L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 6 juin 2000 - Vol. 36 N° 117

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.

À l'ordre! Nous allons débuter la séance.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, d'abord, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, alors je vous réfère d'abord, M. le Président, à l'article a du feuilleton.


Projet de loi n° 140

Le Président: Alors, à l'article a du feuilleton, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance présente le projet de loi n° 140, Loi sur l'assurance parentale. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce projet de loi institue un régime d'assurance parentale ayant pour objet d'accorder, à tout travailleur admissible, des prestations pour un congé de maternité et pour les congés familiaux suivants: un congé de paternité et un congé parental, pris consécutivement à la naissance d'un enfant, et un congé d'adoption d'un enfant mineur.

Est admissible au régime le travailleur, qu'il soit employé ou travailleur autonome, qui cotise au régime, dont le revenu assurable gagné pendant la période de référence est d'au moins 2 000 $ et qui connaît un arrêt de rémunération lié à l'un des congés visés par le régime. Pour être admissible, le travailleur doit par ailleurs résider habituellement au Québec au début de sa période de prestations ainsi que, dans le cas du travailleur autonome, au 31 décembre de l'année précédant le début de sa période de prestations. Le maximum de revenus assurables est équivalent à celui en usage à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le nombre de semaines de prestations pour chacun des congés de même que le taux des prestations et les modalités de calcul de celles-ci sont déterminés par règlement du gouvernement.

L'administration du régime est confiée à la Régie des rentes du Québec. Outre les dispositions administratives, le projet de loi contient des dispositions relatives au paiement et au remboursement des prestations. Le projet de loi prévoit la révision des décisions de la Régie, ainsi qu'un recours devant le Tribunal administratif du Québec.

L'employé, par voie de déduction à la source, et son employeur, de même que le travailleur autonome doivent cotiser au régime suivant les taux prescrits par le gouvernement. Le projet de loi prévoit en outre des disposition relatives au remboursement des cotisations et aux paiements de redressement. Les cotisations sont perçues par le ministre du Revenu de qui relève l'application du chapitre consacré aux cotisations, lequel constitue une loi fiscale au sens de la Loi sur le ministère du Revenu.

Le ministère de la Famille et de l'Enfance, qui est responsable de l'application de cette loi, est assisté d'un comité consultatif formé de représentants des employeurs, des employés, des travailleurs autonomes et du gouvernement; le sous-ministre de la Famille et de l'Enfance et le président de Régie des rentes du Québec, ou leurs représentants, en sont membres d'office.

Le projet de loi prévoit également que le ministre devra faire rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de la loi, dans les cinq ans de son entrée en vigueur. Ce rapport sera déposé devant l'Assemblée nationale et examiné par la commission compétente.

Enfin, ce projet de loi comporte des dispositions modificatives de concordance ainsi que des dispositions transitoires.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Alors, l'Assemblée est saisie du projet de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, maintenant l'article b, M. le Président.


Projet de loi n° 139

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le leader, au nom de Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles, présente le projet de loi n° 139, Loi sur le notariat. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, ce projet de loi propose une révision complète de la Loi sur le notariat en vue de mieux répondre aux besoins de la profession notariale.

En premier lieu, le projet de loi pourvoit à l'organisation de l'Ordre des notaires du Québec et de ses instances décisionnelles que sont le bureau et le comité administratif, lesquelles sont chargées d'administrer l'Ordre.

Le projet de loi consacre ensuite la mission du notaire à titre d'officier public, de conseiller juridique et de collaborateur à l'administration de la justice ainsi que son devoir d'impartialité à titre d'officier public. Il encadre également l'exercice de la profession et précise les attributions et fonctions que le notaire peut exercer.

(10 h 10)

Ce projet de loi a par ailleurs pour objet de doter la profession notariale d'outils modernes lui permettant d'assurer son développement. C'est ainsi que les notaires peuvent recevoir leurs actes non plus seulement sur un support papier mais également sur des supports qui font appel aux nouvelles technologies de l'information. En outre, le projet de loi pourvoit à l'établissement d'une signature électronique pour les notaires et prévoit leur rôle dans la certification de l'identité, de la qualité et de la capacité des personnes.

Par ailleurs, le projet de loi offre aux notaires la possibilité de constituer des greffes communs détenus en indivision par les notaires qui y versent leurs actes notariés en minute, ainsi que des greffes sociaux détenus par des sociétés en nom collectif de notaires. De plus, le ministre de la Justice, que le projet de loi propose d'instituer Notaire général du Québec, peut dorénavant détenir un ou plusieurs greffes, dans lesquels sont versés les actes notariés en minute reçus par les notaires de la fonction publique.

Le projet de loi introduit également diverses mesures ayant pour objet de permettre à l'Ordre des notaires de mieux s'acquitter de sa mission de protection du public. C'est ainsi que le Fonds d'études notariales, constitué notamment des revenus des comptes généraux tenus en fidéicommis par les notaires, peut servir au financement du fonds d'indemnisation qui a pour objet de rembourser les clients des sommes et valeurs utilisées par les notaires à d'autres fins que celles pour lesquelles elles leur avaient été confiées. De plus, le Bureau de l'Ordre peut rendre obligatoire pour les notaires l'observance de normes de pratique professionnelle. Par ailleurs, les instances de l'Ordre chargées de décider des demandes d'inscription au tableau de l'Ordre et de reprise du droit d'exercice de la profession se voient accorder les pouvoirs nécessaires leur permettant de s'acquitter efficacement de leurs responsabilités. Les décisions de ces instances peuvent être portées en appel devant le Tribunal des professions. En outre, le Bureau de l'Ordre est tenu d'établir par règlement un tarif obligatoire des honoraires des notaires pour certains services professionnels lorsqu'ils collaborent à l'administration de la justice dans le cadre de certaines demandes non contentieuses régies par le Code de procédure civile. Enfin, le projet de loi vient encadrer les circonstances dans lesquelles un notaire peut ou doit cesser d'exercer sa profession et celles dans lesquelles peut intervenir la cession ou le dépôt d'un greffe notarial ou sa mise sous garde provisoire. Un règlement de l'Ordre établit les modalités de la cession, du dépôt et de la garde provisoire des greffes.

Enfin, le projet de loi prévoit les règles de fond et de forme entourant la réception des actes notariés et la délivrance des copies et d'extraits authentiques.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.

M. Brassard: Oui. Article i, M. le Président.


Projet de loi n° 231

Le Président: Alors, en rapport avec cet article, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 231, Loi concernant la municipalité de Deauville. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport. Et, en conséquence, M. le député d'Orford présente le projet de loi d'intérêt privé n° 231, Loi concernant la municipalité de Deauville.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'abord d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Oui. M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est adoptée.

M. Brassard: L'article g, maintenant.


Projet de loi n° 233

Le Président: Alors, en rapport avec l'article g, j'ai également reçu un rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 233, Loi concernant la Ville de Verdun. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport. Et M. le député de Verdun présente donc le projet de loi d'intérêt privé n° 233, Loi concernant la Ville de Verdun.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est adoptée.

M. Brassard: L'article f.


Projet de loi n° 228

Le Président: Et finalement, j'ai aussi reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 228, Loi modifiant la Loi sur la charte de la Coopérative fédérée de Québec. Alors, le directeur de la législation a également constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport. Et M. le député de Lotbinière présente le projet de loi d'intérêt privé n° 228, Loi modifiant la Loi sur la charte de la Coopérative fédérée de Québec.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: Oui, alors je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est adopté? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Brassard: Je voudrais déposer la réponse à la question n° 26 inscrite au feuilleton du 24 mai 2000 par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président: Le document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation et députée de Rimouski.


Étude détaillée du projet de loi n° 111

Mme Charest: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 2 juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est déposé. Vous en avez un autre, je crois.


Étude détaillée du projet de loi n° 118

Mme Charest: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 1er juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé.

Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 124

M. Vallières: Oui, M. le Président, je voudrais déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 30 mai, 1er et 2 juin 2000 afin de procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Alors, ce rapport de commission est également déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, M. le Président. Je demande le consentement pour une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Abaisser immédiatement les taxes provinciales sur l'essence

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 424 pétitionnaires représentant la population de la région de Baie Comeau.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le prix de l'essence atteint des sommets inégalés au Québec;

«Attendu que cette hausse de prix de l'essence entraînera inévitablement une augmentation de l'inflation;

«Attendu que les taxes sur l'essence représentent près de la moitié du prix de l'essence;

«Attendu que le gouvernement du Québec refuse de diminuer ses taxes sur l'essence;

«Attendu que la hausse des prix de l'essence risque d'avoir un effet très négatif sur l'économie du Québec;

«Attendu que le gouvernement du Québec dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour diminuer les taxes sur l'essence;

«Attendu que les Québécois et Québécoises sont les plus taxés sur l'essence au Canada et en Amérique du Nord;

«Attendu que le Parti libéral du Québec, qui forme l'opposition officielle, réclame une baisse des taxes sur l'essence;

«Attendu que la population de la région de Baie Comeau en a assez d'être utilisée pour gonfler les surplus de l'État;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale qu'elle exige du gouvernement du Québec qu'il cesse d'empocher des bénéfices sur le dos des contribuables du Québec et qu'il baisse immédiatement les taxes provinciales sur l'essence.»

Cet extrait est conforme à la pétition originale.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. Alors, la pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Maintenant, nous allons aborder la période de questions et de réponses orales. Et je cède la parole au chef de l'opposition officielle pour une première question principale.


Indemnisation des orphelins de Duplessis


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, à la fin de la période de questions aujourd'hui, nous allons présenter une motion qui se lit de la façon suivante:

«Que l'Assemblée nationale réclame du premier ministre du Québec qu'il tienne compte des développements récents survenus dans le dossier des orphelins de Duplessis et notamment du dépôt d'une pétition à l'Assemblée nationale, de la précision accrue des demandes des victimes et de l'intérêt marqué de la communauté internationale pour réviser sa position.»

M. le Président, le premier ministre sait qu'il n'est pas le premier à faire face à une situation similaire à celle qui est présentée à l'Assemblée nationale dans le cas des orphelins de Duplessis, que d'autres gouvernements au Canada ont dû également faire face à des situations semblables. En Colombie-Britannique, ce fut l'affaire de Jericho Hill Provincial School for the Deaf, en Nouvelle-Écosse, l'affaire de Shelburne Nova Scotia School for Boys, au Nouveau-Brunswick, l'affaire Kingslear, en Alberta, l'affaire des enfants de cage de fer, et, à Terre-Neuve, l'affaire du Mount Cashel, sans compter trois incidents tristes en Ontario.

M. le Président, le premier ministre était lui-même ministre dans le gouvernement fédéral au moment où le gouvernement fédéral, en septembre 1988, compensait les Canadiens d'origine japonaise qui avaient été internés illégalement pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Alors, M. le Président, ce que je veux demander au premier ministre aujourd'hui, compte tenu de l'évolution du dossier... Parce qu'il y a eu une évolution du dossier depuis que le gouvernement s'est prononcé sur cette affaire-là. Entre autres, il y a une précision des demandes de la part du Comité des orphelins de Duplessis, et plusieurs autres personnes au Québec ont eu l'occasion de se pencher sur cette triste affaire, de se prononcer et d'en venir à la conclusion que, oui, il fallait répondre favorablement à cette demande, d'autant plus, M. le Président, que la demande est basée sur des objectifs qui sont vérifiables, c'est-à-dire des faux diagnostics et l'internement illégal.

(10 h 20)

Alors, je veux donc demander au premier ministre aujourd'hui, tenant compte de cette évolution depuis un an dans le dossier, s'il est capable de nous dire que l'Assemblée nationale et son gouvernement vont réagir favorablement à la demande qui est formulée par les orphelins de Duplessis.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement que je dirige a manifesté une grande sensibilité à l'endroit de cette question. Effectivement, après 40 ans de gouvernements successifs qui ont manifesté une inaction, je dirais même que le dossier était perçu comme indifférent durant ces années-là, nous sommes le premier gouvernement a s'être penché sur la question, à avoir examiné les dossiers, même les procureurs de la couronne les ont examinés au point de vue judiciaire, au point de vue de plainte criminelle, et aucune plainte n'a été jugée devoir être portée dans ce dossier.

Malgré tout, M. le Président, nous reconnaissons que notre société, et l'État en particulier, a un devoir moral vis-à-vis de cette situation. Nous avons jugé à propos, et c'était à l'époque l'essentiel des préoccupations des orphelins de Duplessis, de se voir manifester du respect et de la compassion par l'État, et nous avons à ce moment-là décidé de présenter des excuses formelles, ce qui a été fait ici, à l'Assemblée nationale. Nous l'avons fait sans admission de responsabilité et sans imputer de blâme à qui que ce soit.

Mais les comparaisons que vient de faire le chef de l'opposition, par exemple, avec le dossier des Japonais canadiens sont tout à fait inappropriées. Il faut se rappeler ce qu'a été le dossier des Japonais. Ce sont des groupes ethniques qui ont été spoliés de leurs biens, arrachés à leurs terres, internés durant toute la guerre avec leurs familles, et qui n'ont jamais pu, après, obtenir le remboursement de leurs biens qui avaient été vendus à des tiers, et les profits ayant été empochés par d'autres. C'était une situation particulièrement odieuse, M. le Président, c'était une grande tache. Et la démonstration était facile à faire, les dossiers ont été documentés, c'était clair. Et le gouvernement canadien, à la suite même du gouvernement américain qui a fait la même chose – parce que lui aussi, le gouvernement américain, a commis les mêmes exactions à l'endroit des Japonais américains – a décidé d'intervenir.

Mais il y a tellement d'autres dossiers, M. le Président. La «head tax» des Chinois. Il y a, par exemple, le fait que des centaines de Québécois ont été mis en prison sans acte d'accusation et ont été libérés par la suite sans même qu'un jugement n'ait été porté sur eux. Le gouvernement fédéral n'a jamais jugé à propos même de faire d'excuses. Mais, nous, dans le cas des orphelins de Duplessis, où il y a un côté humanitaire très clair, il y a aussi une prise à charge des responsabilités par les religieuses, les religieux et le clergé qui ont été admirables.

M. le Président, je veux bien que nous examinions le passé, mais il ne faut pas, quand même, traiter le passé du Québec comme un passé noir. Parce que, durant ces années de générosité collective, celles qui ont recueilli avec le plus total bénévolat les orphelins puis qui s'en sont occupées, qui ont permis même à la plupart d'entre eux de se replacer dans la vie, d'être adoptés, qui se sont comportées comme de véritables parents, comme des mères vis-à-vis des enfants, pour des dizaines de milliers de jeunes personnes, de bébés abandonnés parfois sur le pas de la porte le matin, ce sont des religieuses. Et je crois que, comme société, nous devons avoir le courage de dire que nous n'allons pas maculer ces années de générosité.

Cependant, il faut avoir une sensibilité, il faut s'excuser. Nous avons créé un fonds de 3 millions de dollars...

Des voix: Ah!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est regrettable que le premier ministre, dans sa réponse, choisisse de dévier et d'aller sur un autre sujet alors qu'il n'y a personne à l'Assemblée nationale ou ailleurs qui cherche à blâmer les communautés religieuses et le dévouement des hommes et des femmes qui se sont donnés corps et âme pour les orphelins. Il n'y a personne qui a de reproches à leur formuler, bien au contraire. Et, lorsque le premier ministre fait une comparaison avec les Canadiens d'origine japonaise, je lui rappellerai qu'il n'a pas de leçons à donner à quiconque là-dessus, si on tient compte de la situation des orphelins de Duplessis qui ont été victimes d'injustice.

Sauf qu'il réagit aussi beaucoup comme les gouvernements qui, dans tous les cas que je vous ai mentionnés il y a quelques minutes, ont réagi lorsqu'ils étaient placés devant ces situations-là. La première chose, c'est toujours de dire non, puis on ne réécrira pas les pages de l'histoire, et finalement les gens se rendent compte qu'il y a là une injustice et qu'il y a bel et bien des hommes et des femmes qui sont vivants aujourd'hui qui ont été victimes de ces injustices-là, comme les Canadiens d'origine japonaise l'ont été, peu importent les circonstances.

Il a les pouvoirs et les moyens de réparer ces injustices-là. Et, depuis un an, le dossier a évolué à un point tel où on offre au gouvernement des critères qui sont objectifs et vérifiables. Ce n'est pas une indemnisation «at large», comme on dirait, qu'on demande du côté des orphelins de Duplessis, c'est pour ceux qui sont victimes de faux diagnostic et d'internement illégal, M. le Président.

J'ajouterais, M. le Président, en terminant, parce que je veux demander au premier ministre qu'il fasse preuve d'un peu d'ouverture, que j'ai la prétention aujourd'hui de parler, je pense, au nom d'une majorité de députés à l'Assemblée nationale, et il aura peut-être l'occasion d'en discuter à nouveau avec son caucus. Est-ce qu'il pourrait faire preuve aujourd'hui d'un petit peu d'ouverture, parce que, peut-être que, à la lumière de leurs délibérations, dans son caucus, il découvrira qu'il y a un autre point de vue que celui qu'il vient de nous exprimer?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je trouve que le chef de l'opposition s'aventure sur un terrain très miné pour lui que de vouloir se préoccuper de la solidarité du caucus ministériel. Je crois qu'il aurait intérêt à s'occuper du sien, M. le Président, dans tous les dossiers qui le concernent.

Une voix: Cheap!

M. Bouchard: Et je pense tout à fait inqualifiable...

Une voix: Cheap!

M. Bouchard: ...et, s'il y a une chose mesquine qui vient... J'ai entendu crier «cheap». J'ai entendu «cheap». Alors...

Le Président: M. le premier ministre.

Des voix: Cheap!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu le chef de l'opposition crier le mot «cheap» à mon endroit. Je crois, M. le Président, que nous avons une situation absolument remarquable pour juger du double standard du chef de l'opposition qui vient de se permettre de s'immiscer dans le caucus ministériel pour tenter d'y introduire la division qui n'existe pas, un caucus remarquablement uni, et qui se plaint de ce qu'on lui renvoie la balle en lui disant de s'occuper de son caucus, dont je ne m'occupe pas, mais dont lui devrait s'occuper, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, il faut regretter que le premier ministre profite d'une occasion comme celle-là pour s'abaisser à de la partisanerie sur un sujet...

Des voix: Bravo!

M. Charest: ...alors que, dans mes questions, dans le sens de mes propos, je cherche à lui ouvrir toutes les portes pour qu'il puisse faire ce que justement une forte majorité des députés de l'Assemblée nationale voudraient faire. Et, si le premier ministre veut mettre à l'épreuve justement cette solidarité de l'Assemblée nationale, cette volonté, bien, il a une occasion de le faire. On va présenter la motion à la fin de la période de questions. Qu'il dise oui immédiatement et que chaque député à l'Assemblée nationale se lève et vote et se prononce sur cette question des orphelins de Duplessis, M. le Président.

(10 h 30)

Des voix: Bravo!


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition peut adresser les rappels à l'ordre qu'il veut à ses députés, il peut leur faire des appels de moralité, de comportement de l'Assemblée, mais ce n'est pas à lui de s'adresser aux députés ministériels parce qu'il se trouve que le caucus ministériel est le premier caucus en 40 ans à avoir supporté une mesure d'excuses, la création d'un fonds de 3 millions de dollars, des mesures d'accès plus facile aux services sociaux, la correction – justement, ce dont on vient de parler – des registres de l'état civil qui requièrent d'être rectifiés, un appel, qui a été lancé, pressant, au Collège des médecins pour modifier là où il le faut les diagnostics médicaux.

En fait, M. le Président, on a en face de nous des gens qui ont fait partie du caucus dans d'autres gouvernements et d'autres gouvernements qui n'ont rien fait et qui n'en ont même jamais parlé et qui osent aujourd'hui adresser des leçons de moralité à un caucus qui, lui, pour la première fois en 40 ans, l'a fait.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Maintien de l'équilibre budgétaire des établissements du réseau de la santé


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Les membres du conseil d'administration du CLSC Les Forges, à Trois-Rivières, ont adopté hier soir un budget en déséquilibre, malgré les directives de la ministre. Selon Le Nouvelliste du mardi 6 juin, le président du conseil du CLSC était très déçu du peu de soutien du ministre Guy Julien, et je cite, il dit: «Ces gens-là, on leur confie le pouvoir, mais on se fout de notre gueule.» Fin de la citation.

Et, selon le directeur général du CLSC, en adoptant son budget même déficitaire, le CLSC obligerait la machine administrative à se mettre en marche. Cette stratégie lui aurait même été conseillée par la direction de la régie. En clair, on veut forcer les fonctionnaires à venir mettre leur nez dans les livres du CLSC et à dire comment ils arriveraient à atteindre l'équilibre. Dans le cas contraire, on veut obliger le politique à annoncer lui-même quels services il faudra couper et à qui.

M. le Président, est-ce que la ministre réalise que les donneurs de soins, qui doivent, en vertu de la loi, fournir les services à la population, sont à ce point désemparés qu'ils en sont rendus à l'inviter, elle, à venir leur dire, à eux, quels sont les services et les soins qu'ils devront couper aux patients et aux personnes âgées?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Comme j'ai eu l'occasion de le faire vendredi dernier en rencontrant l'Association des hôpitaux du Québec, je vais en profiter pour remercier et féliciter ceux et celles qui ont présenté des budgets équilibrés. Et c'est plus de la moitié des établissements de santé. Et c'est plus important du côté des établissements de soins aux personnes âgées de même que de soins à la communauté sous la responsabilité des centres locaux de services communautaires.

Je fais exactement le contraire de ce que décrit le député de Vaudreuil, M. le Président, puisque j'ai demandé à chaque régie de faire le travail, avec le ministère, auprès des différents établissements. On a identifié des aspects des budgets... qui pourraient considérer des demandes exceptionnelles sur lesquelles nous accepterions de nous pencher pour voir comment corriger la situation dans de tels cas. J'ai offert l'aide du ministère pour soutenir des établissements qui vivraient actuellement certaines difficultés à l'égard de l'équilibre budgétaire. Cette offre est toujours là, est toujours disponible. Les gens de mon ministère ont déjà commencé à faire le tour de l'ensemble des établissements où se présentent certaines des difficultés, et nous restons toujours présents à cet égard dans le dossier, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en complémentaire.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, comment la ministre de la Santé peut-elle forcer les établissements de la Montérégie à couper dans les services aux malades sous prétexte d'atteindre le déficit zéro alors que la région souffre déjà d'un manque à gagner de plus de 200 millions de dollars au chapitre de l'équité interrégionale? Et qu'est-ce qu'elle attend pour combler ce déficit et offrir à la population de la Montérégie les services appropriés?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, il ne s'agit pas ici de couper dans les services aux malades d'aucune espèce de façon. J'ai demandé aux établissements, une fois que j'ai eu couvert le déficit passé, que j'ai eu rehaussé les bases budgétaires d'une façon très significative, d'adopter des budgets équilibrés, de nous identifier des situations exceptionnelles. Je connais bien la situation de la Montérégie. Il y a sans doute des problèmes très particuliers dans un certain nombre de ces établissements, et nous les observerons, nous les analyserons avec les gens concernés de très près pour voir comment corriger le tout.

J'ai pris un autre engagement aussi, M. le Président, et, comme, j'imagine, l'opposition doit commencer à me connaître, je respecte mes engagements, et c'est celui de travailler avec les établissements à revoir la façon d'allouer les budgets et à corriger les bases budgétaires pour que dans la prochaine année nous puissions réajuster un certain nombre de ces budgets en fonction de la progression de la demande, en fonction de la correction de certaines iniquités entre les régions, M. le Président. Et j'ai compris que j'aurais l'entière collaboration des établissements concernés.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Beauce-Sud.


Situation des établissements de soins de longue durée des régions de Beauce et de l'Amiante


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: M. le Président, aujourd'hui, en ce moment même, les dirigeants des CHSLD de Beauce et de L'Amiante, du Conseil pour la protection des malades, du Conseil des aînés, de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ainsi que de l'Ordre des infirmières auxiliaires sont réunis en conférence de presse à Saint-Georges pour dénoncer la triste réalité qui sévit dans les établissements de soins de longue durée de ma région.

Qu'est-ce que la ministre de la Santé répond aux CHSLD de Beauce et de l'Amiante qui affirment que la loi antiservices qui leur est imposée par la ministre ne permettra de répondre qu'à 53 % des besoins des résidents? Est-ce qu'on devra prendre trois minutes au lieu de quatre pour les nourrir? Ou encore leur donner un bain aux deux semaines au lieu d'un par semaine, comme c'est le cas actuellement? Concrètement, qu'est-ce que la ministre a à leur proposer?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Dans le cas précis de la Beauce, M. le Président, j'ai demandé à mon ministère de me proposer des mesures correctrices qui vont dans le sens des demandes exprimées par le CHSLD.

Le Président: En question principale, M. le député de Viau.


Coordination du prélèvement d'organes dans les hôpitaux


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Il y a quelques jours, un donneur potentiel aurait pu sauver la vie de cinq personnes en attente d'une transplantation, que ce soit...

Une voix: ...

M. Cusano: Oui, madame. Oui, Mme la députée. Il y a cinq personnes qui ont été privées soit d'un coeur, d'un foie, d'un pancréas ou d'un rein, M. le Président. Le donneur potentiel a été débranché prématurément, ce qui rend impossible, une fois qu'un donneur est débranché, de prélever ses organes. Brièvement, M. le Président, ces organes ont été perdus.

Il y a sept ans, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité un projet de loi qui exigeait des établissements hospitaliers au Québec de mettre en place un comité de coordination pour s'assurer d'identifier des donneurs potentiels et d'en faire la coordination avec les organismes désignés par le gouvernement pour que justement des vies soient sauvées.

Est-ce que la ministre pourrait nous expliquer pourquoi cette loi qui... On le retrouve à l'article 204.1. Puis je ne ferai pas la lecture, M. le Président, de cet article, de l'article 204.1. Pourquoi la ministre n'est capable de faire appliquer cette loi que dans 12 des 150 établissements hospitaliers au Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je remercie le député de sa question parce que je pense que c'est un sujet qui nous préoccupe tous et toutes et sur lequel il y a effectivement unanimité. D'ailleurs, j'ai travaillé avec certains organismes communautaires, certaines fondations qui s'activent actuellement pour faire la promotion du don d'organes, qui font un travail exceptionnel. Il existe certains groupes plus spécialisés qui accompagnent des patients qui reçoivent des organes et qui ont besoin d'être aidés pour ce faire.

(10 h 40)

J'ai demandé à mon ministère de faire le point sur l'ensemble de cette question, parce que effectivement il devrait normalement y avoir dans tous les établissements des comités et des personnes désignées aussi pour qu'on leur signifie, au moment où une personne est susceptible de pouvoir donner ses organes parce qu'elle meurt – hein, il faut bien le dire comme ça, c'est ce qui se passe... que ces personnes puissent intervenir rapidement. Parce qu'on sait que c'est important qu'on le fasse rapidement, à ce moment-là. Alors, j'ai demandé qu'on me fasse le point pour relancer à nouveau ce dossier parce que c'est, comme pour notre collègue d'en face, pour moi, un sujet de très grande préoccupation qui doit se traduire surtout par de l'action concrète.

Le Président: M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, on entend de la ministre de très belles paroles. Elle nous a parlé des organismes bénévoles, et, oui, il y a beaucoup d'organismes bénévoles qui travaillent dans ce sens-là, M. le Président. Mais ce n'est pas ça, la question. La question, c'est le fait que son prédécesseur, qu'elle-même ne font pas appliquer ce projet de loi, il n'est appliqué que dans 12 hôpitaux des 150.

Est-ce que la ministre réalise que le fait qu'elle ne fait pas appliquer cette loi, M. le Président, ce n'est pas seulement de l'incompétence, mais c'est un acte criminel?

Le Président: Je pense, M. le député... On comprend votre attachement pour cette question. Vous comprendrez que, par ailleurs, vous ne pouvez pas accuser un de vos collègues, malgré toute la passion que vous avez pour cette question-là, de commettre délibérément un acte criminel. Alors, je vous demanderais de retirer vos propos, qui sont exagérés dans les contenus. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, j'aimerais bien retirer ces paroles, mais sauf qu'on a au Québec au-delà de 500 personnes...

Des voix: Oh!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais entendre. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, j'aimerais bien retirer mes paroles, sauf qu'il y a 500 personnes au Québec qui sont en attente, et le manque de conscience de la part de ce gouvernement, c'est un geste criminel.

Le Président: Je vous demande, une seconde fois... Alors, avant d'être obligé d'appliquer le règlement d'une façon plus stricte, je vous demande, M. le député de Viau – et on comprend tous votre intérêt pour la question – de retirer vos propos. Alors, je vous rappelle à l'ordre une première fois. Est-ce que vous voulez retirer vos propos? Sur une question de règlement? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Les explications fournies par le député à l'effet qu'il y a 500 personnes qui sont en attente et la façon dont la question a été posée – est-ce qu'il s'agit d'incompétence? – donne une marge de manoeuvre et à la présidence et au gouvernement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je connais très bien le député de Viau et je sais que ses propos ont dépassé sa pensée, et je comprends mal qu'il n'accepte pas de retirer ses propos, à moins que ce soit une stratégie de l'aile parlementaire libérale.

Le Président: Alors, M. le député de Viau, nonobstant ce que vient d'indiquer le leader de l'opposition officielle, je crois qu'il y a une marge entre traiter un ministre du gouvernement d'incompétence – c'est-à-dire, finalement, c'est une appréciation de son travail professionnel, chacun peut avoir une opinion sur ça et ce type de propos est souvent malheureusement utilisé à l'Assemblée sans pour autant qu'il y ait une obligation de retirer – et dans le cas particulier où on accuse un collègue de commettre un acte criminel en ne faisant pas un certain nombre de choses. Je crois que là on va trop loin. Je vous demande, une deuxième fois... Je vous rappelle à l'ordre une deuxième fois. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je crois que... il me semble que j'ai des gestes de l'autre côté qui m'indiquent que la ministre va corriger cette situation et s'assurer que justement les comités soient mis en place. En ce cas-là, je pourrais retirer mes paroles, M. le Président.

Le Président: C'est-à-dire que, écoutez, comprenons-nous bien, M. le député de Viau, si vous avez des indications de la part de la ministre, tant mieux pour vous, mais, à ce moment-ci, je vous demande, sans condition... Parce que, ce n'est pas de retirer les propos «à condition que j'aie une réponse acceptable», c'est: Vous retirez vos propos parce que, en soi, ils sont inacceptables, et vous jugerez au mérite de la réponse qui vous sera donnée par la suite. M. le député de Viau, s'il vous plaît.

M. Cusano: M. le Président, je le fais de contre-coeur, mais je retire mes paroles.

Le Président: Très bien. J'apprécie votre geste, M. le député de Viau, et je pense que tous nos collègues également.

Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai tenté de répondre le plus sobrement à la question soulevée, mais c'est essentiellement ce que j'ai répondu au député de Viau, que j'avais demandé que l'on fasse le point sur cette question pour voir comment il était nécessaire soit d'intensifier l'action à mener dans les établissements... Il y a des directives qui ont été envoyées dans les établissements il y a quelque temps à peine encore pour nous assurer qu'on allait nommer ces personnes, qu'elles allaient être bien identifiées dans chaque établissement, et maintenant je vais vérifier si tel est le cas. Et, si tel n'est pas le cas, je vais agir pour corriger la situation.

Il y a peut-être cependant une nouvelle intéressante à partager ensemble. Il faut savoir que le Québec, maintenant, a amélioré de beaucoup sa situation par rapport à ce qui se passe dans l'ensemble des autres provinces, puisque nous sommes maintenant au troisième rang comme donneurs. Donc, ça veut dire que les efforts ont porté fruit, M. le Président. Je suis d'accord qu'on doive les intensifier. Et encore une fois, je dis: Si la directive n'est pas suivie, je m'assurerai qu'elle le soit, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Nelligan.


État des services préhospitaliers d'urgence


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. M. le Président, il y a maintenant 18 mois que le rapport du Vérificateur général critiquait sévèrement le gouvernement à propos des services préhospitaliers d'urgence. Comme d'habitude, la seule action du gouvernement dans ce dossier est la formation d'un comité. En conséquence de l'inaction de la ministre de la Santé, il y a encore plus de la moitié des ambulances qui arrivent trop tard, ici, dans la région de Québec, à Montréal et partout au Québec, M. le Président.

M. le Président, la ministre de la Santé peut-elle comprendre qu'au Québec les services préhospitaliers d'urgence ne peuvent fonctionner par listes d'attente? Quand va-t-elle enfin apprendre à réagir, au lieu de se cacher derrière des comités, et quand va-t-elle injecter les sommes nécessaires pour répondre aux besoins? M. le Président, c'est une question de vie ou de mort.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis consciente de l'importance de tels services, d'ailleurs à ce point que j'ai déjà réinvesti, il y a quelques semaines à peine, 4 millions de dollars pour améliorer les services de transport ambulancier partout au Québec. La moitié de cette somme sera versée à compter du 1er juillet, et un 2 millions sera ajouté au 1er octobre 2000 pour justement augmenter le nombre total de techniciens ambulanciers disponibles, donc bonifier les horaires de travail, diminuer la lourdeur de la tâche et, bien sûr, en ayant comme objectif de réduire le temps de réponse.

J'ai effectivement demandé à un groupe de me faire pas seulement une analyse de situation, mais, suite autant au rapport du Vérificateur général qu'à d'autres informations que nous possédions au ministère, j'ai demandé à un groupe de travail, sous la présidence d'ailleurs d'un ancien sous-ministre de la Santé et des Services sociaux qui connaît particulièrement ce dossier, de me proposer un plan d'action concret pour corriger certaines des difficultés soulevées, pour améliorer les services proposés. Et, tel que prévu, selon l'agenda prévu, on va me remettre cette proposition à l'automne et, dès que cette proposition me sera déposée, j'agirai en conséquence, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Limoilou, maintenant.


Services préhospitaliers d'urgence dans la région de Québec


M. Michel Després

M. Després: Oui, M. le Président. J'aimerais souligner à la ministre que, dans les villes de la région de Québec, entre autres dans les municipalités de Cap-Rouge et Saint-Augustin, les délais sont rendus maintenant jusqu'à 85 %, des cas où les ambulances arrivent en retard, M. le Président. Dans le cas de la ville de Val-Bélair, dans le Village-Huron, M. le Président – on ne parle plus de la moitié – 75 % des cas, des ambulances arrivent en retard. À L'Ange-Gardien aussi, dans le comté de Montmorency, c'est plus de 75 % des cas.

M. le Président, j'aimerais que la ministre nous précise exactement quand on aura des délais respectables dans ces municipalités pour la population dans la région de Québec.

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Nous travaillons sur l'ensemble de cette question, autant les délais...

Une voix: ...

(10 h 50)

Mme Marois: ...oui, autant les délais dans la région de Québec qu'ailleurs, M. le Président. Mais, dans la région de Québec plus spécifiquement, il y a des sous-ensembles de la région où le temps est plus long, et donc nous travaillons dans cette perspective-là. Les sommes annoncées devraient être normalement versées là où les délais méritent d'être raccourcis. Alors, en ce sens, c'est dès que les sommes sont dégagées, sont disponibles. Et, déjà de toute façon, les ententes que nous avons eues avec les ambulanciers ont permis de réorganiser la tâche de telle sorte qu'on améliore la situation, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond, en question principale.


Transport de la nourriture vers des hôpitaux de la région des Laurentides


M. Yvon Vallières

M. Vallières: . Oui, M. le Président. Le 18 avril dernier, j'alertais le ministre de l'Agriculture concernant le transport de nourriture destinée au centre hospitalier de soins de longue durée de Notre-Dame-du-Lac, dans le Témiscouata, lequel transport s'effectuait à bord du même camion que le linge souillé de l'établissement.

Le ministre nous disait alors, et je le cite: «Il n'y a pas d'aliments qui sont distribués dans le réseau hospitalier qui ne subissent pas une inspection très serrée à la source jusqu'à la consommation.» Sa collègue de la Santé se scandalisait de ma question.

Or, nous apprenons qu'une situation encore plus grave s'est produite dans les Laurentides, où la nourriture a été transportée entre les hôpitaux de Mont-Laurier et de l'Annonciation dans un camion qui contenait des vêtements souillés depuis deux jours. Pire encore, à la suite d'une enquête interne, la direction aurait constaté que ce n'était pas la première fois que pareille situation se produisait. Malgré les propos rassurants du ministre de l'Agriculture, nos appréhensions se sont confirmé, le linge souillé et la nourriture destinée aux bénéficiaires des établissements font du covoiturage.

Est-ce que le ministre est maintenant davantage convaincu que la procédure supposément très étanche dont il se vantait est une véritable passoire, qu'elle est à haut risque, puisqu'il s'agit de nourriture destinée à la consommation humaine, et ce, dans des établissements de santé du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, effectivement, nous avons été saisis d'une situation de transport d'une poche de gruau de 20 kg à partir de Mont-Laurier dans un camion qui avait servi à transporter du linge souillé. Dès le moment où nous avons été informés de cette situation, nous sommes intervenus.

Et le système de sécurité bioalimentaire et la sécurité pour les aliments est un système qui n'est pas une passoire, c'est un système très strict. Oui, il peut y avoir des problèmes qui se présentent de façon ponctuelle, mais nous avons tout l'équipement et nous avons tout le système pour vérifier bien adéquatement et corriger les situations, ce qui a été fait immédiatement, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient que la direction a indiqué qu'à d'autres reprises on a assisté au même phénomène – alors, je pense bien qu'il n'y a pas eu d'interception, à ce moment-là, des aliments concernés – et est-ce que le ministre entend continuer sur la même voie et être lui-même, dans le fond, un agent de risque ou se rendre à notre argument et à celui de la direction du CHSLD des Laurentides à l'effet que nourriture et linge souillé doivent être transportés dans des véhicules différents?

Alors, M. le Président, quand le ministre entend-il mettre carrément fin à cette pratique dans les établissements qui sont concernés?

Le Président: M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, quand ça s'est produit dans une autre région, j'étais en mesure d'indiquer que nous avions également édicté des mesures de sécurité: fumigation, désinfection et ne pas se servir du même mode de transport pendant 48 heures. Oui, il y a une responsabilité des autorités également qui sont à planifier l'organisation du transport de ces biens et services, en particulier dans le système de la santé.

M. le Président, les normes sont strictes, le système d'inspection à la source et à la cafétéria et là où l'on prépare les aliments dans les établissements hospitaliers ou les établissements de santé est extrêmement sévère. Nous allons continuer d'être sévères. Nous allons continuer d'avertir ces gens également qu'il ne doit pas y avoir de faille dans le système. Mais est-ce que, M. le Président, vous pensez qu'on va mettre tout ça dans des contenants qui vont être fermés hermétiquement et qu'on va mettre des transports spéciaux à chaque fois qu'il y a un sac de 20 kg à transporter? Il y a une question de responsabilité des autorités, M. le Président. Le système existe, les éléments de contrôle sont là, et nous demandons aux responsables d'établissements de faire leur devoir, parce que, nous, on va les inspecter puis on va corriger la situation.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Sauvé.


Aide financière à l'industrie de la chanson


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. En juin 1998, la ministre de la Culture de l'époque et le ministre des Finances ont annoncé 5 millions d'argent supplémentaire et récurrents pour l'aide à la chanson québécoise. Le 2 novembre de la même année, quelques heures avant le Gala de l'ADISQ, le premier ministre a réannoncé l'aide permanente de 5 millions à la chanson, mais il faut dire que nous étions alors en pleine campagne électorale. Sauf que, malgré la promesse du premier ministre, l'industrie de la chanson n'a jamais eu droit à la somme totale de son engagement. À chaque année depuis 1998, il manque 1 million.

Est-ce que la ministre de la Culture peut nous confirmer si, pour chacune de ces années, le Conseil du trésor a bel et bien autorisé les 5 millions pour l'aide à la chanson? Et, si oui, est-ce qu'elle peut nous dire où sont passés ou cachés les 2 millions manquants?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, on n'a pas de cachette. J'ai rencontré d'ailleurs l'industrie de la chanson, l'ADISQ, qui était très satisfaite de la rencontre, tout récemment. Il y a eu, bon an, mal an... Dès l'annonce, il y a eu une première année; ensuite, on a investi 4,5 millions; et, cette année, on s'entend à passer vraiment en vitesse de croisière et à investir le 5 millions qui était annoncé. Alors, l'industrie elle-même, les gens de l'ADISQ étaient très satisfaits de la rencontre et tout semble aller bien de ce côté-là. Évidemment, on a géré serré ici, on n'a pas de millions à investir dans des publicités, dans des minutes... mais on soutient la véritable...

Des voix: ...

Le Président: Vous avez terminé?

Mme Maltais: Je voudrais dire – je vais terminer, M. le Président – qu'on soutient la véritable industrie culturelle au Québec. On y va constamment, en croissance tout le temps. Alors, il n'y a aucun problème de ce côté-là.

Le Président: Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Est-ce que la ministre réalise que, lorsqu'il manque 1 million par année d'engagement, on n'est pas devant de la gestion serrée, on est devant de la cachotterie? Est-ce que la ministre réalise que de nouveau on est devant une promesse du premier ministre pour le milieu de la culture, une promesse qui n'est pas respectée? Est-ce qu'elle peut s'engager aujourd'hui à verser immédiatement le 1 million manquant pour cette année, pour l'industrie de la chanson? Est-ce qu'elle est capable vraiment de régler le dossier ou si justement, comme le souligne le président de l'ADISQ dans sa dernière lettre faisant suite à la rencontre dont elle vient de faire mention, il prédit que si elle ne règle pas, de nouveau il va devoir passer par-dessus sa tête pour enfin régler ce dossier-là?

Des voix: Ah!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, il y a une promesse qui a été faite d'investir 5 millions de dollars en chanson. On a investi 4,5 millions cette année et, dès l'année prochaine, on l'a dit, on passe en vitesse de croisière, à 5 millions de dollars. Je l'ai répété aux gens de l'ADISQ, ils étaient très satisfaits de la rencontre. Alors, je ne vois pas... Qu'est-ce qu'on cherche? C'est un état de la situation, des rencontres qu'il y a eu, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

Le Président: En question principale, M. le député de Saint-Laurent.


Inspection du service de police de Donnacona


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, le ministre de la Sécurité publique a annoncé hier, suite à l'accident tragique qui s'est produit en fin de semaine à Cap-Santé – et qui impliquait, comme on le sait, un policier au volant de son véhicule d'urgence et des motocyclistes – qu'il entendait faire procéder à une inspection complète du corps de police de Donnacona, suite à de nombreuses plaintes qui auraient été déposées à l'encontre de ce corps de police, et que même cette inspection-là pourrait aboutir à la tutelle.

Une seule question toute simple: Si le corps de police de Donnacona était l'objet d'autant de plaintes aussi sérieuses, pourquoi avoir attendu une autre bavure policière avant de la demander, l'inspection?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Parce que nous avions déjà pris des mesures concernant le corps de police de Donnacona. D'ailleurs, le chef de police a été remplacé par un officier de la Sûreté du Québec, enfin un caporal, mais un chef de poste – c'est le grade que ça prend normalement pour un chef de poste de cette qualité-là – et les événements qui se sont passés en fin de semaine nous amènent à revoir encore la situation. De sorte que j'ai demandé au service d'inspection du ministère, qui était pris ailleurs, de laisser le travail qu'il fait ailleurs pour aller d'urgence inspecter à Donnacona et assurer que les services policiers qui sont rendus là sont les meilleurs.

(11 heures)

Je pense que c'est l'occasion aussi de répéter, sans vouloir juger avant que l'enquête ne soit terminée de la conduite du policier en question, que les poursuites policières doivent toujours se faire en tenant compte de la sécurité des autres usagers du chemin. L'urgence ne doit pas mener à l'imprudence. Le but, c'est d'arriver le plus vite possible, donc c'est d'arriver d'abord, et de conduire les gens à l'hôpital, par exemple, c'est ce qu'on fait en cas d'urgence.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre peut-il nous assurer que les inspecteurs qu'il a dégagés des autres corps de police pour aller à Donnacona, que la sécurité du public n'est pas menacée dans ces autres corps de police là?

Le Président: M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Oui, quand on administre un service d'inspection en général, qui répond à des cas particuliers, évidemment, c'est un service où les besoins se présentent en dents de scie. C'est une question de bon jugement pour nous aussi, de mettre les priorités aux bons endroits, et je pense que, oui, les inspecteurs que nous dégageons des fonctions actuelles, des inspections qu'ils font, actuelles, la population va demeurer en sécurité dans ce coin-là.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure.


Modification des pouvoirs de la Régie de l'énergie


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Dans un jugement rendu ce matin, la Cour supérieure invalide la directive numéro un donnée à la Régie de l'énergie par le gouvernement péquiste en 1999, en janvier 1999, et portant sur la reconnaissance des actifs de transport d'Hydro-Québec.

M. le Président, cette décision de la juge Pierrette Rayle démontre une fois de plus le mépris du gouvernement péquiste à l'égard de ses propres lois. Comme dans le dossier Hertel–des Cantons, le gouvernement a abusé de son pouvoir et s'apprête à faire preuve d'un manque flagrant de respect à l'endroit du système judiciaire et de l'Assemblée nationale. En effet, le projet de loi n° 116 qui a été déposé par le ministre des Ressources naturelles contient des dispositions visant à enchâsser dans la Loi sur la Régie de l'énergie cette directive qui vient d'être jugée, reconnue illégale par la juge Pierrette Rayle ce matin.

Alors, compte tenu de cet élément nouveau, M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut se rendre à l'évidence et retirer le projet de loi n° 116?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, je ne ferai pas de commentaires sur ce jugement, je vais d'abord en prendre connaissance, et le gouvernement avisera ce qu'il convient de faire pour la suite des choses.

Quant au projet de loi n° 116, il a franchi l'étape de l'adoption de principe la semaine dernière, il va poursuivre également cette semaine, et l'intention du gouvernement, c'est de lui faire franchir toutes les étapes législatives à cette session-ci.

Le Président: En question principale, M. le député de Shefford.


Frais de voyage des fonctionnaires et du personnel politique


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, tout comme un citoyen, le gouvernement doit établir des priorités dans son budget de dépenses. Le gouvernement doit aussi faire un choix entre l'essentiel et le superflu. Par exemple, en régime d'austérité budgétaire, il serait donc logique de mettre les priorités sur les principales missions du gouvernement, notamment la santé.

M. le Président, les petits luxes quotidiens, s'ils ne sont pas contrôlés, peuvent devenir un gouffre financier en fin d'année. En conséquence, les dépenses de voyage et d'hôtellerie des fonctionnaires et des bureaux des ministres devraient donc, en toute logique, ne pas être dans les principales missions du gouvernement. Après avoir fait le décompte des dépenses reliées à l'hôtellerie ou aux repas dans les restaurants et des voyages en général des fonctionnaires et des bureaux de ministres, on en arrive à des dépenses totales – et tenez-vous bien, M. le Président – de 54 millions de dollars pour l'année dernière, soit environ 37 millions en frais de voyage quelconques et 17 millions en frais d'hôtels et de restaurants.

Ma question s'adresse au premier ministre qui a lui-même créé sa propre agence de voyages dans le dernier budget. M. le Président, ce que je veux savoir du premier ministre, c'est s'il s'est déjà interrogé sur son sens des priorités.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, comme introduction à ma réponse, je voudrais rappeler à nos collègues, qui ont tous été témoins ici, une question du député, il y a quelque temps, sur un escalier qui avait coûté 50 000 $. Vous vous rappelez de ça? C'était une question perverse. J'ai emprunté hier cet escalier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Le député a négligé de dire qu'il couvrait trois étages, qu'il incluait le percement des plafonds en béton, les murs coupe-feu et que cette dépense a fait diminuer le loyer de la SGF. C'est ça, une question perverse. Il avait ajouté qu'il y avait du marbre dans l'escalier, il a même dit «la facture de l'Italie». L'escalier est en bois, de nos forêts québécoises. L'escalier est en bois...

Des voix: ...

M. Landry: Non, à côté, il est en métal, et son contenu est à 98 % québécois. Voilà la façon...

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, M. le ministre.

M. Landry: Oui, M. le Président. En conclusion, il y a peut-être quelques vis et boulons dont je n'ai pas pu vérifier la provenance, mais on vous assure qu'ils ont été achetés au prix du marché.

Pour le fond de la question, je la crois encore pire. Je la crois encore pire! Tout le Québec est fier des missions internationales de son premier ministre, qui sont extrêmement rentables. J'en fais de même à Davos à chaque année: avec un billet d'avion, rencontrer la terre entière. C'est ça, un gouvernement ouvert à la globalisation des marchés. Et c'est pour ça que nos exportations ont augmenté de 150 % en 10 ans.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, puisque la période de questions et de réponses orales est maintenant terminée, nous allons aller aux motions sans préavis. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: J'ai, M. le Président, l'honneur de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réclame du premier ministre du Québec qu'il tienne compte des développements récents survenus dans le dossier des orphelins de Duplessis et notamment du dépôt d'une pétition à l'Assemblée nationale, de la précision accrue des demandes des victimes et de l'intérêt marqué de la communauté internationale pour réviser sa position.»

Et, M. le Président, je souhaite que, conformément à ce que le premier ministre a dit à la période de questions, il donnera l'occasion à tous les députés de l'Assemblée nationale de se prononcer sur cette motion.

Le Président: M. le leader du gouvernement. Est-ce qu'il y a d'abord consentement pour débattre de la motion?

M. Brassard: M. le Président, je vous réfère aux échanges au cours de la période des questions qui vient de se terminer entre le premier ministre et le chef de l'opposition. À partir de là, je pense qu'on comprendra qu'il n'y ait pas de consentement pour cette motion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur la...

M. Paradis: M. le Président, si, du côté gouvernemental, on souhaite ne pas voter – on peut peut-être le comprendre, suite aux propos du premier ministre ce matin – est-ce qu'on peut au moins en discuter?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Il n'y a pas de consentement, monsieur, ni pour en discuter ni pour en voter.

Le Président: Bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président...

Des voix: ...


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous demande votre collaboration. Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 15, de 15 heures à 18 heures ainsi que de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

(11 h 10)

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 125, Loi sur l'exercice des activités de bourse au Québec par Nasdaq, et le projet de loi n° 126, Loi sur les coopératives de services financiers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 21 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation entreprendra les consultations particulières sur les projets de loi suivants: le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les abeilles, et le projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, aujourd'hui, de 20 heures à 23 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons passer maintenant à la période des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article 5 qui porte sur le projet de loi n° 112.


Projet de loi n° 112


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 5, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie. M. le ministre de la Sécurité publique, je vous écoute.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. C'est pour moi aujourd'hui un réel objet de fierté de proposer aux membres de l'Assemblée nationale l'adoption du principe du projet de loi n° 112 intitulé Loi sur la sécurité incendie. Ce projet de loi couronne plusieurs années d'efforts et de réflexion au sein du ministère de la Sécurité publique. Il représente en effet l'aboutissement de nombreuses démarches, d'expérimentations et de consultations menées auprès des milieux intéressés, tout particulièrement les municipalités et les associations représentatives des pompiers et des chefs de service de sécurité incendie.

C'est pourquoi je suis à la fois personnellement convaincu de l'opportunité de cette proposition législative et confiant en la pertinence de chacune des dispositions qu'elle contient. Ce projet est destiné à moderniser des articles de loi dont l'adoption, pour la plupart, remonte aux années soixante, soit la Loi sur la prévention des incendies et la Loi concernant les enquêtes sur les incendies, adoptées en 1968, ainsi que la Loi sur l'entraide municipale contre les incendies, datant, elle, de 1964.

Mais, ce qu'il faut surtout savoir, c'est qu'il vient apporter des solutions novatrices et empreintes de pragmatisme à des problèmes importants bien que souvent méconnus de nos concitoyens, lesquels ne voient habituellement du phénomène de l'incendie que la dimension plus spectaculaire qu'en révèlent les médias. Traité à la pièce dans le journal du matin ou au journal télé du soir, chacun des 12 000 incendies que déplore annuellement le Québec demeure du domaine de l'anecdote, même lorsqu'il fait des victimes ou qu'il détruit une entreprise pourvoyeuse d'emplois. On ne se rend pas toujours bien compte que le phénomène de l'incendie, en dépit de moyens de plus en plus sophistiqués dont nous disposons pour le prévenir ou le combattre, reste à l'origine de préjudices importants pour nos sociétés modernes, que ce soit sur le plan humain ou en termes économiques.

On ne sait pas non plus qu'un incendie coûte cher au Québec, plus cher que dans la plupart des autres provinces canadiennes. Parce que, voyez-vous, M. le Président, même si nos efforts de prévention ont fait en sorte que le taux de décès attribuables à l'incendie n'est pas pire que celui de la majorité des autres provinces canadiennes – il serait même parmi les meilleurs au cours des dernières années – il en va tout autrement quant aux pertes matérielles. Le Québec ne déplore pas plus d'incendies en moyenne que les autres administrations nord-américaines, mais nous continuons d'afficher, bon an, mal an, des pertes matérielles très supérieures à celles observées chez nos voisins.

À titre d'illustration, entre 1992 et 1996, en Ontario, les dommages matériels attribuables à l'incendie s'élevaient à 39,85 $ par habitant alors qu'au Québec ils s'élevaient alors à 51,38 $ par habitant. Pendant cette même période, chaque incendie se soldait par des préjudices moyens de l'ordre de 16 708 $ en Ontario et de 16 482 $ dans le reste du Canada; au Québec, les dommages matériels causés par chaque incendie s'élevaient en moyenne à 28 741 $. En d'autres termes, au Québec, ça ne brûle pas plus souvent qu'ailleurs, mais, quand ça brûle, ça brûle plus longtemps et finalement ça coûte plus cher.

Lorsqu'on prend la peine de s'y arrêter quelques instants, les facteurs qui expliquent cet état de fait et les conséquences qui en découlent sont relativement simples à comprendre. Partant, on le verra, les solutions s'imposent comme d'elles-mêmes.

Ainsi, avec ses quelque 1 300 municipalités locales, le Québec compte plus de 960 services de sécurité incendie. Il s'agit là, tous en conviendront aisément, d'une organisation pour le moins fragmentée. J'ajouterai que, de ce seul fait, elle se révèle aussi excessivement vulnérable. Souvent basée sur l'entraide intermunicipale, l'organisation actuelle n'assure pas toujours la rapidité d'intervention qui constitue, après les mesures de prévention, la clé de toute action efficace de lutte contre l'incendie. Ce n'est malheureusement pas lorsqu'un incendie est hors de contrôle qu'il faut appeler du renfort. Cela doit avoir été planifié au préalable dans le cadre d'un exercice débordant les seuls équipements et ressources de sa localité et dans un esprit beaucoup plus large de véritable gestion de risque.

Autre facteur explicatif de notre triste bilan en sécurité incendie, nos pompiers manquent de formation. Ils sont 3 800 à temps plein et 18 700 volontaires ou à temps partiel. Des accidents comme ceux survenus à Warwick en 1993 et à Acton Vale en 1998, où six d'entre eux ont péri en devoir, sont venus nous le confirmer on ne peut plus cruellement. Et, bien loin de se limiter aux particularités de certaines situations que les pompiers peuvent être appelés à ne rencontrer que très occasionnellement, ce défaut de formation s'étend, dans plusieurs cas, à des notions aussi élémentaires que celles relatives à la construction des bâtiments, ou au comportement du feu, ou portant sur les techniques de ventilation, ou le fonctionnement des différents appareils d'intervention.

Il est tout à fait légitime de se demander, dans ce contexte, comment nos pompiers pourront s'inscrire dans le courant de plus en plus généralisé en Amérique, en Europe ou en Asie consistant à développer, à partir des organisations de sécurité incendie, des équipes multidisciplinaires de secours ou des brigades de premiers répondants. Cela s'ajoute au fait que, dans le contexte juridique actuel, plusieurs municipalités, il est regrettable de devoir le dire, ne prennent pas toutes leurs responsabilités dans le domaine de la sécurité incendie, en matière de prévention et de réglementation notamment, ou ne les assument pas convenablement. Par exemple, plus de la moitié des municipalités de moins de 5 000 habitants n'ont pas de règlement sur les avertisseurs de fumée ou le ramonage des cheminées et, quand elles en ont, elles ne sont souvent pas en mesure de les faire appliquer adéquatement.

Mais où est le problème, pourrait-on objecter, M. le Président, si, malgré ces quelques lacunes et à l'instar de la situation partout observable en Amérique du Nord, le bilan général de l'incendie au Québec tend tout de même à s'améliorer?

Premièrement, les consommateurs québécois paient plus cher que leurs voisins lorsqu'ils veulent assurer leurs biens contre l'incendie. Selon les données fournies par les assureurs eux-mêmes, la différence dans le prix des primes entre le Québec et l'Ontario peut atteindre jusqu'à 50 % dans le cas de certains types de protection d'assurance, notamment dans les secteurs commercial et industriel. Là où, en Ontario, il en coûtait 1,46 $ en moyenne, entre 1990 et 1994, pour assurer contre l'incendie chaque tranche de 1 000 $ de biens dans le secteur industriel, les Québécois devaient débourser un montant moyen de 2,11 $. Dans le secteur résidentiel, chaque tranche de 1 000 $ coûtait 4,68 $ au Québec, comparativement à 3,37 $ en Ontario.

