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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 24 novembre 1999 - Vol. 36 N° 67

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de l'ambassadeur de la Confédération suisse, M. Urs Ziswiler

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il respecte la décision unanime du 1er avril concernant les travailleurs autonomes

Aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, à l'article 51 de votre feuilleton, en vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Verdun présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée prise le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes.»

Nous avons tenu une réunion préparatoire et nous avons déterminé que le temps de parole, pour le déroulement de ce débat, sera établi de la façon suivante: l'auteur de la motion, soit M. le député de Verdun, disposera d'un droit de réplique de 10 minutes; cinq minutes sont allouées au député indépendant; 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement et l'autre 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par le député indépendant pourra être redistribué entre les groupes parlementaires. Je tiens à vous signaler que les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant. Alors, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Dans le dernier discours inaugural, le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, avait abordé très clairement la question des travailleurs autonomes et avait signalé l'importance qu'il voyait, lui, de la nécessité de procurer à cette nouvelle classe de travailleurs un filet de protection sociale, de savoir reconnaître le statut juridique, particulièrement sur le plan fiscal, de ces nouveaux travailleurs, de pouvoir aussi aborder les questions de leur formation. Il signalait, par exemple – en plus, je vais vous donner une phrase – que les centres locaux d'emploi devaient être ouverts comme centres multiservices pour les travailleurs autonomes.

M. le Président, l'opposition – et vous connaissez depuis assez longtemps le Parlement – d'habitude, après un discours inaugural, vote un certain nombre de motions, qui sont des motions de censure, dans lesquelles on dit: Il n'y a pas rien dans le discours inaugural. Fait exceptionnel, nous, parce que nous sommes éminemment concernés par cette question des travailleurs autonomes, l'opposition, dans un geste constructif, avons présenté une motion, une motion dans laquelle il était dit la chose suivante: Que l'Assemblée nationale invite le gouvernement à agir avec célérité dans le domaine des travailleurs autonomes en reconnaissant le statut juridique du travailleur autonome, en mettant sur pied un filet de protection social qui amenuise les risques liés à leur parcours professionnel et familial, en instituant un programme, aussi, qui facilite le maintien de leurs compétences.

Cette motion que j'ai eu l'honneur de présenter en Chambre a retenu, a obtenu le soutien unanime des deux côtés de la Chambre. Et je pourrais vous rappeler les personnes qui se sont levées les unes après les autres pour dire: Oui, il est important que l'on agisse avec célérité sur la question des travailleurs autonomes, M. le Président.

J'aurais pu relever aussi, et je l'ai fait dans les jours qui ont suivi... Dans le cadre des crédits – vous savez ce que c'est, ce qu'on appelle le mécanisme des crédits – des députés ministériels et une personne à laquelle je reconnais une grande compétence et une vision sur ces questions, la députée de Rosemont, qui était à l'époque députée ministre de... je crois qu'elle était ministre du Revenu à l'époque, dans les échanges qui ont eu lieu entre les parlementaires du ministériel et les parlementaires de l'opposition, dans le cadre des débats sur les crédits, elle déclarait la chose suivante: C'est une question cruciale pour l'avenir des économies modernes. La notion de travailleur autonome est une notion qui prend de plus en plus d'ampleur. Elle rappelait qu'il y a 400 000 travailleurs autonomes. Elle rappelait qu'elle était déjà en train de s'occuper de la question.

(10 h 10)

Je dois dire – et je sais qu'il va intervenir un peu plus tard – parmi les députés ministériels, le député de Chicoutimi avait fait une intervention aussi remarquée dans laquelle il disait: Oui, je suis préoccupé par la question des travailleurs autonomes, et il faut qu'on agisse assez rapidement. De notre côté, aussi bien la députée de Beauce-Sud que la députée de La Pinière, que moi-même, on a essayé de faire avancer pendant les jours qui ont suivi cette question.

M. le Président, quelle est ma stupéfaction de voir qu'aujourd'hui, six mois après, rien n'a été fait, peut-être quelques comités qui se sont réunis encore, mais rien n'a été fait. Or, on avait pris peine de faire une démarche tout à fait inusitée, qui était celle d'avoir, après un discours inaugural, une position qui était une position unanime des deux côtés de la Chambre sur cette question.

Alors, je dois dire que je suis profondément déçu. La ministre, qui est peut-être la ministre porteuse du dossier, j'ai dit hier qu'elle ne m'avait jamais impressionné particulièrement par la compétence qu'elle avait démontrée quant à la manière dont elle utilisait et gérait son ministère, je dois dire que, dans ce dossier-là, elle continue sur la même lignée, c'est-à-dire de ne pas m'impressionner du tout et de me faire démonstration, jour après jour, preuve de son incompétence. C'est malheureux qu'un dossier aussi important soit confié à une personne aussi incompétente. Et je vois parmi les députés ministériels nombre de députés ministériels qui auraient pu porter ce flambeau et porter ce dossier bien mieux que la députée de Bourget de la manière dont elle l'a fait.

Rappelons-nous quelles sont les grandes lignes et ce qu'il faut faire, et je pense qu'il est important ici de le rappeler. Rappelons-nous ce qui est absolument nécessaire. Parmi les travailleurs autonomes, il y a un certain nombre de problèmes, des choses qu'il faut faire et des choses qu'il ne faut pas faire. Il y a des choses qu'il faut faire à l'heure actuelle et que l'on peut faire.

Il faut préciser, M. le Président, rapidement et au plus vite, le statut du travailleur autonome en ce qui a trait aux questions fiscales. Ma collègue de Beauce-Sud va intervenir un peu plus tard. Elle sera en mesure de vous faire voir et de vous démontrer toutes les aberrations que notre régime fiscal a actuellement envers cette catégorie de Québécois et de Québécoises qui sont, et de plus en plus, importants. Pensez, M. le Président, plus de 400 000 personnes – 400 000 personnes, actuellement, M. le Président – peuvent être considérées comme des travailleurs autonomes.

Un deuxième élément sur lequel il faut réfléchir et il faut agir. Toutes nos lois de protection sociale, ce qu'on appelle notre filet de protection sociale – et je vois le député de Matane qui a travaillé beaucoup dans ces questions-là – tout notre filet de protection sociale a été conçu d'abord sur une question du salariat et il n'est pas adapté, aucunement, à ce nouveau type de travail dans lequel les gens sont individuellement, ont un rapport qui n'est plus un rapport patron-employé mais un rapport de type contractuel. Et notre filet de protection sociale, que ça soit les congés de maladie, que ça soit les congés de maternité, que ça soit éventuellement des mécanismes de protection du revenu, n'est pas, en aucune manière, M. le Président, adapté pour cette nouvelle réalité du monde du travail.

Nous avions, nous, le Parti libéral, dans notre dernière campagne... et nous continuons nos réflexions là-dessus, sur des mécanismes d'assurances qui permettraient d'utiliser des économies d'échelle sur une base où on pourrait inclure une partie importante de travailleurs autonomes, tout en respectant aussi le fait que les choix doivent être des choix individuels, concevoir un régime d'assurances qui pourrait être un régime d'assurances collectives, qui pourrait couvrir les risques inhérents à la maladie, ou les risques inhérents à la volonté d'avoir un enfant, ou des risques éventuellement inhérents à ce qu'on pourrait appeler les risques économiques, M. le Président. Mais il importe qu'on puisse, strictement par simple équité, faire des pas en avant et offrir, et prévoir, et être en mesure d'offrir à cette catégorie de Québécois et de Québécoises un filet de protection sociale qui leur soit adapté.

Troisième élément, M. le Président. Vous savez à quel point, dans ce secteur-là, le maintien de la qualification est quelque chose qui est extrêmement important. Vous ne pouvez pas ne pas être à la fine pointe des technologies de l'informatique si vous êtes un consultant travailleur autonome dans un domaine informatique, ou dans le domaine de la création audiovisuelle, ou dans tous les domaines qui sont les domaines où vous retrouvez beaucoup de travailleurs autonomes. Quoique, faites bien attention, M. le Président, la situation est que les travailleurs autonomes ne sont pas uniquement dans les secteurs de haute technologie, mais aussi dans les secteurs de la santé par exemple, dans les secteurs des services, dans un paquet de secteurs où, de plus en plus, vous retrouvez des travailleurs autonomes, une main-d'oeuvre qui a été majoritairement masculine et, maintenant, qui devient une main-d'oeuvre masculine et féminine. Si on regarde, grosso modo, ce qu'on pourrait qualifier de «travailleur autonome», 43 % à 44 % maintenant sont des femmes, qui travaillent souvent chez elles. Donc, M. le Président, importance du maintien de la qualification. Alors, ça a été des grandes lignes qu'on a mises de l'avant.

Nous, de notre côté, nous disons aussi: Faites attention! Faites attention! Faites attention! Faites attention! Ne commencez pas à créer des règles, ne recommencez pas à créer des normes, ne recommencez pas à faire des obligations, ne commencez pas ici à vouloir rentrer dans des domaines comme l'obligation de la syndicalisation sectorielle ou des choses de cette tendance-là. Car il faut pouvoir respecter ce qui est une caractéristique assez importante des travailleurs autonomes, c'est-à-dire le choix qu'ils font bien souvent de ne pas avoir de patron et d'avoir des liens qui respectent leur autonomie et leur approche, leur liberté d'approche par rapport au monde du travail.

Alors, M. le Président, rappelez-vous, nous avions lu et écouté le discours du premier ministre. Aussi, de ce côté-ci, oui, nous partagions les mêmes ambitions, les mêmes points de vue sur cette question. On aurait pu, bien sûr, comme ça aurait été le rituel, présenter une motion disant: Il n'y en a pas assez, etc. À court, parce que nous pensions que ce dossier était extrêmement important, nous avons dit: Plutôt que de se dire que nous allons procéder – disons, on ne va pas assez vite ou on ne fait rien – on va faire un geste, un geste particulièrement inhabituel dans cette Assemblée et, ensemble, ministériels et opposition, nous allons voter la même motion qui disait à l'Assemblée nationale: Agissez avec célérité; il y a besoin de faire vite, les besoins sont pressants dans ce domaine-là. Et je sais, parce que je connais aussi les parlementaires ministériels et je parle aussi avec certains de mes collègues ministériels, que cet objectif qui était dans le discours du trône était partagé par la majeure partie d'entre eux et que ce n'était pas des mots simplement qui étaient écrits à l'intérieur du discours du trône.

Malheureusement, le dossier a été confié à la personne la plus incompétente du cabinet actuellement. Je m'excuse de le dire, M. le Président. Hier, je l'ai dit, et je le répète: Hier, j'ai vu un projet de loi plein de trous, des trous béants, qui était le projet de loi sur ce qu'on appelle les clauses orphelin. Aujourd'hui, je suis obligé de constater que la personne à qui on a confié le dossier n'a à peu près rien fait de concret depuis qu'elle est porteuse du dossier. Il n'y a rien qui s'est fait réellement à part des petites réunions de comité à droite et à gauche, mais rien de concret depuis que cette personne est porteuse du dossier.

(10 h 20)

Alors, M. le Président, qu'est-ce que nous faisons? Nous prenons la dernière journée de cette session – vous connaissez comme moi les règlements – la dernière journée qui nous est permise, où l'opposition peut présenter une motion, parce que nous allons rentrer, à partir de jeudi, demain, dans ce qu'on appelle dans notre jargon la session intensive et on ne pourra plus présenter une motion. Nous présentons aujourd'hui, M. le Président, une motion pour rappeler au gouvernement que nous avions été unanimes le 1er avril, nous étions sur la même voie. Nous voulons rappeler au gouvernement qu'il y a urgence d'agir et d'agir suivant les lignes de notre décision du 1er avril. Nous voulons rappeler que cette décision était très claire, elle balisait clairement ce qu'il fallait faire: reconnaître le statut juridique du travailleur autonome, particulièrement par rapport au ministère du Revenu; deuxièmement, être en mesure de concevoir – et nous étions prêts, nous en avons proposé un – un filet de protection sociale pour le travailleur autonome; et, troisièmement, être en mesure de voir à des mécanismes pour permettre au travailleur autonome de maintenir sa compétence.

M. le Président, je souhaite qu'on puisse encore maintenir la même unanimité. Et je dois vous dire à quel point je me sens... Et je ne voudrais vraiment pas faire... Vous savez, des fois, on abuse des termes, on abuse ici de... Je ne mets pas tous mes collègues ministériels dans le même sac sur cette question-là. Je sais que la majeure partie d'entre eux sont des gens qui sont sensibles à cette problématique. Je vise spécifiquement la députée de Bourget, je vise spécifiquement la ministre parce qu'elle n'a rien fait depuis les six derniers mois. Et j'invite fortement cette Assemblée à voter en faveur de cette motion, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun et auteur de cette motion. Alors, tout comme je le mentionnais, M. le député de Verdun était bel et bien l'auteur de la motion de ce mercredi, et c'est le dernier jour où l'opposition peut déposer une motion.

Nous allons maintenant céder la parole au député de Chicoutimi. M. le député.


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole sur un sujet qui m'intéresse particulièrement parce que les travailleurs autonomes évidemment, c'est une réalité qui touche l'ensemble de notre société mais plus particulièrement la nouvelle génération qui a accès au marché du travail.

Je tiens tout d'abord à rassurer mon collègue le député de Verdun à l'effet qu'évidemment la préoccupation qu'il exprime quant aux travailleurs autonomes est la nôtre aussi. J'espère qu'il demeurera aussi vigilant dans l'avenir, mais on peut l'assurer que nous prendrons des mesures, et que notre volonté d'agir, qui a été exprimée lors du discours inaugural, va demeurer.

M. le Président, il est évident que cette réalité du travailleur autonome est une réalité qui n'est pas nouvelle. Tout d'abord, il faut se rappeler qu'il y a... Évidemment, elle est en croissance. Depuis plus de 20 ans, on constate... je vous dirais depuis même, si on prend les statistiques depuis 1976, le nombre de travailleurs autonomes a presque doublé, a doublé et même un petit peu plus, dû à la réalité du marché du travail. Et même on a constaté que, lors de périodes où on est en récession économique, lorsque l'emploi traditionnel diminue, l'emploi des travailleurs autonomes, lui, augmente, alors, ce qui fait en sorte que, que ce soit de 1980 à 1982 alors que le Québec perdait beaucoup d'emplois, les travailleurs autonomes, eux, ont augmenté au niveau du nombre d'emplois, ce qui fait qu'aujourd'hui la réalité fait en sorte qu'on fait référence à tout près de 500 000 travailleurs – le député de Verdun parlait... on parle entre 400 000 et 500 000 travailleurs – qu'on peut qualifier de travailleurs autonomes.

Évidemment, comme je le disais lors de mon entrée en matière, c'est une réalité qui touche beaucoup les jeunes. On a tous des gens de nos familles qui sont travailleurs autonomes, qui... Comme on le dit, c'est un choix de vie aussi de dire qu'au-delà d'une recherche... Évidemment, c'est un domaine qui a beaucoup moins de sécurité. Donc, c'est des gens qui préfèrent souvent effectivement travailler en individualité – donc il faut respecter ces choix-là – et qui décident d'opter pour un fonctionnement qui est particulier, mais il faut quand même faire en sorte qu'ils puissent disposer des moyens et des outils pour que leur réalité soit un petit peu plus confortable.

Je vous dirais même qu'ils agissent souvent dans des secteurs de pointe. Parce que j'ai plusieurs collègues évidemment avec qui j'ai étudié et qui travaillent maintenant, qui sont dans des domaines, entre autres, l'informatique. Le député de Verdun le disait tantôt: s'il y a un domaine dans lequel les travailleurs autonomes sont très présents maintenant, c'est le domaine de l'informatique. Je regarde, entre autres, la création des sites Web, le domaine de l'infographie où des gens décident – parce que c'est un domaine où on fait beaucoup appel à la créativité – avec un ordinateur de bord, de tout simplement travailler et de faire de la création à la maison, seuls.

Évidemment, lorsque la situation va bien, lorsqu'on a une période de croissance économique, c'est quand même bien, sauf qu'il peut arriver, lorsqu'on est en période de décroissance, que la situation soit beaucoup plus difficile. Actuellement, évidemment, nous sommes dans une période de croissance – espérons qu'elle va demeurer – mais il faut pallier au cas où effectivement on arriverait à une situation plus problématique.

Je vous dirais aussi, bon, cette problématique-là, évidemment – le député de Verdun le mentionnait un peu – c'est une réalité qui est très complexe. On ne peut pas penser qu'on va légiférer d'une façon, je vous dirais, uniforme, parce qu'on regroupe un ensemble de réalités et même de professions. Vous savez, les travailleurs autonomes, ça touche... Je parlais de l'informatique tantôt, M. le Président, mais on parle des camionneurs, on parle de gens qui travaillent effectivement dans les nouvelles technologies, on parle de professionnels, d'avocats, de comptables, on parle aussi de gens qui sont dans l'agriculture, dans les pêches. Alors, on peut comprendre que cette réalité-là est très complexe et très variée.

Donc, le fait de vouloir agir, évidemment, il faut agir intelligemment et agir de façon à faire en sorte qu'on puisse remédier à des situations qui sont problématiques. Le député de Verdun faisait mention tantôt de l'ensemble des problématiques, et je crois qu'il cadre bien effectivement les problèmes auxquels font face les travailleurs autonomes, que ce soit au niveau de la fiscalité, au niveau de l'assurance-emploi, au niveau des congés de maternité plutôt, je veux dire, au niveau de la CSST, de la Régie des rentes. Alors, c'est l'ensemble des problématiques qui touchent les travailleurs autonomes. Il faut agir, oui, et nous agirons, mais il faut agir intelligemment et avec compétence.

Sans faire, vous savez, de petite politique, il est évident que – parce que j'entendais tantôt le député de Verdun employer des termes qui sont, quant à moi, très peu appropriés, là, pour qualifier la ministre du Travail – je vais me permettre, M. le Président, de vous rappeler que d'autres, entre autres le Parti libéral, avaient proposé pendant la campagne certaines mesures au niveau du travailleur autonome, qui, selon moi – et ce n'est pas mon intention de traiter quiconque d'incompétent – n'avaient en aucune façon pour effet de régler la situation.

M. Gautrin: Lesquelles?

M. Bédard: Entre autres. Oui. Le député de Verdun me demande lesquelles, alors je vais me faire un plaisir de lui répondre, et à vous aussi, et à la population. Lors de la campagne, on parlait d'instaurer un régime de protection au niveau de l'assurance-salaire, de l'assurance-invalidité. Or, on a trouvé que les assurances actuelles, celles qui étaient disponibles pour les travailleurs autonomes, étaient meilleures, couvraient mieux les travailleurs. Alors, je vous donnerais, entre autres, comme exemple: On pensait instaurer un régime... On disait plutôt que, pour que quelqu'un puisse avoir droit à cette protection-là, que le gouvernement pouvait offrir, il devrait, à la base, cotiser pendant une période de trois ans au régime de protection. Or, il existe une assurance privée, qui est l'assurance-budget Desjardins, à laquelle tout le monde peut adhérer et qui fait en sorte qu'à partir du moment où tu es protégé, où tu prends l'assurance, peu importe le moment – tu n'as pas besoin évidemment de cotiser pendant trois ans – alors, à ce moment-là, tu es couvert, dès ce moment-là. Et je vous soumettrai que le Parti libéral proposait une période de trois ans. Quand on sait en plus que c'est la réalité chômage, je vous dirais, temps de travail, parce qu'il y a toujours des moments, disons, plus tranquilles, il arrive souvent que les travailleurs, c'est par séquences, alors c'était difficilement réalisable. Or, il existe déjà des assurances qui couvrent d'une façon beaucoup plus élargie les travailleurs autonomes.

(10 h 30)

J'en ai une série, évidemment. Le Parti libéral proposait: Avant de se joindre au régime, les travailleurs devraient cependant faire partie d'un regroupement professionnel qui certifierait leur statut de travailleur autonome. Ça, c'était dans le programme. Avec l'assurance-budget Desjardins, tous peuvent adhérer, même les membres de caisses. Il n'y a aucune preuve de revenu ou de statut d'emploi exigible. Et, à l'époque, le Parti libéral demandait effectivement d'avoir une preuve quant au revenu. Il proposait de la même façon: Au début de chaque année, le participant pourrait assurer un revenu potentiel qui ne pourrait pas dépasser 38 000 $ ni la moyenne de ses gains provenant de son travail pour les trois dernières années. Or, avec l'assurance-budget – qui existe encore d'ailleurs – le membre détermine lui-même ses besoins et il n'a aucune preuve de revenu à fournir.

Alors, vous savez, j'en ai une série. Je ne veux pas revenir parce que ça serait quand même assez long, mais on a vu que... Ce que je veux vous faire ressortir, c'est que, oui, on doit agir, mais on doit agir intelligemment. Et, comme cette réalité-là n'est pas évidente et est très complexe, on peut arriver avec des mesures qui, somme toute, semblent très, très bonnes et sont défendables, mais, dans les faits et dans la réalité de ces travailleurs-là, ces mesures-là peuvent s'avérer sans aucun effet ou inutiles et parfois trop coûteuses, et qui ne rejoignent pas le but recherché.

Alors, évidemment, tout le régime de protection, tout le régime fiscal, il y a des solutions, il y a une réflexion à faire. Elle est faite en grande partie, je vous dirais, parce qu'il y a plusieurs constats. Il y a des comités conjoints, effectivement, qui ont été mis sur pied, même à l'époque où, je me souviens, le député de la Gaspésie, Matthias, le député...

Des voix: De Matane.

M. Bédard: ...de Matane, pardon, pardonnez-moi. Alors, le député de Matane, effectivement, était ministre. Il y avait eu une bonne réflexion qui avait été faite à cette époque-là. Et on a entendu, il y a plusieurs groupes qui avaient fait des représentations, et un comité, entre autres, au niveau du ministère du Travail, avait fait le constat de la réalité que vivaient les travailleurs autonomes et avait élaboré certaines pistes possibles de solutions, des mesures qui pourraient être prises de façon à faire en sorte qu'on puisse accorder un filet, évidemment, à ces travailleurs-là et avoir, je vous dirais, des mesures tant au niveau fiscal qu'au niveau des lois du travail, des mesures qui sont cohérentes, de façon à ce qu'ils aient une réalité beaucoup moins complexe qu'ils ont actuellement.

Alors, que faire? Que faire actuellement? Je vous dirais que nous agissons, la ministre agit, le gouvernement agit. Et je peux comprendre l'impatience de mon collègue mais je peux le rassurer tout de suite: nous aurons des mesures, évidemment, dans le présent mandat. La première, évidemment, qui est nécessaire, c'est de clarifier le statut. Comme je vous disais tantôt, on a affaire à une réalité qui est très complexe, même au niveau des lois du travail. Il y a actuellement certaines évolutions jurisprudentielles qui font en sorte que maintenant on peut baliser ce qu'est un travailleur autonome. On parle de six ou sept critères qui ont été développés par la jurisprudence, parce que le Code et la Loi sur les normes résument en une phrase ce qu'est un salarié. Donc, ce qui n'est pas un salarié est un travailleur autonome.

Et, évidemment, suite à ça, beaucoup de décisions des tribunaux sont venues ajouter à cette définition-là pour faire en sorte que maintenant on ait une idée très précise, au niveau juridique, de ce qu'est un travailleur autonome. Or, pour n'importe quel justiciable et citoyen du Québec, le fait de prendre son Code du travail ou de prendre la Loi sur les normes n'indique pas s'il est salarié ou travailleur autonome parce que, évidemment, cette définition-là se retrouve dans les décisions des tribunaux.

Alors, il est évident que maintenant, je pense, le premier acte important à poser, c'est de clarifier au niveau de la loi ce qu'est le travailleur autonome et même de différencier par rapport maintenant à ce qu'on appelle un entrepreneur indépendant et un entrepreneur dépendant. D'ailleurs, on retrouve même cette différence-là dans le Code canadien du travail qui a différencié un entrepreneur dépendant et un entrepreneur indépendant. Donc, dépendant, c'est que normalement il a une dépendance économique avec soit une entreprise soit un individu. Alors donc, première intervention, je crois, qui est importante, c'est de clarifier, de baliser ce qu'est le travailleur autonome.

Deuxième où il va falloir intervenir, il y a des mesures actuellement – j'entendais tantôt le député de Verdun – par rapport à la CSST, le Régime des rentes qui constituent deux mesures de notre filet social. On sait qu'actuellement les travailleurs autonomes ont accès à la CSST, ont accès au Régime des rentes, mais d'une façon qui fait en sorte que c'est presque un frein. Entre autres, je vous dirais, pour le Régime des rentes, il faut qu'ils cotisent évidemment leur part, mais il faut qu'ils cotisent aussi la part de l'employeur. Mais, comme ils sont leur propre employeur, ils cotisent les deux parts. Donc, ils se retrouvent à payer deux fois par rapport à un travailleur ordinaire.

Et on sait, en passant, que les travailleurs autonomes ont un revenu moyen, au niveau des salariés, moins élevé que la moyenne des travailleurs salariés. Alors, à ce moment-là, on leur impose des obligations qui sont encore plus élevées. Donc, je crois qu'il y a effectivement quelque chose à faire. Même chose pour la CSST. Parce que, évidemment, on peut dire aux gens: Oui, vous pouvez être assurés, oui, vous pouvez être couverts par nos régimes actuels, sauf que le coût que eux doivent payer est trop important par rapport à leur capacité de payer. Alors, il y a des mesures à penser, et nous avançons là-dessus.

Un autre, évidemment – et ça, je le laisserai à un autre intervenant: tout le régime fiscal, il y a des mesures à repenser. Il y a une façon d'alléger ce qu'on retrouve actuellement au niveau fiscal pour les travailleurs autonomes. Et je suis convaincu qu'on va agir rapidement.

Il y a tout le domaine de la formation. Le député le mentionnait tantôt, évidemment c'est des gens qui souvent travaillent dans des domaines très pointus, où ils doivent se former eux-mêmes. Ils le font à même leur temps qui est... Donc, comme ils sont leur propre patron, lorsqu'ils se forment, évidemment il n'entre pas de revenus. Alors, c'est sûr qu'ils se placent dans une situation où ce n'est pas évident pour eux d'acquérir toute la formation et les connaissances nécessaires à leur travail. Alors, il y aura sûrement lieu de créer une façon pour eux d'avoir accès à de la formation tout en ayant un régime qui pourrait, pendant cette période-là, leur assurer certains avantages.

Un autre domaine où il est important d'agir, et nous devrons agir, et qui demande la collaboration d'un autre palier de gouvernement est tout le domaine du congé-maternité. Vous savez, actuellement, c'est un régime qu'on retrouve dans la Loi sur les normes, qui prévoit effectivement que tout travailleur a accès à un congé-maternité d'une durée qui peut aller jusqu'à 54 semaines, par exemple. Par contre, évidemment, pendant cette période-là, les travailleurs sont couverts par le régime d'assurance-emploi qui leur permet d'avoir pendant cette période-là des revenus qui sont de l'ordre de... qui ne sont pas évidemment l'entièreté de leur salaire mais qui sont couverts par l'assurance-emploi.

Alors, évidemment pour arriver à une mesure qui est cohérente, et il va falloir y arriver, ça va prendre une collaboration d'un autre palier de gouvernement de façon à leur permettre, à ces travailleurs-là, d'avoir accès aux mêmes bénéfices, aux mêmes avantages auxquels ont accès tous les travailleurs, toutes les travailleuses du Québec. Et c'est important, je crois. On parle beaucoup de l'importance de la famille, de l'importance de donner le temps évidemment à ces personnes-là d'être près des leurs. D'autant plus que la réalité du travailleur autonome maintenant, c'est qu'on retrouve presque autant de femmes que d'hommes qui sont travailleurs autonomes. Alors, évidemment il faut leur donner, et je crois que c'est la moindre des choses, les mêmes avantages qu'on retrouve pour tous les salariés du Québec. Alors, M. le Président, évidemment nous sommes, je crois, et je pense que je reflète l'idée de tous mes collègues, très préoccupés par cette question. Il faudra agir et il le faut.

Le premier ministre le mentionnait lors du discours inaugural, nous arriverons avec des mesures très rapidement. Beaucoup de choses ont été entreprises. Et je veux rassurer la population et mes collègues, entre autres mon collègue le député de Verdun. Vous savez, jusqu'à maintenant, le gouvernement, dans tous les domaines où il a dit qu'il allait agir, il l'a fait. Je pense qu'on a un bon bulletin à ce niveau-là quand on fait ce qu'on dit.

Je regarde tous les engagements qui ont été pris par le gouvernement. Je pense, entre autres, aux clauses orphelin: il y a un projet de loi qui a été déposé, il y aura des amendements qui vont être proposés. Et déjà on avait mentionné, on avait pris un engagement très clair à ce niveau-là; on l'a tenu et on va continuer. On l'a fait pour les clauses orphelin, on l'a fait dans d'autres domaines, et je peux vous dire qu'on va le faire évidemment dans le domaine des travailleurs autonomes.

Alors, M. le Président, nous avons dit que nous allions agir et nous allons agir, j'en suis convaincu. Il faut évidemment agir intelligemment, agir d'une façon qui va faire en sorte qu'on respecte la volonté de ces gens-là d'agir dans l'individualité, mais leur accorder, comme je vous disais tantôt, une protection. Mais ces mesures-là devront faire en sorte de bonifier ce qui existe actuellement. Il ne faut pas arriver et créer un système parallèle qui ferait en sorte qu'il dédoublerait ce qu'on retrouve soit dans le secteur privé soit au niveau d'autres mesures du gouvernement.

Donc, c'est une réflexion globale qu'il faut faire, et ça, ça inclut, entre autres, le domaine fiscal. Alors, si on veut vraiment aider ces travailleurs-là, il faut arriver avec une proposition, avec des solutions qui vont être générales et qui vont recouper l'ensemble de leurs réalités. Parce que c'est bien important. J'ai fait l'énumération tantôt de plusieurs réalités qui touchent tant au niveau, on va dire, fiscal qu'au niveau de la sécurité, qu'au niveau des mesures sociales. Alors, il faut vraiment avoir une intervention qui est globale, qui est intelligente, qui est pointue et qui va faire en sorte que ces gens-là aient accès aux mêmes avantages que les autres salariés et travailleurs et travailleuses du Québec. Merci, M. le Président.

(10 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Chicoutimi. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière et également responsable des dossiers de l'autoroute de l'information et des services gouvernementaux. Alors, Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir que j'interviens sur cette motion du mercredi, qui a été introduite par mon collègue le député de Verdun sur un dossier extrêmement important, celui des travailleurs autonomes. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée prise le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes.»

Alors, de quelle décision s'agit-il, M. le Président, et pourquoi il est nécessaire de la rappeler? Permettez-moi de citer la motion qui a été adoptée. Elle se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale invite le gouvernement à agir avec célérité dans le domaine des travailleurs autonomes en reconnaissant le statut juridique du travailleur autonome, en mettant sur pied un filet de protection sociale qui amenuise les risques liés à leur parcours professionnel et familial, en instituant un programme qui leur facilite le maintient de leurs compétences.»

