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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 26 octobre 1999 - Vol. 36 N° 54

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de Mme Rose Ilbouda, députée du Burkina-Faso

Affaires courantes

Présence de l'ambassadeur de la Grèce, M. Alexander Thomouglou, et du consul général de la Grèce à Montréal, M. Ioannis-Gabriel Papadopoulos

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Alors, nous allons débuter nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le point à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 22 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 55


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 22, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Ces amendements sont déclarés recevables. Est-ce qu'il y a des interventions? Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre pour intervenir sur ce rapport. Très bien. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui, alors, M. le Président, il me fait plaisir de soumettre à la considération de cette Assemblée le résultat des travaux de la commission parlementaire de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Le travail soutenu des 24 août et 16 septembre derniers aura permis la présentation de ce rapport. Je ne reprendrai pas aujourd'hui l'ensemble du contenu du projet de loi, mais j'insisterai plus particulièrement sur certains aspects qui ont été introduits lors des travaux récents de la commission parlementaire.

Le projet de loi n° 55 a pour objet de modifier plusieurs lois du domaine municipal. C'est ce qu'on appelle communément, en langage parlementaire populaire, un bill omnibus. Et ce sont là finalement des modifications qui facilitent la gestion dans les municipalités ou qui habilitent les municipalités ou des organismes à exercer certains pouvoirs.

Parmi les changements qui sont apportés, je voudrais noter la reconduction de la compétence des municipalités régionales de comté et des communautés urbaines en matière de parcs régionaux pour y inclure les corridors récréatifs. Cette compétence avait été dévolue, en 1993, par le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Claude Ryan, et cette compétence a été mise en question dans un récent jugement de la Cour supérieure du Québec qui niait aux MRC ou aux communautés urbaines la compétence de créer un corridor récréatif réservé à la circulation des bicyclettes en été et à la motoneige en hiver. La précision introduite par le projet de loi conforte ces organismes municipaux, MRC et communautés urbaines, qui gèrent les corridors existants sur près de 800 km, 800 km actuels de corridors récréatifs sur des emprises ferroviaires délaissées par le fédéral, enfin des voies ferrées désaffectées. Alors donc, le projet de loi permet d'assurer le droit de ces MRC ou communautés urbaines de développer ce type d'aménagements récréatifs qui est profitable pour nos concitoyens de tous âges, mais aussi profitable en termes de développement d'activités récréotouristiques.

De plus, le projet de loi n° 55 propose des changements qui permettront aux municipalités d'améliorer leur performance, comme l'élimination des contraintes liées aux regroupements d'achats avec le directeur général des achats. Alors, c'est une modification législative qui va permettre aux municipalités et aux organismes supramunicipaux, c'est-à-dire MRC, communautés urbaines, régies, de se procurer des biens et des services en se joignant au marché conduit par le directeur général des achats et selon les règles qui sont applicables à ce marché conduit par le directeur général des achats. Alors, il s'agit de contrôles publics rigoureux qui y sont appliqués, et c'est une procédure qui répondra à l'impartialité et à la mise en concurrence recherchées par le secteur municipal en matière contractuelle lors de dépenses atteignant le niveau de soumission. Vous savez que le budget annuel des municipalités locales et régionales au Québec est de l'ordre de 9 000 000 000 $. C'est comme l'équivalent du budget complet du ministère de l'Éducation. Alors, il s'agit là d'un pouvoir d'achat considérable.

Je voudrais aussi souligner l'assouplissement qui est accordé aux régies intermunicipales dans l'utilisation de leurs surplus. Jusqu'à maintenant, la loi prévoit que ces surplus doivent automatiquement être portés au revenu du budget de l'exercice suivant. Dorénavant, les surplus des régies intermunicipales pourront être utilisés pour toutes les fins de la compétence des régies. Par exemple, une régie pourra réserver ses surplus pour des dépenses futures.

Un allégement a également été apporté de manière à permettre aux organismes responsables de l'évaluation de reporter le dépôt du rôle d'évaluation à une date qui ne peut cependant excéder le 1er novembre sans avoir à obtenir l'autorisation de la ministre. Donc, c'est un allégement intéressant afin de permettre de reporter le dépôt du rôle d'évaluation. Actuellement, la loi prévoit que, si l'évaluateur ne peut déposer le rôle avant le 16 septembre, il faut obtenir une telle autorisation. Il suffira dorénavant que l'organisme responsable de l'évaluation fasse parvenir au ministre une copie certifiée de la résolution fixant une nouvelle date.

(10 h 10)

Un amendement a aussi été apporté à la Loi sur le bâtiment pour s'assurer qu'une licence d'entrepreneur puisse être émise à une société d'économie mixte dans le secteur municipal. À cause d'un problème de renvoi, justifié pour rendre applicable à ces organismes la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la loi, par inadvertance, a eu pour effet d'empêcher les sociétés d'économie mixte d'obtenir une telle licence d'entrepreneur. J'espère que cette correction va favoriser l'émergence de ces sociétés mixtes et permettre un partenariat des municipalités avec le secteur privé.

En outre, des amendements ont été apportés au projet de loi n° 55 lors des travaux en commission parlementaire. Ils visent essentiellement à profiter de la présentation du projet de loi omnibus pour régler, dès maintenant, des irritants législatifs qui ont récemment été portés à l'attention du gouvernement. Parmi ces amendements, je signale l'habilitation des municipalités à adopter un règlement d'emprunt en le soumettant à l'approbation ministérielle, mais non à celle des électeurs lorsque l'objet de ce règlement d'emprunt est de donner suite à une entente hors cour qui a été homologuée par la Cour supérieure. Alors, M. le Président, ça permettra dans le fond, lorsqu'il y a entente hors cour... sinon il y avait judiciarisation accrue parce que l'entente hors cour ne pouvait pas être confirmée comme allant être respectée, le tout devant être porté à l'examen d'un référendum municipal.

Une autre modification a pour objet de permettre à l'ensemble des municipalités du Québec de participer au programme de réhabilitation des terrains contaminés en milieu urbain. C'est un programme qui a été annoncé dans le discours du budget du ministre des Finances, le printemps passé, et qui accorde au ministre de l'Environnement des crédits supplémentaires de 50 000 000 $ pour élargir la portée du programme de réhabilitation des terrains contaminés, et cette fois à l'ensemble des municipalités, alors que jusqu'à maintenant seules les villes de Québec et Montréal pouvaient y participer.

D'autre part, la Régie des installations olympiques a demandé et obtenu une plus grande marge de manoeuvre pour la gestion de son parc immobilier. Le projet de loi lui accorde le pouvoir d'aliéner tout immeuble faisant partie des installations olympiques, avec l'autorisation du gouvernement. Le projet qui est ici en cause est celui annoncé déjà par l'entreprise Famous Players d'ériger des salles de cinéma attenantes au métro Viau, sur le terrain des installations olympiques.

Finalement, une disposition du projet de loi vise à préciser une compétence municipale en matière d'aide au développement économique. Ainsi, l'article 28 spécifie que le pouvoir des municipalités locales d'aider, par subvention ou cautionnement, les organismes à but non lucratif leur permet aussi d'offrir une aide pour la construction d'un bâtiment locatif industriel – pensons à tous ces incubateurs industriels – et non seulement son exploitation prise dans son sens strict. En fait, il est prévu que la précision introduite par le projet de loi sera rétroactive à juin 1989 afin de rendre incontestables les actions municipales déjà entreprises pour aider ces organismes à but non lucratif à construire des bâtiments industriels locatifs, souvent appelés incubateurs industriels, et également à les exploiter.

La pertinence de l'article 28 est certaine, mais il s'agit de faire en sorte que le libre exercice de ce pouvoir de construction d'un bâtiment locatif industriel et d'exploitation, comme la loi le permettait déjà, cependant, il s'agit donc de s'assurer que l'exercice de ce pouvoir de construction d'un bâtiment locatif industriel ne conduise pas à une multiplication déraisonnable de bâtiments industriels locatifs alimentée par ce qui pourrait être une concurrence malsaine entre les municipalités d'une même région. C'est pourquoi, devant les risques que cela puisse se produire, j'ai proposé une modification au projet de loi pour prévoir que le pouvoir d'une municipalité locale d'accorder une subvention pour la construction d'un bâtiment industriel locatif ou la transformation d'un bâtiment en un tel bâtiment industriel locatif – on pense, par exemple, à des anciennes usines désaffectées – que ce pouvoir soit balisé d'une autorisation du ministre des Affaires municipales et de la Métropole pour s'assurer que, sur un même territoire, il n'y aura pas concurrence qui pourrait être stérile entre les municipalités locales. Alors, c'est un amendement qui sera étudié avant la dernière étape de l'adoption du projet de loi.

Alors, voilà l'essentiel, je pense, résumé peut-être trop modestement, mais l'essentiel des travaux qui ont requis l'attention de la commission parlementaire les 24 août et 16 septembre derniers. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, concernant le projet de loi n° 55, je dois vous dire, tout d'abord, que je voudrais souligner l'excellent travail du député de Laurier-Dorion qui, au cours des derniers mois, a travaillé sur ce projet de loi en commission parlementaire et y a apporté, de l'aveu même de la ministre, des modifications, des suggestions qui ont fait bonifier ce projet de loi. C'est pour ça qu'aujourd'hui notre formation politique, de notre côté de la Chambre, on va appuyer ce projet de loi, parce que, essentiellement, le fondement même de ce projet a pour but de donner une plus grande flexibilité aux municipalités, et c'est un argument que nous avons toujours défendu avec beaucoup de rigueur.

L'autonomie municipale est au coeur de notre système démocratique – on pense – et de donner plus de pouvoir aux municipalités, de libérer les mains des maires et des conseillers municipaux, de dégager une certaine marge de manoeuvre pour le monde municipal, ça va améliorer le sort de l'ensemble des citoyens du Québec. C'était le cheval de bataille du Parti libéral en dernière campagne au niveau des municipalités, et c'est quelque chose qui est très rare de la part du gouvernement actuel, de libérer les mains des maires. On y reviendra tantôt lorsqu'on parlera de la facture de 375 000 000 $, le pelletage que le gouvernement du Parti québécois a fait dans le monde municipal.

Je dois vous dire que le député de Laurier-Dorion a fait beaucoup de recommandations sur différents points particulièrement techniques de ce projet de loi et, d'ailleurs, certains de ces points techniques ont été repris par la ministre et le côté ministériel. D'ailleurs, avec le nombre de papillons qui nous ont été soumis, on peut voir comment le projet a été bonifié grâce à la participation de notre côté.

Alors, c'est clair que, pour nous, le fondement même du projet de loi est valable, que les dispositions à l'intérieur du projet de loi sont aussi valables, mais il y a certains irritants. Certains irritants ont été soulevés en commission parlementaire. Vous allez me permettre aussi d'en soulever quelques-uns, particulièrement deux, la question des corridors aménagés, c'est-à-dire les parcs régionaux, et la question de la Régie des installations olympiques.

Pour ce qui est des corridors, soit, il y avait un problème. Il y avait un problème qui a été soulevé devant les tribunaux. Certains citoyens ont mis en doute la légalité des dispositions actuelles. Le gouvernement a décidé de faire ce qu'il a l'habitude de faire, c'est-à-dire de passer au-dessus du monde, c'est-à-dire de passer une loi rétroactive, un peu comme on a fait dans Hertel–des Cantons, pour bafouer un peu l'opinion publique, pour bafouer les tribunaux, pour bafouer aussi l'intérêt collectif des gens et pour dire: Écoutez, c'est dans l'intérêt collectif, donc, bien que vous ayez eu gain de cause devant le tribunal, on va de toute façon légiférer, et ce, de façon rétroactive, pour légaliser une situation qui était problématique. Bien que l'intention ait été louable, bien que l'objectif ait été louable, sûrement que le côté ministériel aurait eu d'autres options pour régulariser cette situation-là en tenant compte particulièrement de l'intérêt d'un groupe de citoyens qui se sont dits lésés par ce genre de situation.

Pour ce qui est de la Régie des installations olympiques, c'est un article qui est à la fois très prometteur et assez dérangeant. Prometteur, parce que le gouvernement du Parti québécois est vraiment incapable de stimuler l'économie de Montréal, l'est de Montréal. À elle seule, la municipalité se débrouillait avec d'innombrables problèmes, tant sociaux que démographiques, qu'économiques. Il n'est pas capable de stimuler l'économie dans ce secteur.

(10 h 20)

Un entrepreneur privé décide d'investir une somme importante, de créer de l'emploi, particulièrement pour les jeunes, dans ce secteur-là; à date, ça, c'est correct. Sauf que les méthodes administratives utilisées pour permettre ce genre de développement-là sont pour le moins questionnables. Est-ce qu'on a fait preuve ici de transparence? Je n'en suis pas sûr. Est-ce qu'on a donné la chance à tous de soumissionner sur un terrain appartenant à la Régie des installations olympiques? Je n'en suis pas sûr. Est-ce que ce projet a suscité une vaste consultation? Je n'en suis pas certain.

Bien que l'objectif ultime, la création d'emplois, évidemment on y souscrive, on y souscrit avec toute la force que nous avons, de donner plus de force au secteur économique de Montréal, particulièrement à l'est de Montréal, mais, en ce qui a trait encore une fois au processus administratif qui a été suivi par la Régie et cautionné, donc, par la ministre actuelle, il faut se questionner à savoir si cette pratique devrait être monnaie courante partout au Québec où, en catimini, on offre un terrain public à des intérêts privés. Alors, c'est la question fondamentale qu'il faut se poser. Mais, sur le fond, de voir du développement économique, pour une fois, dans l'est de Montréal, nous y souscrivons.

Dans l'ensemble de ce projet, je vous ai parlé au tout départ que l'objectif ultime était justement de donner plus d'autonomie au monde municipal. C'est bien. Par contre, pas plus tard qu'hier, on a vu que le premier ministre a décidé, pour un deuxième ministère de suite, de mettre le ministère en tutelle. La ministre des Affaires municipales qui nous a préparé le fiasco à Emploi-Québec, bien elle est en train de nous préparer le fiasco aux Affaires municipales. Le premier ministre a dit hier: C'est la fin de la récréation. Vous n'avez plus le dossier, Mme la ministre, c'est mon bureau qui s'en occupe. À partir d'hier, donc, le premier ministre est maintenant le ministre des Affaires municipales.

D'ailleurs, dans Le Soleil de ce matin, ce qu'on peut lire, c'est que le premier ministre donne un «coup d'envoi à un blitz de négociation – alors que ça fait sept mois qu'on aurait dû débuter ça – avec les représentants municipaux [...] venant ainsi à la rescousse de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole». Alors, il faut se questionner à savoir quel est vraiment le pouvoir de la ministre dans ce domaine-là, puisque, encore une fois, c'est le bureau du premier ministre qui a récupéré l'ensemble du gâchis dans lequel on était suite au dépôt du rapport Bédard.

Lorsqu'on parle de l'autonomie municipale, c'est bien beau de passer des amendements législatifs pour donner plus de pouvoirs, sauf que le nerf de la guerre, on le sait tous, c'est les dollars. Bien, les dollars, le gouvernement du Québec n'a vraiment pas de leçon à donner au monde municipal. Ça fait deux ans qu'on pellette 375 000 000 $, sans un mot à dire, dans le monde municipal. Je peux vous en parler. J'étais dans un conseil municipal, contrairement à la ministre actuelle, j'étais là pour ramasser la facture. Notre conseil municipal a fait un chèque de 2 000 000 $ avec de l'argent venant de l'impôt foncier. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin en long et en large, mais de l'impôt foncier, c'est une taxe régressive, ce n'est pas une taxe sur la richesse. D'utiliser de l'impôt foncier pour payer des charges sociales, ça n'a aucun bon sens. Mais le gouvernement du Québec a décidé de passer outre ça et de charger quand même le 375 000 000 $ pour deux ans.

Et l'entente, M. le Président, était fort claire. L'entente est ici. L'entente, ça dit... Il y a deux choses là-dedans. Premièrement: Vous allez payer 375 000 000 $, vous n'avez pas besoin de négocier ça. Deuxièmement: La raison pourquoi vous allez payer le 375 000 000 $, c'est pour contribuer à l'assainissement des finances publiques, et cette contribution-là va avoir lieu pendant deux ans, possiblement une année d'option.

Alors, ce qu'on apprend, c'est que la ministre, à la sortie de la rencontre avec son tuteur le premier ministre, hier, a déclaré ceci: «La ministre Harel a insisté pour sa part sur la permanence de l'effort imposé par le gouvernement du Québec aux municipalités. "L'effort est permanent. Si chacun qui a contribué a l'atteinte du déficit zéro reprenait sa mise, on se retrouverait avec le même niveau d'endettement."» Eh bien, ça, c'est contraire à l'entente. C'est contraire à la signature de l'entente. C'est contraire à la signature du premier ministre et du prédécesseur de la ministre actuelle.

Alors, là, il va falloir être clair: Si, dans le projet de loi n° 55, on veut donner plus d'autonomie aux municipalités mais que, d'un autre côté, on leur met l'épée de Damoclès sur la tête en leur disant: Mais, vous savez, on a toujours la possibilité, peu importe notre signature, de vous imposer une autre facture de 375 000 000 $, qui, soit dit en passant, est un effort considérable pour l'ensemble des contribuables du Québec, qui représente une somme avant impôt de 30 % supérieure et qui, en passant, est le même montant ou à peu près que le ministre des Finances a mis sur la table pour l'entreprise GM sans pour autant que GM le demande... alors, en un trait, le ministre des Finances dépense ce que l'ensemble des contribuables du Québec, via les municipalités, ont contribué par année pour les deux dernières années.

Il faudrait avoir un petit peu plus de cohérence dans le discours: Ou bien on est d'accord pour donner plus d'autonomie, délier les mains, donner la responsabilité aux élus municipaux de gérer vraiment ce qu'ils doivent gérer, ou bien continuer comme on le fait: garder les municipalités en tutelle avec une épée de Damoclès et la facture de 375 000 000 $. Merci, M. le Président.


Mise aux voix des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport? Alors, ceci met fin donc au débat. Je mets aux voix les amendements. Les amendements proposés par Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'aménagement du territoire portant sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je vous prie de prendre en considération l'article 30 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 59


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 30, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires municipales et d'autres dispositions législatives. Je vais céder la parole à Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, il s'agit donc d'une loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires municipales et d'autres dispositions législatives. En fait, c'est la loi de l'intégration des deux ministères des Affaires municipales et de la Métropole. Il s'agit donc d'un projet de loi à caractère technique qui donne une consécration législative aux changements apportés par le gouvernement en vertu de l'article 9 de la Loi sur l'exécutif afin d'intégrer sous l'autorité d'un seul ministre le ministère des Affaires municipales et celui de la Métropole. Il s'agit donc de l'intégration des activités qui étaient auparavant sous l'autorité de deux ministres distincts. C'est un décret qui donne suite à la volonté exprimée lors de l'assermentation de redistribuer les responsabilités ministérielles à la suite de la dernière élection générale du Québec.

Le projet de loi effectue, par conséquent, toutes les modifications législatives nécessaires pour donner plein effet au décret qui est déjà en vigueur et rendre donc les lois conformes à la réalité qui est la mienne depuis bientôt un an. C'est pourquoi le projet de loi abroge la Loi sur le ministère de la Métropole et modifie la Loi sur le ministère des Affaires municipales, change la dénomination du ministre et du ministère, et intègre donc les responsabilités ministérielles, lesquelles s'ajoutent aux responsabilités relatives aux affaires municipales qui demeurent inchangées et à celles de la métropole qui le demeurent également.

Alors, il s'agit de modifications de forme qui sont rendues nécessaires par l'intégration des deux ministères. C'est finalement un projet de loi qui effectue des modifications de concordance. Et je pense que c'est un projet de loi qui va de soi et qui répond à la volonté gouvernementale de réorganiser les responsabilités ministérielles à l'égard de la région de Montréal et des municipalités en général et qui consacre cette volonté par les modifications nécessaires aux lois québécoises.

Alors, M. le Président, je pense que je vais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler au député de Hull que, contrairement au pelletage qui s'est effectué en 1992 avec le gouvernement précédent, il s'agit cette fois-ci d'une véritable négociation en vue de la signature d'un nouveau pacte fiscal. Je rappelle très modestement au député que la signature de cette entente – j'aurai certainement l'occasion à maintes reprises d'en reparler avec lui – intervenue à l'automne 1997 prévoit que, pour la troisième année de l'entente, il puisse y avoir une option pour le gouvernement, soit de reconduire l'effort demandé, soit de le remplacer suite à la négociation d'une entente – c'est l'article, d'ailleurs, 5.4 de l'entente.

(10 h 30)

Alors, c'est d'ailleurs pour ces raisons que le monde municipal se prête de façon constructive et positive... Je ne m'attendais pas cependant, ce matin, à ce que l'opposition ait l'air inquiète et malheureuse que, de façon constructive et positive, les choses évoluent en termes de négociation d'un nouveau pacte fiscal. Je pense qu'on est sur la bonne voie. Le président de l'Union des municipalités du Québec disait hier qu'il fallait véritablement prendre ce qui se fait présentement dans la perspective d'un véritable projet de société. Je pense que c'est non pas avec les yeux dans le rétroviseur du passé, mais dans la perspective de confirmer le rôle que le milieu local doit jouer, notamment en matière de développement économique, développement social, développement culturel, et donc se voir confirmer un rôle en ayant les responsabilités afférentes et les moyens de financement également, c'est dans cette perspective positive, constructive que le gouvernement entend mener ce blitz de négociations qui s'est intensifié. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Bien, là, on se réjouit. Là, on se réjouit parce que le projet de loi n° 59, c'est exactement ce que l'opposition a dit il y a trois ans, lorsque le gouvernement avait scindé en deux la question des municipalités: les ministères des Affaires municipales et de la Métropole. Alors, il y a trois ans, l'autre côté disait que c'était une bien bonne idée, ça, de diviser ça et de séparer les forces et de créer un autre ministère et de donner une autre limousine à un autre ministre.

Mais le résultat, trois ans plus tard, bien, c'est aujourd'hui qu'on le vit. Alors, c'est le constat d'échec que le gouvernement fait. C'est deux ministres, en trois ans, qui n'ont même pas eu le temps d'user les pneus sur leur limousine, qui ont été changés. C'est un constat de pauvreté à Montréal, de désorganisation, de remise en question. Et là, tout à coup, le gouvernement réalise qu'on avait raison et, dans sa grande sagesse, nous donne raison en présentant le projet de loi n° 59 qui fusionne, en fait, le ministère des Affaires municipales et le ministère de la Métropole.

Mais le résultat de tout ça, trois ans plus tard, c'est essentiellement une perte d'argent, une perte d'énergie, une perte de temps et surtout une perte de vision, une perte d'options, une perte de capacité de Montréal de se gérer adéquatement comme étant la métropole, avec des problèmes particuliers, sans pour autant qu'on applique la médecine de Montréal partout au Québec.

Alors, on a comme résultat, donc, aujourd'hui le gouvernement qui recule et qui adopte la position libérale d'il y a trois ans, qui avait pourtant prévenu le gouvernement de ne pas aller dans cette direction, de garder ça avec le ministère des Affaires municipales, de garder la métropole avec le ministère des Affaires municipales, en gardant un comité multisectoriel qui pouvait regarder les problématiques de Montréal. Alors, aujourd'hui, donc, évidemment, on se rallie à cette proposition, puisque c'est la nôtre.

Et je voudrais simplement terminer, puisque la ministre m'y invite, elle fait référence à l'entente et à l'article 5.4 de l'entente, c'est les paroles qu'elle a prononcées en Chambre à l'effet que l'entente, à 5.4, prévoyait la reconduction de l'entente... Simplement pour montrer à la ministre qu'elle ne connaît pas l'entente: l'article 5.4 n'existe pas dans l'entente. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Il n'y a plus d'autres intervenants? Alors, je vais laisser la parole à Mme la ministre pour son droit de réplique. Mme la ministre.


Mme Louise Harel (réplique)

Mme Harel: M. le Président, le député de Hull a fait allusion à une situation de pauvreté dans la région métropolitaine de Montréal, et je pense qu'il est nécessaire immédiatement de corriger l'impression que ses propos ont pu laisser.

Je regardais justement les statistiques de chômage, dans la région métropolitaine de Montréal, de septembre dernier en comparaison avec celles d'il y a cinq ans, en septembre 1994, lorsque la formation politique du député de Hull était au gouvernement. Et je dois dire, M. le Président, qu'il y a bien des raisons de se réjouir de l'état de situation, qui s'est transformé au point tel où le taux de chômage dans la région de Montréal, qui faisait 13,2 % il y a cinq ans, est, en septembre dernier, donc il y a un mois, à 8,2 %. Vous vous rendez compte de ce que ça peut signifier, ça, pour des milliers, des dizaines de milliers de personnes: un retour à la vie de travail avec des revenus autonomes.

Et ça, qu'est-ce que ça a eu comme conséquence, M. le Président? Je pense que le député de Gouin, qui est aussi ministre de la Solidarité sociale, le sait bien, pour conséquence qu'au-delà de 150 000 personnes ne dépendent plus de l'aide sociale pour leurs revenus. Et ça, ça signifie qu'au-delà de 80 000 ménages, puisqu'on compte aussi dans ces 150 000 personnes des enfants, sont maintenant autonomes en matière de revenus parce que la situation économique s'est suffisamment améliorée, et la situation de l'emploi également, pour qu'ils puissent maintenant retrouver, en fait réintégrer le marché du travail.

M. le Président, je pense que c'est certainement une occasion que celle de la présentation de ce projet de loi pour rendre hommage au travail qui a été réalisé par mes prédécesseurs, le ministre de la Sécurité publique, qui fut le premier des ministres affectés à la Métropole, ainsi que l'actuel ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Je suis très consciente, M. le Président, que je peux bénéficier des efforts qu'ils ont consacrés à insuffler un sentiment commun, une vision commune au niveau de la région métropolitaine de Montréal et de tous ces efforts qu'ils ont investis pour faire en sorte qu'on puisse maintenant être en mesure de prendre des décisions éclairées. Je crois que les étapes qu'ils ont franchies, bien, ce sont des étapes qui nous permettrons d'aller en accéléré sur le plan des changements qui doivent être apportés pour confirmer le rôle de la métropole du Québec dans le réseau des grandes villes du monde et pour s'assurer qu'il y a une place qui ne sera pas une place congrue, là, qui va être la place que la région métropolitaine, et que la métropole, et que Montréal méritent dans le concert des grandes agglomérations mondiales.

Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de reprendre l'entente, mais, dès ce matin, je ferai parvenir au député de Hull les dispositions qui, dans l'entente, d'un commun accord, tant du monde municipal que du monde gouvernemental, prévoient que l'effort permanent – qui est demandé à tous les Québécois, d'ailleurs – peut se traduire, dès la troisième année, par la signature et être remplacé par la signature d'un nouveau pacte fiscal.

Imaginez, M. le Président, si chacun de ceux et celles qui ont contribué à cet effort permanent demandait maintenant de retirer sa mise, c'est évident qu'on reviendrait à la situation du 6 000 000 000 $ d'endettement qui est celle laissée par le gouvernement précédent. Par exemple, les députés, nous sommes ceux et celles qui, dans cette Chambre, avons consenti à une réduction de 6 % de notre rémunération. Si on décidait que ce 6 % équivaut à un montant qu'on réclamait maintenant et si, dans notre société, chacune des composantes qui a permis de réaliser finalement ce résultat d'un déficit zéro demandait maintenant d'être compensée, alors vous vous imaginez bien que la situation de sacrifices qu'on a connue serait effacée pour revenir à la situation passée. Bien évidemment pas, M. le Président, l'orientation ni du gouvernement ni de l'ensemble des gens responsables dans notre société. Alors, je ne peux pas m'imaginer que c'est ce que nous recommande le député de Hull, bien évidemment, et je pense que c'est donc avec en tête l'objectif d'un nouveau pacte fiscal que nous allons intensifier les négociations qui sont déjà en cours depuis quelques semaines maintenant. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Le projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires municipales et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

(10 h 40)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Tout en remerciant l'opposition pour son appui renouvelé, je vous prierais de prendre en considération l'article 17 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 19


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 17, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Alors, je suis prêt à céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Le 12 mai dernier, l'Assemblée nationale adoptait le principe du projet de loi n° 19. Ce projet, je le rappelle, vise à modifier la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès de manière à permettre au ministère de la Sécurité publique de conclure des ententes administratives avec la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail en vue de leur contribution au financement des investigations du coroner reliées aux accidents de la route, d'une part, et aux accidents du travail, de l'autre part.

Tel que je le soulignais lors de l'adoption du principe, le coroner a le devoir d'effectuer une investigation, chaque fois qu'un avis lui est donné, pour un décès de nature obscure ou violente afin de déterminer les causes médicales et les circonstances du décès. Le Bureau du coroner procède ainsi à quelque 4 500 investigations par année, dont environ 1 000 sont reliées à des accidents de la route ou de travail.

À la suite d'un accident mortel de la route ou de travail, le coroner qui procède à l'investigation est susceptible de formuler des recommandations visant la protection de la vie humaine. Or, comme je le disais à mes collègues parlementaires réunis à la commission des institutions, les gestes posés par le coroner et les rapports qu'il produit dans le cadre de ces investigations sont d'une très grande utilité pour la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail parce qu'ils constituent un apport certain aux missions de prévention des accidents routiers ou du travail de ces deux organismes.

Dans cette optique, les amendements suggérés par le projet de loi n° 19, quoique peu nombreux, s'apparentent en quelque sorte au principe de l'utilisateur-payeur. En effet, M. le Président, l'on sait qu'avec les cotisations que paient les conducteurs en contrepartie de leur privilège de conduire un fonds d'assurance a été constitué afin de verser des indemnités aux personnes blessées et aux proches des personnes décédées dans les accidents de la route, de même qu'à rembourser les coûts générés par les soins de santé et le transport ambulancier. Il en est de même pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la différence que ce sont les employeurs seuls qui cotisent pour garnir le fonds. La raison d'être de ces fonds consiste à rembourser le coût de soins de santé dispensés aux personnes blessées, à indemniser ces personnes ou leur succession ainsi qu'à mettre en place les mécanismes de prévention susceptibles de diminuer les accidents. C'est ce même principe aujourd'hui qui sous-tend la proposition de modification que je défends.

L'opposition officielle qualifie ce projet de simple mesure budgétaire par laquelle notre gouvernement souhaite détourner les fonds de la Société de l'assurance automobile du Québec et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin d'assainir les finances publiques. Mais, M. le Président, permettez-moi de rétorquer qu'il est plutôt question ici d'une saine gestion des deniers publics. En effet, le projet de loi n° 19 ne fait que prélever des fonds aux bons endroits, c'est-à-dire dans la caisse de ceux qui bénéficient du fait de l'activité gouvernementale qu'on leur demande de payer. En effet, les rapports d'investigation des coroners contribuent, à un degré difficile à quantifier, j'en conviens, mais contribuent néanmoins à faire baisser le nombre de décès sur les routes et au travail ainsi que le nombre de blessés. Par conséquent, puisqu'il y a moins de blessés il y aura moins d'indemnisations à verser. Je soutiens donc que, sur le seul plan budgétaire, le projet de loi n° 19 est une judicieuse initiative législative, d'autant plus qu'elle emporte l'adhésion des deux organismes visés, c'est-à-dire la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

On fait grand cas de la possibilité que, étant financé en partie par la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le Bureau du coroner, de ce seul fait, ne serait plus indépendant, du moins en apparence. J'aimerais d'abord rappeler à ce sujet que le coroner en chef ne sera pas amené à s'impliquer dans la négociation des ententes contractuelles qui interviendront entre le ministère de la Sécurité publique et les organismes visés. Il ne saurait être question, dans ces circonstances, d'atteinte, même apparente, à l'impartialité des coroners.

En outre, une personne raisonnable et bien informée qui considère le projet de loi n° 19 constatera que rien dans celui-ci n'affecte le mode de nomination ou le mode de rémunération des coroners ni le les soustrait à leur Code de déontologie, qui leur impose objectivité, rigueur et indépendance.

La proposition envisagée dans le projet de loi n° 19 représente, selon nos estimations, une récupération possible par le Bureau du coroner d'une somme de quelque 430 000 $, soit environ 400 000 $ pour la Société de l'assurance automobile du Québec et 30 000 $ pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est pourquoi, M. le Président, je considère que la mesure proposée est une bonne façon de gérer les deniers publics, en favorisant un meilleur arrimage entre les services rendus par les coroners et le financement de ces services par les organismes dont la mission épouse l'objectif de réduire les décès reliés aux accidents de la route ou du travail. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Alors, je constate, en ayant écouté attentivement le ministre, que l'écoulement du temps n'a pas modifié son attitude vis-à-vis du projet de loi n° 19, malgré cependant les représentations que l'opposition officielle lui a faites au printemps dernier, lors de l'adoption de principe, d'une part, et également lors de l'étude article par article, quoiqu'on n'ait étudié qu'un seul article du projet de loi n° 19.

Qu'il me soit permis d'abord de mentionner, M. le Président, que le projet de loi n° 19 est l'exacte illustration de ce que les compressions budgétaires, l'obsession de l'atteinte du déficit zéro pour des raisons strictement politiques, ont amené ce gouvernement à faire. Le Bureau du coroner s'est vu imposer certaines compressions budgétaires et s'est vu fixer des objectifs de compressions budgétaires dans les années qui ont précédé. Les gens du Bureau du coroner, les gens du gouvernement, les fonctionnaires se penchent donc sur ce problème des compressions budgétaires de façon constante depuis plusieurs années, au gouvernement du Québec, gouverné par le Parti québécois, et on cherche de toutes les façons possibles à réduire les dépenses de l'État.

La façon qu'on a trouvée de les réduire récemment – et le projet de loi n° 19 est une illustration de cela – c'est de se délester d'un certain nombre de dépenses pour les faire payer par quelqu'un d'autre. Quelqu'un d'autre qui, de toute façon... On tourne en rond et c'est un cercle vicieux, M. le Président, parce que tous les autres qui sont appelés à payer le délestage, c'est le contribuable, en définitive, qui devra les payer, les dépenses.

Alors, le Bureau du coroner et les administrateurs... et le ministre, il a acheté ça, lui. Le ministre a acheté ça sans aucun problème. Les investigations du Bureau du coroner dorénavant pourront, si une entente est signée entre le Bureau du coroner et la SAAQ ou le Bureau du coroner et la CSST, les dépenses d'investigation pourront être payées par la SAAQ et/ou par la CSST, dépendant de la nature de l'accident en cause.

M. le Président, il faut savoir que le coroner, qui est un organisme indépendant, tient deux sortes d'enquêtes: d'abord, des enquêtes publiques – et je concède au ministre qu'il n'est pas question des enquêtes publiques dans le projet de loi n° 19 – mais également des investigations, c'est-à-dire, va chercher les causes et les circonstances de certains accidents causés par des tragédies routières ou de certains accidents causés lors d'accidents de travail, doit chercher les causes de certains accidents et de certains décès qui sont causés pour des raisons obscures.

(10 h 50)

Et ce dont il est question ici, c'est que, jusqu'à maintenant, puisque le projet de loi n'est pas encore adopté, bien sûr – peut-être le ministre se ressaisira-t-il avant d'en proposer l'adoption définitive – les investigations des bureaux des coroners sont actuellement... les dépenses qui sont assumées par le Bureau du coroner... Dorénavant, il pourrait y avoir des ententes qui seront conclues à l'effet que ces investigations pourront être payées à même les fonds réservés à la SAAQ et à la CSST.

C'est un projet de loi de nature économique. Le ministre le soumet. Mais c'est un projet de loi, M. le Président, qui risque d'avoir des effets beaucoup plus importants que l'effet strictement économique. Le ministre reproche à l'opposition officielle d'abord le fait que l'opposition officielle ne baisse pas la tête devant lui et n'accepte pas son argument à l'effet qu'il s'agit d'un projet de loi qui illustre le principe de l'utilisateur-payeur. Mais l'opposition officielle ne peut pas baisser la tête devant le ministre à ce sujet-là parce que son raisonnement a un défaut important, qui est le suivant. C'est que, bien sûr, les constatations que le coroner peut faire lors de certaines investigations peuvent amener le gouvernement – la SAAQ, en l'occurrence, ou la CSST, dans le cas des accidents de travail – à devoir investir, à devoir augmenter ses dépenses pour corriger une situation qui aurait pu être détectée par l'investigation.

