palais de justice de Cowansville. Lui aussi, le député de Laval-des-Rapides s'est déplacé, a été rencontrer l'ensemble des citoyens de la région et il a lui aussi compris, parce que lui aussi est un démocrate, parce que lui aussi comprend qu'il s'agit de maintenir l'accessibilité à la justice d'un certain nombre de citoyens, et il a conclu qu'on ne pouvait pas fermer le palais de justice de Cowansville.

Arrive la députée de Lévis, qui est ministre aujourd'hui de la Justice, qui ne s'est pas déplacée, qui n'a pas été rencontrer les citoyens de Cowansville et qui propose aujourd'hui ce projet de loi, qui propose la fermeture du palais de justice de Cowansville. M. le Président, je la supplie: Faites comme vos prédécesseurs, faites comme M. Marx, ministre député de D'Arcy-McGee, faites comme M. Rémillard, faites comme M. Lefebvre, faites comme le député de Louis-Hébert, faites comme l'actuel député de Laval-des-Rapides, allez rencontrer les citoyens et vous comprendrez que votre projet de loi n'a pas de sens. Et, M. le Président, ça n'a tellement pas de sens qu'elle n'est même pas cohérente avec ses propres décisions. Alors, ça, c'est le summum de l'incompréhension. Et je vais vous dire après pourquoi je me pose d'énormes questions, auxquelles je ne voudrais pas répondre parce qu'on doit respecter ici un certain nombre de principes, dans le parlementarisme, qu'on ne peut pas dire.

Mais enfin, M. le Président, je me permets de vous lire, et pour le bénéfice des membres dans cette Chambre, une lettre qui a été écrite le 16 février 1999, il n'y a pas tellement longtemps. Cette lettre est adressée à M. Robert Desmarais, directeur général de la Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi, 749, rue Principale, à Cowansville. Et ça dit la chose suivante: «M. le directeur général, il me fait le plaisir de vous informer qu'après avoir pris connaissance de la résolution 366–1298 adoptée par la Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi je consens – je consens, M. le Président, vous entendez bien – à vous octroyer une aide financière de 9 715 $ représentant 50 % des coûts de l'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi. Je tiens – et ça continue – à saluer ainsi la volonté de la Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi de se prendre en main en mettant de l'avant une idée originale – le mot «originale» est intéressant – dans le domaine de la justice. Il est intéressant de constater que les municipalités de la région de Brome-Missisquoi désirent agir en concertation, qu'elles ont à coeur de mettre en commun leurs ressources afin de répondre adéquatement aux besoins de la population. Une telle démarche est d'autant plus réjouissante qu'elle s'inscrit dans l'esprit des orientations gouvernementales en matière de mise en commun des services municipaux. Je vous saurai gré de me faire parvenir copie de l'étude.» Et c'est signé...

Je ne peux pas dire son nom, mais c'est l'actuelle députée de Lévis, qui est ministre de la Justice. Il y avait ensuite: «PC chèque joint». Autrement dit, il y avait un chèque qui était joint à cette lettre, qui était envoyé à la Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi pour continuer à créer une unité qui semblait extrêmement intéressante, une maison de la justice.

(23 h 10)

Et il n'y a pas tellement longtemps, je vous rappellerai. Il est intéressant de comprendre les dates, M. le Président, les dates sont importantes. C'était le 16 février 1999. On est actuellement au mois de mai 1999. Il n'y a pas tellement longtemps. Au mois de mai 1999, la même personne qui a signé la lettre, dont je ne peux pas dire le nom mais qui apparaît ici, sur le projet de loi, et qui est la députée de Lévis, donc la même personne a déposé ce projet de loi, ce projet de loi qui a pour effet pratiquement de fermer le palais de justice de Cowansville.

Alors, je me pose des questions, M. le Président. Je ne veux pas, je ne veux pas penser qu'il y a des raisons, et je suis sûr que vous non plus, M. le Président, vous ne pouvez pas croire qu'il ait pu y avoir des raisons cachées. Pourquoi on voudrait fermer le palais de justice de Cowansville? Je suis sûr qu'il n'y a aucun lien, aucun lien entre le fait que le palais de justice de Cowansville se trouve dans le comté du député de Brome-Missisquoi, qui est aussi leader de l'opposition officielle, et le fait qu'entre le 16 février 1999 et le mois de mai 1999 on a deux positions totalement opposées, différentes, complètement distinctes: une position où on est prêt actuellement, ici, avec chèque joint... On est le 16 février, un chèque joint pour pouvoir créer une maison de la justice à Cowansville. Et, au mois de mai, où on dit: C'est fini, on met la clé dans la porte, on oublie tout ça, on ferme le palais de justice.

Écoutez, je suis sûr qu'il y a d'autres raisons. Je ne peux pas croire, je ne peux pas vraiment croire, connaissant la députée de Lévis, qu'elle puisse avoir eu des motifs. Et de lier cela au fait que ce palais de justice se trouve dans le comté du leader de l'opposition qui, véhémentement et avec beaucoup de brio, défend les intérêts de sa population et défend les droits des parlementaires de l'opposition contre le gouvernement... Je suis sûr qu'il n'y a aucun, aucun lien, mais je me pose des questions.

M. le Président, je me pose des questions, je ne comprends pas. Si ce n'est pas ça la réponse, c'est quoi? Pouvez-vous m'expliquer, M. le Président, comment se fait-il que, le 16 février, on donne, avec chèque joint, avec chèque associé, 9 715 $ pour réformer et créer une maison de la justice à Cowansville, qu'au mois de mai on dise: Non, on ferme complètement le palais de justice? Est-ce qu'il y a un lien entre le comportement du député du comté et le fait qu'on fasse cette mesure? J'espère que non. Je suis sûr que non, M. le Président.

