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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 25 novembre 1999 - Vol. 36 N° 68

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Table des matières

Souligner la contribution à la vie démocratique de députés élus depuis plusieurs années

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.


Souligner la contribution à la vie démocratique de députés élus depuis plusieurs années

Alors, avant de débuter les affaires courantes, j'ai le plaisir aujourd'hui de souligner la contribution à la vie démocratique de notre société de quelques-uns de nos collègues qui siègent dans cette enceinte depuis plusieurs années.

D'abord, une députée siège depuis 15 ans à l'Assemblée nationale, il s'agit de Mme Madeleine Bélanger, députée de Mégantic-Compton.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, cette jeune députée a été élue pour la première fois le 5 décembre 1983. Un autre parlementaire, M. Norm MacMillan, député de Papineau...

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, Norm MacMillan n'en est pas encore à ses 15 ans mais à ses 10 ans, qu'il a célébrés le 29 mai dernier à titre de membre de notre Assemblée. Et, depuis le 25 septembre dernier, 12 autres députés comme lui ont franchi la barre des 10 ans de vie parlementaire, alors je vais les nommer. D'abord, M. François Beaulne, député de Marguerite-D'Youville...

Des voix: Bravo!

Le Président: ...M. Robert Benoit... Vous êtes aussi bien de rester debout, j'en ai quelques autres à... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, il y a notre collègue d'Orford, M. Robert Benoit, qui est malade, mais qui a célébré ses 10 ans également; André Boisclair, député de Gouin; Yvan Bordeleau, député de l'Acadie; Jocelyne Caron, députée de Terrebonne; Denise Carrier-Perreault, députée des Chutes-de-la-Chaudière; André Chenail, député de Beauharnois-Huntingdon; Henri-François Gautrin, député de Verdun; notre collègue de Gatineau, Réjean Lafrenière; Nicole Loiselle, députée de Saint-Henri– Sainte-Anne; Rémy Trudel, député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue; et Russell Williams, député de Nelligan.

Alors, encore une fois, à tous ces collègues: Bravo! Félicitations!

Des voix: ...

Le Président: Cinq ans, ce n'est pas encore assez vieux dans l'enceinte parlementaire.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, maintenant.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions parlementaires, M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.


Étude détaillée du projet de loi n° 80

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 24 novembre 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur le recours collectif. La commission a adopté le projet de loi avec deux amendements.

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé.

M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.


Étude détaillée du projet de loi n° 92

M. Simard (Richelieu): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 24 novembre 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 92, Loi sur le ministère des Finances. La commission a adopté le projet de loi à l'exception des articles 39 et 55 qui ont été rejetés.

(10 h 10)

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est déposé également.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Excusez-moi, M. le Président. Oui, je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement.


Ériger un mur antibruit entre le boulevard de l'Acadie et l'autoroute 15

M. Bordeleau: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition non conforme présentée à l'Assemblée nationale par 27 pétitionnaires, résidents des rues Caroline-Béique et Olivier-Berthelet, du comté de l'Acadie.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu la pollution, par le bruit et la poussière, produite par la circulation des véhicules roulant sur l'autoroute des Laurentides (15);

«Attendu qu'en tant que citoyens de la ville de Montréal nous avons droit à une tranquillité normale et à une qualité de vie dans notre quartier;

«Attendu que, durant l'été 1999, quelques accidents et accrochages se sont produits, ce qui représente un danger pour la sécurité de nos enfants;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, résidents des rues Caroline-Béique et Olivier-Berthelet, situées au nord de la rue Sauvé Ouest, entre le boulevard de l'Acadie et l'autoroute 15, demandons au gouvernement et à la ville de Montréal de voir à la construction d'un mur antibruit, et ce, le plus rapidement possible.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Installer un feu de circulation à l'intersection des routes 155 et 169, au Saguenay–Lac-Saint-Jean

M. Laprise: Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 450 pétitionnaires des municipalités du Lac-Bouchette, de Saint-François-de-Sales, de Chambord et de Saint-André.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu la jonction de la route 155 à la route 169;

«Attendu que ces routes régionales ont une très grande affluence;

«Attendu que notre région attire de nombreux touristes[...];

«Attendu que ces routes ont un fort achalandage, tant par les automobiles, les véhicules lourds, les autobus de touristes ou d'écoliers, les motocyclettes et même les bicyclettes[...];

«Attendu qu'il est très difficile d'accéder à la route 169 vers Roberval de la route 155 et encore plus aux heures de pointe;

«Attendu qu'il est également difficile d'accéder à la route 155 de par la route 169 lorsqu'on arrive de Desbiens;

«Attendu que la ligne d'arrêt sur la route 155 est trop éloignée et que la visibilité est restreinte à cet endroit[...];

«Attendu qu'il y a risque d'accident dans toutes ces conditions;

«En conséquence, par cette pétition, nous demandons au ministère des Transports de faire l'installation d'un feu de circulation à cette intersection et que l'installation se fasse avant l'arrivée de la neige, puisque les risques augmenteront davantage à ce moment.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

M. le député de Robert-Baldwin, maintenant. Demain? Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Alors, encore une fois, M. le Président, une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement.


Accélérer la négociation en cours pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur de l'éducation

Mme Leblanc: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée au gouvernement du Québec par 308 pétitionnaires, étudiants de la polyvalente des Abénakis de Saint-Prosper de Beauce.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Compte tenu que nous éprouvons du mécontentement et de la frustration face au refus du gouvernement de négocier avec la Centrale des enseignants du Québec;

«Que les moyens de pression utilisés par les professeurs amènent le développement d'un mauvais climat dans les écoles du Québec et que nous voulons qu'ils cessent;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«À titre d'élèves de la polyvalente des Abénakis de Saint-Prosper de Beauce, nous demandons au gouvernement du Québec de négocier dans les plus brefs délais avec la Centrale des enseignants du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.


Questions et réponses orales

Le Président: Alors, nous allons immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales. En question principale, d'abord, Mme la députée de Saint-François.


Vérification des antécédents judiciaires des titulaires de permis de services de garde


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Hier, la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, à une question qui lui était posée par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce au sujet des antécédents judiciaires des propriétaires de garderie, a indiqué qu'un plan d'action sera mis en place conjointement avec le ministre de la Sécurité publique afin de vérifier, tel que la loi le permet, les antécédents judiciaires possibles des titulaires de permis de garderie.

On apprenait plus tard dans la journée, M. le Président, par la bouche de son sous-ministre adjoint, que la ministre était très mal informée, puisque ce dernier confirmait que des pourparlers étaient en cours déjà depuis sept mois avec la Sûreté du Québec pour conclure des ententes de vérification. Vous comprendrez, M. le Président, qu'on aurait été à même de s'attendre que la ministre ait pu, bien sûr, parler à son collègue de la Sûreté du Québec et prendre les moyens nécessaires pour accélérer le processus.

Ma question s'adresse au premier ministre, M. le Président: Afin de rassurer les parents et surtout d'assurer la protection des enfants dans les services de garde, le premier ministre peut-il enjoindre son ministre de la Sécurité publique à conclure ces ententes de vérification sans autre délai? Vous comprendrez, M. le Président, qu'il en va de l'intérêt des enfants.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: C'est exact, nous sommes prêts à conclure ces ententes pour que très rapidement les vérifications puissent être faites de tous les détenteurs de permis de garderie et que automatiquement, au renouvellement des permis, non seulement lorsque le permis est accordé, mais automatiquement lorsque les permis doivent être renouvelés, ces vérifications puissent être faites. Mais vous comprendrez qu'elles doivent être faites dans le respect de toutes les lois du Québec. Et, pour ça, il y a eu des protocoles dans d'autres domaines qui ont été faits. Et c'est évident que, si vous appelez à la Sûreté du Québec puis vous demandez si quelqu'un a un dossier judiciaire, comme ça, on vous refuse, parce qu'on est tenu par la loi de garder ça secret. Mais il y a des protocoles qui ont été faits pour toutes sortes de types de bénévoles, entre autres des bénévoles qui s'occupent d'organisations, d'enfants, et on peut établir rapidement ces protocoles et assurer l'ensemble des parents que, très rapidement, ces vérifications vont être faites, mais, comme je l'ai dit, dans le respect des lois du Québec.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en question complémentaire ou principale?

M. Copeman: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale. Très bien.


Vérification des antécédents judiciaires de tout travailleur en services de garde


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, parmi les milliers de personnes qui travaillent dans les services de garde au Québec, les titulaires de permis ne sont qu'une petite partie. Ayant une fille dans un centre de la petite enfance, M. le Président, je sais à quel point ces travailleurs et travailleuses sont dévoués à nos enfants et méritent toute notre confiance. Malheureusement, il y a toujours possibilité de cas d'exception. Comme l'a indiqué le ministre de la Sécurité publique, il est présentement possible pour certains organismes communautaires, comme les scouts et les équipes de sport, de conclure des ententes avec des services policiers afin de vérifier les antécédents judiciaires des bénévoles.

La ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance ne pense-t-elle pas qu'il serait approprié que les dirigeants de services de garde au Québec puissent obtenir de la part des autorités compétentes l'assurance qu'un candidat qui sera en poste de lien direct avec des jeunes enfants, au Québec, ne possède pas d'antécédents judiciaires?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui. M. le Président, la sécurité des enfants me préoccupe à un plus haut niveau. Je crois qu'il faut remettre le cas de la garderie Casa del Sol dans son contexte, puisqu'il s'agit d'un cas isolé, un cas de trop, effectivement, mais nous prenons toutes les actions, actuellement, immédiates pour la sécurité de nos enfants.

Je veux vous assurer, M. le Président, que, dans le plan d'action qui va entrer en vigueur demain matin, nous allons vérifier tous les antécédents judiciaires... J'annonce aujourd'hui que nous allons vérifier tous les antécédents judiciaires de tous les titulaires de permis de services de garde systématiquement, et cela, en collaboration avec les dispositions légales qui nous le permettent et en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique et toutes les autorités policières qui nous le permettent, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Manifestement, la ministre n'a pas entendu ma question. Est-ce que la ministre peut regarder la possibilité, dans son plan d'action, que des propriétaires de garderie puissent faire vérifier par les autorités compétentes les antécédents judiciaires du monde qui travaille dans les services de garde? Des dizaines de milliers de personnes y travaillent présentement, la ministre le sait. Mais est-ce qu'on ne peut pas regarder la possibilité, non pas pour les titulaires de permis, mais plutôt qu'il y ait un mécanisme qui permettra à des dirigeants de garderie de vérifier, s'ils ont le moindre soupçon de doute, si des candidats potentiels à des postes qui sont en lien direct avec de très jeunes enfants ont un passé judiciaire? C'est ça, ma question, pas les titulaires de permis.

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, c'est une suggestion très intéressante que le député de Notre-Dame-de-Grâce nous apporte. Je m'engage à la regarder de très près, M. le Président.

(10 h 20)

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Accessibilité des personnes âgées à des soins spécialisés


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. La semaine dernière, l'Association des hôpitaux du Québec brisait le silence pour dénoncer la triste réalité des hôpitaux du réseau de la santé, qui en sont rendus à questionner les soins donnés aux personnes âgées. Pour preuve, suite à cette déclaration, un homme de 70 ans a tenu à me confirmer que son médecin, visiblement obligé de faire un arbitrage, lui avait déclaré qu'à son âge il n'avait pas besoin de traitement en radiothérapie. Heureusement pour lui, M. le Président, trois de ses enfants sont médecins, alors cet homme a pu être reçu, diagnostiqué, traité correctement, de sorte qu'aujourd'hui il est en rémission totale.

M. le Président, la ministre de la Santé réalise-t-elle que, faute d'avoir des contacts dans le réseau de la santé, plusieurs personnes n'ont pas accès aux soins auxquels elles ont pourtant droit?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: D'abord, je pense qu'on ne peut qu'être heureux du dénouement du cas qui nous est présenté ce matin. Mais je trouve que c'est un petit peu contradictoire, l'intervention de la députée de Bourassa, puisque, d'une part, elle dit que cette personne avait été en contact avec son médecin, donc qu'elle avait accès aux services médicaux, et que ce médecin peut avoir posé un jugement médical avec lequel on peut être en désaccord. Et c'est ce qu'offre la possibilité, d'ailleurs, de l'ensemble de notre système et de notre loi de santé et de services sociaux, c'est de pouvoir avoir accès... Je ne comprends pas qu'on s'indigne. J'essaie d'expliquer la façon dont on peut procéder dans notre système. Et la loi qui protège les gens permet, entre autres, à une personne de pouvoir consulter un autre médecin si elle n'est pas satisfaite du diagnostic, ou de l'évaluation, qui lui est présenté.

Et je ne voudrais pas que la députée de Bourassa – parce que je commence à la connaître un peu, M. le Président – tire comme réponse de mes propos que je serais d'accord avec le fait qu'on remette en question les soins spécialisés aux personnes âgées. C'est le contraire que j'ai dit ici, la semaine dernière.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre réalise que le propos ici, ce n'est pas ce qu'elle dit mais ce qui se passe dans la réalité?

Des voix: Bravo!

Mme Lamquin-Éthier: Et la réalité du réseau... Est-ce que la ministre réalise que, toujours en ramenant vers elle, ce n'est pas comme ça qu'on va trouver des solutions aux problèmes du réseau de la santé?

Le monsieur, qui a tenu à me rapporter les faits, s'est fait nier l'accès à des soins par un médecin obligé d'établir un arbitrage, qui a décrété qu'il n'avait pas besoin de soins à l'âge de 70 ans. Ce monsieur-là est un monsieur de la région de Québec. Grâce à ses trois enfants qui sont médecins, il a pu avoir accès à des soins, il a été finalement reçu, examiné et traité à Montréal.

Mme la ministre, je vous repose la question: Est-ce que vous réalisez bien, au-delà de votre image, que ce qui compte ici, c'est la réalité, et que des patients qui n'ont pas de contacts n'ont pas accès à des soins?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. La réalité, j'y suis confrontée tous les jours. Et, tous les jours, je suis en contact avec des directions d'établissement, avec des représentants d'organismes qui défendent les droits des malades, avec des médecins eux-mêmes qui sont au service. Et ce que l'on peut constater, c'est que, de façon générale, actuellement, nous réussissons, dans les cas d'intervention très spécialisée, par exemple, dans le cas du cancer en particulier, à améliorer la situation.

Je ne dis pas et je ne veux pas qu'on me fasse dire que c'est parfait, que tout est réglé. Il y a encore des problèmes, ils sont sérieux, mais nous travaillons à améliorer cependant la situation qui est vécue dans l'ensemble de nos établissements, et nous pouvons constater, par comparaison avec ce qui se passe à l'extérieur du Québec, que nous réussissons assez bien malgré tout.

Je réitère le fait qu'il y a des professionnels dans le réseau de la santé et des services sociaux qui reçoivent des malades, qui reçoivent des patients quotidiennement, qui font des évaluations, qui posent des diagnostics. S'il y a des gens qui sont insatisfaits de cela, il y a la possibilité de reconsulter un autre médecin. Il y a, de plus, des mécanismes de contrôle de la qualité soit par le Collèges de médecin soit par les directions de services professionnels, et même par un service de plaintes que nous avons mis en place pour justement nous assurer que toutes les personnes soient traitées équitablement, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé réalise que, n'eut été de ses trois enfants qui étaient médecins, ce patient-là serait mort, il n'aurait pas pu porter plainte?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: C'est une présomption grave que fait la députée de Bourassa. Tout ce que je peux lui rappeler, M. le Président, c'est que nous avons actuellement des professionnels de grande qualité qui sont au service des malades du Québec. Ils pratiquent dans des cliniques, ils pratiquent dans les CLSC, ils pratiquent dans les hôpitaux, ils ont des codes d'éthique qu'ils respectent, ils sont d'ailleurs, à cet égard, encadrés par des mécanismes très imposants et très sérieux qui nous permettent d'éviter justement des dérapages, et je trouve très dommage finalement que la députée de Bourassa contribue à démolir la réputation d'un réseau qui est de grande qualité au Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup?

M. Dumont: Oui.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en question principale.


Gel des avancements d'échelon des nouveaux professeurs


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. L'une des fiertés du premier ministre, c'est d'être pour le gouvernement le grand négociateur. Depuis deux ans, depuis qu'il a négocié avec les enseignants une clause qu'on sait maintenant discriminatoire, le premier ministre s'est toujours défilé. Il a patiné, il a refusé de répondre aux questions, il a fait semblant de ne pas comprendre le caractère discriminatoire de ce qu'il avait négocié.

Depuis l'élection, c'est un nouveau converti: les clauses orphelin, on va légiférer; il y aura un Sommet de la jeunesse. Cette semaine, le premier ministre s'est fait taper sur les doigts. Son gouvernement, par la décision de la Commission des droits de la personne, face aux jeunes enseignants, a été couvert de honte et sa signature, au premier ministre, a été couverte de honte. Parce qu'un jeune enseignant, Normand Morin, a décidé de pousser l'affaire jusqu'au bout devant la Commission des droits de la personne, le gouvernement a maintenant une décision à prendre.

Ma question au premier ministre, elle est fort simple: Est-ce les jeunes qui s'apprêtent à participer au Sommet, est-ce que les jeunes enseignants peuvent savoir si le premier ministre a une parole, s'il va poser les gestes nécessaires pour corriger la situation? Est-ce que le premier ministre va tenir sa parole de campagne électorale donnée à l'Université Laval, disant aux jeunes de l'Université Laval: C'est fini, le gel des échelons, ou est-ce qu'il va lancer les jeunes, à quelques mois du Sommet, dans une nouvelle saga judiciaire pour essayer de se donner raison?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, j'ai eu l'occasion de répondre à cette question hier où j'ai dit que nos juristes et nos fonctionnaires analysaient l'ensemble du dossier en regard de l'avis de la Commission des droits de la personne du Québec et puis que nous aurons à prendre une décision dans les délais qui courent jusqu'au 17 décembre prochain.

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais que l'on prenne acte de toutes les autres mesures qui ont facilité l'arrivée sur le marché du travail de 9 000 nouveaux visages dans le domaine de l'éducation. Et le geste que nous avons posé, en ce qui concerne le programme de départ, leur a facilité l'entrée sur le marché du travail.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que le premier ministre comprend qu'il n'y a rien à évaluer sur le plan juridique? Ce qu'il y a à évaluer, c'est que le premier ministre lui-même, en campagne électorale, devant des jeunes de l'Université Laval, est allé donner sa parole en disant: C'est fini, le gel d'échelons. Donc, lui-même, le premier ministre, avait reconnu cette situation-là comme inacceptable. Maintenant, la Commission des droits de la personne lui demande de la corriger.

Est-ce que, lui, le premier ministre, il va la corriger, oui ou non? Puis, l'évaluation juridique, est-ce qu'ils vont inclure les discours du premier ministre pour que les évaluations juridiques de ça soient faites aussi pour savoir: Oui ou non, est-ce qu'il a une parole?

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, nous évaluons juridiquement toute cette question et nous allons prendre une décision avant le 17 ou au plus tard le 17 décembre prochain. C'est ça que j'ai à dire au député de Rivière-du-Loup.

(10 h 30)

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que la ministre du Travail, qui a elle-même dit que la moitié de son projet de loi ne tenait pas debout et qu'elle allait le corriger... Maintenant, le dernier article qui restait à son projet de loi vient d'être invalidé par la Commission des droits de la personne, en disant: Si le gel des échelons est discriminatoire, imaginez combien l'ajout d'échelons par le bas est discriminatoire.

Est-ce que la ministre du Travail est en train elle aussi de faire des évaluations juridiques, comme si elle ne comprenait pas ce qui se passe, ou est-ce qu'elle peut s'engager devant l'Assemblée à suivre l'avis de la Commission des droits de la personne puis à aider le premier ministre à respecter sa parole? Parce que, lui, il a l'air de manquer de mémoire.

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, j'aimerais rappeler au député de Rivière-du-Loup que nous sommes le seul gouvernement à avoir pris des engagements pour encadrer cette question des clauses orphelin, que nous avons déposé un projet de loi et que, d'ici quelques jours, les amendements seront connus. Alors, nous allons jusqu'au bout de cette démarche-là. Il n'y a pas un gouvernement au monde qui ait entrepris une démarche comme celle-là. Nous irons jusqu'au bout de cette démarche-là. Dans les prochains jours, les amendements seront connus.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que le ministre de l'Éducation, responsable du Sommet de la jeunesse, lui, peut rassurer les jeunes de l'Association de défense des jeunes enseignants, qui, devant tous les jeunes du Québec, ont fait preuve de détermination et de courage en appuyant la démarche d'un jeune enseignant? Est-ce que le ministre responsable du Sommet de la jeunesse peut assurer les représentants de l'ADJEQ, l'Association de défense des jeunes enseignants, qu'ils seront invités au Sommet de la jeunesse?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, ma collègue vient de nous dire qu'elle a procédé à des consultations. Je pense que ça a été un succès. On a eu les visions de tout le monde qui ont été exprimées. Dans quelques semaines, elle nous présentera le fruit de ses réflexions.

Comme ministre de la Jeunesse, M. le Président, ma position a toujours été claire, et d'ailleurs la position de notre gouvernement a toujours été claire, nous sommes contre les clauses orphelin. Et nous agissons, nous voulons que les jeunes aient leur place dans la société, leur juste place. Nous allons, comme vient de le dire ma collègue, être le premier gouvernement à légiférer pour abolir les clauses orphelin. Nous allons le faire, et nous allons le faire pour être à l'avant-garde de ce qui se fait de mieux pour l'égalité et pour la place des jeunes dans la société.

Le Président: En question principale, M. le député de Limoilou.


Nombre de lits disponibles dans les urgences


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Depuis le début du virage ambulatoire et les grands discours de la ministre de la Santé, les urgences débordent, les corridors sont surpeuplés. Pourquoi, M. le Président? Faute de lits.

Hier, Radio-Canada nous apprenait qu'une note interne, et j'insiste, de façon confidentielle, de la part du directeur adjoint des services professionnels de l'Hôpital L'Enfant-Jésus circulait, et je cite, M. le Président: «Un cas a dû être admis à l'unité coronarienne alors qu'il n'y avait aucune place aux soins intensifs et a connu une évolution défavorable qui a conduit à une anoxie cérébrale sévère.» M. le Président, «évolution défavorable» se traduit ici par «cliniquement morte» parce qu'elle n'était pas à la bonne place et qu'elle n'a pas pu recevoir les soins nécessaires.

Ma question à la ministre de la Santé: Depuis la réforme de la santé, combien de personnes sont décédées ou sont cliniquement mortes de façon confidentielle dans les hôpitaux du Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je comprends, M. le Président, qu'on continue à faire des déclarations complètement irresponsables de l'autre côté de cette Assemblée, et c'est complètement inadmissible.

D'abord, pour les urgences qui débordent, là, peut-être que le député pourrait s'informer auprès des hôpitaux de la région de Québec, puisque, sur une capacité de 105 lits à l'urgence, actuellement il y a 106 personnes à l'urgence. Alors, j'imagine que ça ne doit pas vraiment déborder. Je dois vous dire que je suis cela jour après jour parce que je suis intéressée à ce qu'on évite justement des effets de débordement.

Quant au cas qui a été cité ou mentionné lors d'un reportage par une journaliste hier, je comprends que, dans cette situation comme dans d'autres cas qui pourraient se produire, M. le Président, c'est d'abord l'hôpital qui aura à expliquer ce qui s'est passé, et ils doivent le faire d'ailleurs aujourd'hui pour éclairer encore mieux que les réponses qu'on a déjà données jusqu'à maintenant à la situation. Et, s'il y a lieu, évidemment, d'apporter un certain nombre de corrections, on le fera, j'en suis persuadée, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Beauce-Sud, en question principale.


Irrégularités fiscales signalées dans le rapport de la SODEC sur le financement public du cinéma et de la production télévisuelle


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Lorsqu'il y a des allégations ou des faits portés à la connaissance du ministère du Revenu sur des possibilités de fraude fiscale, le ministère du Revenu a l'obligation de faire enquête. Or, dans le rapport Lampron, on parle d'escomptes, on parle de travail au noir et de crédits d'impôt qui auraient été accordés sans que les règles fiscales soient respectées.

Ma question: Est-ce que le ministre du Revenu est en mesure de confirmer à cette Chambre qu'il y aura enquête sur les faits survenus dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Bégin: M. le Président, on sait que, depuis un certain temps déjà, des procédures ont été mises sur pied pour faire la récupération des sommes versées au travail au noir et aussi pour l'évasion fiscale. En particulier dans le secteur de la cinématographie, depuis le mois de mai, il y a du travail intensif qui a lieu et qui a cours dans ce domaine, et bien sûr que ces vérifications-là sont des vérifications fiscales faites en vertu de la Loi du ministère du Revenu et en vue de s'assurer que les sommes d'argent qui ont été versées par crédits d'impôt sont utilisées à bon escient et que tout ça se fait correctement.

Alors, déjà c'est en place. Bien sûr que les vérificateurs, dans le cadre du travail qu'ils vont faire, vont porter attention plus particulièrement aux allégations qui ont pu être contenues dans le rapport Lampron.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull.


Transfert de la gestion du transport scolaire aux commissions scolaires


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, M. le Président, j'aimerais ça vous parler des gens ordinaires, des citoyens qui paient des taxes municipales et scolaires au Québec, des citoyens que la ministre des Affaires municipales a oubliés depuis fort longtemps.

M. le Président, lorsque les commissions scolaires disent que, suite au pelletage d'une facture pour le transport scolaire par le gouvernement, elles seront obligées d'augmenter les taxes scolaires de 350 000 000 $ par année, vous savez, les citoyens les croient. Lorsque les maires des villes du Québec disent qu'ils seront incapables de baisser les taxes municipales d'un montant équivalent, vous savez, les citoyens les croient. Lorsque le premier ministre, la main sur le coeur, et la ministre des Affaires municipales, de façon solennelle et sans rire, disent aux citoyens du Québec qu'ils ne paieront pas plus de taxes, les citoyens ne les croient pas.

M. le Président, quand est-ce que la ministre va, pour une fois, prendre le parti des citoyens, payeurs de taxes, plutôt que de prendre encore parti pour forcer les citoyens à payer encore plus de taxes au Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce que, moi, je ne crois pas, c'est que le député de Hull comprenne ce dossier. M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, j'en appelle à votre collaboration. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je disais donc que des discussions vives et animées se déroulent au sein du monde municipal. J'ai eu l'occasion ce matin, avec mon collègue le ministre de l'Éducation, de rencontrer les porte-parole de la Fédération des commissions scolaires du Québec et de la fédération anglophone. Cela s'est fait dans un climat, je dirais, presque de camaraderie, mais enfin, nous nous retrouverons...

Des voix: Presque.

(10 h 40)

Mme Harel: Presque, presque, n'est-ce pas? Nous nous retrouverons cet après-midi pour poursuivre l'examen plus attentif sur le plan technique et également demain.

Ceci dit, M. le Président, je mets en garde le député de Hull ainsi que les membres de cette Assemblée de penser que cela se fait sans qu'il y ait un examen attentif, justement pour s'assurer que cette contribution au financement local du transport scolaire – il faut bien se rappeler que le transport scolaire est partout, à l'exception du Québec, je pense, une responsabilité locale – alors donc, que ce financement local du transport scolaire soit suivi, en contrepartie, d'une diminution du foncier municipal.

Mais, au-delà de ça, et je termine là-dessus pour vous dire, M. le Président, qu'il y a aussi une question majeure associée à l'ensemble du pacte fiscal, c'est la question de la fiscalité d'agglomération. Parce que le député de Hull devrait être sensible aussi aux gens ordinaires qui, sur bien des territoires du Québec, paient plus que les autres parce qu'ils paient des services, des équipements et des activités à leurs voisins qui ne les partagent pas. Alors, l'objectif, c'est aussi de partager les coûts de ces activités, équipements et services supralocaux.

Le Président: M. le député de Hull.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Est-ce que, avec son collègue, ce matin, deux ministres ensemble, eux ont compris que, dans le fond, le deal sur la table, ce n'est pas pour le bénéfice des citoyens? Ils vont encore payer plus de taxes municipales, plus de taxes scolaires. C'est encore les citoyens, le petit qui va payer pour les niaiseries du gouvernement d'en face!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, depuis que j'ai commencé à travailler dans ce dossier avec le député de Hull, je me rends compte qu'il veut poursuivre la grande tradition des députés de Hull, telle fut celle d'Oswald Parent et de Gilles Rocheleau, c'est-à-dire de l'exagération dans ce dossier.

Des voix: Oh!

Le Président: Je comprends que c'est peut-être dans la tradition de l'Assemblée d'avoir l'épiderme fragile, mais ce n'est pas dans le règlement et dans le décorum. Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, les hausses de taxes ont été la marque de commerce de votre parti quand il était au gouvernement. Il n'est pas dans notre intention que la négociation que nous menons présentement se solde par une hausse de taxes.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Projet d'énoncé de politique à l'égard des universités


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Mauvais jour pour le ministre de l'Éducation. Mauvais jour parce que, avec le début de la session intensive, il devra passer quatre jours à Québec à l'Assemblée nationale!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: M. le Président, mauvais jour aussi parce que des étudiants qu'il tentait de discréditer hier – la Fédération étudiante universitaire du Québec qui représente 140 000 étudiants – sont maintenant obligés de se payer des publicités pour se faire entendre sur la politique des universités du ministre de l'Éducation. Et ce qu'ils disent surtout, c'est que, encore une fois, si le ministre de l'Éducation ne tient pas de débats publics sur sa politique des universités, tout ce qu'il risque de réussir à faire, c'est de s'entendre avec lui-même.

M. le Président, comment le ministre de l'Éducation peut-il continuer d'aller de l'avant dans cette politique sans faire de consultations et de débats publics ouverts, alors que ceux qui sont au coeur même de cette politique-là, les étudiants, ne sont pas d'accord avec les énoncés, trouvent sa démarche autocratique et disent que finalement, ce qu'il va faire, c'est une université à deux vitesses et une entente, un projet d'énoncé de politique avec lequel il risque d'être le seul d'accord?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, j'ai rendu public le 29 octobre dernier un projet d'énoncé de politique à l'égard des universités. J'ai rencontré nos principaux partenaires. Je leur ai expliqué d'abord ma démarche et je leur ai demandé leurs commentaires d'ici le 26 novembre, donc d'ici demain. Je m'attends, bien sûr, à ce qu'il y ait des accords, des désaccords. La Fédération des étudiants universitaires a fait connaître ses désaccords sur certains principes d'une façon originale, dans un journal, ce matin.

M. le Président, je pense que, par contre, il faut dire aussi que jamais une politique n'a rallié autant de gens, jusqu'à présent. Je rappelle la réaction de certains autres groupes. La Fédération québécoise des professeurs universitaires a dit qu'elle se réjouissait de voir reconnus les grands principes qu'elle défend et qui se retrouvent dans le document du ministre Legault. Elle partage la vision de l'université québécoise décrite dans le document.

François Tavenas, président de la CREPUQ, donc la Conférence des recteurs et recteures, de l'Université Laval, a dit: «C'est une démarche intéressante et prometteuse. Le document publié par M. Legault est remarquablement cohérent avec les conclusions de la commission d'orientation de l'Université.»

La Fédération nationale des enseignants a ajouté: «L'énoncé de politique sur les universités laisse présager des changements majeurs qui vont dans le sens du service public essentiel. Ça constitue un aspect positif de l'énoncé.»

Je pourrais continuer. La CEQ, toutes les autres, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Je sais que vous pourriez continuer, mais ma responsabilité, M. le ministre, est de vous arrêter. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Responsabilité fondamentale, M. le Président. Comment le ministre de l'Éducation peut-il continuer de dire que tout le monde accueille bien sa politique, alors que McGill et l'UQAM disent non à l'émergence de catégories d'universités? On parle d'universités à deux vitesses, on dit: Non à l'université Legault. Les recteurs exigent des précisions, ceux de qui il dit qu'ils sont d'accord. Et surtout ceux qui sont au coeur de cette réforme, M. le Président, sont obligés de se payer des publicités parce que, sans ça, le ministre ne veut pas les entendre.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut se rendre compte qu'il est le seul à trouver que ça va bien et que, s'il ne s'occupe pas des gens qui sont au coeur de sa réforme, sa réforme risque de n'être rien d'autre qu'une autre entente signée avec lui-même?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, parlant d'un système à deux vitesses et parlant de la FEUQ, j'aimerais en profiter pour vous parler de certains faits nouveaux que j'ai appris dans la saga des bourses du millénaire, qui concernent les étudiants universitaires, bien sûr.

Une voix: Deux vitesses...

M. Legault: On parle de deux vitesses. Alors que l'opposition a signé une lettre des trois chefs de parti pour aller négocier de gouvernement à gouvernement, pendant ce temps, la FECQ, la FEUQ...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! M. le ministre, rapidement, s'il vous plaît.

M. Legault: M. le Président, pendant qu'on avait une résolution unanime de l'Assemblée nationale, la FECQ, la FEUQ, avec l'appui du Parti libéral du Québec, sont allées négocier les priorités du Québec en éducation avec M. Jean Monty, le président de Bell Canada.

Des voix: Oh!

M. Legault: Et, M. le Président, je vais ajouter, ce qui est important: ceux-ci, incluant le Parti libéral du Québec, ont fait des compromis. Alors...

Des voix: ...

Le Président: Au-delà de la question de la pertinence, sur laquelle je n'ai pas à intervenir, je voudrais rappeler au ministre de l'Éducation et, par le fait même, à tous nos collègues... Je veux bien pour les uns et les autres, de chaque côté, utiliser assez de souplesse pour permettre plus de temps que normalement, mais je vous rappelle que vous êtes en réponse complémentaire, M. le ministre, et je vous demande votre collaboration, vous devez conclure rapidement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Une précision, M. le Président. Malgré ce que vous venez de dire, vous avez à vous prononcer sur la pertinence. L'article 79 du règlement est clair: «La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche...» Il n'a absolument pas touché au point encore.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: D'abord, comme d'habitude, le député de Témiscouata-Kamouraska a préambulé en question complémentaire, vous l'avez sans doute noté. Puis, deuxièmement, l'expression «deux vitesses», ça nous inspire. Ça nous inspire sur la position de l'opposition en matière de prêts et bourses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En quelques secondes, rapidement, parce que vous avez déjà atteint beaucoup plus de temps.

M. Legault: M. le Président, alors que nous avons un régime universel de prêts et bourses depuis 35 ans et que dans la politique à l'égard des universités on veut privilégier les étudiants de maîtrise et de doctorat, le Parti libéral du Québec a négocié avec la Fondation une entente proposée où on exclut ces étudiants de la réduction de l'endettement. Il nous propose des clauses orphelin, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député d'Argenteuil, en question principale.

M. Whissell: Merci, M. le Président.

(10 h 50)

Des voix: ...

Le Président: M. le député d'Argenteuil.


Taxe à l'achat de pneus neufs pour financer la récupération des pneus hors d'usage


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Le 1er octobre dernier entrait en vigueur une nouvelle taxe au Québec, elle-même taxée par la TVQ et la TPS. Cette taxe, appelée «droit environnemental», de 3 $ par pneu vise essentiellement à éliminer les quelque 25 000 000 de pneus entreposés actuellement au Québec.

M. le Président, devant l'inquiétude justifiée de la population qui refuse de payer pour les pneus de l'extérieur du Québec, est-ce que le ministre de l'Environnement peut dire en cette Chambre aujourd'hui si les Québécois et les Québécoises, qui paient maintenant 3,45 $ par pneu ou près de 14 $ pour un changement de pneus, vont payer pour les pneus qui proviennent des États-Unis et de l'extérieur du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, le droit environnemental dont il s'agit vise dans un premier temps à faire en sorte que chacun des pneus qui est apporté chez un garagiste et qui est considéré comme étant hors d'usage soit récupéré, transporté à un endroit et distribué à travers les gens qui peuvent en disposer soit en les valorisant, dans une cimenterie par exemple, ou encore en les transformant, par exemple à Royal Mat, à Beauceville. Ça, c'est le but premier de l'opération. Le deuxième, c'est d'amasser des fonds qui permettront également de payer et de faire en sorte qu'à travers tout le Québec ces entrepôts qui contiennent jusqu'à plusieurs millions de pneus soient fermés, d'une part, puis, d'autre part, soient graduellement vidés de leur contenu au fur et à mesure que le marché sera en mesure de le récupérer.

M. le Président, dès que le projet de règlement va être publié, dans les prochaines semaines, un règlement qui va interdire d'accumuler des pneus dans un endroit quelconque, sauf pour les fins de les envoyer dans des endroits pour en disposer, il n'y aura plus possibilité d'importer des pneus, il n'y aura plus possibilité d'accumuler des pneus. On devra en disposer au fur et à mesure. Donc, on aura réglé le problème environnemental de manière très satisfaisante, M. le Président.

M. Whissell: En additionnelle.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.


M. David Whissell

M. Whissell: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire, en vertu des accords commerciaux que nous avons avec nos voisins, comment il entend contrôler et empêcher l'entrée de pneus de l'extérieur du Québec?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Il y aura, M. le Président, un règlement qui déterminera que les seuls endroits où des pneus peuvent être apportés, c'est, mettons, deux ou trois endroits spécifiques, et, à ce moment-là, on sera en mesure de vérifier si les pneus sont des pneus qui ont été recueillis au Québec, pour lesquels il y a un paiement, et, s'ils ne le sont pas, il n'y aura aucun paiement. Et, à ce moment-là, l'intérêt de les apporter ici va disparaître, puisque c'est la somme d'argent que nous donnons à ceux qui en disposent qui intéresse ces gens qui viennent de l'extérieur.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Construction d'un musée d'histoire des boissons alcooliques


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, en principale, M. le Président. Ma question s'adresse à notre grand vizir, celui-là même qui a inventé le concept...

Des voix: ...

Le Président: Alors, je voudrais rappeler, puisque l'occasion m'en est donnée, une disposition de l'article 35 de notre règlement que plusieurs à l'occasion enfreignent parce qu'ils ignorent ou ne se rappellent pas qu'il est interdit à l'Assemblée de se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit. Bien sûr que les mots, les uns les autres les reçoivent différemment, mais je crois qu'on éviterait beaucoup de problèmes à l'Assemblée si on évitait de qualifier la personne à qui on s'adresse et qu'on s'adressait à sa fonction.

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, tout à l'heure j'ai pris acte, avec la question du député de Hull, que vous avez considéré comme parlementaire le terme «niaiserie». Donc, on peut qualifier le comportement du député de Westmount–Saint-Louis de niaiserie.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, votre question.

M. Chagnon: M. le Président, j'imagine que le terme que j'ai utilisé n'est pas vexatoire, puisqu'il était en page titre de L'actualité il y a quelques mois.

Alors, je recommence ma question, M. le Président. Ma question s'adresse à notre grand vizir, celui-là même qui a inventé le concept de la...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, vous savez très bien qu'en cette Chambre il y a une tradition séculaire que, lorsqu'on désigne un membre de cette Chambre, on le désigne par son titre et sa fonction ou alors sa circonscription. C'est comme ça qu'on doit désigner les membres de l'Assemblée nationale. Alors, je vous demanderais de dire au député de Westmount–Saint-Louis que son comportement est de bas niveau.

Le Président: Je voudrais, M. le leader du gouvernement, vous indiquer qu'effectivement vous avez raison et que, à cet égard, j'ai rappelé – et c'est la raison pour laquelle je l'ai fait – les dispositions de l'article 35.

Alors, je vous demande, M. le député de Westmount–Saint-Louis, à vous et à tous nos collègues, mais à vous actuellement, de faire en sorte de ne pas utiliser un langage qui non seulement peut paraître blessant pour un membre de l'Assemblée, mais au-delà de ça... Si on s'en tenait à la tradition et à l'usage que vient de rappeler le leader du gouvernement, je crois que, tout le monde, on aurait finalement des débats et des échanges qui seraient à un niveau plus correct.

M. le député de Westmount–Saint-Louis, votre question, s'il vous plaît.

M. Chagnon: M. le Président, je ne cherchais évidemment pas à injurier qui que ce soit, puisqu'il s'agissait, comme je l'ai dit, du titre de L'actualité sur le sujet qu'est le ministre des Finances du Québec. Alors, je ne vois pas ce qu'il y avait d'injurieux dans ce titre.

M. le Président, je disais que le ministre des Finances, celui-là même qui a inventé le concept de la «boubourse», qui a connu un si grand succès d'estime public, particulièrement avec son nouveau calife plutôt que son ancien, le voici maintenant qui nous propose la construction d'un musée sur l'histoire de l'alcool, de 8 000 000 $, qui sera, selon lui, très rentable, plus rentable qu'un investissement du même ordre de 8 000 000 $ dans l'éducation ou dans la santé.

Nous apprenons, M. le Président, qu'en date du 22 novembre, donc lundi après-midi, la Société des alcools écrivait à ses fournisseurs pour leur indiquer: «Madame, monsieur, je désire vous informer que la décision finale sur le choix d'une firme pour la réalisation du musée des boissons alcooliques a été reportée de quelques mois.» Et c'est signé: Claude Bousquet, architecte, chargé de projet, architecte et design, copie conforme à M. Claude Roy, etc.

Est-ce que ce délai, M. le Président, ne vient pas confirmer qu'il n'y a jamais eu d'études économiques ou de rentabilité, tel que confirmé par l'ami du ministre M. Claude H. Roy, vice-président de la Société des alcools du Québec, et ce, malgré toutes les prétentions que le ministre nous a données dans cette Chambre, lui qui est incapable de déposer ces études économiques?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, comme il y a eu un petit préambule à notre échange et pour confirmer la sagesse de ce que vous avez dit, je ne considère pas comme une injure ce qu'a dit le député, je considère ça comme une niaiserie. Et celui qui profère la niaiserie s'injurie soi-même. C'est ça qu'il a fait.

(11 heures)

Deuxièmement, à cause de son comportement ce matin, je veux rectifier ce que j'ai dit hier. J'ai dit hier qu'il était le talon d'Achille de l'ancien gouvernement. J'ajoute aujourd'hui qu'il est aussi le talon d'Achille de l'opposition en termes de dignité et de décorum dans cette Chambre.

Des voix: ...

Le Président: Encore une fois, je rappelle à tout le monde les dispositions de notre règlement. Il serait assez difficile pour la présidence de commencer à apprécier à chaque fois les attaques personnelles. Je n'ai pas demandé au député de Westmount–Saint-Louis de retirer ses propos, mais je vous rappelle aux uns et aux autres qu'on ne se rend pas service, aux uns et aux autres, en portant des attaques personnelles. Ceci étant dit, M. le vice-premier ministre.

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, il faut le rappeler aux uns et aux autres, vous êtes intervenu de votre siège pour rappeler le député de Westmount–Saint-Louis à l'ordre, vous ne l'avez pas fait en ce qui concerne le ministre des Finances, le ministre des Finances qui déclarait au printemps passé en cette Chambre que jamais il n'avait insulté un membre de l'Assemblée nationale du Québec. J'espère qu'il va ravaler ses paroles aujourd'hui.

Le Président: Je voudrais simplement, M. le leader de l'opposition officielle, vous faire remarquer que, quand je me suis levé pour intervenir suite aux propos du député de Westmount–Saint-Louis... je viens de faire exactement la même chose avec le ministre des Finances. Je me suis levé et j'ai rappelé les dispositions du règlement comme je l'ai fait pour le député de Westmount–Saint-Louis. Je ne lui ai pas demandé de retirer ses propos, je n'ai pas demandé au vice-premier ministre de le faire non plus. Et, à cet égard-là, je crois que l'équité a été respectée une fois de plus. M. le vice-premier ministre, votre réponse, s'il vous plaît.

M. Landry: Bon. Alors, malgré le style douteux du député dans ses préambules, je le remercie quand même d'avoir confirmé ce que j'ai dit hier, justement. La Société des alcools du Québec étudie en profondeur un projet polyvalent et complexe qui va comporter un réaménagement du siège social, qui va comporter une boutique de vente très profitable de vins de luxe, qui va comporter une boutique très profitable de vente du produit du terroir et qui, en plus, va être une attraction touristique. Tout ça demande des études, tout ça demande des approfondissements dont...

Des voix: Bravo!

Le Président: En terminant, M. le ministre.

M. Landry: Des études en particulier. Puisqu'ils applaudissent les études, je comprends qu'ils sont éblouis parce qu'on en fait, parce qu'en 20 ans ils n'ont pas été capables de régler le problème de La Maison des Futailles, que la présente administration de la Société des alcools du Québec a réglé de façon brillante, à la satisfaction de tout le monde.

Alors, je continue ma réponse. Et, comme j'ai dit hier, ces études seront publiques et transparentes. Et, si elles ne confirment pas la rentabilité du projet, le projet n'aura pas lieu. Mais, si elles le confirment, j'espère qu'on aura droit aux applaudissements de l'opposition officielle.

Le Président: Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.

Nous en arrivons à l'étape des motions sans préavis. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, hier, je sollicitais le consentement des membres de l'Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réclame que toute modification à la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants respecte les lois et politiques du Québec en matière de protection de la jeunesse.»

Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, il y a une règle non écrite en cette Chambre qui veut que, en matière de motion sans préavis, si on veut que l'Assemblée s'en saisisse et en débatte, les deux leaders se parlent ou nos collaborateurs se parlent. Ça fait au moins une semaine que nous avons présenté à l'opposition une motion similaire sinon identique, sans réaction en retour, comme si on ne leur avait rien présenté. Puis le député de Marquette se lève maintenant, présente la motion comme s'il n'y avait pas eu de motion de notre part de présentée. Alors, quand le député de Marquette se comportera conformément à la règle non écrite qui s'applique en cette Chambre, on consentira.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Bien, on peut peut-être vérifier, là, M. le Président, si, sur le fond, le texte est identique, le but recherché est identique. C'est sur la procédure qu'il semble y avoir imbroglio. À ce moment-là, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'elle soit présentée conjointement par le député de Marquette et Mme la ministre.

Le Président: Alors, je ne sais pas, il y a une nouvelle demande, M. le leader du gouvernement, est-ce que...

M. Brassard: On en reparlera, M. le Président, la règle.

Le Président: Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres motions... Oui, une autre motion sans préavis, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je demande le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il confirme la pérennité et l'autorité de la Régie de l'énergie et qu'il mette en vigueur dès maintenant, intégralement, tous les articles sans exception de la Loi de la Régie.»

Le Président: Alors, Mme la députée de Bonaventure, il n'y a pas de consentement du côté gouvernemental. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut vérifier avec le gouvernement si le consentement n'est pas donné parce que le ministre n'a pas eu le temps d'en discuter ou de la lire complètement? Puis, je tiens à le rassurer, il s'agit d'une motion qui a déjà été adoptée par le Conseil national du Parti québécois, au texte, comme telle. Si c'est la question de délai, est-ce qu'on peut revenir demain, à ce moment-là, et qu'il y aurait consentement?

Le Président: M. le leader.

M. Brassard: M. le Président, que le leader de l'opposition nous fasse parvenir sa motion, selon la règle non écrite que j'ai rappelée tout à l'heure, on la regardera.

Le Président: M. le député de Hull, maintenant.

M. Cholette: M. le Président, je sollicite donc le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion? M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je voudrais vous demander si vous faites preuve de vigilance à l'égard de cette motion, qui est présentée par tous les députés de l'opposition l'un après l'autre, pour faire en sorte que, à partir du moment où ils auront fini de faire le tour, s'ils recommencent... Vous le savez, qu'il est interdit à un député de présenter deux fois la même motion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'on doit comprendre que, dans ce cas-ci, il y a eu préavis suffisant et que le gouvernement est d'accord pour en discuter?

M. Brassard: ...suivi des règles non écrites que j'ai mentionné tout à l'heure.

Le Président: Très bien. Et, quant à la disposition réglementaire, je ne suis pas certain que vous aviez raison, M. le leader du gouvernement. Je vais vérifier puis, éventuellement, je vous ferai part de ce que nos règles prévoient.

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller, puisqu'il n'y a pas d'avis portant sur les travaux des commissions, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Et, s'il n'y a pas d'interventions pour cette rubrique, nous allons passer aux affaires du jour. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, je voudrais aviser cette Assemblée, d'abord, que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 82...

Le Président: M. le leader...

M. Brassard: Oui.

Le Président: ...je pense qu'on ne s'est pas compris. Je pensais que vous n'aviez pas d'avis pour les travaux des commissions. Mais je comprends que vous voulez les faire, alors je vous... Ça va. Non, c'est parce qu'on l'avait déjà passée, l'étape. Ha, ha, ha! Mais c'est le matin, et nous commençons la période de la session intensive. Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Brassard: Je vous ai mal entendu. Ce sont les motions de l'opposition, M. le Président, qui me dérangent.

Alors donc, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Et que la commission de la culture entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

(11 h 10)

Que la commission de l'éducation poursuivra la consultation générale sur la place de la religion à l'école, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Et que la commission de l'économie et du travail entreprendra l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 76, Loi modifiant la Loi sur l'efficacité énergétique d'appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures, et projet de loi n° 78, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Affaires du jour

Le Président: Bien. Puisque nous avons déjà passé la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, aux affaires du jour, je vous réfère à l'article 7 du feuilleton.


Projet de loi n° 84


Adoption du principe

Le Président: En rapport avec cet article de notre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la Société des loteries du Québec. M. le leader.

M. Brassard: Oui, M. le Président, le ministre parrain arrive à l'instant.

Le Président: Alors, puisqu'il est arrivé, je lui cède la parole. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, il s'agit de modifier la Loi sur la Société des loteries du Québec et essentiellement interdire à l'exploitant d'un commerce la vente de billets de loterie de Loto-Québec aux personnes de moins de 18 ans.

Et le projet comprend aussi des dispositions de nature pénale, évidemment, parce qu'il n'y a pas de loi s'il n'y a pas de peine, il n'y a pas de peine s'il n'y a pas de loi. Et ces pénalités pourront être appliquées par une municipalité locale.

Pourquoi est-ce qu'on agit d'abord dans des domaines analogues et connexes? On a déjà commencé à le faire et, même dans ce domaine, la politique de Loto-Québec était de ne pas favoriser de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, la vente de billets de loterie aux jeunes.

Ce phénomène des loteries et des jeux en général, d'ailleurs, est l'objet de beaucoup d'études dans notre continent en particulier, mais dans le monde entier – ça fait très longtemps qu'il y a des casinos et ce n'est pas l'Amérique même qui a donné le ton à l'origine, c'est plutôt l'Europe – et, à cause de facteurs qui tiennent profondément à la nature humaine, les gens aiment jouer. Je ne veux pas dire que les Québécois et les Québécoises ont moins la nature humaine que d'autres, mais jusqu'à maintenant ils jouent un peu moins, même beaucoup moins que le reste du continent et beaucoup moins que le reste du Canada. Mais nos concitoyens participent de la culture continentale tout en ayant leur propre culture. Le Québec est probablement l'endroit le plus européen de l'Amérique du Nord, mais il est nord-américain.

Donc, ça joue, et ça joue dans toutes les couches d'âge. Parce qu'évidemment les enfants et les jeunes, ce n'est pas les discours des parents qu'ils écoutent, ils suivent l'exemple des parents. La pédagogie la plus puissante et la plus forte, ce n'est pas les abjurations qu'on peut faire à un jeune de faire ceci ou cela, ils nous regardent et ont tendance à faire ce qu'on fait. Alors, ils font comme leurs parents: leurs parents aiment le jeu, les jeunes aiment le jeu aussi.

Des études démontrent qu'au Québec le pourcentage des joueurs à problèmes – car il y en a – atteint jusqu'à 2,1 % chez la population adulte en général et de 4 % à 8 % selon les strates d'âges chez les jeunes de moins de 18 ans. Ça veut dire que les parents développent des problèmes dans une proportion de 2,1 %, le mimétisme fait que les jeunes en développent dans une proportion de 4 % à 8 %.

Comme je l'ai dit, des mesures administratives ont été prises par Loto-Québec pour inciter ses détaillants à ne pas vendre ses billets aux jeunes et aux personnes mineures. Mais, dans un contexte de 12 000 points de vente – car c'est 12 000 points de vente que possède le réseau de Loto-Québec – ces mesures ne peuvent être efficaces. Alors, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est que notre Assemblée nationale envoie un message clair à la société. Face à la problématique de l'engouement des jeunes pour les jeux de hasard et d'argent, la société québécoise dit, par la voie de son Assemblée nationale: Au Québec, on ne vend pas de billets de loterie aux personnes de moins de 18 ans. D'où la nécessité du projet de loi soumis.

Ce projet de loi est en fait, je l'ai dit, une mesure complémentaire aux mesures réglementaires actuelles qui interdisent aux personnes mineures l'accès aux casinos, aux appareils de loterie vidéo et aux jeux de bingo. C'est déjà fait. L'interdiction de vendre des billets de loterie à des jeunes s'avère nécessaire pour assurer aussi une cohérence face au traitement et à l'interdiction de l'offre de jeux de hasard et d'argent aux moins de 18 ans. Si on le fait dans un secteur, on a l'obligation de cohérence de le faire dans l'autre.

Ce projet de loi a des limites, je le sais très bien. Il ne peut régler à lui seul le problème. Combiné aux mesures de prévention du jeu pathologique que j'aurai ultérieurement l'occasion d'évoquer – car Loto-Québec fait des efforts considérables et proportionnellement plus que probablement n'importe quelle agence de jeux au monde pour combattre le jeu pathologique, et j'aurai l'occasion d'en reparler – notamment aux programmes d'information et d'éducation dans les écoles, ce projet de loi permettra de mieux protéger et d'aider nos jeunes.

En adoptant ce projet de loi, le Québec, à la suite de l'Ontario, où on joue beaucoup plus qu'au Québec, et l'État de New York, deviendrait la troisième juridiction en Amérique du Nord à se doter d'une loi interdisant la vente de produits de loterie aux personnes mineures. J'imagine que, dans l'État de New York, le jeu, comme en Ontario d'ailleurs, doit atteindre des proportions beaucoup plus élevées qu'au Québec, mais ça illustre, de toute façon, que le Québec n'est pas en retard dans les gestes à poser.

Comme l'opposition s'est prononcée à plusieurs reprises en dehors de la Chambre, j'imagine que maintenant, à l'intérieur de cette Chambre, l'opposition appuiera fortement le projet de loi dont je propose l'adoption de principe aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances et vice-premier ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Oui, je voudrais faire quelques commentaires sur la loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la Société des loteries du Québec, Bill 84, An Act to amend the Act respecting the Société des loteries du Québec.

M. le Président, effectivement, l'opposition officielle a réclamé ce geste et, comme je l'ai déjà mentionné et je vais mentionner plus tard dans mon intervention, nous allons offrir toute notre coopération au gouvernement pour assurer que ça passe avant Noël. Mais le pas que nous sommes en train de prendre aujourd'hui, M. le Président, c'est un pas dans la bonne direction, j'ai déjà dit ça, mais c'est un petit pas, et, selon moi, peut-être que c'est trop timide.

Pendant la commission parlementaire – et je suis content que nous allons avoir la chance de discuter de cette question avec le vice-premier ministre, le ministre des Finances – je vais suggérer des amendements pour bonifier ce projet de loi, parce que le problème est grave, comme le ministre l'a déjà mentionné. C'est dommage qu'il n'ait pas déjà dit ça au ministre délégué de la Santé et des Services sociaux quand il a dit: Une loi sans peine, ce n'est pas une loi. C'est exactement ça que le ministre des Services sociaux a fait avec la Loi sur le tabac.

Je mentionne la Loi sur le tabac parce que les conséquences qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 84 sont exactement parallèles, similaires à celles que vous pouvez trouver dans la Loi sur le tabac. Avec ça, M. le Président, le comportement de ce gouvernement de passer une loi et de vider les sanctions dans les questions du tabac est vraiment questionnable. Je suis heureux d'entendre le ministre aujourd'hui confirmer que ce n'est pas son intention dans le projet de loi n° 84.

Mais le ministre essaie de nous convaincre que c'est un message clair qu'on passe aujourd'hui. J'espère que ça va être un message clair, mais je pense qu'on doit clarifier ça. On doit être direct et plus clair sur ce que, nous, on veut faire, parce qu'il y a un problème de jeux de hasard au Québec. De prétendre qu'il n'y a pas de problème ici, au Québec, d'essayer de dire que c'est plus grave à New York ou en Ontario, ce n'est pas correct, M. le Président, ce n'est pas la bonne façon d'approcher la question. Il y a un problème. Laissez-moi expliquer un peu ce problème, M. le Président.

(11 h 20)

Mais, avant ça, je voudrais dire un grand merci et félicitations à deux chercheurs avec lesquels j'ai eu la chance de travailler pour faire avancer cette cause. C'est Dr Jeffrey Derevensky, professeur à l'Université McGill, et aussi Dr Rina Gupta, qui ont rencontré le chef de l'opposition, M. Charest, dans ce dossier. Et nous avons travaillé ensemble pour faire avancer la cause pour l'interdiction de la vente de billets de loterie aux mineurs. Je voudrais féliciter ces deux chercheurs. Il y en a eu plusieurs autres déjà impliqués dans le dossier, mais c'est eux qui ont eu le courage et la créativité et la ténacité de faire avancer le dossier et d'approcher l'opposition officielle pour s'assurer que le dossier avance. Parce que, malheureusement, les bonnes paroles du ministre des Finances aujourd'hui... Il a eu cette demande il y a plus de deux ans, en 1997, M. le Président, par Loto-Québec même. Je vais parler de ça un peu plus tard, mais Loto-Québec a même demandé cette interdiction il y a deux ans. Pourquoi ça a pris deux ans pour avoir ce geste qu'on trouve aujourd'hui?