Je vous donne un exemple. Il va s'agir d'une enquête publique, il ne s'agira pas d'une investigation, mais, tout de même, l'exemple servant à illustrer le propos de l'opposition officielle. La tragédie des Éboulements, ce qu'il est convenu d'appeler maintenant la tragédie des Éboulements, où un véhicule routier, un autobus en l'occurrence, était impliqué, a amené le coroner à recommander à la Société de l'assurance automobile du Québec de faire plus de prévention, de faire plus d'investigations en ce qui concerne l'état des véhicules, l'état des autobus qui prennent la route au Québec.

Tout le monde va comprendre que cette recommandation-là implique pour la Société de l'assurance automobile du Québec des dépenses accrues en matière de prévention, c'est-à-dire plus de contrôles routiers, plus d'interceptions de véhicules, plus d'interceptions d'autobus qui devront être examinés. Alors donc, il y a des dépenses qui sont impliquées, de telle sorte que dorénavant, lorsque la population considérera le fait que des investigations qui sont menées par le Bureau du coroner sont payées par la Société de l'assurance automobile du Québec, on pourra toujours craindre que certaines des investigations ayant comme conclusion normalement une dépense accrue pour la Société de l'assurance automobile, le payeur des investigations... Il est facile de conclure qu'il est possible que la Société de l'assurance automobile du Québec soit en conflit d'intérêts dans ces dossiers-là. Et c'est ça que l'opposition a reproché.

Donc, lorsque le minister dit: Ce n'est que l'illustration de l'utilisateur-payeur, nous lui reprochons que son raisonnement souffre d'un défaut majeur, c'est-à-dire que certaines des recommandations des investigations pourraient avoir un effet sur les dépenses de la Société de l'assurance automobile du Québec et sur les dépenses de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Premier reproche.

Deuxième reproche. Effectivement, nous lui avons reproché que son projet de loi pèche en regard du principe de l'indépendance du Bureau du coroner. Mais l'opposition officielle n'est pas seule dans ce reproche. Le Barreau du Québec lui-même, dans une lettre qu'il faisait parvenir au ministre au moment de l'adoption du principe du projet de loi n° 19, soulevait une inquiétude en ce qui regarde l'indépendance du Bureau du coroner, en fonction du projet de loi n° 19. Et le Barreau du Québec disait au ministre: M. le ministre, le Bureau du coroner doit avoir et doit représenter... et la population doit croire que le Bureau du coroner est un organisme indépendant. En faisant payer ses dépenses par des organismes autres que le Bureau du coroner, notamment la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, vous risquez que le public ait des doutes sur l'indépendance du Bureau du coroner. Le Barreau du Québec faisait parvenir cette représentation dès le printemps dernier.

Je constate ce matin que le ministre n'a pas tenu compte de cette représentation. Maintenant, il est toujours temps qu'il se ressaisisse. Nous en sommes à l'étape du rapport de la commission. Nous avons fait part de ces représentations lors de la commission. Je constate que le ministre n'a peut-être pas eu le temps d'y penser cet été, suite aux travaux que nous avons faits en commission. Il n'a pas encore proposé l'adoption définitive du projet de loi n° 19. Nous soumettons qu'il y réfléchisse de nouveau avant de proposer l'adoption de principe et nous lui soumettons que son projet de loi, qui en apparence n'est que de nature économique, qui est le résultat des nombreuses compressions qui ont été effectuées par ce gouvernement-là dans les dernières années, et qui n'est que le résultat de ces compressions-là... donc que le ministre réfléchisse à son projet de loi et que, malgré le fait qu'il prétende qu'il s'agit d'un projet de loi de nature économique, il réalise que son projet de loi risque d'avoir des effets et il choisisse de ne pas l'appeler pour l'adoption en troisième lecture.

Le ministre a tout de même admis lors de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi en détail, à la suite de certaines représentations que nous lui avons faites, M. le Président, qu'il y avait un danger à ce qu'éventuellement, les investigations du Bureau du coroner faisant augmenter les dépenses de la Société de l'assurance automobile du Québec, ou enfin faisant en sorte qu'on doive puiser dans les fonds de la Société de l'assurance automobile du Québec et de la CSST pour les payer, les organismes en question choisissent, dans un effort qui leur serait demandé, toujours dans la ligne de ce gouvernement-là, de nouvelles compressions budgétaires... qu'il y ait donc une tentation pour ces organismes-là de faire payer aux familles des gens qui sont des victimes de tragédies routières ou de tragédies à la suite d'accidents de travail, d'une quelconque façon, le montant ou le coût des investigations. Le ministre s'est montré sensible à cette représentation que nous lui avons faite, refusant tout de même de s'engager à surveiller pour que cette éventualité-là ne se produise pas. Le ministre s'est tout de même montré sensible.

Alors, ce matin encore, au moment du rapport sur l'adoption du projet de loi, nous lui suggérons d'ajouter à cette intention qu'il nous a verbalisée de surveiller à ce que jamais les familles des gens qui sont des victimes de tragédies routières ne soient amenées à payer pour les investigations du Bureau du coroner. Nous l'amenons à lui demander de réfléchir un peu plus avant à cette éventualité-là et à s'engager de façon formelle, d'une quelconque façon, à ce que cette éventualité-là ne se produise jamais. Alors, je vous remercie, M. le Président.

(11 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. S'il n'y a pas d'autres intervenants, je m'en vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Bon. Je serai très court, M. le Président. Mais c'est une drôle de critique que l'on fait au gouvernement que de dire que nous avons une obsession du déficit zéro pour des fins politiques. Je dirais que, d'abord, cette obsession, je pense, elle est partagée par la très grande majorité de la population. Tout le monde sait que, avant de diminuer les taxes, il faut cesser d'emprunter pour payer les dépenses courantes. Par conséquent, c'est là un objectif, je pense, qui est partagé par l'ensemble de la population. Pour des fins politiques? J'imagine que c'est parce qu'on serait plus populaire en prenant une décision qui est partagée par l'ensemble de la population. Je peux vous dire que, d'abord, c'est comme ça que la démocratie fonctionne. C'est parce qu'on pense que la démocratie fonctionne mieux que les autres systèmes de gouvernement, parce que justement les gouvernements sont forcés, pour être réélus, de prendre des mesures qui sont acceptées par l'ensemble de la population. Mais je peux vous dire que, dans la pratique aussi, c'est une politique qui est extrêmement difficile à poursuivre, et, si les gens sont d'accord sur l'objectif final du déficit zéro, quand arrivent les coupures qui doivent être faites, elles doivent être justifiées, et je pense qu'on perd beaucoup de plumes politiques. De toute façon, je pense que c'est un compliment à nous faire, que nous avons cette obsession qui est partagée par l'ensemble de la population.

Quant au projet de loi précis, qui a des incidences budgétaires, il est vrai, je pense que l'exemple donné par l'opposition est un bon exemple, la tragédie des Éboulements. Après l'examen par un coroner qui a entendu des parties, il a pu faire une enquête beaucoup plus large que sur simplement la tragédie mais voir d'autres tragédies antérieures, examiner comment on s'y prenait au Québec pour éviter ce genre de tragédies et constater que justement on ne faisait pas d'assez bons examens des autobus qui transportent les gens. Bien, voilà un exemple d'un avantage qui est non seulement important sur le plan de la vie humaine, mais qui aura pour la Société de l'assurance automobile du Québec des retombées qui, au total, au bilan, seront supérieures au coût que ça va lui donner. Parce que, si le nombre de morts augmente, c'est sans doute tragique sur le plan humain, mais déjà ça justifierait qu'on trouve une bonne façon de financer les enquêtes du coroner; mais, s'il y a plus de morts puis plus de blessés, cela va coûter plus cher à la Société de l'assurance automobile du Québec que le coût des inspections qu'elle serait amenée à faire.

De même, je rappelle, par exemple, qu'il y a eu des accidents tragiques près de Montréal sur la 20, et c'est à la suite d'une enquête du coroner où on a constaté que ces accidents se reproduisaient, que c'était arrivé plusieurs fois, qu'on a apporté des modifications, mettant des indications devant, mettant aussi... guidant mieux parce qu'il y avait un problème de brouillard constant sur cette portion de l'autoroute 20, et il y a, depuis ce temps-là, beaucoup moins d'accidents. S'il y a beaucoup moins d'accidents, il y a beaucoup moins d'indemnisations, donc il y a un profit encore pour la Société de l'assurance automobile.

Même chose aussi pour les accidents du travail, cela permet très souvent aux syndicats, aux employés eux-mêmes d'une entreprise de se réunir, d'examiner les accidents de même type qui sont faits ailleurs et d'amener à faire des recommandations qui corrigent des situations qui causent des accidents. Donc, il n'y a véritablement que des avantages.

Quant à l'indépendance des coroners, je signale que les coroners sont permanents et que, par conséquent, je ne vois pas en quoi le fait que le gouvernement aille chercher dans ses organismes une faible part du financement d'une activité qui, de toute façon, a des avantages sur ces deux organismes puisse affecter leur indépendance de quelque façon, puisque, comme les juges, ils sont permanents. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais faire un petit correctif à ce que j'ai indiqué tantôt. En l'occurrence, quand nous sommes dans la prise en considération de rapports, il n'y a pas au sens strict un droit de réplique, qui est habituellement de 20 minutes au terme de toutes les interventions, mais vous aviez un droit d'intervention de cinq minutes après chaque intervenant. Alors, c'est seulement pour corriger pour l'avenir. Alors, vous saurez que, quand c'est la prise en considération du rapport, l'auteur a un droit d'intervenir cinq minutes après chaque intervenant, mais ce n'est pas un droit de réplique au sens formel du terme, qui est de 20 minutes au terme de toutes les interventions dans les autres cas.


Mise aux voix du rapport

Alors, ceci dit, je vais mettre aux voix le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Ce rapport est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je vous prie de prendre en considération l'article 3 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 65


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 3, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones propose l'adoption du principe du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones. Je vais céder la parole à M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Je vous cède la parole, M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le projet de loi, il est petit, il a à peine... exactement quatre articles. L'objectif, c'est quoi? Parce qu'on doit, quand on dépose un projet de loi où on a à se prononcer sur le principe, se dire: Bien, pourquoi ce projet de loi là? Étant donné que le Secrétariat aux affaires autochtones relève du pouvoir exécutif puis qu'il y a un ministre responsable des Affaires autochtones, on a dit... Parce qu'on est en relation avec l'ensemble des ministres. Le ministre responsable des Affaires autochtones doit rencontrer l'ensemble de ses collègues sur l'ensemble des missions gouvernementales auprès de cette communauté.

On sait très, très bien qu'à l'Assemblée nationale du Québec, en 1983 et en 1985, il y a eu des moments historiques, ici. Unanimement, en cette Chambre, on a reconnu des nations autochtones, on leur a reconnu le droit de pouvoir négocier des formes d'autonomie gouvernementale, de négocier sectoriellement sur plusieurs ententes, que ce soit la faune, que ce soit le transport, que ce soit la santé, que ce soit les garderies, que ce soit la justice, la sécurité publique. On négocie directement avec les communautés. Il y en a 54 communautés, si on compte les neuf communautés inuit, les neuf cries, les neuf montagnaises, les Naskapis, les Malécites, les Algonquins... Il y en a 11 nations qu'on a reconnues; en 1985, 10; et les libéraux, en 1989, ont reconnu les Malécites.

On s'est dit: Il faut fournir un cadre légal à la fonction de ministre délégué aux Affaires autochtones. Un titre qui n'était pas assis nécessairement sur une assise juridique légale ou un cadre légal, d'autant plus que le gouvernement avait publié – en avril 1998, vous vous rappellerez tous en cette Chambre – une politique en matière de relations avec les autochtones, qui se veut une politique tout simplement de créer un climat d'harmonie avec les communautés autochtones. Dans ce cadre-là, on veut asseoir juridiquement la fonction de ministre responsable aux Affaires autochtones. On veut lui donner l'autorité juridique pour mettre en oeuvre les orientations du Québec en matière autochtone. Je dois vous dire que jusqu'à date je suis particulièrement heureux de notre politique qu'on a adoptée comme gouvernement en matière de relations avec nos autochtones.

Ça rend donc obligatoire la signature par le ministre délégué des ententes qui doivent être approuvées par le gouvernement dans l'objectif de renforcer la fonction de coordination gouvernementale. En d'autres mots, ce projet de loi fait obligation au ministre responsable aux Affaires autochtones de signer des ententes. Par exemple, mon collègue de la Sécurité publique signe des ententes avec la police; nous sommes deux à signer l'entente avec la communauté. Par exemple, mon collègue de la Sécurité du revenu signe une entente avec les Inuit; nous signerons conjointement les ententes. Et c'est ce cadre juridique, pour permettre une plus grande coordination.

Parce que les communautés qui ont à transiger avec un gouvernement, imaginez-vous, bien souvent, là, qu'ils ont affaire à sept, huit gouvernements. Il y a une coordination qui s'impose dans cela, les aider dans leurs démarches, asseoir les bonnes personnes devant les responsables des communautés, favoriser le dialogue, dénouer, au niveau de deux ministres, l'impasse à une table de négociation. Par exemple, on se rencontre, deux collègues, puis on dit: Ton négociateur insiste un peu trop là-dessus, il me semble qu'il y a de la souplesse à apporter. En fait, c'est une responsabilité que je dois exercer dans un cadre légal avec la complicité, la collaboration de mes collègues, et c'est pour ça qu'on a voulu faire un tout petit projet de loi rendant obligatoire la signature par le ministre délégué aux Affaires autochtones, précisément pour lui reconnaître ce statut de coordonnateur des orientations, de l'application des orientations gouvernementales. Ça permettra au ministre d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes d'aide financière tels que le Fonds de développement pour les autochtones.

(11 h 10)

Vous savez que dans notre politique du 28 avril 1998 on a créé un fonds de 125 000 000 $ sur cinq ans, un fonds qui va permettre en particulier de supporter les projets de développement économique. On sait que les autochtones ont énormément de difficultés à bâtir un plan financier pour un projet. Pourquoi? La raison est fort simple, on peut le constater de visu: ils ne sont pas propriétaires en titre de leur sol. Ça appartient au fédéral comme tel, qui, lui, est le grand gestionnaire de leurs terres. Et je dois vous avouer que ça leur crée un problème majeur. Je me souviens, au Sommet de Québec, les autochtones sont venus nous dire: Oui, mais on a des idées, on a des projets puis, quand on arrive pour présenter notre montage financier à une institution bancaire, elle nous dit: Oui, mais tu n'es pas propriétaire du fonds de terre. D'où la difficulté, donc, de faire un montage financier. On a trouvé toutes sortes de formules temporaires: le conseil de bande appuie le projet; le gouvernement fait des garanties de prêts quand c'est possible de le faire. Mais on a voulu avoir un fonds bien spécifique pour aider justement à créer ce démarrage d'entreprises, d'entrepreneuriat dans les communautés autochtones.

On en a beaucoup. Il y a beaucoup de projets de présentés. On serait surpris de voir, par exemple, chez les Cris, chez les Inuit, combien de projets ont vu le jour, que ce soit dans le domaine de la pourvoirie... On a une scierie qui fonctionne à Waswanipi. On a, à Obedjiwan, une autre scierie qui est une collaboration, un partenariat entre Donohue, par exemple, à Obedjiwan, entre Domtar à Waswanipi. On en a d'autres en négociations présentement entre le secteur privé puis d'autres communautés comme celle de Natashquan. Il y a des projets de développement à la Manawan. Il y a des projets de développement également dans une autre communauté attikamek tout près d'Obedjiwan. Et on continue. On a des ententes puis on a des projets économiques, mais on veut pouvoir légalement et juridiquement gérer ce fonds-là.

Donc, ce petit projet de loi là, qui est simple en apparence, permettra juridiquement au ministre responsable des Affaires autochtones de poser des gestes juridiques, c'est-à-dire de signer des ententes. Et, comme on sait que plusieurs de ces ententes conduiront dorénavant à des modifications législatives et à des modifications réglementaires... Parce que, dans la politique du 28 avril dernier, tout le monde aura observé que le gouvernement s'engage, dans sa politique, à modifier les législations et les règlements en conséquence.

Qu'est-ce qui arrivait, dans le passé, quand on signait une entente avec une communauté autochtone? On ne modifiait ni les règlements ni les lois. Et je vous donne un exemple très concret. Les Hurons-Wendat signaient, supposons, une entente sur la chasse. Bien, les Hurons-Wendat essayaient de respecter leur entente, pas nécessairement tous les membres de la communauté, mais la communauté s'était engagée à respecter une entente sur la chasse, supposons, à l'orignal. Ils se présentent dans le bois, ils ont la permission d'être une semaine en avance de la chasse normale pour tout le monde. Nos agents de la faune, qui doivent appliquer intégralement les lois et les règlements du Québec, n'ont pas reçu l'ordre, on ne leur a pas intimé de respecter une entente qui n'a fait l'objet ni d'un règlement ni d'une loi.

On se retrouvait devant les tribunaux, M. le Président, avec un constat d'infraction aux règlements du Québec, à la loi du Québec, mais une situation où il y avait un respect de l'entente. Et ça, ça ne peut pas durer, c'est la crédibilité même du gouvernement, des ministres concernés et de notre société en général. Si on prend la peine de s'asseoir, de négocier, de conclure des ententes, de vivre en harmonie, puis tout ça dans un cadre correct, on doit respecter nos engagements, et ça devra nous conduire à des changements de règlements ou à des changements de législation.

Donc, M. le Président, depuis le mois d'avril 1998, nous avons franchi passablement de pas. Nous avons signé des ententes de respect mutuel dans plusieurs cas. D'ailleurs, immédiatement après ce projet de loi ci, nous aurons un autre projet de loi, qui est rendu à l'étape de rapport, qui vient légaliser les quelque 10 ententes avec la communauté mohawk de Kahnawake, qui a déjà fait l'objet d'une étude de principe ici, qui a déjà fait l'objet d'étude en commission parlementaire et qui fera l'objet de quelques petits amendements mineurs au niveau de l'étude du rapport tantôt.

On négocie présentement – c'est peut-être le temps aussi de faire un petit bilan très sommaire – et ce n'est pas facile, mais on négocie présentement très sérieusement au niveau de deux tables de négociation avec deux groupes de Montagnais. Il y a Mamuitun et Mamit Innuat où on négocie, deux groupes à peu près du même nombre de Montagnais qui négocient, parce que, eux, ils ont obtenu l'autorisation depuis un bon bout de temps déjà de négocier globalement. Ça veut dire la territorialité et l'ensemble des délégations de pouvoirs.

On négocie également à une autre table avec les trois communautés attikameks qui sont de La Tuque jusqu'à Manouane. Trois communautés attikameks; il y a trois négociations globales. Mais il y a, par contre, beaucoup de négociations qui sont faites sectorielles, et plus particulièrement sur les finances, le revenu et également la chasse, la forêt, avec les Micmacs de Restigouche, avec les Micmacs de Maria, avec les Micmacs de Gaspé.

Et, M. le Président, il faut se le dire, je pense, franchement quand les faits sont là, il y a énormément de respect mutuel présentement entre les dirigeants des communautés autochtones et le gouvernement. Et je pense que ça doit continuer, ça doit persister. Puis on doit se réjouir, comme Assemblée nationale, que, dans ce cénacle bleu, comme on se plaît à le dire dans les milieux huppés... mais ce cénacle bleu doit être heureux du fait qu'on est en train d'établir des relations harmonieuses avec nos communautés autochtones. Ce midi, par exemple – je regardais juste mon horaire ce matin en me levant – j'ai un dîner avec les Hurons-Wendat et j'ai un souper ce soir avec les Mohawks de Kahnawake.

Il y a de plus en plus de rapports soutenus et des rapports soutenus non pas sur quelque chose de frivole... Quand on pense que, par exemple, tous veulent des projets de développement économique, tous veulent s'intégrer le plus possible à l'emploi, tous sont conscients, quel que soit le chef, qu'il est important de bâtir des programmes de développement économique chez eux, tous les chefs et tous les conseils de bande présentement sont conscients qu'ils devront, eux aussi, tout comme nous, relever le défi de l'emploi.

Et, M. le Président, c'est un peu l'assise juridique pour m'aider à faire mon travail, puis je demande à l'Assemblée nationale de l'adopter. Je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones, et je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, ça me fait grand plaisir d'intervenir dans le débat de principe du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones. Bill 65, an Act to amend the Act respecting the Ministère du Conseil exécutif as regards Native affairs.

D'entrée de jeu, M. le Président, je pense que tout le monde ici, dans la Chambre, peut constater que les quatre grands principes, les quatre grand objectifs de ce projet de loi sont forts louables, c'est-à-dire qu'on veut donner au gouvernement et au ministre concerné les pouvoirs de promouvoir et de maintenir des relations harmonieuses avec les nations et les communautés autochtones, on veut proposer de mettre en oeuvre une politique en matière d'affaires autochtones, on veut établir et mettre en oeuvre des programmes d'aide financière pour le développement économique, social et culturel et on veut négocier et signer des ententes avec les nations ou les communautés autochtones ou les organismes issus des communautés autochtones. Alors, les quatre grandes lignes, si vous voulez, M. le Président, sont fort louables. Mais je pense que ça nous amène quand même à poser une série de questions parce que, au-delà des fins louables, je pense que les moyens, les choses qui sont proposées dans le projet de loi méritent une attention particulière.

(11 h 20)

Surtout, quand je regarde toutes les attentes de la création de ce genre de guichet unique, une porte d'entrée pour les nations autochtones au gouvernement du Québec, je me rappelle le débat qu'on a eu il y a trois ans sur le projet de loi n° 1 – de mémoire, c'était proposé par le député de Laval-des-Rapides à l'époque – pour la création d'un ministère de la Métropole. Et, comme Montréalais, je me rappelle de toutes les belles promesses de ce gouvernement qu'avec un guichet unique, avec un ministère de la Métropole, ça va être vraiment la meilleure façon de coordonner et d'avoir des efforts gouvernementaux efficaces dans la grande région montréalaise. Trois ans après, nous avons assisté à l'enterrement du ministère de la Métropole.

Alors, je pense qu'il ne faut pas créer trop d'attentes dans ces genres de mécanismes horizontaux qui sont censés remplacer ou, d'une certaine façon, mieux concerter les efforts gouvernementaux. Le vrai pouvoir – et je pense que les nations autochtones le comprennent fort bien – demeure toujours dans les ministères sectoriels. S'il y a un dossier de la santé, avant tout il faut s'asseoir avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. S'il y a une question de transport, il faut voir le ministre des Transports. Et de créer un genre de mécanique horizontale, c'est une fin louable – on verra – mais j'ai déjà invité les autochtones et les parlementaires en Chambre à se rappeler l'expérience avec un ministère de la Métropole qui avait des fins fort louables. Je me rappelle un beau préambule que le ministre a mis dans sa loi sur le ministère de la Métropole, mais, au bout de la ligne, ça ne portait pas fruit. Et pour les raisons suivantes.

Encore une fois, il faut regarder les raisons qui ont mené à l'échec du ministère de la Métropole parce que ça peut peut-être nous porter des leçons quant à l'avenir de ces pouvoirs élargis du ministre délégué aux Affaires autochtones. L'équipe était trop petite. Comme je dis, avec une centaine de fonctionnaires, le ministère de la Métropole n'avait pas vraiment l'expertise ni la connaissance de tous les dossiers pour agir et fonctionner d'une manière efficace dans la grande région montréalaise. Comme je l'ai mentionné tantôt, le vrai pouvoir demeure au ministre sectoriel. Les dossiers de l'éducation, c'est avant tout le ministre de l'Éducation qui doit être convaincu du bien-fondé d'un dossier. Un dossier de la santé, c'est la ministre de la Santé qu'il faut interpeller pour s'assurer que le dossier arrive au bon port.

Et, troisièmement – je pense que c'est une très importante mise en garde – trop souvent la présence du ministère de la Métropole a compliqué au lieu de simplifier l'affaire, parce que ça a mis une autre étape dans la démarche de l'approbation gouvernementale. Alors, même si on a réussi à convaincre le ministère de la Santé ou le ministère de l'Éducation du bien-fondé d'un projet, nous avons ajouté une autre étape. Il faut aller convaincre un autre ministre, trouver une autre signature sur une entente qui, des fois, va prendre encore plus de temps.

Et, enfin, dans le domaine autochtone, déjà les décisions gouvernementales prennent beaucoup de temps. Et je veux m'assurer, en étude détaillée de ce projet de loi, que ça va accélérer et pas décélérer le progrès des dossiers autochtones. On sait, après avoir eu le privilège de visiter plusieurs communautés autochtones, que c'est très loin, d'Obedjiwan à la Grande Allée. C'est très loin, de Kangiqsualujjaq à Québec. Et, si, avec la création d'autres obligations quant à l'approbation des projets de loi ou de donner le feu vert aux projets, on va ajouter un autre obstacle avant d'avoir l'approbation d'un dossier, je pense qu'on fait fausse route aujourd'hui.

Le deuxième constat, M. le Président, ou questionnement que je veux amener en commission parlementaire: Est-ce qu'on risque effectivement de faire une certaine déresponsabilisation des ministères sectoriels? Je sais que le ministre responsable de la Solidarité sociale a un très grand intérêt dans les dossiers autochtones, mais, avec les nouvelles structures, est-ce qu'il y aura un risque que son successeur aura moins d'intérêt et dise: Allez voir le ministre délégué, c'est lui qui s'en occupe aujourd'hui? Parce que, avec les pouvoirs qui sont mis là, il y a toujours... Et je pense que la crainte est réelle, parce que c'est un des reproches qu'on fait maintenant au ministre fédéral des Affaires indiennes que trop de dossiers sont centralisés sur lui et qu'il n'y a pas assez de décloisonnements, il n'y a pas assez de responsabilités pour les ministères sectoriels.

Alors, encore une fois, la notion de guichet unique, la notion d'avoir une porte d'entrée pour les nations autochtones n'est pas mauvaise en soi, mais il faut faire très grande attention qu'on ne déresponsabilise pas les ministères sectoriels. Parce qu'on l'a vu même dans un débat au printemps sur le projet de loi sur les sages-femmes, je pense que le ministère de la Santé et le ministère de la Justice n'étaient pas conscients des conséquences de leur projet de loi sur les communautés autochtones. Ils n'étaient pas conscients, alors, du fait qu'on soit en train de faire une loi ici, à l'Assemblée nationale, qui aura des impacts négatifs et désastreux à Inukjuak où il y a une clinique où les sages-femmes travaillent, on n'était pas au courant. Il n'y avait pas de prévisions dans notre loi pour refléter cette réalité.

On a réussi à faire les modifications législatives à temps, mais également dans toute la question des cours pour les sages-femmes qui sont donnés par les Mohawks en Ontario – qui est une frontière que nous avons imposée mais, pour les Mohawks, c'est une frontière qui n'est pas la leur – alors, le fait de former les sages-femmes mohawks à Brandford plutôt qu'à Trois-Rivières, pour eux autres, c'est une décision qu'ils aimeraient prendre. Mais, encore une fois, dans la loi qu'on a adoptée au printemps sur les sages-femmes, on n'a pas à tenir compte de cette réalité.

Alors, je pense qu'il faut à tout prix éviter une déresponsabilisation des ministres et des ministères sectoriels. Je ne veux pas que la création d'un guichet unique dise aux autres ministres, envoie un signal: Ce n'est plus de mes affaires. Allez voir le député de Joliette, c'est lui qui s'en occupe. Parce que ça va toujours prendre l'engagement de tous les ministères dans l'analyse de ces dossiers. Et, comme j'ai dit, je pense que de l'expérience à Ottawa il y a des leçons à tirer: que, si trop de responsabilités pour les Indiens, entre guillemets, sont données à un ministre uniquement, il y a un certain effet de déresponsabilisation pour les autres ministres, qu'il faut éviter.

Troisièmement, je pense qu'il faut regarder surtout les questions que j'ai soulevées, qui demeurent toujours sans réponse au moment des crédits. Comment est-ce que le SAA, avec ses 44 effectifs, va gérer le fonds sur le développement économique et également les infrastructures communautaires? Parce que le ministre l'a mentionné tantôt, ce n'est pas les projets qui manquent. Moi, je me rappelle quand Billy Diamond est venu en commission parlementaire sur le Grand Nord à l'automne de 1998. Le chef Diamond avait des projets sans cesse. Dans sa présentation de 20 minutes, il était capable, avec sa créativité et son imagination, de proposer une grande série de projets qui étaient de tout intérêt. Est-ce qu'ils sont réalistes, est-ce qu'ils sont rentables? Moi, je l'ignore, mais ce n'étaient pas les projets, ce n'étaient pas les idées qui manquaient chez les Cris, chez les Inuit, à travers les nations autochtones qui ont des projets.

Alors, c'est pourquoi j'insiste beaucoup – et le ministre, à date, ne l'a pas fait – c'est comment est-ce qu'on va baliser ces fonds, comment est-ce qu'on va indiquer aux nations autochtones, premièrement, qu'il y aura une équité dans l'octroi des sommes entre les 11 nations, les 54 communautés que le ministre a énumérées tantôt? Comment est-ce qu'on va réserver un montant qui soit juste et équitable pour les Cris, pour les Algonquins, pour les Inuit, pour les Mohawks? Alors, je pense que c'est très important d'avoir, à l'intérieur de ce fonds, des balises qui n'existent pas encore. Parce que, sinon, comment est-ce qu'on va s'assurer qu'un projet de scierie à Waskaganish est plus ou moins intéressant qu'une pourvoirie à Obedjiwan, par exemple?

Et, à 44, je ne pense pas que le Secrétariat aux affaires autochtones ait les moyens de faire ce genre d'analyse. Alors, comment est-ce qu'on va associer le ministère de l'Industrie et du Commerce? C'est quoi, la démarche? Est-ce qu'il y aura un avis formel qu'il faut mettre dans le dossier, qu'il va être transparent, qu'il va aider à la fois les parlementaires et les nations autochtones à mieux comprendre les choix qui ont été faits par le ministre? Parce que, sinon, 125 000 000 $ au bon gré du ministre de faire le choix des projets, ça a créé beaucoup de doutes chez les autochtones. Il y a beaucoup de questionnements.

Alors, j'ai demandé, au mois d'avril, je réitère aujourd'hui ma demande, que le ministre dépose un processus sur comment on va analyser les dossiers, comment les décisions vont être prises, comment les avis sectoriels vont être sollicités auprès d'autres ministères. Si c'est une pourvoirie, j'imagine que Tourisme Québec aura un mot à dire sur la rentabilité, la faisabilité du projet. Alors, je pense que ça, c'est quelque chose qui est très important.

(11 h 30)

Également, je demande toujours comment on va diviser le 125 000 000 $ entre les 11 nations, parce qu'il y a toujours les personnes qui craignent que, s'ils défendent leurs droits dans un dossier, ils resteront pénalisés à l'intérieur de ce fonds. Est-ce que ça se fait? Ça ne se fait pas? Je ne sais pas, mais c'est la crainte qui est toujours soulevée quand il y a un manque de transparence. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à ce que le gouvernement dévoile comment il entend dépenser ces fonds, parce qu'on sait que les demandes sont énormes. On sait que les projets, ça ne manque pas. Ma règle de droit, c'est toujours: Pour chaque dollar à dépenser par le gouvernement, il y a au moins pour six dollars de projets. Je ne sais pas si je me trompe dans ce domaine ou non, mais il y a toujours énormément de beaux projets. Les choix sont toujours difficiles, mais, par souci de transparence, je pense qu'on a tout intérêt à ce que le gouvernement indique comment il va dépenser cet argent. Et c'est quoi, les redditions de comptes? Comment est-ce que le ministre va s'assurer du bon fonctionnement de ce fonds d'aide financière qui est prévu dans le projet de loi n° 65?

Et une des grandes nations, les Cris, a énormément de craintes, parce qu'elle ne veut pas que le rôle de coordination que le ministre vient de mentionner dans son discours devienne un rôle de coercition. Et j'ai questionné le ministre; il reste toujours un malentendu, je ne sais pas trop quoi. Mais, au printemps de cette année, M. le Président, il y avait une table de travail sur la santé dans la communauté crie, et un représentant du ministère de la Santé et des Services sociaux a suspendu les travaux de ce comité de travail à cause d'un litige forestier avec le gouvernement du Québec. Et, moi, je pense que, quand on pense aux besoins au niveau de la santé dans la communauté crie, de faire ces genres de liens, c'est inacceptable. Le ministre a dit, dans sa réponse, à l'époque, qu'il y avait un genre de malentendu, mais ça a laissé beaucoup d'amertume chez les Cris de faire ce genre de liens. Alors, si c'est ça, la coordination, je pense qu'on n'a pas d'intérêt. Si c'est vraiment que les dossiers avancent d'une façon plus efficace, plus rapidement, je pense qu'on a tout intérêt, mais c'est une autre crainte qui a été soulevée.

Encore une fois, plus spécifiquement chez les Cris, et les Inuit, et les Naskapis, il y a des questions de l'arrimage entre les provisions de la loi n° 65 et la Convention de la Baie James, parce que c'est très clair dans la Convention de la Baie James, M. le Président, qu'il y a des obligations très pointues pour les ministres sectoriels. Alors, il y a une obligation d'une relation entre le ministre de l'Éducation et la commission scolaire crie. Il y a des obligations entre la régie régionale de la santé crie et le ministre de la Santé. Et, encore une fois, on ne veut pas que le projet de loi ici, qui est présenté dans l'optique de simplifier nos relations avec les nations autochtones, devienne un obstacle, devienne une autre étape qu'il faut franchir avant d'arriver à l'adoption d'une entente ou de faire un progrès dans un dossier ou un projet de construction dans une communauté autochtone.

Alors, je pense qu'il y avait des questions très précises qui étaient formulées, entre autres par les Cris, sur l'arrimage entre les provisions de la Convention de la Baie James et le projet de loi qui est devant nous. Et on sait, M. le Président, que la Convention de la Baie James a un statut comme un traité moderne. Alors, c'est quelque chose qu'on ne peut pas changer à la légère. Ce n'est pas par un projet de loi de l'Assemblée nationale qu'on va modifier les provisions de la Convention de la Baie James. C'était signé par le gouvernement du Québec, le gouvernement de M. Bourassa à l'époque, et c'est l'ancien député de Mont-Royal, M. Ciaccia, qui a mené les négociations pour en arriver avec la Convention de la Baie James. Le gouvernement fédéral est également signataire, et les Cris, les Naskapis, et les Inuit.

Alors, pour le gouvernement du Québec, de changer les façons de faire, de changer les responsabilités, les devoirs des ministres qui sont impliqués dans la Convention de la Baie James, sans les consulter, sans chercher leur approbation, me semble une erreur. Je pense que c'est très important de vérifier avant d'aller de l'avant, parce que le ministère de la Santé, le ministère des Ressources naturelles, le ministère de l'Éducation, entre autres, ont des liens directs avec la communauté crie, et je ne veux pas que l'on change la qualité de ces relations sans s'asseoir avec nos partenaires autochtones pour les écouter. Je sais, au moins pour les Cris, pour ce genre de questions, ils aimeraient avoir l'occasion de témoigner devant la commission parlementaire, la commission des institutions, avant l'étude détaillée de ce projet de loi, parce qu'ils ont une série de questions de cette nature, des questions techniques pour l'arrimage entre les provisions du projet de loi n° 65 et les communautés cries. Alors, j'espère que le ministre va tenir compte de cette demande, va voir si, soit devant la commission des institutions ou à un autre moment, on peut clarifier les positions et les questions qui étaient faites par la partie crie quant à l'arrimage entre la Convention de la Baie James et le projet de loi n° 65.

