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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 24 mai 2000 - Vol. 36 N° 111

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées

Nous débutons les affaires du jour aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. À l'article 56 de notre feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, en vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Hull présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

À la suite d'une réunion avec les leaders, ce matin, tôt, afin de répartir le temps de parole pour le déroulement de ce débat, le partage du temps a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes; cinq minutes sont allouées au député indépendant; 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement; et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par le député indépendant pourra être redistribué entre les groupes parlementaires.

Je vous spécifie que les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant, M. le député de Hull et critique officiel de l'opposition en matière d'affaires municipales.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Pour les gens qui nous écoutent aujourd'hui, pour les citoyens du Québec, pour les maires et les conseillers municipaux qui nous écoutent aujourd'hui et pour qui cette journée est très importante, je tiens à les saluer et à souhaiter que ce débat se fera dans la plus grande harmonie, puisque les discussions d'aujourd'hui, les enjeux d'aujourd'hui sont extrêmement importants pour l'avenir de nos collectivités, l'avenir de nos municipalités.

À titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales, nous avons jugé bon, considérant le passé de ce gouvernement, considérant les états d'âme du livre blanc qui nous a été déposé il y a quelques semaines, considérant le projet de loi n° 124 présentement devant l'Assemblée, de présenter une motion qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Cette motion, M. le Président, va à l'essence même de notre démocratie au Québec. Ça permet aux citoyens de décider de leur avenir, de l'avenir de leur collectivité, au même titre qu'ils ont le droit dans la très, très grande majorité des municipalités de décider par exemple d'un règlement d'emprunt, par exemple d'un projet d'annexion ou par exemple d'un changement de zonage. Cette motion vise à redonner aux citoyens le pouvoir de décider, ce que le gouvernement est en train de leur enlever, est en train de les bâillonner, est en train de leur dire que leur opinion ne vaut rien, ne compte pas.

Cette motion, M. le Président, est à la base de notre système démocratique, où les citoyens, lorsqu'ils votent démocratiquement lors d'une élection, lorsqu'ils s'expriment démocratiquement lors d'un référendum, ça va à la base même de ces gestes qui ont pour effet de dicter l'avenir de nos collectivités. Et, en termes de respect, M. le Président, eh bien, on repassera avec le gouvernement actuel, respect de nos institutions, respect de nos élus et respect de nos citoyens.

Je vais vous dresser et brosser un tableau succinct des dernières années en matière d'affaires municipales. On va voir combien ce gouvernement n'a pas hésité à passer le rouleau compresseur sur le monde municipal et ultimement sur le simple citoyen, combien ce monde municipal a été bafoué par une administration déconnectée de la base, déconnectée des préoccupations des simples citoyens.

M. le Président, on se rappellera qu'en 1997 le gouvernement est allé négocier avec l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, en lui disant: Les municipalités doivent faire leur effort, doivent contribuer à l'assainissement des finances publiques. L'UMQ, les représentants de l'UMQ, les villes du Québec et ultimement les citoyens ont dit: Très bien, nous ferons un effort jusqu'à l'atteinte du déficit zéro. Et à cet effet le gouvernement, à sa tête le premier ministre actuel, a signé un contrat, M. le Président, un contrat en bonne et due forme avec le monde municipal, qui disait ceci: Pour deux ans, le monde municipal contribuera à l'atteinte du déficit zéro pour un montant de 356 millions de dollars par année. Pour deux ans.

Une autre clause du contrat disait: Il faut absolument que le gouvernement s'assoie avec le monde municipal et négocie un véritable pacte fiscal afin de libérer la table, afin de redonner des pouvoirs aux municipalités, afin d'assainir le climat qui existait dans le monde municipal et afin de reconnaître le véritable rôle d'agent de développement que les municipalités sont véritablement dans nos milieux.

Eh bien, 1998 a passé, les municipalités ont fait le chèque. Et, quand une municipalité fait le chèque, M. le Président – ça n'a pas un sou, une municipalité – c'est vous et moi, comme contribuables municipaux, qui faisons le chèque. C'est via nos taxes municipales sur notre propriété, sur notre maison, qu'on paie, nos taxes municipales qui ont été détournées vers Québec en 1998 pour 356 millions de dollars; en 1999, pour 356 millions de dollars.

(10 h 10)

En décembre 1999, M. le Président, la ministre des Affaires municipales actuelle, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, a quitté la table des négociations. En décembre, elle a quitté la table de négociations en disant: On ne peut pas s'entendre avec le monde municipal, alors je quitte. Conséquemment, une troisième année était reconduite sur cette facture. Le monde municipal a été outré. Ce n'était pas eux, ils négociaient de bonne foi, tentaient de s'entendre, et le gouvernement a quitté la table. Alors, le gouvernement a dit: Une troisième année de facture, il n'y en a pas, de problème.

Est-ce que c'était légal? Je ne le sais pas. Parce que justement des municipalités au Québec se sont regroupées et ont dit: On va poursuivre le gouvernement parce que c'est briser un contrat. Ce n'est pas ça que ça disait, le contrat. Le contrat disait: Deux ans, l'atteinte du déficit zéro. Alors, c'était traîné devant les tribunaux dès janvier 2000.

Tout à coup, M. le Président, réalisant l'erreur, réalisant le pétrin dans lequel il était, le gouvernement a décidé, dans son budget du 14 mars, de faire un autre coup, un coup de force. Un autre coup de force quand le ministre des Finances s'est levé et a annoncé contre toute attente que le gouvernement était pour saisir un montant qui était redonné historiquement au monde municipal, soit les revenus de la TGE. En clair, c'est quoi, là? C'est les taxes sur les télécommunications, le gaz et l'électricité.

Je veux vous expliquer ça rapidement, M. le Président, c'est quoi. Prenons Hydro-Québec, avec des pylônes d'électricité. Comment est-ce qu'on fait pour évaluer ça dans une municipalité? C'était difficile. Alors, il y a eu une entente avec le législateur qui dit: Plutôt qu'évaluer ça au même titre qu'évaluer une maison, on va taxer Hydro-Québec en fonction de ses revenus, de ses profits. Alors, le ministère du Revenu ramassait les états financiers, calculait une petite formule, prenait l'argent de ces entreprises, particulièrement Hydro-Québec, et faisait un chèque pour compenser les municipalités. Pour combien, M. le Président? Pour entre 323 et 350 millions de dollars par année.

Le gouvernement, dans son budget du 14 mars, a dit: C'est fini, je mets la main là-dessus, c'est de l'argent qui vous est dû, au monde municipal, mais ce n'est pas grave, je mets la main sur cet argent-là. Vous, les contribuables, vous venez de perdre de 325 à 350 millions de dollars par année. Et ce montant est en croissance, M. le Président. Hydro-Québec prévoit, pour les cinq prochaines années, juste à titre d'exemple, des revenus comme ça; de façon exponentielle, les profits vont croître, M. le Président.

On prévoit, en 2004, des profits de 1,6 milliard de dollars, alors que, en 1999-2000, ils sont d'environ 900 millions. Alors, presque doublés, les profits d'Hydro-Québec. Conséquemment, les villes se font avoir de plus en plus à chaque année. Et, quand les villes se font avoir de plus en plus à chaque année, ce sont les citoyens du Québec qui se font avoir de plus en plus à chaque année avec les politiques du gouvernement d'en face.

Alors, tout de suite après ce vol à l'étalage, on se ramasse, M. le Président, avec une annonce où le gouvernement créait des comités consultatifs. Alors, là, ça, c'était comme un club VIP. C'était choisi sur le volet. C'étaient les gens qui disaient comme le gouvernement ou qui pensaient comme le gouvernement et qui étaient invités à la table, une seule table pour trois communautés urbaines, alors une table dans chacune, une table qui était menée par un non-élu, un mandataire qui aurait reçu des ordres et un mandat du gouvernement, payé par celui-ci.

Et bizarrement, M. le Président, on a décidé de lui donner comme mandat, premièrement, le fait qu'il devait regarder les équipements régionaux. Alors, les maires des communautés urbaines devaient s'asseoir avec ce mandataire pour regarder les équipements régionaux. La date butoir, c'est fin juin. Ce n'est pas long, ça, M. le Président; l'annonce a été faite en mars. Alors que ça fait des années qu'il y a des discussions là-dessus – ce n'est pas simple à calculer, ce n'est pas simple à regarder, il y a des équations importantes à faire, il y a des calculs, il y a des évaluations – on a donné très peu de temps. Conséquemment, on a donné jusqu'au mois de juin à ce mandataire, et, s'il n'y a pas d'entente, s'il n'y a pas accord, le mandataire a le mandat de faire rapport de façon unilatérale au gouvernement.

Mais ce qui est encore plus choquant, M. le Président, c'est qu'encore cette table piquée sur le volet, choisie sur le volet, au bon gré de la ministre, a un autre échéancier, soit celui d'octobre: octobre, pour décider, dans les paroles de la ministre, des regroupements nécessaires. Ça ne laisse pas grand place à la discussion, ça, M. le Président. Le premier trois mois, vous allez parler d'équipements régionaux, mais, peu importe ce qui va arriver, peu importe si vous vous entendez ou non, j'ai l'épée sur votre tête parce qu'en octobre j'aurai un rapport – les paroles du gouvernement – sur les regroupements nécessaires. Il n'y a pas une place là-dedans où on voit le mot «citoyen». Il n'y a pas une place là-dedans où on voit le mot «démocratie». Il n'y a pas une place là-dedans où on voit une préoccupation pour un avantage pour le citoyen, un avantage économique pour le citoyen. Non, bien au contraire.

Concurremment à ça, la ministre décide de déposer un seul projet de loi sur le Conseil métropolitain de Montréal. Les deux autres, bien, ils se font attendre. Et, pour ajouter l'injure à l'insulte, on dépose le projet de loi n° 124. Le projet de loi n° 124, on va résumer ça à deux mots. Ce n'est pas compliqué, vous allez suivre ça avec moi, deux mots, le projet de loi n° 124, «fusions forcées». C'est le «toé, tais-toé», au Québec. Seul le gouvernement va décider de l'avenir. Peu importent les comités qui ont été formés, peu importent les discussions qui ont cours, peu importe le résultat des conseils métropolitains, peu importe tout ce qui peut se brasser comme ententes, comme négociations, il y a un impératif de fusions forcées au Québec, que tu aimes ça ou que tu n'aimes pas ça. C'est pour ça qu'on est ici, M. le Président, c'est pour rétablir ce balancier-là, c'est pour rétablir le droit de parole aux citoyens, qui, eux, ont le droit de s'exprimer.

En passant, considérant la soupe chaude qui avait cours avec le monde municipal, à la veille d'un congrès de l'UMQ, une des unions, le gouvernement a proposé... Je ne sais pas comment appeler ça parce que ce n'est pas un pacte fiscal. Est-ce que c'est un compromis fiscal? Est-ce que c'est un prix de consolation fiscal? Est-ce que c'est «meilleure chance la prochaine fois» fiscal? Mais, en tout cas, ce n'est pas une entente fiscale, ce n'est pas un deal fiscal. Le citoyen ne sort pas gagnant là-dedans parce que ce qui est proposé par le gouvernement fait en sorte qu'au bout de cinq ans les contribuables du Québec perdent 1 milliard de dollars, au moins 1 milliard de dollars. Parce que, peu importe ce que le gouvernement est prêt à mettre sur la table comme négociation, il y a une prémisse qui revient d'année en année en année, c'est la ponction de la taxe sur le gaz et l'électricité. D'année en année, on commence avec moins 350 millions de dollars par année au monde municipal, qu'on lui enlève alors qu'il y avait droit.

Mais, vous savez, M. le Président, on doit se questionner quand on voit un gouvernement avancer dans une réforme qui était souhaitée, attendue, mais on doit se questionner quand on voit une réforme si souhaitée et attendue déposée de façon complètement improvisée, complètement décousue, et une réforme qui est déposée et qui est passée à travers le monde municipal à coups de menaces.

La toile de fond de cette réforme, M. le Président, quand on s'élève puis qu'on regarde tout ça, l'élément conducteur, c'est que les municipalités doivent marcher dans le projet du gouvernement à la menace d'une fusion forcée, à la menace de faire disparaître leur municipalité, à la menace de dire au citoyen: Toi, pas un mot sur la game! Toute la réforme est basée sur la menace. D'ailleurs, plusieurs élus à qui j'ai parlé le disent candidement: Ah! bien, dans le fond, c'est juste une petite façon de faire, tout le monde, travailler ensemble. On va leur mettre une bonne menace sur la tête, puis ça va aller bien comme ça. Ils vont s'asseoir à la table, puis on va discuter.

Pour nous, M. le Président, ce n'est pas une façon de gérer le Québec, à coups de menaces. Et on doit avoir une réforme passablement faible, que la seule façon de la faire passer, c'est de menacer les municipalités. Il faut avoir une réforme passablement contestée pour que la seule façon de la faire passer, c'est avec des menaces. Et il faut avoir une réforme passablement tordue pour utiliser seulement 25 jours à l'Assemblée nationale, en fin de session, au mois de juin, pour passer ce projet de loi, notamment le n° 124, qui a pour but de faire taire les citoyens du Québec.

(10 h 20)

Pour nous, M. le Président, il est clair – et je tiens à être limpide là-dessus – qu'une réforme du monde municipal s'imposait. Cette réforme devait débuter avec un véritable pacte fiscal, un pacte fiscal qui respectait l'autonomie municipale, qui ne prenait pas la taxe sur le gaz et l'électricité, qui ne disait pas, comme un voleur dirait... Ça fait quatre fois qu'il dévalise le dépanneur, et, la cinquième fois, il lui dit: Regarde, là, ça fait quatre fois que je te vole. Mais, au lieu de te voler 100 $, cette fois-ci je vais juste t'en voler 80. Tu devrais te réjouir!

Ce n'est pas comme ça qu'on fait une réforme fiscale, M. le Président. Pour nous, cette réforme devait être guidée par six principes fondamentaux, six. Et, nous, on a écrit à tous les maires du Québec, à toutes les unions municipales, et on leur a expliqué notre façon de voir l'avenir des municipalités au Québec. Il y a six principes, et je me permets de vous les énumérer, M. le Président.

On pense qu'il faut prôner et favoriser l'autonomie du monde municipal, reconnaître leur rôle, M. le Président, et libérer les mains des élus afin qu'ils gèrent réellement le destin de leur municipalité. Ça, ça veut dire que les citoyens doivent avoir leur mot à dire.

Une fiscalité juste – j'en ai parlé. Il faut permettre notamment une diversification des sources de revenus. La ministre va sûrement dire: Oui, oui, mais c'est dans l'entente. Oui, c'est dans l'entente, peut-être. Premièrement, il faut l'avoir, l'entente; deuxièmement, il faut que les unions l'acceptent; mais surtout, troisièmement, enlever la menace de la TGE qui est enlevée. Alors, ce n'est pas véritablement une entente, c'est quatre vingt-cinq sous de la poche gauche pour la poche droite. Ça ne change rien au grand portrait du monde municipal.

Respecter l'identité locale. Contrairement à la ministre, là, nous, on pense qu'il y a un rôle à jouer pour les municipalités partout au Québec. Puis on n'a pas fait deux genres de municipalités. Il n'y a pas des bonnes municipalités puis des pas bonnes municipalités, puis il n'y a pas des bons élus puis des pas bons élus. Pour nous, un élu, ça mérite le respect. Ça a mérité d'ailleurs le respect de leurs citoyens qui les ont élus. Bien, ça mérite le respecte de l'Assemblée nationale également.

Et ce n'est pas en les traitant de créatures qu'on va susciter un respect de nos élus du Québec, qui, soit dit en passant, font un travail colossal pour le développement de l'ensemble du Québec, font un travail de terrain souvent très peu rémunéré, font un travail de bénévolat, d'action sociale, d'action communautaire. Et on doit valoriser ce travail plutôt que de le dénigrer, on doit l'encourager plutôt que de l'assommer. C'est ça, comment on doit développer le Québec, c'est avec un respect mutuel, pas au détriment de l'un et de l'autre.

Il faut simplifier nos structures, M. le Président. Il ne faut pas créer, comme le gouvernement s'apprête à le faire, une structure par-dessus l'autre et par-dessus l'autre, puis tout le monde reste là. Il y a beaucoup de structures, et on ne s'en démêle pas.

Il faut améliorer toujours la question du service au citoyen et en fonction aussi des taxes qu'il paie. Il faut que le citoyen soit au coeur de cette réforme, M. le Président, non seulement parce que c'est lui qui paie, c'est lui qui utilise les services et c'est lui qui doit décider notamment de l'avenir de sa collectivité.

Alors, M. le Président, lorsqu'on regarde justement le citoyen, eh bien, c'est le grand perdant du projet du Parti québécois. Le citoyen justement est le grand perdant tant au niveau économique... Parce que, jamais, la réforme qui est proposée, la ministre n'a été capable de dire: Vous, là, citoyens du Québec, dans votre salon, là, qui est dans une maison à quelque part au Québec, avec ma réforme, vous allez payer moins d'impôts fonciers. Jamais elle n'a dit ça, jamais le premier ministre n'a été capable de dire ça.

Au contraire, avec les dispositions qui existent présentement, avec le fait que le gouvernement a refusé de moderniser le Code du travail afin de permettre notamment plus de marge de manoeuvre aux élus, ce qu'on va ramasser, c'est sûrement des factures supplémentaires pour les gens du Québec, encore plus de taxes.

Mais ça, c'est dans la tradition du Parti québécois. Et la grande différence: pour nous, la préoccupation, c'est le citoyen; pour le Parti québécois, le citoyen est relégué aux oubliettes non seulement au niveau économique, mais aussi au niveau démocratique. Quand on dit aux citoyens que ce n'est pas important, leur opinion, ah bien, il faut faire un grand pas de démocratie pour se rendre jusque-là. Hein, il faut se préoccuper vraiment pas de l'opinion du monde quand on est rendu à leur dire: Ce n'est pas grave, ce que tu penses, je m'en fous, je vais décider de toute façon.

Je terminerai, M. le Président, là-dessus. Particulièrement pour la région de Québec, comment la ministre peut-elle prétendre être à l'écoute, comment un gouvernement peut prétendre être à l'écoute des citoyens quand on voit que 92,3 % des 42 172 électeurs qui se sont prononcés sur cette question de fusions forcées, quand plus de 90 % de 42 000 électeurs disent: Non merci, on veut avoir un droit au chapitre? On n'est pas contre les fusions; les citoyens ne disent pas ça. On n'est pas contre les fusions, mais on est contre le fait que ce soit une fusion forcée, et ça, c'est notre position. On n'est pas contre les fusions, M. le Président, mais on est contre le fait qu'on ne puisse pas en débattre. On est contre le fait que ce soit imposé d'en haut. Nous, l'objectif premier, c'est de redonner la parole aux citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole... Merci, Mme la députée. Alors, nous allons maintenant céder la parole à Mme la ministre des Affaires municipales. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, le député de Hull a choisi de nous répéter, en abrégé cependant, heureusement, l'essentiel des deux heures d'interpellation que nous avons connues vendredi dernier.

Je rappelle brièvement – peut-être l'ignore-t-il toujours – que j'ai déposé ici même, à cette Assemblée, hier, le pacte fiscal qui a été adopté à l'unanimité du bureau de direction et du conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec et qui a d'ailleurs été soumis favorablement à ses assises lors de la plénière de fin de congrès.

M. le Président, je m'inscris en faux quant aux propos démesurés du député de Hull à l'égard de la contribution municipale à l'atteinte du déficit zéro, au Québec, qu'il appelle un vol. M. le Président, ce sont là des propos qui n'honorent pas cette Chambre, d'autant plus que c'est lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, en octobre 1996, qu'un immense effort a été convenu à l'unanimité des parties présentes, y incluant le chef de l'opposition libérale de cette époque, et c'est donc, M. le Président, des contributions qui auront permis au Québec de mettre fin à des décennies d'endettement qui pesait très lourd dans notre capacité de développement.

À ce compte-là, je voudrais saluer la contribution des députés et ministres à l'atteinte du déficit zéro. C'est donc une coupure annuelle que nous nous sommes imposée de 6 % en réduction de notre salaire, qui totalise bon an mal an 500 000 $ et qui a pu être ajoutée, puisque c'est les sacrifices que tout le monde a faits qui nous auront donc permis d'atteindre cet objectif recherché par l'ensemble de notre société. Et je rappelle que j'ai déposé hier l'essentiel de ce cadre de proposition fiscale convenu entre le gouvernement et le monde municipal, qui fera d'ailleurs l'objet d'une discussion de fond sur la répartition lors de la prochaine Table Québec-municipalités, le 5 juin prochain.

M. le Président, l'opposition libérale, ce matin, est vraiment égale au combat d'arrière-garde qu'elle mène depuis 20 ans en matière d'aménagement municipal et territorial. Ai-je besoin de rappeler dans ce salon bleu qu'il y a 20 ans, en 1970, l'opposition libérale de l'époque votait contre la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, avait voté contre la Loi de protection du territoire agricole, votait contre la création des MRC et s'engageait même à les abolir au moment où ils allaient être au gouvernement, ce qu'ils se sont bien gardés de faire, comme vous le savez maintenant. Ils ont aussi voté contre la création des centres locaux de développement, comme ils s'apprêtent à voter contre toute la réorganisation municipale, qui est pourtant attendue depuis très longtemps. Donc, ce combat d'arrière-garde est égal à celui qu'ils mènent depuis 20 ans, où ils sont passés à côté de la problématique territoriale au Québec.

(10 h 30)

Ce matin même, je recevais une résolution de la ville de Saint-Georges. J'en ai plusieurs, M. le Président. Ne craignez pas, je ne ferai pas lecture de toutes celles que je reçois. J'en ai fait un décompte ce matin. Notamment, je n'en lirai qu'une seule. Mais j'ai déjà reçu des résolutions favorables des villes de Joliette, de Marieville, de Mont-Joli, de Pierreville, également d'Amos, de La Pocatière, de Maniwaki, de Roberval, de Saint-Georges, de Trois-Pistoles, de Windsor et non pas seulement des grandes villes qui ont déjà fait connaître au chef de l'opposition comme au premier ministre d'ailleurs leur appui à la réforme municipale telle que dévoilée lors de la publication du livre blanc, le 25 avril dernier, et lors du dépôt des projets de loi. Évidemment, je fais référence à ces appuis qui sont venus de Chicoutimi, de Montréal, de Québec, de Sherbrooke, de Saint-Sauveur et de bien d'autres municipalités.

Alors donc, résolution, ce matin, que je reçois du conseil municipal de la ville de Saint-Georges qui signifie au premier ministre et à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole son profond désaccord avec la requête d'appuis sollicités par la Fédération québécoise des municipalités contre la réforme et pour le report de six mois de cette réforme et qui exhorte le gouvernement, et je cite, «à maintenir le cap sur les objectifs essentiels de la réorganisation municipale et qu'à cette fin le législateur québécois s'habilite ou habilite le ministère des Affaires municipales et de la Métropole à procéder où et s'il y a lieu à des fusions obligées». Voilà donc une résolution du conseil de ville de Saint-Georges.

Et, ce matin même, le journal Le Nouvelliste nous rappelle que, dans la MRC de Nicolet-Yamaska, lors d'un débat qui eut lieu, la MRC décida donc, relativement au projet de réforme municipale, de ne pas entériner le projet de résolution transmis par la Fédération québécoise des municipalités. Et je ne lis que quelques-unes des déclarations faites à cette occasion-là, notamment par le maire Gaudet, M. Pierre Gaudet, d'Aston-Jonction, qui dit ceci: «Si le monde municipal veut avoir une certaine crédibilité, il ne peut pas s'imaginer qu'on va faire face à des responsabilités sur la base du statu quo. C'est impossible, a-t-il dit, en exprimant l'avis qu'il y avait aussi des choses intelligentes de proposées dans le projet de loi n° 124 déposé à l'Assemblée nationale le 11 mai dernier.»

Le préfet, M. Daniel McMahon, qui est aussi maire de Nicolet et qui fut aussi, je crois, candidat de la même formation politique que l'opposition, ajoutait ceci, et je le cite: «Le problème qu'on rencontre, a enchaîné le préfet de la MRC, c'est que ça fait 30 ans que les gouvernements successivement ont essayé de mettre des éléments sur la table, et la réponse a toujours été la même sans que les élus municipaux ne proposent jamais autre chose. C'est là qu'est le drame, a-t-il dit, en soulignant que cette fois le gouvernement avait décidé de prendre le taureau par les cornes et de mettre quelque chose sur la table.» Et ainsi de suite.

Alors, M. le Président, ce matin je voudrais m'inscrire en faux, complètement en faux, et je crois que c'est de la désinformation, pour ne pas dire de la démagogie que l'on retrouve souvent en citation sur le fait que ce serait une entorse à la démocratie. M. le Président, la législation a déjà été modifiée par l'opposition libérale au moment où elle était au gouvernement en 1988, et cette législation, depuis 12 ans, sans que cela ne suscite aucune indignation de la part ni de l'opposition ni du monde municipal, contient déjà les dispositions qui prévoient d'écarter la consultation des citoyens lors d'un regroupement.

La loi est ainsi faite, la loi actuelle, celle qui prévaut depuis 12 ans, elle est ainsi faite que c'est par résolution du conseil de ville seulement qu'un regroupement peut être décidé. Et cette résolution, bien évidemment, doit toujours être transmise pour qu'il y ait un décret du gouvernement, parce que c'en est ainsi au Québec, comme au Nouveau-Brunswick, comme en Nouvelle-Écosse, comme au Manitoba, comme partout, ici et ailleurs dans le monde. C'est ainsi fait que les municipalités ne sont pas des républiques et qu'elles ne peuvent pas décider de leur sort en s'autodéterminant. Cela est ainsi, M. le Président, parce qu'il s'agit d'une forme d'organisation territoriale qui peut évoluer avec le temps.

Alors donc, M. le Président, c'est tellement vrai, ce que je vous dis, que je vais vous donner un exemple. Ce sont donc des citoyens de la municipalité de Lanoraie-d'Autray, donc des citoyens qui, par un référendum tenu sur ce regroupement éventuel avec Saint-Joseph-de-Lanoraie, décident à 57 % de favoriser un tel regroupement, qui n'eut pas lieu. Pourquoi n'eut-il pas lieu, M. le Président, suite à ce référendum de 1996? Pour la bonne raison que la législation qui nous gouverne depuis 12 ans, c'est une législation qui prévoit que c'est par résolution du conseil de ville seulement, évidemment toujours suivi d'un décret du gouvernement, et j'y reviendrai, parce que c'est là bien évidemment l'expression du bien commun. Le bien commun n'est pas la somme des intérêts particuliers, le bien commun n'est pas la somme des intérêts privés, M. le Président. Et c'est ici, au salon bleu, que se décide le bien commun, en démocratie.

Des voix: Bravo!

Mme Harel: Et je voudrais citer un ministre des Affaires municipales qui m'a précédée, M. Victor Goldbloom, qui nous a fait le bonheur, l'honneur d'être présent dans nos galeries il y a quelques jours maintenant, et qui a fait adopter dans cette Assemblée, en 1974, un projet de loi regroupant plus de 40 municipalités dans le Haut-Saguenay et dans l'Outaouais, dont Jonquière, Kénogami, Arvida, entre autres choses.

Et, M. le Président, je rappelle que ce que le député de Hull appelle des fusions forcées, ce sont des regroupements par législation. Ce sont des regroupements par législation qui ont eu lieu à maintes reprises dans le passé. Et j'y reviendrai, parce que ces regroupements ont lieu également dans d'autres législations au Canada.

Alors, M. Goldbloom, que disait-il? Ceci, je le cite: «Cette chose fondamentale est que le changement est toujours menaçant. Si l'on demande à une population de se prononcer d'une façon simple: Choisissez-vous le changement ou le statu quo? elle a tendance à dire: On est mieux de garder le statu quo. C'est une réaction bien humaine. Mais il y a beaucoup plus de nuances à apporter à cette question. Il faut savoir quel est vraiment l'intérêt supérieur et quelle est la formule qui peut être acceptée par une population. Je voudrais vous dire en terminant, ajoutait toujours M. Goldbloom, qu'à certains moments de l'histoire un gouvernement doit avoir une vision et doit prendre ses responsabilités pour la transformer en réalité.»

Des voix: Bravo!

Mme Harel: Alors, c'est donc dire, M. le Président, qu'il ne faut pas travestir la démocratie, il ne faut pas déguiser la démocratie. Et je réfère bien évidemment ici à un éditorial qui a été publié dans le quotidien La Presse du vendredi 5 mai et qui portait sur ces consultations que d'aucuns auraient voulu décisionnelles, alors que ces consultations menées par les municipalités ne peuvent être que consultatives dans l'économie générale de notre droit. Donc, cet éditorial s'intitule La démocratie à toutes les sauces . Et l'auteur, M. Roy, disait ceci, et je le cite: «Car la démocratie permet bien des choses, entre autres de défendre avec une légitimité apparente, et très efficacement si on sait s'y prendre, des intérêts, ajoutait-il, purement égoïstes.»

Et je reviens, M. le Président, à l'essentiel, l'essentiel étant que la démocratie ne peut pas consister à ignorer le sort de ses voisins. La démocratie... On n'est plus, n'est-ce pas, à Athènes ni à Sparte ni à Troie, on est dans une démocratie où c'est l'ensemble de l'intérêt commun qui doit être examiné, bien évidemment. Et on ne doit pas faire avec la démocratie de la démagogie.

(10 h 40)

Et donc, ces regroupements par législation sont-ils antidémocratiques? Puisque c'est là la question qui se pose parce qu'elle est posée par l'opposition qui le prétend, alors je voudrais simplement rappeler que notre voisine, la province de l'Ontario, adoptait en 1996 le bill 26, et ainsi, en fait, faisait droit à cette réforme municipale qu'elle avait déjà annoncée. La restructuration aura concerné la ville de Toronto, mais, actuellement, M. le Président, puisque c'est en cours maintenant, cette restructuration municipale rejoindra les régions de Sudbury, d'Ottawa– Carleton – il y a donc un regroupement en face même de la circonscription du député de Hull, un regroupement de 11 municipalités sur le territoire d'Ottawa–Carleton – également regroupement sur les territoires d'Hamilton– Wentworth et de Haldimand–Norfolk. Et donc, en 1999, le gouvernement ontarien adoptait à nouveau une loi portant sur la restructuration municipale dans les quatre régions que je viens de mentionner.

De plus, le Nouveau-Brunswick adoptait également, en 1992, une politique de renforcement des agglomérations urbaines et, à la suite des travaux qui avaient été mis en place, le gouvernement du Nouveau-Brunswick décidait d'adopter une loi favorisant le regroupement dans la région de Miramichi, de Madawaska, dans la région de Saint-Jean. Même expérience en Nouvelle-Écosse qui menait aussi d'importantes opérations de restructuration municipale formant un groupe de travail conjoint et mettant en place des recommandations qui étaient suivies par l'adoption d'une loi, en mai 1995, créant la Municipalité régionale d'Halifax couvrant un territoire assez large, M. le Président, et comptant une population de 350 000 habitants.

Alors, voilà des exemples de regroupements par législation qui se sont produits depuis les quatre, cinq dernières années. Des exemples de regroupements par législation, il y en a eu évidemment, comme je vous le mentionnais, notamment ici même, dans cette Assemblée, et avant que l'opposition libérale ne perde le sens de la Révolution tranquille qu'elle avait pourtant initiée. Et ces regroupements par législation ont parfois, oui, donné lieu à des oppositions, y compris jusque devant les tribunaux, et, à chaque fois, les tribunaux ont conclu à la compétence des législatures provinciales dans ce domaine, M. le Président. Alors, mon intention n'est pas de vous citer une très longue jurisprudence toujours dans le même sens, mais on voit bien que, dans ce domaine, M. le Président, il n'y a jamais eu de confusion, et c'est le cas non pas simplement depuis l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, mais bien avant, et tous les juristes consultés s'entendent sur cela.

Alors, de quoi s'agit-il, M. le Président, cependant? Et je ne voudrais pas prendre trop de temps, je ne sais pas, je voudrais que vous m'avertissiez...

Le Vice-Président (M. Pinard): Une heure.

Mme Harel: ...pour que je puisse laisser à des collègues qui veulent intervenir le soin de le faire.

Mais, M. le Président, de quoi s'agit-il? Faut-il pour autant faire des regroupements mur à mur? Il n'en est pas question. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais, à l'inverse, faut-il, comme le prétend l'opposition par une motion comme celle d'aujourd'hui, prétendre qu'il ne faut pas de regroupements par législation quand ils sont nécessaires? M. le Président, ce serait absurde d'abdiquer à notre responsabilité, ce serait absurde de renoncer à mettre en place les conditions de développement pour notre société. D'ailleurs, M. le Président, parmi les maires qui, dans la région de Québec, ont procédé à des consultations auprès de leurs citoyens et qui, sans doute, par leur présence, appuient aujourd'hui la motion du député de Hull, des maires, M. le Président, qui considèrent que des municipalités de moins de 5 000 habitants pourraient facilement être l'objet d'un regroupement par législation, mais qui ne considèrent pas que leurs municipalités, qui comptent un nombre d'habitants plus élevé, soient, elles, également impliquées dans de tels regroupements éventuels... C'est donc dire que la ligne de démarcation n'est pas sur le principe même. Alors, en général, la ligne de démarcation, elle est simple, c'est-à-dire qu'on voit toujours les regroupements pour les autres mais pas pour soi-même. Alors que, M. le Président, ce qui est en cause, c'est le caractère absolutiste de la motion du député de Hull.

M. le Président, je le répète: pas nécessairement des fusions, des fusions si nécessaire. Et le mécanisme mis en place par le gouvernement consiste justement à en faire un examen serein au sein des comités d'élus, accompagnés de mandataires, en l'occurrence M. Bernard, à Montréal, M. Lapointe, à Québec, et M. Grégoire, à Hull, également, donc un examen serein, en l'occurrence en confiant une nouvelle compétence pour ce faire à la Commission municipale du Québec à partir du 1er janvier prochain.

Ce qui est difficile à comprendre, c'est ceci: D'où vient cette volonté farouche de l'opposition, comme de certains maires, d'empêcher que ce débat ait lieu sereinement, cette volonté de fermer des discussions avant même qu'elles ne puissent commencer, comme s'il fallait sauter aux conclusions avant que les études ne soient réalisées? Quand on a vraiment l'intérêt à coeur de sa population, quand on a vraiment l'intérêt à coeur de ses contribuables, pourquoi refuser de discuter de l'opportunité d'un regroupement s'il s'avérait avantageux pour ses citoyens? Parce que c'est cela dont il s'agit.

Dans les dispositifs introduits, il n'est pas question de faire du mur-à-mur. Il n'y a pas de liste cachée, il n'y a pas d'agenda caché. Ce que le gouvernement a en tête cependant, c'est de réunir les conditions optimales de développement: développement économique, développement démographique, développement social, développement culturel. Pourquoi? Entre autres, parce qu'il y a une tendance lourde au Québec, qui est la décroissance démographique.

Dans les années que nous traversons, dans la grande région de Québec, il est prévu pour les 10 prochaines années une augmentation moyenne annuelle de 2 000 personnes, alors que les années subséquentes verront une augmentation de 200 personnes, annuellement, M. le Président. Dans ce contexte démographique, peut-on continuer comme maintenant à s'éparpiller sur un territoire, à se disperser sur un territoire de plus en plus grand, avec les équipements, les infrastructures que cela exige et les coûts de société que cela peut occasionner?

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je termine ici sachant que mes collègues qui me suivront... sachant pouvoir compter sur l'appui de tous mes collègues, autant du caucus que du Conseil des ministres.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Nous allons maintenant céder la parole au député de Limoilou. M. le député.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole à cette Assemblée pour discuter de la motion qui est déposée ce matin par mon collègue le député de Hull. Et j'aimerais la relire: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Au cours des deux dernières semaines, je suis intervenu, j'ai interpellé la ministre des Affaires municipales, en tant que critique de la capitale nationale, à plusieurs reprises, deux fois en période de questions dans les deux dernières semaines. J'ai fait un débat de fin de séance avec elle la semaine dernière. Mes collègues et moi avons fait une interpellation vendredi matin pour en appeler encore auprès de la ministre. J'interviens encore ce matin, M. le Président, sur cette motion qui est déposée, la motion du mercredi, à l'Assemblée nationale, parce que je trouve important...

La ministre a créé, dans la région de Québec, une impasse, une impasse totale. Et cette impasse, elle existe depuis le dépôt du livre blanc, parce que ce qu'on n'y retrouve pas, dans le livre blanc, c'est l'assurance d'une réduction de l'impôt foncier et des taxes municipales, c'est une véritable réforme de la fiscalité qui est plus juste et plus équitable, les modifications essentielles au Code du travail, la volonté de respecter et de travailler avec les élus municipaux. Ça, depuis le dépôt du livre blanc, on ne le retrouve nulle part.