Mr. Speaker, let me just congratulate two researchers from McGill University Department of Education and Counselling Psychology, Dr. Jeffrey Derevensky and Dr. Rina Gupta, who came to us with a research – and I'll talk about the research – came to us with the problem of youth gambling and gave us the energy and supported us to make sure we convince this Government that it had to move forward and prohibit the sale of lottery tickets to minors. I've written to the Minister of Finance, and we offered a full cooperation. Mr. Speaker, our chief, Jean Charest, offered his full cooperation to make sure that we pass this law before December. I still have some grave concerns that it doesn't go far enough.

M. le Président, l'opposition officielle aussi a lancé toute une vaste campagne, des pétitions et des résolutions pour convaincre le gouvernement que c'est le temps d'agir. Malgré qu'ils aient eu la demande il y a plus de deux ans, ils n'ont pas agi assez vite, selon nous. M. le Président, pourquoi ils n'ont pas agi plus vite que ça? Il me semble que plus j'apprends les problèmes dans ce dossier, plus on voit qu'il y a des personnes «addict» aux jeux de hasard, il y a des groupes «addict» aux revenus de ça aussi. Les gouvernements – je dis «les gouvernements», pas juste ce gouvernement – sont «addict». Et, de plus en plus, M. le Président je commence à croire que la société est «addict» au gambling, aux jeux de hasard.

M. le Président, Loto-Québec a 30 ans cette année. Juste l'année passée, les Québécois, Québécoises, nous avons dépensé 3 100 000 000 $ dans toutes les questions de jeux de hasard, de gambling. Le gouvernement du Québec a reçu 1 400 000 000 $ de revenus – 1 400 000 000 $ chaque année – l'année passée. Depuis la création de Loto-Québec, nous avons dépensé presque 23 000 000 000 $. C'est beaucoup d'argent, M. le Président. Et Loto-Québec a envoyé dans les coffres québécois, au Revenu, plus de 10 000 000 000 $. M. le Président, c'est beaucoup d'argent. Il y a trois casinos. Loto-Québec supervise 168 bingos. Il y a, comme le ministre l'a déjà mentionné, presque 12 000 points de vente. Il y a 15 000, ou plus, machines à sous dans plus de 4 200 établissements.

Mr. Speaker, this is a phenomenon that is growing in our society. People are addicted to gambling; groups are becoming addicted to the revenues of gambling; governments are addicted to gambling, and I think our society is addicted to gambling. Our Government receives over 3 300 000 $ a day – 3 300 000 $ a day! – a figure that Sol Boxenbaum, who is in charge of Viva Consulting, that deals with gambling problems, brought to me. And it's a figure that hit you right in the face: 3 300 000 $ a day comes into Québec Revenue, a lot of money, Mr. Speaker. And that is why this has been an issue that's been hard to move. But today, we are making a step.

Mais, M. le Président, j'ai mentionné les noms du Dr Derevensky et du Dr Gupta, laissez-moi citer un peu leurs recherches. Ils ont dit que, plus spécifiquement, on estime qu'entre 4 et 8 % des adolescents souffrent d'un grave problème de dépendance au jeu et que, chez un autre 10 à 14 %, le problème risque de prendre de l'ampleur.

Nos plus récentes données concernant les étudiants au Québec indiquent que, tandis que 55 % des adolescents jouent à l'occasion ou peuvent se divertir, 13 % d'entre eux manifestent certains problèmes et 4 % à 6 % souffrent d'un grave problème de dépendance au jeu – 4 % à 6 %, selon leurs chiffres, M. le Président. Ils ont aussi trouvé, ils ont démontré que la plupart des joueurs pathologiques ou à problème ont commencé à jouer avant l'âge de 10 ans. Les billets de loterie et les jeux de cartes à l'argent sont les deux formes de jeu les plus populaires parmi les groupes d'âge plus jeunes qui comptent environ 50 % d'enfants et d'adolescents engagés dans de telles activités. C'est des chiffres assez importants, M. le Président.

Le problème de dépendance – l'étude continue – au jeu pendant l'adolescence est habituellement accompagné de conséquences psychologiques, sociologiques et économiques. Il a été démontré que le jeu pathologique se traduit par une augmentation de la délinquance et de la criminalité, des comportements antisociaux, la rupture des relations et affecte négativement le rendement scolaire et l'activité au travail. M. le Président, il me semble que c'est un message assez clair.

48 % of young people have pathological problems with gambling. More youths are involved in gambling activities on a regular basis than any other addictive behaviors. Gambling patterns are often established in elementary schools. So, it's now time to move, Mr. Speaker.

M. le Président, j'ai déjà vu que le gouvernement aime les loteries, les casinos. Premier likes the odds. I think it is a model. When we think about Loto-Québec, we think about the success of Québec. M. le Président, oui, effectivement, il y a beaucoup d'argent qui rentre au gouvernement du Québec, mais on doit questionner à quel prix et jusqu'à quel niveau nous allons accepter les problèmes sociaux.

M. le Président, j'ai demandé une question au ministre: Combien de jeunes sont touchés par ça? C'est une question à laquelle j'ai eu une réponse. Et je demande: Est-ce que le gouvernement prend le dossier vraiment au sérieux? J'ai demandé combien de jeunes ont reçu des gains de Loto, il a dit que: Moins de 500 $, c'est les détaillants qui donnent l'argent; entre 500 $ et 5 000 $, c'est la Banque Nationale, et ils n'ont pas la comptabilisation de ces chiffres; et, plus que 5 000 $, il y en a juste trois cette année.

M. le Président, avec une réponse comme ça à un problème sérieux comme ça, je demande: Est-ce que le gouvernement est vraiment sérieux dans cette question? J'espère qu'ensemble... parce que, certainement, l'opposition qui a demandé ce geste va appuyer le projet, mais nous allons essayer de bonifier ça aussi. Et est-ce que le gouvernement est sérieux quand on peut voir qu'il a une série de jeux: Mini loto, la Quotidienne, loteries instantanées haut de gamme, Banco, Mise-O-Jeu, Extra, la Poule aux oeufs d'or, Super 7, etc.? Et vous pouvez trouver toutes ces informations, M. le Président, au site Web de Loto. Juste pour mentionner la Lotto 6/49, la vente, c'est 467 000 000 $, M. le Président. C'est beaucoup d'argent qu'on dépense dans ça. Et, pour un jeune, il y a un risque beaucoup plus élevé.

And one of the things I've learned, Mr. Speaker, since I launched this campaign to try to bring out forward the law to prohibit the sale of lottery tickets to minors, is that there is a serious problem in our community. There are problems, and many, many people can deal with this issue correctly, but there is at least double, if not three times, the possibility of a young person having problems with gambling addiction than it is for an adult. It seems to me that we should stop it early.

(11 h 30)

Mr. Speaker, there are many, many of the products that are aimed at younger people. Is there a big difference between an attitude of an 18-year-old, a 16-year-old, a 20-year-old? But it is... We have to question about all these strategies. When we look at Pari sportif, which is something that is very, very exciting... I went to pick up this. I don't know if you play these things, Mr. Speaker, but I certainly don't.

Les jeunes trouvent ça tellement intéressant, les paris sportifs. Franchement, M. le Président, j'ai visité mon dépanneur et j'ai pris tous les... et c'est juste comment je peux gager, là. Et ce n'est pas tous les billets de loterie, non plus. Quand j'ai lancé la campagne pour ce projet de loi, j'ai acheté un exemplaire de toutes les loteries juste pour montrer le vaste, vaste choix. Il me semble que, de prendre les gestes aujourd'hui, c'est effectivement un pas, mais on doit aller plus loin que ça. Et je vais questionner le ministre en commission parlementaire: Est-ce qu'il est vraiment sérieux?

Québec est en retard. M. le Président, je n'accepte pas que le ministre des Finances ait dit que nous ne sommes pas en retard. Nous sommes la seule province qui n'a pas une loi, une politique sévère d'interdiction de vente aux mineurs. C'est quelque chose! Nous sommes derniers, M. le Président. Il y a six provinces qui ont déjà eu une loi. Et je vais discuter des lois dans les autres provinces un peu plus tard, M. le Président, parce qu'on peut apprendre par leurs gestes. Avec ça, M. le Président, nous sommes en arrière.

Et de dire que le gouvernement essaie de travailler sur les questions d'«addiction» et les problèmes pathologiques, oui, on fait un peu, mais pas assez. Il y a des recherches subventionnées par Loto-Québec. J'ai cité deux chercheurs déjà. Et une partie de leurs recherches est subventionnée par Loto-Québec. Il y a aussi Robert Ladouceur, de l'Université Laval. Il me semble qu'il y a de plus en plus d'information importante pour nous, mais je pense qu'on doit aller beaucoup plus loin.

M. le Président, nous avons ici, au Québec, une loi qui interdit la vente de tabac aux mineurs. Je sais que ça a été vidé par ce gouvernement, mais, au moins, nous avons la loi. Nous avons une loi qui interdit la vente d'alcool aux mineurs. Et, avec la loi aujourd'hui, M. le Président, nous allons avoir une loi qui utilise les mêmes règles pour interdire la vente aux mineurs de billets de loterie. Avec ça, je vois mal que ça cause plus un problème pour les magasins, il y a déjà une obligation de vérifier l'âge quand ils vendent aux mineurs... J'espère qu'ils ne vendent pas aux mineurs! Effectivement, M. le Président, il y a un problème de «non-compliance» à nos lois. Mais, s'ils pensent que quelqu'un est un mineur, il y a déjà un système de vérification.

Mais, comme le vice-premier ministre l'a déjà mentionné, il y a de plus en plus d'études. Il y a des études aux États-Unis, National Gambling Impact Study , that talked about the serious issues of gambling, the need for future research, the need for more regulation in gambling. Also, they have suggested clear rules for prohibition of youth gambling. They brought up the issue of Internet gambling, Mr. Speaker. So, the United States is dealing with this.

Et aussi, M. le Président, j'ai reçu une copie, du Comité permanent de lutte à la toxicomanie, d'un document que notre comité québécois a déjà étudiée, la question des jeux de hasard, le problème des jeunes. M. le Président, c'est assez clair que, selon eux, il n'y a pas assez de ressources. Il y a un problème, chez nos jeunes, de jeux de hasard, et on doit faire beaucoup plus pour eux. M. le Président, ils mentionnent aussi qu'il y a une tendance beaucoup plus élevée chez nos jeunes d'avoir des problèmes pathologiques. Ils ont dit aussi que c'est plus élevé chez les jeunes garçons. Ils ont parlé aussi que les jeunes aiment beaucoup les vidéoloteries, les machines à sous et les paris sportifs.

Effectivement, M. le Président, nous avons des lois contre la vidéo loterie, mais vous savez que, si ce n'est pas une loi vraiment surveillée et respectée, les jeunes peuvent avoir accès à ça. Les jeunes dépensent des sommes de 20 $ à 50 $ en deux ou trois jours, selon cette étude, M. le Président. Et aussi, vous savez que ça peut encourager les jeunes à tomber dans des comportements questionnables. Ils peuvent emprunter de l'argent des «shylocks» et ils peuvent avoir d'autres problèmes.

Le Comité a tellement souligné la question du manque de ressources... elle est encore flagrante pour les jeunes. Ça fait deux ans, M. le Président, que le Comité a recommandé ça. Ils ont parlé de plus de programmes d'intervention, plus de recherche. Et les programmes de formation. C'est assez important, les programmes de formation. C'est bon de passer une loi et dire: Maintenant, notre devoir est fait, notre responsabilité est faite. Il doit former le monde, et on doit former les parents, mais on doit former ceux et celles qui vendent des billets de loterie. Ils doivent comprendre, c'est quoi, le problème. Et nous avons besoin que ça soit particulièrement ciblé pour les jeunes, mais aussi pour les jeunes parents. Les lignes téléphoniques sont très utiles, M. le Président, mais on doit, je pense, faire connaître les lignes téléphoniques un peu plus et on doit s'assurer que tout le monde a accès à ces programmes d'aide s'ils ont des problèmes.

Mais aussi, M. le Président, je vais utiliser ce temps en commission parlementaire pour questionner: Est-ce que nous sommes sérieux sur cette question? Avec toute la publicité qu'on voit, qui vient de Loto-Québec, elle est omniprésente. On peut voir, dans nos cahiers de l'école, une représentation de toutes... pas toutes les instances, mais les instances de la Loto. Est-ce que nous sommes en train de vraiment bien former les jeunes, ou est-ce que nous sommes en train de recruter des nouveaux joueurs? Il me semble qu'on doit vraiment questionner notre comportement. Tout le monde. Je ne veux pas dire que c'est la faute d'un parti ou l'autre. Mais, si on ne bouge pas, si on ne prend pas nos responsabilités, à ce moment-là on pourra dire qu'il y a une personne responsable.

M. le Président, National Council Welfare also recommended that there should be work for youth to prohibit sale of lottery tickets. They talked about outright ban of video lottery terminals into places except for casinos or casino-like settings.

Mr. Speaker, the gambling in Canada, there was a study done by the Canada West Foundation, that talked about... The title is: Gambling in Canada: Triumph, Tragedy or Trade-off? ... where gambling revenues are increasingly important to Canada's non-profit sectors.

M. le Président, de plus en plus, les groupes communautaires profitent des bingos et des choses qui viennent des jeux de hasard. Avec ça, on commence à questionner ce rôle aussi. Il y a eu un rapport déposé par le Public Policy Division, Focus on the Family , et, dans ce rapport, ils ont aussi dit: «Gambling poses a double threat to America's youth». C'est une double menace pour nos jeunes. Ils sont victimisés dans leur famille et ils sont plus susceptibles d'avoir des problèmes avec les jeux de hasard.

M. le Président, je ne cite pas tous les chiffres de cette étude américaine, parce que nous avons des chercheurs québécois qui ont vraiment démontré qu'il y a un problème qui est au moins deux fois plus grave pour les jeunes que pour les adultes.

Mr. Speaker, since I started this campaign, I have met with many people that are deeply and passionately involved in the issues of gambling, and it touches many levels. Today, we are talking about the prohibition of sale of lottery tickets to minors, but we've learned that gambling issues and gambling problems go much farther. I already mentioned Dr. Derevensky and Dr. Gupta, but I'd also like to highlight that Phyllis Vineberg has become a friend of mine, and she has lead a campaign to deal with the problem of the video lottery terminals. That touched her personally and she is leading a campaign in which she's going to help all of us understand that we have to go farther, we have to question just how much gambling we are prepared to accept.

And I think that people like her, people like her that have a deep and personnel commitment, because of her son... a tragic death... Because of her, we'll be able to understand these kinds of issues a lot better. I congratulate people like Phyllis Vineberg, who has taken up this cause and, I think, who will help us understand this issue much better.

(11 h 40)

M. le Président, il y a beaucoup de choses dans cette question. Et ce n'est pas juste un simple projet de loi qui va interdire, à partir du 1er février de l'an 2000, la vente des billets de loterie aux mineurs. Je pense que c'est la première fois ici, à l'Assemblée nationale, qu'on peut commencer à avoir un débat sur les enjeux du gambling, les enjeux des jeux de hasard. Et il me semble qu'avec les chiffres que j'ai cités, qu'il y a plus de 80 % des Québécois et Québécoises qui ont joué, tout le monde est un peu au courant de ce problème. Et de plus en plus on voit qu'il y a un problème dans notre société. Et, je pense, d'être responsable... Nous sommes privilégiés d'être ici, dans cette Chambre, et on doit utiliser cet endroit pour faire le débat sur cet enjeu, M. le Président.

Pour les jeunes, j'ai déjà mentionné que 80 % des adolescents et des adolescentes ont participé à des jeux de hasard et d'argent lors des derniers 12 mois. 35,1 % de ces jeunes ont rapporté jouer à ces jeux au moins une fois par semaine. M. le Président, c'est des chiffres assez importants. J'ai déjà mentionné qu'entre 4 % et 8 % des enfants ont un problème. Je pense que c'est le temps d'agir. Loto-Québec a demandé cette prohibition il y a deux ans, mais enfin nous sommes en train d'agir.

Mais, M. le Président, il y a déjà beaucoup de programmes. Et je voulais juste souligner ça parce que, si la population est plus au courant, peut-être qu'on peut bonifier ces programmes et qu'on peut améliorer qu'est-ce que nous sommes en train de faire pour nos jeunes.

M. le Président, il y a un programme dans nos écoles: Moi, je passe, qui est subventionné par le ministère de l'Éducation, Loto-Québec et les groupes jeunesse, et ça va être bientôt distribué à, je pense, 3 200 de nos écoles. Déjà, on commence à passer le message que c'est un problème si grave qu'on doit faire un programme dans le niveau primaire, 3, 4 et 5, et pour Secondaire I, II et III. Déjà, il y a un problème assez grave que le gouvernement décide qu'on doit faire cette éducation. Avec ça, M. le Président, je n'accepte pas que c'est un petit projet de loi, c'est une loi assez importante, mais, dans mon opinion, ça ne va pas assez loin.

M. le Président, quand on voit qu'il y a de plus en plus de machines, sans personne – c'est comme les vieilles machines où tu peux acheter un paquet de cigarettes... Les jeunes, n'importe qui peut acheter un billet de loterie. On doit questionner ça. Si nous sommes en train de passer une loi qui va interdire la vente des billets de loterie aux mineurs, on doit savoir comment nous allons contrôler ces machines-là.

Est-ce que, comme le ministre l'a déjà mentionné, une loi sans peines n'est pas une loi? M. le Président, ils ont utilisé exactement les mêmes amendes, entre 300 $ et 6 000 $, pour un cas de récidive. Comme nous avons vu il y a deux semaines passées, le niveau de «non-compliance» de nos détaillants est très, très élevé pour le tabac. Est-ce qu'on doit aller dans la formule de New York, comme exemple, ou de la Grande-Bretagne, quand ils ont... Après une amende, à New York, ils perdent leur permis de vente pour trois mois; s'il y a une troisième infraction, ils perdent leur permis complètement. Le ministre a parlé de l'exercice de New York. Je pense qu'on doit discuter de cette question: Est-ce qu'on doit aller plus loin, M. le Président?

La surveillance. Comment nous allons nous assurer qu'il y a une «compliance», M. le Président, un respect de nos lois? Je voudrais entendre le ministre sur cette question pendant la commission parlementaire, parce qu'il me semble que nous sommes – comme on dit en anglais, «the tip of the iceberg» – en train de discuter d'une problématique de notre société. Aujourd'hui, on discute une petite partie de ça, mais la question est beaucoup, beaucoup plus vaste, plus large que ça.

Et aussi, M. le Président, effectivement, dans le projet de loi – on ne commence pas l'article par article de ce projet de loi – c'est assez clair que c'est interdit pour un exploitant d'un commerce, un propriétaire, de vendre un billet aux mineurs. C'est assez clair. Je ne mets pas ça en doute, M. le Président. Mais ce n'est pas du tout clair, ce n'est pas clair pantoute, M. le Président, si Loto-Québec peut donner un gain. Si un jeune est gagnant, est-ce qu'il peut donner les gains à ce mineur? Parce que, sans ça, il me semble que c'est comme l'exemple: vous avez un pneu avec deux trous, vous remplissez et vous fermez un trou, mais il y a un autre trou et l'air continue de circuler. Il me semble qu'on va vraiment, vraiment questionner: Est-ce que le projet de loi va assez loin?

M. le Président, quand même, comme je l'ai mentionné, c'est un pas dans la bonne direction. As I said, Mr. Speaker, this is a step in the right direction. But what I learned from people like Dr. Derevensky and Dr. Gupta and people like Phyllis Vineberg and other people, Sol Boxenbaum, the people that I've been working with in the last few months on this project, what I've learned about this problem is that it's a growing problem in our society. It's a growing problem for young people, it's a growing problem for adults, too. And I think what we can do is seize this opportunity, embrace this opportunity and start to think about this issue. We have not had a debate at the National Assembly on this issue for many, many years. Today is an opportunity to begin to discuss this. I hope that during the parliamentary commission, Mr. Speaker, we'll be able to go even farther and begin to understand just how far this problem goes in our society, just how deep it goes. Because I'm deeply concerned that we were quietly backing into a general societal addiction to gambling.

M. le Président, j'ai parlé avec plusieurs travailleurs sociaux. Ils ont donné un exemple de ceux et celles qui n'ont pas d'emploi. Ils sont dans nos rues, ils demandent de l'argent à quelqu'un qui est en train de magasiner ou de passer sur le trottoir. Ils prennent l'argent et souvent ils entrent et achètent un billet de loterie. Est-ce que c'est ça qu'on veut faire, M. le Président? Je ne veux pas dire que c'est comme ça partout, mais il me semble qu'on doit profiter de cette opportunité et vraiment étudier les questions de l'impact de ce phénomène dans notre société.

Je sais qu'ici, au Québec, 3 300 000 $ par jour entrent dans les coffres québécois. Et je sais que beaucoup de notre population aime jouer. Mais on doit étudier c'est quoi, l'impact social, c'est quoi, les coûts de plus de surveillance, c'est quoi, le coût de plus de services policiers. J'ai vu récemment, M. le Président, beaucoup d'articles et de programmes de télévision sur les magasins d'argent, «pawn shops», parce que de plus en plus nous avons ça, parce qu'il y a un problème dans notre société.

M. le Président, en terminant, je voudrais dire que, comme je l'ai déjà dit, c'est à cause de ceux et celles qui croient dans ce projet, qui ont aidé l'opposition à pousser le gouvernement... je suis content, content qu'enfin le vice-premier ministre, le ministre des Finances arrive avec un projet de loi. Il y a un problème dans notre société. Dans les autres provinces, ils sont en train de bouger sur cette question. C'est le temps, au Québec, de bouger. Oui, il y a un projet de loi qui interdit la vente de billets de loterie aux mineurs, mais est-ce que c'est assez clair? est-ce qu'il y a assez de surveillance? et est-ce qu'il y assez d'amendes pour ceux et celles qui ne respectent pas l'intention des législateurs?

Et, comme je l'ai déjà mentionné, l'opposition officielle a déjà donné une lettre au ministre qui lui offre notre pleine coopération. Pleine coopération, oui, mais, M. le Président, nous allons essayer de bonifier ce projet de loi, because, Mr. Speaker, this is not just a «projet de loi», a bill that is passed in a vacuum, there is a serious problem, young people becoming addicted to gambling. And this is one area that we can make progress in immediately. And I think we should understand that there is a serious problem in gambling in our society, that we have all become part of that issue. With the level of Quebeckers that are gambling, that I have already mentioned in my intervention today, it is a large, large sector of our society. 3 100 000 000 $, last year, in lotteries, bingos, horse racing, etc., Mr. Speaker. 3 100 000 000 $ it is a lot of money. 1 400 000 000 $ comes back to the Revenue of Québec. So, I understand that this is an important issue. But, together today, we are going to make a gesture saying... For young people, we are going to make a very, very clear message, it is that we are going to state that you cannot sell lottery tickets to minors.

(11 h 50)

M. le Président, je suis d'accord avec le ministre quand il dit qu'une loi ne peut pas arrêter tous les problèmes dans cette question, tous les problèmes pathologiques. J'accepte ça. Et je n'ai jamais pensé qu'une loi va changer tout le comportement de tout le monde, mais il se passe le message qu'ici, au Québec, on n'acceptera plus qu'on vende aux mineurs. On n'acceptera plus qu'on vende du tabac aux mineurs, aussi. Et j'espère que le gouvernement va agir d'une façon beaucoup plus efficace qu'il l'a fait jusqu'à maintenant sur cette question.

M. le Président, j'espère aussi que, pendant le débat sur ce projet de loi, je vais avoir plus de réponses. Quel montant d'argent est-ce que le gouvernement du Québec va investir pour aider ceux et celles qui ont des problèmes avec les jeux de hasard et d'argent? Est-ce qu'on peut fixer un montant chaque année, ou un pourcentage? Quel montant est-ce qu'ils vont donner pour la recherche? Parce que les recherches que nous avons eues, ça a été très utile pour nous jusqu'à maintenant pour comprendre le problème, mais nous sommes juste au début de l'analyse de ce problème. Et j'ai peur que, si nous ne sommes pas assez vigilants, si nous ne sommes pas assez agressifs sur cette question, nous allons continuer de créer un problème que personne ne veut avoir. Et, comme vous le savez, M. le Président, c'est beaucoup plus facile de corriger le problème avant que ça commence qu'après.

M. le Président, on doit aussi s'assurer qu'on ne fait pas une chose avec une main et une autre chose avec l'autre main. Comme je l'ai déjà mentionné, avec toutes les nouveaux produits de Loto-Québec qui sont ciblés pour avoir plus de joueurs, plus de ceux et celles qui vont acheter leurs produits – c'est ça qu'ils sont en train de faire – soit les cédéroms ou, comme je l'ai mentionné déjà, les machines que vous pouvez installer dans un centre d'achats, avec personne, et quelqu'un peut aller et acheter son billet de loterie... Si, à l'Assemblée nationale, on passe une loi unanime qui dit: On veut interdire la vente aux mineurs, mais que dans la même journée nous sommes en train d'installer les machines et que facilement un mineur peut acheter les billets, c'est vraiment un comportement contradictoire, M. le Président.

Et, je pense, pendant la commission parlementaire, on doit vraiment s'assurer qu'il y a assez d'argent pour l'éducation. Et, dans ce programme d'éducation que j'ai déjà mentionné, Moi, je passe, j'espère que nous allons rendre publiques toutes les évaluations. Et, si ce programme n'est pas assez efficace, j'espère que le gouvernement va avoir le courage de dire ça, d'ajuster et de changer ça. Est-ce que nous allons avoir, aussi, M. le Président, assez d'argent pour la recherche? Parce que, sans la recherche, nous n'allons jamais savoir la complexité de ce problème et d'autres problèmes d'«addiction». Est-ce que nous allons avoir assez d'engagement de ce gouvernement de donner les ressources nécessaires pour faire de la surveillance: surveillance pour toutes nos lois qui interdisent la vente aux mineurs soit d'alcool, soit de tabac et, maintenant, soit des billets de loterie? Est-ce que nous allons donner assez de formation à ceux et celles qui en demandent? Et je comprends qu'ils...

J'ai reçu un communiqué de presse. L'Association des détaillants questionne son rôle dans ce projet de loi, et ils disent que Loto-Québec n'agit pas nécessairement comme une société responsable. Ils questionnent la participation de tout le monde. J'accepte les questions, mais le message que je leur dis aujourd'hui, M. le Président, et au gouvernement: si on peut former ces personnes-là dans la problématique, le problème de la question de gambling, de jeux de hasard et d'argent, peut-être qu'ils vont mieux comprendre et ils vont être partenaires dans ce projet de loi, et ils peuvent nous aider à nous assurer qu'il y a un grand niveau de «compliance», de respect de la loi, beaucoup plus élevé que ce que nous avons vu dans la Loi sur le tabac.

Mr. Speaker, in conclusion, yes, the Opposition has asked for this. From a meeting that started – there were two researchers that had the courage and the tenacity, but also the good research – with our Head of Opposition, M. Jean Charest, we took on this cause. We pushed this Government, we launched a campaign of petitions and resolutions, and many school boards have sent in the resolutions asking for this law. There are many people that have signed the petitions. Today, I think, has to be accepted as: together, we are taking a step forward. But this is a serious problem, it's an emerging problem, it's a problem we are just beginning to understand.

And today, in The Gazette , you see that there is a serious problem of gambling in our society, Mr. Speaker. It's not with minors, but the coroner talked about 15 deaths related to gambling and addiction with VLTs, 15 deaths recently in Québec, this year alone: Dying to gamble: suicides on the rise . «Fifteen compulsive gamblers have killed themselves in 1999, the Québec coroner reports. All were men, and most had problems with video lottery terminals.» It's a very serious problem, Mr. Speaker. I see the reaction of my esteemed colleagues on the other side of the House. It is something that goes beyond political lines. We have to address this issue now. We have to address it in a real and aggressive way.

So, Mr. Speaker, the Opposition will support this law. But the Opposition and I, in a friendly manner, tell the Minister of Finance some of the recommendations that I'll be making during parliamentary commission. I would like him to consider that, in fact, not only will we prohibit the sale of lottery tickets to minors, we will prohibit minors receiving winnings from Loto-Québec. So we plug the hole on both sides. I will also ask him to consider other measures of respect of law and fines. He recommends at this point the measures that are similar to the tobacco legislation.

I understand the thinking of that, but there are models, both in the United Kingdom and in New York, that, after three chances, people who do not respect the law – a law that I hope will be unanimously supported here in the National Assembly – will loose their licenses. My understanding – and I've asked for verification on this, Mr. Speaker – is that the United Kingdom Law, not only prohibits the sale of lottery tickets to minors, but, after third offense, not only does the store – the store that does not respect the law – loose it's license, but the chain of stores also looses it. And let me tell you, Mr. Speaker, that has got compliance and respect of the law up to a 100 %, according to my information.

M. le Président, merci beaucoup pour cette opportunité de discuter de questions qu'il est assez important qu'on discute aujourd'hui. Je souhaite aussi que bientôt nous allons commencer la commission parlementaire, où nous allons avoir la chance de rencontrer quelques-uns qui ont déjà fait les recherches dans ce projet de loi, qui ont déjà fait avancer la cause pour ceux et celles qui ont le problème de gambling. Et aussi, M. le Président, j'espère qu'on pourra utiliser ce premier exercice dans plusieurs années, de clarifier, d'illuminer la question. Et peut-être qu'ensemble on peut apprendre. Et peut-être qu'ensemble, dans la prochaine session, on pourra prendre les autres gestes, les autres gestes qui peuvent protéger ceux et celles qui ont des problèmes avec les jeux de hasard et d'argent. Et peut-être ensemble, avec Loto-Québec, avec le ministre de l'Éducation, avec ceux et celles qui sont impliqués dans cette question, on pourra mieux comprendre les Québécois et on pourra prendre les gestes concrets, pas juste les beaux discours et aussi pas juste passer une loi un jour à l'Assemblée nationale, avec aucun suivi.

La chose que je vais chercher, c'est de m'assurer que nous allons avoir un suivi de ce projet de loi et que le projet de loi va avoir des dents, qu'il va être en vigueur aussitôt que possible. Et j'espère qu'on pourra avoir une analyse aussi de l'impact de ce projet de loi dans les plus brefs délais.

M. le Président, merci beaucoup. Et, comme j'ai déjà mentionné – je m'excuse, M. le leader – nous allons en principe supporter ce projet de loi, mais nous allons, en tout esprit de pleine collaboration, offrir quelques amendements pour bonifier ce projet de loi. Merci beaucoup.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants sur ce projet? Alors, il n'y a pas de réplique non plus.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la Société des loteries du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Très bien. M. le leader.


Consultations particulières

M. Brassard: Et M. le Président, je sollicite aussi le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que la commission des finances publiques procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la Société des loteries du Québec, le mercredi 1er décembre 1999, et à cette fin qu'elle entende les personnes et organismes suivants: de 11 heures à 12 heures, Jeffrey Derevensky, Rina Gupta et Robert Ladouceur; de 12 heures à 12 h 30, Viva Consulting; de 12 h 30 à 13 heures, Gamblers anonymes de Montréal; de 15 heures à 15 h 30, Association des détaillants; de 15 h 30 à 16 heures, Jocelyne Forget; de 16 heures à 16 h 30, Normand Bouchard; de 16 h 30 à 17 h 30, Loto-Québec; et de 17 h 30 à 17 h 45, remarques finales de l'opposition suivies de celles du gouvernement;

«Qu'une période de 15 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de Jeffrey Derevensky, Rina Gupta et Robert Ladouceur et de Loto-Québec soit de 20 minutes, et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé des autres personnes ou organismes soit de 10 minutes, et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 20 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Et que le ministre d'État à l'Économie et aux Finances soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Et il y a une entente avec l'opposition sur cette audience particulière, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement, donc pour déroger à l'article 88? Alors, consentement. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant à l'article 12 du feuilleton.


Projet de loi n° 94


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry: Il s'agit d'une loi assez technique, mais importante, pour mettre à jour, moderniser notre administration publique et la conserver dans le peloton de tête, au moins en matière normative et en matière réglementaire, des bonnes démocraties.

L'actuelle Loi sur l'administration financière englobe l'ensemble de la gestion des opérations administratives du gouvernement. Et il n'y a pas eu de changements majeurs depuis son entrée en vigueur, en 1970, bien que les marchés financiers et les nouvelles technologies de l'information et des communications évoluent à un rythme remarquable et rapide. Il s'avère donc essentiel de moderniser l'encadrement législatif relatif à l'administration financière pour les activités relatives à la gestion de l'encaisse et à la dette publique en particulier.

Par ailleurs, la réforme comptable a permis au gouvernement de réviser substantiellement ses conventions comptables, on le sait. Elle est déjà en vigueur et c'est elle qui gère notre présentation des finances publiques du Québec. À cet égard, je tiens à rappeler à cette Assemblée que le dernier rapport du Vérificateur général sur les états financiers consolidés publiés dans les comptes publics ne contenait aucune restriction ou observation, ce qu'on n'avait pas vu depuis très longtemps, parce que le Vérificateur général faisait d'année en année des remarques auxquelles les différents gouvernements n'avaient pas pu ou voulu donner satisfaction. C'est fait.

Ainsi, le plan budgétaire et la présentation des divers documents budgétaires ont été aussi révisés pour être sur la même base comptable, et ce, depuis le dernier budget du 9 mars dernier. Mais il faut compléter la réforme de la comptabilité administrative et gouvernementale. Il importe maintenant de réviser le cadre législatif de gestion des ressources financières.

Enfin, le nouveau cadre de gestion gouvernementale, dont l'une de ses assises juridiques se trouve dans le projet de loi n° 82 sur l'administration publique de mon collègue le président du Conseil du trésor, se réalisera pleinement avec une révision du cadre de gestion des ressources financières, soit la Loi sur l'administration financière. Les deux vont ensemble et se soutiennent l'une l'autre.

Alors, d'abord, le projet de loi sur l'administration financière. Compte tenu des modifications qui devraient être apportées à la Loi sur l'administration financière, il a été décidé de remplacer cette loi par une nouvelle loi pour en faciliter la lecture et la compréhension aux gestionnaires qui effectuent des opérations financières et aux investisseurs.

Le champ d'application, bien c'est l'univers visé par la reddition de comptes du gouvernement qui s'est considérablement élargi depuis la réforme comptable. Et le présent projet de loi collige également la liste des organismes et entreprises du gouvernement inclus dans son périmètre comptable et permet au gouvernement d'en faire la mise à jour.

En accord avec le nouveau cadre de gestion, de par la Loi sur l'administration financière, le Contrôleur des finances était responsable de l'enregistrement des transactions financières. De par la nouvelle loi, les ministères et organismes du gouvernement seront légalement responsables des contrôles financiers rattachés à leurs opérations quotidiennes. Avec ces modifications, un ministre ou un dirigeant d'organisme sera responsable des sommes d'argent perçues ou reçues par son ministère et de la comptabilisation des recettes et des créances qu'il administre, des engagements financiers qu'il signe, tout en s'assurant que le solde du crédit est suffisant pour imputer la dépense qui en découle, et du suivi de ces engagements financiers et de la comptabilisation des dépenses, des demandes de paiement et de leur conformité aux lois et règlements avant que le ministre des Finances exécute le paiement.

Dans une administration publique qui se veut moderne, le Contrôleur des finances ne pouvait plus vérifier chacune des demandes de paiement – le budget de l'État, comme on le sait, est de 40 000 000 000 $. Cependant, la Loi sur l'administration financière n'avait pas été modifiée et c'est le Contrôleur des finances qui était demeuré responsable au niveau gouvernemental. La situation sera donc corrigée et les fonctions du Contrôleur seront exécutées maintenant a posteriori. Le projet de loi n° 92 définit les fonctions du Contrôleur.

Maintenant, la gestion de l'encaisse et les paiements. Certains ajustements ont été effectués pour actualiser les dispositions législatives à la réalité des opérations financières d'aujourd'hui, soit: moderniser les modes de perception et de paiement, utiliser les produits offerts sur les marchés financiers, utiliser les communications électroniques pour la conclusion des transactions financières. La loi est également adaptée aux nouveaux termes utilisés par les marchés financiers.

Avec la décentralisation des contrôles a priori dans les ministères et organismes, le Contrôleur des finances ne sera plus en mesure d'effectuer les opérations de compensation gouvernementale. Le ministre devient donc responsable des opérations relatives à la compensation gouvernementale.

Quant aux contrats financiers, aucune disposition législative n'est actuellement prévue dans la Loi sur l'administration financière concernant l'octroi et les principes directeurs relatifs aux contrats financiers auprès des établissements financiers. Le présent projet de loi corrige la situation en donnant un pouvoir réglementaire au gouvernement pour les contrats bancaires et financiers.

Quant à la gestion de la dette publique, avec un financement axé sur la diversification, un processus d'émission efficace et favorisant des relations de confiance avec les partenaires financiers, le ministère des Finances vise une gestion dynamique du financement et de la dette du gouvernement. Cette gestion permet, entre autres, de minimiser les coûts et les risques à moyen terme. Bien que la gestion de la dette du gouvernement ait considérablement évolué, la Loi sur l'administration financière pouvait devenir contraignante par la désuétude de certains articles. Des modifications ont donc été introduites afin de racheter des titres d'emprunts émis sans être limité au capital emprunté initialement, et ce, pour bénéficier d'économies substantielles en coûts d'intérêts.

Il faut également utiliser les moyens électroniques des marchés financiers, ce que la loi nous permettra de faire de façon plus facile, et avoir accès aux nouveaux produits développés sur les marchés financiers afin de mieux gérer les risques de taux de change et d'intérêt.

La reddition de comptes du gouvernement, maintenant. Depuis la réforme de la comptabilité gouvernementale, le Contrôleur des finances doit préparer des états financiers consolidés. Pour ce faire, il doit obtenir des informations financières des organismes et des entreprises du gouvernement qui n'enregistrent pas leurs transactions financières dans le système comptable du gouvernement. Une disposition législative est donc prévue dans le présent projet de loi afin que les ministres responsables de ces entités transmettent les informations et renseignements nécessaires pour la préparation des comptes publics et divers autres rapports financiers.

Par ailleurs, dans le cadre de la préparation du budget et du suivi des besoins financiers du gouvernement, le ministère des Finances doit obtenir les budgets de fonctionnement, d'investissement et de financement et autres renseignements nécessaires concernant ces mêmes entités. Une disposition législative est donc prévue afin que les ministres responsables de ces entités transmettent ces informations et renseignements nécessaires au ministère.

(12 h 10)

Ce projet de loi remplace la Loi sur l'administration financière pour encadrer l'ensemble des opérations financières du gouvernement. Une révision s'imposait, puisqu'elle datait, cette loi, des années soixante-dix. Le chapitre I définit le champ d'application qui est conforme aux périmètres comptables du gouvernement modifiés par la réforme comptable de 1998. Les chapitres II, III et IV encadrent les opérations concernant les transactions relatives au contrôle financier relatif à l'exécution du budget de dépenses ainsi qu'à la gestion des revenus et des créances du gouvernement. Le chapitre V reconduit les articles de loi relatifs aux fonds spéciaux qui sont créés par décret du gouvernement. Le chapitre VI introduit le chapitre sur les contrats financiers. Le chapitre VII concerne la gestion de la dette publique. Le chapitre VIII reconduit les articles de loi relatifs aux régimes d'emprunts, instruments et contrats de nature financière aux organismes publics. La reddition de comptes du gouvernement est prévue dans le chapitre IX, soit les comptes publics et autres rapports financiers. Et, finalement, le dernier chapitre prévoit tous les changements de concordance qui doivent être faits dans d'autres lois.

Vous voyez, M. le Président, que c'est une loi assez technique. Nous en débattrons article par article dans nos commissions, bien entendu. Nous allons essayer de la rendre la plus perméable possible au grand public et en faire, ensuite, une publicité qui, je dois le dire, est d'ailleurs déjà commencée, parce que la plupart des gens savent qu'on a changé nos conventions comptables, la plupart des gens savent qu'on a des conventions comptables maintenant, parce que c'est les dernières produites dans le monde occidental, probablement les plus avancées. J'espère qu'on ne sera pas dépassé trop vite, qu'on n'attendra pas 20 ans pour les refaire, qu'on les maintiendra à jour. Et c'est dans cet esprit que je demande à notre Assemblée d'adopter ce projet de loi en principe.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, le ministre des Finances a bien expliqué que l'intention du gouvernement était de mettre à jour, de moderniser les comptes ou la gestion financière du gouvernement. Effectivement, M. le Président, il s'agit de mettre à jour une loi qui existait depuis 1970 et il était opportun de réviser plusieurs aspects de cette loi-là.

Qu'est-ce qui m'a frappée, moi, dans toute cette démarche du ministre des Finances, et du gouvernement du Parti québécois, dans son intention de vouloir moderniser les institutions du gouvernement au niveau du financement et de la gestion de notre gouvernement? Ce qui m'a frappée, c'est qu'on a voulu moderniser et, contrairement à toutes les attentes, au lieu d'élaguer, au lieu de nettoyer, on a épaissi considérablement les lois qui vont devoir nous régir. Je trouve, M. le Président, que c'est là une façon plutôt ancienne de regarder, et d'examiner, et de donner un rôle au gouvernement. C'est une façon ancienne parce que, de nos jours, les gens expriment le souhait de définir le gouvernement, de le rendre plus simple, plus accessible aux citoyens et plus facile à comprendre.

Cette loi, qui englobait toutes les lois que nous discutons présentement... Effectivement, la loi n° 94, la Loi sur l'administration financière, regroupe... Le ministre des Finances a parlé également de la Loi sur l'administration publique. Il y a une nouvelle loi, la loi n° 92, la Loi sur le ministère des Finances. C'est donc qu'on a transféré dans plusieurs lois ce qu'on retrouvait antérieurement dans une loi.

Ce projet de loi a l'air anodin. Il a l'air de comporter peu de choses, peu d'engagements nouveaux. Il touche essentiellement le champ d'application du gouvernement, effectivement, la gestion des engagements financiers du gouvernement. Par ailleurs, il y a deux volets, M. le Président, que je voudrais porter à votre attention. Le premier volet, c'est le chapitre IV qui touche un article qui permet de transférer de l'information d'un ministère à un autre. Vous savez qu'on vit dans un monde où tout le monde nous regarde, nous observe, et nous donnons de l'information constamment au gouvernement par le biais ou de nos rapports d'impôts ou d'autres informations que l'on donne au gouvernement, que ce soit via l'aide sociale, que ce soit tout autre service que l'on reçoit du gouvernement.

Or, il y avait dans l'ancienne loi effectivement des articles qui n'avaient pas été mis en vigueur. Ils n'avaient pas été mis en vigueur parce que probablement que le gouvernement s'était rendu compte qu'il y avait quelque chose d'odieux dans cette permission que se donnait le gouvernement de pouvoir avoir accès à de l'information autre que l'information que vous leur aviez donnée au niveau du ministère du Revenu, par exemple.

Et d'ailleurs, dès 1996, M. le Président, lors d'une commission parlementaire, M. Jacoby, le Protecteur du citoyen, s'était élevé alors face à cette éventualité, face à cette permission que s'était donnée le gouvernement. Et je vais citer M. Jacoby: «Effectivement, d'abord, je vais reprendre en quoi je considère que cette législation est excessive.» «Excessive», je pense que c'est un mot fort venant de la bouche du Protecteur du citoyen.

Il va plus loin plus tard, M. le Président: «C'est pour cette raison que, pour la plupart des transactions, il faut qu'il y ait des ententes qui soient soumises à la Commission d'accès, dont le rôle est de vérifier si ces ententes correspondent aux standards nécessaires et qui permettent la juste application d'une loi. Or, à partir du moment où la Commission n'a pas son mot à dire sur ce qu'est un renseignement nécessaire, seule – seule – l'administration va déterminer ce qu'est un renseignement nécessaire. C'est justement ce genre d'abus que le législateur a voulu prévenir et c'est pour cette raison qu'il a créé un organisme de surveillance.»

Le gouvernement était bien au courant de cette possibilité. C'est pour ça qu'aujourd'hui on a la Commission d'accès à l'information, on a cette Commission pour protéger et le gouvernement et les citoyens de ne pas s'ingérer dans des aspects de notre vie qui ne devraient pas être dévoilés d'un ministère à un autre.

M. le Président, ce pour quoi je soulève ça, c'est parce que je pense qu'il s'agit d'un point très important. Comme je le disais antérieurement, nous vivons dans un univers qui nous force à transmettre plein d'informations quotidiennement. D'ailleurs, nous sommes constamment sollicités pour de l'information. Très souvent, nous nous interrogeons à savoir comment des gens ont pu avoir l'information dont ils disposent pour pouvoir nous demander des informations additionnelles. C'est donc qu'il y a un commerce qui existe au niveau du transfert d'informations, un commerce qui, je pense, nous force à nous pencher sur cet aspect de la loi. C'est une raison suffisante, M. le Président, pour qu'on soulève de grandes réserves quant à ce projet de loi.

J'aurais souhaité que le ministre des Finances soit plus clair quant au chapitre IV de la loi n° 94 pour être sûre qu'il y a des balises très claires quant à la possibilité du ministère des Finances d'avoir accès à des données à d'autres ministères.

(12 h 20)

Parfois, quand on veut simplifier, on alourdit. C'est un peu la même chose avec le projet de loi n° 82 sur l'administration publique, et j'y fais référence parce que le ministre des Finances y a fait référence. D'ailleurs, mon collègue le député de Vaudreuil est en commission parlementaire actuellement avec le président du Conseil du trésor pour débattre de cette loi et des nombreux articles. Encore là, M. le Président, cette loi, on a voulu, j'imagine, la moderniser, on a voulu la mettre à jour.

Voilà que la loi n° 82 a plus de 200 articles. Alors, l'objectif n° 1, nous dit-on, dans cette loi est axé sur le citoyen et les résultats. L'article 2 détermine les mécanismes pour s'orienter vers le citoyen et des résultats concrets. Or, tous les autres articles qui suivent, tous les autres articles, ça... arrivent les carcans, arrivent les protections, arrivent les contraintes, et il y en a plus de 200. Bien sûr, M. le Président, le gouvernement doit gérer dans la transparence et il a l'obligation de s'assurer que les fonds publics, nos impôts, vos impôts, sont dépensés correctement et de façon la plus équitable possible.

Par ailleurs, je pense qu'il faut se soulever contre une tendance de ce gouvernement d'alourdir nos lois, d'alourdir la façon dont il gouverne et de rendre ça plus compliqué pour le citoyen. Le citoyen, aujourd'hui, ne fait plus confiance au politique, le citoyen ne se retrouve plus en politique, il ne sait plus à quel ministère s'adresser, il ne sait plus où aller pour avoir la bonne information.

Il ne le sait tellement pas, M. le Président, que, même quand il remplit son rapport d'impôts, il en remplit deux au cas où un des deux lui soit plus avantageux. Je veux bien qu'on veuille simplifier un rapport d'impôts, mais il est exact qu'il y a des citoyens qui, parce qu'ils prennent une formule, la formule simplifiée ou l'autre, sont avantagés. Il me semble qu'il y a là quelque chose d'anormal, qu'à titre de citoyen je devrais être sollicité pour une juste somme et que cette somme ne devrait pas varier selon que j'utilise un formulaire ou un autre. Voilà encore une façon pour supposément alléger, rendre plus simple, faciliter la tâche. Alors, voilà que maintenant les contribuables se voient souvent obligés de remplir deux formulaires et, intelligemment, choisir celui qui leur est favorable.

Alors, M. le Président, quand on veut simplifier les choses, il faut retourner aux objectifs, il ne faut pas prendre simplement les lois et les articles puis les recataloguer un peu partout sans s'interroger sur la pertinence de tous ces articles. Il faut regarder l'objectif de la loi et là, précisément, faire le ménage de ce qui n'est plus applicable, de ce qui n'est plus pertinent, et surtout essayer de simplifier. Alors, on a un exemple aujourd'hui d'une loi qui, ma foi, va rendre les choses encore plus complexes à cause justement du volume, de l'élargissement des règles, des articles, et je ne vois pas qu'il s'agisse là d'une très grande amélioration.

Je me rappelle, moi aussi, que le Vérificateur général avait soulevé un tollé. Effectivement, il s'était souvent soulevé contre le fait qu'on ne comptabilisait pas dans les rapports d'impôts la dette que le gouvernement avait à l'endroit du fonds de pension. Mais ce pour quoi le Vérificateur général s'était soulevé surtout, c'est suite aux nombreux comptes spéciaux qui avaient été mis en place.

Vous vous rappelez, le Vérificateur général avait noté que le ministère des Finances avait créé un fonds spécial même pour le ministère des Transports, c'est-à-dire les véhicules, le personnel et des aspects qui relèvent tout à fait de l'administration ou de la gestion du ministère des Transports.

Alors, là, M. le Président, contrairement encore à nos attentes, voyant ce que le Vérificateur général avait dit, je vois que l'article 45 de la loi donne au gouvernement la possibilité par décret, par décret seulement... «Peut, sur recommandation du président du Conseil du trésor et du ministre, instituer des fonds spéciaux affectés au financement des activités de vente de biens et de services et au financement des technologies de l'information d'un ministère ou d'un organisme public».

Et, alors là, on a tout de suite après un autre article qui décrit: «Un décret pris en vertu de l'article 45 peut prendre effet à compter du début de la date de l'année financière en cours.» Et là il y a plusieurs articles qui décrivent précisément comment est-ce que ces fonds spéciaux vont pouvoir être instaurés. Vous vous rappelez ce que je disais, je parlais de transparence. Je parlais et j'ai parlé longuement de transparence. Il faut que les gouvernements transmettent au public une image transparente des comptes publics. Il va falloir que tout le monde se retrouve dans cet environnement et qu'on ne soit pas obligé de chercher de midi à quatorze heures pour trouver où en est la situation du gouvernement.

Or, on vient d'ouvrir encore la porte, avec les articles 45, 46, 47, 48, à la possibilité pour le ministre des Finances, conjointement avec son ami du Conseil du trésor, de créer des fonds spéciaux. Alors, c'est une porte ouverte encore au ministre des Finances – bien, ma foi, comme il l'avait fait antérieurement – de camoufler des dépenses qui devraient apparaître dans les comptes publics du gouvernement. Je pense que c'est là un abus, c'est là un aspect, je pense, qui n'est pas souhaitable.

Le ministre des Finances nous parle d'une plus grande clarté parce qu'il aurait créé trois lois au lieu d'une: une loi vieille de 70 ans, et en a fait les lois nos 82, 94, 92. Bien, moi, je pense qu'au contraire, plutôt que d'apporter une plus grande clarté, on a alourdi le fardeau des citoyens pour se retrouver dans cet environnement-là. Et je trouve ça dommage que le ministre des Finances ne se soucie pas d'une façon moderne de gouverner. Je suis étonnée de voir qu'un gouvernement... Est-ce parce que c'est un deuxième mandat, est-ce que c'est parce qu'on est un peu à court d'idées pour des projets de loi, mais tout le monde aujourd'hui veut simplifier l'appareil gouvernemental. Qu'on s'inspire d'à peu près tout le monde, on veut trouver des façons modernes de gérer.

Je reviens au projet de loi n° 2, M. le Président. On a voulu y établir des résultats. Il y a des endroits où ça s'est fait, de le faire par résultats. D'ailleurs, contrairement à toutes nos attentes, ils n'ont pas eu besoin de projets de loi. L'Alberta a mis en place ce qu'il ont appelé les «bench marks». C'est ce que le ministre, le président du Conseil du trésor copie aujourd'hui avec des résultats. Alors, eux, ça fait plusieurs années que les Albertains ont mis ça en place. Essentiellement, ce sont des mesures où on ne juge plus les gestionnaires en fonction de leurs obligations, mais en fonction des résultats qu'ils obtiennent.

(12 h 30)

Ce sont des idées, d'ailleurs, qui viennent de l'Oregon. Au départ, c'est l'État de l'Oregon qui a amorcé cette façon de penser, cette façon de voir l'État, c'est-à-dire: Maintenant, on ne donne plus de budget à un gestionnaire simplement en fonction des responsabilités qu'il doit rencontrer, mais bien en fonction des résultats qu'il va rencontrer. Parce que, si un gestionnaire a des obligations de gérer un budget quelconque, il faut bien qu'il y ait des résultats quelque part. Et non seulement il faut qu'il y ait des résultats, mais il faut qu'il y ait une amélioration. Essentiellement, l'État est là pour améliorer la situation des citoyens. Or, là encore, au lieu de s'inspirer complètement de ce qui avait été fait ailleurs, nous, on a créé une loi de plus de 200 articles. Je vous dis, l'Alberta a mis en place ce système sans projet de loi. Alors, on s'interroge. Pourquoi a-t-on besoin d'un projet de loi de 200 articles pour mettre en place un tel mécanisme? Je pense que c'était là une façon administrative de donner les services au public, une façon qui aurait nécessité effectivement de donner les mandats aux gestionnaires d'organisme public ou de ministère, l'obligation de rencontrer des résultats et de les juger en fonction des résultats qu'ils ont obtenus. Non. Nous, on a préféré une autre façon, une façon beaucoup plus lourde, parce que, là, le gestionnaire qui gère un organisme, bien, non seulement il doit servir le citoyen puis il doit avoir des résultats, mais il y a également 199 autres articles qui vont lui dire dans quel carcan il se trouve.

M. le Président, je suis bien consciente que le gouvernement a l'obligation de respecter des règles – des règles d'imputabilité, des règles de transparence, des règles d'équité – et de nous assurer d'une justice à l'endroit de la fonction publique. On ne peut pas se comporter de façon cavalière quand on gère les fonds publics. Ça, tout le monde est conscient de ce volet de la responsabilité qu'a le gouvernement. Mais, en retour, il faudrait que le gouvernement se rappelle qu'on s'en va dans un nouveau millénaire. Il va falloir qu'on ait des approches plus modernes, des approches qui reflètent l'ère moderne de gestion des gouvernements.

Vous savez, de plus en plus, on examine, on a parlé de réinventer les gouvernements. Pourquoi il faut réinventer les gouvernements? Parce que, précisément, les citoyens ne se retrouvent plus dans ces gouvernements. Les citoyens se perdent et, comme ils se perdent, ils perdent confiance parce qu'ils ont l'impression de payer des impôts et qu'en retour ils n'en ont pas pour leur argent. Alors, moi, je me serais attendue, si on voulait moderniser, mettre à la page, au lieu de se retrouver avec des centaines d'articles – un seul projet de loi en a 239, comme je vous le disais – à quelque chose de plus simple, à plus de cohérence, à plus de compréhension pour que les citoyens, les gestionnaires de l'État, les ministères soient en mesure de bien comprendre la mission du gouvernement, parce que le fond de tout ça, ce qui est fondamental, c'est que le gouvernement a une mission. Il doit transmettre dans ses lois, par ses lois, la mission qu'il se donne.

Il ne s'agit pas simplement de développer des lois qui vont finalement freiner le développement du Québec et mettre des entraves aux gestionnaires de l'État. La mission, si elle est vraiment de servir le citoyen, d'assouplir, de moderniser, je pense qu'on avait une occasion rêvée, une occasion unique de revoir notre façon de faire. Or, au contraire, on a préféré plutôt, ma foi, alourdir, dans une supposée idée de transparence, l'idée de bien clarifier la loi pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Ce serait apparemment notre caractère cartésien qui ferait que, nous, on a besoin de balises dans le détail, comme si les Québécois n'étaient pas capables, M. le Président, de se servir de leur jugement très souvent.

Or, je veux revenir encore sur le volet de la transmission de l'information d'un ministère à l'autre, un volet qui se retrouve encore dans la loi. Pourtant, le gouvernement avait senti, à l'époque, qu'il ne voulait pas mettre en vigueur ces aspects de la loi. Or, on les retrouve encore aujourd'hui. Je pense qu'il s'agit là d'un point faible de cette loi, et non seulement un point faible, je pense que c'est un aspect grave. C'est un aspect grave de la loi, c'est de l'ingérence souvent dans la vie privée des citoyens.

Je sais que nous avons souvent, du côté de cette Chambre, défendu cet aspect de notre vie publique à l'effet que nous avons droit à notre vie privée et qu'il faut protéger les citoyens contre l'ingérence indue de la main cachée, c'est-à-dire la main du gouvernement. M. le Président, c'est donc deux aspects importants que je veux soulever aujourd'hui, ces deux aspects, à savoir la permission d'avoir accès à d'autres données d'autres ministères pour permettre au ministère des Finances d'accomplir ses responsabilités, et l'autre aspect qui m'apparaît également contestable, c'est l'idée de mettre en place des fonds spéciaux par simple décret et d'ouvrir la porte au ministre des Finances, de lui donner la possibilité et la latitude, par loi, écrit dans la loi, bien inscrit, de faire maintenant directement ce qu'il avait essayé de faire indirectement et pour lequel le Vérificateur général avait soulevé une grande controverse. Ce sont des raisons fondamentales qui m'amènent aujourd'hui à soulever tous les aspects de ce projet de loi que je trouve détestables, et c'est la raison pour laquelle je puis vous dire que nous ne serons pas très chauds à l'endroit de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Le prochain intervenant sera M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre à mon tour la parole sur le projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, Bill 94, the Financial Administration Act. La première chose qu'il faut constater, c'est qu'il s'agit d'une refonte d'une loi existante. La Loi sur l'administration financière, bien entendu, est une des lois les plus importantes, car, comme son nom l'indique, c'est en vertu de cette même législation que l'on décide quelles règles budgétaires vont être attribuées aux différents ministères, organismes et entreprises du gouvernement du Québec.

