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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 8 juin 2000 - Vol. 36 N° 119

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés!

Nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère à l'article a, M. le Président.


Projet de loi n° 141

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre du Revenu présente le projet de loi n° 141, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu concernant la suspension des mesures de recouvrement. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère du Revenu afin de donner suite à la déclaration ministérielle du ministre du Revenu du 4 mai 2000. Il a pour objet de modifier le régime fiscal québécois afin de prévoir la suspension des mesures de recouvrement lorsqu'un contribuable est en opposition ou en appel. Ainsi, les mesures de recouvrement seront suspendues pendant les 90 jours suivant la décision du ministre relativement à l'opposition ou, si le contribuable décide d'en appeler de cette décision, jusqu'au jugement qui clôt le litige.

Ce projet de loi prévoit, de plus, la possibilité pour un contribuable de demander le remboursement d'une somme payée ou la remise de sa sûreté dans certains cas.

Enfin, ce projet prévoit des mesures permettant au ministre de s'adresser au tribunal dans le cas où le recouvrement est compromis.

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.


Demande de directive


Présentation de projets de loi comportant un principe identique


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Question de directive, M. le Président. La question est la suivante: Est-ce que l'Assemblée nationale peut être saisie en même temps de deux projets de loi qui comportent le même principe? Je vous rappelle simplement, M. le Président, que Mme la députée de Beauce-Sud a déjà déposé en cette Assemblée le projet de loi n° 390, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu concernant le recouvrement d'un montant en vertu d'une loi fiscale. Le projet de loi de Mme la députée de Beauce-Sud a été déposé le 7 décembre dernier, celui du...

Le Président: Aviez-vous terminé, monsieur? Ah bon!

M. Paradis: Celui du ministre du Revenu est présenté, comme on vient de le voir, aujourd'hui, M. le Président. J'ai tenté d'éclairer la présidence en fouillant les précédents. Bien que ce ne soit pas un précédent identique, je vous réfère à une décision rendue par le président Claude Vaillancourt, le 19 décembre 1980.

La décision du président: Un projet de loi ne peut être présenté que par un seul député – je vous indique que la comparaison n'est pas totalement identique. Il s'agit quand même de deux projets de loi qui ont le même principe. Si vous deviez en venir à la conclusion qu'on ne peut pas le faire, à ce moment-là, quel projet de loi devrait avoir préséance? Je vous rappelle tout simplement, M. le Président, que les projets de loi sont débattus suite à une motion et que la coutume veut en cette Chambre que la motion qui est la première présentée soit celle qui ait préséance sur l'autre motion.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je vous laisse le loin de décider si l'Assemblée peut être saisie de deux projets de loi comportant le même principe, mais, pour ce qui est de la question de la préséance, je suis à peu près convaincu et sûr et certain de mon coup: le projet de loi qui a préséance est celui que le leader du gouvernement appelle.


Décision du président

Le Président: Bien. Deux choses. La première, c'est que la présidence n'a pas la responsabilité d'analyser les contenus des projets de loi avant qu'ils soient présentés à l'Assemblée. Donc, elle n'est pas en mesure prima facie d'indiquer s'il y a effectivement concordance de principes au point où finalement on en arriverait à débattre de deux projets de loi qui ont un principe identique.

En l'occurrence, la responsabilité appartient à mon sens à l'Assemblée, donc aux membres de l'Assemblée ultimement de trancher et de décider finalement laquelle des motions ils vont adopter et à laquelle ils vont donner force de loi.

D'autre part, on me signale que, dans l'ancien règlement, au cours d'une même session, je crois, ou saison parlementaire – il faudrait que je vérifie – on ne pouvait pas présenter deux motions sur le même sujet. Mais cette disposition a été abolie dans le nouveau règlement il y a déjà plusieurs années. En conséquence, on ne peut pas utiliser ce parallèle passé pour indiquer aujourd'hui qu'on ne pourrait pas présenter deux motions qui finalement toucheraient le même sujet.

(10 h 10)

Alors, à mon sens, pour le moment, il appartient à l'Assemblée d'en disposer. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, d'une certaine façon, on a cette étape: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie? À la limite, l'Assemblée pourrait théoriquement refuser d'en être saisie, considérant qu'elle est déjà saisie d'une autre motion semblable ou d'un projet de loi portant sur un objet similaire. Alors, c'est à votre discrétion, c'est-à-dire que c'est aux membres de l'Assemblée à décider s'ils veulent s'en saisir ou pas. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme vous avons tout lieu de croire que c'est le même principe qui anime les projets de loi qui sont présentés de part et d'autre, dans un premier temps par Mme la députée de Beauce-Sud, dans un deuxième temps par le ministre du Revenu, nous allons utiliser les heures et les jours qui viennent de façon à vérifier si on peut également harmoniser les modalités et, à ce moment-là, assurer des bénéfices aux contribuables le plus rapidement possible, grâce à l'initiative de Mme la députée de Beauce-Sud.


Présentation de projets de loi


Projet de loi n° 141


Mise aux voix

Le Président: Alors, dois-je comprendre, M. le leader de l'opposition officielle, que votre groupe parlementaire accepte d'être saisi du projet de loi?

Une voix: ...

Le Président: Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère maintenant à l'article d.


Projet de loi n° 234

Le Président: Alors, en rapport avec cet article, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 234, Loi concernant la Ville de Varennes. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport. Et, en conséquence, M. le député de Marguerite-D'Youville présente le projet de loi d'intérêt privé n° 234, Loi concernant la Ville de Varennes.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'abord d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée.

Alors, il n'y a pas de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.


Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des valeurs mobilières du Québec

M. Simard (Richelieu): Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 2 et 3 février 2000 afin de procéder à l'examen des activités, des orientations et de la gestion de la Commission des valeurs mobilières du Québec, en vertu de l'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale. Le rapport contient des conclusions et des recommandations.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de commission est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, maintenant, M. le député de Richmond.


Confier à la SPCA le mandat d'appliquer les dispositions de la loi visant la sécurité et le bien-être des animaux

M. Vallières: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par plus de 100 000 pétitionnaires représentant toutes les couches de la société québécoise.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«À la lumière des récents événements démontrant que les animaux maltraités et abusés ne sont pas protégés au Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de soutenir les efforts continus de la SPCA, Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux, en lui confiant le mandat d'appliquer les dispositions de la loi visant la sécurité et le bien-être des animaux et de lui octroyer les ressources nécessaires à cette fin.»

Évidemment, on requiert le consentement, puisqu'elle n'est pas, M. le Président, conforme à nos règlements.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je crois qu'il y avait consentement. Alors, cette pétition est déposée.

M. Trudel: M. le Président.

Le Président: Une question de règlement. Une vraie question de règlement.

M. Trudel: Est-ce que ça signifie qu'on va pouvoir donner suite, à la présente session...

Le Président: Ce n'était pas une question de règlement! Je pense que vous avez la nostalgie de l'autre côté, M. le ministre.

M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des collègues pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Intervenir afin de mener à terme la recherche sur le moteur hybride et de le commercialiser

M. Beaulne: Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 914 pétitionnaires, pour la plupart de la rive sud de Montréal. Cette pétition fait suite à une pétition semblable déposée en cette Chambre par 3 000 signataires.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant qu'Hydro-Québec a consacré au-delà de 50 millions de dollars pour le développement d'une technologie unique centrée autour du groupe traction moteur-roue électrique;

«Considérant que cette recherche doit être poursuivie pour conserver notre avance mondiale en matière de moteur hybride;

«Considérant que sa commercialisation éventuelle pourrait représenter une création de plus de 25 000 emplois au Québec;

«Considérant que le gouvernement du Québec se doit de continuer à financer la recherche avec les concepteurs de cette technologie;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès des ministres concernés du gouvernement du Québec pour qu'ils prennent les mesures nécessaires afin de mener à terme la recherche et commercialiser cette technologie unique au bénéfice de tous les Québécois.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien, cette pétition est également déposée. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement.


Abaisser immédiatement les taxes provinciales sur l'essence

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 6 145 pétitionnaires représentant la population de la région de la Gaspésie.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le prix de l'essence atteint des sommets inégalés au Québec;

«Attendu que cette hausse des prix de l'essence entraînera inévitablement une augmentation de l'inflation;

«Attendu que les taxes sur l'essence représentent près de la moitié du prix de l'essence;

«Attendu que le gouvernement du Québec refuse de diminuer ses taxes sur l'essence;

«Attendu que la hausse des prix de l'essence risque d'avoir un effet très négatif sur l'économie du Québec;

«Attendu que le gouvernement du Québec dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour diminuer les taxes sur l'essence;

«Attendu que les Québécois et Québécoises sont les plus taxés sur l'essence au Canada et en Amérique du Nord;

«Attendu que le Parti libéral du Québec, qui forme l'opposition officielle, réclame une baisse des taxes sur l'essence;

«Attendu que la population de la région de la Gaspésie en a assez d'être utilisée pour gonfler les surplus de l'État;

«L'intervention donc réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale qu'elle exige du gouvernement du Québec qu'il cesse d'empocher des bénéfices sur le dos des contribuables du Québec et qu'il baisse immédiatement les taxes provinciales sur l'essence.»

Et je certifie, M. le Président, en terminant, que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est également déposée.

Et, dans le cadre de cette rubrique, je voudrais indiquer, entre autres au leader de l'opposition officielle, que je recevrai demain des représentations de sa part – et éventuellement si le leader du gouvernement souhaite également intervenir – sur les problématiques des pétitions en regard des dispositions de la Charte des droits et libertés. Déjà, je suis en train de travailler à la rédaction des explications qui ont été réclamées, je crois, la semaine dernière, en rapport avec la question d'une pétition que j'ai refusée. Je pense que, finalement, je voudrais profiter de l'occasion pour faire le point sur l'ensemble de cette question-là.

Alors, si les leaders, demain, veulent intervenir, je recevrai des représentations. Je pense qu'aujourd'hui nous avons une cérémonie qui nous attend plus tard, alors je crois qu'on comprendra que je veuille attendre à demain.


Questions et réponses orales

Nous allons maintenant aborder la période de questions et de réponses orales, et je vais céder la parole, pour la première question, au chef de l'opposition officielle.


Maintien de l'équilibre budgétaire des établissements du réseau de la santé


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, ma question est toujours au sujet du projet de loi n° 107. Depuis quelques semaines maintenant qu'on débat de ce projet de loi, la ministre de la Santé nous dit toujours, lorsqu'il s'agit de justifier son projet de loi, qu'elle a rehaussé les bases budgétaires, sauf que, depuis ce temps-là, il est clairement établi qu'elle n'a fait que combler les déficits, une partie des déficits de l'année précédente, M. le Président. D'ailleurs, ce fait est corroboré par une lettre que lui a fait parvenir l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec, en date du 3 mai dernier, où il est dit ceci, et je cite, en parlant du projet de loi: «Ce projet de loi est prématuré parce qu'il repose sur une prémisse qui est celle que les bases budgétaires des établissements auraient été consolidées de manière à pouvoir répondre aux besoins de la population. Vous n'êtes pas sans savoir, Mme la ministre, que ce n'est pas le cas.»

M. le Président, lorsqu'on a soulevé cette question-là, on a soulevé également le fait qu'il allait y avoir encore cette année un déficit qui pouvait aller jusqu'à 200 millions de dollars. Or, il y a quelques semaines, à l'Assemblée nationale, ce fait fut nié par le premier ministre et la ministre de la Santé. Et, depuis ce temps-là, on apprend qu'effectivement on s'en va à nouveau vers des déficits qui vont frôler probablement les 200 millions de dollars.

M. le Président, depuis hier, l'Association des hôpitaux du Québec a émis un nouveau communiqué implorant le gouvernement de mettre au rancart son projet de loi n° 107, en rappelant au gouvernement qu'il y a des augmentations de dépenses qui sont incontournables dans le système, plaidant à nouveau que le gouvernement doit faire preuve de réalisme, et je cite: «L'application de la loi n° 107, à nos yeux, est inutile. S'il manque d'argent quand nous préparons les budgets au début de l'année, c'est évident qu'il en manquera durant les prochains mois. Il est temps que le gouvernement regarde la réalité en face et nous donne les moyens pour répondre à la demande croissante des services de la population.»

Finalement, ce matin, M. le Président, c'est les trois fédérations de médecins, omnipraticiens, résidents, spécialistes du Québec, qui interviennent à nouveau pour dire ceci: «Cette loi – ont-ils poursuivi – constitue une mesure prématurée qui réduira l'accessibilité aux soins et aux services de santé pour la population québécoise.» C'est clair comme de l'eau de roche, ça veut dire des coupures de services, une diminution de l'accessibilité aux soins.

Alors, le premier ministre aime beaucoup les consensus; il y en a un, consensus, c'est au sujet de son projet de loi, qui est un mauvais projet de loi. Est-ce qu'il va enfin écouter les gens qui donnent des soins dans le système de soins de santé et mettre au rancart le projet de loi n° 107?

(10 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous écoutons et travaillons de façon régulière et systématique avec l'ensemble de nos partenaires dans le réseau de la santé et des services sociaux, autant les associations d'établissements comme celle des hôpitaux, comme celle des CLSC, des centres d'hébergement et de soins de longue durée ou des centres de réadaptation, de même qu'avec les associations de médecins.

Le chef de l'opposition oublie toujours, lorsqu'il parle de cette loi n° 107, qu'elle comporte, oui, des contraintes et des exigences, mais qu'elle comporte aussi des éléments qui nous amènent à aider les institutions à trouver des solutions. Nous sommes actuellement dans une année de transition. Nous avons réinjecté des sommes considérables en couvrant le déficit passé, en rehaussant les bases budgétaires. J'ai, ce matin même, signé le mandat qui sera confié au groupe comprenant, entre autres, des représentants de l'Association des hôpitaux, des directions d'hôpitaux, pour trouver la façon de réallouer plus correctement, de réallouer sur une base plus solide les budgets à l'ensemble de nos institutions, ce que nous ferons en cours d'année. La loi n° 107 sera adoptée, nous l'appliquerons, et les premières phases de son application, c'est d'abord et avant tout de l'aide à apporter aux établissements, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre dit qu'elle travaille avec les gens du réseau. Elle a un drôle de langage. Si elle travaille avec eux, son langage, c'est celui des décrets et des lois et des ultimatums. Et elle mentionne finalement qu'elle a donné un mandat, ou qu'elle a inclus l'AHQ dans les travaux. Je présume qu'elle parle également des travaux qu'elle a confiés à M. Denis Bédard, qui a reçu le mandat de revoir justement les fondements du financement du système de soins de santé.

Or, M. Bédard lui a justement donné un rapport, en janvier 2000, que le gouvernement avait lui-même commandé, où il dit ceci: «Le gouvernement a ignoré l'impact des facteurs systémiques de croissance. Les établissements ont enregistré des déficits de plus en plus élevés qui ont dû être épongés en 1998-1999 et qui réapparaissent de nouveau pour l'année en cours. Les indicateurs comparatifs par rapport aux autres provinces montrent que le système québécois est maintenant sous-financé. Les conséquences d'une telle politique risquent d'être très négatives pour la gestion d'un système aussi complexe, car les déficits sont le signe que les règles budgétaires ne tiennent plus et que les contraintes imposées ne peuvent plus être appliquées. Ces contraintes placent les administrateurs et les responsables du réseau devant des problèmes qu'il leur est impossible de résoudre, et, vu centralement, le système apparaît être sans contrôle.»

M. le Président, la ministre fait référence au groupe de travail qu'elle a formé. M. Bédard, à qui elle a donné spécifiquement un mandat, vient de lui dire qu'elle administre un système qui est sans contrôle et vient appuyer justement les médecins, les administrateurs d'hôpitaux, les administrateurs de CLSC et de CHSLD. Est-ce qu'elle va enfin écouter son propre conseiller et retirer le projet de loi n° 107, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Si le chef de l'opposition convient avec M. Bédard, qui a effectivement écrit ce rapport, que le système est sans contrôle, il conviendra que nous en introduisons un certain nombre. Donc, nous répondons à l'une des premières recommandations que l'on nous fait.

Deuxièmement, M. Bédard, à qui, oui, nous avons confié ce mandat, a produit son rapport, évidemment, avant que nous ne réinjections les sommes que nous avons ajoutées au réseau de la santé et des services sociaux.

