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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 28 octobre 1999 - Vol. 36 N° 56

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes )

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Nous débutons les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 27 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 49


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, à l'article 27 de votre feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 49? M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Cette Assemblée est souvent saisie de questions qui, dans nos sociétés, font l'objet de débats importants, d'enjeux sociaux complexes. Aujourd'hui, je pense bien que le projet de loi qui est devant nous devrait faire l'unanimité de cette Assemblée, puisqu'il s'agit d'un projet de loi qui va nous permettre en quelque sorte de clarifier les lois, les textes, les décisions qui ont été prises jusqu'à maintenant à l'égard de l'emblème qui nous rallie tous au Québec, qui est le drapeau du Québec, et à l'égard des autres emblèmes qu'éventuellement le Québec adopte comme signes de ralliement de l'ensemble de la population. Donc, le projet de loi permettra de regrouper dans un même texte législatif la Loi sur le drapeau officiel du Québec ainsi que les textes qui établissaient les emblèmes pour le Québec.

En même temps, nous désignons l'iris versicolore comme fleur emblématique en remplacement du lis blanc des jardins. Le projet de loi également confirme l'établissement, bien sûr, comme autre emblème, comme arbre emblématique, du bouleau jaune, de même que du harfang des neiges comme oiseau emblématique, ce qui a déjà été fait dans d'autres textes ou d'autres décisions du gouvernement. Il établira les mécanismes par lesquels l'Assemblée nationale dorénavant sera le lieu dans lequel ces questions seront débattues et adoptées.

Donc, M. le Président, comme je vous le disais, chaque fois qu'on parle du drapeau du Québec, on parle d'un symbole qui, je pense, depuis maintenant plusieurs décennies, nous rallie tous. Et, de ce point de vue là, je pense qu'on peut dire qu'il y a en cette Assemblée unanimité pour en reconnaître la valeur et l'importance. Donc, on consolide aujourd'hui des décisions qui ont déjà été prises dans le passé, dans l'histoire du Québec, au sujet du drapeau et de ses emblèmes et des emblèmes du Québec. Et, en même temps, on habilite le gouvernement à en clarifier, par réglementation, les usages à travers l'ensemble de la société québécoise.

Il faut reconnaître, M. le Président, que nos textes, dans le passé, concernant cette image de marque du Québec, méritaient d'être revus, puisqu'ils ne visaient pas tous ce qu'ils devaient viser, soit parce que les règles ne permettaient pas de couvrir toutes les situations, soit encore parce que les documents administratifs étaient incomplets, ou on n'avait tout simplement pas suivi l'évolution des institutions. Par exemple, on sait que l'ensemble des municipalités du Québec doivent arborer le drapeau. Pourtant, des villes comme Québec et Montréal, qui ne sont pas les moindres des municipalités du Québec, n'étaient pas visées par cette obligation, puisqu'elles n'étaient pas régies par la Loi des cités et villes. Donc, au fur et à mesure des années, une série de décisions avaient été prises sans que nécessairement on y mette l'unité nécessaire.

Alors, le projet de loi n° 49 vient combler cela, puisque, dorénavant, dans un seul texte législatif, en habilitant le gouvernement, par réglementation, à intervenir, bien, on pourra le faire. De même, on peut, par extension, imaginer que, pour ce qui est des maisons d'enseignement, des hôpitaux, des institutions québécoises du secteur parapublic, péripublic, eh bien, cette loi permettra également de clarifier une situation.

D'autre part, M. le Président, la loi permet de regrouper dans un même texte ce qui a été jusqu'à maintenant les trois emblèmes officiels du Québec. On sait que le Québec a un emblème floral, un emblème aviaire et un arbre emblématique. On sait également que nos concitoyens, régulièrement, souhaitent que nous adoptions d'autres emblèmes, par exemple un poisson emblématique du Québec ou encore un insecte emblématique. Ce sont des mouvements qui ont été créés dans nos sociétés et qui permettent à des gens, en quelque sorte, de reconnaître la faune, la flore locales, de s'y rallier, d'en être fiers, de faire la promotion de ses attributs et de ses caractéristiques.

(10 h 10)

De ce point de vue là, le projet de loi vient corriger une petite erreur historique, je pense, que nous avions faite, en toute bonne foi, que cette Assemblée a faite, qui avait été de considérer en quelque sorte que l'iris blanc des jardins devenait la fleur emblématique du Québec. Alors, tout le monde sait que l'iris blanc des jardins n'est pas une fleur sauvage, n'est pas une fleur indigène, comme on dit, québécoise. De fait, l'iris blanc des jardins viendrait plutôt des bassins méditerranéens. Et on a un peu confondu, historiquement, l'emblème héraldique qui se trouve sur notre drapeau et l'emblème floral qui devrait être le nôtre et qui devrait s'inspirer de la nature québécoise. Alors, on vient corriger cela. Je tiens tout de suite à dire, d'une part, que, ce faisant, je pense, on rejoint les demandes de tous ceux qui font la promotion de l'horticulture au Québec, de tous ceux qui s'intéressent à la nature au Québec, des demandes qui datent de bien longtemps.

Et je tiens également à rassurer ceux qui évidemment aiment notre drapeau, M. le Président, qui sont fiers de ces emblèmes héraldiques. Il n'est aucunement question bien sûr d'éliminer cet emblème héraldique de notre drapeau. Au contraire, il est maintenu plus que jamais. Mais il faut distinguer entre un emblème héraldique qui remonte, dit-on, tant sur les armoiries... On le retrouve sur les armoiries britanniques, on le retrouve dans les armoiries françaises, on le retrouve dans les armoiries historiques de la... je rencontrais récemment l'ambassadeur de la Croatie qui me disait qu'on le retrouve dans des anciens emblèmes de Croatie. On le retrouve dans bien des pays. Dans le fond, on me dit que ça remonte même jusqu'à l'époque de Babylone, où cet emblème aurait été en quelque sorte progressivement développé, certains y voyant, comme nous l'avions fait, un peu par erreur, le symbole d'un lis, d'autres y voyant le symbole d'un lotus, d'autres y voyant le symbole d'un iris, d'un genêt, d'un ajonc, d'un trident.

Bref, ce qu'il est important de retenir dans tout ça, c'est qu'il s'agit essentiellement d'un emblème héraldique stylisé que nous avons adopté sur notre drapeau, qui s'inscrit dans l'histoire et dans nos traditions et qui sera maintenu comme tel. Mais on redonne tout son sens à l'emblème floral qui, lui, bien sûr, repose sur la nature québécoise, donc en reprenant l'iris qui est une fleur indigène. Et, en même temps, je dois dire, M. le Président, qu'on peut aussi voir sur notre drapeau un peu la symbolisation de l'iris. Donc, je pense qu'on peut, de ce point de vue là, considérer qu'on réconcilie ainsi un certain nombre de contradictions.

Et puis, dernier point, en adoptant cette loi, nous statuons que dorénavant c'est l'Assemblée nationale qui pourra définir quels seront les prochains emblèmes du Québec. Jusqu'à maintenant, ça s'est fait de diverses façons. Les gouvernements invités par la population à adopter des emblèmes l'on fait parfois par décret, parfois par loi. Là, on consolide dans la loi et on établit un mécanisme. Et c'est donc l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale qui auront à se prononcer sur le choix des prochains emblèmes qui, dans le fond, constitueront des symboles de ralliement pour tout le Québec, M. le Président.

Donc, je pense que nous sommes en mesure d'adopter cette loi. Il y a une petite modification, puisque nous devions... Puisqu'il s'agit d'une loi sur le drapeau, nous avions prévu l'adopter avant la fête nationale, le 24 juin dernier, au moment de la fin des travaux de l'Assemblée, et ça n'a pas été possible, ce qui fait que l'article 16 du projet de loi, M. le Président, doit être remplacé, puisqu'il prévoyait la promulgation de cette loi, au départ, à la fin du mois de juin dernier. Alors, il faudrait remplacer, à l'article 16, les mots «entrera en vigueur le 24 juin 1999» par les mots, bien sûr, «entre en vigueur le...» et là on indique la date de la sanction de la présente loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, vous faites une demande pour qu'on procède aux écritures. Est-ce qu'il y a consentement? Est-ce que la motion de M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration proposant que l'Assemblée se constitue à partir de maintenant en commission plénière est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le ministre, je vous prierais de transmettre, si ce n'est déjà fait, l'amendement que vous nous avez lu, s'il vous plaît. Merci. Alors, l'amendement est déposé. Nous allons donc suspendre quelques instants tout simplement pour exécuter notre commission plénière.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 17)


Commission plénière


Étude de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous reprenons nos travaux. Alors, M. le leader de l'opposition, nous allons tout simplement procéder aux écritures sans la formalité de la commission.

Alors, je vais donc lire l'amendement qui a été déposé par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Amendement au projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec. L'article 16. Remplacer, à l'article 16, les mots «entrera en vigueur le 24 juin 1999» par les mots «entre en vigueur le...» – alors ce sera la date de la sanction du projet de loi.

Ça vous convient? Alors, si vous voulez aller déposer ça, s'il vous plaît, sur la table. Alors, l'amendement est donc adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Est-ce que le rapport de la commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.


Reprise du débat sur l'adoption


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. En conséquence, nous allons donc poursuivre le débat sur l'adoption du projet de loi n° 49 tel qu'amendé, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi? Alors, est-ce que le projet de loi dûment amendé est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 24 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît, 24.


Projet de loi n° 34


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À votre feuilleton, à l'article 24, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 34? Alors, M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, comme son nom l'indique, ce projet de loi a essentiellement pour objet de modifier le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil. Notamment en matière d'attribution de nom, le projet de loi précise que le choix du nom par les parents prévaut et transfère donc au Procureur général du Québec le pouvoir du directeur de l'état civil, le pouvoir qu'a actuellement le directeur de l'état civil, de saisir le tribunal si le nom choisi prête manifestement au ridicule. Il précise donc également que le nom de famille de l'enfant peut consister en une partie seulement du nom de famille composé de son père ou de sa mère. Enfin, il prévoit la règle d'usage de l'alphabet français pour la transcription des noms et prénoms écrits en caractères différents de cet alphabet.

Donc, M. le Président, essentiellement, ce qu'on souhaite faire, c'est de donner aux parents le premier choix du nom de leurs enfants. On se souvient qu'il y a eu des débats dans notre société autour de ces questions. Souvent, les citoyens se demandent: Pourquoi l'État doit-il intervenir? Pourquoi on ne laisse pas aux parents le soin de choisir le nom de leurs enfants? D'autant plus que c'est quelque chose qui évolue dans le temps. Des noms avec lesquels on n'était pas familier dans le passé deviennent des noms, avec l'usage, avec le temps, qu'on reconnaît comme des noms intéressants.

(10 h 20)

M. le Président, je suis convaincu qu'il y a plusieurs années on n'appelait pas souvent les jeunes filles Marie-Soleil, par exemple. Pourtant, aujourd'hui on va se dire: Marie-Soleil, bien c'est un joli nom. Alors donc, les usages ont évolué. À une époque peut-être, avec notre législation actuelle, le directeur de l'état civil aurait pu dire: Ce n'est pas un nom, ça, Marie-Soleil, et il aurait pu s'y opposer. Ce qu'on reconnaît par ce projet de loi, c'est le choix premier des parents dans la décision de donner un nom à leur enfant.

Maintenant, en même temps, je pense que c'est normal aussi que le législateur, instruit de certaines expériences passées, garde quand même un peu de prudence dans l'intérêt de l'enfant. On a vu des gens vouloir appeler leur enfant de noms qui parfois auraient pu prêter au ridicule et causer à l'enfant des préjudices plus tard, quand il va à l'école, avec ses amis, tout ça parce que visiblement c'étaient des noms qui prêtaient au ridicule. J'ai déjà vu même, dans certains endroits, des gens proposer des noms... toutes les lettres de l'alphabet comme nom pour un enfant, comme prénom. Bien, c'est évident qu'on crée à l'enfant un préjudice.

Donc, le législateur se garde quand même et conserve au directeur de l'état civil la responsabilité d'intervenir si manifestement il y a un problème. Mais, dorénavant, alors que jusqu'à maintenant il intervenait en s'opposant immédiatement – il était un peu juge et partie – il va maintenant d'abord inscrire le choix des parents – l'inscrire – et il va solliciter l'intervention du Procureur général en disant: Écoutez, vous devriez regarder le cas. À mon avis, ça risque de nuire à l'enfant, d'après mon expérience de ces matières, et vous devriez prendre une décision si, oui ou non, on va devant le tribunal dans un cas comme celui-là. Mais, donc, le principe du choix du parent est d'abord retenu.

Deuxième chose, également, qu'il est important de dire là-dedans, c'est que le choix des parents élargit. Je pense que, de ce point de vue là, les modifications qui sont proposées à l'article 108 du Code civil vont être utiles. Alors donc, sur l'article 108 du Code civil, justement, il s'agit cette fois-ci du choix qui est le nôtre d'inscrire dans la loi la langue et les caractères, particulièrement les caractères dans lesquels les noms seront inscrits à l'état civil. Ce faisant, nous ne faisons rien d'autre à toutes fins pratiques que de confirmer dans les textes de loi une tradition de tenue des registres de l'état civil au Québec qui remonte à 1621. Nous sommes probablement une des sociétés dans le monde dont les registres de l'état civil ont été les mieux préservés. Ça tient à toute notre histoire, et il y a une continuité. D'ailleurs, souvent les généalogistes utilisent le cas du Québec comme un exemple de ce point de vue là.

Il s'agit tout simplement, dans le fond, de l'État qui écrit, parle, communique à travers les registres et confirme par des actes officiels; bien, il s'agit de le faire dans la langue qui est la langue officielle du Québec, qui est le français, en distinguant cependant, bien sûr, que l'utilisation de signes diacritiques, qui sont des caractères, dans le fond, qui sont inusités en français... bien, je veux dire, ils devront être traduits dans la langue française.

Ce faisant, M. le Président, nous n'innovons pas donc, comme je l'ai dit, par rapport à ce qui était la tradition, mais nous nous inscrivons largement dans un mouvement universel. Ailleurs, dans les autres provinces canadiennes, le Canada dans ses actes officiels, les États américains, la plupart des pays du monde, à de très rares exceptions près, utilisent la langue nationale comme langue pour, en quelque sorte, inscrire les noms au registre de l'état civil et poser ces actes-là. On peut imaginer facilement les difficultés qui pourraient survenir à utiliser l'ensemble des signes diacritiques qui existent. On nous a parlé bien sûr de certains signes de la langue espagnole, mais il y en a bien d'autres, M. le Président. On peut penser à la langue innu, on peut penser à certains signes des langues slaves qui sont loin de nos signes français et qui ne posent pas de problème technique impossible, insurmontable, maintenant avec la technologie moderne, mais qui poseraient au lecteur moyen, ne connaissant pas ces langues, des problèmes très réels de lecture. Alors, l'identité des personnes, les actes de l'état civil, c'est important qu'on puisse y avoir accès, se comprendre, et c'est l'esprit dans lequel nous agissons.

Cependant, M. le Président, on a, pour répondre à certaines préoccupations de l'opposition, apporté certaines précisions que l'opposition nous demandait. L'article a donc été reformulé. Il est maintenant clair que le terme «transcription» nous apparaît plus approprié que «translitération» et que, de ce point de vue là, il y a concordance avec l'article 140 du Code. La transcription du nom qui est porté, en langue française, à la fois sur l'exemplaire manuscrit et informatisé du registre, effectivement, là-dessus, compte tenu de certaines représentations de l'opposition, nous avons apporté des amendements qui permettraient de clarifier la situation.

Il est clair également que, pour tous nos concitoyens de langue anglaise, M. le Président, ça ne change rien à la situation qui prévalait, puisque, l'alphabet romain continuant à être utilisé – on sait que la langue anglaise utilise l'alphabet romain – donc, nos concitoyens et concitoyennes de langue anglaise continueront à pouvoir inscrire à l'état civil leurs enfants sous le nom de Michael ou sous le nom de Annick, sans problème.

Le projet de loi également aborde d'autres questions, notamment des modifications relatives à la réduction du délai de transmission des déclarations de mariage. Alors, ces modifications ont été jugées opportunes, puisqu'elles permettent d'offrir un service plus efficace aux citoyens. Et nous avons consulté sur ces questions les principales instances concernées, notamment les Églises, qui font souvent ces actes, qui les transmettent, et il semble y avoir unanimité là-dessus. Il s'agit d'une bonification de nos procédures dans l'intérêt des personnes qui souhaitent avoir le plus rapidement possible accès à leur certificat de mariage.

De même, il y a des modifications, M. le Président, concernant la pratique instaurée avec les directeurs de funérailles concernant justement les inscriptions des décès. Les méthodes qui sont présentées devraient faciliter les choses, notamment pour les familles. On sait comment, dans ces circonstances, les familles vivent difficilement bien sûr la perte d'un être cher. Alors, je pense que les précisions qui sont apportées vont faciliter à tout le monde les procédures inévitables en ces circonstances.

Également, M. le Président, dans ce projet de loi, pour certains cas bien précis, on a jugé souhaitable que le directeur de l'état civil puisse ajouter à un acte de naissance un renseignement qui aurait été omis ou même une filiation qui n'avait pas été déclarée mais qui est reconnue tardivement. Ce que je comprends, c'est que l'opposition s'est montrée favorable à une forme encadrée en quelque sorte de déjudiciarisation, encore que, ultimement, le tribunal sera toujours compétent en ces matières pour réviser une décision du directeur de l'état civil. Mais on ajoute une fonction au directeur de l'état civil et, dans le fond, M. le Président, ce faisant, on lui permet d'intervenir lorsque, à certaines conditions, la filiation, même déclarée tardivement, ne fait l'objet d'aucune contestation. Évidemment, il y aura des procédures à suivre pour être bien sûr que c'est fait très correctement. Mais on pense que, là aussi, on facilite la vie des gens plutôt que de devoir obligatoirement toujours poser des actes judiciaires, aller devant les tribunaux, encourir des frais alors que tout le monde s'entend par rapport à un geste qui aurait pu être omis ou par rapport à une filiation qui est reconnue.

Il y a d'autres modifications techniques, M. le Président, qui sont essentiellement de nature administrative, notamment en matière de tarification et d'autres choses semblables: assouplissement, par exemple, dans le mode de désignation et de délégation de certaines fonctions du directeur de l'état civil lorsqu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il est absent de façon temporaire. Alors, le Code actuellement était restrictif à cet effet. On vient corriger ces questions-là.

Bien sûr, il y a des dispositions transitoires qui visent à régler certaines situations bien précises. Ainsi, il sera possible dorénavant, pour des parents qui se sont vu refuser l'attribution d'un nom de famille simple pour leur enfant parce que tous deux portaient un nom composé... On le sait, de plus en plus, il y a eu une époque où... et ça se fait, les enfants héritent du nom du père et de la mère: Perreault-Lefebvre, Bonin-Tremblay. Alors, évidemment, quand les deux parents ont chacun un nom composé, pour l'enfant, quel doit être le nom? Alors, toujours dans l'esprit que c'est les parents qui choisissent d'abord, mais en même temps pour faciliter le choix des parents, il sera possible dorénavant, sans grande formalité, d'apporter une correction et de faire le choix d'un nom de famille simple pour l'enfant – l'un de ces noms, l'un des noms des parents, un nom simple parmi les noms des parents. Alors, de ce point de vue là, il y aura des corrections dans la mesure où la déclaration de naissance a été faite entre le 1er janvier 1994 et l'entrée en vigueur de la présente loi. Donc, ça permettra de corriger un peu le passé en ces matières.

(10 h 30)

Donc, M. le Président, en conclusion, je pense que ce qu'on peut dire, c'est que ce projet de loi, ce qu'il vient faire essentiellement, c'est: reconnaître d'abord les droits des parents en ces matières, faciliter l'exercice de ces droits tout en préservant l'intérêt de l'enfant; et, d'autre part, au plan des questions de mariage et de funérailles, simplifier les procédures; et enfin également permettre de rajeunir notre Code civil du point de vue des droits, responsabilités, devoirs du directeur de l'état civil. Et je pense, M. le Président, que nous avons tenu compte, dans cet exercice, d'un certain nombre de remarques qui nous ont été faites par l'opposition. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Je tenais à prendre la parole pour l'étape finale du projet de loi n° 34, une loi qui modifie le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil.