Deuxièmement, de plus en plus de poursuites en dommages et intérêts sont prises contre les municipalités à l'issue de l'intervention de leur service d'incendie. Entre 1989 et 1995, le ministère a recensé 211 actions intentées contre 114 municipalités et totalisant 137 millions de dollars. Dans 40 % des cas, c'est la stratégie d'intervention utilisée qui est en cause. Les autres motifs invoqués concernent les problèmes reliés à la formation des pompiers, 17 %, au délai de réponse, 15 %, à l'alimentation en eau, 14 %, ou à l'état des équipements, 9 %. Ajoutons que ce recensement ne tient pas compte des simples mises en demeure adressées aux municipalités à la suite de l'intervention de leur service d'incendie ni des dépenses en expertises ou en honoraires professionnels que ces actions entraînent pour les municipalités.

(11 h 20)

La plupart d'entre nous avons encore en tête le cas de Laurentides Motel contre la ville de Beauport pour lequel un jugement historique a été rendu par la Cour suprême du Canada en 1989, mais quelques autres cas qui ont aussi fait l'objet de décisions de la part des tribunaux illustrent encore mieux les problèmes auxquels il convient de nous attaquer. À Greenfield Park et à L'Étang-du-Nord, par exemple, il a clairement été démontré que les pompiers ont usé de stratégie d'intervention inadéquate dans les circonstances, confirmant à la fois leur défaut de préparation et leur manque de formation.

J'ajouterai qu'au-delà de la simple comptabilisation des pertes rapportées il faut savoir enfin que les coûts sociaux et économiques de l'incendie sont évalués à 1,5 milliard de dollars annuellement au Québec. Les élus que nous sommes seront particulièrement sensibles au fait que le tiers des industries touchées par un incendie majeur, c'est-à-dire un incendie ayant fait pour plus de 500 000 $ de dommages, ne rouvrent plus leurs portes ou déménagent dans une autre municipalité. Dans les localités de moins de 5 000 habitants souvent à vocation monoindustrielle, c'est plus de la moitié des entreprises concernées qui procéderaient à une relocalisation de leurs activités à la suite d'un incendie majeur. C'est ainsi, par exemple, qu'en plus de devoir assumer une condamnation de 1,1 million de dollars la petite municipalité de L'Étang-du-Nord dont je viens de parler a dû, à l'issue du même événement, se résoudre à perdre 75 emplois dans un secteur vital pour l'économie des Îles-de-la-Madeleine, soit la transformation de produits marins.

Les solutions à ces différents problèmes s'imposent d'elles-mêmes. En priorité, il faut, croyons-nous, revoir la façon dont les municipalités organisent leur service de sécurité incendie. Ce faisant, il convient de toucher aux quatre principaux aspects de la sécurité incendie que sont la prévention, l'organisation des secours, la formation du personnel ainsi que la recherche des causes et des circonstances des incendies. C'est ainsi que nous pourrons atteindre les buts que nous nous sommes fixés et qui font généralement consensus, c'est-à-dire accroître l'efficacité de nos organisations, envisager une réduction significative des pertes matérielles attribuables à l'incendie et diminuer les coûts d'assurance de dommages relatifs aux incendies.

Le projet prévoit donc tout d'abord, pour les entreprises et pour les citoyens concernés, des obligations générales de prévention et de déclaration de risques de manière à ce que les autorités municipales puissent ensuite effectuer une véritable gestion des risques présents sur le territoire. Mais, ensuite, on prévoit ce qui est vraiment le coeur de ce projet de loi sur la sécurité incendie, qui a été malheureusement, je le constate, mal compris par plusieurs intervenants notamment du domaine municipal. Et, généralement, j'ai remarqué que ceux qui le comprennent bien sont parfaitement d'accord avec les mesures que nous allons prendre, parce qu'il ne s'agit ni d'un délestage de responsabilités du gouvernement vers les municipalités – je vous rappelle que la sécurité incendie a toujours été une responsabilité locale, une responsabilité municipale, et d'ailleurs, c'est le cas partout en Amérique du Nord; et c'est une façon, en fait, de mieux faire les choses dont nous sommes responsables – ce n'est pas non plus une solution mur à mur, parce que ce qui est demandé, c'est un processus qui va permettre justement d'élaborer des solutions adaptées aux différentes régions du Québec, au milieu rural comme au milieu urbain.

La seule chose que nous demandons aux élus municipaux, c'est de se rencontrer ensemble d'abord – dans le milieu rural, sur la base de la municipalité régionale de comté; dans le milieu urbain, sur la base des grandes agglomérations – pour faire ensemble l'inventaire de leurs risques de sécurité incendie et ensuite l'inventaire de leurs ressources. À la lumière de ces deux inventaires, établir ce que nous appelons un schéma de couverture de risques, c'est-à-dire établir quel est le niveau de sécurité incendie qu'ils sont prêts à offrir à leurs citoyens, parce qu'ils devront le leur vendre au cours d'audiences publiques. Et, ensuite, si ce schéma de couverture de risques, nous l'estimons adéquat au ministère et nous l'approuvons, nous sommes prêts à les faire bénéficier de l'immunité de poursuite. Cela sauvera des honoraires d'avocats parce que, par cette mesure, au fond, nous venons faciliter la tâche des juges qui pourraient en décider.

Pour bénéficier d'une telle immunité, cependant, chaque municipalité devra adopter son plan d'intervention conforme à la planification générale présentée par la MRC. On voit donc que, par un système semblable, les municipalités rurales prévoiront probablement une organisation différente de ce qui se passe dans les grandes agglomérations.

Compte tenu des enjeux soulevés précédemment, l'ensemble de ces mesures visent à terme une plus grande efficacité des organisations, la professionnalisation du personnel, particulièrement celui à temps partiel, une utilisation plus rationnelle des ressources et des équipements, une plus grande responsabilisation des municipalités en matière de prévention et de réglementation, bref une meilleure protection des citoyens et de leurs biens contre l'incendie.

Il est possible que, dans des municipalités où la densité de population est très mince, des municipalités régionales de comté où il n'y a pas beaucoup de... on aura encore recours à des pompiers volontaires, mais on pensera peut-être que, si on s'engage quelques pompiers permanents bien formés pour encadrer le travail de ces pompiers volontaires et qui pourront faire de la prévention lorsqu'ils ne combattront pas les incendies, l'on pourrait gagner beaucoup.

L'on pourra aussi constater que l'on peut mettre ensemble des équipements. Je vous signale qu'actuellement – c'est assez remarquable – il y a des municipalités voisines qui n'ont pas la même grosseur de boyaux d'incendie. Ce n'est pas très bon lorsque l'on veut travailler ensemble. Même dans les milieux urbains, il y a des pompiers qui passent devant une caserne de pompiers d'une autre municipalité pour aller combattre un feu dans l'autre municipalité voisine, parce que les contrats ont été faits entre ces deux municipalités. Donc, il y a, dans une planification régionale puis l'établissement du schéma, la possibilité de couvrir...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre demande, M. le député, qu'on appelle les députés, il n'y a pas quorum.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 11 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...le débat sur le principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie, et je cède la parole pour la poursuite de son intervention à M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il vous reste 45 minutes, M. le ministre.

M. Ménard: Ah, mon Dieu, ce ne sera pas si long que ça. Alors, j'ai le temps d'une anecdote. Vous savez que j'ai été élu pour la première fois dans une élection partielle, et donc je suis arrivé à l'Assemblée, ici, et j'étais dans mon bureau la première fois que j'ai entendu cette cloche. Je suis sorti dans le corridor; voyant que tout le monde était bien calme, je me demandais ce qui se passait, je croyais qu'il y avait un exercice de feu. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Alors, c'est particulièrement opportun d'avoir rappelé les députés à faire le quorum par cette cloche, qui ressemble tellement à celle qui annonce les incendies ailleurs, pour un projet de loi de cette importance, n'est-ce pas?

Alors, on revient au sujet sérieux et brûlant.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonne anecdote.

M. Ménard: Parlons maintenant de la formation. Étant donné le retard dans la formation du personnel travaillant en sécurité incendie, le projet de loi propose en outre l'institution de l'École nationale des pompiers du Québec. Cette école aura pour mission de veiller à la pertinence, à la qualité et à la cohérence de la formation professionnelle qualifiante des pompiers. Précisons tout de suite que cette école ne vise pas à dédoubler ce qui se fait déjà dans le réseau de l'éducation mais plutôt à coordonner l'ensemble des contributions déjà existantes de manière à s'assurer de la formation de tous les pompiers partout au Québec, que ceux-ci travaillent à temps partiel ou à temps plein.

Le projet précise les responsabilités du ministre de la Sécurité publique en matière de sécurité incendie. Il confirme enfin l'évolution récente du rôle du commissaire-enquêteur et la nouvelle finalité de ses enquêtes, lesquelles sont maintenant effectuées dans un objectif de prévention plutôt que dans le but de rechercher d'éventuels incendiaires. Le plus récent rapport de Me Cyrille Delâge, qui porte sur l'incendie survenue le 2 décembre 1998 à l'Hôtel-Dieu de Roberval, témoigne d'ailleurs de cette nouvelle philosophie. Le projet de loi confie de plus au commissaire-enquêteur la responsabilité d'examiner les causes et les circonstances des événements présentant des liens entre eux de manière à faire toute recommandation visant à assurer une meilleure protection des personnes et des biens contre ces sinistres.

On se souviendra que la présente proposition législative a fait l'objet d'un avant-projet de loi que j'ai déposé en cette Chambre au mois de décembre 1999. Cet avant-projet a donné lieu à un examen par la commission des institutions, laquelle a tenu des auditions publiques entre le 2 et le 10 février 2000. La commission a reçu 36 mémoires et a entendu 27 citoyens ou organismes. Même si, comme je l'ai déjà dit, les principales mesures imaginées dans la perspective de cette réforme avaient déjà fait l'objet de nombreuses discussions avec les partenaires du gouvernement en matière de sécurité incendie dans le cadre de deux forums, notamment tenus en mai 1997 et en avril 1998, je dois admettre que la consultation générale sur l'avant-projet de loi a permis de compléter notre réflexion et de bonifier nos propositions.

Les participants aux auditions publiques sont d'abord venus dire – et je n'exagère pas en affirmant que ce fut de façon unanime – que les orientations et les objectifs mis de l'avant par le gouvernement apparaissent tout à fait appropriés si l'on souhaite moderniser notre organisation en sécurité incendie et lui permettre de faire face aux enjeux qui confrontent la société québécoise à ce chapitre.

En dépit de ce que certains auraient bien voulu entendre, ils ont aussi très largement reconnu la nécessité d'agir dès maintenant, étant entendu que de toute façon le sens général des actions à poser est conforme, par exemple, aux recommandations de la commission Nicolet en matière de sécurité civile. Les services de sécurité incendie jouant souvent un rôle central en situation d'urgence ou de sinistre; le présent projet de loi doit d'ailleurs être considéré comme un premier élément déterminant, à certains égards, de la réforme que nous envisageons en sécurité civile.

Avec les risques plus courants, c'est-à-dire ceux reliés aux incendies, les différents intervenants, à commencer par les élus municipaux, pourront se familiariser très concrètement avec la gestion des risques, que j'ai évoquée précédemment. De cette manière, ensuite ils pourront faire une planification pour des risques moins fréquents mais non moins réels dans certains milieux, comme les inondations ou les glissements de terrain. Ainsi préparés à faire face à des situations prévisibles, peut-être serons-nous mieux en mesure collectivement, comme nous y invite le titre du rapport de la commission Nicolet, à affronter l'imprévisible.

Quant à la réorganisation municipale récemment annoncée par ma collègue des Affaires municipales et de la Métropole, il a toujours été clair que les mesures visant à mettre en oeuvre notre volonté de procéder à une réforme de la sécurité incendie seraient suffisamment souples pour pouvoir s'adapter aux structures susceptibles d'émerger à l'issue des débats que nous aurons à ce sujet. Pour la plupart, les élus municipaux rencontrés lors des travaux de la commission parlementaire ont d'ailleurs admis volontiers que ce que nous leur proposons est tout à fait respectueux des compétences municipales.

Contrairement à certaines critiques qu'on a pu entendre, il n'y a définitivement pas, dans notre projet de loi, de pelletage de nouvelles responsabilités, pas plus que de solutions mur à mur, comme je l'expliquais tout à l'heure. La seule obligation qui est faite aux élus municipaux est donc, en somme, de s'asseoir ensemble autour de la table de la municipalité régionale de comté ou de la communauté urbaine afin de déterminer eux-mêmes le niveau de protection qu'ils souhaitent offrir à leurs concitoyens. Les élus feront cet exercice en faisant fi des frontières administratives, qui gênent l'efficacité des opérations de secours, et en tenant compte des équipements et des ressources dont ils disposent déjà. Ce qu'il faut donc voir dans cette formule, c'est la dimension éminemment politique de l'exercice qui est demandé. C'est un acte de confiance dans le sens des responsabilités et dans la compétence des élus municipaux.

Au-delà des considérations techniques sur l'inventaire des risques et l'établissement de niveaux de protection, l'élaboration des schémas a pour but d'encadrer la négociation entre les élus et, subséquemment, la prise de décision sur des enjeux qui, de plus en plus de gens en conviennent, débordent les frontières des municipalités locales. Pour ma part, j'ai confiance qu'ainsi placés face à leurs responsabilités et devant l'évidence de certaines situations les élus municipaux ne manqueront pas de faire preuve de réalisme et d'ouverture d'esprit. Je dois ajouter d'ailleurs qu'ils seront assistés par des employés permanents que nous leur enverrons. Des budgets ont déjà été dégagés à cet effet.

Incidemment, cette méthode a déjà été essayée dans deux municipalités régionales de comté, celles de la Matapédia et de Nicolet-Yamaska, et nous savons qu'elle fonctionne. Dans la Matapédia, il y avait neuf services de pompiers; le gens ont convenu ensemble qu'il ne devrait y en avoir plus qu'un seul. À Nicolet-Yamaska, il y avait 11 services de pompiers; les élus locaux ont décidé qu'il n'y en aurait plus que quatre. On voit donc que ce ne sont pas des solutions mur à mur mais que chaque région peut développer son système de protection incendie, l'améliorer et, généralement, offrir une meilleure protection à peu près au meilleur coût que ce qui est dépensé actuellement. Puis je signale que, si l'on donne une meilleure couverture en sécurité incendie, c'est les primes d'assurance qui vont baisser, et que ces primes d'assurance sont payées par le contribuable foncier, donc par la même personne qui paie les impôts municipaux.

Ça, ça sera justement aux élus locaux, autour d'une table, conscients qu'ils devront présenter leur projet en consultation publique à leurs citoyens, de décider du niveau de sécurité incendie qu'ils veulent offrir à leurs citoyens, et ils trouveront la meilleure façon localement de le faire à l'aide des experts que nous leur fournirons pour les assister. Je crois donc que cela permet d'envisager une amélioration significative de l'organisation en sécurité incendie sans pour autant nécessiter une augmentation substantielle des dépenses qui y sont déjà consacrées.

Pour le reste, j'ajouterai que nous nous sommes fait un devoir de considérer une à une les suggestions qui nous ont été faites en commission parlementaire et qui portent sur certaines modalités de l'exercice de planification requis des autorités municipales et sur l'opportunité de tenir une consultation sur les orientations ministérielles devant encadrer cet exercice. D'autres suggestions portent sur la façon dont les assureurs et les municipalités pourront s'acquitter de leurs obligations de communiquer au ministère certains renseignements qu'ils détiennent sur les incendies, sur la composition du conseil d'administration de l'École nationale des pompiers du Québec et sur un certain nombre de concordances dont il y a lieu de s'assurer avec d'autres lois.

Au terme de cet exercice, je peux dire qu'une proportion substantielle de ces suggestions ont été prises en compte. Sans pour autant faire de concession sur les objectifs qui s'imposent à nous et qui concernent, dois-je le rappeler, la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes, le projet de loi que je présente aujourd'hui me semble donc faire preuve de toute la souplesse dont les élus municipaux, les chefs de sécurité incendie et les pompiers nous ont dit avoir besoin afin de planifier et de mettre en place une organisation moderne et efficace en sécurité incendie.

Je terminerai d'ailleurs en précisant que pour ces derniers, les chefs et les pompiers, la marche aura été longue avant de pouvoir disposer d'une nouvelle loi pour encadrer leur domaine d'activité. Après avoir vu la plupart des autres secteurs de l'administration municipale connaître de profondes transformations au cours des 20 ou 30 dernières années et bénéficier d'un encadrement juridique à la mesure des enjeux qu'ils comportent, il est plus que temps que les artisans de notre protection contre l'incendie au Québec, qui le réclament docilement depuis nombre d'années, profitent à leur tour d'assises solides et de moyens modernes afin de faire ce que l'on attend d'eux et qu'ils sont prêts à faire maintenant. Compte tenu des conséquences humaines, matérielles et financières de la situation actuelle, je suis persuadé que c'est toute la société québécoise qui en sortira gagnante. Je vous remercie, M. le Président.

(11 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous en sommes à l'étape du principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie. Je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique et député de Saint-Laurent. M. le député, la parole est à vous.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes au stade bien sûr de l'adoption de principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie. Il va donc sans dire, pour les gens qui nous écoutent, qu'il s'agit à ce stade-ci de discuter du principe du projet de loi n° 112. Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, puisque la prochaine étape fait en sorte que nous devrons nous rendre en commission parlementaire pour discuter du projet de loi article par article, nous aurons l'occasion de discuter évidemment dans ses détails du projet de loi avec le ministre, et il peut être assuré que cette étude sera aussi sérieuse et aussi complète que celle que nous venons de compléter en ce qui concerne le projet de loi n° 86, projet de loi qui concerne la police et dont nous discuterons après la discussion sur le projet de loi n° 112.

Le ministre de la Sécurité publique, M. le Président, a été élu déjà il y a quelques années, et, visiblement, il cherche à mettre son nom sur quelque chose, ce qu'il n'a pas réussi à faire à venir jusqu'à maintenant. Il a été ministre de la Sécurité publique dans un premier mandat, lorsque le gouvernement péquiste a pris le pouvoir. Il a trouvé le moyen de dire à ce moment-là, M. le Président, qu'il trouvait que les policiers n'étaient pas assez polis et qu'ils n'étaient pas assez instruits; il a nommé un directeur général à la Sûreté du Québec qui n'a pas duré longtemps, et ça a été à peu près ça qu'on retient de lui dans son premier mandat comme ministre de la Sécurité publique.

Ensuite, le premier ministre ne l'a pas beaucoup aidé, il l'a nommé... On dira des choses au sujet de la ministre de l'Emploi qui ressembleront beaucoup à celles que je dis actuellement, éventuellement, M. le Président, particulièrement son passage au ministère du Travail, au ministère de l'Emploi, et de ses grands succès avec Emploi-Québec, M. le Président. On pourra en parler extrêmement longtemps. Je suis content qu'elle soit ici pour entendre ça. Au moins, ça lui permettra de descendre de sa tour d'ivoire puis de comprendre un peu la réalité des choses. Je lui ai demandé, M. le Président, de s'occuper d'un dossier dans mon comté, elle ne m'a jamais donné de nouvelles. Jamais donné de nouvelles! La ministre de l'Emploi, elle peut bien rire.

Alors donc, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique est ensuite passé à la Métropole, et on se souviendra évidemment de son séjour à la Métropole de façon assez triste, parce que lui-même avait l'air assez triste d'y être, au ministère de la Métropole. Il est ensuite passé à la Justice. Il est revenu à la Sécurité publique, et là, à la Sécurité publique, deux pièces de législation: il a déposé le projet de loi n° 86 et le projet de loi n° 112, le projet de loi n° 112, M. le Président, avec lequel, entre vous et moi, sur les objectifs déclarés, on ne peut pas être en désaccord. Les objectifs, je les lis, M. le Président, ils nous viennent du livre vert qui a été déposé en matière de sécurité incendie: réduire les pertes humaines et matérielles attribuables à l'incendie – on ne peut pas être contre ça, c'est clair – accroître l'efficacité des organisations municipales en sécurité incendie – on ne peut pas être contre ça, en théorie, c'est clair – et diminuer les coûts des primes d'assurance de dommages causés par l'incendie – on ne peut pas être contre ça, c'est clair.

Le seul problème du projet de loi n° 112, c'est que le projet de loi n° 112 est prématuré. Il est prématuré. Moi, je n'ai pas vu personne déchirer ses chemises, déchirer sa chemise, au Québec, pour réclamer une réforme de la sécurité incendie. Ça ne veut pas dire, M. le Président, que tout est parfait dans ce domaine-là, j'en conviens avec le ministre. Ça ne veut pas dire qu'on a atteint l'objectif ultime, qu'on est rendu là où on voudrait en matière de sécurité incendie au Québec. Ça ne veut pas dire, ça, que personne déchire sa chemise pour réclamer une réforme de la sécurité incendie.

Mais ça, ça veut dire que, avant de déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale qui veut faire une réforme de la sécurité incendie, il faut s'interroger sur les conséquences qu'une telle réforme va avoir non seulement en matière de la sécurité incendie elle-même, mais en regard des organisations qu'elle va solliciter et du travail que ça va solliciter pour certaines organisations.

M. le Président, le projet de loi n° 112, on l'a constaté à la consultation sur l'avant-projet de loi qui avait été déposé par le ministre, suscite encore beaucoup de questions de la part d'un paquet d'intervenants. Je vous concéderai, M. le Président, que les pompiers professionnels, les pompiers à temps plein, il y en a 4 500 au Québec, des pompiers à temps plein, des gens qui ne font rien que ça; il y en a 1 500 à Montréal, et ensuite, dans le reste du Québec, divisés dans différents territoires. Savez-vous combien il y a de pompiers volontaires, des pompiers à temps partiel au Québec? Le monde de l'incendie au Québec, là, il est investi par des gens qu'on appelle des pompiers volontaires, des pompiers à temps partiel, qui font autre chose que ça et qui à l'occasion, lorsqu'ils sont appelés sur les lieux d'un incendie, viennent donner un coup de main pour l'extinction des incendies. Ce sont des pompiers volontaires. Il y en a 18 000 au Québec, M. le Président, des pompiers volontaires, par rapport à la proportion de 4 500 de pompiers professionnels. Donc, il y a un nombre important de questions qu'il convient de se poser relativement au projet de loi que le ministre dépose.

M. le Président, la première question à laquelle il faut s'intéresser, c'est la suivante: À quel moment le projet de loi n° 112 est déposé, dans la tonne... pas la tonne, mais dans la législation qui nous intéresse, à l'Assemblée nationale, à cette session-ci et dans le temps politique que l'on vit? Le projet de loi sur la sécurité incendie, il interpelle au premier chef, le ministre l'a dit, les municipalités, les organisations municipales, les regroupements de municipalités que sont les MRC et toutes ces organisations-là qui travaillent dans le domaine municipal. Il interpelle ces gens-là au premier chef. Or, c'est quoi, la situation au Québec actuellement, M. le Président, en regard de la relation entre le gouvernement et ses municipalités? Le moins qu'on puisse dire, et je ne veux pas prendre de mauvais jeux de mots, c'est que le torchon brûle entre le gouvernement et ses municipalités.

Le torchon brûle entre le gouvernement et ses municipalités, M. le Président, à plus d'un chef. Premièrement, les municipalités réclament depuis je ne sais pas combien de temps le pacte fiscal, ce qu'on a appelé le pacte fiscal, c'est-à-dire le transfert possible ou non de responsabilités aux municipalités, mais surtout le pouvoir pour les municipalités d'aller chercher des revenus pour les assumer. Donc, les municipalités réclament un pacte fiscal depuis plusieurs mois.

Il y a eu des conversations entre le gouvernement et ses municipalités. Il devait y avoir une entente entre le gouvernement et ses municipalités, et cette entente-là a avorté en décembre dernier, de telle sorte qu'il n'y a pas eu d'entente. Ensuite, le gouvernement a dit aux municipalités: Vous allez voir, on va le régler, votre problème de facture de 350 millions qu'on transfère régulièrement aux municipalités, on va vous régler ça dans le prochain budget. Le budget a été déposé, M. le Président, puis le problème n'a pas été réglé du tout. Le gouvernement a donné d'une main, mais il est allé chercher d'une autre main avec la taxe sur l'électricité.

Alors donc, le pacte fiscal, M. le Président, c'est quelque chose qui n'est pas réglé entre les municipalités, et le projet de loi du ministre de la Sécurité publique, le projet de loi n° 112, a clairement des répercussions d'ordre financier pour les municipalités. On va en parler un petit peu plus tard. Donc, la relation entre le gouvernement et ses municipalités n'est pas au beau fixe en ce qui concerne ce pacte fiscal qui est réclamé par les municipalités.

Deuxièmement, toute la question de la réorganisation municipale. C'est clair, c'est absolument clair que le projet de loi sur la sécurité incendie a comme objectif secondaire de favoriser le regroupement, si vous voulez, des services d'incendie. Or, M. le Président, on est en pleines discussions à certains égards, et de temps en temps orageuses, entre le gouvernement et ses municipalités sur justement toute la question de la réorganisation municipale au Québec. Est-ce que j'ai besoin de rappeler l'opposition farouche des municipalités à toute espèce de fusions forcées, fusions forcées que ce gouvernement cherche à imposer aux municipalités, les municipalités tentant de s'en défendre le plus possible de toutes sortes de façons? Que ce soient des référendums, que ce soient des représentations à la ministre, que ce soient des déclarations publiques, M. le Président, les municipalités du Québec refusent en très grande majorité cette velléité du gouvernement de vouloir forcer les fusions.

(11 h 50)

Évidemment, M. le Président, comment parler de réorganisation municipale, comment parler de réorganisation de services, qu'ils soient des services de police, qu'ils soient des services d'incendie, sans d'abord avoir réglé la question de la réorganisation municipale au Québec? Et cette discussion-là a cours actuellement avec la principale intéressée dans ce dossier-là, la ministre des Affaires municipales, et les principaux intéressés dans cette réorganisation-là qu'est la population.

Trop souvent, ce gouvernement-là oublie que le gouvernement ne lui appartient pas, que les projets de loi ne lui appartiennent pas, que les impôts ne lui appartiennent pas, et le gouvernement, dans son arrogance, oublie systématiquement que, si nous sommes ici, c'est grâce au voeu de la population, et c'est elle qu'on doit servir, plutôt que de servir leur obsession sur la souveraineté, plutôt que de servir leur image, pour certains ministres, la ministre de l'Emploi étant l'une des plus importantes défenderesses de sa propre image. Non seulement elle défend sa propre image, mais elle fait mal à celle du ministre de la Solidarité sociale. À chaque fois qu'elle va au Conseil des ministres, elle lui enlève un pan de ses responsabilités. Puis, quand elle répond à des questions, c'est: Mon gouvernement, mon ministère, mes affaires. Ça, c'est la ministre de l'Emploi. Alors donc, M. le Président, trop souvent ce gouvernement-là se préoccupe d'abord de son image, hein, et ne se préoccupe pas suffisamment de la population.

Dans le projet de loi sur la sécurité incendie que le ministre dépose, les gens qui vont être appelés en définitive à payer la facture du projet de loi du ministre, c'est la population. Puis ça va passer par les autorités municipales, ça va passer par les taxes, et c'est pour ça que les autorités municipales posent des questions au ministre sur son projet de loi: Combien ça va coûter? Essentiellement, c'est ça que les municipalités disent: Combien ça va nous coûter? Et est-ce qu'on est capable d'assumer ça?

Parce que c'est bien beau, M. le Président, de vouloir ajouter aux responsabilités des municipalités, de vouloir ajouter aux responsabilités des regroupements municipaux, mais encore faut-il qu'elles soient capables de les assumer, ces autorités municipales, mais, plus loin que ça, encore faut-il que la population qui élit ces gens-là soit capable de les assumer, ces responsabilités-là. Et donc, il y a trop de questions pour lesquelles on n'a pas de réponse pour donner au ministre de la Sécurité publique, pour donner au gouvernement un mandat d'aller de l'avant, sans rechigner, sur le projet de loi n° 112.

Donc, M. le Président, relations difficiles, difficiles, relations à certains égards absolument tendues entre le gouvernement et les municipalités, sur le pacte fiscal que les municipalités réclament, sur la question de la réorganisation municipale, discussion qui a cours actuellement. Puis, le ministre arrive, lui, là, avec ses gros sabots puis son projet de loi n° 112 sur la sécurité incendie, dont l'objectif secondaire, c'est clair, vise les regroupements de services d'incendie.

Moi, là, je ne suis pas en train de dire que peut-être ça ne sera pas une bonne chose de regrouper des services de police, d'incendie, éventuellement, mais d'abord, ce que nous disons, réglons la question du pacte fiscal, réglons ça entre les municipalités et le gouvernement et réglons la question de la réorganisation municipale.

Il va falloir que le gouvernement à un moment donné comprenne que cette réforme-là, de la réorganisation municipale, elle ne passe pas. Et, si le gouvernement s'entête à vouloir quand même la faire passer et la faire adopter, il paiera le prix, M. le Président. La démocratie va lui faire payer le prix.

Alors donc, M. le Président, pacte fiscal, réorganisation municipale, relations tendues entre les municipalités et le gouvernement, puis le ministre arrive avec son projet de loi sur la sécurité incendie, puis il vient jouer là-dedans, il vient jouer dans ce dossier-là, des relations entre les municipalités et le gouvernement. Ce n'est pas le temps de faire ça, là. Réglons d'abord la grande question du pacte fiscal, réglons d'abord la grande question de la réorganisation municipale. Puis ce n'est pas réglé, là, ce n'est pas demain matin que ça va se régler. On le voit, là, les maires sortent régulièrement contre le gouvernement. Mais réglons d'abord ça. Puis il ne réussira pas sa réforme de la sécurité incendie, M. le Président, si ces questions-là ne sont pas d'abord réglées. Il ne réussira pas non plus les regroupements des services de police dans le territoire du Québec, M. le Président, si ces questions-là ne sont pas réglées. Ça ne sert à rien d'essayer de le faire, à moins que tout le monde, à moins que tous les intervenants municipaux s'entendent.

Si le gouvernement acceptait, M. le Président, de ne plus menacer – parce que c'est ça qui est le mot exact qu'il faut employer, M. le Président – les municipalités d'imposer des solutions, d'imposer des fusions, d'imposer des regroupements, d'imposer des inclusions – c'est ça qu'il fait, c'est ça, son attitude – si le gouvernement acceptait de ne plus imposer, moi, je suis persuadé, M. le Président, parce que je connais plusieurs autorités municipales, celles que je connais le mieux sont issues, bien sûr, du conseil municipal de ville Saint-Laurent, et je connais la responsabilité de ces gens-là, leur sens des responsabilités, leur sens civique, M. le Président, je suis persuadé que, si le gouvernement acceptait l'idée d'arrêter de vouloir, dans son arrogance, imposer ses solutions aux municipalités, il y aurait moyen de régler un paquet de problèmes qui sont sur la table et qui méritent d'être réglés.

Mais le gouvernement s'entête, M. le Président, puis le ministre de la Sécurité publique vient jouer là-dedans, puis ça ne lui donne rien de venir jouer là-dedans. S'il s'entête, M. le Président, à vouloir forcer sa réforme de la sécurité incendie, il va manquer le bateau complètement. Les autorités municipales ne sont pas branchées là-dessus. Les autorités municipales sont branchées sur l'obtention d'un pacte fiscal avec le gouvernement et le règlement de toute la question de la réorganisation municipale par consensus, par la volonté des élus, pas par des solutions imposées.

Et tout ce que le ministre de la Sécurité publique... on l'a vu en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur la sécurité incendie, M. le Président, la Fédération québécoise des municipalités est venue, l'Union des municipalités est venue, tous ces gens-là ont dit de façon – et le ministre n'en a pas parlé dans son discours parce que les gens qui lui ont rédigé son discours, ils ont tassé ça un petit peu, les mêmes gens qui lui ont vendu l'idée de déposer un projet de loi sur la sécurité incendie, ils essaient de lui faire oublier ça, que les municipalités sont venues en commission parlementaire... Le député de Verdun était présent, il s'en souvient très bien, toutes les unions municipales qui sont venues en commission ont dit au ministre de la Sécurité publique: Aïe! excusez-nous, M. le ministre, ce n'est pas le temps, la sécurité incendie, ce n'est pas le temps; là, c'est le temps de pacte fiscal, c'est le temps de régler la question de la réorganisation municipale, on a ça à régler; c'est un contentieux avec votre gouvernement; on essaie de régler ça, n'arrivez pas par la porte d'en arrière avec votre projet de loi, ça ne marchera pas. Et c'est irréaliste pour le ministre de penser que son affaire va fonctionner, les municipalités ne sont pas bien orientées vers l'acceptation d'une telle réforme à ce moment-ci de l'histoire des municipalités avec le gouvernement.

Une chose que j'ajoute, M. le Président. Souvenez-vous, d'abord, on a fait grand état, suite au drame de la tempête sur le verglas, des travaux de la commission Nicolet, M. Roger Nicolet, un ancien candidat péquiste dans le comté de Shefford qui – grâce à Dieu! – dans ce cas-là, a perdu son élection, qui avait été nommé président de la commission Nicolet. Et il a présidé cette commission qui devait, en définitive et en substance, regarder de près, bien sûr, la question de la tempête de verglas, la question de la préparation d'Hydro-Québec, etc., mais qui devait aussi faire des recommandations en matière de sécurité civile au gouvernement, ce qu'elle a fait, la commission Nicolet. Mais ça fait déjà un certain temps que le rapport de la commission Nicolet a été déposé, et tous les intervenants qui sont venus en commission parlementaire qui sont issus du monde municipal sont venus dire au ministre: C'est prématuré, votre affaire sur ce sujet-là aussi. Il y a la commission Nicolet qui a rendu un rapport, le gouvernement a donné ses orientations, mais le gouvernement doit éventuellement déposer une pièce de législation pour ce qui concerne l'organisation de la sécurité civile au Québec.

(12 heures)

La sécurité civile au Québec, M. le Président, le ministre l'a dit dans son discours, ça, c'est une des choses qu'il a mentionnées dans son discours et sur lesquelles je suis d'accord avec lui, la sécurité incendie et la sécurité civile, c'est lié, c'est intimement lié.

Mais alors là on se pose la question: Si on est d'accord avec le ministre à l'effet que la sécurité civile et la sécurité incendie, c'est intimement lié, pourquoi n'attend-il pas de faire, dans ce cas-là, quelque chose qui soit global, pacte fiscal entre le gouvernement et les municipalités, règlement de la question de la réorganisation municipale qui cause tant de problèmes actuellement, et ensuite on passera à l'étape suivante qui est le regroupement des services de police, le regroupement possible des services d'incendie, l'organisation civile sur le territoire? Tout ça, ces trois sujets-là ne sont pas étrangers les uns aux autres; au contraire, M. le Président, c'est intimement lié. C'est pour ça que je dis que le projet de loi n° 112, il est prématuré, et il est prématuré parce qu'il veut aller jouer dans un domaine qui est louable, j'en conviens parfaitement, mais qui à ce moment-ci devrait céder le pas à d'autres préoccupations qui retiennent l'attention des autorités municipales.

M. le Président, il n'y a pas que les autorités municipales qui ont émis des doutes et qui surtout ont posé des questions au ministre, questions auxquelles le ministre n'a pas répondu. D'ailleurs, avant de passer à un autre sujet, permettez-moi... Je sais que le ministre va être sensible à ça, et peut-être que dans sa réplique tantôt il pourrait donner une réponse à la question que je vais maintenant lui poser. La Fédération québécoise des municipalités écrivait au ministre le 31 mai 2000, c'est-à-dire très récemment, et après que nous sommes allés en consultation sur l'avant-projet de loi sur la sécurité incendie, après que le ministre eut déposé l'actuel projet de loi n° 112 sur la sécurité incendie – la Fédération québécoise des municipalités qui sait très bien qu'il va y avoir une étude article par article du projet de loi n° 112 – et demandait au ministre de la Sécurité publique d'être de nouveau entendue en commission parlementaire qui va étudier article par article le projet de loi n° 112 parce que, évidemment, il y a eu des changements, le ministre a introduit certaines modifications entre le moment où nous nous sommes vus en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi et le dépôt de son projet de loi.

Je vais me permettre, M. le Président, avec votre permission, de faire lecture – parce que c'est une photocopie que j'ai, et je ne voudrais pas vous faire l'injure de déposer une photocopie – de la lettre, elle sera consignée dans le Journal des débats . Alors: «Le 31 mai 2000. M. le ministre, par la présente, la Fédération québécoise des municipalités vous demande d'être entendue en consultation particulière devant la commission des institutions afin de présenter ses observations relativement au projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie.

«Ce projet de loi a été présenté le 2 mai dernier à l'Assemblée nationale par le ministre de la Sécurité publique. Il propose une réforme majeure de la sécurité incendie au Québec en remplaçant les trois principales lois dans ce secteur et en apportant des modifications à neuf autres textes législatifs. Ce projet de loi donne suite à l'avant-projet de loi sur la sécurité incendie déposé le 15 décembre dernier.

«Bien que la Fédération québécoise des municipalités ait pu présenter un mémoire sur l'avant-projet de loi sur la sécurité incendie en février dernier, le projet de loi n° 112 comporte des changements importants pour lesquels nous souhaiterions apporter nos observations aux membres de la commission des institutions. Nos commentaires porteraient sur le schéma de couverture de risques», dont le ministre a parlé dans son discours – je fais un aparté, M. le Président – et qui est au coeur de ce qu'il voudrait introduire, la confection d'un schéma de couverture de risques.

Donc, je reviens à la lettre: «Nos commentaires porteraient sur le schéma de couverture de risques, le plan de mise en oeuvre du schéma, la procédure d'adoption du schéma et du plan, le régime d'exonération des responsabilités prévu à l'article 46, l'École nationale des pompiers du Québec, les obligations légales des municipalités et, enfin, les pouvoirs accordés au ministre.»

Là, je sors de la lettre. Ce n'est pas rien, là. Ce n'est pas rien, sur quoi la Fédération québécoise des municipalités estime qu'elle devrait être de nouveau entendue bien qu'elle ait eu l'occasion de se faire entendre sur l'avant-projet de loi. Vous voyez le nombre de sujets sur lesquels ils veulent se faire entendre? Alors, le ministre, il n'a pas un produit fini dans les mains, hein? Qu'il ne pense pas qu'il a un produit fini dans les mains. Il a un produit sur lequel il y a encore beaucoup de questions qui se posent, et, nous autres, de l'opposition officielle, on ne peut pas lui donner un mandat en blanc parce qu'il y a trop de questions qui se posent encore sur le projet de loi qu'il dépose aujourd'hui.

Je reviens à la lettre: «Vous constaterez que nous souhaitons présenter nos observations sur tous les éléments importants contenus à ce projet de loi et que seule une consultation particulière nous permettrait de sensibiliser les élus aux impacts pour les municipalités.» Je dis tout de suite au ministre que j'apprécierais, au nom de la Fédération québécoise des municipalités, qu'il consente à donner suite à cette demande de la Fédération québécoise.

Je pense que, dans sa réplique, surtout qu'il est en présence de son leader, en Chambre, il pourrait consentir à ce que la Fédération québécoise des municipalités, qui n'est pas une petite organisation, qui est une organisation sérieuse qui a produit un mémoire extrêmement sérieux sur l'avant-projet de loi – et ce sont des gens responsables... Ces gens-là voulant se faire entendre, je pense qu'il serait agréable pour la Fédération québécoise des municipalités d'entendre aujourd'hui le ministre de la Sécurité publique confirmer qu'il va accepter de l'entendre. Et je lui annonce tout de suite que, si, d'aventure, il devait décider qu'il ne répond pas à cette demande de la Fédération québécoise des municipalités ce matin, je déposerais une motion particulière à la commission parlementaire pour demander que le ministre entende la Fédération québécoise des municipalités, tel que ces gens-là le requièrent. M. le Président. Pourquoi? Qui mieux que les principaux intéressés à un projet de loi pour faire valoir leurs voix? Il est fréquent que l'opposition officielle fasse valoir...

Je pense que le ministre conviendra avec moi que l'opposition officielle, par exemple dans le projet de loi de police, a fait valoir les représentations qui avaient été faites par certains groupes. Mais, bien que nous soyons les porte-parole de la population, bien qu'à certains moments nous puissions faire valoir les représentations que les gens nous font valoir à nous auprès du gouvernement, j'ai toujours considéré qu'en certaines occasions il est important que les principaux intéressés à un projet de loi puissent avoir le loisir de se faire entendre, parce que souvent ce sont eux qui connaissent à fond leur dossier et qui sont en mesure de discuter avec les autorités gouvernementales d'un projet de loi que l'autorité entend déposer. Alors donc, M. le Président, j'invite le ministre, dans sa réplique, à nous faire part de ses commentaires sur la demande de la Fédération québécoise des municipalités qui souhaite se faire entendre.

M. le Président, vous savez, les interrogations des municipalités ne sont pas vaines. Je vous donne un exemple, un exemple d'une préoccupation importante en relation avec le projet de loi sur la sécurité incendie, la formation des pompiers, mais la formation particulièrement des pompiers volontaires, des pompiers à temps partiel. Le ministre a dit souhaiter... Mais, moi, je n'ai pas de problème avec ça puis je sais que le député de Verdun, qui a assisté avec moi de façon méritoire à la commission parlementaire, à la consultation générale sur l'avant-projet de loi, est d'accord avec moi, la formation, c'est important. La formation des pompiers, c'est important. La formation des policiers, c'est important. C'est important que ces gens-là soient bien formés, il n'y a pas de doute là-dessus. Mais le ministre n'en a pas parlé dans son discours parce que, encore une fois, les gens qui lui ont rédigé son discours, ils ne veulent pas lui mettre ça sur la table, c'est des problèmes. C'est des problèmes, alors ils ne veulent pas mettre ça sur sa table. Mais il y a des questions en relation avec la formation des pompiers volontaires qui sont extrêmement importantes: Qui va payer pour la formation des pompiers volontaires? Où va-t-elle se donner, la formation des pompiers volontaires?

J'ai déjà dit, M. le Président, et je le répète pour les fins de la discussion – je sais que vous m'avez écouté attentivement et que vous vous en souvenez, mais il pourrait y avoir dans cette Chambre des esprits inattentifs qui ne l'ont pas entendu – qu'il y a au Québec, dans le monde de l'incendie et dans le monde de l'extinction des incendies, 4 500 pompiers professionnels à temps plein, des gens qui ne font que ça, dont 1 500 dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, et 18 000 à peu près... Le ministre a dit «18 500». On ne se chicanera pas sur le nombre précis, mais on est dans l'ordre de grandeur de 18 000 pompiers volontaires au Québec.

(12 h 10)

Je pense que tout le monde qui a un peu voyagé au Québec sait très bien de quoi on parle, ce sont des gens dont ce n'est pas le principal métier que d'exercer le métier de pompier mais dont c'est le métier secondaire et qui ont, pour la plupart, j'imagine, un travail ailleurs qui est leur travail principal. Ces gens-là sont dégagés par leur employeur principal pour évidemment servir leurs concitoyens, principalement lorsqu'un incendie se déclare, dans l'extinction d'un incendie. Alors, M. le Président, la question est la suivante. Oui, on veut les former, l'opposition officielle est d'accord avec ça. Maintenant, il y a des questions secondaires auxquelles le ministre devra répondre, et il faut qu'il y réponde pendant qu'on étudie le projet de loi n° 112, pas après. Il ne faut pas qu'il arrive avec des mauvaises surprises après.

Où va se donner la formation? C'est pas mal important, la réponse à cette question-là, parce que, où va se donner la formation, c'est la réponse qui va nous amener à poser la deuxième: Combien ça va coûter? Si on donne la formation en région, si les formateurs se rendent rencontrer les pompiers qu'on dit être des pompiers volontaires ou des pompiers à temps partiel, si la formation se rend vers eux, alors là il y a un coût x de formation. Mais, si on oblige les pompiers volontaires à se rendre vers les formateurs parce que le projet de loi crée l'École de pompiers, une école à la grandeur du Québec, il est possible – on n'a pas de réponse à ça – qu'on demande aux pompiers volontaires, aux pompiers à temps partiel, de se rendre vers les formateurs, évidemment. Les coûts ne sont pas les mêmes, à ce moment-là, que si la formation se rend en région, première question à laquelle il faut répondre.

La deuxième: Qui va payer pour la formation, M. le Président? Le patron qui dégage son employé qui agit à titre de pompier à temps partiel, de pompier volontaire, est-ce qu'il continue à payer son salaire pendant qu'il va au feu? Et, s'il ne continue pas à payer son salaire pendant qu'il va au feu, qui va payer le salaire du pompier volontaire? Question importante, n'est-ce pas? Donc, est-ce que ce sont les municipalités qui devront absorber ces coûts-là? Est-ce que ce sont les employeurs qui devront absorber ces coûts-là?

Dans une réforme, tout est ouvert et il n'y a pas de questions... On n'a pas répondu à ces questions-là, mais ce sont des questions qui sont extrêmement importantes parce que, dans plusieurs coins du Québec, le pompier volontaire qui quitte son emploi pour aller se faire former pendant un certain temps, ça cause des problèmes à l'entreprise. Ce n'est pas toutes des grosses entreprises, ce n'est pas toutes des grandes et des moyennes entreprises, il y a de petites entreprises, et donc ça cause des problèmes. Ce sont des questions auxquelles il faut apporter des réponses, et on n'en a pas, et ça, M. le Président, je sais que c'est une préoccupation importante à la fois des autorités municipales, bien sûr, parce que ce n'est pas une question étrangère à des fonds qu'elles devraient dégager, c'est une question qui est importante aussi pour les employeurs puis c'est une question qui est importante pour les pompiers volontaires eux-mêmes qui veulent savoir un petit peu ce qui leur pend au bout du nez.

Et, toujours dans ces questions-là, quand on aborde la question de la formation de personnes en particulier – que ce soient des policiers, que ce soient des pompiers ou que ce soit dans n'importe quelle espèce de profession ou de métier – il y a une espèce d'insécurité qui s'installe chez les gens qui seraient éventuellement les bénéficiaires de cette formation-là. Première insécurité: Ça veut-u dire qu'on n'est pas bons? Est-ce que ça veut dire que le gouvernement trouve qu'on n'est pas bons puis qu'on n'est pas compétents? Première insécurité.

La deuxième, c'est: Qu'est-ce qu'on va exiger de nous? Ça va être quoi, la formation qu'on veut nous donner? C'est quoi, les cours? Il y a toutes ces questions-là qui sont pendantes actuellement et auxquelles le ministre devra répondre de façon plus adéquate, j'espère, à la commission parlementaire qui va étudier le projet de loi article par article, le projet de loi n° 112, que la façon dont il a répondu à certaines de mes questions sur le projet de loi n° 86.

Imaginez-vous, M. le Président – j'ouvre une petite parenthèse – on discutait de l'École de police, de la future École de police. On est à un mois de l'adoption du projet de loi qui crée l'École de police, qui introduit dans ce système-là trois nouveaux diplômes. On est à un mois de l'adoption du projet de loi. Je disais au ministre: Vous êtes rendu où dans les travaux sur les cours que vous allez donner pour donner accession à ces trois diplômes-là? Incapable de me répondre. Je disais: Écoutez, là, avez-vous commencé à travailler sur ces cours-là? Savez-vous un peu ce qui va se donner comme cours? Avez-vous engagé des professeurs? Où est-ce que vous en êtes dans les travaux d'exécution de votre projet de loi qui va entrer en vigueur dans un mois? Aucune réponse. Vous verrez. C'était la réponse qu'il me donnait, ça, «vous verrez». Quand il me la donne à moi, la réponse «vous verrez», il la donne à la population, il la donne aux policiers qui m'appelaient ou aux étudiants en technique policière qui m'appelaient pour me dire: Ça va être quoi, le cours qu'il va falloir suivre au mois de septembre ou à la prochaine session? Quand il me disait: Vous verrez, il répondait à ces gens-là: Vous verrez. Bien, moi, je lui dis en retour: Amenez-en, des élections, puis vous verrez ce que ça donne de ne pas répondre aux questions de l'opposition.

Des voix: ...

M. Dupuis: Regardez, M. le Président, plus ils crient, plus ça les énerve. Inquiétez-vous pas de ça, plus ils crient, plus ils réagissent, plus ça les énerve. Ils savent leur arrogance. Quand ils prennent le temps de réfléchir deux secondes puis qu'ils regardent la ministre des Affaires municipales imposer de force aux municipalités leur vision, ils savent très bien ce que ça donne. Les députés de la couronne nord, les députés péquistes de la couronne nord, à Montréal, quand ils se sont levés avec les genoux faibles pour voter contre notre motion dénonçant les fusions forcées, ils savaient ce que leur population pense, faites-vous-en pas. Faites-vous-en pas.

Quand il voit la ministre de la Santé multiplier les comités de travail, le ministre de la Sécurité publique, M. le Président, il serait bien mieux de compter le nombre de comités de travail que la ministre de la Santé met sur pied que les questions de l'opposition, il arriverait à des chiffres pas mal plus astronomiques que les questions de l'opposition. Alors, ils savent bien, les députés d'en face, que, quand ils écoutent la ministre de la Santé créer des comités, comité sur comité... Il n'y a pas une question qu'on lui pose sur laquelle elle ne nous donne pas la réponse qu'elle va créer un comité. Fuite en avant pour ne pas répondre aux questions. Pensez-vous qu'ils ne le savent pas, où est-ce qu'ils s'en vont? Pensez-vous qu'ils ne savent pas où ils s'en vont? Bien sûr qu'ils le savent. C'est sûr qu'ils le savent. Il y a juste le ministre de la Solidarité sociale qui ne fait pas de gaffes, parce que la ministre de l'Emploi lui a tout volé ses responsabilités, il n'a plus rien.

Alors donc, M. le Président, projet de loi prématuré et réponse importante que le ministre doit donner à toute cette question du volontariat, des pompiers volontaires, des pompiers à temps partiel, sur les coûts de formation, où la formation va se donner. Ces gens-là se posent des questions, on va les poser à la commission parlementaire article sur article.

Le ministre, j'ai remarqué qu'il avait ajouté un mot dans son discours par rapport au discours qu'il tenait lors de la consultation générale sur l'avant-projet de loi, le mot «prévention». Le député de Verdun l'a remarqué, il me l'a fait remarquer. Le député de Verdun était attentif à la commission et il se souvient très bien, le député de Verdun, que j'avais reproché, que nous avions reproché, l'opposition officielle, au ministre de la Sécurité publique de faire grand cas de l'extinction des incendies, donc de faire grand cas de son intervention en aval des incendies, mais de faire peu de cas d'une intervention nécessaire en amont des incendies, c'est-à-dire en matière de prévention. On disait au ministre: Dans le fond, écoutez, c'est bien beau d'éteindre les feux puis c'est bien beau de demander à tout le monde d'ajouter des responsabilités pour aller éteindre les feux – pas de problème avec ça, là – mais peut-être que ce serait important de légiférer pour essayer d'empêcher le plus possible qu'il s'en allume. Il me semble que c'est logique et que donc le ministre devrait d'abord, en toute logique, s'attaquer au problème de la prévention des incendies et légiférer en matière de prévention de façon beaucoup plus musclée qu'il ne le fait dans le projet de loi qu'il a déposé.

(12 h 20)

Il vous dira qu'il en parle, de prévention. Il vous dira que le schéma de couverture de risques, ça parle de prévention. Il vous dira tout ça. Mais, M. le Président, nous savons très bien que, par exemple – je donne un exemple, ce n'est pas dans le projet de loi – l'une des façons de faire de la prévention en matière d'incendies au Québec, c'est d'obliger les municipalités à avoir un règlement, et ça, les obliger à avoir un règlement, ça ne coûte pas grand-chose, puis toutes les municipalités pourraient faire observer le règlement avec les ressources qui existent actuellement. C'est un exemple que je donne. Alors donc, en matière de prévention, on aura l'occasion d'en discuter à la commission parlementaire article sur article.

Et là le ministre dit dans ses discours, M. le Président – et ça, il redit la même chose que ce qu'il nous a dit dans l'avant-projet de loi – que l'un des objectifs de sa réforme, de ce qu'il appelle sa réforme de la sécurité incendie, c'est de diminuer le coût des primes d'assurance de dommages causés par l'incendie. Et là il se goure. Ce n'est pas l'opposition officielle qui le dit, les représentants du Bureau d'assurance du Canada sont venus lui dire, lors de leur présentation devant la commission parlementaire qui recevait en consultation générale les intervenants, les assureurs sont venus lui dire: M. le ministre, un instant, là, n'allez pas trop loin là-dedans; c'est loin d'être certain que votre projet de loi va engendrer une diminution des coûts d'assurance, tel que vous voulez le véhiculer. Et là je pense que le ministre a une responsabilité importante. Les assureurs ont été éveillés à ça.

À force de dire qu'il veut, par sa réforme, faire en sorte que les coûts d'assurance soient diminués, peut-être qu'il va le faire croire à quelqu'un, peut-être qu'il va le faire croire aux gens, mais rien n'est moins sûr, M. le Président, nous disent les assureurs eux-mêmes. Pas l'opposition officielle, là, ce n'est pas l'opposition officielle qui dit: Faites attention, M. le ministre, ne promettez pas aux citoyens, ne promettez pas à la population que votre projet de loi va engendrer une diminution des coûts d'assurance, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas l'opposition officielle qui dit ça, ce sont les assureurs eux-mêmes, ceux qui fixent les primes, ceux qui couvrent les risques, qui disent au ministre: Faites attention, ce que vous dites, ce n'est pas nécessairement la réalité, il n'y aura pas nécessairement une réduction des coûts d'assurance.

D'abord, il faut savoir que l'assurance de dommages, que l'assurance incendie, ce n'est qu'une partie des coûts de l'assurance des biens. Je sais que le député de Verdun veut intervenir là-dessus un petit peu plus tard et je sais que le député de Verdun a fouillé cette question-là, et le député de Verdun va vous en parler en détail, de cette question-là. Mais qu'il me soit permis de le réitérer, M. le Président, et c'est important, les assureurs sont venus dire au ministre: M. le ministre, c'est loin d'être certain que, lorsque vous dites que votre projet de loi va réduire les coûts d'assurance, ça va se produire. Savez-vous ce qu'ils disent, les assureurs? Ils disent pire que ça. Ils disent: Si on est appelés à fournir d'une quelconque façon financièrement pour l'École de pompiers que vous créez – et il en a été question, il y a des groupes qui sont venus suggérer que les assureurs devraient participer aux coûts de l'École de pompiers – M. le ministre, si vous nous faites participer aux coûts de l'École de pompiers, non seulement les coûts d'assurance ne diminueront pas, mais ils vont augmenter. Alors là il faut faire attention.

Moi, je me souviens, M. le Président, qu'en commission parlementaire nous avons demandé instamment, entre autres le député de Verdun et moi-même, aux assureurs de dire la vérité sur cette question-là à la population et de prendre les moyens pour dire la vérité à la population sur cette question-là parce que le ministre, sur cette question-là, il cherche à endormir la population. Maintenant, moi, je ne dis pas qu'il le fait de mauvaise foi ou de bonne foi, peut-être qu'il s'est fait vendre cette idée-là puis qu'il l'a achetée. Je lui suggère de la fouiller, je lui suggère de fouiller cette déclaration-là. S'il l'a faite de mauvaise foi, alors là, évidemment, son attitude est innommable et il va me faire penser qu'il est à l'image de son gouvernement, qu'il est à l'image de son gouvernement qui va donner, porter à la population un message mais qui, dans ses actions, fait souvent exactement le contraire.

Le premier ministre, à Laval, je me souviens, disait: En matière de santé, pas de coupures dans les services, jamais. Des coupures dans l'administration, oui. Des coupures dans les structures... M. le Président, ce n'est pas des farces, là. Le premier ministre a dit ça à Laval quand il est arrivé dans son poste actuel. Le ministre de la Sécurité publique devait être là. Je ne sais pas si c'était dans son comté, mais c'était dans sa région. Et, à cette époque-là possiblement, il voulait se faire changer de ministère, il espérait avoir le ministère de la Justice. Sous l'ancien premier ministre, ça ne se produisait pas, mais là il devait espérer. Alors, il devait être présent au discours de Laval. Il a dû entendre le premier ministre dire dans le discours de Laval: En matière de santé, pas de coupures dans les services mais des coupures dans les structures, dans l'administration.

M. le Président, ils ont fait exactement le contraire. Mais la population les a crus. Souvenez-vous du slogan en campagne électorale: J'ai confiance . Aïe! imaginez-vous combien est-ce qu'il y a de gens qui se sont fait flouer en écoutant ce gouvernement-là, en écoutant ce parti-là à la dernière campagne électorale et en lisant les slogans sur les pancartes, J'ai confiance . Imaginez-vous ce qu'ils pensent aujourd'hui. Pensez à l'assurance médicaments, pensez aux problèmes de santé, pensez aux municipalités qui se font imposer des fusions, pensez aux gens de la ligne Hertel–des Cantons qui se sont fait dire par le premier ministre: Oui, oui, oui, allez à la cour, on respectera le jugement. Le jugement est sorti, déboutant le gouvernement, donnant raison aux gens de la ligne Hertel–des Cantons, puis ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont trouvé, c'est de déposer un projet de loi pour aller contre le jugement. Le premier ministre leur avait dit: Ayez confiance en moi. Allez devant les tribunaux, puis on va respecter le jugement des tribunaux. J'ai confiance! Puis la population a dit: Bien, on a confiance, le premier ministre nous le dit. Ils sont allés devant les tribunaux, ils ont obtenu un jugement en leur faveur, puis le gouvernement a déposé un projet de loi pour aller à l'encontre du jugement. J'ai confiance.

Alors, «j'ai confiance», dit le ministre de la Sécurité publique à la population. Ayez confiance, mon projet de loi sur la sécurité incendie va faire en sorte qu'il va y avoir des réductions des primes d'assurance. Les assureurs disent: Pas vrai. Pas vrai, M. le ministre, arrêtez de dire ça à la population, il n'y a rien de moins certain. Je les ai rencontrés récemment, M. le Président, et ils m'ont réitéré exactement ça, les assureurs.