Et, comme le chef de l'opposition pourra le constater, nous ne sommes pas complaisants envers nous-mêmes, puisqu'au contraire c'est à M. Bédard effectivement que j'ai confié le mandat, entouré de gens venant du réseau, dont des directeurs d'hôpitaux, dont des représentants de l'Association des hôpitaux. Nous ferons la même chose d'ailleurs avec le réseau des services sociaux et de la santé sous l'angle des CLSC et des centres d'hébergement et de soins de longue durée.

Donc, j'ai confié à cette même personne responsable, qui a déjà assumé de lourds mandats en notre nom et pour le gouvernement, de travailler à réviser les bases budgétaires des établissements, oui, pour y introduire parfois des contrôles, parfois un peu plus de rigueur dans la gestion de certains budgets et, oui, pour rehausser à nouveau les bases s'il est nécessaire de le faire, M. le Président. Cette année dans laquelle nous nous engageons en sera une de transition, et je crois que nous sommes capables, de façon responsable, d'assumer l'ensemble des services que nous avons à rendre à la population québécoise avec les ressources que nous avons.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est à peu près impossible de comprendre les décisions de ce gouvernement-là. La ministre, du même souffle, vient nous dire qu'elle a confié un mandat à M. Bédard, qu'elle va revoir les fondements du financement du système, qu'elle s'engage à un débat là-dessus, puis en même temps elle va enfoncer dans la gorge des administrateurs d'établissements, d'hôpitaux la loi 107 qui les oblige à faire des équilibres budgétaires, peu importe qu'il y ait des services à rendre. Alors, comment concilier la contradiction, M. le Président?

Mais ce qu'il y a de plus choquant là-dedans, ce qu'il y a de plus étonnant, c'est qu'au Québec on serait le premier endroit au monde où ça va devenir illégal de soigner des gens qui sont malades. C'est ça, la conséquence de la loi 107! C'est dément comme conséquence, M. le Président! Est-ce que le premier ministre va se lever et écouter les gens qui sont dans le système de soins de santé pour qu'on puisse enfin revenir les deux pieds sur terre et retirer le projet de loi n° 107?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Le chef de l'opposition a quelques problèmes de cohérence, M. le Président. Dans les faits, hier, il a commencé la période de questions en rappelant l'événement qui s'était passé dans sa propre région où une quinzaine d'établissements avaient fait valoir le fait qu'ils souhaitaient que l'on revoie la façon d'allouer les budgets dans les établissements parce que justement ils avaient l'impression d'avoir été victimes d'une certaine injustice, d'une certaine iniquité parce qu'on avait couvert les déficits des établissements, alors qu'eux qui n'en avaient pas fait et qui avaient fait, au contraire, des efforts pour resserrer leur budget se voyaient pénalisés dans ce processus.

Alors, c'est de deux choses l'une, M. le Président: ou effectivement il y a encore des efforts possibles à faire dans notre réseau, sachant que nous avons réinvesti des sommes considérables, mais, en même temps, que nous soyons en mesure, avec les personnes les plus compétentes pour ce faire, de revoir la façon dont nous allouons les budgets pour tenir compte des besoins de l'ensemble de la population québécoise.

Et je crois, M. le Président, que ça relève de la pure démagogie de dire que nous voudrions refuser de soigner les malades. Il sait très bien que c'est complètement et parfaitement faux. D'ailleurs, dans les exigences et dans les obligations que nous posons à nos établissements, il y a un certain nombre d'éléments sur lesquels nous leur demandons des explications, nous leur demandons de nous apporter des données suffisamment documentées pour nous permettre, s'il y a lieu, de tenir compte, à l'occasion de ce travail que nous ferons avec eux, de la hausse de la demande dans certaines circonstances particulières. L'exemple des médicaments est mentionné dans les orientations du ministère, les fournitures médicales et chirurgicales, M. le Président. Nous sommes capables, ensemble, de respecter le mandat que nous confie la population de bien gérer les fonds publics en l'assurant et en assurant des soins de qualité à la population québécoise.

(10 h 30)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, pour que ce soit très clair, tout ce que les établissements de santé de la région de l'Estrie ont demandé, c'est d'être traités équitablement. Ils n'ont pas cherché à faire le procès de ceux qui avaient fait des déficits. Tout ce qu'ils demandent, c'est que les bases budgétaires soient compatibles avec les besoins, M. le Président, au lieu de se faire enfoncer dans la gorge une loi n° 107 absurde, une loi qui est inutile, une loi inhumaine, M. le Président, qui dit que ça va être illégal de donner des services de soins de santé au Québec, de soigner des malades, parce qu'ils ne peuvent pas vivre dans un contexte aussi irréaliste que celui-là.

Mais comment expliquer, M. le Président, à ces gens-là que ce gouvernement n'a pas le coeur de donner à ces gens-là les ressources dont ils ont besoin, mais qu'il est capable de trouver 1,5 milliard de dollars pour donner à des compagnies qui font des centaines de millions de dollars de profits, pour subventionner des emplois qui existent déjà, pour les déménager d'un immeuble à l'autre à Montréal? Il n'y a pas d'argent pour la santé, mais il y a 1,5 milliard de dollars, M. le Président, pour donner à des compagnies riches qui n'en ont pas besoin.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, M. le Président, les chiffres, là, les chiffres élémentaires: 4,4 milliards dans la santé depuis trois ans, en sus de ce qu'on mettait, et un milliard et quelques centaines de millions sur 10 ans dans une Cité du commerce électronique qui va en rapporter 20 fois autant et va nous donner de l'argent pour la santé.

Je voudrais compléter en disant, M. le Président, que les politiques qui sont les nôtres depuis quatre ou cinq ans font l'admiration du monde entier. Et une étude publiée dans la très réputée revue Wired , qui est la bible du métier électronique, classe Montréal, sur les 12 technopoles de la planète... sur les 46, il y en a 46, Montréal est au douzième rang. M. le Président, Montréal est au douzième rang sur 46. J'ai scruté la liste, je n'ai pas vu le nom ni de Toronto ni d'Ottawa – ah! quel dommage – alors que le gouvernement du Canada a tout fait pour vider Montréal de la haute technologie en faisant naître cette bourgade de Kanata qui a pris les trois quarts des emplois qui auraient dû être à Montréal. Malgré ça, on est douzième au monde. C'est ça, des politiques technologiques avancées.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Vaudreuil.


Dépenses en santé par rapport à la moyenne canadienne


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement rappeler, lorsqu'on parle des investissements récents, que le Québec a coupé 2,4 milliards dans le réseau de la santé, soit plus que toute autre province au Canada, de sorte que, comme le rapporte le professeur Bédard, les indicateurs comparatifs par rapport aux autres provinces montrent que le système québécois est maintenant sous-financé. Nous sommes la province qui dépensait, par habitant, dépenses totales de santé, le moins au Canada.

En plus d'avoir coupé, je voudrais simplement rappeler des décisions de gérance extrêmement malheureuses qui ont été prises par le gouvernement. On se rappellera les mises à la retraite des médecins, près de 1 500 médecins, payés jusqu'à 300 000 $. Maintenant, on a des pénuries un peu partout à travers la province. On parlait des anesthésistes cette semaine, plus de 100; on a payé pour les mettre à la retraite. Il en manque, là, il en manque à peu près le même nombre maintenant. Même chose pour les infirmières. On va vivre un été d'enfer à cause de la pénurie d'infirmières provoquée par la mise à la retraite de 4 000 infirmières tout d'un coup.

Nous avions un article ce matin où justement M. Brunelle, agent de recherche au ministère de la Santé et des Services sociaux, indiquait que toutes ces mauvaises décisions ont été très coûteuses, Un spécialiste critique les fermetures d'établissements communautaires et les mises à la retraite massives : «Ces mesures ont permis des économies à court terme. Mais il n'y a aucune évidence que cette approche soit rentable[...]. Lors des mises à la retraite massives [...], quand j'ai parlé des départs de tant de médecins à la retraite à des collègues français, ils ont ouvert grand les yeux.»

M. le Président, c'est en raison de ces décisions de mauvaise gérance qu'aujourd'hui ce sont les malades et les patients qui sont pénalisés. La ministre dit maintenant: Bien, on ne vous donne plus d'argent; on a coupé, on dépense moins qu'ailleurs, mais ne faites pas de déficit, coupez dans les services.

C'est ça, le message qu'envoie la ministre avec sa loi n° 107 aux administrateurs d'établissement, tel qu'on l'a vu cette semaine avec tout...

Le Président: Je voudrais juste vous indiquer, M. le député de Vaudreuil, que vous avez fait un long préambule sans poser de question. Mme la ministre.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, sur le préambule.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, évidemment, je vais commenter les commentaires de mon collègue de l'opposition, M. le Président. Dans les faits, d'abord, on revient souvent avec ces efforts budgétaires qui ont été faits dans le réseau. Est-ce que j'ai besoin de vous rappeler ce pour quoi nous avons dû le faire? C'est jamais inutile, évidemment. À partir du moment où on nous laisse un déficit de 6 milliards, où Ottawa se lave les mains et décide de réduire les transferts sociaux canadiens, bien, c'est nous qui devons assumer les responsabilités. Et nous sommes responsables et nous agissons en personnes responsables.

C'est faux que nous ayons coupé ces sommes dans le réseau de la santé et des services sociaux, puisque dans les faits nous avons demandé des efforts à une partie de notre réseau pour mieux réinvestir dans l'autre partie. Autrement dit, oui...

Des voix: ...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Une question de règlement. Je pense qu'on a écouté attentivement les remarques sans question du député de Vaudreuil. On les a écoutées attentivement. Il me semble qu'on devrait faire la même chose lorsque la ministre répond. Ça améliorerait le décorum en cette Chambre, puis je pense qu'on serait peut-être un peu mieux vus de la part de ceux qui nous regardent.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Le leader du gouvernement conviendra avec nous, M. le Président, que, quand les choses dites sont vraies, elles commandent le respect.

Des voix: Oh!

Le Président: Alors, je dois rappeler, M. le leader de l'opposition officielle, que notre règlement nous amène à présumer que ce que nos collègues disent, au minimum, c'est dit de bonne foi; si ce n'est pas exact, c'est au moins dit de bonne foi, et que, en conséquence, que ça soit perçu comme vrai ou faux, à partir du moment où on présume que c'est dit de bonne foi, ça commande le respect.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: M. le leader.

M. Brassard: Est-ce que le leader de l'opposition est en train de nous dire que le déficit de 6 milliards était inexistant?

M. Paradis: Non, tout simplement, M. le Président, que le Parti québécois au pouvoir a accumulé une dette de 100 milliards, supérieure...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bon. Écoutez, je vous indique immédiatement que je ne veux absolument pas qu'on revienne à une époque où, finalement, une bonne partie de la période de questions et de réponses était utilisée par messieurs les leaders pour des questions de règlement qui, en général, n'en étaient pas. Alors, je pense que la période de questions et de réponses appartient aux membres qui posent des questions et aux ministres qui répondent et non pas à des échanges sur de fausses questions de règlement.

Une voix: ...

Le Président: D'accord, parce que j'ai autorisé le leader à intervenir, je vous donne la réplique, et je vous indique immédiatement que je n'entends pas poursuivre sur cette lancée.

M. Paradis: Très bien, M. le Président, mais je me réfère aux chiffres du ministre des Finances. La dette du Québec, c'est 100 milliards. La responsabilité du Parti québécois en 15 ans de pouvoir, c'est 60 milliards.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, il nous reste encore passablement de temps. Si, après le dossier de la santé, on veut aborder le dossier de l'endettement ou des finances publiques, je n'ai aucun problème. Mais, pour le moment, je vais donner la parole à Mme la ministre de la santé

Une voix: Question de règlement.

(10 h 40)

Le Président: Non, non, non. Non, non. Non. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Je vous le dis tout de suite...

Une voix: ...

Le Président: M. le leader, je vous ai indiqué, à vous et à votre collègue, et par fair play j'ai donné une réplique à votre vis-à-vis, mais je n'entends pas revenir à une époque où, finalement, la période de questions et l'Assemblée étaient l'affaire uniquement des leaders. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Brassard: Question de règlement.

Une voix: Non, non, mais un instant. Il vient d'affirmer une fausseté.

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Bien. Est-ce que... M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît, je serais plus à l'aise... Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

Mme Marois: Merci, M. le Président. On a d'ailleurs souvent des exemples où des gens, en toute bonne foi et sans vouloir tromper la Chambre, la trompent quand même. Par exemple, le député de Viau, cette semaine, a dit qu'il n'y avait que 12 centres hospitaliers où on avait des gens identifiés comme devant se préoccuper de la question du don d'organes, alors que, dans les faits, c'est 80 responsables dans nos établissements. Il ne voulait pas tromper la Chambre, j'en suis persuadée, mais je viens corriger quand même cette information.

Alors, maintenant, M. le Président... Parce qu'on ne peut pas dire n'importe quoi non plus, hein? Alors...

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'expliquais au député de Vaudreuil et à ses collègues que, oui, il y avait eu des efforts budgétaires de demandés dans l'ensemble du réseau, mais qu'une certaine partie de ces sommes avait été immédiatement réinvestie. Entre autres, parce que nous procédions à des changements dans la vocation de certains hôpitaux, on a offert davantage de services aux personnes âgées à domicile ou en établissement. Donc, pendant toutes ces années, on a continué à investir dans les CLSC, dans les centres d'hébergement, dans l'action communautaire, pour soutenir cette transformation.

Comme dernière information, M. le Président, c'est vrai qu'au per capita nous dépensons moins au Québec qu'ailleurs, mais il y a une raison à cela, c'est parce que nous rémunérons moins nos gens, pas parce que nous offrons moins de services. Et, quant à notre richesse collective, nous lui consacrons autant à la santé que la moyenne canadienne ne le fait, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Est-ce que, M. le Président, je pourrais rappeler à la ministre...

Le Président: M. le député de Vaudreuil, de façon réglementaire, s'il vous plaît.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Est-ce que la ministre a lu les pages 14 et 15 du rapport du professeur Bédard, qui dit justement: «En comparant le Québec aux autres provinces, il faut prendre en considération un facteur qui n'est jamais mentionné: le Québec reçoit en effet du gouvernement fédéral un paiement de péréquation qui est estimé à 4 385 000 000 $ en 1999-2000. L'objectif de la péréquation est de permettre aux provinces qui ont un potentiel fiscal plus faible de pouvoir offrir un niveau de services qui soit sensiblement comparable à la moyenne canadienne»? Donc, de pouvoir dépenser sensiblement comparablement à la moyenne canadienne, M. le Président. Est-ce que c'est ça qu'on fait, M. le Président? Non.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Est-ce que l'objectif, c'est d'offrir des services de qualité de même... Attendez un peu, là! Un peu de calme, de l'autre côté! Des services...

Le Président: Mme la ministre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il est évident que l'objectif, c'est de donner les mêmes services, de même nature, en même quantité ici, au Québec, comme ailleurs dans le reste du Canada. C'est ce que nous faisons, M. le Président. Ça nous coûte moins cher pour le faire. C'est ça, la différence.

Des voix: ...

Mme Marois: C'est vrai! C'est tout à fait vrai!

Des voix: ...

Mme Marois: Bien, voyons donc! Ils n'aiment pas la vérité, hein!

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, effectivement, l'essentiel de la différence entre le coût per capita de ce que nous mettons dans nos services de santé et services sociaux, par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le reste du Canada, je le répète pour la dixième, quinzième, vingtième fois, M. le Président, c'est la différence dans la rémunération de nos professionnels, qu'ils soient médecins, qu'ils soient infirmières, qu'ils soient technologues.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Beauce-Sud, maintenant.


Situation des établissements de soins de longue durée des régions de Beauce et de l'Amiante


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Ah! bien, justement, M. le Président, nous allons en parler, de la qualité des services. Le 6 juin dernier, à une question que je lui adressais en Chambre au sujet de la triste réalité qui sévit dans les CHSLD de la Beauce et de l'Amiante, la ministre me confirmait que son ministère était à lui proposer des mesures correctrices qui vont dans le sens demandé, exprimé par les dirigeants des CHSLD. Or, ce matin, aucune solution n'a encore été proposée.