Comme le mentionnait tantôt le ministre, ce projet de loi précise que le choix du nom par les parents pour leur enfant prévaut. Il transfère aussi au Procureur général du Québec les pouvoirs du directeur général de l'état civil de saisir le tribunal si le nom choisi par les parents est manifestement ridicule et, par conséquent, peut atteindre le bien-être de l'enfant. Ce projet de loi élimine donc aussi la notion de juge et partie que le directeur général de l'état civil se voyait indirectement assignée.

Malheureusement, M. le Président, un des aspects du projet de loi n° 34 auquel l'opposition officielle ne peut souscrire, c'est l'interventionnisme de l'État à vouloir encadrer la liberté des parents quant au choix du prénom de leur enfant. Je m'explique. On peut comprendre la volonté du directeur de l'état civil ou du Procureur général du Québec à vouloir protéger les enfants contre des prénoms qui pourraient les ridiculiser, qui pourraient susciter des railleries, des moqueries, mais nous croyons que le gouvernement, par certains aspects de son projet de loi n° 34, va beaucoup trop loin.

M. le Président, vous devez comprendre que, par le biais de ce projet de loi, le gouvernement du Québec obligera dorénavant les parents à utiliser l'alphabet français dans la transcription des noms. On a souvent relevé ici la situation de parents issus de la communauté portugaise qui avaient donné le nom de Tomás à leur enfant, mais en utilisant un accent aigu sur le «a». Avec l'application de la loi n° 34, ces parents pourraient se voir traîner en cour par le Procureur général du Québec parce qu'ils ont osé mettre un accent aigu sur le «a». À cet égard, vous comprendrez que, quand je faisais allusion tantôt à l'aspect interventionniste de l'État dans ce projet de loi, j'aurais pu aussi utiliser les mots «excessif» et «démesuré».

Le gouvernement, M. le Président, nous dit qu'il est contraint à agir ainsi parce que le système informatique du registre de l'état civil ne peut prendre en considération, par exemple, des accents aigus sur un «a». Le gouvernement nous dit également que d'apporter les modifications nécessaires à son système informatique entraînerait des coûts trop dispendieux.

Alors, M. le Président, il faut se poser la question: Où sont les priorités gouvernementales du gouvernement du Parti québécois, car dans les discours on nous sert à répétition les belles paroles de liberté individuelle, du respect du rôle des parents, du respect des différences et de l'ouverture vers les communautés culturelles? Pourtant, aujourd'hui on nous demande d'adopter un projet de loi qui brime carrément le choix des parents, le droit d'expression des parents au niveau du prénom de leur enfant, et qui ferme la porte aux différences culturelles que l'on retrouve au Québec. M. le Président, le fondement même du respect d'autrui, du respect des différences n'est-il pas justement de faire confiance et de respecter la liberté individuelle? Et tout ça, M. le Président, parce que le gouvernement a décidé de ne pas modifier son système informatique.

En terminant, je rappelle au ministre que le Barreau du Québec a fait plusieurs recommandations et des mises en garde importantes au gouvernement quant à certains aspects néfastes de ce projet de loi. Malheureusement, M. le Président, ces mises en garde, ces recommandations ont été ignorées par le ministre. Ce qui est encore plus surprenant, c'est que le ministre n'a même pas cru bon de faire appel à un organisme gouvernemental expert en la matière, soit le Conseil des relations interculturelles. Vous comprendrez que, lorsqu'un projet de loi vient brimer, vient nuire à la liberté d'expression de certains parents, l'opposition officielle ne peut s'associer à une telle démarche, car, M. le Président, au Parti libéral du Québec, nous avons trop de respect, trop de respect pour les libertés individuelles, trop de respect pour les valeurs et les différences que nous apportent les communautés culturelles et qui viennent enrichir la société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi? Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole au niveau de l'adoption du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, Bill 34, An Act to amend the Civil Code as regards names and the register of civil status.

M. le Président, j'interviens en partie en ma qualité de père de famille et également en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière de la famille et de l'enfance, au niveau de l'adoption de ce projet de loi.

Au cours du cheminement du projet de loi, M. le Président, l'opposition officielle a fait valoir certaines réserves, certaines difficultés avec le projet de loi à l'étape de l'adoption de principe, en commission parlementaire, auxquelles j'ai assisté, et ici, en adoption finale du projet de loi. De nos commentaires ont été pris en considération par le ministre des Relations avec les citoyens, mais pas beaucoup, malheureusement, M. le Président. Et souvent, pendant ce processus-là, on s'est fait porte-parole d'autres groupes, comme le Barreau du Québec, quelques cours du Québec, des décisions, des jugements rendus, qui avaient indiqué, selon nous, des incongruités avec le projet de loi face à l'ampleur, semble-t-il, du problème.

Il faut toujours, quant à moi, M. le Président, essayer d'évaluer quel est le moyen nécessaire et approprié pour un gouvernement pour résoudre des problèmes. Dans un premier temps, M. le Président, il faut avoir des problèmes. Est-ce qu'on est conscient de l'ampleur du problème? Est-ce que c'est un problème réel, la question du choix des noms, des prénoms pour les enfants du Québec? On a vu quelques exemples dans les médias et ailleurs, M. le Président, des exemples soulevés par le ministre lui-même, qui pourraient laisser croire qu'il y a certaines difficultés pour lesquelles le gouvernement semble vouloir agir pour trouver des solutions.

Mais fondamentalement, M. le Président, il faut trouver la bonne intervention, la bonne mesure, la bonne dose d'intervention. Et nous prétendons, de ce côté de la Chambre, M. le Président, que l'intervention proposée par le gouvernement est trop lourde, est trop pesante. Quand on est rendu, M. le Président, s'il y a un litige dans le choix de prénoms, entre autres, entre les parents et le directeur de l'état civil, que le dossier sera transmis au Procureur général du Québec pour intervention judiciaire, il me semble que c'est démesuré, M. le Président.

L'État, semble-t-il, le gouvernement actuel, veut protéger les enfants du Québec contre des choix non judicieux de leurs propres parents. Comme je vous dis, M. le Président, il y a peut-être quelques petits cas excessivement isolés qui feraient croire qu'il faut absolument légiférer dans ce sens afin de protéger les enfants du Québec contre des choix non judicieux par leurs propres parents. Et là, M. le Président, je vous soumets respectueusement que le gouvernement va trop loin. Il y a une expression en anglais, M. le Président: We're using a howitzer to kill a fly. We're using a large piece of artillery in order to resolve a problem that's very, very minor, about the size of a common house fly.

(10 h 40)

M. le Président, j'ai entendu en cette Chambre et par le biais des médias un vibrant plaidoyer du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, il y a quelques jours, en ce qui concerne la mise en application de la Loi sur la protection des non-fumeurs, les sanctions et les inspections. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux nous disait en cette Chambre et ailleurs: Il faut faire confiance aux Québécois, nous n'avons pas besoin d'inspecteurs, nous n'avons pas besoin de sanctions, il faut faire confiance aux Québécois. Il a dit: On n'est pas pour mettre des inspecteurs à travers le Québec pour voir si le monde fume ou ne fume pas, respecte ou ne respecte pas la loi, on fait confiance au gros bon sens des Québécois.

Il est curieux, pour ma part, M. le Président, que, quand arrive le moment de discuter d'un projet de loi de l'ampleur de celui sur la protection des non-fumeurs, semble-t-il, le gouvernement nous indique qu'il faut faire confiance aux Québécois, au gros bon sens des Québécois, mais là, pour le choix des prénoms des enfants, un choix excessivement personnel, le gouvernement nous dit: Bien, là, on ne peut pas faire confiance aux Québécois, il faut intervenir pour sauver les enfants de leurs propres parents. C'est pour le moins paradoxal, cette approche. C'est, quant à moi, excessivement interventionniste. Elle est démesurée, comme proposition de solution qui peut avoir des conséquences néfastes.

Ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne l'a déjà indiqué, entre autres pour la question de l'utilisation de l'alphabet français en ce qui concerne des caractères ou l'orthographe des noms moins communs dans des sociétés de parents français, comme Tomás, et ainsi de suite. On a déjà fait le débat avec le ministre des Relations avec les citoyens en ce qui concerne la transcription ou translittération des noms en hébreu. M. le Président, il faut être excessivement prudent quand on intervient à ces sujets-là. Et je pense que le gouvernement adopte des mesures démesurées.

And so, Mr. Speaker, as I suggested, I believe the Government is proceeding with a heavy-handed measure to resolve a relatively minor problem in many instances, which is the injudicious choice of a given name for children in the Province of Québec. I listened, as we all did, to the Junior Minister of Health and Social Services on the subject of the implementation of the law protecting non-smokers, who said essentially that we had to delay the implementation of sanctions and inspectors because we could have confidence in the common sense of Quebeckers.

And I find it ironic, to say the least, that, in that instance, when it comes to the protection of the health and the rights of non-smokers in the Province of Québec, the minister responsible for the file stands up and says: We don't need penal sanctions, we don't need inspectors, we will have confidence in the general common sense of Quebeckers in the application of this law, but, with regard to the judicious choice of a given name, for families, something that is a most personal decision, this Government stands up and says: We don't have enough confidence in the common sense, the good straightforward common sense of Quebeckers, we have to protect them against themselves. Well, Mr. Speaker, that is not our vision of Québec society, and, while I will agree that there have been a very few, very, very few problems about the choice of given names for children, I believe this particular measure is excessive and unnecessary.

Alors, M. le Président, je pense qu'il serait plus approprié d'avoir confiance aux familles québécoises, aux mères et aux pères des nouveaux-nés quand arrive le moment de choisir le nom. Il n'y a rien de plus personnel que le choix d'un prénom pour un enfant. Vous le savez, vous avez des enfants. J'imagine que ça a fait l'objet de discussions entre vous et votre épouse. Ça fait l'objet de discussions à l'intérieur des familles, effectivement. Mais il me semble, M. le Président, que nous sommes une société assez mature et un peuple assez mature pour qu'on puisse faire confiance aux familles québécoises pour faire un choix judicieux. Et, dans les quelques rares occasions où, semble-t-il, il y aura un litige, le recours au Procureur général et aux procédures judiciaires me semble démesuré dans ces circonstances. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 34? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Je vais prendre mon droit de réplique parce que je pense que nos concitoyens, les gens qui nous écoutent ont le droit quand même d'avoir l'heure juste. Parce que je pensais que l'opposition aurait profité des vacances de l'été – puisqu'elle avait bloqué ce projet au mois de juin – pour réfléchir, du moins, je dirais, à certaines interventions un peu intempestives qui ont pour effet de donner à nos concitoyens l'idée qui est pour le moins fausse de la nature du projet de loi.

D'abord, j'ai entendu la députée, M. le Président, dire que, avec ça, dorénavant les gens vont devoir aller en cour parce que l'alphabet qui serait utilisé, les signes qui vont être utilisés s'ils veulent... Je veux dire, il n'y a rien de tel, puisque ce que la loi prévoit, ce n'est pas du tout ça. La loi prévoit tout simplement que le directeur de l'état civil va l'inscrire tel que la loi l'établit, et ce n'est pas objet d'appel devant les tribunaux. Ce qui peut être objet d'appel devant les tribunaux, c'est une tout autre question, c'est: si le nom lui-même prête au ridicule, éventuellement le Procureur pourra s'opposer. Mais ce n'est pas du tout... Il n'y a rien dans cette loi qui permettrait à quelqu'un d'aller devant les tribunaux parce qu'on ne mettrait pas un accent, par exemple dans le cas du nom de Tomás, sur le «a», qui est un accent, un signe diacritique en portugais.

M. le Président, quand on écoute les gens d'en face, c'est comme si nous introduisions, par cette loi, des modifications substantielles à ce que nous faisions et comme si, d'autre part, comme société, tout d'un coup, nous devenions intolérants à l'égard des autres. C'est tout le contraire. Nous confirmons, suite à un jugement du tribunal – en toute déférence pour les juges, je veux dire, on sait que parfois leur opinion s'appuie sur certaines interprétations de nos lois, notre loi, semble-t-il, n'était pas suffisamment claire – en modifiant le Code civil, une pratique qui date de près de 400 ans.

Où était l'opposition pendant ces 400 années là, M. le Président? Il y a des bouts, ils ont été au pouvoir. Ils auraient pu, s'ils pensent que vraiment cette pratique était à l'encontre des droits fondamentaux des gens, le ministre de l'époque, se lever et proposer une modification à nos pratiques à tout le moins, donner des directives au directeur de l'état civil en disant: C'est épouvantable, on est en train d'écrire les noms en français au Québec. C'est un bris total de droits et un déni des droits. M. le Président, ça fait 400 ans qu'on procède de même.

Un jugement nous a interpellés, puisque, évidemment, nos pratiques se sont développées avec le temps. C'est un aspect qui n'avait jamais été clairement précisé, on le précise. Maintenant, quand on fait ça, M. le Président, effectivement on aurait pu se poser la question: Tant qu'à le faire, pourquoi ne pas ouvrir? Je ne comprends pas très bien l'opposition. Pourquoi ne pas ouvrir sur les accents? Pourquoi ne pas ouvrir sur l'alphabet? Pourquoi ne pas reconnaître tous les alphabets du monde, je veux dire, l'alphabet utilisé, par exemple, dans les langues asiatiques, l'alphabet cyrillique, l'alphabet innu? Pourquoi pas? On est une société tolérante.

Ce que les gens d'en face essaient de nous faire croire, c'est que la tolérance serait la confusion. Il n'y a rien à voir. Il s'agit des actes de l'État. Les actes de l'État utilisent une langue. Ce faisant, nous faisons exactement ce que fait le Canada, exactement ce que font toutes les provinces canadiennes, exactement ce que font les États américains, exactement ce que font la très grande majorité des pays occidentaux à une ou deux exceptions près, M. le Président. Là, tout d'un coup, au nom de principes, l'opposition voudrait en quelque sorte semer la pagaille. Essayons d'imaginer le genre de pagaille dans l'état civil, s'il fallait que nous faisions appel à tous les alphabets, à tous les signes diacritiques du monde.

(10 h 50)

Ce n'est pas un problème d'informatique, M. le Président, ni de ressources financières. C'est vrai que, dans certaines notes qui m'ont été faites, le directeur de l'état civil a fait valoir ses contraintes. J'ai été très clair devant la commission, ça n'a rien à voir. Si c'était uniquement un problème d'informatique, c'est réglable. Et, si c'était un simple problème d'argent et s'il y avait des droits en cause, on le réglerait. Il n'y a pas un pays au monde qui reconnaît que toutes les langues, tous les accents de tous les citoyens de la planète font partie des gestes officiels de l'État. Ça serait inadministrable.

Alors, je pense que l'opposition, dans ce dossier, invente des arguments. Je vois un peu pourquoi, je comprends un peu. On fait un peu de politique, c'est normal, c'est le rôle de l'opposition. Mais, encore une fois, si l'opposition se découvre bien tardivement, tout d'un coup, des principes, alors qu'ils ont eu des années et des années – ça fait 400 ans qu'on fait ça – pour mettre en vigueur leurs principes... S'ils les avaient, M. le Président. Je pense plutôt qu'on assiste à un exercice de politique.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Le débat étant maintenant complété, est-ce que le projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, est adopté? Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je pense que le leader de l'opposition en a été informé. On pourrait, à ce moment-ci, suspendre quelques instants, le temps de permettre à notre collègue le président du Conseil du trésor de se joindre à nous.

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement? Alors, nous allons suspendre, le temps de permettre au président du Conseil du trésor de venir nous rejoindre.

(Suspension de la séance à 10 h 52)

(Reprise à 11 h 9)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous poursuivons les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 19 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 51


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 19 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 51, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport de la commission? M. le ministre et président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous dire que ça me fait plaisir de revenir ici, à l'Assemblée nationale, pour cette prise en considération du projet de loi n° 51 qui vise à intégrer les membres des groupes cibles à la fonction publique en plus grand nombre que maintenant.

(11 h 10)

M. le Président, nous avons étudié ce projet de loi en commission parlementaire le 28 mai, le 10 juin, le 2 septembre et, au terme de ces travaux, nous avons adopté ce projet de loi avec certains amendements. Mais je voudrais simplement revenir sur l'objet même du projet de loi qui est de faciliter l'embauche de membres de groupes cibles. Au cours des dernières années, nous avons très peu engagé dans la fonction publique. Tout le monde sait la lutte que nous avons dû faire pour le bénéfice de l'assainissement des finances publiques, mais cela nous a amenés à n'engager que quelques centaines de personnes à chaque année pour des objets très particuliers, comme par exemple aux Transports ou au ministère du Revenu, mais, de façon générale, l'embauche était fermée au gouvernement du Québec.

Durant ce temps-là, évidemment la fonction publique n'a pas connu de sang nouveau, en tout cas pas en grand nombre, et la participation des groupes cibles, même si elle s'est maintenue, n'a pas connu aussi d'engagement dans la fonction publique. C'est une question qui avait été soulevée dans le discours inaugural du premier ministre, au mois de mars dernier, qu'il fallait nous préoccuper de cette situation. L'un des problèmes que nous avons, c'est que, à partir des engagements que nous faisons, nous devons classer tous ceux qui postulent par niveaux. Dans les premiers niveaux, il y avait beaucoup moins de membres, de personnes provenant des groupes ciblés, alors qu'au fond ils étaient de qualité suffisante, et largement, pour remplir les fonctions auxquelles ils étaient destinés.

Ce qui se passait aussi, c'est qu'il fallait épuiser le premier niveau avant de passer au deuxième, de sorte qu'un large bassin de ces personnes n'avait jamais accès tant qu'on n'avait pas complètement épuisé le premier niveau. Aujourd'hui, l'effet de la loi, c'est d'enlever ces niveaux et de considérer, comme on doit le faire, que tous ceux qui ont passé le concours sont admissibles.

Je sais que l'opposition a soulevé la question du mérite pur pour accéder à la fonction publique, M. le Président, mais, même si la première mouture de cette loi, en 1979, voulait qu'on ne considère que le mérite, que l'on prenne chacune des personnes selon le classement, on s'est vite rendu compte que cela bloquait toute l'embauche. Parce que, pour des raisons x et y, le passage, par exemple, de la dixième à la onzième personne sur la liste était bloqué pour des raisons pratiques – quelqu'un n'était pas disponible, on ne pouvait pas le rejoindre – et il fallait en disposer alors qu'elle maintenait son droit, donc tout était bloqué. On avait abandonné, à ce moment-là, pour créer des niveaux. Le même phénomène se reproduit à l'heure actuelle en ce qui concerne les niveaux. C'est une question.

L'autre question, c'est de dire: Est-ce que, maintenant qu'il n'y aurait plus de niveaux, la compétence va être maintenue? M. le Président, je sais, nous sommes en négociations. Évidemment, tout le monde peut dire que les conditions de travail sont difficiles dans la fonction publique ou parapublique, mais il faut constater que, lorsque l'État fait un appel de candidatures, ce ne sont pas des centaines de personnes qui postulent, ce sont des milliers de personnes qui postulent. Nous n'en retenons qu'une strate dans les premières. Et ce que nous avons finalement comme candidats maintenant, ce sont tous des candidats aptes à remplir la fonction. Parce que, si vous avez 3 000 personnes qui postulent sur un concours et que vous en retenez, mettons, 300, seulement 10 %, vous pouvez être convaincus que les 10 % sont compétentes, alors qu'auparavant il y avait beaucoup plus de concurrence et que de venir à la fonction publique était une des ouvertures qui était disponible pour le jeune qui voulait entrer, par exemple. Il y avait beaucoup moins de candidatures, beaucoup moins, alors qu'aujourd'hui, lorsqu'on ouvre un poste... Tout le monde connaît ce qui s'était passé à la Société de l'assurance automobile: alors qu'on avait postulé pour un certain poste, il est venu plusieurs dizaines de milliers de candidats sur un poste. Ce n'est pas ce qui se produit dans tous les cas, mais, de façon générale, même si on enlève les niveaux à ce stade-ci, nous n'avons, je pense, rien à nous reprocher sur la qualité que nous obtenons des candidats qui postulent et qui réussissent l'examen d'entrée.