Savez-vous pourquoi ils insistent, les assureurs, pour le redire et le redire? Bien, parce qu'ils ne veulent pas payer le prix de l'opprobre, M. le Président. Quand la population va réaliser que ce que le ministre de la Sécurité publique a promis dans ses discours sur le projet de loi sur la sécurité incendie, quand il a promis des réductions de primes d'assurance, ce n'est pas vrai puis que ça n'arrive pas, les assureurs, là, ils ne veulent pas passer pour les mauvais coucheurs. Les assureurs, ils ne veulent pas que le ministre aille à la T.V. pour dire: Écoutez, moi, là, je vous l'avais dit, que les coûts d'assurance diminueraient, puis, moi, j'ai déposé un projet de loi qui devait faire ça; c'est la faute des assureurs si les primes d'assurance n'ont pas diminué. C'est ça qu'ils vont dire.

C'est ça qu'ils vont dire, comme la ministre de la Santé s'apprête à dire, en fin d'année, quand les hôpitaux vont être obligés de couper des services à la population parce qu'elle va leur avoir imposé un carcan budgétaire. La ministre de la Santé va essayer de dire que c'est la faute des hôpitaux, des directeurs généraux d'hôpitaux, des médecins, des infirmières. C'est pour ça qu'ils se prémunissent, actuellement, ces gens-là, puis qu'ils disent à la ministre: Les budgets que vous nous imposez, là, on n'est pas capables de vivre avec, on n'est pas capables de donner les services que la population va demander de nous. Ils avertissent d'avance parce qu'ils savent bien que la ministre va vouloir leur faire porter le chapeau, comme le ministre pourrait vouloir faire porter le chapeau aux assureurs s'il n'y a pas de réduction de primes d'assurance. C'est pour ça que les assureurs actuellement nous rencontrent, et disent, et vont continuer de dire: M. le ministre, un instant, là, arrêtez de dire à la population que votre projet de loi va faire réduire les coûts des primes d'assurance, il n'y a rien de moins sûr. Il n'y a rien de moins sûr.

(12 h 30)

Ça, ça ne veut pas dire, M. le Président, qu'on est contre la formation des pompiers, ça ne veut pas dire qu'on est contre les objectifs que le ministre véhicule dans ses discours, ça veut dire que son projet de loi, là, ce n'est pas un produit fini. Il ne fait pas consensus, il crée, dans l'esprit de plusieurs intervenants – pas les pompiers, M. le Président, puis pas les directeurs de service d'incendie, et je respecte leur opinion, quoique les directeurs de service d'incendie, j'en ai rencontré un la semaine dernière, et il me suggère un certain nombre d'amendements dont on parlera à l'étude article par article; bon, ces gens-là, en général, sont favorables – il suscite encore beaucoup d'interrogations dans l'esprit de plusieurs intervenants – je ne veux pas revenir là-dessus – principalement les municipalités dont le climat n'est pas au beau fixe avec le gouvernement.

Également – et j'ai trouvé ça assez symptomatique, M. le Président – le ministre a dit dans son discours: La seule chose qu'on demande au monde municipal, dans le projet de loi sur la sécurité incendie, en ce qui concerne les risques qui sont inhérents dans chacune des municipalités, dans chacune des collectivités, c'est de se parler. Il ne dit pas tout ce qu'il demande aux municipalités quand il dit cette phrase-là, M. le Président. Elles vont se parler. Mais à quel prix, ensuite, les solutions, après s'être parlé? C'est ça que les municipalités disent.

Mais il dit plus que ça, M. le Président, et ça, c'est un autre défaut de son projet de loi, et c'est un défaut que je dirais être un défaut presque de synthèse du ministre de la Sécurité publique, un défaut-synthèse de ce gouvernement-là quand il légifère. Il légifère et il se donne, dans ses projets de loi – le député de Verdun l'a souvent remarqué, je m'en souviens – le pouvoir de réglementer dans ses lois. Puis là on dit: Bien, là, c'est beau, nous autres, comme législateurs, vous nous demandez d'adopter un article qui vous permet de réglementer une matière quelconque. On peut-u avoir, s'il vous plaît, le règlement? Est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît, savoir ce que vous allez mettre dans votre règlement? Parce que, dans le fond, quand vous nous demandez, à nous, de légiférer pour vous donner un pouvoir de réglementation, on légifère sur rien si on ne sait pas ce que vous allez mettre dans le règlement. Qu'est-ce que vous allez déposer comme règlement? Et, à chaque fois – en tout cas, en ce qui me concerne, M. le Président – dans tous les projets de loi dont j'ai eu à m'occuper et que j'ai discutés avec le ministre de la Sécurité publique, le député de Laval-des-Rapides, chaque fois que je lui ai demandé: Qu'est-ce que vous entendez mettre dans votre réglementation? je n'ai jamais eu de réponse. Je n'en ai jamais eu. Soit il n'est pas préparé, puis il n'est prêt, puis il est improvisé, puis ses affaires ne sont pas prêtes, ou alors il veut le cacher. Et s'il n'est pas prêt, s'il n'est pas préparé, s'il ne sait pas ce qu'il met dans ses règlements, il n'a pas d'affaire là. C'est la première chose. S'il est préparé puis qu'il ne veut pas me le dire, ce n'est pas au député de Saint-Laurent qu'il refuse la réponse, M. le Président, c'est à la population qui, par ma voix, lui pose la question. Alors, dans le fond, M. le Président, si c'est parce qu'il ne veut pas me répondre, c'est parce qu'il ne veut pas répondre à la population, puis le résultat, dans les deux cas, est le même: la population pourrait décider de le garder chez lui à la prochaine élection.

Alors donc, sur le schéma de couverture de risques qu'il demande soit à des regroupements municipaux que sont les MRC, que pourraient être les communautés urbaines, il confie cette responsabilité de préparer le schéma de couverture de risques à ces collectivités-là, M. le Président, communautés urbaines ou MRC. Alors donc, il dit, et il a dit ça textuellement dans son discours: «Si nous l'estimons adéquat – le schéma de couverture de risques – nous l'approuverons et nous donnerons une exonération de responsabilité aux municipalités qui l'auront préparé.»

Le passage important, c'est: «Si nous l'estimons adéquat». Peut-il y avoir quelque chose de plus arrogant que ça, M. le Président? On dit aux regroupements municipaux que sont les MRC, composées d'élus – il y a des élus là-dedans, là, hein – aux regroupements que sont les communautés urbaines, qui sont composées d'élus aussi: Bien, nous autres, on dépose une loi qui va vous commander de préparer ce qu'on appelle un schéma de couverture de risques, puis vous allez nous le déposer à nous autres, le gouvernement péquiste, puis, si nous l'estimons adéquat, là, on vous donnera une exonération de responsabilité.

Ça veut dire quoi, M. le Président? Ça veut dire qu'encore une fois le gouvernement, il ne fait pas juste demander aux municipalités de se parler, il demande aux municipalités de développer un schéma de couverture de risques qui va être conforme à une réglementation à venir que les municipalités ne connaissent pas. Que les municipalités ne connaissent pas!

Comment les municipalités peuvent-elles intelligemment budgéter pour rencontrer la réforme de la sécurité incendie du projet de loi n° 112 du ministre de la Sécurité publique, M. le Président? Comment les municipalités peuvent-elles budgéter adéquatement et, donc, savoir combien elles vont venir chercher – comme le disait le chef de l'opposition: Les deux mains dans nos poches – dans mes poches, dans vos poches, dans les poches du député de Verdun, dans les poches du député de Frontenac, qui siège à la commission des institutions, combien elles vont venir chercher dans nos poches pour assumer les responsabilités que le ministre de la Sécurité publique veut donner?

Mais, plus pervers que ça, M. le Président, la réglementation en vertu de laquelle les municipalités pourraient budgéter, le ministre, il ne dit pas ce qu'il va mettre dans sa réglementation. Le schéma de couverture de risques, c'est une théorie, M. le Président, jusqu'à temps qu'on ait la réglementation puis qu'il y ait un certain nombre de choses qui soient connues à ce sujet-là. C'est ça que les municipalités disent, M. le Président. C'est ça qu'elles veulent savoir.

Alors, dans les circonstances, M. le Président, il y a encore trop de questions qui sont restées sans réponse au stade de l'adoption de principe pour que nous puissions, comme opposition officielle responsable qui se veut être constructive mais qui se veut aussi être à l'écoute d'une majorité de gens... Bien sûr, l'opposition officielle a pris acte du fait que les pompiers professionnels sont d'accord avec une grande partie de la réforme, que les gens qui vont constituer, si le projet de loi était adopté, l'École de pompiers sont d'accord avec le projet de loi, que les directeurs de service d'incendie sont d'accord avec le projet de loi. L'opposition officielle doit prendre acte de ça, mais ne peut ignorer – c'est notre responsabilité, M. le Président – les récriminations, les réserves, les réticences, les commentaires négatifs qu'ont formulés les autorités municipales par la voix de leurs unions, commentaires aussi extrêmement importants que sont venus déposer le Bureau d'assurance du Canada et les assureurs, qui ne veulent pas être les dindons de la farce éventuellement et qui ne veulent pas être mis au pilori éventuellement quand la population comprendra que la réforme, que ce que le ministre appelle la réforme de la sécurité incendie, dont l'un des objectifs, selon lui, c'est de réduire les primes d'assurance, ne se produit pas. Les assureurs ne veulent pas être les dindons de la farce et ils ne veulent pas être les accusés. Ils veulent que la population sache aujourd'hui que, lorsque le ministre dit ça, il n'y a rien de moins sûr et que les assureurs eux-mêmes ne peuvent pas s'engager à ce que les primes d'assurance baissent en raison du projet de loi n° 112.

(12 h 40)

Pour toutes ces raisons, M. le Président, au stade où nous sommes, l'adoption de principe, avant d'aller discuter en commission parlementaire l'article par article du projet de loi, l'opposition officielle ne peut pas donner un mandat en blanc au ministre de la Sécurité publique. Et nous signifierons cette attitude en votant contre l'adoption de principe du projet de loi n° 112. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 112. Et je vais reconnaître le vice-président de la commission des institutions et porte-parole de l'opposition officielle dans les dossiers de recherche, science, technologie, régime de rentes et RREGOP, et député de Verdun. La parole est à vous, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'aime bien le député de Laval-des-Rapides. Ça fait longtemps qu'on se connaît. Et j'aurais vraiment une suggestion à lui faire. C'est de retirer, actuellement, le processus d'adoption du projet de loi n° 102. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Une voix: ...

M. Gautrin: Projet de loi n° 112, oui, peut-être que le projet de loi n° 102 devrait être aussi retiré, mais enfin, ça, c'est une autre question. Je vais continuer à lui expliquer pourquoi.

Il y a dans son projet de loi une idée intéressante, une idée originale, une idée qui en soi rallie les gens qui s'intéressent au monde de la sécurité et au monde de l'incendie. Mais, comme vient de le rappeler avec beaucoup d'éloquence le député de Saint-Laurent, ce n'est pas le moment actuellement pour aller de l'avant avec ce projet de loi: le milieu, les partenaires qu'on doit impliquer dans le projet de loi ne sont pas prêts. Et la meilleure manière de faire échouer une réforme, même intéressante, c'est justement de la présenter, de la faire avancer au moment où les gens qui sont nos partenaires et qui doivent s'impliquer pour arriver au succès de la réforme y adhèrent.

Alors, M. le Président, il est important que je vous rappelle que, dans ce projet de loi, on introduit un concept nouveau – et c'est tout à l'honneur du ministre – qui est le concept de schéma de couverture de risques. Pour simplifier, vous allez comprendre, simplement, chaque citoyen, chaque organisme doit déclarer, faire une déclaration volontaire des risques, en termes d'incendie, que sa propriété ou ses propriétés peuvent générer. Ensuite, ceci est intégré à l'intérieur d'un schéma général au niveau des municipalités et au niveau des municipalités régionales de comté. Une fois que l'ensemble des risques sont connus, ces intervenants municipaux doivent se concerter pour mettre sur pied la manière la plus optimale pour pouvoir faire en sorte qu'on diminue les risques d'incendie.

L'idée en soi, M. le Président, a de quoi intellectuellement intéresser. C'est une idée que je trouve originale, intéressante et à laquelle on pourrait être tenté d'adhérer. Néanmoins, et c'est ça qui est central dans tout le débat, elle interpelle directement les élus municipaux, qu'ils soient des élus dans des municipalités ou qu'ils siègent à des niveaux supérieurs – si tant est qu'on peut parler de ça, d'un niveau supérieur – au niveau des municipalités régionales de comté.

Alors, M. le Président, il est bien important de comprendre que, sans la participation, sans l'engagement, sans la volonté réelle des élus municipaux de participer de plain-pied à l'élaboration du schéma de couverture de risques, premièrement, et ensuite à la mise sur pied des moyens pour réussir à diminuer ces risques d'incendie de manière optimale, sans leur participation active, ce projet de loi reste quasiment un bon exercice purement intellectuel.

Et ce qu'a dit aujourd'hui le député de Saint-Laurent, c'est important de bien le comprendre, M. le Président. Qu'est-ce qu'a dit le député de Saint-Laurent? Il a dit: Vous ne pouvez pas présenter ce projet de loi alors que votre gouvernement est en train directement d'être en lutte avec le monde municipal. Il a dit: Vous ne pouvez pas présenter et réussir ce projet de loi alors que votre gouvernement méprise le monde municipal, soit par le concept des fusions forcées – et vous savez à quel point actuellement le monde municipal n'est pas favorable à tout ce qui est dans le projet de loi présenté par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve en ce qui touche les fusions forcées – et deuxièmement, ce qui est demandé depuis longtemps par le monde municipal, vous n'avez pas réglé la question du pacte fiscal. Or, tant que vous n'avez pas réglé la question du pacte fiscal, le monde municipal, que ça soit au niveau de l'UMRCQ ou que ce soit à la Fédération des municipalités, va être réticent à participer de plain-pied dans votre projet.

M. le ministre – M. le Président, je m'adresse, à travers vous, au ministre – vous le connaissez, parce que, dans votre gouvernement, des réformes ont échoué aussi... Je pense à la réforme de la santé qui, au départ, sur le plan du papier, sur le plan du rapport qui portait à l'époque le nom du rapport Rochon – ça date de longtemps – était une réforme intéressante et qui a dramatiquement échoué parce qu'elle a été mise de l'avant à un moment inapproprié, au moment de compressions budgétaires et de non-réception des gens qui travaillaient au niveau des hôpitaux et des CLSC. M. le Président, si on va de l'avant avec le projet de loi n° 102, actuellement, on est en train de courir directement à l'échec d'une idée qui, au demeurant, et je tiens réellement à le signaler, qui, au demeurant, m'a séduit, une idée intéressante, l'idée du mécanisme des schémas de couverture de risques.

Je trouvais que c'était une idée intéressante, c'était une idée qui était originale, qui permettait probablement de faire des pas en avant. Mais ce n'est pas le moment, M. le Président. Ce n'est pas quand vous tapochez quelqu'un, quand votre partenaire dans le gouvernement est en train de lui dire: Pas de pacte fiscal, des fusions forcées, etc., que l'autre côté, l'autre bras du gouvernement, qui est le ministre de la Sécurité publique, lui dit: Un instant, j'aurais besoin de votre collaboration pour mettre de l'avant le schéma de couverture de risques. Pensez sérieusement! Est-ce que les gens vont embarquer de plain-pied là-dedans? La réponse, on le sait, M. le Président, ils ont beaucoup de réticences envers ce gouvernement, compte tenu de l'expérience qu'ils ont eue avec les différentes mesures mises de l'avant pas la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre des Affaires municipales.

M. le Président, il y a une autre question qui se pose. Elle a encore été rappelée, parce que je pense que le député de Saint-Laurent a fait un exposé exhaustif des différentes facettes de la loi. Une autre question se pose: Ces mesures qui sont à l'heure actuelle à l'intérieur du projet de loi, il va y avoir des coûts. Alors, on dit: Oui, il va y avoir des coûts. Ça va donc engendrer pour les administrations municipales... ça va se reporter non pas sur elles, parce qu'elles ne génèrent pas d'argent, les municipalités, vous le savez bien, M. le Président, ça va augmenter, ça va se retrouver, à la fin, sur le compte de taxes municipales. Et ça, c'est intéressant.

Alors là le ministre a dit: Oui, mais, parce que ça risque de diminuer les risques d'incendie, là vous allez aussi avoir une baisse dans vos primes d'assurance incendie. Alors, M. le Président, il faut bien comprendre comment sont calculées les primes. Je pense que le ministre le sait aussi bien que moi, et le député de Saint-Laurent l'a rappelé aussi, mais il faut bien le comprendre. Les primes d'incendie sont établies en fonction d'un historique, autrement dit, sur une période de cinq ans ou 10 ans, quels ont été les sinistres qui se sont produits dans telle ou telle région? C'est-à-dire que la réduction éventuelle des primes d'assurance – si tant est qu'il y en ait – ne pourra avoir lieu que dans cinq ans, voire dans 10 ans, tandis que les augmentations, les coûts sur le compte de taxes municipales vont être immédiats.

Ça veut dire que vous allez être sûr d'augmenter votre compte de taxes municipales; ça, c'est une réalité. Par contre, vous avez une éventuelle... À long terme, dans cinq ans ou dans 10 ans, on pourrait peut-être considérer une possibilité, si les mesures dans le projet de loi sont suffisamment significatives pour diminuer dans une région donnée les incendies qui se sont produits, vous pourrez peut-être voir... Je dis bien «peut-être», parce qu'à ce moment-là – et le député de Saint-Laurent l'a rappelé – les assureurs, ceux qui sont venus témoigner devant nous en commission parlementaire, nous ont bien dit: C'est loin d'être certain qu'il y aurait une réduction de prime, et, si tant est qu'il y a une réduction de prime, elle n'aura pas lieu immédiatement, elle ne pourra avoir lieu que dans un horizon de cinq ans ou de 10 ans.

(12 h 50)

M. le Président, au départ, comprenez donc que les partenaires municipaux, vous les impliquez dans ce projet de création du schéma de couverture de risques, premièrement. Deuxièmement, ils savent que participer ou suivre les obligations de la loi va les obliger à devoir augmenter les comptes de taxes sans nécessairement que le citoyen y voie, à court terme du moins, une baisse dans ses primes d'assurance incendie, donc ils vont avoir, eux, à porter la responsabilité devant leurs concitoyens de l'augmentation des taxes municipales dans un cadre où ils demandent depuis des lustres au gouvernement de revoir le pacte fiscal avec le gouvernement du Québec, et on est encore dans une impasse au niveau des discussions sur le pacte fiscal.

Alors, dans ce cadre-là, cette toile de fond, le projet de loi n° 112 est particulièrement malvenu. C'est comme, voyez-vous, une bonne idée qui va devoir germer sur un sol qui est un sol rocailleux, où cette graine serait porteuse mais malheureusement – vous connaissez la parabole du semeur, M. le Président, j'en suis sûr – au lieu d'être semée dans un sol fertile, elle va être semée sur un sol rocailleux et ne pourra pas donner tout le potentiel qu'on peut voir à l'intérieur de ce projet de loi

Alors, M. le Président, la sagesse, je crois qu'il faudrait – et encore une fois c'est dans ce sens-là qu'on s'adresse au ministre – retarder l'adoption du projet de loi n° 112. Il a des trous importants, mais surtout le partenaire avec qui vous devez construire ce qui est conclu dans la loi n° 112 n'est pas présent au rendez-vous.

Troisième point, M. le Président, la loi. Parce que la loi, en plus des questions qui touchent les schémas de couverture de risques, va toucher aussi la formation. Et, en commission parlementaire, on a eu beaucoup de représentations sur cette question de formation. Malheureusement, on n'a pas vu de modifications à l'intérieur du projet de loi, et je vais les rappeler au ministre.

Une inquiétude d'abord. Je voudrais spécifiquement ici dire que l'opposition y tient, à cette question. Bien sûr, il existe et puisque le ministre est député d'une circonscription de Laval, nous savons tous qu'il existe, dans la commission scolaire de Laval, une formation de qualité pour la formation des pompiers, formation dont l'École des pompiers pourra s'inspirer lorsqu'elle bâtira ses programmes. Je tiens aussi à rappeler, M. le Président, que la commission scolaire de Laval n'est pas la seule, qu'il existe – et je sais que c'est un organisme privé, mais au Québec on reconnaît l'existence à la fois, dans le système d'éducation, du système d'éducation public et du système d'éducation privé – il existe ici, juste à côté, à Cap-Rouge, dans le collège Notre-Dame-de-Foy, aussi une école de formation actuellement de pompiers. Et je dis: Nous souhaitons ici, de la part de l'opposition, que ces ressources éducatives, qu'elles soient du secteur public de la commission scolaire de Laval ou du secteur privé actuellement au collège de Notre-Dame-de-Foy, à Cap-rouge, que ce potentiel qui existe puisse être intégré réellement à l'intérieur, dans les programmes de l'École de pompiers. C'est important, M. le Président, il ne s'agit pas de faire de discrimination contre l'un ou contre l'autre.

Troisième élément, toujours sur les questions de formation, je voudrais y revenir aussi, le projet de loi ne parle pas de la formation des officiers. Et le ministre doit le savoir, parce que je crois, si je ne m'abuse, que le cégep en question se trouve dans son propre comté – le cégep Montmorency, à ce que je ne m'abuse, doit être dans le comté de Laval-des-Rapides – que, dans le comté de Laval-des-Rapides, le cégep Montmorency offre une formation, au niveau collégial à ce moment-là, pour les officiers, c'est-à-dire les personnes responsables dans le secteur de pompier. Et il me semble qu'il serait intéressant que la loi, ici, lorsqu'on est en train de réformer complètement les questions de formation des pompiers, ne parle pas simplement de la formation des pompiers au niveau, disons, du secondaire professionnel, mais aussi intègre ou voie à intégrer les responsabilités que nous voyons au niveau collégial dans le cégep Montmorency.

Nous aurions souhaité, après les périodes où nous avons longuement discuté de la formation des pompiers, qu'il y ait au moins, dans le discours du ministre, l'annonce qu'il allait amender sa loi pour reconnaître ce qui se passe dans son propre comté, à savoir l'expertise que le collège Montmorency a développée pour la formation des officiers des corps de pompiers.

De plus, M. le Président, toujours sur la formation, il existe, lorsqu'on parle des incendies, un secteur qui est un secteur un peu plus spécialisé, c'est le secteur du gaz naturel. Et – c'est important que le ministre s'en rappelle – Gaz Métropolitain est venue en commission nous dire: Nous avons une expertise, l'expertise pour savoir comment, lorsque vous avez une fuite de gaz – et vous savez à quel point un manque d'expertise a été à l'origine du drame à l'Accueil Bonneau, M. le Président... Ce que sont venus nous dire actuellement les représentants de Gaz Métro, c'est: Nous avons l'expertise sur comment traiter, comment aborder les questions de fuites de gaz et nous sommes prêts à la donner, à l'offrir réellement à la population. Il faudrait intégrer dans les programmes de formation – et Gaz Métro était prête à le faire – cette formation.

Nous aurions souhaité ici que, si le ministre veut s'obstiner à aller de l'avant avec son projet de loi et continuer malgré les recommandations amicales que l'opposition lui fait actuellement, dans son discours de présentation, il rappelle ces offres à la fois du collège Montmorency, qui est dans son propre comté, et de Gaz Métro que, vraiment, tout à fait, d'une manière très généreuse, ils sont venus apporter pour améliorer et bonifier le projet de loi. Malheureusement, j'ai entendu avec beaucoup d'attention le discours du ministre: rien, ni sur la formation des officiers de pompiers, rien non plus sur cette offre de Gaz Métro.

Alors, M. le Président, nous, de l'opposition, notre premier souhait, ça serait qu'après ces efforts, ici, le ministre comprenne le bon sens et nous dise: Ce n'est pas le moment pour adopter le projet de loi n° 112. Et nous l'avons reconnu, il y a des choses intéressantes dans son projet de loi. Et je le reconnais tout de suite, j'ai été en partie séduit par l'idée du schéma de couverture de risques et la volonté d'améliorer la formation des pompiers. C'est quelque chose sur quoi on ne peut pas ne pas être intéressé sur le plan strictement intellectuel. Mais, actuellement, aller de l'avant avec le projet de loi, dans le climat actuel – et c'est ça, la question qu'on essaie de vous dire, M. le Président – c'est réellement vouer toute cette réflexion qui a été faite par le ministre directement à l'échec.

De surcroît, M. le Président, et je vois que je commence à arriver au bout de mon temps, mais je voudrais quand même pouvoir dire ça, bien rappeler aux gens qu'il n'y aura pas, à court terme, d'économies. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas aller de l'avant. Mais il faudrait qu'on soit clair et dire: L'amélioration en question de la protection sur les incendies, ça va avoir un coût pour vos taxes municipales, et ne pensez pas qu'il y aura des réductions de primes d'assurance correspondantes.

Et, en dernier lieu, M. le Président, je voudrais rappeler que tout un élément, un pan de la formation devrait être inclus à l'intérieur du projet de loi. Il n'y a pas que la commission scolaire de Laval, il y a aussi l'école privée à Notre-Dame-de-Foy, il y a aussi le cégep Montmorency. Ce sont des éléments que vous voudrions voir inclus dans le projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Alors, compte tenu de l'heure, je suspens les travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons prendre quelques minutes de réflexion, de recueillement.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Boulerice: M. le Président, c'est l'article 5, donc l'adoption du principe du projet de loi n° 112.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie. Est-ce qu'on avait commencé le débat sur ce projet-là? Oui? Alors, c'est la poursuite. Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Marquette, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Oui. Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi sur la sécurité des incendies. J'ai eu le plaisir de participer à quelques-unes des commissions parlementaires dans l'avant-projet de loi et puis, par la suite, le projet de loi comme tel. C'est un projet de loi qui contient 183 articles et qui prévoit de nouvelles responsabilités pour le citoyen, pour les MRC ou les communautés urbaines, pour les municipalités et leurs services de sécurité incendie. Il préconise également la création de l'École nationale de pompiers, modifie le rôle du commissaire-enquêteur aux incendies et, finalement, confirme le rôle de conseiller et de décideur du ministère de la Sécurité publique dans le domaine de la sécurité incendie.

(15 h 10)

M. le Président, le porte-parole en matière de sécurité publique, mon collègue le député de Saint-Laurent, l'a dit très clairement ce matin, nous sommes en faveur des grands principes qui sont derrière le projet de loi. C'est de la vertu, ni plus ni moins, sauf que c'est un projet de loi qui est prématuré. Lorsqu'on regarde l'ensemble des activités gouvernementales concernant les municipalités, entre autres toute la question des fusions forcées, lorsqu'on regarde également le rapport qui avait été déposé par M. Roger Nicolet – et on attend toujours les suites que donnera à ce rapport le ministre de la Sécurité publique; on se rappelle bien sûr de la crise du verglas – eh bien, tout ça fait partie d'un même ensemble parce que la sécurité civile et la sécurité publique sont intimement liées. Lorsqu'on regarde également les charges qu'on impose à la fois aux citoyens et puis, par la suite, aux MRC et aux municipalités, on se pose la question: Comment pouvons-nous accepter qu'un gouvernement mette de l'avant de telles obligations sans, pour la suite, nous informer des moyens qui seront mis à la disposition des municipalités, des MRC également, pour assurer la mise en oeuvre de ce projet de loi là?

J'écoutais mon collègue député de Saint-Laurent nous indiquer ce matin que le ministre avait refusé de lui donner copie du règlement qui accompagnerait normalement le projet de loi afin que les parlementaires puissent prendre des décisions de la façon la plus éclairée possible. Mais le ministre a préféré répondre au député de Saint-Laurent, semble-t-il, qu'il verrait plus tard le projet de règlement. M. le Président, lorsqu'on regarde l'obligation qui est faite aux citoyens, premièrement, le projet vise à ce que chaque citoyen veille à supprimer ou à réduire les risques d'incendie. Pour ce faire, les citoyens auront l'obligation de déclarer à leurs municipalités respectives toute activité ou tout bien représentant un risque élevé ou particulier d'incendie, selon un règlement que peut prendre le gouvernement.

M. le Président, mettez-vous dans la peau de la municipalité. Il y en a plus de 1 300 au Québec. Imaginez-vous si chacun et chacune des citoyens et citoyennes du Québec se mettent à respecter l'obligation que souhaite imposer le ministre de la Sécurité publique, imaginez-vous le genre de travail que ça va occasionner pour l'ensemble des municipalités. Je vais relire, là, une des obligations qui sont faites à chacun des citoyens: les citoyens auront l'obligation de déclarer à leurs municipalités respectives toute activité ou tout bien représentant un risque élevé ou particulier d'incendie, selon un règlement que peut prendre le gouvernement. Donc, on n'a pas encore la teneur du règlement, mais on comprend que, dans le projet de loi, il est inscrit une obligation qui est faite à chacun des citoyens à travers la province et qui pourrait s'avérer un fardeau assez lourd à supporter, et une obligation également qui est faite à chacun des citoyens...

Qu'arrive-t-il, M. le Président, dans le cas où un citoyen ne pense pas que l'activité qu'il exerce constitue un risque particulier d'incendie? Il n'y a aucune réponse qui est fournie à ce moment-ci. Et, selon le risque, le citoyen pourra être tenu de prendre à sa charge les mesures nécessaires pour assurer la protection des personnes et des biens. Donc, c'est quand même une obligation qui est importante, et peut-être que le problème que nous avons au Québec comme législateurs...

Il est facile, à partir du salon bleu, à partir de notre tour d'ivoire au niveau d'un ministère, de décréter toutes sortes de choses et puis, par la suite, d'imposer des obligations aux citoyens, aux citoyennes, aux municipalités, aux MRC, à différents acteurs de notre société. Et, lorsqu'on multiplie les obligations qui sont imposées à l'ensemble des citoyens par l'ensemble des ministères, on croit comprendre que c'est une charge de travail qui devient insurmontable. Et pourtant il y a un principe sacré dans notre démocratie: nul n'est censé ignorer la loi.

M. le Président, est-ce que tous les citoyens seront informés de cette nouvelle obligation qui leur sera faite par le ministre responsable de la Sécurité publique d'informer la municipalité – par quel biais? par écrit? verbalement? de quelle façon? – et de déclarer toute activité ou tout bien qui représente un risque élevé ou particulier d'incendie? Placez-vous dans la peau des élus de votre municipalité ou dans la peau des fonctionnaires de cette municipalité-là qui devront gérer dorénavant toute la paperasserie que cela va générer et les appels téléphoniques que ça va générer par la suite – et le ministre de la Sécurité publique ne semble pas s'en soucier – tout ce que cela peut avoir comme conséquences que d'imposer cette obligation.

Par la suite, d'autres obligations sont placées au niveau des MRC et au niveau des communautés urbaines. Or, en lisant le projet de loi, nous apprenons que les MRC ou, selon le cas, les communautés urbaines et l'Administration de Kativik, en liaison avec les municipalités, devront établir également un schéma de couverture de risques destiné à déterminer les objectifs de protection optimale contre des incendies qui peuvent être atteints par le développement de mesures adéquates et par une gestion efficiente de l'ensemble des ressources disponibles, comme si les municipalités n'avaient pas suffisamment de responsabilités et comme si les municipalités n'étaient pas en mesure d'assumer leurs propres responsabilités. M. le Président, je suis convaincu que le ministre de la Sécurité publique se rappelle fort bien du comportement de son ministère pendant la crise du verglas et à quel point son ministère était tout à fait inapte et incapable d'assumer les responsabilités en cette période de crise. Heureusement, nous avions les municipalités. Heureusement, nous pouvions nous fier sur ces personnes élues et non élues pour assurer notre bien-être collectif, parce que, au niveau de la Sécurité civile, moi, je me souviens, nous allions rencontrer les forces policières et les pompiers dans les villes, entre autres à ville Saint-Pierre et à ville Lachine, et que personne ne comprenait absolument rien des directives qui leur étaient transmises par le ministère de la Sécurité publique par le biais de la Sécurité civile. Et la décision qui a été prise, c'est tout simplement d'ignorer la Sécurité civile parce qu'elle manifestait une telle incompétence que nous ne pouvions attendre après la Sécurité civile pour assurer le bien-être des citoyens et des citoyennes du comté de Marquette dans ces circonstances de crise.

Alors, aujourd'hui, quelques mois plus tard, de sa tour d'ivoire, le ministre de la Sécurité publique, avec les mêmes gens qui étaient au coeur de cette crise-là à l'époque, lui vient décréter pour le bien des municipalités comment elles devront se gouverner en matière de sécurité d'incendie et vient leur imposer une série de recommandations. Moi, en tous les cas, j'aime mieux faire confiance localement aux personnes qui savent ce qui doit être fait qu'à un ministre qui veut légiférer pour l'ensemble de la province, à la fois dans des municipalités où il y a des pompiers volontaires, où il y a des pompiers dont c'est le métier principal.

M. le Président, par ailleurs, le schéma de couverture devra comprendre l'inventaire des risques. Imaginez-vous, on vient tout juste de demander aux citoyens – et à chaque citoyen – d'appeler à la municipalité ou de lui écrire pour lui faire part de situations qui pourraient être à risque concernant toute activité ou tout bien représentant un risque élevé ou particulier d'incendie. Prenons comme hypothèse la situation où tous les citoyens à travers la province ont respecté l'obligation légale imposée par le ministre de la Sécurité publique. On demande par la suite à chacune des municipalités, des MRC d'en faire l'inventaire, des risques sur leur territoire. Imaginez-vous, là, qu'est-ce que ça peut représenter pour une ville comme Montréal, par exemple. Il faut connaître Montréal, ou la ville de Saint-Laurent, ou la ville de Lachine. C'est un travail qui est colossal et qui est considérable. On demande à la ville de prendre l'inventaire des risques, des mesures de protection existantes, des ressources humaines, matérielles et financières qui sont affectées à la sécurité incendie, ainsi qu'une analyse des relations fonctionnelles. Il doit comprendre les objectifs de protection optimale contre les incendies que les municipalités sont en mesure d'atteindre. C'est le ministère qui va en déterminer les orientations.

(15 h 20)

Encore une fois, M. le Président, de façon concrète, la commande que passe le ministre de la Sécurité publique à l'ensemble des municipalités et des MRC, mis à part celle qui est passée aux citoyens, ça n'a pas de sens. À mon point de vue, d'un point de vue concret, d'un point de vue de fonctionnement, ça n'a aucun bon sens, tout ce que peut demander le ministre de la Sécurité publique. Et ça paraît si facile lorsqu'on prend connaissance des articles du projet de loi. À première vue, on peut penser que c'est une bonne chose et qu'on poursuit la vertu par le biais des objectifs qui sont poursuivis par le ministre de la Sécurité publique. Mais, lorsqu'on en fait l'application concrète, c'est une tâche quand même qui est colossale, à une époque où on semble vouloir réduire la taille de l'État, réduire la bureaucratie, les administrations. Mais, d'en haut, on semble multiplier les commandes qui se dirigent vers les municipalités.

Ça va prendre des personnes additionnelles dans chacune des villes, et des municipalités, et des MRC pour gérer les commandes qui sont placées par le ministre de la Sécurité publique. Je ne sais pas s'il en est conscient, M. le Président, mais c'est problématique. J'ai toujours pensé qu'au sein du gouvernement il y avait un secrétariat à la déréglementation qui avait comme mandat de faire l'opposé, l'inverse de ce que propose le ministre dans sa loi sur la sécurité des incendies.

Un peu plus loin, on dit ceci dans le projet de loi: une fois connues, les municipalités donneront leur avis sur ces propositions en faisant mention des impacts sur l'organisation des ressources humaines, matérielles et financières. Et, à l'issue de ces échanges, l'autorité régionale arrêtera des objectifs de protection. Il faut comprendre c'est qui, l'autorité régionale. Si on parle des villes de la Communauté urbaine de Montréal, il n'est pas évident que ça va se passer si facilement que cela. C'est d'application extrêmement difficile et problématique, la commande qui est placée par le ministre de la Sécurité publique.

Le projet sera par la suite soumis à un processus de consultation de la population par l'autorité régionale au cours d'une assemblée publique, et des modifications pourraient y être apportées. M. le Président, à nouveau, imaginez le processus, les obligations qu'on a placées sur le dos des citoyens. Par la suite, on charge les municipalités et les MRC de faire l'inventaire de tous les risques puis, par la suite, il y a consultation entre les autorités régionales et les villes. Et je vous soumets que, dans une région que je connais bien, la région de Montréal, ça m'apparaît particulièrement problématique.

Puis, par la suite, une fois que tout ce travail est fait, là on va resoumettre ça à la consultation publique. Là, il pourrait y avoir toutes sortes de modifications qui seraient apportées. Ce n'est pas si facile que ça, ce que propose le ministre, et je ne sais même pas quel est l'objectif véritablement poursuivi lorsque le ministre dit: On souhaite avoir une plus grande sécurité pour éviter des feux et pour éteindre des feux. Mais on met en place une mécanique qui est tellement lourde, tellement difficile de compréhension, tellement onéreuse au niveau des ressources humaines qui devront contribuer à mettre sur pied tout ce que demande le ministre de la Sécurité publique, après avoir vécu l'expérience de la crise du verglas où ça a été véritablement l'échec et la catastrophe la plus totale provenant du ministère de la Sécurité publique. Alors, moi, je regarde, j'entends mes élus locaux qui prennent connaissance de ce projet de loi là. Ils ont en tête les souvenirs de janvier 1998, la complète inefficacité du ministère de la Sécurité publique. C'est ce même ministère là aujourd'hui qui veut leur imposer une série d'obligations, pas juste aux élus, pas juste aux administrateurs, mais également à chacun et à chacune des citoyens et des citoyennes. Je ne sais pas où le ministre se dirige avec ce projet de loi là.

Le schéma de couverture de risques devrait être établi dans un délai de deux ans de l'avis prescrivant l'établissement du schéma. Au terme des consultations, le projet de schéma sera soumis à l'approbation du ministre. Ah bon! Maintenant, M. le Président, une fois qu'on a consulté les élus entre eux, les fonctionnaires, qu'on a placé des obligations sur les épaules des citoyens, par la suite il y a consultation du public, et là on vient rajouter une nouvelle étape, le ministre doit y donner son aval, tout ça dans une grande perspective de décentralisation, hein? Rappelez-vous du discours gouvernemental de la décentralisation, de faire confiance aux gouvernements locaux, aux autorités locales qui sont les mieux placées pour prendre les décisions dans l'intérêt des citoyens qu'ils desservent. Et là on constate à quel point le processus par le député de Laval-des-Rapides – c'est bien ça? – est centralisé et centralisateur également.

Donc, au terme des consultations, ça doit recevoir l'approbation du ministre. Alors, vous allez me dire, M. le Président, que le ministre, lui, va être en mesure de déterminer pour Laval, pour Montréal, pour la Rive-Sud, pour la Gaspésie, pour le Bas-Saint-Laurent, pour l'ensemble des 17 régions au Québec si le schéma de couverture des risques est très bon pour chacune de ces régions parce que, lui, il a une bonne connaissance de la réalité de chacune de ces régions-là. Le ministre de la Sécurité publique, député de Laval-des-Rapides, lui, il a cette connaissance-là de chacune des 17 régions et il va être en mesure, lui, d'approuver ou de désapprouver le schéma de couverture de risques qui aura été proposé localement par les autorités, les instances, après consultation du public.

M. le Président, permettez-moi de vous dire que j'aurais des craintes si jamais le ministre décidait de ne pas approuver certains de ces schémas de couverture de risques là parce que lui penserait en savoir plus localement que les autorités locales. Donc, il devrait délivrer par la suite une attestation de conformité dans les 120 jours ou proposer des modifications qui ne seront pas soumises à la consultation.

Autre élément problématique dans une perspective de décentralisation, le ministre de la Sécurité publique se garde le pouvoir, lui, de déterminer ce qui est acceptable, ce qui n'est pas acceptable, et puis, par la suite, lui décide qu'il ne soumettra pas ça à la consultation. Alors qu'il impose des obligations aux autorités locales de consulter le public via un minimum d'une assemblée publique, lui, le ministre, là, il se garde bien de consulter le public.

M. le Président, on constate – il me reste à peine une minute et demie – pourquoi le député de Saint-Laurent a dit: Nous sommes d'accord avec les grands objectifs poursuivis par le ministre par le biais de son projet de loi. Mais en quoi le projet de loi qui est soumis aux parlementaires est problématique et prématuré, ne tient pas compte des grands discours gouvernementaux, entre autres celui de la décentralisation, ne tient même pas compte du fait que la réalité des municipalités, des MRC risque d'être changée à très court terme par la ministre des Affaires municipales qui, elle, souhaite forcer des fusions sur chacune de ces entités-là? Alors, comment allons-nous pouvoir mettre en application un projet de loi qui comporte par ailleurs de nombreuses – et de très nombreuses – lacunes, qui ne parle aucunement des moyens qui seront mis à la disposition des différentes autorités locales pour pouvoir assumer les nouvelles responsabilités que souhaite leur confier le ministre de la Sécurité publique? Et on n'a même pas parlé des coûts qui seront générés par la nouvelle École des pompiers. Qui va assumer ces coûts-là?

Tout ça est mystère, aujourd'hui, M. le Président, ce qui fait en sorte que nous ne pouvons appuyer un projet de loi qui a été mal ficelé, qui a été mal attaché. Les devoirs, on le sent, ne sont pas faits, je ne sais pas trop pour quel motif. C'est un projet de loi, je pense, que le ministre devrait retirer pour aller refaire ses devoirs et lorsqu'il sera prêt, revenir devant les parlementaires. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi n° 112, projet de loi sur la sécurité des incendies, est un projet de loi certainement très important parce qu'il touche à la sécurité publique, car, en effet, qu'y a-t-il, au niveau de la sécurité publique, de plus primordial, ou du moins de très important, que l'organisation des services de sécurité incendie? C'est en effet, à travers tous les pays, toutes les sociétés, un service de base qui est reconnu comme étant un des premiers services essentiels. Et, depuis presque, je dirais, l'antiquité, peut-être pas, mais au moins quelques centaines d'années et milliers d'années peut-être, une des premières préoccupations de l'homme, de l'être humain qui s'organise en société, qui s'est organisé en villages et, par la suite, en villes, c'était d'organiser justement des systèmes de services de protection d'incendie, parce qu'on se rappelle qu'à l'époque un incendie qui pouvait prendre dans une partie du village ou de la ville pouvait réduire à néant des dizaines et des dizaines d'années d'efforts, de construction, de développement et jeter dans la précarité la plus totale et la misère, bien sûr, les populations. Alors, lorsqu'on parle de services d'incendie, nous parlons de choses fondamentales, et il appartient à toute société bien sûr de voir à réglementer ce service-là et à voir à le rendre les plus efficace possible, le plus performant possible et en tenant compte des coûts qui en découlent.

(15 h 30)

M. le Président, il est vrai que le Québec, comme toutes les autres sociétés, a besoin aussi à l'occasion, bien sûr, de voir ses structures et les services qui sont donnés être l'objet d'une révision, d'une réorganisation et d'une actualisation, et c'est certainement le cas des services d'incendie, d'autant plus que nous avons ici, au Québec, comme vous le savez, un nombre très important de municipalités, de villes, de villages, de paroisses – on me parle d'à peu près 1 400, 1 450, 1 435 municipalités – et que chacune des municipalités doit avoir et est obligée d'avoir, pour protéger ses citoyens, les habitations et les autres établissements, qu'ils soient industriels ou commerciaux, un minimum de protection d'incendie. Et, si elle n'est pas obligée par la loi, elle est obligée au moins dans les faits parce que, s'il y a un incendie qui arrive dans une paroisse quelque part, il faut être capable de pouvoir l'éteindre. Et personne ne voudrait établir une entreprise dans un endroit où il n'y a pas de protection contre les incendies, personne ne voudrait établir sa propriété dans un endroit où il sait que, s'il lui arrivait ce genre de sinistre là, eh bien, il serait privé bien sûr de protection et de services d'intervention.

Alors, M. le Président, le projet de loi du ministre a deux aspects. Le premier aspect, c'est que, bon, il s'attaque à cette réflexion et il essaie de voir comment actualiser d'une façon moderne et peut-être plus actuelle toute cette organisation des incendies au Québec. Il parle en particulier de l'implication du citoyen. Certes, il est vrai que le citoyen – est-ce qu'on parle du citoyen physique? du citoyen moral? on parle de l'entreprise ou simplement du simple résident? et peut-être parle-t-on des deux en même temps – a le devoir, lui aussi, de faire en sorte de concourir à ce que les risques d'incendie soient limités. C'est normal, tout le monde doit faire preuve d'une certaine protection, d'une certaine vision des risques ou des choses qui pourraient arriver, et créer ce genre de situation, et donc amener une participation. C'est normal, et je ne vois pas là la raison de le mettre dans un projet de loi.

Maintenant, peut-être qu'on pense qu'en le mettant dans le projet de loi on envoie là un message. Moi, j'ai toujours cru et pensé que les Québécois et les Québécoises étaient conscients de ce genre de choses là et, que ce soit les entreprises ou autres, résidences, que personne ne voulait s'exposer ou prendre le risque d'être victime de sinistre, et que, bon, on prendrait les moyens soi-même, au départ, pour minimiser ces choses-là. Il suffit de penser aux citoyens qui, dans leur résidence personnelle, installent des systèmes d'alarme, des indicateurs de fumée ou de vapeurs toxiques qui décèlent bien souvent un incendie lorsqu'il se présente, M. le Président, un peu comme on installe des alarmes aussi contre les effractions. Même, certaines personnes, certaines résidences vont jusqu'à les relier à des centrales, ce qui permet, lorsqu'ils sont absents, bien sûr, de détecter des sinistres. Donc, on voit là qu'il y a déjà une implication d'un grand nombre de citoyens vers cette idée de protection et d'application.

Maintenant, les entreprises. C'est évident que tout chef d'entreprise qui a une usine, qui a un entrepôt, a un intérêt, bien sûr, à voir à la protection de son bien, de son industrie, bien sûr, contre les sinistres. Et, s'il ne fait pas, M. le Président, installer un certain nombre de mécanismes de protection ou d'intervention, bien, les compagnies d'assurances vont lui faire durement... peut-être pas durement, mais rapidement payer des coûts supplémentaires d'assurance, donc, pour le stimuler là-dedans. Et, là encore, donc, je ne vois pas forcément un besoin de légiférer là-dessus.

Mais, quand même, je crois que le ministre le fait en partant d'une bonne intention et que, cédant encore une fois pas au défaut, mais à la tendance de son gouvernement de penser que tout se règle par loi ou par règlement dans une société que nous, de notre côté, nous voulons un peu plus libre, un peu plus autonome et directrice de ses propres problèmes ou situations, bien, lui a décidé qu'il pensait nécessaire de l'inscrire dans son projet. Et, ma foi, après tout, on ne peut pas lui en faire grief, on peut juste le mentionner en disant qu'il y a peut-être deux manières de voir les choses et que la sienne, bon, peut-être, est comme elle est dans le projet de loi, et que nous, bien, nous pensons plutôt que les citoyens sont des gens responsables, des gens avisés qui ont à coeur la protection de leur patrimoine et de leurs appareils de production.

M. le Président, on parle aussi dans ce projet de loi de formation professionnelle, on parle de normes d'incendie, et je crois en effet que, au Québec, à cause justement du grand nombre de villes ou de municipalités, de petits villages qui existent, eh bien, il y a des pompiers volontaires. Les pompiers volontaires, en ce qui me concerne, moi, c'est la base de l'esprit communautaire, de l'esprit du village, car, en effet, M. le Président, un pompier volontaire, chacun le sait, n'est pas quelqu'un qui est payé à salaire, ou c'est très marginal. Il y a une petite indemnité dans certains endroits. Peut-être pas partout, je ne pourrais pas le dire, je ne connais pas les conditions qui régissent l'ensemble des institutions, des corps de pompiers volontaires, mais il n'en reste pas moins que ce sont là des gens qui décident de mettre leur talent, leur disponibilité, leur force, leur volonté de servir leur communauté au service de leurs concitoyens.

Et, lorsque la sirène sonne, lorsque... Maintenant, c'est un système d'alarme, on a maintenant un répondeur. Avant, c'était la sirène. Je ne sais pas si les gens qui nous écoutent se souviennent de ça, mais il y avait la sirène. Elle sonnait deux fois ou trois fois. Dépendant que c'était deux fois, c'était pour un feu de grange; trois fois, c'était pour un feu de maison; et quatre fois, c'était pour un feu d'usine. Et là les gens arrivaient. Alors, on savait qu'à la première fois ça demandait trois pompiers volontaires. Alors, les trois sur le premier rôle de service quittaient, se rendaient à la caserne ou directement – appelaient pour savoir où était le feu – sur le feu. Et ils avaient leur équipement installé dans leur coffre de voiture, ceux qui étaient de premier service, puis le deuxième et le troisième, dépendant de la grosseur du sinistre.

Alors, M. le Président, ça, c'est le système qui réside encore probablement dans les municipalités du Québec. Mais, aujourd'hui, on a modernisé ça et on a ce qu'on appelle – je ne sais pas si on doit dire ça ici, en cette Assemblée nationale – des pagettes, et lorsque ça sonne, on regarde et on dit: Ah! C'est la caserne qui appelle, ou c'est le chef des pompiers, et là on dit: Rends-toi à la 52e rue, ou au deuxième rang, il y a là un incendie, une grange qui brûle. Et le citoyen saute dans sa voiture et se rend bien sûr au sinistre. Alors, ça a évolué, bien sûr.

Mais aussi a évolué le genre de sinistres. On sait que maintenant, dans bon nombre de municipalités ou de petites villes ou de petits villages, des industries sont venues s'établir. Ce n'est pas une industrie de production, tout le temps, lourde, ça peut être des industries de produits d'engrais. Ça peut être des industries d'élevage, mais des industries qui utilisent différentes techniques ou technologies ou différents produits de manufacture et de production. Ça peut être des essences particulières. Ça peut être du courant électrique de haut voltage. Ça peut être des éléments qui peuvent dégager des gaz. En tout cas, M. le Président, autant le monde a évolué, autant la production a évolué, autant les risques d'incendie ont évolué et les problèmes qui en découlent ont changé.

Alors, c'est évident que nous devons penser, nous devons voir à ce que les pompiers volontaires soient le mieux formés pour toutes sortes de raisons, la première étant bien sûr l'efficacité de pouvoir éteindre cet incendie d'une manière efficace, rapide, sans créer de dégâts excessifs au niveau environnemental, entre autres choses. Parce qu'on sait que, dépendant de l'intervention qu'on peut faire, de la façon dont on procède pour éteindre un incendie, on peut créer des dommages collatéraux. Ça, c'est une des premières raisons qui demandent de la formation professionnelle pour ces pompiers volontaires qui, rappelons-le, M. le Président, bien sûr, ne sont pas des professionnels, ne sont pas des gens qui ont dû faire l'École des pompiers de Montréal ou de Laval, ce sont des gens qui sont bénévoles et qui aspirent simplement à servir leurs citoyens, en échange quelquefois d'une petite prime, très, très marginale.

Il y a aussi bien sûr leur propre sécurité, parce que la façon dont on va s'attaquer à un incendie, la façon dont on va intervenir sur un sinistre va faire en sorte que l'on peut mettre en danger la sécurité du pompier qui va intervenir, mais aussi des gens qui sont autour, car, M. le Président, ces nouveaux feux, ces nouveaux risques qui sont le résultat du modernisme et du développement économique et même des nouveaux matériaux de construction dans les maisons ou dans les immeubles, eh bien, font en sorte que nos pompiers doivent devenir de plus en plus au courant des nouvelles technologies et des nouvelles façons de fonctionner dans ces situations. Alors, il faut leur faire de la formation professionnelle.

(15 h 40)

Maintenant, ça coûte cher, tout ça, M. le Président. Alors, la question à se poser, c'est: Une petite municipalité qui a 400, 500, 600, 800 habitants, comment va-t-elle faire pour encourir ces frais de formation? Parce qu'on ne parle pas d'envoyer les gars ou les femmes – il peut y avoir des femmes, mais surtout des gars, c'est un métier généralement où les hommes sont prépondérants, dans les pompiers – bien, faire un premier cours, un premier stage de, je ne sais pas, quelques jours ou une semaine dans un centre de formation de pompiers. Par la suite, il y a une formation continue qui doit se faire. C'est évident que, avec Internet, avec les moyens de communication modernes, cela devient plus facile, mais, quand même, il va falloir qu'il y ait une formation permanente pour maintenir ces gens-là à niveau, et ça va coûter cher. Ça va coûter cher pour la municipalité, bien sûr, parce qu'elle va payer ces cours, aussi parce que les disponibilités de ces pompiers-là vont devenir un peu plus importantes, parce que c'est évident qu'ils ne feront peut-être pas la formation sur leurs heures de travail dans les entreprises, mais leurs fins de semaine ou le soir, et ça va coûter aussi un certain dédommagement pour ces gens-là.

Or, M. le Président, la question que nous posons, c'est: Qui va devoir assumer ces coûts-là, alors que nous savons très bien qu'actuellement les municipalités réclament du gouvernement certains arrangements fiscaux parce qu'elles pensent que de plus en plus le gouvernement du Québec leur transfère un certain nombre de responsabilités pour lesquelles elles ne sont pas équipées ou, lorsqu'elles doivent s'équiper, bien sûr, les fonds qui devraient les accompagner ne sont pas là. En particulier, on parle de pacte fiscal avec les municipalités, entre autres choses. On nous dit que ça va se régler, mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas encore réglé.

Alors, est-ce qu'on ne met pas un peu la charrue avant les boeufs? Est-ce qu'on ne va pas un peu en avant? On ne va jamais assez vite lorsqu'il s'agit de protéger des incendies. Le ministre va se lever, il va dire: Le député, il voudrait qu'on ait réglé tout avant de protéger les citoyens de ces incendies. C'est vrai, on peut employer cet argument-là. Mais, moi, je dirai surtout: Faisons donc l'effort de régler plus vite aussi ce qui vient en avant afin de pouvoir régler aujourd'hui ce qui en découle, entre autres l'organisation des services d'incendie. Et il y a quelque chose que je n'ai pas vu – c'est en filigrane, en tout cas, dans le projet de loi du ministre – c'est toute l'organisation des services de sécurité publique.

M. le Président, on a connu, dans le temps de la crise du verglas ici, au Québec, une situation très, très particulière, à l'échelon d'à peu près la moitié du Québec, et on a pu se rendre compte de la faiblesse des moyens d'intervention qu'il y avait au Québec, parce qu'il n'y a pas dans les municipalités de structures ou de cellules suffisamment organisées et coordonnées, à l'échelon du Québec, capables de réagir rapidement avec des équipements et avec une formation professionnelle suffisante pour intervenir pour protéger les citoyens. Là, c'était le verglas cette fois-ci. Une autre fois, ça peut être d'autre chose, ça peut être un tremblement de terre. On sait que le Québec est sujet aux tremblements de terre. Ça peut être d'autres situations, que nous ne connaissons pas, parce que, lorsque nous les connaissons, bien, c'est parce qu'elles sont déjà arrivées, et des fois il est déjà trop tard.

Alors, je ne vois pas, dans ce projet de loi là, de rapport, ou je ne vois pas, à peine en filigrane, en tout cas, disais-je, que le ministre se sent concerné par cela. Et pourquoi j'en viens là? Il va me dire: Oui, mais, moi, je parle des incendies puis, lui, il me parle du verglas. C'est évident, c'est deux choses différentes. Il n'en reste pas moins que c'est une seule chose pareille. Ce sont des catastrophes qui sont gérables par des gens qui sont impliqués localement. Et, quoi de mieux que des services et des corps de pompiers professionnels dans les grandes villes, mais surtout dans les petites villes, les petits centres? C'est là qu'on a vu les principaux problèmes. Ce n'est pas à Montréal, ce n'est pas à Sorel, ce n'est pas à Québec, c'est dans les petites villes. Quoi de mieux que les corps de pompiers volontaires pour faire cette base et ces cellules de protection civile de la sécurité publique? Eh bien, rien d'autre que ça, M. le Président. Vous allez me dire: Oui, mais, lui, il nous prend toujours des exemples qui viennent d'ailleurs. Mais il faut voir ailleurs qu'est-ce qui se passe si on veut voir comment... qu'est-ce qui ne se passe pas chez nous.

Eh bien, ce qui se passe en Europe, particulièrement en Italie et en Espagne, en Allemagne et probablement en France aussi, dans les petits villages, les petites villes – pas des villes, petits villages – ce sont les corps de pompiers volontaires qui sont la base de la sécurité civile et qui sont coordonnés avec des systèmes radio, avec une formation professionnelle constante, qui sont conditionnés à intervenir en cas de catastrophes naturelles, si bien que, lorsqu'une catastrophe arrive, il y a un réseau spécial qui se met en route. Les gens sont formés, les gens sont mobilisables très rapidement, ils ont les véhicules, ils ont le know-how, l'expérience et ils sont capables tout de suite de tisser une toile d'araignée qui va faire en sorte que l'administration va conserver le contrôle d'une situation qui peut devenir très déplorable ou très difficile pour les citoyens. Or, M. le Président, je n'ai pas vu ça là-dedans. Le ministre a dit: Oui, mais c'est ailleurs. Mais je crois qu'on devrait traiter cette chose-là d'une manière un peu plus globale.

Maintenant, peut-être que c'est beaucoup demander au gouvernement de voir les choses dans leur globalité. Peut-être préfère-t-il les voir l'une après l'autre, l'arbre cachant la forêt. Peut-être que c'est moi qui pèche par excès d'optimisme en pensant que l'administration publique peut agir dans sa globalité. Mais il n'en reste pas moins que je crois que, dans le meilleur intérêt des citoyens du Québec, c'est comme ça que ça devrait être.