(10 h 50)

Et je trouve que la ministre, dans la région de Québec, n'a pas bien écouté les maires de la région de Québec. Ces maires représentent près de 70 % de la population de la région de Québec. Elle a essayé une tentative. Il y a eu une rencontre, M. le Président, en date du 3 mai, avec les maires de la région de Québec. Parce que ce que les maires veulent, c'est discuter de la fiscalité de l'agglomération de la région de Québec et des équipements régionaux. C'est ça qu'ils veulent. Il y a eu une rencontre le 3 mai. Il est arrivé quoi? Il y avait une autre rencontre de prévue. Deux jours après, la ministre, le 5 mai, a écrit une lettre aux maires pour leur dire qu'il n'y en aurait pas, d'autre rencontre.

Le 8 mai, les maires de la région de Québec ont écrit à la ministre. Et je veux juste citer, M. le Président, deux paragraphes de cette lettre de trois pages qui est très claire et qui dit tout: «Comme nous l'avons dit mercredi le 3 mai, nous sommes prêts à vous répéter encore aujourd'hui: Oui, nous avons le désir de concourir à chercher des solutions aux problèmes existants au niveau de l'organisation municipale; oui, nous sommes prêts à discuter de fiscalité d'agglomération et des équipements régionaux. Nous avons cependant la même détermination quant au fait que vous devez d'abord assurer aux populations que nous avons l'honneur de représenter le droit de décider librement de leur avenir.» Et c'est ce que la loi actuelle dit, M. le Président. Mais j'y reviendrai tout à l'heure en comparant la loi actuelle et ce que la loi n° 124 va faire.

Donc, les ponts ont été coupés. Ils ont été coupés entre les représentants de la population, qui sont les élus, les maires de la région de Québec, et la ministre. Ils ont été coupés, M. le Président, parce que, lorsqu'on pose ici, du côté de l'opposition, la question au premier ministre et à la ministre: Quel va être le gain pour les citoyens? jamais on ne peut nous donner l'assurance... et la ministre ne connaît même pas le résultat. Pourtant – je vais prendre l'exemple de la région de Québec – il y a plus de 150 ententes administratives dans la région de Québec. Elles marchent bien, M. le Président, et les municipalités savent qu'il y a un gain pour les citoyens. La ministre, elle, veut faire des fusions, veut faire des regroupements, mais elle n'est pas capable de nous dire... Elle nous parle des études et des études, mais jamais elle ne nous donne l'assurance, ni le premier ministre, qu'il va y avoir un gain pour les citoyens. Y va-tu y avoir une réduction de taxes? Quels avantages vont en tirer les municipalités, les citoyens de la région de Québec? Elle n'est pas capable de nous le dire. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle s'est fixé comme objectif qu'elle va réduire le nombre de municipalités au Québec. Ça, on a compris ça. Ça, c'est clair, M. le Président.

La loi actuelle. Elle en parlait tout à l'heure, de la loi actuelle, M. le Président. Au fond, il en existe, une loi sur l'organisation territoriale. Et elle dit quoi? Que le processus de regroupement est initié par l'adoption par les conseils de chacune des municipalités d'un règlement autorisant la présentation d'une demande commune. Donc, les municipalités font, par entente, une demande commune. C'est l'article 85. L'initiative est laissée aux élus municipaux, M. le Président. Puis, toute personne qui veut contester ce regroupement-là peut s'adresser à la ministre et demander une consultation. Et la ministre peut décider, par référendum, d'aller écouter la consultation. Mais, si la ministre veut modifier ce regroupement-là, elle doit s'a-dresser aux municipalités, qui, elles, doivent faire appel à leur conseil. Ça, c'est une façon démocratique de faire les choses. Ça, c'est une façon de respecter les élus municipaux. Ça, c'est correct, c'est clair comme démarche.

Dans le cas d'une annexion, la loi prévoit quoi, M. le Président? Je vais vous nommer juste les articles, les articles 133 et 134: Quel que soit cet avis, le règlement d'annexion «doit être soumis à l'approbation des personnes habiles à voter du territoire visé par l'annexion». Donc, il y a une consultation. On est capable de vivre avec ça, les maires sont capables de vivre avec ça, tout le monde est à l'aise avec ça, M. le Président.

Mais il arrive quoi? Puis il est où, le problème? C'est que la ministre vient nous déposer la loi n° 124, M. le Président. Elle vient nous déposer la loi n° 124. Puis la loi n° 124, elle vient faire quoi? Au fond, elle vient changer totalement les règles du jeu parce que, là, l'initiative n'est plus aux municipalités. Le gouvernement, O.K., la ministre peut envoyer une lettre qui va demander aux municipalités de lui faire une demande. Voyez-vous? La démarche est totalement inversée. C'est la ministre qui va s'adresser aux municipalités en disant: Regroupez-vous, faites-moi une demande commune que vous voulez vous regrouper. Mais l'initiative vient carrément de la ministre. Ce n'est pas compliqué, l'article 125.2, c'est ce qu'il dit, M. le Président.

Puis là, s'il y a une des deux municipalités qui ne répond pas, il arrive quoi? Il arrive quoi, M. le Président? Bien là, la ministre va nommer un conciliateur. Toujours aux articles 125.2 et 125.3. Mais c'est elle qui va le choisir, c'est le gouvernement qui va le choisir. J'ai l'impression que ça va être un conciliateur pro-fusion qui, lui, va faire rapport à la ministre. Là, on n'a plus besoin de consulter la population. C'est le conciliateur qui va faire son rapport à la ministre. Puis là la ministre, elle peut faire quoi? Elle va arriver avec un décret sur la décision qu'elle va avoir prise. Pas les municipalités, pas la population, pas les citoyens, elle va décider.

Voyez-vous comment les règles du jeu ont été changées? On est passé d'une démarche qui venait des municipalités, approuvée par la population consultée, et là on vient dire maintenant: C'est la ministre qui va demander aux municipalités de lui écrire. On nommera un conciliateur puis on fera un décret après. Je lui ai dit, à la ministre, je me rappelle très bien, quand elle était dans l'opposition, elle avait un sens démocratique beaucoup plus élevé qu'elle l'a maintenant. Parce que, maintenant, la démocratie, on repassera, M. le Président.

Puis je vais vous dire, les municipalités de la région de Québec, M. le Président, ne se laisseront pas faire comme ça. C'est pour ça qu'elles ont décidé de consulter leur population. La ministre disait au début: Ah! le taux de consultation dans les trois premières municipalités, ça a joué à peu près à 10 %. Hop! ça a monté à 20 %, 30 %, 50 %. Puis ce qui est drôle, c'est que plus le taux de participation a été élevé, plus le taux contre les fusions a été élevé. Que la ministre ne vienne pas nous dire que le taux de participation, qui doit osciller maintenant dans une moyenne de 30 %...

La ville de Sainte-Foy où est le député de Louis-Hébert, M. le Président, le comté du ministre responsable de la Capitale, il ne défend pas ses électeurs, ni sa population, 91 % ont dit non. Dans la ville de Beauport – au moins, je vois le député de Montmorency qui est Chambre, il n'y en a pas beaucoup de la région de Québec – on a voté à 91 %, dans le comté du député de Montmorency, dans la ville de Beauport.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Limoilou, vous connaissez très bien votre règlement, vous n'avez pas à stipuler si les membres de la région de Québec sont présents ici, vous savez très bien qu'il y a des commissions parlementaires. Alors, veuillez continuer votre...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Sur la question de règlement. Il est permis de mentionner qu'un député est présent en Chambre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Il est permis de stipuler que le député de Montmorency est présent effectivement, mais, par contre, il est absolument interdit de stipuler s'il y en a d'autres qui sont absents ou pas.

Alors, M. le député de Limoilou, veuillez vous conformer au règlement et veuillez compléter votre intervention.

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: ...serait-il permis de rappeler au député de Limoilou qu'uniquement 50 % de la députation libérale de Québec est présente?

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader adjoint du gouvernement. Mme la députée de Rimouski, je vais seulement prendre l'intervention du leader adjoint du gouvernement. Ça va? Veuillez continuer.

M. Després: M. le Président, c'est bon de rappeler les résultats, puis je vais le faire, là. Dans la ville de Sainte-Foy, 91 % des gens ont dit non. Ça, c'est dans le comté de Louis-Hébert, du ministre responsable de la Capitale. Dans la ville de Beauport, ils ont dit non à 91 %. C'est dans le comté du député de Montmorency, M. le Président. Dans la ville de Charlesbourg, 94 % des gens ont dit non, dans le comté du député de Charlesbourg. Dans le comté de Chauveau, il y a quatre municipalités qui se sont prononcées: Val-Bélair a dit non à 82 %, Loretteville à 84 %, Lac-Saint-Charles à 95 %, Saint-Émile à 96 %.

Là, vous êtes dans l'erreur, M. le député d'Abitibi. Je vois que le député est dans l'erreur.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Limoilou, s'il vous plaît, je vous prierais de vous adresser à la présidence pour compléter votre intervention. Vous n'avez pas à discuter avec personne en cette Chambre, sauf avec le président.

M. Després: Vous avez raison, M. le Président, mais, quand le député d'Abitibi intervient dans le débat alors qu'il est supposé écouter...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Limoilou, je vous prierais de travailler à titre de député et de laisser le président effectuer sa tâche. Alors, je vous écoute.

(11 heures)

M. Després: Je vous demande juste, M. le Président, d'appliquer le règlement et de voir à ce qu'il y ait seulement un parlementaire qui intervient à la fois.

C'est parce que, regardez, M. le Président, là, dans le comté de ville Vanier, 97 % des gens ont dit non. Dans l'Ancienne-Lorette, 98 % des gens ont dit non, qui est dans le comté de La Peltrie. Et on me disait tantôt: Les taux de participation. La moyenne des taux de participation est rendue à près de 30 % – parce que cela variait entre 8 % et 50 % de participation – et plus le taux de participation est élevé, plus les gens ont refusé les fusions municipales. Ce que j'espère, M. le Président, c'est que les députés concernés dans la région de Québec vont être ici au vote tout à l'heure, vont être capables de bien voter. Et j'espère qu'ils voteront contre les fusions forcées que la ministre va appliquer avec le dépôt de sa loi. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons céder maintenant la parole au député de Richelieu. M. le député.


M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. Je pense, et à l'intention de la population qui nous écoute, qu'il est bon de rappeler, au début de cette intervention, que la ministre des Affaires municipales, dans toute la démarche qu'elle a entreprise et qu'elle soutient avec vigueur pour redonner au Québec un monde municipal qui reflète vraiment nos ambitions et la volonté de bien gérer le Québec, a l'appui entier du caucus du Parti québécois. Et je pense que c'est important que les gens le sachent.

M. le Président, si j'interviens aujourd'hui, c'est à double titre, d'abord parce que je pense que j'ai un comté qui représente, qui est assez représentatif de ce que plusieurs comtés du Québec sont, à la fois rural et urbain. Et je veux vous parler des deux expériences vécues au cours des dernières années à titre de député qui a des municipalités urbaines et des municipalités rurales.

Dans le premier cas, des municipalités urbaines, il s'agit évidemment de l'agglomération de Sorel-Tracy. L'agglomération de Sorel-Tracy, je le rappelle pour ceux qui l'ignorent, a été pendant très longtemps une région extrêmement prospère. Jusqu'à la fin des chantiers maritimes, il y a quelque 20 ans, jusqu'à la restructuration de la sidérurgie, c'était dans cette région qu'on trouvait le plus haut taux d'emploi et les plus hauts salaires au Québec. Mais cette région a été frappée de plein fouet par ces restructurations économiques et a dû y faire face. Et cette population s'est trouvée désemparée, démunie, sans les outils nécessaires pour faire face à cette nouvelle réalité, sans pouvoir se donner les moyens de retrouver la dignité par le travail, sans pouvoir se doter des moyens économiques qui redonneraient espoir aux jeunes de notre région. D'ailleurs, c'est l'une des seules régions qui connaissent une décroissance démographique, en fait la seule en Montérégie qui par ailleurs est, vous le savez, extrêmement prospère.

M. le Président, pendant des années, les municipalités ont vécu largement de querelles, de chicanes de clochers, d'oppositions. S'il y a une région au Québec où la culture profonde de la population les amenaient à se diviser, c'est bien la nôtre. Et ces divisions ont eu des résultats tragiques: incapacité de vraiment se doter d'un commissariat industriel pendant des années; incapacité de se doter d'instruments communs qui permettaient de rendre des meilleurs services à la population; incapacité de se doter d'un plan de reconversion; incapacité d'envisager l'avenir avec confiance et d'entraîner la population vers les virages nécessaires.

En se faisant confiance, la population de Sorel-Tracy a vu tout à coup, depuis un an, les voies de l'avenir à nouveau s'ouvrir. Et comment ça a été possible? Ça a été possible parce que quelques facteurs se sont retrouvés regroupés en même temps. Premièrement, des gens d'affaires qui ont décidé de faire confiance une dernière fois à leur région, de donner une dernière chance à leur région, de se regrouper et d'entreprendre le difficile combat de persuasion auprès de la population, auprès des élus, auprès de tous les organismes.

Ces gens-là, nous les avons aidés, et je dois rendre hommage à la ministre actuelle des Affaires municipales qui, dès son entrée en fonction, dans les premières semaines de son entrée en fonction, a pris tous les moyens pour aider ces groupes à faire une chose que l'opposition oublie: des citoyens informés par des études objectives sont des citoyens qui peuvent porter des vrais jugements; des citoyens entraînés par la démagogie sans information sont des citoyens qui sont démunis et qui ne peuvent donner aucun jugement.

Grâce à ces études menées sérieusement, faites avec rigueur, les citoyens de Sorel-Tracy ont pu s'engager avec confiance vers l'avenir, et aujourd'hui nous assistons, après quelques difficultés d'ajustement, à un remarquable travail d'équipe qui déjà porte fruit. Et tout cela a dynamisé notre région, a fait en sorte qu'on a pu se doter, au cours des derniers mois, d'un plan de relance. On a vu d'ailleurs le ministre des Finances se lever dans cette Chambre pour donner son appui concret, il y a quelques semaines, à ce plan de relance. Ça, c'est la partie vécue depuis deux ans, concrètement, dans un milieu urbain, où il a fallu forcer la situation, débloquer une situation que les empires municipaux, les baronnies municipales bloquaient depuis très longtemps. Il a fallu que les citoyens puissent se prendre en main, fassent faire eux-mêmes les études, pour arriver au résultat que nous avons aujourd'hui.

Maintenant, nous avons aussi, dans mon comté, d'autres situations, comté, je vous l'ai dit, urbain, à l'embouchure du Richelieu, et rural, le long du Richelieu et de la rivière Yamaska. Prenons le cas des municipalités de Yamaska. Pour ceux qui n'ont pas encore visité mon beau comté, je vous incite à le faire: à l'embouchure de ces deux rivières, avec les 103 îles du Saint-Laurent, à l'embouchure du lac Saint-Pierre, un pays absolument magnifique. Eh bien, si vous allez à Yamaska aujourd'hui, il y a trois municipalités. Je vous rappellerai peut-être, vous savez, ce voyageur, un jour, qui voulait tester la capacité des Japonais à donner des renseignements extrêmement précis. Il était allé à l'aéroport de Tokyo, il avait demandé un billet de retour pour Yamaska, et la réceptionniste japonaise, qui n'a pas été désemparée, lui a demandé: Yamaska-Est ou Ouest?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Simard (Richelieu): Au-delà de cette blague, M. le Président, vous aurez compris qu'il y a trois Yamaska: 1 800 personnes, trois municipalités. Il y a des maisons, hein... Je connais quelqu'un qui a deux voisins qui appartiennent à des municipalités différentes. Trois municipalités parfaitement intégrées sur un même territoire: une rue d'un côté, trois maisons d'un bout, trois municipalités. Ce n'est pas nouveau, il y a déjà eu huit commissions scolaires à Yamaska. C'est un milieu, comme ça, qui poussait chaque famille à se doter d'une municipalité et d'une commission scolaire.

Eh bien, essayez aujourd'hui de débloquer cette situation. Dès qu'un conseil municipal vote une résolution demandant une étude, le conseil de la municipalité voisine, c'est-à-dire qui se réunit dans la même salle le lendemain soir, le conseil décide: Puisque c'est la volonté impérialiste de Saint-Michel, donc nous changeons d'avis et nous ne demanderons pas d'étude. Vous voyez bien que la situation est parfaitement bloquée, qu'il n'y a pas de possibilité, au Québec, de débloquer toute une série de situations sans faire appel à des mesures nouvelles.

En plus, il faut bien le dire, les mesures de financement du ministère des Affaires municipales et du gouvernement du Québec favorisaient jusqu'à maintenant une telle situation en morcelant les subventions, en faisant en sorte que les petites municipalités avaient accès en fait à plus de subventions que les municipalités de taille plus importante. On se retrouvait à encourager le morcellement du territoire.

Lorsque les libéraux, qui n'ont comme toute politique, dans ce domaine extrêmement important pour l'avenir du Québec, où les concurrents des municipalités, maintenant, ce ne sont pas les villes voisines mais des villes situées aux États-Unis, des villes situées en Europe, des villes situées en Asie... Les libéraux, qui n'ont comme politique, comme toute politique, que cette motion qu'ils nous présentent aujourd'hui tentant d'interdire toutes fusions forcées, ces libéraux sont-ils en train de nous dire que le meilleur moyen de gérer Yamaska, de réaliser l'identité yamaskienne, c'est d'avoir trois municipalités sur un territoire de 1 800 de population? C'est de l'aberration à sa face même.

Tout ce qu'ils trouvent à dire, tout ce qu'ils trouvent à nous présenter comme programme politique pour faire face à la réalité québécoise, M. le Président, c'est de nous dire: Il ne faut pas bouger. C'est le conservatisme. C'est facile, on s'appuie évidemment sur tous ceux et celles qui veulent le maintien des situations antérieures. Ils s'appuient sur l'ignorance, ils refusent qu'on fasse des études et ils refusent que les études soient faites. Ils sont en faveur des référendums bidons, des référendums sans information, des référendums où 20 % de la population va voter. Ça, ils sont bons pour ça.

(11 h 10)

M. le Président, c'est avec beaucoup de sérénité que le caucus du Parti québécois, la majorité ministérielle, derrière une ministre qui a de la vision, derrière une ministre qui se rend compte qu'il y a un défi, qui n'a pas pris la voie de la facilité – la voie de la facilité, c'est de suivre toutes les démagogies – qui a décidé de faire face aux vraies difficultés, de nous présenter un projet réaliste qui tienne compte de la volonté de la population mais aussi de la volonté de la population de progresser, de se doter de services qui sont à la hauteur des attentes de la population, de se doter de gouvernements municipaux qui permettent à ces populations de prendre en charge leur avenir... M. le Président, je pense que nous sommes très fiers du livre blanc, et nous attendons beaucoup des réalisations au cours des prochains mois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant céder la parole, pour la poursuite de notre débat, à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'aimerais à mon tour intervenir sur cette motion de mon collègue le député de Hull: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Mais auparavant, M. le Président, vous me permettrez de faire quelques commentaires sur l'intervention de mon collègue le député de Richelieu qui vient de s'époumoner devant nous pour mépriser les élus locaux de sa région, qu'il dit. Je ne sais pas de quelle région il parle, je sais qu'il vit dans l'Outaouais, que son comté est dans la Montérégie, mais la région de la Montérégie, dont je suis responsable, ne se reconnaîtra pas du tout dans ses propos, M. le Président, pour une raison toute simple. L'exemple qu'il a donné de Sorel-Tracy en soi est l'exemple concret de ce que l'opposition officielle dit en matière de fusions municipales: on veut qu'elles soient volontaires, on veut qu'elles soient l'émanation du milieu.

Je voudrais lui donner un autre exemple, M. le Président, également concret, d'une fusion volontaire avec laquelle l'opposition officielle a été entièrement d'accord et sur laquelle nous nous sommes prononcés, et, comme par hasard, elle se passait également en Montérégie, la région dont le député vient de parler. Il s'agit du fameux projet de loi n° 194 déposé par mon collègue le député de Richelieu et sur lequel, nous, de l'opposition officielle, on s'est exprimé en faveur et qu'on a appuyé. Pourquoi, M. le Président? Parce que c'était un projet de loi qui souscrivait au principe d'une fusion volontaire.

Alors, M. le Président, aujourd'hui je voudrais une bonne fois pour toutes dire à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et à ses collègues d'arrêter d'induire la population en erreur en disant que l'opposition officielle plaide pour le statu quo. M. le Président, notre position est claire: nous sommes contre les fusions forcées mais pour les fusions volontaires et pour toutes sortes de modalités qui font en sorte qu'il y a des regroupements de services et des ententes entre municipalités. Pourquoi est-ce qu'on est contre les fusions forcées? Parce qu'il faut se garder de faire du mur-à-mur. Les municipalités ont des réalités différentes. Lorsque la volonté émane du milieu, de la population, des élus, nous, on est là pour les appuyer, on est là pour les accompagner.

J'ai à cet effet moi-même assisté il y a deux ans à un congrès de l'Union des municipalités du Québec, qui a eu lieu à Montréal, et j'ai écouté pendant deux heures de temps un débat entre les élus sur cette question de fusions. J'ai pu me rendre compte qu'à travers le Québec il y a des maires, il y a des conseillers municipaux qui se rendent compte que l'intérêt de la population qu'ils représentent est dans les fusions et ils y travaillent, M. le Président, de façon volontaire. Mais ce qui est devant nous, c'est une volonté entêtée d'un gouvernement qui veut imposer des fusions forcées aux élus municipaux et à la population.

Il faut savoir que la fusion n'est pas une fin en soi, ce n'est pas une solution miracle. Il faut toujours garder à l'esprit les six paramètres que le chef de l'opposition d'ailleurs a jugé utile de faire parvenir, dans une lettre en date du 14 avril dernier, aux maires et mairesses du Québec.

Quels sont ces paramètres? Le chef de l'opposition, M. Jean Charest, dit, dans sa lettre du 14 avril: «Au Parti libéral du Québec, six principes fondamentaux sous-tendent cet énoncé et guident nos actions: 1° l'autonomie du monde municipal – en affirmant que le Parti libéral du Québec reconnaît l'autonomie du monde municipal, c'est une avancée et non pas un statu quo; 2° le respect du citoyen – le citoyen doit demeurer maître du processus démocratique quand il est question de l'avenir de sa municipalité; 3° le respect de l'identité locale; 4° une fiscalité juste; 5° simplification des structures; et 6° amélioration des services à la population.» Voilà, M. le Président, des paramètres clairs qui plaident en faveur des fusions volontaires et qui démontrent pourquoi est-ce que l'aile parlementaire libérale n'est pas pour les fusions forcées.

Il faut également se garder à l'esprit que le principe fondamental qui doit commander notre réflexion, c'est d'offrir les meilleurs services au meilleur coût, le plus près possible de la population. Donc, tout projet de fusion doit se baser sur des études qui démontrent que les citoyens y gagnent au plan économique et en termes de qualité de services. Or, la ministre des Affaires municipales et de la Métropole reconnaît elle-même qu'elle n'a pas d'étude à l'appui des hypothèses qu'elle veut imposer par force de loi.

Deuxième principe important, M. le Président: il faut respecter la démocratie locale. La démocratie locale est à la base de la démocratie. Il faut prendre acte de la volonté populaire de la population au lieu de la dénigrer, comme le fait le gouvernement qui est devant nous. Pourquoi ne pas faire confiance aux citoyens? Ils sont mieux placés que le gouvernement pour savoir où se trouvent leurs intérêts.

Troisième élément, il faut respecter l'autonomie des municipalités. Ces dernières sont certes des créatures du gouvernement, mais les élus locaux sont imputables devant la population. Ils n'ont pas été élus pour opérationaliser des fusions forcées, imposées par le gouvernement péquiste. Ils sont obligés, dans ce processus, de revenir devant la population, devant les citoyens pour les consulter. Or, le gouvernement refuse de reconnaître le résultat de ces consultations, bien qu'il soit extrêmement significatif en termes de pourcentage de votes très élevé contre les fusions forcées.

Quatrième élément, M. le Président, l'un des enjeux majeurs des fusions forcées, surtout en ce qui a trait à la région du Grand Montréal, est la fiscalité d'agglomération. Or, pour porter mon chapeau de députée de la rive sud, donc de députée de la banlieue, la population est très inquiète par rapport, entre autres, à la fiscalité d'agglomération.

Je voudrais vous citer un texte, M. le Président, du Devoir du 15 mai dernier, intitulé Une facture de 66 millions pour les banlieues , un article signé par Mario Cloutier, où on peut lire: «Québec envisage de faire payer une partie des coûts d'équipements régionaux, comme le Biodôme, le Jardin botanique, le Planétarium, l'Insectarium, le centre Claude-Robillard et le Cosmodôme aux banlieues dans le cadre de la réorganisation municipale en cours. Il s'agit de dollars correspondant aux coûts de ces équipements à caractère supralocal.»

(11 h 20)

M. le Président, la population de la rive sud est assez préoccupée par cette question de la fiscalité d'agglomération. Et il faut se garder aussi à l'esprit que l'équité fiscale est au coeur de tout le débat sur lequel on est en train de discuter.

Je vous donnerai également un exemple, juste pour illustrer. Il y a deux ans, ce même gouvernement a imposé la fusion des commissions scolaires. En imposant la fusion des commissions scolaires, on nous a dit qu'il y avait des économies d'échelle. Dans la MRC de Champlain, où se trouve mon comté, on avait quatre commissions scolaires qu'on a fusionnées en une. Le résultat, deux ans après: il n'y a pas d'économies, la qualité des services a dégringolé, les parents sont insatisfaits du système d'éducation et on a éloigné le processus décisionnel des écoles de quartier.

Tout ça pour vous dire, M. le Président, que oui pour les regroupements de services, oui pour les ententes intermunicipales, mais non aux fusions forcées que ce gouvernement veut imposer aux municipalités mur à mur et à la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous allons maintenant céder la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Claude Cousineau

M. Cousineau: Merci, M. le Président. En ce qui concerne la motion qui a été déposée par l'opposition officielle, par le député de Hull, nous sommes conviés par ce dernier, à la lecture de cette motion, à retomber dans l'immobilisme, voire même presque le statu quo, en ce qui concerne la nécessaire restructuration municipale.

Tous et toutes s'entendent pour dire que le Québec a un retard de plus de 30 ans en ce qui touche le rajeunissement, le rafraîchissement, la rationalisation des structures municipales. Même, certains grands penseurs, certains gourous du Parti libéral du Québec demandent des changements et spécifient clairement que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et mettre en place un cadre législatif qui conduira à des regroupements par législation dans les plus brefs délais.

M. Ryan, éminence grise du parti de l'opposition, disait que nous devions cesser de tourner en rond et que c'est au gouvernement à prendre ses responsabilités. Je me dois de citer M. Ryan. Celui-ci disait dernièrement à un journaliste de La Presse , et je cite: «Je suis d'avis qu'après des années de tergiversations le temps est venu d'agir dans ce dossier et que seule une intervention de Québec peut permettre de le faire efficacement et dans des délais raisonnables.» M. Ryan est allé encore plus loin en disant que «le volontarisme en matière de fusions que défend encore avec acharnement le chef de l'opposition, Jean Charest, avait fait preuve de ses limites».

Les élus municipaux, M. le Président, ont eu l'occasion, depuis 1996, suite au dépôt de la politique de regroupement des communautés locales, de faire progresser cet important dossier. Malheureusement, beaucoup d'entre eux n'ont pas donné suite et se sont cachés derrière de fausses raisons. Ils donnent raison, par leur inaction et leur immobilisme, à tous ceux, et j'en suis, qui pensent que le volontarisme en matière de regroupements est utopique et que certains élus profitent de cette ouverture pour se traîner les pieds.

Des études de faisabilité de regroupements ont été déposées durant les dernières années. Nombreuses sont celles qui démontrent clairement les avantages pour les citoyens et les citoyennes dans le regroupement et le renforcement de leur communauté naturelle. Malheureusement, certains conseils municipaux ont tout simplement décidé de ne pas y donner suite, voire même, dans certains cas, de ne pas en informer leurs contribuables.

M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que ces nouvelles orientations, ces changements nécessaires pour un développement rationnel du territoire québécois sont attendus depuis maintenant de nombreuses années. Nous sommes considérablement en retard. Nous avons, au Québec, plus de 1 300 municipalités pour 7 millions de population, tandis qu'en Ontario, pour 11 millions de population, il y en a 537.

M. le Président, nombreux sont ceux et celles qui, dans le monde municipal, supplient le gouvernement d'agir par législation. J'ai cité auparavant M. Claude Ryan, ancien ministre des Affaires municipales dans le gouvernement libéral des années 1990 à 1994. Je peux vous en citer d'autres, comme, par exemple, M. Jacques Brisebois, préfet de la MRC Antoine-Labelle, maire de Mont-Laurier et représentant des 63 villes de services, villes de centralité.

M. Brisebois disait récemment à la ministre: «Madame, j'applaudis à la relance de la réorganisation municipale que vous avez amorcée. Je sais qu'il s'agit d'un défi de taille et je vous souhaite que les résultats soient les plus complets possible parce que je suis certain, convaincu, qu'il faut placer le Québec dans une dynamique de perspective qui ne fera qu'accroître sa capacité de développement. En terminant, Mme la ministre, je salue votre détermination et vous souhaite, comme je nous souhaite à tous, d'avancer enfin vers des façons de faire modernes, efficaces», de dire M. Brisebois.

M. le Président, le gouvernement a la responsabilité de faire aboutir les dossiers qui piétinent, qui freinent le développement et le progrès, et ce, dans l'intérêt de la collectivité québécoise. Il faut, par une bonne pédagogie, faire comprendre à la population que l'intérêt de l'ensemble d'une communauté naturelle doit primer sur les intérêts des sous-groupes ou de certains individus qui ont soif de pouvoir.

Dans une lettre du maire de Sherbrooke adressée au chef de l'opposition officielle, M. Jean Charest, M. Perrault dit, concernant le dossier des fusions, et je le cite: «J'ai été surpris de votre position à ce sujet, qui ne reflète en rien à mon point de vue la position des villes-centres, une position que je défends comme maire de Sherbrooke depuis cinq ans. Il faut absolument que le gouvernement du Québec donne les outils nécessaires aux villes-centres pour qu'elles deviennent des agglomérations fortes, capables de faire face à la concurrence interrégionale et mondiale. D'ailleurs, les six grandes villes-centres et les 25 villes dites de centralité ont signé une déclaration conjointe demandant au gouvernement d'agir sans tarder en publiant son livre blanc et en adoptant les lois devant concrétiser la réorganisation municipale, et ce, dès 2001», de dire M. Perrault.

En terminant sa lettre au chef de l'opposition, le maire de Sherbrooke précise ce qui suit, et je cite: «J'ai eu l'occasion d'assister au dépôt du livre blanc de la ministre Harel, le mercredi 25 avril 2000, en compagnie de mes collègues des six villes-centres, des 25 villes d'agglomération et des 63 villes de centralité. De façon unanime, nous avons approuvé la démarche du gouvernement dans ce dossier. Depuis longtemps déjà, des gestes concrets auraient dû être posés.»

M. le Président, voter en faveur de la motion présentée par le député de Hull aujourd'hui, c'est renoncer à prendre nos responsabilités, c'est renoncer à amorcer une véritable réforme, c'est redire aux élus: Voilà, faites-nous des propositions; nous attendrons, nous agirons plus tard, peut-être, en sachant très bien que certains préfèrent ne rien faire et attendre que le train passe. M. le Président, j'invite le député de Hull à relire la lettre qu'il a reçue du maire de Saint-Georges de Beauce, M. Roger Carette. Ce dernier lui servait les mêmes remarques que celles contenues dans la lettre du maire de Sherbrooke.

Je demande aux députés de voter contre cette motion qui contribue, à la lecture de son libellé, à semer la confusion en faisant croire qu'il y va d'une politique mur à mur lorsqu'on parle de regroupements par législation, lorsqu'on sait très bien qu'il y a des situations au Québec qui demandent des interventions gouvernementales pour rétablir l'équité fiscale et permettre un sain développement culturel, social et économique de la communauté. Le gouvernement prendra, comme le demandent de nombreux intervenants du monde municipal, les moyens pour y arriver.

On nous parle souvent, du côté de l'opposition et chez certains élus municipaux, de démocratie. J'invite le député de Hull et les citoyens et les citoyennes qui nous écoutent présentement à lire attentivement à tête reposée l'éditorial de Mario Roy, dans La Presse du 15 mai 2000, intitulé La démocratie à toutes les sauces . Vous pourrez y découvrir des sons de cloche tout à fait différents de ceux que nous chantent sur la place publique quelques grands ténors et grandes sopranos du monde municipal qui ont soif de pouvoirs locaux en faisant fi du bien commun et des intérêts de l'ensemble de la communauté.

(11 h 30)

Je vous cite uniquement un petit passage qui dit: «La démocratie permet bien des choses, entre autres de défendre avec une légitimité apparente, et très efficacement si on sait s'y prendre, des intérêts purement égoïstes. Et, puisque nul non plus n'accepte jamais facilement d'être dépouillé de ses privilèges, les élus locaux n'ont aucune difficulté à rallier à leur cause des populations qui, installées loin des problèmes des centres-villes, disposent néanmoins de ressources n'existant que dans la mesure où existent ces centres-villes. La question se pose: Est-ce bien cela, la démocratie?

En terminant, M. le Président, il faut se rappeler et rappeler au député de Hull que les libéraux, lorsqu'ils étaient au pouvoir, ont à maintes reprises légiféré pour regrouper des municipalités au Québec. C'est curieux que, du côté de l'opposition, dans plusieurs dossiers, on voit le cure-dent dans l'oeil du voisin, mais on ne voit pas la poutre dans son propre oeil. Ils essaient de faire de la petite politicaillerie avec cet important dossier. Ils font la sourde oreille à ceux et celles qui les rappellent à l'ordre en leur disant que les changements sont nécessaires et urgents. Le gouvernement a le devoir d'agir. Le citoyen sera le grand gagnant de la réforme municipale. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Nous cédons maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, vous avez un temps de parole de neuf minutes.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. C'est un débat extrêmement intéressant auquel nous convie la ministre des Affaires municipales et c'est un débat qui est vieux à peu près comme le monde, ici, enfin le monde local. On a depuis de nombreuses années fait des fusions forcées ou non forcées au Québec. La ville de Montréal est tout de même le résultat de 22 annexions. Alors, quand on regarde la situation de Montréal, par exemple, et de la région de Montréal, on s'aperçoit que des annexions, il s'en est fait dans le passé, puis généralement elles se sont faites – très généralement – avec le concours des citoyens.

D'ailleurs, nous sommes en train d'en vivre une sur l'île de Montréal actuellement. Suite à un référendum, les citoyens de ville Saint-Pierre ont accepté de se fusionner aux citoyens de la ville de Lachine. Et je pense que c'est dans la norme des choses lorsque des citoyens de deux villes acceptent de s'annexer, acceptent de se fusionner parce qu'ils retrouvent, les uns et les autres, des points communs, des arguments qui font en sorte qu'ils souhaitent effectivement vivre ensemble. Ça a été le cas des citoyens de ville Saint-Pierre qui ont décidé de s'annexer depuis le 1er janvier de cette année aux citoyens de Lachine pour ne former qu'une seule ville.

Aujourd'hui, quand on regarde cette question-là, quand on fait allusion à des fusions qui seront probablement forcées au bout de la ligne, on est obligé de constater qu'on est en train, au Québec, de développer l'art de la révélation. Au Québec, on a 1 300 municipalités, puis on admet comme ça qu'on en a beaucoup trop. Si on regarde d'autres exemples de pays civilisés qui ont aussi regardé ce problème-là, on regarde, par exemple, la France ou les États-Unis qui sont encore plus près de nous, et puis on s'aperçoit qu'aux États-Unis, depuis les 20 dernières années, il y a 20 % de plus de municipalités qu'il y en avait il y a 20 ans. En France, bien, il y a un peu plus de 30 000 municipalités. Évidemment, la population est plus grande. Il y a beaucoup de petites municipalités. L'ancien maire de Paris avait été, avant d'être maire de Paris, maire de petite municipalité. On regarde ce que le maire de Corrèze est en train de devenir, ce sera peut-être le prochain maire de Paris. Et on n'a pas à s'étonner du fait que les petites municipalités soient dans le paysage.