Et, lorsque je réponds: Je suis sûr que non, c'est quoi, les raisons qu'il y a derrière? Ça ne peut pas être des raisons budgétaires, le ministre des Finances est intervenu bien des fois en disant: Oui, actuellement, nous sommes arrivés au déficit zéro et les finances, actuellement, de l'État sont relativement saines et l'ère des compressions abusives, que nous avons malheureusement connue et dans le secteur de la santé et dans le secteur de l'éducation, l'ère des compressions est finie. Donc, ça ne peut pas être pour des raisons budgétaires.

Est-ce que c'est des raisons d'accessibilité à la justice? Certainement pas, M. le Président. Vous comprenez comme moi que, si on transfère actuellement les services de justice de Cowansville pour les amener à Granby, on n'est pas en train de faciliter l'accès réellement à la justice, un des principes fondamentaux sur lesquels est basée notre démocratie, donc ça ne peut pas être sur cela. Alors, il y a quoi?

M. le Président, je reste perplexe. Je reste confus, perplexe, et je ne peux seulement qu'inviter la ministre à faire, comme je l'ai rapporté au début, le périple, le pèlerinage, disons le pèlerinage que ses prédécesseurs avaient fait, en allant, elle aussi, à Cowansville. Je suis sûr, M. le Président, que le leader de l'opposition, malgré évidemment l'humeur dans laquelle il est, compte tenu de ce qu'il reçoit lorsqu'il lit un tel projet de loi, je suis sûr que le leader de l'opposition serait heureux de l'accueillir à Cowansville et de lui permettre de visiter, elle aussi, la situation réelle dans laquelle vont se trouver les citoyens du comté de Brome-Missisquoi. Elle pourrait, elle, parce que c'est une femme intelligente, comprendre, comme ses prédécesseurs ont compris, qu'on ne peut pas, on ne peut pas actuellement procéder à l'adoption de ce projet de loi et entraîner la fermeture du palais de justice.

M. le Président, c'est une question qui est réellement à la base de notre démocratie. C'est réellement une question qui est à la base de notre démocratie. C'est une question à laquelle on doit, à mon sens, pouvoir, au maximum, permettre l'accès à la justice. On doit permettre à tous nos concitoyens, hommes et femmes, de pouvoir le plus facilement possible lorsqu'ils ont une cause... Et vous savez à quel point – parce que vous représentez, vous aussi, M. le Président, un comté défavorisé – les distances peuvent être un frein, un frein pour un justiciable ou un citoyen de pouvoir se rendre dans un palais de justice. Alors, actuellement, la fermeture du palais de justice à Cowansville va entraîner une limitation de l'accès à la justice. Un point sur lequel, de notre côté, sur des questions de principe, nous ne pouvons pas accepter le fait qu'on limite l'accès à la justice.

Mon collègue a un autre point de vue, et je pense qu'il n'est pas négligeable d'insister aussi. Mon collègue d'Orford a insisté sur le fait que, dans les stratégies de développement régional, ces infrastructures, ces infrastructures gouvernementales que peuvent être un hôpital, un collège, une école secondaire, un palais de justice, ce sont des éléments cristallisateurs, c'est-à-dire que ce sont des éléments qui sont mobilisateurs pour le développement d'une région ou d'une ville.

Vous savez parfaitement, M. le Président, que les emplois qui sont reliés à un palais de justice entraînent une activité économique, entraînent des gens qui vont consommer, des gens qui vont dans les restaurants et qui se logent, des gens qui ont à se loger, etc. Simplement de supprimer dans ces petites municipalités où le tissu économique est extrêmement fragile, où le tissu économique est très fragile, supprimer ce qui est un des éléments moteurs de l'économie par rapport au secteur public, supprimer cet élément, un de ces éléments moteurs de l'économie, est un danger important, disons, quant à la viabilité économique, à l'heure actuelle, d'une ville comme Cowansville.

Alors, M. le Président, on est face à quoi? On est face à un projet de loi qui nous amène trois choses: il va limiter, empêcher, diminuer la possibilité pour les citoyens d'avoir accès à la justice. Je pense que, de notre côté, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter. Ce n'est pas tout. Ce n'est pas tout, M. le Président, c'est un projet de loi qui aussi va gêner le développement naturel d'une ville, d'une sous-métropole régionale comme Cowansville parce qu'on va lui retirer ce qui est un des éléments moteurs de son tissu économique.

Alors, M. le Président, ce projet de loi n'a franchement, honnêtement, aucun sens. Vous me dites que mon temps s'écoule, M. le Président, je terminerai mon allocution par cet appel, et un appel pressant, un appel pressant à la députée de Lévis, femme au demeurant intelligente, ministre de la Justice, qui présente ce projet de loi, qui n'a pas, comme ses prédécesseurs, fait le pèlerinage à Cowansville. Je l'invite. Je l'invite à aller à Cowansville. Visitez Cowansville. Comprenez Cowansville. Et si vous comprenez réellement ce qui se passe, si vous comprenez à quel point votre projet de loi peut être quelque chose qui est pénalisant pour le tissu économique des citoyens de Cowansville, si vous comprenez – et je suis sûr que vous êtes capable de le comprendre – à quel point votre projet de loi va être pénalisant pour l'ensemble des citoyens, l'accessibilité à la justice pour l'ensemble des citoyens du voisinage de Cowansville, je suis sûr.

(23 h 20)

Je suis sûr, M. le Président, que la députée de Lévis fera comme tous ses prédécesseurs, à savoir M. Marx, M. Rémillard, M. Lefebvre, M. le député de Louis-Hébert actuellement, M. le député de Laval-des-Rapides, elle fera comme tous ceux qui l'ont précédée, elle retirera son projet de loi, elle ne fermera pas le palais de justice de Cowansville. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Et je cède la parole maintenant à un prochain intervenant. Alors, je reconnais M. le vice-président de la commission des finances publiques, représentant officiel du dossier des services sociaux de l'opposition officielle et député de Nelligan. M. le député, la parole est à vous.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je ne me suis pas levé tout de suite parce que j'ai pensé qu'au moins un autre membre du côté ministériel veut discuter ce projet de loi, mais je présume que c'est trop difficile de se lever. Oui, effectivement, je pense, vous dites que j'ai raison, parce que c'est difficile de parler pour un projet de loi quand vous êtes contre ce projet de loi. Et j'espère que bientôt nous allons avoir au moins quelques opinions du côté ministériel. Mais peut-être que ce côté est déjà bâillonné.