Maintenant, M. le Président, la question que nous devons nous poser, c'est la suivante: Y a-t-il dans ce gouvernement une vraie volonté d'aborder ces choses-là? Est-ce que l'on retrouve, de la part du gouvernement du Québec, actuellement ces considérations? Est-ce qu'on a pris acte des situations qu'on a connues au moment de l'inondation au Lac-Saint-Jean? On se rappellera, là, l'eau qui a emporté tout, et Québec s'est retrouvé en état de choc, puis on était rendus avec des filées de camions, des volontaires pour du bois, enfin toutes sortes de choses comme ça. Ça a été la désorganisation la plus totale. Et on aurait pensé que le gouvernement aurait pris acte de cette situation et aurait dit: Plus jamais je ne laisserai mes citoyens pris en otages là-dedans. Non, et il ne l'a pas fait.

Est-ce que le gouvernement, lorsque le verglas est arrivé, aurait dit: Bien, plus jamais on n'arrivera avec une situation comme celle-là? Non, M. le Président. C'est quoi, la prochaine fois? La prochaine fois, on ne le sait pas, mais nous allons nous retrouver certainement dans une situation qui va être semblable, où les interlocuteurs, les gens qui sont les plus proches, soit les services d'incendie locaux, ne seront pas préparés, ne seront pas, probablement, intégrés, ils ne seront pas concernés, ou si peu – parce qu'il ne faut jamais dire complètement non – que la population aura certainement à payer ou à vivre un certain nombre de problèmes.

Demain, M. le Président, on n'en parle pas, on parle beaucoup de santé actuellement, mais, dans les centres les plus éloignés, j'ai vu, moi, dans certains pays, certains endroits en Europe et même ailleurs qu'en Europe, en Afrique du Nord en particulier aussi, où les pompiers volontaires, les corps de pompiers, sont les premiers intervenants en cas d'accident d'automobile, en cas d'autres situations comme celles-là. Lorsqu'on a un problème, eh bien, ces régions-là, ces villages-là étant tellement petits qu'il ne peut pas y avoir de service d'ambulance 24 heures sur 24, il ne peut pas y avoir tous ces services que les villes petites, moyennes ou grandes ont, eh bien, on a fait en sorte que ce soit bien souvent le centre des pompiers volontaires qui intervienne le premier, le centre antipoison, le centre de réanimation lorsqu'un jeune se noie.

Eh bien, ce sont des choses qui peut-être pourraient amener à notre ministre de la Sécurité publique une réflexion. Parce que, lorsqu'on est pris dans un petit village et qu'il y a des gens, des touristes européens en motoneige qui ont un accident quelque part, il n'y a pas grand-monde des fois pour s'en occuper; lorsqu'il y a des enfants dans un lac, l'été, dans un camp de vacances, et qu'il y a un enfant qui se trouve en situation de difficulté parce qu'il se noie – un enfant, pas seulement un enfant, ça peut être un adulte aussi – eh bien, on a beaucoup de difficultés des fois à avoir le centre de premiers secours. Et les centres de premiers secours devraient être, normalement, le fait des services de pompiers volontaires dans ces villages-là assez éloignés, assez éclatés, M. le Président.

Alors, vous voyez, M. le Président, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles on peut être d'accord et être content de parler d'un projet de loi comme celui-là et il y a aussi beaucoup de raisons pour lesquelles on ne peut pas être d'accord, parce qu'il n'aborde pas les vrais problèmes ou qu'il aborde une partie seulement des problèmes. Il ne va pas dans le fond des choses, premièrement, et, deuxièmement, bien sûr, il ne parle pas de comment financer, comment former ces gens-là.

Ce projet de loi est assez, somme toute, superficiel et ne répond pas au questionnement des Québécois et des Québécoises, et c'est une des raisons pourquoi moi, bien sûr, et d'autres collègues – pour cette raison-là et d'autres raisons aussi certainement – nous allons voter contre, en attendant mieux que ça du ministre qui nous a habitués des fois à des choses plus ouvertes sur l'avenir que ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de me joindre à mon collègue de Saint-Laurent pour émettre, moi aussi, des opinions sur le projet de loi n° 112.

J'aimerais quand même un peu expliquer, pour des gens qui n'ont pas eu la chance avant, les notes explicatives du projet de loi, qui sont quand même à sa valeur... Il y a un projet de loi qui est sur la table, qui est un projet de loi pour favoriser et aider la sécurité côté incendie, et on ne peut pas, quand même, dire que tout le projet de loi n'a pas de bonnes choses dedans. Mais il faudrait peut-être attendre avant de déposer un projet de loi pour donner la chance à nos municipalités, dans tout le débat que vous connaissez, M. le Président, et que sûrement d'autres de mes collègues ont mentionné, le débat des fusions municipales.

(15 h 50)

Je pense que ce débat-là qui est sur la table a un impact... Et un pacte fiscal qui est sur la table qui cause des problèmes, parce que le problème n'est vraiment pas réglé. Et ce projet de loi qui a pour objet la protection des personnes et des biens contre les incendies de toute nature, c'est un projet de loi qui est déposé... L'obligation du citoyen de prendre ses responsabilités de pouvoir supprimer ou réduire les risques d'incendie, c'est un projet de loi pour lequel, à mon sens, les gens n'ont vraiment pas été sur le terrain.

Et je m'explique, M. le Président. Dans un comté, une circonscription comme la mienne, la circonscription de Papineau, j'ai 31 municipalités. Plusieurs de ces municipalités-là, dont Buckingham et Masson-Angers qui sont les plus grosses municipalités proportionnellement à toutes les autres, la plupart des municipalités chez moi, la plupart, je dirais que 99,9 % des municipalités de mon comté ont leur propre programme ou service d'incendie, ont leur propre service d'incendie.

Ce n'est rien de nouveau de pouvoir donner un service à tes citoyens, absolument pas. Il y a des municipalités qui viennent, depuis un an ou deux, dépenser 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $ pour acheter de l'équipement pour la protection des incendies. Et il ne faut pas oublier les gens qui y participent. Les pompiers volontaires, il y en a 18 000 au Québec, M. le Président, des pompiers qui sont, si vous voulez, payés à l'heure, mais des pompiers qui pratiquent, qui, entre eux, se donnent des cours, entre eux, dans nos régions, comme les pompiers à temps plein de la ville de Hull ou de Gatineau qui se donnent ou qui donnent des cours aux gens des petites municipalités pour pouvoir donner vraiment une bonne protection.

Le débat, M. le Président, n'est vraiment pas l'École nationale des pompiers. Je ne rentrerai pas dans les détails de l'École nationale des pompiers. On peut comprendre d'où ça vient, «nationale des pompiers». Il y a l'équipe nationale de hockey, il va y avoir l'équipe nationale de Québec, il va y avoir l'équipe nationale. Il faut que le mot «national» apparaisse tout partout, d'après eux. On l'a même dans la boutique, ici, dont j'ai été un des instigateurs, qui étais d'accord avec ça. Il n'y a qu'une couleur. Je voulais avoir une belle plume rouge, on n'a pas le droit d'avoir une plume rouge dans la boutique. Il faut que ça soit bleu. Pourquoi? Je ne le sais pas.

Alors, c'est un peu ça. Le ministre a décidé de l'appeler l'École nationale. La police aussi a une école nationale. Il y a un autre débat qui va être sûrement déposé sur la police. On va parler encore de l'École nationale. C'est comme le programme qu'il y avait sur la télévision, M. le Président.

Mais les coûts qu'ils engendrent encore là-dessus... Les petites municipalités qui ne savent même pas aujourd'hui, à cause de la réforme Harel, à cause des fusions forcées... On ne sait pas où on s'en va. Les gens ne savent même pas dans quelle municipalité ils vont être dans deux, trois ou quatre mois ou six mois, puis on veut avoir une loi sur les incendies pour protéger tout le monde. Bien d'accord avec ça, mais je pense qu'où on est dans le tort, M. le Président, c'est qu'on ne connaît pas actuellement les programmes qui sont déjà dans nos municipalités. Dans les municipalités du comté de Papineau, déjà toutes les municipalités sont protégées, toutes les municipalités ont leur propre programme ou leurs propres lois, si vous voulez, ou règlements d'incendie.

Les pompiers volontaires, M. le Président, à toutes les années, dans la semaine de la prévention, font le tour de toutes les maisons de tous les secteurs et de toutes les municipalités du comté de Papineau. Et maintenant, on veut remettre ça soit à la MRC pour avoir encore plus de force, plus de règlements, et que le ministre, au bout de la ligne, ait une décision à prendre pour quoi que ce soit.

Je pense qu'on s'en va vraiment... On va forcer aussi les fusions non pas juste des municipalités, mais on va forcer les fusions peut-être des corps de police. M. le Président, on a un exemple chez nous, et on a fait un petit débat ici. On se rappelle le débat de la police de la Sûreté du Québec à Buckingham. La Sûreté du Québec à Buckingham qui est devenue pour les citoyens de la ville de Buckingham une perle rare. Une perle rare, la Sûreté du Québec, chez nous, à la ville de Buckingham, la ville principale. M. le ministre ne veut pas se prononcer, parce que c'est vrai que c'est en cour, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec ça, mais, au bout de la ligne, la décision a été prise par le ministre antérieur, le ministre de la Sécurité publique, de donner la permission aux gens de Buckingham d'avoir leur propre Sûreté du Québec dans leur ville. Et, M. le Président, je vous invite donc, par votre entremise, à inviter le ministre de la Sécurité publique à venir chez nous et à visiter en même temps le service d'incendie et aussi à visiter, toujours par votre entremise, la Sûreté du Québec pour voir vraiment cette perle, ce service communautaire, et je le répète, ce service communautaire que les gens ressentent depuis que les gens de la Sûreté du Québec sont présents chez nous, sans enlever absolument rien des gens qui étaient là avant, non, ce n'est pas ça. Mais, depuis que ces gens-là sont là, il y a eu une approche complètement différente.

On parle souvent, et je n'ai pas eu la chance de suivre la commission de la Loi sur la police, je ne sais pas si on en a discuté, mais, chez nous, ça serait vraiment un exemple de... On a trouvé quelque chose qu'on n'avait jamais eu. Quand j'ai été, moi, président à la Commission de police de Buckingham, Masson-Angers, c'était un débat à tous les jours avec ces gens-là pour vraiment avoir de la sécurité chez nous soit de l'incendie, soit la police. Maintenant, depuis que la Sûreté du Québec est présente chez nous, dans la grande ville de Buckingham, vous devriez voir, et je me répète, la cohérence, la compétence, l'entente entre les commerçants, les gens des quartiers. C'est extraordinaire, M. le Président. Et j'inviterais M. le ministre de pouvoir venir, encore une fois, de visiter et en même temps profiter de visiter nos gens des incendies.

Les incendies, dans toutes nos municipalités, M. le Président, c'est du bénévole, c'est vraiment du bénévole, ces gens-là, quand il y a un feu dans les petites municipalités. Et on peut compter – je n'ai pas les rapports officiels en avant de moi – mais, dans toutes les petites municipalités qu'il y a dans mon comté, on peut compter sur une main, dans un an, les feux qu'il y a, les feux de champs l'été, «fine», là, au mois de juillet, mais, vraiment, les feux, incendies majeurs, il n'y en a pas gros. On a des gens, comme je vous disais tantôt, qui sont capables de faire le tour une fois par année, visiter toutes les maisons dans chacune des municipalités, et c'est encore du bénévole. Comment on va faire maintenant? Parce que les gens, les pompiers qui sont dans différentes municipalités, dans les petites municipalités de 200, 300, c'est des gens qui travaillent ailleurs. C'est des gens qui font ça bénévolement, c'est des gens qui, s'il y a un feu, sont appelés pendant qu'ils travaillent pour aller donner le service d'éteindre le feu, si vous voulez, mais avec la permission des patrons, avec la permission où les gens travaillent. Et je pense fermement que, ça, c'est un problème.

Je n'ai pas vu, dans aucun des articles ou quoi que ce soit, s'il y a eu des discussions – et peut-être mon collègue de Saint-Laurent pourra m'aider là-dessus – avec les patrons, les gens de compagnies de pâtes et papiers, chez nous, ou d'autres petites compagnies où les gens travaillent, pour leur donner ces permissions à ces gens-là d'aller prendre un cours de, quoi, cinq semaines, six semaines, sept semaines, 10 semaines. Je ne le sais pas, ce n'est pas écrit dans la loi. C'est un problème majeur. La plupart de ces gens-là actuellement qui sont pompiers sont là depuis 20 ans, 25 ans et même encore plus. Les chefs de pompiers dans les petites municipalités, pour eux, c'est comme un président du club Lions, c'est comme un président des Chevaliers de Colomb. C'est des gens qui travaillent bénévoles, qui ont pris leurs propres cours avec des pompiers qui sont à temps plein dans des grandes villes comme Hull puis Gatineau.

(16 heures)

Maintenant, on va avoir une École nationale des pompiers. On va faire de la politique dans tous les projets de loi qu'on dépose, maintenant, c'est l'École nationale des pompiers. C'est beau, c'est beau, mais le coût de ça, c'est quoi? Ça coûte combien, ça? La personne qui travaille chez Maclaren, aux papiers Masson ou chez Fraser, à Thurso, qui va aller prendre son cours pour 10 semaines, qui va payer ça? La municipalité? La MRC? Mais là on ne le sait pas. Ça va-tu être une MRC ou ça va-tu être... métropolitaine? Je ne le sais plus, là, on ne comprend plus rien.

Même, on a des caucus, là, pour qu'on parle de ça, puis on est mélangé parce qu'il y a différentes lois puis il y a différents... Ça me surprend qu'ils n'aient pas appelé les régions métropolitaines... on pourrait appeler ça les régions nationales du Québec. Tout le monde serait heureux. En tout cas, sur l'autre côté, on pourrait changer le nom. Chez nous, dans notre région, la capitale nationale du plus beau pays au monde est juste à côté, on pourrait l'appeler la région nationale du Québec. Ça ferait la même chose. Je pense que M. le ministre est d'accord. Je le vois, il sourit, je pense qu'il est d'accord.

Pour revenir un peu au sérieux, M. le Président, le coût, le coût: Qui va payer ces gens-là qui vont être obligés d'aller prendre... Moi, je suis d'accord avec des cours de formation professionnelle, mais on peut les donner chez nous. On peut les donner à la polyvalente, chez nous. On peut les donner au cégep à Hull. On peut les donner à l'Université du Québec. On peut prendre un cours de trois ans pour les jeunes, pour le futur, le planifier sur 10 ans ou sur 15 ans. Mais les gens qui sont là en poste, qui travaillent depuis 10, 12 ans, ont été formés, M. le Président, on n'a pas, je pense, à les envoyer ou les retourner sur les bancs d'école. Je ne vois absolument pas le débat là-dessus.

Parce que, même les fusions forcées, supposément, qu'on a mises sur la table, M. le Président, le monde n'est pas d'accord avec ça. Nous, on dit oui aux fusions, mais que le citoyen décide. Eux autres, leur article 1, c'est la séparation, nous, c'est la liberté individuelle. C'est un article – je le dis souvent dans mon caucus – peut-être qu'on ne mentionne pas assez souvent, mais je vous le garantis que je vais le mentionner, moi. L'article 1 du Parti libéral, c'est la liberté individuelle. Y a-tu quelque chose de plus important dans la vie de n'importe qui? C'est d'être libre dans ses actes et dans ses choix. Ce n'est pas ça qu'on fait ici, là, maintenant, on va forcer les gens des municipalités, sans référendum... Puis, pourtant, on en a eu deux, référendums, puis même trois, mais qu'il y en a deux qui ont donné des résultats gagnants sur notre côté, mais qu'on va revenir. C'est comme jouer au hockey en finale de la coupe Stanley puis avoir 100 périodes supplémentaires jusqu'à temps que quelqu'un... Tu sais, quand tu ne gagnes pas, c'est la même chose, M. le Président.

Alors, pour revenir au projet de loi n° 112, le questionnement qui a été fait par les gens... Il y a trois grands objectifs dans la réforme en sécurité: c'est une réduction des pertes humaines et matérielles, un accroissement de l'efficacité des organisations municipales et une diminution des coûts des primes d'assurance.

Une diminution des coûts de primes d'assurance dans les municipalités. Toutes les municipalités, en tout cas dans le comté de Papineau, ont un camion à incendie, un camion-citerne, en plus, M. le Président. On veut baisser les primes d'assurance, ça a déjà été fait, ça, par les conseils municipaux. J'ai siégé sept ans et demi sur un conseil municipal à Buckingham, puis on l'a fait, ça, nous autres. On a acheté un camion-citerne pour pouvoir aider ceux qui sont au bout des municipalités ou plus loin, pour que les assurances baissent. Ce n'est pas nouveau, ça, là, on n'invente rien. C'est les municipalités qui devraient passer un règlement, pas un projet de loi. Pas un projet de loi, pas du tout, pas du tout. Un projet de loi pour parler de la police nationale ou parler des pompiers nationaux, ça revient toujours sur la table.

M. Dupuis: Le ministre national.

M. MacMillan: Oui, on va changer... Oui, une bonne idée. Mon collègue de Saint-Laurent me fait mentionner: On change le nom du ministre pour le ministre national.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. MacMillan: Le ministère national. Il ne fera pas plaisir au ministre des Finances, parce que, lui, il aimerait ça, l'avoir, ce titre-là.

Mais, M. le Président, les coûts et le questionnement. Quand on parle de réduction de pertes humaines, il y en a, des accidents, puis il y a des pertes dans beaucoup des incendies. Il y en a eu dernièrement encore, puis il y a toutes sortes de raisons pour ça. Les assurances... Ça pourrait être un règlement qui pourrait être déposé dans chacune des MRC, mais on n'a pas de pacte, on n'a pas d'entente de faite entre l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, ou la Fédération des municipalités du Québec, M. le Président... Ces gens-là n'ont vraiment pas eu la chance de négocier ou de discuter pour pouvoir avoir un règlement dans les...

Et, moi, je me permets de me répéter, M. le Président, c'est que c'est le coût qui se passe avec ça. Il va y avoir un coût énorme non seulement pour les MRC, pour les municipalités et les compagnies qui engagent ces pompiers volontaires là qui travaillent dans chacune de nos industries, que tout le monde, la plupart des députés ici ont dans leur comté, soit semi-urbain ou rural, etc., qu'il y a plusieurs de ces petits groupes de pompiers volontaires...

Chez nous, les pompiers volontaires, les fins de semaine de festival, travaillent pour rien comme gardes de sécurité, M. le Président. Ces gens-là, en même temps, sont là pour la protection des gens qui sont là. C'est des gens qui sont déjà vraiment formés, et, moi, je pense que cette fameuse École nationale de pompiers, on pourrait régionaliser ça, M. le Président, régionaliser l'École nationale de pompiers en envoyant ça en formation professionnelle dans chacun de nos cégeps. Il y a un cégep dans toutes les régions du Québec...

Une voix: Régionaliser l'École nationale.

M. MacMillan: Ha, ha, ha! Oui, régionaliser le «national», ce serait une bonne affaire, oui, surtout le mot.

Alors, M. le Président, avant de terminer, il est clair pour nous, le Parti libéral, notre position, c'est qu'on ne peut absolument pas être d'accord avec ce projet de loi là. Pas contre la substance, si vous me permettez, M. le porte-parole et député de Saint-Laurent, on est d'accord sur certains de ces points-là, mais la manière dont c'est présenté, pendant qu'encore une fois le grand débat qu'on a... On ne parlera pas de santé. C'est un autre débat qui est là, parce qu'on sait c'est la faute de qui. Ce n'est pas la faute du fédéral. C'est toujours la faute des autres mais pas d'eux. C'est que le débat sur les fusions des municipalités de la réforme Harel n'est même pas déposé sur la table. Les gens de chacune de nos régions du Québec n'ont pas décidé comment le pacte fiscal, comment les argents, les payeurs de taxes, les payeurs d'impôts vont faire ça. Et on veut déposer des coûts, encore une fois, pour des coûts extra sur la protection des incendies du Québec. Alors, on ne peut vraiment pas être d'accord avec ce projet de loi là. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Sur le même sujet, M. le député de Châteauguay, je vous cède la parole.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi sur la sécurité incendie, le n° 112. Et, d'entrée de jeu, je vais suivre mon collègue national de Papineau, qui a pris la parole avant moi, pour annoncer nos couleurs. Je pense que... J'écoutais mon collègue de LaFontaine aussi un peu plus tôt qui mentionnait que, dans le projet de loi, il y avait certainement des objectifs qui étaient valables, louables, et je voudrais commencer peut-être par regarder des objectifs ou, en tout cas, des mesures qui sont mises de l'avant et qui amènent peut-être certaines interrogations.

Mais, d'entrée de jeu, lorsqu'il est question de la sécurité incendie, la sécurité des citoyens, moi, je suis plutôt porté à accepter qu'on envisage d'améliorer la sécurité des gens et de voir qu'est-ce qui peut être fait. Là où le bât blesse, c'est lorsque tu vois comment le bébé s'annonce, ce qui est proposé, et que ça laisse plus d'interrogations à la fin que tu en avais au début. Ça pose un problème à cet égard-là. Et ce n'est pas, je dirais, une mesure qui nous amène ou qui amène le ministre à s'attirer l'appui de l'opposition, parce qu'il y a un défaut certainement évident à l'égard de la clarté et certainement aussi – je le dirai un peu plus tard – un défaut à l'égard de la démarche ou de la façon dont les choses avancent.

J'aurai l'occasion à ce moment-là, dans une deuxième partie, de parler de la MRC de laquelle mon collègue de La Prairie et moi-même faisons partie. Donc, en l'annonçant d'entrée de jeu, je suis sûr que je vais attirer son écoute. Et on verra comment s'inscrit ce projet de loi à l'égard du projet de loi sur les fusions, à l'égard du projet de loi de la CMM... et voir si, finalement, le ministre n'agit pas de façon prématurée, ou s'il a discuté avec ses collègues à l'égard de ce projet de loi là, ou s'il a discuté avec les municipalités ou les MRC à l'égard de ce projet de loi là et s'il a écouté ce que les gens lui ont dit, justement, dans le domaine. Alors, bon, un projet de loi qui nous amène certaines obligations pour le citoyen, notamment de déclarer des risques à leur municipalité, selon ce qui est appelé des risques élevés ou particuliers, selon un règlement à venir.

En regardant cette chose-là, je me suis dit: Bon. Très bien. Il faudra, si d'aventure ce projet de loi était adopté et mis en vigueur, que ce soit facile à comprendre. Il faudra qu'on sache quelle est la différence entre ce qui est un risque élevé ou un risque particulier, de quoi parle-t-on vraiment. Est-ce qu'on parle de l'ensemble des équipements électriques? Est-ce qu'on va aller jusqu'aux friteuses? De quoi est-ce qu'on parle? Il va falloir que ça soit diffusé largement, très largement. Il s'agit d'habitudes de vie ou d'habitudes d'habitation, je dirais, qui vont être chambardées. Il faudrait que la mesure soit partagée de façon très, très large.

Et, évidemment, je me suis dit: Bon, si on amène le citoyen à évaluer chez lui les risques élevés, particuliers – qui sait, peut-être que demain on inventera d'autres qualificatifs – il y a sans doute derrière tout ça des responsabilités qui vont suivre plus tard, j'imagine, dans un autre projet de loi – le ministre opine de la tête – une fois qu'on va l'avoir fait déclarer des risques, dans six mois, on va lui dire: Bien, vois-tu, tu as des risques chez vous, il faut que tu t'équipes. Il faut que tu prennes des mesures. Il faut que tu paies. Et le ministre a opiné. J'ai l'impression que je ne suis pas loin de la vérité, il opine encore.

Donc, ce n'est pas mauvais d'avoir un débat où on dit aux citoyens: Il faut prendre conscience des risques que chacun on peut entraîner dans notre vie de tous les jours. Moi, je pense que ce n'est pas mauvais. Il faut juste être franc. Il faut juste être transparent. Il faut juste dire c'est quoi, les conséquences, quels sont les coûts. Et, à l'égard de ce projet de loi là comme à l'égard de bien d'autres projets de loi, en fait, de l'ensemble de l'oeuvre péquiste, M. le Président, je pense qu'on peut toujours trouver ce qualificatif de manque de transparence, d'obscurité, de petite passe-passe, finalement, qui fait qu'on amène un projet de loi à une session puis, une fois qu'on a le bras dans le tordeur, la session d'après, on arrive avec autre chose.

(16 h 10)

Et, à l'égard de cette première obligation pour le citoyen, qui a l'air bien, bien simple, hein, le citoyen appelle ou va à la ville, là, à l'hôtel de ville, j'imagine, il y a un grand registre qui va être établi – on en parlera tantôt, des coûts pour la ville – on établit un registre, puis là tout le monde fait la queue, puis on va déclarer un peu comment on vit chez nous, puis qu'est-ce qu'on a, puis... Bon, ça a l'air fin comme ça, puis chacun peut prendre conscience, mais qu'est-ce qui arrive par la suite? Quelles sont les mesures qui vont, pour les citoyens, être forcées d'appliquer, et à quels coûts tout cela va se faire? Pour l'instant, c'est l'obscurité la plus totale.

On nous annonce que les MRC vont dorénavant préparer un schéma de couverture de risques, ce qui va amener des mesures pour une gestion efficace de l'ensemble des ressources disponibles. En lisant ça, moi, je suis toujours pour ça, la gestion efficace. Moi, dès qu'on veut une gestion efficace, je suis pour ça. C'est pour ça d'ailleurs que je pense que le gouvernement du Parti québécois devrait laisser la place, mais ça, c'est un autre débat. Mais je suis pour ça, la gestion efficace, et certainement dans le domaine de la sécurité incendie. Je pense qu'il faut qu'on ait le plus d'intervenants possible qui sont prêts à faire des ententes d'entraide, à se donner la main, à se serrer les coudes pour s'assurer que, s'il y a un incendie, on puisse y répondre rapidement, facilement, qu'on ait identifié quels sont les dangers inhérents à tel ou tel endroit. Il y a des secteurs dans une ville qui sont plus propices à des sinistres qui peuvent être excessivement graves, avec beaucoup de conséquences, donc il faut être capable de les répertorier. Avec ça, j'en suis.

Mais je regarde juste chez nous, dans mon comté, M. le Président, les villes n'ont pas attendu après le ministre, là. Les villes, les services d'incendie, il y a des ententes qui existent entre les municipalités pour se donner la main lorsqu'il y a un incendie dans une autre municipalité, pour s'assurer, selon ces ententes d'entraide, que l'ensemble de la communauté se donne la main, peu importe qui est le maire de la ville là où se passe le feu. Il faut que l'ensemble des intervenants se donnent la main. On n'a donc pas attendu le gouvernement du Québec ni le ministre pour faire ça.

Et on nous dit que ça va être sur le territoire de la MRC, bon, qu'on va procéder à ça. Moi, en regardant ça et avant même de parler de la CMM et de la MRC chez nous, je me suis dis: Pourquoi est-ce qu'on va limiter ça à ce territoire de la MRC dont, souvenons-nous, dans ce débat sur les fusions forcées dans lequel on est en ce moment... que les MRC elles-mêmes ont eu, dans bien des cas, des territoires forcés. C'est le cas de la nôtre. Le député de La Prairie et le député de Châteauguay que je suis avons en commun cette MRC à territoire forcé.

Le député de La Prairie se souvient que c'est le Parti québécois qui a fait cette même organisation territoriale forcée qui nous amène à avoir une MRC pas toujours facile comme territoire, dépendamment de la juridiction qu'on lui a donnée. Au début, c'était pour l'aménagement du territoire. Déjà qu'on n'avait pas un territoire particulièrement habitué à travailler ensemble et qu'on tente le plus possible à s'habituer à travailler ensemble, même si ça fait 20 ans, il reste que, au fil du temps, de nouvelles responsabilités ont été données, où on a toujours pu se questionner: Avions-nous le bon territoire? Et encore, de temps à autre, cette question-là se soulève à l'égard de la MRC chez nous.

À l'égard de ce projet de loi là, ma question, aussi banale que ça, pour le ministre: Pourquoi est-ce que Maple Grove puis Lery ne pourraient pas avoir en commun des ententes d'intervention? Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une autre MRC. On va être obligé d'avoir des plans et des mesures qui vont être différents.

Et, vu que j'ai fait ce petit détour historique sur les territoires de MRC forcées, assez curieux, M. le Président, qu'on se retrouve en même temps, aujourd'hui, où le ministre veut nous parler d'un schéma de couverture de risques pour les MRC, au même moment, il y a un autre projet de loi qui est sur la table ici, à l'Assemblée nationale, pour faire en sorte que les MRC ne soient plus responsables du schéma d'aménagement. Eh oui, ça s'en va à la CMM. Le ministre m'a regardé avec une espèce de face de questionnement, puis il a dit: Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié.

Oui, c'est assez étonnant. Le PQ est spécialiste dans les structures. On joue dans les structures, on envoie une juridiction, on la reprend, on la repromène sans vraiment se poser la question: Mais qu'est-ce qu'on est en train de peindre comme tableau? On met des couleurs à droite, à gauche, puis on ne sait pas ce qu'on fait. Je pense qu'on fait de l'action, on fait de la bougeotte, on essaie de donner l'impression qu'on bouge, qu'on gouverne. Mais, en bout de piste, nous autres, ce qu'on regarde, c'est une espèce de confusion totale, d'improvisation délibérée. Dans ce cas-là, on a une MRC à territoire forcé, il y a 20 ans, où on lui dit: Tu vas t'occuper du schéma d'aménagement; 20 ans après, on dit: Excuse-moi, ce que je veux dire, c'est le schéma de couverture de risques, parce que le schéma d'aménagement, oublie ça, tu n'étais pas bon, on a envoyé ça à la CMM, eux autres, ils vont être meilleurs.

Là, en même temps que tout ça se passe, à la même MRC, il y a des gens qui s'inquiètent, parce qu'ils se disent: S'il y a une CMM à qui on transfère le développement régional, la gestion des déchets, le schéma d'aménagement, le logement social, le transport en commun, envoie donc, et les équipements, les équipements métropolitains, provinciaux – nationaux, dirait mon collègue de Papineau – une fois qu'on envoie ça, nous autres, les MRC, est-ce qu'il va y avoir un autre projet de loi, dans six mois ou dans un an, qui va dire que la MRC n'existe plus? Il y a du monde qui se pose la question dans notre MRC, le député de La Prairie et moi-même. Il y a du monde qui se demande: La CMM, est-ce la fin de notre MRC? Ils se posent la question.

J'ai l'impression que le ministre de la Sécurité publique vient de nous dire: Ah! Ils peuvent arrêter de se poser la question parce que je viens de leur donner une responsabilité, ils seront maintenant responsables du schéma de couverture de risques. C'est un peu ça, ce qu'on est en train de voir en ce moment, et je dois vous dire, M. le Président, c'est assez étonnant de voir cet espèce de ballet gouvernemental, législatif, auquel on assiste et qui concerne le monde municipal.

Il y a un prix, en plus, pour tout ça, là. Il y a un prix, évalué, grosso modo, pour les MRC, pour procéder à ce schéma-là, à 50 000 $ par MRC. Cinq millions par an pour deux ans. Bon. La MRC va se demander: Bien, avez-vous l'argent pour ça? Ils n'ont pas parlé de la ville qui contribue déjà, elle, au budget de la MRC mais qui est poignée par en arrière parce que, elle, elle s'occupe du registre. Puis j'imagine que, dans six mois, un an, quand le ministre va nous inventer un projet de loi sur les mesures non seulement que doit déclarer le citoyen, mais qu'il doit maintenant apprendre à l'égard des mesures déclarées, il va falloir qu'il y ait un inspecteur ou deux ou 15 de la ville pour qu'ils aillent vérifier si les mesures sont prises. Qui va payer pour? On ne sait pas. On ne sait pas qui va payer pour la MRC, pour le schéma. On ne sait pas qui va payer la ville pour récupérer les données des citoyens. On ne sait pas qui va payer la ville pour, tantôt, aller vérifier si les citoyens ont fait les bonnes déclarations et s'ils ont pris les mesures conséquentes, qui vont être inventées dans un an ou dans deux ans.

Pendant ce temps-là, est-ce qu'il y a un pacte fiscal avec le monde municipal, six ans après la déclaration solennelle de Jacques Parizeau au balcon de l'hôtel de ville à Montréal en 1994, avec Jean Doré? Vous vous souvenez de la scène, M. le Président? Jacques Parizeau: Je vous promets le pacte fiscal cette année, 1994. Six ans après, le pacte fiscal, attendez-le toujours. Ce que vous avez, c'est des responsabilités accrues, des factures. Ça, on les envoie. Mais qui paie en bout de piste? Qui paie pour tout ça? C'est toujours le contribuable, c'est toujours le citoyen du Québec qui paie, tantôt au gouvernement du Québec qui,, même s'il tente de faire croire au monde qu'il a baissé les taxes, ne les a pas baissées. Puis, pendant ce temps-là, les villes ont de plus en plus de factures à payer, que le gouvernement ne voulait plus payer. Puis là, maintenant, avec le ministre de la Sécurité publique notamment, il y a même des responsabilités accrues que les villes et les MRC vont avoir, par-dessus le tas.

On ne s'en va pas vers un allégement, là, on s'en va vers un alourdissement du compte de taxes pour les citoyens. C'est où dans le projet de loi? On n'en parle pas. Il ne faut pas en parler. Quand tu es au gouvernement du Parti québécois, voilà des choses qu'il ne faut pas dire. Il faut plutôt essayer d'avoir l'air qu'on bouge, qu'on fait de l'action, qu'on est bons pour le monde. On ne leur dit pas que c'est avec leur argent qu'on fait cette petite bougeotte improvisée. On ne le dit pas.

(16 h 20)

Nos collègues ont parlé des pompiers volontaires. J'imagine qu'on en a tous dans chacun de nos comtés et j'en profite pour saluer leur travail et le dévouement qu'ils ont pour leur communauté. La question qui se pose encore une fois à l'égard de celles-ci: Qui va payer pour la formation? Qui va assumer le fardeau? On n'en a pas parlé beaucoup. Au contraire, on essaie... Tout ce qui est l'aspect coût, impact supplémentaire sur le compte de taxes, tout ça, c'est dans une zone d'ombre, caché, on ne veut pas le dire aux gens. On essaie, au contraire, de nous faire croire que les primes d'assurance vont baisser. Un projet de loi où ça semble... tu présentes ça, la pilule la plus dorée possible, les belles lunettes roses. C'est «win-win», le monde, là. C'est «win-win». Vous allez payer moins cher de prime, vous allez être plus en sécurité, il n'y a pas de problème. Ça, c'est le discours du ministre. Oui, mais c'est parce que, M. le ministre, la vérité, c'est que c'est faux. C'est faux. D'abord, les primes, M. le Président, le BAC l'a dit: Ne parlez pas de baisser les primes, ce n'est pas vrai.

Alors, M. le Président, je sais qu'on est en Chambre, il faut prendre la parole du ministre, ça ne vous dérange pas si je prends aussi la parole du BAC? O.K.? Je ne vous dirai pas laquelle que je mets de côté, mais je pense qu'il faut considérer ça. Entre le ministre puis le BAC, tendance à aller appuyer le BAC, si vous me le... et tendance à croire que c'est eux autres qui ont raison quand on parle de mes primes, tendance à croire qu'ils ont plus d'action ou de liens directs sur mon compte de primes que le ministre en a.

Alors, la vérité, ce n'est pas comme le ministre la présente, ce n'est pas qu'on est «win-win», moi, je pense qu'on est en train d'être perdants-perdants là-dedans, hein, parce qu'on va payer plus cher dans nos taxes, puis il n'y a pas de baisse de nos primes. Tout ça pour faire quoi? Tout ça pour faire une visite à l'hôtel de ville pour dire qu'est-ce qu'il y a chez nous, en attendant des obligations qui vont être annoncées plus tard, qui vont coûter de l'argent, mais qu'on ne sait pas encore, une MRC qui va faire des mesures pour que le monde travaille ensemble pour répondre aux sinistres, alors que ça se fait déjà, mais on va le faire d'une autre façon parce que ça va être le ministre qui va dire comment le faire.

Ça, c'est toute la beauté de l'affaire, ça va être le ministre qui va dire comment le faire. Parce que souvenez-vous du verglas, M. le Président... Puis, moi, je m'en souviens, quand la sécurité civile disait: Nous sommes responsables, nous allons agir sur les suites du verglas. C'était un désastre total. Désastre total. Laissez ça aux gens qui sont sur le terrain, qui savent faire des ententes entre eux, qui savent monter la mobilisation des citoyens. Je peux vous dire une affaire, ça faisait dur pas à peu près. Parce que c'est vrai que, comme période de temps pour mettre le premier ministre à la TV, c'est bon, mais, chez nous, on ne la voyait pas, la télévision, hein! Le monde nous en parlait, mais on ne la voyait pas, la télévision, parce qu'il n'y avait pas d'électricité.

Alors, nous autres, il fallait qu'on se batte pour s'en sortir, parce que, quand je réussissais, M. le Président, à avoir du bois, qui venait d'un peu partout... Même le député de Duplessis de l'époque m'en a envoyé. Je le remercie d'ailleurs, je l'ai fait publiquement déjà. Beaucoup de nos collègues de ces régions-là ont réussi à nous fournir en bois, et je pense que j'avais deux camions de bois que j'avais réussi à obtenir comme ça d'un de nos collègues, et j'apprends quelques heures plus tard qu'ils avaient été détournés. Le pire, c'est que c'est vrai. Ouais, le ministère avait réussi à trouver les deux camions et les prendre pour lui. Moi, je me suis battu pour trouver mes camions de bois, mais il les a trouvés sur la 20 puis il les a pris pour lui. Ça fait que, chez nous, le monde à qui j'avais dit: On a du bois qui s'en vient.... Parce que je peux vous dire une affaire, M. le Président, il faisait noir puis il faisait froid. Je ne sais pas si vous vous en souvenez. Mais, à Québec, Québec qui connaît le bien commun mieux que tous, on entend ça, là, le premier ministre puis le ministre des Finances, puis la ministre des Affaires municipales, puis, j'imagine, maintenant le ministre de la Sécurité publique, le bien commun, c'est nous. Nous savons ce qui est bon pour vous. Ça fait que, lui, il avait décidé que le bois qui s'en venait chez nous, il n'était pas bon. Ce n'était pas le bon bois.

Mais, moi, je vais vous dire que, dans ce temps-là, je me dis: Laissons donc les gens sur le terrain, un, qui ont l'habitude des interventions, qui sont maintenant de plus en plus préparés. Je veux dire, dans mon comté, on est presque devenus clients réguliers du ministère de la Sécurité civile, on commence à être de plus en plus habitués à répondre à des sinistres. Je pense même que le ministre aurait avantage à venir faire des tours chez nous, je pense qu'en termes de planification on pourrait en montrer à ses fonctionnaires. Ça, je pense que, là-dessus, il opine du bonnet aussi. Je pense qu'il peut être d'accord. Effectivement, il y a des gens dans mon comté qui ont beaucoup d'expérience, et je ne suis pas convaincu, moi, que la bougeotte qu'on se donne, l'encadrement qu'on se donne, avec les critères et les barèmes qui sont décidés dans une tour à Québec, dans un bureau, correspondent à la meilleure chose possible pour les citoyens d'une région. Comme je ne suis pas sûr, quand on regarde une délimitation géographique et qu'on dit: Voilà le territoire, puis c'est ce territoire-là qu'on va prendre pour faire des choses, que ça correspond à la réalité du terrain.

Le ministre va dire: Mais comment est-ce que vous voulez qu'on s'organise différemment? On est bien obligé, nous autres, on regarde ça à partir de Québec. Effectivement, quand tu es centralisateur puis que tu regardes ça à partir de Québec, t'es obligé de faire les territoires comme ça puis de dire c'est qui qui va agir. Mais inversez ça, devenez confiant dans le Québec, développez une confiance dans les Québécois, dites-vous que les gens qui sont responsables dans les municipalités sont capables. Le jour où vous allez faire ça, vous allez voir ça différemment, vous n'aurez plus la lorgnette du centralisateur de Québec, vous allez, au contraire, prendre acte de ce qui se fait sur le terrain, tirer profit des expériences qui existent.

Et je suis sûr qu'en même temps, une fois que vous allez avoir développé une écoute à l'égard de ces gens-là qui sont sur le terrain, vous allez savoir répondre aux questions qui sont très importantes: Ça coûte combien? Ça va coûter combien de plus? Et pourquoi je paierais tant alors que je paie déjà tellement en taxes, que ce soit au niveau municipal ou au niveau provincial?

Alors, voilà l'ensemble des questions qui nécessitent encore des réponses de la part du ministre. Malheureusement, à ce stade-ci, force est d'admettre que non seulement on n'est pas «win-win», mais que c'est plutôt le contraire avec ce projet de loi du ministre qui, né de bonnes intentions, s'est perdu en chemin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Alors, il ne reste plus d'intervention.

Je mets aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 112, Loi... M. le ministre, votre droit de réplique, oui, vous pouvez l'exercer, si vous le souhaitez. Très bien.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie, est-il adopté? Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Je fais motion, M. le Président, que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée. Cela est la meilleure caserne pour l'envoyer, n'est-ce pas? Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Dupuis: Oui, M. le Président, avec la précision suivante. J'ai indiqué, dans mon discours sur l'adoption du principe, que la Fédération québécoise des municipalités souhaitait être entendue en commission parlementaire. Et le ministre a choisi de ne pas répliquer au discours, c'est son privilège. Cependant, j'aurais apprécié savoir si la Fédération québécoise va être invitée à se faire entendre demain matin – je pense qu'il va être appelé demain – en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons tout d'abord adopter sur division le principe. Donc, adopté sur division.

Alors, à la question posée, M. le leader ou M. le ministre, je ne sais pas.

M. Ménard: On a déjà informé mon critique qu'on a invité la Fédération pour demain matin, après la période de questions, en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, pour la suite.

M. Boulerice: La suite, c'est l'article 31, la prise en considération du projet de loi n° 86.


Projet de loi n° 86


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Il y a des intervenants? M. le ministre? Non. Alors, M. le député de Saint-Laurent.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Bon. Alors, le ministre choisit de ne pas intervenir sur le projet de loi n° 86. Dans ces circonstances, M. le Président, d'entrée de jeu, je souhaiterais signaler à la présidence que le travail qui a été fait en commission parlementaire sur le projet de loi n° 86 me semble... Et d'ailleurs, le président de la commission des institutions est présent en Chambre. Je pense que, s'il choisissait d'exercer son droit de parole, il confirmerait ce que je vais maintenant dire au sujet des travaux de la commission parlementaire qui, me semble-t-il, ont été sérieux. Et je pense qu'il y a eu, de part et d'autre, une excellente collaboration.

J'ai, dans le cadre de ce projet de loi là, en certaines occasions retrouvé, fidèle à lui-même, mon adversaire le ministre de la Sécurité publique refermé sur ses convictions et ne voulant pas en changer, mais je l'ai aussi trouvé en certaines autres occasions ouvert sur un certain nombre de suggestions que l'opposition officielle lui a faites, particulièrement au bénéfice des policiers qui oeuvrent sur le territoire du Québec.

(16 h 30)

Mais, d'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole sur le rapport de la commission des institutions qui a étudié le projet de loi article par article.

D'entrée de jeu, j'aimerais discuter, soumettre à votre entendement, également à l'entendement du ministre de la Sécurité publique, une communication qui est parvenue au ministre de la Sécurité publique depuis que nous avons terminé les travaux de la commission parlementaire qui a étudié article par article le projet de loi n° 86, communication, donc, qui m'a été soumise en copie, un original qui a été soumis au ministre de la Sécurité publique et qui provient du service juridique de la Communauté urbaine de Montréal, une lettre qui est signée par – je ne pense pas, je ne crois pas qu'elle m'en voudra de la mentionner – ma bonne amie Me Jacqueline Leduc, qui est chef des Services juridiques de la Communauté urbaine de Montréal et qui a soumis au ministre de la Sécurité publique une lettre dont je voudrais discuter en substance, et qui m'apparaît être particulièrement importante, et qui soulève un problème qui m'apparaît être un problème important.

M. le Président, l'un des articles du projet de loi n° 86, l'article 115... Je n'ai pas son libellé devant moi. Ce n'est pas important que, moi, je l'aie. Ce qui est important, c'est que le ministre l'ait devant lui, le libellé. Le libellé de l'article 115 prévoit les conditions d'embauche dorénavant, une fois que le projet de loi n° 86 sera adopté, pour les policiers du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Saint-Laurent. À ce stade-ci, vous faites mention d'une lettre. Est-ce que vous désirez la déposer?

M. Dupuis: Oui, je vais la déposer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous acceptez le dépôt de cette lettre?

M. Dupuis: Je vais la déposer, mais, avant de la déposer...

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous permettez, M. le député de Saint-Laurent, nous allons nous l'approprier, faire des photocopies pour la déposer ici, en déposer une copie au ministre, et vous allez pouvoir conserver également votre original.

M. Dupuis: ...me faire interrompre, pouvoir continuer mon discours, mes représentations, puis ensuite déposer la lettre. Mais, si vous le voulez de cette façon-là...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent...

M. Dupuis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suis très heureux de constater que nous sommes deux à gérer les travaux ici, le député de Saint-Laurent ainsi que moi-même.

M. Dupuis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): On voit que les susceptibilités sont élevées, cet après-midi. Il nous reste encore trois semaines de travaux à effectuer, nous allons continuer à travailler comme on travaille depuis six ans en ce qui me concerne.

M. Dupuis: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, je vais vous entendre sur une question de directive, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: C'est tout simplement, M. le Président, que j'aurais apprécié... Je suis d'accord avec le fait de déposer la lettre, j'ai même indiqué que le ministre en avait eu une copie, avait eu l'original. Moi, j'ai eu une copie. Je n'ai pas d'objection à déposer la lettre. La seule chose que je dis, c'est que j'aurais apprécié ne pas me faire interrompre pour la déposer puis pouvoir continuer mon discours. Je n'ai pas d'objection à déposer la lettre, je veux juste ne pas me faire interrompre. C'est tout.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous allez considérer, M. le député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique, que vous ne faites pas un dialogue, ici. Il n'y a pas de dialogue entre le critique officiel de l'opposition et le ministre de la Sécurité publique, il y a ici une allocution qui est présentée par un député aux membres de cette Chambre, et les membres, s'ils veulent s'approprier une copie de la lettre en question, peuvent venir la quérir ici même, au secrétariat. Elle est disponible à partir du moment où vous la déposez. Donc, comme nous allons discuter de cette lettre-là, il m'apparaît opportun, pour moi, au niveau de la présidence, d'abord pour moi, de l'avoir. Et, s'il y a des membres qui sont intéressés à se l'approprier, ils viendront la quérir. Pour l'instant, nos travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 36)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos débats.


Document déposé

Considérant que la lettre a été dûment déposée, nous vous cédons la parole, M. le député de Saint-Laurent. Vous avez un temps de parole de 30 minutes.

M. Dupuis: Alors, M. le Président, je faisais donc référence, au moment où vous m'avez interrompu, à une lettre qui a été déposée au ministre de la Sécurité publique par la chef des Services juridiques de la Communauté urbaine de Montréal, Me Jacqueline Leduc, et qui traite de l'article 115 du projet de loi n° 86. Le projet de loi n° 86 concerne les conditions minimales pour être embauché comme policier au Québec dorénavant, une fois que le projet de loi n° 86 sera adopté.

Les conditions minimales, M. le Président, sont celles d'être citoyen canadien, d'être de bonnes moeurs et – c'est le troisième paragraphe dont je vais traiter maintenant – de ne pas avoir été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit, d'un acte que le Code criminel définit comme une infraction à moins d'avoir obtenu un pardon au sens de la loi fédérale sur le pardon. Alors, autrement dit, pour être embauché comme policier au Québec, une fois que le projet de loi n° 86 sera adopté, il faudra ne pas avoir été reconnu coupable d'avoir commis une infraction criminelle, à moins d'avoir obtenu un pardon.

Alors, première situation: une personne qui aurait commis des infractions criminelles mais qui aurait été pardonnée au sens de la loi fédérale sur le pardon. C'est une loi qui permet qu'une personne puisse, même si elle a été l'objet d'une condamnation, voir son dossier judiciaire être effacé et se voir pardonnée, si vous voulez, du crime qu'elle a commis. Deuxième situation, M. le Président, qu'on peut retrouver: on peut retrouver aussi une personne qui aurait été condamnée, qui aurait été reconnue coupable, alors qu'elle était d'âge mineur, d'avoir commis un crime, et le service juridique de la Communauté urbaine de Montréal écrit au ministre, essentiellement, la chose suivante. Puisque la lettre a été déposée, je vais en faire lecture à partir du deuxième paragraphe de la lettre, et je pense qu'elle exprime bien la situation. Je ne ferai pas injure aux gens qui l'ont écrite et qui l'ont déposée auprès du ministre en la lisant totalement, la lettre qui fait état du problème.

«Dans le cadre du projet de loi n° 86 sur la police que vous avez présenté – la lettre évidemment s'adresse au ministre de la Sécurité publique – l'article 115 relatif aux conditions d'embauche interdisait l'accès à la profession de policier à toute personne ayant commis une infraction criminelle. Cet article ne faisait pas exception à l'égard des personnes ayant pu obtenir un pardon.»

Je sors du contexte de la lettre qui a été écrite au ministre de la Sécurité publique pour dire la chose suivante, M. le Président, et pour bien exprimer que, au moment où le projet de loi a été déposé, à l'origine, avant que nous allions en commission parlementaire pour l'étudier article par article, c'est-à-dire au stade de l'adoption du principe, le ministre avait prévu que toute personne qui a commis une infraction criminelle ne pourrait pas être embauchée comme policier.

Et je reprends la lettre: «C'est ce projet de loi, tel que présenté, qui a fait l'objet de commentaires et de suggestions de la part de la Communauté urbaine de Montréal et de son Service de police. Nous avons appris – et c'est toujours Me Leduc qui écrit – que depuis vous souhaitez intégrer à l'article 115 la notion de pardon. Il semble donc que, peu importe la nature du ou des crimes commis, la personne, en ayant obtenu le pardon, aura accès à la profession de policier.»

(16 h 40)

Je sors du contexte de la lettre, M. le Président, simplement pour expliquer qu'en commission parlementaire le ministre a déposé un sous-amendement à l'article du projet de loi en vertu duquel dorénavant une personne qui aurait été reconnue coupable d'un crime mais qui aurait obtenu un pardon en vertu de la loi fédérale sur le pardon pourrait tout de même demander d'être embauchée comme policier. D'autre part – et j'ajoute cette situation, la lettre va en parler tantôt – une personne qui aurait été reconnue coupable d'un crime commis alors qu'elle était d'âge mineur pourrait également demander son admission ou être embauchée comme policier.

Je reviens au texte de la lettre et je cite: «Cela – en fait, s'exprime la lettre – nous semble tout à fait inacceptable, surtout quand on sait ce qu'est le "pardon". Il faut en effet savoir que tout crime, sauf celui puni par une sentence à perpétuité – donc, essentiellement, le meurtre au premier degré et la haute trahison – est pardonnable. Il faut aussi savoir que tous les crimes pardonnables sont effectivement pardonnés...» Là, évidemment, je sors du contexte de la lettre pour dire que les gens qui ont écrit la lettre ont vérifié avec le Service du pardon pour savoir de quelle façon les dossiers étaient traités.

Je reviens à la lettre: «Il faut aussi savoir que tous les crimes pardonnables sont effectivement pardonnés: agressions sexuelles sur majeurs comme sur mineurs, voies de fait graves, vols à main armée, trafic de drogue, etc. Environ 27 000 demandes de pardon sont faites chaque année à Ottawa. Environ 98 % d'entre elles sont accordées. Comme il n'y a que 11 fonctionnaires pour traiter ces 27 000 demandes, ils ne passent donc que 20 minutes en moyenne par dossier – c'est un calcul que ceux qui ont écrit la lettre ont fait. Aucune enquête n'est faite, dans la très grande majorité des cas, autre qu'une simple vérification informatique, pour s'assurer que l'auteur de la demande n'a pas été condamné pour une autre infraction dans les trois ou cinq dernières années, selon le cas.»

Je continue la lecture de la lettre: «Si l'article 115, tel que proposé, devait être adopté, c'est dire que le gouvernement considère qu'un pédophile, un trafiquant de drogue, une personne violente ayant commis des voies de fait graves contre sa conjointe ou toute autre personne, un voleur de banque, un fraudeur peuvent devenir policiers. Ce n'est pas ce que pensent la Communauté urbaine de Montréal et son Service de police. Mais, si le législateur décide que tel doit être le cas, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal n'aura d'autre choix que de se soumettre à sa volonté.» C'est évident, le législateur est ici.

Je continue, M. le Président, avec la lettre: «Ce qui est soulevé aux présentes ne constitue pas de la science-fiction. Le SPCUM a refusé à l'embauche un individu qui, quand il avait 17 ans, avait pointé un revolver armé contre la tête de quelqu'un, avait, dans un autre incident, blessé une autre personne avec un couteau puis, dans un autre incident, avait commis, en compagnie d'un copain du même âge, des actes sexuels sordides à l'égard d'une jeune fille de 14 ans qui a porté plainte pour viol mais qui s'est ravisée après avoir reçu la visite de notre candidat et a dit qu'elle était finalement consentante.»

Je poursuis la lecture: «La Commission des droits de la personne poursuit la Communauté urbaine de Montréal devant le Tribunal des droits de la personne, alléguant que le refus d'embauche du SPCUM est contraire à l'article 18.2 de la Charte québécoise. Selon la Commission, le jeune homme a droit de se prévaloir de la Loi sur les jeunes contrevenants qui prévoit qu'après un certain nombre d'années ses antécédents s'effacent automatiquement et que le jeune est "réputé ne pas avoir commis l'infraction pour laquelle il a été condamné". Selon la Commission, cela équivaut à un pardon, et le SPCUM n'a donc pas le droit de tenir compte de ces faits. Le SPCUM ne partage pas les vues de la Commission et entend débattre ce point devant les plus hautes instances.»

Je poursuis la lecture: «L'applicabilité de l'article 18.2 de la Charte à la profession policière, y compris dans sa dimension relative au pardon, a été discutée de façon incidente, en novembre 1999, devant la Cour d'appel dans le dossier Péloquin contre Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. Nous sommes toujours en attente de la décision de la Cour d'appel. L'affaire relative à la nomination du juge Therrien est par ailleurs actuellement pendante devant la Cour suprême du Canada. Nous vous suggérons humblement qu'il serait peut-être sage d'attendre que les tribunaux aient balisé quelque peu le terrain, quant à la portée de l'article 18.2 de la Charte en matière policière, avant d'introduire dans la loi, sans aucun débat ni consultation, un concept aussi lourd de conséquences.

«Il est difficile de prétendre que l'on veut hausser la barre quant à l'admissibilité à la profession policière quand, ce faisant, on adopte une disposition qui semble ouvrir la porte aux agresseurs de toute nature et autres fraudeurs, voleurs et trafiquants – pour peu qu'ils fassent partie des 98 % des demandeurs qui ont obtenu leur pardon.

«La question soulevée aux présentes nous semble d'une extrême importance et mérite certainement une sérieuse considération. Avant que l'Assemblée nationale n'adopte l'article 115 du projet de loi sur la police dans sa version actuelle, nous souhaitons ardemment qu'elle soit informée de la très vive inquiétude que cette disposition cause au SPCUM et aux directeurs de police sensibilisés aux conséquences éventuelles de cet article.»

Et c'est signé: Me Jacqueline Leduc, avocate, chef des Services juridiques à la Communauté urbaine de Montréal.

J'ajoute, M. le Président, que j'ai de bonnes raisons de croire que l'Association des directeurs de police endosse cette représentation qui est faite au ministre de la Sécurité publique par les Services juridiques de la Communauté urbaine de Montréal. Dans le fond, c'est bien simple, moi, je pense qu'il est pertinent de se poser la question à savoir si... Et j'avoue qu'en commission parlementaire nous n'avions pas, de notre côté, mesuré ces implications-là, mais que, dès que j'ai eu connaissance de la lettre qui avait été envoyée au ministre, je me suis intéressé à cette question-là parce que je pense qu'elle soulevait une question importante. Voulons-nous et le ministre veut-il, le gouvernement veut-il que des personnes qui ont été reconnues coupables de crimes qui à l'occasion sont extrêmement graves... Le cas qui est mentionné dans la lettre évidemment n'a pas besoin d'épilogue. Je pense que c'est assez clair, c'est un cas qui est extrêmement grave. Mais ce n'est pas de la science-fiction non plus de penser que des gens qui auraient pu être condamnés pour des crimes de violence et qui ont subséquemment été pardonnés puissent souhaiter demander l'embauche dans un corps policier.