Je vous souligne, M. le Président, que le Protecteur du citoyen mène actuellement une enquête chez nous, que des plaintes formelles pour mauvais traitements ont été déposées devant la Commission des droits et libertés et à la Commissaire aux plaintes et que même le président de l'Association du Parti québécois de Beauce-Sud est intervenu pour dénoncer la situation dramatique que vivent les malades hébergés dans notre région.

Compte tenu qu'on a atteint dans notre région un niveau intolérable qui appelle à des correctifs immédiats et vu l'urgence de la situation, la ministre peut-elle déposer dès aujourd'hui les mesures qu'elle entend prendre pour faire diminuer les souffrances et les atteintes à la dignité des personnes victimes du rationnement et des compressions de ce gouvernement?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. D'abord, nous avons dans nos institutions, particulièrement dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, un personnel hautement compétent, très respectueux des personnes qui s'y trouvent. Il peut y avoir bien sûr, comme dans n'importe quelle organisation, des gens qui ne sont pas à la hauteur des fonctions qu'on leur confie, mais ce n'est pas la règle dans nos institutions. Au contraire, M. le Président, nous y avons des gens consciencieux et responsables. Je réitère aux membres de cette Assemblée que j'ai été saisie de cette situation, que des corrections seront apportées rapidement, M. le Président, cela va de soi.

Le Président: Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Est-ce que la ministre réalise que ça fait maintenant trois ans que je lui réclame un réinvestissement important pour augmenter la piètre qualité des services dans les CHSLD de la région, chez nous? La situation est sérieuse, elle a assez duré et il est temps que les résidents des CHSLD publics des régions de l'Amiante et de la Beauce soient traités comme les autres citoyens de la province et soient considérés comme des Québécois à part entière, Mme la ministre.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, à entendre le plaidoyer de la députée, mais je viens de lui dire, et je le lui ai dit à deux reprises, qu'il avait déjà été entendu et surtout qu'il y aurait des interventions de faites particulièrement dans cette région. Je vais cependant rappeler aux membres de cette Assemblée que nous avons réinvesti près de 58 millions de dollars pour soutenir et aider les établissements qui reçoivent des personnes âgées, pour augmenter, donc, le nombre d'heures-soins dans ces établissements de même que pour les personnes en perte d'autonomie.

(10 h 50)

Je sais, M. le Président, que, d'une région à l'autre, il y a une différence dans les sommes allouées et donc dans les heures-soins disponibles – là, c'est les termes qu'on utilise – dans ces établissements. J'ai demandé justement que l'on corrige cela pour que l'on rehausse progressivement tous ceux qui sont en bas de la moyenne, de telle sorte que, lorsque nous recommencerons à nouveau à remettre des sommes, nous rehaussions pour l'ensemble de la clientèle, mais que le plus urgent, c'est d'abord et avant tout d'aider ceux et celles qui ont plus de difficultés. Nous le ferons, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: M. le Président, est-ce que la ministre réalise qu'à l'étude des crédits, cette année, elle avait promis qu'elle s'occuperait justement des centres d'hébergement qui étaient en sous-financement, et ça comprenait les centres d'hébergement de la Beauce et de l'Amiante, ceux de Chaudière-Appalaches qui sont mal en point?

M. le Président, chez nous, on a 17 000 $ par lit, alors qu'ailleurs il y a 22 000 $ par lit. Quand est-ce que la ministre va réinvestir de l'argent pour soigner les malades correctement dans la Beauce?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Engagement pris, engagement tenu et sera tenu, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: M. le Président, est-ce que je peux faire réaliser à la ministre que, chez nous, ça ne s'est pas concrétisé, parce que la Régie régionale de Chaudière-Appalaches a refusé d'accorder une augmentation de financement dans les CHSLD de la Beauce et de l'Amiante? Qu'est-ce qu'elle a à répondre aujourd'hui, et quand est-ce qu'elle va nous accorder le réinvestissement nécessaire?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je ne sais pas s'ils manquent de questions pour leur période de questions, M. le Président, mais c'est un peu le sentiment que j'ai. La députée m'a posé cette question-là cette semaine. Je lui ai dit que, oui, nous reconnaissions cette situation difficile, que nous allions corriger cette situation. Ça fait trois fois qu'on me repose encore la question, je lui répète la même réponse: Bis, ibidem, M. le Président!

Le Président: Mme la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Alors, puis-je faire encore remarquer à la ministre que ça fait trois ans qu'on attend? Quand est-ce qu'elle va s'occuper du problème de la Beauce? Quand, Mme la ministre?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je m'en suis déjà occupé, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, maintenant.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, on apprenait hier...

Le Président: Bien, écoutez, à la limite, je vais demander au député de Saint-Laurent d'avoir son caucus privé avec le député de Joliette en arrière. Mais, en attendant, je donne la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Divulgation d'une entente entre la Caisse de dépôt et placement et Quebecor


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. On apprenait hier que la Cour d'appel vient de forcer la main à la Caisse de dépôt pour qu'elle divulgue l'entente secrète que la Caisse de dépôt avait avec Quebecor. Il y a une commission qui va être payée, de 15 millions de dollars, si le deal se concrétise.

Comment se fait-il qu'il a fallu attendre que la Cour d'appel force la Caisse de dépôt à nous donner cette information-là?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: J'espère que la Caisse de dépôt ne révèle pas à tout venant les informations stratégiques qui lui permettent de faire croître et prospérer nos fonds de pension. Et, comme mes prédécesseurs, je me réjouis de la sagesse de la Caisse, qui se conforme comme une entreprise privée en pareille matière.

Le ministre des Finances, pas plus l'actuel que les prédécesseurs, ne gère la Caisse. Nous nommons un conseil d'administration, nous avons le droit de déposer le rapport annuel, de nous informer de leurs activités, et puis c'est tout. Et, avec ça, la Caisse est devenue la plus grande institution financière du Canada, elle a eu cette année un rendement de 17 %, et j'espère que ça va continuer comme ça. Et, quand elle est amenée devant les tribunaux, comme n'importe quel citoyen corporatif, elle obéit au jugement des cours. Ni plus ni moins.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que le ministre des Finances était au courant de cette entente secrète? Et, s'il était au courant, depuis quand?

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je crois que, légalement, j'aurais pu l'être, parce que la loi me donne le droit de m'informer, mais j'utilise ce droit avec parcimonie, comme mes prédécesseurs d'ailleurs. Je laisse la Caisse administrer et gérer en son âme et conscience. On a une douzaine d'hommes et de femmes qui sont les administrateurs de la Caisse, des centaines d'autres qui en sont les cadres, et je leur laisse la paix.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Ma question est simple, M. le Président, j'ai demandé au ministre des Finances s'il était au courant de cette entente secrète. Oui ou non?

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Il y a des cerveaux qui fonctionnent en système binaire. Oui ou non? Je l'ai dit d'une façon plus nuancée. Mais je vais me mettre en binaire, moi aussi, c'est non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député d'Orford, en question principale.


Qualité de l'eau potable


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président. Suite au rapport du BAPE sur l'eau, à la page 59, on peut y lire: «Les risques de santé auxquels est exposée la population sont réels. Il est primordial de prendre les mesures qui s'imposent avant qu'un incident déplorable ne survienne.»

L'Association professionnelle des ingénieurs du Québec en remettait la semaine dernière en nous disant: «Le Québec n'est nullement à l'abri d'un incident tel que l'épidémie chez nos voisins. Le gouvernement du Québec doit cesser de faire courir des risques inutiles à la population, les normes actuelles sont inadéquates pour assurer la santé publique.»

Qu'est-ce que le ministre de l'Environnement va faire et à quel moment il a l'intention de le faire, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce que j'avais à faire, je l'ai fait déjà, j'ai préparé les modifications au Règlement sur l'eau potable, il a été transmis à l'Exécutif et il devrait être étudié au prochain conseil ou à l'autre suivant. Il comporte de nombreuses modifications au règlement, qui n'avait pas été modifié depuis de nombreuses années, et il comporte également toutes les modifications qui vont nous permettre d'avoir un règlement qui rencontre toutes les normes les plus sévères et les plus modernes dans ce domaine.

Il doit être relativement bon, puisque mon collègue de l'Ontario me l'a demandé pour utilisation chez lui. Alors, je présume qu'il doit comprendre d'assez bonnes dispositions, et nous avons accepté avec plaisir de leur transférer ce règlement. Et nous avons également vérifié si, compte tenu des événements qui s'étaient passés à Walkerton, on avait toutes les mesures requises. On a fait quelques ajustements, mais notre règlement est parfaitement adapté à toutes les circonstances d'aujourd'hui, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Tel que nous le rapporte le rapport du BAPE, est-ce que le ministre sait qu'il y a en ce moment 1 413 réseaux de distribution d'eau connus par le ministère qui distribuent une eau non traitée à environ 650 000 personnes, selon le BAPE, M. le Président? Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire et quand?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Je vais donner la même réponse, M. le Président. J'ai dit que nous avions modernisé le règlement, qu'il était transmis à l'Exécutif, que, face aux circonstances qui s'étaient présentées à Walkerton, nous avons vérifié si effectivement notre règlement était satisfaisant. La réponse, c'est oui, et nous avons également tenu compte de ce que le BAPE a dit dans son rapport. Alors, nous aurons très, très, très prochainement un règlement parfaitement moderne, prêt à rencontrer toutes les circonstances que l'on peut voir dans une société d'aujourd'hui.

Le Président: M. le député.

(11 heures)


M. Robert Benoit

M. Benoit: Est-ce que le ministre sait que l'on retrouve de l'atrazine dans 12 réseaux d'eau potable au Québec? L'atrazine est un agent cancérigène, pour le cancer ovarien et le cancer lymphatique. Qu'est-ce que le ministre veut faire et quand a-t-il l'intention de le faire?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Il est évident, M. le Président, que le député avait préparé trois questions. Quelle que soit la réponse que je donne, il va poser ses trois questions. La réponse est la même, M. le Président. Nous avons considéré ce que le rapport du BAPE avait proposé, nous avions fait notre travail bien antérieurement à ça, nous avons également tenu compte de ce qui a pu se passer à Walkerton, et mon règlement était rendu à l'Exécutif avant que n'arrivent les événements de Walkerton. Donc, M. le Président, on va l'adopter, et le rendre public, et l'appliquer partout à travers le Québec, et on aura une eau de qualité partout à travers le Québec.

Le Président: M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Est-ce que le ministre est au courant que les citoyens du district de la Rive-Sud à Sept-Îles ont des risques à la santé associés à la présence de nitrate dans leurs puits? Qu'a-t-il l'intention de faire et quand a-t-il l'intention de le faire?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je dois confesser que je m'étais trompé, c'était quatre questions qu'il avait préparées.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Alors, je donne la même réponse à la quatrième que j'ai donnée à la première, je crois qu'elle est complète. Et on va apporter des solutions à tous les problèmes que nous rencontrons, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure, en question principale.


Niveau de la taxe sur l'essence


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. On sait que la flambée actuelle des prix de l'essence fait des mécontents et des victimes dans toutes les régions du Québec, et, pour soulager le fardeau de millions de consommateurs, l'opposition officielle réclame depuis plusieurs semaines une baisse des taxes. Hier, le ministre des Finances, comme toujours, M. le Président, a été intraitable: pas question de baisser les taxes, parce que, selon lui, les baisses vont aller directement dans les poches des compagnies pétrolières.

M. le Président, est-ce que le premier ministre a pris connaissance d'une déclaration du ministre des Ressources naturelles, qu'il a faite en commission parlementaire le 20 avril dernier et qui affirmait ceci: «Si vous baissez de façon substantielle le niveau des taxes sur l'essence, oui, je pense que ça devrait profiter aux consommateurs. Les lois du marché vont jouer et probablement qu'une bonne partie de cette baisse profiterait aux consommateurs»?

Alors, M. le Président, le premier ministre va prendre quel parti: celui du ministre responsable du dossier, qui est assis à sa droite, ou celui de son grand argentier, M. le Président, qui est assis à sa gauche? Quel parti va prendre le premier ministre?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, dans la déclaration, dans ma déclaration, que la députée de Bonaventure vient de citer, il y a d'abord un adjectif, «substantielle», et puis il y a un adverbe, «probablement».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Alors, d'abord, il faut évidemment que la baisse de taxes soit substantielle. Si elle est substantielle, sans doute, probablement...

Des voix: Ah!

Le Président: Je vous invite sûrement à terminer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: M. le Président, je constate que non seulement il y a beaucoup de binaires de l'autre côté, mais ils ont des problèmes linguistiques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Alors donc, si la baisse de taxes est substantielle, probablement que ça va avoir de l'effet sur le prix à la pompe. Mais, pour qu'elle soit substantielle, ça veut dire des centaines et des centaines et des centaines de millions de dollars. Alors, je refile une question à la députée de Bonaventure: Est-ce qu'elle souhaite qu'on revienne à des déficits? Parce que l'argent qu'on n'aura pas, il faudra le trouver où, hein? Il faudra le trouver où?

Des voix: ...

Le Président: Peut-être demain, Mme la députée de Bonaventure.

Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée.

Aux motions sans préavis.

Alors, s'il n'y a pas de motions sans préavis, nous allons aller... M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, on sait pertinemment bien qu'il y aura une conférence fédérale-provinciale, qui débute cet après-midi, et nous avons eu certains signaux que le gouvernement souhaite procéder avec une motion sans préavis sur l'importante question de l'assurance parentale. On serait disposé, M. le Président, d'en discuter aujourd'hui pour que l'Assemblée nationale puisse parler d'une voix, avant que la ministre de la Santé et des Services sociaux entame des pourparlers avec ses homologues.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, c'est aussi notre objectif de faire en sorte que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix sur ce dossier majeur, mais, pour que ça arrive, pour qu'on parle d'une seule voix, je pense qu'il faut échanger, poursuivre nos échanges pour arriver justement à parler d'une seule voix.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, simplement indiquer à ce moment-ci au leader du gouvernement qu'il y aurait consentement, si le gouvernement n'est pas prêt à ce moment-ci, s'il faut poursuivre des discussions, à ce qu'on revienne au cours de la journée à cette étape des motions sans préavis de façon à ce que la ministre puisse se présenter, si possible, avec une motion de l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, on a déjà soumis une proposition. On va échanger, poursuivre nos échanges, s'entendre sur un libellé et aussi convenir du moment où cette motion devra être débattue par l'Assemblée.

Le Président: Bien. Alors, je comprends que, sur ces discussions, nous allons... Il n'y a pas d'autres motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous allons aller donc aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures ainsi que de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuivra et terminera les consultations particulières sur les projets de loi suivants: d'abord, sur le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les abeilles, et, deuxièmement, sur le projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures; et, de 20 heures à 24 heures, la commission entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 126, Loi sur les coopératives de services financiers, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures; et, de 20 heures à 24 heures, la commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 131, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic, à la salle du Conseil législatif.

J'avise aussi cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 228, Loi modifiant la Loi sur la charte de la Coopérative fédérée de Québec, le jeudi 15 juin 2000, immédiatement après les affaires courantes, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

J'avise aussi cette Assemblée que la commission des transports et de l'environnement entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 227, Loi concernant La Société Aéroportuaire de Québec, le jeudi 15 juin 2000, immédiatement après les affaires courantes, à la salle du Conseil législatif; et finalement,

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre: d'abord, le projet de loi n° 231, Loi concernant la Municipalité de Deauville; ensuite, le projet de loi n° 232, Loi concernant la Municipalité de Saint-Mathias-sur-Richelieu; ensuite, le projet de loi n° 234, Loi modifiant la Loi concernant la Ville de Varennes; et finalement le projet de loi n° 233, Loi concernant la Ville de Verdun, le jeudi 15 juin 2000, immédiatement après les affaires courantes, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Bien. Alors, pour ma part, je vous avise que la commission de la culture va se réunir en séance de travail aujourd'hui, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.161, afin d'organiser ses travaux.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, s'il n'y a pas d'interventions... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: J'aurais une intervention, M. le Président. Je tiens à aviser cette Assemblée qu'une fois terminées les affaires courantes nous suspendrons, avec l'assentiment de tous nos collègues, nos travaux jusqu'à 15 heures afin de permettre aux parlementaires d'assister au dévoilement de la statue Jean Lesage.