C'était le 1er avril 1999, M. le Président. Et c'est très important de souligner «célérité», parce que c'est de cette diligence qu'il s'agit et c'est pourquoi on interpelle à nouveau le gouvernement dans ce dossier.

M. le Président, le travail autonome est un phénomène en pleine croissance au Québec, au Canada et un peu partout dans le monde. Depuis les 20 dernières années, cette tendance se dessine dans le marché du travail. Conséquence directe des changements technologiques et de la réorganisation du travail en entreprise, les emplois autonomes représentent 79 % des emplois créés au Canada sur une période de huit ans, de 1989 à 1997. Par contre, 60 % de ces emplois sont à temps partiel.

Et, bien que ce phénomène soit en constante croissance, le concept même du travailleur autonome demeure à ce jour ambigu, en partie parce que le gouvernement, qui a la responsabilité de le définir en élaborant un statut du travailleur autonome, se traîne les pieds. Synonyme de travailleur indépendant ou de travailleur à la pige, il renvoie à une multitude de catégories d'emplois que le Dictionnaire de droit québécois et canadien qualifie, et je cite: «Personne qui accomplit un travail pour autrui sans qu'existe entre eux un lien de subordination.» Fin de citation.

Du point de vue fiscal, le travailleur autonome est un particulier qui exploite une entreprise non constituée en société dans le but de réaliser un profit. Donc, M. le Président, on a les paramètres, on a le profil du travailleur autonome, on a le diagnostic des travailleurs autonomes qui a été fait par la SQDM. Donc, Emploi-Québec a le portrait exact du travailleur autonome, il lui reste tout simplement à agir. Mais la ministre de l'Emploi, qui n'a pas encore pris la parole sur cette motion-là, tarde justement à prendre une décision claire dans ce dossier.

Alors, les travailleurs autonomes, c'est en fait une diversité de gens et de travailleurs de toutes sortes. L'exemple traditionnel qu'on peut citer, c'est celui des médecins, des professions qu'on appelle libérales, mais il y a aussi une multitude d'emplois en émergence dans la nouvelle économie, qui s'en vont dans le travail autonome.

Les motivations qui poussent les travailleurs à opter pour cette forme d'emploi sont diverses. On les catégorise en deux parties: les emplois volontaires et les emplois involontaires. Les volontaires, ce sont ceux qui choisissent, pour toutes sortes de raisons personnelles, familiales ou professionnelles, de s'orienter vers le travail autonome. Les involontaires, c'est tous ceux qui, parce qu'ils ont perdu leur emploi, parce qu'ils sont contraints de travailler dans une multitude de domaines, choisissent, malgré eux, de travailler comme autonomes.

Mais de nombreux facteurs, donc, sont avancés pour expliquer cette tendance. Pourquoi est-ce que ce phénomène de travailleurs autonomes qui... Soit dit en passant, à l'origine, le travail était autonome. Le travail salarié n'était pas la norme, il l'est devenu avec la société industrielle. Donc, on revient à la source. Des facteurs, donc, expliquent cette tendance.

Premièrement, le fardeau fiscal des particuliers jugé trop lourd. Au Canada, on estime que 30 % d'augmentation des taxes et des impôts conduisent à une hausse de 5 % à 11 % de travailleurs autonomes. Deuxième raison, les taxes sur les masses salariales amènent les entreprises, dans certains cas, à recourir aux travailleurs autonomes. Troisième facteur, les entreprises qui favorisent la sous-traitance auprès des travailleurs autonomes en tirent des avantages réels en termes de flexibilité, de qualité, de rapidité de production et de diminution de coûts. Donc, il y a des avantages pour les entreprises et pour les travailleurs autonomes à choisir cette forme d'emploi.

Par contre, de nombreux travailleurs autonomes, M. le Président... Ça ne constitue pas nécessairement, pour plusieurs d'entre eux, un choix réel, comme je vous l'ai dit; c'est une question de survie économique. D'ailleurs, les revenus des travailleurs autonomes sont extrêmement variés et, je dirais, disparates. Une proportion significative de travailleurs autonomes gagnent des revenus, dans ce cas-là, de moins de 20 000 $ par année. Par contre, dans cette catégorie même, on retrouve des travailleurs autonomes qui gagnent entre 80 000 $ et 100 000 $.

Au Québec, le ministère du Revenu a enregistré, en 1993, 315 000 travailleurs autonomes contre 400 000 en 1997, soit une croissance moyenne de 5 % par année. Le portrait, donc, des travailleurs autonomes est très diversifié. On constate généralement que les hommes sont plus nombreux que les femmes à s'y engager, dans une proportion de 60-40. Et ce phénomène s'accroît avec l'âge. Les gens qui ont de l'expérience qui ont quitté leur profession dans la force de l'âge s'orientent vers le travail autonome. Les Québécois issus de l'immigration, surtout ceux émanant des communautés établies depuis deux ou trois générations, choisissent également ce mode de travail.

Malgré l'importance du travail autonome et malgré la contribution majeure des employés indépendants à l'économie du Québec, leur statut demeure encore non défini avec comme conséquence qu'ils ne bénéficient pas de certains avantages sociaux accordés aux employés salariés. Ils demeurent par ailleurs isolés et manquent de support technique, logistique et financier. Le réseautage est une condition essentielle à leur réussite professionnelle. Or, souvent, ils ont de la difficulté à établir des liens avec les donneurs d'ouvrage, ce qui est une condition essentielle pour réussir leurs projets.

Emploi-Québec, qui gère des programmes destinés aux travailleurs autonomes, a fait preuve depuis plus d'un an d'une improvisation totale, on le sait, ça a fait les manchettes, mais, aussi, la mesure STA qui est destinée aux travailleurs autonomes, M. le Président, piétine et de nombreux travailleurs autonomes sont pénalisés à cause de ça.

À titre de députée de La Pinière, j'ai l'occasion de côtoyer de nombreux travailleurs autonomes dans mon comté, dans ma région. En janvier 1998, j'ai pris conscience de la vulnérabilité de leur situation, car, dans mon comté comme partout en Montérégie, ils ont subi les effets du verglas: des pertes de revenus, des dommages matériels à leur bureau de travail qui souvent se trouve dans le sous-sol de leur maison, des dommages à leurs équipements, M. le Président. Et j'ai dû écrire au premier ministre pour lui rappeler que les travailleurs autonomes étaient les grands oubliés de la crise du verglas. J'ai également réclamé et obtenu que les travailleurs autonomes soient inclus dans le cadre des programmes de soutien financier aux petites entreprises.

(10 h 50)

Une autre initiative à laquelle j'ai été directement associée, c'est la mise sur pied, sur la rive sud de Montréal, d'une table de concertation pour les travailleurs autonomes qui a réuni les représentants d'Emploi-Québec, les représentants de Ressources humaines Canada, les syndicats, les groupes d'employabilité. Et ce travail-là a culminé par l'organisation, en mars 1998, d'un forum sur le travailleur autonome, M. le Président, où on a dégagé des orientations et des recommandations très utiles et qui ont été communiquées d'ailleurs au gouvernement via Emploi-Québec. Donc, je déplore qu'aujourd'hui on soit encore obligé de revenir avec une deuxième motion pour rappeler à ce gouvernement l'importance de ce dossier, la nécessité d'agir, l'urgence d'agir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière et également responsable des dossiers de l'autoroute de l'information et des services gouvernementaux. Alors, je vais céder maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, je...

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Levez-vous, s'il vous plaît. Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Pour respecter l'alternance, peut-être permettre à un député ministériel... Suspendre une minute ou deux, je comprends qu'il va arriver.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, effectivement, comme il y a consentement, nous allons tout simplement suspendre nos travaux pour quelques instants, ce qui permettra à d'autres intervenants de venir intégrer... Ils sont actuellement en commission parlementaire. Et nous allons reprendre le débat. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 52)

(Reprise à 10 h 53)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir. Alors, nous poursuivons notre débat, et je cède immédiatement la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce et également responsable, critique officiel de l'opposition en matière des dossiers de la famille et de l'enfance. Alors, M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je serai assez bref ce matin dans le cadre de cette motion de l'opposition concernant les travailleurs autonomes. Je veux simplement soulever la question, entre autres, des congés parentaux, qu'on appelle de temps en temps assurance parentale, assurance congé parental, congé et assurance. Il y a une certaine confusion dans les termes. Mais c'est une question qui est essentielle pour les travailleurs et travailleuses autonomes au Québec.

M. le Président, l'historique un peu de cette notion des assurances parentales date d'il y a maintenant plusieurs années, quand le gouvernement actuel a publié son livre blanc sur la politique familiale au Québec. Et un des éléments essentiels des mesures annoncées dans le livre blanc était un régime de congés parentaux bonifié, bonifié à plusieurs égards: bonifié dans le temps, c'est-à-dire qu'il prévoyait la possibilité de prendre plus de temps de congé à la suite de la naissance d'un enfant que la période de temps qui est prévue avec le régime d'assurance-emploi du gouvernement du Canada; la possibilité d'avoir un taux de remplacement du salaire plus élevé que le maximum prévu par le régime d'assurance-emploi du fédéral, qui est à 55 %; et qui pourrait s'étendre à plus de personnes, qui pourrait couvrir plus de personnes au Québec que le régime de congés parentaux du régime d'assurance-emploi du fédéral, quand on sait qu'il faut travailler 700 heures pour devenir éligible à toucher les bénéfices du régime d'assurance parentale qui est mis en place par le biais du fonds d'assurance-emploi au Canada.

Alors, le gouvernement du Québec avait comme élément de sa politique familiale ces bonifications-là: taux de remplacement de salaire plus élevé, une période prolongée et plus de Québécois et de Québécoises éligibles, M. le Président. C'est des objectifs louables.

De temps en temps, je me fais reprocher comme député de l'opposition, par des gens de mon comté, des Québécois et Québécoises: Pourquoi vous n'êtes pas capable de travailler avec le gouvernement sur certains dossiers? Malgré le fait qu'on ne partage pas l'opinion, à bien des égards, du gouvernement actuel sur beaucoup de questions, il y a une possibilité – puis je le dis très clairement – de consensus autour de cette question des congés parentaux. Il y a un même consensus sociétal qui se développe, je crois. Il y a beaucoup de groupes qui disent maintenant, de plus en plus, à quel point les congés parentaux sont essentiels dans le processus de réconcilier travail et famille.

J'ai assisté à une soirée, à un colloque avec des militants de notre parti dans la région de Jonquière, Chicoutimi, et on a interrogé, entre autres, des jeunes femmes présentes dans la salle, à savoir: Quels sont les obstacles au fait de devenir parents? Et un des obstacles demeure, et c'est très clair: l'absence de congés parentaux prolongés, un régime bonifié pour les Québécoises et les Québécois. Il y a un certain consensus là-dessus. Même le Conseil de la famille et de l'enfance, qui est chargé de conseiller le gouvernement sur toute question qui touche les questions familiales, la politique familiale, indique très clairement dans son récent avis Famille et travail, deux mondes à concilier , qu'un régime de congés parentaux est essentiel pour compléter la politique familiale au Québec.

M. le Président, nous sommes, au Parti libéral du Québec, très prêts à examiner cette question avec le gouvernement, mais il faudrait quand même qu'il y ait un certain échange d'informations et une volonté du côté du gouvernement de partager des informations avec nous aussi. On n'a pas l'habitude, de ce côté de la Chambre, par prudence, de signer des chèques en blanc au gouvernement actuel. Ce n'est pas réaliste pour nous de vouloir signer un chèque en blanc, de vouloir dire: Oui, oui, oui, on embarque dans votre projet de congés parentaux sans qu'on sache la portée, sans qu'on examine toute la question, les implications pour les employeurs, les implications pour les salariés et les implications pour les travailleuses autonomes. Un élément essentiel dans le projet de vouloir étendre les bénéfices touche évidemment les travailleuses autonomes, qui, comme vous le savez fort bien, généralement n'ont aucun bénéfice social à l'égard d'un congé parental à la suite de la naissance d'un enfant.

(11 heures)

Et on sait l'ampleur qui se développe autour de toute la question des travailleuses autonomes. Il y a beaucoup de femmes qui embarquent dans cette carrière, ce style de vie, d'où la nécessité de procéder rapidement, M. le Président, pour proposer un régime de congés parentaux qui toucherait également les travailleuses autonomes. On sait fort bien que le fédéral, le gouvernement du Canada a annoncé une bonification de son propre programme d'assurance-emploi, qu'il est en train de regarder un peu les mêmes questions: le taux de remplacement, la période. Le premier ministre du Canada a annoncé que la période des bénéfices sera prolongée à 52 semaines, probablement à partir du 1er janvier 2001. Alors, le fédéral est dans le dossier, et c'est incontournable, quant à moi. J'ai entendu trop de discours ici, en cette Chambre, venant des ministres et députés de l'autre côté qui disent: Nous, on va mener ça, juste nous, uniquement nous, comme il faut au Québec. Il y a une réalité, M. le Président, en ce qui touche la question de la caisse d'assurance-emploi, il faut s'entendre avec le fédéral là-dessus.

Les mécanismes de tout ça, quels seront les détails? Bien, je laisse ça au gouvernement de les déterminer. Si le Québec veut récupérer toute la portion des congés parentaux du fédéral, s'il y a une possibilité d'harmoniser les deux programmes, ça, c'est des questions à venir, M. le Président. Mais ce qu'on nous dit, c'est que les négociations vont commencer. Il y a même des articles de presse qui l'indiquent, dont celui-ci, qui date du 27 octobre, dans La Presse : Les congés parentaux: les négos s'amorceront d'ici les Fêtes . Mais, d'ici les Fêtes, c'est bientôt. Le gouvernement du Parti québécois s'est engagé à présenter un régime de congés parentaux pour tous les travailleurs et travailleuses du Québec, ça a été un engagement électoral pris lors de la campagne électorale, une annonce... J'ai un communiqué de presse, qui date du 9 novembre 1998, qui indique les objectifs du programme préconisé par le Parti québécois. Alors, nous sommes un an plus tard. C'est vrai qu'il reste un certain temps dans le mandat du gouvernement, mais il y a urgence d'agir dans le dossier des congés parentaux, et surtout en ce qui concerne les travailleuses autonomes.

En terminant, M. le Président, j'offre ma collaboration pour tenter de voir – je dis bien «tenter de voir» – s'il n'y a pas moyen d'arriver à un consensus avec le gouvernement là-dessus. Mais cette offre n'est pas inconditionnelle, M. le Président, il faut que l'opposition officielle sache qu'est-ce qui se passe, il faut qu'on connaisse les éléments des propositions du gouvernement du Québec, et c'est tout à fait normal. On ne veut pas signer un chèque en blanc pour le compte du gouvernement du Québec, mais on veut tenter d'aider à donner des chèques à des travailleurs autonomes qui seront possiblement couverts dans le régime des congés parentaux. C'est ça qu'on veut, de l'aide pour ces femmes et ces hommes-là, et non pas nécessairement remplir les coffres du gouvernement du Québec à cet égard. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, également critique officiel de l'opposition en matière des dossiers de la famille et de l'enfance. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je vous remercie. Il y a effectivement plusieurs raisons pour débattre du travailleur autonome, du travail autonome qui a considérablement évolué, on le sait, et je pense qu'il y a plusieurs députés, ce matin, même du côté de l'opposition, qui en ont fait état. Alors, la part du travail autonome dans le nombre total d'emplois ne cesse d'augmenter; particulièrement, on le voit de manière encore plus pointue, dans la dernière décennie. Le travail autonome représente aussi une des sources premières de création d'emplois tant au Québec qu'au Canada et, dans plusieurs pays occidentaux, cette réalité-là, elle est évidemment vécue. Alors, ce n'est pas un phénomène qui est exclusivement québécois ou canadien, c'est un phénomène qu'on voit un peu partout en Amérique et en Europe.

En quelques mots – je ne voudrais pas inonder cette Chambre de chiffres, mais je pense que c'est important de situer, de bien saisir cette évolution du travail autonome – d'abord, il y a des combinaisons intéressantes qu'il nous faut constater. Il y a le travail autonome qui a connu une progression très, très, très marquée mais également le travail à temps partiel; et c'est constant, depuis une vingtaine d'années, le volume a presque doublé. On est passé de quelque 200 000 emplois dits autonomes à plus de 400 000 personnes. Donc, la part que le travail autonome occupe, l'espace que le travailleur autonome occupe dans l'emploi en général a grimpé de 9 % à tout près de 15 %, et, comme je le disais tout à l'heure, le travail autonome occupe aussi une place très importante dans la création d'emplois. On dit que, dans les années quatre-vingt-dix, c'est au moins 30 % du solde net des emplois créés au cours de cette période de 20 ans qui ont donc été des emplois dits autonomes.

Quelques autres considérations, aussi, qui nous permettent de situer ce phénomène-là. Comme je le disais tout à l'heure, l'emploi, et à temps partiel et autonome, a représenté près de trois quarts de la création nette d'emplois au Québec. C'est une forte croissance qui résulte de plusieurs facteurs: le fait que nous ayons des nouvelles organisations de travail, que nous ayons de nouvelles pratiques d'embauche, il y a davantage de flexibilité qui est demandée aux entreprises pour faire face à la concurrence et aussi à la mondialisation de nos économies. Si bien que ça se traduit très concrètement, ces changements dans le marché du travail, par une utilisation beaucoup plus intensive et fréquente par les entreprises de contrats de travail de durée déterminée, de contrats de services, et même parfois, on le sait, par une conversion d'emplois salariés en des emplois autonomes.

Comme je le disais, parce que j'ai eu l'occasion évidemment de... non seulement j'ai examiné, j'ai rassemblé les interventions gouvernementales dans ce dossier-là, mais je me suis permise de revoir un peu l'historique, de revoir sur quoi le gouvernement du Parti québécois s'était appuyé pour déterminer les interventions actuelles et les interventions gouvernementales à venir. Alors, j'ai donc retracé des documents de base qui datent de quelques mois, quelques années.

Comme je le disais, le gouvernement, comme bien d'autres gouvernements, constate une progression extrêmement importante des emplois autonomes dans le champ de la création d'emplois. Il y a aussi le travail autonome qui, en nombre, est plus présent, en nombre de travailleurs et de travailleuses, est plus important, mais le travail autonome s'est aussi transformé au fil des années. Au milieu des années soixante-dix, quand on regarde les études de cette époque, on constate que les activités où il y avait du travail autonome de manière assez importante, c'était les activités de commerce et de services qui étaient vraiment les lieux de prédilection du travail autonome. Mais, avec le temps, c'est la branche de commerce qui a pris un peu plus d'espace. Alors, ça, c'est des changements aussi qu'il nous apparaît important de constater.

L'autre caractéristique aussi qu'il ne faut pas ignorer, c'est qu'il y a aussi une différenciation. Le travail autonome ne se vit pas, ne s'articule pas, ne se développe pas dépendamment d'un certain nombre de caractéristiques sociodémographiques, si je peux m'exprimer ainsi. Par exemple, on sait que les hommes sont particulièrement présents dans le travail autonome, mais la croissance des femmes dans le travail autonome a été plus forte ces dernières années, et je pense que, là, l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail en explique un facteur. Le désir aussi d'avoir une certaine souplesse et un peu plus de contrôle sur leurs conditions de travail, explique également – ça, ça a été largement documenté – pourquoi les femmes progressent particulièrement dans le développement d'emplois de type autonome. Par exemple, les femmes, en 1976, représentaient à peu près le cinquième des emplois autonomes, et, maintenant, c'est à peu près le tiers. Alors, ça aussi, il y a des considérations importantes dont tenir compte. Je vais revenir là-dessus.

Je prends bonne note des suggestions et même de l'offre – j'entends ça comme étant une offre – du député de Notre-Dame-de-Grâce. Il a fait un lien très judicieux, je le crois, entre la difficulté actuellement pour les jeunes familles, les jeunes couples, d'avoir des enfants, sans revenus. Et c'est le cas des travailleurs autonomes – et je vais y revenir tout à l'heure – qui n'ont en général pas accès à la caisse assurance-emploi, donc qui n'ont pas accès aux congés de maternité, aux congés parentaux. Et ça, c'est un enjeu majeur, mais je vais revenir dans quelques minutes.

(11 h 10)

Une autre caractéristique aussi intéressante, c'est que la plupart des travailleurs autonomes ne sont pas constitués formellement – soit sous forme de compagnie, par exemple – et ça demeure donc minoritaire, la proportion de travailleurs autonomes qui se constituent en société. On le voit davantage chez les hommes que chez les femmes et on le voit davantage chez des travailleurs autonomes plus âgés. Entendons-nous sur l'âge. Par exemple, ceux – et ça, c'est les chiffres qui nous le démontrent – qui ont plus d'une quarantaine d'années, on remarque une plus grande proportion de travailleurs autonomes de ces âges-là à se constituer en société. Et ça, c'est important parce qu'en général les travailleurs autonomes qui sont constitués en société ont des employés, et donc, ça fait en sorte qu'ils ont des revenus aussi plus importants.

L'âge aussi. Je le disais, le développement du travailleur autonome s'appuie aussi sur certaines considérations sociodémographiques. L'âge est un facteur important quant au développement de ce type d'entreprise, dans le fait aussi d'avoir ou pas des employés. Alors, en gros, on constate que plus les travailleurs autonomes sont âgés, plus ils ont des employés; plus ils sont jeunes, moins ils en ont. On voit aussi une différenciation du revenu; les revenus des travailleurs autonomes plus jeunes sont plus bas que ceux qui sont travailleurs autonomes depuis plus longtemps.

Une autre chose qu'il nous faut considérer – et je me permets de faire ce tour-là sans lancer plusieurs statistiques, mais je pense qu'il faut s'appuyer sur les connaissances que nous avons à ce sujet-là pour bien cibler les interventions à venir de la part du gouvernement – une autre considération importante, c'est de constater que le travailleur autonome, en général, n'est pas la source principale de revenus. Ce n'est pas la seule source de revenus pour plus du tiers des particuliers qui ont déclaré au ministère du Revenu avoir des revenus de travail autonome. En d'autres mots, il y a un cumul. Alors, des gens peuvent être travailleurs autonomes pour quelques jours, par exemple, par semaine, mais peuvent avoir un revenu de travailleur salarié, par exemple, à temps partiel. Alors, ça, c'est des éléments qu'il nous faut aussi considérer.

Tout ça pour dire que le travail autonome, ça recouvre des réalités très diversifiées, quelquefois qui sont opposées, et c'est une image. Vous savez, par exemple, que certains professionnels de la santé, notamment les médecins, sont considérés comme des travailleurs autonomes, mais nous allons tous convenir dans cette Chambre qu'ils ne sont pas dans la même situation. Ils ont davantage de contrôle sur leurs conditions de travail, leurs revenus sont plus élevés que des travailleurs autonomes – l'image classique d'une pigiste qui fait de la traduction à la maison, etc. Alors, je tiens à bien situer cette nuance et à faire cette nuance parce que les interventions ne sont pas les mêmes dépendamment à qui on s'adresse lorsqu'on pense à des travailleurs autonomes. Donc, des réalités multiples parfois qui sont opposées, des réalités aussi qui font appel quelquefois à des situations où il y a vraiment une réelle volonté d'entrepreneur, où des gens choisissent délibérément, en toute connaissance de cause, de contrôler eux-mêmes leur travail, de ne pas avoir un employeur, un lien direct d'emploi avec une entreprise.

Alors, il y a cette réalité-là, et il y a beaucoup de travailleurs autonomes qui sont dans cette réalité-là, mais il y a aussi des travailleurs autonomes qui le sont de manière plus involontaire. Donc, s'ils se retrouvent comme travailleurs autonomes, ça découle davantage de circonstances négatives. Alors, il nous faut donc considérer ces éléments factuels pour pouvoir être bien au clair sur les interventions actuelles du gouvernement et les interventions à venir.

L'autre raison, aussi, qui fait en sorte que ce débat est véritablement d'actualité, c'est que, dans le fond, le travail autonome est en train de changer structurellement le marché du travail. Évidemment, c'est un peu comme la poule ou l'oeuf, on ne sait pas qu'est-ce qui est arrivé avant, mais on se doit de constater que notre marché du travail a considérablement évolué. Les gens le savent, les gens le sentent. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ça: d'abord la mondialisation de nos économies; le fait que des entreprises, à la limite, n'ont pas toujours besoin d'avoir pignon sur rue pour exister, elles peuvent être virtuelles, elles peuvent faire des affaires, avec la technologie, un peu partout au Québec et un peu partout dans le monde. Alors, ça change beaucoup l'organisation du travail, et, comme je le disais en introduction, ça fait en sorte que le rapport entre les employeurs et les salariés est différent et que des employeurs, à certains moments donnés, cherchent des contrats à durée déterminée. Ça change beaucoup la chaîne de production, si je peux m'exprimer ainsi. On peut faire faire quelque chose à Montréal, une autre chose à Rouyn-Noranda et une autre chose en Suisse, à la limite. Alors, ça change considérablement l'organisation du travail.

Nous sommes passés d'une économie postindustrielle à ce qu'on appelle la nouvelle économie ou l'économie du savoir où les technologies sont extrêmement présentes. Donc, les milieux de travail sont beaucoup moins dans, je dirais, une organisation verticale hiérarchique où il y a un patron en haut et, après ça, il y a des niveaux de décision et des niveaux de production. On est dans des organisations beaucoup plus circulaires, ce qui fait en sorte que ça permet effectivement aux entreprises d'avoir plus de souplesse. Mais aussi, à certains moments, c'est un signe de précarité des emplois. Il faut aussi en être conscient.

Alors, le travail autonome se situe là-dedans. Ce n'est pas pour rien... D'ailleurs, quand on fait des lectures, on regarde à certains moments dans le siècle, il y a des moments de notre histoire, avant, par exemple, la Révolution industrielle, où il y en avait plus ou il y en avait moins. Il y a eu vraiment des moments dans l'histoire... Et, après la guerre, il n'y en a presque pas eu, de développement, il n'y a pas eu une croissance marquée du travail autonome. C'est vraiment la fin des années soixante-dix qui a fait apparaître cette forme de travail là. Et elle n'est pas arrivée accidentellement, elle est arrivée parce que les règles économiques ont considérablement changé, qu'elles sont plus ténues et qu'elles sont plus souples. Mais, comme je le disais, il arrive que l'envers de la médaille soit la précarisation aussi des emplois.

Alors, c'est bien évident, et pour le gouvernement du Parti québécois et évidemment personnellement, comme ministre responsable du Travail et de l'Emploi, qu'il faut s'engager de plus en plus intensément dans ces débats sur le travail autonome, qu'il faut trouver des manières d'améliorer l'apport fondamental à notre économie du travail autonome et qu'il faut faire évoluer nos institutions; et j'aurai l'occasion d'en reparler. Notamment, toutes les questions légales que pose le travail autonome, j'en reparlerai. Mais, effectivement, il y a des débats importants à savoir comment nos grands instruments qui encadrent le travail – je pense au Code du travail, à la Loi sur les normes du travail – saisissent, captent cette réalité du travail autonome de nos jours.

L'autre élément qu'il m'apparaît important aussi de rappeler justement dans l'émergence du travail autonome, tout à l'heure je disais qu'il faut voir que l'émergence de ce phénomène-là n'est pas accidentelle, mais bien parce qu'il y a eu des changements profonds dans nos règles économiques, et un des phénomènes importants qui est arrivé, c'est ce qu'on appelle la sous-traitance.

Je ne veux pas redire ce que je disais tout à l'heure, mais, comme les entreprises peuvent maintenant se spécialiser et s'adresser à d'autres entreprises, qui sont spécialisées dans un élément, au sujet d'un élément qui concerne la production d'une entreprise, il y a donc aussi l'émergence du phénomène de la sous-traitance. Quelquefois, ce phénomène-là heurte beaucoup, mais en même temps nous ne devons pas négliger que la sous-traitance est aussi une source de création d'emplois et de nouveaux emplois même.

On a vu plusieurs situations où un sous-traitant ou une entreprise faisait faire une partie de son travail à l'extérieur, contrairement à la pratique qui était installée dans cette entreprise-là, que ce sous-traitant était, en général, au point de départ, un sous-traitant que j'appellerais dépendant, où son seul client était cet employeur-là. Mais on voit plusieurs situations où ces sous-traitants arrivent à se développer une autre clientèle, une clientèle plus variée, arrivent à vendre leur spécialité à d'autres. Et la sous-traitance est aussi, dans ce contexte-là, une source de création d'emplois.

Comme je le disais également tout à l'heure, c'est donc une réalité des travailleurs autonomes qu'il ne faut pas présenter comme une réalité homogène. Je donnais quelques indications tout à l'heure. Par exemple, il y a des personnes qui combinent souvent le travail autonome à l'emploi salarié. Le ministère du Revenu, qui a fait des travaux relativement importants sur cette question-là du point de vue de la fiscalité, nous faisait remarquer qu'en 1997 44 % des travailleurs autonomes ont déclaré en même temps avoir des revenus d'emploi comme salarié et comme travailleur autonome. Alors, il y a, dans plusieurs cas donc, une superposition de sources de revenus.

(11 h 20)

J'ai fait une allusion aussi tout à l'heure, et je vais donner un peu plus d'indications là-dessus, au fait que le niveau de revenus est aussi extrêmement varié. On constate, par exemple, qu'il y a à peu près 5,2 % des travailleurs autonomes qui ont déclaré des revenus qui dépassaient 100 000 $ en 1997. Alors, là, on peut comprendre que c'est un type de travail autonome qui pose un peu moins de difficultés. Mais c'est quand même une proportion plus importante de travailleurs autonomes qui ont déclaré des revenus dépassant 100 000 $ que des salariés. En 1997 toujours, il n'y a que 1,4 % des salariés au Québec qui ont déclaré des revenus supérieurs à 100 000 $. Par contre, toujours selon ces informations du ministère du Revenu, 66 % des personnes dont l'unique source de revenus était un emploi autonome ont déclaré des gains de moins de 20 000 $ en 1997. Alors, là, il y a quelque chose effectivement d'un peu troublant.

La question qu'il faut se poser, c'est effectivement... on peut se demander qu'est-ce que l'État peut faire, mais on peut se demander aussi qu'est-ce que les travailleurs et les travailleuses autonomes attendent de l'intervention gouvernementale. Et c'est un peu l'objet du débat aujourd'hui. Il y a eu plusieurs enquêtes – j'ai réuni un certain nombre d'informations – des enquêtes menées auprès des travailleurs et des travailleuses autonomes qui sont actifs sur le marché du travail, qui veulent y demeurer comme travailleurs autonomes, et puis ça nous donne donc un certain nombre d'indications sur ce que veulent les travailleurs autonomes.