Le ministre probablement répondra: D'entrée de jeu, à première vue, la réflexion que je me suis faite moi-même en regardant l'article 115, c'est de dire: Oui, mais le deuxième paragraphe prévoit que les personnes qui ne sont pas de bonnes moeurs, les personnes au sujet desquelles on peut prétendre qu'elles ne sont pas de bonnes moeurs ne pourraient pas non plus recevoir d'embauche dans les services policiers. J'ai pris la liberté d'en discuter particulièrement avec certains membres du service juridique de la Communauté urbaine de Montréal. Je ne suis pas un spécialiste des relations de travail et je n'ai pas la prétention de l'être non plus. Ce qu'on me répond – et j'ai tendance à penser qu'effectivement il pourrait y avoir des problèmes d'interprétation par les tribunaux – c'est: Est-ce qu'on serait en mesure, si on devait refuser un candidat à l'embauche pour le motif qu'il aurait été reconnu coupable dans le passé de crimes pour lesquels il a subséquemment obtenu un pardon... Si on voulait refuser ce candidat au motif que les faits qui ont donné lieu à l'accusation originale, pour laquelle il a été pardonné... Si on voulait le refuser pour ces faits-là, peut-être le service de police concerné pourrait-il être empêché de considérer ces faits-là justement au motif que la personne a subséquemment obtenu un pardon, et donc elle ne pourrait pas être refusée au motif qu'elle n'est pas de bonnes moeurs ou qu'on peut soupçonner qu'elle n'est pas de bonnes moeurs parce que justement on ne serait pas admis à considérer les faits qui ont donné lieu à l'accusation qui subséquemment a été pardonnée.

C'est ça, la question, M. le Président, et, moi, je pense que le ministre ne peut pas prendre la chance qu'effectivement une personne soit admise comme policier alors qu'elle a été condamnée dans le passé pour des crimes graves, pour des crimes majeurs, pour des crimes qui sans aucun doute font en sorte que la population ne pourrait pas comprendre qu'une telle personne ait accès à la fonction de policier, donc que cette personne-là ait tout de même accès à la fonction de policier parce qu'on n'est pas capable de prendre en considération des faits qui ont donné lieu à une accusation criminelle importante pour laquelle elle a été reconnue coupable mais pour laquelle elle a subséquemment obtenu un pardon parce qu'elle n'a pas commis d'autre crime. Il y a une limite, me semble-t-il, à l'admission, à l'accès à la fonction de policier, dans ces circonstances-là, qu'il ne faut pas dépasser.

(16 h 50)

À la réflexion, M. le Président, il m'apparaît que ce problème-là est important. Le problème est actuellement soumis au ministre de la Sécurité publique. Il n'est pas trop tard pour agir. Mon impression, ma perception de ce que cette lettre a occasionné dans l'esprit du ministre, c'est qu'il est en train de réfléchir à la question. Il me fait la faveur d'opiner du bonnet, à ce moment-ci de mon intervention. J'en comprends donc – même s'il a choisi de ne pas s'exprimer devant la Chambre – que, lorsque je dis que le ministre est en train de réfléchir à la question, j'ai des raisons de penser que c'est le cas, effectivement, et que donc sa décision n'est pas prise de rejeter les représentations des gens du service juridique de la Communauté urbaine de Montréal de même que les représentations que pourraient lui faire éventuellement l'Association des directeurs de police, et probablement les policiers eux-mêmes, et probablement les associations de policiers que, je dois dire, je n'ai pas contactées.

Donc, il est toujours en train de réfléchir. Il n'est pas trop tard, M. le Président. Le projet de loi est à l'étape de l'étude du rapport de la commission parlementaire, et le ministre pourrait éventuellement déposer un papillon à la troisième lecture, à l'adoption. Et, si le ministre me faisait la faveur toujours de m'aviser s'il décidait de déposer un papillon de la nature de cet amendement-là, peut-être pourrions-nous nous entendre effectivement pour qu'un amendement à l'article 115 soit apporté. Moi, je suis persuadé que les effets que j'appellerai «pervers» du troisième paragraphe de l'article 115 n'avaient pas été considérés par le législateur au moment où il avait fait l'étude article par article, mais que, devant cet état de fait, il faut réfléchir de nouveau et possiblement régler la situation. J'apprécierais que le ministre m'informe de sa décision lorsqu'elle sera prise.

Il n'est pas obligé d'appeler le projet de loi n° 86 en adoption finale à ce moment-ci, il reste un certain nombre de semaines avant la fin de cette session. Il peut prendre le temps de réfléchir, il peut prendre le temps de discuter avec les intervenants. Il peut prendre le temps d'aviser l'opposition officielle de sa décision éventuelle, de la façon dont il voudrait régler la question, et je suis certain qu'il va avoir la collaboration des intervenants, particulièrement de l'Association des directeurs de police, des Services juridiques de la Communauté urbaine de Montréal et possiblement des syndicats de policiers, et, certainement, il aura la collaboration de l'opposition officielle qui trouve aussi, à l'instar du service juridique de la Communauté urbaine de Montréal, que cette situation ne fait pas beaucoup de sens lorsqu'on y réfléchit.

Il me reste à peine sept minutes, M. le Président, pour terminer mon intervention sur le rapport de la commission, et je ne voudrais pas terminer cette intervention sans indiquer aux policiers, aux nombreux policiers qui oeuvrent sur le territoire du Québec, que l'opposition officielle a eu, particulièrement en commission parlementaire, le souci de protéger les droits des policiers. Le ministre en conviendra, nous avons fait, me semble-t-il, des améliorations au projet de loi n° 86 qui devraient bénéficier, qui vont bénéficier aux policiers qui oeuvrent sur le territoire du Québec, et surtout en ce qui concerne le respect de leurs droits. Rapidement, je voudrais mentionner particulièrement des amendements qui ont été acceptés par le ministre mais qui ont été apportés à la suggestion de l'opposition officielle. Je vais y aller en vrac, rapidement, mais un premier amendement permet que ce que les policiers ont appelé, lorsqu'ils ont témoigné en consultation générale sur le projet de loi n° 86, le danger de double sanction pour un policier qui commet un acte répréhensible... Rapidement, je vous dirai qu'un policier qui commet un acte répréhensible où un membre du public est affecté par le comportement du policier pourrait se voir accuser d'une faute déontologique et pourrait se voir accuser, pour le même acte, d'une faute disciplinaire.

Nous avons, à l'instar de la Fédération des policiers municipaux du Québec, dont le président est M. Yves Prud'Homme, qui est bien connu dans ce milieu-là, signalé au ministre que ce problème perdurait depuis des années, le problème d'une double sanction, être puni deux fois, autrement dit, pour les mêmes faits, que ça, c'était un problème, que c'était inéquitable. Le ministre, après réflexion, a accepté de déposer un amendement qui se lit comme suit, et je le donne en substance, là, pas au complet parce qu'il me reste peu de temps: «Un policier à qui une sanction a été imposée en vertu des dispositions du chapitre I du présent titre – c'est tout le chapitre qui concerne la déontologie – ne peut recevoir une sanction additionnelle en vertu d'un règlement de discipline pour une conduite dérogatoire similaire qu'il a eue à l'occasion du même événement.» En résumé, ça veut dire: Un policier ne peut pas être puni en vertu du règlement de discipline de son corps de police s'il a déjà été puni en vertu des règles de déontologie policière et par le Commissaire à la déontologie policière. C'est un premier amendement qui a été accepté par le ministre et qui bénéficie aux policiers.

Un deuxième amendement, M. le Président, qui a été adopté et qui a été fait à la suggestion de l'opposition officielle est le suivant, à l'article 262 du projet de loi: «Tout policier rencontré à titre de témoin relativement à une plainte portée contre un autre policier doit fournir une déclaration complète, écrite et signée.» Nous avons soumis au ministre en commission parlementaire que telle déclaration ne devrait pouvoir être utilisée contre la personne qui la fait, la déclaration, sauf évidemment en cas de parjure, ce qui est prévu dans les lois. Le ministre a accepté cette opinion que nous lui avons soumise et il a accepté un amendement qui se lit comme tel: «Une telle déclaration ne peut être utilisée ni retenue contre lui – le témoin qui fait la déclaration – sauf en cas de parjure.» Ça, je pense que ça va être bénéfique pour l'administration de la loi, que ça va être bénéfique pour le respect des droits des policiers, et nous avons insisté pour que ce soit retenu dans le projet de loi.

Un troisième amendement, M. le Président, à l'article 268 qui se lisait: «Tout employeur d'un policier ou d'un constable spécial doit, sur demande du ministre, lui fournir, en la forme qu'il détermine, les renseignements liés au statut de ce policier ou de ce constable spécial.» Autrement dit, le ministre pouvait demander à n'importe quel employeur d'un policier ou d'un constable spécial de lui fournir des renseignements sur le statut d'un policier dans le Québec.

J'ai dit au ministre: Vous savez, là, c'est un pouvoir qui est important et c'est un pouvoir qui peut insécuriser les policiers. Quand le ministre peut demander un rapport sur un policier qu'il choisit sur le territoire du Québec, c'est impressionnant. Le ministre a admis que ça l'était et il a admis qu'il n'avait pas besoin de ce pouvoir-là. Il peut toujours se renseigner sur la conduite d'un policier dans le cadre de ses fonctions, et il vient de le faire en fin de semaine dernière dans l'incident qui a donné lieu à l'accident tragique à Cap-Santé qui implique un policier en particulier. Le ministre est en mesure de s'informer de la conduite.

Un quatrième amendement, M. le Président, qui est important pour le respect des droits des policiers et qui est à l'article 287 du projet de loi, que le ministre cependant n'a pas accepté... Vous vous souvenez qu'il y a eu une grande discussion à la suite du rapport de la commission Poitras sur les enquêtes qui sont effectuées lorsqu'un policier est soupçonné d'avoir eu une conduite criminelle. Moi, j'avais suggéré au ministre que, toutes les fois où un policier est soupçonné d'avoir eu une conduite criminelle, l'enquête sur sa conduite devrait être menée par un autre corps de police que celui auquel ce policier-là appartient. Il me semble que ça va sur le coup du bon sens. Dans son projet de loi, le ministre ne bouge pas là-dessus, alors, un policier qui a une conduite criminelle, sa conduite pourrait être enquêtée par le corps de police auquel il appartient. Moi, je pense que, du point de vue du respect, du point de vue de la transparence du processus, du point de vue de la confiance que la population doit avoir dans les enquêtes policières qui sont menées sur la conduite de policiers, le ministre aurait dû bouger là-dessus. Je lui ai suggéré un amendement qui aurait fait en sorte que, dès qu'un policier aurait été soupçonné d'une conduite criminelle, c'est un autre corps de police qui aurait fait l'enquête. Le ministre a rejeté cet amendement.

(17 heures)

Finalement, M. le Président, à l'article 192 du projet de loi, il est prévu qu'une déclaration qui est faite par un policier qui ne fait pas l'objet d'une plainte et qui est obligé de collaborer avec le Commissaire à la déontologie policière, cette déclaration-là ne devrait pas être retenue contre le policier qui la fait. C'est un peu la même disposition que celle dont je parlais tantôt et qui fait en sorte que dorénavant – le ministre a accepté cet amendement-là – toute déclaration faite par un policier qui ne fait pas l'objet d'une plainte et qui collabore avec le Commissaire ou ses enquêteurs lors d'une enquête par suite d'une plainte portant sur un autre policier ne peut être utilisée ni retenue contre lui, sauf en cas de parjure.

En résumé, M. le Président, et pour terminer, je pense que la collaboration que l'opposition officielle a apportée au projet de loi n° 86 bénéficie aux policiers du Québec dans le respect de leurs droits, et c'est la raison pour laquelle nous en sommes fiers. Évidemment, nous reviendrons en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent, critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique. M. le ministre, est-ce que vous désirez effectuer votre intervention de cinq minutes permise en vertu de l'article 253?

M. Ménard: Non.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, nous souhaitons poursuivre le débat sur le projet de loi n° 117, donc je vous réfère à l'article 7 du feuilleton.


Projet de loi n° 117


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 7 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 2 juin 2000 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec. Il restait 12 minutes à M. le député de Châteauguay afin de compléter son intervention. Alors, M. le député de Châteauguay, je vous écoute.


M. Jean-Marc Fournier (suite)

M. Fournier: M. le Président, on s'est quittés à des heures un peu tardives vendredi dernier. Il me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui et de reprendre. Là, c'est toujours un peu plus difficile quand on coupe un débat en deux. Je sais bien que c'est ce à quoi nous a forcés le gouvernement du Parti québécois, mais, bon, puisque c'est les règles du jeu, je veux bien m'y plier et y aller avec les 12 minutes qui restent.

Essentiellement, dans ces 12 minutes, peut-être rappeler où on se situe depuis la loi qui a amené l'assurance médicaments, telle qu'on la connaît, avec une prime à hauteur de 175 $ qui va passer, avec ce projet de loi là, maintenant à 350 $ par année. Juste le rappeler parce que, depuis que le gouvernement du Parti québécois, soi-disant social-démocrate, a décidé de pénaliser les gens qui sont les plus démunis, il s'est produit des événements. Le rapport Tamblyn en a fait état il y a un an, en mars 1999, essentiellement, dénonçant les effets pervers qui accompagnent cette soi-disant bonne réforme que disait le gouvernement du Parti québécois, dit le rapport Tamblyn, surtout chez les personnes âgées.

D'abord, augmentation de 66 % des événements indésirables, augmentation de 111 % des visites médicales, augmentation de 47 % des visites à l'urgence. Essentiellement, ce qu'on nous dit dans le rapport Tamblyn, c'est la chose suivante: depuis que le gouvernement du Parti québécois a décidé que les personnes démunies allaient avoir à choisir entre leur médication ou manger et que, l'être humain étant ce qu'il est, elles ont décidé de manger, bien, elles ne prennent plus leurs médicaments, et, si elles ne prennent plus leurs médicaments, elles sont obligées d'aller à l'urgence, retour à l'hôpital. La situation, telle qu'elle existe aujourd'hui dans le cadre, je dirais, antérieur à l'adoption du projet de loi sur lequel on débat en ce moment, ce sont ces événements-là, des augmentations effarantes dues à une baisse de consommation parce que les gens n'ont pas les moyens de payer. Alors, quand la ministre de la Santé se lève pour dire: Nous avons établi un régime formidable pour les gens dans le besoin, je lui dis: Elle a tout faux, le rapport Tamblyn lui donne tort.

La simple réalité pour des gens comme nous, chacun des deux côtés, qui occupons les 125 sièges ici – nous avons, par la force des choses, des contacts privilégiés constants avec nos commettants – c'est que l'on sait combien d'entre eux nous disent à chaque jour, sonnent l'alarme, qu'il y a des choix déchirants qui se font, surtout chez les personnes âgées, beaucoup chez les personnes démunies, prises au piège à choisir entre manger ou prendre leurs médicaments. Je vous rappelle, pour mémoire, M. le Président, qu'il s'agit du même parti politique qui a fait une campagne électorale en 1994 en dénonçant le 2 $ sur les médicaments. Il se disait, à l'époque, social et démocrate. Ils ont établi le 2 $, ils l'ont pris, il l'ont monté à 175 $. Ça a donné des effets pervers, selon le rapport Tamblyn, qui font en sorte finalement que non seulement les gens paient plus, mais que ça coûte encore plus au système parce que le système doit prendre les gens à l'urgence ou dans les hôpitaux. Le gouvernement n'y gagne même pas rien. Ce que le monde paie en plus, le gouvernement, ça lui coûte encore plus parce que les gens ne prenant pas leur médication créent une charge accrue dans les milieux hospitaliers et les cliniques d'urgence.

Ces gens-là qui ont crié au scandale au 2 $ ont imposé le 175 $. Non satisfaits de ça, ils le font passer, avec ce projet de loi, à 350 $. Moi, M. le Président, je vous dis, ce parti politique n'est plus social-démocrate, il n'est plus social, il n'est plus démocrate. Il navigue à vue limitée, c'est le moins qu'on puisse dire, quand on s'aperçoit qu'il y a un rendement décroissant. On demande aux gens de payer plus parce que le gouvernement veut mettre l'argent dans ses poches, en n'appelant pas ça une taxe, hein, il appelle ça une prime d'assurance. C'est des taxes, dans le fond, c'est le même payeur de taxes qui paie un régime gouvernemental. Il veut ramasser l'argent des Québécois, le mettre dans son fonds à lui, gouvernemental. Il y a quelqu'un en quelque part qui s'est dit: On va économiser, avec ça. Les gens vont payer une partie, alors on va économiser.

La vérité, M. le Président, c'est que ça ne marche pas du tout. Alors, il m'aurait semblé logique, moi, personnellement, que, dans la foulée du rapport Tamblyn, on se dise: On a fait une erreur quand on est passé du 2 $ à 175 $, il faut ramener ça. Il faut trouver des moyens pour que les personnes âgées et les personnes démunies aient les moyens de prendre leur médication et de manger. Il me semble qu'on aurait dû faire le choix d'éviter les effets pervers, de diminuer les coûts accrus qu'occasionne le fait que les gens ne prennent pas leur médication parce qu'ils n'ont pas l'argent pour payer la prime du Parti québécois. C'est ça qu'on aurait dû faire. Or, aujourd'hui, on nous présente un projet de loi qui double la prime. C'est comme si le gouvernement du Parti québécois souhaitait doubler les effets pervers, souhaitait augmenter l'affluence dans les hôpitaux, dans les cliniques d'urgence, affluence qui ne serait pas nécessaire si les gens prenaient leur médication. Alors, la réponse devrait être: Trouvons un moyen pour qu'ils prennent leur médication, et non pas: Trouvons le moyen de pénaliser encore plus de gens qui, choisissant entre manger et prendre leur médication, vont choisir de manger et de retourner à l'hôpital. Le choix que fait le Parti québécois, c'est celui-là.

Ça se présente dans quel cadre, cette politique scandaleuse de fausse assurance médicaments? Dans quel contexte on retrouve ça? Dans le contexte, M. le Président, où en même temps il y a un autre projet de loi antiservices de soins de santé qui est sur la table, qui cherche uniquement une chose: lever l'obligation qu'ont les professionnels de la santé d'offrir des services de soins de santé. C'est une obligation, ça, ça existe dans la loi. Les professionnels de la santé ont l'obligation de fournir les soins nécessités par la population que nous représentons et qui paie des taxes au gouvernement du Parti québécois. Cette obligation-là d'offrir les soins, elle existe.

La ministre de la Santé avec le premier ministre ont décidé qu'à l'avenir les professionnels n'étaient plus obligés d'offrir les services de santé, ils étaient obligés d'avoir un déficit zéro. C'est ça, l'obligation. Maintenant, l'obligation, c'est d'équilibrer les budgets, étant entendu qu'on ne donnera jamais assez d'argent. Parce que c'est ça qui se passe, on le sait, on l'entend à tous les jours. La ministre nous dit: J'ai donné plus d'argent, et, quand les gens, les professionnels, les intervenants, les commentateurs regardent l'argent qui a été donné, on s'aperçoit qu'il n'a même pas suffi à combler toutes les coupures que le gouvernement du Parti québécois a exercées sur le secteur de la santé depuis qu'il est à la gouverne du Québec.

(17 h 10)

Depuis les six dernières années, c'est une destruction en règle, une démolition en règle du système de santé du Québec à laquelle on assiste. Il n'y en a pas eu assez, d'argent. On a coupé, et coupé et coupé, et aujourd'hui on dit aux établissements: C'est de votre faute si vous n'êtes pas capables d'équilibrer le budget. On dit aux patients: C'est de votre faute si vous passez la porte de l'hôpital le 30 de chaque mois, parce que ça s'adonne que, le budget, on l'a toppé le 29. Alors, quand vous êtes patient puis que vous arrivez le 30, le gouvernement du Parti québécois vous dit: C'est de votre faute si vous allez au-dessus du budget; bien, on va avoir une loi, puis, le 30, quand vous arriverez puis que le budget, il sera plafonné, vous reviendrez le 1er. C'est ça qu'il dit, le gouvernement.

Quand il dit aux Québécois: Maintenant, l'obligation d'offrir des soins de santé n'est plus la règle, la règle d'équilibrer un budget, alors que les responsables de ces budgets crient à tue-tête qu'ils n'en ont pas les moyens, qu'ils n'ont pas l'argent suffisant pour le faire, c'est dans ce contexte-là qu'on a le projet de loi sur l'assurance médicaments. Les mêmes gens qui, à 150 $, selon le rapport Tamblyn, ont forcé les gens à revenir dans les hôpitaux, à revenir dans les urgences parce qu'ils n'avaient pas les moyens de les payer, bien là on vient de les prendre par l'autre porte. Sachant qu'ils allaient faire des visites occasionnées par la non-médication, parce qu'ils n'ont pas les moyens, le gouvernement les reprend puis il dit: T'as essayé de m'avoir en ne prenant pas tes médicaments puis tu reviens à l'hôpital? Bien, regarde bien, on va te couper les services. Il n'y en aura pas, de services, parce que le budget, il est au maximum.

Le ministre de l'Autoroute de l'information devrait aller faire un petit tour dans les hôpitaux, aller faire un petit tour chez les personnes âgées, les personnes démunies pour voir comment elles trouvent ça, un gouvernement du Parti québécois qui, il y a six ans, disait: 2 $, c'est scandaleux, qui a monté ça à 150 $. Puis, à 150 $, ça fait des retours dans les hôpitaux, dans les urgences. Puis là c'est rendu que ce n'est pas assez, 175 $, on va monter à 350 $. Comme ça, on va être sûr qu'ils ne les prendront pas, leurs médicaments, on va être sûr qu'ils vont revenir à l'hôpital. Alors qu'on aurait dû avoir un gouvernement qui se dit: Mais c'est catastrophique, ce qu'on fait là, à 175 $, c'est l'enfer, les gens ne les prennent pas, les médicaments, ils reviennent à l'hôpital, on va essayer de baisser la demande d'hôpital, bien non, on veut la doubler, on double la prime parce qu'on veut doubler la pression sur les institutions de santé, auxquelles on dit: C'est de votre faute si vous dépassez votre budget.

C'est ce contexte-là, M. le Président, dans lequel on débat de ce projet de loi là. Il est incompréhensible, incompréhensible. Dans le contexte du rapport Tamblyn, c'est un scandale, et le Parti québécois aura fort à faire pour tenter un jour de nous faire croire qu'il est redevenu social et qu'il est redevenu démocrate. On est à des années-lumière. Ils sont en train de salir l'allégeance de leur parti à une idée d'entraide au Québec, et je le dis sans avoir peur des mots que je prononce. Quand on voit la réalité à 175 $, on ne peut que présumer que le gouvernement irait vers le bas; au contraire, il demande de doubler les primes. M. le Président, le Parti libéral du Québec sera toujours contre cette idée de faire mal à ceux qui sont les plus démunis. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay, d'avoir complété votre intervention débutée vendredi soir. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, comme vous le savez, nous sommes rendus maintenant à l'adoption du principe du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec. Ce projet de loi modifie certaines règles relatives au financement du régime général d'assurance médicaments et qui ont trait au montant maximal de la prime annuelle, aux règles de calcul du montant payable par un particulier ainsi qu'aux sommes versées au Fonds de l'assurance médicaments. Ce petit projet de loi – je dis bien «petit», car il ne contient que six articles – il est petit mais il est d'une importance cruciale pour les citoyens du Québec qui paient des primes d'assurance médicaments. Alors, il vaut la peine que l'on s'y attarde le temps qu'il faudra pour bien connaître et comprendre tous ses impacts, parce que ses impacts seront nombreux.

Avant tout, ce projet de loi tire sa source du régime d'assurance médicaments qui est entré en vigueur, on s'en souvient, en juin 1996 et qui a mis fin à la gratuité des médicaments pour les prestataires de l'assurance emploi et les personnes âgées recevant le maximum du supplément de revenu garanti, ainsi que pour toutes les personnes de 65 ans et plus à qui on exigeait une contribution de 2 $ par ordonnance, jusqu'à concurrence de 100 $ par année. Ça, on se souvient, M. le Président, c'était à l'époque où le gouvernement libéral était au pouvoir. Suite à la dénonciation du rapport Tamblyn, que mon collègue avant moi a dénoncé avec vigueur, concernant les personnes à l'aide sociale souffrant notamment de maladie mentale, eh bien, la ministre a accepté de modifier sa loi, en octobre 1999, afin de redonner la gratuité aux prestataires de l'assurance emploi ayant des contraintes sévères à l'emploi.

Alors, le régime d'assurance médicaments est obligatoire, on le sait; il est aussi contributif. Une prime annuelle allant de zéro à 175 $ qui est calculée en fonction du revenu est exigée et prélevée à même le rapport d'impôts par le ministère du Revenu. Alors, pour une personne seule, le seuil d'exemption actuellement est de 10 730 $ et, pour un couple sans enfant, il est de 17 400 $. Au-delà de ces seuils, M. le Président, la prime à payer est de 4 % du revenu excédentaire, et ce, jusqu'à 175 $. Les deux clientèles qui sont présentement exemptées de la prime sont les prestataires d'assurance emploi et les personnes âgées qui reçoivent le maximum du supplément de revenu garanti. De plus, on exige une franchise de 100 $ et une coassurance de 25 % du coût des médicaments jusqu'à une contribution maximale annuelle variant entre 200 $ et 750 $ selon les groupes visés.

Alors, vous savez, M. le Président, nous, au Parti libéral du Québec, nous avions donné un sérieux avertissement à la ministre de la Santé lorsqu'elle a présenté son projet de loi sur l'assurance médicaments en 1996. On avait prédit qu'il y aurait des dépassements de coûts et que sa planification n'était pas adéquate. Et que s'est-il passé? Eh bien, effectivement, il y a eu des dépassements de coûts et la planification s'est avérée inadéquate. Pour vous donner des chiffres plus précis sur ce que je viens de vous mentionner, voici un exemple de la mauvaise planification de ce gouvernement qui a eu comme résultat les dépassements qu'on connaît aujourd'hui et pour laquelle la ministre est obligée de déposer un projet de loi. Alors, la ministre avait fait comme planification qu'il y aurait 1,2 million de personnes qui allaient adhérer à l'assurance médicaments; en réalité, c'est 1,5 million de personnes qui y ont adhéré. Alors, ce mauvais calcul a fait en sorte qu'il y a eu un déficit estimé de 79 millions de dollars au Fonds de l'assurance médicaments pour l'année 1999-2000, déficit qu'il faut maintenant combler. Et, bien sûr, le moyen utilisé pour combler ce déficit, c'est de doubler, carrément doubler la prime d'assurance, qui va passer de 175 $ à 350 $ pour la prochaine année, une augmentation de 100 %.

De plus, le rapport d'évaluation du régime, déposé par la ministre en décembre 1999, sur son propre régime d'assurance médicaments concluait que le coût du régime a augmenté de plus de 15 % par année depuis 1997 et que, si l'on maintenait intégralement le régime actuel, le Fonds d'assurance médicaments serait déficitaire de quelque 111 millions de dollars en 2000-2001. 79, 111, ça fait des augmentations de coûts assez appréciables, M. le Président. Quant aux dépenses qui, elles, sont assumées par le fonds consolidé du revenu, c'est-à-dire pour les prestataires de l'assistance emploi, pour les personnes âgées, elles seraient presque de 1,1 milliard de dollars.

Alors, nous ne sommes pas sûrs, M. le Président, que les citoyens, ceux qui ont participé aux consultations publiques à la commission des affaires sociales avant l'adoption du régime, auraient accepté de suivre la ministre et le gouvernement dans ce projet s'ils avaient été au fait de toutes ces informations. Et ils accepteront encore moins de les suivre aujourd'hui en sachant que ce projet de loi pourra faire augmenter la prime à chaque année en fonction de l'augmentation des coûts du régime, et ça, sans que les parlementaires aient leur mot à dire.

(17 h 20)

M. le Président, en décembre 1999, la ministre de la Santé et des Services sociaux déposait un rapport sur l'évaluation du régime d'assurance médicaments, j'en ai parlé tantôt. Alors, ce rapport précisait que le coût des médicaments qui sont financés à même le fonds consolidé de la province, donc à même vos taxes, vos impôts à tout le monde, et ça, pour certaines personnes âgées, comme j'ai mentionné tantôt, et les prestataires de l'aide sociale, eh bien, ça, ça coûterait 122 millions de dollars de plus que les crédits prévus. Et, en ce qui concerne les médicaments qui sont défrayés à même le Fonds de l'assurance médicaments, donc par le 1,5 million d'adhérents, on prévoit, tel que je viens de le mentionner, un coût de dépassement de l'ordre de 79 millions de dollars d'ici la fin de l'année financière 1999-2000. En février 2000, la commission des affaires sociales a donc procédé à une consultation générale sur un document publié par le ministère et qui s'intitulait Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments .

La majorité des groupes qui sont venus en commission n'ont pas osé se prononcer sur le montant de l'augmentation éventuelle de la prime, alléguant qu'ils ne possédaient pas l'expertise nécessaire pour le faire. De toute façon, dès le départ, la décision de la ministre de doubler les primes était arrêtée, et ce, peu importent les recommandations ou les suggestions que ces groupes auraient pu faire valoir aux membres de la commission.

Alors, M. le Président, il nous faut faire un constat: avec le vieillissement de la population et l'accroissement de la demande des soins de santé, il devient de plus en plus urgent de trouver de nouvelles solutions aux problèmes des réseaux de la santé, notamment à celui du déficit du Fonds de l'assurance médicaments, j'en conviens. Le Québec vieillissant constitue un enjeu de société. Parmi tous les pays industrialisés, c'est le Québec qui encaisse le plus rapide coup de vieux au monde, pour reprendre les propos du Bureau québécois de l'Année internationale des personnes âgées. Le vieillissement de la population a donc un impact important sur la vie de l'ensemble de la société québécoise, sur les besoins et les attentes des personnes âgées d'aujourd'hui et encore davantage sur les besoins et les attentes de celles de demain. Or, dans ce contexte, refuser catégoriquement de rehausser la prime d'assurance médicaments constituerait, à mon avis, une erreur, puisqu'il ferait reposer sur les générations à venir, les plus jeunes, des coûts qui ne cesseront de s'accroître.

Il faut donc, à mon avis, instaurer un principe d'utilisateur-payeur, mais il faut aussi protéger les principes qui sont si chers à la société québécoise, c'est-à-dire principes de solidarité envers les moins biens nantis de notre population. En ce sens, le projet de loi n° 117 qu'a déposé la ministre constitue un projet de loi qu'il faut regarder avec circonspection parce qu'on n'y tient pas assez compte de la situation des personnes âgées qui, comme le rapport Tamblyn l'avait décrié, feront le choix de se nourrir plutôt que de se soigner.

La Coalition sur l'assurance médicaments, qui regroupe 206 associations, groupes et regroupements, a demandé d'assurer la gratuité des médicaments pour toutes les personnes vivant sous le seuil de faibles revenus par Statistique Canada, soit 17 571 $. Elle a réclamé également l'intégration complète des médicaments dans le système public de santé. Or, la ministre a tout simplement choisi de les ignorer. Dans le régime actuel, pour une personne seule, je vous le redis, M. le Président, le seuil d'exemption est actuellement de 10 730 $ et, pour un couple sans enfants, il est de 17 400 $. On est loin du montant préconisé par Statistique Canada pour le seuil de faibles revenus. Avec le projet de loi n° 117, l'exemption pour une personne seule sera de 10 860 $, un léger répit de 130 $, tandis que l'exemption pour un couple d'adultes sera de 17 600 $, un répit pour le couple de 200 $.

Ça m'amène à vous parler, M. le Président, du rapport Ryan sur la pauvreté, lequel a servi de prémisse à la plateforme électorale du Parti libéral du Québec en 1998. Dans son rapport intitulé L'État québécois et la pauvreté , le groupe de travail du Parti libéral du Québec, présidé par l'ex-ministre, M. Claude Ryan, proposait que soit haussé à 16 480 $ le seuil au-delà duquel une personne seule est tenue de cotiser au régime d'assurance médicaments. On proposait également que soit révisée à la baisse pour les personnes âgées touchant le supplément de revenu garanti et également pour les prestataires de l'assistance emploi la contribution maximale exigée pour la participation au régime d'assurance médicaments ou, si vous préférez, ce qu'on appelle la coassurance de 25 %.

En conclusion au rapport Ryan, il est écrit, et je cite: «Il devrait être entendu qu'à moins d'exception tout projet ministériel susceptible d'entraîner une diminution des services ou des charges accrues pour les membres plus pauvres de la société sera refusé, à moins que ne soit offert en contrepartie un mode juste de compensation pour les personnes qui auront à subir les effets négatifs.» Ça, c'est la position du Parti libéral du Québec lors de la dernière campagne électorale en 1998. Or, qu'est-ce qu'a fait le gouvernement du Parti québécois pour les personnes âgées depuis qu'il a été porté au pouvoir en 1994? Laissez-moi vous le dire. Les aînés ont été particulièrement touchés par les mesures de compressions budgétaires. Notons, un, l'abolition de la déduction d'impôts sur les premiers 1 000 $ de revenus en provenance de placements faits au Canada, deux, l'abolition du remboursement d'impôts fonciers de 100 $ pour les personnes à faibles revenus, trois, la récupération des crédits d'impôt en raison de l'âge et pour frais médicaux à compter d'un revenu de 26 000 $, quatre, l'imposition d'une contribution financière pour l'accès aux médicaments via le nouveau régime d'assurance médicaments, alors qu'auparavant, je vous le rappelle, sous le gouvernement libéral, les personnes âgées ne devaient que débourser 2 $ par prescription.

Inutile de vous rappeler, M. le Président, que les personnes âgées du Québec vivent, pour la plupart, de revenus fixes qui n'augmentent pas avec les années. 63 % des aînés avaient, en 1994, un revenu inférieur à 15 000 $, tandis que moins du quart se situait entre 15 000 $ et 25 000 $ dans l'échelle des revenus. Donc, une augmentation de la prime de 100 % pour ces personnes âgées qui ont un revenu supérieur à 21 160 $, ça ne constitue ni plus ni moins qu'une autre claque dans la face des personnes âgées du Québec.

Il faut reconnaître, j'en conviens, que l'assurance médicaments est en soi un complément heureux à notre système de moins en moins gratuit de soins de santé. Le système québécois souffrait à cet égard d'une carence majeure que l'instauration de l'assurance médicaments est venue combler. Il ne saurait être question d'en réclamer l'abolition pure et simple comme le souhaite le Conseil des aînés, puisque revenir en arrière aurait pour effet de priver de nombreuses personnes qui n'ont pas accès à un régime privé. Il faut reconnaître aussi que l'implantation du régime d'assurance médicaments a été faite en grande partie sur le dos des personnes âgées et des pauvres.

Sous le régime antérieur, les personnes âgées, je le répète encore, avaient accès aux médicaments prescrits par le médecin sur paiement d'une modeste contribution de 2 $ par prescription. Le solde de la facture était absorbé par l'assurance maladie. Les prestataires de l'assurance emploi étaient, pour leur part, exempts de toute contribution financière et avaient accès gratuitement aux médicaments prescrits par le médecin. Le régime actuel, institué en 1996-1997, vise à mettre l'assurance médicaments à la portée de tous, mais, en pratique, M. le Président, deux catégories de personnes, les aînés et les prestataires de l'assistance emploi, ont été lourdement touchées. Les prestataires de l'assurance emploi, sans contrainte ou encore avec contraintes temporaires à l'emploi, doivent maintenant débourser jusqu'à 200 $ par année en franchise mensuelle de 8,33 $ par mois et en coassurance de 25 % du coût des médicaments. Pour leur part, les personnes âgées recevant partiellement du supplément de revenu garanti peuvent débourser jusqu'à 500 $ par année en plus de la prime allant jusqu'à 175 $ par année, alors que les personnes âgées ne recevant pas de supplément de revenu garanti paient 750 $ en franchise et en coassurance en plus d'une prime de 175 $ par année. En tout, depuis trois ans, le gouvernement est venu chercher 836 millions de dollars dans les poches des aînés. Alors, on est loin du 2 $ par prescription de médicaments.

(17 h 30)

Donc, il est malheureux, mais on doit constater que le projet de loi n° 117 ne corrige pas les lacunes tant décriées soit dans le rapport Tamblyn de 1999 ou encore dans le rapport Ryan de 1998. Depuis son implantation, le régime d'assurance médicaments a fait l'objet de nombreuses dénonciations de la part des différents intervenants oeuvrant auprès des personnes démunies et des personnes âgées. Le rapport Tamblyn précise qu'une baisse de consommation de médicaments essentiels pour le traitement des maladies chroniques a engendré une augmentation de 111 % de visites médicales et de 47 % de visites à l'urgence. La ministre a préféré s'en tenir à une approche comptable du problème plutôt qu'à des solutions plus humanistes qui auraient fait en sorte de corriger les lacunes de son régime. Plusieurs groupes, dont le Collèges des médecins et l'Ordre des pharmaciens du Québec, ont dénoncé cette approche exclusivement financière de la ministre.

Les médicaments d'aujourd'hui, comme mon collègue le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition en matière de santé l'a déclaré, font partie intégrante des outils thérapeutiques de notre système de santé. Certains médicaments remplacent maintenant l'opération chirurgicale et génèrent, on le sait, des économies substantielles au réseau de la santé. De plus, comme les médicaments sont de plus en plus efficaces, ils permettent la désinstitutionnalisation des personnes atteintes de maladies mentales et le virage ambulatoire, soins à domicile, chirurgies d'un jour, diminution du nombre de jours nécessitant l'hospitalisation. Or, dans le coût de dépassement de 79 millions de dollars du Fonds de l'assurance médicaments, la ministre n'a pas pris en compte l'économie générée par le virage ambulatoire dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, elle a préféré prendre la voie la plus facile, soit la solution d'augmenter la prime de 100 % d'un seul coup pour régler son problème financier.

Bien que je reconnaisse, comme je l'ai dit tout à l'heure, le bien-fondé du principe d'utilisateur-payeur, et qu'en ce sens une personne qui a les capacités financières, peu importe son âge, devrait payer une prime plus importante, et bien que je reconnaisse que le régime se doit d'être indexé partiellement en fonction des coûts, je considère que la ministre n'est pas allée assez loin dans la présentation de son projet de loi. Elle aurait dû, selon moi, ajuster la portion payée par le fonds consolidé, c'est-à-dire par les taxes et les impôts, pour prévoir la gratuité à toutes les personnes vivant sous le seuil de faibles revenus.

Elle aurait dû également analyser la somme des économies réalisées par le réseau de la santé via le virage ambulatoire, puisqu'un plus grand nombre de gens doivent acheter leurs médicaments, alors qu'auparavant ils leur étaient fournis par les centres hospitaliers. La déshospitalisation ou, si vous voulez, la non-hospitalisation des malades fait en sorte que les gens se soignent plus par médication plutôt que par traitement et, donc, doivent consommer plus de médicaments. Or, ces coûts étant dorénavant assumés par les citoyens, la ministre aurait pu soustraire les économies réalisées par le virage ambulatoire du déficit de 79 millions de dollars du régime et ainsi imposer une augmentation de la prime beaucoup moins importante que celle de 100 % telle que proposée par son projet de loi n° 117.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, j'invite la ministre à refaire ses devoirs et à apporter les amendements nécessaires pour refléter les préoccupations des nombreuses associations de personnes qui sont venues se faire entendre en commission parlementaire au mois de février dernier. En attendant, M. le Président, je me vois dans l'obligation, pour la protection des intérêts des malades du Québec, de voter contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Nous poursuivons le débat et nous cédons maintenant la parole au député de Viger. Alors, M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. On intervient aujourd'hui sur le projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec.

M. le Président, j'interviens sur ce projet de loi, comme l'ont fait jusqu'à date mes collègues du Parti libéral, pour dénoncer avec véhémence ce projet de loi là qui a été présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux. Comme vous voyez, depuis un certain temps, c'est seulement les députés de ce côté-ci de la Chambre, des députés du Parti libéral, des députés de l'opposition qui s'objectent à ce projet de loi là. De l'autre côté, il n'y en a pas, ils ne se lèvent même pas. Ils sont consentants, même si intérieurement, moi, je suis convaincu qu'ils ne sont pas d'accord avec ce projet de loi là.

M. le Président, comment on peut être d'accord avec un projet de loi qui double, dans l'espace d'une année, la prime à payer pour l'assurance, entre guillemets, médicaments? Ce projet de loi, il fait passer la prime de l'assurance médicaments de 175 $ à 350 $. Ce n'est pas 10 %, ce n'est pas 5 %, ce n'est pas 15 %, mais c'est 100 %, M. le Président. Et qui est frappé par cette loi-là? Encore le monde le plus petit, le monde qui a moins d'argent, le monde qui est plus dans le besoin. Ce sont les personnes âgées et les personnes les plus démunies. Imaginez-vous, quelqu'un qui payait jusqu'à hier 175 $, et qui avait de la misère à payer 175 $, il se voit, demain matin, dans l'espace de quelques semaines, payer 350 $. Ce projet de loi là a été dénoncé par la très grande majorité des gens, des organismes qui sont concernés, particulièrement par des personnes âgées et les personnes les plus démunies.

M. le Président, on se rappellera que, en campagne électorale, en 1998, en commission parlementaire, on avait dit à ce gouvernement-là que la prime de 175 $ n'était pas suffisante pour payer l'assurance médicaments. Mais on était à l'approche de la campagne électorale, il ne fallait pas faire voir à la population que ça pourrait coûter beaucoup plus cher. Il ne fallait pas le faire voir, parce que, autrement, ça aurait pu mettre en péril la campagne électorale. Nous l'avons dénoncé avec véhémence, parce qu'on se rappellera que cette loi-là vient remplacer la loi qui avait été faite par le Parti libéral, où les personnes âgées, où le monde était obligé, à ce moment-là, de payer seulement 2 $ par prescription. On se rappelle, et je le répète, que cette loi vient remplacer la loi où les personnes âgées et les personnes les plus démunies... même que les plus démunies, elles ne payaient rien, mais les personnes âgées, elles payaient seulement 2 $ pour un maximum de 100 $ par année. Mais, pour arriver à 100 $, il fallait avoir 50 prescriptions.

Je me rappelle encore le président du Conseil du trésor actuel, le député de Labelle, qui s'était levé pour dénoncer ça parce que c'était une brèche à l'universalité et à la gratuité de l'assurance médicaments. Le député de Labelle, le président du Conseil du trésor avait dit que c'était épouvantable, que c'était irresponsable, que c'était quasiment, je dirais, aberrant d'imposer à des personnes, spécialement avec des revenus fixes, 2 $ pour aller chercher leurs médicaments. M. le Président, 2 $. Aujourd'hui de 2 $ par prescription à un maximum de 100 $, je répète, par année – ça, c'était le pire qu'il pouvait arriver à des personnes qui étaient concernées par ça, ça prenait 50 prescriptions, c'était 2 $ par prescription – on passe à 350 $. M. le Président, 350 $.

Et ce n'est pas fini, parce que ce projet de loi qui semble un peu anodin, il dit: Mais, de même, ça va aller à 350 $, mais ça s'arrête là. Mais non, bien non, il ne s'arrêtera pas là parce que, dans le même projet de loi, il y a une indexation chaque année, une indexation le 1er janvier de chaque année, et cette indexation-là, elle peut aller jusqu'à 15 %. Ça veut dire que, l'année prochaine, ça serait 350 $, plus 15 %. 15 % de 350 $, M. le Président, ça fait un autre 52,50 $. Ça veut dire que l'année après, ce n'est pas 350 $, mais c'est 402,50 $. L'année suivante, c'est encore 15 % de 400 $, c'est un autre 60 $. Ça veut dire que, dans l'espace de quatre ans, la prime qu'aujourd'hui seront obligés de payer ces gens-là, de 350 $, elle va aller au-delà de 700 $.

(17 h 40)

Est-ce que c'est raisonnable? Moi, je considère que c'est complètement, complètement aberrant. Comment on peut indexer une prime comme celle-là de 15 % quand l'indexation que le gouvernement donne à ces personnes âgées ou à d'autres, ce n'est même pas un 2 %. Le coût de la vie, c'est autour de 1,5 % à 2 %. Imaginez-vous qu'une personne qui reçoit la Régie des rentes du Québec, qui reçoit la pension du Canada et qui se voit augmenter cette pension probablement de 1 %, 1,5 %, 2 % dans le maximum des cas, elle va payer une augmentation de 15 % sur son assurance médicaments, M. le Président. C'est complètement aberrant et ridicule.

Et la Coalition sur l'assurance médicaments, qui représente 206 groupes, associations et regroupements, a demandé la révision immédiate du régime afin d'assurer la gratuité des médicaments pour toutes les personnes vivant sous le seuil de faibles revenus établi par Statistique Canada, soit 17 571 $. Qu'est-ce qu'elle a fait, la ministre de la Santé et des Services sociaux? Elle a fait la sourde oreille. Elle ne veut rien savoir. Il faut qu'elle aille chercher, les deux mains dans les poches, le plus possible d'argent des contribuables, et je le répète encore, ceux qui ont moins de possibilités, qui ont moins d'argent.

Ce gouvernement-là, avec son virage ambulatoire, vous savez qu'aujourd'hui... Avant, on entrait à l'hôpital, on subissait une opération, on restait quatre, cinq jours habituellement à l'hôpital, vous le savez très bien, M. le Président. Chez vous dans Trois-Rivières, dans le coin de Shawinigan, comme chez nous à Montréal, à Saint-Léonard, comme à Québec, on subissait une opération, on restait là pendant cinq, six jours, puis les médicaments, pendant qu'on était à l'hôpital, c'était couvert par l'hôpital.

Aujourd'hui, qu'est-ce qui arrive avec le virage ambulatoire? Ces personnes-là qui restaient quatre, cinq jours à l'hôpital, parce qu'elles avaient besoin d'avoir des traitements, elles sont mises à la porte de l'hôpital 24 heures après l'opération. Et, par conséquent, qu'est-ce qui arrive, étant donné qu'elles sont mises, 24 heures après l'opération, en dehors de l'hôpital? L'hôpital et, par conséquent, le ministère de la Santé et des Services sociaux ne paient plus les médicaments qu'ils payaient avant. Ça veut dire qu'il va aller chercher de l'argent, parce que les médicaments ne sont plus donnés pour cause que le patient n'est plus à l'hôpital. Il l'envoie chez lui. Il a des problèmes chez lui parce qu'il n'a plus les mêmes soins qu'il recevait à l'hôpital. Mais, à part ça, le gouvernement, il épargne de l'argent parce qu'il ne donne plus les médicaments.

Mais là la personne qui est chez elle est obligée de payer ces mêmes médicaments, M. le Président. Il n'a même pas eu le courage de dire: Au moins, pendant un certain temps, étant donné que l'hôpital vous a mis dehors, à ce moment-là, vous n'aurez pas à payer. Les médicaments qui étaient donnés à l'hôpital, on vous les donne chez vous. Non. Là, il faut que vous restiez chez vous, avec tous les problèmes, toutes les conséquences, après une opération, de vous en aller chez vous 24 heures après, il faut que vous payiez vos médicaments.

J'imagine, M. le Président, que la ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas fait le tour dans les hôpitaux. Elle n'a pas fait le tour dans les hôpitaux pour voir un peu quelle est la situation. Je l'ai dit, chez nous, j'en ai quatre, hôpitaux, moi. J'ai l'Institut de cardiologie, j'ai une partie de Maisonneuve-Rosemont, j'ai Santa Cabrini puis j'ai l'hôpital Marie-Enfant. Je demanderais à ces gens-là, et particulièrement à la ministre de la Santé et des Services sociaux, de faire un tour dans ces hôpitaux-là pour voir réellement la situation qu'ils vivent, spécialement les personnes âgées. C'est l'insensibilité même qui s'est installée dans le coeur et dans l'âme de ce gouvernement. Comme je disais tantôt, c'est que ce gouvernement qui se disait un gouvernement social-démocrate est rendu à frapper les plus démunis de notre société. Et c'est ça qui est terrible, c'est ça qui fait mal.

M. le Président, on se rappellera que ce gouvernement-là, il a eu le culot, pendant que les gens souffraient, qu'ils étaient alités dans les corridors, qu'ils étaient quasiment sur la porte des hôpitaux, de cacher 841 millions de dollars dans une banque à Toronto, pendant que les gens souffraient, que les gens, je ne dirai pas qu'ils étaient en train de mourir, mais quasiment. Parce que c'était décrié par tout le monde, la situation qu'on vivait dans les hôpitaux au Québec. Ce gouvernement, seulement pour la question financière, pour une question économique, pour cacher de l'argent et pour dire qu'il avait bien administré, il s'en fichait quasiment éperdument, des personnes âgées.

Ce gouvernement, il ne mérite plus la confiance de la population du Québec. Avec ce qu'il vient de déposer, avec ce projet de loi n° 117 qui va doubler la prime et, dans l'espace de quatre ans, va la tripler, parce que c'est ça qui va arriver avec l'indexation de 15 %, j'imagine qu'un jour la population va se rappeler de ça puis qu'elle va en faire payer les conséquences à ce gouvernement-là qui est devenu irresponsable, insensible et, je dirais, quasiment impitoyable vis-à-vis la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viger. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, vous comprendrez que je tiens à vous dire tout de suite que je suis profondément, mais profondément en désaccord et contre le projet de loi n° 117 qui se veut tout simplement une taxe déguisée. Ce projet de loi n'a aucune vision d'ensemble et a une approche exclusivement financière et comptable. La ministre de la Santé a choisi la voie de la facilité, tout comme son prédécesseur d'ailleurs, le député de Charlesbourg. Elle a décidé, comme l'ancien ministre de la Santé du Parti québécois, d'aller chercher de l'argent dans les poches de tous les contribuables québécois tout en continuant – c'est ça qui est le plus scandaleux – de fermer les yeux sur ce que vivent les personnes âgées à faibles revenus au Québec, fermer les yeux sur ce que vivent des milliers de prestataires de l'aide sociale, les plus démunis de notre société.

M. le Président, je tiens à vous rappeler une petite citation, des propos qui ont été tenus tout récemment par le Collège des médecins du Québec, qui dit ceci quant au projet de loi que nous avons devant nous: «L'essentiel – et c'est le Collège des médecins qui parle – de notre message concerne le fait que l'administration de ce régime et les scénarios envisagés pour l'améliorer relèvent d'une approche strictement comptable et actuarielle sans tenir compte d'une approche d'assurance qualité. La place du médicament doit être examinée aux côtés des autres composantes du système de santé et de soins. L'opportunité d'utiliser un nouveau médicament peut supplanter l'opportunité d'utiliser un lit d'hôpital ou une salle d'opération.» Des commentaires assez sévères quant à l'approche comptable que le gouvernement du Parti québécois et la ministre de la Santé ont prise au sujet du projet de loi n° 117 pour le régime d'assurance médicaments.

M. le Président, je pense qu'aujourd'hui il est important de faire un bref historique. Je pense que ça s'impose parce que j'ai remarqué qu'on a beaucoup cette facilité, dans ce gouvernement, d'oublier les mauvais coups que l'on a faits. Alors, permettez-moi de vous rappeler comment est né le régime d'assurance médicaments au Québec. Avant l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir, les gens, au Québec, les personnes âgées payaient 2 $ par prescription, jusqu'à un maximum de 100 $, pour obtenir leurs médicaments. Les personnes âgées avec le supplément de revenu garanti et les plus démunis des prestataires à l'aide de dernier recours avaient la gratuité des médicaments. Arrivent au pouvoir le gouvernement du Parti québécois et son nouveau ministre de la Santé, M. le Président. Puis souvenez-vous à combien de reprises le premier ministre actuel parlait du député de Charlesbourg, à l'époque ministre de la Santé, comme il était le meilleur ministre de la Santé de l'histoire du Québec.

(17 h 50)

Une voix: ...

Mme Loiselle: Bon, c'est corroboré par un de ses collègues, ici. Alors, ce meilleur, et grand, et remarquable ministre de la Santé de l'époque, M. le Président, le député de Charlesbourg, lui, tout ce qu'il a fait finalement, c'est de mettre en place une soi-disant réforme. Obsédé et hanté par l'obsession du déficit zéro, il n'a fait que démanteler notre régime de santé au Québec, n'a fait que massacrer le régime de santé au Québec. Et, pendant que, d'une part, il massacrait notre régime de santé au Québec, il a eu la bonne idée aussi de mettre en place un régime d'assurance médicaments, mais non pas avec des valeurs sociales. Ce n'est pas ça qui l'a guidé. Ce qui l'a guidé, c'est des impératifs financiers, parce qu'on venait de lui donner la commande d'aller chercher le plus rapidement possible 200 millions, toujours dans la hantise et l'obsession du déficit zéro. Alors, en bon soldat aveuglé par la partisanerie, le député de Charlesbourg et ministre de la Santé de l'époque met en place un régime d'assurance médicaments.

Eh bien, M. le Président, je dois vous dire que j'ai été très déçue de l'attitude de ce ministre à l'époque, particulièrement lors des consultations particulières. Il faut se rappeler qu'en 1996, lors du dépôt du projet de loi n° 33 pour mettre en place le régime d'assurance médicaments, on a fait des consultations particulières, des générales. Et là des groupes, un grand nombre de groupes, des intervenants du réseau de la santé, des groupes qui travaillent auprès des plus démunis, des organisations qui travaillent avec les aînés et pour les aînés sont venus en commission parlementaire et tous, d'une même voix, ont dit: Vous devez modifier votre projet de loi n° 33, parce que, si vous le présentez de la façon dont il est libellé actuellement, il va avoir des conséquences dramatiques sur la vie des gens les plus démunis, sur la vie des gens qui n'ont pas beaucoup de revenus, particulièrement. Et, à l'époque, en 1996, avant même que la loi soit adoptée, les organismes avaient ciblé que les personnes âgées à faibles revenus et les prestataires de l'aide sociale auraient énormément de difficultés à pouvoir se procurer leurs médicaments.

À l'époque, en commission parlementaire, il y a des groupes qui nous ont dit: Vous savez ce qui va arriver, M. le ministre? Eh bien, il y a des gens qui vont être obligés de faire des choix déchirants, il y a des gens à faibles revenus qui vont être obligés, un mois, de dire: Bon, qu'est-ce que je fais? Est-ce que je paie mon loyer, est-ce que je coupe dans l'épicerie ou je me prive de médicaments? Et, malheureusement, un grand nombre, des milliers de personnes au Québec se sont privées de leurs médicaments et, M. le Président, ont détérioré leur état de santé.

Tout ce qui avait été prédit lors de cette commission parlementaire en 1996, eh bien, malheureusement, quelques années plus tard, ça a été confirmé et dénoncé dans le rapport du Dr Robyn Tamblyn. Tous les effets dévastateurs, tous les effets pernicieux du régime de l'assurance médicaments, on les retrouve, M. le Président, dans le rapport du Dr Tamblyn. La seule modification que le gouvernement a faite, presque une année une fois que le rapport a été déposé, c'est de redonner la gratuité aux personnes à l'aide sociale qui ont des contraintes sévères à l'emploi.

Mais tous les autres, tous les autres démunis de l'aide sociale qui ont dû – il ne faut pas l'oublier, ça aussi, le gouvernement n'en parle pas souvent – subir des coupures incessantes au cours du dernier mandat, qui ont vu leurs prestations d'aide sociale baisser et diminuer, en plus d'avoir le fardeau de la contribution financière pour l'assurance médicaments... Le gouvernement, à date, ayant en main le rapport Tamblyn, n'a rien fait pour tous ces autres bénéficiaires de l'aide sociale et, pire encore, le gouvernement sachant aussi – et ça, c'est démontré de façon très claire dans le rapport du Dr Tamblyn – que les personnes âgées à faibles revenus ont détérioré leur état de santé parce qu'elles ont été incapables de fournir la contribution financière. Par dignité et, j'imagine aussi, pour ne pas aller quémander dans des organismes communautaires, ne pas aller quémander chez leur pharmacien, elles se sont privées de leurs médicaments.

M. le Président, je veux rappeler, parce qu'il faut toujours se rappeler ce qui s'est passé avant... Et, aujourd'hui, on a la chance, le gouvernement a la chance d'apporter des correctifs. Quand on parle de la vie des gens, quand on parle de la santé, la détérioration de l'état de santé, quand on se rend compte qu'un projet de loi, qu'un régime qu'on a nous-mêmes implanté a des effets pervers sur la vie des gens, il me semble qu'il faut avoir le courage, comme gouvernement, de dire: Oui, j'ai fait une erreur, mais je suis prêt à l'admettre et à faire les correctifs nécessaires.

À l'époque – je veux juste vous lire ça, pour revenir sur le ministre de la Santé – l'éditorial de Josée Legault, du mois de juillet 1996, au moment de l'implantation du régime d'assurance médicaments, Mme Legault disait ceci: «Cela dit, un fait demeure. On fera payer ceux qui n'en ont pas les moyens, alors que, pour une consommation équivalente de médicaments, des plafonds similaires seraient appliqués à des niveaux de revenus très différents. Bref, le plan Rochon n'établit en rien un partage équitable des frais entre générations, mais impose une répartition inéquitable entre les classes sociales. Le ministre de la Santé, Jean Rochon, ressemble de plus en plus à un homme endormi au volant d'un bolide.» Ça, c'est un éditorial qui a paru au moment de l'implantation du régime de l'assurance médicaments.

M. le Président, je dois vous dire que, à grand regret – à grand regret, je dois l'admettre – pour les gens qui sont venus en commission parlementaire, au mois de février, pour parler de la révision du régime de l'assurance médicaments, pour ces personnes-là qui ont préparé des mémoires et qui ont cru dans la démarche du gouvernement, malheureusement, cette consultation particulière là était un peu de la frime, était un peu bidon. Pourquoi? Parce qu'on réalise aujourd'hui, parce qu'on sait très bien aujourd'hui que la décision gouvernementale de doubler les primes était déjà prise par le gouvernement au moment même où on commençait la première audition à la commission parlementaire.

On s'est servi de cette commission parlementaire, M. le Président, pour une chose, c'est finalement d'amoindrir l'impact de l'annonce, quand la ministre était pour annoncer qu'elle doublait les primes et aussi qu'elle ne faisait rien pour corriger les conséquences dramatiques que vivent les personnes âgées à faibles revenus, que vivent aussi tous les autres prestataires de l'aide sociale que le gouvernement a complètement oubliés dans sa révision du régime de l'assurance médicaments.