Le Président: Bien. Alors, justement, puisqu'il n'y a pas d'autres interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, ça termine les affaires courantes.

Je comprends que nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Alors, nous débutons les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Nous débutons les affaires du jour. Là, je ne saurais dire à quel numéro du feuilleton, c'est le projet de loi n° 124. L'article 6, M. le Président.


Projet de loi n° 124


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader. À l'article 6 de votre feuilleton, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124? Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, j'ai donc le privilège de déposer en cette Assemblée nationale le projet de loi n° 124 et d'en demander l'adoption de principe. Je l'ai déclaré à quelques reprises et je le réitère ici, en cette Assemblée nationale, en ce qui concerne l'organisation municipale québécoise, le statu quo n'est plus acceptable, et, cette déclaration, je l'ai faite à bien des occasions, y compris devant des milliers d'élus municipaux, soit lors des congrès de l'Union des municipalités du Québec ou du congrès de la Fédération québécoise des municipalités, et j'en suis toujours aussi convaincue, et je crois que la grande majorité des intervenants du milieu municipal partagent également ce sentiment que des changements sont nécessaires. C'est déjà un pas de franchi comme société que nous puissions convenir que des changements importants s'imposent dans le secteur municipal, et je ne prétends pas, je le sais, pour autant qu'on s'entende tous sur ce qu'il faut faire, mais je dis simplement qu'un consensus social s'est déjà dégagé quant à la nécessité d'apporter des changements majeurs dans le secteur municipal.

(15 h 10)

M. le Président, vous me permettrez de citer une allocution très récemment prononcée, soit le 13 mai dernier, il n'y a pas un mois de cela, par un prédécesseur qui a occupé la fonction de ministre des Affaires municipales et de la Métropole pour le gouvernement précédent – et j'ai nommé M. Claude Ryan – qui disait, à l'occasion d'un colloque régional organisé par le Parti libéral du Québec, et je cite: «Toutes les commissions, tous les groupes d'étude qui se sont penchés sur la situation des municipalités depuis un quart de siècle ont été unanimes à conclure que nous avons trop de municipalités au Québec. Par respect pour l'importance que revêtent les institutions municipales dans notre vie démocratique, il fallait d'abord tenter de résoudre ce problème en faisant appel à l'initiative des municipalités elles-mêmes, et c'est ce qu'ont fait tous les gouvernements jusqu'à ce jour, y compris celui dont j'ai fait partie. Les municipalités furent cependant prévenues à diverses reprises qu'en l'absence de résultats satisfaisants il faudrait envisager le recours à des moyens plus énergiques. La méthode incitative a malheureusement fait la preuve de ses limites. Les choses évoluent désormais trop vite pour que le Québec puisse s'en remettre entièrement au temps et à la bonne volonté des intéressés pour ramener le nombre de municipalités à un niveau plus réaliste.»

Alors, M. le Président, je pense que cela est bien dit, et, si je le dis, moi aussi, c'est que cette évidence s'est imposée au fil des années. Nous évoluons avec le même niveau de municipalités, ou presque, que nous connaissions il y a 50 ans. La Révolution tranquille est passée à côté du secteur municipal. Sans doute avions-nous beaucoup à faire au niveau scolaire, avions-nous beaucoup à faire au niveau de l'économie, et on sait les progrès que nous pouvons rapporter tant au niveau de l'éducation et évidemment qu'au niveau du développement de notre économie dans tous les secteurs, y compris de la haute technologie. Mais, quand on pense qu'il y avait au Québec presque 1 500 commissions scolaires il y a un peu plus de 30 ans et que maintenant il y en a 72, vous vous imaginez? Nous avons réussi à donner des services encore meilleurs aux enfants, parce que encore faut-il se rappeler de la finalité de nos institutions. Nos institutions sont créées pour rendre des services à la population.

Et je voudrais immédiatement corriger cette fausse impression que, lorsqu'une municipalité est d'une taille plus imposante, le sentiment d'appartenance, le sentiment de solidarité entre ses citoyens ou le sentiment de communauté disparaît. Moi, ça fait 19 ans que je suis députée dans cette Assemblée et que je représente le quartier ouvrier d'Hochelaga-Maisonneuve, qui est un quartier de la grande ville de Montréal, qui fut dans le passé une ville. La ville de Maisonneuve fut une ville distincte, n'est-ce pas? On la disait d'ailleurs la Pittsburgh du Canada, tant son infrastructure industrielle était imposante à la fin du siècle passé.

Le quartier Hochelaga fut aussi une ville distincte, et je dois vous dire, M. le Président, que, avec les 222 organisations communautaires qu'on décompte dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, avec un niveau extrêmement élevé de concertation, de solidarité, d'appartenance profonde au quartier, je pense vraiment, comme députée représentant la population d'un quartier d'une très grande ville – la plus grande ville que l'on ait au Québec, n'est-ce pas – que je peux témoigner à tous égards que ce n'est pas la taille de la municipalité qui est garante du sentiment d'appartenance, ou du sentiment communautaire, ou du sentiment de solidarité de sa population, et je dis que cela n'a rien à voir et que cela repose sur d'autres bases que seulement celles des structures municipales.

Cela étant dit, M. le Président, autant nous l'avons dit clairement, que le statu quo n'était pas acceptable, autant il faut également immédiatement ajouter que le mur-à-mur est exclu, qu'il n'en est pas question non plus. Alors, il n'y a pas d'agenda caché avec une liste préétablie d'un nombre optimal de municipalités au Québec, ce n'est pas un objectif de regroupement que le gouvernement a, c'est un objectif de développement, et cet objectif de développement économique, social, culturel, démographique... Et, quand je dis «démographique», en particulier, je pense aux régions du Québec parce que ce n'est pas vrai qu'on peut opposer, dans ce qui est proposé par le gouvernement, les grandes et les petites villes, ce n'est pas de ça du tout qu'il s'agit. Le projet est de renforcer le Québec urbain, où qu'il soit sur tout le territoire du Québec, dans les petites, moyennes et grandes villes.

Et pourquoi faut-il renforcer le Québec urbain? Parce que autant on est organisé comme il y a 50 ans en l'an 2000, autant il faut se réorganiser pour faire face aux défis des 50 prochaines années, et ces défis des 50 prochaines années vont beaucoup se passer dans les villes, M. le Président, pour toutes sortes de raisons. Et je ne voudrais pas radoter sur la mondialisation ou sur la compétitivité mondiale, mais une évidence s'impose, les choses ont changé autour de nous, profondément changé autour de nous. On ne peut plus mettre à l'abri, comme il était possible il y a encore 15 ans ou 20 ans, contre la concurrence étrangère, derrière des barrières tarifaires puis des barrières douanières, des grands secteurs de notre économie comme cela fut le cas pendant des décennies.

Je l'ai vécu, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, en 1981. Il y avait des milliers de mes concitoyens qui travaillaient dans la chaussure. C'était la ville de la chaussure. J'habite même actuellement, M. le Président, depuis bien des années, plus de 12 ans maintenant, dans une ancienne usine qui fabriquait des appareils qui fabriquaient des chaussures. C'était la ville de la chaussure. Alors, il y avait des milliers de personnes, en 1981, qui travaillaient encore dans des manufactures de chaussures, et là on a vu, lorsque les quotas d'importation ont été abolis – d'abord, la chaussure pour homme, après, la chaussure pour femme, après, la chaussure pour enfant – des milliers d'emplois qui sont disparus. Donc, la réalité, les gens l'ont vécue. Ils n'ont pas besoin de se la faire expliquer par des professeurs d'université, ils l'ont vécue. Ils ont su ce que ça avait été, cette période difficile de transformation profonde d'une économie industrielle en une économie du savoir. Ça a été, dans le fond, la marque de commerce des 20 dernières années du siècle passé. Mais ça, ce siècle passé, c'était il y a pas longtemps, comme vous le savez.

Alors donc, on ne peut plus se protéger, mettre à l'abri derrière des barrières tarifaires, des barrières douanières, des secteurs de notre économie. On est au grand vent et on est capables de relever ce défi, on l'a prouvé depuis 10 ans. Le ministre des Finances l'a dit très souvent, on a augmenté de 150 % nos exportations. Nous sommes maintenant à 57 % de l'ensemble de ce que nous produisons qui est exporté à l'étranger.

Mais l'inverse est vrai aussi. Si, nous, on peut exporter, les autres peuvent venir chez nous chercher nos marchés, et c'est certain que, plus qu'avant, il faut s'organiser pour être capables d'offrir à une population scolarisée, pas simplement à Montréal, à Québec ou dans les capitales des régions, mais offrir à une population scolarisée des emplois de bon niveau sur tout le territoire du Québec, être capables aussi de s'organiser pour offrir des services à une population vieillissante qui, lorsqu'elle atteint le quatrième âge, de plus en plus se replie sur les centres de services que sont les villes, les villages et la capitale ou la métropole, et c'est comme ça sur tout le territoire du Québec. Quand on dit qu'avec le vieillissement les gens reviennent en ville, c'est vrai pour le quatrième âge mais pas pour les jeunes retraités, toutes les études le démontrent. Ils se déplacent pour aller plus loin encore en périphérie. Mais donc offrir des services à la population vieillissante, offrir des conditions de réalisation pour des jeunes de plus en plus scolarisés, être capable de relever des défis qui sont inédits en matière de protection de l'air et protection de l'eau.

(15 h 20)

Pensez-vous, M. le Président, qu'avec presque 1 000 municipalités de moins de 2 000 habitants... À moins, n'est-ce pas, de multiplier les régies puis les ententes intermunicipales où les citoyens ont de la misère à retrouver qui décide de quoi. Sinon, comment on fait pour être capable de faire face à ces défis de société qui transcendent les territoires municipaux et évidemment qui transcendent les intérêts ultralocaux? Je l'ai dit en tout respect de tous les milieux, mais c'est maintenant 98 % de la population qui vit sur un territoire desservi par des aqueducs et des égouts. Alors, la fosse septique, elle existe toujours, j'en conviens, mais ce n'est plus, loin de là, n'est-ce pas, la réalité de la très grande majorité de la population. Mais ce n'est pas suffisant, les aqueducs-égouts. C'est des usines de traitement d'eaux usées, c'est des usines de traitement d'eau potable. Le ministre de l'Environnement l'a dit, il faut mettre à niveau notre règlement en matière d'eau potable, il est déficient, et cette mise à niveau va exiger de très gros investissements pour mettre à niveau également nos centaines d'usines de traitement d'eau.

M. le Président, c'est aussi tout le défi de la gestion des matières résiduelles. On ne parlait pas de ça il y a quelques années. Quand les municipalités, il y a 50 ans, étaient ce qu'elles sont maintenant, bien, on pouvait penser qu'avec un dépotoir ça suffisait. Mais là on sait, non, que ce n'est pas comme ça qu'on va donner en héritage à nos enfants un milieu sain, un environnement à la hauteur de celui qu'on a reçu. Alors, qu'est-ce que ça suppose, une gestion des matières résiduelles? Ça suppose de la collecte, du tri, du recyclage, de la récupération. On ne fait pas ça sur des territoires municipaux trop étroits, on ne le fait pas non plus lorsque les intérêts locaux sont aussi trop étroits.

Alors, on me dira: Oui, mais il est toujours possible d'avoir des ententes intermunicipales. Mais je vous rappelle qu'on compte presque 1 000 ententes intermunicipales au Québec, puisque la réalité toujours s'impose aux institutions qui ne s'adaptent pas, n'est-ce pas? Alors, la réalité, c'est que les enjeux dépassent largement les frontières municipales. Alors, on a multiplié les ententes intermunicipales. Incidemment, ces ententes intermunicipales amènent des élus à siéger pour les gérer, ce qui ajoute aux allocations de rémunération des élus municipaux.

Et, en plus, M. le Président, je vous rappellerais que le citoyen, lui qui, une fois à tous les quatre ans, élit justement des élus municipaux qui sont en entente intermunicipale avec plusieurs autres élus d'autres municipalités, il a de la difficulté à ce qu'il y ait une reddition de comptes, une imputabilité puis une transparence qui l'amènent à demander des comptes à tous les quatre ans mais qui amènent l'élu aussi à lui en rendre, parce qu'un élu peut toujours dire: Bien, écoutez, j'étais minoritaire, je le regrette, mais ce n'est pas moi qui décidais, moi, j'ai dit ce que je pouvais puis je n'étais pas dans la majorité, c'est la majorité qui l'a remporté, même pour favoriser la démocratie à bien des égards, parce que sinon le citoyen peut décrocher d'institutions qui ne sont plus à la hauteur des enjeux de notre société.

Je veux saluer, M. le Président, un ami qui est dans nos rangs. Il a beau être sénateur, il fut pendant des années un député exemplaire et un grand Montréalais. Alors, je le salue, il est parmi nous présentement. Je pense qu'il compte des amis d'ailleurs des deux côtés de cette Assemblée.

Alors donc, M. le Président, il faut agir. Je l'ai dit, le statu quo n'est plus acceptable, et je le redis, il n'est pas question de faire du mur-à-mur cependant. Et ce que nous mettons en place, c'est une démarche, c'est une démarche législative. La formule vient du député de Roberval. Elle est la bonne. C'est une démarche législative qui va permettre à la Commission municipale du Québec de se voir attribuer une nouvelle compétence en matière de délimitation territoriale, et dorénavant les municipalités qui représentent la majorité de la population d'un territoire donné vont pouvoir transmettre une requête directement à la Commission municipale ou via le gouvernement pour entendre leurs demandes de regroupement.

La Commission municipale aura compétence en la matière, pourra procéder aux études requises, et nous modifierons le projet de loi n° 124 de façon à ce que la Commission municipale ait l'obligation d'entendre les citoyens. La Commission municipale fera donc rapport au gouvernement et transmettra ses recommandations, suite à quoi le gouvernement pourra demander aux municipalités qui feraient l'objet d'une recommandation positive de la Commission municipale du Québec de procéder à une demande commune de regroupement. À défaut que cette demande commune de regroupement soit transmise, eh bien, le gouvernement agira, prendra ses responsabilités et procédera par décret, M. le Président.

Est-ce que c'est là une façon antidémocratique de travailler? Parce que j'ai entendu en commission parlementaire des propos complètement exagérés, je dois le dire, et des propos qui considéraient que c'était une manière inqualifiable de procéder, unique au monde, ai-je entendu de la part d'une mairesse en particulier. Alors, M. le Président, je voudrais simplement faire un bref bilan des expériences menées depuis quelques années dans les provinces voisines, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, et vous démontrer que le Québec a sa manière particulière de faire parce que, en fait, au Québec, au contraire, nous assumons nos responsabilités, puisque nous nous réservons l'obligation de décider et que nous assumons cette responsabilité de décider en faisant en sorte que ce ne soit pas confié à des tiers ou à des mandataires. La compétence de la Commission municipale du Québec, comme celle des mandataires, est de faire rapport au gouvernement, mais c'est le gouvernement qui doit apprécier les gestes à poser en matière de regroupement.

Je donne l'expérience de l'Ontario. Pour favoriser les regroupements municipaux, le gouvernement de l'Ontario, en 1996, il y a quatre ans, adoptait le bill 26. Alors, dans ce bill ontarien, il est prévu qu'à la demande d'une seule municipalité intéressée à se regrouper le gouvernement ontarien crée une commission, qui peut être d'une seule personne, et lui confie le mandat d'élaborer une proposition de regroupement pour les municipalités et territoires désignés. Au terme de ses travaux, la commission, qui peut, je le rappelle, être d'une seule personne, peut ordonner la mise en oeuvre de sa propre proposition de regroupement. Vous me suivez, M. le Président? Elle ne fait pas rapport au gouvernement qui, lui, doit prendre ses responsabilités comme c'est le cas dans notre projet de loi n° 124; en Ontario, il y a des commissions ad hoc d'une seule personne suite à une demande d'une seule municipalité intéressée à se regrouper, et, au terme des travaux de la commission, celle-ci peut ordonner la mise en oeuvre de sa propre proposition de regroupement. Cette ordonnance n'a besoin de la sanction ni du ministre ni du gouvernement. Et cette façon de faire a été jugée constitutionnelle, puisque vous vous imaginez bien qu'il y a des contestations qui ont suivi l'adoption de ce bill ontarien.