M. le Président, le député de Verdun a demandé beaucoup de questions et il est resté perplexe avec la logique et les raisons en arrière de ce projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Bill 16, An Act to amend the Territorial Division Act and the Courts of Justice Act.

M. le Président, le député de Verdun n'est pas la seule personne qui a beaucoup de questions sur ça. Laissez-moi citer une personne qui n'est pas nécessairement souvent d'accord avec ce côté de la Chambre, c'est la présidente de l'exécutif du Parti québécois de Brome-Missisquoi. Elle a quitté le poste parce que le comté est abandonné par le gouvernement. Laissez-moi citer un article que je vois, le 18 février 1999, dans La Voix de l'Est : «La présidente du Parti québécois de Brome-Missisquoi, Pierrette Saint-Onge, dit aussi avoir eu la confirmation de deux fonctionnaires du ministère de la Justice que non seulement il n'y aura ni agrandissement ni rénovation de l'édifice de Cowansville, mais il sera définitivement fermé. "La Cour du Québec, la Cour supérieure, tout sera enlevé à Cowansville, et le palais de justice fermera, c'est ce que j'ai appris de source sûre" affirme Mme Saint-Onge, qui, à la suite de ces événements, a décidé de remettre sa démission au PQ au cours des prochains jours. "Je démissionne parce que le comté de Brome-Missisquoi est abandonné par le gouvernement. Nous perdons toutes nos institutions. Cowansville va finir par fermer, si ça continue" a déclaré la future ex-présidente du Parti québécois de Brome-Missisquoi.» M. le Président, c'est assez clair, ce n'est pas juste le côté de l'opposition, le Parti libéral, qui questionne la logique de cette décision de fermeture d'une institution tellement importante pour Cowansville.

M. le Président, j'ai toujours cru qu'un des rôles des ministres de la Justice, c'est de protéger le système de justice. Mais, moi, j'ai écouté la ministre avant, et il me semble que j'ai vu cette tendance avec plusieurs ministres, plus expérimentés et nouveaux aussi. Elle joue plus un rôle comme adjointe parlementaire du ministre des Finances. La question d'argent est trop importante pour elle, et la question d'accessibilité n'est pas vraiment une question tellement importante pour la ministre.

M. le Président, il y a une tendance de ce gouvernement qui m'inquiète beaucoup. Nous sommes, ce soir, en débat sur un projet de loi qui va limiter l'accès à la justice, limiter, empêcher, réduire l'accès au système judiciaire, limiter la justice. Nous avons vu toute une stratégie et une planification de ce gouvernement de limiter l'accès au système de santé. Nous avons vu la fermeture de nos hôpitaux, nous avons vu les retraites anticipées des spécialistes causer une pénurie artificielle dans notre réseau de la santé. C'est une stratégie, là. C'est une stratégie pour empêcher l'accès. Si vous n'avez pas les palais de justice, si vous n'avez pas assez de juges... si vous avez fermé les hôpitaux, si vous n'avez pas assez de spécialistes, vous n'avez pas les opérations. Il y a certaines tendances, M. le Président. Aussi, dans l'éducation, c'est de plus en plus difficile d'avoir accès à l'éducation gratuite. Nous avons fait le débat ici, dans cette Chambre. De plus en plus, il y a les taxes déguisées et des frais chargés aux parents. Avec ça, moins d'accès à la justice, moins d'accès à la santé, moins d'accès à l'éducation. Ça continue, M. le Président.

Nous avons vu un projet de loi déposé dans cette Chambre qui va réduire l'accès à la démocratie, le droit de vote, un droit fondamental de notre société, avec beaucoup d'astuces, les cartes d'identité, les cartes électorales, pour empêcher, pas pour aider, mais pour empêcher le droit de vote, réduire l'accessibilité à la démocratie, réduire l'accessibilité à l'éducation, réduire l'accessibilité... éducation, santé, démocratie, et maintenant nous sommes en train de réduire l'accessibilité au système judiciaire, à la justice.

M. le Président, j'ai mentionné ça avant, j'ai vécu, j'ai passé le même problème dans notre comté – ce n'est pas juste moi-même, c'est dans l'ouest de Montréal – le dernier ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, a décidé, avec le même style, sans parler avec la population, sans faire les consultations, de fermer la Cour des petites créances et de fermer le Tribunal de la jeunesse, deux institutions fondamentales pour notre coin, deux institutions qui sont la pierre angulaire de notre système judiciaire. Nous avons essayé de convaincre le ministre de qu'est-ce qui se passe dans notre comté et nos comtés, mais, malheureusement, il n'a pas écouté.

Dans ce cas-là aussi, M. le Président, il y a incohérence flagrante. Nous avons deux lettres signées par la ministre de la Justice, deux lettres: une le 16 février 1999 et une autre lettre le 18 février 1999. Si je compte bien, c'est 48 heures de différence entre les deux, plus ou moins. O.K.? Peut-être un peu moins. Quarante-huit heures. Une lettre qui dit: Nous sommes en train de vous donner une subvention, presque 10 000 $, 9 715 $ pour être exact, représentant 50 % des coûts d'une étude de plus ou moins 20 000 $, une étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi. Il me semble que la ministre de la Justice est en train d'encourager la création d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi dans le palais de justice.

Moins de 48 heures plus tard, la même personne, la même ministre écrit à la même personne, Robert Desmarais, le directeur de la municipalité régionale de comté: «Je désire vous informer que le ministère de la Justice procédera au cours des prochains mois à la réorganisation des services de justice dans le district judiciaire de Bedford. Quant aux services judiciaires en matière de famille, civile et criminelle, ils seront assurés par le centre de services de justice à Granby.» Il y a fermeture d'un palais de justice avec un transfert de l'autre.