M. le Président, je souligne que l'objectif que nous avons ici, de façon générale, d'intégrer des personnes qui sont issues de groupes cibles – on entend généralement des allophones, etc. – c'est un objectif que nous avons déjà commencé à mettre en place. Par exemple, au cours de l'an dernier, nous avons mis en place un programme de stages pour les étudiants. Nous avions publicisé ce programme dans les universités et nous nous sommes aperçus qu'en faisant cette publicité des personnes issues des groupes cibles avaient postulé à 13 %, 13 % avaient été admises... avaient postulé à 13 %, donc beaucoup plus étaient venues. Et cela nous a amenés à élargir cette participation. Cette année, nous nous étions donné comme objectif d'embaucher 25 % de ces personnes, de ces étudiants qui provenaient des groupes cibles. Nous l'avons réussi, M. le Président, au cours de l'été. Sur les 225 admissions au programme de stages pour finissants de collèges ou d'universités, 25 % proviennent des groupes cibles.

De la même façon, en ce qui concerne le programme d'emploi d'été pour les étudiants, nous avons ajouté 25 % au budget que nous avions et nous avons engagé 25 % d'étudiants qui provenaient des groupes cibles. Cela n'a nui absolument à personne. Au contraire, ils ont été engagés un peu partout au Québec, ici, à Québec même, en particulier, et ça a été vrai donc pour les emplois d'été, vrai pour les stages pour les finissants. M. le Président, c'est ce que nous voulons aussi, jusqu'à un certain point, faire. Ce que nous voulons faire pour la fonction publique et parapublique, nous avons un objectif d'embaucher 25 % pour les intégrer davantage – je ne dis pas «assimiler», faisons une grande distinction entre les deux – pour intégrer des membres qui proviennent des groupes cibles. Je pense que c'est une opération et c'est un objectif qui est très louable.

Je dois dire aussi que j'ai regretté que l'opposition n'accepte pas d'accélérer et d'étudier ce projet de loi au mois de juin. Nous sommes ici, maintenant, à la fin d'octobre, pour l'adopter, alors qu'on aurait pu l'adopter au mois de juin et qu'on aurait pu appliquer la loi beaucoup plus tôt. Mais l'opposition n'a pas voulu nous donner ce projet de loi à la fin de la session du printemps, avec le résultat que nous avons perdu plusieurs mois, M. le Président, à cause de l'opposition.

Alors, M. le Président, je terminerai là pour vous dire que je suis très heureux de présenter ce projet ici aujourd'hui et j'espère bien que l'opposition maintenant est prête à collaborer pour son adoption le plus tôt possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor et ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique. Je céderai maintenant la parole au député de Vaudreuil et critique officiel de l'opposition en cette matière. M. le député.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je suis heureux de pouvoir intervenir à ce stade-ci, lors de la prise en considération du projet de loi n° 51. Je voudrais d'abord vous rappeler que, dès le début des discussions sur le projet de loi n° 51, nous avons confirmé qu'il était essentiel d'accroître la présence des membres des communautés culturelles, des anglophones et des autochtones dans notre fonction publique afin que cette dernière puisse bien représenter la composition sociodémographique de notre société. En somme, la fonction publique doit refléter l'image et la réalité de notre société.

(11 h 20)

D'ailleurs, M. le Président, c'est un gouvernement libéral, faut-il le rappeler, qui a été le premier à mettre en place un programme d'accès à l'égalité pour les communautés culturelles, en 1990, ainsi qu'un programme d'accès à l'égalité pour les femmes, en 1992. Et il faut aussi constater que, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, malgré les promesses qui avaient été faites par le premier ministre dans son premier discours inaugural, la situation ne s'est pas améliorée, loin de là, elle s'est même relativement détériorée, malgré le peu d'embauche dans la fonction publique au cours des dernières années. Et là il a fallu attendre, M. le Président, un rapport de la Commission des droits de la personne, qui a été publié en décembre 1998, rapport qui, disons-le, a blâmé sévèrement l'inaction du gouvernement, pour que là le gouvernement encore une fois réagisse et annonce en mai dernier la mise en oeuvre de mesures destinées à augmenter la représentation des groupes cibles dans la fonction publique et à porter l'objectif de recrutement à 25 % des embauches.

Tout en réaffirmant notre accord de principe sur le fond de la question, nous avons exprimé des divergences sur l'une des modalités qui est proposée par le gouvernement dans le projet de loi n° 51. En effet, dans le projet de loi n° 51, on vient modifier un article de la Loi de la fonction publique qui touche au principe du mérite. Et on rappellera que cette règle du mérite, elle est très simple: on veut que les employés de l'État qui sont recrutés d'abord le soient par voie de concours et qu'on recrute par ordre de priorité, selon les résultats obtenus dans les examens de sélection, afin de pouvoir obtenir, recruter et embaucher dans la fonction publique les plus compétents. En abolissant le regroupement par niveaux des candidats suite à un concours de recrutement, on vient affaiblir le principe du mérite et on ouvre la porte – même si on ne veut pas voir les mots – au favoritisme et à l'arbitraire.

Évidemment, le ministre peut être en désaccord sur ce point-là, mais c'est un risque réel. Et, pour modifier un tel principe, il faut des raisons sérieuses. Nous ne pouvons pas uniquement le modifier, sous prétexte de vouloir favoriser l'embauche de groupes cibles, sans savoir si c'est nécessaire de le faire. C'est pourquoi nous avons demandé au président du Conseil du trésor de nous démontrer, à tous les parlementaires et aux membres de la commission parlementaire, que la loi actuelle, avec le regroupement par niveaux, a été une cause réelle de l'inefficacité des programmes d'accès à l'égalité. D'autant plus que, si nous faisons une comparaison, le Programme d'accès à l'égalité pour les femmes a été efficace. Il y a encore des améliorations à faire, mais tout le monde le constate, et le premier ministre l'a reconnu d'ailleurs dans son discours inaugural, des progrès substantiels ont été accomplis, et tout ça, dans le cadre de la loi actuelle, avec le principe du regroupement par niveaux.

Et l'opposition officielle, M. le Président, n'a pas été seule à avoir exprimé des divergences avec cet aspect du projet de loi n° 51. Nous avions demandé au ministre, par exemple, d'entendre des groupes devant la commission parlementaire: la Commission des droits de la personne, la Commission de la fonction publique, qui, on le sait, est la gardienne du processus d'intégrité dans la fonction publique, le Syndicat de la fonction publique également. Mais là évidemment le ministre n'a pas voulu accéder à cette demande pourtant fort légitime de l'opposition, demande d'ailleurs qui avait été faite notamment par le Syndicat de la fonction publique du Québec.

Et, si on veut simplement rappeler ce qu'a énoncé, ce qu'a dit le Syndicat – il avait envoyé une lettre, d'ailleurs, au mois de juin, au président du Conseil du trésor et il est revenu, dans le document qu'il a présenté à la commission parlementaire, sur les modes de gestion de la fonction publique – on retrouve dans le mémoire du Syndicat, et je cite: «Il en est ainsi du projet de loi n° 51, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, qui supprime le rangement des candidats par niveaux pour faciliter la nomination d'un fonctionnaire parmi tous les candidats déclarés aptes à la suite d'un concours.» Et on termine en disant: «L'abolition – en citant la Commission des droits de la personne – du rangement par niveaux nous paraît, à cet égard, un choix rapide et prématuré pouvant comporter des risques pour la poursuite des objectifs mêmes d'un programme d'accès à l'égalité, celui d'ouvrir à l'arbitraire le processus de sélection.» Fin de la citation.

Prenons le Conseil permanent de la jeunesse qui, encore une fois, dans son mémoire devant la commission parlementaire sur les modes de gestion de la fonction publique, nous exprime son désaccord avec l'abolition du regroupement par niveaux. Ils demandent au gouvernement d'évaluer la possibilité évidemment d'inclure les jeunes dans sa modification législative, mais, lorsqu'ils parlent de l'abolition du regroupement par niveaux, on dit: «Abandonner le principe du regroupement par niveaux équivaut à renoncer au principe fondamental reconnu par tous en matière d'accès à l'égalité. Les personnes issues d'un groupe cible ne doivent être sélectionnées qu'à compétences égales. La suppression des niveaux viendrait jeter un discrédit sur les programmes d'accès à l'égalité. Nous croyons que le respect du principe de la sélection au mérite est nécessaire pour assurer non seulement la crédibilité des programmes d'accès à l'égalité, mais également la crédibilité et la compétence des personnes nommées dans le cadre de ces programmes.»

Si on va maintenant à la Commission des droits de la personne, M. le Président, qui avait produit un rapport au mois de décembre 1998, que j'ai mentionné tout à l'heure, la Commission a émis des commentaires sur le projet de loi n° 51. Je voudrais rappeler certains éléments qui sont contenus dans cette opinion bien justifiée de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. On dit, à la page 4, par exemple, et je cite: «Le projet de loi n° 51 propose de permettre la nomination d'un fonctionnaire parmi tous les candidats déclarés aptes à la suite d'un concours, supprimant ainsi le rangement des candidats par niveaux.» À la page 5, je continue la citation: «Le pas que propose de franchir le projet de loi n° 51, c'est-à-dire l'élimination de ces plages au profit d'une seule catégorie de personnes jugées aptes, vient élargir considérablement cette aire de souplesse, ouvrant toutefois la porte à une part d'arbitraire significativement plus large.»

Un peu plus loin, lorsqu'on parle de l'inefficacité, à venir jusqu'à maintenant, des programmes d'égalité, on dit: «Notons toutefois que l'échec – et je cite – pourrait être attribuable à divers autres facteurs, notamment au fait que le programme ne s'appliquait qu'aux emplois permanents, ou qu'il n'ait pas fait l'objet d'une publicité suffisante ou bien ciblée, ou encore que les outils de sélection n'aient pas été validés, ou que, en raison de l'accent placé sur d'autres programmes, des attentes suffisamment précises n'aient pas été signifiées aux gestionnaires responsables.» Un peu plus loin, on dit: «Cette situation peut notamment résulter de l'utilisation de méthodes de sélection qui ont pour effet d'exclure de façon disproportionnée les membres de certains groupes.» Plus loin: «Le programme d'accès à l'égalité – puis, on rappelle, pour les femmes, à l'intention des femmes – a fait l'objet d'une volonté politique clairement exprimée, a permis des avances importantes, sans qu'on ait à abolir le rangement par candidatures.»

Et, dernière citation: «Il apparaît à la Commission des droits de la personne qu'une réévaluation des outils de dotation du personnel actuellement utilisés ainsi que la recherche d'une rénovation des approches et instruments dont la validité ou l'efficacité seraient mises en question lors de cet examen devraient précéder toute décision d'abolir le rangement par niveaux.»

M. le Président, on voit que là ce sont des réserves et des divergences exprimées par la Commission des droits de la personne dans un rapport fort bien étayé. Je pense qu'elle souligne un point important pour tout gestionnaire qui a eu de l'expérience, que ce soit dans l'administration publique ou dans le secteur privé: ce n'est pas uniquement en modifiant une loi, uniquement en modifiant un règlement, ou encore en donnant des directives qu'on va obtenir du succès dans l'application de programmes, tel celui de l'accès à l'égalité.

Il y a d'autres conditions de réussite encore plus importantes, et je voudrais en citer quelques-unes. D'abord, un engagement ferme de la haute direction, donc de l'organisation centrale d'une organisation, que ce soit de l'entreprise ou du gouvernement. On doit désigner un responsable pour toute une opération comme celle-là, responsable qui relève d'un haut niveau hiérarchique dans l'organisation. Il faut susciter l'adhésion des gestionnaires, établir une stratégie de communication continue afin de pouvoir constamment maintenir la sensibilité des gens à des objectifs exprimés.

(11 h 30)

Nous avons demandé au président du Conseil du trésor de produire des études ou des analyses – et ça va dans le sens de la Commission des droits de la personne – qui démontrent que l'inefficacité des programmes d'accès a été causée par la Loi de la fonction publique et non pas par le manque de leadership de la haute direction gouvernementale. Alors, le ministre nous a dit, en commission parlementaire, le 28 mai, qu'un bilan était en préparation, que ce serait dans les meilleurs délais. Le ministre a répondu à une de mes questions en disant – le bilan: «On me dit: D'ici la fin juin, sous réserve de l'approbation. Ça vient au Conseil du trésor.»

Or, c'est ce qui indique, M. le Président, que le projet de loi a été déposé sans que vraiment le gouvernement ait pris connaissance, semble-t-il, d'un bilan qui aurait été terminé, bilan sur les programmes d'accès à l'égalité des chances en emploi dans la fonction publique québécoise. Et, si je réfère à la commission parlementaire du 2 septembre dernier, je mentionne, en parlant au ministre: «Vous aviez fourni quelques documents. Par ailleurs, vous aviez également informé que le Conseil du trésor était en train de terminer un document faisant le bilan des programmes d'accès à l'égalité des chances sur la portée en emploi dans la fonction publique du Québec de 1980 à 1998.» Le ministre avait indiqué que ce bilan était presque terminé, mais pas tout à fait, mais que ça serait vers la fin juin.

Donc, réponse du ministre: «M. le Président, ce bilan n'est pas terminé. Mais, dès qu'il sera terminé, je vais le publier. C'est un document qui va être public, de toute façon.» Donc, rappelant qu'il avait parlé de la fin juin pour le dépôt de ce bilan, le ministre a répondu, et je cite: «En tout cas, je ne l'ai pas encore reçu. Moi, je ne l'ai pas reçu.» Donc, M. le Président, un vrai bilan qui ne comporte pas seulement des statistiques, statistiques auxquelles le gouvernement nous a habitués dans beaucoup de secteurs, mais également un bilan qui comporte une analyse qualitative sur les raisons expliquant la non-atteinte des objectifs et l'inefficacité de la mise en place des programmes d'accès à l'égalité.

Est-ce que les conclusions du bilan n'étaient pas favorables et que quelqu'un a décidé de le reléguer, comme on dit, aux calendes grecques? Est-ce que c'est là ce qu'on peut appeler de la transparence? Parce qu'un bilan comme celui-là aurait pu nous indiquer: Est-ce que, par exemple, les plans d'action ministériels en matière d'accès à l'égalité qui ont été élaborés au début ont été tenus à jour? Est-ce qu'il y a eu des activités de communication, de sensibilisation et de formation pour les gens qui avaient à les mettre en oeuvre? Est-ce qu'on a consacré aux programmes d'accès à l'égalité les ressources et les budgets requis pour que ça puisse être un succès? Est-ce qu'on a examiné ce qui se fait dans d'autres juridictions et où, sans avoir justement ce regroupement par niveau, peut-être que les programmes n'ont pas été nécessairement des succès? Quel est l'impact, par exemple, du fait que les clientèles soient principalement à Montréal et que la majorité des postes dans la fonction publique soient à Québec? Y avait-il un comité interministériel, par exemple, pour assurer le suivi, un réseau de répondants pour mettre en place ces programmes?

Donc, toutes ces questions, M. le Président, on n'a pas de réponses. Et le ministre nous dit: «Le bilan, je ne l'ai pas reçu.» Ce que ça nous indique, la réponse du ministre, c'est que la modification qui est proposée dans le projet de loi n° 51, qui abolit le regroupement par niveau, qui affaiblit le principe du mérite, cette modification a été déposée sans que nous ayons une analyse, non seulement une analyse statistique, mais une analyse qualitative qui justifie la nécessité de cette modification pour assurer le succès des programmes d'accès à l'égalité.

Le ministre nous avait dit: «J'aurai un bilan au mois de juin.» Au mois de septembre, il dit: «Il n'est pas encore prêt, je ne l'ai pas encore vu.» J'espérerais que le ministre, à qui on a permis de donner un autre délai, puisse aujourd'hui déposer en cette Chambre le bilan qui devait être prêt pour la fin du mois de juin alors que nous sommes rendus au 28 octobre, soit quatre mois plus tard.

Et vous connaissez bien l'insistance et la préoccupation du ministre pour la gestion par résultats, la nécessité de rencontrer les objectifs, de bien rencontrer les échéances. Et donc je dois vous dire que je suis un peu surpris de voir qu'un bilan dont, dit-il, il n'a pas pris connaissance avant de déposer le projet de loi, dont il nous avait dit qu'il serait terminé normalement vers la fin juin, il ne l'avait pas encore reçu au mois de septembre et que, rendu au 28 octobre, nous n'ayons pas encore le bilan.

M. le Président, comme opposition officielle, je pense que nous avons fait notre devoir mais que nous avons démontré que le gouvernement, lui, n'a pas fait ses devoirs, les devoirs qu'il aurait dû faire et qui auraient permis aux parlementaires et à tous les autres intervenants d'être mieux éclairés et de porter un jugement.

Je dois dire également, et je pense que c'est important parce que le ministre tout à l'heure a dit: Écoutez, l'opposition a retardé indûment l'adoption du projet de loi, l'opposition n'a pas voulu qu'on puisse l'adopter avant la fin du mois de juin... M. le Président, je voudrais tout simplement rappeler au ministre que, s'il avait déposé le bilan dont il a parlé, bilan qui aurait démontré la nécessité justement d'apporter cette modification à la Loi de la fonction publique, je puis l'assurer que nous aurions rapidement adopté le projet de loi. Mais ça n'a pas été le cas.

Il n'a pas été capable de nous démontrer que c'était un obstacle et que cette modification était nécessaire, malgré les engagements ou les promesses qu'il avait faites. Et donc, si ça a été retardé, M. le Président, qu'on ne vienne pas imputer le blâme à l'opposition. Si le ministre avait déposé son bilan démontrant la nécessité de le faire – et nous l'avions dit lors de la discussion sur le principe du projet de loi en deuxième lecture – nous aurions rapidement adopté le projet de loi. Donc, nous avons fait nos devoirs. Le ministre, malheureusement, n'a pas fait ses devoirs.

M. le Président, nous allons, malgré tout, l'appuyer, le projet de loi. Mais ce que je veux vous dire cependant, c'est que nous nous engageons à suivre l'application de cette loi, d'abord, sur tout ce qui touche et ce qui pourrait s'apparenter à du favoritisme et à de l'arbitraire, deuxièmement, sur la réalisation des objectifs énoncés par le gouvernement.

Et, à cet égard, je demande au président du Conseil du trésor de faire ce qui n'a pas été fait depuis un certain nombre d'années et qui a été noté d'ailleurs par la Commission des droits de la personne dans son rapport, de faire un vrai bilan annuel de la mise en place des programmes d'accès à l'égalité, conformément à l'article 80 de la Loi de la fonction publique, et non pas de nous faire uniquement un autre rapport statistique, comme il fait, inséré dans une partie du rapport annuel du Conseil du trésor.

Il est important, M. le Président, que ce projet de loi ne soit pas, encore une fois, un coup de marketing politique. Les gestes doivent suivre le discours. On doit dans la fonction publique, on doit également dans notre langage et dans notre comportement comme parti politique faire une vraie place aux membres des communautés culturelles, assurer une vraie place dans la fonction publique à ces membres et non pas seulement une place virtuelle. Nous devons tous être conscients de l'importance de l'efficacité des programmes d'accès à l'égalité afin que la fonction publique du Québec, notre fonction publique, reflète réellement la réalité sociodémographique de notre société contemporaine. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vaudreuil. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission?


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 51, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, compte tenu de l'heure, je suggérerais qu'on suspende nos travaux jusqu'à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que la motion est adoptée? Adopté. Alors, nous suspendons donc nos travaux jusqu'aux affaires du jour, cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de la Justice.


Rapport du Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales sur leur régime de retraite et régimes collectifs d'assurances

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, je dépose le rapport du Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales en regard de leur régime de retraite et avantages sociaux reliés à ce régime et aux régimes collectifs d'assurance.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le leader du gouvernement, au nom du ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


Rapports annuels du Conseil des assurances de dommages et du Conseil des assurances de personnes

M. Brassard: Alors, M. le Président, je dépose les rapports annuels 1998 suivants: Conseil des assurances de dommages et Conseil des assurances de personnes.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: S'il vous plaît, je demanderais, M. le Président, le consentement pour déposer la déclaration en faveur d'un barème plancher à l'aide sociale, s'il vous plaît, qui a été signée par 700 associations à travers le Québec, et aussi signée par des députés du Parti québécois et des députés du Parti libéral du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Est-ce que ce n'est pas assimilable à une pétition non conforme?