Juste avant de conclure, M. le Président, il y avait également une absence, dans ce projet de loi, de quelque chose que le ministre a mentionné dans sa politique, a mentionné en commission parlementaire, c'est la création d'un forum ou d'un lien plus formel entre à la fois le gouvernement du Québec et les nations autochtones, mais également, quelque chose qui me tient à coeur, un lien entre l'Assemblée nationale et les nations autochtones. On a parlé d'un forum, on a parlé d'un genre de... presque un Parlement mixte ou une occasion où les élus de l'Assemblée nationale et les élus des nations autochtones peuvent s'asseoir, peuvent établir un dialogue, peuvent échanger sur les dossiers qui les préoccupent, parce que, comme je l'ai mentionné dans tous mes discours, les distances entre nos communautés autochtones et l'Assemblée nationale sont énormes, pas uniquement physiquement, mais également juste la distance entre avoir le pouvoir de faire entendre leur voix ici, à l'Assemblée nationale... Ce n'est pas évident, M. le Président. Alors, j'imagine que le ministre est toujours en train de préparer une proposition de cette nature, mais j'y tiens beaucoup, qu'on ait une façon plus formelle, plus permanente d'établir un dialogue parlementaire avec les élus des nations autochtones.

Alors, en conclusion, comme je dis, je vois les quatre grands principes de ce projet de loi, ce sont des principes qui sont fort louables, mais... The devil is in the details. It's always difficult to make sure that this bill, which is intended to make relations with the First Nations of Québec more harmonious... It's intended to render more efficient our relations with the First Nations by creating a sort of gateway to Government departments through a minister responsible for Native Affairs. It will create a way to manage a $125 000 000 fund that has been created to promote economic development and infrastructure development in Native communities.

As I say, these are all ends that are very important, but there are a few principles, I think, that have to be respected, a few problems – the devil being in the details – that have to be avoided. And I would remind the Minister that this should not become an excuse for his colleagues in cabinet to say: Well, I don't have to worry about Native affairs anymore. So the Minister of Health, or the Minister of Education, or someone else can say: Go see the Member for Joliette, he'll do everything. And people might take that lightly, but it is often the criticism that is made of the Department of Indian Affairs in Ottawa. And I think there's an agreement now where everyone says that the Department of Indian Affairs should be changed, should be abolished, even. So, we should learn from that experience. And I have always argued that each and every minister and government department and agency should be responsible for Native affairs. So I think there's a caution here. What we're about to do will disinterest or make less responsible the ministers, cabinet colleagues, and I think that's something to be watched against. We don't want this to slow the process down.

As I say, this Government created a government department responsible for metropolitan Montréal three years ago, we buried it last spring. It was supposed to render everything much more efficient, it was supposed to render everything a gateway to Government services, and the Government action in the Montréal area would be much more coordinated. It did'nt work. It didn't work, as I say, we quietly buried the «ministère de la Métropole» this spring, and my fear is that we might be doing the same thing again, because the ministers that still have the real say, the real power, have remained the sectorial ministers, the Minister of Education, the Minister of Health, and that's another problem that may come up with this.

(11 h 40)

Finally, I urge the Minister to present to the Members of this House quite quickly the general rules for functioning for this Fund for Economic Development. We know there is no shortage of projects; we know that there's no problem with people across the province who want to come forward from the First Nations with economic development projects, infrastructure projects. So the Minister should indicate how much money is going to be reserved for each of the First Nations, how the projects are going to be analyzed. Because, with still a fairly small team of 44 people at the Native Affairs Secretariat, I don't think they can all do that. So we have to see how the other ministries are going to be involved with the choice of projects.

Bref, je pense qu'il y a ces préoccupations, qu'on veut à tout prix que nos relations soient effectivement plus harmonieuses. On veut avoir une saine gestion des 125 000 000 $ qui sont en question. Et on veut aussi s'assurer qu'il n'y a pas une déresponsabilisation des autres ministères pour les questions autochtones. Parce que, dans plusieurs domaines, il y a un énorme rattrapage à faire. Et je pense qu'on a tout intérêt que la qualité... que nos relations avec les premières nations soient toujours harmonieuses. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais céder la parole à M. le ministre pour un droit de réplique.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, ce sera...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci. Ce sera très bref, M. le Président. Je pense qu'en commission parlementaire nous pourrons clarifier plusieurs points qui ont été soulevés par le député de Jacques-Cartier et critique de l'opposition officielle en matières autochtones. Et j'invite ses collègues à aller vers lui en matière de relations avec les autochtones, comme mes collègues peuvent venir vers moi. J'ai l'impression que ce serait un enrichissement pour le critique de l'opposition d'avoir l'ensemble des points de vue de ses collègues de l'opposition, comme c'est un enrichissement extraordinaire, ce que mes collègues me transmettent comme position. Donc, M. le Président, je suis heureux de voir qu'on sera unanimes envers l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 23 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 66


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 23, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 66, Loi permettant la mise en oeuvre d'ententes avec la nation mohawk, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Ces amendements sont déclarés recevables. M. le ministre, vous intervenez?

M. Chevrette: Oui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous cède la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. C'est vraiment une première à l'Assemblée nationale qu'on ait adopté en principe un projet de loi qui ratifie les ententes avec une communauté autochtone, la communauté mohawk.

C'est un projet de loi qui va rendre légales une série d'ententes, mais qui touchent plusieurs législations. Je pense, entre autres, au Code civil du Québec, qui, pour une partie, ne s'appliquera pas de la même manière pour les Mohawks qu'il s'applique pour la collectivité québécoise. La Loi concernant l'impôt sur le tabac va s'appliquer d'une façon différente pour les Mohawks que ça s'applique pour la communauté québécoise. Une Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, parce qu'on les responsabilise, ils prennent des pouvoirs, ils vont contrôler des débits à leur façon, selon leurs traditions, dans leur communauté; la Loi sur les licences, l'émission des licences; la Loi sur le ministère du Revenu – j'avais commencé, avec ma collègue de Rosemont, à travailler sur ce dossier qui a été poursuivi et qui a abouti à la signature d'une entente; une Loi sur les permis d'alcool; un amendement à la Loi sur la Régie des alcools; la Loi sur la sécurité dans les sports – ils ont une commission athlétique, il faut qu'ils aient leurs propres règles, et dans le cadre du respect et de l'harmonisation avec nos législations; une Loi sur les centres de la petite enfance: nous avons une entente sur les centres de la petite enfance pour qu'ils aient une autorité à l'intérieur de la communauté qui s'occupe de ce secteur; la Loi sur la Société des alcools du Québec; la Loi sur la taxe de vente du Québec; la Loi concernant la taxe sur les carburants. Voilà autant de lois qui sont modifiées pour permettre de donner une base juridique aux règlements et aux ententes que nous avons dûment signées avec la communauté mohawk. Il y en a sur le transport, il y en a dans tous les domaines, M. le Président.

Et, personnellement, vous me permettrez de remercier mes collègues. De remercier mes collègues d'abord d'avoir contribué à l'élaboration d'une politique en matière de relations avec les autochtones. Plusieurs de mes collègues, le député de Laviolette, le député de Saint-Jean, le député de Roberbal, il y a plusieurs députés qui ont participé à l'élaboration de cette politique. C'est d'abord eux qui ont travaillé ensemble, puis qui m'ont dit: Bien, écoute, mon Chevrette, ça serait ça, d'après moi, qui devrait être la loi. J'ai reçu ça, on a travaillé cela, on a consulté puis on est arrivé à produire un projet de politique dont je suis fier et dont l'Assemblée nationale devrait être fière, à mon point de vue.

Et ça a conduit, cette base, cette politique de base a conduit à des ententes. On en a plus d'une trentaine, d'ententes, présentement avec diverses communautés, dont 10 spécifiquement avec la nation mohawk. Et le projet de loi, conformément à notre politique, viendra donner une assise juridique à ces ententes-là pour que tout soit dans l'ordre puis que ça soit tenu en compte. Et je pense que c'est une excellente chose, M. le Président.

Je ne suis pas certain, moi non plus, que les 10 ententes vont s'appliquer de façon fantastique et harmonieuse. Mais, M. le Président, qui ne risque rien n'a rien. On a la chance de tester, on a la chance d'essayer de bâtir des relations harmonieuses entre les communautés, entre une nation autochtone et le gouvernement. Il me semble que, ça, ne serait-ce que cela, c'est déjà extraordinaire d'être capable de signer des ententes de respect mutuel puis d'amener les gens à une table de négociation plutôt que dans les rues, plutôt que derrière des barrages, plutôt que dans la perturbation du climat social. Je pense que c'est pas mal mieux comme approche, comme objectif.

Et je suis persuadé, M. le Président, si tout le monde y met du sien et si, de part et d'autre, on se respecte, qu'on reconnaîtra que la meilleure voie, le meilleur système d'entente, c'est encore la négociation. Et, moi, M. le Président, je m'en ferai le promoteur, de cela. Je m'en ferai le promoteur, puis je suis content d'être le parrain de ce projet de loi là. S'il y en a six sur 10 qui fonctionnement à merveille, tant mieux! S'il y en a huit sur 10 qui fonctionnent à merveille, tant mieux! S'ils fonctionnent tous à merveille, tant mieux! Si ça prend des amendements à quelques-unes de ces ententes-là, on les fera. Mais on a une assise, on a un départ, et je suis convaincu que, quel que soit le parlementaire, de quelque côté de la Chambre que ce soit, on doit se réjouir de cette approche, on doit encourager cette approche, on ne doit pas faire de la petite et de la basse politique dans ces relations fondamentales avec les nations autochtones. Je pense que tous y gagneront, le Québec en entier y gagnera, et je suis persuadé que c'est la voie de l'avenir avec les communautés autochtones. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir sur la prise en considération du rapport de la commission sur le projet de loi n° 66, qui, si j'ai bien compris, est maintenant la Loi permettant la mise en oeuvre d'ententes avec les communautés mohawks, a Law to provide for the implementation of agreements with Mohawk Communities, Bill 66. Il y a une certaine curiosité de voir, du côté nationaliste de la Chambre, d'enlever le mot «nation» dans ce projet de loi. Mais, si j'ai bien compris, c'était quelque chose qui était convenu avec la nation mohawk. Mais c'est curieux, quand même.

(11 h 50)

D'entrée de jeu, M. le Président, je ne peux pas passer sous silence le discours que vient de livrer le député de Joliette. Je souscris entièrement à l'importance des négociations, dans cette question des ententes avec Kahnawake. De ce côté de la Chambre, on a toujours dit: Il faut laisser la chance au coureur, et tout ça. Mais, quand je me rappelle du discours qui a été tenu par le chef du Parti québécois à l'époque, M. Jacques Parizeau, même le député de Joliette, qui était critique en matière de la sécurité publique au moment de la crise envers M. Ryan, qui a dit que la situation n'était pas facile, que c'était un grand enjeu pour la société québécoise, mais il faut prendre le temps, il faut être patient, il faut privilégier le droit d'une négociation plutôt que d'envoyer l'armée et d'autres personnes pour foncer dans le tas. Mais l'avis que nous avons eu de M. Parizeau et du Parti québécois à l'époque était: Il faut nettoyer ça, il faut ouvrir le pont, peu importe le coût. Et chance que M. Ryan était là, chance qu'il a dit qu'il fallait prendre le temps. Et oui, c'était mauditement embêtant pour toute la société québécoise, la crise d'Oka de 1990, mais nous avons privilégié une approche qui peut-être aujourd'hui nous amène à signer des ententes, et, si on avait agi comme l'opposition à l'époque nous proposait, peut-être que nous aurions créé un fossé qu'on ne pourrait jamais traverser.

Alors, oui, je suis très, très fier aujourd'hui du nouveau discours du député de Joliette, mais je pense qu'il faut revenir aux conseils qu'il nous a donnés quand il était dans les bancs de l'opposition et que nous étions au pouvoir, et chance que nous ne les avons pas écoutés.

Alors, de ça, M. le Président, comme j'ai dit, notre position sur les ententes était toujours la même, qu'il faut donner la chance au coureur. Avec mes collègues, on a posé beaucoup de questions sur les ententes. Il y a des choses là-dedans que, moi, je trouve imprécises, difficiles. Et, dans le but de transparence, parce que je pense que c'est très important pour la région de la Rive-Sud de Montréal dans son ensemble, il faut bien comprendre ces règles du jeu, parce que, au moment où on ne comprend pas trop bien comment les choses marchent, il y a toujours la possibilité de la confusion, de la mécompréhension. Alors, on a travaillé ensemble sur... Prenez, par exemple, je pense que c'est l'article 13 de l'entente, sur la fiscalité du tabac, des carburants et des boissons alcooliques: «Les parties conviennent que, dans le cas où le prix de détail des produits spéciaux fournis sur le territoire à des personnes qui ne sont pas des Mohawks divergeait des prix de marché observés dans les régions avoisinantes de ce territoire, cela ne doit pas être dû à l'application de la présente entente. On essaie toujours de comprendre.

Prenez les carburants. S'il y a quelqu'un ici, au Québec, qui comprend aujourd'hui le prix des carburants, de l'essence, j'aimerais qu'il m'explique comment c'était... Ce matin, c'était 0,62 $, la semaine passée, c'était 0,71 $; alors, comment ces ententes vont être appliquées dans un marché comme ça? Ce n'est pas évident. Alors, on a posé les questions, on verra comment ça va fonctionner.

Le rapport sur les transports, l'article 6: «Les parties acceptent de mettre en oeuvre le rapport final du comité conjoint Québec-Kahnawake daté du 30 juin 1998.» Juste pour la transparence et pour la compréhension de tout le monde sur la Rive-Sud, est-ce que ça veut dire une voie réservée, oui ou non? On ne sait pas. Et, quand on utilise un langage comme ça, qui ne met pas les choses au clair, je ne sais pas si ça va être bon à moyen terme pour le succès de ces ententes. Et ça, c'est le genre de questions que nous avons posées.

Nous avons posé les questions sur la protection de la confidentialité, les renseignements personnels, et, même à ça, le ministre s'est fié à un avis qui a été donné par la Commission d'accès à l'information, mais, si on lit ça attentivement, les modalités «d'implémentation» du système des cartes d'identité n'ont pas encore été déterminées. «Par ailleurs, la liste des renseignements personnels qui sera échangée entre les parties signataires ou leur mandataire n'a pas été établie. Considérant l'impact que peut avoir l'établissement d'une carte d'identité sur la protection des renseignements personnels, la Commission souhaite être informée des modalités d'implantation du système de cartes d'identité lorsque ces dernières auront été déterminées.» Alors, bref, ça reste à voir. Alors, la Commission ne peut pas se prononcer sur un système qui n'existe pas encore, et on n'a même pas vu comment le processus marcherait. Alors, ça, c'est le genre de choses qu'on a faites.

Je pense au travail que nous avons fait ensemble en commission parlementaire; nous avons enrichi, nous avons proposé les modifications législatives, notamment notre grand collègue le député de Verdun, qui veut à tout prix protéger les droits des parlementaires, qui ne sont pas la même chose que le droit de l'exécutif. Le ministre et le Secrétariat des Affaires autochtones, les ministères sectoriels, auront le droit de faire le débat et auront accès aux renseignements, mais ce que le député de Verdun a proposé avec le consentement des deux côtés de la Chambre, c'était de s'assurer que chaque fois... Parce que ce que le ministre propose est audacieux, et je suis prêt à lui donner ça, que, par règlement, une loi d'application générale ne s'appliquerait pas s'il y a une entente signée entre le gouvernement et une communauté ou une nation autochtone. Alors, à une loi que l'Assemblée nationale a votée, d'application générale, il y aurait un pouvoir de dérogation par règlement. Et on sait qu'un règlement ne provoque jamais la qualité de débat public qu'un projet de loi ou quelque chose en commission parlementaire. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à avoir l'occasion, comme parlementaires, comme législateurs, à faire le débat, à questionner les ministres concernés sur le pourquoi. Pourquoi est-ce qu'on a jugé bon? Le ministre a cité un couple d'exemples dans son discours, tantôt, sur le projet de loi n° 65. Mettons qu'il y a une entente avec la nation huronne sur la chasse et, une des choses qu'on veut faire pour respecter les droits issus des traités antérieurs des Hurons, c'est... si on veut leur donner la permission de commencer la saison de la chasse un petit peu avant que la saison commence pour tout le monde, le ministre doit être en mesure d'expliquer ça.

Alors, les modifications que nous avons faites vont dans ce sens, que, chaque fois qu'une loi d'application générale ne s'applique plus, il y aura une dérogation issue de la loi n° 66 qui est devant nous. Le ministre sera obligé de transmettre un avis à la commission parlementaire compétente, et ça va provoquer un débat. Et je pense que, comme parlementaires, on est tous gagnants avec une démarche comme ça, parce que ça va assurer la transparence et ça va obliger le ministre à expliquer le bien-fondé des gestes qu'il a posés, c'est-à-dire de mettre à côté une loi d'application générale. Alors, je pense que la commission des institutions a bien fait son travail, nous avons bonifié le projet de loi, et c'est prêt maintenant pour l'étape finale. Prochainement, ce sera l'adoption finale. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Il reste trois minutes. M. le ministre a droit à une intervention de cinq minutes après chaque intervention. Est-ce que...

M. Chevrette: M. le Président, je peux-tu suggérer, faire une suggestion? Compte tenu de l'heure, si le député m'indique à peu près le temps, j'utiliserais rien qu'un droit de réplique et puis ça serait assez.

M. Fournier: Encore 10 minutes, M. le Président.

M. Chevrette: ...consentement de continuer?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: Je n'ai pas de difficulté à donner mon consentement pour qu'on les fasse tout de suite.

M. Boisclair: M. le Président, s'il y avait consentement de part et d'autre, on pourrait régler ce débat avant l'heure du dîner, donc peut-être poursuivre, on comprend, au maximum jusqu'à 12 h 10.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. S'il y a consentement de part et d'autre, je vais céder la parole à M. le député de Châteauguay pour une intervention d'environ 10 minutes. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, je tiens à intervenir sur le débat sur ce projet de loi. Les parlementaires le comprendront, il s'agit d'un cas de comté. Comme tout parlementaire, c'est normal qu'on se lève, surtout lorsqu'il s'agit de situations qu'on a vécues. On entend les deux parties de la Chambre parler de la crise d'Oka. Vous savez sans doute que la crise d'Oka a été vécue bien sûr à Oka, mais beaucoup plus difficilement à Kahnawake et dans les environs de Kahnawake, notamment à Châteauguay, Mercier, Saint-Isidore, Léry, Maple Grove, les municipalités qui sont aux environs de Kahnawake.

(12 heures)

Et, lorsqu'on parle des relations entre Québec et la communauté mohawk de Kahnawake, j'ai toujours l'impression, lorsque ça vient de Québec, qu'on parle de relations de la capitale avec Kahnawake, alors qu'il faut bien savoir qu'au premier titre ce sont les citoyens qui vivent dans cette région-là qui sont concernés par ces relations. Et, si j'interviens aujourd'hui, c'est d'abord pour souligner que, depuis que j'occupe ce siège à l'Assemblée nationale comme député de Châteauguay, je suis intervenu à de nombreuses reprises auprès de nombreux ministres qui ont des relations avec Kahnawake. Que ce soit la Métropole, que ce soit la Sécurité publique, que ce soit le ministre délégué aux Affaires autochtones, que ce soit les Transports, il y a énormément de ministères qui ont à faire des relations, parce qu'il y a des dossiers qui concernent Kahnawake et qui concernent aussi les citoyens qui vivent aux alentours de Kahnawake, et qui sont en demande dans des dossiers aussi, parce que les relations Kahnawake-Québec ne sont pas et ne doivent pas être vues que comme des relations sur la problématique et les enjeux soulevés par la communauté de Kahnawake. Il y aussi des enjeux qui sont soulevés par les usagers de la réserve de Kahnawake, ceux qui passent par Kahnawake pour aller ailleurs, et, toutes les fois que je suis intervenu depuis les cinq dernières années – mais disons dans les quatre premières – j'ai insisté auprès du gouvernement pour qu'il entame des négociations multipartites.

Ce que j'entendais par là, c'est qu'il était important que la Sécurité publique sache qu'il y avait des enjeux aux Transports, que le ministre délégué aux Affaires autochtones devait savoir notamment que, en matière de transport, il y avait un dossier qui était là depuis bien longtemps, qui s'appelait le prolongement de la voie préférentielle, et que, pour pouvoir le réaliser, ce prolongement, il était essentiel d'obtenir l'aval, l'autorisation du Conseil de bande de Kahnawake. Sans aucun levier de négociation, il était impossible d'avoir cette prolongation de la voie préférentielle.

Au bout de la quatrième année, le gouvernement du Parti québécois a finalement décidé de lancer, avec Louis Bernard, une négociation multipartite. Ont découlé 10 projets d'entente, dont un des projets concerne le transport. Il y a notamment l'Old Châteauguay Road, le rond-point Bédard qui doit être refait et le prolongement de la voie préférentielle. Mon collègue de Jacques-Cartier le disait tantôt, dans des termes un peu ambigus, ce qui a fait croire à un flottement pendant une bonne période autour de la signature, à Kahnawake même, à ce moment-là, on disait: Non, non, ce qu'on a signé, ce n'est pas le prolongement de la voie préférentielle, pendant que le ministre nous disait: Bien oui, c'est écrit dans le document, pour voir que, dès que les gens avaient signé une entente, il y avait déjà mésentente sur l'entente.

Ceci étant, lors de la réunion de la commission des institutions, il y avait bien sûr le ministre qui était là, mais, dans la salle, des représentants de Kahnawake. Ceux qui avaient négocié étaient aussi présents. Ce qui a été mis à ce moment-là sur la table, c'est que la mésentente concernant le prolongement de la voie préférentielle était levée, que maintenant c'était une véritable entente, qu'il y aurait bel et bien prolongement de la voie préférentielle en vertu de cette entente-là. Je suis intervenu à ce moment-là, M. le Président, et je tiens à le refaire aujourd'hui. On pourrait se dire que, de façon partisane, il est malhabile de ma part de le refaire. Je l'ai fait à la commission des institutions, j'ai salué le ministre. J'ai tenu à remercier l'entente intervenue et les acteurs qui ont participé à cette entente et je tiens à le refaire.

Certains pourront dire que, pour un libéral, de faire cela une fois en commission des institutions, c'est peut-être une erreur stratégique, de le répéter à l'Assemblée nationale, ça commence à être de l'abus. Je tiens à le refaire parce que c'est important de comprendre que, lorsqu'on parle de relations entre Québec et Kahnawake, lorsqu'on parle de respect mutuel, ça ne signifie pas le respect mutuel d'un conseil de bande face à un gouvernement; dans ce cas-là, on parle de respect mutuel de citoyens face à d'autres citoyens. Et je tiens à remercier le ministre d'avoir accepté cette négociation multipartite, d'avoir donné un levier qui a permis aux gens et qui permettra – on parle encore au futur – aux gens qui vivent aux alentours de Kahnawake, qui utilisent les routes de Kahnawake, d'avoir un signal qui vient maintenant de Kahnawake à l'effet que Kahnawake souhaite avoir des relations avec les gens qui vivent autour, des relations harmonieuses, et qu'il y a bien sûr dans ces ententes un gain pour Kahnawake mais une porte qui s'ouvre aux gens qui vivent aux alentours.

Je tenais à refaire ce salut au ministre. C'est pour ça que je suis descendu de mon bureau pour venir à ce moment-ci, et j'ai pu entendre le ministre qui nous a dit: Qu'il y ait six ententes sur 10 qui fonctionnent, c'est déjà un progrès; qu'il y en ait huit sur 10 qui fonctionnent, c'est déjà un progrès. Je dois vous avouer que ça m'a inquiété parce que, parmi toutes ces ententes, M. le Président, il y en a une qui ne peut pas ne pas fonctionner. Que le ministre se satisfasse que six sur 10 fonctionnent, que huit sur 10 fonctionnent, je lui signale – et il est ici avec nous, je sais qu'il m'entend et je sais qu'il sait combien c'est important – que, s'il y a une entente qui doit fonctionner, c'est celle concernant le transport, c'est celle qui permet de prolonger la voie préférentielle. Et je donne même un conseil au ministre délégué aux Affaires autochtones qui est aussi ministre des Transports: lorsque les travaux se feront – on a dit, à la commission des institutions, au printemps et à l'été prochain – qu'ils commencent donc les travaux aux deux bouts, parce qu'il doit y avoir le rond-point Bédard qui doit être refait – ça, c'est une demande de Kahnawake – et qu'il y a la voie préférentielle qui part du rond-point Bédard et qui se rend jusqu'au boulevard Saint-Francis, à Châteauguay, qui doit être faite. Je donne un conseil au ministre.

Dans le fond, c'est aussi de la symbolique, et c'est important, la symbolique, lorsqu'on est passé par le conflit par lequel on est passé. Je tiens à souligner ici que, sur les 125, il n'y en a pas beaucoup qui ont fait du pare-chocs à pare-chocs dans les petits rangs, en passant par Saint-Isidore, quand ça prenait deux heures et demie pour se rendre à Montréal. Celui qui vous parle l'a fait comme bien du monde de son comté l'a fait, et on veut que ces relations s'améliorent parce qu'on ne veut plus vivre ces situations-là qui sont conflictuelles.

Le conseil, qui est en même temps un symbole, c'est que le ministre des Transports serait bien avisé de faire commencer ces travaux aux deux bouts. Quel merveilleux symbole que de voir cette voie préférentielle qui rejoint le rond-point Bédard dans sa construction, dans sa réalisation, comme deux mains tendues qui viennent se serrer la main pour signaler qu'il y aura un nouveau départ! Je le dis parce qu'on ne peut pas passer à côté d'une entente à moitié accomplie, il ne faudrait pas que le rond-point Bédard soit réaménagé et que ça se termine là. Je sais que le ministre m'entend et je sais que le ministre est d'accord avec moi, et nous nous attendons tous, dans mon comté, à ce que le ministre prenne les actions en conséquence pour s'assurer qu'effectivement cette voie sera réellement complétée.

Je termine, M. le Président, en rappelant au ministre que, parmi ces ententes-là – il y en a 10 – parmi les six ou huit dont il disait: Tant mieux si elles donnent des résultats, une doit absolument être respectée, connaître des conclusions positives, et c'est celle sur le transport, parce que toutes les autres se raccrochent à celle-là. Si les citoyens qui vivent aux alentours de Kahnawake peuvent capter le message par cette porte ouverte en complétant la voie préférentielle, nous aurons des lendemains meilleurs, sinon il y aura là une grave erreur et on devra vivre avec les conséquences a posteriori. Je sais que le ministre est au courant de ça. J'espère qu'il pourra veiller au grain pour nous assurer que, parmi toutes les ententes, une certainement puisse connaître des conclusions telles que prévues, celle sur le transport. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais céder la parole, pour son dernier droit de parole, à M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais tout de suite dire au député de Châteauguay de relire toutes les réponses que j'ai données au niveau de la commission parlementaire article par article en ce qui regarde la voie réservée. C'est signé, c'est accepté. Ce qui a peut-être créé un imbroglio au départ, c'est qu'à l'article 6 de l'entente on disait: Selon le rapport conjoint ministère des Transports et communautés, on devait établir une voie préférentielle, etc. Mais, entre-temps, les Mohawks nous avaient suggéré une autre alternative qui a été étudiée, qui a été abandonnée, et on a une entente, les professionnels sont engagés, c'est commencé et je suis sûr qu'elle va s'appliquer, comme je souhaite que les neuf autres s'appliquent aussi intégralement. Je le souhaite de tout coeur parce que, pour la population de Châteauguay, c'est bon d'avoir une route, mais c'est aussi bon d'avoir des commerces qui ne se font pas une concurrence déloyale.

C'est aussi bon, par exemple, qu'il n'y ait pas de collusion entre un Mohawk et un Blanc pour tricher les impôts. C'est aussi bon pour avoir l'harmonisation des prix, pour ne pas qu'on se retrouve avec de 15 % à 20 % de différence sur le plan économique puis qu'il y ait des commerces qui craquent littéralement, qu'il y ait des faillites continuelles. Je pense que l'ensemble de ces ententes, M. le Président, si on y a touché, si on a négocié, si on est arrivés à une conclusion, c'est parce qu'on voulait, de part et d'autre, trouver les moyens de vivre en harmonie avec des positions différentes. Donc, le voeu le plus cher, le voeu le plus senti, c'est que tout marche. Mais il ne faut pas s'illusionner, dans une vie. Moi, je suis plutôt pragmatique. Il y a sans doute certains petits amendements que, de part et d'autre même, on n'a pas vus pour le moment, qui s'imposeront dans un an, dans deux ans. On les fera. On s'assoira puis on corrigera.

(12 h 10)

M. le Président, on peut reprocher les discours de chefs politiques, on peut reprocher des discours de critiques politiques et on peut réveiller les morts puis remonter à 1991, mais c'est visière levée, M. le député de Jacques-Cartier, que les 10 ententes ont été signées. C'est visière levée, avec des gens responsables et élus, que toutes ces ententes ont été signées, et c'est visière levée que je présente ce projet de loi devant la population, puis j'ose espérer que ça portera ses fruits.


Mise aux voix des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Les amendements proposés par M. le ministre délégué aux Affaires autochtones sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 66, Loi permettant la mise en oeuvre d'ententes avec la nation mohawk, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, sur ce, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence de Mme Rose Ilbouda, députée du Burkina-Faso

Alors, avant de débuter les affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de Mme Rose Ilbouda, députée de l'Assemblée nationale du Burkina-Faso.


Affaires courantes


Présentation de projets de loi

Nous abordons les affaires courantes. À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, l'article d... Non, mettons c pour le moment.


Projet de loi n° 76

Le Président: Alors, allons pour c. Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre des Ressources naturelles présente le projet de loi n° 76, Loi modifiant la Loi sur l'efficacité énergétique d'appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur l'efficacité énergétique d'appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures afin de permettre au ministre des Ressources naturelles de désigner des inspecteurs parmi le personnel de l'Agence de l'efficacité énergétique et pour prévoir des dispositions pénales visant à faciliter l'application de cette loi.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Très bien. M. le leader.

M. Brassard: Je réfère maintenant à l'article d.


Projet de loi n° 75

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 75, Loi sur les heures d'exploitation de certains établissements le 1er janvier 2000. M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, ce projet de loi prolonge jusqu'à 8 heures le matin du 1er janvier 2000 la période d'exploitation des permis délivrés par la Régie des alcools, des courses et des jeux, autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques pour consommation sur place qui débute le 31 décembre 1999.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents maintenant, M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu, en l'occurrence.


Rapport d'activité du ministère du Revenu résultant de la comparaison, du couplage et de l'appariement des fichiers de renseignements

M. Landry: M. le Président, je dépose le rapport d'activité résultant de la comparaison, du couplage et de l'appariement des fichiers de renseignements au 31 mars 1999.

Le Président: Je m'excuse, M. le ministre, vous n'êtes pas tellement loin de moi, mais je ne vous entends pas. Alors, s'il vous plaît, chers collègues, un petit peu de collaboration. Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Landry: M. le Président, je dépose le rapport d'activité résultant de la comparaison, du couplage et de l'appariement des fichiers de renseignements au 31 mars 1999. C'était le bruit, mais c'était aussi un peu ma voix. Vous avez remarqué?

Le Président: Très bien. Alors, le document est déposé, M. le vice-premier ministre. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Rapports annuels de la Commission municipale du Québec et de la Société Innovatech du Grand Montréal

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dépose les rapports annuels 1998-1999 suivants: la Commission municipale du Québec et Innovatech du Grand Montréal.

Le Président: Très bien. Ces rapport sont déposés également. M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


États financiers de la Fondation universitaire de l'Institution royale pour l'avancement des sciences (Université McGill) et de l'Université du Québec, et rapport annuel du Comité d'évaluation des ressources didactiques

M. Legault: Oui. M. le Président, je dépose les états financiers 1998-1999 suivants: la Fondation universitaire de l'Institution royale pour l'avancement des sciences à l'Université McGill et les états financiers de l'Université du Québec; ainsi que le rapport annuel 1998-1999 du Comité d'évaluation des ressources didactiques.

Le Président: Très bien. Ces documents sont aussi déposés. Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Rapport annuel du ministère du Travail

Mme Lemieux: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère du Travail.

Le Président: Ce rapport est déposé. Mme la ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Charte de la langue française.


Rapports annuels de l'Office de la langue française et de la Commission de protection de la langue française

Mme Beaudoin: M. le Président, je dépose les rapports annuels 1998-1999 suivants: l'Office de la langue française et la Commission de protection de la langue française.

Le Président: Alors, ces deux rapports sont déposés. M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.


Rapport annuel du Fonds de la recherche en santé du Québec

M. Rochon: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du Fonds de la recherche en santé du Québec.

Le Président: Ce document est déposé. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapport annuel du Conseil des arts et des lettres du Québec accompagné d'une annexe

Mme Maltais: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que son annexe.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

En ce qui me concerne, j'ai reçu, dans les délais prescrits, préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, conformément à l'article 97.1 du règlement. Je dépose donc le texte de cet avis.

Il n'y a pas aujourd'hui de dépôt de rapports de commissions ni de dépôt de pétitions.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège


Allégations d'un fonctionnaire du ministère du Revenu devant la commission Moisan relatives à la divulgation de renseignements fiscaux sur un député de l'opposition libérale

À l'étape des interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, j'ai reçu, dans les délais prescrits, de M. le député de Westmount–Saint-Louis une demande d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège de l'Assemblée et de ses membres. À sa demande, le député de Westmount–Saint-Louis m'indique que les faits sont les mêmes que ceux rapportés dans l'avis que le député me transmettait le 19 octobre dernier, c'est-à-dire la semaine dernière. Et, d'après celui-ci, le fait que le gouvernement détiendrait le dossier fiscal contenant des renseignements personnels et confidentiels d'un député de l'opposition constitue à sa face même une menace au sens du paragraphe 10° de l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, il y a à cet égard deux choses que je voudrais dire et répondre immédiatement sans plus de préambule. C'est que vous indiquez vous-même dans votre lettre, et je la cite, paragraphe 2: «Les faits sont les mêmes que ceux rapportés dans l'avis que je vous transmettais le 19 octobre dernier.» Et la nature de la violation, qui n'avait pas été précisée la semaine dernière et que vous avez précisée aujourd'hui, je vous indique – et peut-être que cela vous a échappé – que je l'avais moi-même indiquée et que j'y avais fait référence dans ma décision de la semaine dernière.

Autrement dit, je pensais – et je l'ai indiqué dans cette décision – que, même si vous ne l'aviez pas précisé, vous songiez et vous pensiez effectivement, entre autres, au paragraphe 10° de l'article 55. Et, en l'occurrence, puisque j'avais donc considéré cette question et sur la base des faits qui m'avaient été présentés et sur le fait que j'avais pris en considération la possibilité qu'effectivement le paragraphe 10° de l'article 55 ait été concerné, j'avais néanmoins rendu une décision à l'effet que, à sa face même, il n'y avait pas motif pour invoquer une question de droit ou de privilège dans le contexte des faits qui m'ont été présentés. Et je pense qu'aujourd'hui je me dois de vous répondre la même chose, compte tenu de ce que je viens de dire. Voilà. M. le leader de l'opposition officielle.

(14 h 10)

M. Paradis: Oui, je comprends bien la position du président sur l'interprétation quant à l'aspect légal, le dixième alinéa de l'article 55. On tente juste, M. le Président, de voir quelle est la meilleure mécanique suite à l'invitation que vous nous avez lancée de faire en sorte que ce dossier-là ne demeure pas lettre morte. Nous avons votre décision qui est au dossier. Nous avons également au dossier la décision du juge Moisan, qui disait très clairement que ça serait ultra vires pour la commission Moisan de se pencher sur ce cas-là. Ce n'était pas le mandat que le premier ministre et le gouvernement du Québec avaient donné à la commission Moisan.

Vous nous avez également invités la semaine dernière à possiblement procéder par voie de motion, ce que nous avons fait suite à la période de questions. Et le leader du gouvernement, à ce moment-là, n'a pas donné son consentement à ce que la motion soit présentée sur le plan de la question de privilège comme telle.