Alors, quels sont les résultats à date? En date du 18 mai de ce printemps, le ministre des Affaires municipales de l'Ontario a reçu jusqu'ici 45 requêtes visant la création d'autant de commissions. Six commissions seulement ont été créées. Pourquoi? Parce que 30 dossiers se sont réglés avant même que le ministre des Affaires municipales de l'Ontario n'ait besoin de créer les commissions concernées. Et, au ministère des Affaires municipales de l'Ontario, on nous a fait savoir que les municipalités préféraient s'entendre entre elles plutôt que de se faire dicter les modalités de leur restructuration par une commission. Alors, le fait seulement d'avoir adopté le pouvoir de le faire a cependant amené la majorité des municipalités concernées à procéder elles-mêmes à des regroupements.

(15 h 30)

En 1997, le Parlement de l'Ontario adoptait un autre projet de loi, le bill 103, qui fusionnait, cette fois, la Communauté urbaine de Toronto et les six municipalités qui en faisaient partie. Il s'est agi de la création de la mégacité. Alors, comme vous savez, la loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1998. Il y a des groupes d'opposants nombreux qui ont fait valoir leur point de vue en organisant des référendums et toutes sortes d'activités antiregroupement. Alors, les référendums furent tenus dans six municipalités ontariennes, et, dans une proportion variant entre 70 % et 81 %, les résultats ont été contre les regroupements, le taux de participation ayant été de 36 %, un des plus élevés parmi les taux de participation, en comparaison des référendums qu'on a connus au Québec dernièrement. Alors donc, avec 81 % de répondants pour le Non, il y a eu devant la Cour d'appel de l'Ontario une instance qui a reconnu... Suite à une poursuite d'East York Borough contre le Procureur général de l'Ontario – c'était en 1998 – la Cour d'appel a reconnu que le regroupement des municipalités de la région de Toronto n'avait pas pour effet de priver les citoyens de leurs droits constitutionnels et démocratiques, et les opposants ont voulu obtenir un pourvoi en Cour suprême, qui leur fut refusé le 2 avril 1998, la Cour suprême jugeant que la décision de la Cour d'appel de l'Ontario était valable. Je répète donc: Qui n'avait pas pour effet de les priver de leurs droits constitutionnels et démocratiques. Alors, j'y reviendrai, M. le Président.

Peut-être simplement vous rappeler qu'à l'automne 1999, encore et toujours en Ontario, le ministre des Affaires municipales nommait quatre conseillers spéciaux pour l'assister dans ses travaux visant la réforme des régions de Sudbury, d'Ottawa-Carleton, de Hamilton-Wentworth et de Haldiman-Norfolk.

Alors, les rapports des quatre conseillers ont été présentés au ministre en novembre 1999. Ces rapports recommandaient de fusionner en une seule municipalité, Ottawa-Carleton, à partir de 11 municipalités, Hamilton-Wentworth, à partir de six municipalités, Sudbury, à partir de sept municipalités et Haldiman-Norfolk, à partir de six municipalités. Alors, du côté de Haldiman-Norfolk, la recommandation était de fusionner en deux municipalités.

Alors, il y a donc eu rapport en novembre, et, en décembre dernier, le gouvernement ontarien adoptait la loi portant sur la restructuration municipale dans ces quatre régions, et les nouvelles municipalités seront créées officiellement le 1er janvier 2001. Autant à Ottawa-Carleton, qui est située en face de la circonscription du député de Hull, que à Ottawa, ce sont des maires opposants, les ténors du Non qui se porteront candidats à Toronto et qui se feront élire. Et là, à Ottawa-Carleton, on verra ce que ça donnera. Alors donc, des gens qui finalement décident, après avoir combattu pour prétendre que le pire allait arriver, eh bien, qui se portent candidats et qui se font élire.

Alors, l'expérience du Nouveau-Brunswick, l'expérience de la Nouvelle-Écosse. Le Nouveau-Brunswick, M. le Président, c'est donc le gouvernement qui décide d'imposer le regroupement dans les cas de la région de Miramichi, de la région de Madawaska, dans la région de Saint-Jean. En Nouvelle-Écosse, il y aura donc eu d'importantes opérations de restructuration, et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse adoptera une loi en mai 1995 et créera la nouvelle municipalité régionale de Halifax le 1er avril 1996, municipalité qui regroupera Dartmouth, Halifax, Bedford et l'ensemble des municipalités de la municipalité régionale de Halifax.

Voilà donc, M. le Président, des expériences qui se sont déroulées et qui ont amené à chaque fois les tribunaux à réitérer la jurisprudence à l'effet que toujours un gouvernement provincial détient le pouvoir de regrouper les municipalités. Alors, il y a eu plusieurs contestations. En Ontario, je l'ai citée; au Nouveau-Brunswick, il y en a eu une en 1998 également, et ça s'intitulait Citizens Against Amalgamation Committee contre le Nouveau-Brunswick, et au Manitoba également. Et donc, toujours les tribunaux, dans toutes les décisions judiciaires qui traiteront du sujet des regroupements imposés, confirmeront qu'un gouvernement provincial peut décréter des regroupements.

Ce n'est pas surprenant, dans un sens, M. le Président, puisque les frontières municipales ne sont pas inamovibles, elles doivent évoluer avec leur temps. D'ailleurs, M. le Président, sinon la société serait la somme, l'addition des intérêts particuliers, alors que la société, il y a un bien commun, un bien général. J'espère qu'on n'a pas, au Québec, malgré que l'opposition m'ait l'air d'être engagée dans la perte du sens du bien commun... mais j'espère qu'on n'a pas, au Québec, perdu le sens du bien commun. Le bien commun, ce n'est pas l'addition des intérêts particuliers, sinon pourquoi est-ce que les citoyens de l'Île-des-Soeurs, qui ont fait un référendum pour me demander, comme ministre des Affaires municipales, un décret leur permettant de se dissocier de la ville de Verdun en créant leur propre ville, ils n'auraient pas raison? Et pourquoi on pourrait, à notre époque où pourtant on est tellement interdépendants... pourquoi est-ce qu'on pourrait, à notre époque, ne pas se préoccuper du sort de ses voisins? Pourquoi est-ce qu'on prétendrait avoir un droit de veto pour maintenir le statu quo? Parce que, dans tous les cas des consultations qui eurent lieu récemment dans les municipalités, c'était pour dire non à une solidarité dans la gouverne municipale.

M. le Président, le temps de la concurrence entre les municipalités est terminé. La concurrence internationale est tellement rude, est tellement vive qu'il me semble évident qu'on ne doit plus gaspiller l'énergie, les ressources que nous avons comme société pour financer de la concurrence municipale. Et je dis que les prétendus auteurs qui comparent les municipalités à des entreprises pour prétendre qu'il y aurait un marché et que le citoyen serait un client, ils font fausse route complètement. Complètement. Ça ne se peut pas, on ne peut pas se laisser influencer à ce point-là par un courant qui est en train de gagner les rangs de l'opinion américaine.

Nos voisins américains, malheureusement, depuis bien des années, se retrouvent maintenant de plus en plus dans ce qu'on appelle les «gated communities», et on me dit qu'une partie importante du développement immobilier se fait au sein de villes presque privées. «Gated», c'est-à-dire des villes encerclées, avec leurs propres agents de sécurité, avec leurs écoles qu'ils construisent, leurs enseignants qu'ils embauchent, leurs temples qu'ils construisent, leurs pasteurs qu'ils embauchent, pensant se mettre à l'abri de la société. On ne se met pas à l'abri d'une société, M. le Président, on partage le même air, la même eau, le même environnement. Et, si on n'a pas des enjeux, si on n'a pas les valeurs communes d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement, de développement social, de développement culturel, alors on fait fausse route, parce que ce n'est pas dans l'isolement... Je crois vraiment, au contraire, qu'il y a un danger, un très grand danger de penser se protéger en s'isolant.

(15 h 40)

Alors donc, ça signifie quoi, M. le Président? Ça signifie qu'il faut se donner des conditions optimales de développement. Est-ce que, pour cela, il y a un nombre x de municipalités? Non. Mais, pour cela, ça signifie que partout au Québec on doit se poser la question: Comment est-ce qu'on veut être organisé pour les 30 prochaines années? Comment est-ce qu'on veut être organisé pour être capable de donner plus d'emplois à nos enfants, pour être capable de créer plus de prospérité, pour être capable de donner de meilleurs services à nos personnes âgées, pour être capable de se donner du transport en commun, pour être capable de protéger notre environnement, de se donner tous les services dont on a besoin, y compris ceux qui améliorent notre qualité de vie?

M. le Président, je crois que le Québec est prêt à cela. J'étais encore hier au congrès annuel de la FADOQ, la Fédération québécoise de l'âge d'or, qui fête son 30e anniversaire, et j'aurais souhaité que m'accompagnent les députés de cette Chambre, y compris les députés de l'opposition, pour voir à quel point les gens âgés souhaitent qu'il y ait du ménage qui se fasse, combien étaient nombreux, de toutes les régions du Québec, les gens qui me disaient: Ne lâchez pas, gardez courage, il faut le faire, le ménage, il y en a trop, de municipalités, ça n'a pas de bon sens qu'on continue comme ça. Les gens en sont conscients, comme ils sont conscients aussi des défis que va représenter la décroissance démographique dans notre société.

Il va falloir, à un moment donné, se secouer, M. le Président, puis prendre conscience qu'à chaque année pour les 10 prochaines années notre taux de croissance démographique fera 0,3 %, puis que, les 10 années subséquentes, ça sera 0,1 %. Ça signifie que, dans la grande région de Québec, le maximum d'augmentation de population pour chaque année, dans les 10 prochaines années, c'est 2 000 personnes, puis, pour les années suivantes, c'est 200 personnes par année de plus. Alors, dans un contexte comme celui-là, c'est certain qu'on n'est plus capable de s'éparpiller puis de se disperser, il va falloir se concentrer pour se développer puis pour continuer à développer nos services.

Alors, que faisons-nous avec le projet de loi qui est devant nous? Est-ce qu'on fait des choses exemplaires? Dans un sens, ça s'est fait souvent dans cette Assemblée nationale, alors ce n'est pas un précédent. Par exemple, M. le Président, en 1974, le gouvernement libéral présentait un projet de loi qui regroupait, forcées, une quarantaine de municipalités dans le Haut-Saguenay et dans l'Outaouais, et le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Goldbloom, disait: «Cette chose fondamentale est que le changement est toujours menaçant. Si l'on demande à une population de se prononcer d'une façon simple: Choisissez-vous le changement ou le statu quo? elle a tendance à dire: On est mieux de garder le statu quo. C'est une réaction bien humaine, mais il y a beaucoup plus de nuances à apporter à cette question. Je voudrais vous dire, en terminant, qu'à certains moments de l'histoire un gouvernement – et c'est toujours M. Goldbloom – doit avoir une vision et doit prendre ses responsabilités pour la transformer en réalité.» Alors, je pense que nous avons une vision pour l'avenir du Québec.

Dans un passé récent, le gouvernement du Parti québécois a toujours été à la hauteur des réformes qui étaient nécessaires en matière de territorialité. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à mon collègue le président du Conseil du trésor qui, avec courage, a mené des réformes à terme qui n'étaient pas simples, M. le Président. Quand on pense que l'opposition de l'époque, qui est la même que maintenant, l'opposition libérale, avait voté contre la Loi de protection du territoire agricole, contre la Loi d'aménagement et d'urbanisme, contre la création des MRC, s'était même engagée à les abroger, à les abolir lorsqu'ils arriveraient au gouvernement, ce qu'ils se sont bien gardés de faire quelques années plus tard. Ils ont voté contre la création des centres locaux de développement, et je comprends qu'ils s'apprêtent à voter contre la loi n° 124, M. le Président, et ils le feront, prétendront-ils, au nom des citoyens. Les citoyens, nous diront-ils, qui n'auront plus droit au chapitre, et ils prétendront que les citoyens avaient droit au chapitre, alors que, lorsqu'ils étaient au gouvernement, il y a 12 ans, en 1988, ils modifieront eux-mêmes la loi intitulée... sur les élections municipales et les référendums. Et donc, eux-mêmes modifieront la loi pour faire en sorte que dorénavant ce soit par résolution des conseils de ville seulement que les décisions de regroupement pourront se prendre.

Et, M. le Président, ce n'est pas vrai que les citoyens ont droit au chapitre, il n'y a que les conseils de ville. Donc, il y a 12 ans, le gouvernement de l'époque confiait aux seuls conseils de ville, n'est-ce pas, la responsabilité d'adopter ou pas des résolutions en matière de regroupement. Et j'ai ici une liste de consultations qui ont eu lieu et où la population a dit majoritairement oui à des regroupements: la population de Port-Daniel, à 63 %; de Sainte-Germaine-de-l'Anse-aux-Gascons, à 52 %; de Lytton, à 74 %; de Portneuf, à 52 %; de Saint-Joseph-de-Lanoraie, à 57 %, et toutes les autres; alors que la population disait oui et où jamais ces regroupements n'ont eu lieu parce que l'état de notre droit municipal fait en sorte que le conseil de ville décide. C'est le conseil de ville qui décide par résolution de procéder ou pas à une demande de regroupement.

Alors, ce que l'on dit maintenant, c'est que la Commission municipale du Québec fera les études, aura l'obligation... Nous allons modifier la loi de telle façon que l'obligation sera faite de consulter, de procéder à des auditions de citoyens et d'informer la population, mais il y aura recommandation de la Commission municipale, et le gouvernement prendra les responsabilités. De toute façon, M. le Président, où que ce soit et quelle que soit l'époque ou la période, c'est toujours les gouvernements qui, par décret, ont créé les municipalités.

Alors, M. le Président, je crois que cette réforme s'impose, qu'elle est attendue, qu'elle est souhaitée, et je crois que la population la sent nécessaire, la juge nécessaire. Est-ce qu'il y a un déni de démocratie parce que des maires de municipalités, qui prétendaient rendre décisionnelles leurs consultations à l'encontre de la loi, n'est-ce pas... Parce que ces maires de municipalités procèdent plus à des plébiscites, hein? Vous savez bien que ces consultations consistent essentiellement à faire valider, plébisciter la position des maires, alors est-ce qu'il y a déni de démocratie, M. le Président, à se mettre au-dessus de la mêlée et à décider que le bien commun...

C'est ici, dans cette Assemblée nationale, qu'il est arbitré, que ça demande du courage, que ça demande le sens des responsabilités, mais que nous n'allons pas y renoncer et que le gouvernement du Parti québécois qui, à maintes fois dans le passé, a démontré sa capacité de réunir les conditions de progrès pour notre société... M. le Président, je crois que, une fois de plus, la preuve sera donnée que le gouvernement de la modernité, c'est le gouvernement du Parti québécois. Je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole.

Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière d'affaires municipales, M. le député de Hull. M. le député.

(15 h 50)


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci bien, M. le Président. Donc, nous sommes ici aujourd'hui pour parler du projet de loi n° 124, un projet de loi qui regroupe 16 articles. Ce n'est pas immense comme projet de loi, mais 16 articles qui se résument à peu de mots, les voici: Toi, ferme-toi puis paie! C'est ça que c'est, le projet de loi n° 124. En 16 articles, on est en train de bouleverser le monde municipal partout au Québec avec la même médecine, une médecine de cheval, une médecine qui passe par-dessus les intérêts des citoyens, pour le bénéfice du gouvernement.

M. le Président, la ministre nous parle souvent qu'il est important d'avoir des changements dans le monde municipal. Nous souscrivons à cet énoncé. Mais là où on diffère, c'est que, selon nous, il ne faut pas que ça se fasse à n'importe quel prix, à n'importe quel prix économique et à n'importe quel prix démocratique.

Ce n'est pas vrai que les citoyens du Québec vont rester couchés à plein ventre alors que le gouvernement est en train de leur enlever un droit légitime de décider de l'avenir de leurs municipalités, droit qu'ils ont présentement.

Nulle part dans ce projet de loi le gouvernement n'est en mesure de garantir un résultat positif au niveau des taxes municipales. Est-ce que les citoyens vont payer moins de taxes municipales? La réponse, c'est: Non. Est-ce qu'on va écouter davantage les citoyens? La réponse, c'est: Non, M. le Président.