M. le Président, lors de cette consultation particulière, un grand nombre de groupes, je dirais même la grande majorité des groupes qu'on a entendus, et particulièrement les intervenants du réseau, ont demandé à la ministre de la Santé de corriger et de réparer les inéquités, de corriger et de réparer les lacunes du régime de l'assurance médicaments et d'effacer, une fois pour toutes, les conséquences et les effets pervers de ce régime pour les plus démunis et les moins fortunés de notre société.

M. le Président, j'aimerais vous lire quelques propos qui ont été tenus en commission parlementaire par des groupes sérieux, des groupes importants. Vous me faites signe que le temps est terminé? Non? Je rappellerai, d'entrée de jeu, le mémoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, qui disait ceci d'entrée de jeu à la ministre, en commission parlementaire: «En 1997, la mise en place rapide du régime d'assurance médicaments – pour ne pas dire, M. le Président, bâclée et précipitée – pour répondre à des impératifs financiers – ce n'est pas moi qui le dis, c'est la FTQ – a amené plusieurs citoyens à subir les contrecoups d'une certaine improvisation. Le besoin de prendre notre temps pour bien évaluer l'impact des décisions qui seront prises dans ce dossier constitue la première leçon à tirer de l'évaluation des trois premières années du régime.»

Alors, ça, M. le Président, c'était la première mise en garde des gens de la FTQ au début de la commission parlementaire sur la révision du régime de l'assurance médicaments.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je m'excuse, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, malheureusement, le temps... Je dois suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Je vais vous souhaiter un bon appétit. Et je vous avise qu'il vous reste maintenant huit minutes à votre allocution. D'accord? Alors, je suspends donc nos travaux. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Si vous me permettez, je vous demande de bien vouloir ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme Mme la députée n'a pas terminé son temps de parole, son allocution, même si vous exercez vos droits de leader adjoint, il n'en demeure pas moins que le président se doit de suspendre les travaux à 20 heures. Et, Mme la députée, si vous désirez revenir à 20 heures... Alors, je suspends donc nos travaux.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour et nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec. C'est Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui avait la parole, et il reste encore un huit minutes, à peu près, à son intervention. Alors, Mme la députée, je vous cède la parole.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Alors, comme vous le disiez si bien à 18 heures, avant la suspension pour la pause repas, je signalais à votre prédécesseur que j'étais profondément contre le projet de loi n° 117, parce que c'est un projet de loi qui n'a qu'un seul objectif, c'est de piger dans les poches des contribuables québécois et, en même temps, tout en balayant du revers de la main et en fermant les yeux sur les conséquences dramatiques que vivent des personnes âgées à faibles revenus au Québec ainsi que des milliers de prestataires de l'assurance emploi, de l'aide sociale qui ont été les premières victimes de l'improvisation de ce gouvernement en 1996, du travail mal fait de ce gouvernement en 1996, et aussi de l'obsession du gouvernement qui, à l'époque, je le rappelais tantôt, par le biais du ministre de la Santé et député actuel de Charlesbourg, n'avait qu'une mission en implantant ce régime d'assurance médicaments là, c'est d'aller récupérer le plus tôt possible 200 millions dans les poches des prestataires de l'aide sociale et des personnes âgées à faibles revenus afin de répondre à une commande pour l'objectif, la hantise et l'obsession du déficit zéro, on se rappelle, au dernier mandat de ce gouvernement.

(20 h 10)

Avant la pause pour le repas, M. le Président, je vous signalais également qu'en février dernier, lors de la consultation particulière que nous avons eue sur le document qui avait été déposé à l'époque par le ministre de la Santé sur les pistes de révision du régime de l'assurance médicaments, je vous signalais les propos, d'entrée de jeu, lors de la commission, de la FTQ, le mémoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui disait ceci au gouvernement en février dernier, qui lui rappelait son passé, qui lui rappelait le travail mal fait de ce gouvernement lors de l'implantation du régime d'assurance médicaments.

La FTQ a dit ceci à la ministre de la Santé, en commission parlementaire, il y a quelques semaines: «En 1997, la mise en place rapide du régime d'assurance médicaments pour répondre à des impératifs financiers a amené plusieurs citoyens à subir les contrecoups d'une certaine improvisation. Le besoin de prendre notre temps pour bien évaluer l'impact des décisions qui seront prises dans ce dossier constitue la première leçon à tirer de l'évaluation des trois premières années du régime.» Un peu plus loin dans son mémoire, M. le Président, il y avait une phrase qui en dit très long sur l'impact qu'a fait ce gouvernement dans la vie de milliers de citoyens moins fortunés au Québec: «La santé – c'est la FTQ qui parle – est un droit qui ne se monnaie pas et personne ne devrait se voir refuser l'accès à des soins ou à des médicaments faute d'avoir des revenus suffisants.»

M. le Président, lors de cette commission parlementaire, il y a le Conseil des aînés qui a démontré au gouvernement qu'ils étaient aussi les premières victimes de l'improvisation et du travail mal fait de ce gouvernement-là en mettant en place un régime d'assurance médicaments non pas sur des valeurs sociales, mais bien avec un but d'objectif financier. Le Conseil des aînés a dit ceci à la ministre, en commission parlementaire: «Nous considérons, quant à nous, que vous avez oublié un scénario dans les propositions, soit celui d'abolir le régime d'assurance médicaments et de prôner le retour au fonctionnement antérieur. Quand on s'est trompé de façon si évidente, il n'y a pas de mal à l'avouer et de revenir à un système où on avait un meilleur contrôle, quitte à en revoir certaines fonctionnalités [...]. Le Conseil des aînés considère qu'une telle prise de décision nécessite plus d'éclairage, de précision et de discussion qu'il nous a été permis de le faire lors de ce processus éclair.»

Le Conseil des aînés, M. le Président, dit ceci au gouvernement: Si vous avez un peu de courage – parce que c'est le mot à la mode dans la bouche des députés péquistes depuis quelque temps en Chambre, alors on lui renvoie, mais, cette fois-ci, c'est le Conseil des aînés qui parle à son gouvernement, qui lui dit – admettez donc que vous avez fait une erreur, admettez donc que vous avez mis en place un régime d'assurance maladie parce que vous vouliez récupérer de l'argent dans les poches des personnes aînées. En moins de trois ans, le gouvernement est allé chercher dans les poches des personnes âgées tout près de 1 milliard de dollars, 100 millions dans les poches des assistés sociaux, les personnes les plus pauvres du Québec. Alors, vous comprendrez que le message du Conseil des aînés, lors de la commission parlementaire, il est clair: Mettez à la poubelle un régime d'assurance médicaments, retournez faire vos devoirs, parce qu'actuellement il y a des victimes au Québec qui paient le prix de votre improvisation.

Et, M. le Président, je veux vous parler aussi du mémoire qui a été présenté par l'Association des hôpitaux du Québec. L'Association des hôpitaux du Québec demande la gratuité pour les plus démunis. À l'intérieur du secteur hospitalier, des intervenants de la santé qui travaillent dans les hôpitaux, ils ont fait une consultation, et voici les grands bilans, les grands témoignages qu'ils ont reçus, et je vous en cite quelques-uns: «Les témoignages sont à l'effet que plusieurs patients hésitent à aller chercher leurs médicaments à cause des coûts. Les gens n'ont pas l'argent nécessaire pour contribuer financièrement à l'effort, au fardeau financier qui est demandé par le gouvernement.» On parle toujours ici des moins nantis de la société québécoise.

L'Association des hôpitaux du Québec poursuit ainsi: «Pour plusieurs personnes âgées, la franchise réclamée par le régime actuel, même si elle semble peu élevée, a un impact sur leur équilibre budgétaire déjà précaire et les force à faire des choix.» Ça revient, M. le Président, à 1996, au moment où on a déposé le projet de loi, quand il y a eu des consultations particulières. Les groupes, déjà à ce moment-là, disaient qu'il y aurait des impacts et que les gens seraient obligés de faire des choix difficiles, des choix déchirants.

L'Association des hôpitaux du Québec continue ainsi: «Les solutions les plus fréquentes choisies par les personnes âgées seraient un arrêt de la médication malgré la présence d'un effet bénéfique, une prise sporadique ou partielle de la médication, une sélection parmi la médication prescrite avec une tendance à conserver les médicaments qui ont un effet immédiat sur le bien-être et cesser les médicaments dont les effets sont imperceptibles dans l'immédiat, mais qui entraînent des conséquences beaucoup plus graves à court, à moyen et à long terme.» Et, M. le Président, quand on parle de conséquences beaucoup plus graves, on parle ici du rapport du docteur Robyn Tamblyn.

M. le Président, étant donné que mon temps est presque écoulé, je veux vous dire que la ministre de la Santé, par le biais de son projet de loi n° 117, avait la chance de faire un geste de compassion, avait la chance de démontrer que le gouvernement était prêt à admettre qu'il avait fait une erreur et qu'il était pour redonner aux gens, aux personnes âgées à faibles revenus et aux prestataires de l'aide sociale... d'alléger leur fardeau financier afin qu'ils puissent se procurer leurs médicaments. Jamais comme parti politique, jamais comme citoyenne du Québec, j'accepterai qu'on adopte un projet de loi comme ça qui fait les premières victimes les personnes les plus démunies du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi? M. le leader adjoint du gouvernement, vous êtes debout, je vais vous céder la parole.

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que nous ajournions le débat sur ce projet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

M. Paradis: M. le Président, il s'agit d'une motion qui, suivant les dispositions de notre règlement, est débattable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Elle est débattable, oui. Alors, les temps sont prévus. Vous pouvez voir ça à l'article 101.

M. Boulerice: M. le Président, puis-je vous...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, les temps de parole pour l'auteur, c'est 10 minutes, 10 minutes après ça pour un représentant de chaque groupe parlementaire et un cinq minutes de réplique. Au total, ça peut aller jusqu'à 35 minutes au maximum. Alors, est-ce que vous y tenez, au débat?

M. Boulerice: Vous tenez à me laisser parler? Avec plaisir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, la question, c'est débattable.

M. Boulerice: Effectivement. Poser la question, c'est...

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'ai répondu que c'est débattable. Maintenant, je veux savoir si vous voulez en débattre.

M. Boulerice: Dans le cas du leader de l'opposition, M. le Président, poser la question, c'est y répondre. Mais, sur un ton plus sérieux, je vais vous demander une suspension de cette séance pour environ 15 minutes. C'est suite à une entente avec...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Alors, avec les ententes, on peut faire beaucoup de choses. Alors, maintenant, l'ajournement du débat, là, je veux savoir si vous voulez en débattre ou non. La suspension, est-ce que c'est pour délibérer si vous... parce que je vais mettre aux voix la motion d'ajournement du débat. Je voudrais régler ça d'abord.

M. Paradis: La motion d'ajournement du débat est débattable. C'est écrit au règlement. On avait des questions de directive à vous adresser, mais, compte tenu de la demande de suspension du leader du gouvernement, nous renoncerions à débattre comme tel de la motion d'ajournement du débat, qui pourrait, à ce moment-ci, être considérée comme adoptée, compte tenu de la suspension de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Donc, la motion d'ajournement, elle est adoptée. Nous allons suspendre pour 15 minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 18)

(Reprise à 20 h 43)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, veuillez vous asseoir, Mmes et MM. les députés.

Nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, nous souhaiterions adopter le principe du projet de loi n° 134. Donc, je vous réfère à l'article 10 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 134


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 10, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Alors, je vais céder la parole à Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci. Merci, M. le Président. Je souhaite une chose en débutant les travaux sur ce projet de loi n° 134, la première étant que je ne perde pas la voix d'ici la fin de cette présentation, dans cet exercice d'adoption de principe du projet de loi n° 134. Je ne sais pas ce qui se produit, si c'est le siège que j'occupe, la climatisation, mais, de manière systématique, vous le remarquerez, à chaque fois que j'ai eu à présenter un projet de loi depuis trois ans maintenant, à chaque fois, presque systématiquement, j'ai eu à demander à un collègue de poursuivre la lecture de mon discours.

Une voix: C'est l'émotion.

Mme Harel: Alors, je viens de parler à Bernard Landry, le ministre des Finances, il y a quelques minutes et je lui disais que je craignais, comme cela avait été le cas lors de l'adoption de principe de la Loi sur l'équité salariale où il avait dû lire le discours que je n'avais pas pu, en fait, livrer du fait d'avoir perdu la voix...

Alors, je débute immédiatement. M. le Président, le geste que nous proposons à l'Assemblée nationale, à savoir la création de la Communauté métropolitaine de Montréal et sur l'ensemble du territoire de la région montréalaise, c'est un geste qui n'arrive pas de nulle part. Il ne tombe pas des nues, il s'inscrit en directe continuité avec les travaux effectués au cours de la dernière décennie à la demande des gouvernements successifs, y inclus le précédent gouvernement libéral.

Je veux évidemment rappeler les travaux du Groupe de travail sur Montréal et sa région, travaux qui ont donné lieu à ce qu'on appelle le rapport Pichette, travaux importants qui ont fait ressortir le besoin pour Montréal et sa région de se donner les moyens d'une vision commune et de mettre justement en commun des fonctions et des services d'envergure supramunicipale. Je vous rappelle que le GTMR, comme il était souvent appelé, a proposé la mise en place d'un conseil métropolitain sur le territoire de la région métropolitaine de recensement de Montréal.

Les travaux de ce groupe, qui avaient débuté en 1992, à l'initiative, comme je l'ai mentionné, du ministre des Affaires municipales de l'époque, ont donné lieu à 58 séances de travail, à la consultation de 200 personnes, à la publication d'un rapport d'étape, à la présentation en audiences publiques de 97 mémoires et à la tenue de 70 séances de travail additionnelles avant la publication du rapport final en décembre 1993. M. Pichette, président du groupe de travail, accompagné de plusieurs de ses collègues de l'époque, est venu en commission parlementaire, il y a maintenant une semaine, confirmer le besoin d'une instance supramunicipale forte pour la grande région de Montréal, et je l'en remercie, bien évidemment. Sept ans après, il est venu nous dire combien il était important de concrétiser ses recommandations qui avaient trop tardé.

Je veux également souligner les travaux de 1997 qui ont permis l'adoption de la loi devant mettre en place la mission de développement de la métropole. Cette loi, même si elle n'a jamais été mise en vigueur, a été une source d'inspiration extrêmement importante dans la préparation de l'actuelle loi créant la Communauté métropolitaine de Montréal. Et je veux en remercier et souligner tout le travail qu'a réalisé mon collègue le ministre de la Sécurité publique. Également, M. le Président, je voudrais souligner tout le travail que mon prédécesseur l'actuel ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a réalisé à l'égard d'institutions, y compris dans le secteur du transport en commun, pour élaborer une vision métropolitaine de l'ensemble de ce dossier.

Alors, est-il nécessaire de rappeler également les travaux de la Commission sur les finances et la fiscalité locales, présidée par M. Denis Bédard, dont le rapport a été déposé en avril 1999? La Commission a réalisé des travaux d'analyse majeurs sur le secteur municipal québécois et son rapport préconise le renforcement des instances supramunicipales dans les agglomérations de Québec et de Montréal et retient à cette fin les territoires des régions métropolitaines de recensement. M. Bédard est venu également reconfirmer ces orientations en commission parlementaire la semaine dernière.

Également, M. le Président, je voudrais souligner la mise en place au cours des dernières années de deux instances d'envergure métropolitaine, soit l'Agence métropolitaine de transport, mise en place suite à l'adoption d'une loi la créant en 1995 et qui aura réussi dans le domaine du transport en commun à renforcer la vision métropolitaine de l'interdépendance dans ce secteur, et également souligner l'importance qu'aura eue la création de Montréal international, notamment pour créer les conditions favorisant un démarchage organisé à l'étranger en vue du développement et de la promotion de la grande région de Montréal.

(20 h 50)

Alors, c'est donc, M. le Président, fort de toutes ces initiatives, de l'ensemble de ces démarches et de ces expériences que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant en créant une instance d'envergure métropolitaine par le biais de l'actuel projet de loi qui est présenté aujourd'hui. Alors, il s'agit d'une loi-cadre. Cette loi-cadre devra être complétée l'automne prochain par un projet de loi portant sur les modalités de mise en oeuvre. Le projet de loi-cadre comprend à la fois les institutions... En fait, il institue la Communauté, en délimite le territoire, détermine les règles régissant l'organisation de la Communauté, en précise les pouvoirs, spécifie les compétences, établit les règles relatives à l'administration de ses finances, contient des dispositions diverses.

Alors, le territoire, c'est un territoire conforme à celui proposé dans le livre blanc qui lui-même était conforme au territoire proposé suite aux travaux de la commission Pichette. Il correspond à la région métropolitaine de recensement, qui regroupe les municipalités de l'île de Montréal, ville Laval et plusieurs municipalités constituant ce qu'il est convenu de nommer maintenant les couronnes nord et sud. Il y a eu des ajustements, bien évidemment, apportés au territoire de la RMR. Je crois que nous deviendrons familiers avec cette expression de RMR, région métropolitaine de recensement.

Ce n'est pas là ni une invention du gouvernement ni une invention du rapport Pichette. Ça ne l'est pas non plus du fédéral, même si le territoire de la RMR est défini par Statistique Canada. Il s'agit d'un critère qui est utilisé par l'ensemble des pays industrialisés pour déterminer les agglomérations urbaines dans les pays industrialisés. Il s'agit d'un standard international, et c'est très simple parce que justement les critères sont les mêmes critères utilisés à travers les pays industrialisés, à savoir 400 habitants par kilomètre carré, plus de 50 % des gens qui se déplacent soir et matin pour gagner leur vie à l'extérieur de leur lieu de résidence. Quand ces bassins de population tels que décrits font plus de 100 000 de population, il s'agit d'une région métropolitaine de recensement qui en compte six: Montréal, Québec, Hull, Chicoutimi, Trois-Rivières et Sherbrooke.

Et, lorsque les mêmes critères appliqués donnent moins de 100 000 de population, entre 10 000 et 100 000 cette fois-ci, il s'agit d'agglomérations de recensement. On en compte 25 au Québec qui se sont constituées en organismes et se sont, en fait, donné des porte-parole. Et ces 25 agglomérations de recensement, additionnées aux six régions métropolitaines de recensement, regroupent sur leurs territoires l'équivalent de 275 municipalités. Et ce territoire, c'est 78 % de la population du Québec qui y réside, 85 % de l'emploi, 82 % du produit intérieur brut qui y est créé, et je crois que c'est à partir de cette locomotive que nous pourrons non seulement nous maintenir, mais nous pourrons certainement rayonner dans la règle de la compétitivité mondiale qui, comme vous le savez, crée des conditions très rudes de concurrence.

Alors donc, territoire tel qu'on le retrouve dans le projet de loi n° 134, celui de la région métropolitaine de recensement, avec des ajustements pour l'agglomération de Saint-Jérôme qui a été exclue à cause de son rôle de centre de services de la région des Laurentides, alors que la MRC de Lajemmerais, qui comprend les municipalités de Verchères, de Varennes et de Contrecoeur, a été incorporée en entier, le port de Contrecoeur constituant le prolongement de celui de Montréal.

Et je crois, M. le Président, que cette région métropolitaine de recensement, qui incidemment fait 53 % de territoire zoné agricole... Et ça peut avoir l'air d'être un paradoxe, n'est-ce pas, qu'au coeur de ce qui est la métropole, en fait de ce qui est vraiment le secteur urbain du Québec, 53 % du territoire est zoné agricole. Et c'est vraiment le défi de notre époque d'être capable de réconcilier l'agricole et l'urbain. Jusqu'à tout récemment, très souvent on confondait l'agricole et le rural, alors que Laval, la ville de Laval, qui compte 43 % de son territoire zoné agricole, avec ses trois prochaines stations de métro, ne peut certainement pas être considérée comme rurale.

Quand on regarde dans les définitions des dictionnaires ce que signifie le mot «rural», on réfère à «campagne». Alors, quand on est dans une région métropolitaine de recensement, on peut avoir des parcs, des parcs municipaux, des parcs régionaux, peut-être des parcs métropolitains, mais on n'est pas dans ce qu'on peut appeler la campagne. Alors donc, M. le Président, il faut, pour la pérennité de ce patrimoine agricole, être capable de réconcilier les exigences de la vie urbaine, avec tout ce que ça peut comporter, avec celles du maintien du patrimoine agricole.

Alors, c'est un territoire qui, de plus, est approprié pour traiter les questions liées à la congestion routière, à l'étalement urbain, au coût de l'urbanisation, au financement des grands équipements, à la responsabilité sociale face à la pauvreté en milieu urbain ou encore aux conditions favorables à la prospérité économique. Posons au départ que, où que ce soit dans le monde, dans toutes les villes du monde, la richesse côtoie la pauvreté. C'est là la règle, M. le Président, qui, dans le fond, définit ce qu'est la cité ou la ville, c'est-à-dire la cohabitation, la coexistence de grands écarts.

C'est bien évident, M. le Président, que l'ensemble des défis qui se posent en particulier à la ville de Montréal, qui accueille une population plus défavorisée... Parce que c'est une population qui a plus de besoins de services, et, plus elle a besoin de services, plus elle cherche à s'installer dans des municipalités qui offrent plus de services, et, plus la ville offre de services, plus il y a donc des gens qui sont en demande de ces services, ce qui signifie que, la population vieillissant, de plus en plus, c'est les aînés... Je ne parle pas des jeunes retraités qui, contrairement à l'idée qui s'en est répandue, ne reviennent pas en ville. Les jeunes retraités, selon les tendances étudiées les plus récentes, se déplacent encore plus loin de la périphérie. Mais les aînés ont tous tendance à revenir là où les services sont facilement accessibles, dans les villes comme les villages ou encore comme dans la métropole.

(21 heures)

Il faut certainement conjuguer les défis de notre époque avec la dimension de la décroissance démographique, qui est au coeur d'un des grands défis que nous avons à relever comme société. Pensez, M. le Président, que, l'an dernier, dans la très grande région métropolitaine de Montréal, au net, il y aura eu, comme augmentation de population, 23 000 nouvelles personnes, et il faut s'en réjouir, parce que les prévisions pour les années à venir sont de 11 000 à 12 000 nouvelles personnes au net sur l'ensemble du territoire de la grande région métropolitaine de Montréal. Et les prévisions démographiques pour tout le Québec, pour les 10 prochaines années, à chaque année, prévoient une augmentation nette de 0,3 %, alors que, pour les 10 années subséquentes, cela descend à 0,1 %.

Dans ce contexte de décroissance démographique, vous vous rendez compte, M. le Président, que ce serait un gaspillage honteux, ce serait de l'irresponsabilité que de continuer à se disperser sur le territoire, que de continuer à faire de l'étalement alors qu'il n'y a pas d'augmentation de population. Qu'est-ce que ça signifie, la dispersion sur une superficie de plus en plus grande? Des équipements, des infrastructures, et ça signifie aussi un coût pour l'ensemble de la société pour entretenir les équipements, les infrastructures déjà existantes et, en même temps, être capable de créer ces nouvelles infrastructures ou ces nouveaux équipements là où la population se disperse.

J'insiste, M. le Président, sur cette question parce qu'elle doit faire appel à la responsabilité de l'ensemble des élus dans notre société. Je pense autant aux élus municipaux, bien évidemment, qu'aux élus qui se retrouvent ici, dans ce salon bleu. Et cela m'apparaît d'autant plus important que l'on soit capable de prévoir l'avenir. Cela reste toujours bien difficile, j'en conviens, M. le Président, mais capable de voir venir les grands changements qui se dessinent dans notre société, capable de les anticiper et de faire face à ces changements de manière à ce qu'on ne soit pas pris de court quand ils se présenteront.

La Communauté métropolitaine de Montréal, c'est donc l'instance capable de prendre en charge, à l'échelle de l'agglomération, la planification, la coordination et le financement des événements. Je n'ose plus dire le mot «activité» parce qu'il est sujet à modification, mais, en fait, de prendre en charge la nécessité d'une vision commune du développement et aussi de l'interdépendance des uns et des autres au sein de cette grande agglomération.

Alors, je tiens également à souligner que j'ai invité le comité des élus municipaux à Montréal, comme à Québec et à Hull d'ailleurs, à faire au gouvernement des recommandations relativement à des ajustements qui pourraient être requis au territoire proposé. S'il y a lieu, les modifications pourront être apportées notamment via le projet de loi, prévu pour l'automne, sur les modalités de mise en oeuvre de cette Communauté métropolitaine de Montréal. Je le rappelle, il y aura donc un projet de loi d'application l'automne prochain.

Je crois que c'est important de rappeler que, autant le statu quo est écarté... Et je l'ai répété à plusieurs reprises tout au cours de l'année qui vient de s'écouler: Le statu quo n'est plus acceptable, et je suis convaincue que la très grande majorité des intervenants du milieu municipal partagent ce sentiment que des changements sont nécessaires, ces changements, là, à l'égard de l'organisation municipale au Québec.

Je ne prétends pas que l'on s'entend tous sur ce qu'il faut faire, mais je dis qu'un consensus est à se dégager quant à la nécessité d'apporter des changements majeurs dans le secteur municipal. Les consultations particulières que nous avons tenues en commission parlementaire m'ont d'ailleurs confortée dans cette opinion, et, M. le Président, autant c'est d'une évidence qui s'impose que le statu quo est inacceptable, autant le défi est d'être capable d'introduire des réformes sur mesure et non pas mur à mur. Et là il y a tout un défi parce que ce n'est pas nécessairement dans l'habitude de l'appareil de gouvernement que de faire du sur mesure.

Je pense, M. le Président, que la mise en place des trois comités d'élus sur chacun des territoires métropolitains est une des conditions de réussite. Et, d'autre part, il m'apparaît nécessaire également de voir que la théorie des petits pas ne doit pas être discréditée. Les Chinois disaient que le premier pas, c'est la moitié du chemin. Alors, cette Communauté métropolitaine de Montréal, évidemment, c'est le premier pas. Mais, dans la mesure où on va le franchir ensemble, je crois que d'autres pas suivront. Et, M. le Président, je sais que nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, d'intervenir notamment sur l'organisation de la Communauté, sur la composition de son conseil, l'élection de son président, la formation de son comité exécutif. J'attendrai donc l'examen en commission parlementaire pour discuter de cela.

Je voudrais aborder rapidement la question des compétences de la Communauté. Je le répète, ce sont des compétences de planification, de coordination et de financement dans les domaines suivants: l'aménagement du territoire, le développement économique, le logement social, les équipements, services et activités à caractère métropolitain – qui deviendront les infrastructures et événements à caractère métropolitain – le transport en commun, la planification de la gestion des matières résiduelles et le partage de la croissance de l'assiette foncière.

En matière d'aménagement du territoire, la Communauté métropolitaine de Montréal sera tenue d'élaborer, d'adopter et de maintenir en vigueur en tout temps un schéma d'aménagement et de développement applicable à l'ensemble de son territoire et assurant le développement économique de chacune de ses composantes. Alors, le schéma métropolitain d'aménagement et de développement comprendra notamment les éléments suivants: une vision stratégique du développement économique, social et environnemental permettant d'articuler en un ensemble cohérent l'exercice des compétences de la Communauté, l'idée étant justement de ne pas faire à la pièce mais d'être capable de se donner une vision stratégique commune et du développement économique et du développement social et environnemental.

Également, ce schéma comprendra les grandes orientations de l'aménagement du territoire, notamment les critères applicables à l'urbanisation, à la consolidation urbaine, à la protection des ressources naturelles, à l'optimisation des infrastructures, équipements et services publics, tout en répondant aux besoins spécifiques de la population de chacune de ses composantes.

Le schéma comprendra la densité approximative d'occupation du sol pour les différentes parties ou zones du territoire, la délimitation des pôles d'activité et de toute partie du territoire qui présentent un intérêt métropolitain, les orientations en matière d'alimentation en eau potable et d'assainissement des eaux usées, la localisation, la vocation et la capacité des infrastructures et équipements d'intérêt métropolitain existants ou projetés, les critères d'harmonisation des schémas d'aménagement des MRC et de la Communauté urbaine de Montréal, y compris le potentiel d'accueil des secteurs résidentiels, commerciaux et industriels prévu dans ces schémas par rapport à la croissance prévue sur le territoire de la Communauté, ainsi que la concordance avec la planification du transport en commun. Alors, voilà, M. le Président, une vision stratégique du développement où chacun se sent partie prenante de l'avenir de l'agglomération.

(21 h 10)

Avant le 31 mars 2001, le ou la ministre des Affaires municipales indique à la Communauté métropolitaine de Montréal les orientations gouvernementales en matière d'aménagement sur le territoire de la Communauté, y compris les projets d'équipements et d'infrastructures, pour donner les balises à l'intérieur desquelles le schéma va se réaliser. Avant le 31 décembre 2001, la Communauté métropolitaine de Montréal adopte par résolution – donc elle aura un an pour ce faire, un peu plus mais en fait un an, M. le Président – des deux tiers une vision stratégique du développement économique, social et environnemental de son territoire et la soumet à la consultation populaire aux conditions et suivant les modalités qui seront déterminées. En fait, ce qu'il faut, c'est lancer une vaste opération d'appartenance à cette agglomération métropolitaine. Il faut arrêter de se percevoir comme étant capable de se passer des autres. En fait, essentiellement, il faut être capable de se percevoir comme étant un tout différent de la somme des parties.

Avant le 31 décembre 2003, la Communauté métropolitaine adoptera par résolution un projet de schéma d'aménagement et de développement métropolitain. Et, par la suite, les MRC qui maintiennent leur schéma d'aménagement devront, dès l'entrée en vigueur, en fait, dans les 12 mois, plutôt, de l'entrée en vigueur du schéma d'aménagement et de développement métropolitain, prendre les mesures nécessaires pour modifier, si tant est que, le cas échéant, ce soit nécessaire, leur schéma d'aménagement et le rendre conforme au schéma d'aménagement et de développement métropolitain. Il en va ainsi pour les MRC qui sont comprises dans le territoire de la Communauté métropolitaine, donc rendre conforme au schéma d'aménagement leur schéma qu'elles conservent. Et, pour les MRC dont le territoire n'est compris qu'en partie dans celui de la Communauté métropolitaine, il s'agira d'harmoniser pour la partie qui est concernée. Alors, voilà, M. le Président, en matière d'aménagement du territoire, nous aurons l'occasion sûrement d'y revenir en commission parlementaire.

En matière de logement social, la Communauté métropolitaine assurera sur son territoire la part municipale des dépenses en logement social, ce qui permettra une répartition plus équitable des coûts dans ce domaine d'activité. Les équipements, les infrastructures et événements à caractère métropolitain, la Communauté aura compétence à cet égard et elle déterminera des règles. Il est prévu d'ailleurs que, dans le projet de loi, nous puissions, en annexe, déposer la liste des équipements qui sont considérés à vocation métropolitaine et qui seront l'objet d'un partage quant au financement. Alors, ce n'est pas le cas, M. le Président, dans le projet de loi que je dépose, qui a été déposé, plutôt, la semaine dernière, mais cela se fera incessamment.

La Communauté métropolitaine a également compétence pour planifier le transport en commun, le coordonner et en financer les aspects ayant un caractère métropolitain, en tenant compte des orientations gouvernementales en cette matière. La CMM, dirons-nous bientôt, aura à approuver le plan de développement du transport en commun de même que la politique tarifaire applicable sur le territoire. La CMM aura compétence sur la planification de la gestion des matières résiduelles. À ce titre, elle devra préparer et adopter un plan de gestion des matières résiduelles prévu par la Loi sur la qualité de l'environnement.

Alors, en matière de partage de la croissance de l'assiette foncière, le projet de loi prévoit que la commission doit établir un programme de partage de la croissance de l'assiette foncière. Une partie des sommes recueillies dans le cadre de ce programme alimentera un fonds destiné à soutenir financièrement des projets de développement évidemment à caractère métropolitain. L'objectif d'un tel programme est de réduire la concurrence et les disparités fiscales intermunicipales, mais c'est surtout, au-delà de cela, de créer une dynamique de coopération.

Alors, M. le Président, quant à l'exercice des compétences dévolues à la Communauté et quant à leurs modalités d'application, j'ai demandé au comité d'élus de la région de Montréal de faire part au gouvernement de leurs suggestions, et nous aurons certainement l'occasion, lors de l'étude article par article en commission parlementaire, de recevoir leurs suggestions.

Vous savez déjà que la Communauté métropolitaine de Montréal n'est pas élue au scrutin direct. Les membres le seront par délégation. En fait, ce serait une représentation par délégation et non pas une représentation par suffrage universel. Il est prévu également que le financement de la CMM le soit principalement par des quotes-parts municipales.

En plus de ces quotes-parts, évidemment, les revenus pourront comprendre soit des transferts gouvernementaux, des revenus de tarification, des revenus tirés d'un programme de partage de la croissance de l'assiette foncière. Ces revenus pourraient aussi comprendre d'éventuelles sources de revenus provenant de redevances de développement. Et la CMM se voit dotée de la capacité de contracter également des emprunts. Alors, je pense, M. le Président, que cela présente, peut-être modestement, ce que deviendra la Communauté métropolitaine de Montréal.

J'ai retrouvé, à l'occasion de travaux préparatoires à la commission parlementaire, l'extrait des discours qui ont été présentés ici même, à l'Assemblée nationale du Québec, il y a maintenant 31 ans, en 1969, au moment de l'adoption de la Loi créant la Communauté urbaine de Montréal.

Vous savez que la Loi créant la Communauté urbaine de Montréal avait été présentée par le Dr Lussier, à l'époque, ministre des Affaires municipales, et cette Loi créant la Communauté urbaine de Montréal a été adoptée à l'unanimité, y compris avec l'appui du chef de l'opposition libérale de l'époque, Jean Lesage. J'ai espéré, et j'espère, M. le Président, qu'il en sera de même à l'occasion de l'adoption du projet de loi créant la Communauté métropolitaine, cette fois, de Montréal.

Autant la Communauté urbaine de Montréal, adoptée en 1969, coïncidait avec le territoire de l'île de Montréal, parce que, il y a 30 ans, la métropole, c'était l'île... Et maintenant, M. le Président, la métropole, ça n'est pas la ville de Montréal, ça n'est plus l'île de Montréal. La métropole, il y a longtemps que ça a débordé sur les deux rives. Je dis souvent que les bulletins de circulation suffisent pour nous faire comprendre cette réalité métropolitaine: 540 000 personnes qui, soir et matin, traversent les ponts, de chaque côté. Et je crois qu'on n'a même pas besoin d'étude plus approfondie parce que cette réalité quotidienne parle pour elle-même.

J'ai retrouvé, à l'occasion de la lecture de ces discours prononcés par le Dr Lussier, par Pierre Laporte, qui avait été ministre des Affaires municipales dans le gouvernement précédent, notamment par René Lévesque... M. Lévesque se trouvait alors député de Laurier et, à titre de député indépendant, était intervenu en faveur de la création de cette Communauté urbaine de Montréal.

(21 h 20)

Je voudrais juste vous lire quelques extraits parce que je les trouvais d'actualité, malgré les décennies qui, depuis, ont filé. Il disait ceci: «Il semble qu'enfin nous allons entrer sérieusement dans l'ère des grands ensembles métropolitains. Ce que je veux dire, c'est que, si on regarde l'ensemble du bill – en fait, on appelait encore un projet de loi un bill, à l'époque, là – on a l'impression qu'on va pouvoir commencer à chercher pour de bon le bien commun, dans le cas de Montréal, de quelque deux millions de citoyens et de leurs familles – vous voyez qu'on est toujours à deux millions, pas tout à fait, là, sur l'île de Montréal – dans le sens de services communs mieux coordonnés et surtout financés plus équitablement, plutôt que de continuer à ménager à outrance, comme trop longtemps on s'est cru obligé de le faire, alors que toute une ribambelle de petites administrations dépassées exerçaient ou, trop souvent, n'exerçaient pas justement des responsabilités qui les dépassent de plus en plus.»

Je cite toujours M. Lévesque: «Il me semble que les grands regroupements de services métropolitains vont commencer à briser pour de bon cette mentalité artificielle. C'est une mentalité qu'on a maintenue trop longtemps avec ou sans clôture dans un bon nombre de coins de l'agglomération métropolitaine de Montréal. Je suis convaincu, pour ma part, que l'évolution des esprits dans l'ensemble de la population est bien en avance sur cette mentalité qu'on a trop longtemps essayé de maintenir», et ainsi de suite. Je trouve que c'est intéressant de constater que nous nous retrouvons en face de situations qui pourraient voir les mêmes propos se répéter.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, je pense que nous sommes en marche vers une réorganisation territoriale qui soit à la mesure de l'ambition que nous avons d'être capables de faire face aux défis: défi économique, défi de développement, défi de développement économique, développement social, développement culturel et, espérons-le, de développement démographique.

Alors, nous sommes en marche, j'en remercie mes collègues. Nous avons consacré de très, très nombreuses heures à la préparation de cette réforme. Il m'apparaît vraiment important que je rappelle que nous ne l'avons point improvisée. Nous y avons consacré des dizaines et des dizaines – et plus encore – d'heures de réunions, de comités, de groupes de travail depuis plus d'un an maintenant, mais je crois que le temps d'agir est arrivé. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, je vous remercie de me céder la parole sur la deuxième lecture du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Ce projet de loi, qui est relativement important, 252 articles, fait de notre invitation du gouvernement la mise sur pied d'une structure supramunicipale, suprarégionale qui devrait, en principe, permettre une amélioration des services aux citoyens.

Il faut se rappeler qu'on a un certain... depuis six ans, dans les six dernières années, dans les six années occupées par un gouvernement du Parti québécois, on a eu toutes sortes d'idées. On a eu d'abord, pendant la campagne électorale de 1994 – donc, il faut s'en souvenir – une espèce de pacte solennel sur le parvis de l'hôtel de ville ou presque... enfin, sur le parvis arrière de l'hôtel de ville de Montréal, où l'ancien chef du Parti québécois, M. Parizeau, avec M. Doré, qui est ancien maire de Montréal, se voyaient annoncer l'arrivée prochaine, avec l'élection d'un gouvernement du Parti québécois, d'un pacte fiscal. On annonçait que les temps sombres pour Montréal étaient terminés, que désormais un gouvernement comprendrait Montréal et qu'on aurait un pacte fiscal qui permettrait à Montréal de pouvoir vivre et s'épanouir. On a eu, depuis ce temps-là, rien, presque rien, des idées, quelques idées, pas mauvaises tout le temps mais qui n'ont jamais abouti.

En 1998, parce qu'il a fallu attendre quatre ans sans pacte fiscal, le gouvernement a déposé le projet de loi... Je m'excuse, en 1996, le gouvernement a déposé le projet de loi n° 92 – qui était défendu par le ministre d'État à la Métropole, le député de Laval-des-Rapides, M. Ménard – Loi sur la Commission de développement de la métropole, qui avait, après moult consultations, beaucoup de travail, plusieurs heures en commission parlementaire, finalement été adopté. Il a été adopté sans notre consentement.

M. le Président, quatre ans après l'adoption de la Loi sur la Commission de développement de la métropole, le projet de loi n'a jamais été mis en place, le gouvernement n'a jamais cru bon de mettre en place ce projet de loi qu'il avait déposé au Conseil des ministres, qu'avait défendu le ministre de l'époque et que finalement ce ministre avait fait adopter par l'Assemblée nationale. Jamais on n'a mis en place la structure que le député de Laval-des-Rapides avait suggérée au gouvernement, jamais on ne l'a mise en place.

La Loi sur la Commission de développement de la métropole est mort-née. Elle est née puis elle est morte ensuite. Elle est morte surtout du fait qu'un remaniement ministériel a fait en sorte de changer le ministre. Le nouveau ministre titulaire du ministère d'État à la Métropole, le député de Mercier, a regardé ça, a fait le tour de cette question-là, il a dit: Je ne suis pas capable de vivre avec ça, je ne l'appliquerai pas, et le gouvernement que je représente – il y a eu une nouvelle orientation gouvernementale – nous n'appliquerons pas la mise sur pied de cette superstructure suprarégionale, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Le gouvernement a décidé finalement de ne pas l'appliquer.

Le député de Mercier, qui avait une expérience antérieure, dans une autre vie, dans le monde de l'administration du transport en commun, a suggéré quant à lui de faire en sorte de faire la fusion des trois sociétés de transport en commun: La Société de transport de la Rive-Sud avec la Société de transport de Laval et la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Changement de scène, changement de ministre, on abandonne l'idée de fusionner les sociétés de transport, et on se ramasse dans une espèce de vacuum qui a duré pendant un certain temps.

L'arrivée de la nouvelle ministre, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, a fait en sorte qu'elle a réfléchi à tous ces événements. Elle n'a pas recommandé l'application de la loi qui a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale, la Loi sur la Commission de développement de la métropole, elle n'a pas recommandé non plus – ou du moins pas encore – la fusion des trois sociétés de transport, tel que proposé par son ex... par son collègue – pas encore ex – et, finalement, on se retrouve plusieurs mois, sans compter plusieurs mois, presque un an et demi après l'arrivée de Mme la ministre à son ministère, nous arrivons aujourd'hui avec l'étude du projet de loi n° 134.

Entre les deux, M. le Président, il ne faut pas oublier cette espèce de coulage que nous avons lu dans Le Devoir . Était-ce un coulage organisé, préparé, était-ce un coulage comme il en arrive parfois, était-ce organisé par le ministère, était-ce organisé par le gouvernement? En fait, nous ne savons pas, mais peu s'en faut, il y a eu coulage que le ministère des Affaires municipales s'apprêtait à déposer un projet de loi dans lequel on créerait une superstructure supramunicipale dans laquelle les gens seraient élus au suffrage universel. Il y a eu un tollé de protestations à Montréal, dans les banlieues de Montréal, au nord, au sud, dans les couronnes nord et sud. Finalement, le gouvernement a dû annoncer que le coulage ne représentait pas l'opinion gouvernementale et qu'il n'était pas question de faire un quatrième niveau de gouvernement dans l'île de Montréal et surtout pour la métropole de Montréal.

(21 h 30)

Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui, M. le Président, je vous le rappelle, est un projet de loi qui a été déposé à la limite du temps que notre règlement permet, c'est-à-dire qu'il a été déposé il y a à peine 15 jours. Malgré tout, nous avons quand même réussi à rencontrer plusieurs groupes durant deux journées complètes d'auditions en commission parlementaire. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a plusieurs questionnements qui doivent être faits sur ce projet de loi là.

On ne peut pas parler d'autre chose que d'un manque de temps pour préparer les mémoires, ce dont les gens qui nous ont rencontrés se sont plaints d'ailleurs. Ils se sont plaints. Presque tous les gens que nous avons rencontrés se sont plaints du peu de temps qu'ils ont eu pour préparer leur mémoire. Ils avaient quatre, cinq jours, trois jours, quatre jours. On a reçu des mémoires... Les gens nous déposaient leur mémoire en même temps qu'ils étaient auditionnés, ce qui, évidemment, s'en ressent sur la qualité du travail que les parlementaires doivent faire pour le bénéfice finalement de nos travaux et pour essayer de trouver des problèmes ou, du moins, des questions qui touchent particulièrement le fond des suggestions ou des problèmes soulevés par les gens qui nous ont rencontrés. Il n'en demeure pas moins que ce travail a été fait, puis, même si la préparation était difficile pour plusieurs des intervenants, cela a été fait.

Mais, si on en juge par ce qu'on a entendu, on peut dire ceci. On peut dire que l'idée d'avoir une structure souple et légère, comme disaient la majorité des intervenants, qui n'aurait pas de caractère fiscal, contrairement au projet de loi n° 134, mais qui serait non plus un organisme qui serait opérationnel, mais plutôt qui fonctionnerait... du moins, dont l'essence et l'esprit seraient pour en faire un organisme de développement, de recherche, de planification, ça, c'est ce qui est recherché par l'ensemble des intervenants. Une organisation souple et légère de planification qui n'aurait pas le droit directement... ou le bras directement impliqué dans les opérations courantes et qui – plusieurs intervenants en ont parlé – n'aurait pas de caractère fiscal.

Bien, ce n'est pas exactement ce qu'on a devant nous. Devant nous, on a un organisme dont on ne sait pas encore s'il sera souple et léger, qui pourrait... Je pense que là on peut dire qu'il a cette caractéristique d'être davantage un organisme de développement ou, du moins, de planification plutôt qu'un organisme opérationnel. Quant à la fiscalité, il y a une question de fiscalité d'agglomération qui est soulevée par le projet de loi, une fiscalité que généralement... En tout cas, les quelques groupes qui étaient en faveur d'un organisme qui aurait un caractère fiscal, on avançait davantage l'approche du Tax Base Sharing, c'est-à-dire une approche basée sur les nouvelles évaluations, le développement dans chacune des municipalités qui serait recouverte par cet organisme.

Mais, dans chacun des cas, on s'est aperçu que les gens trouvaient qu'un nouvel organisme au-delà de tous les organismes qui existent actuellement dans le secteur de la région de Montréal était, dans le fond, peut-être non pas un succédané ni un substitut à ce qui devrait se passer, mais devrait certainement au moins faire en sorte de nettoyer le champ des organismes qui sont déjà existants. Et, là-dessus, M. le Président, je vous rappelle que le livre blanc sur lequel s'appuie la ministre, qui s'appelle La réorganisation municipale – Changer les façons de faire, pour mieux servir les citoyens , ce livre blanc nous amène quand même quelques données sur le nombre d'organismes qui sont dans la région de Montréal, qui sont en fonction dans la région de Montréal.

Je vais vous lire quelques éléments des pages 40, 41 de ce qu'on retrouve dans ce document. «L'organisation déficiente – selon le document – du secteur municipal, caractérisée par la fragmentation des territoires, des responsabilités et des services ainsi que par l'absence d'une vision métropolitaine, y est pour beaucoup dans le retard pris par notre métropole. Pour illustrer cette fragmentation, il faut rappeler que la région métropolitaine de recensement de Montréal compte, lorsqu'on exclut l'agglomération de Saint-Jérôme, 104 municipalités, dont 81 municipalités de moins de 25 000 habitants.

«De même – et c'est là où ça prend son importance – quelque 61 organismes supramunicipaux y existent présentement, soit d'abord la Communauté urbaine de Montréal, 14 MRC – en plus des villes de Laval et de Mirabel qui sont également des MRC – trois sociétés de transport – dont je parlais antérieurement – 13 corporations intermunicipales de transport, 28 régies intermunicipales et l'Agence métropolitaine de transport. Cela signifie 17 schémas d'aménagement différents sur le territoire de la RMR de Montréal et quatre organismes, soit les trois grandes sociétés de transport et l'Agence métropolitaine de transport, procédant séparément à la planification du transport en commun. Les 61 organismes supramunicipaux de la région métropolitaine de Montréal se partagent un budget global de 2 milliards de dollars, et leurs dépenses d'administration totalisent environ 200 millions de dollars. Plus de 15 300 personnes y travaillent.»

On dit plus loin: «Sans que l'on puisse établir a priori les économies d'échelle réalisables par une réorganisation des organismes supramunicipaux, il semble évident qu'il est possible de réduire les coûts d'administration et d'optimiser une planification à l'échelle métropolitaine tout en améliorant la qualité de la vie démocratique dans la région.»

Ensuite, je prends le projet de loi n° 134. Qu'est-ce qu'on y trouve? En principe, si on est pour y ajouter, encore une fois, une superstructure suprarégionale, on devrait être en mesure de voir quelles sont les structures qui vont disparaître, qu'est-ce que cette nouvelle structure suprarégionale va ajouter. En principe, elle devrait rajouter une grande qualité en termes de planification, d'organisation, d'amélioration des plans d'aménagement et des schémas d'aménagement du territoire, par exemple, du transport en commun, comme autre exemple, de l'organisation de tout ce qui regarde les déchets résiduels. Mais, si ce sont là des pouvoirs que l'on retrouve aux articles 100 et 101 de la loi n° 134, on ne retrouve malheureusement rien dans le projet de loi n° 134 qui vient faire en sorte de nous annoncer que l'on diminuera le nombre de structures, le nombre d'organismes supramunicipaux qui sont déjà existants. Je répète qu'il y en a 61.

Que ce soit M. Pichette, dont on a évoqué le rapport à plusieurs reprises, que ce soient les gens du comité du rapport Bédard, Denis Bédard ou M. Collin, son vice-président, qui sont venus nous rencontrer, que ce soient les spécialistes, les universitaires les plus brillants, tout le monde est venu nous dire qu'on ne devait pas en même temps conserver ou ajouter un organisme supramunicipal et faire de la sédimentation en dessous de tous les organismes qui vont demeurer, parce que le projet de loi en question n'annonce pas le terme ou la fin des activités d'aucun organisme.

(21 h 40)

J'en ai nommé 61, j'aurais pu vous en nommer d'autres, M. le Président. Il y a cinq régies régionales pour le ministère de la Santé dans la même région, il y a cinq zones administratives pour la même région, il y a cinq CRD pour la même région, et la ministre nous a présenté ce qu'elle considérait comme étant une grande avance pour la communauté montréalaise, pour la communauté métropolitaine, elle nous a présenté son plan de réorganisation des CRD dans lequel les CRD se feraient des mamours pour les mois et les semaines à venir, en ayant une organisation qui s'appellerait les Conseils régionaux de développement de l'île de Montréal, de Lanaudière, des Laurentides, de Laval et de la Montérégie, contrat de plan interrégional. Il y a cinq CRD, puis on va encore vivre avec cinq CRD malgré le fait qu'on aurait une CMM, une Communauté métropolitaine de Montréal. On va vivre quand même avec cinq CRD, on va vivre avec cinq régies régionales pour la santé, on va vivre avec cinq zones administratives pour la région de Montréal, on va vivre avec trois sociétés de transport, on va vivre avec 14 MRC, on va vivre avec 28 régies intermunicipales, on va vivre encore avec 17 schémas d'aménagement urbain, peut-être, dans le fond, pourquoi pas, on va vivre avec trois sociétés de transport, 13 corporations intermunicipales de transport. C'est quoi, l'idée?

Nous, de ce côté-ci, on pense que ce n'est pas une mauvaise idée que d'avoir une société supramunicipale qui va faire la planification, le développement, la recherche puis peut-être même l'administration, dans certains cas, ou du moins qui va surveiller l'administration, par exemple, du transport en commun, mais on s'étonne de voir qu'en même temps la ministre nous annonce qu'elle aura cette structure municipale en place. Il n'y a pas lieu, en tout cas dans l'esprit de la ministre, puis il n'y a rien dans le projet de loi qui le prévoit... Puis peut-être que, dans l'esprit de la ministre, on y pense, mais il n'y a pas de planification qui le prévoit. Quels sont les organismes qui vont disparaître? Quels sont les organismes qui vont être fusionnés? Quels sont les organismes qui auront un caractère véritablement métropolitain?

C'est assez particulier de penser que ces organismes-là vivront et survivront tous pendant un certain temps sans que l'on sache ce qu'il adviendra de ces organismes. Ce qui va arriver, M. le Président, comme dans trop de situations, lorsque le projet de loi n° 134 sera adopté, on mettra sur pied ce projet de loi là. La trentaine d'élus qui y travailleront, ils travailleront avec toute leur conscience, leurs convictions et feront en sorte d'essayer de mettre sur pied ce nouveau mécanisme. Pendant ce temps-là, eh bien, on va continuer à faire vivre les 61 organismes, qui nous coûtent, encore une fois, 2 milliards de dollars, dont 200 millions en administration.

Je ne veux pas vous dire puis je n'essaie pas de démontrer que tous ces organismes-là devraient disparaître du jour au lendemain, mais il devrait y avoir une planification qui nous dise: Bon, bien, on va faire la fusion des sociétés de transport tel jour, telle date, telle heure; on va faire la fusion des CRD tel jour, telle date, telle heure; on va faire la fusion des régies régionales du ministère de la Santé tel jour, telle date, telle heure; on va faire la fusion des régions administratives tel jour, telle date, telle heure; puis on va avoir véritablement une région métropolitaine organisée avec collectivement tous les efforts de tous les gens, de tous les groupes puis de toutes les entités qui y travaillent actuellement.

Or, ce n'est pas à cela que nous convie le gouvernement, mais pas du tout. Le gouvernement nous convie uniquement à mettre comme une espèce de mante autour de la grande région de Montréal, un parapluie, un parapluie en dessous duquel tout ce qu'il y a comme organismes va continuer à vivre. Je serais porté à croire que le gouvernement a peut-être un plan qui voudrait nous signifier qu'éventuellement ces organismes-là devraient se fusionner, mais, à date, tout ce qu'on a, on a ce genre de contrat de plan interrégional, qui amènera les parties, comme le signale le plan, à essayer de s'entendre, de conclure dans un état de contrat de collaboration qui doit traiter des modalités de collaboration et d'engagement des parties. Le mandat de ce comité, c'est de planifier et d'harmoniser les dimensions interrégionales et métropolitaines des plans stratégiques et des ententes-cadres. On est en train de faire un véritable plan de fonctionnaires. Ça n'a pas beaucoup de bon sens. Si on veut avoir une véritable vision de la métropole, il ne faut pas uniquement penser qu'on va mettre cette structure-là en place puis que tout va s'harmoniser par la suite.

M. le Président, c'est tellement vrai que l'organisme dont on parle le plus souvent, c'est la Communauté urbaine de Montréal. Or, dans le projet de loi n° 134, il n'y a rien, il n'y a véritablement rien qui prévoit que la Communauté urbaine de Montréal va disparaître. Il n'y a rien qui prévoit ça dans ce projet de loi là. Pas un article qui prévoit, par exemple, que la Communauté urbaine va disparaître tel jour, telle date, telle heure. On a mis sur pied, par contre, une table de travail pour discuter de l'avenir de la CUM, dont la première réunion, en principe, a eu lieu jeudi passé. La prochaine aura lieu jeudi prochain. Ces réunions-là vont se tenir jusqu'à la mi-juillet. Mais, nous autres, on va avoir adopté le projet de loi entre-temps, puis on ne saura pas encore c'est quoi, l'avenir de la CUM.

J'ai cru comprendre, dans les gens que nous avons rencontrés, qu'il y avait un consensus au moins sur une responsabilité de la CUM, que la sécurité publique devait rester à l'intérieur de l'île de Montréal. Tous les intervenants sont venus nous dire que le SPCUM devait faire en sorte de continuer à conserver, à faire son travail sur le territoire de l'île de Montréal. Que ce soit le maire de Montréal, que ce soit les maires de banlieue de Montréal, tous sont venus nous dire qu'il fallait absolument que la gendarmerie, que les travaux faits par le SPCUM puissent continuer à se passer sur l'île de Montréal.

Mais, en même temps, tous les intervenants, qu'ils soient de la Rive-Sud, de la Rive-Nord, de Laval ou de Longueuil, ne sont pas intéressés à voir leur propre corps policier s'annexer à celui du SPCUM. On peut comprendre. Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que, s'il y a un corps policier de l'importance du SPCUM, qui est aussi gros presque que la Sûreté du Québec, qui doit travailler, encore une fois, sur le territoire de l'île de Montréal, bien il y aura un organisme d'élus – possiblement encore une fois la CUM – qui devra en garder le contrôle. On ne peut pas garder un corps policier qui coûte 800 millions par année hors contrôle des gens qui sont élus et qui collectent les taxes des citoyens pour payer, entre autres, ce service-là.

On peut présumer que tout le dossier de l'assainissement des eaux demeurera un dossier spécifique à l'île de Montréal. La ministre a fait état de sa volonté de surrégionaliser, c'est-à-dire de sortir des cadres de la CUM pour aller dans le cadre plus global de la Communauté métropolitaine de Montréal dans deux dossiers sur lesquels je l'avais interrogée. Quel est l'avenir du CACUM? Dans l'esprit de la ministre, le CACUM verrait son mandat s'élargir à celui du territoire du Grand Montréal. Dans l'esprit de la ministre aussi, le territoire de réglementation et de prise des échantillons d'air et d'eau autour de la CUM serait fait par le territoire du Grand Montréal. Bon. Voilà éventuellement, si le comité aviseur le juge à-propos, deux compétences qui devraient devenir des compétences de la Communauté métropolitaine. Mais ce sont là des compétences qu'on ne retrouve même pas dans le projet de loi que la ministre nous propose. C'est là une vision de la ministre qui ne se transcrit pas, que l'on ne retrouve pas dans les compétences prévues par la présente loi. Les compétences prévues sont et portent exclusivement sur l'aménagement du territoire, le développement économique, le logement social, les équipements, services et activités à caractère métropolitain, le transport en commun, la gestion des matières résiduelles.

Bref, M. le Président, la boîte que nous suggère le ministère et la ministre n'est pas complète. Elle-même voit déjà à cette structure des compétences qui n'apparaissent pas à son projet de loi et qui sont actuellement dévolues à la CUM. Mais on sait en même temps que – puis on ne peut pas passer à côté – la CUM conservera des compétences sur des domaines comme la sécurité publique et, par exemple, l'assainissement des eaux et encore, sûrement, sur la distribution de l'eau potable. Alors, voilà, M. le Président, des raisons de se poser des questions sur le projet de loi, sur la pertinence de l'adopter aussi rapidement, je dirais.

(21 h 50)

Parce qu'il y a aussi une autre curiosité dans ce projet de loi. Ce projet de loi est, selon les dires de la ministre, un projet de loi cadre puis un projet de loi d'application qui va arriver l'automne prochain. Alors, on nous demande de mettre le cadre mais on ne sait pas où on va le mettre, dans quel genre de maison on va le mettre. On va-t-u le mettre dans un chalet suisse? On va-tu le mettre dans un bungalow, dans un triplex? Mais où s'en va-t-on? Où va-t-on? Lorsqu'on nous demande, d'une part, d'adopter aujourd'hui, d'adopter aujourd'hui, enfin faire en sorte d'adopter d'ici les 15 prochains jours un projet de loi cadre qui verrait à faire en sorte de nous amener à éventuellement connaître ce qui va arriver ou, du moins, ce qui va subvenir de dossiers aussi importants que la CUM, que ces 61 organismes supramunicipaux dont je vous parlais, qu'est-ce qui va arriver de ça? On ne le sait pas. Aucune idée.