Est-ce qu'on doit comprendre que, pour revenir à la charge, on doit souligner à la présidence des faits nouveaux et que la façon d'obtenir ces faits nouveaux, c'est soit par la tenue d'une commission de l'Assemblée nationale ou par l'élargissement par le gouvernement lui-même du mandat qu'il a confié au juge Moisan et à sa Commission dans l'affaire Lebel?

Le Président: M. le leader de l'opposition, vous avez raison. Effectivement, pour qu'il y ait ouverture à une question de droit ou de privilège, il faudrait qu'il y ait des faits nouveaux sur lesquels la présidence aurait à se prononcer.

J'ai indiqué par ailleurs, la semaine dernière, qu'il s'agissait d'une question grave, importante, et je n'ai pas changé d'idée à cet égard, et c'est la raison pour laquelle j'avais indiqué une procédure. Et je crois que, même si, à l'étape des motions sans préavis, vous n'avez pas eu gain de cause, il y a d'autres possibilités pour vous de présenter des motions à d'autres étapes. Vous connaissez mieux que moi le règlement et la procédure.

Mais, au-delà de ça, moi, je m'en tiens aux faits qui sont présentés à la présidence. Et il y a effectivement – vous en avez signalé deux, il y en a peut-être d'autres, je n'ai pas fait, disons, l'évaluation de l'ensemble des possibilités – un certain nombre de possibilités qui permettraient effectivement peut-être d'aller plus loin dans la connaissance des faits, qui pourraient par la suite porter à ouverture sur une question de droit ou de privilège, si les faits le justifiaient. Mais je n'ai pas, moi, à cette étape-ci, à vous indiquer l'ensemble des procédures. Mais je crois que vous avez raison d'indiquer qu'il faudra des faits nouveaux additionnels à ceux qui ont été présentés par le député de Westmount–Saint-Louis.


Questions et réponses orales

Maintenant, nous allons aborder la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux sur un député de l'opposition libérale


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Et je vais donner suite à vos propos alors que vous évoquez, sur cette question très troublante de l'accessibilité des rapports d'impôts des députés de l'opposition, le recours à d'autres solutions pour aller au fond des choses et éclaircir ce qui s'est passé.

Et j'en appelle au premier ministre, M. le Président, avec qui j'ai eu un échange sur ce sujet-là la semaine dernière. Le premier ministre se rappellera que la commission Moisan a entendu des faits nouveaux, c'est-à-dire que le rapport d'impôts d'un député de l'opposition libérale a été entre les mains de personnel politique. C'est un fait nouveau, c'est un fait incontestable, M. le Président.

Le premier ministre sait également, après avoir pris connaissance des transcripts de la commission Moisan qu'il évoquait lui-même la semaine dernière, que la Commission a conclu que cette affaire ne relevait pas de son mandat. C'est donc, dans la forme, une décision qui empêche la Commission d'aller au fond des choses. Le premier ministre, le gouvernement ont été témoin de nos tentatives d'en faire une question de droit et privilège. Vous avez rendu votre décision. Quoiqu'on puisse ne pas être d'accord, M. le Président, on accepte votre décision.

Et j'aimerais rappeler à la bonne mémoire du premier ministre ce qu'il a dit la semaine dernière à ce sujet pour que ce soit très clair, la question que je lui demande aujourd'hui, et je cite du Journal des débats , page 2972 où il disait ceci: «Mais le président de la commission d'enquête, l'honorable juge Moisan, a entendu les témoins sur cette affaire. Il les a entendus.» Fin de la citation. Et il ajoutait ceci plus tard: «Et je pense qu'on doit tous se rappeler que le juge Moisan va déposer un rapport sur l'audition qu'il a faite et les faits qui ont été portés à ma connaissance. Alors, je crois que nous devrions nous en remettre à la crédibilité et à ce que nous savons du professionnalisme du juge Moisan au moment de rendre le rapport qui sera déposé.»

M. le Président, puisqu'il a prononcé ces paroles sur la crédibilité du commissaire Moisan et du mandat qu'il a reçu, est-ce que le premier ministre va dès aujourd'hui élargir le mandat de la Commission et demander au commissaire Moisan d'aller au fond des choses pour qu'on puisse savoir pourquoi le gouvernement du Parti québécois, son personnel politique, avait entre ses mains un rapport d'impôts d'un député de l'opposition libérale?

Le Président: M. le vice-président et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: Si ce que prétend le chef de l'opposition officielle était arrivé, c'est sans aucune hésitation que le premier ministre aurait déjà répondu: Oui, nous allons donner les mandats qu'il faut. Mais ce n'est pas arrivé, et j'invite tous et chacun à relire attentivement ce qui s'est passé à la commission Moisan pour savoir comment tout ça a commencé et comment tout ça a fini. Ça a commencé à rien puis ça a fini à rien.

Alors, si vous permettez, M. le Président. je vais lire les textes de la commission Moisan, qui sont des textes publics et ouverts à tout le monde. Alors, la question qu'on pose à M. Pierre-Sarto Blanchard, celui qui est le premier à avoir fait allusion à une possibilité: «Mais est-ce que, à ce moment-là, il a été possible pour M. Gonthier – fonctionnaire du cabinet – d'apprendre des renseignements sur le fameux dossier?» Réponse: «Non, je veux dire qu'il a juste été possible, à mon avis, pour une personne comme Pierre Gonthier – alors on est déjà dans l'approximatif total – d'apprendre qu'il y avait un député qui avait... que son dossier était en traitement au Bureau des plaintes, pas plus.» Alors, j'espère que vous avez écouté chaque mot et que vous les relirez dans le rapport.

Mais on va plus loin que ça. On fait venir, pour corroborer ce qui vient d'être dit, ou le nier, le directeur du Bureau des plaintes, M. Gaétan Hallé, fonctionnaire permanent du ministère du Revenu. Question à M. Hallé: «Vous avez entendu la narration. Est-ce que ça vous rappelle un événement quelconque?» Hallé répond: «Non. De toute façon, il aurait fallu, en plus de ça, se déplacer dans le bureau de M. Blanchard[...]. Je n'ai aucun souvenir d'une situation où j'aurais eu à me déplacer, dans le cadre d'une consultation.» Alors, là, on est déjà rendu à un témoin qui n'affirme pas puis l'autre qui dit le contraire.

Mais le commissaire Moisan, comme on l'a remarqué, est un homme consciencieux. Alors, il a envoyé des enquêteurs au ministère du Revenu, et les enquêteurs ont témoigné. Alors, Mme Dominique Pinard qui dit: «Alors, nous avons consulté les filières du cabinet, et notre recherche s'est avérée négative. Et nous avons aussi demandé à aller dans la voûte pour voir s'il n'y avait pas quelque chose, parce qu'il y avait eu des boîtes, là, qui avaient été déplacées, là, dernièrement, et la recherche a été négative aussi. Il n'y avait absolument rien.» Et M. Donald Boucher, l'autre enquêteur: «Nous avons cherché le nom dont nous avions – l'enquêteur s'exprime comme il le veut, là, je ne reprends pas sa grammaire – sans rien trouver. Également, j'étais présent lorsqu'on a fait une vérification dans l'ordinateur pour chercher un nom, rien.» Alors, quand il n'y a rien, on ne fait rien.


Présence de l'ambassadeur de la Grèce, M. Alexander Thomouglou, et du consul général de la Grèce à Montréal, M. Ioannis-Gabriel Papadopoulos

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, vous me permettrez, juste avant que vous repreniez votre questionnement, juste de signaler – j'ai omis de le faire parce qu'on ne m'avait pas indiqué qu'il était présent; je savais qu'on devait le voir plus tard cet après-midi – la présence également dans nos tribunes de l'ambassadeur de Grèce au Canada, M. Thomouglou, et du consul général de la Grèce à Montréal, M. Papadopoulos. Alors, ceux-ci sont avec nous pour notamment remettre une décoration au député de Laurier-Dorion cet après-midi, plus tard. Alors, ça nous fera plaisir de les accueillir.


Questions et réponses orales

M. le chef de l'opposition officielle.


Allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux sur un député de l'opposition libérale (suite)


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je remarque que le vice-premier ministre a, comme d'habitude, une mémoire bien sélective, hein, et qu'il y a certaines parties du transcript qu'il n'a peut-être pas lues. Permettez-moi de lui en citer des passages, la page 2793, alors qu'un des témoins répond ceci: «C'était une question, là, de personnage politique où, moi, je sais que cette demande-là est rentrée au bureau du sous-ministre, chez M. Paré lui-même. O.K. On en a informé le cabinet et on l'a vérifiée au Bureau des plaintes. On en a informé le cabinet pourquoi? Bien, c'était un bon dossier. Expliquez-moi ça, là.» Et là c'est M. Fournier, pour la Commission: «C'est quoi, "un bon dossier"? Je veux dire, c'est un dossier de parlementaire.»

(14 h 20)

Si le Parti québécois a un bon dossier, c'est un dossier de parlementaire. M. Lebel en sait quelque chose. D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a la commission Moisan, M. le Président. Mais ça continue plus loin.

«On tenait le monde au courant du dossier, et puis, par hasard, je passais par là. Et la demande était rentrée au bureau du sous-ministre ou rentrée au cabinet? Elle était rentrée – ça, c'est la demande du député libéral – au bureau du sous-ministre, elle est entrée à mon bureau, et puis, moi, je l'ai transmise au Bureau des plaintes. Et puis le Bureau des plaintes ne pouvait pas vérifier, on l'a vérifiée avec les gens du cabinet, là, qui étaient là par hasard, mais on les avait informés aussi de ce dossier-là.» M. le Président, voilà ce que les transcripts disent.

Mais ça va plus loin que ça, parce que, une fois que les faits nouveaux étaient invoqués, même si c'est des faits puis des témoins qui peuvent se contredire, ce n'est pas ça, le point. Le point, c'est qu'il y a un fait nouveau. Il y a un rapport d'impôts d'un député libéral qui a transigé entre les mains du personnel politique, et, si le ministre prétend le contraire, j'aimerais bien qu'il se lève et qu'il le dise, parce qu'on a demandé au commissaire Moisan s'il ne devait pas enquêter là-dessus. Et là j'interpelle le premier ministre parce que le commissaire Moisan, qu'il a nommé, lui répond, et sa Commission répond, et c'est son procureur qui dit ceci: «On a suffisamment de matière pour ça. Et ce que nous demande Me Bellavance, c'est d'aller un petit peu plus loin et d'enquêter pour savoir s'il y a eu une autre fuite.»

Ça ne peut pas être plus clair que ça. «Je vous soumets, M. le Président, que ce serait – entre guillemets – ultra vires.» Ça, c'est le commissaire de la Commission que vous avez nommé, M. le premier ministre. Et le président-commissaire répond ceci: «C'est mon opinion aussi.» Ça peut-u être plus clair que ça? Peut-être pas. Je vais donc en rajouter parce que je suis sûr que le vice-premier ministre va vouloir nous faire d'autres lectures.

Et là je cite les pages 3658, 3659 – si le vice-premier ministre veut aller les lire, bienvenue – où on dit ceci. Et là c'est Me Fournier, de la Commission, qui parle: «Le problème, la question qui est posée par le décret, c'est de savoir s'il y a eu des fuites – point d'interrogation – et si le produit de ces fuites-là a transité par le cabinet du premier ministre. On a ciblé précisément cet événement-là, et c'est sur quoi on s'interroge.» L'affaire Lebel, pour être plus précis, M. le Président.

Mais je continue à lire le transcript: «Si le gouvernement élargit le mandat, on s'interrogera sur d'autres choses – c'est l'avocat-commissaire de la Commission qui parle, au cas où le vice-premier ministre ne le saurait pas – mais, pour l'instant, on n'a pas le droit de le faire.» C'est ça que l'avocat de la Commission dit. Alors, je demande au premier ministre aujourd'hui de faire preuve de plus de transparence qu'il n'en a fait dans le passé et de déclarer dès maintenant qu'il donne un mandat au commissaire Moisan de faire toute la lumière sur ces faits-là.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, vous avez compris que ce n'est pas parce que le chef de l'opposition prend une voix dramatique que la chose est dramatique. Ce qui peut l'être un peu, par ailleurs, c'est que toute la Chambre vient de l'entendre parler de fuites, qu'il y avait eu des fuites. Alors, voici ce que le président-commissaire – dont on dit qu'on a de l'admiration pour lui, et c'est un juge de la Cour supérieure, et, moi, j'en ai, de l'administration pour lui – il dit: «Dans mon esprit, il n'y a pas de fuite là, il n'y a pas de preuve de soupçon quelconque de fuite.» Alors, oui, j'en relis un petit bout supplémentaire, comme le chef de l'opposition s'attendait à ce que je le fasse. Je relis ce que j'ai déjà dit ici. Le témoin lui-même sur lequel reposerait toute cette pseudo-affaire, que dit-il? Il faut relire les transcripts, c'est des gens...

Des voix: ...

M. Landry: Pardon? M. le Président, si c'est dramatique, il devrait me laisser au moins répondre.

Le Président: S'il vous plaît! Ça allait bien jusqu'à maintenant. Je pense qu'on va continuer de cette façon-là. M. le vice-premier ministre, en vous adressant à la présidence, s'il vous plaît.

M. Landry: M. le Président, vous aviez remarqué que c'est ce que je faisais fort respectueusement. Et je vous redis, M. le Président, que, si le chef de l'opposition considère que c'est une chose sérieuse, il devrait au moins écouter ma réponse afin de pouvoir, tiens, se concentrer sur les faits, et les faits, c'est un témoin assermenté, M. Pierre-Sarto Blanchard, devant le commissaire. La question: «Est-ce que, à ce moment-là, il a été possible pour M. Gonthier – l'homme du cabinet – d'apprendre des renseignements sur le fameux dossier?» C'est bien ça, le coeur de la question. Le témoin lui-même, là, la pointe de la pyramide inversée sur laquelle tout repose, dit: «Non, je veux dire qu'il a juste été possible, à mon avis, pour une personne comme Pierre Gonthier, d'apprendre qu'il y avait un député qui avait... que son dossier était en traitement au Bureau des plaintes, pas plus.»

Alors, on n'est pas en train de prendre connaissance d'un dossier fiscal. On n'est pas en train d'apprendre des renseignements confidentiels. On serait en train, mais il n'est pas affirmatif. Il aurait été possible qu'un dossier de député ait été au Bureau des plaintes, ce qui peut être une banalité. Il y en a eu, des députés, dans l'histoire de l'Assemblée nationale. Il y a un Bureau des plaintes, puis tout le monde peut s'en servir. Mais ce n'est pas, de toute façon, ça que le témoin affirme, et il est contredit par trois autres, y compris le chef du Bureau des plaintes.

Alors, on peut bien avoir l'obsession des enquêtes, vouloir soulever toute espèce de canards et de sauvagines, mais on a déjà passé plusieurs périodes de questions sur une chose qui n'a jamais levé à la session précédente. Est-ce que l'opposition ne pourrait pas prendre sa leçon et s'occuper plus d'économie, de social que de faux scandales?

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Vous me permettrez, M. le Président, de remercier le vice-premier ministre d'avoir fait pour nous la démonstration de la pertinence de la requête que nous faisons. Le vice-premier ministre vient de nous faire la démonstration, avec son vibrant plaidoyer sur la crédibilité des témoins, de ce qui ne fonctionne pas et de ce qu'il y a de faux dans la position que défend actuellement le gouvernement.

Comment le gouvernement, dans une question de fuite d'informations confidentielles appartenant à un député de l'opposition officielle, peut-il se présenter comme juge et partie, comme vient de le faire le vice-premier ministre du Québec? Il vient d'en faire la démonstration, M. le Président. C'est lui qui se présente comme juge et partie pour peser la crédibilité des témoignages et les contradictions. Et pourquoi le premier ministre se cache-t-il derrière son vice-premier ministre qui vient de lui faire la démonstration de la raison pour laquelle il devrait faire ce que son devoir l'implore de faire: demander au juge Moisan d'aller au fond des choses, arrêter d'être juge et partie, arrêter de miner sa crédibilité, ayant déjà joué avec les rapports d'impôts de députés et ayant déjà démontré que cette information-là transitait dans son bureau?

M. Brassard: M. le Président...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, je pense que vous êtes allé trop loin quand vous avez prétendu que le premier ministre avait joué dans les dossiers. Pour le reste, vous avez le droit à vos opinions. La façon de poser les questions, je ne veux pas m'immiscer dans cela, mais je vous demande de retirer vos propos à l'égard du fait que vous venez d'affirmer: que le premier ministre avait joué dans les dossiers. Et ça, je pense qu'actuellement il y a une commission d'enquête qui étudie un cas, et les conclusions ne sont connues ni du public ni de l'Assemblée nationale, et je ne crois pas, à ce moment-ci, que vous puissiez, vous et quiconque, affirmer cela. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: M. le Président, il y a un fait qui est établi et connu et, si quelqu'un veut me contredire...

M. Brassard: M. le Président...

Le Président: M. le leader, je voudrais juste entendre le chef de l'opposition pour savoir s'il va retirer ses propos. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Merci de me donner la chance de me faire entendre, M. le Président, parce que, comme le gouvernement aime bien citer les transcripts de la commission Moisan, à la page 3577, le procureur...

M. Brassard: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il me semble avoir bien entendu la demande pressante que vous avez adressée au chef de l'opposition, qui consistait à retirer des propos inacceptables en cette Chambre. C'est ce qu'il a à faire pour le moment.

(14 h 30)

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, le chef de l'opposition s'apprêtait à se rendre à votre demande. Il peut le faire en citant des transcripts, il peut le faire de la façon qu'il le juge la plus appropriée. C'est à vous à juger, à ce moment-là, non au leader de l'opposition, qui tente de protéger son gouvernement dans une affaire scabreuse.

Le Président: Je voudrais vous inviter, M. le leader de l'opposition officielle, à éviter ce genre de procédé qui fait que, à partir d'une question de règlement, on relance un autre débat et on fait d'autres accusations. Je crois que ce n'est pas la façon de procéder qui convient à l'Assemblée selon nos us et coutumes et selon, surtout, l'esprit du règlement.

Alors, M. le chef de l'opposition officielle, je vous écoute et j'attends votre...

M. Charest: Bien, M. le Président, je suis très content de pouvoir vous donner la réponse que je trouve dans les transcripts de la commission Moisan, réponse à votre requête. C'est Me Jacques Fournier, page 3577, qui dit ceci: «La preuve est que du personnel politique a accès à de l'information confidentielle plutôt que les adversaires. Je ne dis pas que c'est illégal, mais on va se demander un jour si c'est convenable.»

Alors, la preuve est faite. C'est un fait, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition, vous êtes avocat, vous êtes juriste, et je pense que vous êtes un parlementaire expérimenté. Vous savez très bien que ce que vous venez de dire n'implique d'aucune façon le premier ministre, et vous ne pouvez pas, en conséquence, déduire ce que vous avez déduit tantôt et ce que je vous ai demandé de retirer. En l'occurrence, je vous demanderais, correctement, M. le chef de l'opposition, de nous indiquer que vous retirez les accusations que vous avez portées à l'endroit du premier ministre du Québec.

M. Charest: M. le Président, pour que ce soit très clair, à ce moment-là, je vais faire une précision pour vous dire de substituer les mots «premier ministre» pour dire «le bureau du premier ministre», ce qui est un fait incontestable. Un bureau dont il est responsable.

Le Président: Alors, je considère que vous venez de reconnaître que ce n'est pas le premier ministre qui est en cause, en l'occurrence. Alors, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, la Chambre vient d'entendre la lecture d'extraits importants de témoignages qui ont été entendus par la commission Moisan à l'occasion de cet incident auquel on fait référence. Et le juge Moisan a entendu tous les témoins relatifs à cet incident qui est...

Des voix: ...

M. Bouchard: Pardon! Il a entendu les fonctionnaires, a entendu des témoins visuels, a fait faire des vérifications par des tiers de chefs de plaintes, et il conclut séance tenante – il n'a même pas attendu dans son rapport – M. le Président, qu'il n'y a pas de fuite, qu'il n'y a pas l'ombre d'un soupçon de fuite dans cet incident. L'opposition libérale...

Des voix: ...

M. Bouchard: Je regrette, c'est dans le texte. L'opposition libérale...

Le Président: Je considère...

Une voix: ...

Le Président: Un instant! Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, je vous indique de faire attention à vos propos. Je sais que, vous et moi, on s'est très bien compris, et ce n'est pas nécessaire d'aller plus loin.

Pour le reste, c'est le premier ministre qui a la parole, et pas d'autres. M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je me réfère aux extraits qui ont été cités par le vice-premier ministre, M. le Président, et qui apparaissent en toutes lettres dans les notes sténographiques. Et le juge disait en particulier: «Dans mon esprit, il n'y a pas de fuite là, il n'y a pas de preuve de soupçon quelconque de fuite.»

Ce que l'opposition demande, elle voudrait que la Commission d'enquête obtienne un autre mandat pour essayer de trouver d'autres incidents, alors qu'il n'y a même pas une allégation qu'il y en ait d'autres. Ça, c'est une partie de pêche.

Il y a eu une commission d'enquête qui a remplacé une première commission qui a avorté à la suite d'incidents qui échappent au gouvernement. La deuxième commission d'enquête a procédé avec diligence. Ça va faire maintenant près de deux ans que les gens enquêtent sur les allégations concernant l'affaire Lebel. Le juge Moisan a entendu les témoins concernant toutes ces affaires, y compris cet incident dont on fait mention. Attendons le rapport de la commission Moisan, qui va comporter certainement des recommandations quant au resserrement, si c'est nécessaire, à apporter dans la conservation des renseignements fiscaux.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je vais relire pour que le premier ministre et l'Assemblée nationale puissent une fois de plus prendre connaissance des faits. L'avocat de la Commission, à la page 3577, au sujet d'un fait nouveau, c'est-à-dire la divulgation d'informations confidentielles d'un député de l'opposition libérale, il dit ceci, et je cite: «La preuve est que du personnel politique a accès à de l'information confidentielle plutôt que les adversaires. Je ne dis pas que c'est illégal, mais on va se demander un jour si c'est convenable.» C'est ce que le procureur de la Commission a dit.

Sur la question des témoins, à la page 3661, le président-commissaire dit ceci: «Alors, voici ce que la Commission entend faire. D'abord, la décision de rejeter la demande de Me Bellavance de faire entendre M. Gonthier, elle est maintenue.» C'est-à-dire qu'il a rejeté une requête pour faire entendre des témoins. Mais, si le premier ministre maintient aujourd'hui, comme il vient de le faire...

Parce que l'impression qu'il laisse, c'est que la commission Moisan a traité de l'affaire, a entendu les témoins et en a disposé. Je le mets au défi, M. le Président, de se lever à l'Assemblée nationale aujourd'hui et de dire clairement qu'il demande à la commission Moisan de vider cette affaire-là une fois pour toutes et que, s'il ne l'a pas fait, le juge Moisan, lui, dans l'interprétation de son mandat, il lui donne le mandat de le faire. Si ce qu'il dit est vrai, je le mets au défi de se lever à l'Assemblée nationale et de le dire au juge Moisan.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Ce n'est pas en criant encore plus fort que le chef de l'opposition va renforcer la faiblesse de sa requête, M. le Président. L'affaire est vidée à partir du moment où, après avoir entendu des témoins sur l'incident, le juge Moisan conclut que dans son esprit il n'y a pas l'ombre d'un soupçon de fuite. Dans l'esprit du juge Moisan, qui siégeait, et c'est de lui qu'il s'agit, M. le Président, ce qu'on veut, c'est qu'une autre commission d'enquête, sans aucune allégation de faits nouveaux, fasse une autre enquête. C'est une chose qui ne se fera pas. Nous allons attendre sagement et correctement le rapport de la commission Moisan.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


Dépassement du budget d'Emploi-Québec


M. Jean J. Charest

M. Charest: Toujours sur le thème de la transparence, M. le Président, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de demander au gouvernement, qui a fait un dépassement de budget de 80 000 000 $ dans le dossier d'Emploi-Québec, qui a dépensé sans regarder l'argent pendant la période électorale et pré-électorale, à quel moment le gouvernement a informé la Commission des partenaires du dépassement de budget. La ministre, la semaine dernière, a répondu qu'elle ne le savait pas. Aujourd'hui, je présume qu'elle pourra nous préciser la date exacte où elle a informé la Commission des partenaires qu'il y avait un dépassement de budget de 80 000 000 $.

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, comme j'ai dit la semaine dernière: Non, je n'ai pas fait d'enquête sur le passé; oui, j'ai eu une bonne vingtaine de rencontres avec la Commission des partenaires; et, non, je n'ai pas repéré chaque sujet qui a été abordé avec la Commission des partenaires. Premier élément.

Deuxième élément, vous le savez, une année financière se complète au 31 mars. Et c'est à la fin de l'année financière et au début de l'autre année financière, cette année-ci, que le dépassement, le chiffre réel du dépassement a été connu. C'est un peu normal, on ne pouvait pas savoir le chiffre réel en cours de route. Alors, moi, M. le Président, je persiste à croire que c'est une situation qui est résorbée actuellement. Nous sommes en contrôle de nos dispositions financières, nous avons les outils de gestion, et j'en suis fort heureuse. Nous abordons la deuxième année d'Emploi-Québec beaucoup plus sereinement.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: C'est gros, M. le Président, en fait de déclaration. En termes de compétence, avouons que c'est assez extraordinaire. La ministre responsable d'Emploi-Québec n'est pas capable de se rappeler du moment où elle a informé la Commission des partenaires qu'il y avait un dépassement de 80 000 000 $. Alors, j'imagine le contexte des réunions: Pourriez-vous me passer le café, s'il vous plaît? Ah! en passant, il y a un dépassement de budget de 80 000 000 $, pourriez-vous...

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 40)

M. Charest: Alors, ça s'est fait comme ça, en passant, on ne se rappelle pas trop de la date. Je peux vous dire que les gens qui ont été informés, eux, d'un dépassement de budget de 80 000 000 $ et des conséquences rattachées à cela, commençant avec des coupures, ils ne l'ont pas oublié. C'est en janvier 1999, après la campagne électorale, une fois que le gouvernement s'était fait réélire cyniquement en abusant des fonds publics aux dépens des plus vulnérables de notre société, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mme Lemieux: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je pensais que vous vous leviez pour demander au chef de l'opposition de retirer ses propos.

Le Président: Je pense que, dans le contexte... J'y ai effectivement pensé, M. le leader du gouvernement, et je me suis ravisé. C'est pour ça que j'ai donné la parole à la ministre, parce que je considère que, finalement, ce n'est pas une accusation, mais une interprétation. Dans ce cas-là, ce n'est pas une accusation de malversation, ce n'est qu'une opinion politique à l'égard de la gestion des fonds publics et pas plus que ça à ce moment-ci.

M. Brassard: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre à ce moment-là que, plutôt que, comme il l'a annoncé avant la session, de semer l'enthousiasme, il a décidé de patauger dans les bas-fonds de la démagogie?

Le Président: Je voudrais simplement, à cette étape-ci et suite à votre intervention et à celle de votre collègue, votre vis-à-vis, tantôt, à laquelle j'avais réagi... Je voudrais vous demander, aux deux leaders, d'éviter de faire des commentaires additionnels sous prétexte de questions de règlement. Je pense que, dans un cas comme dans l'autre, nous ne nous servons pas, comme institution. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, deux choses. D'abord, à chaque rencontre de la Commission des partenaires, il y a un point qui s'appelle Suivi budgétaire. Alors, ce ne sont pas des questions évacuées et traitées légèrement.

Et, deuxièmement, je mettrais en garde le chef de l'opposition. Quant à moi, j'accorde beaucoup plus d'importance aux relations avec la Commission des partenaires, aux sujets qui sont abordés avec elle, aux solutions que nous cherchons ensemble pour faire en sorte qu'Emploi-Québec devienne une organisation performante et saine qu'aux allusions que le chef de l'opposition vient de faire.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je constate, M. le Président, que la ministre, qui a eu une semaine pour vérifier la date à laquelle elle informait la Commission des partenaires qu'elle avait dépassé son budget de 80 000 000 $, n'a pas eu le temps ou n'a pas pu vérifier ça, que ce n'était pas assez important pour elle après qu'on eut posé une question à l'Assemblée nationale.

Mais, comme la ministre ne semble pas être capable de dégager du temps pour éclaircir l'Assemblée sur des questions de détail de cette nature-là, peut-être que le premier ministre voudra, lui, se joindre à l'opposition officielle qui a demandé au Vérificateur général de faire une enquête sur toute l'affaire d'Emploi-Québec. Comme le gouvernement, je suis sûr, n'a rien à se reprocher, le premier ministre va spontanément vouloir appuyer la requête de l'opposition officielle et, en passant, de plusieurs citoyens du Québec qui aimeraient beaucoup savoir où est passé l'argent des contribuables québécois.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, s'il y a eu un dépassement de 80 000 000 $ à Emploi-Québec, c'est pour une raison fort simple: nous avons desservi un plus grand nombre de personnes que prévu. C'est simple, nous avons desservi un plus grand nombre de personnes que ce qui a été prévu.

Deuxièmement, il y a des vérifications et des processus de vérification internes au ministère, le Vérificateur général a toujours eu accès à un certain nombre de dossiers au ministère. Si le Vérificateur général juge approprié d'examiner des éléments plus particuliers, sachez que nous allons collaborer, comme ça a toujours été fait dans le passé.

Le Président: M. le député d'Orford, en question principale.

M. Benoit: Oui. En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, oui.


Entente entre Emploi-Québec et le cégep Ahuntsic pour la formation d'ambulanciers


M. Robert Benoit

M. Benoit: Qu'est-ce que la ministre a à dire aux 10 jeunes des Cantons-de-l'Est qui sont inscrits au...

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Benoit: Qu'est-ce que la ministre a à répondre à 10 jeunes des Cantons-de-l'Est qui sont inscrits au cégep d'Ahuntsic en cours pour devenir ambulanciers? Ces 10 jeunes ont des permis de signés par leurs employeurs. Au même moment, nous importons de la main-d'oeuvre de la Gaspésie, que nous payons temps et demi les fins de semaine, et la raison qu'on leur donne, c'est qu'Emploi-Québec a coupé les subventions au cégep d'Ahuntsic et qu'ils ne peuvent pas recevoir leurs cours même s'ils ont une promesse d'engagement.

Le Président: Juste une question avant de... Je considère que c'est une question principale parce que le chef de l'opposition est allé sur une problématique générale, vous allez sur une question pointue. C'est une question principale. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je l'ai expliqué la semaine dernière, je le réexplique. Nous avons fait le point sur les disponibilités financières à Emploi-Québec. Nous savons que nous avons devant nous 160 000 000 $ d'ici la fin de l'année financière, que cela va nous permettre de réintroduire au moins 84 000 nouvelles participations, qu'actuellement, d'ici vraiment les prochains jours, la planification budgétaire est en train de se compléter région par région considérant les disponibilités financières qui sont devant nous. Donc, oui, Emploi-Québec a été ralenti, mais, oui, Emploi-Québec se remet en action.

Alors, c'est sûr que ce type de cas individuels, je ne peux pas y réagir immédiatement, mais je sais une chose: les opérations de planification budgétaire se terminent. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire que des conseils régionaux des partenaires du marché du travail, des directions régionales, des centres locaux d'emploi vont se demander combien de personnes nous allons réintroduire dans des mesures comme de la formation, comme des subventions salariales ou des mesures d'insertion. Alors, la situation est en train de se rétablir, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.


Mise en application des amendes prévues dans la Loi sur le tabac


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Le 17 juin 1998, l'Assemblée nationale a passé unanimement la Loi sur le tabac. Chaque député dans cette Chambre a voté pour ce projet de loi. Le ministre délégué est passé à la télévision hier soir en vantant le mérite de sa loi. Tout le monde, M. le Président, connaît le problème dévastateur qu'est le problème du tabac, particulièrement chez nos jeunes. Il y a plus de 10 000 victimes au Québec, et je cite les documents du ministère que c'est plus de décès que la somme des décès reliés à l'alcool, au sida, aux drogues illicites, aux accidents de la route, aux suicides et aux homicides, M. le Président.

Le ministre délégué de la Santé et des Services sociaux, supposé responsable de la santé publique et de nos jeunes, peut-il, lui, expliquer avec logique, avec crédibilité et un peu de sérieux pourquoi il a reporté la mise en application de son projet de loi?

Le Président: M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, je voudrais rappeler en cette Chambre que le projet de loi va s'appliquer dès le 17 décembre 1999. Alors, je ne sais pas pourquoi notre cher collègue de Nelligan a compris d'une façon différente.

Il faut rappeler, M. le Président, que ce projet de loi qui a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale en juin dernier est sans aucun doute une des actions les plus vigoureuses, projet de loi, d'ailleurs, qui a été parrainé d'une façon extraordinaire par le député de Charlesbourg, et qui en fait sans aucun doute un des projets de loi les plus progressistes au monde, salué par l'Organisation mondiale de la santé, qui va permettre, M. le Président, dans les faits, de réduire sensiblement la consommation de tabac dans notre société, et particulièrement chez les jeunes.

Donc, M. le Président, la première pièce maîtresse que le gouvernement, que l'Assemblée nationale et que la société devaient se donner pour faire reculer ce problème-là dans notre société était définitivement ce projet de loi. Et d'ailleurs, en fin de semaine, dans un quotidien du Québec, on disait que l'interdiction de fumer au travail fait diminuer le tabagisme autant qu'une hausse de taxes de 400 %. Alors, l'essentiel du projet de loi, M. le Président, c'est dans ce sens-là qu'il va, c'est-à-dire d'amener les Québécois, dans le fond, à un changement de comportement, d'attitude vis-à-vis de cette question-là en les amenant à mettre de côté cette mauvais coutume. Merci.

Le Président: M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: M. le Président, est-ce que le ministre délégué prend la population comme des imbéciles? C'est inacceptable, ce qu'ils ont dit. Une loi sans sanction, une loi sans conséquence, ce n'est pas une loi.

(14 h 50)

Est-ce que le ministre délégué de la Santé et des Services sociaux, supposé responsable pour nos jeunes et de la santé publique, peut prendre ses responsabilités et comprendre que ce n'est pas sa responsabilité d'écouter les lobbys des secteurs, des milieux de travail, ou est-ce que c'est encore un autre exemple de ce gouvernement qui ne respecte pas sa parole?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, on se rappellera qu'il y a quelques années, ici, dans cette Chambre, on a voté une loi pour la question de la ceinture obligatoire au volant qui a amené, dans le fond, un changement de comportement important au niveau de la société. On ne peut pas changer du jour au lendemain, en l'espace de 24, 48 heures, des comportements vis-à-vis d'un projet de loi aussi important. Est-ce que l'opposition officielle veut nous dire aujourd'hui qu'on voudrait qu'on parsème à travers le Québec des inspecteurs, noyer le Québec d'inspecteurs pour surveiller à peu près tout le monde dans les bureaux, sur les planchers de travail, dans chaque coin de rue? Non. Moi, M. le Président...

Des voix: ...

M. Baril (Berthier): M. le Président...

Le Président: Je vous rappelle que le temps file, de la période des questions et des réponses orales. En terminant, M. le ministre.

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, la loi va s'appliquer, mais, encore une fois, moi, je fais le pari, sur la bonne foi puis le bon sens des Québécois puis le sens pratique, que les gens, à partir du 17 décembre de cette année, vont appliquer la loi, vont mettre en marche une action importante dans chacun des milieux de travail, dans chacune des entreprises pour qu'on puisse en arriver à construire un Québec plus en santé, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Conséquences pour la compagnie d'assurances L'Alternative des difficultés du Groupe AVP


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Ça faisait 38 ans qu'on n'avait pas accordé un permis d'assurance, ici, au Québec, à une compagnie à capital privé, 38 ans. Vous penseriez, M. le Président, qu'on aurait fait cette opération de façon professionnelle. Or, on apprend qu'en avril 1999 il y a eu le Groupe AVP qui a obtenu un permis exclusif de distribution des primes d'assurance. Quatre mois plus tard, on entend à travers la télévision que Jacques Demers se dissocie de la compagnie L'Alternative vie. On apprend encore, à la même occasion, que 9 000 000 $ des 13 000 000 $ ont fondu comme du beurre dans la poêle.