Une des premières choses qui revient assez souvent, c'est la reconnaissance de leur statut et de leur apport à la société et à l'économie. Et ça, je vais y revenir tout à l'heure, il y a plusieurs niveaux à cette reconnaissance de statut. Par exemple, il y a au niveau fiscal, qui est un niveau quand même relativement important.

Une autre dimension qui est évoquée lorsqu'on demande aux travailleurs et travailleuses autonomes ce dont ils ont besoin, ce qui les aiderait à poursuivre leurs activités de cette manière, c'est une aide ou un accès à l'aide pour démarrer une micro-entreprise, et ça, je vais y revenir parce que je pense qu'il y a des interventions très intéressantes qui se passent sur le terrain à ce sujet-là.

Plus d'accès à la formation. Et ça, c'est un débat, parce que, en général, la formation, elle est assumée par les employeurs; dans ce cas-là, il n'y a pas d'employeur. Alors, là, on a un défi, de trouver une manière de donner un accès à la formation aux travailleurs autonomes.

Les travailleurs et les travailleuses autonomes nous parlent aussi d'un certain filet de protection sociale, et, visiblement, quand on regarde les enquêtes qui ont été faites, le plus important, lorsqu'on parle de protection sociale, c'est l'accessibilité à un congé de maternité ou à un congé parental. Et ça aussi, je vais y revenir un peu plus en détail dans quelques minutes.

Les travailleurs autonomes et les travailleuses autonomes signifient aussi qu'ils ont besoin d'appuis un peu plus tangibles dans des moments critiques. Et on constate qu'il y a beaucoup d'interventions qui ont trait au démarrage de ces micro-entreprises, mais qu'on a un défi d'essayer d'aider ces travailleurs-là à d'autres moments que le démarrage. En d'autres mots, on donne des bons coups de main au démarrage, mais il faut qu'il y ait une espèce de continuité. Et, oui, c'est vrai, il peut y avoir des moments critiques dans le développement de cette micro-entreprise. Alors, ils s'attendent donc à un appui un peu plus tangible et intense à d'autres moments de leur carrière, si je peux m'exprimer ainsi, de travailleurs ou de travailleuses autonomes. Et certains d'entre eux identifient ce désir d'avoir accès à un régime d'assurance plus large, qui couvrirait un certain nombre d'éventualités qui se passent dans la vie d'une personne active sur le marché du travail.

Alors, sur cette question de la reconnaissance des travailleuses et des travailleurs autonomes, je pense qu'on vit un certain nombre de paradoxes. Certains disent ou, enfin, véhiculent qu'il faut laisser faire, que c'est un développement naturel, que c'est en croissance et que ça fait partie du marché, qu'il faut donc laisser un peu aller ce type de développement là. D'autres pensent des travailleurs autonomes que, en général, ce sont des aventuriers ou des aventurières qui gagnent du temps entre un emploi perdu et un emploi espéré. Certains croient que les travailleurs autonomes sont des personnes téméraires. Enfin, je pense que la vérité n'est nulle part dans ces réalités, mais il reste que c'est aussi ça qui est véhiculé, puis, en ce sens-là, et je me permets de les aborder, c'est un peu ces clichés qu'on peut avoir sur le travail autonome, parce que, si on veut bien reconnaître le travailleur autonome, il faut essayer aussi de combattre ce type de clichés là.

Je pense qu'il faut valoriser le fait qu'il y ait un côté entrepreneuriat de la part de ces personnes-là. Le Québec, on est reconnus comme étant des gens, des hommes et des femmes qui ont beaucoup de créativité, qui sont capables de faire face à des situations difficiles, d'être imaginatifs. C'est vrai, et il nous faut reconnaître que, pour aller plus loin dans l'expression de cette volonté d'entrepreneuriat, il y a des risques que des personnes prennent et c'est des risques que nous devons respecter.

Maintenant, évidemment qu'il y a des enjeux – et mon collègue député de Chicoutimi y a fait allusion tout à l'heure – au niveau du statut des travailleurs et des travailleuses autonomes du point de vue fiscal, mais aussi dans les différentes lois qui concernent le travail. Il est bien évident que nous avons intérêt à clarifier le statut du travailleur autonome par rapport au statut de salarié. Et nous le savons, les législations du travail actuellement reposent largement sur une notion de travail salarié, sur la permanence du lien d'emploi entre un individu et un employeur. Et nous avons effectivement un défi d'adapter nos législations qui concernent le travail. Et c'est un peu normal. Il n'y a pas si longtemps, en général, les emplois typiques de 9 heures à 17 heures ou de 8 heures à 18 heures ou à 16 heures, avec un seul employeur, c'était la situation vécue majoritairement par les travailleurs et les travailleuses québécois. Or, c'est moins le cas. On voit vraiment l'émergence d'emplois atypiques, pas juste dans le travail autonome mais dans d'autres formes: le télétravail, par exemple. Il y a d'autres formes aussi d'emplois qui se manifestent. Or, c'est bien évident que nous avons le défi d'adapter nos lois en conséquence.

Je voudrais aborder, j'y ai fait allusion – parce que vous avez compris que je reprends un peu la liste des préoccupations qui émergent lorsqu'on interroge les travailleurs et les travailleuses autonomes – alors, je reviens sur cette question du soutien qu'un gouvernement devrait apporter au démarrage d'une micro-entreprise, c'est-à-dire quelles sont les mesures incitatives qui peuvent encourager une personne à devenir un travailleur ou une travailleuse autonome.

Comme je le disais tantôt, certains préconisent peu d'interventions de la part de l'État à ce sujet-là en disant: Nous n'avons pas à stimuler le développement du travail autonome puisqu'il croît par lui-même, il se développe très bien; donc, nous n'avons pas à utiliser l'argent des contribuables pour stimuler le travail autonome. Le phénomène est là, donc on n'a pas à toucher à ça.

Je pense que ce n'est pas si simple. Nous le savons, pour plusieurs chômeurs et chômeuses, l'accès à un emploi peut, pas dans tous les cas, mais ça peut passer par la création de son propre emploi. Mais ça ne se fait pas de manière magique, il faut effectivement bien évaluer le potentiel entrepreneurial de l'individu, donner du soutien, notamment au niveau du revenu, pendant la phase de la conception, du démarrage de la micro-entreprise, et le soutenir dans cette période critique de démarrage.

À ce moment-ci, je suis donc heureuse de constater que les interventions de l'État sont extrêmement pertinentes. Quand j'examine, par exemple – parce que j'ai la chance d'être ministre responsable du Travail mais aussi de l'Emploi, et je suis responsable de l'organisation d'Emploi-Québec – qu'est-ce qui se passe à Emploi-Québec par rapport au travail autonome, j'en suis très fière.

Évidemment, on a encore beaucoup à faire devant nous, mais je pense qu'on a installé ce qu'il faut pour intervenir correctement et au bon moment auprès des travailleurs et des travailleuses qui voudraient partir leur propre micro-entreprise. Et on l'a fait aussi – et ça, c'est intéressant – à Emploi-Québec, dans un contexte de partenariat notamment avec les centres locaux de développement, les CLD. Et ça me permet de dire que, par exemple, depuis le début de cette année financière dans laquelle nous sommes, donc depuis le début du mois d'avril dernier jusqu'à la fin du mois d'octobre – c'est les chiffres les plus récents que j'ai actuellement – il y a tout près de 6 000 personnes au Québec qui ont bénéficié du programme Soutien au travail autonome.

En gros, ce programme-là, c'est... Enfin, il y a plusieurs niveaux, mais, de la part d'Emploi-Québec, c'est vraiment d'assurer un soutien du revenu durant cette phase de conception et de démarrage de l'entreprise.

(11 h 30)

Ce qui est aussi intéressant, c'est que les projets – Emploi-Québec n'accorde pas du soutien au revenu comme ça à qui se présente – sont évalués, décortiqués et, dans certains cas aussi, soutenus par les centres locaux de développement. Alors, ça se fait vraiment en partenariat où, là, l'expertise en matière de développement, elle est bien utilisée via les centres locaux de développement. Et, lorsque les centres locaux de développement donnent le signal que le projet dont il est question, il est bon, il est viable, il y a un certain nombre de conditions qui font en sorte qu'on a un espoir qu'il puisse bien se développer, Emploi-Québec peut donc entrer en action et soutenir ces personnes-là dans le cadre de son programme de soutien autonome.

Il existe d'autres programmes aussi qui ont été développés, par exemple au ministère de l'Industrie et du Commerce. Et ça, c'est un programme extrêmement intéressant, qui est sans prétention, qui est modeste, mais qui est réel, qui est concret et qui a été développé notamment avec plusieurs autres partenaires: la Chambre de commerce du Québec, l'Association canadienne des compagnies d'assurances, le Bureau d'assurance du Canada, Bell Canada, etc., où ça consiste en gros à développer des outils. Il y a cinq outils actuellement qui sont en train de se développer, des guides de gestion qui ont été faits, donc, avec ces partenaires-là.

Il y a aussi six clubs de travailleurs autonomes qui ont été mis en place. L'importance pour les travailleurs autonomes, c'est d'être aussi en réseau parce qu'il peut y avoir un certain isolement qui est vécu par ces personnes. Alors, il y a donc des réseaux qui sont en train de s'organiser. Et il y a aussi des séminaires qui sont en train de s'organiser par le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Les dernières interventions que je voudrais faire – parce que je constate que le temps file finalement assez rapidement – c'est que, oui, il y a des interventions actuellement au niveau de l'État, il y a eu des interventions aussi ces dernières années qui ont permis d'améliorer la protection sociale des travailleurs autonomes. Et je prends comme premier exemple le régime d'assurance-médicaments. Les gens l'oublient, les travailleurs autonomes en général ont peu de possibilités d'avoir une assurance bien à eux, bien à elles, pour pouvoir couvrir un certain nombre de risques dans la vie. Et le fait d'avoir mis en place le régime d'assurance-médicaments, les premières personnes qui en ont bénéficié, c'est des travailleurs et des travailleuses autonomes. C'est une prime à un coût raisonnable; on a donc pu donner accès à des médicaments à des conditions raisonnables pour l'ensemble des travailleurs autonomes. Ces gens-là n'étaient pas couverts.

Mais je terminerais mon intervention sur la chose suivante, sur le fait – et le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a tendu une perche – qu'un des éléments sur lesquels nous devons travailler dans les meilleurs délais, parce que c'est identifié dans toutes les enquêtes, un des éléments de protection sociale que nous devons donner aux travailleurs et travailleuses autonomes, c'est vraiment l'accès à un congé de maternité et à un congé parental. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a bien saisi le débat. C'est-à-dire qu'actuellement un congé parental, un congé de maternité, est donné via la caisse d'assurance-emploi. Il faut donc premièrement être admissible à l'assurance-emploi pour pouvoir avoir accès au congé parental ou au congé de maternité.

Or, vous le savez, le gouvernement du Parti québécois a développé dans son programme, notamment en ce qui concerne différentes mesures familiales, un élément où nous voulions effectivement rendre accessible à des jeunes, parce que ce sont en général des jeunes, des jeunes couples, qui n'ont pas accès actuellement à un congé ou minimalement à un revenu, un minimum de revenus de remplacement durant ce congé de maternité ou ce congé parental, alors le gouvernement du Parti québécois a développé cette idée-là dans son programme.

Il a, vous le savez, il y a plusieurs mois, amorcé des négociations avec le gouvernement fédéral, qui malheureusement ont échoué. Je pense qu'il y a eu de la part du gouvernement fédéral... le gouvernement fédéral a été un peu buté sur un certain nombre de questions. Et je pense qu'à très, très court terme c'est un enjeu extrêmement important. Et, moi, je prends l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce comme un appui. Parce que c'est clair que nous devons évaluer rapidement, et nous sommes en train de le faire, la possibilité de rouvrir la discussion avec le gouvernement fédéral sur cette question-là.

Et vraiment finalement, je l'ai dit dans mon intervention, il y a eu énormément de progrès au niveau de la fiscalité. Je pense qu'on a tenté de clarifier du point de vue fiscal à quoi les travailleurs et les travailleuses autonomes avaient accès. Nous avons aussi intérêt à clarifier du point de vue des lois, notamment les lois qui encadrent le travail, le concept de salarié. Et je pense que cette clarification-là peut se faire à un seul moment, elle peut se faire dans le cadre d'une modernisation du Code du travail. Je pense que c'est très risqué en général d'apporter des amendements à ce type de législations là, qui sont une espèce d'agencement de toutes sortes de choses. Je pense que c'est risqué d'ouvrir une porte et de ne pas compléter les réflexions sur d'autres aspects. Et, pour moi, à mon esprit, c'est clair, c'est vrai que ça doit s'inscrire dans une modernisation de nos instruments du travail, notamment le Code du travail, et nous y travaillons d'ailleurs.

Alors, je veux bien rassurer l'opposition que, dans les discussions... Et j'ai avec moi toutes sortes de scénarios. Par exemple, on imagine très bien que nous pourrions, dans différentes lois du travail, introduire dans le concept de salariés des travailleurs dits autonomes dépendants, comme ça s'est fait dans le Code fédéral du travail. Ça, c'est quelque chose que nous sommes en train d'examiner.

Alors, je veux être bien au clair: Dans le cadre de la modernisation du Code du travail, cette question du travail autonome, donc cette clarification du concept de salarié visant à bien distinguer les travailleurs autonomes indépendants de ceux qui sont dépendants, c'est déjà une première nuance qu'il nous faudra introduire dans le cadre de cette modernisation-là. Alors, l'opposition peut être rassurée sur cette question-là.

Et sur la fiscalité... Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Quelques secondes, madame.

Mme Lemieux: Bien, sur la fiscalité, je dirais qu'il y a là aussi des efforts qui ont été faits. D'abord, le ministère du Revenu a très bien documenté cette question-là et...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je regrette. Merci, Mme la ministre d'État à l'Emploi et au Travail. Je cède maintenant la parole à notre dernière intervenante, Mme la députée de Beauce-Sud et également critique officielle de l'opposition en matière des dossiers du Revenu. Alors, Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. C'est avec un grand intérêt que j'appuie aujourd'hui la motion du député de Verdun, mon collègue du Parti libéral du Québec, qui vise, on le sait, à exiger du gouvernement qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée votée le 1er avril 1999 et qui concerne les travailleurs autonomes.

Je me permets, à mon tour, M. le Président, de rappeler le libellé de cette motion du 1er avril dernier, qui était à l'effet d'inviter le gouvernement à agir avec célérité dans le domaine des travailleurs autonomes en reconnaissant d'abord le statut juridique du travailleur, en mettant sur pied un filet de protection sociale qui amenuise les risques liés, on le sait, à leur parcours professionnel et familial, et en instituant un programme qui leur facilite le maintien de leurs compétences.

M. le Président, puis-je rappeler aux membres du gouvernement que, depuis l'adoption de cette motion unanime – et il est important, je crois, d'insister sur le caractère unanime de cette motion qui a été votée par les trois formations politiques à l'Assemblée nationale – eh bien, le gouvernement n'a rien fait pour démontrer son intérêt de passer de la parole aux gestes. Donc, depuis le 1er avril dernier, rien. Pas de projet de loi, pas de nouveau programme d'allégement, pas d'allégement à la réglementation. Finalement, rien pour faciliter la vie des travailleurs autonomes et de leurs familles.

Or, M. le Président, il est du devoir du gouvernement de prendre ses responsabilités et de promouvoir un système de valeurs adéquat et de récompenser le mérite personnel et l'effort individuel. Évidemment, toute la question, la philosophie et le sens de la question tournent autour de ce système de valeurs et de récompense de l'effort des individus non seulement à gagner leur pain et beurre, mais aussi à participer au développement de notre société, tant sur le plan du travail que sur celui de l'économie.

À titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de Revenu, je suis très préoccupée par la façon dont ce gouvernement traite les travailleurs autonomes. D'ailleurs, les réformes souhaitées et l'urgence de procéder à une profonde réflexion sur la situation des travailleurs autonomes devraient interpeller non seulement le gouvernement, mais tous les citoyens et les citoyennes du Québec. Elle concerne les fondement mêmes de notre société en matière de travail, mais aussi en matière fiscale.

(11 h 40)

Posons-nous la question: Selon quelles valeurs voulons-nous vivre et nous développer individuellement et collectivement au Québec? Choisissons-nous, comme l'ont fait les travailleurs autonomes, la responsabilité individuelle, le travail, la créativité, l'enthousiasme, le dynamisme, le courage, le mérite personnel, à la manière, je pourrais dire, de l'entrepreneurship beauceron ou, si vous voulez, des travailleurs autonomes beaucerons, ou bien préférons-nous encourager l'exploitation, la pauvreté, l'isolation, la dépendance envers l'État?

Dans mon esprit, il n'y a pas de doute que, comme gouvernement, comme législateurs, nous avons le devoir de créer les conditions qui feront en sorte de développer les qualités dont le Québec a besoin pour se développer. Ces valeurs et ces principes éprouvés à chaque jour par une multitude d'entrepreneurs beaucerons peuvent nous supporter dans la réalisation de l'objectif que nous partageons tous, du moins je l'espère, de créer une société québécoise prospère où les individus ont la possibilité de réaliser leur plein potentiel pour le privilège de leur société qui est aussi la nôtre.

Or, c'est là que le bât blesse, M. le Président. Notre système de taxation actuel pénalise le dynamisme des individus et décourage le sens de l'initiative et de la responsabilité personnelle. Ce système de taxation décourage depuis plusieurs années certains de nos concitoyennes et concitoyens les plus dynamiques et talentueux, qui peuvent justement agir comme moteur de l'activité économique. Plusieurs, malheureusement, ont déjà quitté le Québec, et beaucoup d'autres le feront si des correctifs majeurs ne sont pas apportés très bientôt.

Puis-je rappeler, M. le Président, que les travailleurs autonomes ne sont pas admissibles, entre autres, à l'assurance-emploi – je pense que la ministre du Travail l'a souligné tantôt – et ne peuvent donc compter sur les indemnités, non plus, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail en cas de blessure? Alors, ça, ça relève directement du gouvernement provincial. Pour se protéger, ils doivent se tourner vers des assurances privées très dispendieuses, ou encore courir le risque de tout perdre si la maladie ou un accident grave se produit. Donc, l'absence d'avantages sociaux ou de sécurité du revenu, les heures de travail plus longues, les responsabilités accrues et la fluctuation des revenus s'ajoutent à la liste des inconvénients d'être travailleur autonome.

Mais le fait que le statut de travailleur autonome soit ambigu selon qu'on regarde la définition qui est celle du Code civil du Québec ou encore la définition en vertu des lois fiscales n'aide en rien le travailleur autonome. La possibilité même que le ministre conteste le statut de travailleur autonome constitue à sa face même un irritant majeur. Dans le quotidien, ce n'est pas toujours simple, puisqu'un travailleur doit prendre en considération plusieurs critères avant de pouvoir être certain de son statut. Et là je fais référence à un document qui est le rapport sur la consultation effectuée auprès du Groupe d'étude sur le travail autonome et l'administration fiscale, qui a été publié par le ministère du Revenu, dans lequel on constate justement plusieurs de ces irritants-là.

On dit que les critères utilisés par le ministère du Revenu pour déterminer le statut d'un travailleur ne sont pas nécessairement les mêmes sous d'autres législations – on peut parler ici, par exemple, de Revenu Canada. Et, même lorsqu'ils sont les mêmes, on ne leur accorde pas nécessairement le même poids, de là une certaine source de confusion. Il est donc possible qu'un travailleur autonome reconnu par un organisme voie son statut remis en question par un autre.

On continue en disant que, de plus, les travailleurs autonomes ne connaissent pas toujours les critères pour juger eux-mêmes de leur véritable statut, ces critères étant utilisés par les vérificateurs du ministère pour apprécier la relation entre le travailleur et le donneur d'ouvrage. Parfois, les travailleurs autonomes n'osent pas s'informer auprès du ministère – et là on revient toujours avec cette question de relation de confiance entre le ministère du Revenu et le citoyen que j'ai longuement dénoncée – afin de ne pas éveiller de soupçons et être soumis à une vérification, ce qui démontre encore une fois une déficience dans la relation de confiance.

En conséquence, si le statut de travailleur autonome est mal établi, les employeurs peuvent avoir à payer rétroactivement, on le sait, certains montants, comme la CSST, le fonds de santé, la Régie des rentes du Québec, qu'ils auraient dû verser, et, de surcroît, les travailleurs autonomes peuvent se voir refuser certaines dépenses.

Alors, avec l'accroissement rapide, M. le Président, et inéluctable du phénomène des travailleurs autonomes, il serait temps que l'État fasse ses devoirs et contribue à rétablir l'équilibre entre salariés et non-salariés. Pour vous aider à mieux comprendre, M. le Président, laissez-moi vous rappeler une question très simple que j'adressais au ministre du Revenu, qui était aussi à l'époque ministre des Finances et vice-premier ministre et ensuite ministre de l'Industrie et du Commerce, au printemps dernier. Si la problématique des travailleurs autonomes doit préoccuper quelqu'un dans ce gouvernement, ce doit bien être le ministre dont je viens de vous parler. Mais, pour bien comprendre toute l'insensibilité de ce gouvernement du Parti québécois à cette question d'importance, c'est bien la réponse insignifiante de ce ténor du Parti québécois que vous pourrez apprécier.

Ma question, donc, posée le 4 mai dernier, était la suivante, et vous permettrez que je me cite: «Alors qu'en pleine campagne électorale le Parti québécois promettait de venir en aide aux travailleurs autonomes – donc, à l'automne de l'an dernier, M. le Président – on découvre chaque jour des aberrations fiscales, des règles insipides qui sont contraires aux engagements de ce gouvernement. Par exemple, on a appris que les travailleurs autonomes qui ont un bureau à l'intérieur de leur domicile perdent 50 % de leurs déductions s'ils peuvent accéder à leur bureau de l'intérieur de leur maison.»

«Est-ce que le ministre du Revenu peut nous dire en quoi le fait de placarder une porte intérieure de son bureau, de construire une nouvelle porte extérieure, d'enfiler son manteau et ses bottes pour sortir de la maison et accéder une nouvelle fois à son bureau qui est relié à sa maison, en quoi, finalement, tout ça, toute cette réglementation va faire en sorte de faciliter la vie des travailleurs autonomes?»

M. le Président, telle était ma question, et voici maintenant quelle était la réponse insignifiante de ce grand ténor du gouvernement du Parti québécois qui devrait pourtant être le premier à se soucier du sort réservé par son gouvernement aux travailleurs autonomes. Et là je le cite, il me répond: «Ça peut leur compliquer la vie, mais faciliter leur rapport d'impôts. Alors, la question est assez technique, là, les portes d'entrée et les fenêtres. Quand les impôts et les fenêtres sont devenus trop élevés, il y a quelques siècles, les gens ont barricadé leurs fenêtres. Alors, je vais me pencher profondément sur cette question – je suis nouveau ministre du Revenu – et je répondrai plus amplement dans une séance à venir.» Fin de la citation.

J'espère que vous avez été en mesure d'apprécier comme moi l'insignifiance de la réponse de ce ténor du gouvernement. N'est-ce pas désolant, de la part du numéro deux du gouvernement, qui a du mal même à cacher ses aspirations de devenir premier ministre du Québec ou même président de la future hypothétique république du Québec, d'entendre des réponses de la sorte? N'est-ce pas là un aveu, M. le Président, que ce gouvernement est complètement déconnecté de la réalité des travailleurs et des travailleuses du Québec?

M. le Président, le plus désolant dans tout ça, c'est que ce ministre, sept mois plus tard, n'a toujours pas répondu à ma question, que ce gouvernement n'a rien laissé transparaître de ses intentions de donner suite à ses engagements pris au cours de la période électorale, il y a de ça un an. Tout ce qu'on a réussi à savoir, c'est à partir d'un article du Devoir , publié sous la plume de François Normand, le 25 octobre dernier, qui nous dit que, finalement, le ministère des Finances étudie la possibilité d'apporter certaines modifications à la politique fiscale afin de faciliter la vie aux travailleurs autonomes. C'est à l'étude, mais aucune décision n'a encore été prise. Le gouvernement fera savoir lors du prochain budget s'il a l'intention ou non de modifier la politique fiscale.

(11 h 50)

Alors, M. le Président, vous pouvez voir comme moi que, finalement, le gouvernement n'est pas encore passé de la parole aux gestes. Et, pour ces raisons, je me sens très légitimée aujourd'hui de rappeler ce gouvernement à l'ordre et d'exiger de sa part qu'il passe aux actes pour faciliter la vie des travailleurs autonomes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud et également critique officielle de l'opposition en matière des dossiers du revenu. Alors, nous allons terminer notre débat en cédant la parole à l'auteur de la motion, le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Après ce débat, après avoir entendu la ministre du Travail, après avoir écouté le député de Chicoutimi, je reste de plus en plus convaincu qu'il est pertinent de présenter aujourd'hui cette motion, parce qu'on n'a à peu près rien fait depuis six mois. Je vais même vous dire depuis quand on n'a rien fait: depuis que la députée de Rosemont a quitté ce gouvernement – parce qu'elle avait un plan et elle savait où aller – pour siéger comme députée. Elle savait où aller, et, malheureusement, depuis ce temps-là, rien n'a été fait dans le dossier des travailleurs autonomes.

Il est important de rappeler que, de notre côté, on avait fait un geste relativement inusité de voter une motion unanime rappelant les grands principes sur lesquels nous devions agir, à savoir: préciser le concept du statut du travailleur autonome. La députée de Beauce-Sud a brillamment démontré ici à quel point on avait des statuts qui étaient des statuts divergents d'une loi à une autre loi. Que ça soit dans les lois fiscales, que ça soit dans les lois dans le cadre du Régime de rentes du Québec, que ça soit dans le cadre de la CSST, le concept même de travailleur autonome n'est pas bien précisé.

Bon. C'est une urgence qu'on agisse, M. le Président, à l'heure actuelle. La ministre, dans son intervention, nous a gentiment fait une synthèse d'une analyse qui avait été faite par la défunte SQDM sur les problèmes inhérents aux travailleurs autonomes. Nous les connaissons tous. Nous les connaissons tous, nous connaissons cette problématique. Nous n'avons plus besoin aujourd'hui de comités, nous n'avons pas besoin, à l'heure actuelle, de groupes de travail, nous avons besoin de mesures concrètes pour répondre aux problématiques qui sont celles des travailleurs autonomes aujourd'hui.

La deuxième problématique à laquelle font face les travailleurs autonomes, le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a rappelée tout à l'heure, c'est toute la dimension du filet de protection sociale qui ne s'étend pas à l'heure actuelle à cette nouvelle classe de personnes actives dans le milieu du travail, à savoir les travailleurs autonomes qui n'ont pas le droit... Bon. On parle, bien sûr, des congés parentaux, il y a toute la dimension des congés de maladie, il y a cette dimension aussi de la protection du revenu, sur lesquels il faut agir.

Je me permets brièvement, M. le Président, de répondre à notre ami le député de Chicoutimi. Lorsqu'on parle de problèmes d'assurances, il faut bien être conscient de regarder les bénéfices mais aussi de regarder les coûts. Alors, le problème qu'il y a lorsque vous allez dans des assurances dites privées et lorsque vous êtes deux ou trois personnes ou un petit groupe qui s'assurent: vous avez des primes beaucoup plus élevées parce qu'il y a tout un concept de partage de risques. Et le problème qu'il y a là-dedans et pourquoi nous avions proposé en campagne électorale ce type d'approche où un régime aurait été universel et aurait pu être administré par la Régie des rentes, c'est parce qu'on avait à ce moment-là un bassin beaucoup plus large de population, qu'on pouvait partager les coûts et les risques sur une population beaucoup plus large et donc diminuer le coût de l'assurance nécessaire à la protection de ces risques-là. C'est un phénomène assez simple à comprendre, et je suis sûr que le député de Chicoutimi comprendra ça aussi parce qu'il a démontré jusqu'à maintenant en cette Chambre que c'était un parlementaire intelligent.

M. le Président, je reviendrai sur le troisième élément, la question de la formation. J'ai entendu dire: Oui, c'est important, il faut maintenir la formation, etc., mais rien de concret si ce n'est de revenir, de dire: Oui, bon, on a des mesures pour inciter les gens à devenir travailleurs autonomes. Le gros problème qu'il y a, et vous le savez, M. le Président, puisque vous en avez dans votre comté, c'est le maintien de la qualification. Le maintien de la qualification.

Moi, je suis prêt à vous proposer quelque chose, un régime d'épargne-formation dans lequel vous accumulez lentement un certain nombre de montants, vous épargnez pour pouvoir bénéficier de quelques mois de formation au bout de deux ou trois ans. On peut débattre sur les coûts, sur l'intérêt, sur les coûts fiscaux qu'il y a à arriver avec une telle mesure, mais, M. le Président, je vous rappellerai – je pourrais citer la députée d'Hochelaga-Maisonneuve à l'époque – à quel point il est important de maintenir la qualification de tous les travailleurs, y compris des travailleurs autonomes.

Alors, à la fin de ce débat, après deux heures de débat, je dois dire ma déception, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation du rapport de la SQDM sur les problématiques des travailleurs autonomes. Je les connaissais déjà, et je suis sûr que tous les parlementaires dans cette Chambre intéressés par le sujet les connaissaient déjà. Qu'on me dise qu'il y a 300 000, 400 000 travailleurs autonomes, qu'on me dise des statistiques, je les connais. Ce n'est pas ça qui m'intéressait aujourd'hui. Ce qui m'intéressait aujourd'hui, c'était de savoir qu'est-ce que nous allons faire, à part dire: Le problème est complexe, il faudrait que je crée des comités et que j'étudie encore entre nous pour voir comment on doit aller de l'avant.

Permettez-moi de dire une certaine inquiétude. Il faut bien rappeler que les travailleurs autonomes, bon, il y en a de plusieurs types. Je connais la différence entre ceux qui sont plus dépendants, ceux qu'on qualifie d'indépendants en faisant attention. Les frontières, c'est bien... Je mettrai en garde au moment où on voudra dire qui est totalement dépendant, partiellement dépendant, un petit peu indépendant. Très dangereux d'aller dans cette direction-là, premièrement.

Deuxièmement, faire attention à la réglementation, ce n'est pas du tout ça qu'on est en train de chercher. On n'est pas en train d'avoir un gouvernement qui va nous présenter une réglementation sur les travailleurs autonomes. Ce n'est pas ça actuellement, ce que les travailleurs autonomes cherchent. Pas de surréglementation, pas d'inclusion, pas les couvrir par une forme de syndicalisation obligatoire ou de normes minimales de travail. Ce n'est absolument pas la direction dans laquelle il faut aller. Il faut aller, au contraire, vers l'État-accompagnateur. Et c'est ça, un point de vue réellement de philosophie. L'État-accompagnateur capable de supporter ces travailleurs autonomes, de les supporter en permettant l'établissement du filet de protection sociale auquel cette catégorie de population a droit.