Éventuellement, on aura, semble-t-il, un projet de loi pour la mise en application de celui-là. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'éviter de mettre la charrue devant les boeufs? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un projet de loi cadre puis son projet de loi d'application ensemble pour qu'on puisse les étudier ensemble, faire un travail sérieux et faire en sorte de pouvoir les adopter ensemble pour qu'on puisse comprendre exactement ce qu'on a fait entre le moment où on a eu le projet de loi n° 134, puis qui s'appelle Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, puis éventuellement le projet de loi d'application?

C'est une façon de fonctionner qui indispose non seulement le député que je suis, mais qui indispose aussi... En éditorial, je lisais, pas plus tard que ce matin, Samson, de Québec, Jean-Jacques Samson, qui disait, parlant de... Il y a un projet de loi qui a été déposé, M. le Président, qui traite de la Communauté métropolitaine de Québec, mais qui est fait avec des dispositions assez semblables, une vue sur le plan de l'organisation des travaux, de l'adoption des travaux qui est assez semblable. M. Samson disait ce matin que la ministre des Affaires municipales a acheté des rideaux avant même d'avoir choisi la maison. Le projet de loi n° 137 – nous, on étudie 134, là, au moment où on se parle, mais c'est des projets de loi qui ont la même farine – déposé vendredi à l'Assemblée nationale, qui crée la nouvelle Communauté métropolitaine de Québec, le regroupement des 43 municipalités de l'agglomération en remplacement de l'actuelle Communauté urbaine de Québec, on fait le même genre de système que nous avons, un projet de loi qui va regrouper 104 municipalités dans la région de Montréal pour remplacer, entre autres, et élargir la Communauté urbaine de Montréal.

Voici ce qu'il en dit pour la région de Québec, il en précise la composition du conseil, bon, ainsi que celle du comité exécutif, les responsabilités qui sont assumées par le nouvel organisme supramunicipal. Voici ce qu'il dit: «Jamais l'expression "mettre la charrue devant les boeufs" n'aura trouvé plus belle illustration que dans ce forcing politique grotesque, même si un certain consensus se dégage dans la région pour une révision de la CUQ.» Ce qui est exactement la même situation qui se passe dans la région de Montréal. Il y a un certain consensus qui se fait pour faire en sorte qu'éventuellement il y ait révision des mandats et un élargissement du mandat des capacités d'un organisme supramunicipal, comme l'a été la CUM à Montréal. Eh bien, voilà le genre de situation dans laquelle nous nous retrouvons tant à Québec qu'à Montréal et peut-être même dans d'autres régions, comme l'Outaouais. Mais je présume que mon collègue le député de Hull saura nous dire plus exactement ce qui se passe dans ce secteur-là.

Mais, M. le Président, comment penser qu'aujourd'hui on pourrait adopter rapidement, facilement, le principe d'un projet de loi avec lequel on crée une nouvelle structure supramunicipale, encore une fois, qui n'est pas une mauvaise idée, mais ce n'est pas une mauvaise idée à la condition qu'on fasse le ménage des structures qui sont en dessous? Si on conserve toutes les structures qui sont en dessous et qu'on n'en ajoute qu'une par-dessus, on n'a rien fait. On a juste ajouté une superstructure par-dessus toutes les autres qui sont existantes, sans savoir, au moment où on se parle, à quel endroit et quand et comment le gouvernement s'entend ou essaie ou jugera à propos d'appliquer et de mettre cette loi d'application, que nous verrons l'automne prochain, en marche. Est-ce que la loi d'application pourra contrevenir à certains éléments de la loi que nous avons devant nous? Viendra-t-elle l'enrichir? Viendra-t-elle la modifier? Si on est pour modifier une loi au mois d'octobre, au mois de novembre, pourquoi on l'adopterait au mois de juin? Aussi bien tout faire en même temps.

M. le Président, il y a d'autres questions qui ont été soulevées par plusieurs intervenants; une concerne le territoire. Là, là-dessus, c'était moins évident. C'était moins évident qu'il y avait une véritable volonté régionale d'embarquer dans ce que nous considérons comme étant une chose qui pourrait être intéressante.

Toute la couronne nord, M. le Président, et je vois quelques députés, quelques membres du Parlement ici, qui représentent des comtés de la couronne nord, tous les maires de la couronne nord sont venus nous dire qu'ils organisaient – nous sommes le 6 juin – un référendum commençant le 8 juin jusqu'au 12 juin. Tous les citoyens de la couronne nord seront invités à aller dire ce qu'ils pensent, ce qu'ils jugent à propos, de la mise sur pied de cet organisme, un organisme qui aura un pouvoir fiscal et qui pourra effectivement, éventuellement, taxer une partie des citoyens de cette couronne nord là pour financer des objets qui sont jugés comme étant des objets régionaux. Les maires de la couronne nord sont partis en guerre contre le projet de loi. Bien, il faudrait que la ministre nous dise ce qu'elle entend faire concernant, entre autres, les fameux référendums qui seront faits. La ministre nous a dit à plusieurs reprises qu'elle ne voulait pas en tenir compte. Les gens pouvaient dire ce qu'ils voulaient localement, elle n'en tiendrait pas compte parce que ces référendums-là n'avaient pas force de loi, et, sur le plan strictement légaliste, la ministre a raison. Mais, sur le plan politique, elle a tort. Elle a tort – M. le Président, je vous souhaite le bonsoir! – et, sur le plan politique, elle a tort.

Lorsque des milliers de citoyens vont venir dire leur appréciation ou leur désappréciation de, éventuellement, faire partie de la Communauté métropolitaine de Montréal, bien, c'est un message qu'ils ont à dire. C'est les mêmes citoyens qui élisent les députés qui sont dans cette Chambre. Ils seraient de n'importe quel parti, on ne peut pas décider qu'un jour les citoyens n'ont pas assez de jugement pour décider qui serait leur bon député puis, en même temps, le lendemain, décider qu'ils n'ont pas assez de jugement pour décider ce qui serait, selon eux, bon pour leur organisation sociale, bon pour l'éventualité des regroupements municipaux ou bon pour leur développement. On ne peut pas penser que les gens ont le jugement pour voter pour des représentants ici, à l'Assemblée, puis qu'ils n'ont pas, par contre, la même qualité de réflexion, la même qualité de jugement pour être capables de déterminer ce qui serait, selon eux, à leur avantage pour leur développement, pour ce qu'ils sont puis pour leur milieu de vie. Et, dans ce sens-là, c'est là où la ministre pèche politiquement, je pense, lorsqu'elle juge que ces gens-là, qui devront, dans les jours qui suivent, qui auront – en tout cas, ils ne seront pas obligés, il n'y a d'obligation – la possibilité de faire valoir leur point de vue, de faire valoir leur point de vue et de dire à leurs édiles municipaux, de dire à leurs députés: Voici ce que nous pensons...

Là, on me dit que c'est comme les animaux malades de la peste. Ils n'en moururent pas tous mais tous en furent atteints. Les municipalités de la couronne sud, de la région de Vaudreuil entre autres, se lancent aussi dans des activités référendaires. Et ils invitent aussi la ministre des Affaires municipales et de la Métropole à devenir la présidente du comité du Oui dans leur région.

Elle a déjà décliné, suite à une question que je lui ai posée ici, en Chambre, de devenir la présidente du comité du Oui pour les éventuels référendums de la couronne nord. Mais elle a la même invitation dans la couronne sud. Probablement que ses multiples obligations l'empêcheront de pouvoir défendre ce Oui qu'elle voudrait et qu'elle chérit elle-même.

(22 heures)

Mais, dans la région de Vaudreuil, entre autres, dans les MRC du Roussillon, MRC de Vaudreuil, les gens sont venus nous dire en commission parlementaire qu'ils ne voulaient pas faire partie de cette communauté urbaine là. Ils sont venus nous dire que séparer leur MRC, c'était comme partager leur coeur en deux. Ils sont venus nous dire que c'était pour eux un drame que de penser qu'il y a 20 ans ils avaient investi beaucoup de leur temps et de leurs énergies dans un dossier auquel – je vois le député de Labelle, là – ils ne croyaient pas beaucoup puis que le député de Labelle a fait adopter à l'époque, puis qu'aujourd'hui ils trouvent excellent. Mais aujourd'hui ils sont tellement attachés à leur MRC qu'ils ont de la misère à s'en détacher. C'est ce que je comprends. Et ça, évidemment, un coeur qui aime... on peut difficilement comprendre toutes les impulsions d'un coeur qui aime. Mais, une chose certaine, ils demandent en même temps de ne pas faire partie du territoire de la future CMM même s'ils sont inclus dans la RMR.

Les amis et les électeurs du député de Verchères, une grande partie des électeurs du député de Verchères, du vice-premier ministre, les villes de Varennes, de Verchères, de Calixa-Lavallée, de Contrecoeur demandent de ne pas faire partie de la RMR. Bien, il faudrait à tout le moins que la ministre fasse comme saint Paul, qu'elle parte sur le chemin et qu'elle aille convaincre les maires de ces... son chemin de Damas, me dit-on, comme saint Paul sur le chemin de Damas. Ce serait plutôt comme la ministre sur le chemin de la couronne nord ou comme la ministre sur le chemin... D'ailleurs, la ministre vient de Sainte-Thérèse. Les gens de Sainte-Thérèse nous le disent et nous le répètent à satiété, la ministre a une famille, sa famille vient, depuis plusieurs générations, de la région de Sainte-Thérèse. Et ils l'invitent gracieusement, j'imagine, j'espère, gentiment à venir justement les convaincre du bien-fondé de son projet. C'est la même chose pour les citoyens et les citoyennes de la région de Saint-Lazare et de la région de Vaudreuil. Ils invitent aussi la ministre à venir les convaincre.

La ministre se devrait d'aller dans chacun de ces hôtels de ville convaincre les édiles municipaux, convaincre les citoyens du bien-fondé de la proposition qu'elle nous apporte et, en même temps, les convaincre – parce que c'est là probablement un des problèmes majeurs qui sont sur sa route pour convaincre les citoyens de la couronne nord et de la Rive-Sud – que ces citoyens-là ne seront pas surtaxés le lendemain de l'adoption d'un projet de loi comme celui-là. Ça, elle devra faire un effort pour convaincre les citoyens que la taxation d'agglomération ne fera pas en sorte qu'ils devront payer, comme les maires sont venus nous le dire, pour ce qu'ils considèrent comme des extravagances sur lesquelles ils n'ont jamais pris de position, ils n'ont jamais eu de décision à prendre.

Eh bien, c'est comme ça dans quelques comtés, c'est comme ça dans quelques régions. Le député de Chambly, je le répète, a quatre des municipalités de son comté qui ne veulent pas faire partie de la RMR. Je présume que la députée de Maisonneuve va en parler au député de Verchères pour que lui-même tente peut-être de convaincre les maires de sa municipalité, de Verchères d'abord, de Calixa-Lavallée en arrière de chez lui, de Varennes à côté, de Contrecoeur de l'autre côté. Les maires de ces municipalités, M. le Président, ne veulent pas faire partir de la RMR, ne veulent pas faire partie de la Communauté métropolitaine de Montréal. On peut le leur reprocher, mais encore, au lieu de reprocher aux gens, comme l'indique un peu la ministre, d'entrer dans l'avenir à reculons, la ministre serait bien mieux d'aller les voir, d'aller les convaincre du bien-fondé, des avantages qu'ils vont retirer à faire partie de la Communauté métropolitaine de Montréal. En même temps, elle sera obligée de répondre à quelques questions, des questions que j'ai soulevées tout à l'heure: Qu'adviendra-t-il des organismes qui sont en place s'il y a cette superstructure? Pourquoi ces organismes-là demeureraient-ils?

Puis l'expérience que nous avons... Je suis député du centre-ville. Je regarde des choses qui se sont faites dans notre région depuis quelques années. Et mon collègue le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a probablement été mis au courant de certaines de ces questions-là. Souvenons-nous, lorsque notre collègue le député de Charlesbourg, l'homme qui fermait des hôpitaux dans notre région – il y a eu celui qui plantait des arbres puis on a eu celui qui fermait des hôpitaux dans notre région – lorsque le député de Charlesbourg a fermé, entre autres, deux hôpitaux dans un comté comme le mien...

Une voix: ...

M. Chagnon: Hein, M. le Président, il y a un motté qui ne sait pas ce dont on parle actuellement. On parle de la régionalisation et des services régionaux de Montréal. Quand on a fermé l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, est-ce qu'on a pensé qu'on venait de fermer l'hôpital dans lequel on avait investi une dizaine de millions pour refaire l'urgence, pour permettre justement de servir et de desservir les hôpitaux de la Rive-Sud, qui sont Charles-Lemoyne et Pierre-Boucher? Quand leurs urgences débordaient, leur surplus d'urgences s'en allait à Sainte-Jeanne-d'Arc. Quand on a fermé Sainte-Jeanne-d'Arc, eh bien, on a décidé évidemment en même temps de diminuer le service qu'on offrait pour la Rive-Sud. La réponse qu'on avait: Ce n'est pas grave, ce n'est pas la même régie régionale. C'est ça que j'ai eu comme réponse.

Une voix: ...

M. Chagnon: J'entends à ma gauche: Il n'y a aucun rapport. Mais, M. le Président, on parle de régionalisation. Pourquoi, si on a un organisme qui chapeaute l'ensemble des activités de notre organisation sociale dans la région de Montréal, il n'y aurait pas de rapport entre les activités qui se font dans le domaine de la santé? Lorsqu'on a cinq régies régionales dans une organisation comme la nôtre, bien ce genre de situation là se passe.

Il n'y a pas longtemps, dans un autre domaine – je me ferai dire encore peut-être par un député en dessous des gradins que ça n'a pas de rapport – votre prédécesseur au trône un peu plus tôt aujourd'hui, M. le Président, le président de l'Assemblée, le député de Borduas, qui défend, puis avec raison, un projet de train régional, de train qui partirait de la ville de Saint-Hilaire, passant par Beloeil, Saint-Bruno, Saint-Lambert et Montréal, il s'est vu, pendant plusieurs mois, bloqué savez-vous par qui? Par la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal, une société de transport en commun qui était opposée à l'idée qu'il y ait un transport qui parte de Saint-Hilaire puis qui rentre à Montréal. C'était quoi, le prétexte? Le prétexte, c'était que, évidemment, l'ensemble de la région aurait une quote-part à payer.

Les villes particulièrement touchées, Longueuil, Brossard, Boucherville, qui sont des villes qui sont un peu le fer de lance de la STRSM, qui ne sont pas les seules villes de la STRSM, mais qui sont des villes importantes dans la STRSM, surtout que les maires de ces villes-là occupent les postes de président et vice-président de la STRSM, se sont opposées pour des raisons que je peux comprendre. Elles se sont dit: Nous autres, on ne paiera pas un écot, on ne paiera pas d'argent pour mettre sur pied ce transport-là, ce transport supplémentaire là de train entre Saint-Hilaire et Montréal, parce que nos citoyens n'en profiteront pas. Il n'y a personne qui va partir de Brossard pour s'en aller à Saint-Hilaire prendre le train pour s'en aller à Montréal. On le comprend, je veux dire, c'est une question de géographie simple, 101. C'est vrai, on comprend ça.

Mais, à partir du moment où tu amènes les gens à raisonner puis que tu leur dis: Regardez donc le problème sur une base régionale... Sur une base régionale, s'il y a éventuellement à terme, comme on le prévoit, 12 000 citoyens qui prennent le train de banlieue puis qui s'en vont de Saint-Hilaire jusqu'à Montréal, bien il risque d'y avoir à peu près 10 000 autos de moins sur l'un des trois ponts qui rentrent sur l'île de Montréal, soit Jacques-Cartier, Victoria ou... – moins Hippolyte que l'autre – ...

Une voix: Champlain.

M. Chagnon: ...Champlain – merci, M. le Président. Alors, s'il y a 10 000 voitures de moins sur ces trois ponts là tous les jours, le matin puis le soir, les citoyens de Boucherville, Longueuil et Brossard vont profiter d'une facilité pour traverser les ponts qui va être plus grande. Dans ce sens-là, il faut avoir un point de vue régional, il faut avoir une vision régionale. Or, ce n'est pas évident. Alors, c'est dans ce sens-là où Mme la ministre aurait intérêt à aller faire cette démonstration-là, ce genre de démonstration là devant les édiles municipaux des municipalités qui se refusent à faire partie de la Communauté métropolitaine de Montréal.

(22 h 10)

M. le Président, on a aussi d'autres questions qui risquent d'être soulevées, non seulement ce problème qui, semble-t-il, est tellement grave, tellement compliqué, qui évite et qui fait en sorte que la ministre ne peut pas nous donner de réponse sur ce qui va arriver des organismes en deçà, qui sont déjà des organismes supramunicipaux et qui éventuellement devraient être remis en question lorsqu'on a effectivement un point de vue régional qui nous permettrait encore une fois, contrairement à ce que certains collègues d'en avant ou d'à côté plutôt semblent croire... Il va falloir être capable de faire une remise en question de chacun de ces organismes supramunicipaux là.

Or, le projet de loi devrait nous parler de l'avenir, non seulement d'un avenir qui créerait une superstructure, mais d'un avenir qui nous dirait: Voici ce que nous allons faire avec les autres structures qui sont touchées, qui sont affectées dans notre communauté par cette nouvelle structure. Or, on n'a aucune idée. Comme le disait encore une fois M. Samson, dans son éditorial de ce matin: «Des dizaines de questions demeurent d'autre part sans réponses.» Encore une fois, lui, il parlait de la Communauté urbaine de Québec, mais c'est encore vrai pour la Communauté urbaine de Montréal, on a exactement la même situation. «Quels seront, par exemple, les impacts, entre autres, sur l'organisation et les coûts du transport en commun? Nous verrons plus tard... les structures d'abord, selon une obsession péquiste.» Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Samson, ce matin, dans Le Soleil .

C'est exactement un point de vue comme celui-là, une approche comme celle-là qui nous fait nous méfier un petit peu de là où on veut nous amener. On voudrait bien avoir une structure, encore une fois, souple et légère de planification, mais ce n'est pas vers ça qu'on s'en va. On s'en va vers une structure qui va camoufler toutes les autres structures qui vont être en dessous puis qui va faire en sorte de continuer à fonctionner comme si de rien n'était. On vient ajouter une nouvelle structure, on vient faire une sédimentation de l'organisation sociale dans la grande métropole.

Or, une des craintes, qui est probablement la crainte la plus importante que nos concitoyens mentionnent, c'est celle de la fiscalité. Ce matin – puis je n'ai pas, oui, je pense que je l'ai ici, je vais le trouver – il y a un journal, particulièrement, je pense que c'est la Gazette , j'ai vu quelque chose où il y avait un élément qui était intéressant, dans lequel la ministre disait: Ça ne coûtera pas cher.

Une voix: Trois millions.

M. Chagnon: Trois millions, nous disait-on. Le député de Hull me lance le chiffre, mais je vais vous trouver rapidement la citation exacte. La ministre, qui a été interrogée par les journaux ce matin, disait que, pour la région de la couronne nord, ça ne devrait coûter que 3 millions de dollars. Je viens de vous le trouver, M. le Président: Metropolitan plan won't lead to raises, she says , en parlant de Harel's tax pledge . Ce qu'elle dit, elle dit ceci – j'ai lu ça ce matin, je vous l'ai retrouvé rapidement, j'ai été chanceux: «Of that, North Shore cities and towns can expect to receive close to $4 million.» C'est ce qu'elle prévoit redonner aux municipalités dans le cadre éventuel d'un pacte fiscal dont j'ai parlé au tout début de ma présentation. On n'y est pas rendu, ça se négocie. Encore une autre chose qui est dans le portrait, mais qu'on ne connaît pas. «Which, she added, will be more than enough to cover the about $3 million the MMC is estimated will cost the North Shore.»

Moi, j'aimerais savoir, au moment où on se parle, comment la ministre peut arriver à dire que ça va coûter 3 millions pour les gens de la couronne nord. Pourquoi ce n'est pas quatre? Pourquoi ce n'est pas huit? Pourquoi ce n'est pas un? J'ai beaucoup de difficultés à comprendre comment la ministre arrive à ce chiffre-là, puis il n'y a encore rien qui peut nous permettre de le comprendre avec ce qu'on a comme explication soit avec le projet de loi soit avec les consultations que nous avons eues au départ. La ministre prétend que les municipalités recevront 4 millions. Il y a 400 000 de population dans ce territoire-là, M. le Président. Ça revient à 10 $ la tête. Il y a 7 millions de population au Québec. Ça veut dire que le pacte fiscal vaudrait 70 millions pour l'ensemble du Québec. Ça ne fait pas bien, bien de sens.

Le même gouvernement vient de ramasser 325 millions, qui étaient annoncés au dernier budget, pour le ministre des Finances. Il vient de ramasser 325 millions qui étaient une taxe que les municipalités recevaient, taxe qui s'appelait TGE, taxe sur le gaz et l'électricité, ça vaut 324 millions. Le ministre des Finances a dit qu'il la mettrait dans ses poches plutôt que de la redonner aux municipalités. Aujourd'hui, on voudrait faire un pacte fiscal avec les municipalités pour leur remettre, dans le fond, 70 millions du 325 qu'on vient de leur prendre. Je ne peux pas croire que les municipalités sont assez stupides pour accepter ça. Mais, selon ce que la ministre prétend, il y aurait 4 millions qui s'en iraient sur la Rive-Nord, 4 millions de revenus puis 3 millions de dépenses. Quatre millions de revenus puis 3 millions de dépenses. C'est un peu gros et c'est un peu rire, probablement, des citoyens de la Rive-Nord que de penser qu'ils vont croire cette espèce d'annonce là. Mais, de toute façon, c'est une annonce qui n'est pas une bonne annonce pour l'ensemble des citoyens du Québec, si c'était le cas.

Il n'en demeure pas moins que la crainte, la grande crainte des gens, c'est la fiscalité. Si la ministre nous disait aujourd'hui c'est quoi, les règles du jeu. Il y a déjà un comité qui travaille dans l'ombre puis qui est supposé faire la nomenclature des organismes qui auront un caractère suprarégional. On parle tout de suite du Jardin botanique, du Biodôme, du Cosmodôme, de l'Insectarium, du Planétarium, enfin les organismes qu'on retrouve et peut-être éventuellement d'autres. Il n'y en a pas de prévus pour la Rive-Sud. Le député de Marguerite-D'Youville me parlait, il nous disait qu'ils avaient l'intention, eux, sur la Rive-Sud, d'ajouter le parc des Îles-de-Boucherville puis le parc de Saint-Bruno, de façon à éviter qu'il y ait éventuellement une tarification pour l'entrée du parc. Alors, toutes ces idées-là sont là-dedans. Mais, éventuellement, les gens qui sont sur le comité aviseur devront s'entendre, paraît-il, pour déterminer c'est quoi, les organismes suprarégionaux qui seraient financés sur une base suprarégionale.

Actuellement, je vous rappelle, M. le Président, que ces organismes-là sont financés par le gouvernement du Québec. Est-ce que notre organisme supramunicipal servira uniquement à se substituer au gouvernement du Québec dans le financement des organismes suprarégionaux? Si c'est le cas, je comprends que le monde rechigne puis se rebelle. Ça n'a pas beaucoup de sens. D'ailleurs, dans son mémoire, l'Union des municipalités est venue nous dire que, si elle était d'accord avec l'organisation d'un plan suprarégional, c'était parce qu'elle croyait que ce plan suprarégional là ou cet organisme suprarégional là ne serait pas un organisme qui viendrait se substituer au gouvernement du Québec, quant au financement par le gouvernement du Québec, dans les organisations régionales, dans les organismes qui sont déjà existants dans la région. Parce que, dans le fond, si ce n'est que pour remplacer le gouvernement du Québec que le gouvernement du Québec fait passer ce projet de loi là, les citoyens et citoyennes de l'ensemble de la communauté montréalaise – puis, quand je parle de la communauté montréalaise, je parle de la Communauté métropolitaine de Montréal – vont être des perdants. Ils vont avoir déjà à payer des impôts pour payer ce qu'ils reçoivent, sur lesquels ils reçoivent une partie de leur retour d'impôts par le biais du gouvernement du Québec qui finance les opérations courantes de ces organismes-là, puis, en même temps, on va leur demander... On va voir le gouvernement du Québec se retirer de ça, ne pas baisser les impôts puis, en même temps, leur augmenter leur facture locale. Je les comprends de se poser des questions assez sérieusement sur l'avenir de la fiscalité.

C'est pour ça que la ministre aurait tout intérêt à nous dire c'est quoi, sa vision de la fiscalité d'agglomération. Sur le Tax Base Sharing, on aura, par exemple, 100 % des nouveaux revenus de cet organisme qui pourraient être basés sur le développement. Que ce soit à Montréal ou n'importe où dans les banlieues nord, sud, à Laval, à Longueuil, dans la couronne nord, dans la couronne sud, qu'on puisse savoir exactement quels sont les revenus. Est-ce que ce sera 25 % de l'évaluation actuelle plus 75 % de l'évaluation future? On ne le sait pas. Il y a une multitude de possibilités sur le plan fiscal, mais on ne sait vraiment pas comment le gouvernement va s'y prendre puis qu'est-ce que le gouvernement va choisir. Alors, on est devant une situation, un dilemme sur le plan fiscal qui fait en sorte de mobiliser des tas de citoyens pour leur suggérer de ne pas accepter cette orientation que la ministre propose.

(22 h 20)

Alors, M. le Président, ces craintes que nous entendons partout à gauche puis à droite, nous devons en tenir compte. Je suggère aux députés qui sont concernés par ces questions-là d'en tenir compte. Je ne le dis pas pour des raisons de vile partisanerie ou de quoi que ce soit. Les députés, on a un rôle de représentation de nos citoyens d'abord. On se doit de représenter nos citoyens avant de représenter le parti d'opposition ou le parti ministériel. On n'a pas été élus pour représenter le gouvernement, on a été élus pour représenter notre population au gouvernement.

Dans ce cadre-là, moi, j'invite la ministre à prendre son temps, à regarder ce projet de loi là. L'idée même d'avoir une structure supramunicipale ou suprarégionale, c'est une bonne idée. Je l'ai dit, je le répète, c'est une bonne idée. Mais on est pris avec des considérations tellement importantes quant au nombre de structures, quant à l'existence des structures qui sont en place, des structures supramunicipales, qu'on se demande où on s'en va avec ça. Le plan de, entre guillemets, mise à mort de ces structures-là ou de réunification de ces structures-là n'accompagne pas le projet de loi que nous avons devant nous. La vision fiscale dans la région de la grande métropole de Montréal n'accompagne pas le projet de loi que nous avons devant nous. N'accompagnent pas non plus le projet de loi que nous avons devant nous des réflexions qui devraient être faites sur la Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, ça nous pose un dilemme important. Il y a des éléments que nous retrouvions, puis je l'ai mentionné en commission parlementaire... Il y a des articles du projet de loi n° 92 que je présenterai à titre d'amendements au projet de loi que nous avons devant nous pour tenter de l'améliorer. Alors, M. le Président, nous allons travailler à l'amélioration de ce projet de loi là, mais, pour l'instant, nous sommes encore un peu perplexes quant à sa capacité de pouvoir changer des choses si désormais, si préalablement on ne change pas, par exemple, le nombre d'organismes qui sont sous-jacents à ce projet de loi là et en même temps si on ne change pas, par exemple, les lois du travail. Comme nous l'a expliqué chacun des intervenants, des spécialistes que nous avons rencontrés, ces lois doivent être changées si on veut faire vraiment des réaménagements urbains qui soient importants.

Là-dessus, M. le Président, je vous remercie. Et je sens qu'on a encore quelques semaines de travail. Je souhaite que la ministre ramène son projet de loi cet automne pour qu'on puisse l'étudier avec l'autre projet qu'elle veut nous amener.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Là-dessus, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, le porte-parole officiel de l'opposition en matière d'affaires municipales et député de Hull. M. le député, la parole est à vous.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il n'est pas simple de parler après mon collègue de Westmount–Saint-Louis qui, en une heure, a fait le tour de la question. Tout a été dit par mon collègue qui a si bien résumé la situation qui prévaut présentement dans la grande région de Montréal.

Vous allez me permettre, par contre, donc d'utiliser un autre angle pour aborder cette question. Et là je m'adresse, M. le Président, surtout aux gens qui nous écoutent, les téméraires, hein, qui ont syntonisé le canal, surtout dans la région de Montréal, de l'Assemblée nationale. Là, ils se demandent: De quoi est-ce qu'ils parlent ce soir? Les gens sont en Chambre ce soir, à 22 h 30. De quoi est-ce qu'ils parlent? Je veux dire, ça peut-u nous toucher? La réponse, c'est oui, M. le Président. Le sujet de ce soir va les toucher directement, les toucher dans leur qualité de vie, les toucher dans leur arrondissement, les toucher également dans le fardeau fiscal qu'ils vont payer. Alors, le débat qui a cours à l'Assemblée nationale ce soir est un débat qui va toucher non pas seulement les résidents de Montréal, de la grande région de Montréal, mais tous les citoyens du Québec à court et à moyen terme.

Comment ça se fait qu'on est rendu là, M. le Président? Eh bien, ça fait plus d'un an qu'on attend une réforme du monde municipal de la part du gouvernement du Parti québécois. Après beaucoup d'hésitations, de discussions, de tergiversations, le gouvernement nous propose une simili réforme. Premièrement, on devait débuter avec une négociation d'un pacte fiscal. Ça fait plusieurs fois que je le répète, ça a échoué. Le monde municipal a été déçu de voir que le gouvernement a abandonné les discussions en décembre dernier, discussions qui auraient pu régler un large éventail de problèmes reliés aux villes-centres, qui auraient pu donner plus d'oxygène aux municipalités, qui auraient pu libérer les mains des élus municipaux. Il y avait des revendications simples là-dedans, M. le Président, soit la diversification des sources de revenus, la question de la fiscalité d'agglomération, la question également des relations de travail. Mais non, le gouvernement a décidé de jouer plutôt sur les structures, a décidé plutôt de jouer sur les limites géographiques.

Et on en est là maintenant avec les résultats qu'on connaît, c'est-à-dire le dépôt du livre blanc de la ministre des Affaires municipales, au mois de mars, qui trace essentiellement la carte routière du monde municipal pour les prochains mois et les prochaines années. Et cette carte routière, qu'est-ce qu'elle nous dit? Elle nous dit deux choses. Elle nous dit qu'il y a des communautés métropolitaines qui vont être peut-être ou non remplacées par des conseils métropolitains, mais on ne sait pas trop qu'est-ce qu'ils vont faire. Et la carte routière nous dit aussi: Relié à ça, il y aura des fusions municipales forcées. Ça, c'est les deux grands constats, M. le Président.

Et pourquoi en sommes-nous arrivés là? Eh bien, c'est parce que le gouvernement, suite à l'échec du pacte fiscal, a décidé de faire un autre coup de force auprès du monde municipal en les privant des revenus des télécommunications, du gaz et de l'électricité dans le budget du ministre des Finances du 14 mars dernier. Or, le ministre des Finances a puisé une somme de 323 millions de dollars par année, qui était retournée au monde municipal, il a puisé cette somme et l'a conservée pour ses coffres.

Parallèlement à tout cela, la ministre a décidé de créer des groupes de travail, et, à Montréal, c'est un mandataire. Un mandataire, c'est qui, ça? C'est quelqu'un qui est payé par le gouvernement, qui est nommé par le gouvernement et qui reçoit les ordres du gouvernement. C'est son employé. Louis Bernard, un ami bien évidemment du régime, lui, a un mandat, à Montréal, d'asseoir tout le monde à la même table puis d'arriver à un grand consensus. Eh bien, malheureusement, ça a commencé mal, parce que la ministre a décidé d'inviter seulement quelques choisis autour de la table, quelques personnes choisies, nommées évidemment par la ministre. Déjà, au début, ça ne roulait pas rondement, plusieurs élus se disaient déçus, se disaient inquiets de voir que probablement les décisions étaient prises d'avance.

D'ailleurs, je vais vous lire certains passages où l'UMBM a dit, et je vous cite: «Le président de l'UMBM s'est montré particulièrement outré de la situation et se questionne à savoir si le mandat réel du représentant du gouvernement n'était pas de nous occuper pendant que les magouilles gouvernementales suivaient leur cours en d'autres lieux.» Et ça, c'est un président de l'Union des municipalités de banlieue de Montréal qui disait ça, ce n'est pas l'opposition officielle, pour les députés qui se sentent offensés de ça. Ça, c'est les élus municipaux qui disent ça.

Il y en a d'autres: Les maires de la couronne nord jouent les stratèges contre le projet Harel . 61 municipalités de la Rive-Sud se dressent contre le pouvoir décisionnel de la CMM , Communauté métropolitaine de Montréal. Le livre blanc sur les municipalités, un canevas sans vision stratégique, dit l'UMBM . Les maires de la couronne nord lancent leur campagne du Non . Ça, c'est intéressant. Les policiers de la CUM resteront parmi les mieux payés au pays . Est-ce qu'il y a quelque chose, M. le Président, dans le livre blanc qui parle de cela? Non. Est-ce qu'il y a quelque chose qui va faire qu'on va être capable de diminuer nos masses salariales suite à la réforme? Non. On poursuit. Les maires de la couronne nord entendent mettre le paquet contre la réforme Harel . Et toujours avec le même projet: Montréal contre-attaque avec «une île, une ville» . Et on apprend qu'on va dépenser 250 000 $ de fonds publics pour la campagne publicitaire.

(22 h 30)

Alors, ça, c'est la toile de fond, M. le Président, qui nous dresse le portrait de la situation actuelle en matière de réforme municipale à Montréal. Mais, vous savez, ce qu'il est assez troublant de constater, c'est que toute cette réforme a comme toile de fond le grand perdant, c'est-à-dire le citoyen, parce que non seulement il perd droit au chapitre en termes de processus démocratique d'expression de volonté populaire, à savoir s'il souhaite ou non voir sa municipalité disparaître, s'il souhaite ou non diminuer de services, augmenter de services, payer plus ou moins d'impôts fonciers, s'il souhaite changer quelque chose dans son organisation de territoire... Alors, il n'a pas un mot à dire.

La deuxième grande constatation, M. le Président... Je vais me permettre de lire le texte de la ministre, ce n'est pas nous qui disons ceci. Alors, à la page 41 du livre blanc, la ministre nous dit: «Sans que l'on puisse établir a priori les économies d'échelle réalisables par une réorganisation des organismes supramunicipaux, il semble évident qu'il est possible de réduire les coûts d'administration et d'optimiser la planification à l'échelle métropolitaine, tout en améliorant la qualité de vie démocratique dans la région.» Pour la question démocratique, on repassera. Et on commence la phrase en disant qu'on ne peut pas le prévoir. On ne peut pas le dire, si ça va sauver de l'argent. Alors, on est en train de bouleverser le monde municipal sans pour autant être capable de dire aux citoyens qu'ils vont en bénéficier.

Alors, c'est quand même au-dessus de la part d'un gouvernement de décider de tout bouleverser alors qu'il n'y a aucune obligation de résultat au bout de la ligne. D'ailleurs, ce qui est assez troublant avec la réforme, c'est que la question des conseils métropolitains, qui, soit dit en passant – et je reviendrai sur la question de villes- régions – est une idée très largement répandue qui fait son bout de chemin, qui a certainement plusieurs mérites mais est assortie dans le projet avec des fusions municipales forcées, alors que les Américains ont compris depuis 1945 que c'est révolu, ce temps-là... Ça ne marche pas, même le premier ministre le disait: Vous savez, des mariages forcés, ce n'est jamais bon. Ça, c'est le premier ministre qui nous disait ça. Mais pourtant, c'est assorti un avec l'autre.

C'est tellement assorti que le plus gros fan club de la ministre, ça reste les villes-centres. Elles étaient six, elles sont tombées à cinq, puis, sur les cinq, il y en a qui boitent un peu, de ce temps-là, je dois vous dire, alors elles sont peut-être trois là-dedans. Mais les villes-centres nous ont présenté un mémoire, puis je veux vous lire ce qu'elles nous disent à propos de ça, parce qu'elles sont assez dures sur le conseil métropolitain. Voici ce qu'elles nous disent: «Les grandes villes-centres sont fermes et sans équivoque sur ces mesures – les propositions des villes-centres. La réforme doit être globale. Des demi-mesures ou des solutions partielles risquent d'être plus dommageables que le statu quo.»

Alors, ce qu'elles nous disent, là, c'est que, tant qu'à faire quelque chose à moitié, c'est aussi bien de rester comme ça. On peut comprendre que là-dedans on fait référence notamment au Code du travail. On continue: «Pour les grandes villes-centres, le regroupement de municipalités constitue la solution globale et définitive au mauvais fonctionnement de nos agglomérations.» Elles ne viennent pas de nous dire de créer des conseils métropolitains, elles disent: Fusionnez sur le dos des citoyens. C'est tout. C'est ça, la solution pour elles. «La création des communautés métropolitaines et le renforcement des communautés et des MRC ne doivent pas se retrouver en contradiction avec l'objectif de regroupement des municipalités locales.»

Je vais terminer en vous disant: «S'en remettre à la création des communautés métropolitaines sans réaliser des regroupements importants de municipalités ne contribuerait que partiellement à la rationalisation des services et des équipements ainsi qu'à l'émergence d'une vision commune et d'une unité d'action dans nos agglomérations.» Ce que ça dit, ça, c'est que les villes-centres disent: Tant qu'à avoir des conseils métropolitains s'il n'y a pas de fusion, on n'en veut pas. C'est des demi-mesures. Ce n'est pas ce qu'on souhaite.

Pourtant, le comité actuellement, le comité Bernard, a des mandats bien clairs. Il faut parler de régionalisation d'équipements, dans un premier temps, dans un deuxième temps, de regroupements nécessaires, si c'est le cas. Mais il y a quand même des discussions qui ont cours. Alors que les villes-centres qui sont membres de ces tables, de ces comités, disent a priori: Nous autres, on arrive avec un agenda, il est clair, on est pour les fusions forcées, il doit y en avoir, si le conseil métropolitain peut fonctionner, la seule façon qu'il devra fonctionner, c'est avec des fusions forcées, quel genre de climat croyez-vous que ça crée, ça, aux tables de discussions, M. le Président?

En tout cas, moi, j'ai des doutes. Moi, j'ai des doutes très évidents. Et, vous savez, dans toute cette réforme, ce qu'on s'est fait dire également, c'est le manque de temps. C'est un vrai bulldozer, cette affaire-là. On n'a pas le temps, on est en fin de session, ça a été déposé à la hâte. Les comités aviseurs travaillent encore. À Montréal, il y a des discussions sur la structure. Qu'arrivera-t-il avec la police, M. le Président? Quelle structure sera responsable de la police?

Quand on est obligé d'attendre la loi d'application à l'automne pour savoir ce qui va arriver dans le détail, est-ce qu'on peut comprendre que peut-être le projet n'est pas mûr, la ministre n'a pas fait sa tête là-dessus, que les discussions n'ont pas donné tous les résultats qui étaient souhaités? Il est clair que c'est prématuré et que ce qui devait être une structure souple et efficace, bien c'est n'importe quoi, mais souple et efficace, M. le Président.

Pourquoi? Mon collègue l'a dit, ça mérite d'être rappelé, il n'y a pas un organisme ou une structure qui saute avec la création d'une nouvelle structure du conseil métropolitain. Les MRC restent là. Ce sera la chicane la plus totale pour les villes qui vont être encore assujetties et à une MRC et à un conseil métropolitain. Imaginez ça, le citoyen, là. Il appelle, il a un problème de déchets. Il appelle à la municipalité; non, ce n'est pas là. Il appelle à la MRC; non, ce n'est pas là. Il appelle à la Communauté métropolitaine; là, c'est peut-être là. Mais pas nécessairement parce que c'est seulement de la planification, mais ce n'est pas dans l'actualisation. Puis là il faut qu'il appelle ailleurs. Pouvez-vous vous retrouver, vous, M. le Président? En tout cas, il y a des citoyens qui ne se retrouveront pas.

L'AMT reste là, Montréal international reste là, les 13 CIT restent là, les sociétés de transport – il y en a trois – elles restent là, les CLD, ils restent là, les CRD, ils restent là, les régions administratives, elles restent là, les régies régionales, elles restent là, et les régies intermunicipales – il y en a 28 – elles restent toutes là, M. le Président. On vient d'économiser quoi, là? On vient de simplifier quoi, là, M. le Président? En tout cas, poser la question, c'est y répondre. Je vous parlais de la police tantôt. Ils demeurent encore les mieux payés au Canada. Et on vient de régler quoi? On ne sait même pas avec quelle structure ils devront agir encore. Est-ce qu'ils vont se rapporter à la CMM? Est-ce que ce sera à autre chose? On ne le sait pas.

Vous savez, aussi, ce qui est un peu aberrant dans toute cette réforme, c'est la question que les villes qui vont être prises à fusionner de force parce qu'elles sont dans un conseil métropolitain, elles, n'auront pas accès à l'expertise de la Commission municipale. Mais toutes les autres villes, par contre, du Québec, qui se verraient fusionnées de force auraient accès à la Commission municipale où elles pourraient avoir même des audiences, des consultations publiques. Alors, pourquoi pénaliser les villes faisant partie des conseils métropolitains, alors que les citoyens, de toute évidence, n'ont pas droit au chapitre au sein des comités aviseurs?

Vous savez, on parle beaucoup, dans la région de Montréal, la ministre parle beaucoup de la question de l'étalement urbain. Phénomène important, phénomène réel. Mais il faut se demander la question suivante: Est-ce qu'il est seulement dû aux villes de banlieue? Moi, je pense que la réponse, c'est non, M. le Président. Voyez, dans un document de la ville de Montréal, un beau document – nous, on n'aurait pas les moyens de payer ça, en tout cas, à l'Assemblée nationale, des documents comme ça, mais Montréal a sûrement les moyens – dans un très beau document, ils nous indiquent, Montréal, que, dans la RMR, c'est-à-dire aussi à l'extérieur de Montréal, il y a eu 63 constructions ou agrandissements ou réaménagements d'écoles, M. le Président, pour 211 millions d'investissements, puis il y a eu 14 fermetures d'écoles. Sauf qu'entre vous et moi, là, est-ce que c'est une ville qui décide de construire une école? Non. Je pense que c'est le ministre de l'Éducation. Et, moi, je pense que c'est le ministre de l'Éducation qui va couper le ruban.

Alors, je veux bien, moi, que la ministre blâme les villes en banlieue pour l'étalement urbain, mais il faudrait regarder aussi sur le côté gouvernemental, avec les programmes AccèsLogis, accès habitation, avec Corvée-Habitation, avec les ouvertures d'écoles, avec l'hôpital qu'on annonce à Lachenaie, avec toutes ces décisions gouvernementales... Il faudrait, là, que la parole suive les actes. On ne peut pas toujours blâmer les mêmes pour des décisions qui ne relèvent pas d'eux. Et, soit dit en passant, qu'on fusionne toutes les villes du Québec en une seule, M. le Président, ça va-tu changer quelque chose sur la situation géographique des citoyens? Votre maison qui est à Repentigny, demain matin elle ne sera-tu plus là parce que tu es fusionné avec Montréal? Allez-vous moins aller à l'école à Repentigny parce que vous êtes fusionné à Montréal? Je pense qu'il faut poser des questions fondamentales parce qu'il y a bien des choses qui sont prises pour acquises.

Il est clair que le principe de ville-région est un principe défendu largement, et la question de la fiscalité d'agglomération aussi fait un large consensus, et ça, on doit se réjouir de cette ouverture d'esprit du monde municipal. En anglais, on dirait: «There's no free lunch», puis je pense que le monde municipal l'a compris, puis ils sont prêts à payer pour ce qu'ils doivent, tous et chacun, mais sans avoir à agir sous coups de menace, M. le Président. Et c'est ce qu'on vit présentement.

(22 h 40)

Si on était à ce point rendu au fait que le gouvernement considère que toutes les régions périphériques d'un centre comme Montréal, ce sont des parasites, là on est rendu trop loin. Je pense qu'il n'y a pas de fondement à cet énoncé-là. Tout au moins, ça mérite un débat, pas un débat à la sauvette en fin de session, à 22 h 30, un mardi soir, où est-ce qu'on appelle quelques groupes en consultation et on amène ça comme projet de fin de session; ça mérite un large consensus, un large débat.

Si le gouvernement avait été courageux et avait notamment regardé le rapport Bédard à la recommandation, de mémoire, 84, où on disait: Si on est en train de changer des structures dans le monde municipal, il y a un impératif, il faut changer le Code du travail... Toronto – on nous cite Toronto souvent – bien, eux, ils n'étaient même pas pris avec les articles 45, 46 et ils ont encore des difficultés avec les relations de travail, notamment avec les pompiers.

Mais le rapport Bédard, tous les rapports, en fait, et même le rapport sur la ville de Montréal préparé par SECOR qui parlait d'une île, une ville, le disent: Il faut absolument régler la question du cadre des relations de travail, du Code du travail avant de procéder à cette vague de fusions massives ou à cette réorganisation du territoire urbain. Pourquoi? Parce que, sans ça, il n'y aura aucune économie pour les citoyens, il n'y a aucune structure qui saute, il n'y a personne qui y gagne. Alors, il faut être très vigilant, M. le Président, sur les effets d'une réorganisation. Il faut être très vigilant.

On voit les responsabilités proposées dans la CMM: l'aménagement du territoire, le transport en commun, le logement social, le développement économique, les équipements à vocation supralocale, les questions environnementales, la sécurité publique, l'évaluation foncière, le partage de la croissance de l'assiette foncière et aussi d'autres sujets. Ce sont tous des sujets louables dont on peut discuter au niveau régional. Mais il ne faut pas que ce soit perçu comme une agence pour distribuer des factures. Il faut que ce soit perçu comme une agence souple, souple et efficace, en termes de planification – ça, tout le monde donne son aval à ça – mais pas une structure qui vient chapeauter d'autres structures puis il n'y a pas une structure qui saute et que ce soit une structure qui alourdit tout ce processus et qui ne fait que distribuer des factures.

M. le Président, la région de Montréal, la région de l'Outaouais et la région de Québec doivent pouvoir se développer avec du vent dans les ailes, doivent avoir la marge de manoeuvre pour opérer, mais elles ne doivent pas être contraintes à vivre dans une organisation encore plus bureaucratique, encore plus compliquée et où il n'y a pas une structure qui saute. Alors, pour le bien non seulement des citoyens du Québec, de l'ensemble du Québec, mais particulièrement pour la région de Montréal, qui en a besoin, il faut que cette structure soit souple et efficace, il faut que cette structure réponde réellement aux aspirations de tous les citoyens de cette région. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Hull, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Et je reconnais le porte-parole de l'opposition officielle dans le dossier de la Charte de la langue française et député d'Outremont. M. le député, la parole est à vous.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci beaucoup, M. le Président. Je me suis posé la question tantôt en écoutant la ministre et mes deux collègues, je me suis dit: Qu'est-ce qu'un dilettante comme moi peut ajouter de nouveau aux propos des experts ou que je viens d'entendre, M. le Président? Alors, je vais essayer de vous dire quelque chose d'un peu nouveau.

La thèse que je vais présenter, on peut l'énoncer comme ceci. Ce qui me paraît être sujet à énormément de critiques, ce n'est pas tellement le projet de loi, mais la stratégie de changement institutionnel qui le sous-tend. Je crois que cette stratégie de changement institutionnel est défectueuse, qu'elle va générer ce qu'on appelle techniquement des effets pervers, c'est-à-dire des effets non voulus par la ministre, non anticipés par la ministre mais néanmoins prévisibles, que ces effets iront à l'encontre de l'objectif ultime qui est visé par la ministre, qui est celui de créer une structure ou de créer ce qu'elle appelle une dynamique de coopération régionale.

La raison pour laquelle la stratégie est défectueuse tient d'abord et avant tout à l'ambiguïté de la stratégie, aux incertitudes qui en résultent. Et fatalement, M. le Président – enfin, fatalement, je ne suis pas prophète, mais je pense qu'on peut tout de même se baser sur l'expérience pour faire une prévision – les ambiguïtés vont générer une lutte de pouvoir et des conflits qui, plutôt que de mener à la dynamique de coopération dont parle la députée de Maisonneuve, vont mener à une dynamique de compétition. Il y a donc des carences dans cette stratégie-là, M. le Président, puis je voudrais en identifier trois.

La première carence, elle a été mentionnée, à tour de rôle, par mes collègues, c'est ce qu'on pourrait appeler des ambiguïtés qui entourent ce qu'on pourrait appeler la succession de régimes. Lorsqu'on veut changer des institutions, il est très important qu'on s'interroge sur ce qui arrivera compte tenu du régime qu'on veut changer, de la succession de régimes qu'on veut mettre en place. Et, dans ce cas-ci, la succession de régimes contient de telles ambiguïtés – on l'a mentionné tantôt: Qu'est-ce qu'il restera des 61 organismes? Qu'est-ce que sera le rôle de la CUM? Qu'est-ce que sera le rôle de tous ces organismes, de tout cet encombrement d'organismes dont la loi ne nous dit rien sur ce que sera leur avenir? Et je pense que ça, il y a ici une ambiguïté de structures dans la stratégie qui est extrêmement dangereuse du point de vue de l'objectif ultime de coopération qui est visé par la ministre.

Lorsque des ambiguïtés de succession de régimes existent au point où on les retrouve dans ce projet, la probabilité de générer des conflits, la probabilité de générer des luttes de pouvoir entre les organismes qui vivent dans cet encombrement-là est, à mon avis, très élevée. Et je pense qu'on peut raisonnablement anticiper que, compte tenu de l'ambiguïté que je viens de mentionner, nous allons vers des conflits de pouvoir, dans cet encombrement institutionnel, qui vont avoir des conséquences prévisibles fort désavantageuses pour un projet qui, par ailleurs, est un projet qui repose sur des intentions louables, de bonnes intentions. Mais, entre les bonnes intentions et l'atteinte des résultats visés, il y a toujours une différence, une incertitude, et ces incertitudes-là, dans ce cas-ci, sont très grandes, à mon avis, compte tenu du fait qu'on ne sait pas exactement comment va s'opérer la succession de régimes.

Si vous voulez, M. le Président, en savoir plus long sur le problème de la succession de régimes, vous irez consulter Mao Tsê- tung. Quand lui a voulu changer la Chine, comme il a essayé de le faire, sans solutionner ses problèmes de succession de régimes, on s'est retrouvé – mais, évidemment, là, on est à une tout autre échelle – devant des problèmes de conflits, de luttes de pouvoir, de luttes interorganisationnelles, qui ont eu pour effet de remettre en cause beaucoup des intentions qui avaient été poursuivies par le grand timonier.

Eh bien, dans ce cas-ci, je pense que la grande timonière fait une erreur grave en présentant son projet pour adoption avant de nous offrir des réponses à cette carence fondamentale, qui tient au fait que nous ne savons pas, nous ne savons toujours pas – et ça a été mentionné en commission parlementaire par plusieurs intervenants – qu'est-ce qui va arriver de la succession, comment ce nouveau partage d'autorité va se solutionner, compte tenu de ce que j'ai appelé l'encombrement organisationnel ou l'encombrement des organismes. Et je pense que ça, c'est un problème très grave. Moi, ce que j'aurais souhaité, parce que j'ai suivi la commission parlementaire, les consultations, au meilleur de ma capacité, j'aurais souhaité, compte tenu du besoin qui est exprimé dans le projet de loi et que la ministre a répété à maintes reprises, du besoin d'une coopération régionale qui est nécessaire, je pense qu'on aurait dû avoir un projet de loi – la ministre dit que c'est un projet de loi cadre – qui identifie clairement qu'est-ce qui va arriver des organismes qui auront à cohabiter avec le nouvel organisme qui est créé. Je pense qu'il y a là un problème très grave.

(22 h 50)

Je me demande pourquoi la ministre, M. le Président, fait preuve de ce qui m'apparaît comme de la précipitation, compte tenu du fait que ces ambiguïtés, que cette catégorie d'ambiguïtés n'est absolument pas solutionnée dans le projet de loi qu'on a devant nous. Je me suis toujours demandé et je me demande encore comment il se fait que des ministres, qui sont avisés par des experts dans des ministères qui sont tout de même des gens qui sont qualifiés, qui ont réfléchi, arrivent à prendre des décisions en maintenant des ambiguïtés comme celles que l'on a maintenant.

Il y a des ambiguïtés du point de vue de la succession du régime institutionnel, et ces ambiguïtés-là vont persister. Elles créent de l'incertitude. Et, compte tenu des incertitudes, lorsqu'il y a de l'incertitude dans un processus d'interaction sociale, vous avez la condition la plus apte à créer des luttes de pouvoir. Et les luttes de pouvoir, M. le Président, je le répète, ce n'est pas le genre de conditions qui favorisent ce que la ministre appelle la création d'une dynamique de coopération. Il est parfaitement vrai que le besoin est là, à mon avis. Mais, compte tenu de la stratégie qui est adoptée, à mon avis, nous allons vers un scénario d'avenir qui risque de mettre grandement en danger l'objectif ultime qui est poursuivi par la députée de Maisonneuve.

Il y a une deuxième carence dans la stratégie, M. le Président, et qui a été mentionnée par les personnes qui se sont fait entendre, c'est une carence qui résulte de l'ambiguïté qui entoure la mission de la Communauté métropolitaine de Montréal. On l'a dit, on le dit dans le projet, on le dit dans les documents d'appoint, la Communauté métropolitaine de Montréal est un organisme dont les fonctions sont des fonctions de planification et de coordination. Mais, durant les audiences, des gens sont venus nous dire que l'identité de la structure qui est créée n'est pas claire, au point qu'on puisse la percevoir comme étant vouée exclusivement à de la planification et de la coordination sans qu'elle ait quoi que ce soit à faire avec ce qu'ils ont appelé la gestion de services.

Mon collègue vient de le mentionner, pour ce qui est du domaine de la gestion des affaires policières, il y a déjà une structure de responsabilité, qui est la Communauté urbaine de Montréal. Et on se demande, on s'interroge, lorsqu'on examine le projet, sur comment va se faire l'articulation entre la nouvelle structure et l'ancienne structure qu'est la CUM, compte tenu que, dans un cas, on est dans une structure qui se veut planifiante et coordinatrice et que, dans l'autre cas, on est dans une structure qui gère des services. Ce n'est pas clair dans le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président.

Il y a cette absence de clarté sur la mission stratégique de l'organisation. Et, encore là, lorsqu'on a une ambiguïté qui résulte d'une absence de clarté stratégique, on se retrouve avec une forte probabilité d'incertitudes, de luttes de pouvoir, de conflits. Et, à mon humble avis, ce n'est pas ce genre de conditions là qui mène à la coopération régionale dont a besoin la région métropolitaine de Montréal et dont ont besoin les régions métropolitaines de l'Outaouais et de Québec, qui sont visées par l'intention ministérielle globale.

Il y a évidemment une troisième ambiguïté, qui est, celle-là, peut-être une ambiguïté, comment dirais-je, moins grave mais qui a été mentionnée, à ma connaissance, par la présidente de la Communauté urbaine de Montréal, Mme Danyluk, et qui découle du statut de l'autorité et du statut du président de la Communauté métropolitaine de Montréal. Mme Danyluk est venue nous dire, et je pense qu'elle le faisait en toute candeur, que le président de cet organisme devrait être une personne qui soit responsable, qui assume ses responsabilités à plein temps.

Dans le cas du projet de loi, M. le Président, si j'ai bien lu ce dont il s'agit – je m'en réfère, entre autres, au texte qui nous a été remis sur les responsabilités des officiers de la commission – le conseil de chacune des municipalités métropolitaines sera dirigé par un président élu parmi les membres au deux tiers des voix et comportera un certain nombre de commissions. Une question qui se pose, c'est: Quel est le statut de ce président? Ce président est-il un élu inter pares ou s'agit-il d'une personne qui consacrera la plénitude de son temps à la gestion des responsabilités qui lui sont confiées?

Donc, on est en présence de trois niveaux d'ambiguïtés structurales qui vont se maintenir au fur et à mesure que va se développer le scénario de changement constitutionnel, des ambiguïtés qui tiennent à l'absence de clarté en ce qui concerne le régime de succession, des ambiguïtés qui tiennent à la mission stratégique d'un organisme. On a beau affirmer qu'il s'agit d'une structure douce, ayant des fonctions de coordination, l'intention est là.

Mais, dans la façon dont les responsabilités sont identifiées dans le projet de loi, et ça a été mentionné par les experts consultés, je le répète, il y a une ambiguïté parce qu'on ne sait pas s'il s'agit d'une structure qui est exclusivement ou prioritairement vouée à de la planification et de la coordination ou si c'est une structure qui, compte tenu de son mandat, débordera sur des responsabilités qui seront des responsabilités de gestion de services. Tant et aussi longtemps que cette ambiguïté-là dure, M. le Président, il est hautement probable qu'on se retrouve devant, encore là, de l'incertitude, des conflits, des luttes de pouvoir et des rapports de compétition plutôt que des rapports de coopération.