J'écoutais les collègues du parti ministériel qui nous citaient M. Ryan, et à bon droit. M. Ryan est certainement une voix autorisée en ce qui concerne le dossier des affaires municipales, mais il y a aussi d'autres voix qui se sont fait entendre dans le passé, et dans un passé récent. Je pense, entre autres, à M. Parizeau qui avait négocié, en 1980, comme ministre des Finances, le début d'un pacte fiscal avec les municipalités et qui, en 1986, a été demandé, comme simple citoyen, de présider un forum du monde municipal, de l'Union des municipalités, sur la fiscalité encore une fois. M. Parizeau, comme premier ministre, a aussi dit que les fusions des municipalités ne profiteraient finalement qu'au seul ministère des Affaires municipales, qu'il y aurait moins d'intervenants. En deux mots, ça coûterait moins cher de timbres au monde municipal s'il y avait moins de municipalités. Ça coûterait moins cher au ministère des Affaires municipales qu'actuellement. Mais M. Parizeau ne voyait pas non plus d'effet magique aux fusions des municipalités.

Moi non plus, je n'en vois pas. Je n'en vois pas dans le sens suivant. Je pense que, si le ministère des Affaires municipales, comme l'a souligné la ministre, fait ces études qui, selon elle, peuvent démontrer que l'intérêt public y gagnerait à ce qu'une fusion ou des fusions entre des municipalités soient faites, bien, je pense qu'il faut démontrer aux populations concernées que c'est leur bien, qu'en principe elles y gagneraient à se fusionner, et, ensuite, on leur demande leur opinion et on respecte l'opinion des gens.

On a beau dire et médire à l'égard des référendums qui se font actuellement, on a beau dire qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas, qu'ils sont plus démocratiques, moins démocratiques, une chose est certaine, c'est que les municipalités qui demandent à leurs citoyens leur opinion sur d'éventuelles annexions reçoivent des opinions des citoyens qui se doivent d'être étudiées au mérite. Les citoyens qui nous ont élus ont sûrement autant, je dirais, de génie pour être capables de décider de leur avenir municipal, puisqu'ils ont aussi la capacité de nous choisir ou de ne pas nous choisir comme leurs représentants.

Mon collègue de Limoilou parlait du cas de Sainte-Foy. Que ce soit Sainte-Foy ou ailleurs, il y a des représentants dans cette Chambre qui ont été élus par des citoyens qui peuvent avoir aussi des opinions divergentes de celles que le gouvernement a actuellement, et le gouvernement se doit de les respecter. La diminution forcée des municipalités n'est pas la quatrième révélation de Fatima, là. Et ça, nous, on n'a pas non plus à s'imaginer que l'idée même de ne pas vouloir se fusionner résulterait d'un complexe d'égoïsme particulier des citoyens d'une municipalité ou d'une autre. C'est un faux problème que de le regarder comme ça. C'est trop court.

Les citoyens des municipalités, par exemple, de Saint-Hilaire et d'Ottoburn Park ont décidé qu'ils ne se marieraient pas, l'automne passé, ils ont décidé qu'ils ne fusionneraient pas, et les citoyens de Saint-Hilaire ont dit non, puis on leur avait dit préalablement, et notre président de l'Assemblée, M. le vice-président, avait aussi annoncé publiquement que le gouvernement entendait respecter la volonté des citoyens. Je pense que c'était là un geste tout à fait correct et tout à fait convenant dans la circonstance actuelle.

Le député de Richelieu a mentionné qu'il y a eu un référendum chez lui et que les villes de Sorel et Tracy ont accepté de se fusionner. Excellente idée. La ville de Sainte-Anne-de-Sorel, dans son coin, avait, dans le même référendum, décidé de ne pas se fusionner. Grand bien lui fasse! Que les villes de Sorel et de Tracy se fusionnent et qu'on laisse la ministre des Affaires municipales tenter d'expliquer aux citoyens de Sainte-Anne-de-Sorel quel grand malheur il leur est arrivé de ne pas vouloir se fusionner avec Sorel et Tracy. Et la même chose est vraie pour l'ensemble des autres municipalités au Québec.

Parallèlement à ce projet de loi, M. le Président, dans le cas de certaines grandes régions – Montréal, Hull et Québec, puis particulièrement dans le cas de Montréal – nous allons étudier un projet de loi qui portera sur un regroupement interrégional de municipalités. Bien, je pense que c'est là une des voies de l'avenir. Il y a de grandes municipalités dans le monde qui se sont développées avec les municipalités autour, riveraines. Je pense à Boston, par exemple, qui est un bel exemple. Boston est une ville de 500 000 habitants, un peu moins que la moitié de Montréal, puis, dans l'agglomération de Boston, il y a 4,5 millions habitants. Il y a 200 municipalités qui sont reliées par un organisme du type un peu de celui qu'on veut nous présenter puis qu'on étudiera à partir de demain. Voilà un modèle qui est intéressant puis qui doit être développé, qu'on doit regarder objectivement. On n'a pas cherché à faire des fusions à qui mieux mieux dans ce secteur-là, on a décidé d'unir les forces des uns et des autres vers une vision commune du développement.

Et, M. le Président, les villes-centres aujourd'hui nous disent qu'elles ont des problèmes, et, moi, je peux comprendre les problèmes que les villes-centres peuvent avoir. Elles ont d'abord un problème de fiscalité, M. le Président, puis la réponse que le ministère a fournie récemment ne répond pas au problème de fiscalité des municipalités. Que le gouvernement du Québec, au lieu de payer des «en lieu» de taxes aux municipalités, paie ses taxes réelles, et les villes-centres, qui sont généralement l'endroit où on retrouve le plus d'hôpitaux, d'universités, de cégeps, etc., seront les premières à bénéficier d'une véritable opération fiscale qui leur permettra de pouvoir recevoir l'argent nécessaire pour offrir les services à leurs citoyens. Mais que le gouvernement paie ses taxes comme n'importe quel autre citoyen, n'importe quel autre contribuable, M. le Président, puis une grande partie de ce problème-là sera réglé. Quant au reste, je pense qu'il faut permettre aux citoyens d'une part d'être écoutés, puis il faut respecter l'opinion des citoyens aussi bien qu'on le fait lorsqu'ils nous élisent. Merci beaucoup, M. le Président.

(11 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous cédons maintenant la parole au député de Saguenay, en vous rappelant qu'à votre formation politique il ne reste plus que 9 m 45 s. M. le député.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je crois qu'il faut d'abord remercier l'opposition d'inscrire ce débat à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. Ceci nous donne l'occasion de replacer la question municipale dans son véritable contexte. J'ai, comme vous, entendu ces discours de pharisiens, les trémolos dans la voix, nous parler de démocratie. La sincérité des pleureuses en service commandé ne trompe personne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon: On les entend discourir, ergoter, s'enflammer sur les vertus de la démocratie. M. le Président, la démocratie de l'opposition, c'est une démocratie sans démocrates. C'est un mouvement primaire informe. Constatons ensemble qu'avec l'opposition c'est la perversion des mots, c'est l'altération des principes directeurs d'une société organisée, c'est un fourre-tout hétéroclite de lieux communs, un ramassis de clichés.

Nous ne pouvons laisser s'accréditer l'idée que des regroupements ne peuvent exister qu'avec le consentement des habitants des territoires concernés. Nous avons tous l'obligation de corriger cette perception qui s'appuie sur des prémisses fausses, erronées. Il faut revenir au véritable sens du mot «démocratie». La démocratie, c'est le régime politique par lequel le peuple exerce sa souveraineté. Nous sommes dans une démocratie représentative parce que le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants, que nous sommes ici à l'Assemblée nationale.

Il faut rappeler, M. le Président, que le peuple nous a élus pour les représenter dans des sujets qui relèvent de la compétence de cette Assemblée nationale. La loi fondamentale de ce pays prévoit que ce Parlement a l'autorité, les compétences, le pouvoir de légiférer en matière d'institutions municipales, de collectivités locales. C'est ainsi que ce Parlement a créé des municipalités sur des territoires déterminés. Il a délégué à des administrations locales le soin d'administrer certains domaines, les objets de nature locale.

À en croire les hauts cris de l'opposition, la loi fondamentale reconnaîtrait un ordre de gouvernement municipal avec un territoire déterminé et des objets spécifiques immuables. C'est risible. C'est manquer de respect pour l'intelligence des gens qui nous ont élus et qui nous ont demandé de les représenter en ces matières, sur ces sujets. C'est sans doute à cause de cette pensée, de cette approche paralysante que les institutions municipales ont peu évolué au Québec.

En matière d'organisation des collectivités locales, on peut faire un parallèle avec le monde scolaire. Il y a plus de 30 ans, il y avait au-delà de 1 500 commissions scolaires au Québec. Le législateur, l'Assemblée nationale, les a transformées. Il y en a maintenant moins d'une centaine. C'est comme ça que la démocratie s'est exercée. Des élus ont pris leurs responsabilités.

Je me souviens, M. le Président, il y a environ 20 ans, en cette Assemblée, le gouvernement entreprenait, avec la loi 125, comme elle était numérotée à l'époque, la modernisation des conseils de comté d'alors pour les transformer en MRC. Les mêmes lobbys se faisaient entendre. C'est encore le même discours de la crispation, du refus. Dans les faits, on croirait entendre les mêmes voix lugubres d'outre-tombe du passé qui refusent de laisser s'éclore la modernité.

J'ai souvent exprimé à Mme la ministre ainsi qu'à ses prédécesseurs que les institutions municipales actuelles ont été dessinées au siècle passé, à une époque où les réseaux de communication, de télécommunications et de transport étaient totalement différents de ce que l'on connaît aujourd'hui. Ces propos, je les ai tenus régulièrement également dans mon comté. N'en déplaise à l'opposition, le monde a évolué, nous faisons face à de nouvelles réalités et cette nouvelle réalité socioéconomique commande, exige que nous réformions en profondeur la façon de livrer les services municipaux aux contribuables. Avons-nous suffisamment d'audace pour oser se donner les moyens pour faire face à ces problèmes?

Chez moi, dans ma région, on assiste à une décroissance démographique dramatique. Il y a un ressac sur l'économie locale et régionale. On observe aussi des migrations sur le territoire. Si rien n'est fait, la décroissance se poursuivra. Le milieu se déstructure, on constate le délaissement de certains secteurs avec le vieillissement de la population. Nous sommes de moins en moins de monde pour payer un peu plus d'infrastructures. Pourquoi? Parce que nous vivons les résultats d'une planification régionale piégée par des considérations ultralocales.

Il faut aller au fond des choses et parler aussi du partage de la croissance de l'assiette foncière, mais il faut également parler du partage de cette assiette en soi, car la richesse foncière d'une localité est aussi le résultat de l'exploitation des richesses naturelles et des attributs géographiques du territoire. Ces richesses, elles appartiennent à l'ensemble de la communauté, et il est du devoir du Parlement d'en assurer une répartition équitable. C'est ça, l'exercice de la démocratie, c'est pour ça que nous avons été élus.

Chez moi, pour que nous puissions nous occuper véritablement de développement économique, de développement culturel, de développement social, il faut repenser nos institutions et les adapter à notre nouvelle réalité. Notre développement passe par la consolidation du milieu bâti, par une meilleure utilisation des ressources humaines et matérielles, par la création d'un véritable espace de concertation pour que soit mise en place une réelle dynamique de développement. Nous vivons les conséquences de la fragmentation territoriale. Nous méritons mieux que les crispations et les contractions du passé sur lesquelles se fonde l'opposition. Nous voulons une occupation dynamique du territoire. Pour que cela se fasse, il faut mettre un terme aux dédoublements, aux duplications.

Dans ce débat, M. le Président, il est extrêmement regrettable que l'opposition ne s'élève pas au-dessus des considérations mesquines et politicardes. Notre gouvernement offre à l'opposition une occasion de participer et de façonner le Québec municipal de demain. Nous devons retourner ensemble à des considérations plus basiques, plus fondamentales. Pour rencontrer et atteindre ces objectifs, il faut modifier l'environnement législatif.

J'aimerais maintenant aborder un autre aspect de la question, soit celui du terrorisme économique pratiqué par les opposants à ces changements démocratiques que nous préconisons. Vous savez, M. le Président, le peuple du Québec est maintenant et depuis longtemps immunisé contre les discours alarmistes et défaitistes découlant des dérivés des coups de la Brink's. Quand j'entends les prophètes de malheur prédire des hausses de taxes, des factures qui gonfleraient du seul fait du regroupement, j'estime qu'il s'agit là d'un discours grossier, indigne du respect que nous devons à la population. Le compte de taxes des citoyens...

Des voix: Bravo!

M. Gagnon: Le compte de taxes des citoyens est directement proportionnel au degré d'imagination des élus qui administrent une municipalité...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez, M. le député. S'il vous plaît! On va essayer de terminer ça, il reste deux minutes. M. le député.

M. Gagnon: Il est le résultat du niveau de services que souhaitent les administrés et de la façon et des moyens de livrer ces services. Je ne suis pas du tout impressionné par les perspectives navrantes colportées par le regroupement des oiseaux de malheur. Au contraire, ce que j'entends de leur part, c'est un aveu d'impuissance. Ils nous avisent de leur incapacité à livrer la marchandise. C'est aussi une des raisons qui font que nous sommes collectivement aux prises avec cette situation.

Écoutons-les davantage, M. le Président. Que nous disent-il face aux dépenses salariales des municipalités? Donnez-nous les moyens de réduire l'écart salarial de 800 millions qu'il y a avec un niveau comparable. Cet écart est le résultat des gains consentis par ces mêmes élus à leurs employés. Aujourd'hui, ils nous demandent de réparer les résultats de leurs négociations.

(11 h 50)

M. le Président, je ne voudrais pas laisser croire que les regroupements constituent un remède miracle à toutes les difficultés vécues par les municipalités. L'expérience nous apprend que la réalité se situe entre les extrêmes qui sont souvent préconisés. Il y a dans la mise en commun des ressources un fondement raisonnable et pragmatique. Le regroupement est aussi le creuset où se fondent les identités qui résultent de la nouvelle réalité socioéconomique. C'est avec la conviction profonde que la municipalité regroupée continuera de respecter les sentiments identitaires des communautés antérieures qui relèveront ensemble le défi de leur croissance – nous vivons dans une municipalité redessinée, reconfigurée...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saguenay. Malheureusement...

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie. Malheureusement, je dois vous interrompre pour permettre au député de Hull de bien vouloir effectuer son droit de réplique. J'apprécierais énormément que le débat se termine calmement. M. le député.


M. Roch Cholette (réplique)

M. Cholette: M. le Président, il ne nous reste que 10 minutes pour terminer ce débat aujourd'hui, mais je tiens à vous assurer que le débat ne fait que commencer, parce que jamais les citoyens du Québec ne vont se laisser imposer une directive, un diktat du gouvernement actuel, qui va forcer des fusions municipales partout au Québec comme bon lui semble. Jamais les citoyens ne vont accepter ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Cholette: Aujourd'hui est une journée historique, M. le Président, qui va être gravée dans l'histoire du Québec parce qu'aujourd'hui va montrer vraiment de quoi le gouvernement se chauffe. Est-ce qu'il va passer sur le corps de tous les élus du Québec? Est-ce qu'il va passer sur le corps des citoyens du Québec ou est-ce que les députés du Parti québécois vont se ranger avec le bon sens, avec la démocratie et vont respecter le droit de choisir de leurs citoyens? Le choix est clair, M. le Président, et c'est eux qui devront faire ce choix dès que le vote sera appelé.

Cependant, j'ai des doutes à écouter mes collègues d'en face, avec les nombreux discours qu'on vient d'entendre, avec le mépris avec lequel ils ont accusé les citoyens du Québec de se défendre et les élus du Québec de se défendre, un tel mépris... Et je vais vous en redonner, des expressions qu'ils ont utilisées, et ça va teinter le débat, M. le Président: Quand on ne pense pas comme eux, on n'est pas des bons Québécois; quand on ne pensent pas comme eux, on n'a pas le bien commun en tête. Quand on est en train de dire au monde que c'est du terrorisme économique, est-ce que ça, c'est susciter un débat ouvert, comme la ministre souhaite? Lorsqu'on dit que c'est seulement pour des considérations mesquines qu'on est en train de défendre l'autonomie du monde municipal, ça, c'est-u susceptible de contribuer à un débat ouvert? Lorsqu'on dit que, dans le fond, c'est de l'impérialisme des élus municipaux, ça aussi, ça va contribuer, M. le Président? Que l'opposition officielle, les représentants du peuple, les élus municipaux s'appuient sur l'ignorance pour défendre leur points de vue? Sur l'ignorance, M. le Président.

De dire de tels propos, je me demande si ce n'est pas un peu un reflet de ce qu'on est en train de dire. De dire que c'est des référendums bidons quand le monde prend ses pieds pour aller voter... On ne bloque pas des routes, là, on vote démocratiquement dans un isoloir, en disant: Moi, je ne suis pas d'accord avec ce que le gouvernement veut faire. Est-ce que ça, c'est susceptible de contribuer à un débat, lorsqu'on dit que le simple fait que les élus municipaux du Québec soient là par soif de pouvoir, par intérêt égoïste? C'est de peinturer tous les élus pareil, au Québec, ça, M. le Président. C'est dire qu'ils sont bons à rien, qu'on n'aurait jamais dû les élire avant, de toute façon, puis qu'ils ne contribuent pas au développement du Québec. Bien, nous, on s'inscrit en faux, M. le Président, contre ça.

Des voix: Bravo!

M. Cholette: M. le Président, de dire que tout ce débat-là, c'est dans le fond de la petite politicaillerie, c'est de la politicaillerie, parce que dans le fond les maires ne connaissent pas le bien commun, puis, dans le fond, c'est des égoïstes, puis, dans le fond, tout ce qu'ils veulent, c'est protéger leur job, bien, moi, j'ai des nouvelles pour ces gens-là. Moi, j'ai été un élu municipal puis je me sens vexé qu'on me dise que, quand j'étais au municipal, je faisais ça juste pour ma poche. C'est insolent, c'est insultant pour le monde municipal, M. le Président!

Des voix: Bravo!

M. Cholette: De dire qu'on fait de la perversion des mots, M. le Président, de dire que, dans le fond, là, ce qu'on est en train de défendre, il y a juste ceux qui comprennent rien qui défendent ça, bien, ça aussi, c'est insultant.

Je dois vous dire que, quand la ministre nous dit: Ah! vous, l'opposition, ce que vous voulez, là, c'est de fermer le débat, c'est de clore le débat, bien au contraire. Quand, nous, on dit: Ne menacez pas de fusions forcées, laissez libre cours au débat, que les gens décident, ça, c'est ouvrir le débat. Comment la ministre peut-elle se lever et prétendre qu'on est en train de le fermer? C'est elle qui ferme le débat, c'est elle qui ferme la bouche de tout le monde qui a des opinions contraires à la sienne.

Et, d'ailleurs, M. le Président, ils sont nombreux à penser comme nous, même du côté ministériel, et je vais y venir. Mais il y a aussi quelqu'un qui s'exprime là-dessus, Florian Saint-Onge, de la Fédération québécoise des municipalités. Je vais vous lire quelque chose, en fait, avec un titre: Votre député s'inquiète-t-il de la facture? On parlait tantôt du terrorisme économique, avec les bonnes paroles du député qui, lui, considère que, dans le fond, c'est un débat académique, là, tout le monde... pas un mot sur la game. Alors, ce que M. Saint-Onge nous dit: «Chaque citoyen devrait donc questionner son député avant qu'il ne soit trop tard. A-t-il pensé à la facture? Si oui, l'a-t-il dénoncée? Sinon, par son silence, se contente-t-il de suivre la ligne de son parti ou commence-t-il à croire aveuglément à cette quasi-légende urbaine que, hors des fusions, il n'y a point de salut?» Et ça, c'est le président d'une union municipale, M. le Président. Mais il y en a bien d'autres députés de l'autre côté qui ont des réserves.

Je vais vous citer notamment le ministre des Transports qui disait: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Le président de l'Assemblée nationale, le député de Borduas, déclarait, et ça, je suis tombé en bas de ma chaise, je ne sais pas s'il y a eu une entente, mais il disait ceci, M. le Président: «Peu importe le résultat – il parle d'un référendum – la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie.» Ah! ce qui est bon dans Borduas n'est pas bon ailleurs, M. le Président. Il y a juste deux poids, deux mesures... pardon, trois poids, trois mesures, parce que Chicoutimi et Jonquière, elles non plus ne seront pas fusionnées de force parce que le premier ministre a dit ceci: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Ça, c'est le premier ministre qui disait ça, à Jonquière, dans le journal Le Réveil , le 14 novembre dernier.

Le député de Saint-Jean dit ceci: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet. Ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.» Le député d'Iberville dit: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.» Député d'Iberville, député péquiste d'Iberville.

Le député de Marguerite-D'Youville: «Le message fondamental que nous donnent nos amis ontariens, c'est qu'il y a des avantages aux fusions, mais c'est beaucoup mieux si ces fusions émanent de la base, résultent d'une volonté de fusion plutôt que d'une imposition par voie légale.»

La députée de Blainville, M. le Président: «Je pense aux citoyens, lance la députée. Si ça se traduit par une augmentation de taxes, je ne suis pas sûre que je leur rends service.»

Le député de Masson dit: «On fait notre travail de député, on est conscient des réticences de notre population et, à partir de ça, on fait valoir notre point de vue. Les gens sont inquiets.»

Le député, finalement, de L'Assomption: «En ce qui me concerne, mon premier objectif est de défendre les intérêts des électeurs de mon comté», dit laconiquement le député de L'Assomption.

Je viens de citer une dizaine de députés péquistes qui aujourd'hui, M. le Président, seront appelés, en cette Chambre, à se lever et à décider s'ils prendront le parti de la ministre et du principe du totalitaire et que seulement le gouvernement a raison et imposera des fusions forcées partout au Québec ou s'ils prendront le choix de l'opposition, qui dit essentiellement: Nous croyons dans nos élus, nous croyons dans nos citoyens, nous croyons dans la démocratie et nous souhaitons que les citoyens s'expriment librement, au Québec, pour décider de l'avenir de leurs municipalités. Merci, M. le Président.

(12 heures)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Hull.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion du député de Hull, qui se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Cette motion est-elle adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. De façon à pouvoir permettre à chaque membre de l'Assemblée nationale de pouvoir s'exprimer librement sur le sujet, je demanderais à ce moment-ci un vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Pour demander un vote, M. le Président, faut-il que les députés soient assis à leur fauteuil? Je leur demanderais de bien vouloir les regagner.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Rigoureusement, le leader adjoint du gouvernement a raison. Il aurait dû le rappeler tantôt à plusieurs députés, dont le député de Johnson qui est allé prétendre être ministre d'un jour en arrière de la ministre des Affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Quoique me réjouissant d'une exceptionnelle présence de l'opposition, je vais vous demander, conformément à l'article 223 de notre règlement, de reporter le vote à la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote est donc reporté à cet après-midi, aux affaires courantes. Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. On m'a suggéré de me référer à mon whip. Je suis persuadé que...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je n'ai pas une question de règlement.

M. Boulerice: Oui, c'est une question de règlement.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote est donc reporté à cet après-midi, aux affaires courantes. Sur ce, je suspends nos travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: À l'ordre, Mmes et MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.


Présentation de projets de loi

Il n'y a pas de déclarations ministérielles, donc nous allons à la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article d du feuilleton.


Projet de loi n° 229

Le Président: Alors, en rapport avec cet article, j'ai reçu du directeur de la législation, sur le projet de loi n° 229, Loi concernant le régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec, un rapport. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport, et, en conséquence, Mme la députée de Vanier présente le projet de loi d'intérêt privé n° 229, Loi concernant le régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée, d'abord, accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État à la l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


Entente d'échange de renseignements entre la RAMQ et la CARA, et avis de la CAI

M. Léonard: Oui, M. le Président. Je dépose l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information portant sur l'entente intervenue entre la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, ainsi que l'entente intervenue en vertu de la Loi sur l'accès aux documents publics et sur la protection des renseignements personnels entre la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances.

Le Président: Bien. Alors, ces documents sont bien sûr déposés.


Textes de loi adoptés par le Parlement écolier

Pour ma part, je dépose les deux textes de loi qui ont été adoptés vendredi dernier par les membres du Quatrième Parlement écolier qui s'est tenu à l'Assemblée nationale. Alors, le premier texte s'intitule Loi obligeant les écoles à organiser un voyage pour les élèves de fin de deuxième cycle du primaire afin qu'ils rencontrent d'autres élèves avec lesquels ils ont des différences culturelles. Ce projet de loi a été préparé par les élèves de l'école Eeyou de la Baie James, à Chisasibi, et présenté par une jeune députée-écolière qui représentait la circonscription de Vachon, Angéline Sam, qui l'a fait au nom de son collègue député Ernie Mataham, d'Ungava.

Et le deuxième texte de loi avait pour objet d'obliger les écoles primaires et secondaires à intégrer un projet d'aide communautaire dans le curriculum d'études. Ce projet a été préparé par les élèves de l'école primaire des Arbrisseaux de Compton et présenté par Bobby Guillemette, député-écolier de Saint-François.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, maintenant, nous allons aller au dépôt de rapports de commissions et je vais donner la parole au vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 127

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 23 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi modifiant la Loi sur les établissements touristiques. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de commission est déposé.

M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu. Il n'est pas ici. Alors, si je comprends bien, le président n'a pas en main le rapport. Alors, ce sera déposé ultérieurement.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, maintenant, je donne la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme, s'il vous plaît.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Procéder à la reconstruction de l'école Saint-Jean-de-la-Lande, dans Kamouraska-Témiscouata

M. Béchard: Merci, M. le Président, et permettez-moi, avant de déposer la pétition, de saluer les gens de Saint-Jean-de-la-Lande et le courage et la détermination qu'ils ont démontrés lors de l'incendie de leur école, de la caisse populaire, du bureau municipal et de la bibliothèque le 28 février dernier, et de déposer la pétition suivante.

Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 344 pétitionnaires, des citoyens et citoyennes, des organismes et des municipalités du comté de Kamouraska-Témiscouata.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les écoles sont le noyau de nos communautés et qu'elles sont essentielles à leur stabilité et viabilité;

«Considérant que la fermeture d'une école est le début d'une mort lente pour une municipalité, qu'elle engendre des conséquences au point de vue économique, psychologique, social et culturel dans le milieu;

«Considérant que, le 28 février 2000, un incendie a dévasté le pavillon La Jeannoise de Saint-Jean-de-la-Lande;

«Considérant la volonté exprimée par le milieu de voir les élèves fréquenter dès septembre prochain une école située sur le territoire de cette municipalité;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons au ministre de l'Éducation de procéder à la reconstruction d'une école pour la municipalité de Saint-Jean-de-la-Lande.»

Je certifie que cet extrait est conforme à la pétition. Merci.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Avant d'aborder la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'il sera tenu après un vote reporté sur la motion de M. le député de Hull présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

(14 h 10)

Je vous informe également que, à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, le premier vice-président rendra une décision sur les avis de convocation des travaux de commissions parlementaires en dehors de la période des affaires courantes.


Questions et réponses orales

Alors, nous abordons la période de questions et de réponses orales. Je cède la parole, pour la première question principale, au chef de l'opposition officielle.


Effets des regroupements de municipalités sur les comptes de taxes


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question est au premier ministre. Son gouvernement s'entête dans une réforme du monde municipal qui rencontre, il le sait, beaucoup, beaucoup de résistance. Pourtant, il y a beaucoup de consensus qui se dégagent des leaders municipaux sur des changements que nous devons apporter, parce qu'il n'y a personne qui défend le statu quo pour ce qui est de l'organisation du monde municipal. Il y en a au moins trois, consensus qui se dégagent actuellement.

Le premier consensus, c'est une discussion sur la fiscalité d'agglomération. Que ce soit ici, à Québec, à Montréal ou dans les Cantons-de-l'Est, les gens sont d'accord pour se mettre à table et discuter de fiscalité d'agglomération.

Le deuxième consensus, M. le Président, c'est que, si on doit encourager les leaders municipaux à faire des projets de fusion, encore devons-nous leur donner les moyens de le faire, c'est-à-dire changer le Code du travail, se débarrasser des planchers d'emploi, donner les moyens aux leaders municipaux justement de faire les économies d'échelle qui sont espérées s'il doit y avoir des scénarios de fusion.

Le troisième critère et le plus important, c'est celui qui touche les citoyens du Québec, les contribuables qui, eux, paient la note, M. le Président, et les citoyens qui paient justement doivent aujourd'hui avoir des garanties que, dans toute hypothèse de fusion, ils pourront économiser sur leurs comptes de taxes.

Alors, je veux demander à nouveau au premier ministre aujourd'hui s'il est capable de garantir aux contribuables québécois que, dans toute hypothèse de fusion, le contribuable verra son compte de taxes diminuer.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais saluer la présence dans les tribunes des mairesses et maires de la région de Québec. Et je voudrais, avec le chef de l'opposition, me réjouir en effet des consensus qui apparaissent dans le monde municipal. On peut voir une évolution positive vers une convergence qui, j'en suis convaincu, va nous permettre d'améliorer l'agencement des forces municipales, un secteur qui est si important pour le Québec, un palier de gouvernement qui est essentiel pour le développement économique, et social, et culturel du Québec, et je voudrais en profiter pour reconnaître la contribution exceptionnelle des municipalités et des maires du Québec à l'avancement de la cause québécoise.

Et j'ajouterai que, justement pour améliorer l'efficacité, la synergie et l'équité fiscale dans le domaine municipal, nous sommes en train en effet d'évoluer, avec des consensus qui s'améliorent constamment, vers une situation où, j'en suis convaincu, nous pourrons apporter un très grand progrès dans l'administration de la chose municipale au Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, si le premier ministre est sincère dans ce qu'il vient tout juste de dire sur sa volonté d'évoluer vers des consensus, de respecter le monde municipal, de le saluer gentiment lorsqu'il est dans les tribunes, est-ce qu'il va profiter de l'occasion pour lui dire qu'il a l'intention de respecter la démocratie municipale, l'expression de la population qui se serait exprimée?

Des voix: Bravo!

M. Charest: Un moment solennel, M. le Président. On va profiter de l'occasion pour qu'il puisse saluer chacun des citoyens du Québec, pas juste leurs maires, et que le premier ministre puisse se lever aujourd'hui à l'Assemblée nationale et garantir aux citoyens du Québec que, s'il y a des fusions, ils vont économiser sur leurs comptes de taxes, leur garantir qu'il va respecter leur volonté exprimée lors des référendums et garantir aux citoyens du Québec qu'il ne fera pas de fusions forcées, comme la promesse qu'il a faite pour ses citoyens à Jonquière.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, l'Assemblée nationale, c'est aussi un lieu d'expression éminemment démocratique, que je sache, et je dirais que la démocratie, ça se définit par des valeurs qu'elle incarne et qu'elle défend et, au premier chef, la valeur du bien commun. La démocratie, c'est le bien commun, et je pense que les dirigeants municipaux sont les premiers à savoir que l'équité fiscale, le bien commun, l'intérêt public priment dans toutes les décisions de la chose publique et que c'est au coeur même du projet de réforme gouvernementale qui a été espéré depuis deux générations maintenant et que nous allons maintenant réaliser dans le respect, dans le dialogue et dans l'affirmation justement des valeurs de la démocratie.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Ce qu'il y a d'inquiétant, M. le Président, lorsque le premier ministre parle du bien commun, c'est que, la plupart du temps, le bien commun, pour lui, c'est avoir les deux mains dans les poches des contribuables, le bien commun qui appartient aux citoyens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Je prends bonne note du fait qu'il n'est pas capable aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, de garantir aux citoyens du Québec qu'ils vont économiser sur leurs comptes de taxes. Mais peut-être qu'il pourra nous expliquer la définition du bien commun pour les citoyens de Jonquière à qui il disait: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» C'est exactement ce qu'il disait le 14 novembre dernier lorsqu'il était dans son comté de Jonquière.

Alors, peut-il expliquer à l'Assemblée nationale aujourd'hui et à tous les maires qu'il vient de saluer pourquoi le bien commun se définit comme étant aucune fusion forcée à Jonquière mais des fusions forcées pour les maires qui sont dans les tribunes aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Parlant de Jonquière, je voudrais en profiter pour féliciter le Parti libéral – le vrai, celui qui a précédé le parti actuel – de M. Bourassa qui justement est à l'origine du grand succès du Grand Jonquière, puisque c'est par une loi de l'Assemblée nationale présentée par M. Bourassa que la ville de Jonquière, la grande ville de Jonquière, existe et prospère maintenant, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et je peux vous dire que c'est un bon souvenir qu'on garde de l'ancien Parti libéral, à Jonquière.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: J'ajouterai, M. le Président, que, justement, puisqu'on parle de ma région, il y a dans ma région actuellement des dialogues très positifs qui vont, je crois, aboutir à des regroupements. Mon ami le maire de Jonquière est présentement en discussion avec les maires de municipalités environnantes pour trouver une façon d'améliorer l'efficacité administrative et l'équité fiscale dans cette belle partie du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je comprends que le premier ministre préfère saluer l'ancien chef du Parti libéral du Québec, Robert Bourassa, plutôt que de saluer son ancien chef, Jacques Parizeau...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ... – M. le Président, il y a moins d'applaudissements de l'autre côté, là – qui, le 3 mai dernier, disait: Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. C'est ce que son ancien chef à lui lui disait.

Mais, M. le Président, le premier ministre a commencé sa première réponse aujourd'hui en disant vouloir saluer les maires qui sont dans les tribunes, et je me joins à lui. D'ailleurs, on aura l'occasion de les saluer ensemble dans quelques minutes. Après la période de questions, il y aura un vote, ce sera l'occasion pour le premier ministre et tous les députés de l'Assemblée nationale de se lever et de saluer tous les maires qui sont dans les tribunes aujourd'hui. Le sujet du vote, c'est le suivant:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

M. le Président, ma question au premier ministre est la suivante: Quel salut a-t-il l'intention de leur donner au moment du vote?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je pense que nous savons tous que, dans une société où les intérêts sont divergents, il faut qu'après qu'on a utilisé au maximum le dialogue, la compréhension – et, la plupart du temps, ça réussit – à un moment donné il y ait des gens qui arbitrent. Ce sont des élus qui siègent à l'Assemblée nationale, et je ne pense pas que le chef de l'opposition voudrait que l'Assemblée nationale s'ampute d'une responsabilité fondamentale qui est la sienne de procéder à ce genre d'arbitrage. Si on devait voter pour la motion du Parti libéral, ça voudrait dire que des belles villes comme la ville de Jonquière, ça ne pourrait plus exister jamais.

Le Président: M. le député de Limoilou, en question principale.


Regroupement de municipalités dans la région de Québec


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Depuis deux semaines, la population dans la région de Québec s'exprime clairement. Jusqu'à maintenant, dans plus de 10 municipalités, 42 000 personnes se sont exprimées, et, à plus de 92 %, on rejette les fusions forcées dans la région de Québec. Puis je pense que c'est important de le mentionner parce qu'on va voter tout à l'heure, j'aimerais le rappeler. Dans la ville de Sainte-Foy, on a dit non à 91 %, dans le comté du ministre responsable de la Capitale. Dans la ville de Beauport, 91 % ont dit non, dans le comté de Montmorency.

Des voix: ...

M. Després: Ça a l'air de les déranger, M. le Président. Ils vont voter tout à l'heure, c'est bon de le rappeler. Dans la ville de Charlesbourg, 94 %, dans le comté de Charlesbourg. Dans la ville de Vanier, comté de Vanier – je vois la députée – 97 % ont dit non. Dans la ville de Sillery – ma collègue députée de Jean-Talon – 93 % ont dit non. Dans L'Ancienne-Lorette, où la participation a été de plus de 50 %, Mme la ministre, on a dit non à 98 %. Dans Lac-Saint-Charles, on a dit non, dans le comté de Chauveau, à 95 %. M. le vice-président, écoutez ça, là. Saint-Émile, c'est encore dans votre comté, ça, 96 %. Dans Val-Bélair, encore dans votre comté, 82 %. À Loretteville...

(14 h 20)

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: M. le député, votre question.

Des voix: ...

M. Brassard: Question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous avez une question de règlement?

M. Brassard: Oui, une question de règlement. C'est que j'ai quand même une assez bonne mémoire, et je suis certainement convaincu que, ce préambule-là, il l'a fait exactement, exactement la semaine dernière. Alors, si la question est la même...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en réplique.

M. Paradis: Oui. Le leader du gouvernement conviendra qu'il s'en ajoute à chaque fois qu'un référendum est tenu. Il y en a d'autres qui s'en viennent en fin de semaine. Et, dans ces circonstances, est-ce que le premier ministre et le leader du gouvernement vont permettre à leurs députés de voter suivant leur conscience, un vote libre?