Le Président: Je n'ai pas vu le document. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, si le leader du gouvernement consent à ce que ce soit déposé, à ce moment-là, comme une pétition non conforme... le consentement a été sollicité parce que des députés, entre autres, des deux côtés de l'Assemblée avaient signé le document. Qu'on le fasse à ce moment-ci ou au moment des pétitions.


Rapport de mission auprès du Landtag de Bavière et entente entre le Landtag et l'Assemblée nationale en matière d'échanges interparlementaires

Le Président: Bon, bien, dans ce cas-là, on le fera à l'étape des pétitions, si vous le voulez bien.

Pour ma part, je dépose le rapport d'une mission que j'ai effectuée auprès du Landtag de l'État libre de Bavière, à Munich, République fédérale d'Allemagne, du 11 au 13 octobre dernier. Au cours de cette mission, j'étais accompagné de M. le député de Portneuf, de M. le député de Saint-Maurice et de M. le député de Marquette.

Et je dépose également copie du texte de l'entente intervenue à cette occasion entre le Landtag de Bavière et l'Assemblée nationale du Québec le 12 octobre 1999. Cette entente, qui favorisera les échanges interparlementaires entre nos deux institutions, est le résultat d'un rapprochement entre nos deux Parlements, un rapprochement qui s'est manifesté par plusieurs rencontres et par la signature d'un protocole d'entretien.

Au dépôt de rapports de missions, M. le député de Portneuf et président délégué de la délégation de l'Assemblée nationale pour les relations avec l'Europe.


Rapport de mission en République fédérale d'Allemagne de la Délégation de l'Assemblée nationale pour les relations avec l'Europe

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la mission de la délégation de l'Assemblée nationale pour les relations avec l'Europe, tenue à Munich, du 9 au 16 octobre 1999, au cours de laquelle j'étais accompagné par M. le député de Saint-Maurice et M. le député de Marquette.

Le Président: Très bien, ce document est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour un dépôt de pétition non conforme, s'il vous plaît.

Le Président: Alors, j'avais compris qu'il y avait consentement.


Instaurer un barème plancher pour les prestataires de la sécurité du revenu

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Alors, il s'agit de la déclaration en faveur d'un barème plancher à l'aide sociale, un minimum pour couvrir les besoins essentiels.

«La solidarité déployée tant par la population que par le gouvernement à l'endroit des personnes sinistrées par suite des inondations au Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la tempête de verglas a démontré que l'engagement à assurer à tous les citoyens, citoyennes la couverture de besoins essentiels, tels le gîte, la nourriture et les médicaments, constitue une valeur fondamentale de la société québécoise;

«Dans ce même souci de solidarité élémentaire, le Québec doit assurer la couverture des besoins essentiels pour tous citoyens, citoyennes dans l'éventualité où ceux-ci se trouveraient dépourvus de ressources nécessaires, que ce soit par cause de maladie, de perte d'emploi ou de revenus insuffisants. À cette fin, les Québécois, Québécoises doivent pouvoir compter en dernier recours sur la sécurité du revenu minimum, garantie dans la loi par un barème plancher dont le montant serait à déterminer, en deçà duquel aucune saisie, ponction, pénalité, coupure ne puisse s'appliquer;

«Nous demandons donc au gouvernement d'amender la loi à cet effet afin d'assurer à tous les Québécois, Québécoises une couverture minimale de leurs besoins essentiels.»

Et, M. le Président, cette déclaration a été signée par 700 associations à travers le Québec et par des députés du Parti québécois et des députés du Parti libéral du Québec. Merci.

Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Alors, le document est déposé. M. le député de Vaudreuil, maintenant.


Tenir une consultation générale sur la mission et l'organisation d'Emploi-Québec

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je veux déposer l'extrait d'une pétition conforme adressée à l'Assemblée nationale par 230 pétitionnaires représentant 14 groupes, organismes communautaires et entreprises de la région de Vaudreuil-Soulanges et de Valleyfield.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le cafouillage administratif et politique qui règne au ministère de l'Emploi;

«Considérant l'incapacité de la ministre de l'Emploi et de son gouvernement à corriger la situation;

«Considérant les dommages causés aux chômeurs, aux personnes assistées sociales et aux chercheurs d'emplois par l'incompétence de ce gouvernement;

«Considérant la perte de confiance de la population du Québec à l'endroit des services publics d'emploi;

«Considérant le désengagement du gouvernement du Québec dans le financement des mesures actives destinées aux personnes désirant améliorer leur compétence et leur chance d'accéder à un emploi rémunérateur et stable;

«Considérant le manque de transparence dans la gestion de la ministre de l'Emploi;

«Considérant les coupures inacceptables et les modifications sans consultation que la ministre est en train de faire dans les programmes de préparation, d'insertion, de maintien et de création d'emplois;

«Considérant les pertes considérables d'expertise que ces coupures font subir aux services externes partenaires d'Emploi-Québec dans la lutte au chômage, à la pauvreté et à l'exclusion;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale qu'elle exige du gouvernement du Québec la tenue d'un débat public élargi sur la mission, l'organisation et le rôle d'Emploi-Québec dans l'application d'une véritable politique active du marché du travail afin de mettre fin au cafouillage actuel, au manque de transparence et à l'improvisation dont les victimes sont les personnes les plus démunies de la société québécoise et qu'à cette fin le gouvernement organise une commission parlementaire permettant aux chômeurs, aux personnes assistées sociales, aux chercheurs d'emploi, aux groupes communautaires, aux entreprises d'insertion, aux partenaires du marché de même qu'aux commissions scolaires de se faire entendre.»

Et je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: La pétition est déposée. M. le député de Shefford.

(14 h 10)

M. Brodeur: Merci. Je sollicite le consentement de l'Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement, M. le député de Shefford.


Réduire le nombre d'élèves par enseignant dans les écoles primaires et secondaires et accroître la quantité et la qualité des services éducatifs

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 440 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la région de Granby.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le nombre d'élèves par enseignant ne cesse d'augmenter – 30 élèves par enseignant n'est pas exceptionnel;

«Considérant que les services en psychologie et en orthophonie, les aides pédagogiques et les services aux enfants handicapés ou ayant des difficultés d'apprentissage ont été réduits de façon dramatique;

«Considérant que les politiques fiscales actuelles du gouvernement ne font qu'augmenter la charge de travail des enseignants, sans reconnaître leurs efforts et leur engagement auprès des élèves;

«Considérant que l'éducation vise à ce que les élèves deviennent des membres actifs et productifs au sein de notre société;

«Considérant que les politiques fiscales actuelles du gouvernement compromettent sérieusement la qualité de l'éducation de nos enfants;

«Considérant que le gouvernement actuel nous a démontré au cours des dernières années son manque de volonté politique pour corriger définitivement la situation, et ce, en dépit des demandes des parents et des enseignants maintes fois répétées;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Réduire le nombre d'élèves par enseignant dans les écoles primaires et secondaires; assurer que tous les enfants reçoivent les services et aient accès à des ressources humaines qui leur permettront de se développer à leur plein potentiel; assurer la reconnaissance du travail réellement fait par les enseignants.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Cette pétition est également déposée.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. Je cède la parole d'abord au chef de l'opposition officielle.


Crédits alloués à la santé et aux services sociaux


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Hier, à l'Assemblée nationale, l'opposition libérale a présenté une résolution qui se lisait de la façon suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec somme le gouvernement péquiste de mettre fin sans délai à toutes compressions budgétaires dans les services à la population en matière de santé.»

Or, le premier ministre et son gouvernement ont voté contre cette résolution hier, à l'Assemblée nationale, M. le Président. Pourtant, ce n'est pas ce que le premier ministre disait le 28 septembre 1997, alors qu'il annonçait la fin des compressions dans la santé. Ce n'était pas ce que le gouvernement disait le 6 mars 1999, alors qu'on annonçait: «Fini les compressions en santé. Pauline Marois annonce un changement de cap.»

M. le Président, le 20 mars 1999, vous vous rappellerez sans doute la série excitante «Les confidences de Pauline Marois», un des titres, c'était: «Les visites surprises aux urgences pour voir les vraies affaires», et un autre, c'était, et je cite: «Il était temps que ça finisse. L'effort demandé au réseau de la santé a été considérable, il était temps que ça finisse et qu'on mette de l'argent.» Signé Mme Marois, M. le Président. Et finalement: «L'argent ira dans les soins de santé», assure Mme Marois.

M. le Président, ma question est au premier ministre, c'est la suivante: Pourquoi ne tient-il pas sa parole? Pourquoi continue-t-il à couper dans la santé?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement a investi, cette année, dans le domaine de la santé 1 700 000 000 $. Et je vois le chef de l'opposition nous reprocher de couper dans la santé. Nous avons mis en place une réforme très importante, mais nous nous sommes engagés à réinvestir dans la santé cette année en effaçant les déficits antérieurs. L'argent que nous investissons dans la santé, en addition à ce que nous avons fait l'année précédente, est de l'ordre de 1 700 000 $.

M. le Président, le domaine de la santé est un domaine extrêmement délicat, je dirais explosif, dans à peu près toutes les sociétés avancées du monde, tous les pays, du fait du phénomène du vieillissement, de l'alourdissement des coûts dans le domaine de la santé, puisqu'apparaissent des nouveaux traitements, des nouveaux équipements technologiques qui font en sorte que les régimes de santé, surtout dans les pays où ils sont très généreux – comme c'est le cas au Québec et au Canada – sont très difficiles à soutenir. C'est une situation que nous suivons de très près, je dirais presque de jour en jour. Nous sommes à évaluer tout cela, et mes collègues des autres provinces vivent les mêmes problèmes, et je pense que les gens, au Québec, comprennent que le domaine de la santé n'est pas un domaine facile à gérer.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, ce que la population, les citoyens du Québec comprennent, c'est que les malades, au Québec, souffrent actuellement.

Pendant la campagne électorale, le 2 novembre, le premier ministre et son gouvernement annonçaient: «Un gouvernement du Parti québécois s'engage à mettre fin à toutes compressions dans le secteur de la santé puis des services sociaux.» Et permettez-moi de ramener le premier ministre à la réalité. Il a beau plaider que le problème est difficile, il reste toujours que son gouvernement continue à couper dans la santé. Aujourd'hui, on nous annonce un déficit de 24 000 000 $ au centre hospitalier associé, ici, dans la région de Québec, l'Hôpital de L'Enfant Jésus– Saint-Sacrement. Le CHUQ, Centre hospitalier universitaire de Québec, prévoit pour sa part un déficit de 34 000 000 $. L'ensemble des hôpitaux québécois se dirigent vers un déficit de 300 000 000 $, M. le Président. Les déficits et les dettes que son gouvernement a provoqués dans le système de la santé vont continuer malgré ce qu'il vient de nous dire.

Dans le même article, on nous dit: «Par ailleurs, la direction du CHUQ s'est engagée à faire des compressions de 5 000 000 $ au cours des six prochains mois afin de diminuer son déficit. Des travaux de rénovation seront retardés, et, direction par direction, on cherche des moyens de réaliser des économies. L'accessibilité à certains services pourrait être touchée.»

M. le Président, dans le journal La Presse du 21 octobre, si ça peut informer le premier ministre de ce qui se passe, on nous annonçait ceci: «Le CLSC Longueuil-Ouest a annoncé hier qu'il devait réduire le nombre de cliniques de vaccination contre la grippe pour les personnes âgées et malades en raison des compressions budgétaires. Au lieu de tenir 20 cliniques, comme l'an dernier, ils en organisent 12. Le nombre de vaccins sera réduit de 1 200 à 700.» Je cite: «C'est une des mesures extrêmes que nous devons prendre, comme de cesser de donner 85 bains par semaine à des personnes inscrites au programme de maintien à domicile. Il faut être rendu au bout de la corde pour réduire ces services qui font partie de notre mission, explique le directeur, Luc Genest. Devant un déficit anticipé de 500 000 $, le CLSC se voit contraint de diminuer plusieurs services ainsi que l'accessibilité aux soins infirmiers. Le budget est de 7 000 000 $, les compressions évaluées à 45 000 $.»

Et je cite encore: «Une situation grave en raison de ses conséquences, reconnaît M. Genest, surtout que nous desservons une population très défavorisée. Derrière chaque coupe, il y a un drame humain.»

M. le Président, si le premier ministre n'est pas sensible à ce qui se passe dans la région du CLSC, dans Lanaudière, ou encore ici, dans la région de Québec, peut-être que dans sa propre région... Le journal Le Quotidien , le 18 septembre, nous annonçait également...

Le Président: M. le chef de l'opposition, je voudrais juste vous faire remarquer que vous êtes à 2 min 30 s pour un question complémentaire. Je pense que le moment est venu de poser directement la question, vous aurez d'autres occasions de citer d'autres textes. S'il vous plaît.

M. Charest: J'aurai d'autres occasions, malheureusement, de le faire, M. le Président.

Moi, je veux savoir de la part du premier ministre aujourd'hui s'il reste un peu de coeur dans ce gouvernement-là et s'il a l'intention d'arrêter les compressions qu'il est en train d'imposer aux plus défavorisés de notre société, à des gens âgés, à des gens malades, des coupures insensées qui victimisent les plus vulnérables dans notre société, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition parle de compressions. Je viens de répéter que nous avons investi plus de 1 700 000 000 $ de plus dans la santé cette année. C'est un effort extrêmement considérable que nous faisons, à l'intérieur d'une gestion très rigoureuse. Quand le chef de l'opposition réfère à l'existence de déficits dans les hôpitaux, ce n'est pas une chose nouvelle. Nous savons très bien que, depuis plusieurs années, il y a des déficits qui se créent dans les hôpitaux, surtout dans certains hôpitaux – nous sommes en train de travailler sur la question – des hôpitaux de type universitaire, des hôpitaux de type régional – c'est le cas de Chicoutimi, par exemple – qui reçoivent les cas les plus lourds, qui doivent assumer des fonctions de gestion universitaire; ce sont des dossiers que nous regardons présentement de façon très attentive.

Mais, quand il parle de déficits et ensuite de compressions pour rétablir, redresser des situations financières, notons que, quand l'argent est dépensé en déficits, ce sont des services qui ont été rendus, c'est de l'argent qui a été dépensé pour des services. Il faut donc faire en sorte que les hôpitaux au Québec, les établissements au Québec, comme les municipalités, comme le gouvernement, comme tout le monde, puissent gérer à l'intérieur de budgets. Il y a une telle chose que la cohérence. Le chef de l'opposition nous rappelle constamment – et c'est une chose sur laquelle nous sommes tout à fait d'accord avec lui – qu'il faut réduire les impôts, il nous rappelle qu'il fallait réinvestir dans la santé – nous l'avons fait au niveau de 1 700 000 000 $ cette année – mais il va falloir qu'il soit cohérent. Et je voudrais lui rappeler ce que son président de Commission politique lui a dit, Me Blanchard, à l'effet qu'il faut être cohérent et qu'on ne peut dire d'un côté qu'on va baisser les impôts et de l'autre qu'on va réinvestir massivement dans toutes sortes de programmes sociaux, M. le Président.

(14 h 20)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre disait exactement cela l'été dernier, qu'il fallait réduire les impôts, créer de l'emploi, que ça ajoutait des revenus au gouvernement. Alors, je me surprends aujourd'hui qu'il soit en contradiction avec cela. Mais peut-être que, dans ces questions, il y a une espèce de tendance. Ça me fait penser à Emploi-Québec, où on a ajouté de l'argent mais on coupe tout le monde. Là, la même chose est vraie dans le domaine de la santé.

Comment explique-t-il qu'en réinvestissant de l'argent apparemment qu'ils vont fermer la clinique de périnatalité au complexe hospitalier de la Sagamie, dans sa propre région? Mais permettez-moi de lui citer de vive voix ce qui se passe dans le réseau de la santé, où il prétend qu'on a investi de l'argent, parce que, chez nous, dans les Cantons-de-l'Est, au CUSE, aujourd'hui il y a une crise actuellement dans les salles d'urgence, et permettez-moi de lui citer une dame, qui s'appelle Gaétane Boucher, qui dit ceci. Gaétane Boucher, d'Asbestos, qui doit être hospitalisée pour des problèmes d'angine, afin de subir des tests, a également exprimé son indignation – et je cite: «J'ai la face collée sur le local des produits sanitaires pour l'entretien ménager. C'est bien simple, je me sens comme un sac à poubelle.»

M. le Président, comment le premier ministre peut-il se lever puis regarder droit dans les yeux les Québécois et dire qu'il a réinvesti de l'argent dans la santé, alors qu'il continue à couper sauvagement dans le système de soins de santé et à frapper sur les plus vulnérables dans la société québécoise?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, les Québécoises et les Québécois sont des gens qui sont responsables et qui ont, depuis maintenant près de trois ans, quatre ans même peut-être, entendu les cris de l'opposition qui, chaque fois qu'elle en a l'occasion, nous rapporte la difficulté qu'il y a maintenant de gérer la question de la santé, et qui d'ailleurs le fait, comme on vient de voir le chef de l'opposition, d'une façon assez démagogique, citant des cas d'espèce, des individus, des témoins. Nous pouvons regarder les Québécois en face, nous pouvons les regarder dans les yeux et leur dire que nous gérons de façon responsable la richesse et les possibilités québécoises, que nous avons fait une réforme indispensable, dans le domaine de la santé, qu'aucun gouvernement libéral n'a osé aborder par la suite, même s'il savait qu'il fallait le faire, que nous avons reçu des félicitations de l'ancien ministre des Affaires sociales du gouvernement libéral quant à la façon de gérer la réforme de la santé.

Nous voudrions pouvoir dépenser plus dans la santé, M. le Président, comme tous les gouvernements provinciaux du Canada. Nous voudrions le faire. Premier obstacle: nous avons été coupés radicalement par le gouvernement fédéral dans les transferts de paiements qui doivent servir au financement des soins de santé. Et le chef de l'opposition lui-même, alors qu'il jouait un autre rôle à Ottawa et qu'il faisait entendre sa voix au soutien justement de la vérité et de la responsabilité, disait que le responsable des problèmes de la santé, ce n'est pas Jean Rochon, ce n'est pas Lucien Bouchard, c'est Jean Char... c'est Jean Chrétien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Contribution d'Emploi-Québec au financement des services de formation générale, professionnelle et technique


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Dans un document signé par la ministre au Travail et conjointement avec le ministre de l'Éducation, il était indiqué qu'«Emploi-Québec contribuera au cours de l'année 1999-2000 au financement du service de formation générale, professionnelle et technique pour une somme de 100 000 000 $».

Et la question est simple, M. le Président: Est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire combien de cette somme a été dépensé à date par Emploi-Québec et versé aux commissions scolaires et aux cégeps?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, il y a quelques jours – j'ai eu un état de situation à ce sujet-là – nous étions à hauteur de 58 000 000 $, au moment où Emploi-Québec n'était pas réactivé totalement. Alors, je pense qu'on est déjà... Avant de prendre panique, on est à la moitié de l'année, il y a déjà 50 000 000 $ d'engagés avec le système d'éducation, avec Emploi-Québec.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation, qui depuis le début de la crise d'Emploi-Québec reste silencieux, peut nous dire comment il peut accepter que, uniquement au niveau du collégial, c'est une baisse de 97 % de formation dans la région de Québec, de 100 % sur la Côte-Nord, de 90 % dans la région du premier ministre, au Saguenay–Lac-Saint-Jean? Comment peut-il rester muet et croire qu'on va atteindre le rythme de croisière dont parle la ministre de l'Emploi, alors que le plus fort des inscriptions, on le sait tous, se fait au mois de septembre?

Il y a déjà la moitié des gens qui n'ont pas été admis, il y a 4 440 personnes de moins, dans le réseau collégial, que l'an passé qui vont être admises, et tout ce qu'on entend de la part du ministre de l'Éducation, c'est rien en cette Chambre et, à l'extérieur, que la formation, c'est important. Peut-il nous dire s'il est la nouvelle victime d'Emploi-Québec?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Ma collègue la ministre de l'Emploi et moi-même, nous croyons tous les deux qu'effectivement la formation est souvent essentielle pour réintégrer un emploi. Ce sera d'ailleurs un des piliers de la politique de la formation continue qu'on est en train, ensemble, de mettre en place. En attendant, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Legault: En attendant, M. le Président, je rappellerais que les cours, les services d'éducation sont ouverts, au Québec. Je tiens à le rappeler, M. le Président: dans nos commissions scolaires, dans nos cégeps, les cours de formation professionnelle et les cours de formation technique sont accessibles à tous ceux et celles qui veulent s'y inscrire et ils sont offerts gratuitement. M. le Président, quand je regarde les centaines de millions de dollars qu'on a investis dans nos équipements, dans la formation professionnelle et technique, on a au Québec des véritables usines. On a des centres de formation professionnelle et technique où on offre des formations qui mènent vers l'emploi, et c'est gratuit.