Le ministre des Finances nous dit qu'il y a un mur de Chine qui sépare L'Alternative vie du groupe de distribution AVP. J'aimerais bien savoir comment il pourrait expliquer le fait qu'il y a un an le Groupe AVP n'a pas reçu l'autorisation parce qu'il n'avait pas fourni les états financiers vérifiés et qu'un an plus tard la même personne obtenait à ce moment-là la possibilité de distribuer les produits d'Alternative vie.

Une voix: Voilà.

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Bon. D'abord, je dois rappeler avec prudence que l'Inspecteur général des institutions financières est une personne désignée, au pouvoir quasi judiciaire, et il en est de même, quant au pouvoir quasi judiciaire, pour la Commission des valeurs mobilières. Alors, le gouvernement commettrait une indélicatesse, et pire, s'il donnait des ordres à l'Inspecteur ou à la Commission. Ça, c'est pour ma prudence personnelle.

Pour la prudence de la députée, elle ne devrait pas prendre tout ce qui se dit à la télévision comme étant vrai. En effet, vous faites allusion à un reportage.

Des voix: ...

M. Landry: C'est vrai, tout ce qui se dit à la télévision n'est pas vrai. Il y a des erreurs de bonne foi; il y en a même de mauvaise foi.

Alors, la Commission des valeurs mobilières et l'Inspecteur général des institutions financières, les deux, ensemble, ont émis aujourd'hui un communiqué pour publication immédiate. Alors, même si je ne suis pas leur patron, j'ai le droit de lire leur communiqué dans cette Chambre, éventuellement de le déposer.

Les deux organismes désirent indiquer que le dossier dont il s'agit a fait l'objet de communications appropriées entre eux et qu'ils s'échangent de l'information sur une base continuelle afin de s'assurer de l'efficacité des marchés et de la protection des investisseurs ainsi que de la solvabilité des institutions financières. Dans ce dossier, l'IGIF est responsable de l'aspect protection des assurés alors que la CVMQ voit à l'aspect réglementaire relié aux valeurs mobilières.

Je pourrais lire le reste du communiqué, mais les deux affirment, là – et on est en présence de pouvoirs quasi judiciaires – qu'ils se sont acquitté de leur rôle dans le cadre de nos lois.

Quant à la question d'assurance, sans même aller voir dans le communiqué, à plusieurs reprises, l'Inspecteur général a démontré que les assurés, et j'espère que la députée ne veut pas semer de la panique chez les assurés, n'ont aucune crainte à ressentir. L'IGIF l'a affirmé à plusieurs reprises. Quant à l'exploitation d'une compagnie, dans l'univers capitaliste, les précautions habituelles ont été prises, mais l'univers capitaliste est un univers darwinien. Alors, il y en a qui survivent moins bien que d'autres.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Comment se fait-il, M. le Président, qu'il a fallu seulement 30 jours – 30 jours – à un conseil d'administration qui avait été nommé, dont un représentant de la Caisse de dépôt, pour démissionner en bloc? Ils ont trouvé des irrégularités. Comment se fait-il que le ministre des Finances aujourd'hui se lave les mains de cette responsabilité-là?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Ce n'est pas ma responsabilité, M. le Président. Nous vivons dans le cadre de nos lois. Si la députée veut attaquer l'Inspecteur général des finances, la Commission des valeurs mobilières, elle en subira les conséquences. Mais c'est cette Assemblée qui a voté ces lois, et c'est de tradition d'ailleurs, dans tous les pays avancés, qu'il y ait un cloisonnement entre les autorités régulatrices et les autorités d'inspection par rapport au pouvoir politique.

Alors, je n'accepte pas que la députée laisse entendre que ma responsabilité puisse être en cause et encore moins – et encore moins – dans la gestion d'une compagnie privée. Elle me demande pourquoi le conseil d'administration a pris 30 jours? Mais je n'en sais absolument rien. Est-ce que le ministre des Finances du Québec a le droit d'aller voir dans les affaires de toutes les compagnies privées pour savoir comment ça prend de temps pour démissionner? S'ils ont quelque chose à dire, là...

Des voix: ...

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Laurent.


Congédiement d'agents correctionnels à la suite d'un débrayage


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Dans une décision unanime, M. le Président, prononcée par des arbitres du gouvernement fédéral, dans le cas des 32 gardiens de prison congédiés par le ministre de la Sécurité publique au printemps dernier, les arbitres décidaient d'accorder aux gardiens de prison le bénéfice des prestations de l'assurance-chômage, jugeant que leur «débraiment» temporaire avait été justifié pour des raisons de sécurité de leur personne, sécurité des détenus et sécurité du public.

Or, voilà, M. le Président, à la veille de l'audition par un arbitre du Québec de la cause des gardiens de prison, dont la décision aurait pour conséquence éventuelle de les réintégrer ou non dans leur emploi, que l'attaché de presse du ministre de la Sécurité publique, ce matin, dans les journaux, se pourfend d'un plaidoyer d'une rare véhémence à l'encontre des gardiens de prison, les traitant, un en mot, d'irresponsables. Il s'agit là, sans aucun doute, d'une ingérence inacceptable dans un processus décisionnel et d'une tentative d'intimidation d'un arbitre.

Je veux savoir: Est-ce que l'attaché de presse répondait à une commande du ministre pour préparer la cause de lundi prochain?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: La réponse est non. Cette décision a été rendue dans un autre contexte par un organisme fédéral pour les fins de l'assurance-emploi. C'est une procédure à laquelle le gouvernement n'a pas été invité à présenter une preuve – le gouvernement du Québec. Justement, on doit commencer la preuve devant l'arbitre du Québec. J'ai moi-même offert cet arbitrage et les procédures pour accélérer les arbitrages, qui n'ont pas été acceptées par le syndicat dans le passé.

Moi, par respect pour l'arbitre qui doit entendre cette cause et qui commence à entendre cette cause lundi, je pense qu'il est préférable que je ne fasse aucun commentaire, et nous présenterons nos arguments devant l'arbitre qui sait parfaitement que c'est de nature totalement différente de la décision qui a été rendue par le conseil arbitral de Développement Canada.

Le Président: Dernière question.

M. Dupuis: Le ministre, M. le Président, aura-t-il assez de...

Le Président: ...temps pour clarifier? C'est parce que j'ai pris un peu du temps de la période de questions pour saluer l'ambassadeur de Grèce. Alors, de façon équitable, j'ai accordé quelques instants additionnels à l'opposition officielle. M. le député de Saint-Laurent, dernière question.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre aura-t-il assez de lucidité, dans ces circonstances-là, pour considérer que la déclaration de son attaché de presse ce matin est totalement inacceptable, remettra-t-il les parties dans le meilleur état pour la cause de lundi prochain, décidera-t-il de réintégrer les agents sans qu'il y ait d'auditions, compte tenu de la déclaration de l'attaché de presse, ou alors congédiera-t-il son attaché de presse pour que le message soit clair à l'arbitre: il n'a pas les mains liées par le ministre?

Le Président: M. le ministre.

(15 heures)


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je prends pour acquis que, si on a nommé un arbitre, c'est parce qu'il est intelligent et aussi parce qu'il est capable de faire preuve d'indépendance. Quoi d'autre lui faut-il que ma propre assurance que je n'ai jamais voulu l'influencer, d'aucune espèce de façon, dans la décision qu'il aura à prendre, que je souhaitais cette décision, que j'ai accepté volontiers de soumettre la décision, que j'avais prise après une réflexion considérable parce que je savais qu'elle était importante et grave, à l'arbitrage et que, par conséquent, j'ai beaucoup de respect pour cet arbitre? Moi-même, je me garde continuellement d'influencer de quelque façon la décision qu'il prendra et je pense que n'importe qui d'intelligent qui écoute mes paroles devrait se sentir parfaitement libre de rendre la décision qu'il doit rendre en son âme et conscience.

Le Président: Bien. La période de questions et de réponses orales est donc terminée.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

À l'étape des motions sans préavis, Mme la députée de...

Mme Gagnon-Tremblay: Saint-François.

Le Président: ...Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion? Il n'y a pas consentement, Mme la députée de Saint-François.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'avise cette Assemblée, d'abord, que la commission des finances publiques poursuivra les consultations générales sur la réduction de l'impôt des particuliers aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 17 heures, ainsi que demain, le mercredi 27 octobre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra les consultations générales sur le document intitulé Réforme du transport par taxi – Pour des services de taxi de meilleure qualité aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, ainsi que demain, le mercredi 27 octobre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones, le mercredi 27 octobre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 210, Loi modifiant la Charte de la Ville de Québec, le mardi 2 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30 et après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que le jeudi 4 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30 et après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique va se réunir aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, afin, d'abord, de préparer la séance du 28 octobre prochain portant sur la vérification des engagements financiers du ministère des Ressources naturelles et de préparer aussi la séance du 3 novembre portant sur le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Et, finalement, cette séance visera également à organiser l'ensemble des travaux de la commission.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous rappelle que, conformément à l'entente intervenue entre les leaders, le débat de fin de séance demandé à la séance du 20 octobre dernier concernant la question de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi sur les gâchis d'Emploi-Québec a été reporté à la fin de la séance d'aujourd'hui et que ce débat ne sera donc pas comptabilisé aux fins de l'application de l'article 312 de notre règlement.

Je vous informe de plus que, demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par Mme la députée de Bourassa. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec somme le gouvernement péquiste de mettre fin sans délai à toutes compressions dans les services à la population en matière de santé.»


Affaires du jour

Alors, nous allons maintenant aborder les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, je vous réfère maintenant, M. le Président, à l'article 6 du feuilleton.


Projet de loi n° 73


Adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Oui. M. le Président, chers collègues députés, depuis quelques années, la gestion de l'eau fait l'objet de nombreuses discussions. Ainsi, en août 1997, le gouvernement du Québec rendait public un document de référence en soutien à un symposium sur la gestion de l'eau qui s'est tenu au début du mois de décembre de la même année. Lors de cet événement, le premier ministre a annoncé l'intention du gouvernement d'élaborer une politique québécoise de l'eau après avoir consulté la population sur le sujet.

En octobre 1998, je confiais au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, le mandat de tenir une consultation publique sur la gestion de l'eau et de me faire rapport dans un délai de 12 mois suivant la mise sur pied de la commission responsable de mener cette importante consultation. Ce rapport doit notamment contenir des recommandations sur les problématiques de l'eau, tant au niveau national que régional. Le 26 janvier 1999, le président du BAPE annonçait la composition de la commission. Pour alimenter les débats, je rendais public le même jour un document de consultation visant essentiellement à informer les citoyens et citoyennes des principales problématiques de la gestion de l'eau.

La première phase de cette consultation, dite d'information, s'est terminée en juin dernier. La seconde partie, soit l'audition des mémoires, est en cours depuis la fin septembre et doit se terminer à la fin de novembre. Le ministère de l'Environnement a d'ailleurs mis en oeuvre un programme de soutien financier aux intervenants nationaux, régionaux et locaux afin de faciliter la production de leurs mémoires. Un rapport final sur cette vaste consultation est attendu pour le 15 mars 2000.

Au cours de la première partie des audiences, le BAPE a reçu de la part des citoyennes et des citoyens du Québec un grand nombre d'interventions relativement à la problématique de l'exportation de l'eau. Ceux-ci ont à maintes reprises exprimé leur souhait que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour mieux protéger les ressources en eau du Québec. Je suis entièrement d'accord avec eux. L'eau est une ressource essentielle au maintien de la vie et à toutes ses facettes, tant économiques que sociales; il est impératif de la protéger.

L'un des moyens pour le faire serait d'interdire les transferts massifs d'eau hors du territoire du Québec. Il est vrai que les données et même la compréhension scientifiques ne nous permettent pas, à ce jour, de connaître avec certitude les impacts réels qui pourraient découler de transferts massifs d'eau. Toutefois, il nous faut être prudents et poursuivre notre réflexion sur cet aspect de la gestion de l'eau. Cependant, nous savons déjà que les transferts massifs d'eau du fleuve Saint-Laurent vers l'extérieur pourraient accentuer les fluctuations de niveaux d'eau que nous avons remarqués depuis quelques années. Nous savons aussi que de telles fluctuations peuvent entraîner de graves répercussions aux points de vue économique, environnemental et social, l'expérience nous ayant démontré que la plupart des secteurs d'activité sont très sensibles à la variation des niveaux d'eau.

Ces répercussions peuvent être nombreuses. Par exemple, les coûts de navigation pourraient augmenter substantiellement, on pourrait remarquer des effets néfastes importants sur la navigation de plaisance, la pêche sportive et les infrastructures riveraines également. De plus, le lien entre la qualité et la quantité n'étant plus à faire, un impact non négligeable sur les écosystèmes serait à prévoir. Enfin, il existe des incertitudes en ce qui a trait aux augmentations des besoins futurs dans certaines régions du Québec. Il est également difficile d'estimer les demandes qui pourraient provenir de l'étranger. La croissance de la population mondiale et les changements climatiques régionaux pourraient influencer ces demandes dans un avenir rapproché, bien qu'aucun projet concret n'ait été soumis au gouvernement du Québec à ce jour. Néanmoins, n'oublions pas les phénomènes récents. Pensons seulement aux projets qui ont vu le jour en Ontario, en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve.

(15 h 10)

À la suite de ces projets, plusieurs gouvernements ont entrepris des actions et des études pour encadrer les transferts massifs d'eau. Ainsi, le gouvernement fédéral, de concert avec le gouvernement des États-Unis, a demandé à la Commission mixte internationale d'analyser la problématique reliée à l'usage de l'eau dans les eaux limitrophes, y compris à des fins d'exportation. Le 18 août 1999, la Commission rendait public son rapport intérimaire dans lequel elle propose d'adopter des mesures temporaires pour empêcher les prélèvements massifs d'eau. Le rapport final est prévu pour janvier ou février 2000.

Dans ce rapport, qui couvre notamment le bassin des Grands Lacs, les principales conclusions et recommandations sont à l'effet que: il n'y a pas de surplus d'eau dans le bassin des Grands Lacs; les prélèvements d'eau pourraient nuire à la capacité du bassin de résister à des perturbations futures et inattendues telles que celles que pourraient apporter les changements climatiques; on manque d'information sur les quantités et les prélèvements d'eau souterraine; les critères régissant l'examen des nouveaux projets majeurs de dérivation et de consommation, prévus dans la Charte des Grands Lacs, ne sont pas suffisamment restrictifs.

En vertu de la Charte des Grands Lacs, l'approbation des nouveaux projets de dérivation ou de consommation doit être soumise à une consultation, après, des États riverains de l'Ontario et du Québec mais n'exige pas leur consentement unanime. De plus, elle ne prévoit pas la participation de la population au processus de consultation. Les obligations du droit commercial international – ALENA, GATT – permettent au Canada et aux États-Unis de protéger leurs ressources hydriques et de préserver l'intégrité de l'écosystème du bassin des Grands Lacs. Enfin, un moratoire sur tout prélèvement d'eau dans le bassin des Grands Lacs devrait être adopté par tous les gouvernements d'ici les prochains mois jusqu'à ce que la Commission dépose son rapport final.

À la suite de ces événements, le 22 juillet 1999, le Congrès des États-Unis prenait connaissance d'un projet de loi, soumis par des membres de la Chambre des représentants des États limitrophes américains, visant à adopter un moratoire sur l'exportation en vrac de l'eau douce jusqu'à ce que certaines conditions soient respectées. Ce projet de loi a été soumis au Comité américain sur les relations internationales. Le 24 septembre 1999, La Maison-Blanche annonçait son support à celui-ci et offrait l'assistance du Conseil sur la qualité environnementale pour favoriser son adoption. Au Canada, la Colombie-Britannique et l'Alberta possèdent déjà des lois interdisant le transfert d'eau de la province ou du Canada. L'Ontario vient de se doter, en avril dernier, d'un règlement interdisant le transfert entre les trois bassins majeurs de la province. Terre-Neuve s'apprête à légiférer dans le même sens que ces provinces. Notons également que l'État du Maine interdit depuis 1987 le transport d'eau en vrac hors d'une municipalité ou d'une municipalité limitrophe à un autre plan d'eau ou à une source d'eau souterraine.

Devant ce contexte, le Québec, à titre de gestionnaire de l'eau sur son territoire, se doit de prendre le virage et d'adopter des mesures qui permettront de préserver ses ressources en eau. À cet effet, le projet de loi que je vous propose aujourd'hui vise à interdire le transfert hors des frontières du Québec de l'eau qui y est prélevée. Étant donné que les modifications apportées aux plans d'eau et aux nappes phréatiques peuvent altérer de façon définitive et parfois imprévisible l'équilibre des écosystèmes, les mesures visent aussi bien les eaux de surface que les eaux souterraines.

Cependant, le projet de loi n'a pas pour but d'empêcher les activités économiques qui se déroulent sur le territoire du Québec ou qui ont cours dans des municipalités limitrophes au Québec. À cet égard, certaines exclusions pour diverses activités qui sont déjà contrôlées via la Loi sur la qualité de l'environnement ou encore qui impliquent des volumes très faibles sont prévues au projet de loi. Ainsi, l'embouteillage d'eau au Québec en contenants de 20 L ou moins serait permis. L'eau embouteillée fait déjà partie des activités commerciales. Son prélèvement nécessite, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, des études hydrogéologiques rigoureuses pour s'assurer qu'il ne cause pas de préjudice en environnement ou aux usagers. Les provinces et États qui ont légiféré sur le transfert d'eau excluent également cette activité. Pour sa part, la Commission mixte internationale a considéré que l'eau mise en contenants de 20 L ou moins ne mettra pas en danger l'intégrité de l'écosystème des Grands Lacs.

Par ailleurs, l'approvisionnement en eau potable des habitations et des établissements dans les zones limitrophes, l'approvisionnement des véhicules, incluant les personnes et les animaux qui y sont transportés le cas échéant, ou l'eau utilisée pour leur fonctionnement ne seraient pas touchés par ce projet de loi. De plus, le gouvernement se réserve le droit de lever cette interdiction, notamment en cas d'urgence, à des fins humanitaires ou pour tout autre motif jugé d'intérêt public. En ce sens, les dérivations d'eau à des fins hydroélectriques étant jugées d'intérêt public seraient soustraites d'office à l'application de ce projet de loi. Mentionnons que cette activité est toutefois assujettie au processus d'évaluation et d'examen d'impact sur l'environnement.

Considérant que la gestion de l'eau fait actuellement l'objet d'un débat public – inclus l'exportation de l'eau – le projet de loi serait applicable à compter de son entrée en vigueur jusqu'au 1er janvier 2001. Le présent projet prévoit toutefois que le gouvernement pourra raccourcir ou allonger ce délai en fonction de sa réflexion dans ce dossier.

Les avantages à adopter ce projet de loi sont nombreux. Entre autres, il nous permettrait de coordonner nos actions avec nos voisins. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ces mesures sont déjà en vigueur en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario ainsi que dans l'État du Maine. Ce projet répondrait également aux recommandations de la Commission mixte internationale en ce qui a trait à l'interdiction de prélèvements massifs d'eau.

La solution adoptée serait temporaire et permettrait au gouvernement de prendre une décision éclairée relativement à la position à adopter face à l'exportation de l'eau, en attendant les recommandations que me fera le BAPE sur la gestion de l'eau suite à la consultation publique qui est présentement en cours dans toutes les régions du Québec. Elle permettrait également au Québec d'affirmer sa juridiction sur la gestion de l'eau et de rejoindre les attentes de plusieurs citoyens et citoyennes et groupes d'intérêts. Elle assurerait au gouvernement de ne pas être confronté à une décision d'autoriser un projet d'exportation massive d'eau durant les travaux du BAPE. Bref, elle permettrait au Québec d'éviter que des projets d'exportation massive se mettent en branle en attendant que le gouvernement décide de la façon dont il veut gérer l'eau et, s'il y a lieu, qu'il détermine les règles de gestion et de contrôle à cet effet.

Actuellement, il n'existe pas, au Québec, de projet de transfert massif d'eau. Il a été mis en évidence, dans le document de consultation sur la gestion de l'eau rendu public le 26 janvier 1999 et lors des audiences du BAPE, que de tels projets ne devraient pas voir le jour dans les prochaines années, compte tenu notamment des coûts inhérents à un tel commerce. L'imposition d'une interdiction sur une période déterminée n'aura donc pas d'impact économique direct. Toutefois, si un projet jugé d'intérêt public survenait pendant son application, une disposition du projet de loi permettrait au gouvernement de lever cette interdiction.

Par ailleurs, certains pourraient prétendre que ce projet de loi ne couvre pas tous les aspects de la gestion de l'eau pour lesquels les groupes environnementaux ont exprimé des inquiétudes, notamment en ce qui a trait au captage des eaux souterraines pour des fins commerciales et au projet de privatisation des infrastructures municipales. Dans le premier cas, j'ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles je ne propose pas d'étendre ce projet de loi à cette activité. Dans le second cas, il a été mentionné à plusieurs reprises, lors des audiences publiques du BAPE, qu'il n'est pas dans les intentions du gouvernement de privilégier la privatisation des infrastructures municipales. Je suis donc persuadé que ce projet de loi répondra à une crainte importante de la population, à savoir le transfert massif d'eau hors du territoire du Québec.

J'ai à maintes reprises défendu les droits du Québec sur la gestion de son eau sur son territoire. Le gouvernement fédéral s'apprête à légiférer dès cet automne, et il est important d'adopter ce projet de loi qui permet au Québec d'exercer sa juridiction sur cette importante ressource, et de montrer clairement sa position sur l'échiquier mondial en attendant d'obtenir la recommandation du BAPE sur la gestion de l'eau suite à la consultation publique, et de déterminer l'approche définitive qu'il entend adopter face à cet important enjeu qu'est l'exportation des ressources en eau. Il permettra également de rassurer la population devant la menace des projets d'exportation d'eau en vrac qui font la manchette depuis quelques années. Pour toutes ces raisons, j'invite les membres de cette Assemblée à adopter le principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Environnement. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau, et je cède la parole maintenant au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford. M. le député d'Orford, la parole est à vous.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Alors, pour les gens qui nous écoutent, le projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau, nous nous réjouissons que le ministre, finalement, ait décidé de faire quelque chose dans cette direction-là. Il y a déjà pas mal longtemps, nous avions indiqué au ministre qu'il y avait un problème. Je crois que le BAPE avait fait la même chose, et il a tardé à déposer ce projet de loi là. Nous l'avions questionné au moment où le fédéral avait décidé de demander aux provinces de regarder la possibilité de légiférer en ce qui avait trait à l'exportation de cette ressource qu'est l'eau.

(15 h 20)

Vous savez, le Québec a 3 % de l'eau potable au monde. C'est énorme. C'est énorme, et beaucoup d'entreprises de tout acabit à travers le monde nous regardent comme ayant une des denrées les plus rares et devenant la plus importante en ce moment. À titre d'exemple, M. le Président, des parties complètes des États-Unis sont à la recherche d'eau. La région de la Californie a installé des tuyaux sur plus de 1 000 km se rendant jusqu'au Colorado, à toutes fins pratiques, pour aller chercher de l'eau. C'est ça, la situation dramatique du besoin d'eau à travers la planète. Vous avez vu comme moi tous ces pays qui sont vraiment à la recherche d'eau.

Il y a ici deux dimensions dans un projet de loi comme ça: il y a celle où on veut se protéger de toute cette agression qui pourrait être faite à nos richesses naturelles, et il est tout à fait correct que le ministre décide d'aller de l'avant avec un moratoire pour une période de temps, moratoire qu'il pourrait extensionner dans la mesure où le BAPE n'aurait pas fini son étude; il y a, d'autre part – et c'est la question qu'on devra se poser comme citoyens d'un pays nordique avec des ressources aussi importantes, des denrées aussi importantes – la dimension morale. Jusqu'où nous sommes responsables envers des gens qui auraient besoin de cette denrée-là, qui n'en ont pas abusé, eux? Et jusqu'où nous devrons, dans les années, dans les décennies à venir, aider des peuplades qui ont besoin de cette denrée-là? M. le Président, le moratoire va attendre après le dépôt de l'enquête du BAPE pour finalement arriver avec une loi, j'imagine.

Peut-être deux mots sur le BAPE. C'est cet organisme, au Québec, dont j'ai dit, dans chacun des discours que j'ai faits comme porte-parole en matière d'environnement, toute l'admiration que j'avais pour cet organisme, et, encore une fois, nous aurons à être fiers du travail qui est après être effectué par le BAPE. Vous savez qu'ils font normalement deux tournées, une première pour écouter les questions des gens et une deuxième pour prendre connaissance des mémoires. J'aurai l'occasion, vendredi qui s'en vient – ils seront dans la région de Sherbrooke... Ils seront d'ailleurs dans la région de Sherbrooke mercredi, jeudi et vendredi, si je ne me trompe. Enfin, moi, j'y serai vendredi après-midi pour aller entendre ce que les gens ont à dire au BAPE et, encore une fois, je vous le dis tout de suite, je serai impressionné par la qualité des intervenants mais surtout par les gens qui sont en avant, qui écoutent et qui historiquement ont déposé de très bonnes recommandations aux ministres de l'Environnement, autant de l'époque où nous étions là que de l'époque où le gouvernement est là.

Malheureusement, M. le Président, il y a eu des débats, dans les derniers mois, au Québec où le ministre n'a pas écouté le BAPE, où le ministre n'a pas voulu écouter le BAPE, parce qu'il y a des différences. Je pense à Hertel–des Cantons où il a fallu que les citoyens s'arment jusqu'aux dents, où il a fallu que les citoyens aillent en cour pour faire valoir leur point de vue. Ça a été une heure très noire dans la démocratie environnementale du Québec. J'aimerais aussi vous parler du cas des Éboulements où nous avions un des plus beaux paysages du Québec, tous les grands environnementalistes du Québec l'ont mentionné; je pense à M. Dansereau, je pense à l'UQCN, je pense au Regroupement des CRE du Québec. Tous les regroupements et tous les grands environnementalistes du Québec ont dit au ministre: Ne touchez pas à ce coin absolument pittoresque, ne touchez pas à cette côte. Oui à l'amélioration des accidents, et il y avait plein de propositions qui étaient faites. Malheureusement, le ministre de l'Environnement, tout comme son ministère, semble être complètement disparu de ce genre de dossier. Parce que, oui, le ministère de l'Environnement devrait avoir une influence sur toute l'action gouvernementale un peu partout, et c'est peut-être ce qu'on peut le plus reprocher à ce gouvernement.

Dans un ministère qui est biodégradable, M. le Président, qui perd des forces jour après jour, qui est en voie de disparaître autant au niveau des budgets que du personnel qui travaille là, eh bien, ce ministère, ou le ministre, tout au moins, ne fait plus son ouvrage auprès de ses confrères en ce qui a trait à des projets tels que celui de la côte des Éboulements ou de la ligne Hertel–des Cantons. En 1999, le ministre de l'Environnement ne jugeait pas nécessaire d'intervenir, alors que les autres provinces, elles, allaient, avec le fédéral, imposer des moratoires. Alors, nous, à l'époque, nous avions demandé à notre ministre de regarder ça et d'agir. Il nous avait répondu qu'il pouvait, avec la réglementation, prendre son temps, etc. Bien, encore une fois, l'opposition a eu raison, le ministre aurait dû agir, à cette époque-là. Mais on doit saluer maintenant qu'il le fasse. Il le fait peut-être un peu tard, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Vous savez, quand on parle de l'eau, c'est un sujet drôlement compliqué – à qui appartient l'eau – et le BAPE va se pencher là-dessus. Le statut juridique de l'eau, M. le Président... Vous qui êtes avocat, vous savez que l'eau qui est en dessous de votre résidence vous appartient. Donc, théoriquement, vous pouvez en faire ce que vous en voulez, et de là ce problème où les individus décident, où les entreprises décident que l'eau en dessous de leur entreprise, en dessous de leurs terres, en dessous de leur résidence leur appartient. Ils peuvent en faire ce qu'ils veulent, et le BAPE nous amènera à décider si l'eau est un bien collectif ou un bien individuel. Il y a là un grand débat de société. Tous autant que nous sommes avons probablement, au moment où nous nous parlons, une opinion. Enfin, ce n'est pas à moi ou à mon parti, à ce point-ci, de décider si l'eau est un bien qui appartient à l'ensemble de la collectivité ou si elle appartient à l'agriculteur qui a une immense terre et qui peut en faire, au moment où on se parle, à peu près tout ce qu'il veut dans la mesure où il ne nuit pas à un voisin.

M. le Président, je disais plus tôt que le ministère de l'Environnement est un ministère en voie de disparition. Il n'y a pas que les animaux qui sont en voie de disparition dans la province de Québec, il y a le ministère qui est en voie de disparition et son action, et de là on voit plein de choses qui disparaissent, et des outils importants qu'on avait aidé à créer il y a si longtemps au Québec, et je veux donner deux exemples, la revue Franc-Vert qui était cette revue qui était la meilleure revue d'environnement, qui était financée par un regroupement de groupes environnementaux, et cette dernière, vraiment belle revue d'environnement, elle n'existe plus, cette revue qui a fait tellement d'éducation dans tout le Québec. Le ministre n'a pas daigné lever le petit doigt pour empêcher que cette revue disparaisse.

Mais, si vous pensez qu'il y a juste les environnementalistes qui disent que ça va mal au Québec en environnement, eh bien, je vous annonce que l'industrie sortait en conférence de presse il n'y a pas plus de deux semaines, le 5 octobre 1999. L'industrie de l'environnement expliquait la grappe de l'environnement, ce que Gérald Tremblay avait créé. À l'époque, on avait ridiculisé M. Tremblay, on lui avait demandé combien de raisins étaient tombés, etc. Eh bien, M. le Président, la grappe de l'environnement, c'était un des grands succès dans l'économie québécoise, et pourtant ils devaient sortir et nous rappeler... Je vais vous en lire des passages.

Ce n'est pas le Parti libéral du Québec, ce sont des gens d'affaires qui disent au gouvernement: «Le pire des scénarios est en train de se réaliser: c'est le plongeon.» Et je vous en lis des passages, de ce communiqué: C'est ce qu'affirme un mémoire adressé confidentiellement la semaine dernière au vice-président, ministre de l'État et de l'Économie, par la grappe industrielle en environnement, a appris Le Devoir , que les grands pays industrialisés occupent entre 1 % et 1,3 % de leur main-d'oeuvre aux projets liés à l'environnement, plus de trois fois le taux québécois. En somme, alors que la province suivait sensiblement le niveau de croissance d'ailleurs dans le monde dans la première moitié de la décennie – c'est l'époque où les libéraux ont été là – cela s'explique, selon notre source industrielle, par le fait qu'en France et aux États-Unis, par exemple, l'industrie de l'environnement a continué de croître d'environ 3 % à 4 % par année, alors que celle du Québec amorçait, à partir de 1995, un déclin marqué. Selon elle – l'industrie, toujours – on était en voie d'atteindre la masse critique vers 1995 qui nous aurait permis de desservir peu à peu près de tous les secteurs économiques, y compris ceux qui accusaient du retard en matière de dépollution. On arrive à peine à occuper maintenant entre 0,035 % et 0,4 % de la main-d'oeuvre du Québec. Je vous ai dit tantôt que ça pouvait aller jusqu'à 3 % dans les pays de l'OCDE, et nous serons à moins de 0,4 %.

Je pourrais continuer, M. le Président. Non seulement les environnementalistes sont à blâmer le ministère de l'Environnement, mais les industries...

(15 h 30)

L'autre exemple qu'on pourrait rappeler au ministre, c'est qu'en 1993 – à l'époque, nous étions au gouvernement – nous avons fait le moratoire sur les sites de déchets du Québec. Nous croyions important qu'une réflexion s'amorce et que nous arrivions avec une loi. Eh bien, croyez-le ou non, nous ne sommes qu'à quelques jours de l'an 2000 et nous n'avons toujours pas de loi de déposée sur toute la problématique de la récupération du déchet et des sites de déchets, M. le Président. Alors, vous comprendrez que beaucoup de gens au Québec sont drôlement impatients devant la situation qui dure depuis trop longtemps. La question qu'on a à se demander: Qu'est-il arrivé de ce programme électoral qu'avait déposé le Parti québécois lors de l'avant-dernière élection? Un programme électoral qui comportait plus de 37 pages, avec toutes sortes d'engagements, M. le Président, en ce qui avait trait à l'environnement.

Eh bien, malheureusement, aujourd'hui, ce que nous devons dire, c'est que la très grande partie de ce programme électoral n'a jamais été mise en place. Non seulement la très grande partie de ce programme n'a pas été mise en place, mais dans plusieurs cas – et j'en citerai un dans un instant – ils ont fait exactement le contraire de ce que le programme du PQ, lors de l'avant-dernière élection, s'engageait à faire.

Ce parti, dans son programme électoral, nous disait que tous les sites de déchets du Québec deviendraient un bien public, soit géré par la province soit géré par une municipalité. C'était clair, c'était précis, il n'y avait pas de malentendu. Que s'est-il passé, M. le Président, six ans après l'élection de ces gens? Eh bien, non seulement les sites de déchets ne sont pas devenus des sites publics, mais plus que jamais les déchets du Québec sont dans des sites privés. Les sites de Montréal, à la fin de l'année, dans leur ensemble, iront dans des sites privés appartenant à des multinationales qui, plus souvent qu'autrement, sont propriétés d'Américains ou sont listées sur la bourse américaine. 60 % des déchets en ce moment vont dans des sites privés, M. le Président, dont souvent les Québécois n'ont aucune propriété, alors que l'engagement du PQ était bien clair à cet effet-là.

Combien d'autres engagements ils ont pris? Une multitude. Ils ont eu et ils ont un programme électoral biodégradable qui n'a plus sa raison d'être et ils continuent à essayer de nous faire croire qu'ils font un bon emploi de l'environnement.

M. le Président, je terminerai... Parce qu'on a un projet de loi, ici, qui parle de l'eau, je voudrais parler au ministre de cette étude secrète qu'il a en sa possession mais dont il ne veut pas reconnaître l'authenticité. Une étude, qui fut faite pour la réduction de la pollution d'origine agricole, démontre que plus de 30 000 à 40 000 Québécois en ce moment boivent de l'eau polluée aux nitrates.

Et nous savons que ces gens-là, avant la dernière élection, avaient pris un engagement en ce qui avait trait au droit de produire. Bien sûr, ils étaient à la veille d'une élection. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont envoyé tout ça après l'élection, M. le Président. Eh bien, maintenant, ils vont devoir vivre avec une étude qui leur démontre que plus que jamais, en ce moment, même s'il y a eu de très grands efforts du milieu agricole, une quantité importante de Québécois... L'étude démontre qu'il y a entre 30 000 et 40 000 citoyens qui boivent une eau qui est dangereuse et que cette pollution-là vient directement du monde de l'agriculture.

Alors, le ministre, quand il nous parle... Le ministre finalement a arrêté de parler, il vient de me regarder, il est un peu surpris que nous ayons en notre possession cette étude-là, M. le Président. Eh bien, oui, nous l'avons en notre possession. Et je l'invite, avant de permettre au ministère de l'Agriculture de faire quoi que ce soit, à être bien vigilant. Il ne l'a pas été avec le ministère de la Voirie, il ne l'a pas été avec le ministère de l'Énergie, peut-être qu'il ne serait pas trop tard pour bien faire, qu'il pourrait, comme ministre, influencer certains de ses confrères ministres, dont celui de l'Agriculture. Il est trop facile de favoriser un groupe dans la société en en pénalisant un autre, celui qui souvent n'est pas organisé, celui du simple citoyen qui, lui, doit subir des conséquences et n'a pas grand-chose à dire souvent.

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 73, nous sommes prêts à passer article par article, le plus tôt sera le mieux. Et le ministre – nous lui en avions parlé il y a une année – il aurait été facile aussi qu'il aille avec le fédéral; les autres provinces l'ont fait. Il a préféré, encore une fois, une petite guéguerre, bien sûr. Que bien lui soit fait. Si Québec peut empêcher que nos richesses naturelles soient exportées sans normes, sans critères, d'une façon éhontée, nous allons souscrire à ça avec plaisir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. En ce qui concerne votre droit de réplique, M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: M. le Président, le député d'Orford faisait référence à une étude supposément secrète. Ce qu'il ne sait peut-être pas, c'est que, lorsque l'on fait une proposition d'adoption d'un règlement ou d'un projet de loi au Conseil des ministres, on doit joindre à ce document une étude économique, et c'est des documents qui servent à prendre des décisions. Ça n'est pas plus différent que tous les autres projets de loi qui sont soumis et qui ont des incidences financières. Elles n'ont de secret que ce volet-là, et c'est le cas de tous les projets qui sont transmis au Conseil des ministres.