Le Président: Alors, on est en face d'un préambule d'un député puis d'une question d'un autre. Alors, si vous permettez, M. le leader de l'opposition officielle, attendez un instant, là, on va faire les choses dans les règles pour respecter d'abord le droit de votre collègue le député de Limoilou d'avoir sa question.

Une voix: ...

Le Président: Une vraie question de directive.

M. Paradis: À la question sur le vote libre, le leader du gouvernement a indiqué, oui, qu'il y aurait un vote libre, et le premier ministre a indiqué qu'il n'y aurait pas de vote libre. Qui a raison?

Le Président: En ce qui concerne la présidence, elle n'a rien entendu.

M. Brassard: M. le Président, est-ce que le leader de l'opposition est en train de nous dire que, de ce côté-ci comme de l'autre côté, les députés, les membres de cette Chambre ne votent pas librement?

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, vous le savez, que ça fait partie de la réforme que vous proposez. À ce moment-là, qu'ils l'indiquent clairement, que les députés peuvent voter suivant leur conscience. Les députés de la couronne nord et les députés de la région de Québec verront à ce moment-là à exprimer le voeu de la population au gouvernement péquiste.

Le Président: Sur cet échange qui était plutôt une parenthèse dans la période de questions mais qui compte dans le temps, néanmoins, on va laisser le député de Limoilou maintenant formuler sa question. Je pense que le préambule est terminé.

M. Després: ...M. le Président, je n'avais pas tout à fait fini. Que voulez-vous...

Le Président: ...moi, je considère que vous avez terminé votre préambule.

M. Després: ...

Le Président: Non, non. Non, je m'excuse, votre question.

M. Després: M. le Président, ma question est fort simple au ministre responsable de la Capitale, j'aimerais savoir quelles sont les représentations qu'il a faites auprès de sa collègue la ministre des Affaires municipales pour s'assurer que la volonté populaire soit respectée dans son comté et dans les comtés de la région de Québec.

Le Président: M. le ministre responsable de la région de la Capitale nationale.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, le chef de l'opposition a fait état de consensus, entre autres choses, que le statu quo n'était pas acceptable. Le premier ministre a parlé que, depuis deux générations, on parlait de changements qui devaient être faits. Le gouvernement a pris la position de s'attaquer à cette question et a dit: Voici comment nous allons procéder: d'abord, dans un premier temps, faire en sorte que les gens soient consultés pour voir de quelle façon on devrait partager en commun certains équipements qui se trouvent dans une région. C'est ce qui a été décidé du mois de mars jusqu'au mois de juin, et les gens, les maires, entre autres, ont été invités à participer à un comité créé spécialement dans les trois communautés urbaines pour échanger sur cette question-là, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, il a été prévu que nous parlerions par la suite des regroupements qui pourraient avoir lieu. Ça, c'était pour l'automne.

M. le Président, j'ai dit à plusieurs reprises ici, en cette Chambre, et également aux journalistes et à ma collègue que je partageais l'idée que tout le monde qui a été invité à être à la table devrait y être pour échanger, dire ce qu'il pense, et que, par la suite, on serait en mesure de prendre ensemble une décision, et que la pire décision qu'il pouvait prendre, c'est de ne pas participer à cet exercice de consultation qui lui tend la main, qui lui donne la possibilité d'échanger. Alors, je répète que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas eu cette consultation de la part des gens, bien, nous serons dans l'hypothèse de prendre des décisions qui s'imposeront le temps venu.

Le Président: M. le député.


M. Michel Després

M. Després: En additionnelle, M. le Président, j'aimerais savoir de la part du ministre responsable de la Capitale qu'est-ce qu'il a fait pour s'assurer que les 12 maires soient à la table. Et où est le consensus dans la région de Québec?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je n'ai pas ici les découpures de journaux, mais on pourra les ressortir pour faire valoir qu'à plusieurs reprises, au nom du caucus des députés de la région de la capitale et au nom du gouvernement, j'invitais les maires de la Communauté urbaine à venir s'asseoir avec ceux qui sont là, comme le maire de la ville de Québec, le maire de la ville de Lévis, les représentants des MRC de La Jacques-Cartier et de La Côte-de-Beaupré, à se joindre à eux, et à participer, et à travailler avec le comité Lapointe. Je l'ai dit à plusieurs reprises et j'ai plusieurs fois dit également que ce n'était pas la bonne position d'être absent. La chaise vide n'est pas une position acceptable dans une hypothèse comme celle que nous discutons.

Le Président: M. le député de Hull, en question principale.


Propos de membres du gouvernement concernant les regroupements de municipalités


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Je suis surpris d'entendre le premier ministre parler de respect, alors que tout ce qu'on voit du côté ministériel, c'est du mépris pour le monde municipal. Et il n'a surtout pas écouté, il n'a sûrement pas écouté ce qui s'est passé aujourd'hui entre 10 heures et midi.

Je voudrais savoir de la part de la ministre des Affaires municipales: Est-ce qu'elle pense que les propos qui ont été tenus en cette Chambre sont susceptibles de contribuer aux discussions, au dialogue? Des propos comme ceux-ci, «terrorisme économique», «considérations mesquines», «impérialisme des élus municipaux», «l'opposition s'appuie sur l'ignorance» et «les élus municipaux protègent des intérêts égoïstes», ça, c'est ce que les députés péquistes pensent du monde municipal. Je veux savoir si elle pense ça aussi d'eux.

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai eu l'occasion également de signaler au député de Hull que sa comparaison quant à la contribution à l'atteinte du déficit zéro des municipalités du Québec, cette comparaison comme étant du vol à l'étalage était complètement déplacée. Alors, j'ai eu l'occasion de déposer ici même...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai eu également l'occasion d'indiquer au député de Hull que, si je n'étais pas au diapason du député de Hull, je l'étais du maire de Hull comme je le suis de bien d'autres maires de municipalités du Québec qui m'ont fait parvenir, dans les heures et les jours qui ont précédé, des lettres d'appui, dont les maires d'Amos, de La Pocatière, de Maniwaki, de Roberval, de Saint-Georges, de Trois-Pistoles, de Windsor, de Sherbrooke, de Chicoutimi, de Québec, de Joliette, de Marieville, de Mont-Joli, de Pierreville, y compris une résolution adoptée par la municipalité de Saint-Georges. Et je rappelle que, par cette résolution, le conseil de ville exhorte le gouvernement du Québec à maintenir le cap sur ses objectifs essentiels de la réorganisation municipale et qu'à cette fin le législateur québécois s'habilite ou habilite le ministère des Affaires municipales à procéder, où et s'il y a lieu, à des fusions obligées. Voilà aussi l'état de l'opinion du monde municipal, M. le Président.

Et j'ai eu l'occasion...

Le Président: Mme la ministre, je m'excuse, mais je pense que votre temps est terminé. Alors, en question principale, maintenant, Mme la députée de Bonaventure.


Entente de partenariat entre Hydro-Québec et des MRC de la Côte-Nord et du Saguenay


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Le journal Le Devoir dévoilait ce matin une entente conclue entre Hydro-Québec et cinq MRC pour la mise en chantier de nouveaux projets hydroélectriques. Cette entente de partenariat a le mérite de permettre aux MRC de la Côte-Nord et du Saguenay d'avoir accès aux profits générés par ces nouveaux développements. Cette nouvelle source de revenus cependant risque d'attiser la convoitise des autres municipalités. Alors que ces MRC deviendront les copropriétaires des ouvrages qui seront construits par Hydro-Québec et retireront ainsi une royauté de l'électricité produite chez elles, d'autres régions comme l'Abitibi, la Mauricie, Laval, Beauharnois et même le Lac-Saint-Jean continueront de fournir gratuitement leurs ressources comme elles le font depuis plusieurs années, et ce, sans retirer aucune royauté.

(14 h 30)

Alors, dans ce contexte, ma question au ministre des Ressources naturelles: Qu'est-ce que le ministre a à répondre aux municipalités qui vont réclamer l'équité et qui sont exclues actuellement du cadre de partenariat entre Hydro-Québec et les MRC?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, d'abord, ce n'est pas une très grande nouvelle, là, qu'on retrouvait à la une du Devoir .

Une voix: Ah non?

M. Brassard: Non, puisque les autorités d'Hydro-Québec, à l'automne 1999, se sont rendues publiquement, ont fait des conférences de presse, accompagnées des préfets des MRC et également de la communauté montagnaise de la région, pour annoncer tout cela publiquement en conférence de presse, devant les médias. Et, lorsque, en commission parlementaire, nous avons abordé cette question-là, à la demande même de la députée de Bonaventure, M. Caillé a déposé devant la commission les deux ententes qu'elle réclamait. Alors, ce qu'elle a entre les mains, ça a été rendu public il y a déjà plusieurs mois. Le chef de pupitre du Devoir n'était pas très, très au courant de ce qui se passe, là, pour donner la une à une aussi vieille nouvelle.

Des voix: ...

Le Président: Alors, mon devoir m'amène, M. le ministre, à vous indiquer que votre temps de parole achève. Alors, en conclusion.

M. Brassard: Alors, en conclusion, M. le Président, il y a eu divers programmes pour contribuer au développement des municipalités. Ça a été d'abord un programme de mise en valeur de l'environnement, qui a été remplacé par un Programme de mise en valeur intégrée des ressources. Tout cela a permis à des municipalités où se réalisaient des projets d'Hydro-Québec de bénéficier de retombées de ce projet.

Maintenant, la nouvelle façon de faire d'Hydro-Québec, c'est via des sociétés en commandite. C'est très bien reçu, très bien accueilli par les milieux concernés. Mais, évidemment, il n'est pas question non plus de faire des actions rétroactives puis de remonter à 50 ans pour modifier les choses.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, qu'est-ce que le ministre des Ressources naturelles répond au maire de Laval, au maire de Carillon, au maire de Beauharnois qui réclament, eux aussi, d'Hydro-Québec des compensations équitables? Qu'est-ce qu'il leur répond?

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien, je pourrais dire également aux maires qui sont concernés par le projet de SM 3, je pourrais leur répondre: Malheureusement, à l'époque, le gouvernement libéral n'a pas pensé à une formule semblable pour impliquer les municipalités. Alors, c'est ça que je réponds.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en question principale.

Mme Houda-Pepin: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Alors, j'ai reconnu Mme la députée de La Pinière.


Programme d'aide permettant le branchement des familles à faibles revenus sur Internet


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 3 mai dernier, le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce a déclaré en cette Assemblée que seuls les citoyens des centres urbains ont accès à Internet gratuitement, ce qui justifie à ses yeux son programme de 120 millions de dollars pour le branchement des bénéficiaires des allocations familiales.

M. le Président, est-ce que le ministre sait que les citoyens des centres urbains couverts par cette mesure représentent les deux tiers de la population du Québec, deux tiers de la population du Québec qui peuvent être branchés gratuitement sans subvention gouvernementale?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, je remercie de la question Mme la députée de La Pinière. D'abord vous mentionner qu'on a eu 82 800 appels. On a 64 250 attestations remises actuellement. Nous avons actuellement près de 1 200 fournisseurs accrédités. Nous avons actuellement un nombre de branchements de 2 900 familles qui se sont branchées et 2 100 qui ont acheté ou loué des ordinateurs. C'est un programme extraordinaire qui répond à l'ensemble de la population du Québec où qu'elle se trouve.

Et j'ai mentionné au départ que, surtout, ceux qui avaient accès à ce type de programme privé, c'était dans les grands centres. Et l'objectif, c'est de couvrir l'ensemble du Québec, de rejoindre les gens partout. On a même eu dans le budget des mesures pour extensionner les réseaux de fibre optique. Pourquoi? Pour permettre l'accessibilité. C'est ça, la volonté du gouvernement.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce réalise que les véritables bénéficiaires de cette mesure ne sont pas les familles bénéficiaires des allocations familiales mais bien les grandes entreprises de télécommunications? Comment ce gouvernement qui impose aux Québécois le plus lourd fardeau fiscal peut-il justifier un tel gaspillage des fonds publics?

Des voix: ...

Le Président: Alors...

Alors, j'apprécie que le président n'ait pas eu à arbitrer entre l'ardeur ministérielle... M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, l'objectif du programme... Je pense que M. le ministre des Finances a annoncé une mesure qui répondait à un besoin au Québec, parce que nous étions en retard. Il fallait trouver une mesure incitative pour amener les familles et surtout les enfants... de pouvoir avoir une équité, de pouvoir se brancher sur le réseau Internet, surtout par rapport à l'information, à la recherche d'information. Alors, c'est ce qu'on...

Le Président: Je crois comprendre, à ma gauche, du côté de l'opposition, que vous voulez poser des questions au ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux. Je vous donnerai l'occasion de le faire après, mais là c'est le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce qui doit répondre. M. le ministre.

M. Julien: Alors, M. le Président, là-dessus, tout simplement pour dire que ça répond à un besoin. C'est pourquoi il y a eu cette mesure.

Maintenant, quant au contenu, ce qui peut apparaître, je suis convaincu que mon ministre délégué à l'Autoroute de l'information va donner un complément d'information. Voilà.

Le Président: Alors, Mme la députée de La Pinière, en question complémentaire.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je vous ferai remarquer qu'il y a une députée qui pose la question puis un ministre qui répond, même s'il est délégué.

(14 h 40)

Comment le ministre peut-il justifier que cette mesure, qui accorde 400 $ par famille – le ministre parle d'une mesure incitative – pour le branchement à Internet, soit accessible même aux familles qui sont déjà branchées? Où est l'incitatif? À quelle logique est-ce que ça correspond, cette mesure, M. le Président?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je me permets d'intervenir, monsieur...

Des voix: ...

Le Président: Je comprends qu'Internet rend joviaux les membres de l'Assemblée, mais il faudrait peut-être aussi en venir au fond. Alors, M. le ministre délégué.

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je me permets d'intervenir parce que la question pose la question fondamentale de l'objectif de la politique de l'autoroute de l'information. Ce que les gens d'en face nous disent, c'est qu'on devrait susciter le branchement des familles québécoises à des pseudosites gratuits américains. Êtes-vous allé voir, sur les sites américains, ce qu'il y a quand on veut se brancher gratuitement? On doit remplir tout un questionnaire sur son âge, le nom de sa femme, le nom de ses enfants, ses habitudes de consommation, son salaire, ses choix de vacances, etc. On devient donc un consommateur en ligne pour les marchands américains.

Nous, notre politique de branchement des familles, elle vise à susciter le contenu québécois à l'éducation des enfants et à faire en sorte que dans les écoles il n'y ait pas deux sortes d'enfants, des enfants qui ont Internet et des ordinateurs chez eux et ceux qui n'en ont pas.

Les familles qui se branchent reçoivent ce carton et sont invitées à venir sur le site Quebeclic.com . J'invite la critique officielle de l'opposition à faire de même. Là, on a répertorié des sites développés au Québec qui visent l'éducation, qui visent la promotion de la culture, qui visent l'éducation au sens large des familles et des enfants. C'est ça, notre politique de branchement des familles, ce n'est pas de rendre les consommateurs québécois en ligne pour des marchands américains, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Financement des centres d'éducation populaire de Montréal


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Depuis trois ans, les six centres d'éducation populaire de Montréal, tous situés dans des quartiers défavorisés, doivent faire des pieds et des mains pour continuer leur travail auprès des plus démunis. Cette situation est encore plus difficile depuis deux ans, puisque l'entente entre le ministère de l'Éducation, celui de la Métropole et celui de l'Emploi et de la Solidarité n'est pas respectée. Pourquoi elle n'est pas respectée? Parce qu'il semble que le ministre de la Solidarité sociale, en plus de perdre ses responsabilités et son mandat au profit de sa collègue de l'Emploi, a perdu à ce point ses moyens qu'il n'est plus capable de respecter sa participation financière dans cette entente concernant les centres d'éducation populaire.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation, qui est responsable de l'éducation populaire et qui veut développer une politique de la formation continue, peut nous dire ce qu'il va faire pour que son gouvernement respecte sa parole, respecte ses engagements face au financement de ces centres d'éducation populaire afin qu'ils puissent continuer d'offrir des services aux plus démunis de la région de Montréal?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Effectivement, les centres d'éducation populaire nous ont contactés au cours des derniers jours quant à l'incertitude concernant notre engagement. D'abord, je rappellerai que plusieurs ministères sont concernés: le ministère de la Solidarité sociale, le ministère de la Métropole et le ministère de l'Éducation. Nous avons demandé les rapports d'activité de ce centre, qui s'appelle InterCEP, et nous avons, la semaine dernière, reçu ses rapports financiers. Donc, nous sommes à les analyser. Il n'y a pas de raison de croire que l'engagement que nous avons pris, les trois ministères ensemble, au cours des deux dernières années ne sera pas renouvelé pour les prochaines années, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte que ce qui remet en question la survie de ces centres, ce n'est pas la participation pour les années à venir, c'est que, l'année passée, le ministère de la Solidarité sociale n'a pas participé? C'est l'an passé qu'il n'a pas mis de l'argent.

Et est-ce que le ministre de l'Éducation pourrait faire comme certains de ses collègues, dont le ministre des Finances qui était très fier de dire qu'il avait ramassé de l'argent pour financer des montgolfières, faire la même chose, ramasser de l'argent pour financer des centres importants pour les plus démunis de la région de Montréal?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, selon les informations que j'ai, le centre InterCEP a eu les fonds qui étaient nécessaires au cours des deux dernières années. Il y a eu des modifications dans la façon dont les fonds étaient distribués entre les différents ministères. Nous sommes actuellement à nous concerter, et il n'y a pas de raison de croire, M. le Président, que le financement approprié ne sera pas donné, comme il a été donné au cours des deux dernières années.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, juste pour informer le ministre, est-ce que je pourrais avoir le consentement pour déposer une lettre qui confirme que, pour l'année passée, régler le financement de l'année scolaire 1999-2000, l'argent n'est pas là? Pas pour l'avenir, pour l'année passée. Je peux la déposer pour informer le ministre et ses collègues de la situation qui prévaut dans les centres d'éducation populaire de Montréal.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt...

Une voix: ...


Document déposé

Le Président: Pardon? J'ai compris que c'était une lettre de l'organisme. C'est bien ça, M. le député de Kamouraska-Témiscouata? Alors, il y a consentement.

M. le député de Verdun, maintenant, en question principale.


Activités de recherche d'Hydro-Québec


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Hydro-Québec se livre à un véritable jeu de massacre avec ses activités de recherche qui ont déjà constitué des fleurons pour Hydro-Québec. Je pense à l'abandon du projet de moteur-roue. Je pense à l'abandon du projet Tokamak de fusion nucléaire. Je pense à l'abandon du projet de pile au lithium ACEP. Je pense à l'abandon, à toutes fins pratiques, des projets de recherche sur l'énergie éolienne.

M. le Président, le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, qui a visité d'ailleurs, la semaine dernière, l'IREQ, l'Institut de recherche en énergie du Québec, peut-il nous dire qu'est-ce qu'il compte faire pour empêcher Hydro-Québec de mettre fin, à toutes fins pratiques, à ses activités de recherche?

Le Président: M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. Dans le cadre des travaux et de la préparation de la politique scientifique du Québec, j'ai d'abord eu l'occasion au cours des derniers mois de faire le point avec mon collègue des Ressources naturelles sur l'orientation de la programmation scientifique d'Hydro-Québec. On sait qu'on a eu aussi le dépôt et l'approbation du plan stratégique d'Hydro-Québec pour les prochaines années, et c'est ce qui m'a amené effectivement, il y a à peu près 15 jours, à aller visiter les deux laboratoires – l'IREQ, le laboratoire de recherche en énergie du Québec, et le LTEE, qui est le Laboratoire des technologies électrochimiques et électromagnétiques, qui sont les deux laboratoires d'Hydro-Québec présentement – pour voir quelles seront leurs orientations pour l'avenir.

Et cette visite, j'ai pu la faire avec mes collègues, le député de Saint-Maurice et la députée de Marguerite-Bourgeoys, parce que l'impact de l'activité de ces deux centres-là sur le développement régional est aussi très important, comme c'est le cas pour tout centre de recherche.

Je pense que je peux dire présentement, ce qui ressort clairement, c'est que, pour l'IREQ, la mission scientifique de l'IREQ, ça cadre très bien dans le nouveau plan stratégique d'Hydro-Québec, c'est-à-dire que c'est une recherche essentiellement orientée sur la production, le transport et la distribution de d'électricité. Pour le LTEE, ça a été un laboratoire qui a toujours travaillé sur les applications de l'électricité, et il a donc découvert tout un champ qui fait appel à beaucoup d'autres partenaires éventuels pour son développement.

Alors, pour les deux laboratoires, il y a un potentiel de développement clairement pour l'avenir, sur deux horizons différents, et ce qui a été convenu avec la direction scientifique d'Hydro-Québec et en discutant aussi avec les chercheurs des deux centres, c'est que ces chercheurs vont être impliqués dans les discussions, que, dans les prochaines semaines, d'ici à peu près un mois, on devrait avoir les scénarios qu'on peut envisager pour l'avenir pour ces deux programmations scientifiques et être capable de les intégrer correctement dans la programmation scientifique au cours des prochains mois et à l'automne, M. le Président.

Mme Houda-Pepin: Additionnelle.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Comment la ministre responsable de la Montérégie peut-elle accepter que, depuis l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, l'IREQ a vu ses effectifs passer de 350 à 250 chercheurs en région et ses budgets passer de 130 millions à 70 millions? Comment peut-elle expliquer son inaction alors que son gouvernement est en train de démembrer un centre de recherche jadis considéré comme un fleuron de l'expertise énergétique à l'échelle mondiale?

Le Président: M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Bon. Alors, M. le Président, on ne pourra pas faire, sûrement pas ici, en période de questions, toute la révision et les procès de décisions qui peuvent avoir été prises au cours des dernières années. Pour l'IREQ, comme je l'ai dit en réponse à la question précédente, il y a un avenir de développement qui est très clair. Il y a une programmation scientifique qui est très en ligne avec le développement et le plan stratégique d'Hydro-Québec, et il y a eu des réajustements à faire dans le passé. Ils sont faits et, essentiellement, l'Institut de recherche en électricité du Québec a un avenir pour son développement.

(14 h 50)

Les plus gros projets qui ont été abandonnés, il faut dire... Et le député de Verdun a cité celui du Tokamak. C'était un projet qui était énorme, qui semblait voué à un développement important, mais, quand ce projet a été abandonné, ça a été parce que c'était un projet essentiellement financé par des fonds du fédéral, qui a arrêté son développement dans ce domaine-là, qui a retiré ses fonds et qui a amené la fermeture de ce projet de recherche là. C'est ça qui a causé le changement, la réorientation de ces gros projets, M. le Président.

Le Président: En question principale?

M. MacMillan: En additionnelle.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Comment le ministre responsable de la Mauricie peut-il accepter un tel désengagement d'Hydro-Québec qui menace la survie et les 70 emplois du Laboratoire des technologies électrochimiques et des électrotechnologies à Shawinigan?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.


M. Jean Rochon

M. Rochon: C'est louable de bien préparer sa période de questions puis les questions d'avance, mais ça ne devrait pas dispenser d'écouter les réponses aux questions posées par les collègues précédemment, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Mais je répète qu'en discutant avec des...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, un instant! M. le ministre.

M. Rochon: Je redis, M. le Président, que, il y a moins de 15 jours, j'étais là, sur le terrain, au centre de recherche. Les responsables de la programmation scientifique étaient là, le vice-président à la recherche d'Hydro-Québec était là aussi, on a rencontré des chercheurs, et il y a présentement une nécessaire réorientation de la programmation scientifique du LTEE, compte tenu des choses qui changent, tout simplement. Et il y a un besoin de trouver d'autres partenaires, parce que les applications de cette recherche qui sont dans le domaine de l'utilisation d'électricité sont plus vastes, c'est un territoire beaucoup plus vaste que ce que sont les besoins d'Hydro-Québec, ce qui n'était pas le cas il y a 10 ans, quand ce laboratoire-là a été créé. Et, présentement, les chercheurs seront impliqués dans la décision et il y a une réorientation. Et ce que sera le potentiel qui est là, qui est important, sera défini selon les partenaires qu'on pourra trouver.

J'ai pu rencontrer aussi la mairesse de Shawinigan, et on s'est très bien assuré d'être conscient de l'importance de ce laboratoire pour le développement régional. Alors, je pense que je peux tenir mon collègue le ministre...

Le Président: En question principale, M. le député de Shefford.


Versement du salaire du coroner Marc-André Bouliane


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Vous savez, j'ai questionné à plusieurs reprises le gouvernement sur son habitude de payer des gens à ne rien faire et qui restent à la maison. Le ministre des Relations avec les citoyens, lui, vous vous en souviendrez, il trouve ça normal, par exemple dans l'affaire Marc Bergeron. Le président du Conseil du trésor, lui, disait, et je le recite – ma source provient du journal Le Soleil du 29 septembre 1999: «Je ne tolérerai pas une telle situation. Tout fonctionnaire qui émarge au budget de l'État doit rendre des services pour le salaire qu'il reçoit. C'est le principe.» Fin de la citation.

M. le Président, le coroner Marc-André Bouliane est payé 85 000 $ par année depuis cinq ans pour ne rien faire. Étant donné que l'opinion du président du Conseil du trésor n'est à nouveau pas partagée par ses collègues, lequel des membres de ce gouvernement peut me dire comment il peut justifier une telle dépense de fonds publics?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Le député est bien ignorant de ce qui s'est passé, car le gouvernement a agi, dans le cas du coroner Bouliane, dans les 24 heures. Le gouvernement a fait ce qu'il devait faire. Dès que j'ai été informé des faits qui m'ont été communiqués par le coroner-chef, j'ai ouvert la loi et j'ai regardé quelle était la procédure à suivre. J'ai donc remis, le lendemain, le dossier au juge en chef du Québec, et, à partir de ce moment-là, le dossier n'appartient plus au gouvernement jusqu'à ce que le juge en chef lui remette son rapport.

Quand il est venu pour remettre le rapport, le juge en chef a reçu des procédures. Depuis ce temps-là, une multitude de procédures ont été prises, une autre enquête a été tenue par un autre juge de la Cour du Québec, conformément à des amendements à la législation qui avait été passée. Le gouvernement ne peut rien faire, le gouvernement a tout fait ce qu'il devait faire dans les 24 heures, et nous devons attendre que les procédures judiciaires en cours soient terminées avant de prendre une décision concernant le coroner Boulianne. C'est la seule explication qu'il y a, et je ne vois pas pourquoi vous vous en scandaliseriez à l'égard du gouvernement.


Votes reportés

Le Président: Bien, maintenant que la période de questions et de réponses orales est terminée, nous allons procéder au vote reporté sur la motion de M. le député de Hull.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Le vote n'est pas commencé, là. Bien, alors, nous allons...

Des voix: ...


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder au vote sur la motion de M. le député de Hull qui a été présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition la semaine dernière. Alors, cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Alors, que les députés...

M. Paradis: M. le Président, comme on a indiqué tantôt qu'il s'agirait possiblement d'un vote libre, les deux vice-présidents sont en ce moment-ci absents, il y a consentement pour qu'ils puissent revenir à l'Assemblée nationale même si le vote a été appelé, pour qu'ils puissent s'exprimer librement.

Le Président: Je vous indiquerais, M. le leader de l'opposition officielle, que l'absence ou la présence des vice-présidents est régulière à l'égard de ce type de vote. Et je pense qu'on sait très bien que, en général, à moins de grandes discussions ou de grands votes particuliers, les vice-présidents préfèrent s'abstenir, justement. Et je ne crois pas qu'à cette étape-ci non seulement il faille s'en offusquer, mais qu'il faille remettre en cause la conduite des vice-présidents d'un côté ou de l'autre.

Ceci étant, que les députés...

M. Paradis: M. le Président, je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme remettant en cause la conduite des vice-présidents. J'ai indiqué qu'il y avait consentement, même si le vote était appelé, pour qu'ils puissent s'exprimer sur le plan du vote, s'ils souhaitent le faire.

Le Président: Et je comprends, M. le leader de l'opposition officielle, que, s'ils ne sont pas ici, c'est parce qu'ils ont choisi, en fonction de leurs responsabilités, de ne pas y être, comme ils le font très régulièrement. Et je vous indique que, personnellement, j'approuve le choix que les vice-présidents font dans ce genre de situation.

Ceci étant, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

(15 heures)

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

La Secrétaire: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), M. Boisclair (Gouin), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Papineau (Prévost), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:38

Contre:66

Abstentions:0

Le Président: Alors, en conséquence, la motion est rejetée.


Dépôt de rapports de commissions

Je demanderais le consentement des leaders pour qu'on revienne à l'étape de la présentation des rapports de commissions. Le président de la commission des finances publiques, M. le député de Richelieu, va nous présenter le rapport de sa commission.


Étude détaillée du projet de loi n° 121

M. Simard (Richelieu): En retard mais là, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 23 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements, dont un au titre. Merci.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de commission est déposé.

Aux motions sans préavis...


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et finalement

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, de 15 h 30 à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Ça va, M. le leader du gouvernement?

M. Brassard: Oui.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, avant de céder le fauteuil au premier vice-président qui va rendre une décision, je vous rappelle que, conformément à l'article 21 de notre règlement, la période de travaux intensifs débute demain, le 25 mai, pour se terminer le 23 juin au plus tard et que, durant cette période, l'Assemblée procède à la période des affaires courantes à partir de 10 heures le matin.

Alors, maintenant, je vais céder le fauteuil au premier vice-président qui va rendre sa décision, tel que je l'ai indiqué précédemment.


Décision du président sur la question de règlement soulevée par le leader de l'opposition portant sur la nécessité d'obtenir consentement pour revenir aux avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tel qu'annoncé, je vais rendre la décision concernant la possibilité de convoquer une commission pendant les affaires du jour.

Lors de la période des affaires du jour de la séance du jeudi 18 mai 2000, l'Assemblée a adopté le principe du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance. Conformément aux dispositions de l'article 243 du règlement, le projet de loi a alors été envoyé à la commission des affaires sociales pour étude détaillée. Tout de suite après l'envoi du projet de loi en commission, le leader du gouvernement donnait un avis pour convoquer la commission des affaires sociales pour entreprendre, le 23 mai 2000, l'étude détaillée du projet de loi n° 128. Par la suite, le leader de l'opposition officielle a adressé une demande de directive à la présidence par laquelle il désire savoir si, lorsque l'Assemblée tient séance, le leader du gouvernement peut, lors de la période des affaires du jour, communiquer à l'Assemblée un avis afin de convoquer une commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée.

Tout d'abord, il ressort d'une recherche effectuée par la présidence que, sous l'empire de l'actuel règlement, il est arrivé par le passé qu'un leader du gouvernement convoque une commission tout de suite après l'envoi en commission d'un projet de loi dont le principe venait d'être adopté. Une pratique semblait d'ailleurs s'être établie à cet égard depuis plusieurs années. Toutefois, ces précédents ne suffisent pas à eux seuls à établir la procédure en la matière. Il faut d'abord se référer au règlement qui est une source de la procédure parlementaire ayant préséance sur les précédents.

En outre, il faut savoir qu'avant 1984 la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, aux affaires courantes, n'existait pas. Selon le règlement et la pratique de l'époque, le leader du gouvernement pouvait convoquer à tout moment une commission pour l'étude détaillée d'un projet de loi. La deuxième lecture et l'étude en commission élue ou plénière pouvaient donc se réaliser au cours de la même séance. Il faut en convenir, l'introduction en 1984 de cette rubrique spécifique aux affaires courantes a créé une certaine confusion en ce qui a trait à la convocation des commissions.

Cela dit, les modalités de convocation d'une commission parlementaire qui a reçu un mandat de l'Assemblée sont maintenant prévues à l'article 147 du règlement, et je cite: «La commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président, sur avis du leader du gouvernement. L'avis, dont copie est adressée au président de l'Assemblée, indique l'objet, la date, l'heure et l'endroit de la réunion. Si l'Assemblée tient séance, le leader du gouvernement convoque la commission au moment prévu de la période des affaires courantes.»

Le texte de cette disposition est clair, une commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président sur avis du leader du gouvernement. La façon pour le leader du gouvernement de communiquer son avis varie selon que l'Assemblée tient séance ou non. Lorsque l'Assemblée tient séance, ce qui était le cas le jeudi 18 mai 2000, l'avis est donné oralement au moment des affaires courantes prévu pour les avis touchant les travaux des commissions. Lorsque l'Assemblée ne tient pas séance, l'avis est communiqué par écrit. Contrairement à l'avis oral, le règlement n'encadre aucunement le moment où peut être communiqué un avis écrit du leader.

Ainsi donc, tel que libellé, l'article 147 fait en sorte que le mode de convocation d'une commission est plus contraignant lorsque l'Assemblée tient séance. De fait, lorsque l'Assemblée ne tient pas séance, le leader du gouvernement peut convoquer par écrit une commission à n'importe quel moment de la journée. C'est donc dire que, aussitôt la séance terminée, le leader du gouvernement peut transmettre un avis écrit afin de convoquer une commission. Il semble n'y avoir aucune logique évidente qui sous-tend une telle différence entre les deux modes de convocation.

(15 h 10)

Au surplus, lorsque interprété par rapport à d'autres articles du règlement, l'article 147 peut mener à certaines circonstances indésirables. Tout d'abord, l'article 230 du règlement prévoit que chaque étape de l'étude d'un projet de loi doit avoir lieu à une séance distincte. Toutefois, le deuxième alinéa de cet article prévoit que «l'adoption du principe et l'étude détaillée en commission peuvent avoir lieu au cours de la même séance». Les dispositions des articles 147 et 230 combinées font en sorte que, lors de la période de travaux ordinaires – nous sommes actuellement en travaux ordinaires – le principe d'un projet de loi peut être adopté le matin et, en après-midi, lors de l'étape des affaires courantes prévue pour les avis touchant les travaux des commissions, le leader du gouvernement peut communiquer un avis oral afin de convoquer le jour même la commission chargée de procéder à l'étude détaillée du projet de loi.

Toutefois, pour le même motif, cela devient impossible lors de la période des travaux intensifs. De fait, durant cette période, l'Assemblée procède aux affaires courantes au tout début de la séance. Le leader doit donc donner les avis touchant les travaux des commissions en matinée. Si le principe d'un projet de loi est ensuite adopté à la période des affaires du jour, le leader n'a donc aucun moyen de donner un avis pour convoquer la commission pour l'étude détaillée du projet de loi durant la séance en cours. Le deuxième alinéa de l'article 230 devient donc, d'une certaine manière, inopérant en période intensive.

Le libellé de l'article 147 fait également en sorte que la règle précitée contenue à l'article 230 peut recevoir une application différente selon que le projet de loi est renvoyé pour étude détaillée en commission permanente ou en commission plénière. À cet égard, l'article 108 prévoit que, «à la période des affaires du jour, le leader du gouvernement peut, sur motion sans préavis et non débattue, proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière». Ainsi donc, tout de suite après l'adoption du principe d'un projet de loi et de son renvoi en commission plénière, le leader du gouvernement pourrait proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi concerné. Voici pour le tableau réglementaire.

Devant tout ceci et malgré tout ce qui précède, en présence d'une disposition réglementaire expresse qui prévoit que, lorsque l'Assemblée tient séance, le leader du gouvernement convoque la commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée au moment prévu de la période des affaires courantes, la présidence ne peut réécrire le règlement en s'appuyant uniquement sur des précédents. C'est pourquoi, en l'absence d'une modification au règlement, un consentement de l'Assemblée est nécessaire pour permettre au leader du gouvernement de communiquer des avis touchant les travaux des commissions lors de la période des affaires du jour.

Alors, l'état du droit actuellement oblige, si vous voulez, à obtenir un consentement. Maintenant, il reste, comme je vous l'ai dit, toujours la possibilité... Effectivement, l'ensemble des articles font qu'il semble y avoir peut-être une certaine incohérence entre l'ensemble des articles, mais ça demanderait peut-être à être revu pour ajuster certains points du règlement et le rendre plus cohérent. Alors, voici la décision. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement une précision, M. le Président. Est-ce que la décision s'applique également – parce que vous en avez fait mention dans le préambule mais non dans le dispositif – aux commissions plénières?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Une commission plénière, ça, ça ne demande pas de consentement. Ça, c'est très clair. L'article 108 – j'ai mentionné l'article 108 – explicitement le permet pour les commissions plénières. Ça, on peut le faire sans consentement. Très bien?


Affaires du jour

Alors, ceci met fin aux affaires courantes, et je m'en vais procéder aux affaires du jour, et j'inviterais M. le député de Marquette sur une question de directive.