Ma collègue vient, comme vous l'avez remarqué, de faire une longue énumération des difficultés qu'on a avec le projet de loi, mais elle a mis particulièrement l'emphase sur le fait que le projet de loi en question est en train de reprendre plusieurs des articles qui constituaient, à notre sens, une des plus graves erreurs du premier mandat du gouvernement du Parti québécois en ce qui concerne le défaut de respecter les règles fondamentales garantissant le respect de la vie privée et la confidentialité de l'information personnelle détenue par le gouvernement. Le projet de loi n° 94 prévoit, à son chapitre IV, que le gouvernement – et je le cite – va pouvoir transférer beaucoup de renseignements entre ministères et organismes. L'article 36 précise notamment que les renseignements prévus à l'article précédent «peuvent être transmis par communication de fichier de renseignements que le ministre peut comparer, coupler ou apparier avec tout autre fichier qu'il détient».

(12 h 40)

Pour ceux qui étaient ici lors du dernier mandat, M. le Président, on se souvient tous du grand débat qui a eu lieu sur le projet de loi n° 36. C'était en 1996. Lors de ce débat, des personnages et des institutions aussi importants que le Protecteur du citoyen sont venus exprimer en commission parlementaire leurs graves préoccupations avec le projet de loi n° 36. Je dois dire que, dans un premier temps, la Commission d'accès à l'information, qui, on s'y attend, normalement devrait jouer ce rôle-là, avait aussi exprimé des réserves importantes. Mais, en cours de route, on a réussi, pour des raisons un peu obscures, à convaincre la Commission d'accès que c'était un peu moins problématique. On a eu à plusieurs occasions la chance d'en discuter dans le détail avec le président de la Commission d'accès, M. Paul-André Comeau, mais on n'a jamais réussi à comprendre qu'est-ce qui avait pu convaincre la Commission d'accès à céder sur cet important point.

Par contre, M. le Président, dans le projet de loi n° 36, il y a des articles qui ne sont jamais entrés en vigueur, puis on les retrouve tous ici, dans le projet de loi qui est sous étude aujourd'hui. Donc, on constate, en ce qui concerne cet important dossier de protection de la vie privée, qu'encore une fois le gouvernement du Parti québécois revient à la charge avec des dispositions qui risquent de compromettre gravement l'intérêt du public et de compromettre le droit de tout le monde d'avoir de l'information gardée étanche et confidentielle lorsque c'est confié au gouvernement.

M. le Président, les gens qui suivent le moindrement la politique, ils vont tous savoir que, au cours des trois dernières années, c'est probablement le dossier avec lequel le gouvernement du Parti québécois s'est retrouvé le plus souvent dans l'embarras. On n'a qu'à penser à ce qui s'est passé aussi récemment que le printemps dernier alors que la députée de Rosemont a été contrainte de démissionner de ses fonctions comme ministre du Revenu pour une seule et unique raison, c'est qu'elle avait permis que soit transmise de l'information fiscale confidentielle illégalement à une compagnie privée de sondage. Ça a mené à sa démission.

Lorsque ça a été démontré que les règles, dans la loi sur la protection de la vie privée, exigeant la tenue d'un registre n'ont pas été suivies par l'actuel ministre des Finances qui, à l'époque, était le responsable du Revenu aussi, eh bien, vous savez quelle solution, lui, il a trouvée, hein, M. le Président, pour justifier rétroactivement le fait qu'il avait fait les mêmes gestes que la députée d'Outremont? Ce n'était pas compliqué, il a changé rétroactivement la loi. Et il a poussé son cynisme au point suivant: il a tenu une conférence de presse en disant: Ah oui, mais, vous savez, les gens n'auront pas leur chèque de TVQ-TPS si je ne change pas la loi rétroactivement. La loi rétroactive était pour se disculper.

Il avait félicité et louangé la députée d'Outremont quand elle avait démissionné, disant qu'elle n'avait d'autre choix que de faire cela, mais, pour lui, c'était une autre règle, et c'est lui qui aujourd'hui nous présente ce projet de loi avec ces dispositions qui nous préoccupent au plus haut point. Et la raison pour laquelle l'opposition officielle ne peut pas souscrire au projet de loi n° 94 présenté par le gouvernement du Parti québécois, c'est parce que ça fait défaut encore une fois de tenir compte de l'importante valeur dans notre société qui est la protection de la vie privée et des renseignements personnels.

M. le Président, ça fait deux ans maintenant que la réforme de la loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée est sur les tablettes, et c'est regrettable. L'actuel ministre responsable, ils l'appellent le ministre des Relations avec les citoyens. C'est toute une relation quand ils viennent fouiller dans ta vie privée comme ça. Mais c'est peut-être de ça que nous parlait George Orwell dans son célèbre roman 1984 . C'est qu'on utilise des mots, on invente un nouveau langage – ils l'appellent le «new speak», la nouvelle façon de parler – on invente des mots, c'est les Relations avec les citoyens. Au lieu de protéger l'intérêt du public, au lieu de veiller à garantir la vie privée, on invente toutes sortes de choses comme la loi qui est sous étude aujourd'hui.

Alors, M. le Président, on est encore une fois interpellé ici, en Chambre, aujourd'hui pour savoir qui, dans ce gouvernement du Parti québécois, va enfin commencer à se soucier de l'intérêt du public. Moi, je me souviens du débat sur le projet de loi n° 36. J'entendais le ministre des Finances crier haut et fort que c'était pour combattre les fraudeurs. Vous voyez un peu la sorte de démagogie qui est en cause. Il faisait sauter toutes les garanties de protection de la vie privée, mais il disait aux gens: Si vous n'avez rien fait de pas correct, vous ne devriez pas vous plaindre. Ça, c'est toujours le dernier refuge d'un gouvernement despotique, d'un gouvernement qui se soucie peu des droits individuels.

Je vois que le député de Vimont est un peu gêné. Lui, il comprend ce dont il s'agit. Contrairement à beaucoup d'autres dans son gouvernement, il a déjà eu une vie antérieure où il s'est soucié des questions concernant les droits individuels. Mais on dirait qu'il s'est laissé entraîner dans la foulée d'un gouvernement qui croit que les droits sont déterminés par l'État et donnés au compte-gouttes au citoyen comme bon lui semble. Donc, le gouvernement donnant les droits peut les retirer n'importe quand. C'est ça, l'attitude de ce gouvernement, et c'est ce que le député de Vimont achète, maintenant, plutôt que de réaliser qu'intrinsèquement les citoyens possèdent des droits, qu'ils ont des droits individuels et que c'est l'État qui doit veiller à les faire respecter.

C'est ça, par ailleurs, M. le Président, une des grandes différences entre les deux côtés de la Chambre, ici. On a en face de nous un gouvernement de plus en plus autocratique qui ne supporte pas que l'opposition ait un mot à dire, qui ne supporte pas, on l'a vu avec le ministre de l'Éducation, de jouer la vie parlementaire, d'accepter que la vie parlementaire existe. Il s'est plaint, le pauvre, le ministre de l'Éducation, vendredi dernier, qu'il était obligé de venir au Parlement, à l'Assemblée nationale où il a été élu. Il l'a cherché, mais il se plaint. Il dit: Quelle perte de temps! Je pourrais être en train de couper des rubans pour ouvrir une école. C'est ça, les gens qu'on a en face de nous, et c'est pour ça que c'est tellement désolant de voir que des gens qui ont jadis cru à l'importance des libertés individuelles ne posent jamais de questions.

J'aimerais bien voir de quoi ça a l'air, une réunion du caucus du gouvernement du Parti québécois. Ils n'ont même pas le droit de parler. Quand il était temps de décider que, pour la première fois, on allait faire une élection à la présidence de l'Assemblée nationale, vous savez ce qui s'est passé dans le caucus? Le premier ministre a dit, quand quelqu'un a songé peut-être à se présenter contre celui qui était le candidat officiel du premier ministre pour la présidence de l'Assemblée nationale – il s'est fait enguirlander: Coudon, toi, est-ce que t'es en train d'essayer d'organiser quelqu'un d'autre pour se présenter? C'est comme ça que ça marche, la démocratie, avec le Parti québécois, M. le Président, et c'est un autre exemple de ça qu'on a devant nous aujourd'hui.

M. le Président, je disais tantôt que la réforme de la loi sur la protection de la vie privée et l'accès aux documents gouvernementaux se fait attendre. Un des aspects qui avaient été analysés en commission parlementaire concernait l'applicabilité éventuelle de cette loi-là aux filiales des sociétés d'État, et c'est très, très important de noter que, dans le projet de loi n° 94, à son Annexe III, on énumère les entreprises du gouvernement et on y trouve notamment Hydro-Québec. Ce qu'il est intéressant de constater, c'est qu'il y a plusieurs entreprises journalistiques – et j'en cite quelques-unes, le journal Le Soleil , Le Journal de Montréal , TVA, Radio-Can, pour ne nommer que celles-là – qui sont présentement devant les tribunaux pour se battre pour avoir accès à de l'information concernant les dépenses effectuées par Hydro-Québec International, filiale d'Hydro-Québec, et la Société des casinos.

M. le Président, dans le chapitre portant sur l'application du projet de loi, dans ses premiers articles, on constate ceci, que l'objet du champ d'application de la loi... Donc, la loi s'applique à quoi? C'est les ministères, les organismes et les entreprises du gouvernement. Les entreprises sont celles qui sont énumérées à cette même Annexe III. On trouve effectivement Hydro-Québec, mais on ne retrouve guère Hydro-Québec International. Ce qu'il serait important pour nous de constater et de vérifier, c'est: Est-ce que ça va être encore une fois une passoire lorsqu'il s'agira de savoir ce qui se passe avec les dépenses de l'argent, tout comme c'est une passoire à l'heure actuelle lorsqu'il s'agit des filiales dans la loi sur la protection de la vie privée et l'accès aux documents gouvernementaux?

M. le Président, il y a deux choses qui sont en jeu, ici. On constate que non seulement le gouvernement du Parti québécois ne se gène pas pour réintroduire des articles hautement contestables qui peuvent porter atteinte à la vie privée par l'«appariage» et le couplement des fichiers du gouvernement, mais regardez ce qu'il dit: «Les renseignements [...] peuvent être transmis par communication de fichier [...] que le ministre peut comparer, coupler ou apparier avec tout autre fichier qu'il détient.» Est-ce que vous vous rendez compte de quelle masse d'information on parle? Alors, vous voyez, quand il s'agit de s'aider lui-même, le gouvernement du Parti québécois est toujours prêt à tout mettre en oeuvre, à aller chercher les fichiers, à aller comparer à tout ce qui existe, à battre en brèche les règles qui ont été édictées par le gouvernement de René Lévesque, à faire tomber les murs qui sont là pour protéger le public, parce qu'il en va de son intérêt à lui comme gouvernement, comme État. Lorsqu'il s'agit de protéger les citoyens...

(12 h 50)

On a vu les modifications qui ont été proposées. Il y en a beaucoup, à la commission de la culture, qui avaient analysé le projet de loi, qui voyaient que peut-être il pouvait y avoir un problème effectivement économique si on laissait trop d'accès aux dossiers et aux facturations internes d'un organisme comme Hydro-Québec International. M. le Président, le public a le droit de savoir ce qui se passe à propos du gouvernement, c'est notre argent qui est en train d'être dépensé. On a le droit de savoir qui paie quoi, pourquoi et comment. Quand on voit les commissions faramineuses qui ont été versées à Yves Duhaime, ancien ministre péquiste, dans une importante vente d'entreprises qui appartenaient à l'État – c'étaient plusieurs centaines de milliers de dollars – on a le droit d'avoir tous les chiffres à l'appui.

Il y a eu une autre vente récente d'une entreprise de l'État, ou en tout cas d'intérêts qu'avait le gouvernement, et d'autres amis du gouvernement du Parti québécois se sont remplis les poches avec des commissions, récemment, encore une fois, M. le Président. Le public a le droit de savoir ce qui se passe avec son argent. Si on devait faire tomber les murs de protection de l'information, ce serait pour faire tomber les murs que le gouvernement érige pour que le public en sache le moins possible sur ce qu'il fait avec l'argent des payeurs de taxes. Mais ce n'est pas comme ça que le gouvernement du Parti québécois voit le problème. Pour le gouvernement du Parti québécois, si on fait tomber des murs, ça va être les murs qui protègent la vie privée et l'information du public. C'est le monde à l'envers, et c'est ce qu'on est encore une fois en train de nous présenter ici aujourd'hui, car on regarde l'Annexe III de la loi et on constate qu'il y a Hydro-Québec. Mais est-ce que ça va s'appliquer à d'autres émanations d'Hydro-Québec comme Hydro-Québec International? On ne le sait pas. On ne le sait pas, dans la loi ici.

Encore une fois, lorsqu'il s'agira de déterminer... si un jour – ce n'est pas probable, mais si un jour – le ministre responsable des Relations avec les citoyens se réveille, dépoussière un peu le projet de loi qui était supposé être prêt lorsque c'était le député de Gouin qui était en charge de ça, bien, peut-être qu'on va pouvoir savoir où ce gouvernement loge en termes de protection de la vie privée des citoyens et d'accès aux informations gouvernementales. Mais, pour l'instant, M. le Président, on ne peut que s'interroger et s'inquiéter face au projet de loi n° 94 qui est en train de nous dire: Voici

l'aboutissement de la vision péquiste. C'est un gouvernement Big Brother.

M. le Président, la phrase même, la manière dont c'est écrit, on va pouvoir procéder, on «peut comparer, coupler ou apparier – ces fichiers – avec tout autre fichier»... On dit, par contre: «Toute communication de fichier effectuée conformément[...] – à l'alinéa que je viens de vous lire – doit être autorisée par le ministre. Le ministre inscrit dans un registre le nom du ministère ou de l'organisme qui lui transmet un fichier conformément au premier alinéa. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès à ce registre.» Quelle farce pathétique!

Au printemps dernier, quand on interrogeait le député de Verchères, qui est ministre des Finances par ses temps de loisirs, quand on l'interrogeait pour savoir pourquoi le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice et le ministère du Revenu dont lui-même avait été responsable n'avaient jamais respecté une obligation identique, une obligation identique dans la loi sur l'accès à l'information du gouvernement et la protection de la vie privée, il s'est levé et il a dit: Bien, c'était comme ça à telle époque; moi, je suis encore mieux parce que je suis en train de régler tout ça. Il était en train d'enfreindre la loi. C'est ça qu'il faisait. Lui, il enfreignait exactement la même loi que la députée d'Outremont avait enfreinte et qui avait mené à sa démission. Il se lève et il dit: Si j'ai enfreint la loi, ça doit être la faute de la loi, ça ne peut pas être ma faute à moi. Elle a bien fait de démissionner. Moi, je vais me lever et je vais faire changer la loi, je vais utiliser mon influence comme vice-premier ministre à l'intérieur du gouvernement du Parti québécois puis je vais changer la loi. Il ne l'avait pas respectée avant.

Puis il fallait le voir jour après jour, M. le Président. Il nous a dit qu'on n'arrivait pas à faire lever notre lourd volatile. Ça, c'est avec sa simplicité de langage qu'on lui reconnaît tous. Ce qu'il était en train de dire, c'est qu'il prenait tous les membres de son gouvernement pour des caves, qu'une femme qui était ministre au Revenu n'allait pas avoir les mêmes règles qu'il allait se donner à lui-même, que lui, le grand vizir, allait avoir le droit de se lever et de dire: On va changer la loi, parce que, si je l'ai enfreinte, si j'ai brisé la loi, ça doit être la faute de la loi qui n'était pas assez bonne. On va la changer rétroactivement pour que ça ne soit plus de même.

C'est intéressant aussi de remarquer que, dans le projet qui avait été préparé par le député de Gouin, qui est le ministre qui signe les chèques de BS maintenant – je ne sais même pas quel titre on lui a donné – bien, dans sa loi à lui, dans son projet qu'il avait déposé avant les élections, savez-vous quoi? Il a proposé un petit article anodin, qui est passé presque inaperçu, dans lequel il enlevait la référence à l'obligation de tenir un registre. Il savait qu'ils n'avaient jamais respecté cet article de la loi. Bien, c'est exactement ce qu'ils ont le culot, la témérité de venir nous représenter aujourd'hui: Inquiétez-vous pas, on vous promet qu'on va vous le dire, à chaque fois qu'on sera en train de comparer des fichiers avec toute sorte d'information vous concernant. Mais, la dernière fois, ils avaient cette obligation. Malheureusement, ils ne l'ont jamais respectée. Mais, cette fois-ci, ils nous disent: Non, non, vous pouvez nous faire confiance, cette fois-ci, on vous promet qu'on fera ce qu'on est obligés de faire aux termes de la loi; on va la respecter cette fois-ci. Aïe! à d'autres, M. le Président!

Jamais, jamais, jamais, nous, du côté du Parti libéral du Québec, on ne partagera la vision autoritaire du Parti québécois qui dit que les citoyens n'ont de droit que ce qui est accordé ou consenti par l'État tout-puissant. Notre vision des choses, c'est que le citoyen possède des droits inhérents. C'est ça qui a été écrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme après la Révolution française, et aux États-Unis, et chez nous, et c'est ce que nous allons continuer de défendre de ce côté-ci de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Il n'y a plus d'autres intervenants? Alors, le principe du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, est-il adopté?

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader.

M. Brassard: Je voudrais m'assurer... Est-ce que, de l'autre côté, du côté de l'opposition, il y a d'autres intervenants qui souhaitaient...

Une voix: ...

M. Brassard: Ah bon. Alors, c'est important de le savoir, puisqu'on va ajourner le débat plutôt que de le clore.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Bien. Alors, j'allais mettre aux voix le principe, je croyais qu'il n'y avait personne... Très bien. Alors, écoutez, nous allons ajourner le débat, et, étant donné l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous poursuivons les affaires du jour, et je demanderais maintenant au leader adjoint du gouvernement d'appeler un article de notre feuilleton. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, nous souhaitons procéder à l'adoption de principe du projet de loi n° 94, donc, je vous réfère à l'article 12 du feuilleton de ce jour.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 12 de votre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94? Je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. D'abord, ce projet de loi, à première vue, semble un projet de loi assez banal. Banal, pourquoi? Parce qu'il reprend les grands principes de la Loi sur l'administration financière. Mais je me permettrai de vous rappeler que l'actuelle Loi sur l'administration financière nous a été imposée, en 1996, en utilisant la mesure par trop facile de la part des ministériels, à savoir le bâillon.

Alors, par cohérence et pour les nouveaux parlementaires qui n'étaient pas là en 1996, je vais être amené à réexpliquer pourquoi j'étais contre la Loi d'administration financière en 1996. Par cohérence, je suis donc contre la Loi d'administration financière n° 94, même si, dans l'ensemble, elle ne fait que reprendre les éléments qui sont déjà dans l'actuelle Loi d'administration financière. Je ne sais pas si vous me comprenez, M. le Président. On a une Loi sur l'administration financière, le ministre peut facilement dire: Oui, il n'y a pas beaucoup de changements, et il a raison. C'est une mise en forme actuellement de la loi qui a été modifiée en profondeur en 1996, et je me permettrai de vous rappeler, en nous l'imposant par le bâillon, en nous obligeant quasiment à devoir supporter cette loi dans une fin de session. Alors, parce qu'il y a des nouveaux parlementaires du côté ministériel, parce qu'il y a des gens qui sont empreints du sens de démocratie, j'espère et je vais essayer de les convaincre à quel point cette loi doit être amendée. Il y a deux points sur lesquels, d'après moi, la loi blesse et il faut qu'elle soit changée, et ils sont importants, M. le Président.

Les deux points qui sont particulièrement importants et sur lesquels nous avons des objections, c'est ce qui touche, un, à tout le chapitre sur les compensations gouvernementales, deuxièmement – et ça, c'est un de mes petits dadas – le chapitre V, sur les fonds spéciaux. Vous êtes là depuis un certain temps, vous m'avez déjà vu intervenir régulièrement lorsqu'on créait des fonds spéciaux, vous me permettrez, tout à l'heure, d'expliquer à quel point cette pratique est une pratique pernicieuse.

Alors, prenons le premier élément. Le premier élément, le projet de loi qui reprend, M. le Président, comprenez-moi bien – et il a raison, le ministre des Finances – reprend une pratique qui est dans la loi. Elle n'a pas encore été promulguée, mais enfin elle est dans la loi actuellement, sur les éléments de compensation financière et sur la communication de renseignements que le ministre des Finances peut avoir avec les autres ministères. Il s'agit des articles, si vous me permettez, qui sont les articles 21, 22, 23. En substance, il s'agit de quoi? C'est une possibilité et une obligation. Lorsque l'État prétend – je dis bien «prétend», comprenez-moi bien – lorsque le gouvernement prétend avoir une créance auprès d'un citoyen et qu'il lui doit de l'argent, à ce citoyen, il veut, le ministre des Finances, se faire communiquer tous ces renseignements – et, bien sûr, c'est une communication de fichiers électroniques, dans ces cas-là – pour pouvoir d'abord se payer. Ça touche particulièrement le ministère du Revenu.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, parce que je suis sûr que vous avez, comme beaucoup de mes collègues députés ministériels qui ont des comtés relativement pauvres... Vous n'êtes pas sans savoir que, si l'État pense que tel ou tel citoyen lui doit quelque chose, même s'il n'y a pas encore eu de chose jugée, le ministère des Finances peut retenir l'argent sur un retour d'argent qu'il pourrait verser, par exemple, à un citoyen. Pour être concret, imaginez, par exemple, que le ministère de l'Éducation prétend que mon collègue le député de Mercier n'a pas remboursé la totalité de ses prêts bourses. Supposons que... Non, non. J'ai dit «hypothétiquement», M. le Président, bien sûr. C'est purement à titre d'exemple. Et supposons aussi qu'il a été amené, comme ça arrive à beaucoup de nos concitoyens, à payer plus d'impôts, avoir des retenues à la source de plus d'impôts qu'il n'avait à payer, et il aurait droit, ce que beaucoup de nos concitoyens ont et utilisent, à avoir un remboursement d'impôts. Là, à l'heure actuelle, sans que la chose ait été jugée, strictement et simplement parce qu'on prétendrait, hypothétiquement – un fonctionnaire – que le député de Mercier devrait ou ne devrait pas rembourser une quelconque créance sur son prêt-bourse, à ce moment-là, on pourrait le déduire tout de suite du remboursement d'impôts qui serait versé par le ministère des Finances. Et, pour cela, voyez-vous, M. le Président, la loi prévoit des communications de fichiers, c'est-à-dire que tous les ministères qui sont susceptibles d'avoir des créances auprès de certains de nos concitoyens peuvent, à la demande du ministère des Finances, transmettre ces informations au ministère des Finances.

(15 h 10)

Alors, M. le Président, je vous rappellerai qu'en 1996 – vous étiez là, en 1996 – nous, l'opposition, nous étions fortement opposés à ces transferts d'information électroniques. Ça a l'air très simple. On dira: Ce n'est pas grave, on va transférer un petit peu d'information. Moi, je vous dis: Il y a, dans toutes ces questions de couplage de fichiers, énormément de danger, et à chaque fois on fait un petit pas derrière un petit pas, derrière un autre petit pas. Je me permet de vous dire: Il y a un danger grave de constitution d'un mégafichier de la population, où tout serait consigné depuis vos notes au secondaire jusqu'à votre dossier de santé, jusqu'aux dettes que vous n'auriez pas réglées envers le gouvernement, jusqu'à tous les montants que vous auriez pu verser.

Je sais bien qu'on n'en est pas là actuellement, mais je vous dis: C'est une tendance qu'on voit dans le gouvernement, tendance à laquelle nous, les parlementaires, nous, les élus, devons essayer de nous opposer, et je vous explique pourquoi. Parce que c'est bien plus simple... Bien sûr, le fonctionnaire, l'appareil de l'État va dire: C'est tellement plus simple lorsque je peux coupler mes fichiers puis avoir l'information tout de suite. Bien sûr. Mais le danger de la création d'une société où serait inclus dans un ordinateur l'ensemble des renseignements concernant notre vie, et à un point où... De ce côté-ci de la Chambre, et je dois vous dire, je pense, de la part d'un certain nombre de mes collèges ministériels aussi... Parce qu'il y a des choses, des questions sur lesquelles les gens ne sont pas tellement, tellement opposés. C'est quelque chose sur quoi on partage cette même valeur.

Alors, le projet de loi, bien sûr, reprend ces articles. Je sais, M. le Président, que ces articles qui étaient dans la loi n° 96, sur lesquels nous nous étions opposés violemment, n'ont pas été promulgués. Il faut que vous compreniez... Vous connaissez ça, bien sûr, mais peut-être pour les gens qui nous écoutent, qu'est-ce que ça veut dire, «promulguer»?

Vous savez, lorsqu'on vote ici un projet de loi, même lorsqu'il a passé la troisième lecture, il ne prend pas effet tout de suite, tant que le lieutenant-gouverneur, à la demande du gouvernement, n'a pas promulgué certains articles du projet de loi. Alors, ces articles-là, je le sais, n'ont pas complètement été tous promulgués, du moins ceux qui étaient à l'intérieur du projet de loi n° 96.

Mais, M. le Président, la crainte que nous avions... Alors que, sagement, après s'être donné cette espèce d'hypermatraque, le gouvernement avait sagement... n'avait pas promulgué, on les voit réapparaître dans le projet de loi n° 94, avec le même risque, la même opposition, le même danger de création de ces mégafichiers qui incorporeraient toute l'information sur votre vie personnelle, M. le Président, depuis votre petite enfance jusqu'à la situation où vous êtes.

Le deuxième point, M. le Président, qui m'inquiète énormément et sur lequel je peux revenir... Pour les parlementaires qui n'étaient pas là en 1996, je pourrai envoyer copie du discours, des discours que j'avais faits à cette époque-là, mais je vais vous en redonner les grandes lignes.

Je m'étais et nous nous étions opposés particulièrement à la possibilité de créer des fonds spéciaux par décret. Alors, il s'agit essentiellement du chapitre V, M. le Président. Bien sûr, je vais vous expliquer ce que c'est qu'un fonds spécial et, après, je vais vous expliquer quel est le danger de les créer par décret. Il s'agit des articles 45 et 46, 47 et suivants.

Avant la loi n° 96, il y avait peu de fonds spéciaux. Qu'est-ce que c'est, d'abord, qu'un fonds spécial? Qu'est-ce que c'est qu'un fonds spécial? Bien, c'est une manière de comptabiliser l'action du gouvernement où il y a une forme de tarification, dans certains cas, où on tarifie les services, et une manière de les comptabiliser en dehors complètement du fonds consolidé. Je vais vous donner un exemple. Dans la dernière Législature, le gouvernement a créé le Fonds sur le maintien des routes, où on a à ce moment-là dit: Bien, tout ce qui d'habitude fait partie du Trésor et fait partie de la comptabilité gouvernementale va être mis à part, va être financé d'une manière différente et sera amorti d'une manière différente, sur une période plus longue. C'est ce qu'on appelle «les fonds spéciaux», à l'heure actuelle.

Avant le projet de loi n° 96, M. le Président, il y avait certes la possibilité, le gouvernement l'avait fait – je vois mon collègue le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui s'en rappellerait – il y avait eu une certaine tendance – non, non, non, attention, une certaine tendance – mais limitée à un ou deux de la part des parlementaires libéraux, lorsque nous étions ministériels, de créer un ou deux fonds spéciaux, je le sais. Mais, à chaque fois, lorsqu'on créait un tel fonds spécial, il était fait par voie législative, c'est-à-dire le ministre responsable, lorsqu'il pensait qu'il était nécessaire de créer ou de retirer de la comptabilité gouvernementale une partie de son activité, devait présenter un projet de loi. Un projet de loi, quelle que soit la partie qui est dans l'opposition, c'est la possibilité du débat public. C'est la possibilité de se lever, de dire, de questionner le gouvernement: Pourquoi avez-vous besoin d'utiliser ce type de comptabilité? Pourquoi voulez-vous fonctionner de cette manière-là? Ça amène un débat. Ça amène un débat en commission parlementaire, article par article. Ça fait des débats ici, au salon bleu. Ça permet aux différents points de vue de s'exprimer quant à la pertinence d'isoler une partie de la comptabilité gouvernementale et d'avoir un peu plus de transparence.

C'était la situation avant 1996. Je dois dire qu'à partir du moment où les ministériels sont arrivés au pouvoir, ils ont commencé à avoir une tendance à avoir recours à ces techniques de fonds spéciaux. Il y en avait deux ou trois avant 1994-1995, et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui est un vieux parlementaire, s'en rappellera certainement, mais, après 1994-1995, on a vu un peu l'explosion de ces fonds spéciaux, au point où on en a maintenant 24 ou 25, M. le Président.

Les premiers ont donné lieu à un débat ici, en Chambre, parce que, chaque fois qu'on les créait, on était amené à avoir un débat dans cette Chambre où on devait expliquer le pourquoi. Maintenant, M. le Président, et depuis la loi n° 96, on peut le faire uniquement par décret. Alors, pour ceux qui nous écoutent, il faut qu'ils comprennent la différence entre... Parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne savent pas la différence entre un décret et une loi. Une loi est introduite ici, au salon bleu, débattue, passée, débattue en deuxième lecture et passée article par article dans une commission parlementaire, nouveau débat sur ce qu'on appelle le rapport de la commission et, en fin de compte, adoption finale en troisième lecture.

Le mécanisme du décret, extrêmement simple et rapide, ne donne pas lieu à un débat. C'est une prépublication, une publication, une décision du Conseil des ministres et une publication dans la Gazette officielle qui, comme vous le savez, M. le Président, est la lecture régulière de tous les membres de cette Assemblée. Et toutes les personnes dans votre comté, elles se délectent de la lecture de la Gazette officielle , qui est d'une limpidité et un texte d'une clarté et d'une lecture qui – et je suis d'accord avec mon collègue le député de Mercier – fait partie des choses qui l'aident à s'endormir le soir; lorsqu'il est rendu à avoir quelques nuits d'insomnie, il lit la Gazette officielle , M. le Président. Je me permets de vous rappeler que la moyenne des citoyens ne lisent pas la Gazette officielle , c'est-à-dire ne sont pas vraiment au courant des décrets.

(15 h 20)

Et vous vous trouvez devant ce que je pourrais appeler une perte de transparence, à ce moment-là, où, avant la Loi d'administration financière de 1996, on ne pouvait créer des fonds spéciaux que par voie législative, et où maintenant, depuis 1996, on peut le faire par voie de décret. Alors, par cohérence, M. le Président, et parce que j'ai été vraiment opposé, je vais continuer à l'être, et ce projet de loi va cheminer. Et vous allez m'entendre encore reprendre ce discours-là sur ce chapitre V, même s'il est... Je tiens à insister, parce que, même si l'argument des ministériels va dire: Bon, mais il est déjà en fonction. Nous, tout ce qu'on fait, c'est remettre dans la loi ce qui existe déjà. Parce que j'étais et certains de mes collègues étaient farouchement opposés à la création de fonds spéciaux par voie ou par mécanisme de décret, je reste farouchement opposé à la création des fonds spéciaux par voie de décret. Je vous dirais même que je suis un peu plus large que ça: j'ai beaucoup de réticence à l'utilisation du mécanisme de comptabilité des fonds spéciaux. En général, chaque fois qu'on devait les créer par voie législative, j'ai fait partie de ceux qui se sont opposés à la création des fonds spéciaux par voie législative parce que je pense que, dans la comptabilité gouvernementale, il est préférable de tout inclure à l'intérieur du fonds consolidé. Ça donne beaucoup plus de transparence dans la présentation des états financiers du gouvernement, M. le Président.

C'est un point de vue. Il n'est pas nécessairement partagé par tout le monde, mais c'est un point de vue que je partage avec moi-même. Et je dois vous dire que, dans ce cadre-là, j'ai...

Des voix: ...

M. Gautrin: Non, non, mais c'est important, là. Il n'y a personne, pas beaucoup de monde qui va dire que je manque de cohérence dans cette Chambre et que j'ai dit une chose que je n'ai pas continué à dire les années après, subséquemment. Alors, je vous répète, sur cette question des fonds spéciaux, j'ai beaucoup de difficulté à les accepter, comme tel, et donc j'ai beaucoup de difficulté à les voir réapparaître dans ce projet de loi, même si ça ne fait que reprendre des éléments qui étaient déjà à l'intérieur du projet de loi voté en 1996.

Avec la même opposition farouche que nous avons menée en 1996 contre le projet de loi – qui s'appelait à l'époque le projet de loi n° 36, vous vous en rappelez, M. le Président? – nous allons continuer, à cause, d'une part, de cette dimension de fonds spéciaux et, d'autre part, à cause du risque des couplages de fichiers. Et je vois maintenant le député de Vimont qui s'est joint à nous, qui est un spécialiste de la question. Je me permets de lui souligner les risques qu'il peut y avoir dans la réintroduction à l'intérieur du projet de loi n° 94 de ces couplages de fichiers avec le ministère des Finances, où, sagement, ils n'ont pas mis en pratique, ils n'ont pas promulgué les articles...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Verdun, je voudrais vérifier avec vous si vous traitez du sujet à titre de critique officiel ou tout simplement comme intervenant, parce que le droit n'est pas le même. Vous savez très bien que, comme intervenant, vous avez droit à un droit de parole de 20 minutes, mais, comme opposition, vous avez droit à 60 minutes.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, je vous avise, M. le député de Verdun, dans ce cas-là, que votre temps est maintenant...

M. Gautrin: Vous me permettrez de conclure, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Trente secondes pour conclure.

M. Gautrin: Alors, je vous remercie. J'aurai d'autres chances d'intervenir sur ce projet de loi. Je dois, en deux mots, résumer notre position de la manière suivante. Ce projet de loi reprend en substance les articles de la loi financière de 1996, qui nous ont été imposés par bâillon. Nous allons continuer, par cohérence, de dire que, comme nous étions contre certains articles de la loi en 1996, nous allons être contre, aussi, les mêmes articles qui sont inclus à l'intérieur, sur deux plans: la question des fonds spéciaux, M. le Président, et la question des couplages de fichiers. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ah, je n'en doute point. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boulerice: Oui. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée. Et je vous demanderais subséquemment, M. le Président, de bien vouloir nous accorder un bref moment de suspension.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, est-ce que la motion pour renvoyer à la commission des finances publiques pour étude détaillée le projet de loi n° 94 est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

Alors, à la demande de notre leader, nous allons maintenant suspendre quelques instants pour permettre la poursuite des choses.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

(Reprise à 15 h 31)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 30 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 75


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 30 de votre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du projet de loi n° 75, Loi sur les heures d'exploitation de certains établissements le 1er janvier 2000. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 75?


Mise aux voix

Comme il n'y a pas d'intervenant, le projet de loi n° 75, Loi sur les heures d'exploitation de certains établissements le 1er janvier 2000, est-il adopté?

Une voix: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. J'ai bien compris, M. le Président? On n'a pas adopté le 1er janvier 2000 mais le projet de loi relatif au 1er janvier 2000. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, le projet de loi n° 75.

M. Boulerice: M. le Président, pour la suite des choses, je vous demande de vous référer à l'article 2 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 2 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 24 novembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67? Mme la députée de Bonaventure.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Donc, c'est avec plaisir aujourd'hui que je joins ma voix à celle de mes collègues sur le projet de loi n° 67, et en particulier une voix que je joins à celle de mon collègue le député du comté de LaFontaine qui a fait, jusqu'à maintenant, un travail extraordinaire dans le dossier. Je pense qu'il faut le dire, il a fait un travail magnifique.

M. le Président, ce projet de loi n° 67, il s'agit du projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Je vous dirais qu'à cette appellation scientifique il y a un vocable qui est communément accepté pour parler du projet de loi n° 67, en le désignant projet de loi qui concerne les clauses orphelin, ou les clauses discriminatoires. C'est un projet de loi, jusqu'à maintenant, qui a fait couler beaucoup d'encre, et on le comprendra, puisque c'est un projet de loi d'importance qui concerne la jeunesse québécoise. C'est un projet de loi qui a, de par sa nature, de par son contenu, de par son sujet, tôt fait de polariser le débat sur le fossé qui sépare aujourd'hui les jeunes du reste de la société, ou plus particulièrement en ce qui concerne le projet de loi n° 67 qui sépare les jeunes et les patrons ou les chefs d'entreprise.

C'est une polarisation du débat, dans le contexte, qui n'a rien d'étonnant, il faut le dire. D'un côté, nous avons les différents groupes représentant les jeunes qui ont la ferme conviction de livrer un combat sur la base de deux grands principes, c'est-à-dire sur celui de la justice et celui qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui – un terme qui est très à la mode mais qui est très révélateur de l'enjeu qui se dessine pour les jeunes entourant le projet de loi n° 67 – l«'équité intergénérationnelle». De l'autre côté, M. le Président, nous avons la partie patronale qui évoque des arguments de type économique pour justifier le maintien des clauses orphelin, ou ce qu'il est convenu d'appeler les clauses discriminatoires, ou encore les clauses d'exclusion.

M. le Président, les motifs qui ont conduit la ministre du Travail à présenter un tel projet de loi font suite à un engagement lors de la dernière campagne électorale. On se souviendra tous que le premier ministre, comme il a l'habitude de le faire, s'est engagé à faire de ce dossier une priorité. Évidemment, il a donné tout de suite la couleur qu'il entendait donner au projet de loi en se positionnant en faveur des jeunes. En prenant un engagement, donc, à l'effet de légiférer rapidement pour éliminer les clauses discriminatoires dans les conventions collectives et les milieux de travail, le premier ministre a clairement campé l'orientation de son gouvernement et, du même coup, a contribué à polariser le débat. Dans ce contexte, il ne faut surtout pas s'étonner que le débat ait rapidement pris la tangente de la confrontation. Mais la question qu'on peut se poser, c'est: Est-ce que c'est une confrontation qui était inévitable?

Pour éviter cette situation, je pense qu'il aurait été de bon augure que le premier ministre, la ministre de l'Emploi et son gouvernement nous aient présenté ce projet de loi comme un projet qui allait révolutionner en quelque sorte la place des jeunes sur le marché du travail et dans la société québécoise. À l'heure où collectivement on se questionne sur le modèle québécois, sur les concepts de modernité, de citoyenneté et de mondialisation, c'est un projet de loi qui nous interpelle sur la place que nous réservons à nos jeunes ici, au Québec. Enfin, M. le Président, derrière ce projet de loi se dessine et se profile un vaste défi auquel nous sommes interpellés comme société. Celui-ci repose sur notre capacité d'intégrer les jeunes sur le marché du travail et, conséquemment, à l'ensemble de la société.

M. le Président, je pense que, en perpétuant et en cautionnant les clauses orphelin, nous contribuons à maintenir et à creuser le fossé entre les jeunes et les moins jeunes. Évidemment, le combat que livrent les jeunes face à ce projet de loi peut être interprété par certains d'une manière péjorative. Cependant, je crois que nous devons y voir, derrière le combat que les différents groupes et les différents jeunes livrent, un désir et une volonté d'intégrer la société sur la base d'un principe d'équité, de justice. Évidemment, je vois là aussi un geste très positif qui sous-tend une mobilisation qui servira non seulement aux jeunes, mais à l'ensemble de la société.

Dans notre histoire, on a des exemples éloquents des mobilisations qui sont à l'origine d'une évolution et d'un développement collectif qui font en sorte qu'aujourd'hui, si la société québécoise est où est-ce qu'elle est, c'est bien sûr parce que des gens n'ont pas hésité, durant notre histoire, à se mobiliser pour des causes qu'ils jugeaient justes et louables. Cet appel qui est lancé par les jeunes aujourd'hui – et ils ont été nombreux à se présenter en commission parlementaire – s'inscrit donc exactement dans la même foulée que l'engagement qui a été pris par le premier ministre lors de la dernière campagne électorale. Enfin, par cet engagement, le premier ministre a fixé la barre très, très haute et, sur la base de son engagement, il a nourri chez les jeunes un espoir de voir une situation qui permet à un employeur d'avoir recours aux clauses orphelin disparaître.

Le sentiment, je vous dirais, qui anime les jeunes de voir cette situation-là disparaître, il est légitime, il est fondé. Cependant, et je trouve ça très malheureux, M. le Président, devant les tergiversations – parce que c'est comme ça qu'on doit les désigner – affichées par la ministre de l'Emploi dans ce dossier, les jeunes ont vite fait d'être confrontés à la dure réalité, celle d'un gouvernement et celle d'un premier ministre qui prend un engagement, qui fait miroiter aux jeunes évidemment un changement en profondeur dans le système actuel mais qui hésite à respecter cet engagement.

Enfin, ce voeu si fièrement exprimé par le premier ministre de faire de la jeunesse une priorité a toute l'apparence aujourd'hui d'un beau concept qui paraît vide de sens alors que le gouvernement tarde à prendre ses responsabilités d'importance comme celle de la jeunesse. En faisant un pas en avant et deux en arrière, la ministre de l'Emploi envoie aujourd'hui un bien drôle de message à l'endroit des jeunes, et je vous dirais, M. le Président, que, pour avoir assisté à une journée de commission parlementaire avec les groupes qui se sont présentés, j'ai été très surprise de voir la ministre de l'Emploi et du Travail s'insurger lorsque, en commission parlementaire, le représentant du groupe Force Jeunesse, M. François Rebello, qui est un jeune très, très populaire, qui a su se démarquer au Québec, a lié la question de l'adoption du projet de loi sur les clauses orphelin à la participation de l'organisme au prochain Sommet du Québec et de la jeunesse en février prochain.

(15 h 40)

M. le Président, en s'insurgeant ainsi, la ministre de l'Emploi sous-estime deux choses, la première étant la réceptivité qui était affichée par les jeunes face à la volonté annoncée par le gouvernement d'abolir les clauses orphelin. Je devrais même dire que c'est plus qu'une volonté, en fait, c'est un engagement formel qu'a pris le premier ministre lors de la dernière campagne électorale.

Deuxièmement, la détermination des jeunes à boycotter leur participation au Sommet de la jeunesse, c'est un deuxième élément que la ministre de l'Emploi semble de toute évidence sous-estimer. En fait, M. le Président, ce qu'on doit comprendre, c'est qu'en s'insurgeant de la sorte la ministre tente de banaliser, ou de diminuer, le lien qui existe entre son projet de loi et le Sommet du Québec et de la jeunesse. Ce lien, que la ministre le veuille ou non, il est bien réel et il a été affirmé par le premier ministre à l'automne dernier en pleine campagne électorale.

Pour les jeunes, c'est un test important que la ministre procède à l'adoption de ce projet de loi, et je parle de l'adoption, là, d'un projet de loi qui ne sera pas truffé de trous et qui sera, dans le fond, édulcoré ou diminué. Si le gouvernement ne remplit pas son engagement d'éliminer les clauses discriminatoires, il va de soi que le message qui sera envoyé aux jeunes, à la jeunesse du Québec par le gouvernement, par le premier ministre, par la ministre de l'Emploi en sera un fortement dilué, voire totalement édulcoré.

Le gouvernement ne peut pas à la fois se vautrer dans de beaux concepts de justice, d'équité et d'élimination de la discrimination et carrément s'enfarger dans les fleurs du tapis et nuancer à outrance, c'est-à-dire au point de dénaturer l'engagement personnel du premier ministre à l'endroit de la jeunesse. Les jeunes ne sont pas dupes, ils sont conscients de la force qu'ils représentent et ils entendent bien s'en servir. Lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts de nos jeunes, on ne peut faire très longtemps dans les nuances. Les jeunes attendent du gouvernement des réponses claires et limpides et un engagement formel également du premier ministre. Ce dernier s'est avancé; il a donc l'obligation de livrer la marchandise.

M. le Président, pendant que le gouvernement, pendant que la ministre de l'Emploi tergiverse sur cette question d'importance, il y a une instance qui n'a pas tardé, elle, à tergiverser, qui a statué dernièrement sur les clauses orphelin ou les clauses discriminatoires. Évidemment, on comprendra tous que je fais référence ici à la Commission des droits de la personne qui a statué – on l'apprenait hier, justement; en fait, le 21 novembre dernier – sur le gel du salaire qui a été imposé aux jeunes enseignants du Québec. C'est une décision importante, dans le contexte, qui, je l'espère, saura influencer positivement et peut-être pourra inspirer la ministre sur l'orientation qu'elle devra donner au projet de loi n° 67.

Que nous dit la décision de la Commission des droits de la personne? En fait, ce que cette Commission nous apprend, c'est que le gel qui a été décrété à la suite des négociations entre le gouvernement Bouchard et la CEQ, il a été fait auprès de près de 28 000 enseignants au Québec, des enseignants qui se caractérisent par leur jeunesse. Évidemment, cette situation a été provoquée par le fait que le gouvernement a imposé de réduire de 6 % la masse salariale chez les enseignants. Donc, la CEQ a trouvé comme moyen très original de pénaliser ses jeunes enseignants. Vous comprendrez que le plaignant en question, qui a logé une plainte à la Commission des droits de la personne, lui était très, très heureux aujourd'hui d'apprendre que la Commission des droits de la personne avait statué en la faveur et au bénéfice des jeunes enseignants du Québec.

Hier, lorsque mon collègue d'Anjou demandait justement au gouvernement, sur la base de cette décision rendue par la Commission des droits de la personne, quelle serait la réponse que le gouvernement allait livrer face à cette décision, le président du Conseil du trésor n'a trouvé pour seule réponse que de renvoyer la balle à la CEQ, accusant la CEQ de tous les torts, de tous les maux dans ce dossier. Évidemment, je pense que la CEQ a sa part de responsabilité, mais il faut bien comprendre, M. le Président, que le gouvernement, de par les exigences qu'il a imposées en demandant de réduire la masse salariale de 6 %, a une énorme responsabilité, dans le contexte. La décision qui a été rendue par la Commission des droits de la personne est un beau cas de préjudice commis à l'endroit des jeunes et, en l'occurrence, des jeunes enseignants.

Un autre cas de préjudice, ou d'injustice, qui a été commis, lui, à l'endroit de nos jeunes en est un vécu à l'intérieur même de l'appareil gouvernemental. Dans un mémoire, M. le Président, qui a été déposé par le Syndicat... Et d'ailleurs on doit souligner que le mémoire a été présenté et déposé en commission parlementaire, devant la commission de l'économie et du travail, le 21 septembre dernier. Donc, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec dénonce l'attitude du gouvernement qui tente d'imposer une clause orphelin dans la convention collective de ses professionnels. Le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec pose une prémisse de départ importante dans son argumentaire, à l'effet qu'il s'oppose de façon pleine et entière à l'odieux phénomène des clauses orphelin en se dressant contre toute forme de discrimination. Leur argument s'appuie sur l'article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés qui stipule la chose suivante: «Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.» Donc, cet article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés devrait, à mon sens, orienter la ministre dans ses réflexions qui vont la conduire à adopter et à présenter la version finale du projet de loi n° 67.

M. le Président, en ce qui a trait plus spécifiquement au programme Stages pour nouveaux diplômés, le Syndicat des professionnels déplore la chose suivante, et vous me permettrez de citer un extrait de son mémoire, à la page 7, qui nous informe que «l'État profite de ce programme – et c'est le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec qui le soutient – pour réduire ses dépenses salariales en maintenant le taux de traitement de ses nouveaux diplômés aux taux offerts aux étudiants plutôt que ceux offerts aux salariés de l'État». Donc, je pense que, sur la base d'une affirmation comme celle-là, il n'y a pas de doute possible que le gouvernement lui-même, évidemment, impose, ou fait vivre, au personnel et en particulier aux jeunes de la fonction publique des situations très discriminatoires.

M. le Président, je souhaiterais cet après-midi vous rapporter une conversation que j'ai eue dernièrement avec un jeune détenteur d'un Doctorat en sciences politiques qui me rapportait qu'il avait été choisi, avec 200 jeunes au Québec, pour occuper justement un emploi dans la fonction publique dans le cadre de ce programme de stages. Ils étaient plusieurs milliers à postuler, en 1998-1999, pour un emploi de cette nature-là, et, de ce nombre, seulement 200 jeunes ont été choisis. C'est donc dire qu'on avait affaire, là, à des jeunes qui se sont démarqués par leurs qualités et par leur compétence également. Cependant, ce que ce jeune détenteur d'un Doctorat en sciences politiques m'a confié, c'est qu'il a choisi de quitter quelques semaines après son embauche parce que justement les conditions reliées à son traitement salarial étaient nettement désavantageuses, et c'est comme ça que lui me l'a exprimé, c'est comme ça que, lui, il l'a vécu.

Évidemment, M. le Président, c'est une situation qui est très, très triste et qui met en lumière une autre problématique qui a été aussi soulevée par le Syndicat des professionnels du gouvernement, soit celle du rajeunissement durable de la fonction publique, une condition indispensable, soutient le Syndicat – et c'est une condition que nous partageons – à la modernisation de l'État. En choisissant de quitter, notre jeune docteur en sciences politiques prive l'État québécois – et, je vous dirais, c'est une conclusion qui rejoint le mémoire qui a été présenté par le Syndicat de la fonction publique – d'idées nouvelles et du transfert de connaissances de ses aînés. C'est une question fondamentale à laquelle nous sommes appelés à répondre, fondamentale afin d'assurer une relève de qualité dans notre fonction publique, une relève reconnue pour ses compétences. Le gouvernement doit donc dès aujourd'hui mettre sur la table toutes les mesures et tous les incitatifs utiles qui permettront d'avoir une fonction publique compétente, de qualité, qui saura relever tous les défis qui se présenteront dans l'avenir.

(15 h 50)

Évidemment, il y a un autre organisme très important qui est le Conseil permanent de la jeunesse. Dans un mémoire qu'il a déposé concernant le renouvellement de la fonction publique, le Conseil permanent de la jeunesse rejoint également les préoccupations du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. Justement, à la page 78 de leur mémoire, on fait référence au programme Stages pour nouveaux diplômés, et vous me permettrez, M. le Président, de lire un extrait de ce mémoire. On nous dit que «le Conseil permanent de la jeunesse recommande que la rémunération des stagiaires soit majorée de façon à être équivalente à celle des employés occasionnels. Cette rémunération devrait aussi tenir compte du cycle de formation pour les diplômés de la maîtrise et du doctorat et accorder un échelon additionnel par diplôme excédant le diplôme minimal requis». Dans le fond, le message que nous envoie le Conseil permanent de la jeunesse, c'est le suivant: Pour s'assurer d'avoir une fonction publique qui soit renouvelée, qui soit rajeunie, on doit évidemment mettre en place tous les incitatifs qui permettront à nos jeunes de vouloir demeurer et de relever les défis qui se présenteront à eux à l'intérieur de notre fonction publique.

M. le Président, je vois que le temps file. Je dois vous dire que ce projet de loi n° 67, en terminant, est loin de répondre à l'engagement initial du premier ministre. Et, s'il y a un élément qu'on peut déplorer aujourd'hui en cette Chambre, c'est effectivement cet engagement qu'a pris le premier ministre et que, de toute évidence, il ne réussira pas à respecter. Je dois vous dire que le premier ministre, qui est fidèle à son habitude, a souvent le réflexe de s'engager personnellement à régler des dossiers. Je dois vous dire, comme députée du comté de Bonaventure, que, dans une région comme la Gaspésie, on a fait les frais de cet engagement personnel, et je n'ai pas à vous faire de dessin en vous soulignant que, lorsque je fais référence en l'engagement personnel du premier ministre pour la Gaspésie, je fais référence au dossier de la Gaspésia. Aujourd'hui, évidemment, les Gaspésiens font la douloureuse expérience de cet engagement personnel qu'a pris le premier ministre, qu'il n'a pu respecter.

M. le Président, les jeunes, qui ont été conviés à un important rendez-vous en février 2000, pourraient, eux aussi, déchanter, puisque le projet de loi n° 67, dans sa forme actuelle, convaincra les jeunes que le premier ministre et son gouvernement ont lamentablement échoué le test. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Nous allons maintenant vous céder la parole pour votre réplique, Mme la ministre. Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux (réplique)

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Écoutez, le début de l'intervention de la députée de Bonaventure m'a beaucoup intéressée. J'ai même eu l'espoir qu'il y avait une certaine lucidité de la part de la représentante de l'opposition dans ce dossier des clauses de disparités de traitement. Malheureusement, elle conclut par le mot «tergiversation», par le fait que le gouvernement échoue lamentablement. J'aimerais rappeler d'abord aux citoyens et aux citoyennes et aussi à l'opposition officielle que nous sommes le seul pays au monde – le seul pays au monde; et, si jamais il y en a un qui a déjà déposé une législation de ce genre-là, il faut me le faire savoir, parce que nous avons travaillé avec beaucoup de vigueur, de rigueur, mais nous étions sans filet – à s'être engagé dans un processus comme celui-là, à s'être engagé à essayer de mieux cerner ce phénomène, à essayer de le documenter et à essayer aussi de l'encadrer dans une loi. Nous sommes le seul pays au monde. Alors, comment peut-on prétendre qu'il y a tergiversation?

Oui, sur certains éléments, on a été, un peu comme quand les jeunes apprennent l'informatique et qu'ils sont à l'ordinateur, à certains moments par tâtonnements; bien sûr, nous n'avions aucun exemple, aucun filet. Nous sommes un laboratoire. Et on parle, ici, de tergiversation, du fait que le gouvernement ne livre pas la marchandise? Je trouve que cette position de l'opposition officielle est gênante. Alors, je tenais à faire cette première remarque avant d'aborder d'autres aspects, au moment de l'adoption du principe du projet de loi n° 67.

Nous avons mieux cerné le phénomène, nous l'avons documenté, nous avons eu le mérite également de tenter d'en évaluer les impacts sur le plan économique, sur le plan du maintien d'emplois, de la création d'emplois. Nous avons fait le choix de cerner ce phénomène en rappelant qu'il ne doit pas y avoir de disparités de traitement fondées sur la date d'embauche. Il y a une interdiction claire, c'est un des premiers articles de ce projet de loi là. C'était donc un engagement du gouvernement. Nous livrons la marchandise dans des délais tout à fait raisonnables. Nous avons procédé à des consultations; c'était normal. Nous avons pris le temps, après, de bien analyser les propos des gens qui sont venus au moment des commissions parlementaires pour en tirer la substance et pour faire en sorte d'apporter des amendements qu'il me fera plaisir d'ailleurs de déposer lorsque l'adoption du principe du projet de loi sera faite.

Il y a quelques semaines, d'ailleurs, le premier ministre, à une question du député de Rivière-du-Loup, a été clair, il a rappelé l'intention du gouvernement de procéder à l'adoption du projet de loi n° 67 d'ici la présente session parlementaire. Je ne peux pas trouver d'autre signe plus clair qui témoigne du fait que c'est une priorité pour le gouvernement du Parti québécois. Il n'y a pas de signe plus évident que cela.

Alors, comme je le disais, il y a eu effectivement deux consultations générales, une première à l'automne 1998, une deuxième en septembre et octobre derniers. Nous avons déposé un projet de loi au mois de juin, et je pense que ce projet de loi témoigne de la particularité du gouvernement québécois, cette particularité, M. le Président, à l'effet que le gouvernement du Parti québécois est capable de faire des choses et d'être en avant malgré les débats et les oppositions que ça peut soulever. Nous avons plusieurs exemples qui en témoignent; je pense, par exemple, à La loi sur la formation professionnelle, que les gens connaissent bien sous l'appellation de «loi du 1 %», à la Loi sur l'équité salariale, à la réduction de la semaine normale de travail. Je mets au défi quiconque de tenter de retracer ce type d'initiatives là, d'interventions gouvernementales dans d'autres États. Je pense que ça témoigne du fait que le gouvernement du Parti québécois est capable d'intervenir de manière concrète, audacieuse pour que nos lois évoluent au rythme de la société québécoise et de ses préoccupations.

Dans les remarques finales que j'ai faites au terme de la consultation générale des mois de septembre et octobre derniers, j'ai indiqué que le projet de loi est un point de départ, que le projet de loi pouvait être modifié pour en faciliter la compréhension et l'application, et j'ai donc l'intention de présenter des modifications lors de l'étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire. Ces modifications, comme je le disais en introduction, s'inspirent des suggestions, des commentaires, des préoccupations des participants et participantes, qu'ils proviennent autant des groupes de jeunes que des milieux syndicaux et patronaux. Alors, cette participation-là, elle a été très utile, elle nous a permis de repérer des problèmes que nous avions sous-estimés ou alors surestimés. Je pense que c'était déjà un premier test de la valeur de ce projet de loi là, et nous en avons tenu compte.

Je voudrais aussi insister sur le fait qu'un projet de loi comme celui-là, de cette importance – la députée de Bonaventure a fait allusion à des principes d'équité, d'égalité, de justice – ce n'est pas un projet de loi qu'on peut élaborer en vase clos, et on ne peut pas faire abstraction des réalités sociales et économiques de notre société et des sociétés avec qui on échange quotidiennement. Il n'existe aucune autre législation semblable dans le monde; nous devions donc procéder à la fois avec audace – parce que le simple fait d'avoir un projet de loi à ce sujet, ça fait preuve d'audace – mais aussi avec rigueur et prudence, d'où l'importance, à mes yeux, d'avoir, par exemple, développé les premiers outils d'évaluation d'impact de ce type de législation là. Alors, c'est un geste extrêmement important pour les gens, que nous procédions à l'adoption de ce projet de loi.