Alors, étude secrète, M. le Président, je pense que, là, on se fait peur en se regardant dans le miroir.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Brassard: Je voudrais faire motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion de M. le leader du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.

M. Brassard: Je vous réfère maintenant à l'article... Pardon. Excusez-moi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...M. le leader. Alors, outre le débat de fin de séance qui aura lieu entre Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi sur le gâchis d'Emploi-Québec, je vous avise qu'il y aura trois autres débats de fin de séance aujourd'hui: un premier débat de fin de séance entre M. le député de Nelligan, suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre délégué à la Santé et aux Service sociaux concernant la Loi sur le tabac et les jeunes; également une demande de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, suite à une question qu'elle a posée aujourd'hui au ministre des Finances concernant le dossier de la compagnie d'assurances L'Alternative vie; et, finalement, une demande de M. le député de Saint-Laurent au ministre de la Sécurité publique concernant la déclaration de son attaché de presse qui accusait les gardiens de prison de personnes irresponsables, tentant ainsi d'intimider l'arbitre au dossier. Alors, ces quatre débats de fin de séance auront lieu après la période des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère à l'article 20, M. le Président.


Projet de loi n° 41


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 20, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 17 juin 1999 sur la prise en considération du rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur le projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Les amendements sont déclarés recevables. Y a-t-il des interventions? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en vous indiquant qu'il reste 29 minutes à votre temps de parole.

M. Trudel: Combien de minutes, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vingt-neuf minutes.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Alors, M. le Président, je n'ai pas l'intention, bien sûr, de prendre 29 minutes. Cela aurait pour l'heur d'affoler la montre du leader adjoint, de mon leader et de ma whip. Je prendrai cependant quelques minutes pour repréciser, à quelques mois d'intervalle, l'objet du projet de loi n° 41 et qu'est-ce que nous sommes en train de réaliser ici, à la troisième étape du processus qui va nous amener, comme vous venez de le mentionner, puisque vous venez de déclarer recevables un certain nombre d'amendements qui sont des ajustements techniques sur lesquels nous avons convenu, avec l'opposition, suivant les prescriptions de notre règlement, que nous pourrions donc les introduire à la toute dernière étape de l'adoption du projet de loi.

Essentiellement, M. le Président, le projet de loi n° 41, d'abord, il simplifie les choses. Il simplifie les choses en termes de fonctionnement de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

(15 h 40)

J'en profite toujours, M. le Président, à l'occasion de l'adoption de lois qui concernent le domaine de la production agricole au Québec, pour faire un peu de pédagogie, parce que c'est probablement le secteur économique le plus sous-estimé, le plus méconnu en termes d'activités et de fonctionnement. Puisque le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, maintenant, on apprendra certainement que c'est le troisième ministère qui a été créé après la création d'un gouvernement responsable au Québec, après le ministère des Finances, c'est de vous décrire l'importance historique. Mais, comme on prend ça un petit peu pour acquis et qu'on est habitué, dans ce secteur de production, à se faire dire qu'il faut se débrouiller, on en profite donc pour faire un peu de pédagogie, M. le Président.

Dans le domaine de l'agroalimentaire au Québec, il y a d'abord une compagnie d'assurances, la Régie des assurances agricoles du Québec, qui, en gros, assure les récoltes et les risques, au niveau des élevages, et, au niveau des crises, les productions. Ce ministère regroupe également un autre organisme pour aider au financement, la Société de financement agricole du Québec, la caisse populaire nationale agricole des Québécois et des Québécoises qui interviennent dans la production agroalimentaire.

On a maintenant, depuis 1978, une commission qui protège le territoire agricole en vertu d'une loi, la Commission de protection du territoire agricole du Québec et qui – j'y reviendrai à la toute fin de ma présentation, M. le Président – maintenant protège les activités agricoles dans la zone agricole en vertu de la loi 23 qui a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. Et finalement, M. le Président, il y a comme une espèce de tribunal, qui s'appelle la Régie des marchés agricoles du Québec, où là on fait de l'homologation de conventions entre les producteurs et ceux qui transforment les produits et on fait les arbitrages.

Au Québec, nous avons une Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche unique. Depuis 1963, M. le Président, nous avons cette loi qui, essentiellement, permet de se donner littéralement des conventions, des plans conjoints, des conventions collectives entre les producteurs, qu'ils soient petits ou grands. On regroupe l'offre de ces produits et on conclut une convention avec les acheteurs, les transformateurs et les entreprises qui sont chargées d'écouler les stocks.

De cette façon, M. le Président, on a un système organisé, un système réglementé. On dit communément dans le langage «un système ordonné». C'est ordonné. Ça ne se fait pas à tout venant, à la va comme je te pousse. Et ça nous permet d'avoir – comme dans le domaine du travail, si on veut faire une comparaison – de l'ordre dans la mise en marché et de s'assurer également qu'on a des résultats à court, moyen et long terme quand on fait des investissements qui sont très lourds dans la production agricole.

Aujourd'hui, nous allons compléter la troisième étape pour en arriver à modifier quelques éléments de cette loi qui permet de faire des conventions entre les producteurs et les transformateurs, et également quelques modifications qui vont nous amener à changer un tout petit peu, légèrement ajuster le fonctionnement du tribunal qui homologue les conventions, qui les arbitre ou qui fait de la médiation, donc qui s'appelle la Régie des marchés agricoles du Québec.

On va en profiter, d'abord, dans un premier temps, pour abolir une loi assez vieille, mais on va en conserver l'essence et on va l'intégrer à la loi que je viens d'énumérer, de 1963, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche au Québec. On abolit la Loi sur les grains. On ne va pas dans le détail, M. le Président, c'est d'une complexité cosmique, cette histoire, mais très bien défini. On en prend l'essentiel et on transporte ça dans une seule et même loi, et ça sera plus simple en termes d'application.

On fait une autre modification, M. le Président, aussi, pour les usines de transformation de lait. Pour les usines de transformation du lait, c'est désormais le ministre responsable, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui va délivrer les permis, au lieu que ce soit la Régie elle-même qui fasse cela, après avoir requis les avis de la Fédération des producteurs de lait du Québec et également de la Régie elle-même. C'est le ministre qui va assumer cette responsabilité et l'imputabilité de cette responsabilité.

On va faire en sorte aussi qu'il y ait une simplification au niveau du régime de garantie de solvabilité des acheteurs de lait. Bon. Ça, ça apparaît compliqué. Le détail, on n'est pas habitué de traiter ça en public, ça ne fait pas la première page de La Presse . Cependant, c'est important. Quand un producteur, une productrice produit, donc, du lait, l'envoie chez un transformateur en vertu d'une convention, il arrive, comme dans tout le monde financier, le monde commercial, des fois qu'il y a des risques et des mauvais payeurs. Alors, il y a une partie de la loi qui encadre ça et qui demande des garanties de solvabilité à ceux qui achètent ces produits-là. Et maintenant on va modifier l'application de ça tout en gardant intacts, de façon essentielle, dure, les régimes de garantie de solvabilité des acheteurs de lait.

On va également en profiter, M. le Président, dans la simplification, pour changer quelques éléments de la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Encore là, quand on est dans la production agricole et qu'on développe des animaux pour la consommation, pour la transformation, bien, à quelque part il faut les vendre. Puis, quand on les vend, généralement, on les vend dans un encan puis on ne demande pas de carte d'identité à ceux qui se présentent à l'encan pour les acheter, on leur demande plutôt une garantie de solvabilité. Ça nous importe peu qui les achète, mais ça nous importe d'être payés. On va modifier ça.

Essentiellement, M. le Président, ce sont ces modifications que nous allons étudier à cette troisième étape. C'est important parce que le Québec s'est donné au cours des années des lois essentielles pour la mise en marché des produits. Il s'est donné aussi, en 1978, une loi pour protéger le territoire agricole, puis il s'est donné en 1997 – je termine là-dessus... C'est parce que j'en profite aussi, M. le Président, pour faire un... sur deux situations sur lesquelles on peut s'exprimer à l'occasion de la troisième étape de ce projet de loi.

Nous avons aussi adopté ici un régime – maintenant la loi n° 23 – qui protège et priorise les activités agricoles dans la zone agricole au Québec. Pour ce faire, M. le Président, l'Assemblée nationale a adopté une loi, et le gouvernement, en vertu de cette loi, s'est donné des orientations, et des orientations qui s'administrent par des normes qu'on appelle les distances séparatrices. Nous sommes à appliquer cette loi qui priorise les activités agricoles en territoire agricole au Québec. Nous avons dans nos orientations, par exemple, défini des seuils. On ne va pas s'installer à n'importe quelle distance, maintenant, d'un milieu urbain, puis on ne va pas s'installer à n'importe quelle distance non plus d'une installation agricole. Ces distances, M. le Président, elles ont été établies, et ces seuils établis avec la collaboration des producteurs, et d'aucuns voudraient bien les remettre en cause.

M. le Président, qu'on soit bien informé, et bien clairement informé que le gouvernement n'a pas l'intention de reculer d'un iota sur les orientations qu'il a adoptées. Et il entend plutôt faire en sorte que ces orientations soient respectées et que l'on applique l'esprit et la lettre de la loi 23, c'est-à-dire prioriser le développement des activités agricoles dans la zone agricole au Québec et que les organismes chargés d'appliquer cette loi réalisent les responsabilités qu'on leur a confiées au niveau local, au niveau régional et au niveau national.

Je conclus, M. le Président, en disant: Bien sûr, nous avons été en mesure de constater en fin de semaine, à Saint-Germain-de-Kamouraska, que maintenant on remettait en cause les principes les plus fondamentaux de cette loi, en espérant peut-être que nous allions reculer, modifier notre attitude. La réponse, en conclusion, M. le Président, c'est: Non, le gouvernement va continuer comme il l'a fait non seulement en 1963, à l'époque, non seulement comme on l'a fait en 1977 avec un de nos prédécesseurs, Jean Garon, mais comme on l'a fait également avec le ministre des Affaires municipales et le ministre de l'Environnement en 1997, nous allons continuer à défendre la priorité des activités agricoles en zone agricole, et nous allons continuer de supporter les productrices et les producteurs qui ont pris le virage agroenvironnemental et qui se sont donné jusqu'en 2003 pour se donner et appliquer la réglementation la plus progressiste en Amérique du Nord en matière de gestion de l'environnement, en matière agroenvironnementale.

(15 h 50)

Nous allons poursuivre dans cette direction et nous allons continuer de défendre non seulement l'intégrité du territoire agricole au Québec, mais nous allons continuer de défendre et de faire la promotion de la priorité des activités agricoles en zone agricole au Québec. Et la loi que nous allons adopter à la prochaine étape de cette législation en ce qui regarde le projet de loi n° 41, ça sera une pièce de plus, M. le Président, pour simplifier et augmenter l'efficacité de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Richmond, président de la commission de l'aménagement du territoire et porte-parole officiel des dossiers de l'agriculture. Et, M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. Alors, merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. le Président, vous me permettrez de souligner, pour le bénéfice des citoyens qui nous entendent, que le projet de loi que nous avons devant nous revêt un certain niveau de complexité et qu'il représente à maints égards des réaménagements au plan technique qui sont loin d'être négligeables des lois qui sont impliquées par plusieurs modifications qui sont suggérées, dont je vous ferai grâce, puisque le ministre, je pense, a assez bien brossé l'éventail des modifications qui nous sont proposées dans l'actuel projet de loi. Et j'aurai l'occasion probablement d'y revenir lors de l'étude en troisième lecture que nous aurons subséquemment à l'exercice d'aujourd'hui qui vise à prendre en considération le rapport de la commission qui, elle, a procédé à l'étude du projet de loi article par article.

Et ce projet de loi que nous avons devant nous vient évidemment abroger, comme l'indiquait le ministre, la Loi sur les grains et en transfère les responsabilités vers la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Et, évidemment, par cette occasion, le gouvernement – et nous partageons son point de vue – veut, là-dessus, faire en sorte que la loi prenne une dimension un peu plus moderne compte tenu de l'évolution qui se fait dans le temps et plus particulièrement en ce qui concerne toute la gestion des grains au Québec.

Ce projet de loi modifie également la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés afin de confier au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de délivrer les permis qui y sont prévus. Il permet aussi de regrouper dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche les pouvoirs de la Régie concernant, notamment, la fixation du prix du lait et l'administration du Régime de garantie de solvabilité des acheteurs de ce lait.

Le projet de loi prévoit également que le ministre devra, par l'émission d'un permis, avoir obtenu un avis favorable de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec sur les éléments qui sont mentionnés à l'article 43.1 introduit à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et de la pêche, M. le Président.

Enfin, ce projet de loi modifie la Loi sur la protection sanitaire des animaux afin de transférer à la Régie la responsabilité d'encadrer la solvabilité des exploitants des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants. Je pense, M. le Président, que c'est une disposition avec laquelle nous sommes parfaitement d'accord.

Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche afin d'y intégrer les dispositions pertinentes des lois précitées, d'introduire des mesures permettant d'alléger le fonctionnement de la Régie par la Loi sur la justice administrative et également la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Vous me permettrez rapidement, M. le Président, de revenir sur certains éléments dont nous avons discuté en commission parlementaire et de faire un petit retour sur l'étude détaillée que nous avons faite article par article. L'étude a exigé de part et d'autre, chaque côté de la Chambre, beaucoup de minutie et de vigilance afin d'être en mesure de franchir aujourd'hui une autre étape du processus législatif. Vous connaissez sans doute, tout comme le gouvernement, la collaboration dont l'opposition a fait preuve à l'intérieur de ce dossier et dont elle fait d'ailleurs toujours preuve avec grande rigueur dans l'accomplissement du mandat qui lui est confié en cette Assemblée, un mandat de vigilance et de contrôle à l'endroit du gouvernement.

Enfin, l'étude détaillée du projet de loi nous a permis, de ce côté-ci de la Chambre, de soulever plusieurs interrogations qui ont éclairé certaines de nos inquiétudes à l'égard du projet de loi qui nous est présenté. Nous avons d'ailleurs porté à l'attention du ministre quelques remarques plus particulières aux articles 11 et 34 du projet de loi.

L'article 11 du projet, qui modifie le deuxième alinéa de l'article 40.5 de la loi, indique que la Régie peut fixer par règlement le prix de tout produit laitier dans les limites de tout territoire qu'elle désigne. La Régie doit auparavant inviter, de la façon qu'elle juge appropriée, les intéressés à lui présenter leurs observations selon les modalités qu'elle juge appropriées, y compris en séance publique. Pour rendre et pour prendre sa décision, la Régie doit tenir compte de la nature du produit, de ses conditions de production, du transport, de la transformation, de la livraison et de l'utilisation qui en est faite. À cette énumération, M. le Président, nous avons proposé un amendement afin que la Régie considère aussi la valeur du produit, amendement qui été bien reçu par le gouvernement et dont il tient compte dans le présent projet de loi qui vient de nous être soumis.

Nous sommes également intervenus sur l'article 34, M. le Président, du projet de loi dans l'étude article par article. Et nous avons pris la peine de nous intéresser plus particulièrement à cet article du projet qui propose d'ajouter, après l'article 192 de la loi, l'article 192.1 concernant des mesures répressives reliées à la mise en marché du grain ne répondant pas aux caractéristiques inscrites à une attestation de classement. Ce qui a retenu notre attention, ce n'est pas la mesure répressive en tant que telle, puisqu'elle existait déjà dans la Loi sur les grains. Ce qui a retenu particulièrement notre attention, c'est l'augmentation de l'amende. À titre d'exemple, un montant minimum de 125 $ de la loi initiale est majoré à 1 000 $ par le projet de loi, et le montant maximum de 350 $ dans la loi initiale est majoré à 20 000 $. Ceci dit, il s'agit là d'une mesure répressive qui méritait d'être adaptée aux réalités économiques actuelles. Et nous en sommes venus à conclure qu'il faudra dans l'avenir plutôt prévoir périodiquement de tels ajustements, et ce, afin d'éviter de telles majorations démesurées et ponctuelles, comme nous a présenté le gouvernement.

Vous comprendrez, M. le Président, de revoir une loi qui permet de passer d'une amende maximale de 350 $ à 20 000 $, c'est une marche qui est très haute qui est franchie. Et donc nous pensons qu'il faudrait privilégier un mécanisme d'ajustement périodique pour éviter que, plusieurs années après, on doive intervenir pour majorer de façon très importante... et aussi faire en sorte qu'au fil du temps des mesures qui sont répressives aient moins de valeur puis exercent moins l'effet qu'on recherche. Une amende de 350 $ aujourd'hui, M. le Président, une amende maximale, est très peu significative par rapport aux infractions qui sont commises. Donc, qu'elle passe à 20 000 $, nous sommes d'accord. Et, à ce moment-là, elles sont vraiment dissuasives. Et, si on veut que dans le temps elles gardent cette valeur-là, bien il faudrait qu'on les ajuste au fur et à mesure que nous évoluons dans le temps.

Enfin, M. le Président, nous avons, par ailleurs, reçu en commission des amendements soumis préalablement à l'attention du ministre par l'Union des producteurs agricoles. Ces amendements visaient plusieurs articles, dont je vous ferai grâce, qui sont très techniques et qui ont été retenus par le gouvernement et par les membres de la commission. Aujourd'hui, M. le Président, nous nous ferons tout particulièrement constructifs à l'intérieur de ce projet de loi, et ce, à la lumière des récriminations qui nous ont été faites par des intervenants de l'UPA, de la Fédération des producteurs de lait du Québec. Et je veux aujourd'hui en faire part au ministre afin qu'on puisse, à l'intérieur de la troisième lecture, les prévoir.

(16 heures)

À l'article 45 du projet de loi, on a abrogé l'article 21 de la Loi sur les produits laitiers du Québec. Or, M. le Président, cette disposition, plus qu'importante selon la Fédération des producteurs de lait du Québec, n'est réintégrée nulle part ailleurs dans le projet de loi que nous avons devant nous. Cette disposition de l'article 21, je veux vous la lire: «Nul ne peut être marchand de lait ni agir comme tel s'il ne détient une police de garantie en vigueur, délivrée par la Régie en vertu de l'article 19 pour le montant qu'elle fixe selon l'échelle établie en vertu du paragraphe a de l'article 41.»

M. le Président, l'absence de cette clause pourrait faire en sorte, et ce, à la lumière des informations dont nous disposons de la Fédération des producteurs de lait du Québec, que cette dernière pourrait être tenue de livrer du lait en vertu des conventions de mise en marché à une entreprise qui n'aurait pas de garantie de paiement. Ce que ça signifie, en bref, c'est que la Fédération pourrait, à ce moment-là, ne pas avoir l'assurance d'être payée. Or, vous comprendrez que la Fédération veut se voir protégée à l'intérieur du projet de loi actuel afin que les garanties nécessaires soient données que, si on livre du lait, on soit assuré que l'argent nécessaire pourra être là pour s'assurer que la Fédération puisse être payée. Ainsi, selon la Fédération des producteurs de lait, cette disposition, à laquelle nous donnerons notre appui, pourrait être intégrée et devrait être réintégrée à l'intérieur du projet de loi.

À l'article 2 du projet de loi, M. le Président, je veux le soumettre immédiatement au ministre, il est proposé de soumettre la possibilité pour la Régie d'entendre certaines causes au nombre minimum non plus de trois mais de deux régisseurs. Nous avons nous-mêmes soulevé cette inquiétude lors de l'étude du projet de loi, mais le ministre n'a pas voulu céder sur ce point, prétextant l'argument économique. Il veut, nous dit-il, sauver des coûts. De même, l'UPA avait demandé avec insistance, à ce même article 2 du projet de loi, de supprimer les articles 26 et 43 de l'énumération. On les retrouve encore dans le projet de loi. Selon l'UPA, les litiges couverts par l'article 43 sont importants et ils devraient être entendus par un quorum normal, c'est-à-dire trois régisseurs et non deux, comme nous le propose l'actuel projet de loi. L'importance de l'article est d'autant plus vraie que la Régie peut agir proprio motu, c'est-à-dire de sa propre initiative, pour émettre des ordonnances. Bref, ces arguments expliquent pourquoi il faudrait retirer les articles 26 et 43 de l'énumération, ce qui permettrait de revenir à ce que la Régie en parle à trois régisseurs et non pas à deux, comme nous le propose l'actuel projet de loi.

Je terminerai ici, M. le Président, et je veux saluer de façon particulière l'esprit d'ouverture dont a fait preuve le ministre dans l'étude article par article, qui a retenu plusieurs des éléments que nous avons soulevés en commission parlementaire pour l'adoption de ce projet de loi. Et l'étape que nous traversons aujourd'hui nous conduira, comme on le sait, à une autre lecture où on aura l'occasion de parler de façon un peu plus générale du projet de loi. Je me permettrai, en terminant, finalement de saluer le travail de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec et de ses régisseurs qui oeuvrent quotidiennement à la mise en place et à l'actualisation des plans conjoints de mise en marché des produits au Québec, et de vous indiquer, pour un, que je souhaiterais que ce soit toujours ce climat de travail là qui nous anime en commission et qui fait en sorte qu'un ministre nous amène un projet de loi qui nous permet, à l'opposition officielle et aux intervenants, de proposer des amendements qui sont reçus, qui sont entendus et qu'on étudie quand on arrive avec des projets de loi en commission parlementaire avec ouverture des recommandations, des propositions qui sont faites. Alors, force nous est de constater aujourd'hui que l'opposition et les intervenants ont été passablement entendus et écoutés.

Le ministre en a tenu compte dans la réécriture de son projet de loi, et nous verrons maintenant en troisième lecture – puisqu'on nous annonce déjà qu'il y aura d'autres amendements – si le ministre est en mesure de répondre aux attentes que nous lui avons formulées cet après-midi. Si tel est le cas, nous devrions être en mesure, si le ministre fait autant preuve d'ouverture au cours de la troisième lecture que lors de l'étude article par article, d'adopter ce projet de loi, je le souhaite, unanimement à l'Assemblée nationale. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Richmond, en vous indiquant, M. le ministre, que vous avez un droit de réplique de cinq minutes.

M. Trudel: M. le Président, simplement pour dire que l'opposition pourra compter sur notre collaboration habituelle, et je la remercie, cette opposition, pour sa collaboration.


Mise aux voix des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Les amendements proposés par le M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation portant sur le projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, continuons d'occuper le ministre de l'Agriculture avec l'article 27.


Projet de loi n° 35


Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à l'article 27, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je vous cède la parole.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Maintenant, l'étape finale de l'adoption d'un projet de loi qui modifie la Loi sur le mérite agricole du Québec. Ça peut paraître aussi une modification et parfois, pour certains, une loi anodine, mais c'est loin de là. Depuis 110 ans, il existe une loi au Québec qui s'appelle la Loi sur le mérite agricole du Québec. Imaginez, depuis 110 ans se tient un prestigieux concours national qui récompense les meilleurs au niveau de la production agricole au Québec. Il n'y a pas de lois, il n'y a pas d'événements qui existent en vertu d'une loi de l'Assemblée nationale qui aient autant d'âge que celle-là et qui se sont poursuivis au cours des 110 dernières années, et nous avons eu le bonheur, au Château Frontenac, prestigieux endroit dans notre capitale nationale, de tenir, le 30 septembre dernier, il y a quelques jours, le 110e gala annuel de l'Ordre du mérite agricole du Québec, puisque cette loi, il y a 110 ans, a créé un ordre national, l'Ordre du mérite agricole du Québec. À cette occasion, à chaque année, nous décernons des titres, comme membres de cet Ordre, résultats d'un grand concours national qui récompense les meilleurs dans la production agricole dans l'ensemble des régions du Québec suivant des règles qui sont établies en vertu de cette loi, et j'indiquerai dans quelques minutes les modifications qui sont requises par cette loi.

Eh bien, M. le Président, 110 ans, là, c'est un petit peu plus âgé que les Gémeaux, ça, c'est un petit peu plus âgé que les Félix, ça, c'est un petit peu plus âgé que les Olivier, c'est un petit peu plus âgé que le gala de l'Excellence de La Presse . Ça fait 110 ans que ça existe, alors ça a devancé un peu Power Corporation, ça a devancé un petit peu, donc, cet excellent concours qui, il y a une quinzaine, a récompensé un certain nombre de personnes, grands militants d'un grand nombre de causes au Québec, le gala de l'Excellence.

Eh bien, M. le Président, cette loi, elle fixe les conditions de ce grand concours, de ce prestigieux concours national. La modification qui est réclamée, les ajustements, bien, c'est pour dépoussiérer un petit peu tout ça. On dépoussière ça parce qu'on peut comprendre que la sagesse du législateur, il y a 110 ans, s'appliquait à son temps et qu'à ce moment-là on n'avait pas les mêmes impératifs, on n'avait pas les mêmes conditions d'organisation. Et, quand on veut changer cela, eh bien, il faut venir à chaque fois à l'Assemblée nationale, ici, et demander à l'Assemblée nationale, à l'ensemble des députés de toutes les régions du Québec de modifier les règles du concours.

Ce qu'on vous demande, M. le Président, et ce que la loi propose comme modifications, c'est d'autoriser le ministre à modifier les règles de l'Ordre du mérite agricole du Québec lorsque besoin est, de publier ces règles dans la Gazette officielle du Québec , et, s'il y a des gens qui ont des remarques à faire, des observations, des suggestions, ils auront 45 jours pour le faire, et là on ne sera pas obligé à chaque fois de revenir à l'Assemblée nationale, ici, donc, pour l'application de la loi sur l'Ordre du mérite agricole du Québec, la loi qui récompense les meilleurs dans le domaine de l'agriculture au Québec.

(16 h 10)

M. le Président, ce sont des amendements, donc, mécaniques mais qui vont nous permettre d'être plus efficaces. J'annonce tout de suite aussi que j'ai l'intention de présenter les mêmes modifications, et de même type, pour qu'enfin nous appliquions – et le député de Duplessis va certainement s'en réjouir – les mêmes modifications pour la Loi sur le mérite du pêcheur, qui changera de nom – je le proposerai à l'Assemblée nationale – avec des règles tout à fait nouvelles, tout comme nous le ferons, au cours des prochaines semaines, pour la Loi sur le mérite de la restauration qui, je le souhaite, deviendra la Loi sur le mérite de la restauration et de l'alimentation au Québec. De cette façon, pour la production agricole, les pêcheries et l'aquiculture, la restauration et l'alimentation, et si on ajoutait à cela le grand concours national Fleurir le Québec, eh bien, nous pourrons avoir les instruments pour reconnaître les meilleurs dans les différents secteurs de la production bioalimentaire au Québec comme nous l'avons fait le 30 septembre dernier.

Je vais rapidement là-dessus, M. le Président, aussi parce qu'on a eu l'occasion, donc, de se retrouver dans la capitale nationale pour souligner la performance des meilleurs au niveau de l'agriculture au Québec il y a trois semaines, et on en a vu des belles, de belles entreprises. Elles seront, ces entreprises, d'ailleurs, d'ici quelques semaines, invitées à assister à nos débats à l'Assemblée nationale, et nous aurons l'occasion de souligner plus amplement leur réussite dans chacune des régions du Québec. Comme nous l'avons fait dans le cadre d'un autre événement, dans le cadre d'un événement qui visait à désigner la productrice agricole de l'année à Trois-Rivières en fin de semaine, eh bien, on aura l'occasion ici, à l'Assemblée nationale, tous les députés de chacun des côtés de la Chambre, de souligner la performance de ces entreprises parce que, quand on est comme la ferme Lajoie et Fils, de Saint-Bruno, au Lac-Saint-Jean, et qu'on est gagnant de la médaille d'or de l'Ordre du mérite agricole du Québec, eh bien, on est comme le député de Roberval, les épaules nous grimpent de deux pouces. Pour tous les députés de cette région, comme notre leader parlementaire, la ferme Lajoie et Fils, tout près d'Alma, que le député connaît très bien, c'est une réussite spectaculaire dans le domaine des entreprises agricoles et c'est la meilleure entreprise, un exemple national pour tous les producteurs et les productrices, les gagnants de la médaille d'or de l'Ordre du mérite agricole du Québec.

Remarquez, M. le Président – je fais une petite parenthèse – que, quand on est dans les prix Gémeaux, Radio-Canada fait quatre heures et demie de télévision publique pour souligner la moindre réussite d'une performance de quiconque agit dans ce secteur. Pour le secteur agricole, 12 secondes, c'est trop. Mais, quand on est dans d'autres domaines, c'est quatre heures et demie de télévision publique. Quand on est au gala Excellence de La Presse , qui est un excellent gala, eh bien là on va prendre des heures de télévision publique, commanditées par des institutions, d'ailleurs, et on va reconnaître les meilleurs dans différents secteurs d'activité.

Je pense que ça va changer, M. le Président. Ça devrait changer parce que prendre quelques heures de télévision publique pour reconnaître les meilleurs dans la production agricole dans toutes les régions du Québec, il me semble que ce ne serait pas abusif et que ce serait d'occuper notre responsabilité correctement et de proclamer que la ferme Lajoie et Fils, cette belle famille de Clément Lajoie, tout près d'Alma, au Lac-Saint-Jean, c'est une réussite spectaculaire, tout comme l'était également la ferme Rodrigue, de Saint-Anaclet-de-Lessard, dans une autre région du Québec, la deuxième plus grande entreprise agricole au Québec, et comme c'était le cas également de la ferme Sim-Nord, de Saint-Edmond-des-Plaines, qui est toujours dirigée par M. Simard et Mme Cantin, la troisième meilleure entreprise au Québec.

On a fait ça également pour trois autres entreprises avec la médaille d'argent. La médaille d'argent, M. le Président. Puis les gens du Bas-Saint-Laurent étaient tellement fiers de constater que la ferme de Marc-André Turcotte était citée au palmarès des meilleures entreprises agricoles du Québec, avec sa famille, tout comme on l'était également pour les gens de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, la ferme Viel – comme on dit communément dans ce coin-là, les petits frères Viel ont une exploitation agricole exemplaire pour non seulement les gens de la région de Kamouraska, mais pour l'ensemble du Québec – comme on l'a dit aussi à Carole et Alain Perron pour leur ferme de La Baie. Ça foisonne dans ce coin, ça foisonne de réussites.

Finalement, M. le Président, on a eu l'occasion de le dire et là je le dis avec davantage de fierté parce que ce sont mes propres épaules qui ont grandi de deux pouces, puisque, dans la catégorie des médailles de bronze, dans l'Ordre du mérite agricole du Québec, la plus grande entreprise qui a réussi, eh bien, ça s'appelle Les Oeufs d'or, de la région de Val-d'Or. André Pelletier, le député... Ah bien, vous savez bien, c'est la plus belle région du Québec. Parce que, vous savez, quand on perd ses racines, on perd tout. On ne perd pas ses racines parce qu'on est à l'Assemblée nationale. Il y a du chauvinisme bien placé. La ferme Les Oeufs d'or, c'est du chauvinisme de bon aloi mais ça a été décidé par un jury indépendant. Meilleure entreprise parmi les neuf plus grandes entreprises du Québec, Les Oeufs d'or, de la région de Val-d'Or. Puis, comme si ce n'était pas assez, la Pépinière Aiken, de Rouyn-Noranda, cette famille également médaillée d'argent pour la production agricole, la deuxième de sa catégorie. Et, finalement, eh bien, les gens toujours de Kamouraska, la ferme Pétry, avec Lise Ouellet et Jocelyn Pelletier.

M. le Président, je souhaite, d'abord, quand on va adopter les modifications à la Loi sur le mérite agricole, que dorénavant on puisse citer haut et fort les gagnants et les gagnantes de ce prestigieux concours national qu'est l'Ordre du mérite agricole du Québec, qu'on puisse le faire aussi dans des conditions qui vont nous permettre de le dire ailleurs qu'à l'Assemblée nationale et, à chaque année, au prestigieux Château Frontenac, dans notre capitale nationale, mais également dans ce qui, en 1999, à l'aube du nouveau millénaire, nous permet d'entrer dans tous les foyers, dans les médias de communication, parce que nous pourrons ajuster les conditions du concours et les conditions de sa diffusion. Nous pourrons le faire parce que nous aurons un instrument adapté.

On pourra le faire aussi, M. le Président, comme l'ont fait en fin de semaine les gens de la Fédération des agricultrices du Québec qui, je le dis, peut-être à défaut d'être reconnues comme femmes productrices dans le domaine de l'agroalimentaire, organisent depuis 12 ans un concours qui s'appelle sous la désignation de la Productrice agricole de l'année. Et c'est de bon aloi aussi de terminer en disant qu'Ariane Olivier-Ouellet, de Saint-Gabriel de Rimouski, a été désignée la meilleure productrice agricole de tout le Québec. Parce que la production agricole au Québec, ce n'est plus que des hommes, c'est également des femmes, des femmes partenaires. Pas des femmes en arrière, des femmes à côté, des femmes partenaires, des femmes en affaires, des femmes qui réussissent, des femmes qui nous aident à développer le secteur de l'agroalimentaire au Québec. Ariane Olivier-Ouellet nous a fait toute une leçon lorsqu'elle s'est adressée à nous, samedi soir, et nous aurions eu avantage à écouter ça à l'Assemblée nationale. C'était assez d'une très grande simplicité mais très touchant. Ça a été également le cas pour Lise Hamelin-Massicotte, de Champlain, cette coiffeuse de Montréal qui s'est établie avec Paul Massicotte, son conjoint, à Champlain et qui a développé une production maraîchère d'une qualité exceptionnelle et qui constitue l'orgueil de la Mauricie, l'orgueil de ses collègues producteurs et productrices agricoles, parce que c'est une femme déterminée, intelligente, brillante, fonceuse, et c'est pourquoi elle a été désignée agricultrice entrepreneure de l'année.

Finalement, ça a été aussi le cas, pour la relève agricole, tout près d'ici, à Leclercville, de Linda Labrecque qui a été déclarée, avant 30 ans, M. le Président, jeune agricultrice de l'année. Je vous en passe un papier, elle n'a pas froid aux yeux, celle-là, et elle est capable de conduire une entreprise agricole, de la développer avec un très grand succès. Il y en a beaucoup parmi ceux qui composent notre sexe qui ont bien de la misère à la suivre, à mon avis, parce qu'elle est remarquablement, à mon avis, intelligente, brillante et a développé une production agricole assez spectaculaire.

(16 h 20)

Nous avons souligné aussi le travail de Pauline Leclerc qui, elle, s'est perfectionnée à temps complet. On a encouragé la formation, et tout ça. Puis, finalement, on a fait ça également avec Annie Cyrenne, du Centre-du-Québec, qui a décidé de se perfectionner parce que, aujourd'hui, on ne se lance plus dans la production agricole parce qu'on a un rêve doucereux et qu'on a envie de voir les petits oiseaux chanter à la campagne, ça ne marche plus comme ça. M. le Président, on développe de bonnes entreprises agricoles et on désire les récompenser, les souligner et le dire au Québec. C'est pourquoi on fait ces amendements à la loi sur l'Ordre du mérite agricole du Québec, la Loi sur le mérite national agricole du Québec, et je souhaite que ces modifications soient adoptées pour que, l'an prochain, ça ne reste pas entre nous, ces grands succès, mais que tout le Québec le sache. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Je rappelle que nous en sommes à l'adoption du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, et je cède la parole à M. le député de Richmond, président de la commission de l'aménagement du territoire et responsable des dossiers de l'agriculture pour l'opposition officielle. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, d'abord, je veux vous indiquer et indiquer au ministre, comme nous l'avons fait à toutes les étapes de ce projet de loi, que nous partageons la proposition qui nous est faite de modifier la loi qui institue l'Ordre du mérite agricole. Il s'agit, comme l'a indiqué le ministre, d'une loi qui date de plus, enfin de plus de 110 ans. Alors, c'est quand même remonter très loin dans l'histoire, et je pense qu'effectivement les propositions qui nous sont faites sont tout à fait les bienvenues.