M. le Président, les trois députés qui ont fait une petite tournée au Québec, je les inviterais à aller faire une petite tournée en Ontario. Ils verraient que la formation professionnelle et technique en Ontario, ça coûte très cher. Il y a des droits de scolarité très élevés, des droits d'utilisation très élevés. Au Québec, c'est gratuit, M. le Président.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: J'espère que le ministre de l'Éducation fait la même crise à sa collègue de temps en temps. M. le Président, comment le ministre de l'Éducation peut-il dire sérieusement en cette Chambre qu'on a des beaux équipements, qu'on a des beaux locaux, qu'on est à la fine pointe, alors que sa collègue coupe pour 82 % la formation technique uniquement au niveau collégial? C'est une étude de la Fédération des cégeps du Québec. Eux autres, ils ne sont pas en tournée non plus, ils sont direct sur le terrain, eux autres. Ils ne sont pas ici, ils sont sur le terrain. Il y en a 82 % de moins.

Qu'est-ce que vous allez faire, M. le ministre, à part continuer de vous autoconvaincre que ça va bien dans la formation au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey, je pense que... Ça ne rehausse pas le standard de qualité de l'institution, en tout cas. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je le répète, au 30 septembre 1999, le total de liens entre Emploi-Québec et le ministère de l'Éducation était à hauteur de 58 000 000 $. Au 30 septembre, Emploi-Québec n'était pas en action à son maximum. Nous nous remettons en action, et c'est clair que la formation technique, la formation professionnelle, c'est une priorité parce que c'est des chemins extrêmement pertinents pour les gens pour qu'ils puissent retourner sur le marché du travail. Mais, à la fin du mois de septembre, à la mi-année, nous étions à près de 60 000 000 $. Alors, avant de crier au drame, il faudrait voir comment les choses vont se dérouler au cours des prochaines semaines.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, en question principale.


Programme de formation professionnelle d'opérateur spécialisé dans le textile offert en Beauce


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Depuis trois ans, dans la Beauce, un programme de formation professionnelle d'opérateur spécialisé dans le textile fonctionnait très bien. Depuis que la ministre de l'Emploi s'en occupe, ça ne fonctionne plus. Dans une lettre adressée le 24 septembre au centre local de développement, au CLD Robert-Cliche, la ministre met fin à ce programme.

Pourquoi la ministre de l'Emploi, depuis le transfert de la main-d'oeuvre sous sa responsabilité, renie-t-elle aux gens de la Beauce le droit de décider des mesures appropriées pour former la main-d'oeuvre dans un secteur en croissance et où les entreprises manquent de travailleurs?

(14 h 30)

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je comprends que les députés puissent amener des questions plus pointues de ce type-là, mais je voudrais les mettre en garde. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète, oui, il y a eu un ralentissement, oui, nous sommes maintenant dans le mode de l'action et, oui, il y a un certain nombre de problématiques comme celles qui sont soulignées qui vont être réglées parce que nous réinvestissons de l'ordre de 160 000 000 $. Mais j'aimerais mettre en garde l'opposition officielle. Et, je vais vous dire, je commence à avoir des doutes sur les intentions réelles de l'opposition officielle, parce que, à chaque fois, M. le Président, qu'on lance des informations un peu comme ça, à droite, à gauche, plus ou moins vérifiées, comme dans leur propre rapport, on discrédite Emploi-Québec et, surtout, on discrédite ce processus-là que les gens peuvent prendre.

Qu'est-ce qu'on fait? On dit aux gens qui ont besoin de faire appel à Emploi-Québec que ce n'est pas bon, Emploi-Québec, et je les mets en garde de faire ça. Et, moi, je veux que, le Québec, nous réussissions, et je me pose la question: Est-ce que l'opposition officielle veut que nous établissions ces services publics d'emploi là pour tous les citoyens et les citoyennes du Québec?

Le Président: M. le député de Beauce-Nord.


M. Normand Poulin

M. Poulin: En additionnelle, M. le Président. La ministre devrait relire son courrier, hein, parce que c'est elle qui nous le mentionne dans son courrier.

Est-ce que la ministre est consciente que ce secteur d'activité, en un an, a investi 25 000 000 $, a créé plus de 200 emplois permanents et que ces entreprises-là exportent plus de 80 % de leur valeur de production? Que compte-t-elle faire, la ministre, pour répondre aux attentes et aux besoins des entrepreneurs beaucerons? C'est un besoin chez nous, Mme la ministre.

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, quand nous établissions, territoire par territoire, les besoins de la main-d'oeuvre, les besoins aussi des entreprises, il y avait des choix qui devaient se faire, et c'est vrai que, par les années passées, nous étions dans trois organisations distinctes. Il est possible qu'il y ait des choix qui se soient faits sur ces territoires-là. Ces choix se font avec les partenaires du milieu. Dans certains cas, c'est avec les centres locaux de développement; dans certains cas, avec les conseils régionaux des partenaires. Et, oui, il y a des choix qui se font parce que nous avons décidé de devenir un lieu, une organisation performante. Nous avons décidé qu'il ne devait plus y avoir de dédoublements. Nous avons décidé de faire appel au réseau public de la formation. Alors, oui, il y a des choix qui se font, et j'espère que l'opposition va nous appuyer, parce que ce qui est en cause, c'est l'établissement de services publics d'emploi. Et, très sérieusement, je me demande si l'opposition officielle tient vraiment à ce qu'on réussisse.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup, maintenant.


Entente relative aux bourses d'études du millénaire


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Après plusieurs mois où on a tourné en rond dans le dossier des bourses du millénaire, où on a vu le peu de conviction du ministre de l'Éducation, on devait se réjouir, il y a quelques minutes, de le voir présenter à la presse, donc aux Québécois et Québécoises, une entente qui devrait régler le problème, une entente avec le gouvernement fédéral. Or, l'entente, on la regarde avec intérêt et on souhaite tous, je pense que tout le monde le souhaite, qu'avec l'explosion des faillites étudiantes, l'explosion de l'endettement étudiant, ce dossier soit réglé dans le meilleur intérêt des étudiants.

Seule inquiétude qu'on peut avoir, c'est qu'à la dernière page de l'entente il y a une seule signature: celle du Québec. Or, ma question au ministre: Est-ce qu'il peut nous assurer qu'à cette heure, au moment où on se parle, cette entente est signée par les deux parties?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je dirais, d'entrée de jeu, que je n'ai pas encore le contrôle sur le gouvernement fédéral puis la Fondation des bourses du millénaire.

J'ai reçu une lettre, lundi, de Mme Stewart. Dans sa lettre, elle réfère au projet d'entente administrative que nous avons négocié avec nos représentants respectifs au mois de juin dernier. Elle nous disait dans sa lettre, lundi, que cette entente administrative était mutuellement satisfaisante, et elle dit qu'il s'agit d'une base solide pour un règlement rapide. Donc, suite à cette lettre, j'ai décidé aujourd'hui, avec le directeur de l'Aide financière aux études, de signer l'entente administrative et donc de l'expédier, avec mon collègue des Affaires intergouvernementales canadiennes, à Mme Stewart, pour lui demander d'obtenir la signature de la Fondation des bourses du millénaire.

M. le Président, les ministres, donc mon collègue et moi-même, on a respecté les priorités qui ont été convenues avec les fédérations étudiantes au collégial, universitaire, avec la Fédération des cégeps, avec la CREPUQ. Concernant le seul point qu'il y avait en suspens dans cette entente administrative au mois de juin, c'est-à-dire les fameux chèques, nous avons essayé de rassurer la Fondation et le gouvernement fédéral en leur disant que, dans les meilleurs délais, un système de dépôt direct serait mis en place, donc ce qui vient éliminer tout le problème.

Entre-temps, le gouvernement du Québec s'engage à procéder pour les chèques de la Fondation comme on le fait, selon l'Entente Canada-Québec, pour les chèques de TPS. Donc, on aura sur le chèque un logo bilingue de la Fondation, et les étudiants et étudiantes qui en feront la demande pourront avoir sur leur talon de chèque les inscriptions en anglais, donc ce qui respecte l'Entente Canada-Québec, ce qui respecte aussi la façon de faire pour la TPS. Donc, j'espère bien effectivement que, suite à cette signature, on aura bientôt la deuxième signature, c'est-à-dire la signature de la Fondation des bourses du millénaire.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce qu'on doit comprendre que la méthode de négociation du ministre... on a bien compris que c'est de rendre publique une entente, de faire comprendre à la population qu'il y a une entente, alors que, dans la pratique, c'est une entente avec une seule signature. À l'heure où on se parle, le ministre s'est entendu avec lui-même, laisse entendre à la population qu'il s'est entendu.

Est-ce que le ministre a, à l'heure où on se parle, une entente réelle qui l'assure, au moment où on fait connaître cette entente-là, que l'entente va aussi être signée par ses partenaires? Parce que, sinon, est-ce qu'il n'est pas en train de compromettre les chances de succès de l'opération et peut-être de priver les étudiants d'un montant important?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, comme je le disais hier, la base de la pédagogie, c'est de répéter. Ça, c'est le premier pilier. Le deuxième pilier, c'est de répéter dans des mots différents. Donc, je vais essayer de répéter dans des mots différents.

M. le Président, nous avons signé une entente. Et j'ajouterais que deux éléments m'ont guidé depuis le début dans la façon d'aborder ce dossier: premièrement, la résolution unanime de l'Assemblée nationale et, deuxièmement, la lettre qui a été signée par les deux chefs de parti. M. le Président, il n'y a pas seulement que l'Assemblée nationale où on a un consensus, on a aussi un consensus avec la Conférence des recteurs, la Fédération des cégeps, la fédération des étudiants au niveau universitaire, au niveau collégial. Il y a consensus partout au Québec. Il restait deux points en suspens dans l'entente administrative. L'utilisation des fonds: Mme Stewart m'a déjà dit dans une lettre qu'elle était d'accord avec l'utilisation proposée. Concernant les chèques, M. le Président, je pense que notre proposition, si tout le monde est de bonne foi, devrait être acceptée par l'autre partie aussi.

Le Président: M. le député de Châteauguay, maintenant, en question principale.


Lettre du ministre délégué aux Transports adressée à un citoyen de sa circonscription


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. On pensait avoir tout vu dans le dossier d'Emploi-Québec. Erreur. Au début septembre, un organisme régional intervenait auprès du gouvernement pour demander le respect des promesses d'argent nécessaire à l'organisme pour lutter contre l'exode des jeunes des régions. Voici un extrait de la réponse gouvernementale.

«Pierre, j'ai pris connaissance de ta lettre du 8 septembre dernier[...]. Le ton de ta lettre m'a frappé, mais, à vrai dire, pas surpris venant de toi. Tu représentes bien certains Québécois et Québécoises, encore trop nombreux, qui, pour se valoriser auprès des fédéralistes, bavent, dégoulinent sans discernement sur le gouvernement du Québec[...]. Je te défie de me prouver que tu as déjà eu la même attitude face aux multiples coupures imposées par le gouvernement fédéral. Je sais que tu n'en aurais pas le courage parce que tu as trop peur à la perte de ton emploi. Sache, mon Pierre, que ce n'est pas parce que tu travailles pour un organisme fédéral que tu dois renier tes origines et tes convictions québécoises, que je pensais naïvement plus enracinées.»

M. le Président, ma question: Comment le premier ministre peut-il accepter que son gouvernement, sur du papier du gouvernement, traite les citoyens avec autant de mépris?

(14 h 40)

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports.


M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, d'abord, je dois signaler que c'est moi qui suis l'auteur de cette lettre, et c'était en réponse à une lettre que je trouvais... D'abord, c'est un de mes amis à qui j'ai écrit, M. Pierre Béliveau.

Une voix: ...

M. Baril (Arthabaska): Non, non, c'est un de mes amis, et les gens qui me connaissent savent que j'ai un langage, que je ne cache pas mes mots, je dis ce que je pense, et la lettre qu'il avait écrite à un ministre... Je trouvais intolérable, inqualifiable la lettre et les mots qu'il avait utilisés pour écrire au ministre, pour dénoncer une situation, parce que c'est un employé qui travaille pour la SADC à Victoriaville et qui est payé par le gouvernement fédéral, et que je n'ai pas accepté qu'il vienne déblatérer sur les ministres du gouvernement du Québec.

Le Président: M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, je voudrais déposer la lettre du ministre ainsi que la lettre à laquelle il répondait par sa lettre, dont il trouve que le ton était mal approprié de sa part, mais qui est tout à fait légitime, selon moi. Je voudrais demander le consentement pour le dépôt.


Documents déposés

Le Président: Il y a consentement, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président.

Le Président: Votre question, maintenant?

M. Fournier: En additionnelle, M. le Président, au premier ministre. C'est le premier ministre que j'interpelle. Le premier ministre ne convient-il pas que, si on a ce genre de réponse de son gouvernement, d'un des membres qu'il a choisis dans son gouvernement, qui fait une distinction méprisante entre les bons et les mauvais Québécois, c'est parce qu'il a lui-même donné l'exemple lors de l'élection en créant deux classes de Québécois: les vrais, ceux qui pensent comme lui, et les mauvais, ceux qui sont dans son chemin?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je viens d'entendre lecture de cette lettre pour la première fois. J'en ignorais l'existence, j'apprends ces faits-là, j'imagine, en même temps que beaucoup de gens. Je dirais, dans un premier temps, dans une première réaction, que, si c'était une lettre officielle d'un ministre à un contribuable concernant un dossier en cours, ce n'est pas le ton que, moi, j'emploierais. Si c'est une lettre privée entre deux amis, des amis, ça peut prendre la liberté de se parler très directement. Je laisse juger sur la nature de la lettre. Est-ce une lettre privée? Est-ce une lettre entre amis? C'est une chose sur laquelle je ne me prononcerai pas pour le moment, n'ayant pas vu la lettre attentivement.

Le Président: M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, je ne veux pas abuser du temps de la période de questions, mais je trouve que c'est inacceptable de la part du premier ministre. Comment peut-il banaliser une lettre sur du papier gouvernemental, signée par un membre du cabinet qu'il a lui-même désigné, et que ce ministre répond dans un dossier qui est le dossier du cafouillis d'Emploi-Québec, sur une demande légitime pour un organisme qui veut lutter contre l'exode des jeunes des régions? Comment peut-il se lever en cette Chambre et s'associer à une lettre qui distingue encore une fois les bons puis les mauvais Québécois? Les bons, c'est ceux qui chialent contre Ottawa, puis les mauvais, c'est ceux qui voient qu'Emploi-Québec c'est un cafouillis, c'est la crise totale, pendant que, lui, il dit: Mission accomplie, tout va très bien. Comment peut-il encore banaliser? Est-ce qu'il va se lever en cette Chambre pour dénoncer ce qu'a fait le ministre et s'assurer maintenant qu'il y aura une classe de Québécois: ceux que le gouvernement va enfin respecter?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je pense que le député devrait se calmer un peu, là, on peut discuter de ces choses-là sans s'énerver. Bon. Voici une correspondance... Je n'ai pas vu la lettre, mais on va la produire. On me dit qu'elle est écrite sur un document à en-tête officiel du gouvernement, alors la première partie de ma réponse tient, ce n'est pas le ton que j'emploierais et que je jugerais acceptable dans une communication entre un ministre et un contribuable.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, vu que la lettre est déposée comme telle, est-ce que le premier ministre pourrait profiter, là – il reste 15 minutes à la période de questions – d'en prendre connaissance et venir en complément de réponse, compte tenu de l'importance du sujet?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit. J'ai entendu lecture de la lettre, on me dit qu'elle est écrite sur un document à en-tête officiel, j'ai répondu ce que j'ai répondu, je m'y tiens.

Le Président: Mme la députée de Sauvé, en question principale, maintenant.


Situation à la SODEC à la suite des allégations concernant l'octroi d'aide financière à l'industrie du film et de la télévision


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Nous savons que de nombreuses allégations ont cours sur les procédés d'octroi, l'utilisation et la vérification des aides financières versées par le gouvernement du Québec via la SODEC à l'industrie du film et de la télévision. On sait aussi que cette situation fait très mal à l'ensemble du milieu culturel, juste au moment où on se prépare à défendre la culture dans le cadre des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. On s'attendrait de ce gouvernement à ce qu'il s'empresse de clarifier la situation de façon crédible et d'apporter les corrections si nécessaires. Or, la semaine dernière, ce gouvernement a plutôt choisi d'annuler la commission de la culture, qui avait pourtant un mandat de surveillance sur la SODEC. Les dépenses de la SODEC n'ont pas été rendues publiques tel qu'attendu. Et, dans la foulée, la ministre de la Culture a annoncé qu'elle enlevait M. Pierre Lampron de son poste de président de la SODEC.

Est-ce que ce gouvernement a quelque chose à cacher?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, trois questions dans une, j'essaierai d'y répondre l'une derrière l'autre. D'abord, concernant la dernière, M. Pierre Lampron a bien voulu accepter la... Parce qu'il a été sélectionné, puis, ensuite, il y a eu discussions, il a accepté d'aller à TV5. Il est un choix excellent, extraordinaire, qui a été accueilli là-bas avec plaisir. Donc, bravo! Alors, Pierre Lampron, maintenant, est à la tête de TV5.

Ensuite de ça, la commission de la culture. Écoutez, la ministre n'a rien à voir là-dedans, vous le savez vous-même – vous êtes à l'intérieur de la commission de la culture – c'est une décision qui est simplement due à l'horaire législatif. La ministre n'a rien à voir là-dedans. Les audiences sont simplement reportées, elles auront lieu.

Et concernant les allégations, au Québec, il n'y a que des rumeurs, il n'y a que des ouï-dire. Je l'ai dit hier en Chambre à la députée de Sauvé, au Québec, il n'y a que des rumeurs. Toutefois, simplement parce qu'il y a des rumeurs, j'ai demandé qu'il y ait une évaluation de la situation. Cette évaluation me sera apportée à la mi-novembre, M. le Président. Deuxièmement, oui, il y a enquête sur Téléfilm Canada et sur CINARS; c'est à cet endroit-là, et nous surveillons la situation de près, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: M. le Président, en complémentaire, est-ce que la ministre réalise que, par des propos qu'elle a tenus, par exemple ce matin, sur des ondes radiophoniques, lorsqu'elle nous dit qu'elle demande à la SODEC de faire des vérifications au fur et à mesure que des noms sortent dans les médias, elle est en train de nous dire que, dans le fond, elle est en train de faire faire son enquête par les journalistes? À quand une enquête indépendante qui va vraiment appuyer le milieu de la culture?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, nous sommes, au Québec actuellement, dans le monde du cinéma, de la télévision, dans le merveilleux monde de la rumeur. Et les médias eux-mêmes disent, affirment qu'on n'a que des ouï-dire. Il n'y a pas de plainte actuellement de déposée au Québec. Cette rumeur est très dommageable à l'industrie du cinéma et de la télévision, c'est vrai. C'est important qu'il y ait une évaluation de la situation, mais il n'y a pas d'enquête parce qu'il n'y a pas de plainte déposée.

Toutefois, il y a une enquête faite à Téléfilm Canada par la GRC. Nous suivons de près la situation, nous pouvons demander les résultats de l'enquête simplement par entente administrative. Alors, on va attendre les résultats des véritables plaintes, de ce qui se passe véritablement à Téléfilm Canada. Et ici, au Québec, on va avoir une évaluation et, à la mi-novembre, je verrai ce qui devra être fait, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan, en question principale.


Enfants en attente de services de réadaptation


M. Russell Williams

M. Williams: Question principale, M. le Président. Nous avons appris avec étonnement, tristesse et un grand désarroi qu'il y a 3 173 enfants attendant des services de réadaptation afin de compenser des déficiences auditives, motrices, de la parole, du langage et visuelles. M. le Président, certains de ces enfants attendent depuis plus de quatre ans.