Nous devions en mesurer les conséquences, nous devions soigneusement les identifier. On peut bien déchirer les projets de loi comme l'a fait le député de Rivière-du-Loup hier soir au salon bleu, c'est facile et spectaculaire, mais, moi, comme ministre du Travail, comme membre d'un gouvernement responsable, je dois faire en sorte que ce projet de loi là puisse vivre, qu'il puisse avoir un sens, qu'il puisse s'appliquer quotidiennement dans chacun des milieux de travail au Québec. Alors, c'est pourquoi le projet de loi, il est assez simple, finalement, il émet une interdiction générale de clauses qui ont trait à des conditions de travail qui sont prévues à la Loi sur les normes du travail, qui seraient désavantageuses en fonction de la date d'embauche. Le principe, il est clair, mais, oui, ce projet de loi prévoit aussi des exceptions, des aménagements – on peut appeler ça de différentes manières – pour faire en sorte que nous puissions avoir une mise en oeuvre réaliste et efficace de cette future loi.

(16 heures)

Je vous dirais également – et ça, je l'ai répété à plusieurs reprises, et c'est la raison pour laquelle j'ai eu l'espoir que l'éclair de lucidité de la députée de Bonaventure puisse persister tout au cours de son intervention – j'ai eu l'occasion souvent de le dire: Cette question des clauses de disparités de traitement ne nous dispense pas d'une autre plus vaste question et importante question; on ne doit pas se cacher derrière ce dossier, nous devons considérer que nous avons tous un grand défi, celui de la précarité du travail, qui touche entre autres les jeunes, celui de l'accès des jeunes au travail, le lien entre les études que les jeunes entreprennent et les emplois disponibles. Toutes ces questions-là demeurent. Et ce n'est pas vrai que nous allons disposer de ces questions-là par l'adoption d'un projet de loi sur les clauses qu'on appelle «orphelin», je tiens à le rappeler. Parce que c'est vrai qu'il y a beaucoup de gens qui ont mis beaucoup d'espoir, mais je pense qu'on ne doit pas travestir l'objectif fondamental et la portée d'un projet de loi comme celui-là. Et sachez, M. le Président, que je serai à l'offensive aussi sur ces questions-là, parce que je suis aussi ministre responsable de l'Emploi et que j'ai bien l'intention de les aborder le plus correctement possible, le plus complètement possible, avec le plus d'imagination possible lors du Sommet de la jeunesse et du Québec qui aura lieu en février prochain.

J'aimerais reprendre certains éléments d'interventions qui ont été des propos qui ont été tenus par certains députés de l'opposition. J'ai repéré un certain nombre de propos que je qualifierais de particulièrement édifiants lors du débat sur le principe. Je vous donne quelques exemples. Et je pense que le fil conducteur de ces exemples que j'ai repérés témoigne d'une chose: en fait, on ne sait pas où l'opposition officielle se situe dans ce débat-là. Un des propos que j'ai repérés de la part du député de LaFontaine, il a dit à un moment donné: Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tenu ses engagements? Pourquoi n'a-t-il pas tenu ses promesses? Bien, parce qu'il a promis pour des raisons électorales, il a promis sachant qu'il ne pourrait pas le faire.

Alors, M. le Président, ici, on nage en pleine contradiction. Qu'est-ce qu'on est en train de faire aujourd'hui? Nous tentons d'adopter le principe de cette loi pour pouvoir passer à une autre étape, pour pouvoir examiner les articles un à un, pour pouvoir y apporter des correctifs, des amendements. Alors, je m'excuse, il y a là une contradiction assez extraordinaire. Et ce n'est pas un défaut de respecter son engagement électoral. Ce n'est pas, aussi, une plaie de prendre des engagements électoraux et encore moins de les respecter. Alors, oui, le gouvernement a pris un engagement électoral. S'il a pris un engagement électoral, c'était qu'il était prêt à aller jusqu'au bout. Oui, le gouvernement a déposé un projet de loi, et, oui, nous avons l'intention de l'adopter d'ici la fin de la session. Et j'espère que ce sera avec l'appui de l'opposition et aussi l'appui du député de Rivière-du-Loup.

Et j'aimerais rappeler au député de LaFontaine qu'on ne peut pas en dire autant du Parti libéral, qui dès 1987 – ça, ça fait 12 ans – avait entre les mains une résolution de sa Commission-Jeunesse qui lui demandait de légiférer sur cette question. Et pendant sept ans, ce gouvernement du Parti libéral a été au pouvoir, et quel est le bilan de l'intervention du Parti libéral à ce sujet? C'est le néant total. Il n'a rien fait. Cet engagement, nous l'avons pris l'année dernière, à peu près à ce moment-ci de l'année. Nous sommes un an plus tard et nous nous apprêtons à boucler la boucle. Le gouvernement du Parti libéral a eu l'occasion, pendant sept ans, de faire un tout petit pas. Il n'a rien fait, et ça, en plus, et c'est assez extraordinaire, malgré le passage, en 1991-1992, du bouillant député de Rivière-du-Loup à la tête de la Commission-Jeunesse. Alors, moi, je pense qu'on doit cesser. Je pense qu'il est un peu gênant que l'opposition officielle fasse des leçons au gouvernement en place quant à sa capacité d'aller jusqu'au bout des idées qu'il a véhiculées.

Le député de LaFontaine a aussi dit, à un certain moment donné: «Il n'y a aucune société dans le monde qui ne reconnaît pas que, pour un travail égal, c'est un salaire égal. Mais, nous, au Québec, on a fait ça.» Alors, M. le Président, je trouve que c'est là encore une déclaration assez incroyable. Et j'invite le député de LaFontaine à relire la Charte des droits et libertés, qui est un des instruments, qui est un modèle dans le monde. Je l'invite aussi à relire la Loi sur l'équité salariale, à comparer les lois du Québec à celles des autres États.

Un autre commentaire assez fascinant de la part du député de LaFontaine, il a dit, à un certain moment donné: «Le gouvernement se fait reprocher depuis longtemps de ne pas être près des entreprises, de ne pas être près du monde des affaires. Il est donc à la recherche quasiment de l'amour de ces entreprises et de ces chefs d'entreprises, il est prêt à agir sans discernement, par rapport à sa responsabilité globale envers l'ensemble de la population. Alors, voilà certainement ce qui explique le revirement, ce qui explique la dérobade de ce gouvernement dans ce projet de loi là. Ça, c'est pour les entreprises privées, c'est pour les entreprises privées, M. le Président.» Fin de la citation. Alors, je pense que le député de LaFontaine a assisté aux mêmes consultations générales que moi, et je lui rappelle qu'il y a un grand, grand, grand consensus au sein des groupes patronaux, ils s'opposent à une loi comme celle-là. Et, malgré ça, malgré ça, le gouvernement va de l'avant. Alors, que le député cesse de nous prêter ce type d'intention. Nous sommes prêts à faire face à l'opposition des groupes patronaux.

Une autre intervention qui a suscité une certaine curiosité, une intervention du député de Chomedey, qui a dit, à un certain moment: «M. le Président, c'est très important de savoir que le projet de loi n° 67 renvoie d'emblée à cette notion de la convention collective, car il est évident que le projet de loi en question s'adresse strictement au domaine du travail, régi par décrets ou conventions collectives. En d'autres mots, on n'est pas en train de s'adresser à des gens qui sont dans le libre marché du travail ou aux autres employeurs.» En fait, en substance, le député de Chomedey croit – croit – que ce projet de loi ne s'adresse qu'à des personnes qui sont syndiquées.

Je suis un peu surprise de cette déclaration-là. Il me semble que le député de Chomedey est un avocat, et je lui rappelle que la Loi sur les normes du travail s'applique aux travailleurs et aux travailleuses syndiqués et non syndiqués. Tout le monde sait que la Loi sur les normes du travail, c'est la base minimale qui est accordée à tous les travailleurs, quels qu'ils soient, et que même la Loi sur les normes du travail est réputée protéger davantage les travailleurs non syndiqués, puisque, en général, les travailleurs syndiqués ont des conditions de travail légèrement ou, dans certains cas, d'une manière plus importante, supérieures. Le député de Chomedey devrait savoir qu'il y a déjà eu une hypothèse qui a été émise à l'effet d'inclure des dispositions au sujet des clauses de disparités de traitement dans le Code du travail. Cette hypothèse-là a été rejetée, justement parce que le Code du travail gère les rapports collectifs du travail et qu'il n'aurait pas permis de rejoindre les travailleurs non syndiqués.

Alors, moi, je suis très fière du travail que nous avons fait. Ce n'est pas, évidemment, un dossier facile, parce que, évidemment, il y a l'opposition qui s'est exprimée, parce qu'on n'a pas de modèle, parce que nous devions aussi avoir une approche de principe, mais aussi pragmatique, nous devions donc trouver une voie. Et, comme je le disais en introduction, nous sommes les seuls à l'avoir fait, nous n'avions pas de modèle, pas de filet. Et je suis très fière de cette démarche qui a été faite au Québec. Nous allons, je l'espère, dès l'adoption du principe de ce projet de loi, procéder à cette autre étape. J'espère que l'opposition va apporter une certaine collaboration, parce que, quant à moi, les citoyens et les citoyennes du Québec, s'il n'y a pas cette collaboration de l'opposition, devront se poser des questions sur les intentions réelles et sur la volonté réelle de l'opposition que le gouvernement puisse adopter cette loi-là. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre du Travail et de l'Emploi. La réplique étant maintenant terminée, le principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, est-il adopté?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

(16 h 10)

M. Boulerice: M. le Président, je vous réfère maintenant à l'article 6 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 83


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de votre feuilleton, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 83? Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et également députée de Taillon.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous abordons effectivement cet après-midi l'étude du projet de loi n° 83, qui est une loi venant modifier la Loi sur l'assurance-maladie de même que d'autres dispositions législatives.

Essentiellement et parmi un certain nombre d'autres mesures, ce projet de loi vient modifier la loi en précisant les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie de telle sorte qu'il soit dorénavant clair que, pour être admissible à ce régime, une personne doit être domiciliée au Québec et appartenir à l'une des catégories énumérées dans la loi. Cependant, afin de respecter l'esprit de deux décisions récentes du Tribunal administratif du Québec, les enfants mineurs seront exemptés de l'obligation d'être domiciliés au Québec s'ils y sont, par ailleurs, établis. Le projet de loi prévoit aussi qu'une personne qui possède le statut de résident permanent dans un autre pays sera présumée ne pas être domiciliée au Québec. Ces nouvelles dispositions permettront de s'assurer que seules les personnes admissibles auront accès au système de santé financé par les fonds publics et que les difficultés d'interprétation que soulèvent les dispositions actuelles seront résolues.

Je me permettrai d'ailleurs à ce moment-ci, M. le Président, de souligner l'importance de l'émission d'une carte d'assurance-maladie parce qu'elle donne accès à tous les services disponibles en matière de santé et de services sociaux. Aussi, pour les nouveaux arrivants, qui rapidement peuvent avoir accès à cette carte, c'est sûrement le geste de plus grande solidarité qu'on puisse imaginer que le peuple québécois peut poser envers ces citoyens qui sont de nouveaux arrivants.

On se comprend donc, que toutes ces nouvelles dispositions vont permettre de s'assurer que seules les personnes admissibles auront accès au système de santé financé par les fonds publics et que les difficultés d'interprétation que soulèvent certaines dispositions actuelles seront résolues.

Le projet de loi prévoit, par ailleurs, l'introduction d'une infraction pénale visant la personne qui a en sa possession une carte d'assurance-maladie qui n'est pas la sienne. Il prévoit aussi un pouvoir de récupération de la carte d'assurance-maladie lorsqu'une personne omet ou refuse de la retourner à la Régie. L'introduction de ces dispositions vise à assurer de meilleurs contrôles par la Régie de l'utilisation des cartes d'assurance-maladie.

Les délais de prescription applicables aux recours que la Régie intente en vertu du recouvrement du coût de services qu'elle a indûment assumés pour le compte d'une personne et en matière de responsabilité des tiers sont fixés à trois ans de la connaissance des faits qui y donnent ouverture. La fixation du point de départ de la prescription au moment de la connaissance des faits permettra à la Régie de prendre des recours qui auparavant ne pouvaient l'être en raison de l'expiration des délais de prescription.

En matière de demande de services ou de remboursement, des dispositions permettant d'exiger, selon les circonstances prévues par règlement, qu'une personne se soumette à l'examen d'un professionnel de la santé sont introduites afin de permettre à la Régie d'obtenir les renseignements nécessaires à une prise de décision éclairée lorsque l'expertise d'un professionnel de la santé s'avère indispensable. L'obtention d'une telle expertise, dans les cas où elle s'avère favorable à la personne assurée, évitera que la Régie ne rende une décision négative et que la personne assurée ne soit obligée de prendre un recours devant le Tribunal administratif du Québec.

Les ententes avec les professionnels, maintenant, contiennent diverses mesures de plafonnement d'activité. À cet égard, une disposition pénale sanctionnant le transfert par un professionnel de la santé de la réclamation de ses honoraires au nom d'un autre professionnel ou l'acceptation par ce dernier d'un tel transfert à son nom est introduite. Cette disposition va permettre un recours plus facilement applicable à l'égard du professionnel fautif.

La Régie effectue de nombreux contrôles et plusieurs enquêtes qui annuellement lui permettent de récupérer des sommes de l'ordre de 7 000 000 $. Une disposition permettant à la Régie de réclamer aux professionnels de la santé des frais de recouvrement calculés sur la base d'un pourcentage, soit 10 % du montant à recouvrer, est introduite. Cette disposition permettra d'imputer directement une partie des coûts des mesures de contrôle aux professionnels de la santé dont la facturation ou la pratique font en sorte que des mesures de recouvrement deviennent nécessaires.

En ce qui a trait aux renseignements, une disposition portant sur la communication de renseignements à Héma-Québec est également introduite. Celle-ci permettra à Héma-Québec d'obtenir les renseignements d'identité dont elle a besoin afin d'être en mesure de contacter les personnes qui ont donné ou reçu du sang, lorsque la situation l'exige. Le projet de loi introduit une disposition permettant à la Régie, aux fins de l'application d'ententes internationales de sécurité sociale, de communiquer des renseignements personnels au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ou à un pays étranger concernant un ressortissant de ce pays qui a reçu des services au Québec. Cette nouvelle disposition permettra à la Régie de réaliser l'ensemble des tâches qui lui incombent tout en respectant les principes de transparence et de nécessité en matière de communication de renseignements personnels.

Le projet de loi modifie le processus d'adoption de la liste des aides techniques. La couverture générale des programmes continuera d'être déterminée par règlement du gouvernement au moyen d'une énumération des biens visés, mais le choix précis des aides techniques, soit le nom et la description détaillée des biens, sera fait par règlement de la Régie, lequel sera publié à la Gazette officielle . Il en résultera un allégement réglementaire, puisque les listes détaillées d'aides techniques ne seront plus adoptées par règlement du gouvernement.

Le projet de loi habilite la Régie, dans certains cas, à faire assumer à la personne assurée les frais d'administration entraînés par une demande tardive de réinscription ainsi qu'à fixer les frais exigibles d'un professionnel de la santé qui soumet sa facturation autrement que par télécommunication. La première mesure vise à responsabiliser la clientèle tout en permettant à la Régie de récupérer une partie de ses coûts d'opération. Quant à la deuxième mesure, elle permettra à la Régie de réduire ses coûts d'opération à court terme, et ce, de façon récurrente.

Le projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec en changeant la composition du conseil d'administration afin d'y ajouter trois nouveaux membres. Un de ces nouveaux membres sera issu du milieu des affaires et les deux autres seront nommés après consultation des ordres professionnels du domaine de la santé. L'ajout de membres provenant des ordres professionnels permettra une meilleure représentation de la protection des intérêts du public, alors que le membre issu du milieu des affaires assure un meilleur équilibre des visions et des perspectives qui doivent être présentées au conseil. Lorsque nous faisons référence aux ordres professionnels, nous pensons particulièrement, bien sûr, aux médecins de même qu'aux infirmières.

Le projet de loi permet à la Régie de conclure des ententes pour les fins de l'application de toute loi du Québec, et ce, afin que la Régie soit en mesure d'exécuter les nouveaux mandats qui pourraient et qui peuvent lui être confiés. De plus, il permet à la Régie de conclure des ententes pour fournir des services de consultation reliés au développement ou à la mise en oeuvre d'un régime d'assurance-santé ou à la gestion de données au Québec ou à l'extérieur du Québec. L'ajout d'une telle disposition permettra à la Régie de contribuer aux efforts d'ouverture sur le monde du gouvernement québécois et surtout de l'exportation de l'expertise québécoise, tant publique que privée, qui est largement reconnue par plusieurs gouvernements à travers le monde entier.

(16 h 20)

M. le Président, en terminant, je voudrais assurer les membres de cette Assemblée que les institutions et organismes concernés par un tel projet de loi, en particulier la Commission d'accès à l'information, ont été bien sûr consultés sur le projet de loi et s'avèrent d'accord avec ce qui s'y trouve, de telle sorte que nous puissions nous assurer que ce qui est présenté ici respecte en tous points d'autres lois, évidemment, que nous avons par ailleurs adoptées ici, à l'Assemblée nationale du Québec. C'est un projet de loi qui vient alléger, qui vient simplifier, qui vient aussi responsabiliser ceux et celles qui font affaire avec l'un ou l'autre des services de santé ou services sociaux du Québec, de telle sorte que le citoyen puisse renouveler sa carte d'assurance-maladie dans les délais impartis, qu'un professionnel soit tenu responsable s'il agit de façon frauduleuse à l'égard de l'un ou l'autre des articles de la loi ou des règlements ou procédures prévus au régime d'assurance-maladie du Québec.

Je crois donc qu'il s'agit plutôt d'un projet de loi qui vient faciliter la gestion de l'ensemble de notre régime et vient sûrement en harmoniser certains de ses aspects de telle sorte qu'il puisse, là encore, mieux atteindre les objectifs qui lui sont confiés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et députée de Taillon. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en matière de santé et services sociaux, Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, qu'il me soit permis de préciser qu'il s'agit d'un projet de loi qui contient 57 articles, donc c'est un projet de loi important, qui est assez complexe. Il ne faut pas sous-estimer la teneur des propositions qui sont soumises et qui seront bientôt sous étude.

Grosso modo, M. le Président, si vous me le permettez, on peut considérer que ce projet de loi là comporte sept ou huit volets principaux, à savoir un premier volet du projet de loi où il est question d'une modification à la définition des services assurés. Alors, l'ancienne loi comportait une énumération se lisant comme suit: des prothèses, des appareils orthopédiques, des aides à la locomotion, à la posture, des fournitures médicales ou autres équipements. Alors, le projet de loi sous étude, en son article 1, vient modifier ou remplacer l'énumération dont je viens de faire lecture, des équipements, pour la reprendre en une seule définition, donc les englober ou les circonscrire dans une seule expression qui nous fait penser qu'il pourrait s'agir d'une modification importante et même d'un désengagement, peut-être en douce, des services assurés.

Il faut comprendre, M. le Président, que les modifications réglementaires... Parce que le gouvernement va venir subséquemment, par voie de règlement, définir ce qu'il entend par «appareils ou autres équipements». C'est la nouvelle version, et c'est cette version-là qui remplace l'ancienne définition, qui englobait beaucoup plus largement des prothèses, des appareils orthopédiques, des aides à la locomotion, à la posture, des fournitures médicales ou autres équipements. Alors, ça, on ne lira plus ça. Ce qu'on va lire, c'est: «appareils ou autres équipements».

Il faut aussi que vous sachiez, M. le Président, au moment où on entreprend l'étude du projet de loi, une étude qui est extrêmement importante, alors que le gouvernement se réserve en plusieurs endroits le pouvoir d'intervenir par voie réglementaire, on n'a aucun, aucun, aucun règlement qui nous permet d'apprécier ce que pourront vouloir dire ou ce que voudront dire les mots «appareils ou autres équipements».

Et j'aimerais ici vous préciser que peu de personnes savent qu'il y a eu des transferts. Anciennement, l'Office des personnes handicapées du Québec administrait le Programme d'aide matérielle. Le dernier transfert de l'Office vers le ministère a eu lieu en octobre 1998. C'est bien sûr que, depuis ce transfert, il y a eu des réductions importantes qui ont été observées par les intervenants qui sont dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il y a eu donc des coupures au niveau des appareils auditifs. C'est le plus bel exemple que je peux donner. Peu de gens savent à l'heure actuelle qu'une personne doit maintenant attendre six ans pour faire remplacer un nouvel appareil auditif. Elle a un appareil auditif, elle veut le faire remplacer parce qu'il est inadéquat, elle devra attendre six ans. Si l'appareil qu'a cette personne-là se brise et que la personne n'a pas l'argent pour payer les réparations, la Régie n'assumera pas les frais de réparation.

Alors, il y a plein de changements qui sont introduits dans le projet de loi qui est sous étude, et ça va toujours être précisé ultérieurement par un règlement qui va être déterminé par le gouvernement en place. Alors, c'est assez inquiétant de ne pas avoir, au moment où on étudie le projet de loi, l'ensemble des règlements qui pourraient nous permettre de bien comprendre la portée. Il faut remettre ce projet de loi là dans le contexte que l'on connaît. Vous savez, M. le Président, que l'État, la ministre de la Santé et des Services sociaux a admis un dépassement budgétaire de l'ordre de 350 000 000 $. C'est un déficit pour les établissements du réseau de la santé; 100 hôpitaux sur 135 sont en situation déficitaire. Également, Mme la ministre a admis un dépassement de 210 000 000 $ au niveau de l'assurance-médicaments et, enfin, elle a admis un dépassement au niveau de l'enveloppe budgétaire pour la rémunération des médecins.

Alors, on nous propose un projet de loi qui revoit les aides matérielles, et ça, ça vise les personnes handicapées: handicapées physiques, handicapées auditives et handicapées visuelles. Et on peut penser, comme M. Lessard le rapportait dans un article qu'il a signé dans La Presse le 11 novembre, que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, elle est coincée par un dépassement important des dépenses de son ministère et qu'elle ratisse les fonds de tiroirs. On nous propose donc de nouvelles mesures qui sont vues comme étant un ratissage ou une possibilité de restreindre un accès, ou certaines formalités au niveau des services, des réparations, des locations d'appareils qui sont nécessaires pour des personnes qui ont des handicaps.

Deuxièmement, M. le Président, l'article 2 du projet de loi réfère à l'ancien article 3 de la loi, qui spécifiait, avant, que la Régie de l'assurance-maladie remboursait à un établissement ou, selon le cas, assumait pour le compte d'un bénéficiaire le coût d'achat, d'ajustement, de remplacement ou de réparation des aides visuelles ou des aides auditives. Encore une fois, le projet de loi vient remplacer l'énumération dont je viens de faire lecture, donc l'énumération des services remboursés ou assumés par la Régie, toujours au niveau des aides auditives et visuelles, par l'expression «services déterminés par règlement», encore une fois, un pouvoir de déterminer par règlement, encore une fois, un règlement que nous n'avons pas. Et, encore une fois, le gouvernement nous apparaît se réserver une marge de manoeuvre importante, mais une marge de manoeuvre nécessaire pour limiter les coûts des frais qui sont remboursés ou assumés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Le projet de loi fixe des règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie. Il vient non seulement remplacer le terme «bénéficiaire» par le terme «personne assurée», mais il vient également modifier la définition. La loi reconnaissait antérieurement comme bénéficiaire une personne qui résidait ou était réputée résider au Québec. L'expression «était ou est réputée résider au Québec» a été abrogée. Elle est remplacée par l'expression «qui séjourne au Québec». Vous comprendrez que ce n'est pas la même chose. Encore une fois, cette expression-là va être balisée, précisée, selon des conditions qui vont être déterminées, encore une fois, éventuellement, dans un règlement qu'on n'a pas avec nous au moment où on a à intervenir sur le projet de loi. Alors, c'est bien sûr qu'on va devoir poser des questions à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant les conditions d'admissibilité de cette catégorie de personnes, à savoir les personnes qui sont réputées résider.

(16 h 30)

Le projet de loi, aussi, à l'article 4, vient préciser qu'une personne doit être domiciliée au Québec si elle veut être reconnue comme étant une personne qui réside au Québec. On ne sait pas si la Régie va demander un bail, un titre de propriété ou un autre document pour pouvoir émettre une carte d'assurance-maladie. On ne sait pas si la ministre a prévu des mécanismes exceptionnels pour des personnes qui sont sans domicile fixe, parce qu'il y a beaucoup d'itinérants, il y a des gens qui n'ont pas de domicile fixe. On ignore quelles conditions seront fixées. Est-ce qu'on a pensé aux personnes qui sont sans domicile fixe? Et est-ce qu'on a pensé à des personnes qui résident, pour de bonnes périodes, au Québec, qui sont des citoyens mais qui sont dans des tentes-roulottes ou encore dans des roulottes motorisées? Alors, il est évident que, à l'occasion de l'étude article par article, des questions seront posées à Mme la ministre de la Santé pour qu'elle puisse nous expliquer la signification de cette nouvelle exigence, ou des exigences qui sont rattachées à l'article 4 du projet de loi.

Le troisième grand axe, cette loi-là fixe des règles concernant la possession, ou l'utilisation, d'une carte d'assurance-maladie. Le quatrième grand axe, évidemment, on fixe aussi des modalités quant au recouvrement des sommes qui sont dues à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, on peut lire à cet égard qu'il y a des amendes qui pourront varier entre 200 $ et 1 000 $ et qui sont prévues à la Loi sur l'assurance-maladie pour toute personne qui s'inscrit à la Régie sans y avoir droit, qui donne une fausse information lors d'une demande d'inscription, qui néglige ou refuse de retourner sa carte à la Régie alors qu'elle ne réside plus au Québec au sens de la loi. L'article 8 du projet de loi vient préciser, quant à lui, qu'une personne qui possède une carte d'assurance-maladie qui ne correspond pas à son identité et qui l'a dans le but d'obtenir ou de recevoir un service visé par la loi, elle est passible, cette personne-là, d'une amende qui pourra varier entre 200 $ et 1 000 $.

L'article 10 du projet de loi donne à la Régie ou à toute autre personne que la Régie désigne le pouvoir de reprendre possession de la carte de l'assurance-maladie de quiconque n'y a pas droit. Il précise, le projet de loi, que la reprise de possession ne pourra se faire avant l'expiration des délais qui sont prévus dans le cadre de la révision ou d'un appel devant le Tribunal administratif du Québec. Il convient de vous préciser à ce chapitre, M. le Président, qu'on ne peut que dénoncer toute personne qui utilise l'identification d'une autre personne dans le but arrêté d'obtenir des services qui sont visés par la loi alors qu'elle sait pertinemment qu'elle n'y a pas droit. Le même article 10 oblige également toute personne qui a reçu des services assurés sans droit de restituer les sommes à la Régie de l'assurance-maladie. On peut comprendre le bien-fondé de cette disposition. Malgré tout, il va y avoir lieu de questionner la ministre quant au processus de recouvrement qui va être mis en place pour pouvoir percevoir les sommes qui sont dues à la Régie de l'assurance-maladie. Le recouvrement des sommes, c'est un mécanisme qui peut être extrêmement lourd et dont les résultats peuvent également être mitigés, surtout si les sommes réclamées s'avèrent être très élevées.

Un cinquième axe, un cinquième volet du projet de loi n° 83 porte sur de nouvelles obligations qui sont faites pour la personne assurée. Alors, l'article 19 du projet de loi vient diminuer le délai pour faire une réclamation en vue d'obtenir le paiement ou le remboursement du coût d'un service assuré, et ça, c'est important. Alors, dorénavant, la personne qui a droit de faire une réclamation ne pourra plus le faire dans un délai qui était, avant, de deux ans mais devra le faire dans un délai qui est réduit à une année. Et, bien sûr, on peut aussi, ici, penser devoir poser des questions pour s'assurer que la personne va être capable, dans le délai imparti, à savoir un an, de pouvoir faire une demande légitime à laquelle elle a droit. Est-ce qu'elle sera physiquement capable? Vous savez, les personnes malades ou qui relèvent d'une opération, de traitements importants, ne seront peut-être pas en mesure ou capables, dans le délai d'un an, de faire valoir la réclamation à laquelle elles ont droit.

De même, M. le Président, l'article 20 du projet de loi accorde le pouvoir à la Régie d'obliger une personne à se soumettre, aux frais de la Régie, à l'examen d'un professionnel de la santé ou à l'évaluation d'un audiologiste. Alors, ça, ça peut poser problème, parce que, ici, il est question d'une obligation. Il n'y a pas de choix, là, il n'y a pas de liberté de choix pour l'usager, et je pense que c'est très important. Lorsqu'il est question du droit d'obtenir des soins et des services de santé, la personne qui a besoin d'obtenir ces services-là a le droit de choisir. Là, ici, à la face même, il ne semble pas y avoir de possibilité pour cette personne-là de choisir, parce qu'elle va être obligée de se soumettre, aux frais de la Régie, à l'examen d'un professionnel de la santé ou à l'évaluation d'un audiologiste, d'un orthophoniste, d'un audioprothésiste, d'un ergothérapeute ou d'un physiothérapeute de son choix.

Ce même article aussi vient préciser que, lorsque la Régie l'estime nécessaire, la personne devra aller chercher une contre-expertise chez un professionnel qui est désigné par la Régie. Alors, ici, on parle de contre-expertise. Encore une fois, lorsque la Régie l'estimera nécessaire, la personne ciblée devra aller chercher la contre-expertise auprès d'un professionnel qui va être désigné par la Régie. Donc, il n'y a pas de libre choix, on ne connaît pas les normes, on ne connaît pas les règles quant à la désignation du professionnel en question. Et, à cet égard, on a reçu des commentaires d'un groupe de défense de personnes handicapées qui constate que, dans cet article-là, il y a des risques sérieux, il y a des conditions, ici, qui ne sont pas respectées.

Alors, l'organisme a sonné l'alarme quant aux difficultés que peut poser, dans les faits, l'obligation qui est faite à une personne de se soumettre à un examen qui va être fait par un professionnel qui va être automatiquement désigné par la Régie. Cet organisme-là demande, par exemple: Dans quels cas sera-t-il exigé, cet examen? Ou dans quels cas sera exigée la contre-expertise? À quelles fins va être exigé l'examen? À quelles fins va être exigée la contre-expertise? Pourquoi est-ce que c'est une obligation qui est faite à la personne de se soumettre? C'est des questions qui sont intéressantes. Cela pourra-t-il entraîner une violation de la Charte des droits et libertés de la personne, une violation quant au libre choix? Y aura-t-il des mécanismes de révision de la décision qui est prise par la Régie? Qu'est-ce qui arrive si le patient n'est pas capable d'établir une bonne relation avec le professionnel désigné? Qu'est-ce qui arrive si le professionnel désigné n'a pas toute l'expertise voulue? Au sens où la personne handicapée vit ses handicaps, est-ce que son approche va être globale? Est-ce que la personne handicapée va être vue de la même façon?

Vous comprendrez que l'organisme émet également des réserves quant à une possibilité d'invasion du dossier médical de la personne assurée. Est-ce qu'il y a des règles qui vont être établies quant au respect de la confidentialité? Qui aura accès au dossier? Est-ce que la personne aura, elle, automatiquement accès aux résultats de l'examen, aux résultats de la contre-expertise? Alors, vous voyez qu'il y a beaucoup de questions qui peuvent se poser parce qu'on ignore, au moment où on se parle, faute d'avoir les précisions, toutes les informations nous permettant de comprendre les justifications ou de comprendre la motivation quant à cet article de la loi.

Il y a aussi des articles de loi qui se rapportent aux frais d'administration qui sont facturés, établis pour les personnes assurées et pour les professionnels. On parle, ici, de l'article 28 du projet de loi qui introduit de nouveaux frais de recouvrement aux professionnels de la santé qui ont obtenu le paiement pour des services qu'ils n'ont pas rendus, qu'ils ont faussement décrits ou pour des services non assurés par règlement. Ces frais s'élèvent à 10 % – ce qui est énorme – calculés sur le solde de la dette et ne peuvent être inférieurs à 50 $ ni supérieurs à 10 000 $. Appliquer un pourcentage de 10 % sur des frais de recouvrement, M. le Président, je pense que vous pouvez comprendre qu'on peut, à bon droit, poser la question quant au caractère exorbitant des frais qui sont imposés.

L'article 38 du projet de loi introduit également des frais de réinscription exigibles aux bénéficiaires qui n'ont pas, dans les délais prévus, transmis à la Régie l'avis de recouvrement de leur carte d'assurance-maladie, mais on ignore tout à fait le montant de ces frais et on ignore tout à fait dans quels cas une personne pourra être exemptée de les payer. Encore une fois, le gouvernement se réserve la possibilité d'intervenir par voie réglementaire. Encore une fois, au moment où on est devant vous, on doit mesurer l'impact des dispositions. On n'a absolument pas de règlement nous permettant de pouvoir bien, bien, bien comprendre de quoi il s'agit.

(16 h 40)

Il y a, enfin, un autre axe important qui porte spécifiquement – le septième ou le huitième, parce que j'en ai regroupé deux ensemble – sur l'échange de renseignements, plus spécifiquement les articles 33 à 35. Ces articles-là prévoient des échanges de renseignements entre divers ministères, organismes et personnes qui sont mandatés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec en vertu d'un article de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ils prévoient, ces articles-là, également un échange de renseignements entre la Régie et le percepteur du ministère de la Justice qui aura la responsabilité de percevoir les sommes dues. Alors, il va sans dire qu'aussi à ce chapitre-là il y a de nombreuses questions qui peuvent être posées, parce qu'il est facile de comprendre qu'il faut comprendre a priori que veut dire la notion de «percepteur». Est-ce que ça implique qu'il va falloir attendre qu'il y ait jugement? Ce sont des questions qui vont être importantes à débattre lors de l'étude article par article, parce que la notion de «percepteur» semble impliquer à première vue qu'il ne soit pas possible d'obtenir l'adresse ou d'autres données concernant les contrevenants avant que le jugement ait été rendu et avant le délai imparti quant à la transmission de l'avis qu'il y a eu jugement.

Il y a aussi, dans le même article de la loi, des notions qui se rapportent à une entente qui va être conclue en vertu de l'article 67.2 de la Loi de l'accès, qui réfère lui-même à l'article 70 de la loi d'accès à l'information. Alors, la question qui se pose, c'est: Est-ce que la Régie a besoin d'une entente pour fournir les renseignements personnels? On a porté à mon attention qu'il y avait un contentieux important qui existait à ce niveau, et, selon la partie accessible du mémoire, la partie accessible au public, je peux effectivement constater qu'il y a eu des consultations et qu'encore des consultations sont en cours avec la Direction des affaires législatives du ministère de la Justice. Il y a également des consultations avec la Direction de la législation du ministère des Affaires municipales et de la Métropole et la Commission d'accès quant aux ordonnances pour la perception des amendes par les cours municipales. Alors, on a porté à mon attention qu'il y avait un important contentieux qui existait à ce niveau-là. C'est justement de ça qu'on parle.

Et il y a des inquiétudes qui semblent être très, très fondées quant à l'intention véritable du législateur. Qu'est-ce qu'il y a derrière les modifications qui sont sous étude? Est-ce que ces modifications-là ont pour but d'exclure implicitement les percepteurs des cours municipales au profit de ceux qui sont présents dans les palais de justice du Québec? On n'a pas d'information nous permettant d'évacuer cette inquiétude-là qui a été portée à mon attention et pour laquelle il existe actuellement des consultations et même un contentieux.

L'article réfère à une notion d'adresse et également à une notion de date de décès. Alors, ce n'est pas la même chose, l'une est plus limitative que l'autre. Et ça réfère à l'article 323 du Code de procédure pénale. Alors, c'est absolument important de connaître l'intention qu'il y a derrière ces articles-là, de voir pourquoi la Régie veut exiger une entente et pourquoi elle veut assujettir cette entente-là à l'article 70 alors qu'actuellement, en vertu de l'article 323 du Code de procédure pénale, cette procédure-là est prévue, elle est légale et ça se fait déjà au moment où on se parle. Alors, il y a plusieurs questions qui vont devoir être posées à l'égard de certaines dispositions plus spécifiquement contenues dans le projet de loi qui est sous étude.

J'aimerais vous dire aussi, M. le Président, qu lorsque l'Office des personnes handicapées du Québec administrait les programmes qui ont depuis été transférés à différents ministères, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux, les priorités et les objectifs étaient différents. Je pense qu'on peut comprendre que la Régie de l'assurance-maladie, c'est un agent payeur, tandis que l'Office des personnes handicapées du Québec, lui, avait comme objectif, ou comme priorité, de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l'insertion ou la réinsertion sociale des personnes handicapées. Alors, c'est bien sûr que l'action de l'Office des personnes handicapées du Québec reflétait un préjugé favorable envers la personne handicapée. Il y a tout lieu de s'inquiéter et de se demander...

C'est sûr que la Régie de l'assurance-maladie du Québec n'a pas la même mission, c'est sûr qu'elle n'a pas les mêmes objectifs, c'est sûr qu'elle n'a pas les mêmes priorités, c'est sûr qu'il n'est pas propre à la Régie d'avoir un biais favorable pour la personne handicapée et c'est sûr que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux se trouve dans un contexte tel qu'elle va être obligée de gratter les tiroirs. Alors, quand on révise pour restreindre, pour économiser, ça n'apporte pas aux personnes handicapées les mêmes facilités ou la même ouverture que devait démontrer l'Office des personnes handicapées au niveau de la réinsertion.

Il y avait toute la question du libre choix aussi. Le libre choix et le respect du choix de l'usager étaient parmi les objectifs généraux établis et fixés par l'Office des personnes handicapées du Québec. On peut comprendre que ce n'est pas la même chose. La Régie, c'est un agent payeur. Elle va définir qui paie quoi, quand, comment. Alors, on veut restreindre, on veut enlever. L'optique est définitivement bien, bien, bien différente.

Il y a tout l'aspect de la concertation aussi. La Régie de l'assurance-maladie, c'est bien sûr que ça n'entre pas dans ses priorités ou ses objectifs de travailler en concertation avec les partenaires sociaux impliqués et présents autour des personnes handicapées. L'Office des personnes handicapées devait, lui, développer et proposer des modes d'intervention respectant la personne dans sa globalité parce que c'est important. On peut penser qu'un agent payeur n'aura pas la même approche. Il n'est pas conditionné par les mêmes objectifs, il n'obéit pas aux mêmes règles, alors ce n'est pas la même chose. Alors, c'est tous des volets importants, des pans qui risquent d'être complètement évacués, et ça, malheureusement, ce n'est pas à l'avantage des personnes handicapées physiques, auditives et visuelles, bien au contraire.

L'Office avait pour mandat d'identifier les besoins, d'inventorier les services existants, de déceler les carences et de proposer des solutions pour y remédier. Ce n'est pas le mandat de la Régie de l'assurance-maladie. L'Office avait le mandat de favoriser la prévention, ça faisait partie de ses objectifs. C'est bien sûr que ce n'est pas le mandat de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. La Régie, c'est un agent payeur. Sa préoccupation, ce n'est pas l'adaptation ou la réadaptation, alors c'est bien différent. L'Office des personnes handicapées avait une approche qui était basée sur un plan de services, et le plan de services était conçu dans une perspective individuelle, et il respectait toujours le libre choix de la personne. Ici, on a vu, pour un article, l'obligation qui est faite à une personne de se soumettre à un examen et, de la même façon, l'obligation qui lui est faite de se soumettre à une contre-expertise auprès d'un professionnel qui est désigné par la Régie. Donc, il n'y en a pas, de libre choix.

On peut conclure, M. le Président, que c'est un projet de loi qui est extrêmement important, qui ne doit pas être pris à la légère. Il apporte beaucoup, beaucoup, beaucoup de modifications. On a vu qu'on partait d'une définition qui était large, généreuse, dans une optique évidemment d'adaptation et de réadaptation, qui est réduite sous des nouveaux vocables qui sont beaucoup plus limitatifs. Est-ce que ces vocables-là vont permettre de reconnaître l'évolution de la maladie d'une personne? Est-ce qu'il va y avoir une marge de manoeuvre nécessaire? Alors, il y a plein, plein, plein de questions qui se posent. Il y a aussi des questions qui vont se poser au niveau du travail de la Régie de l'assurance-maladie de gérer les fonds qui lui sont impartis et aussi de se donner les outils utiles à une gestion adéquate, à un processus adéquat pour les paiements, avec toutes les ramifications que cela impose, notamment tous les processus d'enquête qui concernent les professionnels.

(16 h 50)

Vous savez, M. le Président, que l'actualité a rapporté récemment la situation de médecins urgentologues qui avaient reçu un avis de la Régie de l'assurance-maladie du Québec quant à la facturation d'examens qu'ils avaient donnés à des usagers. Il y avait des difficultés d'interprétation qui se posaient. Ces professionnels-là avaient, l'année qui avait précédé, reçu le même avis, été sous enquête exactement pour le même objet. Ils avaient été totalement exonérés. L'année suivante, la Régie de l'assurance-maladie du Québec revient également. Alors, il y a un volet important du projet de loi qui va toucher au processus d'enquête de la régie régionale quant aux professionnels. On va avoir, à cet égard-là, des questions à poser à la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Je lisais, par exemple, dans un bulletin de l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal, le bulletin de mai 1999, à la page 10... C'est un médecin qui s'exprime, le Dr Wilchesky, qui est CCFP, FCFP; donc, c'est quand même un médecin qui a de nombreux états de service. Il observe dans cet article qu'il a signé: «Depuis le printemps 1998, j'ai été témoin d'un changement dramatique et inquiétant dans la façon dont les enquêtes sont menées par notre agent payeur – l'agent payeur étant la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et c'est l'agent payeur, évidemment, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'attitude envers les médecins concernés est, selon mon expérience, accusatrice.» Alors, c'est important de vérifier comment ça se passe.

On sait que c'est le médecin qui a le fardeau de la preuve et on sait qu'il doit payer les frais à même les honoraires qui seront à percevoir. Il faut savoir comment sont glanées les informations, comment sont considérées ces informations-là. Est-ce qu'on les tient pour infaillibles? Est-ce que, au départ, le médecin est présumé coupable? Est-ce que ça entraîne automatiquement une présomption de culpabilité? Est-ce que le médecin a la possibilité de soumettre une preuve? Est-ce qu'il a la possibilité de réfuter les faits qui sont étudiés ou amenés par les enquêteurs? Les enquêteurs procèdent comment? Est-ce qu'ils procèdent seuls? Comment glanent-ils les informations? Alors, il y a énormément de dispositions extrêmement importantes qui sont sous étude, et on va devoir poser de nombreuses, nombreuses questions parce que ce n'est pas un projet de loi qui est anodin, c'est un projet de loi qui est extrêmement complexe. Encore une fois, en beaucoup, beaucoup, beaucoup d'endroits, il y a beaucoup de choses qui vont être déterminées subséquemment par règlement. On ne les a pas, ces règlements-là.

On parle de personnes qui vivent des handicaps physiques, des handicaps visuels, auditifs importants, sérieux, qui ont besoin d'être équipées, d'être appareillées. On ne sait pas si ces personnes-là vont avoir accès à tous les appareils, aux ensembles d'appareils, aux équipements spécialisés, aux fournitures spécialisées. Il n'y a pas de précisions dans le projet de loi, on ne sait pas comment va être assurée la continuité dans les programmes qui sont maintenant transférés à la Régie. On ne sait pas, avec les transferts de ces programmes-là, tous les changements que ça a amenés au niveau de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on ne sait pas comment elle a intégré ça, on ne sait pas comment elle reconnaît la personne handicapée, quelle est l'approche envers la personne handicapée, la reconnaissance de ses besoins, l'ensemble de ses besoins. Est-ce que le filtre, c'est couper, couper, couper? Parce que le contexte financier est extrêmement important. Encore une fois, on charge, on fixe, on établit des amendes, on établit également des frais d'administration et pour les personnes assurées et pour les professionnels. On a vu, pour les professionnels, que c'était important.

M. le Président, l'opposition officielle ne pourrait être d'accord, approuver un projet de loi qui vise à restreindre les services offerts à des personnes handicapées, qui vise à restreindre l'accessibilité à des services ou qui vise à imposer à la population des frais additionnels. Alors, nous ne voterons pas en faveur dudit projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Bourassa. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Alors, M. le vice-président de la commission des finances publiques et porte-parole de l'opposition officielle en matière de dossiers des services sociaux, M. le député de Nelligan, je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et je m'excuse de ne pas m'être levé aussi vite que ça, mais je pensais que l'autre côté allait parler sur ce projet de loi. Mais il me semble qu'ils n'appuient pas ce projet de loi. En tout cas, je m'excuse. Vous avez eu une chance, les autres membres, de vous lever, et, malheureusement, vous n'avez pas accepté ça.

Effectivement, j'ai demandé la chance de faire une intervention ce soir sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, Bill 83, An Act to amend the Health Insurance Act and other legislative provisions. Je voudrais, comme d'habitude dans cette Chambre, féliciter ma collègue la députée de Bourassa, porte-parole pour l'opposition officielle en matière de santé, pour son excellent travail, la façon dont elle approche les questions qui touchent la santé de la population québécoise. Félicitations pour votre excellent travail!

J'ai lu le projet de loi avec elle, et il y a trois grandes choses qui sont sorties des pages. Je ne lirai pas tout le projet de loi ce soir, nous allons avoir le temps d'en discuter, mais il y a trois grands volets qui m'ont frappé beaucoup. Un, c'est le premier paragraphe: Ce projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie afin de préciser les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie. Les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie, est-ce que le gouvernement va resserrer les règles? Est-ce que c'est, en arrière de ce projet de loi, une intention d'exclure la population québécoise? C'est quoi qui est en arrière de ce projet de loi? Parce que, pendant les derniers cinq ans, nous avons vu des coupures, des coupures, des coupures par ce gouvernement, plus de 2 200 000 000 $ dans le système de santé, et là je ne suis pas du tout à l'aise avec un projet de loi qui dit qu'il va préciser les règles d'admissibilité: «to clarify the rules governing eligibility». M. le Président, ça m'inquiète beaucoup.

Il y a un autre sujet qui m'intéresse beaucoup, et j'ai vu plusieurs lois qui mettent toute la question de la confidentialité de notre vie privée en doute. Laissez-moi juste citer les notes explicatives: Il prévoit également – «il» mis pour le projet de loi – des dispositions, d'une part, afin de faciliter les opérations administratives de la Régie en matière de recouvrement des sommes qui lui sont dues et, d'autre part, de permettre à celle-ci de communiquer des renseignements personnels à Héma-Québec, au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ainsi qu'à ses mandataires.

Pourquoi le gouvernement veut briser les règles habituelles de communication d'information confidentielle avec Héma-Québec? C'est quoi, l'importance de ça? Vous savez, M. le Président, que j'ai fait plusieurs interventions ici, dans cette Chambre, avant la création de ce deuxième groupe qui est en charge de notre système sanguin au Canada, celui d'Héma-Québec, et dans le reste du pays. Je veux demander pourquoi c'est nécessaire de faire ce type d'échanges d'information et jusqu'à quel point est-ce que ce gouvernement va communiquer des informations personnelles aux mandataires. Jusqu'à quel point est-ce que le gouvernement va encore échanger des informations sur notre vie privée?

(17 heures)

Il y a un troisième volet, M. le Président. Comme d'habitude, le gouvernement aime augmenter les coûts à la population québécoise. Le troisième volet: Par ailleurs, ce projet de loi habilite la Régie, dans certains cas, à faire assumer à la personne assurée ou au professionnel de la santé des frais d'administration. Le gouvernement aime augmenter les frais d'administration. Vous avez vu qu'est-ce qu'ils ont fait avec l'assurance-médicaments? Ça fait mal à la population québécoise, c'est très dur pour la population québécoise. Je me souviens, j'étais dans cette Chambre quand le gouvernement libéral, à l'époque, a décidé de charger 2 $ par ordonnance, M. le Président, 2 $. Et je me souviens, là, vous pouvez sortir les galées de ça, de tous les discours de mes collègues en face de moi.

Mais, maintenant, ils ont ajouté ça: une franchise de 175 $, co-paiement de 20 %, jusqu'à 750 $. J'ai parlé dans cette Chambre, la semaine passée, des frais d'administration pour les chaises roulantes, pour les fauteuils roulants. Est-ce que c'est en arrière de ce projet de loi, qu'ils veulent trouver une autre astuce, une autre façon de charger plus à la population québécoise? Il me semble qu'on doit questionner ce gouvernement avant qu'on puisse accepter ce projet de loi.

Et, M. le Président, juste regarder la section 2. Je ne lis pas toute la section 2, mais je peux dire... Peut-être que je vais lire... Non, c'est trop long, M. le Président. Mais, dans l'article 2, vous pouvez trouver – et je lis juste un paragraphe: «La Régie assume pour le compte d'une personne assurée dont l'âge est celui fixé à ces fins par règlement le coût des services déterminés par règlement et des appareils ou autres équipements qui suppléent à une déficience physique et qui sont déterminés par règlement.» C'est une phrase de cet article de loi. Si j'ai bel et bien compté correctement, là, il y a 13 règlements dans cet article de loi.

Avec ça, qu'est-ce que ça veut dire? Parce que peut-être que la population ne comprend pas exactement la différence entre un article de loi et un règlement. C'est dire que le gouvernement peut faire qu'est-ce qu'il veut, pas ici, dans cette Chambre, mais par règlement. Il peut décider qu'il va publier un préavis dans la Gazette officielle , mais, après ça, il va faire ce qu'il veut. Et, quand on parle des règlements dans les cas comme ça, pour l'équipement pour les personnes handicapées... Voilà, ici devant moi, c'est un règlement, un. Si vous pouvez avoir le temps de lire tout ça et comprendre tout ça, vous avez plus de temps disponible que j'en ai, M. le Président. Le gouvernement nous demande de donner un chèque en blanc. C'est ça qu'il veut, il veut avoir un chèque en blanc. Pas cette loi, parce que, après que vous avez lu l'article 2 de ce projet de loi, vous pouvez comprendre que le gouvernement nous demandait... Peut-être qu'il doit changer le nom, parce qu'il veut avoir un projet de loi qui donne le pouvoir de gérer toutes ces affaires par règlement. C'est ça qu'il veut. Et c'est loin d'être clair, la logique et l'objectif en arrière de ça. Article 2. Question. Il donne le pouvoir – et je ne cite pas tous les articles – il peut décider qu'est-ce qu'il veut faire par règlement. Et c'est très difficile de changer les règlements, une fois qu'on commence.

M. le Président, il y a un autre article très inquiétant, et je vous suggère de le lire, l'article 37, parce que l'article 37 donne – et je vais lire les premières lignes de chaque sous-alinéa – il dit qu'il peut «déterminer les déficiences physiques, les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'appareils qui suppléent à une déficience physique qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du», etc. Deuxième: «Déterminer les déficiences visuelles, les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'aides visuelles qui doivent être considérés comme des services assurés...» Ça continue: «Déterminer les déficiences auditives, les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'aides auditives qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du...» «Déterminer les déficiences physiques de la communication, les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'aides à la communication qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du...»

M. le Président, comprenez-vous qu'est-ce que ça veut dire? Le gouvernement peut décider la définition même d'une déficience physique, une déficience visuelle, une déficience auditive et la déficience physique de la communication, lui-même, encore une fois, avec un règlement. Pouvoir de règlement, n'oubliez pas l'article 2, il peut décider. Et j'ai vu que, quand le gouvernement veut resserrer les règles, il peut couper beaucoup de personnes. Il veut, par ce projet de loi, article 37, avoir le pouvoir absolu de décider qu'est-ce que ça veut dire, une déficience physique, une déficience visuelle, une déficience auditive et une déficience physique de la communication.

Moi, M. le Président, avec le comportement que j'ai vu de ce gouvernement pendant les derniers cinq ans, avec les coupures que nous avons vues... J'ai un bon exemple: dans le dossier des déficiences intellectuelles, ils ont coupé 37 000 000 $. Il y a une liste d'attente, juste sur l'île de Montréal, avec 1 092 personnes. Ils sont en train de serrer les règles des critères d'admissibilité pour les chaises roulantes, ils sont en train de couper de plus en plus les services de maintien à domicile, etc. J'ai eu des lettres de plusieurs associations, M. le Président, partout dans la province, soit les associations du Québec pour les enfants avec des problèmes auditifs, l'Association des personnes handicapées visuelles du Bas-Saint-Laurent, Montreal Oral School for the Deaf, l'Association des personnes handicapées visuelles. Il y a plusieurs questions de ces personnes. Elles ne savent pas qu'est-ce que le gouvernement est en train de faire et elles ont vu toutes les coupures très sévères dans le dossier. Et il me semble qu'on doit tellement être prudent avant qu'on accepte un projet de loi comme ça, et c'est pourquoi je suis tellement content de l'intervention de la députée de Bourassa ce soir.

Il y a un autre article aussi, M. le Président. J'ai mentionné l'article 2 et l'article 37 qui, dans mon opinion, sont assez graves, mais aussi il y a l'article 33 de ce projet de loi qui donne le pouvoir à la Régie de transmettre à un «percepteur désigné, conformément à l'article 322 du Code de procédure pénale, en application d'une entente conclue avec le ministère de la Justice, l'adresse et, le cas échéant, la date de décès d'une personne qui n'a pas acquitté dans le délai prescrit une somme due au sens de ce Code».

M. le Président, l'article continue, je ne lis pas tout l'article, mais il me semble qu'on doit vraiment se questionner. Est-ce que c'est une bonne façon de gérer? Est-ce que ça donne presque le pouvoir de juge et jury en même temps? Où sont les droits d'appel pour ceux et celles qui questionnent la décision de la Régie? Il me semble que j'ai mentionné quelques questions assez importantes qu'on doit questionner, et, quand j'ai lu la documentation que j'ai reçue du ministère, franchement, je n'ai pas eu plus de réponses. J'avais pensé que je pourrais voir une idée en arrière de ça. Et, quand on demande l'information – et c'est aussi difficile d'avoir la documentation que le député a demandée – il me semble que nous avons plus de questions. Qu'est-ce qu'ils cachent en arrière de ça, M. le Président? Je ne le sais pas.

Mr. Speaker, article 33, I'd like to bring attention... Excuse me, article 37, I'd like to bring attention to it. I won't read the whole article because it goes on for two pages, Mr. Speaker, but it's quite important, when it basically gives this Government the power to determine physical deficiencies, visual deficiencies, hearing deficiencies and communication-related physical deficiencies, and all the services or subsets of devices that must be considered to be insured services. Mr. Speaker, do you understand what that means – I'm sure you do – for handicapped people, people in need of these special devices? Number one, it gives the Government the power to decide whether they think you have a physical handicap. They'll decide that. Somebody, the Minister will probably get an order from the Minister of Finance and say: We've got to cut back, so let's tighten up the rules. And now, all of a sudden, you haven't changed, you still have the same handicap as you had before, but all of a sudden – and I've seen this by this Government – they tighten the rules.

And then, just in case they haven't done it good enough to you, haven't done it well, they're going to come back and say they can decide by regulation. Once they decided whether you still have the handicap, they'll decide what sets or subsets of devices they're going to give to you, and they're going to do this all by regulation. Mr. Speaker, I pulled out one of the regulations. This is not 10 copies of it, this is one copy. This is a photocopy of all the prices, the types of services, the prices of purchasing, the prices of replacement of many, many different types of devices. If the Government can determine, number one, whether they think you have a handicap to get these devices, then, by regulation, they can determine which device is on the list. And it doesn't stop there, they'll then determine how much they're going to pay for it. And they want to do all this through this law, that by regulation it's going to give them this right.

M. le Président, il me semble qu'on doit vraiment questionner qui va décider tout ça. Il me semble qu'on doit avoir plus de transparence, et je vais poser beaucoup de questions pendant la commission parlementaire.

(17 h 10)

Il me semble aussi que j'ai vu, dans les autres articles de la loi, que le gouvernement peut déterminer, et je cite: prévoit le moment à compter duquel une personne perd sa qualité de personne qui réside au Québec ou de personne qui séjourne, ainsi que les conditions qui sont prévues pour se qualifier. Est-ce que j'ai bien compris? On donne à la Régie de l'assurance-maladie du Québec le pouvoir de décider qui est un résident du Québec? Est-ce que cette décision peut avoir un impact sur toutes les autres choses, tous les autres pouvoirs et responsabilités? M. le Président, je ne sais pas la réponse à cette question, mais il me semble qu'on doit avoir la réponse à cette question avant qu'on embarque sur ce projet de loi.

J'ai vu aussi, dans plusieurs articles de la loi, que le gouvernement est en train de resserrer ses règles de temps, de délais. Il y a plusieurs articles, et j'en cite un, M. le Président, l'article 22, où le gouvernement peut dire: par l'insertion, dans la dernière ligne du paragraphe 5 et après les mots «trois ans», de ce qui suit: «à compter de la date à laquelle la Régie a eu connaissance du fait qui y donne naissance.» When the Régie, the Board, became aware of the facts giving rise thereto. M. le Président, il me semble qu'on doit vraiment questionner c'est quoi, la logique en arrière de ça. Je me souviens, quand j'étais porte-parole du Revenu pour l'opposition officielle, le gouvernement a utilisé la règle de trois ans assez souvent rétroactivement. Il me semble qu'on doit s'assurer qu'on doit mieux comprendre la logique en arrière de cet article de loi.