Et je pourrais me référer encore à l'intervention de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce sur l'importance des congés parentaux, sur les questions de formation. Et n'oubliez pas à quel point ça peut être fondamental actuellement, le maintien de la qualification, parce que vous la perdez extrêmement rapidement. Bien, ma collègue de Beauce-Sud a très bien rappelé – non, non, mais c'est important de bien comprendre – la situation fiscale des travailleurs autonomes. Bon Dieu! On n'a rien fait depuis le plan qui n'a malheureusement pas pu être mis en oeuvre parce que la députée de Rosemont, tout en restant membre de sa formation politique, n'était plus membre du gouvernement. Mais il n'y a rien de concret qui a été fait depuis ce moment-là.

Alors, M. le Président, il est tout à fait pertinent, dans la dernière intervention avant l'an 2000, cette dernière intervention qui nous est permise – on n'en a pas tellement, nous, ici, de l'opposition – la dernière intervention que nous pouvions faire, de rappeler que, oui, le 1er avril 1999, nous avons pu ensemble être unanimes. Nous avons su être unanimes pour dire: Il y a un problème. On a su être unanimes à l'époque pour dire: Voici les lignes dans lesquelles nous pensons devoir aller.

J'invite, à l'heure actuelle, les parlementaires ministériels à pouvoir nous rejoindre aussi et à se rappeler ce qu'ils avaient dit le 1er avril, à savoir qu'il faut agir avec célérité dans le dossier des travailleurs autonomes, et de pouvoir voter avec nous cette motion où on exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision – parce que c'est bien important, c'est très rare qu'il y a des décisions unanimes – unanime que nous avons prise dans cette Assemblée le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes. Et je souhaite, en leur tendant la main, qu'ils soient en mesure d'appuyer cette motion. Merci, M. le Président.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun. Votre intervention met fin à ce débat. Nous allons maintenant mettre aux voix la motion du député de Verdun qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée prise le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes.»

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote nominal est demandé. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, après les aimables paroles que le chef du Parti libéral a eues à mon égard lundi soir et l'invitation du député de Verdun, il n'y a qu'un pas à franchir, mais, avant de le faire, je vous dirai que, conformément à l'article 223 du règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de cet après-midi.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote sera donc reporté à cet après-midi, aux affaires courantes. Considérant l'heure, nous suspendons donc nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur de la Confédération suisse, M. Urs Ziswiler

Alors, pour débuter la séance, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de l'ambassadeur de la Confédération suisse, Son Excellence M. Urs Ziswiler.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Rapport sur la procédure d'examen des plaintes de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport annuel 1998-1999 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine sur l'examen des plaintes.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Au dépôt de rapports de missions, M. le député de Champlain.


Rapport du séminaire d'échanges tenu au Bénin dans le cadre du Programme intégré d'appui à la démocratie et aux droits de la personne

M. Beaumier: M. le Président, je dépose le rapport du séminaire d'échanges qui s'est tenu à l'Assemblée nationale du Bénin du 5 au 9 juillet 1999 dans le cadre du Programme intégré d'appui à la démocratie et aux droits de la personne. Il s'agissait de la troisième étape du processus de réalisation de ce programme au Bénin. Au cours de cette mission, j'étais accompagné notamment de Mme la députée de La Pinière.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Vous allez voir, M. le Président, qu'on est allé moins loin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Richelieu): J'ai l'honneur, M. le Président, de présenter le rapport de la commission des finances...

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Richelieu. Il y a un bruit de fond qui fait que j'ai eu de la misère à entendre le député de Champlain et que je n'entends pas le député de Richelieu, qui est à mes côtés, alors...

Une voix: ...malgré sa voix...

Le Président: Malgré sa voix, malgré tout. Alors, M. le député de Richelieu.


Auditions et étude détaillée du projet de loi n° 206

M. Simard (Richelieu): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 23 novembre 1999 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 206, Loi modifiant de nouveau la charte de Les Filles de Jésus, de Trois-Rivières.


Mise aux voix du rapport

Le Président: Très bien. Alors, ce rapport est déposé, est-ce qu'il est adopté? Alors, le rapport est adopté. Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.


Auditions et étude détaillée du projet de loi n° 210

M. Vallières: Merci, M. le Président. Je voudrais déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 2, 4, 11 et 18 novembre 1999 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 210, Loi modifiant la Charte de la Ville de Québec. La commission a adopté le projet de loi avec les amendements.


Mise aux voix du rapport

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Est-ce qu'il est adopté? Adopté.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement de la Chambre pour déposer une pétition.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Réduire le nombre d'élèves par enseignant dans les écoles primaires et secondaires et accroître la quantité et la qualité des services éducatifs

M. Paradis: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 264 pétitionnaires du comté de Brome-Missisquoi.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Whereas the student/teacher ratio is continually increasing[...];

«Whereas student services in psychology and speech and language pathology, pedagogical aides and services to students who are handicapped or have learning difficulties have been drastically reduced;

«Whereas present Government fiscal policies lead to an increase in the workload of teachers without recognition of their efforts and their commitment to our children;

«Whereas the goal of education is to insure that students become active and productive members of our society;

«Whereas present Government fiscal policies are seriously jeopardizing the quality of our children's education;

«Whereas the present Government has clearly demonstrated its unwillingness to correct the situation over the past years, ignoring repeated requests from both parents and teachers;

«Et l'intervention réclamée se résume comme suit:

«We, the undersigned, ask the Minister of State for Education and Youth, Mr. François Legault, to act quickly to add funds to the present budget of school boards in order to: reduce the student/teacher ratio in primary and secondary schools; ensure that all children receive the services and have access to the human resources that will enable them to develop to their full potential; ensure recognition of the work that is actually accomplished by the teachers; and to adequately fund transportation.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Oui. Alors, cette pétition est déposée. Maintenant, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer un extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Surseoir à l'application des recommandations contenues dans le rapport Proulx sur la place de la religion à l'école

Mme Charest: Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 841 pétitionnaires. Désignation: les élèves de l'école Paul-Hubert, de Rimouski.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les élèves ont le droit à de l'enseignement religieux catholique;

«Considérant que la religion catholique enseignée dans le Bas-du-Fleuve ne présente aucun problème vis-à-vis ce programme;

«Considérant que la religion catholique fait partie de notre culture et de nos racines;

«Considérant que, si le rapport Proulx était appliqué, des valeurs familiales seraient brimées;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Pour tous ces considérants, nous demandons au gouvernement du Québec que le rapport Proulx ne s'applique pas.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Cette pétition est également déposée, Mme la députée de Rimouski. Maintenant, M. le député de Châteauguay.

(14 h 10)

M. Fournier: Oui, M. le Président, je solliciterais le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Amender la Loi sur l'instruction publique pour que le financement de la surveillance des dîners et du transport du midi soit assumé par l'ensemble des contribuables

M. Fournier: Merci beaucoup. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 1 165 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la région de Châteauguay.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que l'article 292 de la Loi sur l'instruction publique stipule que "Le transport des élèves organisé par une commission scolaire pour l'entrée et la sortie quotidienne des classes est gratuit", mais qu'un paragraphe plus loin il autorise les commissions scolaires à imposer un tarif aux parents pour la surveillance des dîners et le transport du midi;

«Considérant le fait que dîner à l'école ou être transporté sur l'heure du midi n'est pas une question de choix mais bien une obligation due à l'organisation scolaire et au fait qu'une partie importante des deux parents travaillent à l'extérieur du foyer familial;

«Considérant que le principe utilisateur-payeur dans ce cas entre en contradiction profonde avec notre contrat social qui veut que l'instruction – à plus forte raison au primaire – soit financée par l'ensemble des contribuables et non par les seuls parents qui ont décidé d'avoir des enfants;

«Considérant que la tarification de la surveillance des dîners et du transport sur l'heure du midi est déjà contestée par plusieurs commissions scolaires qui ne se servent pas de ce "pouvoir" que la loi leur donne, que cette tarification lorsque appliquée peut varier de 50 $ à plus de 300 $ et que ces montants quels qu'ils soient sont particulièrement prohibitifs pour les ménages à faibles revenus;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'amender l'article 292 de la Loi sur l'instruction publique de telle sorte que le financement de la surveillance des dîners et le transport du midi soient assumés par l'ensemble des contribuables québécois.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions aujourd'hui portant sur une violation de droit ou de privilège.

Cependant, je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales M. le ministre du Revenu va répondre à une question posée le 2 novembre dernier par Mme la députée de Beauce-Sud relativement à la politique de recouvrement de l'argent dû au fisc.

Et le même ministre va également répondre à une question posée le même jour par M. le député de Marquette, cette fois-là, relativement aux pratiques du ministère du Revenu à l'égard des contribuables soupçonnés de devoir de l'argent au fisc.

Et je vous avise aussi qu'il y aura, après la période de questions et de réponses orales, un vote reporté sur la motion de M. le député de Verdun présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Oui, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Question de directive. Vous vous souviendrez que, le 2 novembre dernier, ma question portait sur le volet justice des mesures de recouvrement du ministère du Revenu. Alors, est-ce que ça ne serait pas à la ministre de la Justice de répondre à une question de justice?

Le Président: Écoutez, je l'ignore, c'est l'avis qu'on m'a donné. Je ne sais pas si le gouvernement a choisi de donner la réponse par une autre voie. Je peux comprendre que ça soit le cas. En fait, un peu comme à la période des questions et des réponses orales, le gouvernement choisit le membre de son équipe qui a la responsabilité de répondre à la question.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons passer maintenant à période de questions et de réponses orales, et je cède la parole au chef de l'opposition officielle en question principale.


Négociation d'un nouveau pacte fiscal avec les municipalités


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question porte sur l'augmentation de taxes que le gouvernement, le Parti québécois s'apprête à imposer aux citoyens du Québec. Le gouvernement se prépare, encore une fois, à mettre en place une réforme qui est improvisée, dictée d'en haut, négociée en catastrophe, pour ne pas dire négociée en catimini, à la dernière minute, ce qui est devenu, il faut le dire, une spécialité de la maison, et dont la seule conséquence connue et certaine, c'est une augmentation du fardeau fiscal des Québécois, une autre spécialité de la maison.

C'est dans la confusion la plus totale que le nouveau pacte fiscal projeté par le premier ministre est né. Il semble que les premières réactions nous indiquent déjà les ratés à venir. En effet, non seulement la garantie qu'a donnée le premier ministre est-elle contradictoire avec le projet d'entente déjà rendu public, mais des maires, et pas les moindres, se sont déjà prononcés contre: la mairesse de Sainte-Foy, le maire de Charlesbourg, le maire de Beauport, les maires de la région de l'Estrie. On peut même ajouter à ça M. Florian Saint-Onge, qui est président de la Fédération québécoise des municipalités, qui représente plus de 1 000 des 1 300 municipalités du Québec.

Ma question, M. le Président, c'est: Comment le premier ministre peut-il promettre des garanties impossibles à respecter, alors qu'il sait que la seule chose qui est certaine, c'est le compte des taxes des citoyens du Québec qui va augmenter suite à sa réforme?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je constate que le chef de l'opposition a fait une sorte de bouillabaisse avec des réactions qui ne sont pas venues suite à cette rencontre qui eut lieu au bureau du premier ministre avec les grandes organisations municipales lundi.

M. le Président, je vous rappelle qu'il y a plusieurs mois maintenant que nous discutons avec le monde municipal de façon à en venir à la signature d'une entente portant à la fois sur l'équité fiscale, sur l'équité régionale et sur la simplification des structures. Et je dois vous dire, M. le Président, que nous nous sommes fait reprocher de prendre trop de temps dans ce dossier pour attacher tous les morceaux et que, au contraire, maintenant on nous reproche de faire de l'improvisation. Nous avons pris le temps qu'il faut. Dans les dernières semaines, sept rencontres ont eu lieu avec l'Union des municipalités du Québec, durant les trois dernières semaines, et sept autres rencontres ont eu lieu avec la Fédération québécoise des municipalités, et, à ce moment-ci, il est tout à fait inadéquat, comme l'a fait le chef de l'opposition, de citer, par exemple, le président de la Fédération québécoise des municipalités, avec qui j'étais encore en réunion hier matin et avec qui nous poursuivons des discussions intensives pour arriver, dans les délais que nous nous sommes donnés mutuellement, à une entente satisfaisante.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, est-ce que le premier ministre sait que, s'il y a une bouillabaisse de réactions, il y a là un reflet fidèle de la bouillabaisse de propositions que son gouvernement a proposée. Et, comme règle, le premier ministre devrait savoir que, quand on fait une bouillabaisse, c'est difficile de remettre le poisson ensemble après. On peut lui en donner un exemple, à la ministre, si elle n'est pas au courant des réactions, dans le journal La Tribune d'aujourd'hui: «Les maires se déclarent perplexes suivant le déroulement des négociations entre les représentants municipaux et ceux du gouvernement du Québec, sans comprendre comment ils arriveront à baisser les taxes de leurs commettants proportionnellement à l'augmentation de la taxe scolaire.» Et là je cite: «"Nous avons augmenté les taxes de nos concitoyens de 0,04 $ du 100 $ d'évaluation pour rencontrer la surtaxe du gouvernement du Québec. Comment arrive-t-on à promettre aux citoyens: Nous parviendrons à baisser aisément les taxes de 0,15 $ maintenant? Il y en a qui en ont fumé du bon ou qui en fument encore", commente le maire de Saint-Élie-d'Orford, Richard Gingras, en précisant que sa municipalité devrait diminuer ses dépenses et, par conséquent, ses services de 275 000 $ pour suivre la logique mathématique.»

Ils proposent de fumer de la bouillabaisse, M. le Président, ils ne veulent pas. Ils ont compris que le monde municipal est en train de proposer au monde scolaire d'augmenter ses taxes, c'est ça, la proposition, et qu'en fin de compte c'est le citoyen qui va payer. Quand est-ce que le gouvernement va se réveiller et proposer des réelles réductions de taxes au lieu de transférer des comptes aux citoyens?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce dont le monde municipal se rappelle toujours – il nous l'a d'ailleurs rappelé fréquemment récemment – c'est ce fardeau supplémentaire, cette ponction unilatérale de 281 000 000 $ que le gouvernement libéral a faite sans que ça ne soit suivi d'aucune nouvelle proposition d'atténuation ni rien qui puisse y remédier. Ça, il s'en rappelle, de cette ponction, de ce fardeau supplémentaire imposé par le gouvernement précédent, de 281 000 000 $, unilatéralement. Et je dois vous dire que ce dont nous discutons, c'est toujours assorti d'une condition, à savoir un mécanisme contraignant par lequel les augmentations foncières de taxes scolaires vont être, en contrepartie, associées à des diminutions foncières de taxes municipales. Voilà cet engagement que nous tentons de mettre en forme avant qu'il soit question de signer un nouveau pacte fiscal.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je pourrais ajouter, M. le Président, aux réactions... La présidente de la commission scolaire régionale de Sherbrooke nous annonce que, même avec le transfert puis même avec une augmentation maximum des taxes, il y a un manque à gagner de 600 000 $ pour pouvoir financer le transport scolaire dans la région de l'Estrie. Comment concilier, surtout, comment concilier – M. le premier ministre peut peut-être nous l'expliquer – que, d'un côté, on va attacher les mains du monde municipal en lui imposant une loi de force pour lui demander de réduire les impôts puis attacher l'autre main avec les articles 45 et 46 du Code du travail et lui demander de s'arranger avec puis de ne pas réduire les services aux citoyens? Comment tirer une logique d'une initiative comme celle-là, tout en plaidant auprès des citoyens qu'il n'y aura pas, d'augmentation de taxes?

(14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Présentement – c'est une affaire d'arithmétique, là – les municipalités envoient chaque année au gouvernement 356 000 000 $ en vertu de l'accord intervenu il y a deux ans. Il s'agit de les soulager de ce montant de 356 000 000 $, de le transférer graduellement chez les commissions scolaires et d'en diminuer autant du côté du fardeau fiscal des municipalités, puisqu'elles auront de l'espace à partir du moment où elles seront graduellement soulagées de 356 000 000 $ par année.

Et puis on nous cite des réactions de maires. M. le Président, attendons de voir le résultat des négociations, parce que nous sommes présentement en train de parler avec des gens qui représentent justement ces maires et avec lesquels nous tentons de signer un accord. Alors, si nous avons un accord avec les maires, les autres maires devront se rendre compte que leurs représentants ont pris leurs intérêts.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Participation des commissions scolaires aux négociations sur un nouveau pacte fiscal avec les municipalités


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Après avoir perdu la confiance des étudiants dans le dossier des bourses du millénaire – dont certains sont justement ici, dans les tribunes – voici que le ministre de l'Éducation est en train de perdre la confiance du président et de la Fédération des commissions scolaires. En fait, la Fédération des commissions scolaires est frustrée parce que le ministre les abandonne à elles-mêmes et s'apprête à les livrer pieds et mains liés au premier ministre, malgré ses promesses de les impliquer dans les négociations du pacte fiscal.

M. le Président, comment le ministre de l'Éducation peut-il demeurer silencieux et renier ses propres engagements, alors que ses partenaires de la Fédération des commissions scolaires se plaignent de ne pas être impliqués, de ne pas être consultés, surtout lorsqu'on s'apprête à leur faire porter l'odieux d'une augmentation de taxes de 320 000 000 $ par année, 1 200 000 000 $ sur quatre ans? Comment peut-il les laisser de côté, alors que ce sont eux qui vont porter l'odieux de vos augmentations de taxes?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, d'abord, je dirais que je n'ai pas perdu la confiance des étudiants. Il y a une fédération qui appuie un système à deux vitesses, et je pense qu'il y a certains de leurs confrères, d'ailleurs, qui ne sont pas très fiers de ce qu'ils font actuellement.

M. le Président, le premier ministre, ma collègue la ministre des Affaires municipales et les porte-parole des Unions municipales ont tous signifié que le scénario qui est actuellement envisagé est un projet. Le premier ministre et la ministre ont aussi mentionné qu'on se donnait 10 jours pour examiner les tenants et aboutissants. La ministre des Affaires municipales et moi-même, demain matin, rencontrons la Fédération des commissions scolaires pour examiner les répercussions du scénario qui est proposé.

M. le Président, une chose qui est claire: il faut s'assurer en bout de ligne – puis c'est ce que fait ma collègue – que, globalement, les contribuables ne soient pas plus taxés qu'ils le sont actuellement. Personnellement, en tant que ministre de l'Éducation, dans ce dossier, ma préoccupation première, c'est de m'assurer que les élèves aient accès à un transport écolier de qualité et sécuritaire. Et personne ici ne mettra en doute que le transport scolaire au Québec fonctionne bien, et depuis longtemps. Chaque jour, 650 000 élèves prennent l'autobus pour se rendre à l'école, sur toutes les routes du Québec, et ce sont les commissions scolaires et les transporteurs qui en assurent la qualité et qui permettent à nos enfants qu'ils soient transportés en toute sécurité, M. le Président.

Le Président: M. le député Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Ça doit être pour la sécurité qu'il veut couper 70 000 000 $ encore dans le transport scolaire.

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut s'engager, étant donné qu'il les rencontre à la dernière minute demain, à se dissocier du pacte fiscal de son gouvernement si ses partenaires du monde scolaire, la Fédération et les transporteurs écoliers, sont en désaccord autant avec les moyens, qu'avec les montants, qu'avec les méthodes pour les inclure dans le pacte fiscal? Pouvez-vous vous engager aujourd'hui à vous dissocier du pacte fiscal et à les appuyer s'ils disent: Non, on ne veut pas porter l'odieux de vos augmentations de taxes?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, nous allons rencontrer – d'ailleurs, on rencontre depuis un certain nombre de mois les commissions scolaires, ça fait partie de mon travail de rencontrer les fédérations de commissions scolaires – demain matin, avec ma collègue la ministre des Affaires municipales, les fédérations de commissions scolaires. On va écouter leurs arguments. On décidera de notre position après avoir entendu les arguments, bien sûr.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en question complémentaire.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Taxes scolaires, taxes scolaires! Qui de la ministre des Affaires municipales, qui est la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, ou de la ministre responsable de la Métropole, qui est aussi la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, laquelle des deux va protéger les contribuables de l'île de Montréal, qui paient déjà 100 000 000 $ par année en plus en taxes scolaires, comparativement à n'importe quel contribuable québécois, pour avoir les mêmes services? Qui va les protéger, les contribuables de l'île de Montréal?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: C'est la même personne, M. le Président, si ça peut rassurer le député. Nous avons discuté, mon collègue de l'Éducation et moi-même, d'une formule que nous allons donc présenter à la Fédération des commissions scolaires, et nous pourrons également la présenter au Conseil scolaire de l'île de Montréal. Et je comprends que nous allons certainement satisfaire les attentes du Conseil scolaire de l'île de Montréal sur cette question, compte tenu que les parents, sur l'île de Montréal, paient déjà une partie du transport scolaire de leurs enfants, contrairement au reste du Québec, puisque les parents ont à payer soit la carte d'autobus ou encore à le payer dans leurs taxes municipales pour leur société de transport. Alors, nous en avons tenu compte. Ça me fait plaisir de rassurer le député sur cette question.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député d'Anjou.


Décision de la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse sur le gel des avancements d'échelon des nouveaux professeurs


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci, M. le Président. La Commission des droits de la personne du Québec condamne ce gouvernement pour son attitude face aux jeunes, et ce, seulement quelques mois avant la tenue du Sommet du Québec et de la jeunesse. En effet, elle a confirmé hier, dans une décision qui a été rendue publique, ce que tout le monde savait déjà, à savoir que les jeunes professeurs ont été traités de façon inéquitable par le gouvernement du Parti québécois qui a négocié sur leur dos une clause orphelin. C'est 27 826 enseignants qui n'ont pas atteint le sommet de l'échelle des salaires en 1997 et qui ont droit aujourd'hui à une compensation.

Devant un tel verdict, est-ce que le ministre de l'Éducation a l'intention de réparer cette iniquité à l'endroit des jeunes professeurs de manière à respecter les conclusions de la Commission, et ce, avant le 17 décembre 1999, tel que prescrit par la Commission, ou est-ce que le gouvernement a plutôt l'intention de s'engager dans une autre guérilla judiciaire dispendieuse sur le dos des jeunes enseignants?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je rappellerai qu'il s'agit là d'une clause de l'entente qui avait été conclue entre la CEQ et le gouvernement au cours de 1997, et c'était une proposition de la CEQ elle-même que de faire un tel gel d'échelons. Je rappellerai aussi qu'un tel gel d'échelons s'est produit dans plusieurs autres provinces, au Canada, qui ont eu à effectuer des compressions budgétaires.

Quant à l'avis de la Commission, nous l'avons eu hier, nous l'avons obtenu hier, et mes fonctionnaires et les juristes examinent notre position.

Le Président: M. le député d'Anjou.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: M. le Président, est-ce que la ministre de l'Emploi et du Travail a l'intention d'amender son projet de loi et d'interdire, finalement, une fois pour toutes le gel des échelons – qui constitue d'ailleurs, en passant, selon la Commission, une clause orphelin – afin de s'assurer que les jeunes employés de l'État ne soient plus jamais les victimes de son gouvernement?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je vais simplement répéter au député que nous avisons...

Le Président: Bien. Alors, maintenant, M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je veux simplement répéter au député que nous avisons sur cette question, mais qu'il conclut beaucoup trop vite à l'existence d'une clause orphelin en ce qui concerne ce cas.

(14 h 30)

Le Président: M. le député d'Anjou.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Peut-être répéter ma question à la ministre de l'Emploi et du Travail: Va-t-elle amender son projet de loi pour faire en sorte que les jeunes ne soient plus victimes – on l'a vu, on l'avait dénoncé – et que, dans les prochaines négociations collectives qui vont avoir lieu au Québec, on soit sûr qu'il n'y ait pas un jeune au Québec qui se fasse avoir par son gouvernement?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Le projet de loi présenté...

Le Président: Alors, nous conviendrons que M. le député d'Anjou a pu poser sa question correctement. Je crois qu'en fair play nous allons maintenant laisser le président du Conseil du trésor répondre. M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je vais rappeler que nous avisons sur cette question. Nos fonctionnaires l'étudient et reprennent tous les tenants et aboutissants de notre position, mais, en ce qui concerne le projet de loi de ma collègue, il suit son cours très normalement puis il est discuté, en commission parlementaire comme ici, à l'Assemblée nationale.

Le Président: En question complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Non, simplement, M. le Président, pour offrir notre consentement afin que Mme la ministre de l'Emploi puisse...

Le Président: C'était habile, M. le leader de l'opposition officielle, mais non réglementaire. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Vérification des antécédents judiciaires des titulaires de permis de services de garde


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Ce matin, des dizaines de milliers de parents québécois ont été confrontés à un de leurs pires cauchemars. Ils ont appris par les médias qu'un détenteur de permis de garde au Québec a déjà été condamné pour grossière indécence, il y a plus de sept ans maintenant, M. le Président. Le ministère de la Famille et de l'Enfance a annoncé, il y a quelques minutes à peine, qu'il mettra en place un plan d'action avec le ministère de la Sécurité publique afin, et je le cite, «de systématiser les mesures de contrôle sur la qualité des titulaires de permis de services de garde».

M. le Président, pourquoi a-t-il fallu qu'un tel drame se produise avant que la ministre déléguée assume ses responsabilités légales, soit de faire appliquer les mesures de contrôle qui sont déjà prévues dans la loi?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui, M. le Président. Je tiens tout d'abord à dire aux parents que je comprends leur inquiétude et qu'ils peuvent être assurés de tout mon support, d'une part.

Dès le début, le ministère de la Famille et de l'Enfance s'est assuré de la sécurité et de la santé des enfants en envoyant un inspecteur sur les lieux pour que le propriétaire ne soit en aucun temps en contact avec les enfants de la garderie. Cette opération a été faite en collaboration avec la Sûreté municipale d'Hudson et la Direction de la protection de la jeunesse. Le 18 novembre dernier, nous avons remis en main propre au propriétaire de la garderie un avis de la révocation de son permis. Alors, hier soir, nous avons rencontré les parents et nous avons convenu ensemble de maintenir les services aux enfants, et les parents en ont également profité pour se représenter par un comité. Alors, aujourd'hui, les représentants du ministère de la Famille et de l'Enfance rencontrent le comité de parents pour convenir des mesures, telle une administration provisoire, et nous nous assurons que les services de garde sont aussi maintenus et que la sécurité des enfants n'a pas de problème.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, je ne sais pas si la note de la ministre va répondre à ma question. Pourquoi ça a pris sept ans avant que la ministre déléguée et son ministère appliquent la loi qui prévoit déjà toutes les mesures de contrôle qui sont là? Les permis sont renouvelables aux trois ans, et c'est sûr que ce renouvellement a passé par-dessus le bureau de la ministre depuis que ce gouvernement est au pouvoir. Pourquoi on n'a pas fait appliquer la loi qui existe présentement?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, il y a sept ans, je n'y étais pas, et je crois que c'était l'opposition qui était actuellement au gouvernement.

M. le Président, le ministère de la Famille et de l'Enfance existe depuis deux ans, et, pour les vérifications d'antécédents judiciaires d'un titulaire de permis, ça ne faisait pas partie du processus du renouvellement de permis. Cependant, chaque fois qu'une plainte a été signalée, le ministère a pris ses responsabilités et nous avons fait ce que nous devions faire à ce moment-là. Effectivement, j'ai demandé quand même un plan d'action qui puisse être en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique pour faire en sorte que la vérification des antécédents judiciaires puisse dorénavant faire partie du processus.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, allez-y.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'il faut qu'une personne saisisse le ministère de la Famille et de l'Enfance d'une plainte avant que ce gouvernement soit capable d'agir sur le casier judiciaire d'un détenteur d'un permis? Et est-ce que la ministre peut assurer cette Chambre qu'à partir d'aujourd'hui elle va s'assurer de l'application de la loi telle qu'elle existe, c'est-à-dire qu'il n'y aura aucun demandeur de permis ou renouvellement de permis sans que le ministère ait procédé à une vérification par le ministère de la Sécurité publique pour vérifier les casiers judiciaires des personnes?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, depuis la loi des centres à la petite enfance, en 1997, nous vérifions les antécédents judiciaires depuis ce temps. Mais j'aimerais rassurer quand même, la sécurité des enfants et les services de garde sont essentiels pour le ministère de la Famille et de l'Enfance, mais, cependant, il faut s'assurer que cette responsabilité-là, elle est aussi une affaire du milieu et des intervenants du milieu, c'est-à-dire le personnel des services de garde, les autorités policières, la protection de la jeunesse, évidemment, aussi. Alors, tous ces intervenants doivent rester vigilants, parce que c'est une situation collective, et nous, au ministère de la Famille et de l'Enfance, faisons en sorte que ça ne se reproduise pas.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourassa, maintenant.


Qualité des soins et des services aux personnes âgées


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Hier, à trois reprises en cette Chambre, la ministre de la Santé et des Services sociaux a induit en erreur la Chambre, d'abord en affirmant: «Nous avons augmenté les budgets consacrés aux personnes âgées dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée», alors qu'hier, au même moment, l'Association des CLSC et des CHSLD dénonçait un manque à gagner de 300 000 000 $, une coupure de 300 000 000 $; ensuite, en affirmant offrir aux personnes âgées des services de meilleure qualité, alors qu'hier la même association dénonçait que les personnes âgées reçoivent un bain par semaine, qu'elles sont en couches faute d'accompagnement aux toilettes et qu'elles souffrent de malnutrition faute de pouvoir consommer des repas parce qu'elles n'ont pas l'assistance requise; et enfin, avoir augmenté le nombre de places en hébergement, alors que les chiffres qu'elle nous a donnés démontrent très clairement une perte nette de près de 3 000 lits, au lieu, comme elle le prétend, d'une hausse.

M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé a l'intention encore longtemps d'utiliser la période de questions pour induire en erreur et berner la population?

Le Président: Je voudrais simplement faire un rappel. Au début de votre intervention, l'expression «induire la Chambre» pouvait porter sur une action involontaire de la ministre. Mais, lorsque vous avez conclu votre question, Mme la députée de Bourassa, vous conviendrez que vous n'aviez plus, à ce moment-là, une question involontaire mais vous prêtiez des intentions et vous laissiez entendre que la ministre a volontairement induit la Chambre en erreur, ce que...

M. le leader adjoint de l'opposition officielle, le président apprécierait de pouvoir expliquer à vos collègues et à vous-même, si vous le voulez bien, les dispositions de notre règlement et des règles, qu'on a tous votées ensemble, qui font que votre collègue ne peut pas faire cela. Alors, je vous demanderais, Mme la députée, sans reformuler votre question, de faire en sorte que...

Non, non. Vous venez de poser votre question. Simplement retirer les propos qui prêtent à la ministre des intentions qui actuellement ne sont pas permises.

Mme Lamquin-Éthier: Je reformule. Est-ce qu'elle a l'intention de continuer à ne pas dire toute la vérité?