M. le Président, le ministre nous indiquait tantôt jusqu'à quel point il accorde de l'importance au travail de la femme en agriculture. Je voudrais tout simplement vous donner un exemple qu'on retrouvait à l'intérieur de l'ancienne Loi du mérite agricole et qui démontrait jusqu'à quel point il était temps qu'on revoie certains éléments que je qualifierais de vétustes à l'intérieur de cette loi, puisque la loi que nous avions devant nous n'avait pas prévu que des femmes pouvaient s'installer en agriculture. C'est ainsi que l'article 2 disait: «L'Ordre du mérite agricole du Québec est institué dans le but d'encourager les agriculteurs.» Dieu sait qu'aujourd'hui il y a des agricultrices. De même, l'article 5: «Le gouvernement peut faire des règlements. Il peut créer une section pour les jeunes cultivateurs ou fils de cultivateurs.» Alors, vous voyez bien qu'il était grandement temps d'actualiser une loi qui tienne compte davantage de la réalité québécoise qui veut qu'aujourd'hui la femme prenne largement sa place en agriculture comme une collaboratrice de premier ordre, comme une propriétaire également, femme engagée dans l'entreprise financièrement et autrement.

Je suis de ceux qui – lors de mes responsabilités comme ministre délégué à l'Agriculture, aux Pêcheries et à l'Alimentation – s'occupaient en particulier du volet de la valorisation du rôle de la femme en agriculture et je suis heureux de voir que le ministre – il ne l'a pas mentionné tantôt – a adopté un amendement que nous lui avons proposé, l'opposition officielle, afin que le projet de loi que nous avons devant nous vienne tenir compte – et que ce soit inscrit dans la loi – du fait que la femme, maintenant, doit occuper une place beaucoup plus importante à l'intérieur de l'agriculture, et ça doit se retrouver dans les textes de lois que nous avons devant nous. Le ministre a également indiqué tantôt que c'était une loi qui méritait d'être amendée. Vous vous souviendrez que, lors de l'étude du principe du projet de loi, j'avais indiqué que, de ce côté-ci de la Chambre, nous étions particulièrement fiers de voir que c'était un premier ministre puis un ministre de l'Agriculture libéraux qui avaient introduit une pareille législation et que le Parti libéral du Québec a toujours été vraiment un pionnier vis-à-vis de l'instauration de lois qui viennent structurer le milieu agricole, qui viennent lui permettre de se doter d'outils qui permettent son évolution, d'outils qui sont performants et qui font encore aujourd'hui leurs preuves, bien qu'à l'occasion ils méritent certains ajustements.

Moi aussi, M. le Président, je veux me joindre au ministre pour offrir mes plus sincères félicitations à tous ces lauréats, lauréates du concours de l'Ordre du mérite agricole qui a connu son point culminant le 30 septembre dernier ici, dans la ville de Québec. J'avais l'occasion de participer, en présence du ministre, à cette fête, à cette grande fête qui vient souligner l'excellence en agriculture. J'en étais très fier. J'ai, à ce moment-là, ce soir-là, partagé une table avec des électeurs du député de Lac-Saint-Jean à l'Assemblée nationale, qui occupe les responsabilités également de leader du gouvernement, et je veux vous indiquer qu'ils et elles étaient très fiers, eux autres aussi, de ce qui se passait ce soir-là, même s'ils n'ont pas été les grands gagnants du concours. Bien, j'ai assisté avec eux avec beaucoup de fierté au couronnement de plusieurs de leurs collègues de l'agriculture qui étaient fiers, je pense, avec les meilleures raisons, d'être parmi les lauréats de ce grand concours, prestigieux concours national de l'Ordre du mérite agricole qui récompense les meilleurs.

Le ministre, tantôt, M. le Président, a mentionné plusieurs lauréats. Vous me permettrez d'ajouter une personne qui a été honorée ce soir-là, dont on n'a pas fait mention tantôt et qui a été honorée par le ministre lui-même du très grand mérite spécial de l'Ordre du mérite agricole, M. Marcel Chagnon, qui est une personnalité très bien connue dans le monde agricole, M. Chagnon qui est issu d'une famille d'agriculteurs, qui a été véritablement un modèle pour le monde agricole au Québec, qui s'est largement distingué par son implication sociale qui a été remarquable par plusieurs responsabilités qu'il a occupées dans le monde municipal, entre autres, de même qu'au sein de l'Union des producteurs agricoles. Alors, M. Chagnon s'est également largement impliqué de façon particulière dans l'élaboration et la mise en oeuvre du régime de protection et de promotion des activités agricoles dont le ministre a fait mention tantôt. C'est une loi qui a été adoptée ici, à l'Assemblée nationale, et à laquelle M. Chagnon a mis beaucoup d'efforts, et je pense que c'est de bon aloi que, ici, aujourd'hui, après les nombreuses personnalités, les nombreux noms qui ont été soulevés par le ministre, on ajoute celui de Marcel Chagnon qui s'est largement distingué.

Le ministre m'indique qu'on aura une autre occasion, en cette Chambre, à nouveau de faire allusion et de souligner le travail exceptionnel de ces nombreux producteurs et productrices, jeunes et moins jeunes, qui, dans la région qui était concernée cette année... Comme on le sait, c'est une région qui est très chère au député de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, où, cette année, se déroulait le concours, et, M. le Président, j'aurai l'occasion d'ajouter à ces paroles que je viens de vous dire pour souligner le travail exceptionnel qui a été fait par ces personnes. Mais vous me permettrez, en terminant, de revenir sur l'essentiel de ce que nous discutons aujourd'hui, soit des améliorations à une loi qui vient institutionnaliser l'Ordre du mérite agricole.

Comme le ministre, M. le Président, je veux vous indiquer jusqu'à quel point il m'apparaîtrait important que ce qui est souligné par le biais de ce concours soit davantage médiatisé. Comme le ministre, j'étais un peu peiné, moi, le soir du 30 septembre, quand j'ai vu la faible représentativité de très nombreux médias pour véritablement rendre un hommage mérité qui aurait dû se répéter à l'intérieur de l'ensemble des médias du Québec afin que la population en général soit largement informée des efforts qui sont faits pour promouvoir l'excellence en agriculture et rendre un hommage bien mérité à toutes ces personnes qui font du Québec ce qu'il est, c'est-à-dire un milieu qui se distingue par la qualité de sa production, par la qualité des produits qui sont fournis aux consommateurs, tant québécois que de l'extérieur du Québec, parce qu'on sait que maintenant une bonne proportion de nos produits sont vendus à l'extérieur du Québec, et ils se distinguent justement par leur haut niveau de qualité, et ça, c'est dû à la performance des exploitants et exploitantes en agriculture et à toute cette chaîne de transformation également de nos produits.

(16 h 30)

Alors, je veux, M. le Président, profiter de cette occasion pour partager avec ceux qui ont été les lauréats cette fierté que nous avons de l'excellence de nos producteurs et productrices agricoles au Québec et indiquer au ministre, au gouvernement, de même qu'à vous, que nous allons être en accord avec ce projet de loi, et donc l'appuyer au cours de cette dernière étape qu'il franchit aujourd'hui. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond et également critique officiel de l'opposition en matière d'agriculture. Nous allons céder maintenant la parole au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.


M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: Simple conclusion, M. le Président. Je remercie l'opposition de sa collaboration et joins ma voix à celle de l'opposition pour également rendre hommage, bien sûr, à M. Chagnon à qui le Conseil des ministres et le gouvernement du Québec ont décerné le très grand honneur, le Très grand mérite spécial de l'Ordre agricole du Québec à l'occasion du 110e gala de l'Ordre du mérite agricole du Québec. Je suis très fier que l'opposition s'associe à nous, d'autant que c'est quelqu'un de la région du député de Richmond, qui a tellement fait pour le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous demanderais de vous référer, M. le Président, à l'article 16.


Projet de loi n° 18


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 16 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant la Loi sur le développement de la région de la Baie James.

Y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport de la commission? M. le ministre des Ressources naturelles et leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, c'est juste quelques phrases pour faire un rappel, en quelque sorte, parce que c'est un projet de loi qui a été déposé à la session du printemps.

On reprend le cheminement législatif simplement pour vous dire qu'il s'agit d'un projet de loi qui modifie la Loi sur le développement de la région de la Baie James en vue de supprimer l'obligation de consulter la Société de développement de la Baie James lorsqu'on octroie un certain nombre de droits ou certaines concessions du domaine public, du secteur minier, par exemple, ou forestier, sur le territoire de la région de la Baie-James.

Aujourd'hui, cette obligation – j'en avais fait, je pense, en tout cas, la démonstration lors de mon intervention sur le principe – n'a plus sa raison d'être, compte tenu de l'évolution qu'a connue, au cours des 25 dernières années, la Société de développement de la Baie James, et il apparaît opportun et pertinent de supprimer cette obligation. C'est là l'objet de la loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en matière de ressources naturelles, Mme la députée de Bonaventure. Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à cette étape-ci du processus qui mènera à l'adoption du projet de loi n° 18, il s'agit, comme le ministre l'a souligné tout à l'heure, du projet de loi qui modifie la Loi sur le développement de la région de la Baie James. Je pense qu'il est opportun et pertinent, donc, de rappeler les buts ou les objectifs que poursuit le projet de loi.

Alors, dans les notes explicatives, on peut lire que ce projet de loi modifie la Loi sur le développement de la région de la Baie James pour supprimer la disposition créant l'obligation de consulter la Société de développement de la Baie James prévue lors de l'octroi de concessions et de certains droits du domaine public sur le territoire de la région de la Baie-James, ainsi que pour valider les concessions et les droits qui auraient été octroyés sans que ne soient respectées les exigences, donc, de cette disposition.

Alors, M. le Président, l'étude détaillée de ce projet de loi en commission parlementaire, qui contient trois articles, à première vue semble être un projet de loi anodin. Cependant, l'exercice en commission parlementaire nous a permis, donc, de rapporter ou de soulever le questionnement de certains représentants de la Société de développement de la Baie James face à ces modifications. Alors, on a été en mesure, donc, en commission parlementaire, de livrer les attentes de la Société de développement de la Baie James face au gouvernement entourant ce projet de loi n° 18.

Alors, M. le Président, vous me permettrez... Je pense, il est très opportun de revenir sur les propos qui ont été tenus par certains représentants de cette Société, une société d'importance qui est vouée au développement économique de la région du Nord-du-Québec. Alors, lors de la commission parlementaire qui a traité de l'aménagement du territoire, commission qui s'est tenue le mardi 29 septembre 1998, des représentants de la Société étaient appelés, donc, à exposer les objectifs et les buts que poursuit la Société de développement de la Baie James, et, à ce moment-là, en dressant un historique des objectifs et du mandat de la Société, les représentants en ont profité, quand même, pour envoyer un message assez clair au gouvernement, et vous me permettrez, M. le Président, très brièvement, de revenir sur les propos qu'a tenus à ce moment-là M. Michel Garon.

Alors, M. Garon nous dit ceci: «La Société de développement de la Baie James a été l'artisan de la structuration du territoire. Ses actions ont permis la création de la région administrative du Nord-du-Québec en 1987 et la mise sur place de divers organismes, tels la municipalité de la Baie-James et le Conseil régional de développement de la Baie-James. Ces organismes ont, au fil des ans, pris en charge certaines responsabilités auparavant dévolues à la Société de développement. Cette évolution a donc amené le gouvernement à revoir le mandat de la Société de développement et celui, conséquemment, de la municipalité de la Baie-James.»

Et de rajouter, M. le Président – et c'est un élément fort important: «Au cours des dernières années, la Société de développement de la Baie James a eu des discussions avec le ministère des Ressources naturelles pour redéfinir son mandat puis apporter des modifications à sa loi constituante pour lui permettre notamment de mieux assurer son mandat en fonction des attentes régionales. On est toujours en attente d'une décision formelle quant à ces changements.» Et, en conclusion, M. Garon souligne qu'il recommande au gouvernement de modifier la Loi sur le développement de la région de la Baie James au plus vite, d'ici la fin de l'année.

Alors, on est en septembre 1998 lorsque M. Garon fait ces affirmations. Cependant, ce qu'on doit constater avec le dépôt du projet de loi n° 18, c'est que, malheureusement, le ministère des Ressources naturelles, le gouvernement ne répond que très partiellement à la demande qui a été formulée par M. Garon, à l'époque, qui représentait et qui représente toujours la Société de développement de la Baie James. Et, M. le Président, c'est très dommage de répondre ainsi à la pièce à des attentes qui sont formulées par la Société de développement de la Baie James. Vous savez comme moi que la Société est investie d'un mandat fort important pour le Nord- du-Québec, et, dans ce sens-là, pour faciliter, donc, le travail de la Société de développement de la Baie James, le ministre des Ressources naturelles aurait eu la possibilité et l'opportunité de répondre favorablement à l'ensemble des attentes de la Société de développement de la Baie James en apportant des amendements substantiels, globaux et complets à la Loi sur le développement de la Baie James.

Alors, M. le Président, nous avons fait notre travail, nous avons questionné le ministre des Ressources naturelles, nous avons tenté de comprendre, donc, comment se fait-il que le ministre des Ressources naturelles, son gouvernement, répondait à la pièce aux demandes de la Société de développement de la Baie James. Malheureusement, le ministre est resté sourd à la demande qui est formulée par la Société de développement de la Baie James. Et ce que nous lui avons formulé également et suggéré, c'est que, pour éviter un alourdissement inutile de tout le processus, on aurait pu faire d'une pierre deux coups et apporter un amendement substantiel. Alors, le message qu'envoie à ce moment-là le ministre des Ressources naturelles à la Société de développement de la Baie James, c'est de dire qu'on reporte aux calendes grecques, donc, des amendements substantiels qui vont permettre justement à la Société de développement de bien faire et de faire correctement son travail.

Alors, malgré cette situation, malgré le fait que les demandes de la Société de développement n'ont pas été entendues par le ministre des Ressources naturelles, l'opposition, dans son travail, dans son effort d'être une opposition constructive, donc, soutient le gouvernement dans sa démarche d'amender la Loi sur le développement de la Baie James en suggérant peut-être en terminant au ministre des Ressources naturelles d'apporter dans les plus brefs délais, tel que l'ont demandé en septembre 1998 les représentants de la Société de développement de la Baie James, des amendements substantiels à cette loi d'importance qui permettra une véritable relance de l'économie du Nord-du-Québec.

Alors, M. le Président, je vous remercie, et c'est ici que s'arrêtent mes remarques à ce stade-ci du processus. Merci.

(16 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bonaventure et critique officielle de l'opposition en matière de ressources naturelles. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission de l'économie et du travail? Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je n'ai pas le choix, je suis obligé de réagir aux propos que vient de tenir la députée de Bonaventure, pour une raison très simple: c'est que ses critiques vont, dans très peu de temps, être parfaitement injustifiées, puisque je dois lui dire que j'ai obtenu du Conseil des ministres, la semaine dernière, les autorisations appropriées pour déposer ici, à l'Assemblée nationale, un projet de loi qui, lui, va, je dirais – vous me permettrez l'expression – dépoussiérer la loi constitutive de la Société de développement de la Baie James, l'actualiser et la moderniser.

Il me reste à franchir une dernière étape, qui est le Comité de législation, pour obtenir les autorisations pertinentes quant à la formulation juridique du projet de loi, et je devrais donc, avant les délais requis, soit le 11 novembre 1999, être en mesure de déposer un projet de loi qui va effectivement répondre aux attentes et des dirigeants de la Société de la Baie James et de ma collègue la députée de Bonaventure.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Ressources naturelles. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 18? Alors, le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant la Loi sur le développement de la région de la Baie James, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Je vous demanderais maintenant, M. le Président, de prendre en considération l'article 35.


Projet de loi n° 196


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 35 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 196, Loi concernant le régime de rentes pour le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport de la commission des finances publiques? Alors, M. le leader adjoint du gouvernement et député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Avant d'aller dans le vif du sujet, vous me permettrez de faire une parenthèse. Je ne pourrais m'en empêcher, l'occasion est fort belle d'ailleurs. Celui qui, au nom de l'opposition, parlera après moi est sans aucun doute le député de Viau. Tout le monde sait, dans ce pays, que le député de Viau est un greffé du coeur. Il a fêté hier les sept ans de cette greffe du coeur. Donc, on se réjouit de sa bonne santé et des progrès de la médecine également. La bonne blague, toujours, vous le savez, est que, si le député de Viau est en bonne santé, c'est qu'on lui a greffé un coeur de péquiste. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Mais, si, par contre, cela devait m'arriver, j'exigerais d'avoir comme greffe le coeur d'un de nos compatriotes d'origine italienne. Ça donne toujours un certain allant. M. le Président, bref, oui, on se réjouit pour notre collègue.

Ce projet de loi, les gens se disent: Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'il fait là? Pour des raisons x, il n'a pas pu être voté lors de la dernière session, c'est-à-dire la session d'été, et le projet de loi revient. Le projet de loi, il est fort simple, je vais le résumer en 30 secondes, et ce sera la limite de mon intervention.

Le personnel non enseignant de l'ancienne Commission des écoles catholiques de Montréal s'était constitué un fonds de retraite, un fonds de pension, comme nous l'appelons. Il l'a géré, il l'a bien géré. Ils l'a géré d'une façon tellement bonne qu'il a, ce fonds, des surplus qu'ils veulent tout naturellement, selon les règles qu'ils se sont fixées, redistribuer à leurs membres. Ces règles, nous les avons regardées en commission parlementaire. Elles ne contreviennent aucunement aux lois du Québec qui sont en vigueur. Donc, nous leur disons: Vous pouvez agir de la façon dont vous souhaitez le faire, puisque ces argents sont les vôtres. Profitez-en. Profitez-en d'ailleurs pour une bonne et excellente retraite.

Alors, voilà, M. le Président, essentiellement, le but de ce projet de loi et la raison pour laquelle nous devons reprendre ce projet de loi en prise de considération à cette journée-ci de nos travaux de la session d'automne. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement. Nous allons maintenant céder la parole au député de Viau. M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques ainsi que tous mes collègues, d'un côté ou de l'autre, qui me souhaitent une longue vie. Je dois dire aussi, suite à la blague de mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques – espérant que j'ai été greffé du coeur d'un péquiste – que, lui qui m'a connu avant et après, d'une façon ou de l'autre, si c'était le coeur d'un péquiste, il se trouve dans un corps libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cusano: Et je tiens, M. le Président... Je ne veux pas dévier, je veux m'en tenir à la pertinence. J'aimerais de nouveau remercier tout le monde sur cet anniversaire. Le chiffre sept est un chiffre très magique pour nous, les transplantés. Alors, je m'en réjouis. Et j'espère continuer, au fil des ans, à donner un peu de misère aussi au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. le Président, le projet de loi n° 196 n'est pas le premier qui a été présenté ici. C'est une série de projets de loi justement qui ont démontré, au fil des ans, les administrateurs du fonds de retraite des employés non enseignants de la CECM... a été extrêmement bien géré. Il faut aussi se rappeler que, lorsque, en 1972, le RREGOP a été introduit, ces personnes-là, à ce moment-là, ont décidé de ne pas faire partie du RREGOP et ils ont gardé leur propre régime de pension. Dû au fait que chaque nouvel employé rentrant au service de la Commission des écoles catholiques de Montréal obligatoirement devait s'inscrire au RREGOP, alors il s'est produit aussi qu'il y a des surplus et que, éventuellement, il n'y aura plus de retraités qui pourront bénéficier de ce fonds.

Alors, ce qu'ils ont demandé par l'entremise d'un projet de loi public, c'est justement qu'on puisse y amener des changements qui amènent des augmentations considérables en termes de pourcentage. Il ne faudrait pas penser que c'est des sommes faramineuses, M. le Président, mais, en termes de pourcentage, c'est beaucoup. Parce que t'as des gens qui reçoivent des pensions, des personnes qui sont retraitées, depuis de nombreuses années. Et, considérant que, auparavant, ce fonds n'était pas indexé, alors vous pouvez vous imaginer les années qu'on a passées, des taux d'inflation de 12 %, 14 %, ces gens-là ont vu leur pension vraiment réduite à presque rien. Alors, c'est un ajustement.

Je n'ai pas d'autres commentaires à faire. Je pense qu'on l'a bien fait. On a fait un beau travail au niveau de la commission parlementaire. Je n'ai qu'un souhait: je m'attendais justement que le bill soit adopté. Normalement, M. le Président, les bills privés... C'est sûr qu'il va falloir peut-être que je pose une question de directive au président. Normalement, les bills privés qui sont présentés dans une session sont adoptés à la fin de la session. Celui-là ici a été une exception. On n'a jamais compris pourquoi.

Mais j'aimerais vous dire, M. le Président, que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui a parrainé ce projet de loi, aura toute ma collaboration pour s'assurer, justement, qu'on puisse passer aux autres étapes le plus vite possible. Et je suis sûr que mon leader sera d'accord avec ça, M. le Président. Oui, on est d'accord. Et c'est un souhait de notre côté, de ma part, qu'on puisse procéder à l'adoption pour que les gens au niveau des responsables de l'administration puissent procéder aux changements le plus tôt possible. Merci, M. le Président.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Viau. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission des finances publiques?


Mise aux voix du rapport

Donc, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 196, Loi concernant le régime de rentes pour le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal, est-il adopté? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, ceci mettrait fin à nos travaux législatifs pour cet après-midi. Mais, vous l'avez annoncé tout à l'heure, il y a un certain nombre de débats de fin de séance à partir de 18 heures. Donc, il ne s'agit pas d'un ajournement mais plutôt d'une suspension.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il n'y a donc pas d'entente pour que les débats de fin de séance se déroulent immédiatement, puisque nous en avons quatre.

M. Brassard: Ça ne dérangerait pas, évidemment, mais à condition que toutes les parties...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que je peux suspendre quelques instants afin de vous permettre de vérifier?

M. Brassard: On peut vérifier.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 17 h 14)


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous allons donc débuter nos débats de fin de séance.

Le premier débat aura lieu entre Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Le thème: les gâchis d'Emploi-Québec.

Le second débat aura lieu entre M. le ministre de la Sécurité publique ainsi que M. le député de Saint-Laurent. Le thème du débat: les déclarations de son attaché de presse qui accusait les gardiens de prison d'être des personnes irresponsables, tentant ainsi d'intimider l'arbitre au dossier.

Le troisième débat aura lieu entre Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et M. le ministre des Finances concernant le dossier de la compagnie d'assurances Alternative Vie.

Et enfin, le quatrième débat aura lieu entre M. le député de Nelligan ainsi que le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux concernant la Loi sur le tabac et les jeunes.


Services d'Emploi-Québec aux prestataires de la sécurité du revenu

Alors, nous allons débuter immédiatement notre premier débat, et je céderai maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée, vous avez un temps de parole de cinq minutes.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Pour situer les gens qui nous regardent, j'aimerais rappeler que ce débat de fin de séance, ce soir, fait suite à une question qui a été posée la semaine dernière à la ministre de l'Emploi. Et, comme vous l'avez bien mentionné, c'est au sujet du gâchis d'Emploi-Québec. On peut aussi dire du fiasco d'Emploi-Québec, de la crise qui sévit à Emploi-Québec.

Il faut se rappeler, M. le Président, qu'au cours de la période électorale, préélectorale et électorale, le gouvernement du Parti québécois a ouvert les robinets. Il ne s'est pas gêné, il a ouvert les robinets, il a dépensé sans aucun contrôle, sans aucune retenue. Certains disent même qu'il a plutôt fait du relâchement électoral, M. le Président.

Mais, une fois l'élection gagnée, qu'est-ce qui se passe? On referme tout à coup les robinets. Et qui sont les grandes victimes et les grandes perdantes du fait d'avoir refermé les robinets, d'avoir tout coupé, d'avoir tout fermé à Emploi-Québec? Eh bien, ce sont les personnes les plus vulnérables, ce sont les bénéficiaires de l'aide sociale, ce sont les sans-chèque, M. le Président.

Je disais tantôt que, lors de notre tournée à travers le Québec... Parce que notre chef, M. Jean Charest, nous a envoyés, trois députés, avec deux de mes collègues, faire une tournée du Québec pour voir quelle était la situation d'Emploi-Québec, si c'était uniforme un peu partout à travers le Québec. Et ce qu'on a constaté: c'était beaucoup plus dramatique que ce qu'on avait pensé, M. le Président. Emploi-Québec, à cause de l'incapacité du gouvernement à gérer convenablement Emploi-Québec et de la façon dont le gouvernement, aussi, s'est servi d'Emploi-Québec en période électorale... on se retrouve maintenant avec de la détresse à travers le Québec.

Et, quand on parle que les personnes démunies se sentent abandonnées, se sentent trahies, se sentent trompées par le gouvernement du Québec, M. le Président, je dois vous dire que ces propos-là, ces mots-là, ils ont été donnés par les gens que nous avons rencontrés, parce que c'est de cette façon-là que les gens, les victimes d'Emploi-Québec se sont exprimés. Ils ont parlé d'abandon, ils ont parlé de trahison, et certains ont même parlé d'avoir été humiliés par le gouvernement qui leur avait fait accroire plein de belles choses.

Oui, Mme la ministre, vous pouvez faire les grands yeux, mais c'est exactement ce qu'ils nous ont dit. Le gouvernement nous a parlé de guichet unique. Le gouvernement nous a parlé qu'on décloisonnait les clientèles. Le gouvernement nous a dit: Tout le monde sous le même chapeau. Assistés sociaux, chômeurs, sans-chèque, vous êtes maintenant des chercheurs d'emploi. C'est ce qu'on disait, M. le Président, en période électorale, mais ce n'est pas ce qu'ils vivent, ces gens-là, aujourd'hui, ils sont laissés complètement pour compte par le gouvernement, particulièrement les assistés sociaux.

Dans quelques instants, la ministre de l'Emploi va nous sortir sa cassette, sa ritournelle, la même qu'on entend depuis quelques mois déjà, et je le lui rappelle, parce qu'elle va dire que ce n'est pas vrai, qu'il y a un guichet unique, que les assistés sociaux, on s'en occupe. Ça, c'est la cassette, aussi, du ministre de la Solidarité sociale, que les assistés sociaux, on s'en occupe. Je lui rappelle, un, la manifestation qu'il y a eu à l'Assemblée nationale, où plus de 2 000 personnes démunies sont venues dire au gouvernement: Tenez vos promesses. Cessez de piétiner nos rêves. Cessez de vous servir de nous en période électorale pour nous laisser choir après la campagne électorale.

(17 h 20)

Je rappelle un extrait de la pétition, M. le Président, qui a été signée par 6 700 personnes, des étudiants assistés sociaux: «La nécessité pour les étudiants et étudiantes assistés sociaux d'être soutenus financièrement pour s'alphabétiser – M. le Président, s'alphabétiser – et pour compléter leur formation de base; les effets positifs des efforts de formation des parents sur la motivation et la persévérance scolaire de leur enfant; que ce retour aux études constitue une opportunité importante d'améliorer leurs conditions de vie futures et leurs chances d'obtenir un emploi; les coupures à Emploi-Québec des allocations aux assistés sociaux et chômeurs pour la formation; les conséquences de ces coupures en formation sur les inscriptions dans les centres d'éducation aux adultes. Nous, 6 700 personnes, soussignées, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre de l'Emploi, Mme Diane Lemieux, afin que soient maintenus les programmes existants de retour aux études des adultes et que les CLE et les bureaux d'assurance-emploi continuent d'y référer leurs clients.»

C'est exactement le contraire de ce qui se fait, M. le Président, actuellement. La ministre, oui, elle va dire tantôt: Je respecte mes engagements, je respecte mes signatures, je respecte les ententes morales. Mais ça, c'est dire le contraire de la vérité, parce que, qu'est-ce qu'on fait, on ne réfère pas les personnes, ou on réfère un nombre minimum de ce qui a été signé, ou, dans certaines circonstances, on ne réfère pas du tout. Et il y a des organismes communautaires à travers le Québec qui ont fermé leurs portes à cause de l'incompétence, à cause de l'incapacité de la ministre de gérer son ministère et à cause de la partisanerie électorale de ce gouvernement qui a fait subir, sur le dos des plus pauvres du Québec, le fiasco d'Emploi-Québec, et les victimes sont les assistés sociaux et les plus pauvres au Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Nous allons maintenant céder la parole, pour un temps de parole de cinq minutes, à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je vous remercie. D'abord, la député de Saint-Henri–Sainte-Anne anticipe déjà l'utilisation... Elle parle de cassettes de ma part, de la part de certains de mes collègues, écoutez, je me vois dans l'obligation de réexpliquer un certain nombre de choses, parce que, devant autant de généralités, ce n'est pas comme ça qu'on avance. Et bien sûr que je suis consciente que cette grande opération d'établir des services publics d'emploi, c'est un grand défi, ce n'est pas simple. Il n'y a pas une entreprise privée qui arriverait à faire ce qu'on fait sans qu'il y ait aussi des difficultés. Écoutez, on a mis ensemble 3 000 employés, des employés qui venaient du fédéral, qui viennent, lorsqu'on est sur le territoire de la ville de Montréal, de la ville de Montréal, de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, des centres Travail-Québec. Écoutez, toutes les fusions de grandes entreprises comportent leur lot de difficultés, et, oui, on a notre lot de difficultés. Alors, on a réussi à fusionner ces organisations-là, on a mis ensemble 3 000 personnes, ce qui n'est pas simple, on est parti d'une cinquantaine de programmes différents, qui tiraient dans toutes sortes de directions, pour en faire une boîte à outils intelligente, cohérente, pour s'adresser aux gens qu'on veut aider à réintégrer le marché du travail.

Alors, oui, il y a eu des difficultés, c'est clair. Oui, il y a eu un dépassement budgétaire. Mais là l'opposition, il faudrait qu'elle se fasse une idée. On nous reproche d'avoir dépassé les budgets l'an passé. On est en train de nous dire actuellement: Il faudrait remettre de l'argent. Il faudrait se brancher. Moi, je dis qu'il y a 738 000 000 $ que nous pouvons affecter à des mesures qui vont aider les gens à réintégrer le marché du travail. On approche le 1 000 000 000 $. Je pense qu'on peut faire un excellent boulot. Ceci étant dit, bien sûr qu'il y a eu des difficultés, mais il y a eu des succès et il y a aussi déjà des acquis. Et je comprends que les gens puissent avoir des craintes, à savoir: Est-ce qu'on est capable de desservir correctement les personnes qui ont des barrières plus nombreuses à traverser pour pouvoir intégrer le marché du travail?

Je n'ai même pas regardé l'année 1998-1999, j'ai regardé les derniers mois. Depuis le 1er avril, je constate... Parce que, si on veut avancer, regardons les faits, les données. Alors, depuis le 1er avril, nous avons, au 24 septembre – donc, ça ne fait pas si loin, plus ou moins un mois – plus de 43 000 nouvelles participations de prestataires de la sécurité du revenu, ce qui est 51 % de l'ensemble des personnes que nous avons aidées. Donc, dans l'ensemble des personnes que nous avons aidées, au moins la moitié sont des prestataires de la sécurité du revenu, et on peut supposer qu'une bonne partie d'entre elles sont des personnes qui ont plus d'obstacles à franchir pour pouvoir intégrer le marché du travail. Si on ajoute à ça des personnes qui avaient commencé une activité au cours de l'année 1998-1999, mais que cette activité-là se poursuit cette année, on a en plus de ça à peu près 28 000 personnes. Alors, le défi de bien rejoindre les personnes qui sont des chômeuses ou des chômeurs de courte durée ou de longue durée, il est atteint.

Et, par ailleurs, je constate aussi que nous arrivons à rejoindre les adultes de moins de 30 ans, où tout près de 37 % des gens que nous avons rejoints jusqu'à maintenant, cette année, du 1er avril à la fin septembre, sont des moins de 30 ans, et que 13 % des gens que nous avons rejoints sont des responsables de famille monoparentale, ce qui est tout à fait équivalent à ce que nous avons fait l'année passée. Alors, là, il y a donc aussi des acquis. Malgré les craintes que je peux comprendre, il reste que nous livrons la marchandise et que nous arrivons, malgré toutes les difficultés, à faire la bonne intervention auprès des bonnes personnes.

Je termine en disant que je suis aussi très consciente que cette réforme des services publics d'emploi, elle ne se fait pas toute seule, que nous avons des partenaires, qu'il y a sur le terrain des pratiques, des groupes, des organisations qui ont une expertise en général assez longue dans l'histoire, une expertise soit auprès de clientèles qui sont particulièrement défavorisées, soit en termes de certains services, et je conviens qu'il y a certains problèmes d'arrimage qu'il nous faut régler. Nous sommes à peu près à un an et demi de l'établissement des services publics d'emploi, si bien que j'accorde une attention très particulière actuellement, notamment avec ce qu'on appelle les ressources externes qui sont spécialisées dans l'employabilité... Et on a des chantiers de travail avec ces organisations-là, et, oui, c'est vrai que nous devons revoir l'offre de service et d'Emploi-Québec et de ces organisations-là. Mais je vois ces difficultés-là et j'en suis fort heureuse. Nous avons tout ce qu'il faut pour résoudre les problèmes très concrets qui se posent. Notamment, on parle de problèmes de référence...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie beaucoup, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, c'est des problèmes que nous allons résoudre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Malheureusement, le temps est maintenant écoulé. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, votre droit de réplique, deux minutes.


Mme Nicole Loiselle (réplique)

Mme Loiselle: Deux minutes? M. le Président, malgré les belles paroles de la ministre, je persiste à dire que le gouvernement du Parti québécois a dilapidé les fonds d'Emploi-Québec, des fonds de 738 000 000 $, durant la campagne électorale, afin de gagner des votes. Parce que c'est ça, la vérité. Il faut la dire.

M. le Président, pourquoi alors avoir, si vous tenez tant à coeur à faire de l'insertion sociale pour les plus démunis... On va couper de 50 % en cinq ans... Pour les mesures actives pour les personnes démunies, il y avait 353 000 000 $ en 1995-1996; on est rendu à 183 000 000 $, 21 000 000 $ de moins que l'année dernière. Et la ministre nous dit qu'elle veut aider les gens à se sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Pourquoi alors, si tout est clair et limpide, si vous n'avez pas dilapidé les fonds publics durant la campagne électorale, nous refuser l'enquête du Vérificateur général, une enquête élargie du Vérificateur général? Pourquoi, si tout est si clair et limpide, M. le Président, avec Emploi-Québec, vous nous refusez...

À tous les jours, on se lève, dans cette Chambre, depuis le début de la session, on demande une commission parlementaire élargie où les chômeurs, les assistés sociaux, les sans-chèque, les clubs de recherche d'emploi, les ressources externes d'emploi viendraient en commission parlementaire pour dire comment, eux aussi, ils ont été bafoués par ce gouvernement et par l'incompétence de la ministre de l'Emploi. Pourquoi nous refuser ça, si tout est si clair et limpide, si vous n'avez pas joué avec les fonds publics durant la campagne électorale pour aujourd'hui en faire payer le prix sur le dos des assistés sociaux, les plus vulnérables, les sans-chèque, au Québec?

M. le Président, à cause de l'incohérence, à cause de la partisanerie de ce gouvernement, il y a des organismes communautaires actuellement qui ont fermé leurs portes. Et je demande à la ministre si elle est consciente qu'avec la disparition de services auprès des plus démunis de notre société... Avec l'hiver qui approche, M. le Président, est-ce que la ministre est consciente... Vous pouvez sourire, Mme la ministre, mais êtes-vous consciente de la détresse et de la souffrance que vous allez faire vivre à des familles pauvres, à des hommes et des femmes qui attendent des services de leurs organismes communautaires et qui se sont fait fermer leurs portes?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Congédiement d'agents correctionnels à la suite d'un débrayage

Nous allons maintenant procéder au second débat de fin de séance entre le député de Saint-Laurent, critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique, et M. le ministre de la Sécurité publique. M. le député, je vous avise que vous avez un temps de parole de cinq minutes, M. le ministre a également un temps de parole de cinq minutes, et vous avez un droit de réplique de deux minutes. À vous la parole, M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Alors, un débat de fin de séance sur cette question-là qui a été posée à l'Assemblée nationale cet après-midi, M. le Président, parce qu'il fallait absolument dénoncer une situation qui est absolument inacceptable, une déclaration totalement inacceptable de la part de l'attaché de presse du ministre de la Sécurité publique.