(23 h 30)

Et j'ai entendu tout ça chez nous: Ne vous inquiétez pas, ça ne change rien. Ça change beaucoup, M. le Président. Comme citoyens, on ne veut pas nécessairement entrer dans nos palais de justice, on ne veut pas nécessairement utiliser ça. On veut s'assurer que nous avons une haute qualité et toute la protection de nos lois. On ne souhaite pas être victime, mais, quand nous sommes victimes, on doit entrer là, on doit entrer dans les palais de justice. Maintenant, comme chez nous, on doit se déplacer. Est-ce que ça aide l'accessibilité, M. le Président? J'ai de forts doutes. Est-ce que ça aide les femmes battues? Est-ce que ça aide les victimes qui n'ont pas le moyen de se déplacer? Est-ce que ça aide les services policiers, de se déplacer, de perdre leur temps dans leur coin? Est-ce que ça aide le système de services sociaux qui souvent est là pour aider les victimes? Non, ça déplace tout, M. le Président.

Moi, j'ai pensé que je suis tellement déçu du discours de la ministre, pas juste l'insulte qu'elle a faite aux patients d'Alzheimer. Je rappelle que j'étais tellement choqué quand j'ai entendu ça. Ce n'est pas juste ça. Je demande quand même une excuse et, jusqu'à date, je n'ai pas reçu ça, malheureusement. Ce n'est pas correct d'insulter les personnes Alzheimer, atteintes d'Alzheimer, et c'est ça qu'elle a fait aujourd'hui.

Mais je ne comprends pas la logique de la ministre dans toute cette affaire-là. Déjà, deux lettres. Je n'ai pas créé ces deux lettres, ça vient d'elle; elle a signé ça. M. le Président, il n'y a aucune logique. Elle a essayé de nous convaincre qu'elle va sauver 170 000 $, si ma mémoire est bonne, par année. Ce gouvernement, ceux et celles qui sont en face de moi – je sais que les règles ici, M. le Président, j'ai certaines choses que je ne peux pas dire, que c'est assez évident devant moi, mais je n'ai pas le droit de dire ça – il me semble que le gouvernement peut sauver de l'argent d'une autre façon, s'il veut vraiment sauver de l'argent.

L'ancien ministre de la Justice a dit la même chose, qu'il va sauver de l'argent. Ils n'ont sauvé rien. Ils ont réduit l'accessibilité au système judiciaire. Ils ont rendu ça plus difficile d'avoir accès à la justice et il n'ont rien sauvé. Et ils ont dépensé, pendant les derniers 18 mois, 24 mois, 300 000 $ à la fois pour encourager les médecins spécialisés à quitter leur poste prématurément, prendre une retraite anticipée. 300 000 $ à la fois! Et vous savez qu'est-ce qui s'est passé une fois que le gouvernement a fait ça. Avec ça, M. le Président, je ne comprends pas la logique de ça.

Au-dessus de ça... Et, M. le Président, ils ont ciblé Brome-Missisquoi très souvent. Ils ont une perte de... Les transferts ou fermeture des services gouvernementaux suivants ont entraîné ou vont entraîner la perte par la région ou le déplacement de près de 400 employés: 73 dans le ministère des Transports; commission scolaire Davignon, 20; commission scolaire Des Rivières, 12; commission scolaire protestante de Bedford, 5; centre de services judiciaires de Cowansville, 13; changement de vocation de l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, 230; Gendarmerie royale du Canada, 5; centre de détention provincial – oui, oui – 45; aide juridique, 5. Je lis tout. On ne cache rien de ce côté. Au total, 400 jobs, M. le Président.

Est-ce que c'est logique? Supposé pour sauver 170 000 $ plus ou moins – elle a juste dépensé 10 000 $, mais elle est supposée sauver 170 000 $ – elle va fermer un palais de justice, elle va rendre le système de justice moins accessible, elle va continuer de faire mal à la région, ils vont avoir plus de pertes de jobs. Est-ce que c'est logique, M. le Président? J'ai mes forts doutes.

Et aussi, M. le Président, est-ce que ce gouvernement, qui jusqu'à maintenant refuse de respecter ses propres lois pour la communauté d'expression anglaise dans la santé et les services sociaux, de passer les programmes d'accès, est-ce qu'ils vont assurer que tous les services bilingues qui sont maintenant disponibles à Cowansville vont être tous transférés à Granby? Est-ce qu'ils ont tenu compte de ça ou est-ce que c'est encore une autre stratégie de ce gouvernement de lentement mais sûrement rendre les services moins disponibles pour les minorités? C'est ça qu'il est en train de faire avec le système de santé et services sociaux.

Il n'y a aucune raison de ne pas respecter cette loi. Il y a une loi dans les statuts du Québec qui oblige ce gouvernement, chaque trois ans, de passer les programmes d'accès de santé et services sociaux pour la communauté d'expression anglaise, mais ils n'ont pas fait ça. Les hôpitaux dans ce territoire, la communauté d'expression anglaise, ils ont perdu un hôpital. Ils n'ont pas respecté leurs droits acquis avec les fusions des hôpitaux. Est-ce que ce gouvernement va respecter les droits de la communauté d'expression anglaise une fois que les services seront transférés? J'ai mes forts doutes, M. le Président.

M. le Président, I just referred to some of my concerns about the English-speaking community. This Government, since he's been elected five years ago, has methodically and strategically reduced the services to the English-speaking community. It has done it in a planned and calculated manner. We have seen deliberate negligence on this Government in terms of respect for acquired rights. We have seen a deliberate non-respect of Québec's own laws that oblige this Government to pass access plans for the English-speaking community once every three years, and review them and approve them. They have drawn everything to stop these plans.

Is this, Mr. Speaker, another opportunity the Government is going to do to reduce these services, in terms of justice? You see a certain tendency that bothers me a great deal, Mr. Speaker. There's a deliberate attempt to reduce access to health care, both for Francophones and Anglophones, by deliberately removing and creating holes in the... fewer doctors, reducing the number of doctors and specialists in our system. You've seen another strategy in our education system to reduce and close schools and charge parents more and more fees, so it's more and more difficult for parents to get the services they wish for their kids.