La troisième ambiguïté, je la répète, M. le Président, elle tient au statut des personnes. On aurait pu... Disons, la ministre l'a mentionné en commission parlementaire, au début, je pense qu'elle avait envisagé de créer une structure qui est une structure élective et non pas par voie de délégation. Il y a eu une levée de boucliers là-dessus, contre cette idée-là. On a donc révisé le tir, on en est venu à une structure qui est composée de personnes qui ont été nommées ou désignées par leurs pairs. Je n'ai rien contre ce genre de décision là. On aurait pu peut-être, comme c'est le cas, par exemple, dans la Communauté métropolitaine de Londres ou comme c'est le cas dans la Communauté métropolitaine de Portland, si je me rappelle bien, souhaiter que les gens soient élus puis se consacrent entièrement au service de l'intérêt des gens qui les ont élus.

Mais il reste que ça aurait créé, comme le disait la ministre tantôt, un niveau additionnel de gouvernement, d'élus, et que ça aussi, ça aurait pu générer un certain nombre de problèmes qui ont été à mon avis assez justement anticipés. Mais, en ce qui concerne le statut du président, on se retrouve là devant une ambiguïté qui va avoir des impacts sur son autorité, sur sa capacité de s'acquitter de ses responsabilités et finalement sur l'efficience et l'efficacité du fonctionnement de l'organisme qu'il préside.

(23 heures)

Donc, la stratégie de changement institutionnel qui sous-tend ce projet-là, M. le Président, est loin d'être une stratégie qui est claire, dépourvue d'ambiguïté et d'incertitude à tel point qu'on puisse la considérer comme une stratégie de succès. À mon avis, c'est plutôt le contraire, on s'en va vers une stratégie d'insuccès. Et on est conscient de l'enjeu, là, on est conscient de ce à quoi on s'attaque. Le Québec est une société qui, historiquement, a été très largement dominée par une structure institutionnelle qui était une structure institutionnelle de régime paroissial. Le sociologue Jean-Charles Falardeau a écrit un texte absolument célèbre là-dessus, qui s'appelait: The Parish as an Institutional Type .

On est encore dans une société paroissiale où les gens seraient dédiés au service d'intérêts sectoriels. Et, comme la ministre disait tantôt, il faut qu'on arrive à penser en fonction de l'intérêt commun, que le tout est une entité qui est supérieure à la somme de ses parties, mais, à mon avis... donc, cet enjeu-là est énorme. Mais, pour passer à cette rupture quasiment historique, disons, rupture qu'on a échouée à faire d'une façon efficace depuis un grand nombre d'années, il faut vraiment avoir une stratégie de développement institutionnel qui, à mon avis, ne contienne pas les carences du projet de loi qu'on a devant nous.

Donc, M. le Président, je pense que je me suis fait entendre clairement. Je ne suis pas sûr que ça aura un impact réel sur la décision ministérielle. Et je veux bien ajouter que je ne suis pas prophète, je ne peux pas dire avec certitude ce qui va se produire, mais il me semble qu'au nom de l'éthique, de la responsabilité qui est l'éthique de la politique, où il faut s'interroger sur les conséquences rationnellement envisageables ou rationnellement prévisibles des décisions qu'on prend, il y a des choses de ce type-là qu'il faut dire. Il faut dire qu'on est en train de créer une structure, à partir d'une stratégie de changement institutionnel, qui contient de telles carences qu'on risque de manquer la cible qui est ultimement visée. Même si les intentions de départ sont louables et même si évidemment le besoin d'un changement est évident, le besoin de la création d'une autorité régionale se fait sentir depuis fort longtemps, on ne remet pas en question ces besoins non plus que les intentions qui sous-tendent la volonté de changer. Mais ce qu'on remet en question, c'est le choix de la stratégie de changement.

J'ajoute là-dessus, M. le Président, que ce genre de choix de stratégie de changement qui contient beaucoup d'ambiguïtés... ce n'est pas, dirais-je, la première fois que je vois ce gouvernement faire ce genre de choix de stratégie de changement. On l'a vu dans le domaine de la santé – je ne veux pas accuser l'ancien ministre qui est ici présent et qui a fait du mieux de ses capacités pour réussir – on était, encore là, devant une stratégie de changement institutionnel qui contenait beaucoup d'ambiguïtés et qui a mené à beaucoup de tensions, à des conflits et aussi à des relations qui ne sont pas toujours des relations de coopération.

Donc, je conclus là-dessus, M. le Président. Il me semble que, sans tomber dans la partisanerie de vues étroite, on peut s'interroger sur le bien-fondé de la stratégie qui est choisie compte tenu des effets prévisibles qu'elle devrait entraîner, qui seront, à mon avis, contraires à l'objectif ultime qui est poursuivi. Et, à ce moment-là, donc, en tant que politiciens d'opposition, responsables, visant à agir d'une façon qui soit rationnelle, on peut vraiment s'interroger et être contre l'adoption du principe même de la législation, parce que, je le répète, les intentions sont là, elles sont bonnes, le besoin existe, mais, dans les conséquences à prévoir, à mon avis, ça va être tout à fait différent de ce que la ministre souhaite. Et je vous remercie, M. le Président, de m'avoir permis de le dire.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Outremont. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le porte-parole officiel de l'opposition en matière des dossiers de la capitale nationale et député de Limoilou. M. le député, la parole est à vous.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président, de me donner la parole sur le débat de principe, il faut le rappeler, du projet de loi n° 134, projet de loi créant la Communauté métropolitaine de Montréal. On a les notes explicatives de ce projet de loi. Je vais vous lire juste le premier paragraphe: «Ce projet de loi a pour but d'instituer la Communauté métropolitaine de Montréal. Il détermine notamment le territoire d'intervention de la Communauté, son organisation, ses pouvoirs, ses compétences ainsi que les règles relatives à l'administration de ses finances.» Un projet de loi, M. le Président, comme le dit si bien la ministre, une loi-cadre, qui a plus de 252 articles.

Mais, voyez-vous, ce qui est un petit peu questionnable dans la démarche du gouvernement, au fond, c'est l'ordre logique des choses. Parce que la ministre a déposé, le 11 mai, avant même – parce que vous connaissez les dates de dépôt pour qu'on étudie et qu'on adopte les lois d'ici à la fin de la session, c'est le 15 mai – a présenté le projet de loi n° 134. Mais, en même temps qu'elle a déposé le projet de loi n° 134, elle a déposé la journée même, le 11 mai, le projet de loi n° 124. Je vais vous en parler, M. le Président, du projet de loi n° 124. Elle a déposé aussi, vendredi dernier, après le 15 mai, le projet de loi n° 137 créant, cette fois-là, la Communauté métropolitaine de Québec. Puis le projet de loi qui va créer la Communauté métropolitaine de l'Outaouais, apparemment il va venir, peut-être d'ici à la fin de la session, peut-être à l'automne, je ne le sais pas.

Il faut revenir en arrière pour se rappeler que la ministre avait déposé un livre blanc. Elle a déposé un livre blanc, M. le Président, puis, au fond, c'est quoi qu'on n'y retrouve pas dans le livre blanc? C'est une attaque en règle face à la démocratie locale. C'est des conclusions qui sont tirées à l'avance, parce qu'elle nous avait dit qu'elle créait trois comités: le comité Bernard pour la région de Montréal, le comité Lapointe pour la région de Québec, le comité Grégoire pour la région de l'Outaouais. Elle avait dit: On va étudier la fiscalité d'agglomération, on va étudier le partage des équipements. Puis là, comme je le vous disais tout à l'heure, elle est venue déposer la loi n° 124 la même journée qu'elle a déposé le projet de loi n° 134.

Le projet de loi n° 124 lui permet de faire quoi, M. le Président? Parce qu'il y en a une Loi sur l'organisation territoriale municipale qui donne l'autonomie aux municipalités, qui donne l'initiative aux municipalités de demander au gouvernement de se fusionner. Puis la ministre peut reconnaître ça, elle peut permettre les consultations, s'il y en a qui le demandent. Donc, le respect de la volonté populaire puis le respect de l'autonomie municipale. Ça, c'est la loi telle qu'elle existe présentement.

Mais elle est venue faire quoi en déposant le 124? Elle est venue créer la confrontation dans le monde municipal, et ce, dans toutes les régions du Québec. Parce que la loi 124 maintenant lui permet de faire quoi? Lui donne le pouvoir, comme ministre, de vous écrire... Puis vous êtes un ancien maire, vous, M. le Président. La ministre aurait pu décider, dans le temps que vous étiez maire, avec la loi qu'elle va voter présentement, si vous l'étiez encore aujourd'hui: Je vous écris, M. le maire, pour vous dire que la ville que vous représentez devrait se regrouper avec la ville voisine. Si vous ne le faites pas, je vais nommer un conciliateur qui va me faire un rapport, puis, après ça, en fonction du rapport que je recevrai, je déciderai si je passe un décret qui me permettra de dire: Que ça fasse votre affaire ou que ça ne la fasse pas, vous allez vous regrouper. Ça, elle dit que c'est au profit de l'intérêt de la communauté. C'est au profit de l'intérêt du gouvernement.

Le gouvernement s'est fixé qu'il y aurait moins de municipalités au Québec. Ça va être bien moins compliqué, M. le Président, de s'entendre avec moins de municipalités, et ça, c'est une citation que l'ex-premier ministre, M. Jacques Parizeau, disait. C'est une histoire du monde des affaires municipales, du ministère des Affaires municipales. C'est bien moins compliqué d'avoir moins de municipalités au Québec.

Donc, la ministre se donne carrément le pouvoir. Puis là, n'oubliez pas, on n'a pas étudié le 134, hein! Je vais y revenir, M. le Président, parce que c'est important, il y a une suite dans l'ordre des choses, là. Normalement, on aurait dû commencer à étudier le projet de loi n° 134, sur lequel on peut se poser certaines questions sur le bien de créer une communauté régionale métropolitaine. Oui, vous avez raison, vous l'identifiez bien, le projet de loi n° 134. Mais, ce que je veux vous dire, c'est qu'avant même qu'on discute de ça, ça confronte le monde municipal parce qu'en même temps – je le sais, je le vis à Québec – elle a déposé la 124 pour se donner des pouvoirs additionnels. Elle dit: Maintenant, tant mieux si les municipalités se donnent l'initiative; mais, si vous ne le faites pas, je vais vous l'imposer. Je vais décider, moi, pour vous autres, c'est quoi votre bien. Puis qu'on fasse des consultations publiques ou pas, ce n'est pas grave, on va vous le dire, ce qui est bien pour vous autres. Ce n'est pas grave, ça. Dans la région de Québec, on a consulté déjà plus de 50 000 personnes, avec une moyenne de 93 %. Ce n'est pas grave. Elle l'a dit d'avance, elle ne tiendra pas compte de ça. Puis, après ça, le gouvernement se demande pourquoi on a braqué tout le monde puis on confronte tout le monde.

(23 h 10)

Ça fait que là, elle l'a déposé, puis on étudie ce soir le principe du projet de loi n° 134, M. le Président. Le projet de loi n° 134, dans la région de Montréal, on l'avait dans le livre blanc, ça touche, dans le territoire métropolitain de recensement, 104 municipalités – ce n'est pas qu'une petite affaire, là – dont 81 municipalités de moins de 25 000 habitants. Ça regroupe aussi, ça touche 61 organismes supramunicipaux, M. le Président, en commençant par la Communauté urbaine de Montréal, les 14 MRC, en plus des villes de Laval et de Mirabel, qui sont également des MRC, trois sociétés de transport, 13 corporations intermunicipales de transport, 28 régies intermunicipales et l'Agence métropolitaine de Montréal. Ça touche 17 schémas d'aménagement différents sur le territoire de recensement de Montréal et quatre organismes, soit les trois grandes sociétés, comme je vous disais, de transport et l'Agence métropolitaine. Soixante et un organismes supramunicipaux sur le territoire, c'est un budget de plus de 2 milliards de dollars, un budget de plus de 200 millions en administration, ça touche 15 300 personnes qui y travaillent. Ce n'est pas qu'une petite affaire, M. le Président. Je pense qu'il faut prendre le temps d'en discuter. C'est ce qu'on demande à la ministre.

Puis, si la ministre avait voulu faire les choses d'une façon très démocratique, très ouverte, elle aurait pu attendre pour déposer son projet de loi n° 124. Parce que, là, en même temps elle leur dit: Écoutez, que vous soyez d'accord ou pas d'accord avec ce que je vais faire dans chacune des grandes régions du Québec, j'aurai toujours mon instrument puis mon pouvoir, la loi n° 124. Vous allez être mieux de vous fusionner. Si vous ne vous fusionnez pas, on va y voir. Moi, j'ai le pouvoir de vous dire ce qu'on va faire avec vous autres. Ça fait que, comprenez-vous, en même temps qu'on met la table, en même temps, on leur dit: Vous n'aurez pas le choix, vous avez le bras dans le tordeur, vous allez y passer au complet, on va décider de votre avenir, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas. Puis ce qu'on dénonce, c'est un peu ça.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas forcer les municipalités. Elles sont assez grandes, elles peuvent prendre des initiatives, elles peuvent décider ce qui est bien pour elles. Puis on veut respecter la volonté populaire. Mais ce n'est pas ce que le gouvernement, lui, a décidé de faire. Et ce qui nous inquiète par rapport à ça, c'est celui – la Communauté métropolitaine de Québec, elle vient juste de le déposer, le 2 juin, presque trois semaines après qu'elle a déposé le 124 – de mon collègue le député de Hull, critique aux affaires municipales... Il n'a pas vu encore son projet de loi pour sa Communauté métropolitaine de l'Outaouais. Peut-être qu'il sera déposé d'ici à la fin de la session, peut-être qu'il le sera seulement à l'automne.

Mais le projet de loi n° 134, au fond, M. le Président, il vient nous détailler – je l'ai regardé un peu tout à l'heure – à l'article 100, à l'article 101, tous les pouvoirs de cette nouvelle communauté-là. Il y a beaucoup de choses. Mais ça reste une loi-cadre, il ne faut pas l'oublier. Parce que la ministre nous a dit: À l'automne, je vais revenir, parce que ce n'est pas fini, je vais avoir une loi d'application, là, les détails vont être là. Pourquoi on n'a pas, M. le Président, les deux en même temps? Pourquoi on n'a pas les deux en même temps? Pourquoi qu'on n'adopterait pas quand on aura le portrait final? Mais on ne l'a pas, le portrait, on a juste une partie du portrait.

Et, en plus de ça, avec le nombre d'organismes dont je vous parlais, 61, tout à l'heure, la Communauté urbaine, à l'heure actuelle, qui est là, on n'a aucune confirmation si elle va rester là ou pas. On a créé un comité présentement qui est en fonction apparemment jusqu'au mois de juillet, qui est en train de décider de l'avenir de la Communauté urbaine. Il y a tout l'aspect de la sécurité publique. Qui continuera, M. le Président, à administrer la sécurité publique? Peut-être la Communauté urbaine de Montréal? Ça veut-u dire qu'on va la garder puis qu'on va venir de créer une nouvelle structure au-dessus de la Communauté urbaine de Montréal puis au-dessus des 61 organismes supramunicipaux qui existent? Quel avantage qu'on va en avoir tiré? Est-ce que le contribuable va y trouver son profit? Est-ce qu'au niveau de la fiscalité on va avoir amélioré la situation des gens de la région de Montréal, de ceux de la région de Québec, de ceux de la région de l'Outaouais? Il n'y a personne, M. le Président, qui est capable de répondre à ça, ni la ministre est capable d'y répondre ni le premier ministre. Personne!

S'il se fait des études au ministère ou au gouvernement, ils les ont gardées. Ils vont peut-être les sortir à un moment donné; je ne le sais pas. Personne n'a été capable de nous démontrer jusqu'à maintenant qu'il va y avoir une rentabilité pour le contribuable, que le contribuable va être mieux servi puis que ça va lui coûter moins cher. On n'a pas de preuve dans le cas du projet de loi qu'on étudie à l'heure actuelle, M. le Président, qu'on ne vient pas d'ajouter encore un nouvel organisme en plus, parce qu'il n'y a rien qui nous confirme encore qu'il va y avoir moins d'organismes supramunicipaux. Il y en a 61 à l'heure actuelle dans la région de Montréal. Rien ne nous confirme encore que la Communauté urbaine de Montréal n'existera plus, 2 milliards de budget, 15 000 personnes qui y travaillent. C'est une grosse organisation. Mais absolument rien ne nous confirme que la situation va s'améliorer. Puis, encore là, la ministre nous le répète: J'ai une loi-cadre, attendez un petit peu, je vais revenir à l'automne, je vais avoir une loi d'application.

Puis pourquoi ne pas avoir déposé le portrait global pour l'ensemble du Québec? Pourquoi le gouvernement n'est pas capable de déposer les trois projets de loi sur les communautés métropolitaines, qu'on puisse étudier les trois en même temps pour voir où il y a des divergences? Pourquoi le gouvernement en même temps n'a pas commencé par étudier puis adopter ces projets de loi là, puis laisser l'initiative au monde municipal pour voir s'ils veulent effectivement faire un certain nombre de regroupements? Et pourquoi avoir déposé la loi qui donne le pouvoir à la ministre d'imposer ce qu'elle voudra bien faire ou ce que le gouvernement voudra bien faire au monde municipal?

M. le Président, je regarde juste ce qui se passe dans la région de Québec: la ministre est venue créer la confusion totale. Je l'ai interpellée à la période de questions, à l'interpellation, à un débat de fin de séance, à une motion du mercredi avec mon collègue de Hull. On a utilisé tous les débats parlementaires que nous permet notre règlement pour donner la chance à la ministre d'écouter ce que les gens ont à dire. Il n'y a absolument rien qui a changé, absolument rien.

Je vais vous dire, c'est très inquiétant. On n'a rien contre l'idée de créer une communauté métropolitaine à Montréal, à Québec ou dans l'Outaouais, mais c'est qu'on ne connaît pas le portrait, on ne connaît pas les règles du jeu du gouvernement. Pour chaque communauté, une loi-cadre, une loi d'application, puis n'oubliez pas ma petite loi qui est à côté. Je vais arriver avec ma baguette, je vais vous dire qu'est-ce qui se passe. Je vais vous imposer ça comme on veut.

Je ne sais pas au bout de la ligne comment ça va marcher. Peut-être que le gouvernement s'est déjà fixé le nombre de municipalités qu'il y aurait au Québec. La ministre le connaît, le portrait, elle. Elle, elle le connaît. Nous, on le connaît pas. Le monde municipal ne le connaît pas. Le citoyen ne sait pas non plus quel avantage il va retirer de ce que le gouvernement veut faire.

Puis, dans le cadre du projet de loi qu'on étudie présentement, M. le Président, qui est celui de la loi n° 134, rien ne nous permet de croire à ce moment-ci qu'on va diminuer le nombre d'organismes, qu'il va y en avoir moins, que ça va coûter moins cher, que les municipalités de banlieues ne seront pas surtaxées pour les équipements. Il ne faut pas oublier le monde qui demeure dans les banlieues de chacune des régions. Les villes-centres, oui, c'est important, mais c'est 28 % de la population, 72 % de la population demeure dans les banlieues. C'est comme si le gouvernement avait décidé qu'on n'avait pas besoin de les écouter. On aurait avantage du côté ministériel à écouter ce que le monde municipal a à dire, parce que le monde municipal est ouvert au changement, très ouvert au changement.

(23 h 20)

Je regarde juste dans ma région, il y a plus de 150 ententes administratives. Les maires se parlent, les maires sont ouverts, sont prêts à discuter d'un partage régional, à discuter des équipements, sont prêts à discuter de fiscalité d'agglomération. Mais le vrai pacte fiscal que le gouvernement avait pris, avait dit après avoir exigé le 357 millions pendant deux ans jusqu'au déficit du gouvernement, il l'impose encore cette année. Rien ne nous prouve que le gouvernement est de bonne foi, rien. Le monde municipal est devenu très méfiant, parce qu'il ne connaît pas le résultat. Puis on ne connaît pas du tout quel est le portrait que le gouvernement a. Est-ce qu'il s'en va à l'aveuglette? Je ne pense pas. Je pense que la ministre sait très bien où elle va, je vais lui donner ça. Mais le problème, c'est qu'elle ne dévoile pas son plan, elle le garde pour elle. Elle, elle le sait s'il y a une rentabilité ou pas, quel avantage fiscal il y a pour le contribuable. Nous, on ne le sait pas. Elle nous dit qu'elle ne le sait pas. Le premier ministre dit qu'il ne peut pas le confirmer non plus.

Ce serait intéressant... À une couple d'occasions où le chef de l'opposition a demandé au premier ministre s'il appuierait une fusion entre la ville de Jonquière puis la ville de Chicoutimi, hein... Il y a une appartenance en région. Ça existe dans toutes les régions, ça. Il y a moyen d'avoir des ententes, M. le Président, d'en faire, du partage au niveau des équipements, d'essayer d'améliorer la fiscalité, d'avoir un nouveau pacte fiscal au Québec. Mais l'objectif du gouvernement, ce n'est pas un pacte fiscal, c'est de diminuer le nombre de municipalités au Québec. Si la ministre n'avait pas l'intention de l'utiliser, le 124, elle ne l'aurait pas déposé, elle se serait dit: Je n'en ai pas de besoin. Mais, moi, je suis sûr qu'elle en a de besoin. Je suis sûr qu'elle en a de besoin.

M. le Président, on est pris devant une démarche sur laquelle on nous demande, ce soir, de débattre parce que le gouvernement a appelé en Chambre le projet de loi n° 134, alors que les trois projets de loi sur les communautés auraient dû être déposés, comme je vous dis, discutés, avec une loi-cadre dans chacun des cas, comme la ministre voudrait faire, avec une loi d'application pour chacun d'eux, laisser le bénéfice au monde municipal qui est prêt à discuter de ces choses-là puis peut être ouvert effectivement à faire, de lui-même dans certains cas, des regroupements, M. le Président. Bien non, ce n'est pas ça qu'elle a fait. Elle a chargé son fusil, elle a déposé le 124, puis là elle les dépose un après l'autre, 134 pour Montréal, 137 pour Québec, vendredi dernier, le 2 juin, puis celui de l'Outaouais, il va venir apparemment, on ne sait pas dans combien de temps, mais il va finir par être déposé, M. le Président.

Je vais vous dire, il y a un éditorial aujourd'hui dans le journal, de Jean-Jacques Samson. Savez-vous c'était quoi, le titre, M. le Président? L'emballage d'une boîte vide . Beau paquet, mais on ne sait pas encore ce qu'il y a dedans. Puis il dit quoi? Parce que, lui, il fait ça naturellement sur un des projets de loi de la communauté métropolitaine mais sur celui de Québec. «Jamais l'expression "mettre la charrue devant les boeufs" n'aura trouvé plus belle illustration que dans ce forcing politique grotesque, même si un certain consensus se dégageait [...] pour une révision de la Communauté urbaine.» Mais ça veut tout dire, M. le Président, quand je vous parlais de 124 et de 137. «Des dizaines de questions demeurent d'autre part sans réponses. Quelles seront par exemple les impacts, entre autres, sur l'organisation et les coûts du transport en commun? Nous verrons plus tard... les structures d'abord, selon une obsession péquiste.» M. le Président, c'est ça qu'on veut reprocher au gouvernement à l'heure actuelle, son obsession d'imposer une structure sans nous dire d'avance si ça va modifier les structures qui sont déjà existantes, si ça va même éliminer la Communauté urbaine de Montréal, sans savoir quelle est la rentabilité pour le contribuable, sans savoir si ça va aider le développement de ces municipalités, M. le Président.

Donc, je suis déçu comme député, membre de l'Assemblée nationale, M. le Président, de voir que... le gouvernement aurait dû présenter le projet de loi n° 134 avant le projet de loi n° 124.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Limoilou. Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de travail et député de LaFontaine. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 134 est certainement un projet de loi qui va modifier, qui devrait en tout cas modifier d'une façon importante l'administration des citoyens de la grande région de Montréal, car, en effet, il s'intitule – et on en parle depuis assez longtemps, je n'ai peut-être pas besoin de le répéter, mais quand même – Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Que va-t-il faire, ce projet de loi, M. le Président? Il va essayer de faire ce que le gouvernement n'ose pas dire qu'il veut faire.

M. le Président, ce projet de loi, qui a la prétention de créer une communauté métropolitaine, laisse croire que, dans la grande région de Montréal, un certain nombre de services et de moyens seront mis en commun afin de donner aux citoyens de cette grande région une meilleure coordination, une meilleure gestion de certains équipements. Par contre, lorsqu'on lit le projet de loi, on se rend compte qu'il y a là-dedans pas grand-chose mais plutôt beaucoup de règles, de règlements, d'obligations qui vont faire comme premier résultat de créer une nouvelle administration sans pour autant donner aux citoyens des avantages ou des gains ou des services améliorés quant à cette structure qui va être créée.

M. le Président, tout le monde est conscient que cette grande région de Montréal, qui a à peu près 3 millions d'habitants, doit avoir une administration et une gestion plus intégrées. Tout le monde croit ça. Je ne pense pas, à part quelques personnes dans quelques îlots un peu isolés qui défendent des situations d'arrière-garde, personne ne croit sérieusement que le futur, que l'avenir de l'an 2000 doit s'avancer et se faire pour le Québec et la région de Montréal sans une plus grande intégration et une plus grande synergie des forces qui composent cette région-là, à l'échelle, à l'image d'autres villes à l'intérieur du monde, que ce soit les grandes régions, les grandes villes comme Boston, comme Détroit, comme la grande région de New York.

En Europe – je sais qu'on n'aime pas souvent ici parler de l'Europe parce qu'on dit qu'on est des Nord-Américains, mais quand même, il faut regarder aussi qu'est-ce qui se fait ailleurs – la grande région parisienne et d'autres régions, la région de Montpellier, on pourrait en nommer beaucoup... En Angleterre aussi, la région de Liverpool, il y a là aussi des choses qui ont changé. Et, plus près de nous, la ville, la région de Toronto. Pas besoin d'aller... à 5 000, 6 000 kilomètres de là, on peut regarder ailleurs. Alors, tout le monde, sous une forme ou une autre, tous les gens, tous les intervenants, les citoyens, les hommes politiques, ont pensé qu'il pouvait y avoir une nouvelle organisation, qu'il devait y avoir une nouvelle organisation des structures municipales.

C'est vrai, M. le Président. Rappelons-nous. Faisons un rapide retour en arrière. Il y a une trentaine d'années, 35 ans, des petites villes, des petites municipalités à l'intérieur d'un ensemble géographique assez restreint qui s'appelait entre autres l'île de Montréal, à cette époque-là, il y avait un nombre assez important de villes. Chacune avait son hôtel de ville, chacune avait son service des incendies, avait son service de ramassage des ordures, son aréna, sa patinoire. Chacune gérait ça tant bien que mal et, ma foi, pas si mal que ça à l'occasion, mais pas si bien que ça non plus. Alors, certaines forces, certaines personnes, certaines réalités ont fait en sorte que les gens se sont regroupés et on a assisté à ce que nous appelons maintenant la ville de Montréal.

Et moi-même, comme député de LaFontaine, j'ai eu le privilège – je ne sais pas si c'est un privilège mais, en tout cas – j'ai eu la chance d'assister à la dernière annexion qui a eu lieu sur l'île de Montréal, qui est la ville de Pointe-aux-Trembles. Car, en effet, avant d'être élu député, quelques années auparavant, trois ans auparavant exactement, étant en affaires dans la ville de Pointe-aux-Trembles et étant associé dans une entreprise, eh bien, j'ai pu participer et voir le processus qui a amené l'annexion de la ville de Pointe-aux-Trembles à la ville de Montréal, et maintenant c'est devenu le quartier Pointe-aux-Trembles. Et, à l'époque, ça avait quand même été assez serré parce que seulement une cinquantaine de votes avaient séparé les parties. Et les gens ont décidé majoritairement malgré tout d'opter bien sûr pour le rattachement à la ville de Montréal, ce qui a fait que la ville de Montréal s'est agrandie et qu'on a pu mettre en commun un certain nombre de services avec cette ville de Pointe-aux-Trembles.

(23 h 30)

On connaît aujourd'hui le débat initié par le maire de Montréal, le maire Bourque, d'ailleurs un débat qui revient de l'époque de l'annexion de Pointe-aux-Trembles. L'ancien maire Jean Drapeau avait déjà cette idée-là, de faire une île, une ville, qui est de regrouper l'ensemble des municipalités de l'île de Montréal dans une même entité administrative qui s'appellerait Montréal et qui verrait à dispenser d'un bout à l'autre de l'île les mêmes services. Par contre, les citoyens sont bien sûr attachés à leur administration municipale, les citoyens sont attachés à la proximité de la représentation politique qu'ils ont: ils sont capables de s'adresser à leurs conseilleurs municipaux, à leur maire, à l'hôtel de ville, à leurs directeur de ville, dans les petites municipalités de façon beaucoup plus rapprochée, beaucoup plus rapide et intéressante que dans les grandes administrations, où, là, on a affaire à des municipalités plus technocratiques et administratives. Alors, les gens bien sûr disent: Non, nous, nous ne sommes pas intéressés et nous ne voulons pas, nous ne sommes pas prêts à faire ces gestes-là.

Il est vrai qu'on doit reconnaître ça, et on peut comprendre cette réalité-là, mais il n'en reste pas moins qu'on doit avoir aussi, quand même, un certain nombre de services et de responsabilités qui doivent être mis en commun et qui doivent faire en sorte de fonctionner dans le meilleur intérêt de tout le monde au niveau plus régional, au niveau plus global. Et, lorsque je vois le projet de loi de Mme la ministre, la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, c'est ce que je crois, au départ, comprendre qu'elle veut faire. Alors, bien sûr je ne peux pas être contre quelque chose comme cela, M. le Président. On ne peut pas être contre ce genre de principe là ou d'idée là, en tout cas.

Maintenant, reste à voir comment ça va se faire. Est-ce que ça va se faire dans l'intérêt des citoyens ou est-ce que ça va se faire d'une façon encore qui va faire que des grandes régions vont, pour des raisons propres à leurs citoyens régionaux ou particuliers, dire: Bien, nous, on n'est pas intéressés, on ne veut pas aller là-dedans, ça va nous coûter cher. Le partage fiscal, ce rapport équitable ne correspondra pas à nos réalités, et on ne veut pas y aller. Moi, je crois, M. le Président, que ça va exister, que ça doit exister parce que les citoyens, bien, c'est sûr, chacun essaie toujours de voir où est l'intérêt qui lui semble le plus proche et le plus rapproché, et c'est normal. Chacun voit devant sa porte ce qui fait son affaire, mais il faut quand même avoir une vision un peu plus globale.

Alors, une vision plus globale passe certainement, va passer, à une époque, par la Communauté urbaine de Montréal. Rappelons-nous, dans les années soixante-dix, lorsque le gouvernement libéral de Robert Bourassa a décidé, à l'instigation du ministre Jérôme Choquette, qui était ministre de la Justice et de la Sécurité publique, de créer la Communauté urbaine de Montréal dont, à l'époque, rappelons-nous-le, le but, la mission principale était de rapprocher et de regrouper les services de police. C'était ça, à l'époque, au départ, la Communauté urbaine de Montréal, la première mouture. Par la suite, ça a évolué bien sûr et ça s'est agrandi, et d'autres services sont venus se greffer là: le transport en commun, l'assainissement des eaux, la qualité de l'air, l'inspection des aliments. Enfin, beaucoup de choses sont venues se greffer là. Eh bien, rappelons-nous qu'au départ c'est quand même parti d'une volonté qui découlait de la réalité propre qui était à Montréal d'avoir un corps de police qui était assez unifié au niveau de l'île de Montréal. Parce que rappelons-nous qu'à l'époque, la police de Montréal-Nord, la police de Saint-Léonard, la police de Tétreaultville, la police de Lachine, la police de Dorval, chacun avait son corps de police. Les postes de radio ne correspondaient pas entre eux autres, il y avait beaucoup de difficultés dans la lutte contre la criminalité. Donc, il y avait cette obligation de regroupement.

M. le Président, aujourd'hui, ce à quoi nous devons assister, c'est à l'élargissement de cette communauté urbaine. Nous devrions assister à une communauté urbaine beaucoup plus large, beaucoup plus régionale qui englobe, en effet, un certain nombre de municipalités, de villes autour de l'île de Montréal, ce qui ne veut pas dire qui devrait englober les 109 municipalités qui sont visées par le projet de loi, mais qui devrait au moins englober les municipalités les plus rapprochées du noyau central de l'île de Montréal. Et on devrait y retrouver, M. le Président, non pas une structure uniquement de concertation ou de planification, on devrait y retrouver une structure administrative, normalement, si on veut que ça fonctionne et que ça ait une réelle raison d'exister. Et on devrait, en même temps, bien sûr se retrouver avec l'élimination d'autres structures, les CLD, CRD, mêmes les régies régionales de la santé. Pourquoi avoir une régie régionale, à ce moment-là, à Montréal, une autre à Laval, une autre sur la rive sud, alors qu'on aurait une région administrative, une région plus qu'administrative, on aurait une communauté métropolitaine?

Donc, ça devrait être suivi, ça, de différentes actions, de différentes mesures qui feraient en sorte d'avoir une réelle économie, une réelle administration de communauté urbaine, comme ça se fait dans les villes américaines et comme ça se fait en Europe. Ce qui n'empêche pas, M. le Président, de laisser aux municipalités et aux villes qui vont être à l'intérieur de cette communauté un certain nombre de prérogatives et point d'être obligées de tout transférer, en effet, et de tout régionaliser. Il y a des choses, il y a des secteurs qui ont un intérêt à conserver l'autorité locale. Je crois que les citoyens s'y retrouveraient, et c'est ce que les citoyens certainement veulent et désirent conserver.

J'aurais souhaité, moi, que, dans le projet de loi n° 134, nous retrouvions cela. Malheureusement, nous ne le retrouvons pas. Et je suis désolé, parce que je sais que la ministre des Affaires municipales et la ministre du Travail d'ailleurs, sa collègue, en ce qui concerne bien sûr les relations de travail, ont fait un certain nombre d'efforts, ont fait, M. le Président, des rencontres, ont fait certainement des consultations. J'ai moi-même participé, en commission parlementaire avec ces deux ministres-là, à une série de consultations où les citoyens et les groupes organisés, qu'ils soient des groupes représentant les centrales syndicales, les unions municipales, eh bien, sont venus nous voir et nous ont fait part de leurs attentes et de ce qu'ils voyaient comme étant cette nouvelle structure, ces nouvelles structures.

Malheureusement, on ne retrouve pas ça encore maintenant et on nous laisse entendre que peut-être un jour on va le retrouver. Je pense qu'il aurait été important que le projet de loi n° 134 soit le projet de loi qui non seulement crée la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, mais qu'il soit la loi d'application, qu'il soit la loi qui nous dit qu'est-ce qu'il va en retourner, comment les gens vont se situer, quelles vont être les relations entre les différents paliers administratifs, quelles vont être les juridictions, qui vont être de juridiction générale, il y a régionale, communautaire ou celles qui vont être de juridiction plus locale.

Je crois qu'on aurait eu à gagner dans ce projet de loi là à faire preuve de peut-être plus, pas de collaboration, il y a eu de la collaboration, mais de plus d'ouverture, de plus d'innovation et faire en sorte, M. le Président, que, lorsqu'on dépose les lois, eh bien, toutes soient vraiment sur la table. Ce n'est pas ce que l'on retrouve.

Pour nous, l'opposition, c'est un peu compliqué malheureusement parce que nous sommes en effet en faveur, M. le Président, de toute cette évolution, une évolution des structures municipales, mais nous sommes aussi en faveur de la chose suivante, c'est que les citoyens ne soient pas pris dans une situation qui ne sera pas celle qu'ils désirent réellement ou celle qu'ils veulent. Alors, nous allons donc devoir faire notre devoir d'opposition, et malgré les efforts louables...

Des voix: ...

M. Gobé: ... – louables, oui, on peut le dire, les efforts louables – qui sont déployés de part et d'autre, et de la part du gouvernement et de la part de l'opposition qui essaie, elle aussi, de faire évoluer le dossier.

Une voix: ...

M. Gobé: Parce qu'il y a des dossiers – et j'entends des approbations de l'autre côté, et je suis content de le voir, M. le Président – qui doivent trouver un consensus dans notre société. C'est les dossiers qui, sortis de la vision traditionnelle des combats, au Québec, nationalistes, fédéralistes et autres moutures, touchent la population. Celui-là, c'est un dossier qui touche l'organisation de la population et du territoire et qui n'a rien à voir avec nos combats, nos clivages traditionnels. C'est un dossier sur lequel nous devrons absolument essayer de trouver la meilleure solution dans le meilleur intérêt des citoyens, parce que, après tout, nous sommes élus pour ça. Pourquoi sommes-nous élus? Pour d'autres choses?

Donc, je lance un appel au gouvernement, eh oui, un appel pour que, dans les démarches qui vont suivre sur ce projet de loi là et sur les autres qui vont découler un peu plus tard, et en particulier à l'automne – c'est là que va être la loi d'application – eh bien, en commission parlementaire, nous puissions trouver des consensus quant à l'organisation de cette nouvelle structure. Parce que, après tout, ne pensez-vous pas, tous ensemble que nous sommes ce soir ici, qu'il serait dommage que nous manquions une occasion comme celle-là, une occasion de montrer aux Québécois et aux Québécoises, aux Montréalais en particulier, qu'en cette Chambre il y a eu des gens, des hommes, des femmes qui ont été capables d'une vision, capables de penser à bâtir une structure pour les prochaines décennies qui va correspondre à la nouvelle donne de l'an 2000, la nouvelle donne économique régionale, sortir de notre vision un peu corporatiste, sortir un peu de notre vision partisane pour arriver avec quelque chose qui va vraiment être efficace.

Le meilleur exemple que nous pouvons prendre, c'est la Communauté urbaine de Montréal. On sait que la Communauté urbaine a bien servi la région de Montréal, l'île de Montréal, mais on sait aussi qu'un certain nombre de lacunes ont existé à la Communauté urbaine de Montréal et que, bon, il ne faudrait peut-être pas recommencer ces mêmes erreurs. Il faudrait tenir compte de ce qui s'est passé dans cette Communauté urbaine.

(23 h 40)

À titre d'exemple, dans cette Communauté métropolitaine, on ne retrouve pas les services d'incendie. Chaque ville, chaque municipalité va conserver son petit corps de pompiers. Bon. Est-ce que c'est là une chose normale alors que nous sommes à l'an 2000? Cet après-midi, nous discutions d'un projet de loi, avec le ministre de la Sécurité publique, sur les pompiers volontaires, l'organisation des services d'incendie au Québec. Eh bien, M. le Président, j'aurais souhaité que le ministre soit là, pas soit là, je sais qu'il est là, je sais que le ministre est intéressé à ça, mais que le ministre puisse gagner son point et faire en sorte de nous montrer sa vision d'une politique des services de protection d'incendie de la nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal, comme on le retrouve dans les grandes communautés métropolitaines.

La même chose pour le service de police. Est-ce qu'on retrouve ça? On ne retrouve pas ça, M. le Président. Alors, on fait les choses à moitié. Est-ce qu'on ne devrait pas les faire complètement? Est-ce qu'on ne devrait pas dire, une bonne fois pour toutes: Un certain nombre de services, un certain nombre de missions d'ordre public sont des missions régionales, sont des services régionaux, et il importe qu'ils soient bien sûr donnés avec la plus grande coordination et la plus grande cohésion possible, et uniformité aussi, à l'intérieur de la région? Et je crois que les incendies et la police, entre autres, seraient des choses qui pourraient être regardées.

Bien sûr, M. le Président, encore faut-il que le gouvernement ait cette direction et cette vision de la Communauté, et non pas simplement de dire: Bien, voilà, on va regrouper un certain nombre de villes parce qu'on veut faire financer par d'autres villes des services qui sont impartis ou qui sont donnés par une ville au centre, et, vu qu'on n'est pas capable de faire un pacte fiscal avec ces municipalités ou on n'est pas capable de leur donner le financement adéquat pour les services qu'elles rendent, eh bien, on va les faire payer par l'ensemble des autres. Et il ne faudrait pas que ce projet de loi là vienne à ce résultat-là. Ce n'est pas ça que nous devons rechercher. Nous devons rechercher une meilleure administration, un meilleur service, au meilleur coût pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, mais des Montréalais et des Montréalaises dans la grande région.

J'écoutais depuis quelques jours, vous écoutiez, vous comme moi, avec fierté d'ailleurs, que le Québec, la région de Montréal va être choisie par les gens de l'usine Mosel, la grande compagnie qui fabrique des semi-conducteurs, qui va venir s'installer probablement dans la région de Montréal. Tout le monde dit: Ils vont venir s'installer à Montréal, mais c'est Sainte-Anne-de-Bellevue. Bien, tant mieux, je suis content que l'on dise maintenant que Sainte-Anne-de-Bellevue est dans Montréal au niveau économique. Mais encore faudrait-il, M. le Président, que ça ne soit pas simplement des mots pour justifier des investissements dans une région géographique, mais que ça devienne une vraie réalité.

Donc, il faudrait que la Communauté métropolitaine de Montréal soit une vraie Communauté métropolitaine, qui donne, et qui partage, et qui gère, et qui administre les services à mission régionale, à mission communautaire, et que les municipalités, elles, qui sont à l'intérieur de cette Communauté-là, qu'elles soient sur l'île de Montréal ou qu'elles soient à l'extérieur de l'île de Montréal mais à l'intérieur de la Communauté, bien continuent, elles, à donner les services de proximité, les services les plus proches des citoyens, ceux dans lesquels les citoyens se retrouvent. C'est comme ça, M. le Président, qu'on va être capable de faire une réforme intéressante, une réforme humaine de nos structures municipales. Je ne vois pas d'autre solution.

Il ne faut pas non plus que ça soit le prétexte pour faire payer, et je le disais précédemment, par une partie de cette nouvelle Communauté les services de l'ancien territoire, parce que les citoyens ne s'y retrouveront pas. Qu'est-ce qu'ils vont dire? Bien, on s'est fait rouler; ça ne marche pas; ce n'est pas ça qu'on nous avait dit; ce n'est pas ça que nous voulions; on n'a pas plus de services; on n'est pas mieux coordonnés; on n'est pas mieux administrés, puis ça nous coûte plus cher. Alors, je ne crois pas que quelqu'un ici, en cette Chambre, peut-être quelqu'un... Mais la majorité des députés – je ne crois pas – ici, en cette Chambre, quel que soit le parti politique, ne veulent pas ces choses-là, ne pensent pas que c'est comme ça que ça doit être. Je suis certain de ça.

Tout le monde est en faveur bien sûr d'un meilleur système et d'une ouverture, d'une direction qui regarde sur l'avenir et non pas sur le passé, tout en tenant compte du passé quand même, je veux le répéter, en nous souvenant, la Communauté urbaine de Montréal, d'où elle est partie, où elle est rendue, ce qui y a manqué et ce qu'on aurait dû faire qu'on n'a pas pu faire ou ce qu'on n'a pas fait, et en tenant compte de ces enseignements pour faire quelque chose qui correspondra, dans la région de Montréal, à quelque chose de positif, de moderne, d'efficace et dans le meilleur intérêt des Montréalais de la grande région de Montréal.

Alors, M. le Président, il nous reste à voir la suite des événements. Bien sûr, nous allons donner notre concours à la suite des événements et nous verrons par la suite quelle sera l'attitude que nous prendrons dans ce dossier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine, de votre intervention. Alors, nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Je cède la parole au leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le député, la parole est à vous.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, Bill 134, An Act respecting the Communauté métropolitaine de Montréal.

M. le Président, la première chose qu'on pourra remarquer, c'est la différence dans les titres. Car, si effectivement nous sommes ici au moment de l'adoption du principe, c'est au moins une ironie que de voir que, dans la version anglaise, on dit: An Act respecting the Communauté métropolitaine de Montréal. On n'a pas pris la peine de traduire, contrairement à l'exigence de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on dit «respecting», loi qui respecte Montréal. En fait, la loi fait tout sauf... Je pense que la version française est plus juste à cet égard: Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal.

Comme Jean-Jacques Samson l'a dit dans Le Soleil , c'est une autre structure imposée qui ne règle rien. C'est une tendance lourde chez le Parti québécois: les structures d'abord, et après on verra bien si ça peut aider les gens. M. le Président, que ce soit dans le domaine municipal, comme aujourd'hui, que ce soit dans le domaine de la santé, que ce soit dans le domaine scolaire, on a toujours vu la même chose, avec le Parti québécois, il privilégie d'abord et avant tout la carte routière, le tableau de bord pour les fonctionnaires, pour la bureaucratie. C'est la même chose aujourd'hui, M. le Président.

On nous demande de nous prononcer sur le principe. C'est tentant, dans un premier temps, de dire qu'un projet de loi, l'idée, le principe, au sens propre, du projet de loi est noble, c'est-à-dire d'assurer une meilleure harmonisation de ce qui existe dans la région de Montréal. Mais, comme la ministre a été contrainte de l'avouer, ça va coûter de l'argent de plus aux payeurs de taxes.

J'écoutais la ministre tantôt dire: Je le dis depuis longtemps, il ne faut plus que ça reste pareil. Mais elle n'est pas capable d'identifier le problème. Au moment où on se parle, M. le Président, il existe 61 organismes supramunicipaux, soit la Communauté urbaine de Montréal, la CUM, 14 MRC, trois sociétés de transport, 13 corporations intermunicipales de transport, 28 régies intermunicipales et l'Agence métropolitaine de transport. Je continuerai la liste peut-être si j'ai le temps après, M. le Président, mais je vais m'arrêter pour un instant à ce qui est, pour moi, le chouchou de la classe, l'Agence métropolitaine de transport.

Vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, que, à la veille de l'élection provinciale, de l'élection générale de 1998, le premier ministre lui-même est venu à Laval. Et, avec une coterie de ses amis ministres, le député de Vimont, le brillant et ô combien talentueux député de Fabre, plusieurs autres, ils ont fait une conférence de presse. Il y a eu une chose. Le premier ministre, dans un premier temps, s'est échappé. Il s'est échappé parce qu'il a dit la vérité. Ce qu'il a dit, M. le Président, à tout le monde à Laval: Ce que je vous dis aujourd'hui, ce n'est pas une promesse électorale, c'est quelque chose que je vais vraiment faire. Il fallait la dire, cette phrase-là, M. le Président, parce qu'elle révélait le fond de sa pensée. CQFD: Lorsque je vous parle pendant une campagne électorale, il ne faut pas me croire; par définition, une promesse électorale, c'est quelque chose que je ne ferai pas. Mais, ce jour-là, il nous promettait que ce n'était pas une promesse électorale, car il disait, il insistait, que c'était quelque chose qu'il allait vraiment faire.

Et qu'est-ce qu'ils annonçaient, ce jour-là, tous ces ministres et députés péquistes? Bien, ils annonçaient pour la vingt-cinquième année d'affilée l'arrivée du métro à Laval. Ça, c'était au début de l'automne 1998. Je la cherche encore, l'entrée du métro de Laval. Je cherche à savoir où est-ce qu'ils ont tourné la première pelletée de terre. Ils ne l'ont pas encore fait, malheureusement.

Vous savez ce que la brillante... Cette extraordinaire Agence métropolitaine de transport, un bidule qui coûte une fortune de l'argent des payeurs de taxes, vous savez ce que les sbires de l'AMT ont fait, M. le Président? Ils ont préparé un plan, avec des savants calculs, de la longueur d'un tracé pour le métro de Laval – le député de Vimont me donne raison, il sait que c'est vrai, ce que je vais dire là – et il y a une petite erreur, ils se sont trompés. Ça arrive, il y avait rien que 50 ingénieurs, et architectes, et technologues de toutes sortes. Ils se sont trompés de 50 % dans la longueur du tracé du métro de Laval.

Une voix: ...

M. Mulcair: 50 %, oui oui. Quand vous passez de 2 km à 3 km, vous en ajoutez... ça fait 50 %, M. le député de Vimont. Ils se sont trompés de 50 % dans leurs calculs. Oui, effectivement. Alors, qu'à cela ne tienne, ça fournit un autre beau prétexte aux péquistes de dire: Bien, ce n'est pas de notre faute, ça va prendre d'autres études. Alors, la plus récente blague à Laval, M. le Président, c'est qu'ils ont annoncé, cette fois-ci, que peut-être en décembre – mais plus probablement, ça aussi, ça va être remis en 2001, peut-être 2002 – ils vont faire des appels d'offres pour peut-être faire des études, pour peut-être réaliser des études, pour faire d'autres études, pour remettre ça aux prochaines élections. Car, M. le Président, l'AMT est incompétente. C'est une agence qui existe strictement pour faire plaisir aux péquistes puis leur dire ce qu'ils veulent entendre.

(23 h 50)

Ce qui était fort intriguant, M. le Président, c'est que les «graphs», les «charts», les cartes qui ont été préparées pour cette fameuse conférence de presse là étaient présentées par les députés et ministres péquistes, mais il n'y avait pas une seule personne de l'AMT qui était présente. On avait trouvé ça intriguant, ce jour-là. Ah oui, le député de Vimont pourrait le vérifier, il n'y avait personne de l'AMT. C'était intriguant. Ça prouvait à quel point c'était une commande politique qui avait été rédigée sur le coin d'une table. Et le folklore régional à Laval nous informe que c'était littéralement sur le coin d'une table la veille que le tracé – et le député, encore une fois, il connaît sa petite histoire très bien – que le tracé bidon qu'ils ont préparé et présenté en conférence de presse a été rédigé et mis sur un bout de papier, la veille, pour être annoncé en grande pompe. Parce qu'ils savent que les gens, à Laval, se disent: On est la deuxième plus importante ville dans la province de Québec, ce n'est pas normal qu'on n'ait pas le métro aussi à Laval, puis ils ont bien raison là-dessus.

Sauf que le gouvernement du Parti québécois, qui cet automne entame sa septième année de ses deux mandats, il n'a pas encore eu le temps de tourner une première pelletée de terre. Et les gens commencent à comprendre la blague qui leur a été faite par les péquistes, puis le député de Vimont va en prendre pour son rhume aux prochaines élections lorsque le monde verra bien qu'ils n'ont jamais tenu leurs promesses d'amener le métro à Laval, M. le Président.

M. le Président, les péquistes sont fameux lorsque vient le temps d'inventer des structures. Une de mes préférées, c'était l'annonce du député de Joliette, qui avait précédé l'actuelle ministre dans le rôle de ministre des Affaires municipales. Comme député à Laval, j'ai été contraint, contre ma volonté – mais j'étais avec mes collègues députés, que voulez-vous, on est membre d'office de plusieurs de ces organismes-là – on avait dû visionner un film, croyez-le ou non, une vidéo préparée avec le député de Joliette qui nous expliquait les nouveaux conseils régionaux de développement qu'il était en train d'inventer. Il nous disait que ça allait rassembler les forces «vivres» de la place. Tout le monde comprenait ce que ça voulait dire. Ça voulait dire les péquistes de la place. Mais les forces «vivres» allaient se rassembler, et c'était très, très important que tout le monde participe.

Il y a une seule chose que j'aimerais qu'éventuellement le député de Vimont m'explique, ainsi que le député de Laval-des-Rapides: Comment ça se fait que, si ça rassemble les forces «vivres», si c'est si important que ça, l'autre patente qu'ils nous ont inventée la dernière fois, les conseils régionaux de développement, leur collègue ministre de Laval, le seul des trois qui habite à Laval, le député de Fabre, n'assiste jamais mais alors jamais aux réunions du conseil régional de développement? Parce qu'il est ministre? Mais les deux autres sont ministres aussi, mais peut-être qu'il a quelque chose à faire puis les deux autres n'ont rien.

Une voix: ...

M. Mulcair: Il vous fait confiance, M. le député de Vimont? Je ne suis pas sûr, M. le Président, que le député de Vimont ait raison lorsqu'il dit ça. Parce que normalement, si la structure avait un sens... Lorsqu'on a prévu aux termes d'une loi dûment votée par l'Assemblée nationale et appuyée par la majorité ministérielle, on avait dit à la population: C'est tellement important qu'on va mettre les députés là-dessus. Puis, avec vraiment de la grande conviction, ils se lèvent en cette Chambre puis ils disent: Puis ça va être tellement important que ça va rassembler les forces vives. De deux choses l'une, ou le député de Fabre ne fait pas partie des forces vives ou le député de Fabre a compris quelque chose que le député de Vimont et le député de Laval-des-Rapides n'ont pas encore compris: que les CRD, c'est une autre structure inventée pour faire plaisir aux péquistes de la place.

Alors, c'est un peu la même chose ici, M. le Président. Si on regarde le contenu de ce qui est proposé ici comme Communauté métropolitaine de Montréal, on s'en va chercher la ville de Hudson. Quand vous sortez de Hudson, vous êtes à quelques minutes à peine de la frontière de l'Ontario. Ça, dans la vision des péquistes, ça rentre dans la Communauté métropolitaine de Montréal. Mais, quand vous allez dans les Basses-Laurentides, oups!, ne cherchez pas dans les alentours de Saint-Jérôme, ça n'y est pas. Regardez les distances sur une carte, ce n'est pas bien compliqué de faire le calcul. Comment ça se fait que Hudson est là-dedans, tout d'un coup on arrête dans les Basses-Laurentides?

La ministre se vante que son projet de loi vise, entre autres, à restreindre... Une des grandes phobies des péquistes: il faut arrêter l'étalement urbain. Savez-vous, M. le Président, que c'est à Saint-Colomban, dans le comté de Prévost, dans les Basses-Laurentides, qu'on connaît une des plus fortes croissances? Pourquoi? Le député le sait, parce que les gens savent qu'ils ne vont pas être mis dans cette patente-là. Le monde dit: Je n'en veux pas, de vos affaires. Ils ne veulent pas de leurs fusions forcées, ils ne veulent pas de leur Communauté métropolitaine de Montréal.

Est-ce que c'est souhaitable, M. le Président, d'avoir une meilleure coordination et organisation dans la grande région de Montréal? Tout le monde s'entend là-dessus. C'est pour ça que c'est tellement difficile. Vous nous avez invités, M. le Président, à parler sur le principe du projet de loi. C'est pour ça que j'insistais. Le principe, l'idée, dans ce sens-là, le principe renferme des éléments innovateurs et valables.

Des voix: Ah!

M. Mulcair: Ah! Mais c'est vrai, bien sûr. Mais c'est l'article 239 de notre règlement de l'Assemblée nationale qui nous dit que le débat sur le principe... Ce n'est pas le principe au sens noble que je viens d'évoquer, non, on est convié de regarder un peu plus loin. «Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi...» Donc, on n'a pas le droit d'aller juste sur l'idée de ce qui est évoqué, mais il faut qu'on regarde le contenu, comme je viens de le faire, M. le Président, exclusivement ça. Et on dit: «Le débat porte exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque...»

Ah! C'est là que le bât blesse, M. le Président. C'est pour ça que c'est extrêmement difficile, dans un cas comme celui-ci, à la fois de dire correctement ce que tout le monde s'entend pour dire, qu'il y a déjà trop de structures dans la région de Montréal. Peut-être que, si on voulait faire un peu de ménage là-dedans, ça serait bon, en principe, mais ce projet de loi là ne fait aucun ménage, conserve les structures existantes et en ajoute une autre par-dessus le marché. C'est là le problème, M. le Président.

Alors, lorsque le règlement nous convie d'étudier la valeur intrinsèque, on est contraint de dire: Il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce qui est proposé par le gouvernement du Parti québécois, parce que c'est juste une manière de créer d'autres jobs pour sa gang. C'est à ça que ça va se résumer. Si le projet de loi s'astreignait au principe que nous avons évoqué tantôt, un principe qui viserait une meilleure utilisation de l'argent des contribuables, la ministre serait debout en train de dire: Ça va sauver de l'argent. Sauf qu'elle est obligée d'admettre que ça va coûter au moins 3 millions de plus, c'était dans les journaux encore aujourd'hui.

Alors, c'est pour cette raison, M. le Président, que, de notre côté de la Chambre, on était en train de dire oui pour l'idée d'une meilleure utilisation des ressources, oui pour l'idée d'un regroupement, d'une meilleure répartition de ce qui existe déjà, une meilleure coordination dans des domaines, justement, comme le transport. Mais comment être d'accord et se prononcer pour lorsque la valeur intrinsèque est si faible? C'est un peu le dilemme, M. le Président, qui se présente devant nous ce soir.

Alors, de notre côté, on aura amplement l'occasion – je vois que le temps file, et le débat prend rapidement fin ce soir – on va avoir plusieurs jours au cours desquels on aura l'occasion d'exprimer nos réserves. Et je tiens juste à dire que le gouvernement, s'il s'était attardé à réduire les structures, si le gouvernement s'était limité, cantonné à proposer une meilleure utilisation de ce qui est déjà là, une meilleure utilisation des ressources et de l'argent des payeurs de taxes... Parce que c'est toujours le même payeur de taxes, que ce soit pour un organisme municipal, une superstructure, peu importe comment on l'appelle, c'est toujours la même personne qui paie. C'est vous, M. le Président, c'est moi, c'est les gens qui nous écoutent qui vont être obligés de payer pour cette nouvelle structure proposée, Communauté métropolitaine de Montréal. Et on n'a aucune idée comment on va pouvoir harmoniser ça avec les autres structures, les 61 organismes supramunicipaux qui existent déjà.

C'est pour cette raison qu'on a énormément de réserves à ce stade-ci, M. le Président, même si on appuie d'emblée le principe dans le sens de l'idée d'une meilleure utilisation des ressources. C'est extrêmement difficile de faire autrement ce soir que de dire qu'intrinsèquement le projet de loi représente énormément de difficultés, puis on aura l'occasion de continuer là-dessus, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chomedey. Si je comprends bien, vous avez terminé votre intervention. C'est ça? Alors, compte tenu de l'heure, je vais ajourner les travaux de cette Assemblée à demain, mercredi le 7 juin, à 10 heures. Et bonne soirée à tous!

(Fin de la séance à minuit)