Le Président: Avoir l'intention de ne pas dire toute la vérité, ça veut dire avoir l'intention de mentir. Et ça, vous savez très bien que vous ne pouvez pas faire cela. N'importe quel membre de l'Assemblée peut donner des informations, se tromper, induire involontairement les collègues en erreur, mais nos règlements, le décorum et le fair play nous obligent à faire en sorte qu'on ne prête pas d'intention à qui que ce soit. On se comprend?

Alors, Mme la députée, s'il vous plaît.

(14 h 40)

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé va continuer de pécher par omission?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je voudrais que... C'est peut-être rigolo, mais je pense que, en ne se conformant pas à l'esprit et à la lettre de nos règlements, c'est l'institution elle-même que l'on ridiculise inutilement. Dans ce contexte, je vous ai dit, Mme la députée de Bourassa – je pense que vous avez maintenant suffisamment d'expérience – que vous ne pouvez pas prêter des intentions, ni directement ni indirectement. Je pense que vous devez, à ce moment-ci, faire en sorte que vous prêtiez la bonne foi à la ministre, à votre vis-à-vis d'en face, comme vous souhaitez qu'on vous prête de la bonne foi. En conséquence, je vous demande de retirer les propos qui laissent entendre que des informations ont été données de mauvaise foi à l'Assemblée.

Mme Lamquin-Éthier: Écoutez, M. le Président, est-ce que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous dire quand elle répondra complètement, entièrement, à toutes les questions qui lui sont posées?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. On peut ne pas aimer les réponses, mais je tente de donner les réponses justes, correctes et à partir des informations que je possède. Et d'ailleurs, j'ai été très nuancée hier. Si la ministre... la ministre... la députée, pardon, revient... Si la députée revient à mes propos et lit bien attentivement ce que j'ai dit, j'ai dit que, dans les faits, en ce qui a trait au nombre de lits – c'était une question, d'ailleurs, qu'elle m'avait posée au début de la semaine ou la semaine dernière – quand il s'agissait du nombre de lits, on confondait, dans les lits de longue durée, des lits qui étaient affectés aux personnes hospitalisées en psychiatrie, des lits qui étaient identifiés comme étant réservés pour des personnes dont l'état physique requiert l'hospitalisation et souffrant de déficience intellectuelle.

Donc, évidemment, quand on voit un nombre de 42 000 ou 43 000 lits et que, ensuite, on lit qu'il y en a moins, c'est qu'on a enlevé de ce nombre de lits les lits qui n'étaient pas affectés pour servir les personnes âgées. J'ai été à ce point prudente, justement, que j'ai dit, M. le Président, que nous ne pouvions exactement identifier le nombre de lits, dans les 3 190 lits de longue durée psychiatrique, qui étaient affectés aux personnes âgées, de telle sorte que je n'induise pas, justement, la Chambre en erreur.

Quant à ce que nous a dit la députée sur la question de coupures dans les soins aux personnes âgées, le budget a réellement augmenté, dans les soins aux personnes âgées, incluant les soins dans les établissements, incluant les soins à domicile. Je suis d'accord, cependant, et cela fait partie de mes priorités... Je l'ai dit trois fois plutôt qu'une ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président, que nous devrions rehausser les budgets concernant les soins aux personnes âgées dans les institutions, en autant que nous aurons des disponibilités pour ce faire, et que cela fait partie de mes priorités pour l'année 2000-2001.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous dire si elle entend continuer longtemps de soigner son image au lieu d'offrir aux personnes qui en ont besoin les soins qu'ils requièrent?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je pense que la députée, qui commence à me connaître un peu, devrait savoir que ce n'est pas comme ça que je travaille, M. le Président. J'ai eu, avec ces associations que sont l'Association des centres locaux des services communautaires et l'Association des centres d'hébergement et de soins de longue durée, une longue rencontre la semaine dernière. Nous avons eu l'occasion de faire le point sur l'ensemble du dossier. Nous avons convenu ensemble qu'il y avait eu des améliorations dans les soins pour les personnes âgées à domicile. Écoutez, quand on fait passer les budgets de 220 000 000 $ – vous pouvez noter – à 400 000 000 $, j'imagine qu'on doit améliorer et hausser les services aux personnes âgées.

Cependant, dans les centres d'hébergement... Et ça fait partie justement de l'alourdissement des clientèles, dans le sens où les personnes âgées vivent des problèmes plus difficiles et ont besoin de plus de soins, et, en ce sens, le niveau de services devrait être rehaussé, j'en ai convenu depuis longtemps, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Sauvé.


Suites au rapport de la SODEC sur le financement public du cinéma et de la production télévisuelle


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci bien. La semaine dernière, la ministre de la Culture a reçu de la Société de développement des entreprises culturelles, la SODEC, l'état de la situation de la contribution publique dans le financement du cinéma et de la production télévisuelle. Dans ce rapport, on parle de besoin de transparence, bien sûr, mais aussi de possibles pots-de-vin, de détournements de fonds et de travail au noir. De plus, hier, neuf associations représentant près de 10 000 créateurs et artistes ont rappelé à la ministre leurs attentes, et je les cite: «La SODEC vient de faire connaître son rapport sur l'état de la situation. Cela constitue une étape, mais ce n'est pas suffisant, il faut aller au-delà.»

Jusqu'à maintenant, la ministre a été muette sur les suites concrètes qu'elle entendait donner à ce rapport interne; peut-on enfin connaître aujourd'hui les intentions de la ministre afin que toute la lumière soit faite dans ce dossier?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Avec plaisir, M. le Président. Je répondrai à cette question avec plaisir. D'abord, de façon générale, effectivement, la coalition des artistes se dit plutôt satisfaite du rapport. Dans un éditorial de La Presse , aussi, on parlait de courage, par rapport à l'auteur du rapport. Donc, tout le monde salue ce qui est effectivement une première étape.

Alors, dès lundi matin, il y a eu rencontre entre les représentants du ministère de la Culture et les représentants du ministère du Revenu. Donc, dès lundi matin, les ministères étaient en contact, et, comme je l'ai annoncé, probablement à la mi-décembre, je rencontrerai toutes les associations afin de voir comment on peut travailler avec elles. Ils ont parlé de règles d'éthique, et on veut resserrer les contrôles. Le ministère du Revenu accepte la proposition importante du rapport Lampron, très importante pour les associations d'artistes, qui est à l'effet de créer une table de concertation afin de développer des normes et des règles rigoureuses et précises qui permettront de resserrer les contrôles et d'assurer en toute équité que chacun s'acquitte adéquatement de ses obligations. Alors, mon collègue le ministre du Revenu devrait annoncer sous peu le début des travaux, la composition du comité et son mandat, tout ça. Donc, ça s'en vient, c'est déjà en marche, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en question complémentaire.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Est-ce que la ministre de la Culture, compte tenu du fait que le rapport de la SODEC, en page 26, en ce qui concerne les pots-de-vin et les détournements de fonds – je veux simplement indiquer à la ministre qu'un pot-de-vin et un détournement de fonds, en termes légaux, c'est de l'abus de confiance, c'est de la fraude – s'exprime de la façon suivante: «Ce sont des pratiques en tous points condamnables, autant d'un point de vue de citoyen que d'administrateur public, et il y a sans conteste présomption qu'elles puissent être possibles dans ce dossier-là»...

Alors, dans les circonstances, est-ce que la ministre va aller au-delà de sa démarche première et transférer le dossier au ministre de la Sécurité publique pour que, lui, il fasse entreprendre une enquête policière?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, dans ce cas-ci, le rapport Lampron nous a permis de faire une première évaluation. Cette évaluation dit qu'à la SODEC actuellement on a besoin de resserrer les contrôles, on a besoin de raffiner les procédures. Alors, ce qu'on a dit, c'est: Quel est le meilleur ministère pour contrôler, raffiner, vérifier qu'il n'y ait pas de fuites, qu'il n'y ait pas de pots-de-vin? C'est le ministère du Revenu, il a tous les outils pour ce faire. Alors, c'est pour ça que, conformément à ce que demande le rapport Lampron – et c'est salué par les associations d'artistes comme étant effectivement la mesure à prendre – nous avons confié cela au ministère du Revenu.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre de la Sécurité publique pourrait-il confirmer qu'il n'a pas besoin de la permission de personne, de la ministre de la Culture ou de M. Lampron, pour décider, compte tenu des allégations qui sont contenues dans le rapport, que ça mérite qu'il y ait une enquête policière afin que tout le monde connaisse la vérité?

(14 h 50)

Le Président: Mme la ministre.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Dans tout le rapport Lampron, M. le Président, il n'y a pas de demande d'enquête policière, et, de la part du milieu, les associations d'artistes, le public, les éditorialistes, tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a besoin de resserrer les contrôles et de voir à ce que l'argent aille au bon endroit. Ça, c'est clair.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre, en conclusion.

Mme Maltais: Deuxièmement, il y a allégation effectivement qu'il y a eu fraude au niveau fédéral, auprès de Téléfilm Canada. À cet endroit-là, il y a effectivement enquête avec la GRC et un comité que Mme Copps met en place. Moi, ce que j'ai demandé, c'est d'avoir les résultats – et ça, j'ai été en contact avec la Sécurité publique, qui agira en temps et lieu – des enquêtes de la GRC – il y a des ententes administratives là-dessus – pour voir à ce moment-là s'il y a lieu de passer à un autre niveau.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: De son propre chef, aujourd'hui, en entendant tout ça, le ministre de la Sécurité publique peut-il nous confirmer, comme il a eu l'air de le dire tantôt, qu'il allait se saisir du rapport de la SODEC et faire faire une enquête policière?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je ne connais, comme vous, que les rapports des journaux sur le rapport Lampron. Nous allons le lire et, s'il y a effectivement allégation de conduite criminelle, ça va être soumis à la Sûreté du Québec. Maintenant, on va s'arranger pour qu'il n'y ait pas de double enquête, n'est-ce pas, aux frais des contribuables, par la GRC et par la Sûreté du Québec. Mais c'est un peu ce que la ministre de la Culture expliquait tout à l'heure.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en question principale.


Participation de personnes handicapées au programme Soutien financier


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: S'il vous plaît. Merci, M. le Président. Malgré leur déficience physique ou leur déficience intellectuelle, certains prestataires de l'aide sociale inscrits au programme Soutien financier ont le courage, ont la force, ont la détermination de s'impliquer et de participer à des mesures d'insertion sociale. On m'informe que, dans le cadre de son recentrage à Emploi-Québec – ce que des milliers de démunis appellent maintenant le synonyme de «exclusion», au lieu de recentrage – la ministre de l'Emploi s'apprête à exclure et à évacuer ces personnes des mesures d'insertion sociale. Elle veut les retourner dans leur isolement, elle veut les retourner dans leur détresse et, en même temps, les appauvrir de 100 $ par mois.

Avant de faire un tel faux pas, est-ce que la ministre de l'Emploi peut prendre l'engagement aujourd'hui dans cette Chambre de maintenir le même nombre de personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi qui participent à des mesures d'insertion sociale? Est-ce qu'elle est capable de se lever aujourd'hui, de nous dire qu'elle prend l'engagement de maintenir le même nombre de personnes que par les années passées, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, il y a de multiples interventions actuellement auprès des personnes handicapées et Emploi-Québec. Il y en a effectivement dans ce cadre-là, des contrats d'intégration au travail. Il y en a également par un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, où il y a un support financier à hauteur de 900 000 $. Il y a aussi des ententes avec l'Office des personnes handicapées. Cette année, Emploi-Québec a eu une entente de l'ordre de 5 000 000 $. Alors, je pense que la députée devrait être prudente. Oui, il y a des discussions sur tout, c'est bien évident. Mais ce n'est pas vrai que, de manière ciblée, nous visons ces personnes-là. Ce sont des personnes qui ont le droit de participer à des activités. Alors, je pense qu'il faudrait que la députée soit prudente avant de soutenir ce type d'affirmation.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président...

Une voix: ...


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Oui, beaucoup d'applaudissements.

M. le Président, étant donné que la ministre n'est pas capable de prendre l'engagement... Elle est en train de me confirmer l'information que j'ai, qui est de source sûre, qu'elle est en train d'évacuer les personnes au Soutien financier pour les envoyer, tablettées, à la Régie des rentes du Québec.

Ma question est au premier ministre du Québec: Se souvient-il, lui, il avait la main sur le coeur lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, qu'il a fait une déclaration solennelle, de ne jamais appauvrir les soutiens financiers? Est-ce qu'il peut rappeler à l'ordre aujourd'hui la ministre de l'Emploi, M. le Président, afin qu'elle n'appauvrisse pas de 100 $ par mois les soutiens financiers et, du même coup, qu'elle ne renie pas sa propre déclaration solennelle, à lui, premier ministre du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Solidarité sociale.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, tout d'abord, il n'est aucunement question de passer la clientèle soutien financier à la Régie des rentes. J'ai eu ce débat avec plusieurs collègues du caucus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: ...avec plusieurs cette discussion. J'ai eu cette discussion et plusieurs députés du Parti québécois m'ont interpellé sur cette question-là, des députés qui ont participé et contribué plus positivement à la réforme, et tous nous ont mis en garde contre un éventuel transfert, au point qu'en équipe nous avons décidé de ne pas mettre en vigueur le Programme de protection sociale et de faire en sorte que le seul programme qui existe, et qui existe pour tous, y inclus les personnes qui sont lourdement handicapées, soit un programme d'assistance-emploi, justement pour maintenir cette philosophie qui permet à certaines personnes handicapées de pouvoir continuer à faire des activités utiles. C'est dans ce contexte qu'existent toujours les centres de travail adapté...

Le Président: En conclusion.

M. Boisclair: ...et les centres d'intégration au travail, qui permettent à des gens de gagner un 100 $. Cette question est à l'heure actuelle sous examen, et il est clair que les représentations de notre collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne seront bien sûr bien prises en compte. Mais je peux vous dire qu'il y a bien des gens, avant que la députée m'en parle, qui, de ce côté-ci, nous en ont parlé, et nous allons agir avec la même constance, mais surtout avec le respect de l'engagement pauvreté zéro, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre de l'Emploi se souvient de ce décret du premier ministre du Québec qui lui ordonne à elle... Elle est la responsable des mesures d'insertion en emploi et d'insertion sociale. Et je ne veux pas la réponse du ministre qui ne fait qu'émettre les chèques d'aide sociale.

Je lui repose la question, à la ministre: Est-ce qu'elle peut se lever en Chambre aujourd'hui pour dire que mon information est fausse et prendre l'engagement qu'elle va maintenir le même nombre de participants ayant des contraintes sévères à l'emploi au programme Soutien financier, le même nombre de participants que par les années passées? Oui ou non, êtes-vous capable de vous lever pour me le dire?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, comme je l'ai dit, il y a plusieurs interventions qui concernent l'intégration des personnes handicapées, à Emploi-Québec.

Une voix: ...

Mme Lemieux: Non, mais je pense que ce n'est pas clair, parce qu'on prête toutes sortes d'intentions ici. Mon collègue l'a dit, c'est un soutien que nous allons maintenir. Il y a d'autres discussions aussi, notamment avec l'Office des personnes handicapées, il est question de transférer certains programmes pour les positionner à des endroits où ils seront encore plus efficaces, mais, je m'excuse, nous n'avons pas du tout l'intention de reculer et de retourner en arrière. C'est des clientèles qui sont importantes à nos yeux, qui ont le droit d'avoir des services. Il y a plusieurs intervenants qui sont en cause. On cherche une cohérence des interventions, ça ne veut pas dire qu'on abandonne des clientèles.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au grand vizir, le ministre des Finances, qui...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai une question de règlement. Si vous voulez bien, nous allons tous écouter la question de règlement de M. le leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il y a peut-être des Iznogoud ou des Achille Talon de l'autre côté, mais il n'y en a pas de ce côté-ci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.


Construction d'un musée d'histoire des boissons alcooliques


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, ma question s'adresse au grand vizir, que je n'ai pas qualifié comme son leader l'a fait, au ministre des Finances, dis-je, concernant le projet de musée souterrain de 8 000 000 $, dont il nous disait la semaine dernière comment grands étaient les avantages économiques de ce projet. Un projet qui ira de l'avant, si je me fie à ce que le premier ministre disait sur les ondes de TVA la semaine dernière, lorsqu'il disait qu'on en retirerait des avantages de promotion commerciale, mais aussi touristique.

Jeudi matin, sur Télémédia, un autre ami que le ministre des Finances a fait nommer à la Société des alcools du Québec, M. Claude H. Roy – qui est, par hasard, maintenant premier vice-président de la direction corporative de la Société des alcools du Québec – disait sur les ondes qu'aucune étude de marché n'avait été préparée.

(15 heures)

M. le Président, j'aimerais savoir cet après-midi du ministre s'il peut déposer à l'Assemblée nationale copie des études financières et économiques sur lesquelles il s'appuyait la semaine dernière pour nous faire ses grands cocoricos, là, clamer haut et fort comment ce projet était pour être rentable, parce qu'il s'agit de 8 000 000 $ des contribuables qu'un ministre des Finances, normalement, devrait envoyer vers la santé ou l'éducation plutôt que dans les souterrains, en dessous du Pied-du-courant. Merci.

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: S'il y a des Achille Talon, de l'autre côté, l'ancien gouvernement avait des talons d'Achille, et je pense que celui qui vient de poser la question en faisait partie, s'il veut qu'on prenne le même ton qu'il prend pour s'adresser à moi, M. le Président. Bien, voilà!

Des voix: Oh!

M. Dupuis: ...

Le Président: Mais là, en attendant, M. le député de Saint-Laurent, vous n'avez pas la parole. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Il n'aime pas l'égalité de traitement, M. le Président. Bon. Alors, je redis ce que j'ai dit en cette Chambre la semaine dernière, nous avons, au conseil d'administration de la Société des alcools, une des équipes les plus performantes que nous n'avons jamais eues. Les revenus qu'elle rapporte à l'État pour la santé et l'éducation sont notamment en hausse de 7 %. Le conseil d'administration s'est prononcé sur un projet polyvalent, et ce que l'opposition n'a pas dit et la confusion que l'opposition sème autour du projet n'incluent pas le fait que, dans ce projet polyvalent, il y a des réaménagements de siège social, il y a une boutique de vente de vins, il y a un kiosque particulier, comme en Ontario – on devrait en avoir depuis des années – pour les produits du terroir québécois, appuyé par tous les producteurs de vin du Québec, et que ce projet, si je n'avais pas l'assurance qu'il sera rentable, comme actionnaire, je m'y opposerais ou je m'y opposerai.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre... S'il vous plaît! Merci. M. le vice-premier ministre, en conclusion.

M. Landry: Et, lorsque tous les détails du projet et ses tenants et aboutissants seront connus, je me ferai un plaisir de les déposer devant cette Assemblée. Mais, en attendant, l'opposition pourrait éviter de s'opposer à un projet rentable dans une région...

Des voix: ...

Le Président: Merci. M. le ministre.

M. Landry: ...dans un secteur de l'île de Montréal qui en a réellement besoin – vous connaissez les abords des locaux de la Société des alcools. Alors, je redis qu'il s'agit d'un projet polyvalent. Nous en déposerons les détails, et l'opposition aura honte de s'y être opposée.


Réponses différées


Politique de recouvrement de l'argent dû au fisc québécois

Le Président: Alors, je requiers l'attention de tout le monde. Il y a maintenant deux réponses différées et il y aura, par la suite, un vote reporté. Alors, d'abord, les réponses différées, celle du ministre du Revenu qui va d'abord répondre à une question posée le 2 novembre dernier par Mme la députée de Beauce-Sud relativement à la politique de recouvrement de l'argent dû au fisc québécois. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je répondrai à la fois à la question posée par la députée de Beauce-Sud et par le député de Marquette. Alors, de quoi s'agit-il?

Le Président: Je voudrais juste qu'on se comprenne sur la procédure, M. le ministre. J'ai annoncé deux réponses, il y a deux députés qui ont posé des questions, qui auront chacun droit à une question complémentaire. Je vous demanderais, dans ce cas-là, de répondre à la députée de Beauce-Sud d'abord et, par la suite, au député de Marquette.

M. Bégin: Alors, M. le Président, de quoi s'agit-il? La députée de Beauce-Sud demandait si le gouvernement avait l'intention de modifier une politique qui est suivie depuis 1955, depuis que le gouvernement du Québec fait la perception des impôts, à savoir que, lorsqu'une personne reçoit un avis de cotisation, elle doit, dans les 30 jours, payer immédiatement le montant de la cotisation même si cette personne fait un avis d'opposition. La raison pour laquelle on procède de cette manière, c'est qu'on vise à éviter les risques de prolongement de délais dans le paiement et aussi des risques de perte de revenus qu'emportent ces délais. Par exemple, au gouvernement fédéral, qui avait la même règle jusqu'en 1985, on a aboli cette façon de faire en 1985, et, dans les trois ans qui ont suivi, les avis d'opposition ont quintuplé. C'est cinq fois le nombre d'avis d'opposition qu'il y avait avant qu'on supprime cette chose-là. Par la suite, en 1993, devant l'effet néfaste procuré par cette mesure, Revenu Canada a modifié sa façon de faire et a décidé d'exiger que les grandes corporations qui faisaient de l'opposition devaient quand même payer dès l'avis de cotisation, de même que pour les retenues à la source et le paiement de la TPS.

Finalement, M. le Président, il est important de savoir qu'en toutes circonstances le ministère du Revenu, devant une personne qui est obligée de payer, doit accepter toutes les garanties de paiement ou les sûretés qu'un contribuable veut fournir plutôt que le paiement comme tel. Alors, le gouvernement du Québec a toujours procédé de cette façon et il entend continuer de le faire dans le futur.

Le Président: Mme la députée de Beauce-Sud, en question complémentaire.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais savoir de la part du ministre du Revenu comment il peut justifier que, au pays, le Québec est le seul à utiliser des méthodes aussi draconiennes. Le ministre nous a parlé des dispositions de Revenu Canada qui sont autrement plus souples que celles du gouvernement du Québec. Est-ce que le premier ministre réalise que nulle part ailleurs au pays et dans aucune autre législation le citoyen n'est présumé coupable avant d'avoir pu assumer sa propre défense?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, il y a une raison bien simple à cette chose, puisque seuls le Québec et le fédéral ont un ministère du Revenu qui font la perception de l'impôt sur les particuliers. Alors, la réponse est vite donnée, n'est-ce pas? Et je reposerais la question: Pourquoi, si c'est si terrible, le Parti libéral, qui a été 10 ans au pouvoir et qui s'est fait demander la même chose en 1994, qui a formé un comité, n'a pas lui-même modifié les choses?

Le Président: M. le ministre, est-ce que vous considérez que la réponse que vous avez apportée concernait les deux députés? Parce que je vais donner une question complémentaire au député. Vous avez une réponse à lui fournir?

M. Bégin: ...une réponse, mais, s'il veut poser une question complémentaire, libre à lui.

Le Président: Bien. M. le député de Marquette, en complémentaire.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, le ministre réalise-t-il, dans un premier temps, que le ministre libéral de l'époque avait pris un engagement et que le projet de loi était en marche? Malheureusement, les élections sont intervenues, sinon les libéraux l'auraient mis à exécution. Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire quel recours a un contribuable lorsqu'il reçoit un avis de cotisation qui, à sa face même, est soit erroné ou mal fondé? Ce contribuable-là se voit contraint de payer le montant total de la cotisation ou sinon se voit obligé de donner sa maison en hypothèque ou de voir son compte de banque grevé et saisi. Il n'a aucun recours. Est-ce que le ministre va se rendre à la recommandation du Barreau du Québec qui disait que, minimalement, on devrait pouvoir permettre qu'il y ait un recours pour suspendre les mesures de recouvrement lorsqu'on est face à un avis de cotisation qui est manifestement mal fondé?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, nous ne pouvons pas prendre pour acquis qu'un avis de cotisation est manifestement mal fondé à sa face même. C'est dire implicitement que quelqu'un, malicieusement, cotise quelqu'un pour percevoir au bénéfice de l'État une somme d'argent qu'il sait, qu'il connaît ne pas devoir. Je ne peux pas prendre ça comme hypothèse de départ.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il respecte la décision unanime du 1er avril concernant les travailleurs autonomes

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer au vote sur la motion de M. le député de Verdun présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Cette motion se lit comme suit...

(15 h 10)

Ça va? Alors donc, la motion du député de Verdun se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée prise le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie– Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:43

Contre:67

Abstentions:0

Le Président: Alors, en conséquence, la motion du député de Verdun est rejetée.

Aux motions sans préavis...

M. Brassard: Oui, M. le Président.

Le Président: J'avais un avis du chef de l'opposition officielle. M. le leader du gouvernement, sur cette question, oui?

M. Brassard: Oui. C'est parce que je solliciterais pour quelques minutes une suspension afin de poursuivre les échanges avec l'opposition.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, oui, à ce moment-ci, compte tenu de la nature de la motion qui est présentée par le chef de l'opposition, je pense qu'il est d'intérêt public que les échanges aient lieu en public, sous les caméras.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je cède la parole au chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Merci, M. le Président. Hier soir, l'opposition officielle a annoncé son intention de présenter une motion à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Je vous en fais donc la lecture. La motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme qu'elle seule peut déterminer les conditions entourant le processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans le respect des règles démocratiques et en conformité avec la décision de la Cour suprême.»

(Applaudissements)

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a, d'abord, consentement pour débattre de la motion? M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il y a eu des échanges et des discussions entre les partis sur la proposition que vient de faire le chef de l'opposition, et nous ne pouvons consentir à une motion qui a reçu la bénédiction de Stéphane Dion et de Jean Chrétien.

(Applaudissements)

Des voix: ...

Le Président: Alors, j'en appelle à la collaboration de tous les députés. Je crois que tout le monde est conscient de la situation, alors nous allons procéder dans l'ordre. Vous allez vouloir expliquer rapidement, et, par la suite, M. le leader de l'opposition officielle. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais et je souhaiterais que l'opposition officielle soit bien consciente qu'elle vient ainsi d'accepter et d'adhérer à la Constitution de 1982.

Le Président: Alors, en réplique, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement pour rappeler au leader du gouvernement que c'est le premier ministre lui-même – et les gens l'ont vu à la télévision, dans les médias – qui s'est inspiré du jugement de la Cour suprême, hier, que c'est le vice-premier ministre qui, ce matin, déclarait que le jugement de la Cour suprême était un jugement équilibré et magnanime. Il y a seulement le ministre des Affaires intergouvernementales qui a dit que lui agirait dans l'illégalité.

Le Président: Je voudrais qu'à ce moment-ci nous fonctionnions avec les règles et par consentement aussi, parce que, à cette étape, il y avait la présentation d'une motion sans préavis du chef de l'opposition officielle. Il y a eu un refus de la part du gouvernement de débattre de cette motion, j'ai permis aux deux leaders de donner des répliques, je vois que le premier ministre voudrait enchaîner et débattre...

M. Bouchard: ...

(15 h 20)

Le Président: Je comprends, M. le premier ministre, mais je ne crois pas que... Non, non. Je voudrais savoir, M. le premier ministre, pour vous permettre d'intervenir à cette étape-ci, s'il y a consentement. S'il n'y a...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, je pense qu'il y a un leader de votre côté, c'est à lui que je demande s'il y a consentement ou pas pour permettre au premier ministre... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, s'il y a consentement de la part du premier ministre à ce que la motion du chef de l'opposition soit débattue à l'Assemblée nationale, il aura un droit de parole d'une heure.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, le premier ministre a le droit, je pense, à ce stade-ci, puisque le leader de l'opposition l'a cité, de soulever une question de fait personnel pour rétablir les faits.

Le Président: Je reconnais votre habileté, M. le leader du gouvernement. Je ne suis pas du tout convaincu qu'il s'agit d'une question de fait personnel, mais, néanmoins, je vais vérifier avec notre principal conseiller en droit parlementaire, si vous me donnez quelques instants, et nous allons voir si, effectivement, comme je le pense, le premier ministre n'a pas le droit, à ce moment-ci, à une question de fait personnel.

(Consultation)

Le Président: Alors, comme je le pressentais, M. le leader du gouvernement, mon intuition était fondée, vous savez qu'il doit y avoir un préavis pour qu'un premier ministre, sur une question de fait personnel, puisse s'expliquer à l'Assemblée. Alors, je crois que, encore une fois, la seule façon pour permettre au premier ministre, à ce moment-ci, d'intervenir... C'est que, s'il n'y a pas de consentement, il n'y a pas de possibilité de le faire dans le contexte de la discussion qui vient d'être engagée.

Alors, sur une autre motion sans préavis, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Une autre motion sans préavis, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de l'Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que cette Assemblée nationale réclame que toute modification à la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants respecte les lois et politiques du Québec en matière de protection de la jeunesse.»

Le Président: M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion?

M. Brassard: M. le Président, on va l'examiner. Je ne sais pas, le député de Marquette semble jouer au chat et à la souris, parce qu'on lui avait proposé bien avant une motion semblable et qu'on s'est buté à un refus. Alors, on va la regarder.

Le Président: Non, pour le moment, il n'y a pas de consentement pour débattre de la motion telle qu'elle est présentée aujourd'hui. Éventuellement, on verra.

M. Ouimet: ...

Le Président: Non, non. Je voudrais éviter, M. le député de Marquette, qu'on s'engage dans des dérapages inutiles au plan procédural. À cette étape-ci, il n'y a pas consentement, on ne va pas plus loin. M. le député de Chomedey, sur une motion sans préavis.

M. Mulcair: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Le Président: Alors, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, le leader du gouvernement me fait signe qu'il n'y a pas consentement pour débattre de la motion.

J'avais des motions sans préavis annoncées du côté gouvernemental. Est-ce qu'elles sont toujours à l'ordre du jour, M. le leader du gouvernement? J'avais quelques motions sans préavis dont on m'avait parlé pour le côté gouvernemental.

Une voix: ...

Le Président: Bon. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de l'Assemblée pour présenter la motion suivante à la suite de l'importante décision qui a été rendue hier à l'encontre du gouvernement. Donc:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de respecter la décision de la Commission des droits de la personne concernant le gel de l'échelon salarial des enseignants en compensant les victimes pour les pertes encourues et en modifiant son projet de loi n° 67 pour le rendre conforme à cette décision de la Commission.»

Le Président: Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, le leader du gouvernement nous indique qu'il n'y a pas consentement pour débattre de cette motion. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Pour que ce soit clair au Journal des débats , M. le Président, il y avait consentement du côté de l'opposition officielle.

Le Président: Très bien. Alors, cette indication est comprise et notée, M. le leader de l'opposition officielle.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'avise cette Assemblée, d'abord, que la commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, aujourd'hui, le mercredi...

Le Président: Je m'excuse, M. le leader du gouvernement, mais je crois que, comme moi, vous souhaitez être entendu, et, moi, je souhaite vous entendre et vous comprendre, et j'imagine que votre vis-à-vis, le leader de l'opposition officielle, également. Alors, je sollicite la collaboration de nos collègues qui doivent travailler à l'extérieur du salon bleu afin de quitter l'enceinte maintenant rapidement.