Ma question est fort simple, M. le Président: Qu'est-ce que le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux va faire pour répondre à des besoins réels? Est-ce qu'il ne comprend pas que ces enfants sont des êtres humains, qui vivent un drame humain, et qu'ils ne sont pas des statistiques pour balancer ses livres? Qu'est-ce que le ministre va faire pour ces enfants, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, cette question s'adresse à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, je prends avis de la question, elle y répondra dans une séance subséquente.

(14 h 50)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Bien, en supplémentaire, M. le Président, parce que je suis très surpris de la réponse du gouvernement là-dessus. C'est une question qui a déjà été soulevée à l'Assemblée nationale à plus d'une reprise. Et, la première fois que ça a été soulevé, la ministre de la Santé a rapporté à l'Assemblée nationale qu'elle en avait même discuté avec le premier ministre. Et les cas dont on parle – je veux juste le rappeler à la mémoire de l'Assemblée nationale – ce n'est pas des cas ordinaires, là. Puis je cite un témoignage rendu par des parents qui disaient, quand on parle d'enfants dysphasiques, audimuets, à quel point les soins sont importants. Ces soins deviennent d'autant plus nécessaires qu'ils permettent aux enfants d'intégrer la société. Sans support, sans outil, l'enfant n'évoluera pas. Il a besoin d'être stimulé, et ce, dès le jeune âge, et c'est grâce à ces soins d'orthophonie qu'il pourra intégrer l'école régulière, M. le Président. Ce n'est pas une question de dire: On va remettre ça dans trois ou dans quatre ans. Si l'enfant de cet âge-là ne reçoit pas les soins, il sera affecté par ça toute sa vie.

Alors, j'aimerais que le premier ministre me dise qu'il n'est pas capable de trouver, en quelque part dans les fonds publics de son gouvernement, 600 000 $ pour venir en aide à ces enfants-là. Est-ce qu'il dort sur ses deux oreilles, là, en sachant que son gouvernement n'est pas capable de répondre à l'appel urgent que font ces parents-là pour leurs enfants qui ont besoin de ces soins-là immédiatement?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, la question est en effet extrêmement importante. Je suis convaincu qu'elle préoccupe tous les Québécois et toutes les Québécoises, de même que tous les membres de cette Chambre, et je veux dire que la question est justement trop importante pour qu'on y réponde à peu près.

Je suis informé que la ministre a déjà rencontré les centres de réadaptation, qu'elle travaille sur ce dossier-là, et je pense que les Québécoises et les Québécois ont droit à la meilleure information, la plus pertinente, la plus actuelle, là-dessus, celle qui va émaner de la ministre responsable qui détient ces informations. Alors, elle se fera sûrement un plaisir, la semaine prochaine, à son retour en Chambre, de répondre à la question du chef de l'opposition.

Le Président: En question principale, M. le député de Limoilou.


Mandat de la Commission de la capitale nationale concernant l'aménagement d'ambassades


M. Michel Després

M. Després: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Le ministre responsable de la région de Québec est très préoccupé depuis quelques temps. Il ne s'agit pas, M. le Président, des urgentologues au CHUL qui veulent démissionner, des déficits des hôpitaux de la région de Québec, du plan de transport de la région de Québec, du projet interrives, du sous-financement de l'Université Laval; le ministre a avoué dernièrement lors d'une émission, au Point , qu'il craignait l'anarchie au lendemain d'un référendum, si les ambassades n'étaient pas prêtes.

M. le Président, le ministre a tellement peur de l'anarchie qu'il passe des commandes au président de la Commission de la capitale par les journaux, et je le cite. La question: «En attendant le prochain référendum, le ministre Bégin aimerait bien que la Commission de la capitale se penche sur le dossier des ambassades. Est-ce qu'on doit attendre – la réponse – un oui? "Ma réponse, c'est qu'on devrait immédiatement songer à un développement de l'aménagement des ambassades."»

Cependant, M. le Président, en commission parlementaire, le président de la Commission de la capitale me déclare, suite à ma question: «Je suis étonné de savoir quelles sont les attributions que le ministre confère à la Commission, parce que les seules choses que je sache de sa pensée, bien, je les sais en regardant les nouvelles télévisées ou en lisant les journaux.» Et le président rajoute: «La loi que vous connaissez ne fait aucunement référence [...] de quelque façon que ce soit, ni dans son préambule ni dans son dispositif, à la souveraineté du Québec.» Et à une autre question, il a dit, M. le Président: «Oui, nous n'avons pas travaillé sur l'aménagement des ambassades et nous n'avons pas l'intention de le faire.»

Ma question est simple, M. le Président: M. le ministre, qui dit vrai: le président de la Commission de la capitale ou le ministre responsable des ambassades de la capitale?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement, responsable de la capitale nationale.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, le député de Limoilou a utilisé des mots que je n'ai pas utilisés, qui sont «l'anarchie». Je pense que c'est le temps d'appliquer le slogan qu'on connaît bien, que tout ce qui est exagéré est insignifiant. Ça s'applique parfaitement à ce qu'il vient de dire.

M. le Président, une Loi sur la Commission de la capitale nationale a été votée à cette Assemblée, et on lit, à l'article 15.3, ce qui suit: Elle – en parlant de la Commission – est chargée de conseiller le gouvernement – et je cite – «sur toute question concernant l'aménagement de la capitale et ses environs, dont notamment – et je passe un bout – la localisation des missions diplomatiques et des organisations internationales et les conditions d'une présence internationale».

M. le Président, ce que j'ai dit, c'est que, effectivement, il y avait plusieurs mandats qui relevaient de la Commission de la capitale nationale, dont celui-là, et qu'il m'apparaissait logique, dans une planification d'un projet qui a failli être réalisé à 0,5 % près, lorsqu'on avait un tel mandat, de penser un peu plus loin que le bout de son nez et de prévoir ces choses-là.

Le Président: M. le député de Limoilou.


M. Michel Després

M. Després: M. le Président, j'invite le ministre à écouter ses propres déclarations à Radio-Canada, au Point , qu'il a faites il y a 15 jours, parce qu'il a utilisé le mot «anarchie». Et maintenant, étant donné que le président de la Commission et lui, comme ministre, se contredisent, qu'est-ce qu'il a l'intention...

Le Président: M. le député, alors, comme le président était debout, M. le député de Limoilou, parce que vous n'agissiez pas de façon réglementaire, je vous invite à poser votre question de façon réglementaire pour qu'elle soit comprise. La question seulement.

M. Després: M. le Président, est-ce que le ministre peut écouter ses propres déclarations, parce que, voilà 15 jours, il a utilisé à Radio-Canada le mot «anarchie», si le gouvernement n'était pas prêt le lendemain d'un Oui au référendum? Étant donné, maintenant, qu'il se contredit avec le président de la Commission de la capitale nationale, est-ce qu'il a l'intention de modifier la loi ou de changer le président de la Commission?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je soumets que la loi est bien faite. Elle dit ce qu'elle à dire. Deuxièmement, le président de la Commission de la capitale nationale me semble faire un excellent travail depuis qu'il a été nommé. Je dis qu'à cet égard il devrait relire cet article 15.3.

Des voix: ...

Le Président: Il restait 3 secondes, franchement, là. Bon, la période de questions et de réponses orales est terminée.

Des voix: Non! Non!

Le Président: Je voulais simplement signaler à mes collègues qui s'imaginent qu'en criant très fort ils vont intimider la présidence, ce n'est pas mon style, très, très, d'être intimidé. J'ai déjà eu des choses plus intimidantes dans ma vie que ça. Alors, ceci étant, je crois que tout le monde reconnaît, M. le leader de l'opposition officielle, que le règlement prévoit que la période dure au plus 45 minutes. Au plus. Et je crois que, dans les circonstances, personne ne va considérer que trois secondes – alors que, cette semaine, on a dépassé, à des moments donnés, très largement – c'est exagéré.

M. Paradis: M. le Président, je voudrais...

M. Middlemiss: C'est pas mal boiteux!

Le Président: Alors, si vous voulez venir présider, M. le député de Pontiac, peut-être que vous pourriez voir ce que ça veut dire, être un...

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement un rappel: il n'y a pas eu de débordement, cette semaine, de la période de questions. À un moment où il y avait eu un oubli de la part de la présidence, la présidence a pris deux minutes pendant la période de questions, la présidence a réaccordé deux minutes à la suite. Je pense que c'était correct de le faire ainsi. Maintenant, le règlement s'interprète également avec la coutume à l'Assemblée nationale. Il est de coutume, à l'Assemblée nationale, que, tant qu'il reste du temps sur l'horloge, le président s'acquitte de sa fonction d'une façon neutre et reconnaisse un député qui se lève debout avant l'expiration du 45 minutes. C'est toujours comme ça que ça a fonctionné jusqu'à aujourd'hui. Pourquoi devrait-on changer aujourd'hui?

Le Président: La coutume, c'est l'ensemble aussi. Et je crois que, dans l'ensemble, finalement, vous ne pouvez pas dire, ni vous ni vos collègues, que l'opposition officielle, depuis que j'occupe le fauteuil, a été particulièrement maltraitée à l'égard du temps et de la souplesse qui est accordée. Il restait trois secondes. J'ai...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, sept, trois, cinq, on va finir par une. Les règles de fair play sont que, quand le président prend une décision, tout le monde vit avec sa décision, fut-elle bonne ou mauvaise. Ceci étant, la période de questions orales est terminée.

Alors, aux motions sans préavis, M. le député de Laurier-Dorion.

(15 heures)

M. Paradis: M. le Président, compte tenu de l'importance du précédent, tant qu'il reste du temps sur l'horloge, la tradition veut qu'un député soit reconnu. Même quand un ministre a la parole en réponse à la question, ce n'est pas parce que c'est la dernière question que le ministre n'a pas le droit de répondre aussi longuement que s'il s'agissait de la première question. Ce sont des règles qui sont établies à l'Assemblée nationale, et, si on commence à jouer avec ces règles-là, vous comprendrez que l'opposition peut au moins questionner la nouvelle interprétation que la présidence donne aux habitudes de la période de questions.

Le Président: Je peux vous indiquer que ce n'est pas du tout dans mon intention, M. le leader de l'opposition – et je tiens à vous rassurer – que ce soit une question de jurisprudence. Je pense que, dans l'ensemble, plus souvent qu'autrement, vous êtes favorisés, et, effectivement, je ne suis pas particulièrement chatouilleux. J'aimerais ça que, parfois, à l'inverse, on n'en fasse pas une montagne pour trois secondes. Je comprends que, en général, vous êtes favorisés, et c'est la règle du jeu, et je la respecte, mais, en l'occurrence, il restait trois secondes et je crois que...

Des voix: ...

Le Président: Vous savez très bien à la fois qu'il y a un certain nombre de motions sans préavis importantes qui doivent être débattues, notamment une sur ce qui s'est produit au parlement arménien, et je considérais que, compte tenu de ce que nous avons à faire par la suite à l'Assemblée, on pouvait très bien mettre fin à la période de questions et de réponses orales à moins de trois secondes d'avis, là, franchement...

M. Paradis: M. le Président, je connais les événements qui s'en viennent aujourd'hui, ce sont des événements importants à l'Assemblée nationale. Je veux juste que vous précisiez que, tant que l'horloge n'est pas écoulée, les députés de l'Assemblée nationale ont droit à une question. On va oublier ce qui s'est passé aujourd'hui, mais c'est sur ces prémisses-là qu'on va continuer à faire fonctionner l'Assemblée nationale comme l'Assemblée nationale a toujours fonctionné.

Le Président: Je viens d'ailleurs de vous indiquer à peu près la même chose en d'autres termes, c'est que je ne considérais pas qu'il s'agissait d'une jurisprudence d'une façon ou d'une autre. Alors, je pense qu'à cet égard je tenais à vous rassurer, et je vous rassure à nouveau à cet égard.


Motions sans préavis

Alors, maintenant, nous allons céder la parole à notre collègue le député de Laurier-Dorion.


Motion proposant que l'Assemblée exprime son regret à la suite de l'assassinat de parlementaires arméniens

M. Sirros: Oui, M. le Président. Je demande le consentement de cette Assemblée pour que je puisse présenter la motion suivante:

«Que cette Assemblée exprime au peuple arménien ainsi qu'à la communauté arménienne du Québec ses plus profonds regrets à la suite de l'assassinat de plusieurs parlementaires, dont le premier ministre, dans l'enceinte même du parlement arménien.»

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député de Laurier-Dorion, pour débattre de votre motion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. C'est évidemment avec stupéfaction que le monde entier a appris la nouvelle survenue dans le parlement d'Arménie, où plusieurs parlementaires, dont le premier ministre, ont trouvé la mort. Au-delà des problèmes politiques supplémentaires que ça peut représenter pour l'Arménie, nos premières pensées doivent évidemment aller aux vies perdues puis aux familles peinées. C'est donc à ces personnes que je veux, au nom de l'opposition officielle et, j'en suis certain, au nom de l'ensemble des membres de cette Assemblée, exprimer nos plus profondes sympathies à ces familles et aux amis des personnes ainsi touchées en Arménie.

L'Arménie, on le sait bien, sort de 70 ans d'un régime soviétique difficile et, pour la première fois, est en train de faire la transition vers une démocratie républicaine. Depuis huit ans, il y a eu deux élections en Arménie. On sait fort bien que la démocratie, elle est toujours fragile, dans les meilleures des circonstances, de toute façon. Et, quand on sait, de surcroît, ce qui a été vécu par le peuple en Arménie qui a vécu des guerres, qui a vécu des tremblements de terre épouvantables, qui vit constamment un effort réel pour se relever, on ne peut qu'espérer que ces événements qui semblent être isolés, qui semblent être le geste de personnes isolées qui ne trouvent pas écho au sein de la population, ne remettront pas en péril la marche vers la stabilisation de la démocratie.

Nous exprimons aujourd'hui, M. le Président, au nom de cette Assemblée et certainement de l'opposition officielle – et je suis certain que le gouvernement va y concourir – toutes nos sympathies au peuple arménien et à la communauté arménienne du Québec.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Alors, sur ce même sujet, je cède la parole à Mme la ministre des Relations internationales. Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, nous nous joignons bien évidemment à cette motion. En effet, un commando armé de quatre hommes a assassiné, hier, en pleine séance de questions, à l'Assemblée nationale arménienne, au coeur des institutions nouvelles, démocratiques de l'Arménie, huit personnes, dont le premier ministre et le président du Parlement. Nous sommes tous, bien sûr, dans cette Assemblée nationale, choqués et attristés par cette attaque insensée et nous condamnons avec vigueur cette action terroriste.

Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est que ce peuple est, depuis le début de ce siècle, un peuple cruellement éprouvé. Bien sûr, en 1915, ce peuple a souffert la liquidation physique de 1 500 000 personnes vivant dans l'ancien Empire ottoman, une terrible épreuve que nous commérons d'ailleurs chaque année ici, dans cette Assemblée nationale. Et, comme si cela ne suffisait pas, il y a eu, vous vous en souviendrez aussi, en 1988, un terrible tremblement de terre qui a semé la dévastation et la destruction.

Nous souhaitons, nous aussi, bien évidemment, que ce qui s'est passé hier ne plonge pas dans une crise politique majeure cette république devenue indépendante en 1991, après l'effondrement de l'Union soviétique. Le Québec, M. le Président, est solidaire de l'Arménie, de son peuple et de sa communauté arménienne québécoise aujourd'hui à nouveau meurtrie. Alors, bien sûr, nous nous joignons à cette motion et nous l'adoptons, je pense bien, à l'unanimité.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je veux aussi me joindre à cette motion pour exprimer notre tristesse quand, à tout moment, une telle violence gratuite vient marquer l'évolution d'un peuple qui évolue vers la démocratie, qui est dans un processus où la démocratie, depuis un certain nombre d'années, s'était bien implantée. On doit certainement offrir nos sympathies aux personnes touchées, au peuple arménien, en souhaitant que ces événements n'affecteront pas son évolution, sa stabilité politique.

Notre parlement au Québec, l'Assemblée nationale, a connu les affres de la violence de la sorte – ses murs s'en souviennent encore, ses employés aussi – et je pense que nous sommes dans une position pour bien comprendre la tristesse, l'effroi que doit subir, sentir le peuple arménien et lui témoigner notre plus profonde sympathie, nos plus profonds regrets.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Cette motion est adoptée. Alors, je vous demanderais de vous lever pour prendre une minute de silence pour le peuple arménien.

(15 h 7 – 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie.

Alors, nous poursuivons aux motions sans préavis. M. le député de Châteauguay et whip de l'opposition officielle.


Remplacements permanents dans la composition de commissions parlementaires

M. Fournier: Merci, M. le Président. Avec un consentement, je crois bien, je fais motion, «conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, afin de procéder à des remplacements permanents dans la composition des commissions parlementaires suivantes:

«À la commission de la culture, le député d'Anjou, M. Jean-Sébastien Lamoureux, remplacera le député de Hull, M. Roch Cholette;

«À la commission de l'éducation, la députée de Jean-Talon, Mme Margaret Delisle, remplacera le député d'Anjou, M. Jean-Sébastien Lamoureux;

«À la commission des transports et de l'environnement, le député d'Argenteuil, M. David Whissell, remplacera la députée de Jean-Talon, Mme Margaret Delisle; et

«À la commission de l'aménagement du territoire, le député de Hull, M. Roch Cholette, remplacera le député d'Argenteuil, M. David Whissell.

«Ces changements prennent effet immédiatement.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Aux motions sans préavis, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance. Mme la ministre, la parole est à vous.


Souligner la tenue de la Journée québécoise de l'UNICEF

Mme Léger: Oui, M. le Président. J'aimerais avoir le consentement de cette Assemblée pour une motion sans préavis soulignant «la tenue de la Journée québécoise de l'UNICEF ayant lieu le dernier jour du mois d'octobre, et qu'elle manifeste ainsi son appui aux activités de sensibilisation et de financement de l'UNICEF dont la mission consiste à promouvoir et à défendre les droits fondamentaux des enfants à travers le monde».

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Mme la ministre, vous pouvez poursuivre votre motion.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, je suis très heureuse de proposer aux membres de cette Assemblée l'adoption d'une motion soulignant la tenue de la Journée québécoise de l'UNICEF 1999 le 31 octobre prochain. Comme vous le savez, le gouvernement a adopté, le 28 octobre 1998, un décret déclarant Journée québécoise de l'UNICEF la dernière journée du mois d'octobre. Vous me permettrez de rappeler que cette journée est traditionnellement le point culminant des activités de sensibilisation et de cueillette de fonds menées par l'UNICEF, auxquelles participent les enfants du Québec. Le Québec a toujours placé les enfants au coeur de ses choix. Les dispositions de sa politique familiale témoignent de la priorité qu'il accorde au bien-être, au développement et à l'égalité des chances de tous ces enfants. Le Québec se préoccupe aussi du sort des enfants à travers le monde. C'est dans ce sens qu'il faut encourager l'UNICEF à poursuivre son action pour la défense des droits des enfants dans le monde et pour la sensibilisation de la population aux problèmes des enfants dans plusieurs pays.

Alors, considérant l'importance que le Québec accorde aux actions visant à promouvoir et à défendre les droits fondamentaux des enfants à travers le monde, j'invite les membres de cette Assemblée à adopter la présente motion afin d'appuyer l'UNICEF et son importante mission humanitaire.

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre. Sur cette même motion, je céderai la parole au responsable de l'opposition officielle en matière d'enfance et de famille et député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député, la parole est à vous.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est également pour nous évidemment un honneur de joindre notre voix à la motion de la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance pour souligner la tenue de la Journée québécoise de l'UNICEF ayant lieu le 31 octobre.