M. Ouimet: Hier, M. le Président, dans le cadre des débats de fin de séance, votre collègue deuxième président de l'Assemblée nationale s'était engagé à rendre une décision concernant une question de règlement que nous avons soulevée. Pourriez-vous nous indiquer à quel moment il va rendre cette décision-là? J'étais sous l'impression que vous alliez la rendre immédiatement après cette première décision.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Savez-vous, je n'étais pas au courant de ce point-là. Alors, je m'informerai auprès du second vice-président, et probablement que demain il pourrait rendre sa décision.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pardon?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien oui, il a pris la question en délibéré. Alors, je dis que...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est ça. Quand il le jugera à propos, le plus rapidement possible. On va être là demain aussi. Très bien. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 38 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 82


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 38, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. Alors, j'inviterais M. le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique à prendre la parole. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de soumettre à la considération de cette Assemblée le résultat des travaux de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 82, ce projet de loi qui, nous le souhaitons, nous donnera un nouveau cadre de gestion de l'administration gouvernementale.

Les travaux de la commission parlementaire se sont déroulés les 24, 25 et 30 novembre ainsi que les 2 et 8 décembre 1999. Ils se sont poursuivis le 27 janvier, les 6 et 11 avril de cette année, pour se conclure le 11 mai dernier, ce qui représente plus de 36 heures de travaux au cours desquels 52 amendements ont été apportés au projet de loi. Vous comprendrez que je suis heureux de soumettre aujourd'hui à l'Assemblée le fruit de travaux aussi abondants, des travaux qui auront permis d'étudier en détail un projet de loi visant une administration gouvernementale encore plus performante et qui affirme la priorité accordée à la qualité des services offerts par l'État québécois aux citoyens.

À cet égard, j'aimerais tout d'abord rappeler l'objet du projet de loi n° 82. Il instaure un nouveau cadre de gestion pour l'administration gouvernementale. D'ici quelques années, on devrait pouvoir dire que le gouvernement ne travaillera plus tout à fait de la même façon.

Quels sont les objectifs visés par la mise en place de ces nouvelles façons de gérer? Au centre du projet de loi sur l'administration publique, on retrouve la priorité accordée à la qualité des services aux citoyens. On y retrouve également un ensemble de moyens pour favoriser la performance du secteur public québécois. Autrement dit, on veut donner aux fonctionnaires plus de latitude dans les moyens pour mettre en oeuvre les programmes qui leur sont confiés et pour relever les défis d'aujourd'hui, ce qui implique un assouplissement des contrôles a priori exercés par les organismes centraux. En contrepartie, les gestionnaires de l'État devront rendre des comptes sur les résultats atteints, un nouveau cadre de gestion, donc, axé sur l'atteinte des résultats mais aussi sur la transparence, et une imputabilité accrue de l'administration devant cette Assemblée.

Le projet de loi prévoit aussi de nouvelles responsabilités pour l'administration gouvernementale. Elle s'engagera publiquement quant au niveau et à la qualité des services aux citoyens. Chaque ministère et organisme produira un plan stratégique pluriannuel et un plan annuel de gestion des dépenses qui seront déposés à l'Assemblée nationale. Les parlementaires recevront également le rapport annuel de gestion dans lequel les ministères feront état des résultats atteints en regard des objectifs visés dans le plan stratégique. Le cadre de gestion devrait être plus souple et adaptable, au point de permettre, dans le cadre d'une convention de performance et d'imputabilité, la conclusion d'une entente de gestion, ce qui veut dire la mise en place d'un cadre de gestion adapté à la réalité d'une unité administrative au sein d'un ministère ou d'un organisme.

(15 h 20)

En vertu du projet de loi n° 82, le rôle du Conseil du trésor sera profondément transformé pour devenir plus stratégique. Outre ses fonctions traditionnelles, le projet de loi prévoit lui confier une fonction d'orientation sur les principes et les pratiques en matière de gestion des ressources humaines, budgétaires, matérielles ou informationnelles. Ces orientations serviront de guides aux ministères et aux organismes. Dans une perspective de responsabilisation, le Conseil du trésor réduira autant que possible les contrôles a priori pour réserver ses interventions à des enjeux plus globaux. Par ailleurs, le projet de loi reprend ou révise, selon une approche d'allégement, les règles de gestion des ressources humaines, budgétaires, matérielles et informationnelles applicables à l'administration gouvernementale, des règles actuellement prévues par la Loi sur l'administration financière et par la Loi sur la fonction publique. Le processus de promotion dans la fonction publique, le contrôle de l'effectif, la gestion des contrats, la façon d'autoriser les crédits sont des exemples de processus et d'activités faisant l'objet de mesures qui visent à les assouplir et à donner plus de marge de manoeuvre à ceux comme à celles qui les gèrent.

Ce projet de loi prévoit l'utilisation accrue et la gestion des nouvelles technologies de l'information et des communications aux fins de simplifier et de rendre plus accessibles les services à la population et aux entreprises. Elles seront aussi gérées, en favorisant la concertation entre ministères et organismes, de façon à soutenir le développement d'un État réseau dont les composantes fonctionnent en harmonie plutôt qu'isolément les unes par rapport aux autres.

Vous constatez, M. le Président, quelle était l'abondante matière que nous avions à couvrir en commission parlementaire. Et, au-delà des principes et des mécanismes administratifs, la commission a examiné plus de 140 dispositions modifiant une centaine de lois québécoises. Si l'on voulait résumer la teneur des amendements apportés en commission parlementaire, on pourrait dire que la grande majorité était de nature technique, et, de façon générale, les amendements ont permis de répondre à des préoccupations exprimées par divers organismes. À titre d'exemple, nous avons modifié l'article 5 du projet de loi pour préserver la nécessaire autonomie d'organismes dont les membres sont nommés par l'Assemblée nationale ou d'autres organismes, les tribunaux administratifs institués pour exercer des fonctions juridictionnelles.

Durant les travaux de la commission, nos collègues de l'opposition se sont grandement intéressés au grand principe du projet de loi n° 82 – et je le dis à leur crédit comme je le dis au crédit des députés du gouvernement qui se sont intéressés de la même façon – à savoir la qualité des services aux citoyens, la transparence de l'administration, l'imputabilité et la reddition de comptes devant cette Assemblée. Je dirais sans crainte de me tromper qu'ils ont adhéré à ces principes de façon générale. J'entendrai tout à l'heure leurs commentaires. Nous les avons également rassurés sur de nombreux aspects techniques, ce qui a permis, en fin de compte, d'atteindre des consensus quant à la très grande majorité des articles du projet de loi, ce qui me permet de conclure, M. le Président, que le projet de loi n° 82 a été mieux compris et bonifié durant son étude article par article devant la commission des finances publiques et que, tel qu'il revient devant cette Assemblée, il comporte tous les ingrédients requis pour transformer notre administration publique. Nos fonctionnaires pourront ainsi faire leur travail dans un cadre moins rigide, leur action étant recentrée sur les résultats. Quant à nous, les parlementaires, nous serons mieux informés et pourrons mieux apprécier la gestion gouvernementale.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je suis heureux d'inviter l'Assemblée à prendre en considération le fruit de nos travaux en commission parlementaire et à poursuivre l'adoption du projet de loi n° 82. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Comme l'a dit le président du Conseil du trésor, nous sommes à la prise en considération du rapport de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. Comme l'a souligné le président du Conseil du trésor, ce furent des travaux ardus, des travaux qui ont nécessité plusieurs heures en commission parlementaire, et, d'entrée de jeu, je voudrais remercier, donner un merci tout spécial au député de Vaudreuil qui a initié avec le ministre les travaux en commission parlementaire. Et je dois souligner le travail – un travail important, un travail inlassable – du député de Vaudreuil qui aujourd'hui porte le dossier de la santé et qui fait aussi un excellent travail. Je désire aussi souligner le travail des députés qui ont accompagné le député de Vaudreuil et qui vont accompagner principalement la députée de La Pinière qui, de commission en commission, a toujours travaillé de façon inlassable afin de permettre des améliorations au projet de loi n° 82.

Ceci étant dit, M. le Président, je pense que, de ce côté-ci de la Chambre, on admet – et des deux côtés de la Chambre – qu'il était nécessaire à ce moment-ci de trouver des façons de faire évoluer les modes de gestion. Je pense que, dans l'économie où nous vivons présentement, dans la mondialisation des marchés, il est nécessaire de revoir de temps à autre nos façons de faire, et je pense que c'était nécessaire de revoir les façons de faire, et c'est ce que nous appuyons, sauf qu'on peut se questionner. On peut se questionner principalement sur la façon qu'a eue le gouvernement de procéder dans cette affaire-là.

Je pense que, pour nous, ce qui était la première chose à faire, c'est de peut-être revoir les missions de chacun des ministères, la façon dont l'on procède, la façon de voir l'État. Donc, dans les autres pays qui ont procédé à l'adoption de lois qui ont fait en sorte de moderniser la fonction publique, on avait vu, avant, à revoir peut-être les fonctions de l'État, sa mission, son organisation, ses structures, et procédé à un examen général des programmes. M. le Président, ça n'a pas été fait dans ce cas-ci. Nous aurions grandement préféré voir un processus inversé. Donc, le député de Vaudreuil, je me souviens, l'avait dit dans son allocution au moment de la deuxième lecture en novembre dernier, et je me fais un devoir de le souligner à nouveau au gouvernement et principalement au président du Conseil du trésor. C'est le premier point majeur sur lequel l'opposition fait ses recommandations au gouvernement.

M. le Président, on perçoit aussi que c'est un processus qui, à notre avis, aurait dû comporter deux étapes, celle de revoir l'État avant d'adopter cette Loi sur l'administration publique. On est encore un État qui dépense énormément. On sait, ici – et je regardais les statistiques ce matin – que les dépenses du secteur public représentent 50 % de notre produit intérieur brut. Donc, on est encore l'État qui dépense le plus en Amérique. Je n'ai pas les dernières statistiques concernant les mêmes dépenses au niveau canadien ou au niveau américain, mais nous sommes encore les gens qui dépensent le plus dans leur structure étatique. Donc, on est devant une réalité.

Je pense qu'on aurait dû revoir les missions fondamentales de l'État. Le président du Conseil du trésor déclarait d'ailleurs et il laissait sous-entendre que, ayant atteint le déficit zéro, il n'était pas nécessaire de revoir les missions fondamentales de l'État ou la façon dont on procéderait. Donc, le déficit zéro, on comprend bien... Par exemple, on avait les maires aujourd'hui de plusieurs municipalités où on a pelleté des montants importants aux municipalités, aux hôpitaux. On inonde les citoyens de taxes. Donc, je pense qu'il faudrait faire un examen de conscience puis voir comment on pourrait refaire les choses. C'est le grand oubli du projet de loi, et je pense que le gouvernement devrait faire preuve un peu plus d'ouverture aux réalités, principalement aux réalités québécoises.

M. le Président, dans un premier temps, oui à la modernisation puis au fonctionnement puis, deuxièmement, à revoir les missions de l'État pour moderniser de façon concrète les façons de faire. Le président du Conseil du trésor soulignait il y a quelques instants les travaux qui ont été relativement ardus. Il nous a souligné aussi les amendements qu'il a apportés à l'article 5 du projet de loi. Je peux en parler un peu plus parce que j'étais, à ce moment-là, le nouveau porte-parole pour les affaires du Conseil du trésor, et il y a eu amendement, oui, à l'article 5, on a amélioré l'article 5, sauf que les groupes, les gens qui sont responsables principalement... On a eu beaucoup de correspondance de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui est encore insatisfaite, et, tout simplement pour résumer ses propos, j'ai sorti deux, trois citations d'une résolution qu'elle a adoptée, dont le président du Conseil du trésor a pris connaissance mais qui transmettent très bien la position de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Donc, je profite de l'occasion pour en citer quelques lignes seulement, et vous allez bien comprendre, M. le Président:

«Attendu que les membres se sont opposés avec la plus grande fermeté à l'inclusion de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au nombre des organismes visés par le projet de loi n° 82;

(15 h 30)

«Attendu que les membres de la Commission estiment que le projet de loi n° 82, même incluant l'amendement proposé, continue à présenter des aspects ambigus difficilement compatibles avec l'autonomie de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse;

«Les membres de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse réitèrent que le respect de l'intégralité de sa mission, tel que l'a voulu et souhaité l'Assemblée nationale, exige que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne soit pas assujettie à la loi n° 82.»

Donc, en résumé, M. le Président, la peur de cet organisme, c'est la peur d'autres organismes. Ce sont des organismes qui font souvent enquête sur des gestes qui ont été posés par le gouvernement du Québec, et ces gens-là, à juste titre, craignent que par une restriction budgétaire on puisse empêcher justement ces gens-là de faire enquête sur le gouvernement. Donc, je pense qu'il est impératif de protéger la démocratie au Québec, et, de cette façon-là, on protège la démocratie en créant des organismes comme la Commission des droits de la personne, comme le Protecteur du citoyen, comme le Vérificateur général. Donc, je pense qu'il est important de garder ces organismes-là à l'abri de toute pression budgétaire ou autre sur des enquêtes qu'ils pourraient faire sur le gouvernement du Québec.

Ça résume, en fait, les travaux que nous avons eus en commission parlementaire, et j'espère que le gouvernement, et en particulier le président du Conseil du trésor, en aura pris bonne note. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Prochaine intervenante, Mme la députée de La Pinière. Je vous cède la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir à cette étape de la prise en considération du rapport, je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. J'ai eu l'occasion d'intervenir dans les étapes subséquentes et de participer aussi aux travaux de la commission parlementaire, de la commission des finances publiques, et de faire les commentaires qu'il fallait étape par étape.

Je dois dire, M. le Président, que ce projet de loi n° 82, sur le principe, le principe général, répond à un certain nombre d'attentes en ce qui a trait à la modernisation de l'appareil de l'État par l'établissement d'un nouveau cadre de gestion. En effet, dans les notes explicatives, on dit que ce projet de loi établit un nouveau cadre de gestion de l'administration gouvernementale qui est axé sur l'atteinte de résultats, sur le respect du principe de la transparence et sur une imputabilité accrue de l'administration devant l'Assemblée nationale. Alors, si je me limite uniquement à cet énoncé, lorsqu'on le lit, on ne peut pas ne pas être d'accord avec l'idée sous-jacente, sauf que, lorsqu'on parle de transparence, force est de constater que le gouvernement n'est pas capable d'atteindre un niveau de transparence qui permet d'abord aux parlementaires et aux citoyens de mieux connaître la façon dont la chose publique est gérée. On nous dit qu'il y aura désormais un plan stratégique et pluriannuel, des nouvelles responsabilités qui seront accordées aux cadres, qu'il y aura une exigence de performance, d'imputabilité, et tout ça, sauf que les outils et les moyens pour atteindre ces objectifs-là ne sont pas acquis par ce projet de loi n° 82.

Une des choses qui m'ont préoccupée beaucoup dans ce projet de loi, M. le Président – et le président du Conseil du trésor y a fait allusion tantôt – c'est précisément le rôle du Conseil du trésor qui devient plus stratégique, qui se concentre davantage sur les grandes orientations gouvernementales en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines, matérielles et informationnelles. Or, à cette étape de développement technologique que nous vivons en l'an 2000, on sait très bien que les technologies de l'information sont devenues un instrument majeur de modernisation de l'État, un instrument tellement majeur qu'il révolutionne les façons de faire, les façons de gérer, la philosophie de gestion ainsi que l'organisation du travail. Par conséquent, ce changement profond qui s'opère dans les structures du gouvernement a besoin d'être lui-même bien géré.

Or, lorsqu'on regarde les expériences que nous connaissons de ce gouvernement – je fais allusion, par exemple, au projet GIRES pour lequel j'ai eu l'occasion de soulever des questions devant cette Assemblée – c'est un fouillis total. Alors, le gouvernement se donne une pièce législative supposément pour moderniser l'État, mais, dans les faits, la modernisation, c'est du bout des lèvres parce que, dans le concret, le gouvernement continue à fonctionner à la petite semaine avec des méthodes archaïques et aussi avec un manque de transparence assez flagrant. Qu'il suffise de rappeler, M. le Président – parce que nous sommes en train d'étudier un projet de loi qui parle d'imputabilité – que, devant cette Assemblée, j'ai eu l'occasion de poser à quatre reprises la même question au président du Conseil du trésor, qui a déposé le projet de loi n° 82, pour connaître une seule information, qu'est-ce que ça va coûter aux contribuables québécois, l'acquisition du progiciel GIRES. Quatre fois la question a été posée et quatre fois le président du Conseil du trésor a esquivé la réponse. J'ai reçu à cet effet un courriel de gens qui ont regardé cette période de questions et qui sont renversés de voir comment le gouvernement répond aux questions de l'opposition. Si je cite cet exemple, c'est pour illustrer l'écart qui existe dans les objectifs souhaités, voulus par le projet de loi, et la pratique qui prévaut actuellement au gouvernement.

Alors, M. le Président, sur le fond, au niveau des idées, au niveau des principes, on ne peut pas être contre le principe de moderniser le rôle de l'État, on est tout à fait en faveur de l'introduction des nouvelles technologies de l'information. Comme le président du Conseil du trésor l'a expliqué tantôt, on va gérer de plus en plus à l'aide des nouvelles technologies de l'information et des communications. Soit! Mais le problème, c'est que le gouvernement, qui doit donner un modèle, qui doit se donner en modèle, qui doit jouer un rôle de leader dans l'utilisation des technologies de l'information, il est en arrière de plusieurs années par rapport à ce qui se fait dans les provinces voisines.

Le ministre nous a dit tantôt qu'on s'en va vers l'État réseau. Alors, prenons une illustration juste pour expliquer à quel point le décalage est grand entre le discours et la réalité. L'État réseau, ça veut dire, M. le Président, qu'il y a un décloisonnement entre tous les ministères, les organismes gouvernementaux, et qu'il y a une communication et une interaction assez accrues entre les différents ministères et organismes. Or, si vous regardez le site du gouvernement sur Internet, force est de constater qu'on a 118 entrées pour le gouvernement. Des silos. Et on se perd là-dedans à se retrouver. Ça illustre de façon assez claire le discours, qui est un discours soi-disant avant-gardiste, et la contradiction avec la réalité qui ne soutient pas ce discours.

Il y a également, M. le Président, dans cet effort de modernisation – et j'insiste là-dessus – un effort de sensibilisation de tous les parlementaires par rapport aux enjeux sous-jacents à l'introduction des technologies de l'information et des communications, entre autres toute la question des mégafichiers. Et certains mégafichiers existent déjà au gouvernement. Or, avec l'implantation du progiciel GIRES, nous avons un TGV qui va passer dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental, les ministères et les organismes, et qui va faire en sorte que le respect de la vie privée, des renseignements confidentiels, cette soupape que nous avions parce que la loi protégeait les citoyens, eh bien, cette soupape va sauter parce qu'il y a des risques, et ça a été démontré même par les études internes du gouvernement que les risques, non seulement ils sont grands, mais ils sont réels. Alors, ça, c'est des réalités qu'il faudrait souligner pour mesurer l'écart entre ce qui se fait actuellement et ce qui doit être fait.

(15 h 40)

Des exemples, M. le Président. On veut gérer efficacement, on est tout à fait d'accord avec ça, mais regardez le programme de branchement des familles. On gaspille 120 millions de dollars dans un programme qui est offert gratuitement par des douzaines d'entreprises et qui couvre les deux tiers de la population du Québec. Comment expliquer ça? Et non seulement on l'offre à cette population, à ce bassin de population, mais on l'offre même aux gens qui sont déjà branchés, et ce gouvernement est supposé combler le retard que le Québec accuse dans ce domaine. C'est à n'y rien comprendre.

Le Vérificateur général, M. le Président, est venu en commission parlementaire pour faire la preuve justement des problèmes sérieux qui existent au niveau de la façon dont le gouvernement gère les fonds publics, les gaspillages qu'il y a. Il a cité, par exemple, le cas du Fonds de lutte contre la pauvreté où on attend toujours des réponses à des questions qui ont été posées par le Vérificateur et par l'opposition officielle. Ces réponses, nous ne les avons pas. Pourquoi? Parce qu'il y a beaucoup d'ambiguïtés et beaucoup de vagues autour d'un certain nombre d'actes, de mesures et de programmes qui ont été gérés de façon très inefficace.

Alors, sur le principe, nous sommes d'accord. Dans les faits, force est de constater qu'il y a un écart considérable entre la réalité et la parole. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Alors, il n'y a pas d'autres intervenants? Je vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui, M. le Président. Simplement une note sur une critique qui a été faite et qui concerne la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. L'objectif du projet de loi, c'est d'améliorer l'administration gouvernementale, ce n'est pas de modifier le statut d'organismes tels que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, et on ne pouvait pas profiter de cette loi, de ce projet de loi n° 82, pour le faire. C'est ce que nous avons répondu en commission parlementaire.

Par ailleurs, nous avons modifié l'article 5 de façon à laisser pleine et entière autonomie, par rapport au Conseil du trésor, à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Ça a été un débat important, nous avons discuté beaucoup entre nous au gouvernement, en particulier avec les fonctionnaires, sur cette question, mais nous n'avions pas comme objectif de modifier le statut de la Commission. Ce n'était pas le rôle de ce projet de loi, l'objectif de ce projet de loi, loin de là.

Cependant aussi, au cours de cette discussion, ce qui est apparu, c'est que la Commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse doit aussi rendre des comptes, mais elle va les rendre à l'Assemblée nationale. Si la Commission cependant prétend ne plus devoir rendre de comptes, ça, c'est une autre chose, et je pense qu'on ne peut pas souscrire à une telle demande de la part de la Commission, quelles qu'en soient les circonstances et même si on révisait son statut, sa composition, ses objectifs. Non. M. le Président, tout le monde rend des comptes à tout le monde, à la population, de la part des députés, les députés rendent des comptes à tous les quatre ans ou au moment des élections à la population et les organismes qui dépendent de l'Assemblée nationale doivent rendre des comptes à l'Assemblée nationale. C'est dans l'ordre des choses et c'est le respect de la démocratie qui le commande.

J'ai entendu les critiques de la députée de La Pinière au sujet de GIRES. J'ai eu l'occasion de répondre. Le chiffre exact du contrat, 23 millions et quelque chose, que j'ai oublié parce qu'il y a aussi des cents là-dedans, le chiffre exact, elle le connaît, comme elle a en main la copie du contrat qui est public depuis le 1er décembre, le moment où le juge l'a déposé en rendant sa décision. M. le Président, il n'y a aucune cachette là-dedans. Elle revient systématiquement en espérant que peut-être quelqu'un ramasserait une telle critique et s'en ferait une vérité. Il n'y a pas de vérité là. Il ne faut surtout pas écouter l'opposition si on veut connaître le fin fond de la vérité.

Alors, je continue à penser qu'il faut aller de l'avant avec le projet de loi n° 82 tel qu'il a été présenté et amendé. S'il y a d'autres amendements d'ici la fin, je n'en prévois pas à ce moment-ci, mais nous le ferons parce que nous voulons un projet de loi qui soit le meilleur possible.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, l'article 23, M. le Président.


Projet de loi n° 132


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 23, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 23 mai 2000 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes. Je suis prêt à céder la parole à un premier intervenant. Alors, M. le député de Chomedey. C'est l'adoption du principe. Si vous parlez en tant que représentant de votre formation, vous avez 60 minutes.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Maintenant, je crois que M. le député de D'Arcy-McGee était intervenu.

M. Mulcair: Oui, mon collègue le député de D'Arcy-McGee est le porte-parole.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est 20 minutes pour les autres intervenants.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir, au nom de notre formation politique, d'ajouter ma voix à celle de mon collègue le député de D'Arcy-McGee qui est notre porte-parole en matière de lois professionnelles. Le projet de loi sous étude s'intitule projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes, dans sa version anglaise, Bill 132, An Act to amend the Architects Act.

M. le Président, ce projet de loi se résume assez facilement, et je vais me permettre de lire une partie des notes qui l'accompagnent, qui expliquent un peu son objet. On dit que le projet de loi modifie la Loi sur les architectes en vue principalement de réviser le champ d'exercice des membres de l'Ordre des architectes. À une norme financière et à une liste d'édifices publics il substitue des critères de finalité du bâtiment, de superficie brute totale des planchers et de nombre d'étages. Le projet de loi prévoit également que le Bureau de l'Ordre devra prendre un règlement déterminant, parmi les actes que seul un architecte peut poser, ceux qui pourront l'être par des classes de personnes autres que des architectes. Enfin, le projet de loi précise que commet une infraction non seulement la personne qui utilise des plans et devis non conformes à la loi, mais aussi celle qui permet que de tels plans et devis soient utilisés.

M. le Président, on va prendre ces trois éléments un par un, essayer de les expliquer et essayer d'expliquer pourquoi, à notre point de vue, le projet de loi n° 132 est extrêmement mal avisé. Sur le plan un peu subjectif, on peut d'ores et déjà signaler un fait. Le fait, c'est que les deux ordres principalement intéressés, soit l'Ordre des architectes du Québec et l'Ordre des technologues professionnels, s'opposent avec véhémence à ce projet de loi. Dans une lettre aussi récente que le 19 mai, le président des technologues professionnels écrit à la ministre pour lui dire qu'à la lecture du projet de loi il avoue qu'ils sont, à l'Ordre, excessivement déçus. Même son de cloche du côté de l'Ordre des architectes. Alors, à moins d'être un vrai cynique et de dire: Si tout le monde est contre, ça doit être une bonne chose, on est en droit de se demander dans cette Chambre comment il se fait que la ministre de la Justice, responsable de l'application des lois professionnelles, a fait un geste si mal avisé que de venir devant cette Assemblée pour présenter un projet de loi qui fait une seule unanimité, une unanimité d'opposition par toutes les parties intéressées.

Rappelons brièvement, M. le Président, qu'au sein des 44 ordres professionnels qui existent il y a deux catégories. C'est la même chose partout en Amérique du Nord, par ailleurs. Il y a des ordres professionnels, des professions où on a un titre réservé seulement, c'est-à-dire que, par exemple, seulement un membre de l'Ordre des psychologues ou des physiothérapeutes a le droit de s'appeler psychologue ou physiothérapeute, mais ce n'est pas interdit de faire des manipulations qui peuvent ressembler à ce que ferait par ailleurs un physiothérapeute. Ce n'est pas interdit à un conseiller en pastorale, par exemple, de faire une relation d'aide, ou même quelqu'un pourrait faire de la psychothérapie sans pour autant être membre de l'Ordre des psychologues. C'est le titre qui est en quelque sorte la garantie de protection du public. Traitez avec une personne utilisant ce titre, vous faites affaire avec un membre de l'Ordre, mais les champs de pratique ne sont pas réservés strictement à ces personnes-là.

(15 h 50)

Une autre catégorie de personnes voient non seulement le titre réservé, mais aussi leur exercice. Il y a des actes que seul un membre de la profession peut poser. Pour prendre un exemple classique, M. le Président, à moins que vous soyez dentiste, ni vous ni moi n'avons le droit de nous appeler dentistes ou de nous faire appeler dentistes, mais on n'a pas le droit non plus de poser des gestes en rapport avec la santé buccale des gens, de poser des gestes sur leurs dents. Ça, c'est un champ de pratique qui est réservé aux seuls membres de l'Ordre des dentistes du Québec.

Cette distinction est importante parce que ça explique un peu qu'est-ce qui est la genèse de ce projet de loi aujourd'hui, parce que, comme c'est souvent le cas chez les êtres humains – et les professionnels n'étant pas des exceptions à cette règle-là – il y a souvent des chicanes, même à l'intérieur d'une même famille d'activité. Les uns, disant que leur formation n'est pas suffisamment reconnue, devraient avoir le droit de poser certains gestes qui sont réservés aux autres. Ça existe beaucoup dans le domaine oculovisuel où ophtalmologistes, optométristes, opticiens d'ordonnance et d'autres se disputent différents morceaux de la tarte; c'est comme ça dans le domaine dentaire où dentistes, denturologistes, hygiénistes dentaires et d'autres se disputent parfois différents morceaux aussi de leur travail.

Un des domaines majeurs du monde professionnel, c'est le domaine du génie et de l'aménagement. Qui est-ce qu'on rencontre là-dedans mais d'une manière évidente? On a les ingénieurs, on a les architectes. Il y a des gens qui peuvent travailler un peu en périphérie de ça. Au Québec, on a un ordre professionnel des chimistes, par exemple. Il y a des arpenteurs-géomètres qui sont impliqués un peu dans cet aspect-là, bien qu'ils aient un rôle aussi largement juridique à jouer en constatant la validité de certains documents, et ils jouent même un rôle d'officiers de justice.

Mais toujours est-il que, dans le domaine du génie et de l'aménagement, dans cette grande famille, il y a un dossier particulier qui traîne depuis fort longtemps. C'est un différend, c'est une chicane de clocher, une chicane de clôture à savoir où mettre la limite entre ce que seulement un architecte peut faire et ce qu'un architecte et toute autre personne peuvent faire, d'où un peu la réaction très négative des technologues qui disent: Minute! vous étiez en train de dire que toute personne autre qu'un architecte pourrait éventuellement poser certains actes, ce qui n'est pas tout à fait vrai. Je ne pense pas que ce soit une lecture juste, parce que, s'il y avait une délégation d'actes par le Bureau de l'Ordre des architectes, ça pourrait être une classe de personnes, et cette classe de personnes pourrait éventuellement être définie comme incluant seulement les membres d'un ordre, comme ça se fait déjà dans le système professionnel. Mais ça, ce n'est pas le problème, M. le Président. Le problème, je pense, c'est qu'on a voulu régler une interprétation devant les tribunaux, essayer de faire taire une mouvance qui réclamait toujours quelque chose, mais sans étude valable et sans vraiment tenir compte de la protection du public.

J'ai eu l'immense plaisir et l'honneur de présider l'Office des professions du Québec pendant six ans. Ce sont des chicanes que je connais bien. Quand je suis arrivé à l'Office... Comme toute personne qui occupe une fonction un peu comme ça, on arrive puis les gens extrêmement talentueux qui sont là préparent souvent des rapports et des études, et, je me souviens, dans le domaine du génie et de l'aménagement, il y avait des projets préparés par les fonctionnaires, par les officiers responsables de la recherche. Il y avait des études très complexes, très denses, comment on pourrait recouper ça, réattribuer ci puis refaire toutes sortes de choses. Moi, je vous avoue, M. le Président, que j'ai toujours eu tendance, comme gestionnaire d'État, maintenant comme parlementaire, avant de me faire embarquer dans une réforme nécessaire... Parce que c'est le propre de l'administration, les fonctionnaires te disent toujours: Eh! t'as besoin de faire une réforme! C'est au jugement du dirigeant de l'organisme ou du responsable du dossier au gouvernement de décider s'il écoute ou non ces avis-là, et je pense que c'est là où le bât blesse, ici.

Je crois qu'il y a vraiment une erreur qui a été commise à l'Office des professions du Québec, et l'erreur s'est traduite sous la forme du projet de loi n° 132. Je crois que l'erreur émane d'une certaine naïveté, et de bonne foi. La naïveté, c'est de penser qu'on peut régler une chicane comme celle-là en donnant une partie de ce que les uns réclament. La seule, l'unique idée qui doit guider toute action dans le domaine des professions, c'est la protection du public. Est-ce que ça augmente la protection du public ou est-ce que ça l'affecte négativement? On n'est pas là pour faire des deals, on n'est pas là pour faire plaisir à un groupe plutôt qu'à un autre, on n'est pas là pour dire: Après tout, ça chiale depuis assez longtemps, on devrait peut-être leur donner quelque chose. C'est un peu ça qui sort du projet de loi n° 132, et le résultat – et c'est pour ça que j'ai parlé de naïveté – ne plaît à personne, puis c'était prévisible que ça ne plairait à personne, ce n'est pas basé sur la protection du public. C'est un nanane, c'est une tentative d'acheter la paix.

Le système professionnel québécois, on a le droit de s'en enorgueillir. Issu de l'étude de la commission Castonguay-Nepveu il y a plus de 25 ans maintenant, on avait décidé qu'il fallait refondre et structurer les professions de la santé, mais le modèle qui avait été arrêté – René Dussault en était largement responsable, maintenant juge à la Cour d'appel – était tellement attrayant et tellement bien ficelé qu'ils ont décidé de l'appliquer à l'ensemble des professions. C'était une oeuvre monumentale, mais une des meilleures oeuvres législatives depuis une génération. On a le droit d'en être fier.

Je sais que c'est devenu un lieu commun ici, à l'Assemblée nationale, c'est devenu presque ringard d'entendre les représentants du gouvernement se lever et dire: On a la meilleure Société de l'assurance automobile du monde, on a le meilleur ci du monde, on a le meilleur ça du monde. Ça ne se mesure pas, il n'y a pas de comparaison, mais on se lève puis ça nous fait se sentir bien. On dit qu'on a le meilleur ci puis le meilleur ça du monde, comme quoi critiquer quoi que ce soit devient un problème en soi.

Mais ici, M. le Président, si on compare ce qui existe dans les autres juridictions au Canada et aux États-Unis, on a le droit d'être fier. Les autres juridictions viennent souvent regarder comment on a fait. C'est pour ça que j'ai beaucoup de suspicion, j'ai beaucoup de réserves et j'ai beaucoup d'inquiétude de voir qu'encore une fois pour acheter la paix on dit: Au tournant du siècle, les professions évoluent, et l'avenir est maintenant à la mise à jour du système professionnel québécois présentée par Mme Linda Goupil, la ministre responsable. Permettez-nous d'en être sceptiques.

Encore une fois, ça, c'est pour répondre à une vieille chicane. Les ordres professionnels dits à titre réservé veulent souvent – et c'est normal – accéder aux mêmes droits, c'est-à-dire d'avoir un titre réservé et l'exercice exclusif. Qui peut les blâmer? Normal, ça, comme agitation. Mais exactement la même différence existe aux États-Unis; ça s'appelle autrement. On va dire que l'un est «licensed» et que l'autre est «registered» ou «certified», selon le cas, parce que même la certification peut être un troisième niveau, on doit juste aller s'inscrire.

M. le Président, il y a plus que 1 000 professions, 1 000 activités professionnelles réglementées en Amérique du Nord. Beaucoup de ces activités sont réglementées pour des raisons strictement économiques. Beaucoup de règlements dans le domaine des professions répondent à des exigences strictement économiques, c'est-à-dire garder son monopole. L'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, est venu bouleverser cette façon de faire. L'ALENA prévoit que seules des règles transparentes répondant à des critères stricts, telles la protection du public, la protection du consommateur, vont être valables pour restreindre les droits de pratique dorénavant. Pour donner un exemple, dans l'État de la Floride, si on écrit un examen pour devenir pharmacien, on n'a pas le droit, même si on a fait rigoureusement les mêmes études et le même examen de pharmacie... Deux personnes, par exemple, de New York diplômées de la même université écrivent le même examen national. On n'avait pas le droit de pratiquer en Floride, à moins d'avoir été physiquement assis en Floride lorsqu'on écrivait l'examen. Ça, ce n'est pas un critère de protection du public. Ça, c'est un critère de protection du marché, et ce genre de barrière tombe maintenant avec l'Accord de libre-échange nord-américain.

(16 heures)

Je mentionne cela, M. le Président, parce que c'est important de tenir compte de l'ALENA dans tout ce qu'on fait dans cette Chambre. En vertu de l'ALENA, il y a des ententes dites sectorielles. L'entente sectorielle la plus avancée, c'est dans le domaine de l'architecture. Savez-vous, M. le Président, que, il y a à peine 15 ans, si on était architecte en Oregon, diplômé de la University of California at Los Angeles, on n'avait pas le droit, si on était inscrit «licensed» comme architecte en Oregon, de passer un État en dessous et de travailler en Californie sans tout refaire ses examens? Pourquoi? Parce que les architectes de la Californie voulaient protéger leur marché. Ah, ils avaient toujours des arguments de protection du public. Ah, ils disaient: Nous, on a des tremblements de terre en Californie. Il faut que ce soit bien checké. Donc, si tu as été formé ailleurs, il faut vraiment tout refaire ça.

C'était de la pure foutaise. Et la preuve de ça, c'est que, aujourd'hui, croyez-le ou non, non seulement à l'intérieur des États-Unis, mais à l'intérieur des États-Unis et du Canada, puis même au Québec, et en français – puis ça, c'est une bataille épique qui a dû être menée ici – on a le droit de devenir un architecte avec un examen unique, uniforme, final qui s'appelle NCARB, Certification of the Registration Board dans le domaine de l'architecture. Cette certification dorénavant te permet de travailler complètement à l'intérieur de ce nouveau monde économique nord-américain. Donc, il faut toujours avoir un oeil très vigilant sur toute nouvelle restriction et toute manière de jouer là-dedans parce que ça peut avoir un effet important sur notre reconnaissance dans le reste de l'Amérique du Nord et de cette entente sectorielle.