Lorsque la ministre nous a dit, en débutant son allocution: Écoutez, là, énervez-vous pas, il n'y a pas de liste préétablie de regroupements, il n'y a pas d'objectifs préétablis de regroupements, vous allez me permettre d'en douter, M. le Président. Pourquoi? Rappelons-nous, en décembre 1999, alors qu'on faisait le débat sur Mont-Tremblant, le gouvernement a décidé de forcer une fusion à Mont-Tremblant, puis je reviendrai tantôt sur les détails, mais il nous disait en cette Chambre: C'est un cas d'exception. Voyons, énervez-vous pas! Tremblant, c'est spécial. Il y a Intrawest là-bas. Ça ne sera pas une médecine partout au Québec. Puis on ne l'avait pas cru, en décembre, M. le Président, et on avait justement raison. Parce que, aujourd'hui, le projet de loi n° 124 fait à toutes les municipalités du Québec ce que le gouvernement a fait à Mont-Tremblant. Aujourd'hui, que la ministre nous dise: Il n'y en a pas, de liste, vous allez me permettre d'en douter, M. le Président.

Vous savez, on n'a seulement qu'une heure de débat. C'est très peu pour parler de l'ensemble des considérations qu'il y a dans ce projet de loi là. Ce n'est pas vrai qu'on va chambarder la vie municipale, partout au Québec, de 7 millions de citoyens puis qu'on ne dira pas un mot là-dessus. Ce n'est pas vrai qu'on enlève le droit légitime à une population de s'exprimer par voie référendaire puis qu'on ne dira pas un mot là-dessus. Ce n'est pas vrai que les citoyens vont voir leurs comptes de taxes augmenter puis qu'on ne dira pas un mot là-dessus.

M. le Président, c'est quoi, une ville? Y a-t-il quelqu'un qui nous écoute qui a déjà touché à ça, une ville? Est-ce qu'on sent ça, une ville? Est-ce qu'on voit ça, une ville? Non. Mais c'est tout ça, une ville. C'est tout ça, parce que les citoyens choisissent leur ville. Ils choisissent les niveaux de services qu'ils veulent. Ils choisissent le genre d'environnement qu'ils veulent. Ils choisissent la proximité, la situation géographique qu'ils souhaitent. Ils choisissent le genre d'environnement dans lequel ils veulent vivre. Est-ce que c'est du urbain? Est-ce que c'est du rural? Est-ce que c'est très densifié? Est-ce que c'est peu densifié? Est-ce qu'il y a des arbres? Est-ce qu'il y a des parcs? Est-ce qu'il y a des services de loisirs? Est-ce que mes enfants peuvent jouer au hockey? Est-ce que les personnes âgées peuvent jouer à la pétanque? Est-ce qu'il y a des centres communautaires? Est-ce que mes élus sont proches de moi? Est-ce que je peux parler au maire? Est-ce que je peux avoir une qualité de vie faite sur mesure pour les besoins des gens?

Bien, c'est ça, une ville. Les gens choisissent leur ville, M. le Président, pour toutes ces raisons, et aussi pour les niveaux de taxation qu'ils sont prêts à payer en fonction des services qu'ils reçoivent. Ce n'est pas vrai qu'une ville est imposée à un citoyen. Quand quelqu'un décide de construire ou d'acheter une maison, ce n'est pas en abstraction de la municipalité dans laquelle elle se trouve, c'est un mixte, c'est un mariage, M. le Président. C'est une mariage, parce qu'on ne peut pas différencier ça. La localisation d'une maison et la maison proprement dite, c'est un mariage.

Eh bien, une municipalité, M. le Président, c'est surtout et avant tout les gens qui l'habitent. C'est ce qui fait le noyau fort d'une municipalité, la collégialité, les associations de quartier, le fait qu'on a des ventes de garage puis qu'on se rencontre le samedi au parc, le fait que mon enfant soit capable d'être inscrit dans des sports d'équipe, individuels, qu'on ait de la sécurité dans notre municipalité, que le service d'incendie soit à proximité pour nous assurer une sécurité optimale. Ce sont tous des critères qui font que quelqu'un choisit sa ville, ne se la fait pas imposer.

Et le gouvernement, avec le projet de loi n° 124, veut imposer un modèle unique partout: Vous n'aurez plus le choix de vos services municipaux, nous allons vous les dicter; vous n'aurez plus le choix du genre de services que vous allez recevoir, on va vous les imposer; vous n'aurez pas le choix du niveau de taxation que vous allez payer, on va vous dire combien ça coûte. Il y a juste une constante, M. le Président, ça va juste coûter plus cher. Ce n'est pas moi qui le dis.

Si on analyse ce projet de loi tranquillement, attentivement, quels sont les objectifs du projet de loi? On va commencer par les objectifs non avoués. Selon moi, il y en a trois. Qu'est-ce qui n'est pas dit dans le projet de loi? Un, ça pave la voie au délestage de responsabilités du gouvernement du Québec. On le sait, c'est déjà arrivé dans le passé, et là on va grossir nos villes pour qu'elles soient en mesure d'assumer plus de responsabilités, donc plus de charges financières, donc plus de taxes municipales. Premier objectif du gouvernement.

Deuxième, pelletage de factures. Des municipalités ont choisi de se doter d'équipements, ont plus de difficulté que d'autres maintenant, alors on va répartir les factures. On va les passer, les factures, à tout le monde autour, puis, surtout, pas un mot là-dessus.

Finalement, on veut modifier, on veut dicter les milieux d'appartenance. Comme la ministre dit si bien: Le temps des fosses septiques puis des puits artésiens, c'est fini, ça, pour le gouvernement du Québec. Ça n'a pas de bon sens qu'il y ait des gens comme ça au Québec, on va régler ça. D'un trait de crayon, M. le Président, on va changer les limites géographiques des municipalités, et ça veut dire que, tout le monde la même assiette au beurre, tout le monde sera traité pareil.

L'objet même – et c'est cité dans le projet de loi et je vais vous le lire – du projet de loi me fait bien rigoler, parce que nulle part là-dedans on n'est capable de prouver qu'on atteint ces objectifs. Il faut le faire! Ça commence un peu mal pour un projet de loi. Alors, voici: L'objet – alors, les fusions forcées – c'est: «... afin notamment de favoriser l'équité fiscale et de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal».

M. le Président, pour les prochaines 40 minutes, je vais vous montrer pourquoi c'est impossible que ce projet de loi favorise un tel objectif. C'est impossible que le projet de loi, tel qu'il est inscrit, permette des économies, permette des meilleurs services, permette que le citoyen ait son mot à dire. C'est impossible.

(16 heures)

Et, vous savez, ça commence drôlement, M. le Président, ce projet de loi là. Le premier article, après l'objectif, dit: Vous, les citoyens d'une municipalité, les élus municipaux, on va vous aviser par la poste, par courrier recommandé, que votre municipalité cesse d'exister. Pas de coup de téléphone, pas de référendum, pas de consultation. Une lettre à la poste. On reçoit ça à l'Hôtel de ville et... Bang! La ville, c'est fini. Il n'y en aura plus, de ville. Ça, c'est la façon de procéder du gouvernement du Parti québécois. Et je vous lis l'article: «Le ministre peut, avec l'autorisation du gouvernement – ça, ça veut dire par décret, en arrière des portes closes – exiger, au moyen d'un écrit transmis par courrier recommandé ou certifié à certaines municipalités locales dont les territoires peuvent faire l'objet d'un regroupement, qu'elles lui présentent – à la ministre – dans le délai qu'il prescrit, une demande commune de regroupement.» Et ensuite, on continue. Si jamais il y a un refus, eh bien, évidemment, la municipalité n'a pas droit au chapitre. Conséquemment, en termes clairs, les gens qui nous écoutent, votre municipalité va disparaître, une fois qu'on aura reçu une lettre à l'Hôtel de ville, puis que la ministre actuelle dit: C'est fini, votre ville. C'est fini, elle n'existe plus. Ça, c'est l'objectif du Parti québécois.

Pour certaines municipalités, la ministre y a fait allusion, il y aura un rôle à jouer par la Commission municipale. La Commission municipale, ça, c'est des gens nommés, pas élus, c'est des gens nommés par le gouvernement qui auront à regarder des situations, avec un objectif clair de la ministre qui favorise les regroupements. Mais savez-vous ce qui est pire, M. le Président? C'est que les centres urbains importants, soit les communautés urbaines soit à Québec soit à Montréal ou en Outaouais, où le niveau de la population est le plus important, alors, ces trois communautés, les villes faisant partie de ces trois communautés métropolitaines n'ont pas accès à la Commission municipale. Alors, oui, la Commission municipale peut tenir des audiences, pas élargies, très restreintes, peut établir des audiences, mais les municipalités dans ces trois communautés métropolitaines n'ont pas accès à ces audiences.

Je veux maintenant parler, dans le projet de loi, de la question des employés municipaux. On se rappelle que l'objectif, c'est que ça coûte moins cher. Mais écoutez ceci, M. le Président. L'article 2 du projet de loi n° 124 dit ceci: Suite à une fusion, tous les employés conservent leurs privilèges. «Les fonctionnaires et employés de la municipalité dont le territoire est annexé totalement deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires et employés de la municipalité annexante et conservent leur ancienneté et leurs avantages sociaux.

«Ils ne peuvent être mis à pied ou licenciés du seul fait de l'annexion.» Ça, ça veut dire que tout le monde garde sa job. Deux municipalités se fusionnent, deux directeurs de l'urbanisme, les deux gardent leur job; deux directeurs généraux, tout le monde garde sa job; deux chefs d'incendie, tout le monde garde sa job. Ça se situe où, M. le Président, les économies? Ça se situe où, l'efficacité accrue?

Ce n'est pas juste ça. On continue. L'article 45 du Code du travail, le recours à la sous-traitance que tout le monde municipal réclame depuis fort longtemps, pas un mot dans le projet de loi. On a eu peur d'aborder l'article 45, on a eu peur de confronter les syndicats. Pourtant, le rapport commandé par le gouvernement actuel, le rapport Bédard sur la fiscalité municipale, disait, à la recommandation 104, et je cite: «Que le Code du travail soit amendé, préalablement à tout changement aux structures municipales, pour que les articles 45 et 46 ne s'appliquent pas aux cas de sous-traitance quand il s'agit d'une simple concession de fonctions de travail.» Qu'est-ce que ça veut dire? Eh bien, ça veut dire qu'il n'est absolument pas question de changer des limites municipales, territoriales, pour fusionner, si on ne peut pas régler la question du Code du travail avant. Tous les experts disent ça.

Il y a juste un groupe qui n'a pas compris ça, M. le Président, puis c'est le gouvernement. Eux ont décidé de ne pas amender 45 du Code du travail. Non, ça, ça serait l'outil ultime pour les municipalités, et on a décidé de s'en laver les mains: Arrangez-vous, vous autres, sur le terrain. On ne vous donne pas d'outils, on force vos fusions, on vous force les mains, mais on ne vous donne aucun outil pour gérer efficacement. Ça, c'est le courage du gouvernement d'en face.

Planchers d'emploi. Plusieurs municipalités sont aux prises avec des planchers d'emploi qui datent de fort longtemps. Il fallait régler ça. Ce n'est pas moi qui le dis. Le maire de Montréal, celui qui souhaite une île, une ville à tout prix, a dit notamment dans le rapport SECOR qui sous-tend toute l'analyse une île, une ville, disait ceci concernant les planchers d'emploi: «SECOR estime cependant que des économies de 100 millions de dollars dépendent aussi d'une politique accommodante de la part du gouvernement. En clair, le décret de fusion devrait libérer la nouvelle ville des planchers d'emploi contractés par les municipalités constituantes. Il faudrait également prévoir des mécanismes qui éviteront une course aux ajustements de conditions de travail vers le haut par une harmonisation progressive.» Le journal La Presse , le 4 septembre 1999, une citation du maire de Montréal.

Est-ce que le gouvernement a écouté? Non. Est-ce qu'on va être aux prises avec les planchers d'emploi? Oui. Est-ce qu'on vient régler, avec 124, cette question-là? Pas du tout. Tout le monde garde sa job. Tout le monde garde ses conditions de travail. Ça va juste coûter plus cher. Ça, c'est certain.

D'ailleurs, j'ai eu la chance d'interroger le président de la CSN en commission parlementaire. Il représente des travailleurs dans le monde municipal, lui. Je lui ai posé la question suivante, je vais vous la lire intégralement, c'est important. Alors, je m'adressais à M. Laviolette, président de la CSN, je lui demandais: «Les regroupements municipaux au Québec ne sont pas une occasion, selon vous, pour réduire les masses salariales dévolues aux employés municipaux au Québec, n'est-ce pas?» Sa réponse: «Bien, absolument pas, parce qu'on pense que ce n'est pas ça, le problème principal, premièrement. Et, deuxièmement, on est une organisation syndicale qui défend ses salariés. Si vous pensez qu'on va venir vous plaider ici pour fouiller dans notre portefeuille pour faire plaisir à certains élus municipaux, je pense que vous faites fausse route.» Commission parlementaire du 1er juin.

La CSN dit: Jamais on ne va négocier à la baisse des conditions de travail, même s'ils gagnent 29 % de plus que les employés au provincial. Jamais les syndicats vont s'asseoir à la table pour négocier une baisse. Tout le monde garde ses conditions de travail. Tout le monde garde sa job. Tout le monde garde ses avantages. Tout le monde garde les planchers d'emploi. Ça va être où, les économies? Poser la question, c'est y répondre.

Un autre bel article, un autre très bel article: S'il y a moins de 40 % de personnes non syndiquées dans une des deux villes, bien, la fusion occasionne automatiquement qu'elles deviennent syndiquées. Alors qu'une ville, présentement, qui s'entend avec ses employés, qui gère efficacement et qui se voit avalée par une autre municipalité, automatiquement c'est la syndicalisation. Je vais vous poser la question, vous, là, dans le public: Est-ce que vous pensez vraiment qu'une syndicalisation va faire en sorte que les conditions de travail vont baisser, que les salaires vont baisser? Non.

On dit aussi dans le projet de loi que toutes les négociations, les arbitrages pompiers-policiers, ça reste comme c'est présentement. Le monde municipal qui nous écoute, est-ce qu'on a souvent gagné, dans le monde municipal, des arbitrages contre les policiers-pompiers? Non.

Un autre article intéressant, ça dit que la masse salariale totale actuelle des deux municipalités, dans une nouvelle fusion, ça ne pourra pas augmenter. On va se comprendre, l'article dit que ça ne peut pas augmenter. Ça ne dit pas: Il faut que ça baisse. On dit: Ça ne peut pas augmenter.

Alors, je vais vous lire l'article: Pendant sa durée, elle ne peut non plus avoir pour effet, au titre de l'harmonisation des conditions de travail jusqu'alors différentes appliquées aux salariés qu'elle vise, d'augmenter le total des dépenses annuelles de la municipalité relatives, à l'égard de ses salariés, à la rémunération et aux avantages sociaux de la nature des dépenses suivantes»: les salaires, les primes d'allocation, les indemnités, les remplacements du salaire; les contributions de la municipalité, à titre d'employeur, aux régimes de retraite et d'assurances collectives et aux régimes publics, tels ceux de l'assurance maladie, de l'assurance emploi et le régime des rentes du Québec; les cotisations versées à la CSST, à la Commission des normes du travail; et les autres avantages sociaux.

(16 h 10)

Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire que deux cols bleus, suite à une fusion forcée, qui ne gagnaient pas le même salaire dans leur municipalité, vont être aux prises avec ce problème important dans la nouvelle municipalité: ces deux employés n'auront pas le même salaire pour le même travail. Et ça, ça va être facile à régler pour nos gestionnaires municipaux! Différentes accréditations syndicales, différentes conditions de travail, différentes conventions collectives, différents traitements, et on ne donne aucun outil aux élus pour gérer ce fouillis monumental le lendemain d'une fusion forcée. Et on nous dit que ça va coûter moins cher. C'est faux. C'est impossible. C'est mathématiquement impossible. Pensez simplement à ce qui va arriver aux régimes de retraite: surplus ou déficit actuariel. Une municipalité qui a un surplus, une autre qui a un déficit actuariel dans le régime de retraite, qu'est-ce qui arrive lors de la fusion? Pas un mot de la part du gouvernement. Arrangez-vous, vous autres, le monde municipal. Puis toi, le citoyen, paie. C'est ça qu'on dit.