More importantly, and this is a fundamental debate we are going to have in this House, is that they attempted to reduce the access of voting, the right to vote by the creation of voter identity cards. Mr. Speaker, this is a deliberate tendency to reduce citizens'access to basic fundamental services. I'm concerned about all Quebeckers. I'm particularly concerned about the English-speaking community, with this Government, and I'm concerned that this Government has not respected his commitment to support the regions. I listed, Mr. Speaker, a loss of 400 jobs, this is not a figure that I have just dreamed out of the air, this is a report from the MRC, 400 jobs, based on the slash-and-burn policies of this Government.

Mr. Speaker, justice is a fundamental right. We have to make sure that this Government doesn't go after deficit zero at any cost, so it can gear up for its next referendum. We shouldn't allow them to put all the issues secondary to their obsession of splitting up our country. We should not allow this Government to pretend they're saving money when, in fact, they're not and they're reducing services.

Who uses our justice system, who uses it? Obviously, people looking for fairness, for equity and for protection. What does this Government do? It comes up and says: No, we're going to take that away from the people of Cowansville, as we've taking so many things away from the people of Cowansville. We're going to take it away and deny those services. We're going to come up and say: There's no problem in terms of going up to Granby, 30 or 40 km. I don't believe that it's the way one should govern. So, you see what is happening with this simple law, this law that has four articles, three and then one that puts it «en vigueur», puts it into place. It is going to dramatically reduce the access to justice, first and foremost, dramatically reduce the access to justice.

Ça va réduire l'accès à la justice. Deux, ça va faire mal encore à l'économie de Cowansville. Et, comme je l'ai mentionné, M. le Président, l'économie, à Cowansville, à cause de la politique de ce gouvernement, déjà fait mal. On doit encourager ce gouvernement... Nous avons offert, à la motion de report, une porte de sortie honorable pour la ministre de la Justice, pour reporter ça de six mois, faire une étude. On offre, encore ce soir, une autre portie... sortie, je m'excuse...

Une voix: Une porte de sortie.

(23 h 40)

M. Williams: ...une porte de sortie – je m'excuse, ça commence à être tard, M. le Président; merci, M. le leader adjoint – parce que c'est une mauvaise loi. On peut refuser, on peut retirer le projet de loi, on peut refaire ça et respecter les grands principes de démocratie, d'accessibilité à la justice. Et j'espère, M. le Président, que la ministre va prendre cette porte de sortie, parce que j'ai peur que, si elle ne la prend pas, nous allons continuer de questionner... Où ça va arrêter. Est-ce que ce gouvernement va fermer d'autres choses?

J'ai déjà vu, dans les derniers deux ans, deux fermetures de deux tribunaux, deux palais de justice assez importants, un chez moi, dans mon comté. C'est pourquoi j'ai insisté de parler que ça fait mal chez nous. J'espère que l'expérience chez nous, et aussi toutes les interventions de mes collègues, vont convaincre la ministre de retirer ce projet de loi et assurer que, avant d'en proposer un autre, aller à Cowansville, discuter cette question avec toute la population et assurer, avant qu'on ferme ce palais de justice, que nous allons faire une bonne consultation. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Nelligan, de votre intervention. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Nous en sommes au principe du projet de loi n° 16, nous poursuivons le débat, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Je reconnais M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail et député du comté de LaFontaine. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, comme nous avons eu l'occasion de le faire remarquer lors de la motion de report, le projet qui est devant nous, le projet de loi n° 16, en quatre articles – quatre, pas plus M. le Président, pas moins – va rayer pour toujours une institution qui tenait à coeur, une institution primordiale dans la région des Cantons-de-l'Est, dans la région de Cowansville, le comté de Brome-Missisquoi, va rayer les espoirs et va rayer l'institution qu'était le palais de justice.

Pas seulement le bâtiment, M. le Président, le bâtiment va rester là, mais c'est ce qui va avec le bâtiment. Non seulement les services à la population, il y a là la Cour supérieure, la Cour du Québec, un certain nombre d'autres services qui sont donnés aux citoyens. Et certes les citoyens de ces régions-là qui sont assez éloignés des autres centres ont le droit, parce qu'ils en ont besoin, d'avoir ces services à disponibilité, près de chez eux.

Et surtout, M. le Président, on touche là à quelque chose de courant, actuellement. On est en train de continuer l'oeuvre de désertification des régions du Québec. Et vous allez dire: Un député de la région de Montréal qui parle des régions. Eh oui, M. le Président, parce que nous le savons à Montréal et nous le voyons. Nous voyons, M. le Président, de plus en plus les régions se vider par manque d'activité économique, par manque de population, et les citoyens et les gens venir se greffer dans la région de Montréal, qui bien sûr se trouve à devoir supporter un fardeau toujours de plus en plus lourd et de plus en plus contraignant de gens, de Québécois qui, quittant leur région, n'y trouvant plus d'emploi, n'ayant plus les services qu'ils espéraient avoir et nécessaires pour leur qualité de vie, viennent s'établir aux alentours de Montréal.

Maintenant, M. le Président, la question se pose: Quel est le but poursuivi par ce gouvernement? Est-ce qu'ils savent que les décisions qu'ils prennent dans des buts – la ministre nous disait que c'était une raison budgétaire, elle nous fait miroiter l'économie de 170 000 $ annuellement... Est-ce qu'ils sont conscients, est-ce qu'ils se rendent compte que ça va se poser dans d'autres régions? Ce n'est pas seulement dans la région de Cowansville qu'on assiste à cela, on assiste à cela dans d'autres régions du Québec. Est-ce qu'ils sont conscients qu'en ce faisant ils accentuent, ils accélèrent l'exode, la mutation des populations régionales, rurales, vers les centres urbains? Est-ce qu'ils sont conscients des problèmes que ça va engendrer, d'abord dans les régions et dans les villes qui subissent ces mutations, qui subissent les exodes, dont les gens, les citoyens partent pour ailleurs?