M. le Président, l'UNICEF est un important organisme. Il est connu par le nom UNICEF. Il s'agit évidemment du Fonds des Nations unies pour l'enfance. UNICEF existe depuis 1946 à l'échelle mondiale et il plaide et travaille pour la protection des droits de l'enfant afin d'aider les jeunes à satisfaire leurs besoins de base et à élargir leurs possibilités de réaliser tout leur potentiel. Les champs d'action d'UNICEF sont dans les services communautaires, les soins de santé primaires, l'éducation de base, l'approvisionnement en eau et l'assainissement dans les pays en développement. Il a un personnel d'au-delà de 6 000 personnes à travers le monde, dont 85 % travaillent sur le terrain, travaillent dans les différents pays pour aider le sort des enfants, et un budget de près de 1 000 000 000 $ par année. UNICEF Canada, qui est le comité qui oeuvre pour l'UNICEF au Canada, existe depuis 1955, et le comité Canada appuie des projets dans 21 pays à travers le monde dans les domaines de la santé, de l'eau, de l'éducation et des enfants vivant dans des conditions particulièrement difficiles, 21 pays divers dans le tiers-monde.

Les Canadiens devraient être fiers, M. le Président, parce que nous avons un historique de générosité assez impressionnant quant aux cueillettes de fonds d'UNICEF. À ce titre, le Canada donne 1,05 $ de contribution par habitant à UNICEF, supérieur à des pays comme le Japon, le Royaume-Uni, la France, les États-Unis, l'Autriche, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, et ainsi de suite. Alors, nous avons une bonne participation des Canadiens dans les levées de fonds de l'UNICEF.

M. le Président, le projet d'Halloween de l'UNICEF Canada est également très enraciné. En 1955, le premier projet d'Halloween a recueilli 15 000 $. Maintenant, l'année passée, la même opération a recueilli 3 300 000 $ pour l'UNICEF. On est passé de 15 000 $ en 1955 à 3 300 000 $ l'année passée, et je dois souligner que, six ans de suite, l'école au Canada qui a donné le plus d'argent – le chiffre le plus important – est une école québécoise qui est le Lindsay Place High School, dans la municipalité de Pointe-Claire, dans le comté de Jacques-Cartier. Alors, Lindsay Place, six ans de suite, et j'oserais dire que ce n'est même pas grâce aux efforts des enfants du député de Jacques-Cartier, qui fréquentent d'autres écoles dans le comté, c'est grâce à l'école Lindsay Place qui est arrivée en première place six ans de suite.

Je vais terminer en espérant simplement que, en posant des gestes très modestes, les Québécois puissent aider le sort des enfants à travers le monde. Avec des dons très modestes, on peut aider à vacciner des enfants, à éduquer des enfants; alors, soyons généreux. Quelques cennes noires, quelques 0,05 $, quelques 0,10 $, quelques 0,25 $ ou des 1 $ et des 2 $ dans les petites boîtes de l'UNICEF peuvent faire la différence pour littéralement des milliers et des dizaines de milliers d'enfants dans des pays beaucoup moins fortunés que le nôtre. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Toujours aux motions sans préavis, Mme la députée de Beauce-Sud, la parole est à vous.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de l'Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, je vous indique, Mme la députée de Beauce-Sud, qu'il n'y a pas consentement.

Aux motions sans préavis, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je demande donc le consentement de cette Chambre pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il respecte l'engagement personnel du premier ministre et qu'il assure aux familles de la Gaspésie que tout sera mis en oeuvre pour préserver les emplois à l'usine Gaspésia, de Chandler.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement? Alors, il n'y a pas consentement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu de l'importance du sujet, est-ce qu'on peut au moins, si le gouvernement n'a pas le temps d'en discuter ou n'a pas la volonté d'en débattre, l'adopter sans débat? Ce serait un support moral essentiel à ces gens qui en ont drôlement besoin.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation sans débat? Il n'y a pas de consentement. Mme la députée de...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai rendu ma décision. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je demande la permission de cette Chambre pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale somme la ministre de la Culture et des Communications de faire diligence afin d'éviter que la saison artistique et même la survie d'une institution culturelle comme les Grands Ballets canadiens ne soient compromises en raison d'un conflit de travail qui perdure à la Place des Arts, organisme d'État sous sa responsabilité.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il n'y a pas consentement. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission des transports et de l'environnement poursuivra les consultations générales sur le document intitulé Réforme du transport par taxi – Pour des services de taxi de meilleure qualité aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que le mardi 2 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi privé n° 210, Loi modifiant la Charte de la Ville de Québec, le mardi 2 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la commission de l'éducation poursuivra les consultations générales sur la place de la religion à l'école le mardi 2 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre avis est déposé.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous rappelle que nous avons reçu jusqu'à maintenant deux avis concernant les débats de fin de séance à être tenus aujourd'hui: le premier, sur une question adressée hier par M. le député de Kamouraska-Témiscouata à M. le ministre de l'Éducation concernant la commercialisation de nos écoles publiques; le second, sur une question adressée hier par M. le député de Verdun à M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie concernant les projets de recherche et de développement d'Hydro-Québec.

Je vous rappelle également que nous avons reçu une demande aujourd'hui du député de Kamouraska-Témiscouata, suite à une question qu'il a posée à la ministre du Travail concernant les coupures dans la formation professionnelle et technique, ce qui sera le troisième débat de fin de séance.

Je vous rappelle également que l'interpellation prévue pour le vendredi 29 octobre 1999 portera sur le sujet suivant: L'inaction du gouvernement péquiste quant aux personnes handicapées. M. le député de Nelligan s'adressera alors à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Je vous avise de plus que l'interpellation prévue pour le vendredi 5 novembre 1999 portera sur le sujet suivant: Le dossier de la libre circulation des entreprises et des travailleurs de l'Outaouais. M. le député de LaFontaine s'adressera alors à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.

M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a des ententes...

M. Brassard: Oui, justement, M. le Président, il y a une entente avec l'opposition pour que nous passions immédiatement aux débats de fin de séance que vous venez d'annoncer.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, l'entente, c'est que... Est-ce qu'il y a une autre entente aussi quant à l'ajournement des travaux?

M. Brassard: Oui. Aussitôt évidemment que les débats de fin de séance seront complétés, il y aura ajournement des travaux.

(15 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): D'accord. Alors, nous allons commencer bientôt les débats de fin de séance, et j'inviterai tous les parlementaires qui le pourront à se rendre à la salle du Conseil législatif pour entendre le discours du ministre-président de la Bavière, M. Edmund Stoiber.

Alors, nous sommes aux débats de fin de séance.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

(Reprise à 15 h 22)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez vous asseoir, l'Assemblée reprend ses travaux.


Débats de fin de séance


Publicité dans les écoles

Nous en sommes à un premier débat de fin de séance sur une question adressée hier par M. le député de Kamouraska-Témiscouata à M. le ministre de l'Éducation concernant la commercialisation dans nos écoles publiques. J'indique au député et au ministre qu'ils ont un temps de parole de cinq minutes, et un droit de réplique de deux minutes au député qui a demandé le débat de fin de séance. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, je vous cède la parole.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Le premier débat de fin de séance aujourd'hui porte sur une question qui a été posée hier relativement à la volonté des grandes entreprises d'adopter des écoles au Québec, et je vous dirais que la question portait, hier, sur: Est-ce que le ministre de l'Éducation, lui, trouve normal qu'une grande entreprise veuille adopter une école, veuille y mettre de l'argent, veuille y faire indirectement ou directement de la publicité et surtout faire en sorte que... Qu'est-ce qui guide tout ça? À notre grande surprise, hier nous avons eu une réponse assez paradoxale, c'est-à-dire que, d'une part, le ministre de l'Éducation lui-même s'est levé en disant qu'il n'était pas vraiment un adepte de cette approche-là et que, lui-même, il n'était pas du tout partisan de la publicité dans nos écoles. C'est sa première déclaration. Mais, au même moment où il disait qu'il n'était pas du tout partisan de la publicité dans les écoles, il nous présentait le «Guide du parfait publicitaire dans l'école». Je vous dirais que, juste pour mettre tout ça en parallèle, si nous sommes dans cette situation-là aujourd'hui...

Le ministre de l'Éducation peut dire que ce n'est pas nouveau, le phénomène de la publicité dans les écoles. Cependant, je tiens à lui rappeler que, si les commissions scolaires, si les écoles, autant primaires que secondaires, en sont rendues là, c'est parce que, au cours des dernières années, nous avons eu droit à des coupures de 1 200 000 000 $ dans les réseaux primaire et secondaire uniquement.

Le ministre de l'Éducation dit que ce n'est pas une pratique nouvelle. Je vous dirais que, au moins, si ce n'est pas une pratique nouvelle, son gouvernement a largement ouvert la porte, parce que, dans la dernière modification que sa prédécesseure a faite à la Loi sur l'instruction publique, c'est-à-dire la loi qui guide comment nos écoles fonctionnent au Québec, on prévoyait la mise en place des conseils d'établissement. On a mis dans cette loi-là un article, l'article 94 – pour indiquer au ministre de quoi on parle – où «le conseil d'établissement peut, au nom de la commission scolaire, solliciter et recevoir toute somme d'argent – solliciter et recevoir toute somme d'argent – par don, legs, subventions ou autres contributions bénévoles de toute personne, de tout organisme public ou privé désirant soutenir financièrement les activités de l'école».

M. le Président, à l'époque, mon collègue de Marquette, qui était porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, a justement dit que cet article-là ouvrait la porte à la publicité dans les écoles. C'est certain que la ministre de l'époque, comme elle le fait actuellement au niveau de la santé, a dit: Ah non, il n'y a pas de problème, il n'arrivera pas de choses comme ça, et ce n'est pas une ouverture pour la publicité dans les écoles. Eh bien, je vous dirais que cet article-là constitue justement la pierre angulaire de la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Le ministre de l'Éducation, en se déchargeant de ses responsabilités sur les conseils d'établissement, vient de dire à ces gens-là: Moi, je ne veux pas prendre de décision en ce qui a trait à la publicité à l'école, je ne veux pas porter l'odieux qu'on fasse des écoles du Québec non pas des lieux de formation et de transmission de connaissances mais des pancartes publicitaires géantes. Il ne veut pas toucher à ça. Il dit: Ça va être la responsabilité des parents et des conseils d'établissement. Et, quand on l'interroge là-dessus, il ose nous dire: Oui, mais vous ne voulez sûrement pas qu'on prenne des décisions et que l'on se substitue à tous les conseils d'établissement et à tous les parents au Québec!

M. le Président, ce n'est pas une question de se substituer à ces gens-là, c'est que ça se situe dans la ligne parfaite de ce qu'on observe de ce gouvernement depuis des années, c'est-à-dire que, toutes les fois que c'est le temps de transférer des coupures, d'envoyer la job sale, c'est toujours de la décentralisation; mais, par contre, quand on veut réinvestir, quand on veut mettre de l'argent, ah! là les intervenants du milieu ne sont pas assez bons. On veut y aller par des investissements dédiés et ciblés pour permettre au ministre d'avoir sa photo dans le journal le plus souvent possible.

M. le Président, ce dont on parle ici, c'est une question fondamentale au Québec. Est-ce que le plan de réinvestissement du ministre de l'Éducation pour les écoles primaires et secondaires se résume à dire: Là où il n'y a pas de grandes entreprises, on va en implanter pour aider au financement des écoles? Est-ce que c'est ça, sa vision de son plan de refinancement? Eh bien, les réponses que nous avons eues hier du ministre de l'Éducation relativement à sa position en ce qui a trait à la publicité à l'école font en sorte que nous sommes devant quelqu'un qui, oui, veut s'en laver les mains, dire que, pour lui, ce n'est pas sa priorité puis qu'il n'est pas du tout partisan de la publicité dans les écoles, qui ne laisse pas d'autre choix, en ne refinançant pas les réseaux primaire et secondaire, que d'ouvrir les portes à la publicité et qui, en bout de ligne, pour l'odieux, dit: Moi, je ne prendrai pas mes responsabilités, ça va être de la faute des parents. Donc, j'ai hâte d'entendre comment le ministre peut régler ce paradoxe-là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je cède maintenant la parole à M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse. M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Le député de Kamouraska-Témiscouata semble mélanger deux dossiers. Je pensais qu'on voulait parler de la publicité, mais il nous parle un peu du financement. Je lui rappellerais que, au cours des quatre dernières années, le gouvernement du Parti québécois a dû réparer le gâchis qui avait été laissé par les libéraux, c'est-à-dire un déficit annuel de 6 000 000 000 $ par année. Donc, oui, il a fallu faire des restrictions budgétaires, mais je rappellerais au député que nous investissons actuellement en éducation plus au Québec qu'en Ontario per capita. Je rappellerais aussi au député qu'on a ajouté 600 000 000 $ cette année au budget de l'éducation. Donc, si le sujet qu'il choisit pour une autre journée, c'est le financement, on pourra en parler.

Mais je pensais que le dossier, aujourd'hui, c'était la publicité dans les écoles. Donc, je vais m'en tenir au sujet de la publicité dans les écoles. D'abord, comme je l'ai dit hier, je vais le répéter encore une fois, je ne suis pas un partisan de la publicité dans les écoles. Cependant, je pense que c'est tout à fait justifié, avec la prolifération de la publicité non seulement à l'école, mais dans toute notre société, de s'interroger sur la place que peuvent occuper les partenaires financiers dans la vie scolaire.

Tantôt, le député de Kamouraska-Témiscouata nous a lu une partie de l'article 94 sur la Loi de l'instruction publique. Il a probablement oublié le paragraphe suivant, donc je vais lui lire les deux paragraphes; peut-être qu'il comprendra mieux. Il nous a lu, donc, dans la nouvelle loi, l'article 94. On y dit: «Le conseil d'établissement peut, au nom de la commission scolaire, solliciter et recevoir toute somme d'argent par don, legs, subventions ou autres contributions bénévoles de toute personne ou de tout organisme public ou privé désirant soutenir financièrement les activités de l'école.» Il nous a lu ce bout-là et il a conclu que, oui, on pouvait faire de la sollicitation.

Mais, s'il avait continué, M. le Président, il aurait vu, dans le paragraphe suivant, qu'on y dit aussi: «Il ne peut – le conseil d'établissement – cependant solliciter ou recevoir des dons, legs, subventions ou autres contributions auxquels sont rattachées des conditions qui sont incompatibles avec la mission de l'école, notamment des conditions relatives à toute forme de sollicitation de nature commerciale.» Il me semble que c'est assez clair.

(15 h 30)

On a aussi une autre loi, la Loi sur la protection du consommateur, où, là, c'est aussi clairement indiqué que la publicité à but commercial ne peut être destinée aux personnes de moins de 13 ans, à part certaines rares exceptions. Donc, je peux faire parvenir au député une copie de la loi et une copie des deux lois, s'il veut bien les lire. Mais je demanderais, M. le Président, au député de Kamouraska-Témiscouata de ne pas mettre en doute la bonne foi des personnes qui s'impliquent bénévolement dans leur milieu, qui choisissent de donner du temps, qui, avec leurs compétences et leur énergie, aident les jeunes partout au Québec.

M. le Président, je suis persuadé que les personnes qui sont sur les conseils d'établissement dans chacune des écoles au Québec prendront des décisions éclairées, et, comme le disait tantôt le député, ce n'est pas nouveau, la publicité. Ce qu'il y a de nouveau, c'est que, depuis l'année dernière, depuis 1998, on veut que les parents aient leur mot à dire sur le sujet. Et je pense que les parents, ce sont des gens qui sont intelligents, conscients, qui veulent bien sûr le bien de leur enfant. Cependant, ils doivent aussi apprendre à s'adapter à ce nouveau pouvoir, et c'est pour ça... il leur manquait un outil, un outil efficace pour s'orienter. Ils l'ont depuis jeudi dernier.

Nous avons envoyé dans toutes les écoles du Québec un guide qui s'intitule Publicité et contribution financière à l'école , que mon collègue devrait lire attentivement. Je vais même lui lire la table des matières pour lui mettre un peu l'eau à la bouche. On y lit, dans la table de matières: Des interrogations incontournables. Le conseil d'établissement, les contributions extérieures et les lois. Quelle est la contrepartie? La publicité jeunesse. L'ordre du jour du conseil d'établissement. Et finalement, en annexe, il y a le texte de toutes les dispositions législatives. Il existe au Québec deux lois qui encadrent bien la publicité. J'ai fait distribuer un outil efficace. Les parents – et c'est d'abord à eux que revient l'éducation des enfants – je crois qu'on peut se fier à leur jugement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique de deux minutes, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard (réplique)

M. Béchard: M. le Président, il y a un élément sur lequel je suis d'accord avec le ministre: c'est cette dernière phrase. Oui, on peut se fier sur le jugement des parents, beaucoup plus que sur celui du ministre. Parce que, d'une part, d'une main, le ministre dit: Je ne suis pas un partisan de la publicité dans les écoles. De l'autre, il envoie un guide: Voici comment vous pouvez faire de la publicité dans les écoles. Beau paradoxe! Et c'est le même individu.

Je vous dirais, M. le Président, que la situation qu'on vit au niveau de la publicité présentement dans les écoles, le manque de leadership du ministre dans ce dossier-là... Depuis qu'on a eu cette question-là sur la table, il a fallu des mois au ministre avant de prendre des décisions. On a eu le cas de la chaîne WNN à Montréal, à laquelle on a dit non. Il y a des écoles qui sont commanditées par des compagnies de boissons gazeuses. Et, encore là, le ministre va nous dire que tout ça est normal puis que ça va au bon jugement des parents. Oui, on fait confiance au jugement des parents, mais les parents, comme les élèves, comme les directions de commissions scolaires et d'écoles, sont à bout de souffle, parce que tout ce qu'ils entendent depuis quatre ans de la part du Parti québécois et depuis un an du nouveau ministre de l'Éducation, ce sont des voeux pieux, des belles paroles qui, en bout de ligne, ne donnent rien comme tel dans les écoles.

Et c'est ça qui fait en sorte qu'aujourd'hui on est rendu à un stade où les parents, justement, quand ils vont choisir d'envoyer leur jeune à une école ou à l'autre, ils ne se demanderont pas quel est le meilleur endroit où leur enfant peut avoir la meilleure formation et la meilleure transmission de connaissances, ils vont se poser la question: Y a tu un Wal-Mart, un Coke ou un McDonald's, à côté, qui finance l'école? Est-ce que c'est ça, le système d'éducation dans lequel on veut être? Et, si c'est ça, M. le Président, on vient de comprendre que la politique de réinvestissement du ministre de l'Éducation, ce n'est pas de mettre de l'argent dans le réseau, c'est de favoriser l'implantation de grandes entreprises à côté des écoles pour les financer parce que lui est incapable de faire ce travail-là. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Alors, ceci met fin à ce débat de fin de séance. Nous entreprenons maintenant...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non. La règle, M. le ministre de l'Éducation, je vais vous la dire. En débat de fin de séance, celui qui demande le débat a cinq minutes, celui qui y répond a cinq minutes, et il y a un droit de réplique à celui qui a proposé le débat de fin de séance, qui est, en l'occurrence, le député de Kamouraska-Témiscouata.

Une voix: ...


Recentrage de la mission de l'Institut de recherche en électricité du Québec

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Le second débat de fin de séance, à la demande de M. le député de Verdun à M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, concernant les projets de recherche et de développement d'Hydro-Québec.

Je reconnais maintenant M. le vice-président de la commission des institutions et porte-parole de l'opposition officielle en matière de recherche, de science et de technologie et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, il y a 25 ans, le Québec se dotait d'un institut de recherche en énergie qui s'appelait l'IREQ, l'Institut de recherche en énergie du Québec. Sagement, à l'époque, compte tenu des missions semblables, le Québec confiait à Hydro-Québec la supervision intégrée, en quelque sorte, de l'Institut de recherche en énergie du Québec à l'intérieur d'Hydro-Québec.

M. le Président, c'est un des fleurons du Québec. Nous avons réussi en 25 ans à développer une expertise en matière énergétique qui est reconnue mondialement. Malheureusement, depuis trois ans, on s'acharne à détruire cet Institut.

Il y avait trois grands projets, M. le Président, qui étaient les projets porteurs pour l'IREQ. Il y avait le projet de fusion. Vous savez, bien sûr, ce que c'est que la fusion nucléaire, où il s'agit à ce moment-là de recréer une énergie semblable à ce qui se passe dans le soleil, une énergie propre où on développait, à ce moment-là, des bouteilles magnétiques pour maintenir le plasma dans des domaines relativement restreints et permettre de monter la température du plasma. Ce projet, qui est un projet Tokamak – et je concède au ministre que le fédéral a eu sa part d'erreurs là-dedans – a été abandonné, et on est en train de vendre au rabais tous les équipements qui étaient à l'intérieur du projet Tokamak et on a, petit à petit, réparti, ou dilapidé, ou diversifié toute l'équipe de chercheurs que l'on avait à l'intérieur du projet Tokamak.