Toutes ces conditions, c'est-à-dire celles que je viens d'énumérer, sont valables pour la première convention collective. Prenons mes deux cols bleus de tantôt, là: un qui gagne 32 000 $, l'autre gagne 30 000 $. Les deux sont des mécaniciens. Première convention, disons que ça reste comme ça. Après quatre ans, pensez-vous que le gars ou la femme qui gagne 32 000 $ va vouloir baisser à 30 000 $ ou pensez-vous plutôt que celui qui gagne 30 000 $ va vouloir monter à 32 000 $, alors que ça fait quatre ans qu'il perd 2 000 $ par année pour le même travail? Moi, je fais le pari qu'il va vouloir monter. C'est vous qui allez payer, toujours le même. Est-ce que le gouvernement a prévu ça? Bien, non, arrangez-vous, le monde municipal, puis toé, le citoyen, paie.

On dit aussi... Parce que, juste forcer des fusions, ce n'est pas suffisant, le gouvernement a décidé de sortir encore un autre bâton, la péréquation. Là, ça n'a pas de bon sens. Pourtant, au niveau fédéral, on est bien content de la recevoir parce qu'on est une province pauvre, parce qu'on n'est pas capable de créer de richesse, parce que le gouvernement est incapable de créer de l'emploi, par rapport au reste du Canada, on reçoit de la péréquation, nous autres, au Québec. Et là on est en train de dire aux villes: Non, vous autres qui en recevez, là, c'est fini, 36 millions de péréquation, on ne vous verse plus ça. Ça, c'est en plus – je vais y venir – de la facture de 1997, de la ponction de la TGE puis des équipements antipollution. Mais on va y venir, on a le temps encore.

Le pacte fiscal. Là, on va parler de chiffres, parce que, vous autres, vous avez payé, vous payez, les citoyens du Québec. Dans vos taxes municipales, chaque année vous payez pour l'incompétence de ce gouvernement de gérer les finances publiques. Le déficit zéro est le déficit réparti, ce n'est pas de la magie, là, c'est les citoyens du Québec qui le paient. En 1997, le monde municipal, une union, l'UMQ, a dit au premier ministre: Dans l'atteinte du déficit zéro, on va vous aider, le monde municipal est prêt à coopérer, on va signer un contrat. Chaque ville va faire un chèque au gouvernement du Québec. Le total de ces chèques représentait 356 millions de dollars, M. le Président – je répète, 356 millions de dollars – qu'on prenait sur vos taxes municipales et on faisait un chèque au gouvernement du Québec. Le monde à l'envers. On a fait ça en 1998 et en 1999. Le contrat disait: On fait ça pour deux ans ou l'atteinte du déficit zéro. Moi, j'ai déjà entendu le vice-premier ministre et ministre des Finances se lever en Chambre et dire: On l'a atteint. Tous les commentateurs ont dit: Oui, oui, dans les chiffres comptables, ils l'ont atteint. Alors, la bonne foi du gouvernement ferait en sorte que le contrat, c'est fini. Le monde municipal a contribué pour deux ans.

Eh bien, ce n'est pas ça qui est arrivé. Encore une fois, le gouvernement a renié sa parole et a dit au monde municipal: Non, non, non, non, c'était deux ans, mais on va reconduire ça pour une troisième année. Pourquoi? Parce qu'il a été incapable, ce gouvernement, de négocier un véritable pacte fiscal. Il a été incapable de négocier un pacte fiscal. Ils ont quitté la table en décembre dernier. Ils ont imposé 356 millions pour une troisième année. Le monde municipal n'était pas content, mais il a dit: Câline, on a un contrat, mes citoyens sont tannés de payer, ils ont payé durement, chèrement, financièrement, ils paient de leur santé, ils paient partout. On n'a plus d'argent dans l'éducation, on n'a plus d'argent dans les hôpitaux, les taxes municipales augmentent. Ça va arrêter quand, ça? Alors, le monde municipal a dit: Tiens, c'est un contrat, il y a un bris de contrat, on va poursuivre. Ah! là, ça n'a pas fait l'affaire du gouvernement, on osait contester. Puis, vous savez, contester au Québec, ce n'est pas accepté, ça. Que quelqu'un dise au gouvernement du Québec: On n'est pas d'accord avec vous, ce n'est pas accepté, ça. Ça, c'est des pas bons Québécois quand tu fais ça, tu n'es pas solidaire.

Eh bien, le gouvernement, considérant cette situation très précaire dans ce dossier-là, a décidé de trouver une nouvelle astuce. Le 14 mars, on l'a appris, c'était quoi, cette astuce-là. Le vice-premier ministre et ministre des Finances se lève et dit: Vous, là, citoyens du Québec, jadis nous vous redonnions la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité, pour environ 325 millions par année, taxe qui est due au monde municipal – puis je vais vous l'expliquer après, pourquoi – il a dit, le ministre des Finances: Cette taxe que je vous redonnais depuis 1980, c'est fini, je la confisque. Je mets la main dessus. Vous venez de perdre 325 millions à vie. À vie.

C'est quoi, ça, la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité? Vous qui nous écoutez, votre maison est évaluée, puis vous faites un chèque à la municipalité en fonction de la valeur. On dit: Votre maison vaut 100 000 $, fois le taux de taxe, x nombre de pourcentage, puis ça donne un montant, 2 000 $ de taxe. Alors, vous faites un chèque, parce que, votre maison, c'est relativement facile à évaluer. Mais ça vaut quoi, ça, un pylône d'électricité? Ce n'est pas facile à évaluer. Alors, le législateur, le gouvernement du temps avait dit: Bien, regarde comment on pourrait faire ça. Plutôt qu'évaluer le poteau, on pourrait charger ça en fonction des profits aux entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité. Pour simplifier l'affaire, on va parler d'Hydro-Québec. Alors, Hydro-Québec, pour ses poteaux, elle, elle payait aux villes un pourcentage de ses profits, et ça représentait environ 200 millions, 220 millions et quelques, sur le 325 millions, qu'Hydro-Québec versait au gouvernement, qui le retournait aux villes. Eh bien là, c'est fini.

Mais ce qui est outrageux, M. le Président, c'est que les profits d'Hydro-Québec vont faire ceci: ils vont croître de façon importante au cours des cinq prochaines années. Présentement – suivez-moi – ils versent 200 millions en fonction de profits de 900 millions. Combien verseront-ils quand les profits seront de 1,6 milliards de dollars, en 2004, tel que prévu par le ministre des Ressources naturelles? Bien, c'est deux fois plus, ça, M. le Président.

Alors, le monde municipal ne se fait pas jouer seulement que de 325 millions, mais de près de 500 millions, à échéance. C'est un manque à gagner pour vous, ça, les citoyens qui êtes dans vos salons. C'est vous qui payez ça de vos poches. Et toute cette histoire de pacte fiscal aurait pu régler de graves problèmes que les villes-centres vivent si on avait réglé un retour, par exemple un pourcentage de TVQ, si on avait dit que le gouvernement était un bon citoyen corporatif et payait l'ensemble de ses «en lieu» de taxes. Si c'étaient des choses sur la table, les villes-centres crieraient beaucoup, beaucoup moins. Mais non. Le gouvernement garde d'une poche et va chercher de l'autre. Et là ils vont nous dire qu'il y a un nouveau pacte fiscal qui s'en vient. Un bémol: il ne faut pas oublier que la TGE est toujours enlevée au monde municipal et que, selon les chiffres que l'on a obtenus, le monde municipal sera encore perdant de 1 milliard de dollars en huit ans malgré le fait qu'il y ait un pacte fiscal de négocié. Un milliard.

La ministre nous a parlé tantôt, M. le Président... Et je vois que le temps file. Dans le fond, les citoyens n'ont pas le droit présentement de s'exprimer sur l'avenir de leur municipalité. Oui. Pour un gouvernement qui est fou des référendums, c'est assez exceptionnel comme principe. Mais c'est quoi, la réalité? Mais ce n'est pas ça, la réalité. Présentement, un citoyen dans une municipalité a droit au chapitre de façon très directe pour approuver un règlement d'emprunt. Une municipalité qui déciderait de construire une caserne d'incendie, 2 millions de dollars, et la municipalité décide d'emprunter – parce que c'est un équipement avec une vie utile de 40 ans, il serait injuste de faire payer tout le montant à la même génération – et de l'amortir. Les citoyens peuvent dire: Non, non, non, on s'objecte au règlement d'emprunt par voie décisionnelle, par voie référendaire. Ils peuvent dire ça. Ça, c'est actuellement. Ils peuvent dire non aussi, par voie de référendum, à un changement de zonage. Vous êtes dans un secteur résidentiel, le gouvernement prévoit construire, pas le gouvernement mais n'importe qui prévoit construire quelque chose qui n'est pas compatible avec votre zonage, vous pouvez, comme citoyen, présentement, vous exprimer par référendum pour dire: Ça n'a pas de bon sens. Vous avez ce privilège-là présentement. Et vous avez aussi ce privilège-là quand il s'agit d'annexion. Et là on tombe dans du technique.

(16 h 20)

Mais j'aimerais ça, moi, qu'on m'explique la différence entre une annexion totale d'un territoire et une fusion. C'est quoi, la différence? Alors, j'ai la municipalité A qui décide d'annexer totalement la municipalité B. Là, la loi est claire, la municipalité B peut dire: Il n'en est pas question, par voie référendaire, et le référendum est décisionnel. Alors, on change juste le mot puis on dit: La municipalité A décide de fusionner la ville B, et le gouvernement se cache derrière les lois en disant: Vous n'avez pas le droit de vous opposer. Vous pouvez bien en tenir, des référendums, mais je ne vous écouterai pas. Pourquoi je vous écouterais? Je ne vous écoute dans rien d'autre: je ne vous écoute pas plus dans la question de la Régie de l'énergie, je ne vous écoute pas plus en matière de santé, en matière d'éducation. Je ne vous écoute jamais! Pourquoi vous écouter en ce qui a trait à des annexions totales de territoires?

Mais, savez-vous, M. le Président, le législateur québécois, quand il a mis ces trois dispositions dans la loi, c'était clair, l'objectif: s'il y a une décision d'un conseil municipal qui affecte de façon importante les générations futures, il faut que les citoyens aient droit au chapitre. Et ça fonctionne très bien. Il n'y a pas abus de ce système-là, bien au contraire. Mais, s'il y a quelque chose qui va affecter de façon importante l'avenir des citoyens, c'est bien quand on va leur dire: Vous n'êtes plus dans telle municipalité, vous êtes maintenant dans celle-ci; vous n'êtes plus dans Anjou, vous êtes dans Montréal; vous n'êtes plus dans Aylmer, vous êtes dans Hull; vous n'êtes plus dans Sainte-Foy, vous êtes maintenant à Québec. Une municipalité, ça ne s'impose pas sur un citoyen. Le citoyen doit la décider, doit décider de ce lieu d'appartenance, de cette résidence.

La ministre, pour un peu se débarrasser de cette patate chaude, quand vient le temps de parler de référendum en matière de zonage, d'emprunt et d'annexion, nous dit – parce qu'il y en a eu, des référendums, dernièrement sur cette question dans différentes municipalités du Québec – premièrement: Ah! mais, vous savez, les taux de participation ne sont pas très forts, donc je ne serais pas tenue du résultat. On lui a posé la question: C'est quoi, le niveau que tu souhaites pour respecter le résultat référendaire? Est-ce que 10 %, c'est suffisant? Est-ce que 20 %, c'est suffisant? 30 %, 50 %, 60 %? Dites-nous-le! Les citoyens sortiront.

Ah non! Non, non. Là, elle se voyait coincée, puis elle a dit: Oui, O.K., je change mon idée. Ce n'est plus les niveaux, là, pour les référendums. Vraiment, ce qui doit arriver, là, c'est qu'on doit absolument, M. le Président, avoir les comités du Oui et du Non. Ah bon! Alors, je lui ai demandé: Très bien, Mme la ministre, faites juste me montrer ça dans la loi. C'est où, ça, dans la Loi sur les élections et les référendums qu'il doit y avoir absolument les deux comités? Évidemment, elle était incapable parce que ça n'existe pas. Ah bon! Même chose pour le financement du camp du Oui et du Non, incapable de nous démontrer cela. Si c'est ce qu'elle souhaite, qu'elle fasse une modification à la loi, c'est elle qui est au pouvoir! Qu'elle change la Loi sur les élections et référendums pour obliger qu'il y ait des comités du Oui et du Non, qu'on balise le financement. Elle a oublié de dire aussi qu'avec les revenus de taxes de tous les Québécois elle finançait les options des pro-fusions forcées via les villes-centres. Ça, elle n'en a pas parlé.

Mais, lorsqu'on lui a dit: Oui, mais là vous voulez des comités du Oui et du Non. Sur la couronne nord de Montréal, il va y avoir un référendum, puis ils ont de la difficulté à trouver une porte-parole pour le comité du Oui, ils ne sont pas capables. Alors, Mme la ministre, on vous offre la présidence du comité du Oui. Venez nous expliquer, sur la couronne nord, pourquoi vous pensez que toute cette réforme est si bonne. On vous donne la présidence du comité du Oui et on va faire une bonne bataille, là, démocratique. Le monde ne votera pas en bloquant des routes, là, il va aller voter dans un isoloir. Ils vont voter avec un crayon puis ils vont dire, oui ou non, s'ils veulent une réforme de ce genre-là. La ministre a refusé: Non, non, non, moi, je ne m'abaisserai pas à aller expliquer ça. Ça, c'est l'opinion de la ministre. Non, la présidence du comité du Oui, ça ne l'intéresse pas.

Mais vous savez que je peux comprendre pourquoi le gouvernement est assez mal à l'aise dans toute cette réforme, parce que c'est loin d'être certain que tout le monde est unanime, loin d'être certain, M. le Président, et je vais passer avec vous quelques citations. Le temps file, mais ça vaut la peine. Alors, un péquiste notoire disait ceci: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec seulement 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier, ces fusions, en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Ça, c'est Jacques Parizeau qui disait ça le 3 mai 1997.

Je vais vous lire quelque chose d'autre. Ça, c'est plus récent. «Je ne pense pas que le législateur – ça, ça veut dire le gouvernement du Québec – doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Ça, c'est le premier ministre qui a dit ça, le député de Jonquière, qui, lui, a dit: Ouais, ce n'est pas bon pour ma région, ça, là. Nous autres, on a des valeurs bien différentes puis on a une culture différente. Si la ministre veut en forcer, qu'elle les force ailleurs, mais pas chez nous. Lui, c'est un député qui s'est tenu debout, hein, quand il a déclaré ça. Il n'y en a plus beaucoup de ce côté-là qui se tiennent debout.

Le député péquiste de Joliette disait ceci: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Le ministre des Transports au cabinet.

Le député de Borduas et président de l'Assemblée nationale, lui, c'est un homme qui voulait respecter les référendums, alors il est allé voir la ministre puis il a dit: Aïe! moi, j'ai un problème de conscience avec ça. Je pense que les citoyens devraient s'exprimer librement, comment est-ce qu'on va faire ça? Fais-toi-z-en pas, j'arrange ça. Voici ce qu'il dit, le député de Borduas, concernant la fusion de Mont-Saint-Hilaire avec Otterburn Park. Le député dit: «Peu importe le résultat, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle de Mont-Tremblant, où la fusion pourrait être imposée.» Il ajoute que plusieurs citoyens de Mont-Saint-Hilaire et d'Otterburn Park ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales qui affirmait que les référendums n'étaient que consultatifs.

Le député de Saint-Jean dit ceci: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté, les gens doivent adhérer au projet. Ça doit être leur volonté, on doit avoir leur consentement.» Le député de Saint-Jean, député du Parti québécois.

Maintenant, le député d'Iberville disait ceci à propos du projet de loi n° 194 qui traitait notamment d'une fusion volontaire: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.» Le député d'Iberville. Il est encore ici, le député d'Iberville, qu'est-ce qui se passe?