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: ... – M. le Président, j'avais même moi-même de la misère à m'entendre – donc, le mercredi 24 novembre 1999, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la commission de l'éducation poursuivra la consultation générale sur la place de la religion à l'école aujourd'hui, le mercredi 24 novembre 1999, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 21 de notre règlement, la période des affaires courantes va débuter à 10 heures demain matin, le jeudi 25 novembre.

Nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: D'accord.

Le Président: Je m'excuse, M. le leader adjoint. Toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, M. le Président. Lors de la dernière session, à la fin de la session régulière, au moment de commencer la session intensive, je vous posais la même question concernant le monopole qui est accordé à l'opposition officielle en ce qui concerne les interpellations et les motions réservées à l'opposition le mercredi. Depuis l'ouverture de la session, j'ai eu l'opportunité d'inscrire plusieurs de ces motions, de ces interpellations au feuilleton. J'avais compris de la dernière session que, étant donné que c'était la première de la Législature, l'opposition avait bénéficié de ce privilège, et là j'essaie de comprendre de quelle façon maintenant elles sont réparties. Est-ce qu'il y a un deal avec le leader de l'opposition officielle sur cette question-là? Qu'est-ce qui fait que l'opposition officielle s'est arrogée, en cette matière-là, semble-t-il, un monopole à l'année longue?

Le Président: Alors, sur la question soulevée par M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je comprends que le chef de l'Action démocratique n'a pas de leader parlementaire, par la force des choses. Je tiens à le rassurer, on n'a jamais fait de deal avec qui que ce soit, ni du côté gouvernemental, ni du côté de la présidence, ni même – je pense qu'il va être en mesure de le confirmer – avec lui-même quant à ces questions. Vous avez des critères qui sont prescrits par le règlement, qui vous obligent à choisir en fonction de critères, de doctrines, de la jurisprudence, d'us et coutumes, et ce sont des critères qui ont été appliqués jusqu'à présent. S'il avait pu bénéficier des conseils d'un leader parlementaire, sans doute aurait-il posé cette question-là au moins une semaine avant, parce que, même si vous vouliez faire un deal avec lui aujourd'hui, nous sommes en session intensive et il n'y a plus d'interpellation du vendredi.

Dans les circonstances, nous, on plaide à chaque fois, on le fait avec vigueur, on insiste... que les questions que l'on adresse sont des questions d'intérêt public, qu'elles méritent d'être discutées, et, pour le moment, vous avez rendu des décisions qui vont dans le sens de l'application du règlement. Je n'ai pas entendu le député s'en plaindre auparavant.

Le Président: Simplement pour que les choses soient claires, je crois que, en l'occurrence, je donne raison au leader de l'opposition officielle. M. le député de Rivière-du-Loup, cette question, nous l'avons étudiée à la présidence, donc en réunion de travail, et nous avons convenu de continuer de respecter les us et coutumes de notre Assemblée, ce qui fait que, après un certain nombre d'autres interpellations qui viendront prioritairement et qui seront accordées prioritairement à l'opposition officielle, vous aurez éventuellement droit à un moment qui sera le vôtre.

(15 h 30)

Évidemment, ça ne peut pas être en début de Législature, et je vous rappelle que nous sommes à la deuxième saison de la même session que nous avons commencée au printemps dernier. C'est une nouvelle Législature, et, dans ce contexte-là, la présidence ne peut pas prendre en compte la situation qui a prévalu dans la Législature précédente. On recommence à zéro, avec une nouvelle Législature, et nous n'en sommes qu'au début de cette nouvelle Législature là, nous n'avons même pas encore fait une année complète, à l'égard de la session parlementaire qui a commencé au mois de mars dernier.

Mais, je vous rassure, vous pouvez être assuré que vous aurez les mêmes privilèges ou les mêmes opportunités que par le passé. Et ça, je pense que vous pouvez en être assuré, je le dis devant les membres de l'Assemblée, ce qui ne veut pas dire que vous aurez, finalement, rapidement droit, par exemple, au cours de la prochaine saison parlementaire de l'hiver et du printemps, à une possibilité d'intervenir dans ce cadre-là.

M. Dumont: Mais, M. le Président, ces deux procédures qui sont offertes à l'opposition à l'intérieur des sessions et pour lesquelles, je pense, le libellé du règlement est le même, c'est «en tenant compte de la présence de députés d'autres formations politiques ou indépendants». Alors, j'essaie de comprendre, par exemple, à l'intérieur de la dernière année – parce qu'on va avoir fait le tour d'une année – de quelle façon le règlement a été appliqué, donc de quelle façon, si j'additionne les interpellations et les motions, sur vingt et quelques interventions de l'opposition, la présidence peut dire qu'elle a respecté le règlement, qu'elle a tenu compte de la présence d'un parti qui, à la dernière élection, est allé chercher un pourcentage infiniment plus considérable que le ratio qui est en train de se développer. Alors, d'où ma question aujourd'hui. Et là, ce que vous m'annoncez, c'est que la situation ne se rétablira probablement pas lors de la prochaine session, alors d'où ce que j'appelle le monopole qui semble être accordé à l'opposition officielle.

Le Président: Écoutez...

M. Paradis: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...sur une question technique, là, je ne voudrais pas que le débat dérape. Il y a deux groupes parlementaires en cette Chambre. Je pense que le règlement est clair et que le président est lié par le règlement, alors je ne comprends absolument pas l'intervention du chef de l'Action démocratique qui prétend qu'il forme un groupe parlementaire. Il y a des conditions qui sont posées, et le président doit s'en tenir au règlement.

Maintenant, vous devez, et je vous le soumets respectueusement, M. le Président, tenir compte de l'ensemble des interventions, autant la période de questions que les interpellations et que les débats du mercredi, et, à cet égard, je vous dirai que vous avez été d'une générosité... Je ne sais pas s'il y avait un deal entre vous et le chef de l'Action démocratique, mais ça a passé... Si on compare à la dernière session de l'Assemblée nationale, dans le cas du chef de l'Action démocratique, il a eu 0,64 principales par trois séances lors de la Trente-cinquième Législature, soit du 29 novembre 1994 au 21 octobre 1998. Maintenant, depuis le 4 mars à ce jour, il en a eu 1,26. Il a doublé, au niveau de la période de questions comme telle, M. le Président. À ce moment-là, vous devez également, je vous le soumets respectueusement, bien que ça ne soit pas inscrit au règlement, en tenir compte dans vos appréciations.

Le Président: Écoutez, ce que je vais faire pour à la fois convaincre notre collègue de Rivière-du-Loup que la présidence respecte une certaine tendance, que je n'ai pas instaurée mais qui était déjà là bien longtemps avant que j'assume ces fonctions... je vais vous envoyer, d'ici la fin de la semaine, si possible cet après-midi, les statistiques qui vont vous démontrer la tendance et la façon dont les choses se sont déroulées dans le passé et sur la base de laquelle tendance je m'inspire pour accorder et accorderai dans l'avenir une période d'interpellation qui reviendra à votre parti.

Par ailleurs, je ferai la même chose pour le leader de l'opposition officielle et le leader du gouvernement, pour que tout le monde ait les mêmes données, y compris sur les statistiques à l'égard de la période des questions. Comme ça, tout le monde sera sur la même longueur d'onde.

Alors, maintenant, en terminant, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Un dernier commentaire. Au moment où vous nous dites que vous allez préparer des statistiques, j'espère que vous tiendrez compte de l'inscription au feuilleton. Est-ce qu'on peut remonter dans les années passées puis dire: Il y avait des députés indépendants ou des partis qui avaient un, deux, trois, quatre députés, qui n'ont pas eu, durant x sessions, d'interpellations ou de motions du mercredi? Mais, s'il n'y en avait pas d'inscrites au feuilleton, je veux dire, le débat ne s'applique pas. Alors, j'espère que vous tiendrez compte des statistiques à partir du moment où des motions étaient demandées par leur inscription au feuilleton. C'est mon seul commentaire.

Le Président: M. le leader.

M. Paradis: ...ce principe, M. le Président, on vous saurait gré de nous en aviser. De ce côté-ci, on peut transformer très rapidement le feuilleton en catalogue.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, ce que je dois vous dire, c'est que, dans le passé, les députés qui ont assumé les fonctions à la présidence et votre humble serviteur utilisent la même approche, c'est-à-dire que ce n'est pas en fonction du nombre d'inscriptions, c'est en fonction, finalement, de la réalité du nombre de sièges qu'un parti politique occupe à l'Assemblée. En l'occurrence, vous savez que votre parti, même s'il a recueilli un nombre de suffrages significatif à la dernière élection, n'est pas reconnu comme un groupe parlementaire, compte tenu du résultat électoral puis de notre système politique.

Alors, dans l'occurrence, moi, je me dois de tenir compte à la fois de cette réalité aussi qui est celle de nos traditions. Encore une fois, vous pourrez juger, aux statistiques que je vais vous envoyer, que la présidence s'est comportée envers tous les groupes parlementaires et envers vous, comme député indépendant, de façon correcte.

M. Paradis: Très rapidement, M. le Président. Si vous voulez tenir compte du nombre de voix exprimées qu'un parti politique a recueillies à la dernière élection et réaménager les droits des parlementaires en conséquence, nous serions d'accord. Et je pense que l'Action démocratique serait également d'accord, compte tenu que nous avons obtenu plus de voix que le Parti québécois.

Le Président: Alors, écoutez, si on veut commencer ce petit débat, on pourrait éventuellement refaire les institutions parlementaires. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, si, pour arriver à ses fins – et je les trouve légitimes – le député de Rivière-du-Loup veut, à la prochaine élection, réduire le nombre de députés libéraux, je suis prêt à lui prêter mon concours.


Affaires du jour

Le Président: Bien. Ceci étant, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Dans les règles prescrites par la dernière élection, forcément, M. le Président, donc je vous réfère à l'article 45 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 222


Adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le député de Salaberry-Soulanges propose l'adoption du principe du projet de loi n° 222, Loi concernant L'Industrielle-Alliance Compagnie d'Assurance sur la Vie. Alors, je crois que nous allons entendre le député de Salaberry-Soulanges. M. le député.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens à ce moment-ci de notre processus législatif afin de faire adopter par notre Assemblée nationale ce projet de loi privé ayant pour objet L'Industrielle-Alliance Compagnie d'Assurance sur la Vie, et plus précisément la transformation de cette compagnie d'assurance-vie en compagnie d'assurances à capital-actions, ce que les analystes et les experts ont appelé la démutualisation.

Précisons, M. le Président, que ce processus n'est pas unique à cette compagnie, à L'Industrielle-Alliance, puisque plusieurs autres compagnies d'assurances – on pense ici aux compagnies Canada-Vie, à la Mutuelle, ManuVie et à Sun Life, qui sont régies par une charte fédérale, celles-là, cependant – ont déjà complété ou sont à compléter leur propre processus de démutualisation, ce qui, selon les experts, devrait entraîner la plus importante distribution de capitaux de l'histoire canadienne, alors que plus de 3 000 000 de titulaires de police d'assurance recevront des versements au comptant ou sous forme d'actions. Soit dit en passant, M. le Président, cette transformation n'affectera en rien, d'aucune manière, les protections d'assurance ou de rente dont jouissent les différents détenteurs de cesdits contrats.

Vous me permettrez, M. le Président, en quelques mots et pour le bénéfice de notre mémoire collective, de décrire ce que représente à ce jour cette compagnie d'assurance-vie. C'est une entreprise, bien sûr, centenaire dont les origines remontent à 1892. Elle est issue de la fusion en 1987 de deux compagnies d'assurance de personnes, soit L'Industrielle, créée en 1905 à Québec, et L'Alliance, fondée en 1892 à Montréal. De plus, en 1996, L'Industrielle-Alliance a fusionné avec La Solidarité, une compagnie d'assurance-vie de Québec.

Cette compagnie, L'Industrielle-Alliance, assure plus de 1 500 000 personnes. Elle a à son actif consolidé et dans ses différents fonds de placement un actif de plus de 12 000 000 000 $. Elle emploie plus de 2 000 personnes, dont 1 300 travaillent au Québec. Nous aurons tous compris par l'énumération de ces quelques données, M. le Président, que nous avons devant nous une compagnie solidement implantée, une compagnie d'envergure, qui d'ailleurs se situe au septième rang des plus importantes compagnies d'assurances à l'échelon canadien.

(15 h 40)

M. le Président, comme vous le savez sans doute, il n'y a pas de disposition générale prévue dans nos lois québécoises pour prévoir la démutualisation, d'une part. Et, d'autre part, étant donné que L'Industrielle-Alliance est pratiquement la dernière grande compagnie à charte québécoise à désirer, à vouloir se démutualiser, nous, c'est-à-dire les législateurs, avons souhaité que la démutualisation se fasse par projet de loi privé. Voilà donc les deux raisons majeures de ce projet de loi n° 222.

M. le Président, ce processus a commandé une opération d'envergure pour informer l'ensemble des titulaires de contrat d'assurance. Je veux souligner ici, parce que c'est un fait tout à fait exceptionnel, l'ampleur de la logistique déployée par les dirigeants de cette compagnie afin de renseigner le plus adéquatement possible tous les mutualistes de cette dite compagnie. Les dirigeants, leur personnel, ont agi avec beaucoup de professionnalisme et de transparence. L'ensemble de la littérature que j'ai pu lire, qu'on m'a transmise, qui a été distribuée à plus de 700 000 personnes, était accessible à tous et très, très pédagogique.

Vous me permettrez de revenir sur quelques-unes de ces initiatives. D'abord, mentionnons que, comme je viens de le dire, un dépliant explicatif a été distribué à plus 694 000 titulaires de contrat d'assurance. De plus, une émission spéciale de télévision a duré tout au long du mois d'octobre et a cheminé sur trois réseaux de télévision, où les gens pouvaient s'informer, se renseigner. Il y a également eu rencontres publiques d'information à Québec et à Montréal. Et, de plus, L'Industrielle-Alliance n'a lésiné sur aucun moyen pour informer l'ensemble de ses titulaires. Elle a mis sur pied un centre d'information où l'on pouvait communiquer soit par téléphone, soit par Internet, soit par télécopieur ou courriel. Il est à noter que ce centre a reçu, au moment où on se parle, plus de 70 000 appels de demande de renseignements de toutes sortes, et, à certaines journées, on a atteint plus de 4 000 à 5 000 appels au cours d'une même journée.

Eh bien, le résultat de tous ces efforts, M. le Président, a porté fruit, puisque, le 8 novembre dernier, réunis en assemblée spéciale, c'est plus de 300 000 détenteurs de contrat qui ont voté, bien sûr, directement et par procuration, soit plus de 46 % de ces personnes qui avaient un contrat, qui se sont impliquées, qui ont voté, et c'est énorme, en termes de participation, dans ce genre d'opération. Mentionnons que la proposition a reçu l'appui de 96 % des contractuels. C'est un excellent résultat, et, comme on dit: Bon travail, bon résultat!

En terminant, M. le Président, je veux souligner la collaboration de l'opposition officielle, et particulièrement des députés de Mont-Royal et de Beauce-Sud pour leur travail consciencieux à travers le cheminement législatif de tout ce projet de loi.

À titre de conclusion, M. le Président, je voudrais souhaiter bonne chance aux dirigeants et à tous les futurs actionnaires dans leur voyage vers l'internalisation de leurs opérations financières, qui, par l'adoption de ce projet, obtiendront, j'en suis sûr, les moyens financiers non seulement pour demeurer concurrentiels, mais et surtout afin d'assurer leur développement présent et futur par un meilleur accès aux capitaux sur les marchés financiers. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Salaberry-Soulanges. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal. M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. La première chose que je veux vous dire, M. le Président, c'est, tout d'abord, que ça nous a fait plaisir, nous, l'opposition officielle, d'appuyer ce projet de loi privé parce qu'il répondait à un besoin fondamental, croyons-nous. En effet, L'Industrielle-Alliance est la seule compagnie d'assurances qui est mutuelle, de type mutuelle, et qui est à charte provinciale et qui, par conséquent, pour se démutualiser a donc besoin d'un projet de loi privé tel que promulgué par l'Assemblée nationale. Les quatre autres entreprises qui ont ou qui sont à se démutualiser sont, elles, à charte fédérale et donc n'ont pas besoin de l'intervention de l'Assemblée nationale. Trois de ces quatre autres entreprises mutuelles sont déjà démutualisées, et avec succès, je dois souligner, M. le Président. Sun Life, une autre compagnie, est la seule qui reste également, tout comme L'Industrielle-Alliance est la seule qui reste, à compléter son processus de démutualisation.

Alors, qu'est-ce que c'est que la démutualisation, M. le Président? C'est d'abord et avant tout de transformer le régime de propriété de l'entreprise, de le transformer d'une compagnie mutuelle, où ce sont les assurés qui sont propriétaires de l'entreprise, à une compagnie qu'on appelle à capital-actions, où, autrement dit, les assurés et les actionnaires sont deux choses qui peuvent être totalement différentes. Mutuelle, donc, est propriété des titulaires de contrats, et une compagnie à capital-actions est propriété de ses actionnaires. Et j'aimerais souligner qu'il est important de le faire, que cette transformation de mutuelle à une compagnie à capital-actions n'affecte en aucune façon les droits et les privilèges des contrats d'assurance que la mutuelle Industrielle-Alliance a présentement en vigueur.

Alors, me direz-vous, pourquoi démutualiser? Bien, parce que, d'abord, La Mutuelle, qui est la septième compagnie d'assurances au Canada, qui vend d'ailleurs non seulement au Québec, mais au Canada et aux États-Unis, 50 % de son chiffre d'affaires est fait à l'extérieur du Québec. Alors, cette entreprise a décidé de grandir et de croître. Et, pour grandir et croître, il faut qu'elle ait accès au marché boursier afin d'émettre des actions et augmenter ainsi son capital. Pourquoi augmenter son capital? Pour faire face à sa croissance future, qui est importante, si elle veut devenir compétitive en Amérique du Nord. Je vous rappelle encore une fois que l'industrie de tout le marché financier est en train de subir une transformation exceptionnelle. Et une compagnie comme L'Industrielle-alliance a donc besoin de délier ses mains, a donc besoin qu'on la démutualise et la rende à capital-actions pour avoir accès justement à ces capitaux qui vont lui permettre de progresser, de faire des fusions, de faire des acquisitions et éventuellement de devenir non pas la septième au Canada comme elle est présentement, mais peut-être la septième en Amérique du Nord. Alors donc, c'est essentiel pour permettre à L'Industrielle-Alliance, ce projet de loi, de croître dans l'avenir.

Le processus a déjà été enclenché. Plusieurs choses ont été faites par l'entreprise, et je le souligne, d'une façon exceptionnelle. Elle a fait une campagne d'information auprès des propriétaires de polices d'assurance, auprès des mutualistes pour les informer de leurs droits et de ce qui les attendait advenant le cas où ils décideraient de voter en faveur ou en défaveur du projet. Ils ont tellement bien fait leur travail, avec une panoplie d'activités, qu'ils sont même allés jusqu'à faire une émission de télévision pour justement rejoindre tous les mutualistes qui faisaient partie de leur liste de propriétaires de police. Le travail qu'ils ont fait a été exceptionnel, puisque 46 % des 694 000 titulaires de police se sont exprimés, c'est-à-dire ont voté, et 96 % d'entre eux ont accepté la proposition du conseil de se démutualiser. Alors donc, vous voyez, M. le Président, que non seulement ça répond aux besoins pour l'entreprise, mais que les assurés de l'entreprise ont réalisé que ça représentait un besoin pour permettre à l'entreprise de croître.

Pour toutes ces raisons, donc, M. le Président, au nom du Parti libéral du Québec, au nom de l'opposition officielle, j'aimerais souligner que nous supportons le projet de loi n° 22, projet de loi qui, comme je le disais tantôt, permettra à L'Industrielle-Alliance de faire son premier appel public, et ce, dès le début de l'année 2000. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Mont-Royal, je vous remercie. Y a-t-il d'autres intervenants? Pas de répliques non plus? Alors, tout va bien. Nous allons soumettre aux voix le projet de loi n° 73, cette loi visant la préservation... Excusez-moi! L'article 45, excusez-moi, j'étais à voir une autre page. Alors, c'est le principe du projet de loi n° 222, Loi concernant L'Industrielle-Alliance Compagnie d'Assurance sur la Vie. Est-il adopté?

Des voix: Adopté.

(15 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Je vous demanderais deux petites secondes, M. le Président, s'il vous plaît. L'article 32 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 32?

M. Boulerice: Oui.


Projet de loi n° 73


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. À l'article 32, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je vais être très bref. Il s'agit d'un projet de loi de cinq articles, extrêmement important, qui vise, comme le dit le titre du projet de loi, à protéger les ressources en eau. Alors, nous avons fait l'étude de ce projet de loi avec la collaboration de l'opposition et nous avons, je pense, dans ce projet de loi, des mesures qui vont permettre à la fois que certaines opérations puissent continuer, mais que, en ce qui concerne les transferts d'eau en vrac, elle soit de l'eau puisée dans la nappe phréatique ou encore captée en surface. En toute circonstance, elle ne pourra pas être transférée à l'extérieur du Québec, le temps que le BAPE, le Bureau d'audiences publiques en environnement, ait terminé sa consultation, au mois de mars, et ait fait ses recommandations au gouvernement, après quoi une décision finale sera prise. Alors, M. le Président, je remercie encore une fois le travail de l'opposition et je crois qu'on peut passer à l'adoption du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, y a-t-il d'autres intervenants? M. le député d'Argenteuil. Alors, je vous cède la parole.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Alors, comme le disait M. le ministre, l'opposition libérale est consentante à adopter le projet de loi. Je me dois quand même de peut-être répliquer. J'ai l'occasion de m'exprimer en cette Chambre. Hier, nous avons débattu sur le projet de loi également. Le ministre nous faisait mention hier qu'il y avait des disparités au niveau du Québec versus les autres provinces canadiennes au niveau de l'harmonisation. Je comprends très bien que le ministre ait cité en exemple des détournements de rivières à des fins énergétiques. L'opposition est consciente que le Québec a certaines différences, mais, dans l'ensemble, il y aurait quand même lieu que le Québec harmonise autant que possible les lois et règlements futurs au niveau de la protection des eaux de surface et des eaux souterraines.

Alors, je me dois de rappeler quand même qu'au Québec nous disposons d'une ressource en eau qui est importante, que, par le passé, trop souvent nous avons pollué ou des fois même contaminé certaines nappes phréatiques et des cours d'eau, et que le gouvernement, dans son mandat de la population, doit légiférer et mettre en place des lois et des règlements pour s'assurer que les eaux, quelles qu'elles soient, soient protégées pour les générations futures.

L'opposition libérale a toujours dit, depuis que le gouvernement péquiste est au pouvoir, en 1994, qu'il est important d'intervenir rapidement. Et ce qui est quand même alarmant dans tout ça, c'est que le ministre fait encore référence à sa politique, à une politique à être établie suite aux audiences du BAPE, qui présentement est à faire une étude à travers le Québec. Et nous tenons à rappeler au ministre que ce que les gens au Québec veulent, ce que les Québécoises et les Québécois veulent, ce n'est pas une politique, mais c'est une loi avec des règlements qui vont faire en sorte que les eaux vont être protégées définitivement au Québec.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, nous adoptons une loi qui est une mesure temporaire et qui permettra de protéger temporairement la ressource de l'eau au Québec. Alors, j'ose espérer, en terminant, que le ministre et son ministère vont être très diligents et vont rapidement mettre en place une législation, des lois et des règlements qui vont définitivement protéger l'eau au Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Alors, ceci met fin au débat. Le projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, tantôt, à l'article 45, nous avons procédé à l'adoption de principe du projet de loi n° 222. Je souhaiterais, du consentement de l'opposition, que nous revenions à l'article 45 pour procéder cette fois-ci à l'adoption du projet de loi n° 222.


Projet de loi n° 222


Adoption


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Salaberry-Soulanges propose l'adoption du projet de loi n° 222. Il n'y a pas d'intervenants? Je soumets donc aux voix. Ce projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je remercie M. le député de Mont-Royal de sa collaboration...

Une voix: Et de Saint-Laurent.

M. Boulerice: Et de Saint-Laurent. Et je vous réfère maintenant, M. le Président, à l'article 30 du feuilleton de ce jour.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, est-ce que c'est 31 ou 32 que vous avez mentionné?

M. Boulerice: À l'article 30, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): À 30, très bien.

M. Boulerice: ...pour le projet de loi n° 75.


Projet de loi n° 75


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie. C'est bien l'article 30, ça va. À l'article 30, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 75, Loi sur les heures d'exploitation de certains établissements le 1er janvier 2000. Alors, M. le ministre, vous voulez intervenir?

M. Ménard: Ha, ha, ha! C'est inutile d'en rajouter.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent, tout a été dit? Ah, vous en avez encore à dire? C'est très bien.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: De la part du gouvernement, M. le Président, je constate que tout a été dit; de la part de l'opposition, tout a été presque dit. Alors, je me permettrai de prendre quelques minutes simplement pour ajouter.

Il faut bien savoir, M. le Président, que les règles parlementaires font en sorte que nous sommes à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission qui a étudié le projet de loi n° 75, les articles qui ont été présentés par le ministre en ce qui concerne le projet de loi n° 75. Il y a eu des amendements qui ont été introduits par le ministre et nous avons consenti à ces amendements pour que certaines villes, municipalités de la région de l'Outaouais qui souhaitaient être dispensées de l'application de la loi puissent l'être, et nous avons consenti à ce que ces amendements soient déposés.

Nous avons aussi indiqué au ministre qu'il y avait un certain danger, dans le dépôt de ces amendements, à ce que d'autres municipalités au Québec souhaitent se prévaloir de cette disposition qui est introduite pour ce qui concerne la région de l'Outaouais. Après en avoir discuté avec le ministre, il semble qu'il n'y ait pas eu de demandes supplémentaires qui ont été faites auprès du ministre, et l'opposition s'en réjouit, bien sûr, puisqu'on ne pourrait pas, je pense, vivre avec danger une situation au Québec où, dans certaines municipalités certains établissements pourraient être ouverts pendant 43 heures, au moment du passage à l'an 2000, et, dans d'autres municipalités, la loi s'appliquant comme elle s'applique maintenant, c'est-à-dire avec des fermetures obligatoires à 3 heures le matin. Je pense qu'il y a une certaine uniformité qui est nécessaire.

Je veux dire au ministre, et je terminerai là-dessus, que les règles parlementaires et la façon dont nos travaux procèdent font en sorte qu'il est possible que le projet de loi n° 75 soit adopté dans sa lecture définitive à la fin de la session ou vers la fin de la session, dans une foulée de projets de loi qui pourraient être adoptés à ce moment-là. Et il est possible qu'il ne soit rappelé pour adoption qu'à ce moment-là. L'opposition a déjà signifié qu'elle ne ferait pas d'objection à l'adoption du projet de loi, je le confirme de nouveau aujourd'hui.

Cependant – et le ministre en est conscient, il l'a signalé lorsque nous avons fait l'étude en commission parlementaire – le projet de loi comporte des responsabilités importantes pour le gouvernement, notamment en matière de sécurité publique, puisque des bars qui servent des boissons alcooliques seront ouverts, à la suite de l'adoption du projet de loi, de 8 heures le 31 décembre 1999 à 3 heures le 2 janvier de l'an 2000, donc 43 heures consécutives où les bars seront ouverts et où le public sera admis à consommer, entre autres, des boissons alcooliques, bien sûr, avec évidemment toutes les conséquences que vous pouvez deviner et tous les débordements que la frénésie du passage à l'an 2000... Je vois d'ailleurs déjà le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques saliver à la seule penser de pouvoir fêter pendant toutes ces heures-là. Donc, il pourrait y avoir des débordements causés par la frénésie du passage à l'an 2000.

(16 heures)

Et le ministre – et je le lui suggère d'ailleurs, il en est bien conscient, je le sais – doit déjà avoir prévu, et ses gens au ministère de la Sécurité publique devraient normalement avoir déjà prévu des campagnes de sensibilisation importantes. Les policiers devraient aussi avoir prévu des campagnes d'information et de sensibilisation importantes sur les lois existantes. Il va devoir y avoir des contrôles efficaces qui seront exercés pendant toutes ces heures-là et, évidemment, il devra y avoir la possibilité qu'il puisse y avoir, si jamais il devait se produire des débordements quelconques, une intervention rapide des autorités pour empêcher que certains événements puissent dégénérer.

Le ministre a fait référence en commission parlementaire à la fameuse fête de la dernière coupe Stanley, en 1993, où il y avait eu effectivement des débordements. Moi, je ne veux pas dramatiser, je ne veux pas faire peur au monde, pour employer une expression populaire, mais il reste qu'il est possible qu'il y ait certains débordements, et j'enjoins donc le ministre de ne pas attendre, pour agir, que la loi n° 75 soit adoptée en fin de session, mais il devrait déjà avoir prévu qu'il y aura du personnel policier en nombre important, qu'il y aura une campagne de sensibilisation importante qui sera faite pour qu'on puisse, cette nuit-là, fêter en toute quiétude, pour les gens qui veulent le faire. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre, vous avez droit à une intervention de cinq minutes.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je ne veux pas être très long, mais je ne comprends pas pourquoi l'adoption serait reportée à la fin de la session. Voici une loi absolument unique qui ne servira qu'une fois par millénaire, et je pense qu'il est bon qu'elle soit adoptée quelque temps avant le moment où justement elle doit être utile pour que les commerçants puissent planifier en conséquence en vertu de la loi existante et non en vertu de ce qui pourrait être mis en vigueur plus tard.

Deuxièmement, cela peut avoir une influence sur les décisions qui peuvent être prises en Ontario. Je rappelle que la raison pour laquelle il y a des amendements qui ont été apportés, c'est que, dans les villes de Hull et de Gatineau, je crois, l'on craignait que, si l'Ontario ne modifie pas ses heures, lui aussi, les fêtards partent d'Ottawa et viennent envahir Hull et Gatineau comme ils avaient l'habitude de le faire à l'époque où ces deux villes fermaient leurs bars une heure plus tard que ceux d'Ottawa. En Ontario, c'est beaucoup plus facile que chez nous. Ce n'est pas la loi qui prévoit les heures de bars, c'est une décision qui peut être prise par... j'ignore le nom de la Commission, mais l'équivalent, je pense, de notre Régie. Donc, c'est une décision administrative qui, à notre connaissance, n'a toujours pas été prise.