Vous savez, M. le Président, je mentionnais, juste pour ouvrir une parenthèse, c'était une bataille épique parce que ce n'était pas évident. Les Américains ne voulaient pas une version traduite de l'examen NCARB pour les architectes. Vous savez pourquoi? Ils avaient peur qu'il y ait des demandes pour le faire en espagnol, ou en vietnamien, ou dans d'autres langues aux États-Unis. Alors, il y a une définition maintenant aux termes de l'ALENA, de l'Accord de libre-échange nord-américain, qui permet la traduction vers une langue qui est une des langues nationales d'un signataire. Donc, étant donné que ça émanait de l'Accord de libre-échange Canada-U.S. qui était le précurseur de l'ALENA, on a eu le droit – puis ça a coûté une fortune, puis c'est le fédéral qui a payé – de traduire l'examen NCARB vers le français. Puis aujourd'hui, la réalité, c'est qu'un diplômé de l'Université de Montréal aurait le même droit, en passant cet examen-là, d'aller travailler en Californie qu'un Californien. Et c'est bon. C'est comme ça qu'on fait tomber... Tout le monde parle de ça: mondialisation, faire tomber les barrières. Ça, c'est un exemple concret, réel.

Mais ce n'est pas avec des petits deals locaux, sans tenir compte d'un contexte et d'un ensemble, en essayant de faire plaisir à des gens qui, de toute évidence – et ça se comprend – sont absolument satisfaits du résultat, qu'on va assurer une meilleure protection du public et une évolution intelligente et harmonieuse du système professionnel. J'ai eu l'occasion de lire un commentaire écrit par une personne qui avait lu le projet de loi, qui était une personne qui travaille dans ce domaine-là, et je vous lis une seule phrase: «En modifiant les critères financiers par des critères de finalité, de superficie et de nombres d'étages, on n'augmente en rien la protection du public. Bien au contraire, on la diminue en élargissant le champ d'exercice à un plus grand nombre d'intervenants qui ont une formation moindre.» C'est un argument de taille, M. le Président.

Le projet de loi, par exemple, remplacera le critère existant de maximum 100 000 $ pour un bâtiment non fait par un architecte par deux étages et 300 m² de superficie brute totale des planchers et ne comptant qu'un seul niveau de sous-sol. 300 m², M. le Président, c'est plus que 10 000 pi². Logiquement, elle est où, la protection du public, si on dit: On va pouvoir construire plus que 10 000 pi², sans plus? C'est un non-sens. Ça défie toute logique. C'est une erreur, c'est un deal qu'on a essayé de faire au gouvernement du Parti québécois pour faire taire des gens qui disaient que ce n'était pas correct. Je comprends les gens de dire que la limite de 100 000 $ n'était pas bonne. Je comprends. Je comprends les gens de dire que le 100 000 $ il y a x années, ça aurait pu se traduire par plus aujourd'hui, je veux bien.

Mais, à un moment donné aussi, on a la responsabilité de dire, et le ministre de l'Éducation est ici pour en témoigner, que... Lorsqu'on forme quelqu'un à un niveau de technologue professionnel, que cette personne-là ne se fasse pas dire la vérité, c'est un vrai problème. Je l'ai vécu souvent avec les techniciens en réadaptation physique qui disaient: Mais pourquoi je n'ai pas le droit dans les hôpitaux, dans les autres instances de faire exactement la même chose qu'un physiothérapeute? J'ai trois ans de cégep, l'autre a trois ans d'université. Mais la vérité, c'est que, lorsqu'on forme au niveau de la profession à exercice exclusif, un des buts recherchés, c'est de pouvoir exercer un jugement sur un ensemble d'un système. Personne ne peut reprocher aux technologues de vouloir occuper tout leur champ d'exercice. Personne non plus ne peut dire que les technologues... Par exemple, il y a des compagnies comme Dessins Drummond qui font un très bon travail depuis longtemps; peut-être que le député de Drummond aurait quelque chose à dire là-dessus. Il fallait travailler d'une manière correcte pour maintenir des droits acquis, pour s'assurer que les gens ne perdent pas leur droit de pratique juste par l'ajout de l'inflation.

Mais, en terminant, M. le Président, le projet de loi n° 132 est singulièrement mal avisé. Je suis très inquiet de ce que ça va vouloir dire concrètement. Et je ne veux pas être un oiseau de malheur et dire que ça ne va pas marcher, qu'il va y avoir des accidents, mais, si, en construisant quelque chose de plus de 10 000 pi², une personne qui n'est pas membre de l'Ordre des architectes est responsable d'un accident, bien malheureusement on ne pourra pas juste laver nos mains. On sera obligé d'admettre qu'on avait failli à la tâche des deux côtés de la Chambre, et c'est regrettable. Il aurait été beaucoup mieux de faire ça d'une manière simple, en tenant compte d'une seule priorité: la protection du public. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi? Mme la ministre, en réplique, je vous cède la parole. Sur le projet de loi, vous êtes intervenue? Oui. C'est en réplique? Très bien. Je vous cède la parole.


Mme Linda Goupil (réplique)

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais apporter quelques commentaires, particulièrement suite à l'intervention du député de D'Arcy-McGee, concernant la modification au projet de loi sur les architectes. D'abord, je voudrais juste replacer le débat dans le contexte réel où cela m'a amenée à proposer cette modification à la Loi sur les architectes.

D'abord, l'année dernière, nous avons eu une commission parlementaire concernant la Loi sur les ingénieurs. À ce moment-là, de part et d'autre, les gens qui étaient concernés par le domaine de l'architecture, que ce soit l'Ordre des architectes, les technologues, ainsi que d'autres intervenants dans le milieu, m'ont fait part qu'il serait important de modifier la Loi sur les architectes qui, depuis de nombreuses années, comme on l'a mentionné en cette Chambre, ne correspond plus à la réalité sur le terrain. C'est-à-dire que, lorsqu'il y a des travaux qui débordent le 100 000 $, obligatoirement ils doivent être approuvés par un architecte. Il y avait également des dossiers qui se retrouvaient devant les tribunaux, dans lesquels des technologues se retrouvaient dans des situations d'illégalité, parce que, comme la loi sur l'architecture n'a pas été modifiée, ce sont des gens qui se voient refuser le paiement de leurs honoraires ou encore se voient contraints à travailler dans l'illégalité.

Alors, l'été dernier, j'ai demandé à l'Ordre des architectes et des technologues de me proposer une solution qui à la fois remplirait les trois conditions suivantes: d'abord et avant tout, la protection du public; deuxièmement, que l'on autorise des gens qui sont dûment formés à exercer leur métier dans des balises réglementaires; et, troisièmement, s'assurer que l'on répond aussi à la déréglementation, telle qu'elle existe aujourd'hui, pour faire face à la mondialisation et aux nouvelles façons de faire.

Alors, devant cet état de fait, l'été dernier, je leur ai demandé de m'apporter des solutions. Force est de constater que les choses n'allaient peut-être pas aussi rapidement qu'on l'aurait souhaité. Cependant, je leur ai dit: Si vous ne nous proposez pas quelque chose, nous allons devoir proposer un projet pour permettre d'éclaircir la situation. Et, à ce moment-là, et les architectes et les technologues étaient en accord.

Ce que nous avons fait, c'est que nous avons proposé un avant-projet de loi des architectes, et les architectes nous ont dit: Mme Goupil, nous allons faire la tournée de notre ordre professionnel et nous allons leur soumettre le projet que vous vous apprêtez à déposer pour consultation. À ce moment-là, les architectes ont pris connaissance de ce projet de loi, nous sont revenus en nous apportant des informations très précises, en disant: Voici ce qui serait important, voici quelle est la formation. Alors, l'Office des professions a fait une consultation également. Nous avons retravaillé notre projet de loi. Le projet de loi qui est soumis ici, à cette Assemblée nationale, répond tant à l'assurance que nous protégeons le public et, deuxièmement, que les technologues seront autorisés dans l'avenir à faire des travaux pour lesquels ils ont été dûment formés, M. le Président.

Alors, j'aimerais aussi apporter des précisions pour que le député de D'Arcy-McGee puisse regarder à nouveau le projet de loi pour vraiment comprendre ce qu'il y a dedans, parce que, par ses propos tenus en cette Chambre, je comprends qu'il n'a pas eu le temps de le regarder d'un couvert à l'autre. Je l'invite à le faire, comme je l'invite d'ailleurs à communiquer avec les gens de l'Office des professions s'il a besoin d'éclaircissement sur ce sujet.

(16 h 10)

D'abord, lorsque le député a dit hier qu'il reprochait, et je le cite... «Et même dans ce projet de loi on ne parle pas de droit exclusif des architectes pour signer et sceller des plans.» Fin de la citation. Alors, voilà, d'entrée de jeu, M. le Président, un exemple des affirmations gratuites qui ont été faites en cette Chambre sur ce projet de loi. En fait, le projet de loi consacre l'importance du rôle de l'architecte, car désormais la loi stipulera plus clairement que jamais auparavant que tous les plans et devis doivent être signés et scellés par un architecte. Cependant, les assouplissements que nous proposons apparaissent comme une exception à ce principe, et, à la simple lecture du projet de loi, on peut le comprendre.

Également, le député de D'Arcy-McGee a parlé d'une intervention rapide. Bien, M. le Président, il a raison que nous bougions de ce côté-ci de la Chambre, car il y a un problème urgent à agir dans ce dossier qui perdure depuis des années et que les membres de l'ordre professionnel ont expliqué en long et en large, la problématique que soulevait actuellement le plancher de 100 000 $. Alors, depuis 1996 aussi, il y a un jugement de la Cour d'appel, comme je l'ai mentionné tout à l'heure dans mon intervention, qui dit clairement que les entreprises et les technologues ne peuvent pas travailler parce que le plancher de 100 000 $ n'a pas été modifié. Donc, il y a des professionnels qui ont été formés depuis de nombreuses années pour exercer des travaux, et on ne leur permet pas de pouvoir exercer correctement. Alors, les ajustements qui sont demandés, ce sont des ajustements qui sont urgents pour qu'on puisse permettre à des gens de travailler dans la légalité.

Également, nous sommes en face actuellement d'intérêts importants qui s'opposent évidemment lorsque l'on vient permettre à d'autres personnes de travailler dans un champ d'exercice, il est évident, que l'on souhaiterait peut-être conserver de façon exclusive. Mais ça ne correspond pas à la réalité sur le terrain, M. le Président. Et, comme gouvernement, nous avons la responsabilité de permettre à la population de faire affaire avec des gens qui ont non seulement la formation, mais qui ont également le pouvoir légal de le faire. Alors, ce projet de loi permet simplement d'indiquer quel est le champ d'exercice des architectes. Ce sont eux qui sont les professionnels dans le domaine et qui ont la formation nécessaire pour le faire, mais ils n'ont pas le monopole de l'exclusivité pour un champ de pratique.

Alors, nous avons, lors de notre consultation tant par l'Office qu'avec les discussions que nous avons eues avec l'Ordre des architectes et avec les technologues... ce que nous avons exprimé dans ce projet de loi, c'est un outil pour donner des balises qui permettront aux citoyens de faire affaire avec des professionnels qui sont dûment formés et aussi avec des balises qui sont maintenant claires.

Il est évident qu'il n'y a pas de solution parfaite, M. le Président, dans un tel dossier, mais il y a des compromis qui sont fort acceptables. À cet égard, j'ai une lettre de l'Ordre des architectes qui comprend la nécessité d'aller de l'avant avec ce projet de loi. Et les technologues aussi auraient souhaité que nous allions plus loin, mais encore faut-il qu'il y ait une reconnaissance au niveau du domaine de l'éducation. Lorsque l'on forme des technologues, on les forme pour faire quoi, exactement? Alors, ce que nous permettons dans ce projet de loi, c'est de dire: Oui, les technologues peuvent exercer dans le champ de compétence et ils peuvent le faire parce qu'ils ont été formés de façon conforme pour les travaux que les citoyens s'attendent qu'ils puissent réaliser. M. le Président, dans cette législation, nous avons essayé de dédoubler les structures. Nous avons essayé de simplifier la nouvelle façon de faire dans ce secteur d'économie qui est fort important.

Également, le député de D'Arcy-McGee a exprimé hier qu'il y avait une problématique par rapport au fait que ce n'était pas cohérent avec le plan de la réforme du système professionnel. Eh bien, M. le Président, si on prend la peine de regarder le plan du système professionnel tel qu'il a été présenté, il était clairement indiqué notre volonté d'agir dans ce secteur-là et de le faire dans un délai qui est inférieur à une année. Alors, non seulement c'est cohérent avec le système professionnel, c'est cohérent avec la réforme que nous proposons et c'est aussi cohérent avec les attentes du milieu depuis de nombreuses années. Alors, je suis surprise de voir qu'on ait émis tant de réserves sur un projet de loi qui, actuellement, sur le terrain, confirme que les architectes ont été non seulement consultés, mais tout l'Ordre a été consulté parce qu'il a fait une tournée de ses membres pour vérifier si, oui ou non, ce que nous mettons sur la table pouvait assurer la protection du public, et ça a été confirmé, M. le Président.

Enfin, le projet de loi que nous déposons rencontre tout à fait les objectifs. Il est évident que les technologues professionnels, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, auraient souhaité que l'on augmente encore une fois leur champ d'expertise. Cependant, nous avons voulu nous assurer que, dans le cadre de la réforme et en collaboration avec le ministère de l'Éducation, lorsque la révision des programmes sera effectuée, nous serons à même de baliser exactement quels sont les champs de compétence que les technologues pourront occuper dans l'avenir. Et nous ne fermons pas la porte, et l'ordre professionnel pourra... Une fois que la réévaluation du programme aura été faite, peut-être qu'il pourra y avoir une augmentation au niveau de l'expertise que les technologues pourront offrir à la population. Mais, à ce moment-là, si jamais il ne pouvait pas y avoir d'entente, il faut savoir que le gouvernement se garde toujours le pouvoir, par décret, de décider si, oui ou non, il sera possible dans l'avenir aux technologues d'occuper un champ de compétence qui soit supérieur à celui que nous proposons actuellement dans ce projet de loi là.

M. le Président, la formation des technologues, j'aimerais qu'on puisse y revenir aussi parce que le député de D'Arcy-McGee y a fait référence hier. Le gouvernement, actuellement, a agi en toute logique et en toute connaissance de cause. On sait que la formation des technologues est fondée sur la loi actuelle. Le gouvernement n'a pas mis dans ses programmes de formation ce qu'il est interdit de faire par ailleurs dans une loi qui a force. Alors, nous reconnaissons que les technologues peuvent acquérir une certaine autonomie d'action grâce à l'expérience qu'ils ont acquise au cours des années. Le comité d'experts nous suggérait également certaines conditions, dont un stage ou une période de formation. Le message est donc clair, au sortir de sa formation, le technologue ne possède pas tout le bagage suffisant pour agir en toute autonomie dans un large secteur, mais son expérience contribue à accroître sa pleine autonomie.

Alors, cette situation, qui est reconnue par les technologues, elle est... Actuellement, les technologues professionnels savent très bien que nous reconnaissons une formation qui existe depuis de nombreuses années mais qui, en même temps... Dans le cadre de la réévaluation du programme, ils seront à même d'exprimer si, oui ou non, à leur formation il manque certains éléments. Ou encore ils peuvent continuer à aller de l'avant et, après avoir acquis leur période de stage, ils pourront exercer certains travaux que la loi leur permet de faire. Mais actuellement, dans le projet de loi que nous déposons, les technologues vont pouvoir travailler de façon légale et ils pourront être payés pour le travail qu'ils sont en droit de faire sur le terrain. Actuellement, la loi, comme elle est plafonnée à 100 000 $, tous travaux qui sont faits par quelqu'un d'autre que les architectes demeurent dans l'illégalité.

Alors, M. le Président, ce projet de loi que nous avons mis sur la table n'est pas une solution parfaite, je le dis. Cependant, il assure la protection du public pour les citoyens qui veulent faire affaire avec des technologues. Il assure également aux citoyens que, dans l'avenir, tous les plans et devis doivent être scellés par des architectes, comme la loi le prévoit actuellement, à l'exception d'un secteur qui est celui du résidentiel.

Les architectes ont consulté leurs collègues lors d'une tournée et ils sont en accord avec cette problématique. Deuxièmement, M. le Président, j'ai une lettre de l'Ordre des architectes qui confirme noir sur blanc qu'il a consulté ses membres. Ils nous ont apporté des éléments de réflexion qui sont très pertinents. Nous avons modifié le projet de loi, et le projet de loi correspond à ce que l'Ordre des architectes nous a soumis. L'Ordre des architectes a soumis à l'Office des professions des mesures pour venir baliser ce projet de loi pour qu'il soit conforme à la réalité du terrain, qu'il soit conforme à la protection du public et qu'il soit conforme à la déréglementation qui est nécessaire dans ce secteur d'économie.

Alors, quand le député de D'Arcy-McGee vient mentionner que les architectes ne sont pas en accord avec cela, il est évident que les architectes auraient préféré conserver l'exclusivité du champ d'exercice, mais, sur le terrain actuellement, depuis de nombreuses années, les technologues sont formés, M. le Président, pour être capables d'exercer un certain champ de pratique. Alors, ce projet de loi est ce que j'appelle un accommodement entre ces deux ordres professionnels qui confirme noir sur blanc que les architectes sont les experts dans le domaine, que les technologues ont été formés pour exercer certains travaux et que les travaux qu'ils sont en droit d'effectuer sont avec des balises qui assurent la protection du public.

(16 h 20)

Et, comme ministre responsable de l'ordre professionnel, M. le Président, c'est ma seule responsabilité de m'assurer que ce que nous proposons comme projet de loi assure la protection du public; permet à des gens qui ont été formés de travailler sur le terrain et de le faire conformément à ce que j'appelle les règles du marché; et, troisièmement, ça permet aussi d'être à l'écoute du Comité sur la déréglementation, parce qu'il est nécessaire, aujourd'hui, qu'on soit capable de permettre aux gens du Québec de faire affaire avec des professionnels qui sont compétents, mais qu'ils aient la liberté de choisir de faire affaire avec des professionnels qui ont été formés pour le travail qu'on leur demande d'exécuter. Et, s'ils font ce travail-là, bien ces gens-là doivent pouvoir le faire en toute légalité. Alors, M. le Président, nous avons un jugement actuellement devant les tribunaux qui confirme noir sur blanc que, dès que des travaux excèdent 100 000 $, ils ne peuvent pas être exercés par personne d'autre que des architectes. Ça crée une situation juridique qui est insoutenable pour les gens du métier.

Alors, M. le Président, j'invite mon collègue le député de D'Arcy-McGee à reprendre la lecture de ce projet de loi. Je l'invite également à parler avec l'Ordre des architectes, de parler également avec les technologues pour comprendre que, dans un premier temps, il y a un premier projet de loi qui a été soumis pour consultation, que les architectes ont fait une tournée de leurs membres, qu'ils sont revenus à l'Office pour nous apporter des précisions pour s'assurer que ce que nous mettons sur la table nous assure d'une protection du public. Et les technologues ont été informés de l'orientation que nous allons prendre. C'est certain que les gens ne sont pas parfaitement d'accord, mais, si nous attendions d'avoir une solution parfaite pour aller de l'avant, bien nous attendrions encore une fois et il nous serait impossible de permettre à des gens de travailler en toute légalité. Et je suis convaincue que l'opposition, ce n'est pas ce qu'elle souhaite non plus.

C'est la raison pour laquelle je les invite, et également le député de Chomedey, lui qui connaît bien le système professionnel, à prendre le temps de regarder le projet de loi tel qu'il est proposé. Et je peux vous assurer qu'il a fait l'objet de consultations à deux niveaux, une première fois avec un projet de loi qui allait plus loin que celui que nous avons mis sur la table. Mais les commentaires qui nous ont été apportés par l'Ordre des architectes confirmaient noir sur blanc qu'il fallait restreindre les balises pour respecter la formation des architectes, pour permettre aux technologues de travailler selon la formation qu'ils ont reçue depuis de nombreuses années et, finalement, permettre à des citoyens de choisir librement des professionnels pour leur livrer des services. Et ces professionnels, également, s'attendent, lorsqu'ils travaillent pour des gens, d'être rémunérés. Actuellement, M. le Président, il y a des technologues qui ont exercé des travaux et qui ne sont pas payés parce qu'on invoque le fait que, comme la loi, elle, n'a pas été modifiée, ils auraient exercé dans l'illégalité.

Alors, nous ne pouvons plus maintenir une telle situation. Ce serait irresponsable, comme gouvernement, de ne pas bouger et de faire traîner les choses. Alors, j'interpelle le sens des responsabilités du député de D'Arcy-McGee avec lequel j'ai une excellente collaboration concernant tous les dossiers qui touchent le système professionnel et je l'invite également à travailler en collaboration avec le député de Chomedey qui connaît bien le système professionnel aussi et qui sait très bien que, lorsque l'on dépose un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, l'on s'assure que la protection du public n'a pas été négligée, d'aucune façon. C'est ma première priorité. La deuxième des choses, c'est qu'on permet à des gens de travailler dans un secteur d'économie pour lequel ils ont été formés. Et, troisièmement, on répond aussi à une préoccupation qui est la déréglementation. Alors, M. le Président, en terminant, j'invite encore une fois le député de D'Arcy-McGee à travailler en collaboration, comme il le fait, à vérifier vraiment auprès des personnes qui l'informent ce que je viens de vous dire en cette Chambre. Et, si le député de Chomedey également veut avoir des renseignements supplémentaires concernant la consultation qui a été faite, ça me fera plaisir de le faire.

Et, également, j'interpelle cette Chambre pour que l'on puisse adopter, cette session-ci, ce projet de loi là parce que, actuellement, ça crée une situation qui est fort difficile depuis de nombreuses années, ça amène des affrontements entre des professionnels qui sont appelés à travailler ensemble. Et la consultation, elle a été faite sur le terrain par les architectes. Ce sont des gens qui ont donné de leur temps, qui ont offert leur collaboration pour nous permettre de légiférer conformément à ce que la loi nous permet de faire. Les technologues, bien qu'ils auraient souhaité que nous allions plus loin dans ce projet de loi pour leur permettre une déréglementation plus grande, comprennent très bien que nous ne pouvons pas le faire si, avec le ministère de l'Éducation, l'évaluation ou la réévaluation des programmes n'a pas été complétée.

Et, en terminant, M. le Président, pour la suite des choses, si jamais – si jamais – il y avait une résistance à vouloir élargir dans l'avenir un champ d'exercice pour les technologues, eh bien, le gouvernement a toujours le pouvoir, par décret, s'il juge nécessaire de le faire, s'il juge nécessaire dans l'intérêt des citoyens de le faire, il nous sera toujours possible de le faire. Mais, en terminant, tant l'Ordre des architectes que j'ai rencontré... J'ai rencontré plusieurs architectes auxquels j'ai présenté le projet de loi tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale. Ils s'en sont déclarés satisfaits. Et, au niveau des technologues, bien qu'ils auraient souhaité que nous allions plus loin, ils comprennent qu'actuellement le projet que nous mettons sur la table leur permettra de pouvoir travailler dans la dignité et dans la légalité, tout en s'assurant que la formation qu'ils ont reçue leur permet de travailler en toute légalité. Et, enfin, les citoyens et citoyennes du Québec pourront choisir librement de travailler avec un professionnel qui aura été formé et qui le fait en toute légalité, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. M. le député de D'Arcy-McGee. Pardon?

M. Bergman: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre. Ah bon, Mme la ministre ne peut pas pour le moment.

M. Bergman: Je voudrais savoir si elle peut déposer la lettre qu'elle a reçue du président de l'Ordre des architectes.

M. Mulcair: M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: Mon collègue n'a pas cité l'article 212, mais, n'en déplaise au député de Gouin, c'est une obligation pour la ministre de déposer le document qu'elle a cité. Il y avait une certaine confusion parce qu'elle a dit que c'est un document émanant de l'Ordre, de l'Association. Donc, ce n'était pas clair si c'était l'Ordre ou l'Association, qui sont deux entités distinctes. Mais elle a bel et bien cité une étude, ce qu'elle a dit, et le résultat de leur étude sur le terrain, de la consultation. Et, nous, en vertu de l'article 214, on demande le dépôt. C'est tout.

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article dit bien «citer un document». Elle a peut-être... Elle a fait, à l'intérieur de son discours, allusion à un texte d'un document, mais ce n'est pas la même chose que citer. Elle n'avait pas entre les mains un texte qu'elle a cité. Alors, on ne peut pas... Si vous voulez, dès que quelqu'un, dans un discours, fait allusion à des textes, on ne peut pas demander de déposer tous les textes auxquels quelqu'un fait allusion parce que, là, que voulez-vous, c'est évident.

Maintenant, écoutez, nous sommes au niveau de l'adoption du principe. Il va y avoir encore... Je sais que vous aimeriez beaucoup réintervenir à partir de son intervention, mais c'est la réplique. Et il y a aussi toute l'étude article par article qui va venir puis il y aura encore une troisième lecture. Alors, vous aurez le temps de revenir sur tout le contenu et le débat. Mais, en fonction du règlement, je ne vois pas l'à-propos de poursuivre actuellement.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Rapidement, sur un dernier point.

M. Mulcair: Oui, M. le Président, c'est mon intention d'agir rapidement, mais aussi, puisqu'il s'agit d'un Parlement, je suis sûr que vous n'allez pas couper l'opposition qui désire une résolution claire sur une question de règlement.

L'article 214 de notre règlement, que nous nous sommes donné dans ce Parlement, dit ceci: «Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer.» Maintenant, M. le Président, on a permis à la ministre de terminer. On s'est levé puis on a demandé immédiatement qu'elle le dépose.

Vous êtes en train de nous dire, si vous maintenez l'indication d'une décision que vous venez de donner, que votre interprétation de l'article 214 est la suivante. Une ministre de la couronne qui est en train ici, en Chambre... pour étayer la position officielle du gouvernement, pour soutenir et défendre un projet de loi qu'elle dit être dans l'intérêt du public, se lève et dit: Par ailleurs, je peux dire à mon collègue le député de D'Arcy-McGee, ne vous inquiétez pas, j'ai une étude, j'ai un rapport, ça a été fait, vous êtes corrects, rassurez-vous, je tente de vous convaincre. Nous, on se lève et on dit: Qu'à cela ne tienne, mais on vous demande de le déposer. C'est ça que l'article nous dit, qu'on a le droit de le demander. Elle essaie de nous convaincre en citant un document, même en partie.

Si votre décision devait être celle à laquelle vous avez fait allusion tantôt, vous vous rendez compte de l'effet que ça pourrait avoir sur un Parlement. Un débat ouvert entre un gouvernement qui propose un projet de loi et qui, pour le défendre, cite un document et l'opposition qui dit: O.K., peut-être qu'on peut vous appuyer si ce document existe et qu'il dit ce que vous indiquez que ça dit. C'est pour ça que, nous, les deux côtés, on s'est donné l'article 214 dans notre règlement.

(16 h 30)

Je vous invite, M. le Président, à réfléchir sur l'importance de la décision que vous avez à rendre là-dessus, parce que, si jamais vous deviez décider qu'on n'avait pas le droit au dépôt en vertu de l'article 214, vous êtes en train d'émasculer le règlement et vous êtes en train de priver l'opposition d'un de ses outils pour savoir justement dans l'intérêt du public, en vue de la protection du public, en vue de former un «check and balance» au gouvernement... Vous êtes en train de nous enlever un des outils les plus sérieux dont on dispose dans le règlement. On est dans l'opposition. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on a tendance à perdre les votes, ils ont plus de sièges que nous. Mais le public nous demande de tenir des comptes. Le changement proposé à la Loi sur les architectes est erroné, à notre point de vue. On ne demande que d'être convaincus du point de vue du gouvernement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je le dis et je le redis, le 214 suppose que la ministre a entre les mains le texte qu'elle cite. Relisez très bien: «...tout député peut lui demander de le déposer immédiatement.» Alors, ça veut dire que la ministre a entre les mains le texte pour qu'elle puisse le déposer immédiatement. À ce que je sache, je n'ai pas vu la ministre citer un texte qu'elle avait entre les mains.

Par ailleurs, dans nos discours, on fait souvent référence à des documents, des textes, des articles, et ainsi de suite. Vous avez beaucoup d'occasions d'intervenir. Vous avez la période de questions où vous pouvez intervenir, vous aurez l'étude en commission parlementaire pour intervenir, vous aurez l'intervention quand on fera la dernière étape de l'adoption du projet de loi. N'allez pas dire, parce que, aujourd'hui, vous ne pouvez pas avoir un texte qu'elle n'avait pas entre les mains, donc qu'elle ne pouvait pas citer directement, que vous êtes brimé dans votre droit d'exprimer vos opinions.

Alors, sur ce, je mets immédiatement...

M. Mulcair: Question de directive.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, j'ai terminé sur cette question-là.

M. Mulcair: M. le Président, j'ai une importante question de directive à vous poser suite à ce que vous venez de dire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une question.

M. Mulcair: Où est-ce que vous avez trouvé le mot «directement» dans l'article 214?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je mets aux voix le principe...

M. Mulcair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...du projet de loi...

M. Mulcair: ...question de directive.

Le Vice-Président (M. Brouillet): La directive que je vous donne, c'est de vous asseoir pour le moment.

M. Mulcair: ...d'un texte qui n'existe pas.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le texte, il dit...

M. Mulcair: Où est écrit «directement»?

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...«immédiatement».

M. Mulcair: Où est écrit «directement»? C'est le terme que vous avez employé.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député, vous êtes mieux de vous calmer.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je mets aux voix...

M. Mulcair: ...question de directive.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous rappelle à l'ordre une première fois, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Vous allez être obligé de le faire une deuxième...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une deuxième fois.

M. Mulcair: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une troisième fois. Je vous prive de votre droit de parole d'ici la fin de la séance.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président...

Une voix: M. le Président...

M. Boisclair: Alors, c'est moi qui ai la parole, je pense.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pardon?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. Très bien. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: On va leur donner une chance, puisque le leader de l'opposition avait pris la parole. L'article 5 du feuilleton de ce jour, M. le Président.


Projet de loi n° 100


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires. M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Oui, merci, M. le Président. Le 21 mars dernier, le gouvernement a présenté en cette Chambre le projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires. Donc, ce projet de loi apporte une modification technique à la loi existante. Il vise à faciliter les échanges entre les membres du conseil d'administration à l'aide de moyens qui leur permettront de communiquer immédiatement entre eux sans être nécessairement présents dans un même lieu. Ce projet de loi découle d'une demande qui a été faite par les fondations universitaires.

Je rappellerai donc rapidement, M. le Président, d'abord le contexte dans lequel fut sanctionnée la Loi sur les fondations universitaires puis je présenterai le principe du projet de loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires et, enfin, j'indiquerai les avantages de la modification qui est proposée.

M. le Président, la Loi sur les fondations universitaires fut sanctionnée le 16 décembre 1996. Le principe de cette loi était d'instituer des fondations universitaires mandataires du gouvernement. Par cette qualité, donc, de mandataire, les universités québécoises pouvaient recevoir la totalité d'un don fait par un donateur, situation qui existait déjà dans les autres provinces canadiennes, depuis 1987 en Colombie-Britannique et depuis les années quatre-vingt-dix dans les autres provinces canadiennes.

On se demandera quelle est la différence entre une fondation mandataire et les fondations qui existaient déjà dans les universités? Eh bien, les fondations existantes étaient enregistrées comme organismes de charité et, par cette qualité fiscale, elles ne pouvaient percevoir des dons supérieurs à 20 % du revenu net du donateur pendant l'année du don.

Dans le cas des fondations mandataires du gouvernement, instituées en vertu des dispositions de la Loi sur les fondations mandataires, la totalité du don pouvait être perçue pendant l'année du don. Donc, la Loi sur les fondations universitaires fut sanctionnée afin de permettre aux universités québécoises de disposer des mêmes outils de levée de fonds que les universités des autres provinces canadiennes.

Depuis l'adoption de la loi, les dispositions de la fiscalité ont été changées, tant au fédéral qu'au Québec. Depuis le budget fédéral du 18 février 1997 et depuis le budget du Québec du 25 mars 1997, toutes les fondations ont été ramenées sur le même pied, peu importe qu'elles soient ou non mandataires du gouvernement. Donc, en ce moment, les dispositions fiscales prévoient qu'une fondation peut, pendant une année, recevoir jusqu'à concurrence de 75 % du revenu net du donateur au moment du don.

Les fondations mandataires du gouvernement, qui ont été instituées en vertu de la Loi sur les fondations universitaires, sont au nombre de six: la Fondation universitaire de l'Institut royal pour l'avancement des sciences à l'Université McGill; la Fondation universitaire de l'Université de Montréal; la Fondation universitaire de l'École des hautes études commerciales de Montréal; la Fondation universitaire de l'Université Concordia; la Fondation universitaire de l'Université du Québec; et la Fondation universitaire de l'Université du Québec à Montréal.

Donc, les membres du conseil d'administration de ces fondations sont nommés par le gouvernement au moyen d'un décret et, conformément à la loi, une telle fondation a pour mission de recevoir des libéralités, notamment sous forme de donations ou de legs, et elle remet les biens reçus à l'université. Elle transmet aussi au ministre de l'Éducation le rapport de vérification de ses comptes accompagné d'un état détaillé des biens reçus et de leur utilisation, et ces documents sont déposés ici, à l'Assemblée nationale, conformément à l'article 23 de la loi.

Donc, malgré le nivellement du statut fiscal des fondations, les six fondations instituées ont clairement exprimé qu'elles désiraient le maintien de la loi existante. Mais, cependant, elles souhaiteraient un assouplissement des dispositions régissant les modalités de fonctionnement des réunions des conseils d'administration. Donc, le gouvernement a reconnu la pertinence de cette demande et y donne suite aujourd'hui en présentant le projet de loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires.

Essentiellement, M. le Président, le projet de loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires apporte un amendement technique ayant pour but de faciliter la tenue des séances du conseil d'administration. Actuellement, les administrateurs doivent obligatoirement être présents pour que la séance soit validement tenue. En effet, l'article 10 de sa loi prévoit que les décisions du conseil d'administration sont prises à la majorité des membres présents. Or, le projet de loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires introduit une disposition qui permet aux membres du conseil d'administration, si tous y consentent, de se réunir par les moyens jugés appropriés. Ça veut dire des appels-conférences, des vidéoconférences, donc, afin de communiquer oralement entre eux.

(16 h 40)

Les avantages bien évidents de modifier la loi existante sont clairs: permettre la tenue de séances du conseil d'administration à l'aide de moyens permettant à tous les participants de communiquer oralement entre eux; un autre des avantages, c'est de tenir des séances même si l'un des membres est à l'extérieur du Québec; simplifier la gestion de l'agenda des membres du conseil d'administration qui peuvent se réunir sans se déplacer, donc, épargner du temps et de l'argent.

On trouve – et il faut le rappeler – des dispositions semblables dans plusieurs lois québécoises. À titre d'exemple, on peut mentionner l'article 89.2 de la Loi sur les compagnies.

Dans les circonstances, le procédé de modification de la loi existante est très simple. D'abord, on maintient l'article 10. Cet article se lit ainsi: «Le quorum aux séances du conseil est de la majorité de ses membres.

«Les décisions du conseil sont prises à la majorité des membres présents.

«En cas de partage, le président a voix prépondérante.»

Ensuite, on y ajoute un article 10.1 pour spécifier qu'une séance du conseil d'administration tenue sans la présence physique des administrateurs dans un même lieu peut être valide si tous les membres du conseil d'administration en conviennent.

Donc, l'article 10.1 se lirait ainsi: «Les membres du conseil d'administration peuvent, si tous y consentent, participer à une séance à l'aide de moyens leur permettant de communiquer oralement entre eux, notamment par téléphone. Les participants sont alors réputés avoir assisté à la séance.»

Comme on peut le constater, la modification proposée assouplit les dispositions de la loi. Elle permet, d'une part, aux membres du conseil d'administration de communiquer oralement entre eux par le moyen jugé approprié si tous y consentent et, d'autre part, elle maintient l'obligation de se réunir dans un même lieu si un des administrateurs s'oppose à l'usage de moyens permettant à tous les participants de communiquer oralement entre eux.