M. le Président, j'ai cité trois grandes questions. Une, c'est: Qu'est-ce qu'il y a en arrière ce projet de loi? Est-ce qu'ils veulent vraiment préciser les règles d'admissibilité ou est-ce que, en arrière de ça, ils veulent s'en servir pour sauver plus d'argent?

Deuxième chose, je voudrais demander pourquoi, encore une fois, ce gouvernement veut passer la loi qui permet de communiquer, récemment, des informations personnelles à plusieurs instances: Héma-Québec, ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ainsi qu'à ses mandataires. Pourquoi ils veulent continuer à passer notre information personnelle? Je sais que le député de Verdun a parlé de ça cet après-midi, de toute cette question, et nous avons eu une avalanche de changements dans nos lois dans cette question de confidentialité.

M. le Président, la dernière chose que j'ai mentionnée, c'est toute la question des frais administratifs, des frais d'usager. Ce gouvernement est fameux pour trouver un long lexique de mots qui ne sont pas le mot «taxe», mais vraiment ça vient de nos poches. C'est copaiement, prime, franchise, frais d'administration, participation. Il y a une série de mots. Peut-être que je vais publier un nouveau lexique, un lexique Bouchard, un lexique qui explique tous les mots sans dire le mot «taxe», mais qui augmente les taxes à la population québécoise. Il me semble que c'est vraiment injuste, M. le Président, que ce gouvernement soit si en faillite moralement qu'il est en train de trouver une façon de taxer ceux et celles qui ont besoin des appareils pour aider à leur vie quotidienne. Dans mon opinion, ce projet de loi est en train de donner une autre opportunité pour ce gouvernement d'augmenter le fardeau de ces personnes. Il me semble que ce n'est pas une bonne façon de mettre nos efforts.

M. le Président, j'espère que, après quelques interventions aujourd'hui, la ministre va comprendre que, encore une fois, elle a manqué la cible, elle a mal préparé le projet de loi. Après cinq ans de ce gouvernement, on ne passe pas juste n'importe quelle loi ici. Elle peut dire que ce n'est pas un grand changement, mais, comme la députée de Bourassa a dit, c'est un changement fondamental, qui peut vraiment, d'une façon négative, changer la vie des populations qui vivent avec un handicap.

L'opposition officielle va être rigoureuse. Nous allons défendre leurs droits. Nous allons questionner la ministre à chaque étape et, M. le Président, nous allons insister pour avoir les vraies réponses. Pas les réponses que nous avons eues pendant la période de questions, mais les vraies réponses, en long, et nous allons demander que la ministre dépose tous ses règlements. Je l'ai mentionné, dans un article de loi, il y a mention de 13 règlements. Il me semble que c'est complètement inacceptable de nous demander de supporter ce projet de loi avant même de voir ces projets de règlement.

M. le Président, non, je ne peux pas, au moment où on parle, supporter ce projet de loi. J'ai besoin de beaucoup plus de réponses que ce que j'ai eu cet après-midi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Nelligan. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives.

Je cède la parole à Mme l'adjointe à la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux et députée de Mille-Îles. Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole à l'occasion de ce débat sur le principe du projet de loi n° 83.

M. le Président, l'objectif premier de ce projet de loi est d'assurer un meilleur contrôle des coûts du régime et une réduction des coûts d'opération de la RAMQ. Nous conviendrons tous ici, les députés de l'opposition également, que cet objectif est légitime. Le gouvernement tient à s'assurer que le régime public d'assurance-maladie profite aux seules personnes qui y ont droit et que la Régie puisse défrayer à juste prix les services qu'elle offre à la population. Il est de notre devoir d'administrateurs publics de veiller à l'atteinte de ces objectifs, et notre rôle de législateurs nous permet ici d'y contribuer. C'est donc dans cet esprit que ma collègue ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux dépose ce projet de loi aujourd'hui en cette Chambre.

J'aimerais rappeler, M. le Président, que notre régime d'assurance-maladie est cité en exemple partout à travers le monde. Depuis maintenant 30 ans, les Québécoises et Québécois ont accès à un système de santé via un régime universel d'assurance-maladie leur assurant ainsi des soins gratuits et de qualité. Nous devons protéger les fondements de ce régime, et c'est précisément ce que le projet de loi n° 83 vise à faire: assurer à la population du Québec la pérennité du régime en garantissant une utilisation optimale des ressources qui le supportent et une saine gestion des coûts d'opération.

M. le Président, je disais plus tôt que le Québec est cité en exemple partout à travers le monde. De nombreux pays s'intéressent de près aux caractéristiques fondamentales de notre régime québécois, particulièrement en ce qui a trait à son universalité et à sa gestion publique. Depuis plusieurs années, la Banque mondiale propose aux pays en voie de développement l'instauration d'un modèle semblable afin de garantir le financement local de leurs soins de santé. Un certain nombre de ces pays sont très intéressés à obtenir du Québec l'expertise et le savoir-faire que nous avons su développer ici au cours des 30 dernières années. Nos méthodes de travail, la qualité de nos services et notre capacité de répondre aux besoins suscitent donc, comme je le disais, un intérêt très marqué auprès de nombreux États. C'est pour cette raison que le projet de loi n° 83 propose de modifier la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, afin de lui permettre de signer des ententes commerciales avec des gouvernements étrangers pour partager et exporter son expertise et son savoir-faire. J'aimerais insister sur l'importance de cette modification législative et en évoquer ici les impacts.

(17 h 20)

M. le Président, les députés de l'opposition seront sûrement, eux aussi, très fiers du fait qu'une de nos institutions publiques soit ainsi reconnue mondialement pour son savoir-faire, pour son expertise, en somme pour la qualité de son travail, parce que derrière cette institution publique il y a des gens, des administrateurs, des fonctionnaires et des partenaires de l'État qui nous permettent de faire figure de leader sur le plan médical international. Ce qu'il y a d'intéressant maintenant, c'est de pouvoir en tirer profit, profit pour l'État, oui, mais également pour nos partenaires. De telles ententes pourront contribuer à exporter l'expertise québécoise tant publique que privée, à mettre en valeur non seulement la Régie, mais aussi les firmes québécoises qui viendront l'appuyer soit en raison de leur expertise en santé – et nous parlons ici d'entreprises spécialisées en planification, en technologies de l'information et en biotechnologies – soit en raison de leur présence reconnue en consultation internationale. Donc, profit pour l'État par la perception de nouveaux revenus et profits pour nos entreprises en termes de contrats, de visibilité et de reconnaissance; impact sur la gestion des finances publiques, d'une part, et impact économique, d'autre part. M. le Président, je crois que nous en convenons tous, des deux côtés de cette Chambre, de la pertinence d'une telle modification législative.

Une seconde disposition du présent projet de loi vise à inclure Héma-Québec dans la liste des organismes pouvant recevoir de la Régie certains renseignements personnels. Je tiens à préciser tout de suite, M. le Président, que la Commission d'accès à l'information a été consultée et qu'elle a donné son accord de principe sur ce point. La Commission a d'ailleurs été consultée sur l'ensemble des modifications pouvant avoir un impact sur la confidentialité des renseignements personnels, tout comme le ministère de la Justice et le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Je disais donc que le projet de loi n° 83 permettrait à la Régie de transmettre certains renseignements d'identité à Héma-Québec. Vous comprendrez qu'il est essentiel qu'un tel organisme puisse avoir accès à ces renseignements. Je rappelle que la mission première d'Héma-Québec est d'assurer la collecte et le traitement de sang et des produits sanguins ainsi que leur distribution aux centres hospitaliers. Dans le cadre de cette mission, elle doit exercer des activités de surveillance pour lesquelles la communication rapide avec certaines personnes est essentielle, pour des raisons de santé publique et de sécurité d'approvisionnement en sang. Il s'agit donc tout simplement ici d'assurer la santé et la sécurité des personnes.

Nous nous sommes dotés d'un tel système avec un organisme indépendant du gouvernement afin que les décisions prises n'obéissent qu'aux besoins de la population et afin que le service rendu soit de la plus haute qualité. C'est précisément pour cette raison que l'on veut permettre la transmission des renseignements entre les deux entités.

M. le Président, par ce projet de loi, nous donnons à Héma-Québec tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission première. Les activités, telles les études des dons de sang antérieurs, les enquêtes sur les produits transfusés et les communications avec les donneurs, se verront améliorées et de manière significative. Cette façon de faire plus efficiente pourra, par exemple, permettre à des personnes atteintes de maladies transmissibles d'avoir recours aux traitements nécessaires et d'en éviter ainsi la propagation. Cela permettra également d'effectuer des notifications aux donneurs plus aisément, améliorant ainsi le système d'approvisionnement en sang du Québec. Alors, oui, le gouvernement du Québec a à coeur ce système unique et il prend ici les moyens pour assurer la population du meilleur service.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une autre disposition du projet de loi n° 83, qui permet à la Régie de l'assurance-maladie d'exiger des frais pour le traitement d'une demande de paiement d'un professionnel de la santé soumise autrement que par télécommunication. J'attire votre attention sur ce point, puisqu'il m'apparaît important de souligner ici ces nouvelles façons de faire. Ce que ça signifie, en fait, c'est qu'un professionnel de la santé qui transmettrait une facturation par écrit sur un formulaire papier se verrait imposer les frais administratifs supplémentaires qu'engendre cette manière de procéder. En effet, M. le Président, la RAMQ dispose d'un système de transmission à la fine pointe de la technologie. Lorsqu'une demande lui parvient électroniquement, les coûts associés au traitement des données sont de beaucoup diminués, puisqu'on évite ainsi une série d'étapes qui alourdissent le processus. Pensons simplement au temps économisé pour la saisie des données, aux délais raccourcis, aux coûts associés aux formulaires papier et à l'élimination des duplications. Il y a là des avantages pour la Régie, certes, mais également pour les professionnels.

Vous savez, M. le Président, le gouvernement agit ici en parfaite cohérence avec les orientations de la politique québécoise de l'autoroute de l'information. Vous me permettrez de rappeler que le déploiement de l'inforoute gouvernementale poursuit de grands objectifs, dont ceux de moderniser l'État, de rendre les services publics plus accessibles, de simplifier les procédures, d'alléger les délais et les coûts de transactions avec l'État. Lors du dépôt de cette politique, le président du Conseil du trésor nous disait, et je le cite: «L'inforoute gouvernementale devra être efficiente en permettant d'éliminer les processus devenus inutiles. Il y a là un potentiel d'économies considérables, tant pour les citoyens et les entreprises que pour les ministères. Les projets de l'inforoute gouvernementale doivent être vus comme un investissement. Je crois que la RAMQ a compris le message et que le système de traitement électronique qu'elle a mis en place cadre parfaitement avec ces orientations. Le fait d'exiger des frais administratifs lors de la transmission de demandes de paiement sur support papier doit être vu comme un incitatif. Il est du devoir de l'État de voir à la saine gestion des fonds publics. La transmission par télécommunication permet de diminuer les coûts associés à ces transactions, et l'imposition de frais incite les professionnels de la santé à utiliser ce moyen mis à leur disposition. Il est le reflet d'une réalité: Il en coûte plus cher de traiter des données transmises par écrit, et le principe d'utilisateur-payeur est ici tout à fait justifié. Il s'agit d'une saine gestion, d'économie et de cohérence.

Autre point majeur de ce projet de loi, M. le Président, l'ensemble des dispositions visent à garantir que le régime public d'assurance-maladie ne profite qu'aux seules personnes qui y ont droit. Une série de modifications législatives viendront donc clarifier et préciser les règles d'admissibilité au régime. C'est, encore une fois, dans un esprit d'efficience, de saine gestion des fonds publics et d'équité que nous apportons ces modifications. Nous devons tous être conscients qu'en bout de ligne la population paie pour ces services, donc elle est ultimement en droit de s'attendre à ce que le gouvernement mette tout en oeuvre pour éviter les abus et la fraude. Ma collègue la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux vous a fait part plus tôt de ces dispositions en termes plus précis.

J'aimerais, M. le Président, terminer en réaffirmant que ce projet de loi est guidé par des principes auxquels nous avons le devoir de souscrire. Je parle ici de la saine gestion des fonds publics, de l'utilisation optimale des ressources, de la mise en valeur de notre savoir-faire et de la cohérence de l'action. Et je voudrais rappeler au député de Nelligan, qui trouve que notre lexique est très extensif quand on veut parler de choses, que le leur était plutôt restreint et qu'il se limitait beaucoup à: dépenses, dépenses, dépenses et déficit, déficit, déficit. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Mille-Îles. Un simple rappel aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. Et le prochain intervenant, le vice-président de la commission des institutions, porte-parole de l'opposition officielle en matière de recherche, science et technologie, responsable du régime des rentes et du programme RREGOP et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci. M. le Président. On vient de fêter, à l'heure actuelle, les 10 ans de parlementaire d'un certain nombre de parlementaires de cette Chambre, dont je fais partie. J'ai vu beaucoup de projets de loi dans cette Chambre, j'en ai vu beaucoup. J'ai rarement vu un projet de loi aussi fascisant. Je dis bien, M. le Président, et je vais vous rappeler les termes et je vais vous expliquer pourquoi.

En démocratie, normalement, lorsqu'un gouvernement doit prendre une décision – et je pense que tout gouvernement doit prendre des décisions – il y a un moyen démocratique, c'est de soumettre cette décision aux débats dans cette Chambre. Ce n'est pas toujours agréable, c'est parfois pénible, mais c'est ça, la base même de la démocratie. Ça s'appelle, lorsqu'on veut prendre une décision, présenter un projet de loi, débattre de la loi, débattre, à l'heure actuelle, devant les parlementaires ce qu'on veut faire.

(17 h 30)

Ce projet de loi a pour effet de transformer la majeure partie des décisions dont vient de parler la députée de Mille-Îles, en disant: C'est par règlement, dorénavant, que ces décisions vont être prises, par règlement. Alors, il y a des gens qui nous écoutent qui ne savent pas bien la différence. Une loi, c'est quelque chose qui est présenté ici, au salon bleu, soumis aux débats, l'opposition peut faire valoir les critiques de la population face à ce projet de loi. Un règlement, c'est quelque chose, et je l'ai rappelé tout à l'heure, qui est passé au Conseil des ministres et publié dans ce qui constitue, j'en suis sûr, la lecture quotidienne de l'ensemble de mes collègues parlementaires, la Gazette officielle . Je sais que chacun d'entre vous, tout le monde, tous les jours ou toutes les semaines, se précipite sur la Gazette officielle et lit la Gazette officielle pour connaître l'ensemble des règlements qui ont été passés par ce gouvernement. Et le fait que vous choisissez de procéder par la voie réglementaire plutôt que par la voie législative, M. le Président, vous commencez à faire un accroc à la démocratie.

Certaines fois, ça s'avère nécessaire pour raisons d'utilité ou d'efficacité. Je dois dire, M. le Président, que toutes les mesures... ce projet de loi peut se résumer en un mot: Permettez à la ministre de faire ce qu'elle a probablement l'intention de faire, mais de le faire par règlement. Ce projet de loi, c'est ça qu'on a devant nous: Permettez à la ministre de faire ce qu'elle voudra faire, et ce qu'elle voudra bien faire, elle le fera par règlement, sans être soumise au débat démocratique, sans être soumise au questionnement de l'opposition, sans devoir passer ici le débat qui est à la base même de notre processus démocratique, et, pour cela, M. le Président... Et je vais vous en faire la démonstration dans un instant, vous allez voir avec moi, parce que ce projet de loi, d'une part, bien sûr, va retirer des droits aux bénéficiaires, mais va les retirer de la manière la plus sournoise, c'est-à-dire va le faire par voie réglementaire.

Je commence avec vous, M. le Président. Prenez avec vous, vous l'avez, le projet de loi, je commence. Article 1. Alors, à l'article 1... À l'heure actuelle, vous savez, M. le Président, que la RAMQ rembourse un certain nombre d'appareils, de prothèses, d'appareils orthopédiques, d'aides à la locomotion, à la posture, fournitures médicales et autres équipements pour les gens qui sont parmi les plus atteints de notre société, c'est-à-dire ceux qui sont handicapés. On remplace maintenant par: fournir «des appareils ou autres équipements pouvant suppléer à une déficience physique», et le tout déterminé par – merci, M. le Président, vous avez compris la réponse – règlement.

Je continue, M. le Président, j'en arrive à l'article 2. Je vais continuer comme ça. Si j'avais plus que 20 minutes, je pourrais... Il y a 57 articles. L'article 2... L'article 3... La Régie... C'est absolument... Il y a même des articles où il y a trois fois... «La Régie assume pour le compte d'une personne assurée dont l'âge est celui fixé à ces fins par – merci, Mme la députée de Matapédia – règlement le coût des services déterminés par – merci, M. le député de Vachon – règlement et des appareils ou autres équipements qui suppléent à une déficience physique et qui sont déterminés par...» Par règlement, encore, M. le Président.

Nous continuons sur l'article 2: «La Régie rembourse un établissement reconnu à cette fin par le ministre le coût des services déterminés par – merci, M. le député de Saint-Jean – règlement qu'il a fournis et des aides visuelles déterminées par règlement qu'il a prêtées à une personne assurée qui a une déficience visuelle et dont l'âge est celui fixé à ces fins par règlement», M. le Président.

Et je continue, et je pourrais passer article par article. J'ai terminé l'article 2, je vais vous en lire encore un petit peu, c'est utile. «La Régie assume pour le compte d'une personne assurée dont l'âge est celui fixé à ces fins par règlement le coût des services déterminés par règlement et des aides auditives qui suppléent à une déficience auditive et qui sont déterminées par règlement.»

Ça veut dire quoi, ça, pratiquement? Alors, là, j'ai parlé des yeux, j'ai parlé des oreilles, on pourrait parler de toutes les maladies dont on peut être handicapé, c'est-à-dire à la fois – comprenez-moi bien, M. le Président – le montant qui va être... qui va avoir accès, quel handicapé peut avoir accès, quel type de prothèse va être remboursé, quel montant va être remboursé. Toutes ces choses-là sont déterminées par règlement. Et tout ce que nous faisons, nous, parlementaires, dans notre fonction ici, dans cette Assemblée, c'est de dire: Écoutez, voici, nous allons confier à notre bonne maman ministre de déterminer par règlement ce qu'elle voudra bien rembourser. M. le Président, c'est exactement contraire à tout ce que j'appelle, moi, l'évolution de la démocratie. Je continue, parce que c'est important que les parlementaires ici présents... il y en a un certain nombre d'entre eux qui sont des gens qui sont des démocrates. Et je continue, et vous allez voir. Alors, vous avez vu, on a parlé de l'article 1, l'article 2. Je passe à l'article 4.

Alors, à l'article 4, on parle des personnes qui peuvent avoir la carte d'assurance-maladie. Alors, on émet un certain nombre de conditions et on ajoute: «Une personne qui appartient à toute autre catégorie de personnes déterminée par règlement.» Autrement dit, on a émis être un résident permanent, au sens de la Loi sur le Canada, un Indien... et toute autre personne déterminée par règlement. Merci. Vous avez commencé à comprendre quel est le sens de ce projet de loi. C'est partout par règlement. Je continue. Merci. «Une personne ne devient résidente du Québec – attendez, c'est intéressant, ça – qu'à compter du moment prévu par règlement – vous avez compris, M. le Président – et selon les conditions qui y sont prévues et cesse de l'être à compter du moment prévu par règlement et selon les conditions qui y sont prévues.» Encore là, faites attention. On ne parle pas de rien. Ça a l'air risible qu'on répète le mot «règlement» à chaque fois, mais on parle de choses vraiment importantes. On parle des gens qui auront ou qui n'auront plus droit de bénéficier de la protection de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Je suis d'accord avec la députée de Mille-Îles: qu'on précise clairement, qu'on resserre les balises. D'accord avec elle. Mais, Bon Dieu! qu'on ne le fasse pas par règlement, qu'on ne le fasse pas en dessous de la couverte, qu'on le fasse publiquement, qu'on soumette ça au débat public. Là, à ce moment-là, on agit d'une manière démocratique. Là, on agit comme quelqu'un qui plaide la transparence. Là, on agit pour faire en sorte que ce que l'on veut, ce que l'on recherche soit réellement compris par l'ensemble de nos citoyens. Mais, vous comprenez, ça supposerait qu'on soit en mesure réellement de défendre les choses qu'on essaie de mettre de l'avant. Lorsqu'on va faire des choses qui sont indéfendables, on le fait par règlement. M. le Président, vous le savez bien. Et on a vu assez le gouvernement fonctionner depuis que, vous et moi, nous sommes élus dans cette Chambre. Dès qu'il y a quelque chose qui est un peu délicat, on essaie de pouvoir le faire par règlement. Et qu'est-ce que fait ce projet de loi? Il donne essentiellement à la ministre le pouvoir en toutes matières d'agir par règlement.

Alors, je continue. On va faire un petit peu encore d'exégèse. J'en prends un autre, article, au hasard. Je prends, par exemple, article 12. Alors: Par le remplacement, dans les première, deuxième, troisième et quatrième lignes du premier alinéa [...] «montant fixé par règlement pour les services et pour les prothèses, appareils orthopédiques, aides à la locomotion et à la posture, fournitures médicales...» Autrement dit, qu'est-ce qu'on nous dit ici? On nous dit – oui, un instant: Oui, on a l'intention d'éventuellement rembourser aux personnes qui sont handicapées les prothèses qui leur seront nécessaires. Mais on ne soumet pas. On ne débat pas, pas du tout. On va faire par règlement.

Et vous, M. le Président, parce que vous êtes un excellent député de comté, vous savez, vous savez à quel point ces listes peuvent être pernicieuses. Je ne le vous rappellerai pas, parce que, moi, je ne voudrais pas ici traiter des cas de comté. Mais j'ai déjà rencontré, moi-même, dans mon propre comté des personnes qui arrivent avec des cas qui n'ont aucun bon sens. On rembourse telle partie de la prothèse et, telle autre partie, on ne la rembourse pas. Je pourrais vous donner des exemples qui n'ont absolument aucun sens, mais qui sont réellement la fixation des mécanismes de règlement qui n'ont pas été soumis au crible du débat démocratique. Et c'est ça sur quoi je m'objecte. Je m'objecte à ce projet de loi parce qu'il ne respecte pas, en aucune manière, le principe du débat, le principe de la transparence, le principe du fait que l'on essaie actuellement de pouvoir présenter à chacun de nos concitoyens ce qu'un gouvernement pourrait décider. Et, comprenez-moi, on est en train d'abandonner, par ce projet de loi, nos responsabilités collectives que nous avons, comme parlementaires, de pouvoir débattre de ces questions, et on les confie globalement à un pouvoir réglementaire du gouvernement.

(17 h 40)

Et, pour ceux qui viennent de nous écouter, M. le Président, il est bien important de comprendre la distinction entre un projet de loi qui est soumis au débat de cette Chambre, dans lequel l'opposition, le gouvernement peuvent commencer à échanger pour faire valoir les différents points de vue, tandis qu'un règlement est quelque chose qui est passé par le Conseil des ministres et publié dans la Gazette officielle , et, éventuellement, on remarque ça à l'intérieur de la Gazette officielle .

Je continue, M. le Président, j'en suis seulement rendu à l'article 15, mais je vais vous en donner encore. Et j'en ai encore des meilleures, vous allez voir, quand ça va arriver plus tard, c'est encore plus juteux de savoir ce qu'on abandonne, malheureusement et tristement, dans ce projet de loi.

L'article 13.2.1. «Une personne assurée qui a une déficience auditive a aussi droit d'exiger de la Régie le paiement du coût déterminé par – merci, M. le député de Vachon – règlement pour des services et pour des aides auditives visés au septième alinéa de l'article 3, qui lui ont été fournis conformément aux conditions prévues par – merci, M. le Président, c'était le mot «règlement» qui arrivait là – règlement, sur présentation d'une demande de remboursement dont la forme est acceptée par la Régie et dont le contenu est conforme au règlement – merci, M. le Président – pourvu que la Régie ait obtenu de cette personne les renseignements dont elle a besoin pour justifier le paiement réclamé.»

M. le Président, encore là, on parle réellement des paiements, des remboursements, des conditions dans lesquelles on va être en mesure de devoir rembourser à des personnes qui sont probablement prises parmi les plus mal prises de notre société. Et on dit: Oui, nous allons confier ça par règlement.

Je vois rentrer dans cette Chambre une des parlementaires que je respecte beaucoup, qui est la députée de Terrebonne, la députée de Terrebonne, Bon Dieu! qui est une démocrate, et je ne comprends pas comment cette personne, qui est éminemment une démocrate, est en mesure d'accepter un projet de loi où il y a autant de fois le mot «règlement». M. le Président, je suis sûr, parce qu'elle fait en général très bien son travail, qu'elle n'a pas vu passer la quantité de mots «règlement» qui se trouvent dans ce projet de loi, mais je vais lui en rappeler.

Alors, prenez avec moi la suite, Mme la députée de Terrebonne, on arrive à l'article 14.2.1. Je commence. «Dans les cas prévus par règlement – merci, M. le Président – une personne doit, à la demande de la Régie et aux frais de cette dernière, se soumettre à l'examen d'un professionnel de la santé ou à l'évaluation d'un audiologiste, d'un orthophoniste, d'un audioprothésiste, d'un ergothérapeute ou d'un physiothérapeute choisi par cette personne, ou lorsque la Régie l'estime nécessaire, désigné par elle.» Alors, encore là, M. le Président, cet examen ou cette évaluation doit se faire selon les normes que la Régie détermine par... merci, par règlement, encore. Vous vous retrouvez encore ici dans une chose qui est quand même extrêmement importante, où on est en train de me dire: Il y a des personnes qui doivent être obligées de se soumettre à un examen d'un professionnel de la santé. Mais, au lieu de pouvoir, ici, soumettre au débat démocratique cette question, on dit: Non, non, non, ça sera par règlement, par règlement de la Régie.

Je conserve pour la fin, monsieur, les choses les plus suaves, je vais y arriver bientôt, et vous allez voir, encore là, les autres éléments qui touchent les règlements. Alors, on continue, on prend ensemble le projet de loi, et je tourne, j'en arrive... Alors, là, M. le Président – je sais que mon temps est en train de s'écouler – à l'article dont la suavité est absolument extraordinaire, sur la quantité du mot «règlement», il s'agit de l'article 37. Alors, l'article 37 du projet de loi est un article qui va donner un pouvoir réglementaire; c'est un article qui donne en général des pouvoirs réglementaires, et il ajoute des pouvoirs réglementaires. Alors, on envoie, par règlement, on peut déterminer des déficiences, «les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'appareils qui suppléent à une déficience physique qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du cinquième alinéa de l'article 3».

Non, ça, ça a l'air drôle, là, mais essentiellement on dit: C'est un règlement qui va déterminer quelles sont les déficiences physiques, quels sont les services, quels sont les appareils qui vont pouvoir être... Parce que, l'article 3, c'est celui qui prévoit le remboursement: fixer l'âge des personnes assurées qui y sont visées – attention – fixer par règlement l'âge des personnes assurées qui y sont visées – je continue, M. le Président – et en déterminer les catégories, déterminer le coût que la Régie peut assumer pour le compte d'une personne assurée qui a une déficience physique. Comprenez-moi bien, on n'est pas en train de parler, là... Je comprends qu'on veut resserrer les coûts, mais on est en train ici de parler des gens qui, dans notre société, souffrent d'un handicap, d'un handicap physique moteur, d'un handicap visuel, d'un handicap auditif, et on est en train de discuter de la possibilité de leur rembourser leurs prothèses. C'est de ça qu'on est en train de discuter. Ce n'est pas les plus riches de notre société, comprenez-moi, on est en train de parler réellement des gens qui sont les plus mal pris dans notre société.

M. le Président, vous êtes en train de dire qu'il ne me reste que peu de temps. Je pourrais vous signaler, dans le florilège, actuellement, des horreurs qu'on trouve dans cette loi, je pourrais vous citer d'autres éléments. Alors, je peux continuer: «Déterminer – par exemple, toujours le pouvoir réglementaire que cette loi est en train de donner – les déficiences auditives – ce coup-ci – les services ainsi que les ensembles ou les sous-ensembles d'aides auditives qui doivent être considérés comme services assurés – par règlement toujours, comprenez-moi bien, c'est toujours par règlement, il ne faut pas que vous l'oubliiez, là-dedans – aux fins du septième alinéa de l'article 3 – c'est-à-dire la possibilité d'être remboursé – fixer l'âge des personnes assurées qui y sont visées» et qui ont droit au remboursement de leurs prothèses et déterminer les catégories et le coût que la Régie va rembourser.

Pensez donc un peu, là! Vous êtes tous des parlementaires, et on va vous dire: Bon, vous avez voté une loi qui donne à des fonctionnaires... actuellement, vous confiez à des fonctionnaires le droit, par règlement, de déterminer qui va pouvoir bénéficier d'un droit aussi fondamental que de pouvoir se faire rembourser ses prothèses motrices, ses prothèses auditives, ses prothèses visuelles. Et on dit: Non, ça va être le règlement qui va le déterminer. M. le Président, je ne peux pas accepter un projet de loi de cette manière-là, je ne peux pas accepter un projet de loi qui va confier au pouvoir réglementaire d'une ministre ou, bien souvent, d'une horde de fonctionnaires la manière de régir des droits aussi importants dans notre société que la protection des personnes les plus handicapées, que le choix des prothèses auxquelles elles ont droit, que le remboursement des prothèses qu'on leur fera droit et que l'âge à partir duquel elles n'auront peut-être plus le droit de se faire rembourser leurs prothèses. Je ne peux pas accepter un projet de loi que je qualifie de fondamentalement antidémocratique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. Je cède la parole à M. l'adjoint parlementaire du premier ministre et député de Vachon. La parole est à vous.

M. Payne: En vertu du règlement, 213, M. le Président...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant! Alors, vous acceptez, M. le député de Verdun, que le député de Vachon vous pose une question. Cependant, la question doit être brève et la réponse également. M. le député de Vachon.

M. Payne: Ça va être très bref, M. le Président. Le député de Verdun peut-il nous déposer le libellé précis d'un seul amendement, ou plusieurs, qu'il considère qu'ils pourraient prendre la place des règlements, qu'il déteste tant?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Tout à fait, M. le Président. Je m'engage dans cette Chambre, et je suis sûr que le député de Vachon va m'appuyer, je m'engage, au débat article par article, à pouvoir remplacer toutes ces questions de règlement, à les remplacer, à ce moment-là, par réellement le pouvoir de cette Chambre de pouvoir régler ces questions aussi fondamentales. Bien sûr, nous allons le faire parce que, de ce côté-ci de la Chambre, nous pensons que c'est un droit fondamental des parlementaires de pouvoir protéger, à l'heure actuelle, les personnes qui sont les plus démunies de notre société, et on va le faire, bien sûr, M. le Président.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ceci met fin à cette question en vertu de l'article 213.

Je cède la parole maintenant au porte-parole officiel des lois professionnelles et député de D'Arcy-McGee. M. le député, la parole est à vous, je vous écoute attentivement.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. M. le Président, les notes explicatives contenues au projet de loi nous apprennent, entre autres, que celui-ci modifie la Loi sur l'assurance-maladie afin de préciser les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie, introduit de nouvelles règles concernant la possession et l'utilisation d'une carte d'assurance-maladie ou d'une carte d'admissibilité.

M. le Président, le projet de loi prévoit également des dispositions afin de faciliter les opérations administratives de la Régie en matière de recouvrement des sommes qui lui sont dues et lui permet de communiquer des renseignements personnels à Héma-Québec, au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ainsi qu'à ses mandataires.

M. le Président, les notes explicatives du projet de loi nous indiquent également que le mode de transmission des renseignements que doit fournir la Régie au percepteur désigné en vertu du Code de procédure pénale est modifié afin qu'une telle transmission puisse être faite en vertu de l'entente. On y mentionne aussi que le projet de loi n° 83 habilite la Régie, dans certains cas, à faire assumer à la personne assurée ou aux professionnels de la santé des frais d'administration.

M. le Président, nous savons que le réseau de la santé et des services sociaux fait face à une crise majeure, et ce, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois. Combien de fois faudra-t-il dénoncer l'irresponsabilité du gouvernement et des ministres de la Santé et des Services sociaux qui se sont succédé? En plus d'une pénurie de services et de professionnels de la santé, qui quittent la province, découragés des «incompréhensibilités» des dirigeants et exténués par les charges de travail déraisonnables qu'on leur impose, on doit faire face maintenant à d'importants dépassements budgétaires: 350 000 000 $ de déficit dans le réseau hospitalier, 210 000 000 $ de déficit au niveau de l'assurance-médicaments et 80 000 000 $ de déficit au niveau de l'enveloppe budgétaire pour... des médicaments.

Par ce projet de loi, le gouvernement vise encore une fois à générer des économies et à restreindre les services offerts pour dissimuler son incompétence. Est-ce que le gouvernement péquiste prend les Québécois pour des imbéciles?

Mr. Speaker, this has become a habit, a trait, a vice of this PQ Government, which has in effect ruined our healthcare system as a result of its incompetence. You will agree with me, the whole system is in a shameful state of disrepair, that, as a result of unplanned and ruthless healthcare cuts made to a system which was functioning very well before this PQ Government got its hands on this system... The péquistes closed hospitals, cut services and have made the population insecure when it comes to the healthcare security.

M. le Président, la population du Québec a compris et sait maintenant qu'elle est dirigée par un gouvernement totalement incompétent qui dépense les fonds publics n'importe comment.

Des voix: ...

M. Bergman: Ils peuvent rire, M. le Président, mais c'est vrai que le système de santé est ruiné par ce gouvernement péquiste. Eux, ils peuvent rire, mais demandez aux personnes dans les salles d'urgence s'ils rient de cette situation. Réalisez-vous, M. le Président, que la plus grande annonce qu'il y ait eu durant cette session parlementaire dans le domaine de la santé a concerné la rénovation des bureaux de la ministre de la Santé et du ministre délégué? Dites-vous bien que les Québécois ne sont pas près de l'oublier. Ils viennent d'apprendre que le Québec a aussi sa Mme Marcos. Cette fois-ci, on ne parle pas de souliers, mais bien de salle de bains extravagante. Excusez-moi, M. le Président, de salle de bains silencieuse extravagante. J'aimerais bien voir la ministre aller discuter de la rénovation de son bureau avec les centaines de personnes en attente de soins dans les salles d'urgence des hôpitaux du Québec. Cela lui ferait certainement beaucoup de bien. Elle descendrait de sa tour d'ivoire et verrait les conséquences de ses décisions.

M. le Président, comment peut-on imaginer que nous puissions appuyer un projet de loi de cette nature qui vient non seulement restreindre l'accessibilité et les services offerts à la population, mais qui vient aussi imposer des frais additionnels à une population déjà trop taxée, une population qui est la population la plus taxée en Amérique du Nord, M. le Président?

On voit que le gouvernement s'attaque une fois de plus aux personnes les plus vulnérables de notre société. Bien que nous soyons habitués à cette pratique du gouvernement, M. le Président, nous en sommes toujours aussi scandalisés. Rappelons-nous avec quelle vigueur le gouvernement s'est acharné et s'acharne encore sur les personnes âgées. D'ailleurs, à ce propos, j'attends toujours que la ministre de la Santé et des Services sociaux propose des mesures concrètes pour mettre fin aux problèmes de malnutrition qui entraînent la mort de beaucoup trop de nos aînés dans nos hôpitaux. Encore cette semaine, les conditions inadéquates dans lesquelles vivent nos aînés ont été dénoncées par l'Association des centres d'hébergement, des soins de longue durée et des centres locaux de soins communautaires du Québec. Mais la ministre est restée de glace, comme à son habitude.

M. le Président, cette fois, la ministre de la Santé dépose un projet de loi visant notamment à modifier la définition des services assurés, et plus particulièrement les services offerts aux personnes ayant une déficience physique. En remplaçant l'énumération contenue dans la définition des services assurés de l'article 1 en ce qui concerne les prothèses, les appareils orthopédiques, les aides à la locomotion et à la posture, aux fournitures médicales et aux autres équipements par la seule expression «appareils ou autres équipements suppléant à une déficience physique», le gouvernement se donne la possibilité de diminuer les services assurés, par voie de règlement, comme a mentionné mon confrère de Verdun, ce qui est beaucoup plus facile à faire que par modification législative. Le gouvernement agit de la même façon en modifiant l'article 3 de la loi, concernant les coûts qui seront remboursés ou assumés par la Régie pour les aides visuelles et auditives.

Once again, Mr. Speaker, the devious manner in which the PQ Government acts is shown in this legislation which is before us this evening. The PQ Government, by this bill, gives itself a means to limit the costs which will be reimbursed or assumed by the Régie. The social democratic philosophy of the péquistes has long disappeared from their thinking. This PQ Government has, more than any other Government in modern times, caused hardships on the backs of the less fortunate, the ill, the handicapped and the underpriviledged in our society.

M. le Président, le projet de loi n° 83 va encore plus loin, il vient modifier les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie. On y apprend que le terme «bénéficiaire» sera remplacé par «personne assurée», mais que la définition se trouvera également à être modifiée. Une fois de plus, des conditions seront éventuellement prévues par règlement. Moi, je trouve que c'est inacceptable qu'on ait des modifications par règlement, qui ne sont pas déposées devant cette Chambre. On ne peut pas modifier des dispositions aussi importantes et essentielles que les critères d'admissibilité au régime d'assurance-maladie par des règlements dont on ne connaîtrait pas le contenu et encore moins toutes les conséquences. La ministre doit fournir toutes les précisions concernant les catégories de personnes qui seront ou non admissibles aux services.

(18 heures)

M. le Président, on ne connaît pas non plus les mécanismes qui seront mis en place pour vérifier les informations qui devront être données par les usagers, qui devront maintenant prouver qu'ils sont domiciliés au Québec pour être reconnus comme étant des personnes qui résident au Québec, conformément à l'article 4 du projet de loi que nous propose la ministre. On voit bien que, une fois de plus, le gouvernement péquiste veut rendre la vie plus difficile aux Québécois. Je pense qu'il est temps que la ministre laisse la limousine et vienne vivre comme le commun des mortels et réponde aux attentes de la population.

M. le Président, la ministre ne se contente pas seulement, dans le projet de loi n° 83, de restreindre les services offerts à la population et d'augmenter ses exigences, elle crée aussi de nouvelles obligations pour la personne assurée. Que l'on pense seulement à la diminution du délai prévu pour faire une réclamation en vue d'obtenir le paiement ou le remboursement du coût du service assuré, qui passe deux ans à un an, M. le Président, au pouvoir accordé à la Régie d'obliger une personne à se soumettre à l'examen ou à l'évaluation d'un professionnel, à l'obligation de fournir une contre-expertise chez un professionnel choisi par la Régie et, finalement, à l'introduction de frais de réinscription exigibles dans le cas de non-renouvellement dans les délais prévus.

Mais ce qui est encore plus inquiétant, si on croit la maxime qui veut que le passé est garant du futur, ce sont les dispositions prévues aux articles 33 à 35 du projet de loi, qui permettent des échanges de renseignements personnels entre divers ministères, organismes et personnes mandatées. Nous connaissons la faiblesse du gouvernement du Parti québécois en matière de protection des renseignements personnels, et un cas en particulier où l'une de ses ministres a même dû démissionner. Je suggère, M. le Président, que le gouvernement nous prouve que des mécanismes bien précis seront prévus pour éviter les fuites et assurer la confidentialité des informations reçues avant de procéder à l'adoption de dispositions telles que les articles 33 à 35 du projet de loi.

C'est pourquoi, M. le Président, vous comprendrez que je voterai contre le projet de loi n° 83, et ce, pour toutes les raisons que j'ai énumérées et celles que je pourrais continuer à vous expliquer encore longtemps, concernant le terrible chaos qu'on vit actuellement dans notre système de santé et les conditions intolérables vécues par le personnel et les usagers à cause du manque flagrant de compétence du gouvernement péquiste. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Compte tenu de l'heure – et merci pour la collaboration du leader adjoint du gouvernement – je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le menu. S'il vous plaît, M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, c'est la première session de soir de la session intensive, et je souhaite que le déroulement de nos débats se fasse dans la plus grande des sérénités, malgré l'heure tardive où nous pourrions peut-être siéger, et je vous offre toute ma collaboration.

Ceci étant dit, nous souhaitons revenir à l'article 6 du feuilleton pour la poursuite du débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader adjoint. À l'article 6, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. Alors, je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant, et ce sera M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de participer au débat de l'adoption de principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, Bill 83, An Act to amend the Health Insurance Act and other legislative provisions.

M. le Président, moi, je vous propose que nous sommes devant une situation loufoque ce soir, une situation absolument loufoque. Il y a beaucoup d'observateurs, M. le Président, qui sont d'accord avec, je crois, l'affirmation que je vais faire maintenant, que notre système de santé coule devant nos yeux. Ça s'effondre. Il y a des problèmes tout partout: 350 000 000 $ de déficit dans notre réseau hospitalier; 210 000 000 $ de dépassement dans l'enveloppe d'assurance-médicaments; 80 000 000 $ de dépassement dans la rémunération des médecins généralistes au Québec, les omnipraticiens. Il y a des crises quotidiennes dans notre système de santé. Le système coule devant nos yeux.

La ministre de la Santé, en réaction à ça, M. le Président, me fait penser, honnêtement, au «caractère» de Rose Dawson dans le film Titanic , joué par Kate Winslet. Elle me fait penser à ça, M. le Président. Mme la ministre de la Santé est à bord du Titanic, le bateau est en train de couler devant ses pieds, et qu'est-ce qu'elle fait?

Une voix: ...

M. Copeman: En dessous de ses pieds, en dessous de ses pieds, merci beaucoup, Mme la députée. Ça coule en dessous de ses pieds et, M. le Président, qu'est-ce qu'elle fait? Elle présente le projet de loi n° 83. On va voir si le projet de loi n° 83 représente le bateau de sauvetage nécessaire pour notre système de santé au moment où on se parle.

M. le Président, au lieu de s'attaquer à tous les problèmes que j'ai énumérés: les déficits dans les centres hospitaliers; dépassement dans l'enveloppe de rémunération des médecins; dépassement dans l'enveloppe de l'assurance-médicaments; absence chronique de médecins spécialistes dans nos institutions; le manque chronique des infirmières, qu'est-ce que la ministre de la Santé, qu'est-ce que Rose Dawson nous propose? C'est le projet de loi n° 83. Au lieu de s'attaquer à ces problèmes, on nous propose un projet de loi qui va réduire l'accessibilité à des services. Un papier dans La Presse : «Québec resserre l'émission des cartes-soleil. Le ministère de la Santé se dirige vers un déficit de quelque 700 000 000 $.»

Le projet de loi va réduire l'accessibilité, M. le Président. Le seul geste législatif de ce gouvernement à cette session parlementaire, le seul geste législatif qui touche la santé, c'est un projet de loi qui va accroître les mesures de contrôle, qui va transférer du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire, qui va, selon l'adjointe parlementaire à la ministre de la Santé, permettre des échanges commerciaux entre la RAMQ puis d'autres sociétés ou personnes morales ou autres pays dans le monde. C'est ça, la préoccupation, semble-t-il, fondamentale de ce gouvernement, c'est de permettre des échanges commerciaux entre la RAMQ et d'autres pays, quand le système de santé au Québec coule devant nos yeux.

M. le Président, le projet de loi va également imposer des frais administratifs aux professionnels puis aux personnes qui renouvellent leur carte d'assurance-maladie tardivement. Mais la situation la plus loufoque dans tout ça, le geste législatif, semble-t-il, plus pressant au Québec, la crise à régler au Québec par voie législative se trouve à être à l'article 53 du projet de loi. Et je vais vous le lire, M. le Président. Ça, c'est la crise existentielle dans la santé que la ministre de la Santé veut régler: 53, paragraphe 1°, le trait d'union dans l'expression «assurance-maladie» est supprimé. Ça, c'est la crise à régler par voie législative en novembre 1999. Le trait d'union dans l'expression «assurance-maladie» est supprimé. D'ailleurs, c'est tellement important, ce geste législatif là, qu'on le trouve dans le mémoire au Conseil des ministres soumis par Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux et ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans la partie accessible au public, on peut lire cette phrase tellement cruciale: «Finalement – je le cite, M. le Président – dans le but de rendre l'expression "assurance-maladie" conforme aux usages actuels en français, il est proposé de supprimer le trait d'union de cette expression.» Honnêtement, tout ce que ça nous démontre, le fait qu'on supprime le trait d'union entre assurance et maladie, tout ce que ça prouve, c'est qu'il n'y a plus de lien entre assurance et maladie au Québec. Le lien n'existe plus, parce qu'on va supprimer le trait d'union. Le lien n'est plus là pour ce gouvernement.

Mr. Speaker, it's a situation that is so ridiculous, that is so... One the sole measures, legislative measures, that this House feels compelled to undertake is to remove a hyphen between the words «assurance» and «maladie». I'm tempted to use the expression, this evening at 8:10 p.m., on Thursday of this week, November 25th, the situation is so ridiculous, it's so ludicrous that I'm tempted to say: Live from Québec City, it's Thursday night! That's how absurd the situation is.

(20 h 10)

For those of our compatriots, Mr. Speaker, who don't understand the reference, there is of course a famous show on NBC, it's a show, it's a comedy, it's a series of stand-up comedians and sketches that make fun of life and situations – I'm sure the MNA for Vachon knows it – where the host stands up and says, at the end of some ridiculous introduction, turns to the camera and says: Ladies and gentlemen, it's New York City... Live from New York City, it's Saturday Night .

Well, this is what, the kind of ridiculousness we're seeing tonight before this House. It is so absurd. It is so absurd for this Government, with all the problems that exist in our healthcare network, to bring before this House, in its sole and unique legislative provision in this session, something that reduces accessibility, that talks about medicare cards, the issuance of medicare cards, that talks about administrative fees for professionals and for beneficiaries, and eliminates the hyphen between the words «assurance» and «maladie». Frankly, Members opposite ought to be embarrassed at this piece of legislation. They really ought to be embarrassed. For Members opposite, to sit there and want to vote for a piece of legislation when our healthcare system is in such dire straits, where one of the most important legislative actions is to remove a hyphen, there is something seriously wrong with the Members opposite, Mr. Speaker.

Quant à moi, M. le Président, les députés d'en face devraient avoir honte que, devant tous les défis qu'on a dans la santé, devant tous les défis qu'on a dans tous les problèmes: absence de médecins spécialistes, d'infirmières, dépassement des budgets, le geste législatif le plus important, c'est de resserrer les contrôles, de faire des pouvoirs réglementaires et de supprimer un trait d'union dans l'expression assurance-maladie. Bien, quant à moi, M. le Président, les députés d'en face devraient avoir honte.

M. le Président, l'accessibilité – on va traiter les questions une après l'autre dans le peu de temps qu'il me reste – la question de l'accessibilité, où est le problème? La ministre a parlé de cas de fraude, d'abus. Le mémoire au Conseil des ministres parle d'abus sans jamais préciser la portée de ces problèmes, hein. J'ai écouté attentivement le discours de la ministre, j'ai écouté attentivement le discours de l'adjointe parlementaire à la ministre, ils n'ont jamais dit: Il y a 10 000 personnes, 15 000 personnes, 100 000 personnes au Québec qui utilisent la carte d'assurance-maladie sans y avoir droit. Aucune évaluation de l'importance du problème. D'ailleurs, dans le mémoire soumis au Conseil des ministres, il n'y a aucune indication de l'ampleur du problème. On ne dit pas: Il y a 20 000 personnes, des cas d'abus et de fraude, il faut régler. Aucune, aucune évaluation de l'ampleur du problème.

M. le Président, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Alors, pourquoi est-ce qu'on procède à resserrer des critères d'éligibilité quand on ne peut même pas évaluer la portée du problème ou l'ampleur du problème? Ça me fait penser à ce dictum en économie: Quand la réalité ne correspond pas à la théorie, qu'est-ce que les gens d'en face font? Ils rejettent la réalité. Quand la réalité ne correspond pas à la théorie, pour le gouvernement du Parti québécois, est-ce qu'il change la théorie? Non, non, non, non! Il rejette la réalité.

Pire que tout ça, M. le Président, même si on connaît des cas d'abus, même si, oui, il y a peut-être des personnes au Québec qui s'en servent, de leur carte d'assurance-médicaments, de façon frauduleuse, pour laquelle ils n'y ont pas droit, on peut s'attendre que le gouvernement plaide d'avoir des meilleurs contrôles, au nom du principe de la saine gestion, comme l'adjointe parlementaire l'a fait tantôt. Elle a utilisé la phrase très poétique: «Le gouvernement recherche l'utilisation optimale des ressources.» Il ne cherche pas à soigner des personnes, non, non, non, non, il ne recherche pas l'amélioration de notre système de santé, des soins donnés, du problème dans les urgences, des problèmes criants dans certaines spécialités. Non, non, on recherche l'utilisation optimale des ressources.

M. le Président, les députés d'en face sont devenus 77 ou 78 ministres délégués aux Finances. Tout ce qu'ils veulent, ils s'occupent uniquement du côté dépenses publiques. Ils ont perdu la cible, ils ont perdu la vraie responsabilité de tout législateur qui est de s'occuper des personnes, des êtres humains et, dans le cas qui nous occupe, des personnes malades qui ont besoin des soins.

Mais, même si on pouvait admettre qu'il faut agir au nom du principe d'une saine gestion, encore une fois, le mémoire au Conseil des ministres est très éloquent là-dessus. On nous dit, à la page 3, sous la rubrique «Implications financières» – je cite le mémoire, c'est le mémoire de Mme la ministre de la Santé devant ses pairs au Conseil des ministres. On voit l'intérêt avec lequel Mme la ministre traite le dossier, par son absence ce soir.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, à l'entrée, j'ai souhaité que cette première séance de soirée de cette session intensive se déroule dans le meilleur climat possible. Voilà une première bévue de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce. Il sait fort bien, puisqu'il est quand même ici depuis quelques années, que l'on ne peut souligner l'absence d'un député ou un ministre de cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tout le monde le sait. J'invite tout le monde à respecter la règle, parce que, vous le savez, je le dis aussi pour qu'il n'y ait pas de mésinterprétation de la part des auditeurs, c'est qu'il y a beaucoup d'occupations qui retiennent les législateurs ici à différents moments de la journée, et c'est évident que tout le monde n'est pas ici tout le temps, et c'est vrai pour plusieurs d'entre nous. Il y a d'autres activités, des commissions parlementaires, et puis il y a d'autres obligations en marge de ça aussi. Alors, je veux le dire aussi, pour les auditeurs qui nous regardent, là, que c'est normal que tout le monde ne soit pas ici tout le temps, à cause de ça. Et puis, il y a des périodes où tous les gens sont ici pour certaines circonstances particulières, au moment de votes importants, et tout, mais, à l'intérieur de chacun de nos débats, il y a cette marge de manoeuvre, si vous voulez, qui est accordée à chacun des partis, d'ailleurs. Alors, je voulais faire ce point et je vous invite... C'est pour ça d'ailleurs que la règle est là, ce n'est pas une règle seulement pour cacher des choses aux gens qui nous écoutent, là, c'est une règle qui est là, parce que, effectivement, il y a des justifications pour que tout le monde ne soit pas ici tout le temps. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Je vous prie de m'excuser de ce lapsus, M. le Président. Je disais que le mémoire de la ministre de la Santé devant ses pairs indique ceci: «Les mesures qui concernent l'admissibilité des personnes au régime pourront générer des économies qu'il est difficile d'évaluer a priori.» Alors, on ne sait même pas si ces supposées mesures de contrôle vont vraiment générer des économies. Alors, pourquoi est-ce qu'on procède ainsi? C'est une question que je demande à la ministre de la Santé. J'espère, peut-être après mon intervention, qu'elle pourra y répondre.

(20 h 20)

M. le Président, j'annonce aux Québécois et Québécoises qui renouvellent tardivement leur carte d'assurance-maladie qu'ils vont être taxés pour 1 000 000 $ par année, M. le Président. Une nouvelle taxe en guise de frais administratifs, que le mémoire soumis par Mme la ministre de la Santé évalue à, et je le cite, M. le Président: «Finalement, en ce qui concerne les dispositions sur la tarification concernant les réinscriptions – c'est-à-dire des personnes qui renouvellent tardivement – la Régie anticipe des revenus – revenus pour la Régie égalent taxes pour le contribuable – de l'ordre de 1 020 000 $ par année.» M. le Président, si, pour n'importe quelle raison, on renouvelle tardivement sa carte, si on est âgé, si on a de la difficulté à lire la formule, si nous avons déménagé, et peut-être, selon la nature humaine, on a oublié d'informer la Régie à temps, la formule arrive tardivement et la réinscription se fait tardivement, on va taxer ces personnes-là, et ça va donner 1 000 000 $ de revenus à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Si le gouvernement est tellement à court d'argent qu'il pense qu'il doit aller chercher dans les poches des personnes qui renouvellent tardivement 1 000 000 $, nous avons un sérieux problème au Québec, M. le Président. Un sérieux problème.

Mr. Speaker, this bill, as far as I'm concerned, and I have read it, I've looked through it, I've taken notes on it, its 57 sections, some of which are quite complicated, after reading it in conjunction with the current act, this bill is a travesty, Mr. Speaker. It does nothing to fix the crying problems that exist in our healthcare network. And the major item appears to be an attempt to reduce accessibility, increase regulatory power. And let's not forget that famous article in the bill, Mr. Speaker, which proposes to eliminate the hyphen between the words «assurance» and «maladie». Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Le prochain intervenant, M. le député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. Et mon premier commentaire, M. le Président, c'est un commentaire assez de base: je me demande bien quel est l'objectif visé par ce projet de loi, considérant qu'au Québec présentement ça ne va pas très bien dans la santé. Ça ne prend pas un grand savant pour voir qu'il y a des problèmes dans le réseau de la santé, que ça soit dans nos hôpitaux, que ça soit dans nos CLSC, que ça soit dans nos centres hospitaliers de soins de longue durée, que ça soit en termes de personnel infirmier, de technologues, de médecins, de spécialistes, d'équipements, de construction, ça va bien à peu près nulle part dans le réseau de la santé. D'ailleurs, des députés péquistes affirmaient la même chose il n'y a pas très longtemps. Donc, ce n'est pas juste une constatation partisane, bien au contraire, c'est une constatation généralisée des citoyens du Québec, qui avaient comme rempart un système de santé juste, équitable, accessible et efficace. Aujourd'hui, on peut pour le moins dire que c'est un système qui est lent, en décrépitude, mal adapté à la réalité vieillissante du Québec, un système de santé qui craque de partout.

Et le projet de loi n° 83, plutôt que de venir apaiser ces souffrances, apaiser ces craintes, ces angoisses de la population du Québec, vient régler des questions administratives. J'imagine que la ministre de la Santé, dans l'ensemble de ses préoccupations quotidiennes, a jugé bon qu'en termes prioritaires à cette session-ci il fallait régler des questions administratives avant de régler les soins aux malades. Ça, c'est un choix politique, c'est un choix du cabinet de dire qu'il faut régler avant toute autre chose des questions administratives. Les gens du Québec seront les juges de cette tactique, de ce choix politique.

Lorsqu'on lit – et on aura la chance de revenir là-dessus – les dispositions initiales, on voit qu'on veut modifier la question de services assurés, tant en termes de services offerts aux personnes que des services offerts aux personnes avec une déficience physique. Et justement, en ce qui a trait à la déficience physique, j'aurai la chance de vous parler d'un cas dans mon comté, M. le Président, un cas pathétique où ça fait presque six ans que l'on attend la réalisation d'un centre longuement attendu et qui, encore une fois, est sur les planches à dessin parce que le gouvernement est dans une inaction complète dans ce dossier-là.

Lorsqu'on veut comprendre un projet de loi, bien avant de tomber dans les articles très détaillés qui regardent les virgules et les apostrophes d'un projet de loi, et un projet de loi qui modifie une loi complexe qui est la loi sur la santé, ce qu'il est intéressant de lire, c'est les notes explicatives. C'est un peu le menu au restaurant qui vous met l'eau à la bouche avant de commander un plat, avant de savourer un plat. Et le menu dans un restaurant devrait être l'image, la saveur, le reflet de l'institution. Eh bien, on va lire ensemble les notes explicatives, M. le Président, et je vous invite à tenter de palper la saveur, le goût qui se dégage de ce menu. Alors, ça commence en disant que le projet de loi sur l'assurance-maladie modifie donc la loi «afin de préciser des règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie». Concrètement, là, on n'est pas en train de l'élargir, l'accessibilité. On n'est pas en train de dire aux gens: Ça va être plus facile de se faire soigner au Québec. On n'est pas en train de dire aux malades: Craignez rien, on est là pour vous soigner. Non. Le projet de loi est là pour restreindre l'accessibilité aux soins de santé au Québec. Soins qui pourtant sont universels, sont accessibles à tous en théorie. Mais le projet de loi vient dire l'inverse.