Ensuite de ça, j'imagine que ces deux villes vont, puisque cet amendement prévoit qu'elles le doivent, demander au ministre, par résolution du conseil municipal, de faire exception à la loi et donc de leur permettre de fermer les bars en même temps que ceux de l'Ontario, ce qui a diminué, dans le passé, la criminalité dans ces deux villes. Alors, je pense qu'encore là c'est une autre raison pour laquelle on devrait, il me semble, voter la loi tout de suite, puisque nous sommes d'accord sur l'article de la loi tel qu'il est amendé. Il y a un seul article. Donc, je croyais vraiment que ce serait mis aux voix cet après-midi, et je ne vois pas pourquoi on attendrait, puisque, au fond, nous sommes tous d'accord, et il est bon que les commerçants et l'Ontario le sachent.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin au débat sur la prise en considération du rapport de la commission.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 75, Loi sur les heures d'exploitation de certains établissements le 1er janvier 2000, est-il adopté? Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, vous me permettrez de rassurer immédiatement M. le député de Saint-Laurent, oui, il y aura frénésie, mais ma coupe ne débordera pas. Je vous réfère à l'article 31 du feuilleton.


Projet de loi n° 19


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Alors, M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je serai très court, puisque, encore une fois, nous avons des dispositions de consentement. C'est à la demande du critique de l'opposition que nous avons accepté de mettre deux amendements à cette loi. Ces amendements, qui, a priori, semblent avoir une motivation lointaine par rapport à l'objet principal de la loi, sont quand même la suite de certains amendements que nous avions apportés à la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des incendies. Donc, puisque ce sont deux démarches juridiques du même ordre mais dans deux domaines différents – l'un dans le cas de décès, l'autre dans le cas d'incendies – je pense qu'il est bon, maintenant que nous connaissons l'opinion de la Cour suprême, que les dispositions se ressemblent le plus possible quant à la tenue des enquêtes.

Donc, je dépose, M. le Président... Je ne sais pas si vous voulez que je les lise. Nous proposons d'insérer, avant l'article 1 de ce projet, les deux articles suivants. L'article 0.1 se lirait ainsi: L'article 146 de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant:

«L'ordonnance de non-publication ou de non-diffusion est valable pour la période qu'il fixe ou pour la durée de l'enquête, à moins que le coroner lève l'interdiction avant la fin de celle-ci.»

L'article 0.2: L'article 154 de cette loi est modifié par l'ajout, à la fin du premier alinéa, de ce qui suit: «Il doit s'assurer que celle-ci se déroule de façon équitable.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous savez, M. le ministre, que nous devons tout d'abord nous constituer soit en commission plénière ou procéder aux écritures. J'aurais besoin d'une proposition de votre part, l'un et l'autre, pour aller de l'avant. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président, il y a consentement. Je vois M. le député de Saint-Laurent qui me fait signe de ne pas procéder en commission plénière, et, le ministre ayant donné lecture des amendements, nous pouvons considérer avoir procédé aux écritures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'ai quand même une procédure à suivre, moi, quand on procède aux écritures. J'ai besoin d'un consentement pour procéder aux écritures. D'abord, il y a consentement pour qu'on procède aux écritures? Très bien. À ce moment-là, il y a une motion de M. le ministre de la Sécurité publique pour se constituer en commission plénière tout en procédant aux écritures. C'est adopté, cette motion de commission plénière? Ça va.


Amendement adopté en commission plénière

Et j'ai des amendements. M. le ministre les a lus, vous les avez bien entendus, et tout. Il y a deux amendements, je crois? Ah bon. Alors, un seul amendement. L'amendement proposé par M. le ministre de la Sécurité publique est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Est-ce que le rapport de la commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. En conséquence, nous allons poursuivre le débat maintenant sur l'adoption du projet de loi n° 19 – la loi qui est présentement en cours – Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Alors, M. le ministre? Rien à déclarer? C'est bien. M. le député de Saint-Laurent, je vous cède la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre, se souvenant évidemment de la période où il pratiquait brillamment le droit criminel, nous a fait part d'une expression qui a sonné à mes oreilles une certaine douceur, puisque je l'ai également prononcée à plusieurs reprises alors que je pratiquais le même métier que lui. Mais je dois dire que, dans mon ancienne vie de procureur de la couronne, lorsqu'on disait «rien à déclarer», ça nous décevait particulièrement.

(16 h 10)

M. le Président, le projet de loi n° 19 a pour objet principal de faire en sorte qu'il sera dorénavant possible pour le coroner de faire des ententes avec la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour faire payer certaines dépenses que requièrent certaines investigations que le coroner doit faire lors d'accidents de la route particulièrement ou lors d'accidents de travail. Il n'est de secret pour personne que nous avons fait grief au gouvernement, tant lors de l'adoption du principe que lors de l'étude article par article du projet de loi n° 19, du fait qu'il y avait un danger inhérent, dans ce projet de loi, qui était le possible accroc au sacro-saint principe de l'indépendance du coroner.

Tout le monde sait que le coroner est une autorité indépendante et impartiale et qu'elle doit le demeurer. Alors, on se retrouvera – et, il n'y a pas de doute, le projet de loi sera adopté, la règle de la majorité jouant – avec des enquêtes, des investigations que le coroner devra faire en certaines circonstances, lors de certains accidents de la route ou lors de certains accidents de travail, et, dans certaines circonstances, si des ententes sont signées, la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail pourront être mises à contribution pour le paiement des investigations que le coroner ordonne.

Or, nous avons signalé au ministre que, en plusieurs circonstances, le coroner, lors de ses investigations, peut questionner – pour employer un anglicisme mais qui veut bien dire ce que nous voulons signaler – certaines pratiques ayant cours à la Société de l'assurance automobile du Québec ou certaines pratiques ayant cours dans le monde du travail et que ces considérations que le coroner peut avoir sur certaines pratiques et sur certaines recommandations qu'il pourrait faire à la suite de ses investigations pourraient entraîner des dépenses tant pour la Société de l'assurance automobile du Québec que pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Donc, tout le monde comprendra qu'il y a très certainement, dans le projet de loi n° 19, un danger relativement à l'indépendance et à l'impartialité que doit revêtir l'institution du coroner.

Nous l'avons dit, le ministre nous a entendus mais il ne nous a pas écoutés et évidemment il a rejeté du revers de la main cette critique que nous faisions au sujet du projet de loi n° 19. Je dois, à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 19, M. le Président, lui mentionner – et il le sait, j'en suis persuadé – que nous n'étions pas seuls dans la critique que nous faisions à l'endroit du ministre au sujet du projet de loi n° 19. En effet, le 31 mai 1999, Me Jacques Fournier, qui était alors bâtonnier du Québec, écrivait au ministre de la Sécurité publique, l'actuel ministre de la Sécurité publique, la lettre suivante dont je vais faire la lecture et qui fera écho aux critiques que nous avons formulées à l'endroit du ministre au moment des différentes étapes d'adoption du projet de loi n° 19.

«M. le ministre, c'est avec grand intérêt que le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi mentionné en titre – il s'agit évidemment du projet de loi dont nous discutons actuellement. Il voudrait vous faire part d'une certaine réserve à l'égard de la modification proposée à l'article 180 de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. En effet, la nouvelle disposition prévoit dorénavant que des ententes avec la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail peuvent être signées afin de contribuer au financement des investigations des coroners reliées aux accidents d'automobiles et aux accidents de travail, selon le cas.»

Partie très importante de la lettre de Me Fournier, qui est la suivante: «Même si la modification proposée est de nature économique – d'ailleurs, ce que le ministre a toujours dit en réponse à notre critique – le Barreau du Québec s'inquiète de l'apparence possible de conflits d'intérêts, puisque le coroner peut, dans certaines circonstances, faire des recommandations qui peuvent interpeller les mandataires de la Société de l'assurance automobile du Québec ou encore ceux de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.» Me Fournier continue: «De plus, l'article 4 de la loi indique que le coroner ne peut, à l'occasion d'une investigation ou d'une enquête du coroner, se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d'une personne. Malgré cette restriction, on note que la publicité entourant certaines enquêtes du coroner a des conséquences sur les parties en cause, qui sont alors jugées à la fois par les médias et par le public. Les garanties procédurales d'une enquête sous coroner n'étant pas de la nature de celles d'un procès judiciaire, le législateur se doit d'être prudent et d'éviter toute situation qui mette en doute l'apparence de justice.» Il s'agit d'un sujet bien sûr étranger à la principale critique que nous faisions.

Nous revenons: «La liberté d'action du coroner ne doit pas être limitée par des considérations d'ordre économique, d'autant que la crédibilité et l'indépendance du processus d'enquête risquent d'être ébranlées par cette nouvelle disposition législative.» Fin de la citation de la lettre de Me Fournier.

Nous avons, à l'époque où nous avons fait les critiques, indiqué qu'à notre avis le projet de loi n° 19 était un projet de loi de nature budgétaire. Le coroner s'est vu imposer l'obligation d'effectuer certaines coupures dans l'administration du Bureau des coroners. Et, comme c'est souvent le cas au gouvernement, lorsqu'on impose à un organisme, à une organisation l'obligation d'effectuer certaines coupures, elle cherche à faire payer le prix de certaines opérations par une autre instance. Dans ce cas-ci, on a commandé au coroner des coupures budgétaires, alors on a travaillé et on a trouvé cette solution qui est celle de faire payer certaines investigations par la Société de l'assurance automobile du Québec et par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Le problème de ça, là, c'est qu'on ne s'aperçoit pas que, pour des raisons qui sont purement et froidement budgétaires, pour des raisons qui sont strictement des motifs de restreindre certains budgets d'organismes, on fait accroc à des principes qui sont absolument fondamentaux dans une société démocratique. Entre autres, l'un de ces principes fondamentaux, c'est l'indépendance du coroner.

Le coroner est un organisme public, M. le Président, qui fait des investigations, d'une part, et des enquêtes, d'autre part, sur des événements dramatiques qui surviennent et sur des événements qui ne sont pas toujours hors du contrôle du gouvernement ou hors du contrôle de certaines organisations du gouvernement, et le coroner, comme Me Fournier alors qu'il était bâtonnier, le disait si bien dans sa lettre: «Il peut arriver que certaines recommandations du coroner obligent certaines organisations, dont la SAAQ et la CSST, à faire certaines dépenses afin de rétablir une situation que le coroner aurait jugée être non conforme.» C'est pour ça que nous disons qu'il y a une apparence de conflit d'intérêts.

Mais le ministre a fait fi de cette critique et a décidé tout de même de proposer l'adoption du projet de loi n° 19. C'est pour cette raison-là, M. le Président, que, depuis l'adoption du principe du projet de loi n° 19, y compris en commission parlementaire alors que nous étudiions chacun des articles du projet de loi n° 19, l'opposition officielle a mentionné, a réitéré au ministre que nous étions contre l'adoption de ce projet de loi là, particulièrement pour cette raison-là, et cette attitude sera maintenue à ce stade-ci. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Alors, M. le ministre, pour l'adoption du projet de loi, vous avez une réplique de 20 minutes possible.

M. Ménard: Combien?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vingt minutes de réplique.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Ce ne sera pas si long que ça, M. le Président. Merci. Alors, nous sommes rendus aujourd'hui à la dernière étape législative relativement au projet de loi n° 19. Je vous rappelle que ce projet vise à introduire une modification à la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès afin de permettre la conclusion d'ententes avec la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail en vue de leur contribution au financement des investigations du coroner reliées aux accidents de la route et aux accidents du travail.

Plusieurs choses ont été dites lors de l'adoption de ce projet de loi article par article, en deuxième lecture. J'aimerais y revenir afin d'apporter certaines précisions. Tout d'abord, on a beaucoup exagéré l'ampleur des efforts financiers qui ont été demandés au Bureau du coroner et les menaces de fermeture. Je dirai là-dessus que, même si les données budgétaires qui ont été véhiculées s'avèrent des ordres de grandeur réalistes, il n'en demeure pas moins qu'au plan de la dépense annuelle réelle les chiffres illustrent une réalité qui est fort différente. En effet, bien qu'elle ait diminué depuis 1992-1993, la dépense du Bureau du coroner est relativement stable autour de 5 500 000 $ depuis quatre ans. Mais en même temps il faut bien dire que le nombre d'avis de décès signalés au Bureau du coroner – et voilà une bonne nouvelle, n'est-ce pas – est passé d'environ 6 000 à 4 600 cas, soit une diminution de près de 25 %. En plus, les enquêtes les plus coûteuses, telle celle du coroner Gilbert sur les événements d'Oka, n'ont plus à être assumées par le Bureau du coroner, comme je l'ai mentionné la dernière fois. Donc, un budget constant signifie, en fait, une augmentation de services.

(16 h 20)

Quant aux menaces de fermeture, il faut les remettre en contexte et comprendre que le ministère cherchait, à l'époque, des solutions novatrices dans la livraison de ses services. Il s'est avéré rapidement que cette option devait être mise de côté, ce qui fut fait, sans plus. Cela dit, il n'en reste pas moins que la gestion plus performante de nos activités fait partie des objectifs gouvernementaux en regard du déficit zéro et que c'est par des projets comme celui qui est devant nous, même si son impact est relativement minime, que nous atteindrons ce but. Vous me permettrez de signaler un sous-ministre pour qui j'ai beaucoup de respect et que j'ai connu dans d'autres fonctions auparavant et qui avait l'habitude de me rappeler: Il n'y a pas de petites économies, il n'y a que des économies qui s'additionnent.

Le second point sur lequel j'aimerais revenir concerne l'impact possible de la tarification de ces frais sur le coût des permis de conduire, les certificats d'immatriculation ou les contributions d'employeurs, de même que sur le Fonds d'indemnisation de la Société de l'assurance automobile du Québec. M. le Président, je tiens à préciser pour le bénéfice de tous que l'objectif premier des investigations réalisées par les coroners est de formuler des recommandations en vue d'une meilleure protection de la vie humaine. Donc, si les résultats de ces investigations portent fruit auprès des clientèles particulièrement visées par le projet, ce ne sont pas des hausses de primes que nous observerons mais bien une certaine stabilité, voire même des baisses, puisqu'il y aura moins de décès liés à des accidents de la route et du travail. Il est bien évident que l'on ne peut avoir un contrôle total sur ces événements, mais cela ne doit pas nous détourner de notre objectif de vouloir diminuer le nombre de décès liés à ces événements.

Dernier élément digne de mention, celui de l'indépendance des coroners. J'y reviens parce que j'estime qu'on oublie parfois de rappeler que le rôle des coroners n'est plus le même qu'avant. En effet, en 1986, le législateur a décidé de déjudiciariser le rôle des coroners en leur retirant le pouvoir de déterminer la responsabilité d'un décès à l'endroit de quiconque et en limitant leurs interventions à la recherche des causes et des circonstances des décès qui leur sont signalés. Dans un tel contexte, il est difficile de porter le discours sur le plan de la neutralité ou de l'indépendance des coroners dans l'exercice de leurs fonctions, et ce, d'autant plus que, pour éviter cette éventualité, nous avons délibérément opté pour que les ententes soient conclues non pas entre le Bureau des coroners et la Société de l'assurance automobile et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais entre le ministère d'une part et la Société de l'assurance automobile et la Commission de la santé et de la sécurité du travail d'autre part.

Au risque de me répéter, le mandat des coroners consiste à examiner les décès survenus dans des circonstances obscures ou violentes afin de faire des recommandations pour éviter que d'autres décès ne surviennent dans des circonstances similaires, et je crois que c'est sur ce point qu'il semble y avoir une mauvaise compréhension du projet de loi, et je le dis avec respect pour la personne qui occupe une fonction que j'ai déjà occupée avec le bâtonnier du Québec et avec le critique de l'opposition, le député de Saint-Laurent. D'abord, disons une chose, c'est que c'est très rare que l'on mette en doute le moindrement du monde... que ce soit la Société de l'assurance automobile qui soit responsable d'un accident qui a causé des décès, de même que la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Une enquête du coroner bien faite découvrira plutôt que les causes proviennent généralement d'ailleurs et elle voudra que des correctifs soient apportés à ces causes, et donc à l'avantage de ces deux sociétés qui indemnisent les victimes.

Mais, en plus, pour bien éviter toute apparence de conflit d'intérêts, comme le suggère le Barreau, nous avons bien voulu que ce ne soit pas entre le Bureau du coroner et ces deux organismes mais bien entre le ministère... Il me semble que, là, on a pris à peu près autant de précautions qu'il y en a entre le gouvernement et ses juges, n'est-ce pas? Il reste que c'est le gouvernement qui détermine quel sera le budget alloué à l'administration de la justice, et on n'a jamais pensé que, de ce fait, cela rendrait les juges du Québec dépendants du gouvernement. Au contraire, ils jouissent d'une indépendance reconnue. Alors, je pense que, si on peut faire des liens d'apparence de contrôle du gouvernement sur les juges par le fait qu'il détermine le budget de l'administration de la justice, ce sont des liens aussi éloignés, dans ce cas-ci.

M. le Président, qu'en est-il du projet de loi qui est devant nous? À titre de rappel, il concerne seulement les cas d'accidents mortels de la route et du travail qui impliquent que le coroner procède à une investigation. Ce n'est pas tous les cas, hein? Les gestes posés par le coroner et les rapports qu'il produit dans le cadre de ses investigations sont d'une très grande utilité pour la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, puisqu'ils permettent de contribuer aux missions de prévention des accidents routiers ou de travail de ces deux organismes.

Le principe qui sous-tend le projet de modification que je veux mettre de l'avant est similaire à celui des fonds créés pour indemniser les accidentés de la route ou du travail. En clair, ce projet vise essentiellement à faire supporter par ces mêmes fonds – et, par voie de conséquence, les organismes chargés de les administrer – les coûts reliés aux investigations du Bureau du coroner, lesquels sont une conséquence directe des accidents de la route ou du travail entraînant la mort. En somme, là-dedans, tout le monde poursuit le même but, c'est la diminution de ces accidents, et tout le monde y trouve son profit, tous ces gens impliqués y trouvent leur profit dans cette diminution.

La voie contractuelle qui a été retenue constitue un avantage réciproque pour toutes les parties concernées, et, en impliquant le ministère dans les ententes plutôt que le coroner, on s'assure de protéger parfaitement son impartialité et d'enlever même toute apparence d'influence indue sur l'indépendance du coroner. En outre, cette proposition rencontre les critères requis pour la mise en place d'une approche permettant l'affectation de recettes à des fins spécifiques. La proposition se concilie aussi très bien avec la notion d'assurance sous-jacente à la création des fonds gérés par la Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour les cas des personnes blessées. La Société de l'assurance automobile du Québec et la Commission de la santé et de la sécurité du travail ont été consultées relativement à la possibilité qu'elles puissent contribuer financièrement à certains services d'investigation du Bureau du coroner. Les deux organismes souscrivent à cette proposition et sont d'accord pour assumer des coûts de l'ordre de grandeur qui a déjà été invoqué, soit environ 430 000 $ sur une base annuelle. Des ententes de principe ont même déjà été conclues à ce sujet avec elles.

Enfin, M. le Président, nous avons convenu d'introduire deux nouvelles dispositions afin de clarifier certains aspects du projet. Ainsi, par souci de concordance avec la Loi concernant les enquêtes sur les incendies, nous ajoutons un article relativement à la période de validité d'une ordonnance de non-publication ou de non-diffusion que pourrait prononcer un coroner lors d'une enquête, et cela, généralement, afin de protéger les droits éventuels de parties qui pourraient être impliquées dans des procédures futures. En second lieu, nous insérons un article stipulant que les coroners doivent s'assurer du déroulement des enquêtes de façon équitable.

En conclusion, M. le Président, cette proposition constitue un excellent moyen de favoriser une meilleure adéquation entre les services offerts par le Bureau du coroner et leur financement dans les cas de décès reliés aux accidents de la route ou du travail, dans la mesure où une entente signée par le ministère le prévoit.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin au débat. Le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 2 du feuilleton.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 2, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 23 novembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Le prochain intervenant sera M. le député de Châteauguay et whip en chef de l'opposition.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens sur le projet de loi communément connu comme étant celui qui vise à empêcher la création, la mise sur pied de clauses orphelin, et la première question que je voudrais mettre sur la table en rapport avec ce projet de loi, c'est d'essayer de dresser l'environnement, le cadre dans lequel s'inscrit ce projet de loi.

(16 h 30)

D'abord, on se souviendra tous – ça a été dit tant et tant de fois – qu'il s'agit initialement d'une promesse électorale qui a été faite par le gouvernement, enfin par le Parti québécois, à l'époque, et qui s'inscrivait suite à une multiplication effrénée des clauses orphelin, et il faut savoir que cette multiplication effrénée des clauses orphelin découlait d'une responsabilité première, particulière et importante du gouvernement, de l'action gouvernementale elle-même. Ça me permet de replacer dans son contexte l'essence de la promesse du premier ministre qui disait durant les élections: Les clauses orphelin, c'est un cancer, et il faut agir là-dessus. Alors, là, il y a une promesse d'agir. On avait l'impression que lui, il était contre ça, que le premier ministre du Québec, lui était contre les clauses orphelin. Il a dit ça pendant la campagne électorale. On va regarder tantôt ce que ça a donné dans le concret après les élections, mais souvenons-nous un petit peu de la raison pour laquelle il y a eu la multiplication des clauses. C'est associé à cette opération dont le Parti québécois souhaite qu'on se souvienne, où on pense que c'était du courage, mais qui, en fait, était de créer une iniquité, une injustice sur le dos, notamment, des plus jeunes pour tenter d'atteindre un déficit zéro dont on dit chez certains comptables qu'il n'est pas encore atteint.

Mais, sans vouloir monopoliser le débat sur le passé, permettez-moi simplement de m'inspirer de l'actualité pour référer au passé et vous référer à l'article de journal en date du 24 novembre, soit en date d'aujourd'hui. Et je vous lis un court passage qui dit ceci – c'est de Katia Gagnon, dans La Presse : «Le gouvernement vient d'être pris la main dans le sac par la Commission des droits de la personne. Le gel salarial que Québec a imposé aux jeunes enseignants en 1997 est discriminatoire, et ces derniers devront être compensés financièrement [...]. Une décision qui pourrait coûter entre 60 000 000 $ et 100 000 000 $ à Québec. [...] Le gouvernement du Québec et la CEQ devront d'abord admettre que cette clause de la nouvelle convention collective est "discriminatoire", tranche la Commission.»

Donc, un peu de perspective. Lorsque le premier ministre sollicite un mandat de la population et qu'il dit combien il est contre les clauses discriminatoires, il faut savoir qu'à ce moment-là il ne pense pas ce qu'il dit, parce que, à ce moment-là, il sait très bien que c'est lui-même qui a créé les clauses discriminatoires, qui a créé la multiplication effrénée d'une injustice à l'égard notamment des plus jeunes, de ceux qui accèdent ou souhaitent accéder au marché du travail. C'est dans ce cadre-là que la promesse est faite.

On pourrait se dire: Bon, ressasser le passé, c'est une chose, mais il y a eu une promesse, c'est au moins ça. À un moment donné, il s'est aperçu de ce qu'il avait fait, et là il a dit: Il faut réparer. Admettons que ce soit comme ça qu'il faut voir les choses, regardons ce qui a été fait de la promesse. Alors, il y a un projet de loi qui est déposé. Parce qu'il y a eu une promesse, le gouvernement dépose le projet de loi. Bien, ceux qui sont les premiers interpellés par ce projet de loi là, notamment les jeunes qui l'avaient demandé, viennent dire en commission... et c'est leur expression que je vais prendre, ce n'est pas l'expression du député de Châteauguay, d'un libéral, c'est le président de Force Jeunesse, pas mal plus connu pour ses accointances avec le parti ministériel qu'avec le nôtre, qui dit: «Mais, ce projet de loi, c'est un parachute troué.» Ce n'est pas nous qui le disons, c'est ceux qui sont directement visés. Le président de Force Jeunesse vient juste nous dire: Il s'agit là d'une autre, encore une fois, promesse reniée.

Et la ministre a même dit – c'est mon collègue qui s'occupe pour nous de ce dossier-là qui en parlait, le député de LaFontaine – durant la commission: C'est une chose d'être – imaginez, ça, c'est la ministre qui a dit ça – contre les clauses en période électorale, c'est plus compliqué par la suite de le faire en réalité. Il faut le faire! Ça, c'est la ministre d'Emploi-Québec, vous savez, c'est celle-là qui nous a déjà dit qu'elle avait beaucoup de courage d'affirmer ce genre de chose. Ça prend du courage pour venir dire que c'était plus facile pendant les élections! Après ça, dans la réalité, c'est plus dur. Ça prend du courage de dire ça, c'est ce qu'elle nous a dit.

Je vous rappelle qu'Emploi-Québec – c'est un aparté très, très court – c'était exactement le même truc. On ouvre la champlure avant les élections; les élections sont finies, on a gagné, on en a passé une petite vite: coupure. Champlure avant, coupure après. La même ministre. Et elle nous dit qu'elle a du courage. Je ne sais pas si vous vous souvenez – d'ailleurs, j'utilise cette expression, qu'elle nous dit qu'elle a du courage, parce que je me souviens très bien de cette intervention. Il y avait ici, dans nos galeries, les téléphonistes de Bell. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, M. le Président, il y avait les téléphonistes de Bell qui étaient ici parce qu'elles étaient très inquiètes d'une promesse qui leur avait été faite, toujours par la même ministre de l'Emploi qui est responsable du dossier, ici, des clauses orphelin. Elle s'était engagée, à l'égard des téléphonistes, à s'occuper de leur cas, à procéder aux amendements législatifs et à répondre à leur cri de désespoir. Elle se lève en Chambre puis elle nous dit, à nous: Écoutez, je ne peux rien faire. Ça prend du courage pour le dire!

M. le Président, je pense qu'il y a confusion dans les termes, là. Quand on promet quelque chose qu'on ne peut pas livrer, ça, ça s'appelle de l'irresponsabilité. Quand on promet quelque chose et qu'on ne le fait pas, exactement comme dans le cas des clauses orphelin, et je dirais, encore pire, quand on les a créées soi-même, les clauses orphelin, et que, par après, on dit: Ah! c'est terrible, ce que j'ai créé, il faut changer ça, et que, dans la loi, tout ce qu'on trouve, c'est un parachute troué, bien, là, c'est pire que de l'irresponsabilité. Dans ce cas-là, c'est un détournement démocratique pur et simple, comme dans le cas d'Emploi-Québec. Et dans les deux cas, irresponsabilité, détournement démocratique, bien sûr que ce que ça entraîne, le député de LaFontaine le disait, c'est certainement une crise gouvernementale. Certainement que les appuis que le parti ministériel a pu obtenir par la porte d'en arrière lors du dernier rendez-vous électoral, il y a un an, on le voit, tombent, dégringolent – je pourrais prendre les propos d'un ministériel – dégoulinent, parce que justement on s'aperçoit qu'il a utilisé les élections pour faire des promesses et que, le lendemain, il tourne le dos aux Québécois qu'il a sollicités.

Alors, qu'il y ait une crise gouvernementale, que les sondages les fassent tomber, c'est assez évident, c'est assez normal, c'est dû à ces promesses reniées. Mais ce qu'il y a de pire et ce qui m'interpelle comme député, et ce qui devrait tous nous interpeller autant que nous sommes et peu importe le parti que nous représentons, c'est que, associée à cette crise gouvernementale, il y a pire, il y a une crise institutionnelle. Là, c'est la politique qui elle-même dégringole parce que certains de ses acteurs font des promesses qu'ils ne tiennent pas, qu'ils savent, probablement dès qu'ils font la promesse, qu'ils vont la renier. Dans ce cas-là, c'est patent. Celui qui a créé les clauses, qui a créé la multiplication des clauses orphelin, celui-là même qui pendant la période électorale vient de découvrir: Mais, c'est donc un grand mal! Comment ça se fait que c'est arrivé? On va tout changer ça. Puis, dès le lendemain, bien, c'est fini, on n'y pense plus. On va leur donner un parachute troué, disait Force Jeunesse.

On peut penser, lorsqu'on regarde ce projet de loi dont on a assez parlé... je n'y reviendrai pas trop longtemps, sur les échéances, ça dure cinq ans, ça prend trois ans, ça dure deux ans, c'est fini après, c'est assez bizarre comme projet de loi. Mais, bon, à la limite, imaginons qu'il faut y prêter certaines bonnes intentions, essayons de voir pourquoi c'est fait comme ça, pourquoi c'est bâti comme ça. Peut-être que le but, c'était de créer une espèce de pièce législative faite comme un signal, un signal de bonne conduite: Comment les partis devraient se conduire. Ils n'ont pas besoin d'avoir cet outil, cet encadrement trop longtemps, il faut juste les inciter à ne pas faire de clauses discriminatoires. Une espèce de signal dissuasif. Peut-être que c'était ça, l'idée, dans le fond. On souhaite, personne, multiplier les encadrements, alors, bon, on ne veut pas multiplier les encadrements, on envoie un signal. Les intervenants, les partis, syndicats, patrons, dans le cas du gouvernement lui-même, à l'avenir, se donnent comme règle de conduite qu'ils ne vont pas créer des clauses discriminatoires. Le problème, c'est que, si c'est comme ça qu'il faut l'interpréter, c'est que ça ne marche pas. C'est que, dans le concret, avant même que le projet de loi soit adopté, avant même qu'il ne soit adopté, on s'aperçoit que le simple dépôt a lancé un signal inverse.

Et mon collègue de LaFontaine citait le cas de cette compagnie de Montréal qui a créé des nouveaux échelons salariaux. Alors, pour un travail qui se faisait – c'est l'exemple qui est donné et qui me semble bien illustrer l'affaire – les gens font un boulot, ça paie 16,75 $ de l'heure. Les nouveaux qui vont rentrer, peu importe l'âge, d'ailleurs, surtout les jeunes, les nouveaux qui vont arriver, eux, seront à 6,25 $, pour le même travail, pour le même effort. Des nouvelles échelles vers le bas. Est-ce qu'on trouve que c'est correct? Est-ce qu'on trouve ça équitable? Est-ce qu'on trouve ça juste que, parce que tu arrives dans un emploi... Et je ne parle pas ici d'ancienneté, là, je ne parle pas d'une période de temps où effectivement il y a une expertise additionnelle chez celui qui est là depuis plus longtemps, qui peut, à la limite, permettre un écart qui ne doit pas être un écart de ce genre.

(16 h 40)

La question, on peut se la poser à nous, dans le fond. On s'en va dans des exemples à l'extérieur du Parlement, mais essayons de personnaliser le débat pour qu'on comprenne un petit peu plus, hein. Moi, je suis cuvée 1994, qu'on appelle, je suis arrivé ici en 1994. Bon. Alors, je peux me regarder dans deux sens. Est-ce que, parce que je suis une cuvée 1994, je devrais gagner moins que celui qui est 1981, M. le Président? On en connaît, n'est-ce pas? Est-ce que ce serait correct? Est-ce que mon collègue de Saint-Laurent, qui a beaucoup d'expérience, je dois vous le dire...