Donc, M. le Président, je termine en vous disant que le projet de loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires respecte l'économie générale de la loi existante et qu'il apporte une réponse satisfaisante à la demande des fondations universitaires. Et je suis persuadé que le projet de loi saura franchir rapidement toutes les étapes jusqu'à son adoption. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Alors nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires. Et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'éducation et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, la parole est à vous.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux de participer à l'étude de ce projet de loi là, à l'adoption du principe du projet de loi n° 100. Et, comme les gens s'en rendront compte à la lecture – qui ne sera sans doute pas très longue – ce n'est évidemment pas le projet de loi du siècle dans le monde de l'éducation. C'est un projet de loi quand même très simple, un projet de loi, comme l'a mentionné le ministre, assez technique, mais un projet de loi qui, en même temps, va nous donner l'occasion de regarder un petit peu quel est le rôle d'une fondation universitaire, ce que ça peut apporter à une université et, surtout, de voir comment, dans les dernières années, dans les situations difficiles qu'a vécues le milieu universitaire avec les coupures du gouvernement actuel, ces fondations-là ont été souvent appelées à la rescousse.

D'abord, vous me permettrez de commencer, M. le Président, en saluant le travail de ces gens-là qui, comme le mentionne la loi comme telle sur les fondations universitaires, à l'article 8, sont des bénévoles, des gens qui, souvent, ne serait-ce que par amour pour leur alma mater, pour une université ou un secteur en particulier, vont accepter bénévolement de siéger sur une fondation et de faire en sorte qu'il y ait des campagnes de financement, et que tout ça tourne rondement, et aussi, d'un autre côté, s'assurer que l'argent ainsi recueilli soit bien dépensé. Je pense que ces bénévoles-là, ces gens qui s'impliquent et qui ramassent de l'argent, bien, on doit saluer leur travail parce qu'on sait que, de plus en plus, il y a énormément de gens qui sollicitent de l'argent un peu partout, qui vont chercher des dons. Bien, je pense qu'il vaut la peine de saluer le travail acharné de ces gens-là.

Vous savez, M. le Président, les campagnes de financement au niveau universitaire et pour les fondations sont souvent perçues, de plus en plus, dans le contexte financier actuel, comme, je dirais, presque un service essentiel; essentiel parce que, quand on regarde les besoins en équipements, quand on regarde les besoins en nouvelles infrastructures, dans certains cas de nouvelles technologies, il semble de plus en plus que le financement gouvernemental ne répond pas entièrement à la demande. Donc, il faut se tourner de plus en plus vers les fondations universitaires. Et je vous dirais, M. le Président, que, ayant entendu le printemps dernier, au début mars, les représentants des universités du Québec, partout au Québec, il semble clair que, de plus en plus, ces fondations-là servent à acquérir ou à bâtir des équipements qui sont essentiels à l'évolution et au développement et même à la compétitivité de nos universités québécoises.

Il y a, bien sûr, plusieurs questions qui se soulèvent par rapport au rôle comme tel des fondations universitaires et à l'utilisation qu'on fait de ces argents-là. Une des questions présentement qui soulève, je dirais même, beaucoup d'intérêt un peu partout, c'est que, dans les nouvelles règles budgétaires, si on veut, dans les nouveaux contrats de performance – ou les c.o.d., comme les a appelés le ministre de l'Éducation, les «cash on delivery» – il est clair que, de plus en plus, le ministère de l'Éducation, et plus particulièrement sous l'égide de l'actuel ministre, cherche à aller voir si ces fondations-là ne pourraient pas faire un peu plus.

Pourquoi je dis ça, M. le Président? Parce que, dans un des documents qui ont été rendus publics – pas par le ministre de l'Éducation, bien sûr, mais par des groupes qui sont impliqués – il semble que le ministre de l'Éducation veuille prendre 6 % des montants de ces fonds-là au niveau des fondations universitaires et l'inclure dans le calcul de la subvention gouvernementale, ce qui est extrêmement dangereux, M. le Président, parce que, à ce moment-là, c'est un drôle d'incitatif pour les universités, pour les bénévoles, pour les gens qui s'impliquent, de ramasser de l'argent si, en bout de ligne, cet argent-là ne sert qu'à réduire la subvention gouvernementale. C'est-à-dire que cet argent-là ne servirait pas entièrement à acquérir de nouveaux biens, à acquérir de nouveaux équipements, mais pourrait servir, à côté, à tout simplement diminuer la participation gouvernementale dans le financement des universités.

Donc, M. le Président, j'ose espérer que, au cours des prochaines semaines, le ministre de l'Éducation sera un petit peu plus clair dans ses intentions au niveau de l'utilisation comme telle de ces montants-là et de l'utilisation qu'il veut faire, lui, avec ça afin de ne pas décourager ces bénévoles-là, ces gens-là qui travaillent à ramasser de l'argent, comme je le mentionnais, souvent pour une université en particulier, parce qu'ils l'ont à coeur, parce qu'ils veulent la développer, parce qu'ils veulent qu'elle soit plus performante et qu'elle ait les meilleurs équipements possible, qu'elle attire les meilleurs étudiants possible. Il serait dommage que cet argent-là ne serve finalement qu'à substituer une partie de la participation monétaire du gouvernement.

En ce qui a trait au projet de loi comme tel, sur le fait que dorénavant les membres du conseil d'administration pourront participer à une séance à l'aide des moyens leur permettant de communiquer oralement entre eux, je pense, M. le Président, qu'il n'y aura pas de grand, grand débat là-dessus. Nous tous, ici, avons sûrement, un jour ou un autre, participé à ce type de réunion, et effectivement il y a des avantages. Il y a des avantages sur l'agenda, il y a des avantages aussi de temps. Pas besoin de prendre le temps d'y aller, pas besoin de prendre le temps de se déplacer, d'aller à un endroit particulier, de revenir par la suite, tout ça peut se faire très rapidement. Et il s'agit, je crois, d'un incitatif et peut-être d'un élément qui va faciliter non seulement la participation des bénévoles à l'administration des fondations universitaires, mais également peut-être le recrutement de nouvelles personnes pour participer à l'administration de ces fondations-là.

Vous avez sans doute remarqué, M. le Président, comme moi que, dans le projet de loi, dans l'article qui est présenté comme amendement, c'est vraiment «si tous y consentent». Et, le ministre l'a mentionné aussi, s'il y a un des membres du conseil d'administration qui n'est pas d'accord avec ce type de pratique là, qui n'est pas d'accord avec le fait que la réunion se tienne par téléphone ou encore s'il juge que l'élément à l'ordre du jour ou que les dossiers qui seront discutés sont trop importants pour être discutés par téléphone et qu'ils nécessitent une rencontre, bien cette rencontre-là pourra avoir lieu parce que, effectivement, il y a la possibilité, si un seul des membres s'y oppose, de ne pas tenir ce type de rencontre là par téléconférence, entre autres.

Et l'autre élément, M. le Président, qui est extrêmement important et qui est aussi mentionné, c'est que les participants qui sont là vont non seulement être réputés avoir assisté à la rencontre, mais également seront inclus dans le quorum. Donc, il n'y a pas de régime, là, de dire: Parce que c'est au téléphone, vous êtes seulement en ligne et vous ne pouvez pas participer pleinement, vous ne faites pas partie du quorum. Donc, effectivement, à ce niveau-là, il y aura une participation complète et entière.

(16 h 50)

Et vous me permettrez, M. le Président, en terminant sur, je dirais, ce projet de loi, de souhaiter ardemment que, au cours des prochaines semaines, au cours des prochains mois, dans la négociation des c.o.d., des «cash on delivery», des contrats de performance, peu importe comment il les appelle, le ministre de l'Éducation pourra réfléchir à ce qu'il propose, c'est-à-dire de tenir compte de 6 % des montants des fondations, parce que je crois que ça pourrait être un incitatif vraiment très, très négatif non seulement à la participation des gens, mais aussi à leur capacité d'aller chercher de plus en plus d'argent.

Et, vous savez, M. le Président, comme c'est notre habitude du côté de l'opposition officielle, nous avons toujours une approche extrêmement constructive des projets de loi, nous travaillons toujours à les améliorer pour faire en sorte que, s'il y a des erreurs ou s'il y a des éléments qui ont échappé au gouvernement, bien, que nous soyons là, que nous soyons les chiens de garde de la législation gouvernementale afin de faire en sorte qu'on dépose les meilleurs projets de loi possible dans l'intérêt des citoyens et citoyennes du Québec, et c'est exactement l'attitude, c'est-à-dire une attitude constructive, une attitude positive, que nous aurons dans le cadre de l'adoption du projet de loi n° 100. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. En vertu de votre droit de réplique, M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault (réplique)

M. Legault: Oui, M. le Président. Le député de Kamouraska-Témiscouata utilise le prétexte d'un projet de loi bien simple, bien technique... Ce qu'on cherche à faire, finalement, c'est de permettre aux membres des conseils d'administration des fondations de pouvoir tenir des réunions par téléphone comme ça se fait dans beaucoup d'entreprises au Québec actuellement. Mais le député de Kamouraska-Témiscouata en profite pour susciter quelques débats. Et je m'en voudrais de ne pas répondre aux quelques remarques qu'il vient de faire.

D'abord, je rappellerai au député de Kamouraska-Témiscouata que, lors du dernier budget du Québec, mon collègue le ministre des Finances a annoncé que 600 millions de dollars sur le 1 milliard additionnel seront réinvestis dans les universités, ce qui nous amènera, au niveau de l'investissement per capita, au même niveau que les universités en Ontario. Donc, per capita, on investit autant que l'Ontario.

Donc, quand le député de Kamouraska-Témiscouata mentionne que les universités ont besoin des fondations pour compléter leur financement essentiel, je ne pense pas que ça soit exact et je pense que c'est plutôt pour bonifier notre façon de faire. Et c'est peut-être ce qui explique pourquoi les universités québécoises sont parmi les meilleures au monde. Et j'arrive justement d'un voyage en Argentine et au Chili, et j'ai pu constater encore une fois toute l'appréciation qu'ont les gens des universités là-bas envers les universités québécoises, qui ont une réputation aussi bonne que les grandes universités américaines.

Maintenant, le député de Kamouraska-Témiscouata fait référence au projet de politique de financement qui a été présenté aux vice-recteurs et aux recteurs au cours des dernières semaines. Comme on l'a fait, M. le Président, pour la politique à l'égard des universités, nous avons eu un consensus concernant les grandes orientations de la politique à l'égard des universités, donc trois grands axes: l'accessibilité, la performance des universités et la réponse aux besoins de la société. C'est ce qu'on retrouve dans la politique, la première politique à l'égard des universités qui a été publiée au mois de janvier dernier.

Maintenant, il faut traduire ces orientations dans des règles budgétaires, dans une politique de financement. On a proposé une règle pour répartir les fonds. Donc, il n'est pas question de réduire les fonds pour tenir compte ou non des fondations. C'est plutôt: On cherche actuellement, avec les recteurs, et bien évidemment dépendamment des missions spécifiques de chacune des universités... Celles-ci souhaitent avoir plus de pondération sur un département ou un autre ou sur un sujet ou un autre.

Donc, il y a toutes sortes de discussions qui ont lieu, mais il n'est pas question, dans aucun cas, de réduire les fonds qui ont été alloués aux universités. Donc, tous les fonds qui étaient déjà inclus dans le financement des universités, ça veut dire plus de 1,5 milliard, auquel on va ajouter le 600 millions de dollars... Donc, on est en train de convenir de façons, entre autres, de tenir compte du fait que certaines universités ont des montants plus élevés que d'autres en termes d'actifs, que ce soient des fondations ou autres.

Et je peux déjà annoncer au député de Kamouraska-Témiscouata qu'on s'est entendu relativement avec tous les recteurs sur la façon de calculer l'implication de la partie des fondations dans le temps. Donc, il y aura un redressement. Mais on est en train de terminer actuellement nos consultations avec chacun des recteurs des universités, avec les représentants aussi de chacun des groupes des communautés universitaires, c'est-à-dire les professeurs, les étudiants, tous les gens qui participent autour de nos universités.

Concernant les contrats de performance, le député de Kamouraska-Témiscouata a sûrement vu que j'ai profité un peu de la semaine que j'ai passée, la semaine dernière, en Argentine et au Chili pour avoir de bonnes discussions avec les recteurs qui étaient présents durant la mission. D'ailleurs, je rappellerai que cette mission Québec–Argentine–Chili a été un grand succès. Les universités, les cégeps et les commissions scolaires ont signé plus de 58 ententes ou lettres d'intention avec des établissements d'enseignement au Chili et en Argentine pour échanger des étudiants, échanger des professeurs, échanger des chercheurs, vendre notre savoir-faire finalement en éducation auprès de ces établissements.

Mais on en a profité aussi, évidemment, durant les repas, les soirées, les moments qu'on avait ensemble, durant le voyage en avion qui est 13, 14 heures de vol, pour échanger aussi sur le contenu des fameux contrats de performance que j'ai demandé qu'ils soient signés avec chacune des universités. Effectivement, le gouvernement du Québec accepte de réinvestir 600 millions de dollars dans les universités, mais il veut, en même temps, s'assurer que la qualité de l'enseignement et la qualité de la recherche soient comparables avec ce qui se fait de mieux dans le monde. Il souhaite aussi avoir une utilisation optimale des fonds qui sont utilisés dans chacune des universités, et c'est pourquoi j'ai souhaité signer un contrat de performance avec chacune des universités.

On a eu des discussions avec la Conférence des recteurs, donc la CREPUQ, pour voir quel serait le contenu de chacun de ces contrats de performance, quels seraient les sujets qui seraient inclus – on a eu une série d'échanges de lettres – et je peux vous dire qu'on s'entend sur le contenu de ces contrats de performance.

Maintenant, on négociera avec chacune des universités le contenu exact pour chacune des universités concernées.

Reste une chose à régler, M. le Président. Comment appelle-t-on ces contrats? Donc, j'ai eu une proposition de la part des recteurs. Ils ont proposé que ça s'appelle des «conventions d'optimisation et de développement». Donc, je suis à examiner l'à-propos de ce titre. Je continue à penser que «contrat de performance», c'est un beau mot. Mais ce qui est le plus important, c'est le contenu, vous en conviendrez avec moi, M. le Président. Ce qui est important, c'est qu'on s'est entendu sur le contenu des contrats de performance. Maintenant, quel titre auront-ils? C'est très secondaire, et je suis certain qu'on va finir par s'entendre avec les recteurs sur le titre à donner à ces contrats ou ces conventions.

Donc, pour revenir au projet de loi, M. le Président, je suis content de voir que l'opposition semble d'accord avec le bien-fondé du projet de loi et j'espère qu'il pourra être adopté rapidement, comme à l'habitude. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Alors, le principe du projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 14, M. le Président.


Projet de loi n° 119


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 14, M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse propose l'adoption du principe du projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec. M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, d'abord, j'ai une annonce spéciale à vous faire, vous dire que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et elle en recommande l'étude à l'Assemblée. C'est une bonne nouvelle.

À titre donc de ministre responsable de la Jeunesse, je suis particulièrement heureux d'intervenir aujourd'hui, en cette Chambre, à l'occasion de l'adoption de principe du projet de loi qui institue le Fonds Jeunesse Québec.

Je pense que c'est une étape cruciale dans la réalisation d'un des consensus majeurs issus des travaux du grand Sommet dont on se rappellera, M. le Président, le Sommet du Québec et de la jeunesse, et vous vous souviendrez sûrement que, lors de ce Sommet, on a eu plus d'une centaine de participants et de participants associés qui sont venus de tous les secteurs de la société, qui se sont réunis à Québec, ici, en février dernier, pour convenir de moyens à mettre en oeuvre pour que les jeunes participent pleinement à la vie collective.

(17 heures)

Les grandes problématiques qui ont alors retenu leur attention avaient été regroupées sous quatre thèmes, quatre grands thèmes, et vous remarquerez que, dans leur libellé, c'est autant de mots d'ordre adressés aux jeunes mais aussi à toute la société québécoise. Donc, les quatre grands thèmes, on s'en rappellera tous: relever les défis de l'emploi, parfaire le savoir et la formation, promouvoir une société équitable et élargir notre ouverture sur le monde. Donc, pendant deux jours, qui avaient suivi une première journée d'ateliers, donc deux jours, les participants et les participants associés ont travaillé de concert à déterminer les objectifs les plus prioritaires pour l'amélioration de la situation des jeunes, à identifier aussi des mesures concrètes permettant d'atteindre ces objectifs. Et le fruit de leurs travaux a été consigné dans une déclaration qu'on a appelée Déclaration commune faisant état des consensus dégagés par les participants et participants associés au Sommet du Québec et de la jeunesse.

Je ne connais pas, M. le Président, d'autre texte qui représente, par son contenu et les retombées qu'il générera dans tous les aspects de la vie des jeunes, je ne connais pas une contribution aussi marquante pour l'épanouissement de la jeunesse au sein de notre société. Et l'une des grandes préoccupations des participants et participants associés a été de faire en sorte qu'au sortir du Sommet tous les partenaires, c'est-à-dire le gouvernement du Québec mais aussi les principaux acteurs du développement social, économique et culturel du Québec, s'engagent activement dans la réalisation des objectifs du Sommet. Donc, bien entendu, le gouvernement du Québec s'est vu confier le suivi d'une très large part des consensus issus du Sommet et il s'y emploie déjà pleinement – et j'y reviendrai d'ailleurs un peu plus tard.

Mais plusieurs consensus ont une portée qui dépasse les limites des champs d'intervention exclusifs du gouvernement du Québec et leur mise en oeuvre exige donc une implication concrète de la part des membres de la société civile québécoise. Il existe dans toutes les régions du Québec un très grand nombre d'organismes qui travaillent quotidiennement à apporter des solutions aux difficultés vécues par les jeunes. Ces organismes et ces institutions du milieu sont à l'oeuvre dans tous les secteurs d'activité, que ce soit l'éducation, le développement social, l'action communautaire, l'industrie et le commerce, la science ou la culture. Donc, leur action vise à mieux outiller les jeunes afin qu'ils soient pleinement en mesure de satisfaire aux exigences de plus en plus grandes de la vie moderne et à leur apporter de multiples occasions de se réaliser dans une société qui est complexe et qui est en constante évolution.

Par ailleurs, nombreux sont les organismes dont la mission ne concerne pas spécifiquement les jeunes et qui veulent toutefois collaborer à l'épanouissement de la jeunesse dans leur milieu, et je pense en particulier aux entreprises qui, d'année en année, font des efforts remarquables pour accueillir des étudiants en stage et pour leur offrir des emplois d'été. Ainsi, des projets de toutes sortes sont conçus, élaborés en vue d'améliorer un peu plus la condition des jeunes et aussi les encourager à s'impliquer davantage dans leur milieu, où qu'ils vivent au Québec. Malheureusement, les ressources ne sont pas toujours disponibles pour que ces projets puissent passer du concept à la mise en oeuvre, ce qui prive la jeunesse québécoise des dividendes appréciables qu'auraient pu générer de nombreuses initiatives bien ciblées, très souvent innovatrices et généralement peu coûteuses.

Donc, on l'a dit et répété à satiété et pourtant il faut redire et redire encore que – ce qui est pour nous une conviction profonde – lorsqu'on agit en faveur des jeunes, on contribue nécessairement au développement présent et futur de toute la société québécoise. C'est pourquoi il m'apparaît évident, M. le Président, que la réalisation de ce genre de projet a des effets positifs indéniables sur la dynamique des milieux en plus d'apporter des solutions concrètes et adaptées pour résoudre différents problèmes que vivent les jeunes. Et, lorsque les milieux réalisent des projets dont les résultats constituent des acquis durables pour la communauté, ils ravivent du même souffle l'esprit de solidarité qui unit les jeunes et leurs aînés dans une démarche commune de développement.

Donc, c'est dans cet esprit, M. le Président, qu'a été conçu le Fonds Jeunesse. Les participants et les participants associés au Sommet ont voulu doter le Québec d'un instrument d'intervention efficace pour apporter un soutien financier à des initiatives de différents milieux visant l'insertion des jeunes Québécois dans tous les secteurs de la société.

Donc, ce fonds sera doté d'une enveloppe budgétaire totale de 240 millions de dollars, et, avec cette somme, le fonds sera en mesure de financer des actions ayant pour but les objets suivants: la participation à des stages de formation en milieu de travail; la qualification professionnelle du plus grand nombre de jeunes par une intensification de la lutte au décrochage scolaire et le soutien aux jeunes issus des milieux défavorisés; l'acquisition d'une première expérience de travail; le soutien à l'entrepreneurship des jeunes; le soutien à des projets locaux et régionaux; l'insertion sociale et communautaire des jeunes; et l'accès des personnes issues des communautés culturelles et des minorités visibles ainsi que des personnes handicapées à l'emploi.

M. le Président, je crois important de signaler que les objectifs que je viens d'énumérer n'ont pas été choisis arbitrairement. Bien au contraire, ils sont des réponses à des préoccupations maintes fois exprimées à travers les diagnostics et les propositions de solutions qui ont été formulés par les jeunes, par les participants aux ateliers régionaux et par les membres des chantiers durant les travaux préparatoires au Sommet du Québec et de la jeunesse.

Ainsi, si on prend, par exemple, le chantier Relever les défis de l'emploi, on y disait, au sujet de la mise sur pied de stages en formation, et je cite le rapport de ce chantier: «Il est important de donner à un plus grand nombre de jeunes la possibilité de recevoir une formation dans un cadre réel de travail et l'expérience ainsi acquise devrait être de qualité. Il apparaît donc primordial de responsabiliser davantage le milieu du travail, et particulièrement les employeurs, dans la prise en charge des jeunes en cours de formation.» Et je ferme les guillemets.

Par ailleurs, M. le Président, si on regarde les rapports des membres du chantier Promouvoir une société équitable, ils ont plaidé pour que des changements soient apportés tant au plan des pratiques que des mentalités, notamment par des rapports plus étroits entre l'école et les ressources de toute la communauté, afin d'assurer la qualification professionnelle de tous les jeunes. Donc, c'est suite à ces recommandations que nous comptons mettre en place ce qu'on a appelé des «écoles ouvertes sur leur milieu», donc des écoles où on a une communauté, un milieu qui vient s'impliquer pour avoir plus d'activités, des activités culturelles, sportives, de l'aide aux devoirs, des activités de toutes sortes, pour s'assurer que moins de nos jeunes décrochent, que plus de jeunes réussissent et donc obtiennent une qualification.

Si on regarde le chantier Relever les défis de l'emploi, de ce côté, on mettait en évidence, entre autres, toute l'importance de l'entrepreneurship chez les jeunes. Et, selon ce chantier, l'entrepreneurship représente d'ailleurs un élément essentiel de la prospérité économique, puisqu'il permet de saisir les possibilités de création d'emplois et de richesse que l'économie génère. Donc, voilà un outil de premier ordre au service des jeunes qui veulent mettre leurs talents, leur habileté, leur créativité, leur sens de l'innovation à profit pour prendre en main leur avenir. Et, conjuguée au soutien de projets de développement local et régional, l'éclosion de l'entrepreneurship des jeunes sera un facteur puissant de rétention des jeunes dans les régions. Et on sait comment c'est important de juguler cet exode des jeunes, et c'est important pour l'avenir des régions.

C'est aussi dans ce chantier Promouvoir une société équitable où on a fait valoir l'importance de stimuler la participation des jeunes, de tous les jeunes, quelle que soit leur origine, pour renforcer leur appartenance à la société québécoise et, en même temps, la cohésion d'ensemble de celle-ci, d'où l'intérêt évident que le Fonds Jeunesse soutienne des initiatives favorisant l'insertion sociale et communautaire des jeunes et l'accès à l'emploi des personnes issues des communautés culturelles et des minorités visibles ainsi que des personnes handicapées.

(17 h 10)

Donc, je veux attirer l'attention de cette Assemblée, M. le Président, sur une particularité aussi du Fonds Jeunesse qui met en lumière la place importante donnée aux jeunes dans la gestion des moyens consacrés à leur développement. D'abord, les participants et participants associés au Sommet ont convenu de réserver, d'abord, un montant, une part de 15 millions de dollars de l'enveloppe globale de 240 millions pour soutenir des projets de développement local et régional. Donc, ce montant sera géré par les forums jeunesse de toutes les régions en collaboration avec les CRD, les conseils régionaux de développement. Par ailleurs, les forums jeunesse seront aussi appelés à donner leur avis sur l'application régionale de projets régionaux et à recommander les projets locaux et régionaux qui seront soumis au Fonds Jeunesse pour financement.

On se souviendra aussi, M. le Président, que les forums jeunesse sont nés dans la foulée du Plan d'action jeunesse qui a été lancé par mon collègue en 1998. Et leur mandat est d'exercer un rôle aviseur auprès des CRD sur les problématiques touchant les jeunes de leur région, d'élaborer aussi le volet qui est consacré aux jeunes dans la planification stratégique régionale, de veiller à ce que la représentation des jeunes sur les conseils d'administration des CLD soit assurée, mais aussi de favoriser la concertation des intervenants jeunesse locaux et régionaux. Donc, ces forums jeunesse sont les organismes tout désignés pour conseiller le Fonds Jeunesse en identifiant les besoins prioritaires des jeunes des régions et en l'appuyant dans le choix des moyens qui s'avèrent les plus pertinents.

Donc, comme vous le constatez, M. le Président, le Fonds Jeunesse se veut un instrument d'intervention dont la mise en oeuvre veut favoriser une plus grande prise en charge du devenir de la jeunesse québécoise par les milieux eux-mêmes, et plus particulièrement par les jeunes.

Donc, le Fonds Jeunesse sera administré par la Société de gestion du Fonds jeunesse, qui est un organisme sans but lucratif, qui est spécifiquement créé à cette fin, qui a été mis en place le 9 mars dernier. La Société est actuellement gérée par trois administrateurs provisoires, mais elle sera dirigée sous peu, et on en fera l'annonce sous peu bien sûr si le projet de loi est approuvé, par un conseil d'administration de neuf membres composés de trois personnes qui seront désignées par les groupes de jeunes qui proviennent des milieux étudiant, communautaire et syndical qui ont participé au Sommet, trois personnes qui seront désignées par les organismes qui proviennent du secteur privé qui ont aussi participé au Sommet, une personne qui sera désignée par les organismes représentant le secteur de l'éducation qui ont aussi participé au Sommet et deux personnes qui vont représenter le gouvernement.

Donc, vous remarquerez ici encore, M. le Président, que les jeunes vont occuper une place significative au sein du conseil d'administration. Ils seront donc à même d'inscrire les attentes de la jeunesse au coeur des orientations et du processus décisionnel de la Société. Et, avec leurs collègues du conseil, ils auront donc la lourde tâche de faire en sorte que les sommes considérables, 240 millions dont la Société disposera, seront employées de manière efficace et efficiente au soutien des projets structurants dont les résultats auront des effets durables chez les jeunes.

Donc, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la Société recevra cette année et au cours des deux prochains exercices une somme totale de 240 millions de dollars, constituée pour la moitié d'une contribution du gouvernement et pour l'autre d'une contribution du secteur privé, qui a été discutée à un souper mémorable, dont on se souvient, avec des grandes entreprises québécoises qui, elles, nous ont donné un très bon bulletin.

Le projet de loi qui institue le Fonds Jeunesse Québec, qui est devant nous, permettra donc au gouvernement de recevoir la contribution du secteur privé, de la verser par la suite à la Société de gestion du Fonds jeunesse. Et, d'entrée de jeu, le texte du projet de loi vient indiquer que, sans l'ombre d'un doute, son unique finalité est la mise en oeuvre du Fonds Jeunesse, et son premier article reprend d'ailleurs l'essentiel de la description de l'objet du fonds, tel que libellé à l'annexe de la Déclaration commune, et je cite: «Ce fonds est affecté au financement d'activités visant l'insertion sociale, communautaire, culturelle et professionnelle des jeunes Québécois.» Fin de la citation. Donc, on retrouve aussi la même expression au premier alinéa de l'article 7.

Donc, en terminant, M. le Président, le projet de loi précise que la contribution du secteur privé au Fonds Jeunesse résultera du paiement d'une taxe, une taxe de 1,6 % de l'impôt sur le revenu, payable par la Société et de 1,6 % de la taxe sur le capital pour les sociétés assujetties à cette taxe applicable aux institutions financières pour chaque année d'imposition. On se rappellera que c'est un montant qui est à peu près équivalent à la taxe qui avait été mise en place pour le Fonds de lutte contre la pauvreté, qui sera maintenant financé par le gouvernement entièrement. Donc, à cet effet, le projet de loi comporte toutes les dispositions requises pour permettre au ministre du Revenu de percevoir ces contributions et de les verser au Fonds Jeunesse Québec.

Donc, vous me permettrez de saluer, en terminant, au passage, la communauté d'affaires québécoise qui est l'instigatrice de cette remarquable retombée du Sommet du Québec et de la jeunesse. En s'impliquant dans le financement de cet outil de développement, le secteur privé a fait preuve d'une conscience sociale et d'un esprit de solidarité dignes de mention. Je l'en remercie chaleureusement. Au total, ce sont 120 millions de dollars que le secteur privé versera au Fonds Jeunesse Québec. Le projet de loi prévoit, à l'article 7, que le ministre des Finances puisera à même ce fonds pour remettre à la Société de gestion du Fonds jeunesse les sommes nécessaires pour le financement de ses activités et de son fonctionnement.

La Société dispose aussi – on s'en rappellera – de la contribution de 120 millions de dollars du gouvernement du Québec qui lui a été remise déjà en mars dernier, et, ce faisant, le gouvernement a fait en sorte que la Société puisse soutenir le plus tôt possible des projets qui sont prêts à démarrer ou sur le point de l'être. Et je profite de l'occasion pour souligner à cette Chambre que le gouvernement du Québec n'a pas hésité à prendre ses responsabilités, à agir promptement. Et, comme je viens de le dire, le gouvernement a déjà versé sa part. Avec le projet de loi qui est devant nous, il prend les moyens pour que le secteur privé en fasse autant.

La Société de gestion du Fonds jeunesse a été créée à peine quelques semaines après le Sommet, nous avons pris les mesures nécessaires pour qu'elle puisse se mettre à l'oeuvre bientôt, recevoir des projets, et, ainsi, le gouvernement fait encore la preuve que l'épanouissement de la jeunesse québécoise constitue pour lui non seulement une préoccupation majeure, mais bien une de ses priorités d'action de premier rang.

Donc, M. le Président, bien que la Société de gestion du Fonds jeunesse ne soit pas un organisme gouvernemental ou paragouvernemental, l'Assemblée nationale n'en sera pas moins tenue informée de ses activités ainsi que de l'allocation des fonds qui lui auront été remis. Et je veux informer cette Assemblée que la convention de subvention intervenue entre le gouvernement du Québec et la Société pour le versement de la contribution gouvernementale comporte des exigences très précises à l'endroit de la Société en matière de reddition de comptes. Le ministre responsable de l'application de la Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec sera ainsi en mesure d'informer adéquatement l'Assemblée nationale des activités de la Société, comme le stipule l'article 11 du projet de loi.

Donc, avec la création du Fonds Jeunesse, le gouvernement contribue à la réalisation d'un des consensus primordiaux du Sommet du Québec et de la jeunesse. Par les objectifs qu'il poursuivra, les moyens dont il disposera et grâce au partenariat qu'il établira dans le cadre de sa mission, le Fonds Jeunesse sera un outil formidable au service d'une jeunesse québécoise qui veut s'engager vigoureusement dans la réalisation de son plein potentiel. Et, en ce sens, la constitution du Fonds Jeunesse concourt à l'atteinte des mêmes objectifs que poursuit le gouvernement avec l'élaboration de la politique jeunesse.

Et je ferai remarquer, M. le Président, que nous avons eu une réunion cette semaine avec les membres du comité consultatif, qui sont plus d'une vingtaine, une réunion très constructive qui a duré plus de deux heures. Comme on l'a promis, on aura une politique, une première politique jeunesse d'ici février 2001, et cette politique visera à moyen et à long terme à établir les grandes orientations jeunesse, à faire en sorte que la société québécoise développe une nouvelle culture où les jeunes seront de plus en plus présents et impliqués.

En conclusion, M. le Président, je rappellerai que le projet de loi instituant le Fonds Jeunesse Québec donne une assise légale à la perception de la contribution financière du secteur privé et à son versement dans un fonds spécial en vue de financer les activités de la Société de gestion du Fonds jeunesse, et je compte sur la collaboration des membres de l'opposition pour faciliter son adoption, puisqu'il sert manifestement les intérêts de la jeunesse et du Québec. Merci, M. le Président.

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec. Et je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition dans ce dossier et député d'Anjou. M. le député d'Anjou, la parole est à vous.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole au niveau du projet de loi n° 119, projet de loi qui vise à instituer le Fonds Jeunesse Québec. D'entrée de jeu, et je le mentionne immédiatement au niveau du ministre, il peut compter sur la collaboration des gens de l'opposition pour faire en sorte que le projet de loi soit adopté rapidement et qu'on puisse, tout le monde ensemble, dans le fond, en tant que société, commencer à mettre le fonds sur pied prêt à agir, prêt à agir parce qu'il y a des besoins excessivement importants au niveau de la jeunesse québécoise.

Le ministre l'a mentionné tantôt, le Fonds Jeunesse est né un peu dans la controverse. On se souviendra du titre de La Presse le matin de la première journée du Sommet du Québec et de la jeunesse. Ça avait même failli faire dérailler, malheureusement, le Sommet quand on avait dit que ce fonds-là avait été décidé au souper des riches. La réaction des jeunes, à ce moment-là, avait été relativement simple mais, je vous dirais, surtout prévisible. On se demandait qu'est-ce qu'on allait faire là si tout était décidé d'avance.

Vous savez, M. le Président – le projet de loi le mentionne – on a certains objectifs au niveau de ce à quoi va servir le fonds. Mais, s'il y a une chose au niveau de l'opposition – et on va s'en assurer au niveau de la commission parlementaire – ce dont on veut être sûr, c'est que cet argent-là serve à des projets nouveaux, serve véritablement aux jeunes mais ne soit pas utilisé pour financer différents projets qui devraient normalement relever du ministère de l'Éducation. Dans le fond, ce qu'on veut puis ce que les jeunes veulent, c'est s'assurer que ce 240 millions de dollars là, ce soit de l'argent neuf, que ce soit 240 millions de dollars de projets qui n'auraient pas pu voir le jour sans la création de ce fonds-là.

Nous, durant le Sommet du Québec et de la jeunesse, au niveau de l'opposition, je pense qu'on avait bien campé nos positions. On avait mentionné qu'il était essentiel à notre point de vue – et puis je pense que c'était un point de vue qui était partagé par l'ensemble des groupes jeunes – d'avoir une politique jeunesse globale qui allait contraindre le gouvernement, qui allait nous donner, dans le fond, comme société, des règles à suivre. Parce que le ministre l'a mentionné, puis je ne peux pas être plus d'accord avec lui quand il dit: Ce n'est pas seulement au gouvernement de faire des choses. Ce n'est pas seulement à l'Assemblée nationale d'agir.

Vous savez, M. le Président, des fois, la population va nous dire: Bien, que l'Assemblée nationale agisse, que le gouvernement passe un projet de loi. Mais je dois vous dire que, comme jeune, je m'excuse, mais ce n'est pas juste aux 125 députés d'agir. Les entreprises du Québec ont des responsabilités. Les citoyens du Québec ont des responsabilités, les groupes communautaires. Chaque citoyen au Québec est interpellé par le dossier de la jeunesse. Ce n'est pas la question du voisin; c'est la question de chacun et chacune d'entre nous.

Parce que, vous savez, comme société, je pense que c'est essentiel qu'on repose sur le développement des jeunes pour faire en sorte que le Québec puisse continuer d'évoluer. Vous savez, M. le Président, je n'inventerai rien en vous mentionnant que, somme toute, le Québec, ce n'est pas très grand. On est 7 millions, 8 millions de population, une majorité francophone. Sur quoi repose notre développement? Ça repose sur notre jeunesse. Ça repose sur les jeunes. Ça repose sur chacun et chacune d'entre nous.

Vous savez, M. le Président, la Révolution tranquille, on va bientôt en fêter les 40 ans. Évidemment, je n'étais pas de ce monde lorsque la Révolution tranquille s'est amorcée, mais je peux dire que j'en ai bénéficié par la suite, je peux dire que j'ai réussi à goûter aux fruits de cette Révolution tranquille là. Puis, moi, ce que j'en retiens – puis c'est ma vision personnelle – c'est que, comme société, le Québec a décidé d'investir dans sa jeunesse au niveau de la Révolution tranquille. On s'est pris en main comme société. On a dit: On est capable. On a investi dans nos universités. On a investi dans notre système d'éducation. De plus en plus de francophones ont pris leur place dans le milieu des affaires, et je pense que ça a porté fruit. Et ça nous permet aujourd'hui, en l'an 2000, d'avoir un Québec qui a su bénéficier de cette Révolution tranquille là.