«Ce projet de loi introduit de nouvelles règles concernant la possession et l'utilisation d'une carte d'assurance-maladie ou d'une carte d'admissibilité. Il prévoit également des dispositions, d'une part, afin de faciliter les opérations administratives de la Régie en matière de recouvrement des sommes qui lui sont dues». M. le Président, je ne sais pas si les gens du Québec ont bien compris, là, mais, en termes de goût et de saveur, on est en train de dire que le projet de loi est en train de régler un problème pour faciliter les opérations administratives de la Régie. Entre vous et moi, il n'y a personne qui se fait soigner à la Régie, il n'y a personne qui reçoit un diachylon, du réconfort, un plâtre, une radiographie. Il n'y a personne qui reçoit ça de la Régie. La Régie est là en termes administratifs, la Régie est là souvent de façon encombrante par rapport aux institutions, et on est en train de faire un projet de loi qui va lui permettre de faciliter ses opérations en matière de recouvrement de sommes qui lui sont dues. Il faut se demander la priorité là-dedans.

D'autre part, on poursuit en disant que c'est pour permettre de communiquer des renseignements personnels à Héma-Québec et au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Là, ça, c'est assez typique du gouvernement, parce qu'en matière de transmission de renseignements personnels, ah! ils connaissent ça parce qu'ils en transmettent pas mal. Ils en transmettent, des fois légalement, d'autres fois illégalement. Il y a des députés qui paient cher ce transfert illégal d'informations, mais ce n'est certainement pas une préoccupation constante de ce gouvernement, de protéger les renseignements personnels, et le projet de loi n° 83 en fait foi encore une fois, où on facilite la transmission d'informations confidentielles sur la santé de quelqu'un, au Québec, à deux organismes: un qui n'est pas gouvernemental et l'autre qui, sous sa tutelle, est responsable de la Commission d'accès à l'information.

On poursuit en disant que «le mode de transmission des renseignements que doit fournir la Régie aux percepteurs désignés en vertu du Code de procédure pénale est modifié afin que cette transmission puisse être faite en vertu d'une entente» plutôt qu'en vertu du Code de procédure. Alors, on est en train, encore une fois, d'affaiblir les mécanismes de contrôle de transmission.

(20 h 30)

On poursuit en disant: «Par ailleurs, ce projet de loi habilite la Régie – on parle toujours des régies de la santé – dans certains cas, à faire assumer à la personne assurée ou au professionnel de la santé des frais d'administration.» Je peux comprendre, M. le Président, qu'avec 350 000 000 $ de déficit dans nos hôpitaux, 210 000 000 $ de déficit au niveau de l'assurance-médicaments, 80 000 000 $ de déficit en termes de rémunération chez les médecins le gouvernement tente tous azimuts de chercher des revenus. D'ailleurs, on a la preuve de la quête incessante de revenus: pensons au monde municipal. Pensons au monde municipal qui voit une facture qui a été transférée en 1997 par l'actuel ministre de l'Agriculture, facture imposée aux municipalités, maintenant transférée vers le monde scolaire, le monde scolaire qui devra augmenter les taxes des citoyens du Québec de 40 %, 150 $ de plus, pour une maison de 100 000 $, pour le transport scolaire. Ça, c'était une responsabilité gouvernementale transférée directement dans la poche des contribuables du Québec via les taxes scolaires.

Donc, je ne suis pas étonné de voir le projet de loi parler encore de taxes. Mon collègue député d'Argenteuil, aujourd'hui, parlait des taxes supplémentaires sur les pneus, et la liste est infinie. Et aujourd'hui on a une nouvelle taxe en matière de santé.

On modifie aussi la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec en ce qui concerne les pouvoirs de la Régie au niveau de la composition de son conseil d'administration. M. le Président, on est rendu avec des conseils d'administration et des administrateurs du régime avec un ratio d'un administrateur pour un médecin. Trouvez l'erreur. Un chance que le club de hockey Canadiens n'a pas un entraîneur par joueur, parce que le résultat de ça, c'est que le club ne joue pas mieux, mais ça coûte juste plus cher. Bien, c'est ça qu'on vit dans le réseau de la santé, un ratio de un pour un, et là on est en train de modifier des règles afin de modifier la composition du conseil d'administration.

Je vous invite à faire la réflexion, M. le Président, parce que, lundi passé, le 15 novembre, il y avait élection dans le réseau de la santé. Je vous invite à voir le taux de participation de ces gens-là. Les gens du Québec se sont déplacés dans quelle proportion pour aller élire un conseil d'administration à la régie? Régies qui, soit dit en passant, sont une créature du gouvernement du Québec, mais certainement pas en fonction de ce que l'actuelle opposition officielle avait envisagé. Quand on avait regardé les régies, c'étaient des entités plus autonomes, plus décisionnelles. Présentement, le gouvernement les utilise comme des boîtes aux lettres. Elles ne font qu'acheminer les commandes de Québec, ce n'est pas du tout l'objectif visé par les régies régionales.

Finalement, le projet de loi comporte diverses modifications de nature technique et de concordance ainsi que des dispositions transitoires. Mais ça, ça aide les patients pas mal. Ça, quand tu t'en vas à l'urgence, c'est pas mal bénéfique pour ta santé.

En parlant d'urgence, j'ai vécu une situation, M. le Président... Lundi après-midi passé, je faisais du bureau de comté – et je vous garantis que ce que je vous dis est vraiment arrivé – et quelqu'un qui était dans mon bureau a eu un malaise. Alors, là, bon, on a tenté de le réconforter, et cette personne me demande de la transporter à l'urgence du centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais, qui est l'hôpital chez nous.

Alors, je l'amène à l'urgence et puis, bon, je rentre à l'urgence, et là la salle d'attente est pleine. On est un lundi après-midi, il est environ 15 heures. La première chose que je vois en entrant – c'est accueillant – c'est un panneau qui dit: Bienvenue à l'urgence. Durée d'attente minimum: quatre heures et demie pour les cas non urgents. Je commence à parler avec les gens dans la salle d'attente, et les gens me disent: Bien, moi, je suis arrivé à 8 heures, ce matin. On était à 15 heures. L'autre était arrivé à 9 heures. Salle d'attente bondée. Malheureusement, la personne avec qui j'étais, c'était grave, sa situation. Elle a passé rapidement au triage, elle est entrée rapidement dans un service de soins.

Deux constats: le personnel est extraordinaire, ce sont des hommes et des femmes dévoués, compétents, attentionnés; deuxième constat, ils sont débordés. Le système craque de partout, il y a des civières dans les corridors. Ils ne savent pas à quel saint se vouer, ils n'ont pas de temps à consacrer aux malades parce qu'ils sont sollicités de partout. Ça, ce n'est pas le genre de médecine qu'on souhaite au Québec, ce n'est pas le genre de médecine pour lequel on a payé au Québec, ce n'est pas le genre de médecine qu'on mérite au Québec. Quand on regarde dans les différents comtés, particulièrement chez nous, le CHSLD, centre hospitalier de soins de longue durée, a des cas qui s'aggravent quotidiennement. C'est un centre qui s'occupe de gens de plus en plus malades. La vocation a été modifiée; les ressources sont restées les mêmes.

Je vous parlais tantôt des déficiences physiques, M. le Président, je ne crois pas me tromper lorsque je dis qu'au Québec il y a un endroit, avec une population, une masse importante, où il n'existe pas de lits en réadaptation. Ça n'existe pas. Chez nous, on n'en a pas. Chez nous, le centre La RessourSe, premièrement, est un centre pour la réinsertion, éclaté en trois ou quatre pavillons, pas très bien adaptés – c'est des anciennes écoles, des choses comme ça – qui a un projet sur la table d'une dizaine de millions de dollars pour créer son centre avec des lits pour la réadaptation. Ce projet traîne depuis six ans. Je peux comprendre que l'Outaouais ne vote pas du bon bord, selon certains, mais il y a une différence entre prendre pour acquise une population et prendre en otage la population. Essentiellement, le centre La RessourSe présentement manque d'accès, a besoin de la nouvelle construction, particulièrement a besoin d'offrir des lits pour pouvoir réadapter nos gens.

Depuis deux ans, on avait une clinique, la clinique de la douleur, qui était affiliée notamment au CHVO, qui a fermé, faute de fonds; pas faute de malades, faute de fonds. Et cette clinique, M. le Président, a fermé bien que l'ensemble des citoyens qui l'utilisaient, eux, aient encore mal. Eh bien, la réponse du ministère est assez simple: Écoutez, allez à Ottawa, si ça ne marche pas, là, si vous n'êtes pas content, vous pouvez toujours aller à Ottawa; ils ne prennent pas la carte, vous paierez vous autres, c'est correct, ça, vous paierez, contrairement au reste du Québec, puis, si vous n'êtes pas capable de payer, bien, vous ferez deux heures d'auto puis vous irez a Montréal. Vous direz ça à quelqu'un qui souffre de douleurs chroniques, de faire deux heures d'auto, après un accident, et des douleurs de dos, s'asseoir deux heures dans une voiture pour aller dans un centre de la douleur.

Eh bien, je n'ai pas besoin de vous rappeler que les députés sont sollicités de toutes parts, notamment par les refus, les nombreuses décisions négatives des régies régionales en termes de subventions de groupes communautaires. Je fais référence particulièrement à la question du Gîte Ami, chez nous. Le Gîte Ami est un centre pour les personnes en dernier recours. C'est un centre pour les sans-abri. Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a eu la chance de visiter ça. Je ne sais pas si la «chance» est un bon mot. C'est dans un sous-sol, dans des conditions de salubrité plutôt questionnables, avec des dortoirs mixtes, où de plus en plus de familles, de mères monoparentales séjournent avec leur enfant.

C'est un endroit désolant à voir, mais c'est un endroit aussi qui va être appelé à demeurer parce que nos soins psychiatriques, malheureusement, eux aussi ont pris le virage et mettent les gens dehors. Il y a de moins en moins de lits disponibles là. Nos soins de longue durée accaparent plus de lits dans nos hôpitaux, donc moins de place pour les malades, et on les met sur la rue. Et, quand on les met sur la rue, ils se ramassent dans un centre comme ça. Et, quand ils se ramassent dans un centre comme ça, M. le Président, savez-vous ce qui arrive? Ils n'ont plus d'adresse fixe.

Et savez-vous ce que le projet de loi est en train de leur faire, à ces gens-là, qui sont déjà aux prises avec des problèmes de santé mentale, souvent des problèmes complexes, plusieurs problèmes complexes, que ce soit de la toxicomanie, de la dépendance, problèmes psychiatriques? Et, quand on s'en va dans un centre pour itinérants comme ça, l'impact, c'est que tu n'as plus d'adresse fixe. Et le projet de loi fait en sorte que ces gens n'auront plus de carte d'assurance-maladie. Ces gens ne pourront plus être traités dans un établissement de santé au Québec. On est en train de priver, puisqu'il est clair qu'on doit avoir, à l'article 4, un domicile fixe... Puisque ces gens n'en ont plus, on est en train non seulement de leur créer des problèmes importants avec l'aide sociale, mais on est en train de leur dire: Vous ne méritez plus de traitement par nos hôpitaux au Québec. Et ça, c'est absolument incroyable, M. le Président.

(20 h 40)

Le temps achève. Je tiens à vous dire que la question du volet social aussi est extrêmement importante dans tout ce débat-là. Moi, j'ai des jeunes enfants. J'ai un de mes gars qui va dans une école primaire. Je peux vous dire que j'ai rencontré des parents de cette école-là qui trouvent ça absolument aberrant de voir comment on n'a pas de ressources spécialisées dans cette école, comme dans d'autres écoles de la commission scolaire, pour traiter nos gens avec des problèmes d'apprentissage particuliers.

Je tiens à vous dire, M. le Président, que ce n'est certainement pas en transférant une facture de 350 000 000 $ de plus chez les commissions scolaires qu'on est en train d'améliorer la situation. Il y a plusieurs problèmes d'apprentissage qui doivent être adressés dès la petite enfance. Dès les premières années d'apprentissage, il faut régler particulièrement les problèmes de langage. Et, quand on ne fait pas ça, c'est un problème pour la vie avec lequel on va vivre. C'est handicaper cet enfant-là pour la vie. Et le manque de ressources, le manque de considération, le manque de prévoyance du gouvernement actuel font en sorte qu'on est en train d'hypothéquer la vie de milliers de jeunes enfants par l'incompétence du gouvernement à donner les soins au moment où ils sont nécessaires.

M. le Président, le projet de loi initialement technique, initialement un peu insignifiant, parce qu'on modifie des traits d'union, mérite une attention particulière parce qu'il en va même de la santé publique et de l'avenir des enfants du Québec, de donner les soins au moment où ils doivent les recevoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Excusez, Mme la députée. M. le député de Chicoutimi, vous voulez intervenir?

M. Bédard: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, M. le député de Chicoutimi.


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci. Excusez-moi, Mme la députée. La règle d'alternance. Alors, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur ce projet de loi qui, comme faisait remarquer mon collègue le député de Hull, est un projet effectivement technique et dont je vais me faire un plaisir aujourd'hui d'expliquer à la population, évidemment d'expliquer aussi à mes collègues, certaines dispositions qui ont un impact réel au niveau de l'assurance-maladie.

Mon collègue mentionnait tantôt que le projet de loi n'élargissait pas les règles d'admissibilité. Évidemment, non, je vous dirais, parce que, au Québec, nous avons effectivement un régime public accessible à tous. Alors, il est évident que, à partir du moment où il est public et accessible à tous, on ne peut élargir les règles, évidemment. Et je vous ferais remarquer aussi, M. le Président, que ceux qui prônent plutôt un système à deux vitesses ne font pas partie du gouvernement actuel. C'est bien important de le préciser.

M. le Président, évidemment, ça me fait plaisir, comme je vous le disais tantôt, de vous préciser certaines règles qui concernent, entre autres... Le but de certaines dispositions du projet de loi est d'assurer aux seuls utilisateurs qui y ont droit, soit les citoyens du Québec, de profiter et d'utiliser le système de santé de façon à faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abus. Je crois, là-dessus, que tout député... et même toute la population en général est consciente et, je vous dirais même, est préoccupée et a intérêt à ce que le système de santé, évidemment, soit utilisé par ceux qui y ont droit. Parce que le système – parfois on entend l'expression «le système est gratuit» – M. le Président, il n'est évidemment pas gratuit. Il est payé, il est réparti, c'est l'ensemble des citoyens du Québec qui paient pour le système. Donc, à l'évidence, il est important que ceux qui y ont accès soient ceux qui paient ce système-là, et que ce soient les seuls.

Alors, pourquoi, M. le Président, préciser les règles d'admissibilité au régime? Eh bien, simplement parce que le système de santé, comme je vous le disais, est financé par des fonds publics. Évidemment, ce régime-là, il faut lui mettre toutes les dispositions nécessaires et tous les outils pour qu'il puisse respecter sa loi constitutive. Actuellement, il existe dans la loi certaines ambiguïtés que je vous mentionnerai un peu plus tard, et même au niveau de l'interprétation de certaines dispositions qui empêchent parfois une saine utilisation. Donc, le but du projet de loi actuel, évidemment, c'est de clarifier ces éléments. Il est tout à fait normal, et je vous dirais, M. le Président, que le gouvernement s'inquiète de ces questions et qu'il y apporte des réponses, et c'est ce qu'on va faire au cours de la présente session.

D'abord, le projet de loi modifie les dispositions qui visent à définir la notion de personne résidente du Québec. On retrouve cette disposition à l'article 4 du projet de loi qui modifie l'article 5 de la loi actuelle. Deux décisions récentes du Tribunal administratif du Québec ne permettent plus à la Régie de l'assurance-maladie de considérer qu'une personne doive nécessairement être domiciliée au Québec pour avoir accès au régime. Il est donc proposé que la notion de «résidence» soit établie sur la notion de «domicile». C'est la notion qu'on trouve au sens du Code civil du Québec ainsi que de la Loi électorale.

De cette façon, la loi se conforme aux dispositions de la Loi électorale, évidemment, et elle permet, de la même façon, d'assurer aux seules personnes qui y ont droit d'avoir accès évidemment à notre système de santé via la Régie de l'assurance-maladie. De plus, en énumérant des catégories admissibles, le nouveau texte vient limiter les difficultés d'interprétation que soulèvent les dispositions actuelles de façon à ce que tout citoyen ou toute personne qui consulte la loi puisse s'y retrouver.

Deuxièmement, le projet de loi n° 83 prévoit, à son article 6, l'introduction d'une présomption à l'effet qu'une personne qui détient un statut de résident permanent dans un autre pays est présumée ne pas être domiciliée au Québec. Elle perd donc son admissibilité au régime à moins de démontrer à la Régie qu'elle est domiciliée au Québec et de lui produire une déclaration assermentée à cet effet. Donc, c'est une présomption, simplement, que la personne peut renverser à ce moment-là en faisant la preuve que je vous ai mentionnée auparavant. M. le Président, encore une fois, cette modification législative nous permettra d'éviter toute ambiguïté quant à une interprétation de la loi qui contreviendrait à l'intention du législateur et, je crois même, je vous dirais surtout, au bien commun, l'objectif recherché étant toujours le même, soit d'assurer que seules les personnes qui ont droit au système et qui paient pour ce système y aient accès.

D'autres dispositions traitent de l'utilisation frauduleuse d'une carte d'assurance-maladie, et je vous dirais que, à titre de payeur de taxes, comme l'ensemble de mes concitoyens, nous sommes toujours un peu surpris, et je vous dirais qu'on souhaite évidemment que de tels actes ne soient pas posés. Or, quand ça arrive, tout citoyen du Québec a intérêt à obtenir justice. Donc, dans le cas de l'utilisation frauduleuse d'une carte d'assurance-maladie, le projet de loi permet l'imposition d'une amende à toute personne qui aura utilisé une carte qui ne lui appartient pas.

Évidemment, l'introduction d'une infraction d'ordre pénal est conséquente avec la notion de crime liée à la fraude. Évidemment, l'utilisation d'une carte que quelqu'un ne peut utiliser et qu'il utilise tout de même, c'est une fraude, et il doit y avoir à ce moment-là une sanction pénale. Il m'apparaît donc tout à fait normal qu'une personne qui pose ce geste illégal soit contrainte d'en assumer les conséquences, dans ce cas-ci, au niveau pénal et, on verra un peu plus loin, au niveau monétaire, parce que le projet de loi permet de la même façon à la Régie, tout d'abord, de récupérer cette carte mais, aussi, de réclamer certains frais.

Ce sont là des notions, selon moi, qui permettront d'assurer un meilleur contrôle sur l'utilisation des cartes d'assurance-maladie. Nous devons donner à la Régie de l'assurance-maladie du Québec les moyens de faire respecter la loi, et l'introduction d'un pouvoir coercitif m'apparaît justifiée dans le cas qui nous occupe. Encore une fois, les députés de l'opposition conviendront avec moi de la nécessité, évidemment, d'assurer que seules les personnes qui ont droit au système puissent en bénéficier. C'est une règle qui, je crois, doit recevoir l'assentiment de tous mes collègues ici ainsi que de toute la population. Évidemment, nous assurons de cette façon-là à la population que leur système, qu'ils financent eux-mêmes par leurs impôts, est utilisé par ceux qui paient, et on donne évidemment, de cette façon-là, des moyens à la Régie pour sanctionner des abus toujours très malheureux.

(20 h 50)

M. le Président, une autre disposition prévue au projet de loi est celle qui introduit des délais de prescription plus longs pour la restitution des sommes indûment payées par la Régie dans le cas où une personne aurait reçu des services assurés alors qu'elle n'y a pas droit. Il est donc proposé que ce délai, qui est actuellement de trois ans, demeure à trois ans, mais plutôt, au lieu de commencer à partir du moment où l'acte est posé, qu'il commence à partir du moment où la Régie a connaissance de ces faits-là. Et on parle à ce moment-là de gens qui auraient fraudé en utilisant une carte qui n'était pas la leur ou de gens qui n'auraient pas accès au système de santé.

Donc, évidemment, il peut y avoir un délai entre le moment où ce fait est connu par la Régie... Auparavant, la période de trois ans empêchait souvent la Régie de pouvoir récupérer ces sommes-là de cette personne qui n'y avait pas droit, et je crois que ça créait effectivement une injustice pour tous les citoyens qui paient cette assurance, parce que c'est une assurance collective évidemment, donc tous les citoyens du Québec qui paient, et on empêchait la Régie de cette façon-là de pouvoir récupérer ces sommes.

D'ailleurs, on retrouve souvent ce délai, entre autres dans le Code civil, que ce soit dans les vices cachés, dans la notion de vices cachés et dans plusieurs dispositions où, de façon équitable, on établit le recours d'un individu à partir du moment où il prend connaissance des faits. C'est d'une évidence très claire, je vous dirais, et je ne verrais pas pourquoi la Régie n'aurait pas ce même droit, la Régie, donc tous les citoyens du Québec, n'aurait pas le même droit de pouvoir aller récupérer ces sommes dans ce délai de trois ans.

M. le Président, en conclusion, vous me permettrez de rappeler la problématique exposée ici et que cette problématique est d'une importance majeure. Elle ne règle pas évidemment tous les problèmes que nous connaissons et le défi qui est posé actuellement au système de santé. Par contre, on dit souvent qu'on peut mâcher de la gomme et réfléchir en même temps. Donc, évidemment, ces modifications sont d'ordre plutôt administratif mais donnent des moyens de façon à assurer une équité dans notre régime de santé et donner certains moyens pour empêcher que des gestes de fraude, des gestes d'abus dans notre système actuel puissent être posés, et, dans le cas où ils le sont, qu'ils soient sanctionnés.

La population doit pouvoir être certaine que le gouvernement est en mesure d'exercer tout le contrôle nécessaire quant à l'utilisation des services publics. Je crois que le présent projet de loi accorde des réponses, donne des moyens d'action, et j'espère que tous les députés ici, en cette Chambre, se joindront à nous afin de permettre à la Régie de l'assurance-maladie d'accomplir sa mission avec tous les outils qui lui sont nécessaires.

Alors, évidemment, ce projet de loi obtiendra mon appui. Je souhaite évidemment qu'on puisse l'adopter le plus rapidement possible. J'entendais tantôt mes collègues évidemment... Ceci ne règle pas, comme je disais tantôt, tous les problèmes que nous vivons et tous les défis qui se posent à notre système de santé quand on regarde tout le défi qui se pose lorsqu'on constate le vieillissement de la population. Ceci est un acte tout simplement pour donner plus de moyens à la Régie et assurer une équité pour notre système. Alors, M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives. Je suis en fait extrêmement étonnée de ce que contient ce projet de loi.

Notre système de santé est en train de craquer de partout après que ce gouvernement nous a promis que tout a été planifié dans les moindres détails. Je ne sais pas si mes collègues de l'autre côté ont l'occasion de se rendre dans les hôpitaux, de rencontrer le personnel soignant, de rencontrer les malades et d'écouter leurs commentaires, de parler aux médecins et de savoir exactement ce qui se passe dans notre système de santé. C'est lamentable. Je sais que même vous, M. le Président, vous avez dû vous battre pour votre propre hôpital, et ils sont nombreux, les Québécois et les Québécoises, à être inquiets, préoccupés de ce qui se passe dans le système de santé.

Donc, on aurait souhaité que la ministre nous arrive avec une pièce législative qui mette un peu d'ordre dans ce système-là et qui permette surtout aux établissements d'avoir les outils dont ils ont besoin pour offrir des soins de qualité aux contribuables et aux malades québécois.

Mais ce n'est pas le cas, M. le Président. On nous offre, la ministre nous offre un projet de loi à différents volets, et je me suis posé la question: Pourquoi venir avec un projet de loi qui va introduire de nouvelles règles? Car, dans les notes explicatives, on peut lire que «ce projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-maladie afin de préciser les règles d'admissibilité au régime d'assurance-maladie». Un projet de loi pour préciser les règles d'admissibilité au régime, comme si ces règles-là n'étaient pas assez précises et comme si le problème que vit notre réseau de santé et de services sociaux était un problème de réglementation, alors qu'il s'agit d'un problème de soins, de livraison de soins à la population.

Le projet de loi introduit donc de nouvelles règles concernant la possession et l'utilisation d'une carte d'assurance-maladie ou d'une carte d'admissibilité.

Il prévoit également des dispositions, d'une part, afin de faciliter les opérations administratives de la Régie en matière de recouvrement des sommes qui lui sont dues et, d'autre part, de permettre à celle-ci de communiquer des renseignements personnels à Héma-Québec, au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ainsi qu'à ses mandataires.

De plus, le mode de transmission des renseignements que doit fournir la Régie aux percepteurs désignés en vertu du Code de procédure pénale est modifié afin qu'une telle transmission puisse être faite en vertu d'une entente.

Par ailleurs, ce projet de loi habilite la Régie, dans certains cas, à faire assumer à la personne assurée ou au professionnel de la santé des frais d'administration. Ce projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec en ce qui concerne les pouvoirs de la Régie et la composition de son conseil d'administration. M. le Président, si c'est ça, les préoccupations de la ministre de la Santé, les citoyens du Québec ont des raisons d'être préoccupés.

Je voudrais vous relater, M. le Président, la teneur d'une rencontre que j'ai eue pas plus tard que le 15 novembre dernier dans mon propre bureau de comté avec les représentants des syndicats CSN, FTQ, CEQ sur ce qui se passe dans notre système de santé. Et c'est à dessein que je mentionne cette rencontre avec les représentants syndicaux parce que, nous, de notre côté, quand on critique le gouvernement et quand on le rappelle à l'ordre, quand on relate les ratés de notre système de santé, nos collègues d'en face nous accusent de partisanerie politique. Moi, M. le Président, je veux faire parler des gens qui sont sur la ligne de front, des infirmières, du personnel soignant qui sont en contact avec cette réalité au quotidien.

Et ce que ces représentants syndicaux m'ont dit au cours des deux heures et demie de rencontre, c'est que le ministère de la Santé et des Services sociaux et ce gouvernement n'ont pas de vision, n'ont pas de planification stratégique, ne savent pas, M. le Président, ce qui se passe dans le système de santé. Ça, c'est des représentants syndicaux qui portent ce jugement sur leur propre système de santé. On m'a également, M. le Président, informée qu'il y avait un désordre inouï au niveau de l'organisation du travail dans nos hôpitaux, que les ressources ne sont pas au rendez-vous, les ressources financières, bien sûr, les ressources matérielles, aussi les ressources humaines.

On m'a informée que 10 % des infirmières diplômées – vous m'avez bien entendue – ne donnent pas de soins, elles font de l'administration. Ça, M. le Président, c'est la réalité. Alors qu'on a une pénurie d'infirmières, alors qu'on cherche et qu'on recrute des infirmières de l'étranger: à Maniwaki, on a fait appel à des infirmières de France qu'on a fait venir ici, M. le Président, et, chez nous, des infirmières diplômées avec des titres, avec des compétences, font de l'administration au lieu de donner de soins.

(21 heures)

Je me serais attendue que la ministre de la Santé et des Services sociaux se préoccupe de cette question-là, trouve des solutions pour qu'on puisse offrir des soins aux malades. Non, ce n'est pas du tout, M. le Président, ce qui nous est proposé dans ce projet de loi. La pénurie de médecins... je viens d'une région qui souffre de façon chronique d'une pénurie de médecins. On en a perdu, et il y a un manque de quelque 200 médecins en Montérégie. Au niveau du financement, on a un manque à gagner de plus de 200 000 000 $ au chapitre de l'équité interrégionale. On ne demande pas de l'argent en plus, on demande à avoir le même niveau de ressources financières pour offrir un même niveau de soins aux malades de la Montérégie qu'ailleurs dans la région de Montréal. Cette réclamation est toujours là. Et je sais que mes députés, de l'autre côté de la Chambre, ceux qui viennent de ma région, comprennent très bien ce que je dis, même si parfois ils ne se lèvent pas en Chambre pour le dire, parce que nous vivons cette réalité avec nos concitoyens, eux dans leur bureau de comté, moi dans mon bureau de comté, nous recevons des doléances des malades et de la population. Et on vit avec cette réalité. Nos urgences n'arrêtent pas de déborder.

Notre système, le gouvernement s'épate comme quoi il a atteint le déficit zéro. Or, le déficit zéro, cherchez-le, il est rendu ailleurs. Il est rendu dans nos hôpitaux. Il est rendu dans nos CLSC. Il est rendu dans nos universités. Il est rendu dans nos cégeps. Il est rendu dans nos municipalités. Et c'est ultimement le contribuable qui paie. C'est ça, la réalité. Actuellement, nos établissements font des déficits, ce qu'ils ne faisaient pas autrefois. Ils sont rendus à faire des déficits. Et ces déficits, ils les font avec la bénédiction de la ministre de la Santé et des Services sociaux qui leur délivre des lettres signées pour aller emprunter. On est en train d'engouffrer nos établissements dans des déficits. Le réseau de la santé et des services sociaux est dans le rouge, pour le moins que l'on puisse dire. On estime à 350 000 000 $ le déficit de cette année dans les établissements hospitaliers. 350 000 000 $, c'est beaucoup d'argent, ça, des taxes des contribuables. À l'échelle d'un établissement régional comme l'hôpital Charles-Lemoyne, sur la Rive-Sud de Montréal, c'est un déficit annoncé officiellement de 2 000 000 $ pour l'année en cours. D'autres dépassements budgétaires sont également confirmés et annoncés: 210 000 000 $ de déficit dans l'assurance-médicaments, 80 000 000 $ de déficit dans l'enveloppe de rémunération des médecins. C'est ça, la gestion de crise de ce gouvernement. C'est ça, le gouvernement qui a planifié la santé dans les moindres détails. Heureusement que c'est dit comme ça, parce qu'on serait devant une situation encore plus catastrophique. Et c'est pire ce qui est vécu par les citoyens.

Alors, que fait la ministre de la Santé et des Services sociaux? Pour couvrir l'incurie de sa mauvaise gestion financière, elle coupe dans les services directs à la population. En effet, ce projet de loi vient modifier la définition des services assurés, particulièrement en ce qui a trait aux services offerts aux personnes ayant une déficience physique. On s'attaque aux plus démunis. On s'attaque aux plus vulnérables de notre société. Ce projet de loi vient également préciser certaines règles d'admissibilité au Régime d'assurance-maladie. Et qu'est-ce que ces règles disent? C'est de resserrer le contrôle sur les contribuables, sur les citoyens. Le projet de loi vient s'attaquer donc aux personnes handicapées, aux personnes démunies.

Je voudrais rappeler ici, M. le Président, une pratique qui m'a été rapportée pas plus tard qu'au début de ce mois. J'ai reçu à mon bureau des représentants de citoyens, des familles de personnes handicapées qui m'ont parlé de leur problème de resserrement des contrôles dans l'attribution de la RAMQ pour les fauteuils roulants. Déjà, la Régie de l'assurance-maladie a, dans les faits, resserré les critères d'admissibilité pour avoir accès à des fauteuils roulants pour les personnes handicapées. Ainsi, avant même que ce projet de loi soit déposé en cette Assemblée, la bureaucratie gouvernementale est passée à l'oeuvre depuis un an en limitant l'accès aux fauteuils roulants aux seules personnes handicapées qui les utilisent sur une base quotidienne. On n'attribue les fauteuils roulants qu'aux personnes handicapées qui doivent faire la preuve qu'elles les utilisent sur une base quotidienne. On est rendu jusque-là, M. le Président, dans la vie privée des gens.

Pourtant, jusque-là, l'obtention d'une aide à la locomotion et à la posture était déterminée par un cadre législatif et réglementaire qui repose sur une définition médicale de ce que c'est qu'un handicap physique. C'est un médecin qui donnait un certificat, qui déterminait que telle personne avait un handicap physique et qu'elle avait besoin d'un fauteuil roulant pour sa locomotion, M. le Président. La bureaucratie, avec sa vision comptable imposée par le gouvernement, elle est rendue à vérifier si la personne handicapée utilise le fauteuil roulant à tous les jours, sur une base quotidienne. Bientôt, on va leur demander le nombre de kilomètres qu'ils font dans une journée.

Donc, par une astuce administrative, la Régie de l'assurance-maladie contourne la loi et les règlements et prive des dizaines de personnes handicapées de ce service vital et combien nécessaire pour leur mobilité physique. Et il faut connaître, M. le Président, le vécu des personnes handicapées pour réaliser que la mobilité, pour elles, est extrêmement importante. Déjà qu'elles sont isolées, déjà qu'elles vivent dans l'isolement parfois total, pour les personnes qui n'ont pas de soutien naturel, de famille autour d'elles. Déjà elles vivent tous ces problèmes, et le gouvernement vient les empêcher d'avoir accès à un support qui leur permettra de sortir, d'avoir une mobilité, d'avoir des loisirs, parce que la bureaucratie et les exigences comptables du gouvernement leur imposent cette réalité, M. le Président.

Alors, moi, je ne comprends pas du tout la logique qu'il y a derrière les dispositions qu'on rencontre dans ce projet de loi. En resserrant les règles d'admissibilité pour les aides à la locomotion et à la posture, la Régie d'assurance-maladie répond davantage aux impératifs du gouvernement et à la vision comptable de la ministre de la Santé et des Services sociaux qu'aux attentes des citoyens, qu'aux besoins des citoyens. Conséquences – et les conséquences sont réelles: de nombreuses personnes handicapées physiques sont en attente d'une décision ou ont carrément été refusées, et ce, injustement.

(21 h 10)

Aujourd'hui, la ministre de la Santé et des Services sociaux introduit un projet de loi qui va, en fait, légaliser une pratique qui est pour le moins non conforme avec la loi, et cette pratique est en vigueur depuis un an à la Régie d'assurance-maladie, comme en témoignent les documents qui m'ont été fournis par les personnes qui sont venues me voir et qui m'ont exposé cette situation lamentable, avec des familles qui sont complètement dépourvues face aux exigences de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

De plus, M. le Président, la Régie de l'assurance-maladie du Québec a introduit des frais de 60 $ pour chaque demande d'autorisation qui lui est adressée. Une facture, évidemment, qui est refilée aux bénéficiaires. Le centre de réadaptation Lucie-Bruneau se retrouve dans une situation déplorable où il a été attribué, du 1er avril au 15 décembre 1999, 70 fauteuils roulants conformément à la directive de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, mais il s'est vu refuser le paiement de 70 aides à la locomotion par la RAMQ.

On me signale, M. le Président, que depuis que la RAMQ a décidé d'instaurer un critère arbitraire d'utilisation quotidienne des fauteuils roulants, le centre de réadaptation Lucie-Bruneau a noté une baisse de 43,5 % des fauteuils roulants manuels et de 37,3 % des fauteuils roulants motorisés. Dans les milieux oeuvrant directement auprès de ces clientèles, on est très inquiet, d'autant plus que l'enveloppe a été coupée de 30 % durant les six derniers mois.

M. le Président, ce projet de loi n'apporte rien de nouveau, sauf des taxes déguisées pour la population, des services en moins pour les malades et particulièrement pour les personnes handicapées. Je le déplore énormément parce que je me serais attendue à ce que le gouvernement réalise enfin que notre système de santé est dans un état lamentable, que les citoyens demandent un répit, qu'il est temps que l'on puisse injecter des sommes d'argent dans notre système de santé pour donner plus de services à la population, pour relever le moral du personnel soignant parce que ces gens-là n'en peuvent plus. Mais, au lieu de tout ça, on nous présente un projet de loi qui n'a aucune logique et qui ne répond à aucune attente de la population.

Alors, M. le Président, je le déplore énormément, et je regrette qu'on soit là pour débattre du projet de loi n° 83.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il n'y a plus d'autres intervenants. Alors, nous allons mettre aux voix l'adoption du principe.

Le principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, est-il adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 5 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 81


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 17 novembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite.

Oui, M. le ministre. Est-ce que vous êtes intervenu déjà sur le projet de loi? Non. Alors, très bien. M. le ministre, vous intervenez en tant qu'auteur du projet de loi? Non. Alors, vous avez donc 20 minutes. Très bien, je vous cède la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Mont-Tremblant, c'est dans le paysage du comté de Labelle, du sud du comté de Labelle que je représente, que j'ai l'honneur de représenter ici, à l'Assemblée nationale. Et, en particulier, la montagne est au coeur d'une région dont le nord, c'est le parc du Mont-Tremblant, et le sud touche à quatre municipalités pour lesquelles nous proposons ce projet de fusion.

Je veux citer quelques faits, M. le Président, pour éclairer le débat. Si vous prenez le remonte-pente pour gravir le mont Tremblant jusqu'à son sommet, au tiers de la montagne, vous verrez une pancarte Saint-Jovite, au tiers de la montagne, ce qui veut dire que le bas de la montagne est dans Mont-Tremblant, le village de Mont-Tremblant, mais le haut de la montagne est dans Saint-Jovite ainsi que la partie nord, une partie vers l'est. Une montagne divisée en deux, alors que la paroisse de Saint-Jovite, par la suite, s'étend au sud de Mont-Tremblant. Si vous connaissez un peu la géographie de ces lieux, on voit qu'il y a des découpages du territoire extraordinaires: le haut de la montagne dans une municipalité au nord d'une autre municipalité qui est au bas de la montagne, au sud, et, plus au sud, encore la même municipalité qui entoure le village de Mont-Tremblant.

Pourquoi, M. le Président? Parce que, en 1940, M. Joe Ryan, qui a voulu développer le mont Tremblant, a demandé au gouvernement du Québec de créer une municipalité en détachant une partie de Saint-Jovite pour des fins de développement touristique. Et, lorsqu'on retourne au projet de loi qui est en cause, qui est adopté ici, à l'Assemblée nationale, on s'aperçoit que c'était pour des fins de développement touristique, étant donné, dit-on exactement dans le projet de loi, par la bouche du curé de Mont-Tremblant, que les gens de Saint-Jovite étaient très peu sensibles au développement touristique. C'est un fait; 1940, c'est de là que tout part.

Mais, M. le Président, c'était un projet de développement économique qui a profité à la région dans ce temps-là et qui a continué à profiter à la région, avec des hauts et des bas. Tout le monde connaît cette histoire où, à la suite de M. Joe Ryan, un développeur de New York qui avait trouvé les lieux extraordinaires, ce centre a été ensuite cédé à des promoteurs qui l'ont peu développé au cours des années, en passant par les caisses d'entraide économique, en passant par un autre qui a succédé aux caisses d'entraide et où tout le monde souhaitait qu'il y ait une relance de cette montagne alors qu'elle ne pouvait pas faire face à la concurrence des autres centres de ski ailleurs au Québec.

Arrive Intrawest en 1991, M. le Président, qui a acquis les terrains et qui a signé un nouveau bail avec le gouvernement du Québec. Intrawest, effectivement, a investi dans une première phase 467 000 000 $, dans une deuxième phase qu'il est en train de faire, de compléter, un autre 500 000 000 $. Et nous estimons à ce jour que ce développement en est à peu près au tiers de ce qui surviendra. Alors qu'en 1990 il y avait moins de 300 000 clients à cette station touristique par année, aujourd'hui nous en sommes à 2 500 000 visiteurs par année. Et les perspectives d'Intrawest sont de 7 500 000 visiteurs dans quelques années – 2005, 2007, quelque part par là. Tout le monde comprendra que cela crée un choc important dans toute la population, puis, je dirais, un choc intéressant parce que nous avons là un problème de développement, et non pas un problème d'autre sorte. Je dirai, M. le Président, que c'est un heureux problème. Nous avons cette chance d'avoir des investissements massifs dans une station touristique qui se donne et qui entend se donner une vocation internationale qu'elle possède déjà mais qu'elle entend développer.

(21 h 20)

Alors, oui, il y a du développement économique, il y a une effervescence économique majeure, et cela pose toute une série de questions, en particulier sur les structures municipales. Parce que, si on considère la population des différentes municipalités en cause, on se rendra compte qu'il y a de grandes différences d'habitation: d'abord la ville de Saint-Jovite, qui comprend 4 609 habitants, officiellement au registre; la paroisse de Saint-Jovite, 1 708, qui, elle, est au faîte du Mont-Tremblant; une autre, la municipalité de Mont-Tremblant elle-même, de 977 habitants résidents, je parle des résident; et la municipalité de Lac-Tremblant-Nord, quatre résidents. Certains disent qu'il y en a neuf. On peut admettre neuf, M. le Président. Je ne chicanerai pas de quatre à neuf ou à 12, aucunement.

Mais vous voyez très bien la nature même de ces municipalités qui doivent répondre à des questions majeures importantes parce que, s'il y a un tel développement, il y a aussi des questions qui se posent, en particulier sur l'habitation des résidents. Il est évident que, par suite de cet afflux de touristes, de cet afflux de développement, de ces constructions de condos au pied de la montagne, de ce développement de golfs, de résidences aussi sur les golfs, avec des résidences de haut standard, qui coûtent évidemment des centaines de milliers de dollars chacune, on a changé le tissu urbain de la région, passablement.

Et ce qui se passe, c'est qu'il y a une inflation aussi des coûts des terrains, comme des maisons, et donc une modification substantielle du rôle de l'évaluation foncière, de telle sorte que les travailleurs ne peuvent ou peuvent difficilement vivre à Mont-Tremblant, sauf ceux qui y habitaient déjà, mais les travailleurs en général de la station Intrawest doivent habiter ailleurs. Est-ce qu'ils doivent habiter dans le territoire de Saint-Jovite, dont une partie est zone agricole et où les services municipaux existent peu, les services collectifs existent peu? Il n'y a pas d'aqueduc et d'égout dans la paroisse, mais il y en a dans la ville de Saint-Jovite. Il y en a. Et on peut penser qu'à terme, ce qui est déjà le cas, les travailleurs de Mont-Tremblant vont devoir habiter la ville de Saint-Jovite. C'est le milieu urbain tout désigné pour qu'ils y habitent. Je ne parle pas d'autres municipalités plus loin, mais c'est la normalité des choses qu'ils habitent Saint-Jovite.

Et donc, vous avez recréé tout un tissu urbain qui vient de changer mais qui se réoriente vers l'habitation dans Saint-Jovite. Quels sont les coûts importants qu'il y a à assumer à ce moment-là? Ce sont des coûts de services municipaux: la police, l'aqueduc et les égouts, d'autres services municipaux, la bibliothèque, etc. M. le Président, on peut penser qu'ils vont devoir grandir. Ce sont en général les coûts les plus importants en ce qui concerne un tel développement que ceux de l'habitation des travailleurs d'une telle station. Or, que se passe-t-il? L'évaluation foncière, les revenus de la municipalité de la ville de Saint-Jovite, tel que c'est maintenant, vont se stabiliser, ne croîtront pas, sûrement pas, dans la mesure des besoins d'un tel déplacement de la population. Donc, les coûts vont augmenter, et on va avoir exactement ce qui se passe ailleurs lorsqu'il y a de ces projets de développement économique accélérés: un déséquilibre important en ce qui concerne l'évaluation foncière.

Je vois le député de Hull qui branle du chef. Je pense qu'il devrait s'intéresser à la question en profondeur et non pas de façon partisane, M. le Président. Je l'ai entendu l'autre jour, puis j'ai cru comprendre qu'il avait lu certains discours qui avaient été déjà prononcés en cette Chambre, à l'occasion d'autres fusions. Il n'a rien inventé. Nous avons tous entendu ce qu'il a dit et nous avons tous reconnu ce qui avait déjà été dit en cette Chambre. Il n'a rien inventé.

M. le Président, ce qui se passe aussi, c'est que, en ce qui concerne l'environnement, il faut prendre tout ce qu'il faut de précautions pour que l'environnement soit respecté. Si l'on poursuit de la construction domiciliaire un peu partout dans le territoire, nous allons miter ce territoire en termes d'aménagement, et l'aménagement en prendra un coup. C'est particulièrement vrai dans un milieu comme celui-là. Il faut effectivement concentrer l'habitation le plus possible. Il faut éviter de construire de grands stationnements. Il faut conserver à l'environnement tous ses attraits pour les touristes qui doivent continuer d'y venir et qui doivent y venir en plus grand nombre, puis en particulier à partir de maintenant, parce que la clientèle d'Intrawest a été pour beaucoup jusqu'ici une clientèle québécoise, mais qui est devenue graduellement une clientèle étrangère, mais qui va devenir de plus en plus une clientèle étrangère, américaine ou européenne, par suite de ces développements. M. le Président, l'environnement est particulièrement important, et je pense que, dans les perspectives que nous avons, il faut absolument avoir ça sur la première ligne de nos priorités. Je crois que tout le monde en est conscient, y compris les gens de Mont-Tremblant, y compris Intrawest, y compris les gens de Saint-Jovite, les habitants de Saint-Jovite.

M. le Président, je poursuis sur ces questions d'habitation. Si les gens viennent à Saint-Jovite, ce qui est normal, ce qui est tout désigné, nous devrons améliorer les services de cette ville, nous devrons les parfaire et les améliorer. Les coûts vont monter. Mais nous devrons aussi assurer des liens avec la station de Mont-Tremblant, puisqu'une partie importante de la population y travaillera, et donc cela amène à solutionner les problèmes de transport – les routes, la nature des routes – les problèmes de transport collectif, parce que, s'il y a 3 000, 4 000, 5 000 travailleurs qui vont à Mont-Tremblant, je ne pense pas qu'il soit indiqué qu'ils utilisent les stationnements qui, normalement, doivent être destinés aux touristes si on ne veut pas faire des centaines et des centaines et des milliers et des milliers de mètres carrés dans un paysage qui ne devrait pas en avoir ou qui devrait en avoir le moins possible. C'est ça, la réalité, et donc nous devons organiser du transport en commun. Nous devrons le faire. Beaucoup de gens sont conscients de ces questions.

Je sais bien que, aujourd'hui, il est facile de susciter ces questions d'autonomie municipale. Ma collègue a très bien établi que la question des fusions municipales est de responsabilité du gouvernement du Québec et que c'est le gouvernement qui en décide et que toute consultation est consultative en fonction des réaménagements de limites municipales. Celui qui a lu le moindrement son Code municipal ou sa Loi des cités et villes sait cela.

Je sais bien aussi que certains peuvent regretter les paysages tranquilles. Il y en a encore, M. le Président, des paysages tranquilles dans la région de Mont-Tremblant, dans la ville et dans le village de Mont-Tremblant. Il y en a encore puis il y en aura encore, et je pense que c'est l'intérêt de tous, y compris d'Intrawest, de faire un développement qui respecte, encore une fois, cet environnement.

M. le Président, je sais qu'il s'est dit beaucoup de choses, par exemple qu'Intrawest a fait pression sur le gouvernement pour cette fusion. Je puis vous dire que non, quoi qu'en dise l'opposition, et que même cette lettre de M. Aubin, qui m'a été adressée et qu'on a dite secrète, n'a jamais été secrète. Elle a été déposée à 18 personnes au CAMO de la région de Saint-Jovite–Mont-Tremblant, y compris des élus municipaux du village de Mont-Tremblant. Il n'y a rien de secret là-dedans, et ce qui a été dit là comme étant une lettre secrète est absolument faux. Je le dénie fondamentalement. Et, d'ailleurs, si quelqu'un prend la peine de lire cette lettre, il va se rendre compte qu'elle prenait pour acquis qu'il n'y avait aucune fusion municipale dans le décor et, surtout, au moment où elle a été établie, qu'Intrawest n'a jamais poussé ni dans un sens ni dans l'autre. Je dénie formellement qu'Intrawest ait fait des pressions pour qu'il y ait une fusion municipale, mais il est de la responsabilité du gouvernement, cependant, de s'assurer que les structures municipales seront à la hauteur de la tâche qui les attend ou de la tâche qui attend la prochaine ville qui s'appellera vraisemblablement Mont-Tremblant. Mais on verra, selon les travaux du comité.

(21 h 30)

M. le Président, je voudrais simplement, puisque le temps passe, attirer l'attention sur les perspectives, parce que c'est dans cette optique qu'il faut voir cette fusion. Quelles sont les perspectives de Mont-Tremblant? C'est justement des perspectives où la clientèle touristique va augmenter encore de façon considérable. Jusqu'ici, le développeur qu'il y a, Intrawest, a toujours dépassé les objectifs qu'il avait annoncés. Il nous avait annoncé 2 000 000 $; il y a 2 500 000 $. Il annonce 7 500 000 $; nous espérons qu'il l'atteindra et qu'il le dépassera avec une clientèle qui viendra des États-Unis.

Lorsque ce projet a été lancé, le président, M. Joe Houssian, a bien indiqué que, pour lui, son marché était le marché américain en bonne partie, celui qui était à une heure et demie d'avion et à une journée de voiture. Donc, si vous faites le tour, vous verrez très bien qu'il y a un vaste marché. Je pense que c'est un projet extraordinaire pour cette région. De la même façon, sa clientèle peut aussi être européenne parce qu'il faut savoir que venir d'Angleterre, par exemple, et faire du ski à Mont-Tremblant, ça vous prend à peine plus de temps que d'aller dans les Alpes, à cause du décalage horaire. Et, lorsque vous arrivez, vous êtes prêt pour le lendemain matin. Lorsque vous partez, vous faites du ski toute la journée et vous repartez le soir, et, le lendemain, vous êtes dans le pays où vous voulez aller en Europe. Il y a un vaste marché, et je pense que c'est très typique de ce qui se passe au Québec, au coeur du continent américain, mais pas si loin qu'on dit du continent européen, un marché qui peut être exploité, qui peut intéresser autant les Européens que les Américains, et donc il y a ce vaste potentiel.

M. le Président, dans ce contexte, la municipalité doit s'organiser et doit être équipée pour faire face aux problèmes qui se poseront, aux questions qui se poseront. Et même maintenant la fusion, qui comporte certaines dispositions très intéressantes pour tous ceux qui sont fusionnés, comme par exemple le maintien du règlement de zonage de Lac-Tremblant-Nord ainsi que l'acquisition du Domaine Saint-Bernard qui avait été décidée par le village de Mont-Tremblant mais dont la majeure partie était dans le territoire de Saint-Jovite paroisse, comporte des avantages pour tous, pour tous les résidents de toutes les municipalités. Et, à cause exactement de cette acquisition du Domaine Saint-Bernard qui avait été décidée avant la fusion par Mont-Tremblant, le fait que le coût du service de la dette et du fonctionnement en soit réparti à l'ensemble des municipalités implique même une baisse de taxes pour le village de Mont-Tremblant.

M. le Président, au-delà de la démagogie qui peut être faite sur ce dossier, je maintiens que cette fusion doit se faire, qu'elle est absolument nécessaire, qu'il faut maintenir une municipalité, par exemple une seule municipalité sur le bassin du lac Tremblant lui-même qui est au pied du Mont-Tremblant, qui est un lac de 15 km de long, un fjord, en quelque sorte. Il faut qu'il y ait une municipalité qui réglemente. Je convie tous ceux qui y habitent à collaborer et à constituer un nouveau conseil municipal, une nouvelle municipalité avec une perspective dynamique, une perspective qui est tournée vers l'avenir et non pas vers le maintien de structures qui, en fait, abritent le maintien aussi de certains privilèges.

Je voudrais juste noter un petit fait, en passant, que, par exemple, dans la municipalité de Mont-Tremblant, malgré la demande réitérée des non-résidents d'avoir une élection le dimanche, elle a toujours été tenue le lundi pour éviter qu'ils n'y votent, à ces élections. Alors, il y a de ces incongruités qu'il s'agit de corriger dans une municipalité nouvelle qui, je suis sûr, est promise à un grand avenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre et député de Labelle. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Hull.

M. Cholette: Question de règlement, M. le Président. En vertu de l'article 213, est-ce que le ministre accepterait que je lui pose une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Accepté? M. le député de Hull, oui, vous pouvez adresser votre question.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, on peut comprendre pourquoi le ministre a décidé d'intervenir le premier pour défendre un projet de loi. Ma question est fort simple: N'est-il pas vrai, M. le ministre, que, dans l'ensemble de votre comté, il s'agit de Mont-Tremblant où vous avez perdu les élections?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Léonard: On voit la hauteur où vole le député de Hull, M. le Président. J'ai gagné des élections à Mont-Tremblant, j'en ai perdu, mais j'en ai gagné aussi, j'en ai gagné aussi. M. le député de Hull, ça n'a rien à voir. Il faut avoir la perspective du développement de cette municipalité, de cette région en fonction d'un développement économique majeur qui se passe dans la région. C'est ça qu'il faut avoir en tête, quoi qu'en dise et qu'en pense l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le prochain intervenant, M. le député de Chomedey, sur cette question, sur ce projet de loi.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement et avec beaucoup d'intérêt les explications du député de Labelle, qui, rappelons-le, est en même temps le président du Conseil du trésor, parce que, s'il y a un dossier mystère qui est piloté par le gouvernement du Parti québécois depuis quelques mois, c'est bien le dossier de la fusion des municipalités dans la région de Mont-Tremblant. Pour preuve, nous n'avons qu'à référer à deux lettres datées du 14 septembre 1999 et du 10 septembre 1999, signées par nul autre que l'ancien conseiller municipal de Sainte-Lucie-des-Laurentides, l'actuel...

Une voix: ...

M. Mulcair: Mais j'ai dit «ancien», j'ai dit «ancien conseiller». Après, il est devenu le maire de Sainte-Lucie-des-Laurentides, le brillant et oh! comment talentueux député de Bertrand. Le député de Bertrand...

Des voix: ...

M. Mulcair: Vous devriez retenir vos applaudissements. Le 10 septembre 1999, c'est lui-même, l'ancien conseiller municipal de Sainte-Lucie-des-Laurentides, qui écrivait à M. Pierre Duchesne, secrétaire général de l'Assemblée nationale, à l'édifice Honoré-Mercier, pour lui demander ceci: «M. le secrétaire général, le 18 juin 1999, j'ai demandé que soit publié au feuilleton de l'Assemblée nationale un préavis concernant le projet de loi n° 199, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Village de Saint-Sauveur-des-Monts, de la Municipalité de Piedmont et des municipalités de Paroisse de Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur. Par la présente, je vous demande de retirer ce préavis du feuilleton de l'Assemblée nationale lors de sa prochaine session.»

Le 14 septembre 1999, il écrit à nouveau au secrétaire général. Cette fois-ci, l'objet de sa lettre, c'est Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Saint-Jovite Village, de Saint-Jovite Paroisse et des municipalités de Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord, projet de loi n° 198: «M. le secrétaire général, le 18 juin 1999, j'ai demandé que soit publié au feuilleton de l'Assemblée nationale un préavis concernant le projet de loi n° 198 précité. Par la présente, je vous demande de retirer ce préavis du feuilleton de l'Assemblée nationale lors de sa prochaine parution.»

M. le Président, ce qu'il convient de mentionner en tout premier lieu, c'est que le député de Bertrand n'avait consulté personne, mais alors strictement personne, avant de déposer ces deux projets de loi là. Comme débutant, c'est le genre d'erreur qui peut se comprendre. Mais ce qui se comprend difficilement, c'est qu'au cours de l'été il demande de retirer les deux projets de loi et, mirabile dictu, que le gouvernement du Parti québécois nous revienne avec un des deux projets de loi. Celui qui est dans le comté du député de Bertrand, parce qu'il est nouveau, il est au début de sa carrière comme député, ils ont bien voulu le retirer. Celui qui est dans le comté du député de Labelle, qui est en «phasing out» politique et qui n'a plus rien à perdre, ça, ils y tiennent mordicus, et ils y tiennent mordicus malgré l'avis de puissants ténors du Parti québécois.

(21 h 40)

J'écoutais le député de Labelle, tantôt, je voulais voir où il allait mettre son emphase dans son discours. Vous savez ce que j'ai trouvé le plus intrigant? Qu'il ait décidé de passer pas mal de temps, vers la fin, sur deux des articles les plus intrigants du projet de loi, les articles qui concernent justement le Domaine Saint-Bernard. Ce sera intéressant de mesurer les propos du député de Labelle à propos du Domaine Saint-Bernard lorsqu'on va voir la suite des événements. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui vont être impliquées dans le développement dans la région? Est-ce que ça, ça va servir de prétexte pour les empêcher de faire d'autres développements dans la région? Je pense que c'est le genre de dossier à propos duquel le député, un député expérimenté comme celui de Labelle, président du Conseil du trésor... Je suis convaincu même que c'est le genre de dossier qu'il comprend fort bien, dont il comprend où sont les intérêts.

Et on voit justement que, en face d'un commentaire comme celui-ci, Jacques Parizeau a dit très récemment: «Il y a toujours eu des appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions, c'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – les fusions – en disant que c'est bon pour le citoyen.» Jacques Parizeau. Lucien Bouchard, la semaine dernière: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.»

M. le Président, dans le cas qui nous occupe, il y a eu un référendum où 96 %... C'est le rêve de tous les séparatistes en face de nous, un référendum où tu gagnes par 96 %. Qu'est-ce qu'ils ont fait dans ce cas-là? Ils ont dit: Ça ne vaut rien, ça ne vaut rien, 96 %; nous, on est le «garnement», on va faire ce qu'on veut. On va vous passer sur le corps. Oubliez vos référendums, oubliez la démocratie, faites ce que je dis et pas ce que je fais. Ça, c'est merveilleux, et c'est ce qu'on voit de plus en plus avec ce gouvernement vieilli, qui n'a plus d'idées, qui ne sait plus où il s'en va, qui n'est plus capable de gérer quoi que ce soit de l'État et qui y va par coups de tête, maintenant, et on voit le résultat aujourd'hui, un projet de loi pour fusionner malgré un référendum à l'effet contraire de 96 %.