Le deuxième projet, M. le Président, et on a en discuté à satiété ici, dans cette Chambre, c'était celui qui était de visualiser ce qui est probablement un moyen de transport de l'avenir qui est celui de la voiture électrique, c'est-à-dire faire en sorte qu'on ait une automobile qui soit mue non pas par les carburants comme l'essence, les carburants fossiles, mais réellement une voiture électrique. Là-dessus, il y avait deux pattes, en quelque sorte, à ce projet, celui du moteur-roue, qui était d'intégrer le moteur directement sur la roue, qui était celui du Dr Couture... Et vous savez que nous avons tenu ici une commission parlementaire à cet effet. Le projet du moteur-roue qui vient d'être arrêté; les brevets ont été vendus à la compagnie Michelin sans qu'on puisse réellement arriver au terme réellement de l'avantage technologique que nous avions acquis à Québec.

Il restait un dernier projet, M. le Président. Parce que vous comprenez bien que, dans le projet d'une voiture électrique, il y avait à la fois la question des moteurs et à la fois la source d'énergie. C'était celui des piles au lithium polymère, un projet qui avait été un brevet initialement fait par ELF Aquitaine, qui avait été ensuite redéveloppé par l'IREQ, par les chercheurs de l'IREQ, par le Dr Gauthier et le Dr Armand, de l'IREQ, et adjoints à l'IREQ à l'intérieur de l'Argo-Tech. Et on est en train d'abandonner réellement ce projet de pile qui était donc la source même de l'énergie dans ce projet de moteur technique.

Alors, M. le Président, la grande question... Et on voit aujourd'hui que, dans le plan stratégique qui a été déposé par Hydro, toute la dimension recherche à long terme – comprenez-moi bien, recherche à long terme – ne semble plus faire partie de la planification stratégique de l'entreprise. La R & D est intégrée strictement dans le plan d'affaires de l'entreprise, ce qui n'est pas nécessairement un mal en soi, mais toute la dimension de l'IREQ, la dimension de la recherche, la dimension de la recherche à long terme, est virtuellement abandonnée à l'heure actuelle dans le plan stratégique d'Hydro.

Alors, moi, je pose la question à l'homme qui, ici, au Parlement, au gouvernement, doit intégrer en quelque sorte, qui est porteur du message de recherche: Qu'est-ce qu'il fait? Qu'est-ce qu'il fait à l'heure actuelle pour protéger un des instituts de recherche, M. le Président, qui a démontré à quel point il était en mesure d'aller de l'avant et d'avoir une renommée mondiale?

Une voix: Bravo!

(15 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole au ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie. M. le ministre, la parole est à vous.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui. Alors, M. le Président, je suis content qu'on ait eu ces questions soulevées à l'Assemblée nationale et qu'on ait ce débat de fin de séance, parce que ça va nous permettre de clarifier, au moins de commencer à clarifier la situation qui est décrite par le critique de l'opposition en matière de recherche, science et technologie.

Je pense qu'il résume très bien la situation où graduellement, au cours des années, l'IREQ, qui est un fleuron de recherche qu'on s'est donné il y a 25 ans, à peu près au même moment où on s'est donné une politique scientifique pour la première fois... Et ça a fait partie des grands efforts de déploiement du Québec dans le domaine de la recherche. Et l'IREQ a un agenda de recherche, qu'ils ont réalisé, qui est très louable.

Comme l'a bien résumé le député, dans l'évolution d'Hydro-Québec... Et IREQ–Hydro-Québec était à peu près la même chose, c'est essentiellement un institut sous la responsabilité d'Hydro-Québec... a fait qu'Hydro-Québec graduellement s'est orientée autrement en matière de recherche. Et là on vient d'avoir la réponse finale, en fait, ou l'aboutissement de ce cheminement d'Hydro-Québec, où Hydro-Québec nous dit qu'à l'avenir la recherche qu'ils feront va être orientée en fonction de ce qui est leur mission essentielle, de production, de transport et de distribution d'électricité.

Mais l'IREQ, maintenant et pour l'avenir, ce n'est pas uniquement Hydro-Québec. Et, comme on est à refaire, comme on l'a fait il y a 25 ans... à se redonner une politique scientifique, ce dont je peux assurer et les chercheurs de l'IREQ et la population, c'est qu'il y a un travail déjà commencé, qu'on va accélérer avec le ministère sectoriel des Ressources naturelles et le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, dans le cadre de l'élaboration de notre politique scientifique, pour se redonner un agenda de recherche en énergie. Et, comme on se redonne une nouvelle politique, je pense qu'on peut dire que l'IREQ va avoir sa chance de se renouveler aussi pour l'avenir, avec Hydro, je pense, qui devra demeurer un partenaire important, mais possiblement d'autres partenaires, parce que, depuis ce temps-là, il y a d'autres universités, il y a l'INRS, il y a l'UQTR, il y a à peu près quatre ou cinq autres partenaires qui sont intéressés et actifs dans le domaine de la recherche sur l'énergie.

Alors, ce qu'on fait présentement, ce qui va être très intense dans les prochains mois avec l'ensemble de ces partenaires-là, y compris Hydro, c'est de se redonner un agenda, redonner les moyens à l'IREQ d'être un institut qui va pouvoir réaliser l'agenda de recherche sur l'énergie, y compris la recherche fondamentale qu'on voudra avoir, dans le cadre de notre nouvelle politique scientifique, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le député de Verdun, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: Oui, M. le Président. Bon Dieu! Est-ce qu'on est conscient qu'on détruit? Parce que c'est ça qu'on est en train de faire, on détruit quelque chose qui existe en fonction d'une vision à long terme. Et je comprends que le ministre veut faire sa politique scientifique et qu'à l'intérieur de sa politique scientifique il y aura probablement un volet énergétique, mais, à l'heure actuelle, nous avions des chercheurs – il faut bien être conscient – qui ont travaillé à l'IREQ, qui ont acquis une renommée internationale, qui actuellement s'en vont. Ça a été le cas pour celui de Tokamak, c'est le cas actuellement pour les gens du moteur-roue, c'est le cas aussi actuellement pour ceux des gens qui travaillent dans la pile au polymère lithium. Comprenez bien ce que c'est que la pile au polymère lithium, M. le Président,

Il y a des partenariats qu'on est en train de perdre. Comprenez bien que, dans la pile au polymère lithium, le partenariat avec l'industrie automobile, qui versait ses 85 000 000 $, avait déjà été établi, et qu'on est en train de le perdre. Alors, moi, je veux bien concourir au ministre et dire: Faites attention, faites-nous confiance, on va faire une politique. Et je suis sûr qu'il va travailler pour faire une politique, je ne le démens pas, mais, à l'heure actuelle, à court terme, on se trouve dans la situation où Hydro-Québec est en train de saborder – utilisons les termes qu'il faut, là – l'Institut de recherche en énergie du Québec.

Alors, je comprends qu'il n'aura pas la chance de répondre, mais je plaide auprès de lui pour lui dire: Écoutez, si vous avez l'intention, dans votre politique énergétique, de réutiliser, de recréer, de réimplanter un IREQ, faites attention, on est en train de le perdre actuellement, et il faut que vous agissiez rapidement. Une action vite, rapide, une déclaration du ministre est nécessaire à court terme. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Alors, ceci met fin à ce débat de fin de séance.


Contribution d'Emploi-Québec au financement des services de formation générale, professionnelle et technique

Un troisième débat de fin de séance a été demandé par M. le député de Kamouraska-Témiscouata suite à une question qu'il a posée aujourd'hui à la ministre du Travail concernant les coupures dans la formation professionnelle et technique. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, la parole est à vous.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président, cet après-midi même, en Chambre, nous avons eu l'occasion de questionner la ministre de l'Emploi, et je vous dirais que la question s'adressait surtout au ministre de l'Éducation, parce que nous avons vu et nous avons eu une entente signée le 29 avril 1999 par la ministre du Travail, et signée le 13 mai 1999 par le ministre de l'Éducation et à la Jeunesse, concernant une somme, 100 000 000 $, qu'Emploi-Québec s'engage à donner directement aux établissements, c'est-à-dire aux cégeps et aux commissions scolaires, pour faire de la formation générale, professionnelle et technique. Nous sommes tous au courant de la crise qui sévit actuellement à Emploi-Québec et nous sommes tous inquiets face à ces formations-là, surtout, M. le Président, quand on se rend compte que, du côté des commissions scolaires...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...M. le député, je m'excuse de vous avoir interrompu. Si vous voulez poursuivre.

M. Béchard: Oui, M. le Président. M. le Président, je vous dirais que nous sommes tous inquiets face aux suites qu'il y aura dans cette entente qui, semble-t-il, ne sera pas respectée et qui fera du ministre de l'Éducation la prochaine victime d'Emploi-Québec. J'en suis même à me demander, si on fait une commission parlementaire, si un jour le gouvernement péquiste décide d'ouvrir les portes du Parlement et d'entendre les gens qui ont des choses à dire et qui veulent venir dire quelle est leur situation et les problèmes qu'ils vivent face à Emploi-Québec, si on n'aura pas le droit aussi de recevoir le ministre de l'Éducation, à cette commission parlementaire là, pour qu'il vienne nous dire que lui aussi est victime d'Emploi-Québec.

Parce que, malgré le fait que la ministre, cet après-midi, ait dit: Ça va très bien, on est dans un rythme de croisière, il y a déjà 58 000 000 $ de dépensés... et surtout, elle a dit: La relance d'Emploi-Québec, qui a été annoncée à la fin septembre, début octobre, va permettre de couvrir et de faire en sorte qu'Emploi-Québec pourra donner des formations. Deux choses. Je tiens à lui rappeler que la relance d'Emploi-Québec va se faire avec 160 000 000 $, alors qu'il y en a 500 de dépensés dans les six premiers mois et qu'on a vécu des crises partout au Québec. Je ne sais pas comment ça peut aller mieux, avec 75 %, 80 % d'argent de moins pour les six prochains mois.

Deuxièmement, le fait que l'opposition ait fait une tournée et ait été voir sur le terrain ce qui se passait, le fait qu'on ait des témoignages, le fait que tout le monde dit que ça va mal, ça ne semble pas convaincre la ministre de l'Emploi et surtout le ministre de l'Éducation, qui est tout à fait silencieux dans ce dossier-là, de l'urgence de la situation.

Bien, nous, ce qu'on dit est appuyé par un document et un sondage qui ont été faits par la Fédération des cégeps du Québec et qui disent entre autres que, dans les régions, partout il y a eu des diminutions d'activités de formation au niveau technique: dans la grande région de Montréal, une baisse de 78 %; dans la région de l'Estrie, une baisse de 85 %; au Saguenay–Lac-Saint-Jean, une baisse de 90 %; dans la région de Québec, une baisse de 97 % des formations techniques; sur la Côte-Nord, une baisse de 100 %; et, au Québec, une baisse d'environ 82 %. Malgré tout ça, on continue de nous dire que ça va bien.

Le ministre de l'Éducation nous a même fait un large plaidoyer cet après-midi en disant que, au niveau de la formation professionnelle et technique, nous avons des équipements merveilleux, à la fine pointe, nous avons investi dans les équipements, nous sommes prêts à recevoir des étudiants et des étudiantes. Et il dit même que c'est gratuit. Oui, c'est gratuit quand les gens veulent continuer dans un cheminement particulier. Mais, quand ces gens-là se sont fait dire par Emploi-Québec: Laissez vos emplois pour aller suivre une formation, et qu'on leur dit non, après, on dit: On vient d'y mettre fin, qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là qui ont perdu leur emploi? Et, M. le Président, ce qui est inquiétant dans ce dossier-là, c'est que le ministre de l'Éducation n'est pas là, n'a pas voulu répondre, et que le ministre de l'Éducation dit que ça va quand même bien et qu'il n'y en a pas, de problème, et que tout suit son cours.

On a parlé des cégeps, une baisse de 82 %; le président de la Fédération des commissions scolaires a écrit pour dire que les commissions scolaires sont très affectées par la rupture qui survient dans la collaboration entre les centres locaux d'emploi et l'organisation d'activités de formation. Alors, M. le Président, comment on peut nous dire, de l'autre côté, que ça va bien quand les deux principaux réseaux de formation disent que c'est la crise avec Emploi-Québec? Et comment on peut être rassuré quand le principal défenseur de la formation au Québec ne peut faire autre chose que de se promener et de s'autoconvaincre que ça va bien en formation, c'est-à-dire le ministre de l'Éducation, et qu'il n'est pas là et qu'il ne prend pas part dans cette situation dramatique là que vivent les étudiants du Québec?

(15 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. En réponse à ce débat de fin de séance, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi, la parole est à vous.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. D'abord, c'est trop tentant, je vais me permettre de revenir... Le député a fait allusion à la grande tournée du Parti libéral au sujet d'Emploi-Québec. Je voudrais lui réitérer que, sur la première page de ce document qui relate cette tournée, il est indiqué que le Parti libéral du Québec se dégage des propos tenus et du vocabulaire choisi, les faits n'ayant pu être vérifiés lors de ces rencontres régionales. Alors, M. le Président, je mettrais en garde le représentant de l'opposition officielle sur la surenchère, et je pense qu'on a un bon exemple devant nous.

J'ai dit cet après-midi que nos ententes avec le milieu de l'éducation, que ce soit avec les commissions scolaires ou avec les cégeps, nous sommes rendus à hauteur de 58 000 000 $, et ça, c'est en date du 30 septembre 1999; et on me dit qu'on serait au-delà, on approcherait le 65 000 000 $ au moment où on se parle. Alors, avant de crier au loup, là, il faudrait voir, un, ce qui s'est fait et ce qu'il est possible de se faire encore au cours des prochaines semaines.

Bien sûr, il y a eu un ralentissement des activités d'Emploi-Québec. Qu'est-ce que je comprends de l'intervention du député? Que le niveau de mesures actives n'est pas le même que l'année passée et qu'il faudrait encore réinvestir? Écoutez, il y a eu un dépassement de 80 000 000 $, dépassement que le gouvernement a absorbé. Il faut trouver le bon rythme de croisière cette année. Et, si le député est en train de nous dire qu'il faut mettre de l'argent neuf, on a un problème ici, parce que, à entendre l'opposition libérale, il faut mettre de l'argent neuf partout. Alors, là, on essaie de trouver le bon rythme de croisière, et c'est ce qu'on essaie de faire avec le milieu de l'éducation.

Je rappellerais aussi au député que j'ai émis un communiqué de presse récemment, à la mi-septembre 1999 – ça me fera plaisir de lui en envoyer une copie – et que je signalais dans ce communiqué de presse que la Fédération des cégeps prétendait qu'Emploi-Québec n'avait dépensé que 5 000 000 $ pour l'année en cours et que je remettais en cause très, très, très sérieusement la méthode utilisée pour en arriver à cette conclusion, et qu'au contraire il y a beaucoup plus que 5 000 000 $ qui ont été engagés avec les cégeps, et qu'après cinq mois du début de l'année financière on en était actuellement à 27 000 000 $. Alors, là, il faudrait s'entendre: de quel sujet on parle et comment on débat ce genre de question là.

Et je vous le rappelle, je pense qu'on se doit d'avoir un minimum de rigueur, parce que ça crée beaucoup d'inconfort et beaucoup d'insécurité chez les citoyens et les citoyennes que nous devons desservir. Alors, ce n'est pas vrai que nous avons une rupture de relation avec le milieu de l'éducation. Au contraire, on est à hauteur d'au moins 60 000 000 $. Il y a déjà, depuis le début de l'année, 27 000 000 $ d'engagés avec la Fédération des cégeps, et non pas 5 000 000 $, comme ils le prétendent.

Évidemment, en terminant, je vous dirais: bien sûr que je suis consciente qu'il y a eu un ralentissement, bien sûr qu'il faut trouver les manières de bien se remettre en action. C'est la raison pour laquelle il y a des lieux et il y a des communications constantes entre ces différentes composantes de notre système d'éducation. Par exemple, il existe une table permanente entre Emploi-Québec et les cégeps, où il y a eu une rencontre, d'ailleurs, à la mi-septembre. On a essayé de regarder ensemble comment on pouvait s'assurer que, dans le cadre de la remise en action d'Emploi-Québec, on irait dans le sens de l'entente qui a été convenue avec le ministère de l'Éducation. Même chose aussi avec les commissions scolaires, où j'ai rencontré personnellement la Fédération des commissions scolaires. On a eu une première rencontre au début octobre, il y en a une autre de planifiée à la fin octobre, parce que de part et d'autre, effectivement, on veut desservir les gens qui ont besoin d'activités de formation. Et on veut le faire dans l'esprit de cette entente-là qui a été convenue avec le ministère de l'Éducation.

Je termine en disant une chose simple: Je comprends que l'opposition officielle a décidé qu'Emploi-Québec était son cheval de bataille. Ils peuvent bien. Ils peuvent bien décider de le faire. Mais je tiens à rappeler que, lorsqu'on lance n'importe quoi qui est mal documenté, on laisse des impressions très fortes au sein de la population. Et il y a des gens, il y a des hommes et des femmes qui ont besoin de faire appel à Emploi-Québec. Et ce n'est pas vrai... Et d'ailleurs, je commence à être un peu exaspérée par l'utilisation des mots «crise» et «cafouillage». Oui, il y a eu des moments d'incertitude, je le reconnais. Nous avons pris les décisions qu'il fallait pour que ces moments d'incertitude ne se vivent plus. Et je fais appel à la collaboration de l'opposition officielle pour ne pas créer d'autres moments d'incertitude auprès de la population québécoise qui a besoin d'Emploi-Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard (réplique)

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président, je vous dirais que c'est assez déplorable, ce qu'on vient d'entendre. Quand ce n'est pas la faute d'Ottawa, quand ce n'est pas la faute de quelque groupe que ce soit dans la population, quand ce n'est pas la faute de l'opposition comme telle, la ministre est à la veille de nous dire que c'est la faute des gens qui dénoncent des situations qu'ils vivent à tous les jours. C'est ça qu'elle est en train de nous dire. C'est vraiment la confirmation de ce qu'on a entendu, oui, pendant toute la tournée qu'on a faite au Québec, quand on est allé sur le terrain, c'est-à-dire la loi du silence. Soyez solidaires dans le silence, c'est ça qu'elle dit. Ça fait que, dans ce cas-là, elle ne pourrait pas blâmer personne. Elle leur demande de ne pas en parler. C'est exactement ce qu'elle vient de nous confirmer ici aujourd'hui: N'ayez pas peur, ça va bien.

Comment peut-on prétendre que ça va bien? Et est-ce que, pour elle, c'est un rythme de croisière, d'avoir une diminution de 100 % des cours et de l'offre de formation technique sur la Côte-Nord? Est-ce que c'est ça qu'elle dit aux gens de la Côte-Nord: Votre rythme de croisière, sur la Côte-Nord, c'est zéro formation cette année; dans la région de Québec, votre rythme de croisière, c'est 15 formations, cette année, au lieu de 645 l'année passée? Et elle ose prétendre nous dire que ça va bien. Elle ose prétendre nous dire que c'est de la faute de l'opposition, que c'est de la faute des gens qui sont venus témoigner.

Mme la ministre, ouvrez les portes de l'Assemblée nationale, ouvrez les portes du Parlement, et vous en aurez des témoignages. Vous en aurez, des gens qui viendront vous dire exactement ce qu'est la situation d'Emploi-Québec. Et vous aurez même des gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui viendront vous dire que les coupures de 90 % dans la formation professionnelle et technique ont fait extrêmement mal au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ils viendront vous le dire. Bien, Mme la ministre, tout ce qu'on peut vous dire dans ce cas-là, c'est que non seulement les mots «cafouillage» et «crise» ne sont pas assez forts, mais le seul mot qui convient vraiment à la situation, c'est le mot «incompétence». Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Ceci met fin à ce débat de fin de séance. Mme la ministre d'État à l'Emploi et au Travail.

Mme Lemieux: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 2 novembre 1999, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au mardi 2 novembre, à 10 heures. Et je vous souhaite une bonne fin de journée à tous.

(Fin de la séance à 15 h 58)


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