Mais il y a quelque chose qu'il faut retenir – il faut en tirer des leçons – c'est qu'on a investi dans la jeunesse. On a cru au potentiel des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises. C'est évident qu'au niveau démographique on n'a pas la même force aujourd'hui, comme groupe d'âge, que ce qu'il pouvait y avoir à l'époque du baby-boom. Seulement, il y a une réalité, c'est que, entre autres, dans la fonction publique, ma génération ne fait tout simplement pas le poids.

C'est un exemple parmi tant d'autres. Ce n'est pas normal. En commission parlementaire, au niveau de l'étude des crédits, je pense que c'est au niveau de la Société immobilière du Québec, sur 300 et quelques fonctionnaires, il y en a sept qui ont moins de 30 ou 35 ans. C'est complètement absurde. Ce n'est pas normal, et je pense qu'il faut en être conscient comme société, il faut en être conscient également comme Assemblée nationale et se dire: Le Fonds Jeunesse, c'est un pas, mais il y en a d'autres à faire. Il y a d'autres pas à faire, parce que les solutions ne seront pas faciles, mais les résultats, aussi, à obtenir ne seront pas faciles. Mais il y a une chose, c'est que le résultat, à mon sens, devra être obtenu.

On l'avait mentionné, nous, au niveau de notre politique jeunesse globale. Ce qu'on disait, nous, c'est qu'un jeune doit être soit au travail, si c'est ce qu'il désire, être à l'école, en formation ou effectuer un travail communautaire, tout ça évidemment sur une base volontaire. Le principe là-dedans est bien simple, c'est que, comme société, le Québec n'a pas les moyens d'échapper un seul jeune. Le Québec n'a pas les moyens qu'un seul jeune décroche de l'école. Le Québec n'a pas les moyens qu'un seul jeune se retrouve dans la rue parce qu'il ne se reconnaît pas dans les outils qu'on lui donne ou dans le cheminement qu'on lui propose.

On ne doit pas faire du mur-à-mur, on doit plutôt adopter une approche, je pense, flexible qui nous permette, comme société, d'aller chercher le talent de chacun de ces jeunes-là, de permettre à ce jeune-là de s'épanouir, d'apporter sa contribution à la société, parce que tous les jeunes, M. le Président, j'en suis convaincu, désirent apporter leur contribution, à leur façon, à la société québécoise. Comment le faire? C'est un peu le défi, je pense, qui s'offre à nous, comme Assemblée nationale, parce que c'est évidemment nous qui devons adopter les lois, mais comme société, parce que – je l'ai mentionné tout à l'heure puis je le crois fermement – ce n'est pas un problème qui appartient exclusivement aux parlementaires du Québec, c'est un projet qui concerne tout le monde.

Je l'ai mentionné tantôt, la fonction publique, ma génération n'occupe pas du tout son poids. On doit continuer de faire des efforts parce que ce n'est pas normal. Il y aura des mises à pied ou, je dirais plutôt, des mises à la retraite au cours des prochaines années. Je suis convaincu que le ministre de l'Éducation, comme vice-président du Conseil du trésor, est conscient de cette réalité-là. Dans quelques années, il y a bon nombre de fonctionnaires qui vont prendre leur retraite après des années au service de la collectivité québécoise. Est-ce qu'on s'assure qu'il y ait une transmission de connaissances? Est-ce qu'on s'assure que les jeunes puissent occuper des emplois dans la fonction publique?

Je pense que c'est une question qu'il faut se poser, puis je suis convaincu, M. le Président, que, comme fonction publique, l'ensemble du Québec va en retirer des bénéfices, de la présence des jeunes, qui ont une approche différente, un dynamisme qui est propre évidemment à la jeunesse. Quand on commence, c'est toujours emballant. Mais on a besoin d'aller les chercher, ces jeunes-là. Puis c'est pour ça qu'on insistait tant, nous, sur une politique jeunesse globale, parce qu'on se dit: Ce n'est pas des mesures à la pièce qui vont nécessairement permettre de solutionner les problèmes de l'ensemble des jeunes au Québec. Je pense que c'est une mentalité, je pense que c'est un leitmotiv qu'on doit se donner, comme État, en se disant: Nous, au Québec, on fait de nos jeunes une priorité.

Mais il faut agir, et ce n'est pas simplement au niveau du Fonds Jeunesse. Moi, quand je vois, dans le dossier des jeunes professeurs, qu'ils sont obligés de se battre devant les tribunaux pour obtenir le respect de leurs droits, je trouve ça dommage, je trouve ça excessivement dommage qu'ils soient obligés de se lancer dans des procédures judiciaires pour faire respecter leurs droits. Je pense qu'on a un message à envoyer, puis le gouvernement doit envoyer un message, pas juste envoyer un message au niveau du Fonds Jeunesse en disant: Vous voyez, j'ai réussi à convaincre les gens d'affaires à investir de l'argent, mais il doit donner l'exemple en disant: Moi, comme employeur, ce que je demande à l'entreprise privée, je le fais. Je le fais, M. le Président, je rajeunis ma fonction publique, je le fais, je respecte le fait que des... Comme dans le cas des jeunes professeurs, je respecte leur situation, je ne tente pas de négocier à rabais sur leur dos. C'est deux exemples.

(17 h 30)

Mais l'exemple doit venir d'en haut, M. le Président. On se doit, comme Assemblée nationale... Puis c'est un dossier... Dans bon nombre d'autres dossiers, dans d'autres domaines, c'est également l'Assemblée nationale qui se doit de donner le pas à la société. C'est l'Assemblée nationale qui se doit de se dire: Dans le dossier des jeunes au Québec, c'est tolérance zéro, on veut qu'il y ait une réussite. C'est notre survie qui en dépend, c'est notre expansion, c'est notre futur. C'est le futur du Québec qui repose sur notre habilité, comme société, d'inclure tous ces jeunes-là, de les inclure tous, d'aller chercher leurs talents. Il y a des talents extraordinaires dans nos universités, dans nos cégeps, mais il y en a aussi qui ne sont pas dans les cégeps, qui ne sont pas dans les universités puis qui se disent: Mais comment je fais pour contribuer? J'ai le désir, mais donnez-moi... Ce n'est pas ma réalité, moi, d'être assis sur un banc d'école. Comment est-ce que je peux contribuer au développement du Québec? Il va falloir trouver des solutions à ça. Il va falloir trouver des solutions parce que, sans quoi, dans trois ans, dans cinq ans, dans 10 ans, on n'aura pas trouvé des solutions aux problèmes des jeunes, mais comme société on aura régressé. On aura régressé, M. le Président, parce qu'on n'aura pas eu la brillante idée d'investir dans le potentiel de la jeunesse québécoise. On n'aura pas eu l'audace de croire au talent de ces jeunes-là.

Vous savez, M. le Président, on parle d'un paquet d'investissements. On parle de e-commerce, on parle de la nouvelle économie. Qu'est-ce qui fait que le Québec est compétitif, qu'est-ce qui fait que le Québec peut devenir encore plus compétitif? C'est avec sa main-d'oeuvre. Puis le ministre de l'Éducation, je suis convaincu, le sait pertinemment bien. Si nos universités continuent de former des jeunes qui sont capables d'être créatifs, qui sont compétents, les entreprises vont venir. Ce n'est pas en les inondant d'argent, c'est en mettant à leur disposition un potentiel extraordinaire qui est la jeunesse québécoise. Mais, pour continuer à développer cette jeunesse-là, il va falloir poser des gestes concrets. Il va falloir réinvestir dans les universités, il va falloir réinvestir dans les cégeps, parce que c'est là que se trouve notre plus belle richesse collective, à mon sens, qu'est la jeunesse québécoise.

Vous savez, je l'ai mentionné, le gouvernement doit donner l'exemple. Prenez le dossier des jeunes professeurs. On leur a déjà donné à plusieurs reprises l'occasion d'annoncer publiquement qu'ils allaient retirer les recours judiciaires et enfin reconnaître aux jeunes professeurs leur pleine participation à la société en leur disant: Écoutez, on a fait une erreur, ça a été négocié, mais on s'en excuse, c'était inacceptable. Même chose au niveau de la fonction publique, de donner l'exemple en disant: Écoutez, on demande aux employeurs un effort supplémentaire, on demande aux employeurs de croire aux jeunes, bien on va nous aussi vous donner l'exemple en embauchant des jeunes, en leur donnant des emplois de qualité, des emplois durables.

Malheureusement, dans les dernières négociations de conventions collectives, ce qui est convenu d'appeler ceux qui ont moins de 12 mois de service au cours des 15 derniers mois au sein d'un même ministère, bien ils vont écoper. Est-ce que c'est le message qu'on veut envoyer à ces jeunes-là quelques mois après le Sommet du Québec et de la jeunesse? J'ose croire que non. J'ose croire que c'est une clause qui leur a échappé. Mais, à nouveau, ils ont eu l'occasion, là, de corriger, puis ça n'a pas été fait. On leur donne à nouveau l'occasion de dire haut et fort: Nous, comme gouvernement, on veut donner un exemple. On croit au message qui est véhiculé par le Fonds Jeunesse, parce qu'il s'est fait au niveau du Sommet du Québec et de la jeunesse, puis on agit concrètement, puis on espère que ce geste-là va en entraîner d'autres au niveau du secteur privé et des différents secteurs de l'économie du Québec.

On l'a déjà mentionné, et ce n'est absolument rien pour viser des individus, on souhaite que le dossier jeunesse soit piloté au niveau du bureau du premier ministre, pour une raison bien simple: c'est que ça touche un paquet de ministères. C'est drôle, parce qu'hier on a rencontré des gens au niveau du projet de loi sur la pauvreté, qu'ils veulent nous présenter, et ils adoptent la même attitude qui est de dire: Ça devrait être chapeauté par le bureau du premier ministre, pour montrer que l'exemple vient d'en haut, que le premier ministre du Québec prend ce dossier-là à coeur, en fait sa priorité et décide d'appliquer justement les principes qui le guident en donnant l'exemple. C'est évident que c'est le premier ministre du Québec qui est certainement la personne, à notre avis – et c'est sans attaque envers qui que ce soit, ça a déjà été fait – qui devrait s'occuper de ça.

C'est donc un projet de loi, comme je l'ai mentionné, pour lequel le ministre de l'Éducation peut assurément compter sur notre collaboration pour faire en sorte... On a des commentaires, des questions. J'espère qu'il pourra répondre à nos interrogations pour qu'on puisse aller de l'avant, qu'on puisse aller de l'avant, M. le Président, parce que c'est important que la question jeunesse trouve des réponses, trouve des réponses parce que, au cours de la dernière année, on a été en attente du Sommet du Québec et de la jeunesse; tout était gelé, tout était en attente de cet événement-là.

Moi, M. le Président, si j'avais un souhait, c'est qu'on n'ait plus jamais de Sommet du Québec et de la jeunesse. Pourquoi? Parce que ça devrait être une priorité 365 jours par année, pas trois jours aux trois ans. Ça devrait être une priorité de tous les jours, de tous les moments, dans toutes les actions du gouvernement du Québec. Je pense que c'est ça qui devrait être la réalité et je pense que ça sera un message excessivement porteur pour la jeunesse québécoise à envoyer que celui de dire: On ne sera pas obligé, dans l'avenir, de vous demander pendant six mois: Qu'est-ce qui ne fonctionne pas pour les jeunes au Québec? Parce qu'on le saura. Puis on n'aura pas besoin de saupoudrer quelques mesures parce que, dans chacun des gestes qui seront posés, dans chacune des actions qui seront intentées par le gouvernement du Québec, on aura, en arrière-plan, le fait que les gestes posés au niveau de la jeunesse du Québec vont avoir des répercussions au cours des prochaines années, des répercussions qui seront excessivement positives pour l'ensemble de la société et qui vont faire en sorte, je l'espère, qu'on pourra vivre dans un monde meilleur. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Anjou. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, la parole est à vous.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Je voulais prendre quelques minutes pour intervenir, moi aussi, sur le projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec, simplement pour, je dirais, mettre mon grain de sel dans ce projet de loi et, entre autres, souligner le travail de mon collègue d'Anjou dans ce projet de loi là, et qui, encore une fois, comme il vient de l'annoncer, démontrera la capacité et la volonté de l'opposition officielle d'être une opposition constructive, une opposition qui cherche, dans des domaines importants pour la société, à aider le gouvernement à faire en sorte que le projet de loi, comme ça, qui est déposé réponde encore plus aux besoins des jeunes.

Si vous me permettez de faire une petite parenthèse, M. le Président, sur le Sommet de la jeunesse. D'abord, c'est un peu dans l'ambiance qui régnait à l'ouverture du Sommet de la jeunesse. Pour y avoir assisté, l'ambiance qu'il y avait dans la salle était assez particulière parce qu'un peu tout le monde se regardait en se disant: Bien, voyons, qu'est-ce qui se passe ici? Est-ce que c'est vraiment de ça qu'on veut parler? La première journée. Et on a fait beaucoup état, dans les médias, je pense, de ce qui se passait à l'extérieur de la salle, des manifestations, de tout ce qui s'y déroulait.

Moi, M. le Président, je me plais à dire que la véritable manifestation a eu lieu à l'intérieur de la salle, à partir d'un moment – le ministre de l'Éducation en a été témoin d'ailleurs – où des jeunes se sont levés, ont pris le micro et ont dit: Un instant! Maintenant, c'est de ça qu'on va parler. On va parler de nous, on va parler de nos vrais problèmes. Arrêtez de nous présenter toutes sortes de choses, toutes sortes, je dirais, d'acétates, de statistiques, on va parler de ce que, nous, on ressent. Je pense, M. le Président, que ça a été un des moments les plus importants du Sommet, c'est-à-dire quand les jeunes ont décidé de tasser l'agenda gouvernemental qui leur était proposé et de vraiment prendre l'agenda qui les touchait.

Le deuxième point, M. le Président, que je voulais aborder est en ce qui a trait à la mise en place du Fonds Jeunesse. Effectivement, comme l'a mentionné mon collègue d'Anjou et comme l'ont mentionné plusieurs personnes aussi à l'ouverture du Sommet, bien des gens étaient extrêmement sceptiques à l'idée de voir que, à deux, trois jours du Sommet de la jeunesse, dans un souper privé, sur invitation, c'est un peu là qu'on a réglé le sort du Sommet de la jeunesse. Le ministre de l'Éducation a beau être fier de son coup d'avoir été chercher de l'argent là, mais est-ce que les jeunes ont été consultés sur ce souper-là? Oui, ils peuvent se réjouir des montants qu'ils ont été chercher, mais ça démontre, encore une fois, je pense, que le gouvernement avait un objectif bien précis, avait une idée de la conclusion du Sommet, de l'annonce qu'il voulait faire de la mise en place de ce fonds-là et qu'il l'a faite avant d'arriver au Sommet de la jeunesse. Et plusieurs – et certaines caricatures l'ont bel et bien démontré – ont indiqué que finalement, à ce souper-là, il n'y avait pas beaucoup de jeunes.

(17 h 40)

L'élément sur lequel on peut se pencher aussi, c'est-à-dire: À quoi va servir ce fonds-là? Il y a des gens qui se questionnent – et on aura sûrement la chance avec le ministre de l'Éducation et de la Jeunesse, en commission parlementaire, d'en parler: Est-ce que, finalement, ce Fonds Jeunesse là va servir à 100 % pour des nouveaux projets? Et, quand je parle de nouveaux projets, il faut faire attention, M. le Président. Quand on parle de nouveaux projets concernant les jeunes, il y a une autre sous-question à ça, c'est: Est-ce que ce sont des nouveaux projets qui ne peuvent vraiment pas être financés par personne d'autre et par aucun autre ministre ou ministère au gouvernement? Le ministre aime bien nous parler de son projet d'école ouverte sur son milieu, et plusieurs se disent: Bien, dans le fond, ce projet-là, si le Fonds Jeunesse n'existait pas, il pourrait très bien être financé par le ministère de l'Éducation. Le ministère de l'Éducation pourrait donner un coup de barre au niveau financier et lancer ce projet-là sans nécessairement que ça passe par le Fonds Jeunesse.

Donc, il faudra être extrêmement, extrêmement prudent au cours des prochaines semaines et des prochains mois pour s'assurer que les montants qui vont être dépensés par le Fonds Jeunesse... Là-dessus, je pense qu'on se doit, un, de faire confiance aux gens qui administreront le Fonds Jeunesse et, deux, aussi de surveiller quand même ce qu'il advient pour ne pas que le Fonds Jeunesse devienne, je dirais, le lieu où tous les ministères envoient les projets qui sont reliés aux jeunes parce qu'ils ne veulent pas payer pour ces projets-là. Donc, il va falloir être extrêmement prudent là-dessus, M. le Président, et finalement, je dirais, vraiment exercer une surveillance sur la façon dont ce sera fait pour ne pas qu'on arrive dans deux, trois ans avec un rapport du Vérificateur général ou avec un rapport de toute autre personne qui suit l'administration publique et qui dirait: Bien, l'argent du Fonds Jeunesse a été mal dépensé, n'a pas vraiment servi la cause pour laquelle il a été ramassé, la cause pour laquelle le fonds a été mis en place. Donc, je pense que les leçons du passé pourront nous servir dans la gestion et dans le suivi qu'on accordera à l'actuel Fonds Jeunesse.

Quelques dernières remarques, finalement, M. le Président, sur ce projet de loi là. Comme on l'a mentionné dans le dossier des clauses orphelin, et je vois qu'on a la chance d'avoir avec nous en cette Chambre le député de Matane avec qui j'ai eu la chance d'avoir un large débat sur le dossier des clauses orphelin, on se souvient que, déjà, à l'époque, il y avait beaucoup, beaucoup de gens qui disaient que, dans le fond, c'était la première fois qu'un gouvernement passait une loi pour mettre en place des clauses orphelin, pour proposer aux gens, entre autres les municipalités, avec le projet de loi n° 414, d'adopter des clauses orphelin. Et ça, je pense que ça prend plus qu'un Sommet de la jeunesse, ça prend plus qu'un Fonds Jeunesse pour faire oublier, je dirais, cette étape très noire de l'administration péquiste actuelle.

M. le Président, un élément, si vous me permettez, en terminant, est relié à la pérennité du projet de loi comme tel. Je pense que la question n'est pas de se demander aujourd'hui: Est-ce qu'on va devoir faire un autre Sommet de la jeunesse dans trois ans pour reconduire ce fonds-là? Est-ce que ce fonds-là va vraiment être terminé au bout de trois ans? On a vécu la même chose avec le Fonds de lutte contre la pauvreté qui devait se terminer cette année et, finalement, qu'on a reconduit. Quel genre d'idée a le gouvernement derrière la tête avec ce fonds-là? Est-ce que c'est vraiment un fonds qui est arrêté dans le temps? On dit: Au bout de trois ans, ce sera terminé. Et d'ailleurs il y a des articles dans le projet de loi qui nous l'indiquent, que finalement la date à laquelle... C'est l'article 12: «Les surplus du fonds [...] à la date à laquelle la loi cessera d'avoir effet sont versés au fonds consolidé du revenu et sont attribués au financement de mesures complémentaires conformes aux objets du fonds.» Est-ce qu'on annonce déjà que le Fonds Jeunesse, au bout de ces trois ans, finalement, sera redistribué dans les ministères concernés par les projets, que l'administration de ces projets-là se fera par les ministères concernés et que, finalement, le gouvernement va prendre la relève du Fonds Jeunesse? Et, à ce moment-là, qu'advient-il de la participation du secteur privé? Et, à ce moment-là, qu'advient-il de l'administration de cet argent-là?

Donc, M. le Président, comme vous pouvez voir, oui, on est favorable à ce type de mesures, notamment aux mesures qui vont concerner les régions. Je pense que les jeunes en région ont travaillé très fort pour s'assurer qu'il y ait une partie du financement qui reste dans chacune des régions, et sur lequel les jeunes puissent avoir, je dirais, une certaine marge de manoeuvre dans l'attribution. Mais, moi, j'ose espérer qu'une fois toutes ces questions-là soulevées on pourra se rendre compte que ce Fonds Jeunesse là sera vraiment un plus pour la jeunesse et non pas un fonds qui visera à atténuer ou à remplacer certaines mesures qui auraient pu être très bien financées par les ministères concernés.

Donc, encore une fois, l'approche de l'opposition dans ce projet de loi là sera constructive, sera positive et visera l'amélioration de la condition générale des jeunes au Québec. Surtout à l'aube d'années où on s'en va de plus en plus vers une économie du savoir, vers une économie basée non plus sur les ressources uniquement physiques, mais de plus en plus humaines, bien je crois que les jeunes constituent clairement la plus grande richesse que le Québec puisse avoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail et député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui. Alors, merci, M. le Président. Alors, bien sûr l'opposition ne peut pas laisser passer ce projet de loi sans avoir un nombre d'intervenants assez nombreux, car, en effet, c'est quelque chose qui tient à coeur à l'opposition. La jeunesse du Québec doit tenir à coeur non seulement à l'opposition, mais aussi aux députés ministériels et à l'ensemble des Québécois, car c'est avec ces jeunes que nous allons bâtir ou que va se bâtir, en tout cas, la société qui va prendre notre relève, celle qui va prendre notre place, que ça soit au niveau de l'administration publique, au niveau des affaires, au niveau de l'enseignement, au niveau de ceux qui vont donner les soins de santé, au niveau de cette société qui va se renouveler.

Alors, M. le Président, il a été constaté au Québec, depuis un certain nombre d'années, plusieurs problèmes qui affectent la jeunesse. Alors, il faut dire qu'il y a une seule jeunesse au Québec, mais il y a diverses catégories dans la jeunesse. Alors, il y a la jeunesse bien sûr qui sort du système scolaire assez scolarisée, avec des diplômes, et qui réussit à se trouver plus ou moins facilement des emplois et une place dans la société. Et il y a la jeunesse qui sort, elle, un peu moins scolarisée et un peu plus formée au niveau technique, qui ne peut pas toujours non plus trouver des emplois mais qui finit par s'en trouver. Et il y a les autres, ceux qui décrochent des écoles, ceux qui ne se rendent pas au bout de leurs études, qui se retrouvent, à 18 ans, 19 ans, 20 ans, sans travail, sans occupation ou sans qualification qui leur permet d'en trouver.

Et je n'ai pas vu, dans le Sommet de la jeunesse, une grande préoccupation pour cette catégorie de jeunes Québécois là. On a vu les préoccupations pour plusieurs autres catégories, mais cette catégorie de jeunes a semblé, peut-être parce qu'elle est moins organisée dans les mouvements de pression, peut-être parce qu'elle est moins présente au niveau des organisations de jeunesse, qu'elles soient étudiantes ou qu'elles soient autres, comme Force Jeunesse, eh bien, on n'a pas vraiment senti sa présence. Et on a cru entendre, et j'étais présent au Sommet, à l'occasion, lorsqu'on parlait avec des jeunes dans les couloirs, entendre ou constater un certain désabusement de cette catégorie de jeunes qui semblait être en dehors – je ne veux pas employer un mot anglais – de la game, comme certains me disaient. Je me souviens même avoir aidé un jeune homme à se faire inscrire, un jeune homme qui arrivait de la Côte-Nord – je vois l'ex-ministre du Travail qui sourit – qui s'était déplacé et qui s'était vu refuser l'inscription à l'entrée du Sommet. Je suis allé pour essayer de lui avoir son inscription. Il a réussi à l'avoir. Ce jeune homme là me disait: Nous, là, on n'est pas présents, on n'est pas invités. Ils invitent seulement des gens d'organisations ou d'associations reconnues.

Et je crois que, si on a péché peut-être ou si on a manqué dans ce Sommet, c'est peut-être de ne pas avoir pris assez en compte cette catégorie de jeunes. Je ne dis pas qu'on ne l'a pas prise en compte, mais peut-être pas assez, parce que, après tout, cette partie de la jeunesse qui a des problèmes les plus importants et les plus criants, c'est eux. Parce que les autres qui ont des diplômes universitaires, c'est vrai qu'ils peuvent avoir un peu de difficultés à intégrer la fonction publique, c'est vrai qu'ils peuvent être victimes de clauses orphelin à l'occasion, parce que, bon, leurs qualifications leur permettent d'avoir des emplois, mais on veut les payer moins cher, alors on leur fait des clauses orphelin. Et les autres qui ont une formation technique, eux aussi ont une capacité de trouver un travail. Les autres catégories de jeunes qui n'ont pas cette formation, eh bien, c'est eux qui connaissent les problèmes de délinquance, les problèmes de «drop-out», les problèmes de drogue, les problèmes d'insertion dans la société. Et c'est envers eux qu'on doit mettre les efforts, c'est envers eux qu'on doit mettre l'accent de l'insertion dans la société.

(17 h 50)

Alors, le gouvernement arrive avec un fonds très important. On parle de 140 millions de dollars, quelque chose d'important. Et surtout il y a les entreprises qui vont payer des taxes supplémentaires, une partie de taxes supplémentaires pour ce faire. Il est souhaitable, il est même recommandable que ce fonds serve en tout premier lieu, prioritairement à cette catégorie de jeunes qui sont les moins bien armés, les moins prêts à relever les défis de notre société.

Le ministre de l'Éducation, qui essaie de faire un travail positif au Québec dans l'éducation – on ne peut accuser quelqu'un de ne pas chercher à faire son mieux, même si on ne réussit pas tout le temps – il doit savoir que, dans les prochaines années, pour trouver un emploi assez facilement, il faudra avoir entre 12 et 16 ans et peut-être plus de scolarité. Quand on pense qu'à peu près 30 % de nos jeunes n'ont même pas fini leur secondaire III, hein, ou leur secondaire IV, on imagine à quelles difficultés ils vont être confrontés. Qu'est-ce qui va arriver avec ces jeunes-là? Est-ce à dire que, dès l'âge de 15, 16, 17 ans, 18 ans, ils sont condamnés à vivre de mesures sociales, de petits boulots, de petits contrats tant qu'ils vont être jeunes et, rendus à 35, 40 ans, ils vont devoir vivre sur l'aide sociale? C'est ça, peut-être, l'horizon qui les attend, c'est ça, l'horizon très gris qui peut les attendre si on se fie à ce qui va être nécessaire pour pouvoir décrocher un emploi.

Alors, il est urgent, je crois, que le gouvernement comprenne cette dimension-là. C'est bien beau faire des grands discours sur la jeunesse puis avoir, comme on l'a fait en commission parlementaire avec la ministre du Travail, des groupes de jeunes, Force Jeunesse, des gens très scolarisés, très articulés qui viennent nous parler de grands principes sur la jeunesse, de grands principes d'égalité, les jeunes professeurs, les jeunes médecins. Ça, c'est beau. Et, quand on répond à eux, on a l'impression de faire des choses pour la jeunesse, mais on fait cela que pour une seule partie de la jeunesse. On doit mettre nos priorités où est-ce que vraiment les gens vont avoir des problèmes, et des problèmes qui vont perdurer, parce qu'ils ne seront pas jeunes tout le temps, hein? Alors, il faut dès maintenant corriger cette lacune, corriger cette carence qu'ils ont de capacité de s'intégrer à la société du futur.

Une fois qu'on a fait ce constat-là sur ces jeunes-là qui, eux, sont déjà presque en dehors du système, il y a ceux qui sont dans le système puis ceux qui vont y venir, parce que le même phénomène va se répéter, hein, pour la génération qui est dans les écoles actuellement et qui se prépare à décrocher comme certains le font et aussi, M. le Président, bien sûr pour ceux qui vont y rentrer. Alors, il ne faudrait pas qu'on ne tienne pas compte de ce qui s'est passé, qu'on oublie et que la même situation se reproduise.

Pour ce faire, eh bien, un certain nombre de questions se posent, en particulier celles de l'enseignement primaire, de l'enseignement secondaire et de l'enseignement professionnel. Au niveau de l'enseignement primaire, on sait que le ministre de l'Éducation amène une réforme de l'enseignement qui va faire en sorte, au niveau de l'apprentissage des enfants, qu'on va changer le système, la manière d'apprendre à nos enfants. Les enfants n'auront plus de professeur attitré, ils vont aller là par habilité ou par champ d'intérêt, il n'y aura plus de bulletin de notes ou quelque chose comme ça. Et on nous dit que c'est une réforme très, très, très bonne, sauf qu'un certain nombre de parents s'inquiètent de cela, à juste titre, parce que tout ce qui est nouveau ou ce qui change peut être inquiétant, et c'est normal parce que les parents veulent bien sûr donner les meilleures chances à leurs enfants. Surtout ceux qui ont eu un peu de difficultés étant jeunes, qui ont dû travailler dans la construction ou dans des métiers manuels, se rendant compte que leurs enfants ont besoin d'avoir une instruction plus forte que la leur, eh bien, ils vont essayer de faire pour donner des chances à ces enfants-là.

Alors, on amène une réforme, mais bien sûr on va souhaiter que cette réforme aille dans le sens de la jeunesse et ne finisse pas comme ça a fini... On me disait que, au Manitoba, ce même genre de réforme là a dû être abandonné. C'est des parents d'élèves qui m'ont dit ça dans ma circonscription, cette semaine. J'assistais à une réunion où les gens se questionnaient justement sur ce nouveau régime pédagogique. Alors, je ne porte pas de jugement de valeur sur cela, ce n'est pas le dossier. On peut en parler pareil; on parle de la jeunesse, on prépare la jeunesse. Mais il est important de faire attention que, encore une fois, par une réforme peut-être à la mode maintenant, on ne crée pas encore pour une autre génération des problèmes ou, pour une partie d'une autre génération, des problèmes de réussite scolaire, donc de préparation à l'apprentissage d'un métier, d'une technique, afin, M. le Président, bien sûr de ne pas créer des problèmes en avant et devoir plus tard les régler avec des fonds. Car, avant tout, M. le Président, c'est quoi, la meilleure politique? La meilleure politique, c'est celle d'éviter que les problèmes se créent. Et, pour éviter que les problèmes se créent, M. le Président, il faut agir avec discernement, il faut agir avec une réflexion qui va dans l'intérêt des gens, dans l'intérêt des citoyens, et là on parle en particulier de la jeunesse, des jeunes enfants.

Et là, après ça, M. le Président, il y a bien sûr tout le domaine de la formation professionnelle, de l'enseignement d'un métier. Appelons ça comme on voudra, il y a différents mots, on emploie différents vocables ici pour désigner généralement la même chose. Alors, on a actuellement, M. le Président, un certain nombre de jeunes qui bien sûr aimeraient ça occuper des métiers, aimeraient ça travailler de leurs mains, de manière manuelle, que ce soit dans la construction ou ailleurs.

Eh bien, M. le Président, je prendrai l'image de la construction. La construction n'est, je dirais, malheureusement pas ouverte beaucoup ou tellement aux jeunes. Beaucoup de jeunes de différentes régions du Québec aimeraient avoir des activités, un métier comme masson, comme peintre, comme plombier – c'est un peu plus technique, plombier – maçon, peintre, couvreur, enfin différentes activités liées à un travail manuel de la construction. Eh bien, ces jeunes-là, malheureusement, par les lois actuelles, ne sont pas intéressés, ne sont pas amenés à étudier, à apprendre ces métiers-là parce qu'ils savent qu'ils ne pourront pas y rentrer ou que peu d'entre eux pourront y rentrer étant donné que c'est bloqué, qu'il y a des bassins et qu'il y a une réglementation assez sévère, assez tatillonne, corporative, qui fait en sorte de protéger un groupe et d'exclure un autre groupe. Alors, c'est sûr que ça crée un certain nombre de problèmes au niveau de l'industrie même. On se rend compte, M. le Président, que, dans certains métiers, à Montréal, actuellement, il y a des pénuries: pénurie de maçons, pénurie de charpentiers, entre autres, selon les gens de l'Association de la construction du Québec qui me parlaient dernièrement sur ce sujet-là. Alors, ça, c'est déjà un problème.

Mais l'autre problème, c'est qu'il y a des jeunes Québécois qui ont l'habilité de faire ce travail manuel, ce travail très, très valorisant que de construire une maison, construire un building – ce n'est pas parce qu'il est manuel qu'il n'est pas valorisant, qu'il n'est pas intéressant, au contraire – qui ne peuvent le faire et se retrouvent sans boulot, sans travail ou alors avec des petits travaux, du travail temporaire de livreur, ou dans un magasin, ou des emplois qui ne correspondent pas à leurs vraies aspirations mais qu'ils n'ont d'autre choix que d'occuper parce qu'il faut qu'ils gagnent leur vie et un minimum d'argent pour vivre décemment, à moins qu'ils veuillent aller sur l'aide sociale.

Alors, M. le Président, vous comprendrez que ce sont des choses qui n'ont pas été abordées au Sommet de la jeunesse. Personne n'a parlé de l'élargissement des lois pour faire en sorte que les jeunes aient accès à certains métiers auxquels ils n'ont pas accès maintenant. Personne n'en a parlé. Et j'aurais aimé entendre parler de ça, moi. J'aurais aimé avoir des interventions du ministre de l'Éducation et d'autres ministres – je dis ça sans partisanerie politique – qu'ils disent: Bien, écoutez, il y a un certain nombre de choses qui doivent changer au Québec. Pas chercher le consensus à tout prix pour faire plaisir à tout le monde, pour ressortir de là avec une unanimité qui, tout compte fait, ne règle bien souvent pas grand-chose à part le communiqué final. Et on se retrouve, quelques années ou quelques mois plus tard, avec les mêmes problèmes, les mêmes dissensions, les mêmes divergences parce que ça n'a rien réglé. Bon, certes, on a gagné du temps. Mais ce n'est pas forcément là le but d'être ministre ou en politique au Québec, que de gagner du temps en ne réglant pas les situations. Vaut mieux des fois les régler et gagner le temps pour tout le temps.

Alors, la construction, malheureusement, ça a échappé au ministre. Et peut-être n'avait-il pas conscience de cette dimension-là. On sait qu'à l'Éducation il regarde surtout les problèmes d'éducation et de la jeunesse en général. Mais je l'encouragerais à faire cette réflexion-là et de parler avec ses collègues, sa collègue du Travail entre autres, vu qu'on va réformer un certain nombre de lois du travail, le Code du travail et les normes minimales. C'est vrai que la construction, ce n'est pas là-dedans, ce n'est pas dans le Code, ce n'est pas dans les normes minimales, c'est un régime particulier, mais, quand même, nous pourrions profiter de l'occasion qu'il y a tout ce train de réformes qui arrivent pour voir à ouvrir pour les jeunes... Je ne dis pas de tout foutre par-dessus bord et de tout casser, d'enlever les certificats de compétence et les cartes de qualification professionnelle, mais de voir à moderniser ce cadre-là, car des milliers de jeunes Québécois sont prêts à aller travailler dans ce domaine-là et ils ne le peuvent pas, M. le Président.

Je crois que ça vaut plus que 200 millions de dollars, ça, parce que, avec un fonds, on ne peut pas régler ce genre de problème là. Un fonds, on peut acheter du temps, on peut régler quelques situations aussi. Mais, généralement, actuellement dans notre société, presque tous les ministères ou ceux qui sont concernés avec les jeunes ou avec le travail ont déjà des programmes qui existent et qui ont pour but d'empêcher le décrochage, de faire en sorte que les jeunes enfin aient certains soutiens ou certaines aides. Donc, on rajoute un peu, on met une cerise un peut sur tout ça, parce que, après tout, ce montant-là, par rapport aux sommes qui sont dépensées, qui sont plusieurs milliards de dollars juste à l'éducation nationale, pensons-y, à l'enseignement secondaire, l'enseignement universitaire, ce n'est pas quelque chose de très grand.

Alors, il y a des mesures ponctuelles, et j'en donne une au ministre: ouvrons le domaine de la construction, ouvrons, facilitons l'accès des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises – il y a aussi des femmes là-dedans, en moins grand nombre, c'est vrai, mais il y en a quand même, là, qui veulent y aller – aux métiers de la construction et à la formation professionnelle, à l'apprentissage d'un métier de la construction. Et, pour ce faire, il faut changer le cadre réglementaire actuellement, et je pense que le temps arrive. M. le ministre, vous nous démontrez un grand intérêt pour les jeunes, vous avez démontré au Sommet une foi en ce que vous vouliez, c'est-à-dire certainement faire avancer la cause des jeunes, les préparer à embarquer dans notre société, préparer notre relève à nous. J'en suis avec vous et je vous donne un moyen...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je m'excuse de vous interrompre. Alors, vous avez terminé? Alors, il est maintenant 18 heures, et je vais ajourner les travaux à demain...

M. Boisclair: ...il n'est pas 18 heures tout à fait, on aurait le temps de...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Est-ce que le projet de loi est adopté?

M. Boisclair: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.

M. Boisclair: Et, M. le Président, je ferais...

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, le projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec, est adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, en conséquence, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de cette Assemblée à demain, jeudi 25 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)