M. Dupuis: Cuvée 1998.

M. Fournier: ...cuvée 1998, devrait, lui, gagner moins que moi? Est-ce qu'on devrait tous être... Eh bien, la question, je la pose, M. le Président, mais, il y a des collègues du parti ministériel qui sont ici, j'aimerais bien qu'ils se lèvent pour qu'ils nous donnent une réponse à ça: Est-ce que c'est ce qu'on veut implanter? Bien, il semble que oui, au Parti québécois. Il semble que oui parce que c'est ce qui est prévu par la loi. C'est le projet de loi, c'est le signal qui est lancé dans le monde extérieur à ce Parlement et c'est le signal qui a été capté. La compagnie qui propose une nouvelle échelle salariale, à 16,75 $, à 6,25 $, a déclaré que, si elle lançait cette nouvelle façon de faire, c'était parce que le projet de loi du gouvernement le permettait, l'envisageait et le proposait. Hé! Ce n'est pas moi qui le dis.

Alors, moi, je vous pose la question, M. le Président: Est-ce qu'on doit faire en sorte que ceux qui ont un emploi – parce que c'est ça, le fond de la question – puissent être en position de se protéger eux-mêmes et profiter du fait que certains sont en chômage, abuser de cette position de faiblesse pour les amener à accepter un emploi qui va demander le même effort, la même contribution de travail, mais qui sera rémunéré en bas? Est-ce qu'on va permettre ça? Est-ce qu'on trouve que, comme société, c'est là un projet porteur? Moi, je vous soumets que non; le Parti québécois pense que oui. C'est le débat qui est devant nous. Ce n'est pas banal, M. le Président, c'est loin d'être banal.

Comment ça se fait qu'on est rendu là? Comment ça se fait qu'on est rendu à cette étape-là? Je vais vous dire que mon plus grand étonnement... Je l'avoue d'entrée de jeu, moi, je suis plutôt du genre à dire: Moins il y a d'encadrement, plus il y a de liberté. Est-ce que c'est possible, à chaque projet de loi, de se dire: Est-ce que c'est nécessaire? Je suis plutôt de cette catégorie-là. Et, dans un cas comme celui-là, mon premier réflexe serait de me dire: Mais comment ça se fait qu'on arrive à une situation comme celle-là? Comment ça se fait que, lorsque l'employeur... Par exemple, l'entreprise peut aller moins bien peut-être, il peut y avoir différents aménagements qui doivent être sollicités. Je prends même l'exemple du gouvernement lui-même qui voulait réduire sa masse salariale, lorsqu'il arrive en discussion avec le syndicat, comment ça se fait que l'intervenant syndical... Et mon collègue de LaFontaine citait qu'en commission les représentants patronaux et syndicaux se sont entendus. Le patron, il dit: Moi, il faudrait que je baisse. Le syndicat, il dit: Parfait, on va le faire sur le dos de ceux qui s'en viennent, pas de ceux qui sont là. Comment ça se fait que le monde syndical – je pose une question, j'espère qu'un jour il y aura une discussion là-dessus – qui nous fournit de nombreux débats, de nombreux discours, des grandes envolées sur le partage de la justice, l'équité, quand c'est le temps d'arriver à l'appliquer, ça ne marche plus, c'est juste bon pour l'autre?

Comment ça se fait que, dans leur propre réseau interne, ils n'arrivent pas à assumer le rôle qu'ils doivent assumer si tant est que la philosophie qu'ils prêchent, ils y croient? Et ça, c'est une question, parce que, si effectivement le milieu syndical pratiquait ce qu'il prêche, on ne serait pas en train de faire une nouvelle règle, un nouvel encadrement. Mais ce n'est pas la situation, et, au contraire, le premier réflexe, même, du milieu syndical, c'est de dire: Bon, qui paie la cotisation? Puis ça, je vais protéger ça. Il y a une espèce de caste privilégiée, ceux qui ont un emploi. Puis les autres, bien, ils ne votent pas pour moi à l'exécutif, alors c'est moins important. Retenons ça, là, comme mécanisme lorsqu'ils font des représentations au gouvernement. Il y a une question de crédibilité qui atteint ici le milieu syndical, et je pense qu'il y a une lumière qui doit être allumée. Malheureusement, je pense qu'il va falloir que la lumière soit clignotante pour qu'elle ait un peu plus d'effet sur eux.

Toujours dans l'article de journal que je regardais aujourd'hui, je voyais aujourd'hui, sur la décision de la Commission des droits de la personne, qui vient dire que le gouvernement du Parti québécois a été pris la main dans le sac, on est allé demander à la CEQ ce qu'elle pensait de cette décision-là. Et la CEQ dit ceci, on dit ceci dans l'article: «La CEQ ne sort pas, elle non plus, indemne de cette décision: la Commission lui reproche implicitement d'avoir acquiescé à une clause discriminatoire pour une partie de ses membres.» Et là on fait une citation de Mme Monique Richard, qui est la présidente: «On ne prend pas ça comme un blâme.» Relisez-la, la décision de la Commission, puis je pense que vous allez voir qu'il y a un blâme. Et, au-delà du blâme, il y a certainement une atteinte à la crédibilité syndicale, et ce n'est pas bon pour l'ensemble de la société. Moi, je pense que tous les acteurs doivent retrouver un niveau de crédibilité.

Je déplorais tantôt que l'action gouvernementale, les promesses électorales reniées portent atteinte à l'institution et à chacun des membres de cette Assemblée. Au même titre, ce genre de déclaration et ce genre de comportement de la part du mouvement syndical portent atteinte à sa crédibilité, et c'est l'ensemble des travailleurs qui y perdent, là-dedans. Il ne faut pas avoir peur de le dire, là. Il faut être capable de le réaliser, de le constater, de s'y sensibiliser puis d'espérer que le pendule va aller de l'autre côté. Parce qu'il va y avoir un redressement qui sera nécessaire si on continue, du côté du monde syndical, à ne pas voir les blâmes lorsqu'il y en a. C'est la crédibilité qui va être atteinte. Et, moi, je souhaite que, lorsqu'il est question de discussions salariales, les parties agissent dans le respect de ce qu'elles prêchent. Et certainement pour le milieu syndical, qui nous parle souvent d'équité, de justice, bien, je pense que ça devrait être au coeur de ses actions, de ses décisions.

M. le Président, il me reste un peu moins de temps. Je crois comprendre que la ministre annoncera des amendements. Je crois comprendre qu'elle a vu qu'il y avait des trous dans le parachute et qu'elle se proposera de les coudre et... Et je dois vous avouer que, comme membre de l'opposition qui trouve un petit peu ça frustrant des fois de voir que le gouvernement pose des gestes qui sont mauvais, ça m'encourage sur le travail de conviction. Je salue le travail de notre collègue de LaFontaine qui, avec force, a réussi à éveiller la ministre là-dessus. Mais, si je suis encouragé dans mon travail, je dois vous dire que ça n'augmente pas trop, trop mon niveau d'enthousiasme. On pourrait considérer, de la part de la ministre, que c'est une autre promesse qu'elle nous fait, et, comme ils nous ont tellement habitués, elle et son gouvernement, comme elle dit, aux promesses reniées, vous me permettrez, M. le Président, d'attendre la suite des événements avant de chanter louange. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Et je cède la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député, la parole est à vous.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. On est à l'adoption du principe, vous venez de le dire, du projet de loi n° 67. D'entrée de jeu, c'est sur ce point-là que je veux m'arrêter, à l'adoption du principe. Dans nos usages, c'est un terme qu'on emploie à cette étape, à cette lecture, mais, normalement, c'est qu'il est supposé y avoir un principe derrière le projet de loi. Puis le principe qui est énoncé, théoriquement, pour ce projet de loi là, ce que le gouvernement a annoncé, ce que le gouvernement a promis aux jeunes, c'était le principe d'éliminer ce qu'on a appelé les clauses orphelin, qui sont appelées, dans le projet de loi, les disparités de traitement. C'était l'engagement gouvernemental. C'est ce qu'on retrouve si on va voir dans le programme du Parti québécois, les discours de campagne électorale faits aux jeunes par des représentants du Parti québécois, c'est ce qui était dit: l'élimination des clauses orphelin.

(16 h 50)

Bien, ce n'est pas ce que le gouvernement fait. Ce n'est pas ce que le projet de loi fait. Et, après avoir entendu en commission parlementaire plusieurs groupes, il y a un constat qui est clair, un constat qui est simple, un constat qui est précis: ceux qui sont en faveur de l'élimination des clauses orphelin sont contre le projet de loi. Ceux qui sont venus en commission parlementaire nous dire dans leur mémoire qu'ils appuyaient le projet de loi, il n'y en a pas eu beaucoup, ceux qui en substance dans leur mémoire nous disaient: On appuie le projet de loi, dans d'autres paragraphes de leur mémoire, ils nous disaient: Les clauses orphelin, c'est correct, des clauses orphelin, on en a signé, puis des fois on est obligé, puis il faut continuer. C'est ça, la réalité. Ceux qui appuient le Parti québécois dans sa démarche, ceux qui appuient la ministre du Travail dans sa démarche, bien, dans l'introduction et la conclusion de leur mémoire, ils nous disaient qu'ils étaient favorables au maintien d'un certain nombre de clauses orphelin.

Le gouvernement ne pourra pas parler toujours comme ça, des deux côtés de la bouche: prendre des engagements en campagne électorale devant les jeunes puis, ensuite... D'un côté, quand on va dans les universités, on tient tel type de discours, quand on va dans les chambres de commerce, on tient le discours inverse. C'est ça qui est en train de les perdre. La population peut accepter d'un gouvernement qu'il va gouverner en fonction d'un certain nombre de principes, puis, sur certains principes, le citoyen va dire: Tiens, là-dessus, je ne suis pas d'accord avec eux, mais il va garder le respect envers le gouvernement.

Ils ont déjà eu un chef qui fonctionnait comme ça: René Lévesque. Il prenait des positions de principe, puis ça ne veut pas dire que les citoyens étaient toujours d'accord, mais ils gardaient du respect pour le fait que c'était gouverné avec un certain encadrement de principe. C'est ça qu'il n'y a plus. Il n'y a plus, dans ce gouvernement-là, l'ombre du début d'un principe. On écrit des projets de loi... Regardez comment c'est écrit. Chapitre I, principe général, on veut éliminer les clauses orphelin. Chapitre II, on donne une recette, article 2, on dit une recette: Par contre, s'il y en a qui veulent faire des clauses orphelin, voici comment vous y prendre. C'est tellement vrai que la Chambre de commerce du Québec est venue, elle a fait travailler un avocat, elle est venue en commission parlementaire et nous a dit: Bon, le projet de loi, on n'est pas vraiment pour, mais c'est sûr que, si on est pour faire des clauses orphelin, on a étudié la recette, puis ils nous ont mis ça sur une couple de pages, voici comment on va s'y prendre. C'est ça que les députés du Parti québécois s'apprêtent à adopter. Ils n'ont peut-être pas tous suivi les travaux de la commission parlementaire. Mais dites-vous, là, au moment de voter là-dessus, qu'il y a des gens en commission parlementaire qui sont venus nous expliquer, aux députés, comment les clauses orphelin vont se faire dorénavant, avis légaux à l'appui.

Donc, le projet de loi, il vise à rendre légales et légitimes les clauses orphelin, à rendre légales et légitimes... Puis, quand je dis «légitimes», pour moi, c'est toujours illégitime. J'emploie «légitimes» dans le sens que le gouvernement va l'avoir recommandé, puis c'est légitimé par une institution. Sur le plan des principes, pour ceux qui en ont encore, ce n'est jamais légitime, mais il y a une forme de légitimisation quand le gouvernement inscrit que, dans un projet de loi, on peut le faire. Je reviens sur les principes. Le même gouvernement nous dit: Bon, bien, le projet de loi, lui, il va commencer à avoir effet dans trois ans. Là, la ministre n'est plus sûre. Qu'aujourd'hui elle ne soit plus sûre, qu'elle veuille enlever cette disposition-là, on s'en fout. Le fait que les membres du gouvernement, que les députés du Parti québécois, à leur caucus, aient laissé passer ça, quand même ils l'auraient changé le lendemain, le fait que pendant 24 heures ils aient pensé qu'un projet de loi aurait effet dans trois ans puis qu'il cesserait d'avoir effet deux ans plus tard, ça veut dire qu'ils n'y croient pas, ça veut dire qu'ils veulent faire semblant de faire quelque chose. Mais, en pratique, si tu veux éliminer les clauses orphelin parce que tu penses que c'est discriminatoire, tu les élimines demain matin puis tu les élimines pour le reste de la vie. Tu es contre, tu es contre, tu ne peux pas dire: Bien, là, les...

Savez-vous que les clauses orphelin, c'est discriminatoire? On a voulu identifier des droits, des libertés fondamentales en disant: Ça, c'est incontournable. On n'a pas mis de délais là-dedans. On n'a pas dit: La Charte des droits et libertés, ça va s'appliquer l'hiver, le printemps, on va pouvoir la suspendre un peu, la réappliquer l'été, puis, l'automne, pas pantoute. Ce n'est pas comme ça. Des droits, des libertés fondamentales, des discriminations qu'on veut abolir, quand on décide de les abolir et qu'il y a un consensus de société, on les abolit le lendemain, puis c'est fini après. Puis, quand il n'y en aura plus, de clauses orphelin, dans aucune convention collective, pas besoin de suspendre, il n'y en aura plus. Tant mieux, il n'y en aura plus, on laisse le projet de loi, puis plus personne ne va en signer après.

Savez-vous ce qui est encore plus extraordinaire d'un gouvernement sans gouvernail, sans principes? On est là, là, je prends à témoin le député de LaFontaine puis les autres, les députés qui étaient à la commission, on a passé essentiellement deux semaines en compagnie de la ministre du Travail. Bien, moi, aujourd'hui, en toute bonne foi, je ne suis pas capable de vous dire sa position. Un citoyen de mon comté, je le croiserais sur la rue, il me dirait: La ministre du Travail, elle, est-u pour ou contre les clauses orphelin? Elle veut-u les éliminer ou pas? Je n'ai aucune idée. Puis je parle la même langue qu'elle: on parle français. Des fois, elle est pour, des fois, elle est contre. Certaines clauses orphelin, oui, certaines, non. Mais où est-ce que, elle, elle trace sa ligne des clauses orphelin qui sont correctes puis celles qui ne sont pas correctes? Je n'ai aucune idée. Puis est-ce qu'elle est pour ou contre les clauses orphelin? Je n'ai aucune idée. Parce que, quand je parle contre les clauses orphelin, elle chiale après moi, puis, quand le député de LaFontaine parle contre les clauses orphelin, elle dispute après lui. Mais, d'autres fois, quand il y a des groupes qui viennent en commission parlementaire puis qu'ils disent que, les clauses orphelin, c'est correct, elle leur tape un petit peu sur les doigts: Vous ne devriez pas.

La ministre du Travail, élue dans ce gouvernement-là, mandatée par le premier ministre supposément pour régler le cas des clauses orphelin, on ne sait même pas sa position. On sait que, dans sa position, elle a un projet de loi, qu'elle réfléchit à tout ça, qu'elle change des mots, des articles, des dates, des délais, elle brasse là-dedans, là, mais on ne sait pas ce qu'elle pense. Sur le fond des choses, est-ce qu'elle est d'accord ou pas avec le fait que des clauses orphelin, ça se signe? On ne le sait toujours pas.

Peut-être qu'il faut regarder, par contre, la ministre du Travail, dans quelle équipe elle se situe. C'est quoi, le bilan du Parti québécois en ces matières-là, en matière de discrimination envers les jeunes sur le marché du travail? On va faire le bilan du Parti québécois aujourd'hui. Quand est venu le temps de régler avec le monde municipal pour réduire la masse salariale dans le monde municipal, il y a un projet de loi qui a été présenté en Chambre, un projet de loi qui contenait un article très clair, qui disait: On ne baisse pas – je te le dis mot à mot, là, je n'invente rien – le salaire de ceux qui sont déjà en place. Sous-entendu: Si vous êtes pour baisser le salaire de quelqu'un, ça va être les nouveaux. Clair comme ça. Clair comme ça, on a dit, on a recommandé aux municipalités: Si vous n'avez pas de fonds de réserve, si vous n'avez pas de marge de manoeuvre dans les caisses de retraite, votre solution, c'est la clause orphelin. Ce n'est pas un hasard si les études ont démontré une recrudescence spectaculaire des clauses orphelin dans le monde municipal, il y en a quasiment les deux tiers qui ont réglé avec ça. Donc, quel gouvernement – posons-nous la question – a encouragé le monde municipal à avoir recours aux clauses orphelin? Le Parti québécois.

Quel gouvernement a signé avec les enseignants? Puis là, aujourd'hui, ils se font taper sur les doigts; hier, ils se sont fait taper sur les doigts. Et c'était la première fois que, de façon aussi large... ça fait longtemps qu'il y a des clauses orphelin, mais jamais un gouvernement n'avait signé avec un groupe aussi important que les enseignants une clause orphelin. Le premier gouvernement, c'est qui? C'est le Parti québécois. Quel gouvernement a maintenu, dans d'autres formes de clauses orphelin, sans arrêt, des faux occasionnels à répétition? C'est le Parti québécois. Quel gouvernement... et là c'est l'odieux. Probablement que, si vous n'avez pas vu passer ça, vous ne le croirez même pas, M. le Président, qu'ils ont pu faire ça. Mais, oui, ils l'ont fait. Quel gouvernement, pendant qu'au salon rouge, ici, on discutait, on recevait les agents de la paix, les jeunes gardiens de prison, on les recevait au salon rouge, de l'autre côté de la rue, au Conseil des ministres, le gouvernement reconduisait leurs clauses orphelin, avec des clauses de vacances inférieures, puis des gens qui sont occasionnels depuis 10 ans, 12 ans, qui n'ont jamais eu de vraies vacances. Ces gens-là étaient au salon rouge, de l'autre bord de la porte, ici. Ils venaient nous dire: C'est écoeurant, ce qui nous arrive. La ministre du Travail de l'époque disait: Oui, je vous dis que notre gouvernement voudrait bien corriger ça. L'autre bord de la rue, le Conseil des ministres revotait le décret pour maintenir leurs conditions identiques. C'est ça, l'historique. Quel parti a pu faire quelque chose d'aussi odieux, d'aussi irrespectueux du monde? C'est le Parti québécois.

Puis là ils se demandent pourquoi ils sont en chute libre. Ils sont en chute libre parce qu'ils n'ont pas de parole. Ils sont en chute libre parce que les gens ne peuvent pas les croire. Ils sont en chute libre parce qu'ils n'ont même pas de principes, parce que même ceux qui ne sont pas d'accord avec eux ne peuvent même pas garder ce qui s'appelle le respect, le respect de dire: Ah! je ne suis pas d'accord, mais ils travaillent pour les jeunes, ou ils travaillent pour les travailleurs, ils savent où ils s'en vont. Non. Ce que les gens voient là, c'est une queue de veau qui s'en va où les mouches arrivent. C'est ça que les gens voient du gouvernement à l'heure actuelle, qui ne sait pas trop où il s'en va, qui n'a pas de direction, qui braille, qui part avec quelque chose qui devrait être un débat de principe, qui, en campagne électorale, en fait un débat de principe dans toutes les institutions scolaires où ils se présentent puis ils mettent ça dans leurs dépliants. Mais, au lendemain de la campagne électorale, ils font n'importe quoi avec ça.

Ah! je peux vous dire que j'étais drôlement content hier, M. le Président, du jugement, de la décision de la Commission des droits de la personne. Ce gouvernement, est-ce qu'il avait tergiversé avec ça? Ah! le cas du gel des échelons pour les plus jeunes enseignants, combien de fois on a amené ça, puis: Ah! c'est-u discriminatoire ou ça ne l'est pas? On ne le sait pas. Peut-être que c'est discriminatoire, peut-être... On a une facture à faire payer, là, il y a tout le groupe d'enseignants, on décide que c'est juste les jeunes qui paient. Mais, comme gouvernement, on n'est pas assez éclairé pour savoir si c'est discriminatoire ou pas. La Commission des droits de la personne va nous le dire.

Mais la Commission des droits de la personne – personne n'a été surpris par ça – elle a dit: Bien oui, c'est discriminatoire. Elle a vertement tapé sur les doigts du gouvernement, du premier ministre, parce que c'est lui, le négociateur. Quand c'est bon, il s'en vante, qu'il est le négociateur, mais celui qui a planté les jeunes enseignants, c'est le premier ministre. Il n'y en a pas un autre qui va s'attribuer ce rôle-là. C'est le premier ministre, c'est lui, le négociateur. Il aime ce rôle-là, bien, qu'il le prenne.

(17 heures)

Les jeunes enseignants ont été discriminés. Là, à savoir maintenant s'ils vont corriger la situation, alors, il faut évaluer, il faut se questionner. Sur quoi on se questionne? Il y avait une facture à payer, ils ont fait payer juste les jeunes, puis la Commission des droits de la personne leur a tapé sur les doigts puis elle a dit: C'est une honte. C'est une honte qui couvre chacun des députés.

À l'intérieur de la CEQ, il y a une association de défense des jeunes enseignants; je serais curieux de savoir si ces gens-là vont être invités au Sommet. Je serais tenté de formuler l'hypothèse aujourd'hui que, eux autres, ils ont brassé. Je suis fier qu'ils aient brassé. Celui, là, Normand Morin, qui est allé devant la Commission des droits de la personne contre son syndicat, contre son employeur, et candidat de l'ADQ à l'élection de 1998, un gars qui a du front, lui a décidé, à la fois contre son employeur et contre son syndicat, conjointement, d'aller devant la Commission des droits de la personne puis de dire: Non, vous ne me passerez pas sur le corps, il y a des principes dans notre société qui vont être entendus. Puis, ça été le cas, ça a été entendu.

Là, il reste quoi à étudier? Il n'y a rien à étudier, le gouvernement a le devoir maintenant de se conformer, en faisant deux choses: premièrement, en compensant les enseignants qui ont été victimes de ces décisions; puis la deuxième chose que le gouvernement a le devoir de faire, c'est de prendre son projet de loi n° 67 puis de le déchirer, parce que c'est ça que le jugement a fait. Le jugement de la Commission des droits de la personne est venu dire essentiellement que le gel d'échelons, ce n'est pas acceptable, c'est discriminatoire. Bien, imaginez l'ajout d'échelons par le bas. Imaginez, si le gel d'échelons, c'est discriminatoire, combien l'ajout d'échelons par le bas, c'est discriminatoire. Bien, là, c'est devant ça qu'on est. Le gouvernement recommande dans son projet de loi... fournit une formule dans son projet de loi demandant aux employeurs puis à ceux qui auront à se conformer à la loi que, s'ils veulent faire des clauses orphelin, ils vont procéder de la même manière avec laquelle lui s'est fait taper sur les doigts.

Bien, ce n'est pas compliqué, à l'heure où on se parle, le projet de loi dont on discute le principe ne devrait même plus exister. Si le gouvernement était un tant soit peu sérieux, respectueux des droits de la personne, de la Commission des droits de la personne, le gouvernement aurait tout simplement retiré le projet de loi, comme ça n'aurait jamais dû être déposé, mais retiré le projet de loi n° 67, en disant: O.K. On a promis des choses, entre-temps, on s'est fourvoyé, l'unanimité des groupes jeunes est contre nous autres, la Commission des droits de la personne nous dit que ce qui est contenu dans notre projet de loi, c'est inacceptable, on retire ça puis on repart ça sur d'autres bases, on repart avec un nouveau projet de loi.

Parce que, ça aussi, il faut le rappeler, le gouvernement avait ça, la question des clauses orphelin, dans un volet de son programme électoral sur les jeunes. Puis, en campagne électorale, ils en ont promis beaucoup à la jeunesse. Ils en rajoutaient au fur et à mesure que ça avançait. Ils ont promis ça aux jeunes dans leur programme électoral, et là ils ne semblent pas être sensibles au fait que l'unanimité des groupes jeunes, pas la moitié, pas les trois quarts, tous les groupes représentant... Puis, quand je dis «tous les groupes représentant des jeunes», là, là-dedans, il y a des jeunes gens d'affaires, des jeunes qui sont étudiants, il y a des jeunes qui sont travailleurs, il y a des jeunes qui viennent de toutes les sphères de la société, mais, sur ça, ils s'entendent. Des jeunes médecins. D'ailleurs, la ministre, elle s'en souvient, ça démontrait son ouverture d'esprit, c'était le tout début des travaux, la ministre dit aux jeunes médecins: Ah, vous autres, vous êtes victimes de discrimination, mais vous n'avez pas votre place ici, on ne veut pas entendre vos histoires. Vos discriminations à vous autres, les jeunes médecins, ça ne nous intéresse pas. C'est ça que la ministre leur a dit.

Mais tous les groupes jeunes, de façon unanime, sont venus dire au gouvernement: Le projet de loi n° 67 ne fonctionne pas. Le projet de loi n° 67, retirez ça. Puis là les images ont été utilisées: le projet de loi n° 67, c'est une étoile filante, on voit passer ça dans le ciel puis ça disparaît; le projet de loi n° 67, c'est un parachute plein de trous. Mais il n'y a pas un groupe jeunes, pas un représentant de la jeunesse du Québec qui a dit au gouvernement: Vous avez fait du bon travail, vous avez pris des engagements puis vous êtes en train de les respecter.

Alors, ça nous amène où, ça, en vue... Parce que, là, n'oublions pas une chose, j'espère que les députés du gouvernement s'en souviennent, on est dans le mandat de la jeunesse. C'est leur chef qui nous a annoncé ça dans son discours inaugural: Ce sera le mandat de la jeunesse. Imaginez si ça ne l'était pas! Et là, dans ce cadre-là d'un mandat de la jeunesse, il va y avoir un Sommet du Québec et de la jeunesse, et là, ce qu'on promet aux jeunes dans le cadre du Sommet, c'est: On va s'asseoir ensemble, puis le gouvernement va prendre des engagements envers la jeunesse du Québec. C'est quoi, ça, des engagements dans un sommet, si ça vient de la bouche d'un gouvernement qui ne respecte même pas ses engagements pris en campagne électorale? En campagne électorale, c'est cent fois plus important, c'est solennel, c'est devant le peuple. Le peuple est appelé aux urnes puis, avant que le peuple aille se prononcer, avant que le peuple aille mettre son x devant celui à qui il fait le plus confiance, on s'engage à réaliser des choses. Or, si on n'a même pas de parole pour des engagements en période électorale, là on va demander aux jeunes de mettre leur confiance dans des engagements dans le cadre d'un sommet.

Le gouvernement dont le bilan, c'est d'avoir encouragé les clauses orphelin dans les municipalités, signé une clause orphelin pour les enseignants, maintenu une clause orphelin pour les agents de la paix, repenti pendant quelques semaines en campagne électorale, le temps de prendre un engagement, puis qui ensuite fait un projet de loi pour encourager d'autres formes de clauses orphelin, ce gouvernement-là convoque les jeunes puis il leur dit: Mais, maintenant, dorénavant, j'aurai une parole. Ne vous fiez pas sur ce que vous avez vu dans le passé pour penser que je suis un gouvernement qui promet n'importe quoi puis qui fait le contraire ensuite, là. Dorénavant, c'est un sommet, puis c'est une autre affaire, puis j'aurai une parole.

Et ce qui est drôle, c'est quand des groupes jeunes, de bonne foi, venaient dire au gouvernement: Bien, écoutez, nous autres, on vous a cru en campagne électorale, puis là, bien, on espérait que vous alliez le faire, puis là vous nous faites un projet de loi sur les clauses orphelin. C'est gênant de montrer un projet de loi comme ça. On ne comprend pas ce que vous faites. Puis, ces jeunes-là, ils poursuivaient leur raisonnement juste une petite coche plus loin. Ils disaient: Nous, basés sur l'expérience que vous nous faites vivre, le gouvernement du PQ, savez-vous, votre sommet, on n'est plus sûrs que ça nous intéresse. La ministre du Travail, elle s'emportait. Des reproches, des réprimandes: Vous n'avez pas le droit de faire du chantage. Nous autres, on a le droit de conter fleurette en campagne électorale puis de faire le contraire, mais, vous autres, les jeunes, c'est du chantage. Mais non, ce n'est pas du chantage. Oui, les jeunes du Québec établissent un lien entre le sommet, où le gouvernement leur dit qu'il va prendre d'autres engagements, et le respect de ses engagements électoraux. Parce qu'il y en a eu beaucoup, de promesses en campagne électorale, il y en a eu énormément: sur les prêts et bourses, sur – il n'y a rien de fait, on n'en a plus jamais entendu parler – l'entrée des jeunes dans la fonction publique, puis là, finalement, ça se fait, ça ne se fait pas, mais le plus gros de ce qu'il y a de fait, là, c'est des stages à 23 000 $ par année pour des gens qui ont une maîtrise, alors qu'il y a quelques années ces mêmes jeunes là seraient entrés dans la fonction publique et ils auraient gagné une fois et demie ça.

Donc, toutes ces promesses-là qui ont été faites en campagne électorale ne sont pas réalisées. Dans un certain nombre de cas, ils ont fait le contraire. Dans le cas des clauses orphelin, ils font le contraire, puis là ils espèrent que les jeunes vont faire confiance en leur parole. Moi, je pense qu'il y a un appel à faire. Il semble que les membres du gouvernement, il semble que les membres du cabinet, le premier ministre en tête, se débarrassent d'un dossier comme les clauses orphelin. Alors, là, je pense que ça fait appel aux députés, aux gens qui ne sont pas membres du cabinet mais qui ont un mot à dire au caucus, qui ont à voter à l'Assemblée nationale puis qui ont, ensuite, à retourner devant leurs contribuables, devant leurs concitoyens. C'est eux aujourd'hui qui sont appelés à se prononcer, à réfléchir, à lire.

J'invite au moins les députés à lire le projet de loi sur les clauses orphelin. Je suis convaincu que ceux qui vont l'avoir lu, qui vont l'avoir mûri, qui vont penser au fait qu'ils n'ont pas l'appui d'un seul groupe jeunes derrière ça, qui vont voir comment, sur le plan des principes, c'est tordu, je suis convaincu que ces députés-là ne pourront pas se lever à l'Assemblée nationale et voter en faveur du projet de loi n° 67. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Alors, durant votre intervention, M. le député de Rivière-du-Loup, vous avez déchiré le projet de loi, la copie du projet de loi. Je tiens à vous souligner qu'il y a eu une jurisprudence ici, qui s'est déjà faite pour une autre députée, et, si ma mémoire est bonne – j'ai eu l'occasion d'assister à ça – évidemment, il a été jugé par le président Saintonge que c'était contraire au décorum de l'Assemblée. Alors, je vous avise, dans vos prochains discours, de ne pas faire ce que vous avez fait aujourd'hui.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, de consentement avec l'opposition, nous ajournerons le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 67. Nous reviendrons demain, le jeudi 25 novembre, avec deux intervenants provenant de l'opposition et la réplique de Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, je vous remercie. Je fais motion que nous ajournions nos travaux à demain, le jeudi 25 novembre 1999, à 10 heures.

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette motion d'ajournement du leader adjoint du gouvernement est adoptée? Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain matin, le 25 novembre, à 10 heures. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 17 h 11)


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