Alors, on a vu, depuis quelques années, M. le Président, lorsque certains nombres d'institutions quittent, que des citoyens quittent aussi après ça. Bien, il n'y a plus assez de familles pour avoir des enfants dans l'école. Alors, on ferme une classe, on ferme deux classes. À un moment donné, eh bien, on prend les enfants et les autobus puis on les amène à 40 km, 50 km, 60 km de là pour aller suivre leurs cours. Puis, à un moment donné, les parents, trouvant ça difficile pour leurs enfants, bien, décident eux-mêmes de déménager plus proche de l'école, donc quittent leur village, quittent leur ville. Et c'est ce qu'on peut constater dans les régions du Québec. C'est ce qu'on appelle l'exode, l'exode rural, M. le Président.

Et c'est comme ça que des régions entières, dans des pays européens comme ceux que j'ai cités dans l'intervention que j'ai faite au début de la motion de censure, comme les pays de la Méditerranée, en particulier, que ça soit le Portugal, l'Italie, le sud de la France, l'Espagne, la Sicile... que vous connaissez bien, M. le Président, car vous avez de nombreux électeurs dans votre circonscription qui viennent de là. Et pourquoi vous en avez? Parce que ce sont des gens qui, n'ayant pas la capacité, dans leur région, d'avoir de l'emploi, d'avoir des services nécessaires à leur qualité de vie, ont décidé de migrer et d'aller ailleurs.

Et nous sommes en train de reproduire ça au Québec. La différence, M. le Président, c'est que, dans ces pays, il y a quand même des masses critiques très importantes de 40 000 000, 50 000 000, 35 000 000 de population, et que, même si, malheureusement, certains quittent, eh bien, il en reste toujours un certain nombre pour assurer une occupation du territoire et une pérennité dans la région.

Au Québec, alors que nous sommes une population extrêmement groupée le long de la vallée du Saint-Laurent, les deux tiers ou la... plus que... la moitié, en tout cas, est dans la grande région de Montréal, nous avons un gouvernement qui parle de décisions administratives. Et, si on se fie seulement à ce que la ministre nous dit, pour des raisons d'économie marginale, minime, de 170 000 $, comme exemple dans cette région-là, on accentue ce phénomène et on va créer le même résultat que ces pays européens ont connu.

Alors, on va se retrouver... Qu'est-ce qui va arriver dans cinq ans, 10 ans, 15 ans? Nous allons avoir des régions au Québec où il n'y aura plus de population, ou peu de population active. Est-ce que c'est ça que nous voulons? Nous allons avoir des régions au Québec où il y aura seulement des retraités ou des gens qui auront peu d'activités, parce qu'il n'y aura pas d'intérêt pour des jeunes familles, pour des mères et des pères à aller s'y installer, n'ayant pas les infrastructures nécessaires. Et vous allez voir que ça va créer tout un déséquilibre, et nous aurons un jour à vivre cela, M. le Président, et nous aurons un jour à payer pour ça.

Alors, quand même qu'aujourd'hui – et je ne crois pas que c'est la raison pour laquelle elle le fait, mais – ça serait la raison pour laquelle elle le ferait, pour une économie de 170 000 $, eh bien, nous préparons pour le futur des lendemains et des situations très difficiles, d'abord pour les citoyens, mais, en plus de ça, qui vont coûter beaucoup plus cher à la collectivité parce qu'il faudra, à un moment donné, prendre des mesures pour compenser cet exode-là.

M. le Président, beaucoup d'arguments ont été donnés par nos collègues en ce qui concerne la situation dans Brome-Missisquoi. Cela dépasse ce simple cas du palais de justice. On a vu aussi que l'hôpital a fermé. L'hôpital... Les soins généraux, ils ne seront plus donnés dans Brome-Missisquoi. Dans Cowansville, M. le Président, nous nous retrouvons là avec une population assez homogène, qui est habituée à avoir dans son environnement ces services d'hospitalisation, de justice. Il y en a d'autres, on y viendra par la suite, après. Eh bien, elle se retrouve privée de ce service-là aussi.

Est-ce que c'est normal? Est-ce que nous, comme députés, qui sommes les représentants de nos populations, acceptons que dans nos circonscriptions, dans nos régions, nous procédions à des coupures qui vont faire en sorte d'annuler ou de faire disparaître des points de services, tels des hôpitaux, des palais de justice, des postes de police, des postes d'entretien routier, des écoles, des collèges? Est-ce que nous pensons que c'est pour cela que nous avons été élus, ou est-ce que nous pensons que nous avons été élus justement pour faire valoir l'intérêt de nos concitoyens dans nos régions, nos circonscriptions?

Moi, je crois que nous avons été élus en cette Chambre parce que nous disions à nos concitoyens: Faites-nous confiance, nous allons aller à Québec, nous allons aller au Parlement, c'est là que ça se passe, c'est là que le pouvoir, il est, et nous allons vous représenter, nous allons faire valoir vos intérêts. Et là, lorsque le député de Brome-Missisquoi se lève, semaine après semaine, mois après mois, et nous annonce et dénonce en cette Chambre les fermetures consécutives de toutes les institutions, il nous est forcé, à nous, les autres parlementaires d'autres circonscriptions électorales, de nous poser la question et de faire l'examen de conscience suivant.

Ce qui arrive au député de Brome-Missisquoi et à ses concitoyens en particulier... Parce que, lui, il est un individu et leur représentant, mais c'est les dizaines de milliers de personnes qui habitent dans cette région-là qui en sont les victimes. Est-ce que ce qui leur arrive ne peut pas nous arriver chez nous, ou n'est pas déjà arrivé chez nous? Et, si c'est arrivé chez nous, étions-nous d'accord avec cela?