Il y a plus, M. le Président. Le député de Saint-Jean ici, à l'Assemblée, il y a quelques mois à peine: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.» Je vous prends à témoin. Il y a une bonne nouvelle quand même, le député de Saint-Jean est rendu de notre côté de la Chambre, ce soir. Ça doit bien vouloir dire quelque chose.

Le député d'Iberville, encore récemment: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.»

Le député de Bertrand et adjoint parlementaire aux Affaires municipales a dit quelque chose de similaire, dernièrement: «Contrairement à ce que j'avais pensé, il n'y a pas ou à peu près pas de personnes ayant la volonté de procéder à une fusion à quatre.» Et il poursuivait en disant: «Suite à ces discussions, aux rencontres que j'ai eues en période estivale et aux réflexions concernant ce dossier, j'ai fait retirer du feuilleton le projet de loi.» Mais on voit qu'il a fait retirer les deux projets de loi, puis il y en a un qui revient par la porte d'en arrière. On voit l'influence du député de Bertrand dans ce dossier-là.

Le plus extraordinaire dans la fusion à quatre qui avait été proposée, qui concernait le village de Saint-Sauveur-des-Monts, la municipalité de Piedmont et les municipalités de paroisse de Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur, c'est que, comme je le disais tantôt, il n'avait consulté personne. Et il a été tellement surpris quand, au cours de l'été, à Sainte-Anne-des-Lacs, il s'est tenu un référendum, mais cette fois-ci sous forme de pétition. La pétition, ça commençait avec une référence au député de Bertrand: «Le député de Bertrand ayant déposé, le 18 juin, à l'Assemblée nationale, un projet de fusion», et ainsi de suite. Et je vous assure, M. le Président, qu'il s'agissait là, pour une rare fois, d'une pétition conforme. De toute évidence, il s'était bien renseigné auprès de l'Assemblée nationale pour avoir la bonne description d'une pétition conforme dans notre règlement. Cette pétition a été signée à l'intérieur de quelques semaines par au-delà de 90 % des citoyens de Sainte-Anne-des-Lacs.

M. le Président, il ne faut vraiment rien, mais alors strictement rien connaître de son comté, lorsqu'on est député à l'Assemblée nationale comme le député de Bertrand, pour ne même pas savoir que, dernièrement, les municipalités dans les Laurentides, dans ce coin-là, de Saint-Hippolyte, de Prévost, de Piedmont et de Sainte-Anne-des-Lacs, avaient déjà regroupé leurs forces pour créer un service intermunicipal de police qui s'appelle la Régie intermunicipale de police de La Rivière-du-Nord, un excellent service de police. C'est exactement comme ça, lorsqu'on respecte la volonté locale, qu'un gouvernement qui réfléchit un tant soit peu et n'est pas à la remorque de bureaucrates ou d'intérêts puissants comme Intrawest, un gouvernement qui est à l'écoute des gens, va être capable de se dire: Vous savez quoi? Au lieu de forcer la main localement, on va créer des conditions – oserai-je parler de conditions gagnantes? – pour que les gens de la place se mettent ensemble.

C'est ça qui s'est fait dans le domaine des services de police, M. le Président. Le service est maintenant au niveau municipal, les gens sont ravis parce qu'ils ont une force policière dans le coin qui est située justement à Prévost, et qui dessert une région, et où les policiers connaissent tout dans la région. Ça coûte beaucoup moins cher que la Sûreté du Québec. Les policiers qui sont en devoir connaissent tous les coins des municipalités en question, les citoyens paient moins de taxes que s'ils avaient la Sûreté et il n'y a personne qui a forcé quoi que ce soit. Les quatre maires des quatre municipalités ont uni leurs forces, ils viennent de bâtir sur la 117 une excellente centrale pour leurs forces policières, tout va bien.

Le député de Bertrand arrive en beau milieu de tout ça en disant: À bien y penser, moi, je vais prendre Sainte-Anne-des-Lacs, je vais prendre Piedmont, village Saint-Sauveur puis Saint-Sauveur paroisse puis, moi, je vais tout mettre ça ensemble. Il n'avait parlé à personne. Il ignorait que les quatre autres municipalités, dont Sainte-Anne-des-Lacs et Prévost, avaient déjà fusionné leurs forces policières. Il ignorait, il ne savait même pas – c'est le député de la place! – qu'elles avaient leur propre Régie intermunicipale de police, sinon il ne l'aurait jamais fait.

Quand il a été confronté avec la pétition de Sainte-Anne-des-Lacs, vous savez ce qu'il a dit, M. le Président? Il a dit: Bien, coudon, pourquoi vous ne m'avez pas consulté avant de faire votre pétition? Ha, ha, ha! Les gens lui ont poliment – parce que c'est du monde très poli à Sainte-Anne-des-Lacs – expliqué que c'était lui qui avait proposé la fusion, le 18 juin, sans parler avec qui que ce soit. Il l'a retiré, le projet de loi. Au moins, il en sait assez, en politique, après sa vaste expérience dans la municipalité de Sainte-Lucie-des-Laurentides, et de maire de Sainte-Lucie, et de conseiller municipal, et de préfet de MRC, hein – une vaste expérience – pour savoir quand est-ce qu'il est dans le trouble. Mettre quatre municipalités comme ça à dos, là, sans avoir parlé avec qui que ce soit, ça ne prend pas une grosse calculatrice. T'as pas besoin d'un ordinateur IBM pour compter les voix dans un comté comme Bertrand qui a changé assez souvent de député et de côté de la Chambre et où les élections sont toujours serrées. Même le député de Bertrand a été capable de faire le calcul. Il l'a fait vite, il a fait retirer le projet de loi.

Mais là on a devant nous le député de Labelle. Ah! ça, c'est un autre cas. Il y tient mordicus. Il nous parle du Domaine Saint-Bernard. Très intéressantes, ces références au Domaine Saint-Bernard. Il nous parle d'Intrawest. Vraiment sur la défensive: Non, non, une compagnie qui investit quelques millions de dollars, qui influence toute la région, ça ne nous affecte pas du tout, non, non, non. Intrawest ne nous a pas influencés du tout, du tout dans cette décision-là. Excusez notre scepticisme, M. le Président, mais on ne voit pas les choses d'un même oeil. Nous, on dit que, si ce n'est pas cassé, pourquoi le ministre propose de l'arranger? Si les choses vont bien dans un coin, pourquoi est-ce qu'il vient avec ses grosses bottes pour marcher partout sur la volonté populaire, pour imposer la volonté de son gouvernement péquiste dans la région? Il n'y a personne qui comprend ça, M. le Président.

Je crois que le député de Labelle sait très bien pourquoi il est obligé de faire ça et je crois que les raisons qu'il a données tantôt, bien que partiellement vraies, sont loin d'exprimer tout ce qui est en train de se passer dans ce dossier-là. Les forces qui sont en jeu, M. le Président, sont énormes. Les forces qui sont en jeu sont en train de faire en sorte qu'à l'intérieur même de leur caucus...

(21 h 50)

J'en ai donné quelques-uns tantôt, mais un des plus intéressants, c'est récemment le député de Joliette, le ministre des Transports. Le 7 novembre, dans un journal local, il a dit ceci: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» C'est vrai, ça. Je n'aimerais pas lui causer un infarctus en étant d'accord avec lui publiquement. Si le député de Joliette devait m'entendre dire qu'il avait raison sur quelque chose, il devrait se demander qu'est-ce qui se passe. Mais, pour une rare fois, M. le Président, le député de Joliette a raison, ça ne donne rien. Mais, à l'intérieur de leur gouvernement, je viens de vous le lire, le premier ministre, le député de Joliette en train de dire: C'est une maudite mauvaise idée, cette affaire-là. Le député de Labelle, la ministre des Affaires municipales en train de dire: Oui, «let's go» pour des fusions forcées malgré un référendum de 96 % à l'effet contraire.

M. le Président, dans la citation que j'ai donnée tantôt de Jacques Parizeau, il y a une vérité profonde, une vérité que comprennent les gens comme le député de Joliette qui a jadis eu le dossier des affaires municipales, c'est que les fusions, les jolies cartes fabriquées par des fonctionnaires à Québec qui ne savent absolument pas où se trouvent les municipalités en question, ça ne vaut rien. Il y a juste des gens qui ne comprennent rien en politique municipale qui écoutent les fonctionnaires qui ont fait ces dessins-là.

M. le Président, je vous l'ai montré tantôt, le député de Bertrand ne sait même pas ce q ui se passe dans son propre comté, il ne sait pas ce qui se passe dans les municipalités dans son propre coin. Comment voulez-vous que quelqu'un dans un ministère ici, à Québec, à l'intérieur des murs, sache que c'est bon de fusionner telle municipalité avec telle autre? Ils ne savent rien. La manière de s'y prendre, c'est de proposer des incitatifs. La manière de s'y prendre, c'est de dire: Écoutez, si vous fusionniez tels, tels services, vous pourriez avoir des économies. Les gens vont bien décider s'ils veulent fusionner les services de voirie, ou les services d'incendie, ou les services de police s'ils sont capables de le faire. Mais, lorsqu'on fait le genre de fusion qui est proposée ici et lorsqu'on prend la peine...

Vous savez, M. le Président, quand un enfant laisse les traces de ses doigts sur le pot de biscuits au chocolat puis qu'il essaie de dire, après: Non, non, je n'ai pas touché à ça, mais qu'il y a des empreintes partout, force nous est de constater que ce n'est peut-être pas tout à fait ça, hein, ce qui s'est passé, l'enfant qui dit qu'il n'y a pas touché. Quand tu lis un projet de loi qui porte sur de la fusion puis que quelqu'un prend la peine... Tu sais, on dit en anglais: It sticks out like a sore thumb. Ces articles-là sur le Domaine Saint-Bernard, c'est vraiment curieux, ça, hein, ça n'a aucun rapport avec le reste, et pourtant regardez ce que ça dit et regardez combien d'emphase la ministre a mis sur le Domaine Saint-Bernard vers la fin de son discours. L'article 6: «Le règlement 99-11 adopté par le conseil de la municipalité de Mont-Tremblant, le 29 juin 1999, est réputé entré en vigueur le jour de son approbation par le ministre des Affaires municipales et de la Métropole. L'article 2 de ce règlement ne peut être abrogé, modifié ni remplacé.» Vous voyez l'approche autoritaire, hein? C'est eux qui vont aller jusque dans ce détail-là, et ça ne peut pas être touché par qui que ce soit d'autre.

Mais il y a pire, M. le Président: le règlement ne peut, à compter de cette date, «être invalidé au motif que l'acquisition des immeubles constituant une partie du "Domaine Saint-Bernard" pour fins d'établissement d'un parc porte sur des immeubles situés hors de son territoire». On est en train de dire – écoutez bien, c'est important, ça – du côté du gouvernement du Parti québécois, que, même si ce qu'ils font est illégal, les gens n'ont pas le droit d'aller en cour pour le contester. Je regarde mon collègue le député de Laval-des-Rapides, ancien ministre de la Justice, ancien bâtonnier du Québec, je lui demande ce qu'il pense de ça. J'espère qu'il va se lever, après, aller parler avec son collègue le député de Labelle et lui dire: Aïe! Jacques, je n'avais pas vu ça. T'es pas sérieux! Comment est-ce que tu as laissé des fonfons te convaincre de mettre une affaire comme ça dans une loi? Ça ne se fait pas dans une démocratie. Un article comme ça, qui t'a convaincu de mettre ça là-dedans? Je sais bien que le député de Labelle n'est pas avocat, mais il peut au moins prendre avis de son collègue le député de Laval-des-Rapides qui lui expliquerait que ça ne se fait pas, dans une société libre et démocratique, de menotter les populations, de leur dire que, même si ce que le gouvernement fait est illégal, elles n'auront plus de recours devant les tribunaux.

Et on va plus loin, on dit ceci: «Les coûts relatifs à un litige ou à une contestation judiciaire auquel est partie une municipalité visée [...] restent, après l'entrée en vigueur du décret [...] à la charge des immeubles imposables.» Et écoutez bien, M. le Président, c'est le comble: «Le gouvernement peut modifier la répartition prévue au premier alinéa selon, le cas échéant, les coûts et la nature du litige ou de la contestation judiciaire.» Ce que ça veut dire en clair, c'est que, si, par malheur pour vous et vos citoyens, vous avez la témérité d'aller devant les tribunaux pour essayer de faire valoir vos droits, on va vous punir financièrement. C'est ça qui est écrit à l'article 8 du projet de loi. C'est ça, la notion de liberté et de respect de la règle, l'autorité du droit du gouvernement du Parti québécois. Triste journée pour la liberté au Québec lorsque des choses comme ça sont faites en guise de faire ce qui est nécessaire pour le tourisme dans une région!

J'écoutais, j'avais besoin d'aller chercher une boîte de Kleenex, il y avait des violons qui jouaient quand le ministre était en train de nous parler des gens qui venaient d'Europe: Wow! c'est formidable! on est tous contents! Mais ça a quoi comme rapport avec son projet de loi? Est-ce que le projet de loi ne porte pas plutôt sur qui va décider où est-ce que les routes vont aller? Qui va avoir le droit de développer et de mettre en valeur les terrains? Oui, oui, les forces puissantes, les intérêts puissants en jeu, ceux qui sont déjà là et qui influencent beaucoup le ministre et son gouvernement, jouent un rôle prépondérant. C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, on va s'opposer avec beaucoup de force au projet de loi présenté, forçant la fusion à Mont-Tremblant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Alors, le prochain intervenant sera le député d'Anjou. M. le député.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci. M. le Président, ce soir, on étudie le projet de loi n° 81, projet de loi qui bouleverse le paysage dans la région de Mont-Tremblant. C'est un projet de loi qui, dans le fond, est beaucoup plus vaste, beaucoup plus large que simplement ce qui est proposé comme fusion parce que c'est une question de principe. C'est une question de principe parce qu'on est face à un gouvernement qui n'est plus capable de contrôler une ministre, une ministre qui brandit des menaces de fusion à gauche puis à droite, une ministre que le premier ministre lui-même ne semble plus capable d'arrêter, qui, malgré les nombreux avertissements de ses collègues, continue, qui impose, qui ne consulte pas, qui va de l'avant, qui rejette du revers de la main des référendums. Pourtant, elle fait partie d'un parti qui ne vit que pour ça, des référendums. 96 %, c'est une minorité de gens qui achale la ministre, puis elle a décidé d'aller de l'avant.

C'est un projet de loi qui même est divertissant à suivre parce que, depuis le début, on voit des contradictions. On voit des ministres qui, sans même qu'on les cite, prennent à leur crédit des déclarations incendiaires, se lèvent. On devrait d'ailleurs fouiller, M. le Président, parce que j'ai l'impression que, quand on est rendu que les ministres se lèvent pour reprendre à leur compte des déclarations qu'ils n'ont même pas faites, on peut se poser la question: Ils ont peut-être dit des choses pires que ce qu'on a cité en Chambre.

C'est une ministre entêtée. On l'a mentionné tout à l'heure, on essaie de comprendre c'est quoi qui la motive, c'est quoi qui est sa source d'inspiration derrière cette vague qui l'amène à vouloir absolument tout fusionner, tout bouleverser sur son passage et à refuser de tenir compte des volontés qui ont été manifestées dans les différentes municipalités qui sont visées. C'est une ministre qui abandonne ses propres gens, on a vu, dans la dernière session parlementaire, le traitement qu'elle a réservé au député d'Iberville et au député de Saint-Jean qui avaient eu le malheur, eux, d'amener ici, à l'Assemblée nationale, un projet de fusion volontaire. Imaginez-vous, M. le Président, il y avait des villes qui étaient prêtes à se fusionner. La seule condition qu'elles demandaient, ces villes-là, c'était que, si elles disaient non, bien, qu'on respecte leur choix. Mais on s'est retrouvé dans une situation invraisemblable où c'était l'opposition qui était en train de défendre le député de Saint-Jean qui était en train de se faire passer sur le corps par la ministre.

Ça a passé. Il n'y a toujours pas eu de fusion. On est même rendu à se poser la question si c'est plus facile de se faire... On constate que c'est plus facile de se faire imposer une fusion par la ministre des Affaires municipales que de fusionner nous-mêmes quand on le désire puis quand on désire bénéficier et utiliser les différentes mesures incitatives qui sont mises en place.

(22 heures)

M. le Président, il y a eu le député de Saint-Jean et le député d'Iberville dans ce dossier-là, mais des citations, il y en a plusieurs. On va les passer, on a 20 minutes. C'est aussi bien de les passer à ce stade-ci du projet de loi parce que, quand on aura seulement 10 minutes, on n'aura même pas le temps de revenir là-dessus. «M. le Président, je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» C'était le premier ministre du Québec qui, le 14 novembre 1999, dans son coin, exprimait cette opinion-là. Ce n'est pas assez pour la ministre, c'était seulement le premier ministre du Québec.

Le député d'Iberville, le 2 juin 1999, à l'Assemblée nationale, déclarait à propos du projet de loi n° 194: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer, contre sa volonté, une fusion dont la population ne voudrait pas.»

M. le Président, c'est au moins rassurant. Il y a des gens de l'autre côté de la Chambre, puis on est les premiers à le reconnaître, qui ne pensent pas nécessairement comme la ministre, qui écoutent les gens. C'est un nouveau député, il est à l'écoute de sa population, il faut louer cet effort. Il s'est fait passer le bulldozer sur le corps par la ministre dans son coin à la dernière session.

Évidemment, le député d'Iberville, encore, au sujet du même processus, en conférence de presse, en mai, nous disait: «C'est que, tout au long de ce processus-là qui va culminer en la création, on l'espère, d'une nouvelle ville le 24 juin 2000, la population va être consultée en tout temps. Elle pourra dire son mot, et ça va être fait dans un souci des plus grandes transparences possibles.» M. le Président, pourquoi ces principes-là ne tiennent plus? On ne comprend pas. On ne comprend pas.

Le ministre des Transports, le député de Joliette, à plus d'une reprise – il va être à la veille d'avoir un avertissement de la ministre de modérer ses transports, j'imagine: «Dans notre parti, il est possible de pouvoir donner des opinions jusqu'au moment où on est lié par une décision, et on devient solidaire de cette décision.»

M. le Président, le projet de loi est devant nous. J'invite tous les députés de cette Chambre qui ne sont pas d'accord, autant du côté du gouvernement que de l'opposition, à faire sentir à la ministre que ça n'a pas d'allure. Elle est toute seule, toute seule, engagée avec une volonté: On ne se laissera pas dicter notre façon de faire par des référendums organisés par des gens qui paient des taxes. Ça n'a pas d'allure, d'abord, M. le Président.

Également, une autre personne que les membres de ce gouvernement aiment bien citer de temps en temps, celui-là même qui, ce matin, dénonçait l'attitude du premier ministre dans le dossier de la boubourse de Montréal, l'ex-premier ministre Jacques Parizeau déclarait: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – en parlant des fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

M. le Président, si ce n'est pas pour le bien des citoyens qu'on fait cette fusion-là, c'est pour le bien de qui? Pas vraiment de réponse. On est mal à l'aise, on accuse les gens d'être démagogues, de laisser entendre peut-être qu'Intrawest, qui investit des milliards de dollars à Mont-Tremblant, pourrait avoir un rôle à jouer là-dedans. Loin de nous cette idée.

M. le Président, je suis sûr que la ministre elle-même est surprise aujourd'hui. Elle ne pensait pas se retrouver devant une telle opposition à son projet de loi: le premier ministre qui déclare publiquement que ça n'a pas d'allure, qu'une fusion forcée, un mariage forcé, ce n'est jamais bon; le ministre des Transports qui, pratiquement aux deux jours, ressort le même message en rappelant que, tant que la décision n'est pas prise, il est solidaire.

Je suis convaincu aussi, M. le Président, tout comme nous et comme l'ensemble des députés dans cette Chambre, qu'elle a été aussi surprise de savoir que contre son projet de loi se trouvait le député de Rivière-du-Loup, le champion poids lourd des fusions forcées, monsieur une île, une ville. On va en forcer 29 sur l'île de Montréal, on va faire une ville, mais, à Tremblant, il n'est pas d'accord.

Nous, M. le Président, dès le début, on l'a dit, on était contre le principe d'imposer des fusions. Que des fusions se fassent, c'est une chose, puis on va respecter la volonté des gens. Le député de Rivière-du-Loup, lui, s'est vanté pendant la dernière campagne électorale... Puis les 124, tous ceux qui sont ici ce soir, rappelez-vous que, pendant la campagne électorale, il vous disait à vous, à moi puis à tous les autres candidats: Vous faites partie des vieux partis politiques, cette vieille façon de faire, ces partis corrompus qui, pour des motifs à la fois bizarres et qu'on ne comprend pas, changent de bord d'une journée à l'autre. Bien, M. le Président, le député de Rivière-du-Loup qui est prêt à fusionner 29 villes à Montréal pour faire une île, une ville, l'homme qui était fier de se faire photographier avec le maire de Montréal, Pierre Bourque, aujourd'hui change de décision.

M. le Président, on nous enseigne depuis le début en cette Chambre qu'il faut présumer la bonne foi des gens. Je suis convaincu que personne ici, dans cette Chambre, ne pense que c'est parce que Jean Allaire a une résidence dans la partie qui est appelée à être fusionnée; c'est bien évident que ça ne doit pas être le genre de motivation qui guide le député de Rivière-du-Loup. Mais on ne peut pas s'empêcher, de ce côté-ci de la Chambre – puis je vois des regards interrogateurs aussi de l'autre bord – de se poser une question: Comment? Ce gars-là est prêt à fusionner l'ensemble de l'île de Montréal, et puis, dans ce projet de loi là – peut-être que c'est parce qu'il trouve qu'il y en a juste quatre à fusionner puis qu'il n'y a rien là, que ça ne mérite pas son attention – à Tremblant, il est contre la ministre. Je suis convaincu que la ministre était étonnée de voir que lui aussi ne voulait pas se ranger derrière son projet de loi. C'était une surprise pour la ministre puis c'était une surprise aussi de ce côté-ci de la Chambre.

Vous savez, M. le Président, la ministre a dit beaucoup de choses là-dedans. Elle a parlé des municipalités qui refusaient de fusionner comme étant des égoïstes sur le plan fiscal. Une ville qui se gère bien puis qui génère des revenus puis qui fait beaucoup de développement économique sur son territoire et qui n'accepte pas, une fois qu'elle a réussi à se prendre en main puis à se développer, d'en donner aux autres, c'est une égoïste fiscale.

Puis c'est pour ça – puis je le mentionnais tout à l'heure – que le projet de loi, c'est beaucoup plus large, c'est une question de principe, c'est de savoir où est-ce qu'elle va s'arrêter, cette ministre-là. Parce que, une fois qu'elle va avoir fusionné Tremblant avec Saint-Jovite puis les autres municipalités, c'est quoi, la prochaine cible? J'ai parlé d'une île, une ville, puis je suis un député de la région de Montréal. Je vais vous dire une chose, là: J'ai parlé à bien du monde, puis il n'y a personne dans mon comté qui souhaite être fusionné avec Montréal. On ne peut pas les blâmer de ne pas vouloir hériter de la convention collective de la ville de Montréal, avec les cols bleus, et ainsi de suite.

Mais il y a une question, à un moment donné, d'équité puis de se dire: Où est-ce que ça va s'arrêter? Parce que, si on la laisse faire là-dessus, le modèle va être repris. Puis, dans le fond, on ne peut pas s'empêcher de penser que ce qui s'est passé dans le Haut-Richelieu, ça venait de là. La ministre, elle se disait: Si je laisse aller les gens puis que je reconnais le vote des gens dans ces municipalités-là, qui, par référendum, décident de ne pas fusionner, là je ne pourrai pas faire la job à Tremblant.

Puis c'est ça qui arrive, M. le Président. Les députés de Saint-Jean et d'Iberville se sont fait passer sur le corps par un bulldozer. Le projet de loi, les fusions dans cette région-là, tout a été chambardé, et ils se sont retrouvés avec un projet de loi qui ne ressemblait plus du tout au projet original. Pourquoi? Bien, là, on le réalise, M. le Président, parce que, si on avait laissé aller les deux députés de son gouvernement, ça aurait été bizarre, là, de dire: Dans ce coin-là, ils pouvaient fusionner, ils pouvaient tenir des référendums puis, s'ils disaient non, ils pouvaient rester en dehors, mais, à Tremblant, ça ne s'applique pas. Là, on a le plus bel exemple puis on a la logique derrière tout ça. Les gens du Haut-Richelieu réalisent maintenant pourquoi ils ont été sacrifiés par la ministre et par le gouvernement du Parti québécois, c'était pour protéger et préparer, dans le fond, le projet de loi qui s'en venait, projet de loi important pour le député de Labelle.

(22 h 10)

Il parle du tourisme, et tout ça. Il y en a déjà, du tourisme, M. le Président, ça fonctionne bien. Le député de Chomedey le mentionnait tout à l'heure: Si ce n'est pas brisé, pourquoi tenter de le réparer? Je pense que la question se pose. Vous savez, dans ce coin-là – et le député de Chomedey tout à l'heure le mentionnait – il y avait eu deux projets de loi présentés par le député de Bertrand. Il les a retirés. Il les a retirés pourquoi? Parce qu'il a consulté sa population puis ils lui ont dit: Ça ne fonctionne pas. Il en a pris acte puis il a agi, il a retiré son projet de loi. La ministre est repassée par en arrière puis elle a dit: Pour Tremblant, là, minute! Tu as peut-être écouté, les gens t'ont peut-être dit que ça n'avait pas d'allure, mais tu vas comprendre que ce n'est pas de même que ça fonctionne en politique, puis elle a décidé de ramener le projet de loi.

Je le félicite, il a réalisé que, dans son comté, ça n'avait pas d'allure, puis il l'a retiré. On va souhaiter, M. le Président, au nom de cette grande ouverture d'esprit que le député de Joliette manifestait, là, semble-t-il, qui existe dans ce parti-là, que le député de Bertrand, qui est l'adjoint parlementaire de la ministre, s'assoie avec elle puis lui dise: Écoutez, je le sais, j'ai peut-être moins d'expérience parlementaire que vous, je ne veux pas vous froisser, mais, moi, j'ai parlé chez nous, ça passe plus ou moins. Ça ne vous tenterait pas de regarder ça, cette notion-là du fait d'écouter les gens, d'écouter ce qu'ils ont à dire. Vous savez, ce n'est peut-être pas un référendum sur la souveraineté, mais ces gens-là, ils paient des taxes, puis on a peut-être le droit ou le devoir de les écouter.

Vous savez, M. le Président, cette semaine, là, c'était le branle-bas de combat à l'Assemblée nationale: 50 plus un, 60 plus un, est-ce que c'est clair? Est-ce que ce n'est pas clair? Une question claire, vous ne pouvez pas avoir plus clair que la question qui était posée dans le référendum là-bas. 96 %, on avait le 50 plus un. Bien, là, on apprend que ce gouvernement-là peut fonctionner avec 4 % plus un. 4 % plus un, puis, envoye, on passe là-dedans. Ça va être beau, on va être content, et puis le ministre va être content, les gens dans le coin vont être contents. Les développeurs, je devrais dire, dans le coin vont être contents. Les autres, bien, meilleure chance la prochaine fois. Vous avez le malheur de vous être installés dans un endroit égoïste, qui fait preuve d'égoïsme fiscal, cette nouvelle notion développée par la ministre qui vise à faire en sorte que les gens doivent partager cette richesse-là de force, se voir imposer des fusions, imposer des conditions, modifier le développement dans leur coin parce qu'ils se sont installés là.

Vous savez, M. le Président, c'est assez sérieux, puis on ne voit pas l'heure où elle va arrêter. Vous savez, on les voit en Chambre. Quand le ministre des Transports se lève – oh! – elle se raidit, puis là: Qu'est-ce qu'il a dit encore? Il a dit sa pensée. Il a dit, lui, que des fusions, il trouvait que ça n'avait pas de maudit bon sens. Bien, elle, elle trouve que ça a de l'allure puis, envers et contre tous, elle va fusionner. Puis elle va commencer là puis, après ça, elle va aller ailleurs.

Puis on la regarde venir dans l'île de Montréal. Puis, d'ailleurs, à un moment donné, ses députés, il y en a qui lui ont dit: Bien, une île, une ville, il faudrait regarder ça. Ça fait que les gens sur l'île de Montréal se le tiennent pour dit, ils sont face à une ministre qui se fout, de toute façon, de ce qu'ils peuvent penser. Des référendums, ils peuvent en tenir, on ne les respectera pas. Le seul référendum qu'il va falloir respecter, ça va être celui que le premier ministre va faire sur la question qu'il va décider, puis il va en tirer le résultat qu'il voudra. Des référendums sur la souveraineté, bien, on est habitué, mais des référendums dans les municipalités, ce n'est pas évident.

Tout à l'heure, le député de Chomedey le mentionnait également, dans le projet de loi, il y a même une disposition qui fait en sorte que, s'il y a des citoyens qui décident de contester tout ça, bien, ils vont devoir assumer les frais. Ça ne devrait plus être une surprise, M. le Président, ici, dans cette Chambre, on l'a vu, c'est la même attitude que dans Hertel–des Cantons. Il y a d'autres dossiers comme ça où on dit aux gens: Bien, poursuivez. Vous n'êtes pas d'accord avec nous, poursuivez, payez, sortez de votre argent puis, au pire aller – on l'a vu dans Hertel–des Cantons – même si vous avez raison, ce n'est pas plus grave que ça, on va revenir à l'Assemblée nationale, on va présenter un projet de loi, on va passer par-dessus le jugement, on va changer les conclusions puis on va faire ce qu'on voulait faire depuis le début.

Bien, c'est ça, on est élu, puis c'est notre façon de faire, c'est la nouvelle façon de gouverner. Vous avez eu confiance en nous à la dernière élection, bien, on va vous mener ça pendant quatre ans, et puis ce sera notre prérogative. Vous le savez, et puis c'est d'ailleurs le vice-premier ministre qui le disait, et que les gens se le tiennent pour dit: Un référendum venant d'une de tes créatures n'a pas le même poids que le référendum venant de ton égal, voire de ton créateur. On l'a vu, M. le Président, cette semaine, puis c'est dans le dossier de la fusion où on se fout complètement des référendums puis de ce que les gens peuvent penser.

Le fameux pacte fiscal aussi, qui nous revient, où on va transférer... Les gens, au lieu de donner des taxes, de payer leurs taxes municipales, bien, ils vont payer plus de taxes scolaires. L'important, c'est qu'ils paient autant et davantage pour que l'État en ait de plus en plus dans les poches pour qu'on puisse faire des annonces et des annonces, des choses comme ça.

Alors, M. le Président, c'est pour ces raisons-là qu'on est très mal à l'aise du côté de l'opposition puis qu'on n'a pas l'intention d'appuyer ce projet de loi là, parce que c'est non seulement ce qui se passe à Mont-tremblant, c'est non seulement ce qui se passe dans ce dossier-là où des gens se voient bafoués, où on ne les écoute pas, mais c'est la suite des événements, c'est le début, c'est la pointe de l'iceberg.

On est en droit, je pense, de ce côté-ci de la Chambre... Puis l'ensemble des Québécois et Québécoises peuvent se poser la question: Où cette ministre-là va-t-elle s'arrêter? Sa faim des fusions forcées va-t-elle un jour être satisfaite? Est-ce qu'elle va débarquer sur l'île de Montréal et forcer le même manège qu'elle fait à Mont-Tremblant? Puis ça, c'est une préoccupation vive chez les résidents de l'île de Montréal puis dans l'ensemble du Québec, qui ne veulent pas, eux, perdre leur identité propre au nom de l'appétit d'une ministre qui a décidé qu'envers et contre tous elle allait fusionner, advienne que pourra. C'est pour ces raisons, M. le Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, on a l'intention de s'opposer à ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député d'Anjou. Nous allons maintenant céder la parole au whip en chef de l'opposition officielle et député de Châteauguay. Alors, M. le whip en chef.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens à mon tour sur le projet de loi n° 81, dont on discute depuis déjà quelques minutes, concernant le regroupement de la municipalité de Mont-Tremblant, de la ville de Saint-Jovite, de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la paroisse de Saint-Jovite. L'objet du projet de loi, en termes simples, clairs, c'est de faire une fusion, une fusion forcée. Tout le monde en parle, pourquoi une fusion forcée? C'est parce que c'est une fusion qui n'est pas sollicitée, une fusion qui n'est pas voulue, outre par le député de Labelle et la ministre responsable. Mais, pour ce qui est du désir des citoyens, elle est forcée parce qu'ils n'en veulent pas. Donc, une fusion forcée de ces quatre municipalités.

Les faits sont assez simples. On ne fera pas une histoire très, très longue avec ça. On sait déjà que la ministre qui propose ce projet de loi n'a pas consulté les gens. D'ailleurs, les citoyens de Lac-Tremblant-Nord et de Mont-Tremblant l'ont appris par la voie des journaux. C'est toute une façon de faire la démocratie au Québec qui est propre au Parti québécois. Les citoyens n'auront pas été consultés mais se sont consultés. Et ça, c'est le premier point dont je voudrais débattre ce soir.

J'ai quatre points, là; en 20 minutes, on ne peut pas couvrir tout le terrain, j'ai donc choisi quatre points. Le premier est celui de l'intention réelle des citoyens. Pourquoi j'en parle, M. le Président? C'est assez simple. Comme élus, notre premier mandat, c'est celui de représenter nos citoyens. Et il me semble que la première chose qu'on doit faire, c'est de se mettre à leur écoute, de les servir et non pas de les asservir, et non pas de les mettre sous notre joug. Et, si on ne les consulte pas quand on va faire une fusion, mais que eux sentent le besoin de se consulter, c'est un minimum des plus bas que de se dire: On va les écouter.

Alors, ils ont tenu un référendum. D'ailleurs, il a été tenu, ce référendum, selon la Loi sur les élections et les référendums au Québec – et mon collègue d'Anjou en parlait tantôt, c'est un sujet de la semaine – sur une question claire. Je vais vous lire cette question: Êtes-vous favorable à la fusion de Mont-Tremblant avec Saint-Jovite, Saint-Jovite paroisse et Lac-Tremblant-Nord? Pas tellement compliqué, comme question: Êtes-vous, oui ou non, favorable à la fusion? La question est très claire. Est-ce que la réponse était claire? Est-ce que les gens ont répondu dans une majorité large en fonction du oui ou du non? La réponse, je suis dans les faits, c'est non. La majorité, c'est 96 %. La réponse, c'est non. La majorité, c'est 96 %. La ministre dit: Je m'en fous. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas important.

Le premier point, il est là. Le premier point, il est là parce qu'il met le Parti québécois en face de ses contradictions. Ils essaient de nous faire croire que la différence qu'il y a entre leur référendum à eux, le référendum péquiste sur la séparation, et le référendum que des citoyens se donnent eux-mêmes pour exprimer leur opinion tient au fait de la nature de celui qui lance la consultation. Or, un référendum, par essence, ce n'est pas tellement de savoir qui lance la consultation comme de savoir qui est consulté. Et qui est consulté? Dans les deux cas, ce sont des citoyens qui paient des taxes. Et notre travail à nous, M. le Président, c'est pour ça qu'on est élus et qu'on est payés, c'est pour les représenter.

(22 h 20)

Donc, dans un référendum, soit-il sur la séparation du Québec par un gouvernement du Parti québécois ou soit-il sur la fusion par des municipalités qui sont soumises à une attaque en règle d'un gouvernement du Parti québécois, il s'agit de savoir quelle est la volonté réelle des citoyens dans les deux cas. La différence que le Parti québécois tente de faire entre la créature et son créateur ne tient pas debout. Et ils sont pris devant leurs contradictions. Il y a là 96 % des gens qui ont dit clairement: Nous n'en voulons pas. Mais le gouvernement du Parti québécois dit ceci: Moi, la démocratie, je m'en fous. J'ai réussi à prendre le pouvoir sans avoir plus de votes au Québec, et, à partir de là, regardez-moi bien aller, je vais leur passer sur le corps. C'est exactement ce que fait le gouvernement du Parti québécois. Il n'y a rien de plus clair avec ce projet de loi.

Bon. On pourrait toujours dire: Peut-être que la fusion forcée, c'est une nécessité, peut-être qu'il faut absolument la faire. C'est tellement terrible si elle n'est pas faite. C'est urgent d'y procéder. Mais il y a une question qui se pose à cet égard-là, M. le Président. Nous venons tout juste de terminer une période où le gouvernement avait lancé un programme de regroupement des municipalités par fusion volontaire. Il y avait, dans ce programme qui a été lancé à travers le Québec, certaines parties de territoire dont on disait: Peut-être que celle-ci pourrait être regroupée avec une autre. C'était ce qu'on appelait le volet I du programme.

Le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. le Président – vous allez être étonné de la chose mais, quand même – n'a pas cru bon d'encourager la fusion de ces quatre municipalités-là dont on veut maintenant forcer la fusion. Ce n'était pas dans ses cartons. Et on peut se demander: Mais pourquoi, lorsque le gouvernement, le même gouvernement du Parti québécois, avait à suggérer des fusions volontaires, à les inciter, il n'avait pas ciblé ces quatre-là et que, quelques mois après, là il décide de les forcer?

Eh bien, c'est mon collègue de Hull qui le disait récemment, et je tiens à reprendre ses propos, et je le cite: «Rappelons qu'en janvier 1998 le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Trudel, avait clairement indiqué au conseil municipal et aux citoyens que Mont-Tremblant ne faisait pas partie des villes, municipalités et paroisses ciblées dans les regroupements municipaux pour des raisons évidentes, soutenait-il, de vocation, puisque Mont-Tremblant et Saint-Jovite, notamment, n'ont pas le même créneau de développement, l'un étant un centre de villégiature de calibre international et l'autre une ville de services.»

Arrêtons-nous deux petites minutes sur celle-là, M. le Président. Le premier point que je souligne: les gens ne veulent pas se fusionner; il me semble que les gens qui les représentent devraient les écouter. Comportement antidémocratique auquel ont est habitué du PQ. Mais, là où l'incohérence devient exagérée, M. le Président, c'est qu'il y a à peine quelques mois c'est le même gouvernement qui disait: Ça n'a pas d'allure de même les inciter volontairement à se fusionner, de même leur donner un incitatif à l'accepter volontairement parce que ce serait contre nature. Savez-vous qui disait ça? Un ministre du Parti québécois, l'ancien ministre des Affaires municipales.

Si vous étiez, M. le Président, résident d'une de ces municipalités, vous vous demanderiez bien qu'est-ce qui se passe. Comment ça se fait que, lorsqu'il était le temps d'avoir des incitatifs pour une fusion volontaire, le gouvernement suggérait de ne pas le faire, et par la suite on décide de le forcer? Même si vous êtes à 96 % contre le projet, le gouvernement décide d'aller de l'avant quand même.

Et mon collègue d'Anjou le disait tantôt: Il y a des conséquences avec un projet de loi comme celui-là. On pouvait se dire – hier on en parlait lorsqu'on a pris connaissance du projet de loi: Que va-t-il se passer par la suite? Parce que, lorsqu'on écoute la ministre des Affaires municipales, ce qu'elle nous dit, c'est bien, bien simple, il n'y a rien de plus limpide. Elle nous dit: Écoutez, il ne faut pas faire d'égoïsme fiscal. S'il y a une ville qui a une assiette fiscal étendue et que l'autre, à côté, est moindre, il faut les fusionner.

Mais regardez le Québec, M. le Président, et vous allez voir, des cas comme ceux-là, une quantité innombrable. Ce que la ministre nous annonce ni plus ni moins, c'est le fait qu'on s'en va de plus en plus vers ce genre d'opération, vers des fusions, on peut certainement le présumer, vers des fusion forcées parce qu'il y aurait soi-disant des égoïsmes fiscaux.

Et ce n'est pas qu'une crainte. La ministre des Affaires municipales, dans le cadre de son livre blanc sur la réforme municipale, compte accorder à la Commission municipale du Québec le pouvoir d'imposer des fusions partout où la ministre en ferait la demande. Je pense qu'il vaut la peine de profiter de ce débat sur une fusion forcée pour envoyer le signal à tout le monde au Québec: le gouvernement du Parti québécois, un, n'hésite pas à être antidémocratique; deux, il est même prêt à forcer les fusions contre nature lorsqu'il sait lui-même qu'elles sont contre nature; et, trois, ça s'applique partout au Québec. Il s'agit d'un premier pas qui va se généraliser par la suite. Ça commence à sentir la fin de régime.

Et c'est peut-être une chose aussi à laquelle il faudrait s'arrêter. Il y a le rapport Bédard qui a été lancé il y a quelque temps et qui disait à peu près ceci sur les fusions: Le pire des deux mondes, le pire qui pourrait arriver, ce serait qu'on force les fusions sans changer rien dans l'encadrement des relations de travail. Et il disait, le rapport: En fait, avant même de parler de fusions, il faut commencer par regarder les relations de travail. Lorsque ça, ça sera fait, on pourra envisager des fusions. Dans la mentalité, dans l'idée du rapport Bédard, c'était qu'en entreprenant cette réforme nécessaire il y aurait une porte qui s'ouvrirait sur une volonté des citoyens, qui y trouveraient leur compte à envisager des fusions. Mais on disait: Le pire des deux mondes, c'est de ne pas faire la réforme de l'encadrement des relations de travail et de forcer les fusions.

Évidemment, ça prenait un petit peu de courage. Il fallait être capable de dire à la faction syndicale fortement souverainiste: Vous savez, il y a du ménage à faire, il faut moderniser le Québec, il faut s'actualiser. Il fallait avoir le courage de changer notre encadrement des relations de travail. Il fallait avoir le courage de donner de l'air au Québec, de donner de la liberté d'action aux décideurs dans les régions. Il fallait avoir le courage de faire confiance au Québec et aux Québécois.

Bien, ne comptez pas sur le Parti québécois pour ça, M. le Président, ne comptez pas sur eux. Eux, la règle qu'ils se donnent, c'est: Lorsqu'il y a une volonté populaire démocratique, on pile dessus. C'est ça, le Parti québécois, là. Hein, on va se regarder comme il faut dans les yeux, là: Le parti qui a voulu se donner une image de grand démocrate est aujourd'hui un parti de grande noirceur. On va se les dire, les choses, comme elles sont. C'est un parti qui a décidé de passer par-dessus la volonté des gens, même quand c'est contre nature.

(22 h 30)

Et puis mes collègues ont cité quelques passages, M. le Président, quelques citations de personnes qui ont parlé, qui sont assez près du gouvernement. Et je vais reprendre aussi ces citations-là ne serait-ce que pour les démasquer, ne serait-ce que pour démontrer combien on ne peut pas leur faire confiance, contrairement au slogan qu'ils ont utilisé pour se faire élire. Celui qui est premier ministre aujourd'hui, qui, il y a un an, était en campagne électorale, disait aux gens: J'ai confiance, en voulant dire: Faites-moi confiance, c'est un homme de parole, M. le Président, non pas en termes de respect de la parole donnée, mais en termes de parole qu'il donne. Il en dit beaucoup, des paroles, mais il ne les respecte pas. Il fait le contraire des paroles qu'il prononce.

Il disait, il n'y a pas longtemps: «Je ne pense pas que le législateur – ça, c'est tous nous autres, M. le Président, lui inclus, le premier ministre inclus, et, je dirais même, c'est le premier des législateurs, c'est lui qui décide ce sur quoi nous allons voter; un pouvoir énorme, on voit ce qu'il en fait – doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.»

Tu as l'impression d'être sur une autre planète. Celui qui dit ça fait déposer en cette Chambre et nous fait débattre ce soir... C'était le 14 novembre. On est le 25 novembre, M. le Président. Il y a 11 jours, ce gars-là nous dit: Le législateur ne devrait pas forcer les villes à fusionner. Onze jours après, on est en train de débattre d'un projet de loi qui vise à forcer la fusion de municipalités. Et vous me demandez, à moi, si je peux lui faire confiance? Il n'y a personne au Québec qui peut lui faire confiance. Je mets en doute toutes les paroles qu'il prononce parce que, lorsqu'on juge les actes, on s'aperçoit qu'ils n'ont aucun rapport avec les paroles qu'il prononce. Il fait des beaux discours, il a de grands élans oratoires. C'est donc beau à voir, ça. Mais, quand on regarde le bilan, c'est catastrophique pour le Québec, M. le Président. C'est vrai dans tous les secteurs. C'est vrai dans l'économie, c'est vrai dans la santé, c'est vrai dans l'éducation. Quand on le prend au mot... Prenons-le au mot. Il y a 11 jours, le monsieur nous dit: Le législateur ne fera pas ça. Onze jours après, il force le législateur à le faire. C'est assez inquiétant.

Jacques Parizeau, on l'a cité, qui disait que les fusions sont souhaitées par les administrations gouvernementales, mais que les citoyens, ça ne les servait pas. Le premier ministre actuel prétendait dans des discours qu'il n'allait pas en faire; il en fait. L'ancien premier ministre donne le conseil de ne pas en faire. Le député de Saint-Jean – je ne reprendrai pas les citations de tout le monde – qui disait: Oui, il faut en faire, mais il faut que la volonté soit là, il faut que les gens le veuillent. Le député d'Iberville. Il y en a, M. le Président, il y en a tellement.

Le député de Joliette, le ministre des Transports, lui, il est plus difficile à cerner, là, mais, quand même. On se demande toujours pourquoi il les fait d'ailleurs, ces déclarations-là. Pourquoi tout à coup il se sent, là, investi? Le 7 novembre, il dit: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Le 21 novembre, il remet ça – il sait que sa collègue qui est assise le banc en avant de lui, elle force les fusions – il envoie une petite jambette, une autre petite jambette le 21: «Je suis contre toute fusion forcée, dit-il, parce qu'elle braque davantage les citoyens entre eux.» Ce qui est vrai, soit dit en passant. Évidemment, quand tu es 96 % contre une fusion puis que le gouvernement force l'affaire, comprends-tu que les gens ne sont pas tellement contents. C'est bien évident, ça braque les citoyens entre eux, contre eux, mais aussi contre le gouvernement. Le gouvernement, c'est une institution dont on devrait favoriser le respect et non pas favoriser le discrédit. Il dit: «Je n'appartiens pas au groupe de ceux et celles qui se complaisent dans la confrontation.»

Il y en a d'autres. Il y a le député de Borduas. Il y a le député de Labelle – ça, c'est le fun parce que c'est dans son comté; je trouve ça pas pire, celle-là – le 7 novembre 1979: «Nous sommes déterminés, disait-il, à ce que soit défendue l'importance du territoire comme l'importance des populations, mais surtout à ce que soit respectée la volonté réelle de la population.» Un autre comique, M. le Président, un autre qui fait des beaux discours. Mais, quand vient le temps de la vraie vie, des gestes qui sont posés, il n'y a aucune comparaison, c'est comme si c'étaient deux mondes différents.

Nos collègues ont parlé de l'article 8. Avant de terminer avec l'article 8, je voudrais reprendre un passage que mon collègue d'Anjou disait. Comme lui, j'ai bien hâte de voir ce que va dire le député de Rivière-du-Loup. C'est une chose de venir vite, vite, passer ici puis dire: Oh! oui, pour Mont-Tremblant, là, je suis contre, puis, aie! vite je vais aller à Montréal puis je vais dire que je suis pour. Ça, c'est une chose. Bien, je voudrais savoir pourquoi tout à coup, dans celui-là, il est contre. On le sait, là, que Jean Allaire, il est là-bas. On le sait, c'est public. Mais, à part de ça, là, c'est quoi, les idées? C'est-u parce qu'il trouve que, quand il y a 96 %, il faut respecter la volonté? Ça serait intéressant de l'entendre. Moi, j'ai hâte de voir, le député de Rivière-du-Loup, s'il va venir participer à nos débats. Je ne sais pas, il est peut-être pris avec toutes ces réunions de caucus mais, s'il peut se libérer de ces réunions de caucus, il va pouvoir venir nous en parler. Il aura l'occasion, M. le Président, il aura l'occasion.

L'article 8, j'attire votre attention là-dessus – il ne me reste pas grand temps – juste pour vous dire qu'à cet article on dit que «les coûts relatifs à un litige ou à une contestation judiciaire auxquels est partie une municipalité visée à l'article 1 restent, après l'entrée en vigueur du décret [...] à la charge des immeubles imposables du secteur formé du territoire de cette ancienne municipalité.» Autrement dit, une fois que la fusion est complétée, on fait survivre les anciennes subdivisions alors aux fins de paiement des frais juridiques pour une contestation, et évidemment on crée alors deux classes de citoyens dans cette même municipalité.

Évidemment, c'est une pénalité pour ceux qui n'aiment pas le gouvernement. On reconnaît le PQ, là. Les bons Québécois pensent comme le PQ; les mauvais sont dans nos jambes. Ça, on les reconnaît, c'est eux autres. Mettre ça dans une loi, c'est horrible, c'est horrible, mais ça, c'est eux autres, ça les dépeint. Je ne sais pas ce qu'il va arriver, si jamais hypothétiquement ils faisaient un référendum, s'ils étaient capables d'arracher un Oui. Et ceux qui n'auraient pas été pour, on va les traiter comment? Si, dans le simple cas d'une contestation judiciaire de la règle de droit, on allait... Oui, je sais, M. le Président, il me reste une seconde.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci infiniment, M. le whip en chef de l'opposition et député de Châteauguay. Vous étiez parti pour nous faire une intervention d'une heure. Alors, merci. Nous allons maintenant céder la parole au député de Bertrand et adjoint parlementaire à Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. M. le député.


M. Claude Cousineau

M. Cousineau: Merci, M. le Président, merci, chers confrères. Je suis un petit peu triste parce que le député de Châteauguay a oublié de parler de moi, puis il a oublié de parler de la circonscription de Bertrand, puis les deux autres précédents l'ont fait. Mais j'aimerais en revenir sur les gens qui ont parlé de moi un petit peu avant. Le député de Chomedey y est allé de beaucoup de philosophie, mais, effectivement, le député de Châteauguay a mentionné qu'en fin de compte, dans la circonscription de Bertrand, je ne connaissais pas mon comté.

Une voix: ...

M. Cousineau: Oui, c'est ça, le député de Chomedey a dit que je ne connaissais pas mon comté, et puis j'aimerais lui rappeler qu'effectivement ce sont des citoyens de Sainte-Anne-des-Lacs et de Piedmont qui m'ont précisé que la pétition dont il a fait mention, l'instigateur, c'était le député de Châteauguay.

Ceci dit, je vais parler de la région qui nous concerne: la région de Tremblant. Le présent projet de loi s'inscrit dans un contexte géographique beaucoup plus large qu'il n'apparaît au départ. Il ne s'agit pas tout simplement du regroupement de quatre municipalités parmi tant d'autres de la région des Laurentides. Les quatre municipalités visées ont des interdépendances certes entre elles mais, il ne faut pas l'oublier, également au niveau du territoire beaucoup plus vaste, d'un territoire beaucoup plus vaste.

L'ensemble du Québec, je dirais même de l'Amérique du Nord, est au fait du développement dans le secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant. Les nombreux investissements effectués par la compagnie Intrawest dans son projet de Station Mont-Tremblant sont maintenant de notoriété publique et suscitent un intérêt marqué et grandissant pour de nombreux autres promoteurs. Le gouvernement du Québec lui-même, par l'intermédiaire de plusieurs ministères, y participe actuellement et collabore donc, par le fait même, à la croissance touristique, économique du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant. Le secteur municipal au Québec et, par voie de conséquence, ses structures et territoriales et administratives n'ont pas nécessairement évolué en fonction des nouveaux enjeux socioéconomiques actuels.

(22 h 40)

En ce sens, le secteur particulièrement visé par le présent projet de loi commande plus spécifiquement une intervention au niveau de son cadre politico-administratif. Le secteur géographique concerné comprend les municipalités de Saint-Jovite ville, Saint-Jovite paroisse, Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord et englobe un territoire d'un peu plus de 250 km². Les populations respectives de ces quatre municipalités sont de 4 609, 1 708, 977 et quatre habitants permanents. Dans la perspective souhaitée d'un regroupement des quatre municipalités, la population totale de résidents permanents serait de 7 298.

Historiquement, ces quatre municipalités formaient les cantons unis de De Salaberry-et-Grandison. En 1910, une première partie du territoire est détachée pour créer la nouvelle municipalité de Brébeuf. Sept années plus tard, d'un autre morcellement origine le village de Saint-Jovite, aujourd'hui la ville de Saint-Jovite. En 1940, en relation avec les enjeux économiques qui se dessinent concernant le développement touristique de la montagne du Mont-Tremblant, une nouvelle entité municipale voit le jour, Mont-Tremblant. Finalement, en 1960, le village de Saint-Jovite va chercher une autre partie du territoire. La paroisse de Saint-Jovite est donc la constituante des diverses parties résiduelles de ce territoire.

La situation actuelle, avec la présence d'un développeur tel que la station touristique internationale de Mont-Tremblant, ressemble étrangement à la situation des années quarante, période cruciale au niveau de l'émergence d'une industrie touristique dans les Laurentides. Cette fois-ci, il ne s'agit pas de l'émergence mais bien d'un positionnement au niveau international de l'industrie touristique. Le gouvernement du Québec y participe déjà et entend poursuivre sa participation par son implication à différents égards, notamment par l'implantation d'une entité municipale plus forte et plus cohérente au niveau de sa mission et de ses orientations relativement au développement de l'aménagement territorial de Saint-Jovite– Mont-Tremblant.

Le 30 mai 1996, le ministre des Affaires municipales du temps dévoilait sa politique de consolidation des communautés locales. Sans entrer dans le détail de l'ensemble de la politique ministérielle qui a été développée, force est de constater que celle-ci a connu un succès intéressant au niveau des petites communautés de 10 000 habitants et moins. L'actuelle ministre des Affaires municipales et de la Métropole a donc cru pertinent de poursuivre dans la même veine. Et nous sommes donc tous à même de constater présentement l'excellente réflexion de son ministère et les résultats engendrés par le maintien d'une politique de consolidation des petites communautés locales.

Le présent projet de loi s'inspire de la politique ministérielle, mais y met encore plus d'emphase, considérant les nombreux enjeux économiques et tout à fait spécifiques inhérents au développement du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant. Une plus grande ville avec des ressources humaines, matérielles et financières plus développées offre un équilibre au niveau des divers intervenants sur le territoire, et le regroupement des quatre municipalités du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant s'inscrit très bien dans cette perspective.

Au cours des dernières années, eu égard aux nombreux investissements effectués dans le secteur, les entités municipales ont réagi plutôt individuellement. Toutes les discussions relatives à une mise en commun des services municipaux n'ont pas porté fruit et ont même créé des tensions porteuses de certaines incohérences. La répartition de la richesse foncière, concentrée principalement sur le territoire de la municipalité de Mont-Tremblant, n'a pu dépasser le stade de discussion embryonnaire, et un projet de type Tax Base Sharing n'a jamais pu faire l'objet d'un débat sérieux entre les quatre partenaires municipaux, puisque les autorités municipales de Mont-Tremblant n'ont jamais été partisanes de cette alternative au cours des dernières années.

Le constat actuel du gouvernement portant sur l'incapacité du milieu municipal du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant à se concerter efficacement et à faire face aux nouveaux défis lui commande de déposer le présent projet de loi aux fins de corriger les injustices au niveau du partage du patrimoine foncier, patrimoine, je tiens à le préciser, auquel le gouvernement a participé par l'injection de fonds substantiels créateurs d'emplois et de croissance économique pour le secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant mais également pour l'ensemble de la MRC des Laurentides, voire de la région des Laurentides.

Quelle est la problématique? Quels sont les obstacles au développement? Le contexte actuel pose problème. La spéculation foncière qui a présentement cours dans le secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant pousse les clientèles à revenus plus modestes à s'éloigner du secteur principal de développement, soit la montagne du Mont-Tremblant. De fait, comme dans toute problématique d'une ville-centre au Québec, la ville de services Saint-Jovite ne contrôle pas le développement périphérique de son territoire, ne peut l'influencer en fonction de ses orientations stratégiques et doit en subir les impacts au niveau de la fourniture de ses services municipaux, sans même être en mesure de les prévenir de quelque façon que ce soit.

Dans un premier temps, les nombreuses clientèles attirées par la croissance du développement et des emplois qui en découlent constituent des clientèles appelées à s'installer dans le centre de services. Leur niveau de revenus, au départ modeste, et leurs besoins en services propres à une population jeune mais appelée à fonder une famille amèneront celles-ci à s'installer dans la ville de services. Cette arrivée massive exigera de cette dernière la mise en place ou encore la mise aux normes ou modernisation d'infrastructures publiques telles aqueducs, égouts, routes, écoles, etc., dans des délais relativement courts.

Dans un deuxième temps, ces clientèles, avec l'augmentation de leurs revenus et l'ajustement de leurs attentes et besoins respectifs, auront tendance à s'installer en périphérie. Une concurrence basée sur les limites territoriales municipales actuelles n'a pour effet que d'aboutir à une fragmentation du développement et de créer une anarchie au niveau de l'organisation spatiale, notamment pour le secteur central, mais également pour les trois autres territoires. Par ailleurs, toute concurrence intramunicipale n'apporte aucune plus-value au niveau du territoire dans son entité mais peut profiter trop directement à certains promoteurs ou développeurs friands de ces luttes ou enchères fratricides. À titre d'exemple, au niveau routier, et tout particulièrement en ce qui a trait à la desserte routière actuelle ou future pour la station internationale Mont-Tremblant, un zonage basé sur la fragmentation au détriment de l'homogénéité des usages et sur la concurrence et l'envie de l'atteinte d'une richesse foncière ouvrira le territoire à un développement truffé d'incompatibilités. Lorsqu'un milieu fait face à un développement aussi soutenu, la pression et la spéculation foncière s'exercent parfois sur des parties de territoire peu propices au développement ou appelées à jouer un rôle au niveau de la protection de l'environnement et de la qualité de vie des citoyens.