On se souviendra qu'au printemps dernier, suite à un débrayage, que le ministre a qualifié d'illégal, de la part de 32 gardiens de prison du centre de détention Rivière-des-Prairies qui voulaient manifester contre les compressions budgétaires de ce gouvernement-là, suite donc à leur débrayage, le ministre de la Sécurité publique a congédié purement et simplement les 32 gardiens de prison qui avaient débrayé ce jour-là.

(17 h 30)

Nous avons, à ce moment-là, signalé au ministre qu'il nous apparaissait clair qu'il avait eu une réaction intempestive. Nous avons posé plusieurs questions au ministre. Les gardiens de prison ont tenté de le rencontrer. Ils ont réussi à le rencontrer au Conseil national du Parti québécois. C'est toujours à ce moment-là qu'ils acceptent de rencontrer les groupes de pression, pour calmer la donne. Il leur a dit, à ce moment-là, qu'il regarderait leur cas et, semble-t-il, d'après ce qui m'a été rapporté, il leur a dit que les faits que les gardiens de prison lui soumettaient, au moment du Conseil national, le faisaient réfléchir. Il a acheté du temps au Conseil national pour être capable d'avoir des belles images à la télévision. Ça n'a jamais rien donné. Il a toujours maintenu sa décision de congédier les gardiens de prison.

Il a, à un moment donné, tenté de les amadouer en leur offrant l'entente suivante: Venez devant un arbitre... Choisissez l'une des causes, venez devant un arbitre soumettre votre cas à cet arbitre-là, et, de façon objective, on laissera l'arbitre décider si le congédiement était une mesure justifiée ou non. Les gardiens de prisons, ils se sont souvenu du slogan du Parti québécois en campagne électorale: J'ai confiance . Et là ils ont décidé qu'ils allaient faire confiance au ministre et ils ont accepté de soumettre la cause de l'un d'eux à un arbitre qui doit entendre la cause lundi prochain.

Les gardiens de prison, mettez-vous à leur place, cet après-midi, là. Ils ont confiance dans le fait que, la semaine prochaine, un arbitre va entendre objectivement leur cause, la cause de leur congédiement. Et ils ont confiance et ils ont eu confiance dans le ministre.

Ce matin, ils se lèvent, ils ouvrent La Presse et ils s'aperçoivent que l'attaché de presse du ministre, pas n'importe qui, quelqu'un qui est un commettant du ministre de la Sécurité publique, dit textuellement au journaliste André Noël de La Presse , et je cite: «Denis Dolbec, attaché de presse du ministre Serge Ménard – on ne se trompe pas d'individu, là – a dit qu'un débrayage de gardiens de prison était non seulement illégal, mais tout à fait irresponsable.» Alors que, lundi prochain, ces gens-là s'attendent à ce qu'un arbitre siège et écoute les faits de façon objective, voilà que l'attaché de presse du ministre, qui est quand même une personne en autorité au cabinet du ministre, fait cette déclaration-là.

Pourquoi est-ce qu'on la dénonce? On la dénonce, M. le Président, parce que, à notre avis, il s'agit... Imaginez-vous, trois secondes, que soit le ministre ou son attaché de presse ait appelé l'arbitre pour le dire, ça, plutôt que de l'écrire dans le journal. Le ministre serait obligé de démissionner puis l'attaché de presse, évidemment, aurait perdu son emploi, c'est clair. Il le dit dans les journaux. Ça a le même effet. L'arbitre qui va entendre le dossier, là, puis qui est payé par le gouvernement, puis qui voit cette déclaration-là de l'attaché de presse du ministre, comment pensez-vous qu'il se sent? Puis, même s'il en fait fi, de la déclaration, non seulement faut-il que les gardiens de prison soient convaincus que leur cause va être entendue objectivement, mais encore faut-il que toute la population croie que la cause va être entendue objectivement. Non seulement faut-il que justice soit rendue, mais encore faut-il qu'il y ait apparence de justice.

Compte tenu de la déclaration de l'attaché de presse du ministre, moi, je soupçonne, je suis convaincu que les gardiens de prison ne peuvent plus faire confiance au ministre de la Sécurité publique. Cet après-midi, quand j'ai posé la question, le ministre a semblé étonné de la déclaration. Il ne l'a peut-être pas lue. Il ne l'avait peut-être pas lue, ce matin, sa revue de presse. Mais là il a eu le temps de la lire, depuis une demi-heure, et je l'enjoins, je l'enjoins et je le prie de rétablir la situation ce soir. Dans les cinq minutes qu'il a pour répliquer, je l'enjoins de répondre à cette question-là de façon complète. Endosse-t-il les propos de son attaché de presse, et, sinon, que va-t-il faire?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous cédons maintenant la parole au ministre de la Sécurité publique et également député de Laval-des-Rapides. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Comme dirait Shakespeare: «Much ado about nothing». Et je me souvenais effectivement d'une citation du juge Cory, alors qu'il était juge de la Cour d'appel de l'Ontario, dans la cause de Regina versus Kopyto, qui disait: «The courts are not fragile flowers that will wither in the hot air of controversy.» Il est devenu juge de la Cour suprême du Canada après pour établir, justement, que ce n'est pas parce qu'on cherche à influencer les cours à l'extérieur des cours qu'elles le seront. J'imagine que, si les cours peuvent être considérées comme des rocs de Gibraltar vis-à-vis des influences extérieures, les arbitres peuvent quand même avoir une certaine solidité.

Pourquoi a-t-on un attaché de presse? On a un attaché de presse, quand on est ministre – et le député de Saint-Laurent le sait sûrement, lui qui a été dans un cabinet de ministre dans le passé – parce que les demandes des journalistes sont tellement nombreuses qu'un ministre ne peut répondre à toutes, et que, effectivement, en tout cas sur certains sujets, il doit prendre une certaine distance à l'égard des déclarations publiques qui peuvent être faites.

Alors, je suis heureux qu'il ait constaté et qu'il accepte les explications que je lui ai données cet après-midi à l'effet que, contrairement à ce qu'il insinuait avec le ton qui convient à une accusation plus qu'à une question, contrairement, donc, à cette question, je n'ai jamais ordonné à mon attaché de presse de faire cette déclaration qu'on lui prête. Et, encore là, il faut corriger, parce qu'il faut toujours corriger ce que dit l'opposition qui est passée maître dans l'art d'extraire de certains textes juste les mots qui peuvent donner le sens exactement contraire à ce que la personne voulait dire, mais les mots «tout à fait irresponsables» ne sont pas prêtés, ne sont pas mis entre guillemets comme provenant de mon attaché de presse mais étant une interprétation du journaliste de propos beaucoup plus larges.

Alors, que mon attaché de presse ait, à un moment donné, exposé à un journaliste les raisons qui avaient été données à l'époque pour justifier la décision qui avait été prise, je ne crois pas que cela influence d'aucune espèce de façon l'arbitre qui va entendre, pas plus, d'ailleurs, que les décisions contradictoires qui ont été prises, et surtout les propos contradictoires qui semblent avoir été tenus par différents organismes qui ont été saisis de la cause. Par exemple, si on a cité...

D'ailleurs, c'est drôle, il reproche à mon attaché de presse d'avoir dit certaines paroles, mais il se garde bien de soulever que le journaliste semble avoir retracé non pas d'un attaché de presse, cette fois, mais du président même du Syndicat des agents de la paix qui devrait sûrement avoir, selon ses prétentions, en tout cas selon les prétentions de l'opposition, une attitude aussi distante que je dois l'avoir moi-même à l'égard de la cause en attendant qu'elle soit entendue... de lui prêter ces paroles, qu'il met entre guillemets: «Des arbitres fédéraux viennent de statuer que le débrayage était justifié. Les arbitres provinciaux seront mal venus de le nier, a dit Daniel Legault, vice-président du Syndicat. On a essayé en vain – en fait, c'est le vice-président, et non le président – de convaincre le premier ministre Lucien Bouchard de réintégrer les gardiens, on a l'espoir de gagner notre point.»

Personnellement, je suis capable de reconnaître un piège à ours quand j'en vois un. Ce que me présente l'opposition, c'est qu'elle insiste depuis cet après-midi, justement, pour que je glisse à un moment donné et que je fasse un commentaire qui justifierait l'arbitre de ne pas entendre la cause. Je ne le ferai pas. J'ai expliqué à l'époque pourquoi j'avais pris cette décision, que je l'avais prise après mûre réflexion. Je n'ai pas rencontré une seule fois les autorités syndicales, mais bien, je crois, au moins deux fois. Je leur ai proposé non pas d'entendre... Oui, je leur ai proposé de prendre une cause type, de la faire entendre par un arbitre et que je serais prêt à appliquer à toutes les autres la décision de l'arbitre. Ils ont rejeté cette proposition, de sorte que ce qui commence lundi est le processus qu'ils ont eux-mêmes choisi, le processus habituel qui sera d'entendre probablement plusieurs causes. Je ne sais pas exactement combien parce qu'ils n'ont pas tous droit, m'a-t-on dit, à l'arbitrage, alors que ce que je leur ai proposé le leur aurait donné.

Donc, je ne tiens pas à glisser. Je fais parfaitement confiance à l'arbitre qui va être entendu, et j'ai dit d'avance qu'à moins d'erreur grossière en droit je m'y soumettrais dans l'ensemble des cas.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Malheureusement, votre temps imparti est maintenant écoulé. En réplique, M. le député de Saint-Laurent, deux minutes.


M. Jacques Dupuis (réplique)

M. Dupuis: M. le Président, si le ministre est habile à flairer, selon ses propres paroles, le piège à ours qui lui était tendu cet après-midi, je lui répondrai que les gardiens de prison sont aussi habiles à flairer le piège à cons dans lequel il leur a offert d'embarquer lorsqu'il leur a dit qu'ils devraient se présenter devant l'arbitre et qu'ils auraient une décision objective de la part de l'arbitre.

(17 h 40)

Mais ce que je veux surtout dire pendant les quelques secondes qu'il me reste, M. le Président, c'est que, lorsque les autorités politiques les plus importantes, telles que le premier ministre du Québec, le ministre du Revenu, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances, ne donnent pas l'exemple sur le respect des lois; lorsqu'un premier ministre dit à des gens, les gens de Val-Saint-François: Allez devant les tribunaux, obtenez une décision, puis on respectera la décision, et qu'il ne la respecte pas en déposant une loi à l'Assemblée nationale pour défaire une décision de la Cour supérieure; lorsque le ministre d'État à l'Économie et aux Finances et ministre du Revenu décide d'amender une loi pour se sortir d'un problème d'ordre juridique; lorsque le premier ministre du Québec refuse de demander à un juge de regarder une allégation du fait qu'un rapport d'impôts de la part d'un député libéral a circulé au cabinet du ministre du Revenu; lorsque les ministres eux-mêmes ne donnent pas l'exemple, on voit exactement ce que ça donne comme effet: le personnel politique se permet des libertés qui vont à l'encontre de tous les principes de justice naturels. Le ministre le sait très bien. Il a pratiqué devant les tribunaux. Il sait très bien que les gens ont le droit de s'attendre...

Et nous sommes les représentants de la population. C'est ça que nous sommes. Ce n'est pas votre attaché de presse, c'est l'attaché de presse de la population. Ce n'est pas votre ministère, c'est le ministère de la population. Ces gens-là, la population, ont le droit de s'attendre que ces dossiers qui sont traités par l'administration le soient en toute justice et en toute apparence de justice. Et une déclaration comme celle-là devrait faire honte au ministre de la Sécurité publique, devrait faire honte au gouvernement.

Des voix: Bravo!


Conséquences pour la compagnie d'assurances L'Alternative des difficultés du Groupe AVP

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Nous allons maintenant passer au troisième débat de fin de séance, entre Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et M. le ministre des Finances et vice-premier ministre du Québec concernant le dossier de la compagnie d'assurances Alternative vie. Alors, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez un temps de parole de cinq minutes, M. le vice-premier ministre a une réplique de cinq minutes et vous terminez avec un deux minutes. Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. J'ai pensé qu'il était urgent d'avoir un débat ici, à l'Assemblée nationale, et d'essayer d'obtenir des réponses à des questions que tout le monde est en train de formuler à travers le Québec.

Ça faisait 38 ans qu'il n'y avait pas une compagnie d'assurances qui avait été créée au Québec. Vous imaginez, 38 ans à attendre qu'on crée une compagnie d'assurances. Vous penseriez que les institutions financières du Québec, responsables de la protection du public et responsables de l'épargne, auraient examiné à fond cette demande de permis d'avoir une nouvelle compagnie d'assurances. Le ministre des Finances a invoqué à travers les médias qu'il y avait un mur de Chine de façon technique entre une compagnie, AVP, et L'Alternative vie. Aujourd'hui, il nous a dit en Chambre qu'il n'était pas lié finalement parce qu'il y a des institutions. Donc, il se garde à «arm's length», à distance, pour être bien sûr qu'il ne s'immisce pas dans les dossiers.

Or, M. le Président, c'est de l'épargne des Québécois. Il y a un homme qui s'appelle Alain Tétreault, qui a investi 113 000 $ et, quand il a appris qu'il n'y avait plus un sou finalement dans cette compagnie qui lui revenait, parce qu'il pensait avoir fait un placement sûr ayant reçu l'approbation du ministère des Finances, lui, il était non seulement étonné, mais il pleurait au téléphone. Parce que, lui, c'était son épargne de 20 ans qu'il avait placée dans ça. Il y en a un autre qui a placé 60 000 $ dans cette compagnie-là, et il a pris toute sa prime de départ pour la placer là, 60 000 $ du coup, pour être bien sûr qu'il avait un placement sûr. Une compagnie d'assurances, c'est symbolique. Ça a l'air certain, ça a l'air sûr, ça a l'air solide. Or, on se rend compte que, même si ça a pris 38 ans avant de créer une nouvelle compagnie d'assurances, même si c'est quelque chose d'assez nouveau – on voit les compagnies d'assurances fusionner, se démutualiser, essayer de trouver du capital – quelqu'un se présente puis arrive avec un plan d'affaires pour créer une nouvelle compagnie d'assurances, et là, tout à coup, ah oui, tout va très bien, on va pouvoir créer une compagnie d'assurances.

D'ailleurs, j'ai le plan d'affaires de la compagnie L'Alternative, et peut-être que ça va rappeler quelque chose au ministre des Finances parce qu'il y a un de ses amis qui a préparé un document dans ça. Moi, je ne le connaissais pas: le Groupe Vaugeois, Sylvain Vaugeois. Ça doit lui dire quelque chose, c'est un ami, apparemment. J'ai appris, en lisant Michel Vastel, que c'était un ami du ministre Landry. Alors, il y a eu des gens qui ont travaillé à un document, et là il aurait fallu que les gens examinent ça à la loupe. Il y a des aberrations dans ça, M. le Président. Des aberrations en ce sens que vous prenez une prime... Prenez une prime d'assurance de 1 000 $, imaginez-vous que cette compagnie d'assurances là allait payer 750 $ de réassurance. Il n'y a pas une compagnie d'assurances qui survivrait si on était obligé, d'une prime d'assurance, d'aller se réassurer à raison des trois quarts de ça, 750 $.

M. le Président, non seulement ça, mais il y avait une division. On a accepté une division entre la compagnie L'Alternative et le distributeur, l'unique distributeur des polices d'assurance, l'unique. Alors, là, on dit: Bien, il y a une scission entre les deux. Une compagnie d'assurances... On dit aujourd'hui... Tout le monde se lave les mains, content de dire: Il n'y a pas de problème, c'était «business as usual», puis des affaires qui ne marchaient pas, mais votre prime d'assurance est protégée.

M. le Président, une compagnie d'assurances, ça n'a pas seulement des réserves, il faut que ça augmente son activité pour être sûr qu'on est capable de payer au fur et à mesure. Alors, là, vous aviez quelqu'un qui était complètement séparé, complètement autonome, à qui on avait refusé il y a un an un permis d'opération d'une compagnie d'assurances parce que, quand on a vu les états financiers de cette compagnie-là, on a décidé qu'il ne fallait pas le donner. La même personne arrive un an plus tard, là on ne demande pas les états financiers et on accorde le permis. Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

Je ne crois pas, moi, qu'un ministre des Finances, même s'il dit qu'il est à distance... Il a la responsabilité... D'ailleurs, la Commission des valeurs mobilières – et il me l'a rappelé nombre de fois – c'est lui qui nomme le président et c'est lui qui détermine le budget, si bien que la Commission des valeurs mobilières, notamment, a un inspecteur – ou avait, je n'ai plus les derniers chiffres – pour 25 dossiers, alors qu'en Ontario ils ont un inspecteur par quatre dossiers. Alors, peut-être que c'est parce qu'ils n'ont pas assez de ressources qu'ils ne sont pas capables de faire leur travail, M. le Président. Enfin, je pense qu'il y a tellement de points d'interrogation dans toute cette affaire que c'est la raison pour laquelle je voulais avoir des réponses du ministre des Finances.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous allons maintenant céder la parole au ministre des Finances. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je ne sais pas si c'est parce qu'il est tard dans la journée, mais c'est la première fois que je prends ma collègue en défaut d'incompétence, visiblement, et de risque avec le destin d'une jeune compagnie d'assurances et de presque absurdité, là. Parce que je nomme le président de la Commission des valeurs mobilières, je suis responsable des décisions? Parce que Jean Chrétien nomme les juges de la Cour suprême, il est responsable des décisions de la Cour suprême? Si c'est la conception que vous avez du système judiciaire, des personnes désignées et des organismes parajudiciaires, je pense que vous seriez mûre, après vos études d'économie, pour quelques petites sessions en droit. Et, en économie et en administration, l'exercice auquel vous venez de vous livrer est particulièrement dangereux.

Vous avez convoqué cette séance sur le cas de L'Alternative. L'Alternative est une compagnie d'assurances qui tombe sous la juridiction de l'Inspecteur général des institutions financières. C'est une compagnie solide, l'inspection générale a fait son devoir, elle l'a fait à plusieurs reprises. Cette compagnie a obtenu son permis en avril dernier. Il a été renouvelé le 1er juillet 1999, car toutes les compagnies sont renouvelées annuellement. Ce permis lui a été délivré après qu'il fut constaté que la compagnie s'est conformée à toutes les exigences de la Loi sur les assurances, l'analyse des projections financières confirmant sa viabilité, son capital de 4 800 000 $ suffisant alors que le minimum réglementaire est de 3 000 000 $. Elle est membre de la Société d'indemnisation des assu reurs de personnes, c'est-à-dire une assurance de 200 000 $ de garantie par assuré. Comme dans le cas de toute nouvelle compagnie, il avait été planifié que L'Alternative ferait l'objet d'un suivi particulier, ce qui a été fait en septembre 1999. L'engagement par l'assureur de réassurer ses risques dans une proportion de 75 % a été respecté.

Alors, quand vous dites qu'il y a des gens qui ont perdu de l'argent avec L'Alternative, vous prenez un risque avec la vérité et avec la stabilité financière de cette compagnie qui est solide, qui est suivie par l'Inspecteur général et qui n'est en défaut d'aucune manière, ni par les lois ni sur le plan financier.

Ce que vous avez confondu, c'est une autre société qui est une société de distribution qui, elle, ne tombe d'aucune façon sous la juridiction de l'Inspecteur général des institutions financières. Ça tombe sous la juridiction de la Commission des valeurs mobilières, s'il y a des plaintes et si des choses irrégulières se passent. Actuellement, la Commission des valeurs mobilières, qui est un quasi tribunal – je vous le rappelle et je vous conseille la prudence, vous ferez bien ce que vous voudrez – est en train d'enquêter non pas sur L'Alternative dont le cas a été parfaitement géré par l'Inspecteur général des finances, mais sur le cas d'une compagnie de distribution.

(17 h 50)

Alors, laissons ce tribunal faire son travail, ne compromettons pas son enquête, d'aucune façon, et surtout n'allons pas menacer par des paroles intempestives la solidité d'une compagnie qui ne demande qu'à faire ses preuves et qui a eu son renouvellement de certificat pour la première fois le 1er juillet dernier.

Et, à la période de questions, on a fait allusion à la Caisse de dépôt. Oui, il y avait un administrateur de la Caisse de dépôt qui était au conseil d'administration, qui a démissionné, et sa situation a été régularisée par l'IGIF, qui n'a d'aucune façon été négligent, dans les sept jours. Il y a trois administrateurs qui ont démissionné, MM. Fragasso, Vincent et Brochu. Et la semaine suivante un responsable de l'IGIF rencontre la compagnie, on met sur pied un comité de gestion provisoire et on assure ainsi la stabilité de la compagnie d'assurances, ce qui est le rôle de l'IGIF.

Quant à l'autre compagnie, encore une fois, la Commission des valeurs mobilières fera son enquête et déterminera les responsabilités, s'il y en a. Mais, encore une fois, je rappelle que nous sommes dans une économie de marché. Ce n'est pas le gouvernement qui fonde des compagnies de distribution d'assurances. Le gouvernement, il a pour rôle, à travers l'Inspecteur qui est une personne désignée, de s'assurer que les compagnies d'assurances sont solides. L'Alternative est solide, l'Inspecteur l'affirme, l'Inspecteur général des institutions financières l'affirme de façon formelle.

L'autre société a des difficultés, c'est connu. Il y a eu démission fracassante de quelqu'un qui en faisait la publicité, je pense un ancien personnage du club Canadiens. Bon. Tout ça, c'est connu, c'est de notoriété publique. C'est la mésaventure d'une compagnie qui, comme elle avait eu recours à l'épargne publique, est sous enquête de la Commission des valeurs mobilières.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Finances, merci. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Votre droit de réplique est de deux minutes, Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget (réplique)

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais qu'on se rappelle tous que la mission des organismes réglementaires, c'est pour protéger nos institutions et protéger le public. Or, il y a des gens qui ont perdu toutes leurs économies. Et aujourd'hui, à cause effectivement de la maison de distribution des assurances, la maison AVP, Gestion AVP, ces gens-là ont perdu. Il y a 9 000 000 $ des 13 000 000 $ qui ont fondu comme du beurre dans la poêle. Le ministre des Finances peut bien prétendre aujourd'hui qu'il n'a rien à voir, que la compagnie Alternative va très bien, oui, merci.

Ça va très bien, sauf qu'ils n'ont plus l'argent pour opérer la compagnie; ils ont les réserves. M. Ricard, qui est le gestionnaire actuellement, il a les réserves. Mais une compagnie d'assurances, ça a besoin de deux façons: ça a besoin d'une réserve, l'épargne pour compenser les gens, et ça a besoin d'argent pour faire fonctionner l'entreprise. Et ça, le ministre le nie. Le ministre refuse, il ignore toute cette épargne. Et, moi, je vous dis que, quand j'ai lu ce rapport auquel l'ami de M. Landry, M. Vaugeois, a participé... Il devrait le lire, le rapport, parce que c'est très intéressant. Il verrait, à ce moment-là, toutes les projections qui sont faites, qui sont trop optimistes, et je pense que c'est là un danger incroyable pour les citoyens.

Je me serais attendue que le ministre des Finances se penche sur ce problème-là, l'examine attentivement. Et il dit d'ailleurs qu'il n'est jamais intervenu dans ce conflit. Je le mets au défi, parce qu'il aurait effectivement communiqué avec des gens de l'extérieur au sujet du projet AVP et Alternative.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous allons maintenant procéder, si M. le député de Nelligan est prêt, au quatrième débat de fin de séance. Mais vous êtes en droit de demander qu'il soit reporté à 18 heures. Nous allons tout simplement suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 17 h 56)


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Pinard): MM. les députés, veuillez vous asseoir. Avant de débuter le quatrième débat de fin de séance, je vous avise que la commission des institutions se réunira en séance de travail demain, le mercredi 27 octobre 1999, de 8 heures à 9 heures, à la salle RC.183 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de planifier les travaux de la commission relativement au mandat d'initiative sur la zone de libre-échange des Amériques.


Mise en application des amendes prévues dans la Loi sur le tabac

Alors, nous poursuivons maintenant nos débats de fin de séance. Le député de Nelligan s'adresse au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux concernant la Loi sur le tabac et les jeunes. Alors, M. le député de Nelligan, vous avez un droit de parole de cinq minutes, M. le ministre, un droit de cinq minutes, et M. le député de Nelligan complétera avec une réplique de deux minutes. M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai insisté pour faire un débat de fin de séance aujourd'hui parce que j'ai trouvé la réponse du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, supposé responsable de la santé publique et supposé en charge de nos jeunes... il a vraiment donné une réponse complètement inacceptable pour moi et aussi devant tous ses collègues qui ont voté unanimement dans cette Chambre.

Il me semble, M. le Président, que ce n'est pas surprenant que la commande du gouvernement ait été passée à un ministre délégué à la Santé, parce que je présume que la ministre de la Santé n'acceptera pas de faire ça, parce que franchement c'était vraiment un geste qui ne répond pas du tout aux besoins de la population québécoise. Le ministre va prétendre que la loi existe encore, mais c'est clair et net, dans son communiqué de presse, qu'il suspend les amendes, il suspend les sanctions, il ne met pas en vigueur les sanctions, les conséquences.

M. le Président, tout le monde est pour la vertu et la bonne foi, là, mais ici, dans cette Chambre, il y a l'unanimité dont nous avons besoin, de plus. C'est pourquoi un an et demi passé, pas la semaine passée, un an et demi passé, nous avons passé une loi unanime en cette Chambre. Il y a toute une tendance qu'on voit de ce gouvernement. Il a dit une chose avant les élections; il a fait une autre chose après les élections. C'est toute une tendance. Quelle grande surprise aujourd'hui – je ne sais pas après le lobby de qui, mais certainement que ce n'est pas le lobby du secteur de la santé publique – le ministre annonce qu'il ne met pas en vigueur pour six à 12 mois les sanctions.

Avec ça, M. le Président, il me semble que le ministre n'a pas écouté le débat que tout le monde a eu dans cette Chambre. C'est un chiffre malheureux, M. le Président, mais la ville de Québec est la capitale du cancer au Canada. Vous savez ça, M. le Président? C'était dans les recherches qui sont sorties cette semaine. Montréal est la quatrième au Canada. Je ne suis pas fier de ces chiffres-là, M. le Président. Et, pour le cancer du poumon, nous sommes aussi un des leaders avec presque 95 morts, pour les hommes, par 100 000 habitants. Nous avons, sur la question du cancer en général, une moyenne de 225 personnes par 1 000 habitants; la moyenne canadienne, c'est moins de 200. Avec ça, il y a quelque chose qu'on peut faire. Et tout le monde sait que la fumée secondaire cause un problème de santé.

Moi, je peux sortir les chiffres et les études qui montrent clairement, M. le Président, qu'il y a un impact direct sur la santé de la population québécoise. Mais peut-être que le ministre délégué n'est pas au courant qu'ils ont déjà dépensé plus de 1 000 000 $ – ça vient de leurs chiffres – en publicité sur le projet de loi. Je ne sais pas qui a parlé avec qui, mais ils ne mettent pas les amendes en vigueur. Ils ne mettent pas les dents au projet de loi, les conséquences du projet de loi, en vigueur.

M. le Président, tout le secteur privé a reçu le document. Peut-être que je peux donner une copie au ministre délégué parce qu'il me semble qu'il ne l'a pas lu. Ce n'est pas quelque chose qui est juste arrivé à la toute dernière minute, tout le monde était en train de se préparer pour le changement de loi. M. le Président, c'est inacceptable et irresponsable pour le bien-être de la population québécoise, pour la santé publique, que le ministre ait décidé, pour faire plaisir à je ne sais pas qui, de mettre en danger la santé de la population québécoise.

(18 heures)

Déjà, dans les propres chiffres, et je voudrais citer, dans le propre document du gouvernement, il dit que le tabac prend 10 000 victimes par année, M. le Président. On sait, nous sommes tous au courant des tragédies. Nous avons tous vu les problèmes que le tabac cause.

Et toute la question de la bonne foi: le ministre, je présume, va dire qu'il veut encourager le monde, de bonne foi, là, à participer. Oui, je cherche la bonne foi aussi, mais, depuis la loi, particulièrement toute la question de la vente aux mineurs – et je sais que ce n'est pas directement touché, mais laissez-moi parler de ça, M. le Président – quand nous n'avons pas mis ça en vigueur, avec les amendes, les conséquences, le niveau de «non compliance» de la loi a été tellement élevé... La ville la plus élevée dans la «non compliance», c'était Jonquière, M. le Président. Moi, je pense que c'est le temps maintenant d'agir. C'est inacceptable que le ministre arrive à la toute dernière minute, peut-être après une commande du ministre des Finances ou du premier ministre, avec une annonce comme quoi il ne met pas en vigueur les dents, les conséquences de ce projet de loi.

M. le Président, là, ce n'est pas un débat comme les autres, on parle des êtres humains et on parle de leur santé, on parle d'un problème épidémique. C'est une épidémie partout au Québec, le cancer, les problèmes respiratoires. Il me semble que le ministre a vraiment frappé un échec, qu'il n'a pas rempli ses responsabilités. Ils ont décidé de jouer avec un lobby, qu'eux respectaient bien la santé de la population québécoise...

Le Vice-Président (M. Pinard): Malheureusement, c'est le temps qui vous était imparti, M. le député de Nelligan, et nous allons céder maintenant la parole au ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse et également député de Berthier. M. le ministre.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, je remercie le député de Nelligan, dans le fond, de m'interpeller pour clarifier la situation. D'entrée de jeu, la loi va s'appliquer intégralement à partir du 17 décembre 1999. Alors, il n'y a rien qui est changé dans la loi, et, d'ailleurs, si on veut changer la loi, on va être obligé de revenir à l'Assemblée nationale parce qu'il y a eu un vote unanime de tous les députés en juin 1998 pour mettre de l'avant une des lois les plus progressistes au monde, qui a été saluée par l'Organisation mondiale de la santé et qui va permettre... J'en suis convaincu, M. le Président, dans le fond, pour des gouvernements ou pour des sociétés qui veulent engager des actions vigoureuses, musclées pour faire reculer la consommation de tabac dans la société et chez les jeunes, la première pierre angulaire de cette stratégie-là, c'est carrément un projet de loi comme le projet de loi qui a été voté en juin 1998, donc une loi qui va s'appliquer intégralement à partir du 17 décembre, mais qui va s'implanter d'une façon ordonnée puis avec un gros bon sens.

Et, dans le fond, M. le Président, ce qu'on dit, c'est qu'on donne une période tampon de six à 12 mois pour permettre l'implantation, l'organisation des nouveaux services pour les gens qui malheureusement ont décidé de continuer à fumer dans les entreprises. Alors, dans ce sens-là, je ne sais pas pourquoi l'opposition pratique un discours de sainte nitouche. On se rappellera du débat sur la ceinture de sécurité obligatoire au niveau des automobiles et des camions au Québec, on a eu un laps de temps pour permettre l'implantation de ça. Une loi comme ça demande un changement de culture, un changement de mentalité pour générer, dans le fond, un changement de comportement important au niveau de la consommation comme telle du tabac.

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, oui, effectivement, on va accompagner, on va supporter les entreprises du Québec pour permettre de faciliter, dans le fond, l'implantation de la loi et ne pas arriver avec des choses aussi absurdes que noyer l'ensemble des entreprises puis le Québec avec toutes sortes d'inspecteurs qui vont surveiller les uns et les autres. Moi, je fais le pari de la bonne foi puis du bon sens de l'ensemble de la majorité des Québécois et des Québécoises et je suis convaincu qu'ils vont supporter notre action. Et, dans le fond, l'objectif, c'est de faire adhérer la majorité des Québécois et des Québécoises derrière ce projet de loi là qui vise à réduire d'une façon importante la consommation de tabac dans notre société.

Et je reprends encore une fois une étude qui a été soulevée en fin de semaine dans un quotidien du Québec, de l'Université du Maryland, qui nous dit qu'un projet de loi... Parce qu'on dit: «L'interdiction de fumer au travail fait diminuer le tabagisme autant qu'une hausse de taxes de 400 %.» Donc, on est dans la bonne voie et, comme je l'ai évoqué hier soir dans une émission de télévision, nous allons annoncer d'ici quelques semaines une campagne importante de prévention sur les détresses sociales au Québec, et naturellement il y aura une place importante en matière de campagne médiatique qui va interpeller particulièrement les jeunes en matière de prise de conscience, pour être en mesure de leur donner un signal clair pour leur dire que la cigarette, ce n'est pas une bonne chose, ça peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé des gens.

Et je pense que c'est dans ce sens-là que nous avons bâti l'ensemble de l'action gouvernementale. Parce que le projet de loi, c'est une chose qui est un pas important dans la bonne direction, mais il est important aussi que ça soit supporté par l'ensemble de la population. M. le Président, on fait des projets de loi, c'est pour le monde, c'est pour rejoindre les gens, c'est pour faire adhérer les gens à un projet quelconque, donc une loi qui doit rassembler les gens autour d'un objectif donné. Puis l'objectif, dans le fond, c'est de réduire d'une façon importante la consommation de tabac dans notre société en général, parce que le projet de loi touche l'ensemble de la société, mais on sait que nous avons une préoccupation toute particulière pour les jeunes. Puis je pense que le projet de loi puis les actions que nous avons annoncées, c'est un outil important, c'est un outil indispensable pour bâtir un Québec plus en santé.

Alors, encore une fois, M. le Président, je termine en disant ceci: La loi va s'appliquer intégralement à partir du 17 décembre de cette année, de 1999, mais elle doit s'implanter d'une façon ordonnée et avec bon sens en suscitant l'adhésion de l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Berthier et également ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Nous vous cédons maintenant la parole pour votre droit de réplique, M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams (réplique)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux vit sur quelle planète? Il me semble que, si ce n'était pas un sujet aussi sérieux, je pourrais rire ce soir avec les réponses que j'ai entendues. Une loi qui le met maintenant en cause, lui et son gouvernement, est vidée, maintenant. Aucune sanction. Oui, certainement, on peut parler de bonne foi. On peut-u te souhaiter bonne foi, là? C'est ça que nous avons eu avant le projet de loi. C'est pourquoi nous avons insisté pour avoir les conséquences, les sanctions. Qu'est-ce que ce gouvernement a fait depuis l'adoption de ce projet de loi, il y a 18 mois passés? J'ai parlé de 10 000 victimes par année. Tout le monde sait que le tabac cause le cancer.

Everybody knows tobacco causes cancer. How many times do I have to say that?

Mais, depuis ce temps-là, M. le Président, 18 mois, on parle de plus ou moins 15 000 personnes, leurs propres chiffres. Maintenant, le ministre dit: Un autre 10 000. L'année prochaine, un autre 10 000. C'est inacceptable, ce que nous sommes en train de faire. Et comme quelqu'un travaille, aussi il y a le travail, c'est pourquoi nous avons ciblé le milieu du travail et c'est clair que tous les chiffres disent qu'effectivement la fumée du tabac dans l'environnement cause le cancer aussi. Ça fait mal à la personne, l'être humain et toute la population québécoise.

M. le Président, le ministre essaie de nous convaincre – et je pense qu'il a de la misère à nous convaincre – mais il me semble, encore une fois ce soir, qu'il n'a pas défendu son geste. Je pense qu'il ne comprend pas ça non plus. Parce que maintenant il est en train de vider la loi et de ne pas respecter le voeu de la population québécoise. Comme j'ai déjà dit: Ils ont eu un vote unanime dans cette Chambre. Ils se sont promenés pendant la campagne électorale, ils disaient une chose à la population; après les élections, ils ont complètement un autre comportement, et je trouve ça complètement irresponsable. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Ceci met fin à nos quatre débats de fin de séance.

Alors, nous allons tout simplement ajourner nos travaux de l'Assemblée nationale. Je vous invite à nous retrouver demain matin, mercredi, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 10)