(23 h 50)

Et, M. le Président, moi, je vois des députés, en cette Chambre, qui, étant du parti au pouvoir, dans le dernier mandat, et dans ce mandat-ci, particulièrement dans le dernier mandat, se sont levés en cette Chambre pour dénoncer, dans leur circonscription, des fermetures d'hôpitaux, des fermetures de centres de détention, des fermetures de postes de police de la Sûreté du Québec, faire valoir le point de leurs citoyens qui n'étaient pas d'accord avec leur propre gouvernement. Et pourquoi le faisaient-ils? Parce qu'ils faisaient leur boulot, ils remplissaient le mandat pour lequel ils ont été élus, c'est-à-dire de convaincre les ministres de résister à la facilité, à la tentation de couper aveuglement dans des services pour des raisons budgétaires, leur rappeler que le mandat qu'ils ont lorsqu'ils sont nommés au Conseil des ministres, c'est de gérer les intérêts et de gérer les services à la population dans les circonscriptions, particulièrement, au Québec, des régions.

Parce que, nous, dans Montréal, on peut encore, à la limite, invoquer le fait pour justifier – même si je n'en suis pas à penser comme ça, mais quand même – que nous sommes dans une région de grande densité, qu'il y a du transport en commun, que nous pouvons nous déplacer facilement. Bon. À la limite, ça peut se discuter. Mais, dans les régions du Québec, M. le Président... Et l'on sait qu'il y a des distances très importantes entre les villes, entre les municipalités. On sait qu'il y a des circonscriptions du Québec où, entre un point et l'autre même du comté, de la circonscription, il y a 200, 300, 400 km. Alors, imaginez un peu l'éparpillement de la population.

Eh bien, ces députés qui dénonçaient à cette époque-là ces coupures, qui dénonçaient ces fermetures, étaient conscients que l'on pénalisait leurs populations. Et non pas les pénalisait parce qu'on leur enlevait quelque chose qu'ils avaient, mais justement parce qu'ils savaient que les gens n'auraient plus accès à des services essentiels qu'ils avaient auparavant et que cela allait créer dans leur population non seulement des sentiments d'insécurité... Parce que, lorsqu'on ferme un hôpital, eh bien, M. le Président, dans une région et qu'on pense qu'on va devoir un jour se faire soigner ou amener ses enfants, sa femme, sa fille, sa belle-mère, son grand-père ou soi-même, eh bien, on souffre d'insécurité, on dit: Qu'est-ce qui va nous arriver? Et c'est pour ça que les députés se levaient et dénonçaient ce point.

Et, s'ils le faisaient en cette Chambre, c'est parce qu'ils étaient rendus aussi à saturation de revendications auprès de leur ministre. Parce que vous savez comme moi que, lorsqu'un député au pouvoir se lève et fait des revendications en cette Chambre, publiquement, à l'encontre d'un ministre, eh bien, ça ne se passe pas dans le meilleur des mondes, il y a quelques sanctions ou quelques représailles, par la suite, qui s'exercent parce que, généralement, le ou la ministre n'est pas tellement de bonne humeur. Et je parle avec 14 ans d'ancienneté dans cette Chambre.

Alors, s'ils le faisaient, c'est parce qu'ils étaient conscients, ils étaient persuadés que leur devoir leur demandait de le faire, le serment de fidélité à leurs électeurs qu'ils avaient fait en mettant leur candidature, leur photo sur un poteau, sur une pancarte électorale en disant: Je m'engage à vous représenter. Ce n'est pas le jour où on prête serment au Parlement qu'on le dit, ça, c'est le jour où on signe le bulletin de candidature, où on dit: Je me présente comme candidat. Et on fait signer par 40, 50, 100 électeurs un bulletin dans lequel on leur dit: Appuyez ma candidature, je m'engage à vous représenter, à défendre vos intérêts au meilleur de mes connaissances, au meilleur de mon énergie.

Et c'est pour ça, M. le Président, que j'ai de la difficulté à comprendre aujourd'hui que nous soyons si peu, seulement les députés de l'opposition, à faire valoir ce point, ce cas typique que nous connaissons dans le comté de Brome-Missisquoi. Nous devrions avoir avec nous d'autres députés. Et je comprends que ce n'est pas facile pour eux de s'élever aujourd'hui, car ça ne les concerne pas directement, puis ils se disent: Après tout, pourquoi aller nous brouiller avec la ministre de la Justice ou avec tel autre ministre pour défendre le comté de Brome-Missisquoi?

Pourquoi? Bien, pourquoi, M. le Président? Parce que ce qui arrive au comté de Brome-Missisquoi va arriver un jour dans le comté de Bellechasse, ça va arriver dans le comté de Nicolet, dans le comté de Roberval, ça va arriver dans d'autres comtés, ça va arriver dans le comté de Pointe-aux-Trembles aussi, et il faut arrêter ça. Il faut que les parlementaires puissent retrouver la force qui est la leur, la force de l'indépendance du Parlement, des députés qui sont capables, qui doivent être capables de dire à l'Exécutif: Halte! La direction où vous allez, les décisions que vous prenez ne sont pas les décisions que la population s'attend à ce que vous preniez. Ce ne sont pas les décisions, en plus, bien souvent, que vous avez promises ou que vous avez laissé miroiter à la population.

Et, dans ce cas-là, c'est particulier parce que nous nous retrouvons avec deux ministres. La ministre des Affaires municipales, qui envoie une lettre aux gens de la MRC de Brome-Missisquoi et qui leur dit: Il me fait plaisir de vous informer que, après avoir pris connaissance de votre résolution, je vais vous octroyer une aide financière de 9 715 $ afin de faire une étude pour une maison de la justice. D'un autre côté, nous retrouvons, M. le Président, de la même manière, une autre lettre, la même chose: Je consens à vous octroyer une aide financière représentant 50 % des coûts d'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi – 9 715 $ encore. C'est signé Linda Goupil. Elle oublie de marquer «ministre de la Justice». C'est marqué dans l'en-tête en haut, ministre de la Justice. Alors, M. le Président, nous nous retrouvons...