Dans un territoire regroupé où l'espace est nécessairement plus vaste, l'arbitrage des conflits entre les espaces voués au développement et les espaces voués à la protection de l'environnement est beaucoup plus aisé. La répartition plus équitable en fonction des réelles capacités du milieu devient un objectif à la portée d'une structure élargie. Il est important, M. le Président, d'équilibrer les forces et enjeux pour ce secteur de regroupement. Une municipalité plus forte, plus engagée solidairement dans son développement et plus structurée offre de meilleurs services à sa population et est en mesure de visualiser et de mieux cerner et influencer le développement de son territoire. Les enjeux inhérents au secteur Saint-Jovite– Mont-Tremblant sont primordiaux et commandent l'établissement d'un cadre politico-administratif basé sur la recherche consensuelle des partenaires et des intervenants du milieu, en tout premier chef de la part des intervenants municipaux, puisqu'ils peuvent user d'outils et d'instruments variés en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.

(22 h 50)

Citoyens, citoyennes, organismes socioéconomiques et communautaires, promoteurs et développeurs doivent pouvoir échanger avec une entité municipale consolidée possédant une vision et des orientations homogènes et compatibles qui évitent le piège de la fragmentation de l'ensemble du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant. Une représentation politique issue d'un regroupement offrira la capacité organisationnelle de faire face aux enjeux du secteur et de relever les nombreux défis qui se pointent à l'horizon, à l'aube des années 2000. Une représentation politique plus forte auprès des développeurs et, disons-le, auprès des intervenants gouvernementaux ne peut qu'être bénéfique pour un milieu en pleine effervescence et appelé à connaître des changements structurants au niveau de son développement socioéconomique.

Face à une telle croissance, M. le Président, les milieux ne se sont pas toujours conscientisés quant à l'importance de l'environnement du milieu récepteur. La municipalité de Mont-Tremblant, elle-même favorable à la protection de l'environnement mais soumise aux pressions légitimes des commerçants locaux, a perdu dans une certaine mesure la maîtrise complète de son développement environnemental et tente aujourd'hui de compenser par certaines actions à l'extérieur de son territoire. Ainsi, son projet d'acquisition du Domaine Saint-Bernard, situé pour une bonne partie sur le territoire de la paroisse de Saint-Jovite, en est un bel exemple.

Sans les énumérer de façon exhaustive, il apparaît dès lors des enjeux cruciaux qui commandent une intervention de la part du gouvernement du Québec pour permettre au milieu de mener à bien, dans les meilleurs délais, sa métamorphose. L'accessibilité routière aux différentes composantes touristiques du secteur, et notamment de la ville de services, ainsi que la nécessité de mettre en place un système de transport collectif tenant compte des réalités géographiques et des besoins spécifiques des populations et clientèles présentes annoncent bien les défis auxquels sera confronté ce secteur. La demande croissante de logements pour les familles et les travailleurs du secteur, le développement des services d'éducation et de santé, la dotation adéquate de services en matière de sécurité publique, l'optimisation des ressources en matière de promotion touristique, le financement des infrastructures et des équipements touristiques et la cohérence entre les intervenants politiques, administratifs, communautaires et économiques sont autant d'éléments que devra considérer et sera en mesure de mieux influencer et déterminer un milieu municipal regroupé.

Le gouvernement du Québec, M. le Président, depuis 1992, a consenti une aide financière à la station touristique internationale de Mont-Tremblant parce que notre gouvernement reconnaît que cette infrastructure touristique majeure fait partie du patrimoine collectif. Les investissements publics confirment et mettent en valeur la vocation récréotouristique du secteur de la région. Le regroupement municipal du secteur Saint-Jovite– Tremblant vise, entre autres, à mieux répartir les redevances découlant de l'exploitation d'une richesse naturelle de nature récréotouristique.

Même si la comparaison risque d'en offenser certains, il y a lieu, dans ce cas qui nous occupe, de développer et de parfaire le principe d'une agglomération touristique. Le regroupement du secteur évitera un dédoublement au niveau de l'implantation de certains équipements régionaux, tels les salles de spectacle, centres sportifs, etc., et en permettra même une certaine rentabilisation et modernisation. La réflexion concernant les infrastructures publiques: aqueducs, égouts, routes, etc., est similaire.

En conclusion, M. le Président, que deviendra le secteur Saint-Jovite–Tremblant au cours de la prochaine décennie? Voilà la question que le gouvernement du Québec ainsi que tous les intervenants du milieu tant municipal que socioéconomique se posent. Le présent projet de loi déposé à l'Assemblée nationale fournit de nombreux éléments de réponse à cette question. En 2002, la station internationale de Mont-Tremblant comptera plus de 2 000 employés et accueillera près de 2 500 000 visiteurs. Le secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant, en tenant compte des autres projets de développement connexes au projet de la station touristique, joue et jouera un rôle majeur au niveau de l'industrie touristique québécoise. Le gouvernement actuel se doit donc d'intervenir pour répartir la richesse foncière actuelle et future. Trop souvent, le gouvernement doit accorder des aides financières dans le cadre d'un système de péréquation. Cette fois-ci, la création d'une nouvelle entité municipale se veut une réponse adéquate et objective à la répartition et à la redistribution de la richesse. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Bertrand et également adjoint parlementaire à Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Nous cédons maintenant la parole à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, j'ai une difficulté fondamentale avec ce dossier, et c'est le fait que tous les intervenants du gouvernement, y inclus celui qui vient de parler mais beaucoup aussi le député de Labelle, la ministre des Affaires municipales, ils passent par dessus un élément complètement au coeur de la solution qu'on recherche pour la situation qui nous préoccupe.

Le gouvernement nous dit, finalement: Écoutez, là, il y a des municipalités, il y en a une qui est très riche sur le plan foncier, ça amène du monde qui va venir vivre dans l'autre municipalité, elle deviendra une municipalité de services, elle devra débourser, donc, pour donner des services à la population qui va venir s'installer, elle n'a pas la richesse foncière nécessaire pour répondre adéquatement à tous ses besoins; donc, on va solutionner le tout en englobant l'autre municipalité qui a la richesse foncière et, «by the way», on va aussi régler le sort du Lac-Tremblant-Nord et de Saint-Jovite, paroisse, village, on va les fusionner, etc., pour faire une agglomération dans ce bout-là.

Et ils mettent des aveuglettes, ils s'aveuglent, M. le Président, à ne pas voir la réalité, qui est de deux ordres. Premièrement, il y a bel et bien une autre solution qui tient compte de la volonté populaire et qui répond également à la nécessité effective et réelle de réagencer l'assiette fiscale au niveau des déboursés disponibles à la ville de services, entre guillemets, et c'est la proposition que Mont-Tremblant a faite sur laquelle personne, de l'autre côté, n'a répondu.

Le député qui vient de me précéder a même dit qu'il n'y a pas eu de solution. Et pourtant ça a été bel et bien déposé, M. le Président, avec une formule de Tax Base Sharing. Exactement ce que le député vient de dire qu'il ne s'est jamais fait. Alors, je crois qu'il a induit minimalement la Chambre en erreur en disant que ça n'a jamais été proposé.

Ce qui est arrivé, en fait, M. le Président, c'est que la paresse administrative et politique de ce gouvernement a pris le dessus. C'est la paresse qui amène les gens de l'autre côté à tout simplement s'asseoir sur leur majorité, à choisir la voix de la solution facile qui est de décréter une fusion, de décréter la solution qu'ils ont choisie en ignorant la volonté populaire, en assimilant la volonté d'avoir la possibilité à la différence au niveau du style de vie dans les municipalités à de l'anarchie. Je pense que c'est ça que le député nous disait.

Il nous disait: Ça va être bon de fusionner tout ce monde-là, parce que, vous savez, si on ne les fusionne pas, il va y avoir quatre styles de vie différents dans le coin, puis c'est l'anarchie, ça. Il faut homogénéiser – c'était son mot – il faut régulariser, il faut conformiser, il faut mettre dans une case, M. le Président, et il faut faire fi de la réalité réelle des personnes qui vivent dans ce bout-là.

Alors, vous avez une de ces municipalités qui, sachant ce qui s'en vient, décide de tenir un référendum sur son territoire et vous avez un résultat de 96 % de ces gens qui vivent à Mont-Tremblant qui disent: Non, nous ne voulons pas de fusion forcée, nous ne sommes pas d'accord pour qu'on soit menés par la plus grande ville; nous sommes d'accord pour payer à l'autre ville, leur donner de notre argent, parce qu'effectivement nous reconnaissons que les gens qui viennent à Saint-Jovite, vivre à Saint-Jovite, viennent pour travailler chez nous, et nous sommes donc prêts à partager cette richesse, mais nous ne sommes pas prêts à partager le pouvoir, M. le Président, de décider de comment, nous, on va vivre et évoluer, ici. Et, en fait, ce dont il s'agit, c'est justement ça. Au lieu de choisir de faire le travail nécessaire, M. le Président, afin de respecter la volonté populaire, d'amener les gens à voir le bénéfice de faire le premier pas, tout au moins de partager la richesse foncière par une formule de Tax Base Sharing, tel que Mont-Tremblant l'avait proposé.

(23 heures)

Et, savez-vous, M. le Président, si on est prêt, ici, à utiliser la majorité ministérielle pour imposer une fusion, forcer les gens à se marier, forcer les gens à s'aimer, pourquoi on n'aurait pas pu utiliser cette majorité pour décréter une formule de Tax Base Sharing, tout en laissant l'autonomie nécessaire et requise et voulue par les gens aux gens dans les municipalités, mais mettant en commun les argents nécessaires? Pourquoi le gouvernement n'a pas fait le travail de peaufiner, s'ils n'étaient pas satisfaits avec la formule proposée par Mont-Tremblant sur le Tax Base Sharing? Pourquoi ils n'ont pas pris la peine de la peaufiner, de l'améliorer et, à la limite, s'ils n'étaient pas capables d'arriver à une entente sur les détails, de l'adopter par une loi ici, tout en respectant les juridictions des municipalités et en respectant la volonté si clairement exprimée de façon populaire? 96 %, ce n'est pas rien. Ce n'est pas rien.

C'est le premier ministre lui-même qui disait – et je pense que ça a été cité abondamment – que, vous savez, les fusions forcées, ce n'est jamais bon, on ne peut pas forcer un mariage. C'est l'évidence même. C'est l'évidence même, si on veut développer la société en harmonie, et c'est pour ça, il me semble, qu'on est ici: essayer d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, essayer de créer des conditions qui vont permettre leur développement d'une façon correcte, harmonieuse et dans la paix. M. le Président, pourquoi on choisit de faire des choses qui vont dresser les uns contre les autres? Pourquoi on va choisir d'aller contre la volonté de 96 % de ceux dont on dit qu'ils sont les détenteurs de la richesse qu'ils disent déjà qu'ils veulent partager avec les autres? Pourquoi on leur dit: Bof! on ne tiendra pas compte de votre volonté de rester collés à votre identité locale, les identités locales, vous savez, ça ne veut rien dire?

C'est ce que le vice-premier ministre nous disait: C'est juste les peuples qui ont le droit d'avoir une identité, M. le Président, les municipalités, ça ne compte pas, elles n'ont pas le droit d'avoir cette différence, elles n'ont pas le droit de pouvoir s'exprimer ici, à Québec. Vous savez, de l'autre côté, on a décidé d'agir comme si, finalement, on était – comment je peux dire, là – des détenteurs de toute la vérité, que, nous, on savait de façon absolue ce qui était le mieux pour tout le monde. La ministre des Affaires municipales nous a quasiment dit autant, M. le Président. Elle nous a dit: Vous savez, les fusions, des fois ça va être forcé, des fois ça ne sera pas forcé, ça va dépendre du bien commun, et c'est moi qui vais interpréter le bien commun. Je suis élue pour ça, je vais le faire. Mais elle n'est pas élue pour ça. Elle est élue pour essayer d'améliorer le bien commun, oui, mais elle est aussi élue pour essayer d'agir dans le respect des volontés de la population.

Parce que la solution facile, c'est de balayer cette volonté du revers de la main, d'imposer une solution qui règle, entre guillemets, la question, comme un de ses collègues a fait il y a à peu près 16 ans, M. le Président, dans le fameux cas de Baie-Comeau–Hauterive. Et, Baie-Comeau–Hauterive, ça a été à peu près le même genre de situation: une municipalité qui avait plus de possibilités financières, une autre qui était plus pauvre, le gouvernement a décidé de les fusionner, ça a créé le bordel là, dans cette région-là, ça a créé la haine, ça a créé la contestation des uns contre les autres, qui dure, on me dit, qui perdure pour certaines affaires encore aujourd'hui. Peut-être, 16 ans plus tard, ça s'estompe, mais, si, 16 ans plus tard, on est encore capable de dire qu'il y a peut-être encore un petit peu, ça veut dire que ça a été très, très, très dur quand ça a été fait. Il y avait même ici, à l'Assemblée nationale, en pleine commission parlementaire, des gens qui, pour la première fois, s'en sont pris aux politiciens de façon physique. Ils ont dû être expulsés de l'Assemblée nationale par la sécurité, M. le Président. Et là on prétendait qu'on faisait ça pour le bien commun, un peu comme la ministre le fait. C'est le bien commun qui me guide, dit-elle, et, sous le signe du bien commun, je peux agir de façon arbitraire. Un jour, ça va être comme ci, un autre jour, ça va être comme ça. Il n'y aura pas de règles, il n'y aura pas de critères, il n'y aura rien qui va me dire quand est-ce que le bien commun m'amène à prendre ce genre de décision, je vais le jouer au pif. C'est à peu près ce qu'elle fait, elle joue au pif.

Elle joue au pif, M. le Président, en ignorant également... Et j'ai trouvé ça dommage que son adjoint parlementaire, qui vient de me précéder, ait volontairement mis de côté la solution qui existe, qui permettrait au gouvernement et à cette Assemblée de voter quelque chose qui tiendrait compte de la volonté populaire de garder cet attachement à l'identité locale que ressentent les gens du Mont-Tremblant et du Lac-Tremblant-Nord, qu'on ridiculise de l'autre côté en disant: Vous savez, il y a juste quatre ou neuf résidents permanents. C'est peut-être vrai. Il y en a beaucoup aussi qui ont choisi d'avoir leur domicile secondaire là-bas, passent du temps là-bas. Ils ont choisi d'évoluer dans un style de vie qui leur convient et qui est complètement à l'encontre et le contraire de ce qui les attend avec ce projet de fusion forcée.

Et je n'arrive pas à comprendre comment un gouvernement et un parti qui se prétend démocratique, qui se prétend soucieux... je dis bien «prétend», M. le Président, parce que, de plus en plus, c'est évident que ce n'est que de la prétention que ce gouvernement a. Ils sont rendus au point où le lien avec cette transparence qu'on disait les caractériser il y a 20 ans est tellement rendu opaque et loin que personne ne croit à ces professions de volonté démocratique. Alors, les prétentions de l'autre côté, quand ils disent qu'ils sont des gens qui respectent la démocratie et qu'ils agissent de ce côté-là, il y a une limite. À un moment donné, les gens vont commencer à comprendre. Et on le voit, ils ont commencé à comprendre. Ils ont commencé à voir le vrai visage de ce gouvernement parce qu'ils constatent le discours et regardent les faits, et ils disent: Bien, ça ne concorde pas.

Même dans d'autres dossiers, on sort pour s'offusquer sur la question de l'ingérence du fédéral sur le processus référendaire. On se réclame de la Cour suprême, mais, quand il vient le temps de l'appliquer, ils disent: Ah non! Non, non. Il ne faut pas qu'on parle de ça. Alors, tu sais... Je pense qu'il y a des mots qu'il n'est pas permis d'utiliser ici, mais vous savez lequel, qui commence avec un h, je l'utiliserais s'il était permis de l'utiliser. Je ne le ferai pas, M. le Président.

Mais c'est la même chose qui les caractérise dans ce dossier. C'est le fait que, justement, ils ont choisi d'agir d'une façon qui bafoue la démocratie, qui bouche les oreilles par rapport à la réalité que les gens leur disent qui existe et les solutions réelles qui existent, et se drapent dans le bien commun. Ils disent: Bien, vous savez, il faut planifier et, pour planifier, il faut regrouper. Parce que, si on ne regroupe pas, le monde va arrêter. Puis on n'est pas capables de se parler avec quatre personnes. On n'est pas capables d'avoir autre chose qu'une entité qu'il faut avoir pour que les groupes communautaires... Et je pense que l'adjoint parlementaire de la ministre a repris le discours de la ministre qui disait qu'il faut absolument avoir une entité municipale consolidée, qui possède une vision, des orientations compatibles qui évitent le piège de la fragmentation.

Alors, on a adressé toutes sortes de mots pour cacher le fait que ce gouvernement est paresseux. Ils sont incapables de véritablement prendre la peine et le temps de trouver des solutions imaginatives et efficaces par rapport à des problèmes qui nécessitent une volonté politique de trouver une solution autre que celle de décréter, en s'appuyant sur la majorité ministérielle qu'ils détiennent ici, sur une solution de simplicité et de facilité. Et l'adresser avec des mots qui laissent croire aux gens qu'ils font ça pour la cohérence, pour le bien commun. En fait, ce qu'ils font, ils refusent aux gens locaux leur identité. Ils refusent de reconnaître les identités locales. Ils effacent l'équivalence entre ce droit à la différence que les gens réclament, ils disent que l'exercer, ça mène à l'anarchie. Quelle simplicité, M. le Président!

(23 h 10)

Pourquoi, encore une fois, n'ont-ils pas pris la peine de trouver la solution qui leur a été mise sur la table par Mont-Tremblant et les autres municipalités au niveau du Tax Base Sharing qui existe? Pourquoi ils refusent de parler de ça? Est-ce que c'est parce que, finalement, les fonctionnaires sont arrivés à rédiger le projet de loi avant que la municipalité du Mont-Tremblant arrive à déposer son projet de loi, comme si c'était une course? Et, une fois que le projet de loi a été sur la table, une fois que la ministre a reçu tous ses briefings, une fois que le train est parti, c'est un peu comme si, bon, on ne peut rien arrêter. On ne peut pas prendre le temps de regarder autre chose, il faut absolument, après ça, défendre la décision qu'on a prise, peu importe si elle est logique ou non, peu importe s'il y a d'autres solutions qui sont plus efficaces sur le plan de la cohésion sociale, qui sont plus efficaces même ou tout aussi efficaces sur le plan de l'équité fiscale. Parce que la ministre tente de peinturer ceux qui s'opposent à ce genre de fusion forcée comme étant des égoïstes fiscaux ou des démagogues démocrates. Je pense que c'étaient les inventions qu'elle faisait, M. le Président.

Il ne s'agit pas d'égoïsme fiscal dans ce cas-ci. Un égoïsme fiscal aurait conduit Mont-Tremblant, en particulier, les résidents et la municipalité, à dire: Non, on ne veut rien savoir. On ne veut pas se fusionner puis on ne veut pas partager. Mais ils sont en droit de dire qu'ils ne veulent pas fusionner. Ils sont en droit de dire qu'ils ne veulent pas abdiquer, abandonner leur identité locale, dans la mesure où ils reconnaissent, comme ils le font, qu'effectivement ils sont plus choyés que leurs concitoyens de Saint-Jovite. Et, dans ce sens-là, il faut qu'ils partagent, parce que l'un ne va pas sans l'autre. Eux ne pourraient pas se développer sans l'appui d'une ville de services et la ville de services ne grossirait pas, s'il n'y avait pas de l'autre côté une ville de villégiature.

Alors, pourquoi ils n'ont pas droit à cette reconnaissance, eux autres? À partir du moment où ils mettent sur la table une formule qui permet cette équité fiscale, pourquoi on se borne, de l'autre côté, à les taxer d'égoïsme fiscal? Pourquoi on se borne, de l'autre côté, M. le Président, à refuser de faire autre chose que voir juste droit devant nous sans jamais regarder à gauche et à droite, prendre juste les bouts qui nous conviennent, faire des discours qui peinturent les gens qui s'opposent comme étant des irresponsables, quand, dans la réalité, ce que nous avons, c'est une situation où un gouvernement, par paresse, par incapacité de sortir de sa torpeur qui la caractérise maintenant depuis... Mon Dieu, ça fait juste un an, mais on dirait que déjà ça fait trois, quatre ans qu'on est là, hein! Je pense qu'on célèbre, entre guillemets, parce que, nous, on ne célèbre pas... On se rappelle que, nous, on a gagné plus de votes qu'eux autres, M. le Président, mais on a eu le malheur de se retrouver de ce côté-ci de la Chambre. Mais ça fait juste un an.

Par contre, on a véritablement le sentiment que nous avons un gouvernement qui est usé aux cordes, M. le Président. La preuve, c'est ce genre de dossier qui est mené ici avec ce genre d'insouciance par rapport à la volonté de la population, et sans respect. Et sans respect. De plus en plus, ce qui les caractérise, c'est le non-respect de la population, que ce soit au niveau des négociations qu'ils mènent avec les syndicats, que ce soit au niveau des jeunes et des clauses orphelin qu'ils arrangent sur leur dos, qui sont par la suite décriées par la Commission des droits de la personne, entre autres. C'est le non-respect du citoyen, c'est le non-respect de la démocratie, finalement.

Ce dossier le met en évidence de façon très claire, parce que, en terminant... Vous me faites signe qu'il ne me reste que quelques secondes, M. le Président. Personne de l'autre côté n'a mis en évidence le fait qu'il y a une autre façon de faire qui tient compte de l'identité locale, respecte la démocratie qui a été clairement exprimée par un référendum de 96 % et permet également de solutionner le problème de la nécessité pour Saint-Jovite d'avoir effectivement accès à des ressources financières afin d'offrir des services à sa population.

Si tout ce qu'on peut faire, c'est de rire sournoisement et d'ignorer cette réalité, bien, il y a des gens qui vont vous donner la réponse aussitôt qu'ils auront l'occasion, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Nous allons maintenant céder la parole au député de Robert-Baldwin. Alors, M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. C'était important pour moi de venir prendre la parole sur le projet de loi n° 81 et pour rappeler que le premier devoir de tous les députés en cette Chambre, c'est de bien représenter les citoyens, c'est d'être en mesure d'avoir la force nécessaire de dire non aux lobbys obscurs pour refléter ce que les gens veulent vraiment dans nos circonscriptions respectives.

M. le Président, ici, on est en face d'un référendum, un référendum qui avait une question très claire: Êtes-vous d'accord avec la fusion, oui ou non? Genre de question que l'ancien patron des membres du parti ministériel aurait souhaité. Alors, on a une question claire, mais aussi on a une réponse claire. Je pense que la réponse aurait fait les meilleurs délices, les rêves les plus importants des députés ministériels, parce que la réponse était que 96 % des gens se sont exprimés et ont dit: Non, on ne veut pas de fusion forcée.

M. le Président, on arrive avec un gouvernement qui n'a plus l'écoute des concitoyens. On n'a qu'à se rappeler le dossier de la ligne Hertel–des Cantons. Vous vous souvenez, les gens étaient obligés de venir à l'Assemblée nationale pour décrier jusqu'à quel point le ministre responsable des Ressources naturelles ne voulait pas entendre raison. Ces gens-là ont été obligés de prendre la voie des tribunaux pour réussir à se faire enfin comprendre. Du côté de la santé, on l'a vu depuis quelques années déjà, eh bien, soit les fermetures d'hôpitaux, le plan d'assurance-médicaments, les patients ne peuvent plus s'exprimer. C'est toujours des décisions d'autorité. Dans l'éducation, les bourses du millénaire sont un autre exemple. De plus en plus, ce sont les regroupements d'étudiants qui accusent le ministre de l'Éducation d'être de mauvaise foi dans ce dossier-là. Un dossier qui me concerne davantage, celui d'Emploi-Québec, où les nombreuses organisations communautaires auraient souhaité venir ici, à l'Assemblée nationale, s'exprimer. Il n'y a pas tellement longtemps, il y avait un regroupement de plus de 7 000 personnes qui sont venues manifester devant le Parlement. Elles étaient de l'autre côté des barricades. On les empêchait d'entrer. Mais ces gens-là ont clairement exprimé, par les pétitions que nous avons déposées, le souhait de venir en commission parlementaire et d'être écoutés par le gouvernement du Parti québécois.

En passant, vous savez, M. le Président, comme moi, tout le cafouillage qui est associé au dossier d'Emploi-Québec. C'est un gouvernement qui a beaucoup de difficultés à gérer un programme de 738 000 000 $. Et c'est le même gouvernement qui veut gérer un pays de 45 000 000 000 $. On va avoir des problèmes à l'horizon, seulement qu'en termes de gestion.

On peut poursuivre, M. le Président. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui «prévoit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet à la municipalité de Mont-Tremblant, à la ville de Saint-Jovite, à la municipalité de Lac-Tremblant-Nord, à la paroisse de Saint-Jovite une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités. Il prévoit que ces municipalités doivent transmettre au ministre, dans le délai que ce dernier fixe, leur avis sur cette proposition.» En langage politique, ce que ça veut dire, là, ce qui est inscrit dans le feuillet du projet de loi n° 81, c'est des fusions forcées, et c'est ça que le gouvernement du Parti québécois a décidé de mettre au menu législatif à cette session.

(23 h 20)

Quelles sont les conséquences, M. le Président, pour les résidents? Bien, d'abord, pour les résidents de Mont-Tremblant et du Lac-Tremblant-Nord, le projet de loi est un acte antidémocratique, puisque les contribuables de ces deux villes se sont prononcés clairement contre la fusion au cours d'un référendum tenu au mois d'août dernier. Ce référendum a été réalisé en conformité avec la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. À une question claire – je le mentionnais, mais il faut le répéter, M. le Président: Êtes-vous favorable à la fusion des municipalités de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse Saint-Jovite? 96 % des voteurs ont dit non à la fusion. M. le Président, on a un acte démocratique qui a été posé par certains de nos concitoyens. Le gouvernement du Parti québécois refuse de reconnaître un acte aussi démocratique que celui d'un référendum avec une question claire et une réponse claire.

De plus, ironiquement, le député de Bertrand – il fallait l'écouter tantôt – avait inscrit au feuilleton, en juin dernier, un projet de loi visant la fusion de ces quatre villes. Il l'a par la suite retiré, au mois de septembre, reconnaissant la volonté populaire. Il vient de nouveau de changer d'idée, M. le Président.

Le conseil municipal de Mont-Tremblant a présenté, le 17 novembre 1999, il n'y a pas tellement longtemps, une proposition visant à partager l'assiette fiscale de Mont-Tremblant avec les villes voisines. Alors, ici, on a un conseil municipal qui n'est pas seulement passif par rapport à une situation, qui a décidé d'être proactif et qui propose le partage d'une assiette fiscale avec les villes voisines. Bien, voilà, M. le Président, une solution sûrement intéressante qui devrait être analysée à son mérite. Mais ce n'est pas comme ça que fonctionne le gouvernement du Parti québécois. Des référendums, quand ça concerne le Parti québécois, ça, c'est bien important, mais, quand c'est les autres, ce n'est plus important; surtout, les résultats ne sont pas importants.

Chose encore plus inquiétante, nous apprenions, cette semaine, dans les journaux que la ministre des Affaires municipales, dans le cadre de son livre blanc sur la réforme municipale, compte accorder à la Commission municipale le pouvoir d'imposer des fusions partout où une ville ou la ministre en ferait la demande. Imaginons la pagaille que cela pourrait causer. Une chose est évidente, la question des fusions forcées ne fait pas l'unanimité au sein du Parti québécois, et on pourrait donner quelques citations en exemple.

M. Parizeau, dans le journal Les Affaires , le 3 mai 1997: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour le citoyen.» M. le Président, ce n'est pas des libéraux, ce n'est pas l'opposition qui parle, c'est M. Jacques Parizeau, l'ancien patron des députés ministériels. Il poursuit: «Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministre des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Alors, je pense que c'est une affirmation extrêmement importante de la part d'un des ténors du gouvernement du Parti québécois.

Un autre, M. le Président, mais, celui-là, on commence à le prendre un peu moins au sérieux, puisqu'une fois qu'il a fait une affirmation il la dédit assez rapidement: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Eh bien, c'est le ministre des Transports et député de Joliette qui dit ça. Mais, par contre, du même souffle, il se lève en Chambre pour nous dire que, non, il a été mal cité, il était dans ce club des personnes mal citées, alors que, vraiment et clairement, il l'avait affirmé. C'est des affirmations qui ont été reproduites par plusieurs journalistes à l'effet qu'il était contre les fusions forcées.

M. le Président, c'est assez rare qu'on prend l'exemple ou qu'on cite le président de la Chambre, et il faut bien comprendre que le président de notre Assemblée est aussi un député, et lui-même, dans le cadre d'une proposition de référendum sur la fusion de la ville de Saint-Hilaire, il nous dit: «Peu importe le résultat, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens.» Vous allez me permettre de mettre ça en doute. Ce n'est sûrement pas ce que le président de la Chambre a dit; au contraire, je pense qu'on peut le supporter. Mais, que la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens, ça, ce n'est pas vrai, c'est nouveau. Elle ne respecte pas la volonté du citoyen. M. le président de la Chambre poursuivait en disant: «Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle du Mont-Tremblant, où la fusion pourrait être imposée.» Il ajoute que «plusieurs citoyens du Mont-Saint-Hilaire et d'Otterburn Park ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales, qui affirmait que le référendum était consultatif».

M. le Président, on pourrait continuer ces citations. On pourrait mettre en contradiction plusieurs membres du gouvernement, membres de la députation ministérielle, au sujet des fusions forcées. Mais il y a toujours un dénominateur commun. Un des actes les plus démocratiques que nous connaissons, eh bien, c'est celui d'un référendum et c'est celui d'une manifestation de nos concitoyens. Et, lorsqu'un gouvernement nous dit qu'il refuse de respecter ce que les citoyens nous disent, eh bien, non seulement on ne les écoute plus, mais on va à l'encontre de ce qu'ils demandent.

M. le Président, j'aimerais parler de la position de notre formation politique dans ce dossier non seulement de la fusion des municipalités autour du Mont-Tremblant, mais dans l'ensemble des fusions forcées. Eh bien, notre formation, le Parti libéral du Québec, s'oppose à toute fusion forcée et prône une plus grande autonomie des municipalités. Dans le cas de Mont-Tremblant, par respect – par respect, M. le Président! – pour la démocratie, on ne peut ignorer les résultats du référendum tenu dans les municipalités de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord. Nous nous sommes opposés, dans le cadre du projet de loi n° 194, à la fusion de cinq villes du Haut-Richelieu, à ce que la décision de fusionner se prenne de la façon dont ça a été fait, M. le Président. Nous appuyons plutôt une proposition initiale où chaque ville déciderait par référendum si elle veut, sur une base volontaire, se joindre à un regroupement.

Avec le projet de loi qui nous est présenté, eh bien, c'est évident qu'on est loin de ces principes, principes qui sont de ne pas avoir de fusion forcée, de respecter la volonté populaire. Et, lorsqu'un gouvernement ne respecte plus la volonté populaire, eh bien, c'est un gouvernement qui est qualifié habituellement de gouvernement de fin de régime, de gouvernement usé.

M. le Président, j'aimerais également souligner quelques commentaires qui nous ont été rapportés du conseil municipal de Tremblant, où on a vraiment voulu aborder ce dossier de façon positive, de façon proactive, avec une solution: «Pour le conseil municipal du Mont-Tremblant, le projet de partage fiscal qu'il propose réconcilie les objectifs de réduction des disparités de la richesse foncière et d'équité de la ministre Harel et la volonté de la population du Mont-Tremblant de garder la maîtrise du développement sur son territoire. Le conseil de Mont-Tremblant, supporté par la volonté maintes fois réitérée de sa population, entend poursuivre la lutte pour que le gouvernement renonce à son projet de fusion forcée.»

Je me suis permis de faire une petite revue de la littérature, M. le Président, et je regardais dans les différents journaux, les différentes coupures de journaux que nous avons, il y a des choses quand même intéressantes qui nous ont été dites: Référendum à Mont-Tremblant: un non retentissant à la fusion . Et on rappelle encore une fois, puis vous allez me permettre de le répéter – il semble que ce soit un outil de pédagogie que de répéter – en souhaitant que les députés ministériels puissent vraiment comprendre qu'il y a eu un référendum, qu'il y a eu une question claire, qu'il y a eu une réponse claire et que le gouvernement refuse d'écouter les citoyens de ce coin, de ce beau coin du Québec... M. le Président, la ministre, qu'est-ce qu'elle a à dire? «La ministre des Affaires municipales rejette du revers de la main les résultats du référendum consultatif qui s'est déroulé le dimanche 8 août dans la municipalité de Mont-Tremblant. Sur les ondes d'une station montréalaise, elle a déclaré que le référendum du Mont-Tremblant constituait de la fausse démocratie.»

(23 h 30)

Ça, c'est la ministre des Affaires municipales du gouvernement péquiste qui, lui, a l'intention de faire d'autres référendums. Eh bien, elle parle au nom du gouvernement, elle accuse les municipalités qui utilisent un outil aussi important que celui du référendum de faire de la fausse démocratie. La population, évidemment, réagit fortement à des propos qui sont carrément indignes et profondément injustes. Je ne sais pas, M. le Président, si on aura à faire face à des déclarations unilatérales un jour, il faudra peut-être y penser.

Il faudrait penser que le premier ministre aurait pu mettre au pas la ministre des Affaires municipales et corriger le tir assez rapidement, surtout quand on écoute ce qu'il a à dire sur les référendums, sur les questions claires, sur les résultats clairs. Mais non, le premier ministre s'est porté au secours de la ministre des Affaires municipales et a assuré que la ministre avait toute sa confiance. Il a ouvert la porte aux fusions et promis que son gouvernement accoucherait d'une réforme municipale substantielle. Et rappelons-nous qu'à chaque fois que ce gouvernement a accouché de réformes substantielles, eh bien, le dénominateur commun, c'est des taxes additionnelles, ça coûtait toujours plus cher aux concitoyens.

Face à cette menace de fusions forcées, les citoyens n'ont pas beaucoup de recours. Ils en ont cependant, et ici on parle qu'ils pourraient aller... Les opposants à la fusion forcée accusent Québec de faire le jeu de différents lobbys, mais on parle d'aller en Cour suprême. Ce ne sera pas la première fois au Québec que des citoyens décident de prendre la voie des tribunaux pour se faire entendre. J'ai parlé tantôt du dossier de la ligne Hertel–des Cantons où les citoyens ont dû aller devant les tribunaux. Pourquoi? Parce que le ministre des Ressources naturelles refusait de les écouter. Alors, on est devant la même situation. Les citoyens des villes entourant le mont Tremblant pourraient être forcés d'avoir recours aux tribunaux pour se faire entendre. Pourquoi? Parce que le gouvernement du Parti québécois refuse encore une fois d'écouter, M. le Président.

J'ai encore un autre point de presse où on mentionne que la ministre des Affaires municipales ne tiendra pas compte des référendums: «La ministre des Affaires municipales ne tiendra pas compte du résultat des référendums sur les fusions qui pourraient être tenus par les municipalités et ira de l'avant avec le regroupement, même si les citoyens rejettent cette idée.» Vraiment, on est presque dans le fond du baril, M. le Président, c'est difficile d'aller plus bas. Lorsque nous sommes élus pour représenter nos concitoyens, nos collègues, nos confrères, nos consoeurs, eh bien, on ne respecte pas la volonté des gens qui nous ont élus.

C'est sérieux, M. le Président, et il faudra sûrement se questionner, et je pense que la population va le faire aussi vite qu'ils pourront être rappelés dans une élection. Je pense que, lors de la dernière élection, ça a été quand même assez clair, le gouvernement n'a pas eu l'appui majoritaire en termes de votes. C'était déjà un premier signe que la population commence à être tannée, lassée de la façon dont ce gouvernement gouverne.

M. le Président, je pourrais aussi continuer. Je recevais aujourd'hui une lettre d'un maire, M. Ian Rankin, maire de Lac-Tremblant-Nord, et c'est un cri du coeur que M. le maire nous adresse, à nous. Il nous interpelle, tous les députés. Il le dit, c'est bien écrit en caractère gras dans la lettre: «Est-il encore possible, dans une société dite libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne correspond pas à la norme et d'être respecté dans ce choix?» Alors, il y a des caractéristiques pour cette municipalité qui font que ce n'est pas une municipalité comme l'ensemble des municipalités. Eux autres, ils ont privilégié une façon de vivre qui leur convient. Ils nous demandent, ils s'adressent à nous pour bien les représenter ici même, à l'Assemblée nationale.

M. le Président, j'aimerais, avec votre permission – en tout cas, si c'est possible de le faire – déposer la lettre du maire de Lac-Tremblant-Nord pour que tous les membres de la députation, des deux cotés de la Chambre, puissent être bien au courant de ce qui a été fait. C'est un document qui deviendra ainsi officiel. Et je vois que le temps est presque terminé...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais, d'abord, M. le député, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de la lettre du maire de Lac-Tremblant?

M. Boulerice: La lettre est du domaine public. Tous les parlementaires l'ont reçue. Merci.

Une voix: Ce n'est pas grave.

M. Marsan: On peut la déposer? Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, il y a un dépôt.

M. Marsan: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez accepté le dépôt, M. le leader?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, je regrette. Alors, en conclusion, M. le député.

M. Marsan: Beau geste démocratique, M. le Président. Même si les députés l'ont reçue, je pense que ça aurait été intéressant qu'elle puisse être également déposée de façon officielle. On refuse encore d'écouter la voix de nos concitoyens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons maintenant céder la parole au député de Masson. M. le député.


M. Gilles Labbé

M. Labbé: Merci, M. le Président. J'espère, compte tenu de l'heure tardive, que je vais être assez intéressant, sinon au moins plus que l'opposition. Alors, sans plus tarder je vais vous parler ce soir du projet de loi évidemment n° 81 qui concerne le regroupement des municipalités de Mont-Tremblant, du Lac-Tremblant-Nord, de la paroisse de Saint-Jovite et de la ville de Saint-Jovite.

Alors, sans plus tarder, M. le Président, les objectifs de la politique de consolidation des communautés locales trouvent leur pleine application dans le regroupement proposé. Ces objectifs sont – et c'est important de se les rappeler: améliorer la capacité financière et administrative des municipalités – on a tendance à l'oublier assez souvent, cet élément-là; viser un meilleur partage des ressources et des coûts; favoriser une utilisation optimale des ressources du milieu et du gouvernement; appuyer les efforts de développement économique et de prise en charge auxquels les a conviés le gouvernement. Il faut aussi ajouter, M. le Président, que le développement de la station touristique internationale de Mont-Tremblant a des retombées économiques et sociales qui dépassent largement les limites de la petite municipalité de Mont-Tremblant. Intrawest y a investi déjà près de 1 000 000 000 $ et prévoit en investir près de 1 500 000 000 $ d'ici quelques années.

M. le Président, il faut réaliser ici ce qui fait un petit peu la différence de ce projet versus tous les autres projets de fusion au Québec. C'est évidemment un rêve tout à fait spécial, et je voudrais vous faire mention un petit peu de ce qui se passe. On parle ici d'un investissement remarquable, des choses qui se voient une fois seulement dans une vie, et c'est un petit peu le rêve de tout élu municipal. Je vous en fais la mention, comme ancien maire d'une municipalité, quand on se battait – je dis bien: On se battait – entre municipalités ou dans une région pour avoir un investissement d'au moins 1 000 000 $, je parle simplement de 1 000 000 $ puis en argent canadien en plus, M. le Président, 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, et là on se battait, on travaillait au niveau de notre service d'urbanisme, au niveau de nos ingénieurs, au niveau de notre état général, et le conseil municipal était impliqué dans la décision, et, quand on réussissait à obtenir ce projet de 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, évidemment ça venait nous donner un petit montant de peut-être quelque chose comme 1 000 $ de taxes supplémentaires, on était très heureux à ce moment-là. On venait de créer 10 emplois, peut-être 15 emplois au maximum. On disait: Évidemment, ça va créer de l'emploi; donc, ça va permettre à des gens d'acheter des propriétés sur notre territoire. On était tellement fier, M. le Président, qu'on en faisait même, au niveau des médias, une publication et on faisait un lancement officiel. Imaginez-vous, pour un investissement de 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $. J'ai eu l'occasion d'en faire quelques-uns dans ma municipalité et j'en étais très fier.

Quand il nous arrive un rêve un petit peu plus excessif, M. le Président, on parle du grand rêve au Québec, c'est quand nous arrive un hôpital. Alors là, on dit: C'est évidemment l'investissement le plus important qui peut arriver dans une municipalité. On parle d'un investissement d'au-delà de 150 000 000 $. Là, je peux vous dire que le maire, le conseil municipal est très heureux de cet investissement-là, puisque ça lui donne en taxation, si on calcule 0,01 $ du 100 $ d'évaluation, peut-être un 150 000 $ supplémentaire au niveau à ce moment-là de sa municipalité. Je peux vous dire que ça vient de changer sa vie. Et ça, c'est important pour lui. On vient de créer aussi peut-être 1 000, 1 500 emplois comme tels. Ça aussi, c'est important pour le développement de sa municipalité en termes de maisons. Je n'ai pas besoin de vous dire l'effet accélérateur que ça a aussi pour sa municipalité. Ça, c'est un rêve impressionnant pour un maire.

(23 h 40)

Mais imaginez-vous maintenant quand on parle d'un investissement de 2 500 000 000 $, M. le Président. Là, c'est vraiment l'impossible rêve, c'est vraiment quelque chose qui arrive une fois dans une vie, puis évidemment tous ceux qui sont autour disent: Comment se fait-il que ça n'est pas arrivé à ce moment-ci? Et là on parle en termes de retombées de taxes, puis c'est un petit peu le contexte qui nous situe au niveau de Mont-Tremblant, d'une taxation, en fait on parle de 2 500 000 $ supplémentaires dans un budget, et, si on veut situer Mont-Tremblant, pour un budget actuel de 4 500 000 $. Alors, vous avez juste à regarder actuellement l'augmentation et ce que ça vient faire comme impact au niveau du budget municipal de cette municipalité-là pour 977 habitants, quand on pense qu'ils ont actuellement, depuis quelques années, des surplus qui jouent autour de l'ordre de 1 200 000 $. Alors, si j'étais un de ces citoyens-là, M. le Président, je peux-tu vous dire que je serais très heureux d'avoir cet investissement-là, et je me dirais: Peut-être que je pourrais penser à partager un peu avec la région. Parce que, évidemment, il y a des impacts au niveau de la région. C'est ce qui fait, M. le Président, que c'est une mesure exceptionnelle pour un dossier exceptionnel, et c'est ce qui fait que, dans le cas de Mont-Tremblant, on a décidé d'aller de l'avant.

Évidemment, pour la région, la consolidation du rôle de pôle principal du secteur nord de la MRC des Laurentides entraînerait une meilleure capacité de prendre en charge les obligations et les retombées du développement de la station de Mont-Tremblant. En effet, M. le Président, certaines retombées dites positives telles que la construction de nouvelles habitations amènent des inconvénients auxquels les deux Saint-Jovite pourront difficilement pallier, alors que la vraie richesse foncière permettant d'assumer de telles charges appartient exclusivement à Mont-Tremblant. Et, quand on parle d'inconvénients, je vais vous en citer quelques-uns à titre d'exemple.

On a juste à regarder maintenant, le vendredi soir ou le dimanche, à Mont-Tremblant, comment il faut se rendre au niveau de l'autoroute 15. C'est congestionné à partir de Saint-Jérôme. Donc, ça a évidemment des impacts qui sont énormes et, évidemment, ce n'est pas juste Mont-Tremblant qui doit assumer ça, c'est toute la région. Et, quand on dit que l'an dernier, à titre d'exemple, il y a eu un impact de 2 500 000 visiteurs qui sont allés à Mont-Tremblant seulement, alors, je peux vous dire que ça nous crée des problèmes au niveau de la région. Tant mieux s'il y a des investissements qui sont rattachés à ça, des investissements qui servent à la région et non pas seulement à une seule municipalité. Le développement de la station touristique doit profiter à toute la communauté de cette région. Je pense que c'est la raison pour laquelle on est tellement convaincu, M. le Président, c'est ce qui fait qu'on avance avec ce projet de loi.

M. le Président, je vais vous parler maintenant du développement et de la croissance économique et des avantages d'un regroupement au chapitre des investissements. Une fusion offre des avantages pour stimuler l'économie régionale. En effet, elle favorise une réflexion globale, elle peut prendre en considération les conditions locales extrêmement diversifiées de chacune des municipalités. Des solutions locales sont recherchées sur les aspects de création et de croissance des petites entreprises. Elle permet aussi, M. le Président, de préciser les vocations géographiques pour accueillir certains types d'entreprises afin que celles-ci puissent développer leur plein potentiel. En plus, la croissance significative de l'emploi depuis ces dernières années serait mieux comprise si un comité, et non trois, se penchait sur les effets directs de la création d'emplois. Actuellement, il y a trois plans d'urbanisme, trois comités – ce qu'on appelle dans le jargon municipal les CCU, les comités consultatifs d'urbanisme – et trois visions locales. Comment on peut s'entendre à ce moment-ci? Ce n'est pas évident.

Alors, M. le Président, la réflexion d'une municipalité se limite à l'analyse de son plan d'urbanisme, aucune des trois municipalités ne se préoccupe du développement indirect, de ses impacts sur les citoyens qui vivent à l'extérieur de son territoire. Ça, c'est un des problèmes majeurs auxquels font face actuellement des municipalités qui sont autour de Tremblant. Un leadership unique pourrait se définir comme un des processus d'influence partagé collectivement entre les intervenants socioéconomiques d'une ville. La montée des pouvoirs locaux comme facteur de plus en plus important de développement économique n'est pas sans conséquence sur le rôle des élus auprès de leur communauté.

Traditionnellement centrées sur l'aménagement du territoire, les municipalités n'ont pas nécessairement toutes, pour se développer, une expertise ou une crédibilité dans le domaine de l'activité économique et de la création d'emplois. L'accueil à l'entreprise en est un exemple concret. Peu de municipalités discutent des avantages avec un investisseur pour qu'il favorise son investissement dans la région. La majorité des maires, évidemment, souvent, pensent plutôt à leur municipalité. Et pensez, M. le Président, à l'avantage, justement, pour un promoteur comme tel, surtout dans un projet comme Intrawest, qu'il a à parler à un seul intervenant plutôt qu'à négocier avec quatre municipalités, quatre conseils de ville différents, pour un projet de l'ampleur qu'il a actuellement.

Alors, M. le Président, les règlements d'urbanisme changent d'une ville à l'autre, d'un terrain à un autre, où la compréhension de la réglementation n'est pas toujours évidente. La place à l'innovation et l'initiative sont oubliées. Souvent, l'investisseur a le fardeau de la preuve. Les municipalités regroupées pourront mieux répondre et participer à la mise en place de structures collectives pour mieux planifier les espaces touristiques et commerciaux. Le développement de la station Tremblant offre d'ailleurs à la région une vitrine de mise en marché des plus enviables. On pourrait favoriser une répartition des investissements sur l'ensemble du territoire touché, évidemment.

M. le Président, établir des lieux propices à l'habitation, à la villégiature, aux employés et aux personnes âgées, localiser en plus des aires de services publics qui favoriseront le regroupement des services aux entreprises – on parle ici de banques, de bureaux professionnels, etc., on pourrait aussi créer des espaces propices au développement des masses industrielles, touristiques et commerciales – actuellement, la réflexion n'est pas homogène chez les quatre municipalités. De plus, le regroupement de ces quatre municipalités favorisera une gestion équitable et efficace des services publics tels les services de police, de prévention des incendies, les loisirs, les bibliothèques, l'assainissement des eaux, le transport collectif, et bien d'autres.

Le regroupement proposé permet également de planifier une baisse du compte de taxes. Oui, M. le Président, une baisse du compte de taxes pour une majorité de contribuables de la municipalité regroupée tout en favorisant une utilisation plus rationnelle des équipements et des services disponibles et un partage équitable des coûts entre tous les citoyens et les citoyennes des quatre municipalités regroupées.

Considérant que la ville de Saint-Jovite est le principal centre de services – et je pense que tout le monde l'admet à ce stade-ci, M. le Président – pour les trois autres municipalités et que le développement de la Station touristique internationale du Mont-Tremblant a des retombées économiques et sociales qui dépassent largement les limites de la municipalité de Mont-Tremblant, alors, parmi les principaux bénéfices rattachés à ce regroupement des municipalités, on retrouve notamment des retombées plus équitables découlant des investissements publics consentis à la Station touristique internationale du Mont-Tremblant.

Je souligne, M. le Président, que les deux niveaux de gouvernement ont jusqu'ici consenti une aide financière de près de 126 800 000 $, dont 69 500 000 $ proviennent du gouvernement du Québec. De plus, Intrawest y a déjà investi près de 1 000 000 000 $ et prévoit, comme je l'avais dit tout à l'heure, y investir encore 1 500 000 000 $ de façon supplémentaire. Ce développement soutenu financièrement par le gouvernement du Québec doit bénéficier à l'ensemble de la communauté, et là-dessus nous serions tous d'accord. La mise en place d'une telle administration, qui aura pleinement autorité sur le territoire regroupé, apportera de nombreux avantages en entraînant notamment des économies financières et administratives, en permettant une utilisation optimale des équipements existants et en protégeant la qualité environnementale des sites naturels.

M. le Président, quelques statistiques – alors, je pense que ça va intéresser tout le monde – qui relèvent évidemment du Mont-Tremblant et de Saint-Jovite. Alors, les impacts de ce qui se passe réellement. D'abord, au niveau de l'emploi, en termes de croissance de l'emploi – on parle ici, évidemment, de nouveaux emplois – de 1991 à 1998, Tremblant seulement, création: 1 675 emplois. Et les autres types d'emplois pour Saint-Jovite, évidemment, qui sont touchés, c'est 825 emplois. Pour un total de 2 500. Les projections de 1998 à 2005: 2 350 emplois pour Tremblant et, pour Saint-Jovite, 1 150, pour un total de 3 500. Alors, en termes de projection, si on regarde ça vite, vite, c'est une augmentation de 60 %.

Quand on parle, maintenant, des ménages actifs sur le marché du travail, alors, en termes de ce qui est déjà réalisé – on parle ici de 1992 à 1998 – on parle de création d'emplois pour des ménages de plus de 2 000 nouveaux ménages. Et, quand on parle de ménages, évidemment, c'est au moins deux adultes, et il y a des enfants qui vont se rajouter évidemment à ça plus tard. Et, quand on regarde au niveau de nos statistiques, on s'aperçoit que le ratio des travailleurs qui continuent à vivre dans le secteur, évidemment compte tenu de l'emploi, c'est 75 % des gens qui vont continuer à demeurer dans le secteur. Alors, je n'ai pas besoin de vous dire l'impact que ça va avoir au niveau du développement économique pour la région de Tremblant. Alors, si on regarde ça vite, vite: 6 000 nouveaux emplois qui vont être créés; 4 000 nouveaux ménages; et plus de 75 % de ces gens vont continuer à y demeurer, M. le Président. Alors, le message est clair, M. le Président.

Le nombre total d'entreprises et d'emplois. Alors, évidemment, quand on parle des entreprises, c'est important, quand même, de se situer, parce que, souvent, on va dire: Pourquoi... On parle de ce qui se passe au Québec, mais on oublie de regarder spécifiquement qu'est-ce qui peut se passer dans un territoire donné et de regarder qu'est-ce que le gouvernement fait en termes de solutions, en pensant plutôt justement de prendre les engagements qu'il faut pour respecter le bien commun, le bien de l'ensemble des citoyens de la région de Mont-Tremblant, et c'est ce qui nous pousse aussi dans ce dossier-là.

En termes d'entreprises, M. le Président, dans le cas de Mont-Tremblant, on parlait à ce moment-ci, en 1998, de 117 entreprises, Saint-Jovite, 342, pour un total de 459 entreprises. Si on regarde les emplois en 1998, au niveau de Mont-Tremblant comme tel, c'était 3 108, et Saint-Jovite, 3 100, pour un total de 6 208. Donc, si on regarde avec les projections, on va presque doubler le nombre d'emplois d'ici les cinq prochaines années. Je vais prendre un petit verre d'eau.

Des voix: Ha, ha, ha!

(23 h 50)

M. Labbé: Alors, M. le Président, la situation fiscale présentement est telle que les municipalités de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord ont des contribuables caractérisés par une forte valeur foncière qui constitue en quelque sorte des enclaves fiscales. L'objectif d'un regroupement municipal dans le cadre du présent projet de loi est de régulariser l'offre de services municipaux disponibles par citoyen afin de ne pas l'assujettir en fonction de la richesse foncière.

Les investissements effectués dans le secteur de Saint-Jovite–Mont-Tremblant depuis l'avènement du projet de la station touristique internationale n'ont pas affecté les quatre municipalités de manière équitable, la municipalité de Mont-Tremblant ayant vu sa richesse foncière croître de plus de 440 000 000 $, alors que celle du reste du secteur a progressé d'environ 128 000 000 $ seulement, M. le Président, au cours de la même période, tout en étant confrontées, principalement la ville de Saint-Jovite, à une augmentation des dépenses reliées à la fourniture des services municipaux – et ça, tout le monde est d'accord. Et il est évident que la municipalité de Mont-Tremblant, dans le cadre du regroupement, est appelée à perdre une importante source de taxation – on le comprend, c'est la raison pour laquelle ils réagissent autant – jusqu'alors exclusive à sa municipalité. Cependant, M. le Président, il faut reconnaître et admettre que les investissements publics auxquels le gouvernement a participé débordent largement du territoire municipal où ils sont effectués.

M. le Président, afin de bien cerner les impacts financiers et fiscaux d'un regroupement, il a fallu préparer un budget de l'an 1 de la nouvelle municipalité. Il s'agissait donc de mettre en parallèle les revenus et les dépenses prévus au budget de la ville de Saint-Jovite, de la paroisse de Saint-Jovite, de la municipalité de Mont-Tremblant et de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et d'apporter toutes les régularisations découlant d'un regroupement. À partir des hypothèses retenues pour l'élaboration du budget de l'an 1, il a été possible de mesurer quel pourrait être l'effet du regroupement sur le compte de taxes des contribuables des quatre municipalités. Ainsi, le regroupement se traduirait par des baisses importantes de charges fiscales pour la ville de Saint-Jovite, la paroisse de Saint-Jovite, évidemment Lac-Tremblant et Mont-Tremblant. Les baisses varieraient entre 1,4 et 19,4 pour les unités résidentielles dont la valeur se situe entre 75 000 $ et 225 000 $.

M. le Président, la création d'une région de destination internationale commande un regroupement municipal car elle ne peut composer avec des municipalités concurrentielles à plusieurs égards. Le niveau de développement du secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant et, par voie de conséquence, d'une bonne partie de la région des Laurentides requiert une intervention législative certes, mais également des mécanismes de transition judicieusement élaborés afin de faire face au défi de la création de la nouvelle entité municipale. M. le Président, la création d'une municipalité d'un peu plus de 7 000 habitants ne remet pas en cause la participation des citoyens; au contraire, elle inscrit celle-ci dans une structure municipale adaptée aux besoins de son temps.

Le projet de loi encadre également les futures relations des partenaires municipaux actuels et fait également siennes les diverses préoccupations et inquiétudes de certains partenaires ou intervenants du milieu. La protection de l'environnement pour certaines parties du territoire y est reconnue et l'obligation de résultats en matière de poursuite du développement international du secteur y est aussi privilégiée. Les compétences complémentaires des municipalités seront également interpellées.

M. le Président, en résumé, voici quelques bénéfices rattachés au regroupement de la ville de Saint-Jovite, de la paroisse de Saint-Jovite, de la municipalité de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord: premièrement, des retombées plus équitables des investissements consentis à la station touristique internationale du Mont-Tremblant – alors, évidemment, la partie qui a été donnée par le gouvernement; partage plus équitable de la richesse foncière générée par le projet avec les municipalités directement affectées par le projet; vision intégrée de l'aménagement et du développement de l'ensemble du territoire; rationalisation des services municipaux – à titre d'exemple, M. le Président, si on fusionnait ces quatre municipalités, ce que nous allons faire, il y aurait une économie, seulement pour la police, d'au moins 500 000 $; ensuite, on continue, baisse probable des comptes de taxes pour la majorité des citoyens – ça a déjà été démontré par la ministre elle-même; renforcement de la solidarité municipale et du sentiment d'appartenance; représentation politique municipale plus forte auprès des développeurs et des instances gouvernementales.

Pour toutes ces raisons et combien d'autres, j'appuierai une solution gagnant-gagnante, soit la fusion des quatre municipalités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Masson. Nous allons maintenant céder la parole... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, après cette brillante finale, je pense que le seul mot à dire est que nos travaux doivent clôturer, donc je fais motion que nous ajournions à demain, le vendredi 26 novembre 1999, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, les travaux sont donc ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 56)


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