Et j'oublie, avant d'aller plus loin, le candidat de la dernière campagne électorale, le candidat qui représentait le Parti québécois. Et, lorsqu'on représente un parti dans une élection, on parle au nom du parti. Un dénommé Raoul Duguay, semble-t-il un chansonnier, M. le Président, se promenait dans la circonscription et laissait miroiter et disait aux gens: Élisez-moi et nous allons construire la prison, nous allons la réouvrir. Alors, nous retrouverons avec deux ministres...

Une voix: Ils ne l'ont pas élu.

M. Gobé: Vous avez raison, ils ne l'ont pas élu. Ils ne l'ont pas cru. Malheureusement, s'ils ne l'on pas cru, lui, ils ont quand même cru la ministre, qui, lorsqu'ils ont écrit... Si on ne croit plus les ministres lorsqu'ils écrivent, à quoi ça sert d'avoir des ministres qui utilisent le papier à lettre de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec, qui donnent des subventions, donc des fonds publics, pour faire des études de faisabilité sur des projets, en sachant très bien – on n'est pas pour les croire – qu'ils ne les réaliseront pas.

Alors, de deux choses l'une, M. le Président, ou on a donné aux gens de faux espoirs, on leur a laissé croire qu'on interviendrait, ou alors on ne savait pas de quoi on parlait puis on a dépensé des fonds publics pour rien. Parce que ces argents, ces subventions données par la ministre des Affaires municipales et la ministre de la Justice elle-même, eh bien, c'était pour faire une étude de faisabilité, une étude de réalisation. Et on passe le projet de loi avant même d'avoir reçu le rapport. On n'attend même pas d'avoir les résultats. On dépense l'argent, on l'envoie, puis, vite, on se dépêche, avant d'avoir les résultats, de passer un projet de loi qui sabre tout ça.

Je crois que les citoyens de Cowansville mais les Québécois qui nous écoutent ce soir et les Québécoises peuvent continuer à douter, bien souvent, de la justesse des paroles et des actes des gouvernements. Et là je ne parle pas d'un gouvernement ou de l'autre, M. le Président. Ou alors, les ministres impliqués signaient d'une main droite une lettre et faisaient autre chose de la main gauche.

Il n'en reste pas moins qu'on a soulevé de faux espoirs qui ont été répercutés dans les médias. À un point tel que, M. le Président... Je vais lire un article. La Voix de l'Est , jeudi 18 février 1999: «"Je démissionne parce que le comté est abandonné par le gouvernement." La présidente de l'exécutif du Parti québécois de Brome-Missisquoi, Pierrette Saint-Onge, dénonce le fait que Québec laisse tomber sa région.» Ce n'est pas un député libéral, ce n'est pas le député de Brome-Missisquoi qui dit cela, c'est, M. le Président, la présidente du Parti québécois, celle qui représente la cellule politique du gouvernement en place.

Et pourquoi démissionne-t-elle? Ce n'est pas n'importe qui. On ne dira pas, en face... on ne rira pas d'elle. Je pense qu'elle a milité avec eux de nombreuses années, qu'elle a fait des référendums avec eux, qu'elle a fait des élections avec eux, la dernière en particulier. Et donc, si elle démissionne, elle vous envoie un message. Ce n'est pas le député de LaFontaine qui démissionne, là, ce n'est pas le député de Brome-Missisquoi, c'est la présidente de votre propre parti politique.

Des voix: ...

M. Gobé: Ça peut vous faire rire, M. le député, mais, moi, lorsque ces choses-là arrivent, je ne peux pas m'empêcher de me poser une question. Vous devriez vous la poser aussi. Si ma présidente, si la présidente d'un de mes comtés, était dans la même situation, je me dirais: Nous avons quelque chose qui n'a pas de bon sens, qui n'est pas correct, parce que les militants, n'en déplaise au ministre, M. le Président, les militantes ne démissionnent pas pour rien, en disant ces choses-là.

Et voici la confirmation. Nous l'avons, la confirmation que ce gouvernement a agi de manière inconsidérée dans ce dossier-là. La ministre de la Justice n'a pas tenu compte des intérêts des citoyens. Ou agit-elle par vindicte, comme certains on pu le dire – et je le questionne, je ne le dis pas – ou alors agit-elle sans considération pour les citoyens ou simplement parce qu'elle suit des décisions de ses fonctionnaires, sans aller voir elle-même. Mais, en tout cas, il n'en reste pas moins, M. le Président, que ce sont les citoyens de Brome-Missisquoi qui vont payer le prix. Ça va accentuer l'exode rural dans les régions. Ça va accentuer la désertification de Brome-Missisquoi, de toute cette région-là. Et je ne crois pas que cela rende service au Québec en général.

(minuit)

Alors, nous suggérons à la ministre une chose: Attendez au moins, Mme la ministre, d'avoir pris connaissance du rapport que vous avez payé. Vous avez payé un rapport pour voir qu'est-ce qu'il y avait à faire. Attendez-le, puis, quand vous l'aurez, bien, vous rencontrerez les gens, les citoyens et puis, avec eux, vous ferez le point et vous regarderez des solutions. Il n'y a rien de mal à reculer – ce n'est même pas reculer – il n'y a rien de mal à changer d'avis, lorsqu'on est allé trop vite en politique. Et on doit le faire, c'est ce à quoi les citoyens s'attendent de nous et non pas une fuite en avant.

Alors, certes, la ministre s'est plantée tout à l'heure, elle a dit: Vous me rendez populaire, vous me donnez l'occasion de faire mes classes. Mais ce n'est pas ses classes en Chambre qu'on veut qu'elle fasse, M. le Président, c'est ses classes avec le bon sens, en donnant les services aux Québécois et puis en prenant des décisions sages et éclairées dans le meilleur intérêt des citoyens. C'est ça, faire ses classes en politique. Et elle verra, elle qui est nouvelle en cette Chambre, que, si elle veut y rester longtemps, bien, c'est comme ça qu'elle doit agir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Il est maintenant minuit, et, conformément au règlement, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain, le vendredi 28 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 1)