Le député de Marguerite-D'Youville nous a dit, suite à une rencontre avec les parlementaires de l'Ontario... La ministre a fait référence à ça, et j'y arrive. Et j'espère avoir assez de temps, mais la ministre a fait référence à la question de l'Ontario, et je vais l'aborder. Mais le député nous disait ceci: «Le message fondamental que nous donnent nos amis ontariens, c'est qu'il y a, oui, des avantages aux fusions, mais c'est beaucoup mieux si ces fusions émanent de la base, résultent d'une volonté de fusion plutôt que d'une imposition par voie légale.» Le député n'hésite pas à se distancier de son gouvernement en confessant qu'il approuve la tenue de référendums dans les municipalités sur les fusions, à condition que la participation à ces consultations soit élevée et que partisans et opposants aient l'occasion de s'exprimer.

En faisant une fusion forcée, le Parti québécois ferme le débat, ferme les discussions. Il n'y en aura pas, de débat, la décision est prise, il va y avoir une fusion forcée.

La députée de Blainville: «Je pense aux citoyens – lance la députée de Blainville. Si ça se traduit par une augmentation de taxes, je ne suis pas sûre que je leur rends service.» Et elle a raison.

Le député de Masson: «On fait notre travail de député, renchérit le député péquiste de Masson. On est conscients des réticences de notre population et, à partir de ça, on va faire valoir notre point de vue.» Je peux continuer, il y en a tellement.

(16 h 30)

Le député péquiste de Frontenac: Estimant que c'est à la population de décider de leurs regroupements, le député de Frontenac se dit d'accord avec les regroupements proposés dans le comté, à la condition que les études soient faites par les municipalités, soit par la Commission municipale du Québec, et qu'ils présentent un rapport positif des avantages que la population retirera d'un tel regroupement, tant au niveau du développement économique que de l'équité fiscale. Du même coup, le député se dit en désaccord avec les fusions forcées, un député du Parti québécois. Alors, M. le Président, vous pouvez voir la dissension qui existe au sein du caucus du Parti québécois. Et là ils ont eu une ligne, la même ligne que tous les citoyens du Québec: Toi, tais-toi! Pas plus les députés du Parti québécois que les citoyens n'ont un mot à dire dans ce projet de loi. On ne veut pas leur avis. Le gouvernement veut leur bien, veut le bien des citoyens, et il l'aura avec ce projet de loi. Vous allez le payer de vos poches, ce bien-là.

D'ailleurs, on a offert au premier ministre toutes les occasions au monde pour nous dire: Oui, oui, oui, mon projet de loi va favoriser les économies. Il est incapable de se lever en cette Chambre pour nous dire qu'il y aura des économies. La ministre des Affaires municipales est incapable de se lever en cette Chambre pour nous dire qu'il y aura des économies. Qu'on prenne l'exemple qu'on voudra, que ce soient les fusions à Baie-Comeau–Hauterive, que ce soit la fusion initiale de Montréal, que ce soit à Laval, que ce soit ailleurs, il n'y en aura pas, d'économies.

D'ailleurs, on a appris tantôt, je vous disais, la CSN... Mais les pompiers en Outaouais récemment – en fait, ce matin – sortaient publiquement en disant ceci, le Syndicat des pompiers de Gatineau qui est d'accord avec une fusion, en passant, très d'accord, et vous allez voir pourquoi: «Nous ne sommes pas prêts à perdre les conditions de travail qu'on a gagnées au cours des années.» C'est pour ça qu'ils sont d'accord. Ils vont juste aller à la hausse sur les conditions de travail parce qu'ils vont prendre la meilleure des trois conventions collectives. On ne peut pas les blâmer.

Alors, parlant d'ailleurs, l'expérience de Baie-Comeau. Jacques Desbiens, professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi, dit ceci: «Encore une fois, dans ce cas, ce n'est pas en ce qui concerne les économies d'échelle que la fusion de Baie-Comeau–Hauterive peut être citée en exemple.» Fusions à New York, aux États-Unis particulièrement, mais, depuis 1898, il n'y a pas eu de regroupement municipal à grande échelle imposé par loi aux États-Unis, et ça, c'est Andrew Sancton qui nous dit cette réalité.

Lorsque la ministre décide de se comparer à l'Ontario, peut-être qu'on peut regarder aussi avec nos voisins du Sud alors que c'est la tendance inverse qui se passe là-bas. Est-ce que je peux comprendre que l'économie va si mal que ça aux États-Unis? Je suppose que la région de Boston, ça ne se développe pas, ça? Je suppose que la seule façon de développer notre économie, nous autres, là, c'est en mettant à terre nos municipalités, en bafouant le droit démocratique des citoyens? C'est la seule façon dont le Parti québécois est capable de stimuler l'économie? Voyons donc! Voyons donc, M. le Président! Aujourd'hui, la ville de Boston est plus petite en termes de superficie que ses voisines, mais pourtant elle ne représente que 20 % de la population de l'ensemble de l'agglomération bostonnaise puis l'économie est en plein essor là-bas. Pourquoi ça marche, là-bas?

Vous savez, la moyenne de population, on peut bien dire qu'il y a beaucoup de municipalités au Québec. Oui, il y en a beaucoup. Puis? Puis après? La moyenne par municipalité au Québec est de 5 300, mais, aux États-Unis, elle n'est que de 3 000. Il y a plus de monde dans nos municipalités, M. le Président, qu'aux États-Unis.

On a beaucoup parlé de l'Ontario; parlons-en. Parlons-en, de l'Ontario. Alors, les députés, incluant les députés au pouvoir, du Parti conservateur, sont venus nous dire ceci le 31 mars: «Il faut cesser de présenter les fusions comme une source d'économie. C'est souvent le contraire qui se produit. Deux ans après la création de la mégaville de Toronto – le modèle par excellence de la ministre – l'enthousiasme de plusieurs députés à l'Assemblée législative ontarienne pour les fusions municipales s'est refroidi. Entre une rage de dents et de nouveaux regroupements, plusieurs choisiraient sans hésiter la première option – c'est un mal de dents.» Ça, c'est les députés de l'Ontario qui nous disent ça. Ça, c'est le modèle qu'on veut imiter. C'est des députés au pouvoir, c'est le président de l'Assemblée législative qui nous a dit ça, M. le Président, à quelques nuances près.

Quelle que soit leur étiquette politique, les députés ontariens s'entendent sur une chose, il est illusoire de regrouper des municipalités en pensant réaliser des économies, du moins à court terme. Selon eux, une fois passée dans le tordeur des innombrables conventions collectives à uniformiser, la nouvelle ville se retrouve avec une facture plus imposante qu'avant. À Toronto, il n'y a pas eu de réduction de personnel ni de réduction de coûts, assure le président de l'Assemblée législative ontarienne, Gary Carr. Son collègue le député de Glengarry–Prescott– Russell, Jean-Marc Lalonde, abonde dans le même sens. Il nous dit qu'il faut cesser de dire qu'il s'agit d'économies, ça entraîne plutôt une augmentation de taxes, M. le Président.

Que la ministre, au moins, regarde ces déclarations. Elle vante les mérites de la mégafusion à Toronto. Elle comprend mal qu'on n'est pas parti du même endroit et qu'il y avait une région métropolitaine avec pouvoir de taxation, pouvoir électif également, et surtout que l'Ontario n'était pas aux prises avec un Code du travail aussi contraignant qu'au Québec. Ça, elle l'ignore, elle en fait fi. Et surtout elle ne veut pas regarder ailleurs. Mais, tant qu'à regarder l'Ontario, je lui suggère quelque chose, qu'elle regarde donc le niveau d'impôts, qu'elle baisse donc les impôts de 30 % comme ils le font en Ontario, puis on reparlera d'autres choses après.

Le député John O'Toole, député de Durham Est, adopte un ton plus sarcastique: «Plus c'est gros, moins ça veut rendre des comptes. À partir de certaines dimensions, les administrations deviennent moins efficaces. Les fusions sont d'abord orchestrées par les bureaucraties qui veulent augmenter leurs pouvoirs.» Les citoyens ne s'y retrouvent plus, M. le Président. Sans déconseiller au gouvernement de poursuivre ses projets, M. Beaudoin a invité ses homologues à la prudence: «Vous devez être attentifs. L'impulsion première doit venir du provincial, mais les choses doivent se décider localement», un avertissement qui n'a pas décontenancé le président de la séance, le député péquiste de Marguerite-D'Youville. Alors, ce qu'il dit, c'est: «Nos collègues nous ont mis en garde contre la tentation de réaliser des fusions pour des mauvaises raisons, comme l'objectif de la fusion qui est identifié dans le projet de loi n° 124. Ils ont rappelé que les fusions ont un prix: elles n'amélioreraient pas nécessairement la vie démocratique municipale et elles n'engendreraient pas nécessairement une diminution de dépenses.»

Il faudrait regarder à Toronto combien de millions de dollars ont été dépensés pour favoriser cette fusion. Certains parlent jusqu'à 700 millions de dollars. Et pourtant le citoyen n'a pas sauvé un sou noir sur son compte de taxes. Et, c'est drôle, quand tout le monde s'est levé, de l'autre côté, pour applaudir l'arrivée de Nasdaq à Montréal... Comment se fait-il que Toronto ne l'a pas eue si elle était si bonne que ça avec une fusion, une mégacité? Comment ça se fait que Toronto ne l'a pas eue? Donc, on prouve que ce n'est pas une opération sine qua non, ça dépend du dynamisme des municipalités bien plus que de sa taille.

D'ailleurs, pourquoi ville Saint-Laurent est si prospère en termes de développement économique? D'ailleurs, en parlant de la région métropolitaine, c'est assez aberrant de voir qu'on est en train de débattre d'un projet de fusion forcée au moment même où est-ce qu'on discute de la création d'un conseil métropolitain qui n'a rien de décidé, que les discussions ont cours, que les discussions sur les équipements régionaux ont cours, qu'on est en train de discuter des structures et que la ministre, d'un coup de baguette magique, arrive en pleine Assemblée nationale et dépose le coup de massue fatal en disant: Il y aura des fusions forcées partout au Québec, incluant la région de Montréal. C'est bon pour les discussions, ça, M. le Président.

Mais je peux comprendre, savez-vous, pourquoi la ministre a dit ça. Ce que les villes-centres nous ont dit... Parce que, elles, elles s'assoient à la table pour discuter honnêtement, candidement de la régionalisation puis d'une ville-région plus forte, principe auquel on souscrit, sauf que les villes-centres ont peut-être un autre agenda. Elles disent: «La création des communautés métropolitaines et le renforcement des communautés et des MRC ne doivent pas se retrouver en contradiction avec l'objectif de regroupement des municipalités locales. S'en remettre à la fiscalité d'agglomération uniquement, au renforcement des MRC ou à la création des communautés métropolitaines sans réaliser des regroupements importants de municipalités ne contribuerait que partiellement à la rationalisation des services et des équipements ainsi qu'à l'émergence d'une vision commune et d'une unité d'action dans nos agglomérations.»

Et pourtant tantôt la ministre nous a dit: Il n'y a pas de mur-à-mur. Bien voyons donc! Tout est commandé d'avance, M. le Président. Préparez-vous, les gens dans la région de Montréal, que ce soit Anjou, ville Saint-Laurent, il y aura des fusions. Préparez-vous à Québec, il y aura des fusions. Et, en Outaouais, il y aura des fusions partout sur le territoire et en région aussi. Pourtant, il y a plein de mythes qui guident le gouvernement, il n'y a rien de validé. Il y en a qui ont étudié ça puis ils s'expriment là-dessus. Jacques Desbiens, je vous le disais: «L'idée que les fusions conduisent systématiquement à une réduction des dépenses est un mythe qui ne résiste pas à l'examen des faits.» Ça, c'est un gars qui a passé sa vie à regarder le monde municipal. Selon lui, ça n'a pas de bon sens d'invoquer l'économie comme la ministre le fait dans le premier «attendu». Le premier objectif du projet de loi, c'est pour faire des économies? Il n'y a personne qui dit que ça tient la route, c'est impossible.

(16 h 40)

Puis, en plus, on bafoue le monde, on bafoue l'opinion démocratique du monde pour arriver à des fins qui ne sont pas évidentes. François Desrosiers, professeur à l'Université Laval, dit ceci: «L'argument qui veut que les municipalités québécoises soient trop nombreuses et trop petites peut donc être sérieusement remis en cause. Le simple fait que des regroupements municipaux aient été réalisés ailleurs au pays ou à l'étranger n'est pas en soi une preuve de l'efficacité de cette approche et ne permet donc pas d'en conclure que c'est la voie à suivre.»

Ce qu'on est en train de faire, M. le Président, c'est que, avec l'incapacité du gouvernement de créer de la richesse, avec l'implication du gouvernement dans le secteur privé pour soutenir des jobs qui existent déjà, pour investir là où on n'a pas besoin d'investir puis pour puiser là où est-ce qu'on devrait investir, soit la santé, parce qu'on est incapable de créer cette richesse, on a décidé d'étaler la pauvreté. On a décidé de prendre une pochette de pauvreté et, au lieu de s'y attaquer, on a dit: On va briser l'abcès puis on va le répartir partout sur les régions. C'est prendre le problème à l'envers, ça.

Il faut aussi reconnaître que, si être gros, c'est meilleur, pourquoi Montréal a tant de difficultés? Si gros, c'est meilleur, pourquoi nos villes les plus grosses sont celles qui revendiquent d'être encore plus grosses? Pourquoi Kanata s'est développée comme Kanata s'est développée dans la région d'Ottawa-Carleton avec Ottawa beaucoup plus grosse juste à côté? Pourquoi? Pourquoi ville Saint-Laurent se développe comme ça? S'il y a des problèmes de gestion dans les plus grosses villes, il faut leur donner des outils de gestion. Comme le maire Bourque le réclamait, il faut abolir les planchers d'emploi, il faut modifier le Code du travail. Est-ce que le gouvernement fait ça? Au contraire, il ne le fait pas.

Un autre mythe, la question du logement social. Soyons clairs, les municipalités au total au Québec paient 23 millions de dollars pour éponger 10 % du déficit du logement social et reçoivent en compensation 50 millions de dollars en taxes municipales. Ça ne prend pas un gros calcul pour voir qu'elles ne laissent pas l'argent sur la table. Mais, plus que ça, M. le Président, le logement social, les gens qui y ont accès doivent résider dans la municipalité qui y contribue au moins 12 mois avant. Ça veut dire que ça a créé de la... des gens qui sont sur le territoire. Ce n'est pas indéniable, ça? Il faut le calculer.

On parle de développement économique, M. le Président – et le temps presse. On parle de développement économique international. Il existe des agences, justement. On n'a pas besoin de fusionner pour ça, il suffit d'avoir un organisme régional fort qui fait du développement, et ça, c'est sain. On parle d'étalement urbain – et je me presse. On peut décrier l'étalement urbain. Premièrement, faut-il le définir? On peut le décrier, mais c'est quand même le gouvernement qui décidait d'ouvrir des écoles, qui va décider d'investir des millions pour un hôpital à Lachenaie. C'est quand même eux qui font ça.

On ne peut pas crier d'un côté de la bouche en disant: C'est épouvantable, puis, d'un autre côté, aller ouvrir des écoles tout le temps. Alors, il faut être responsable. Qui a voté un programme Corvée-Habitation alors que les députés étaient tous debout pour applaudir? C'est quand même eux qui ont fait ça qui a fait que le monde s'est éloigné du centre-ville. Et, même si je change de limites demain matin, est-ce que vous pensez que l'école ne sera plus là? Est-ce que vous pensez que les citoyens vont tout à coup déménager? Est-ce que vous pensez que les bungalows qui sont bâtis sur la couronne nord ne seront plus sur la couronne nord? Voyons donc! Voyons donc, M. le Président!

Et là je pourrais parler du mépris du Parti québécois quand on utilise des termes absolument incroyables pour décrier ceux qui ne pensent pas comme eux: terrorisme économique, considérations mesquines, référendums bidon, petite politicaillerie, les élus municipaux protègent des intérêts égoïstes, et il y en a, et il y en a. Quand on n'est pas de leur avis, on n'est pas des bons Québécois. Ce n'est pas correct, ça, M. le Président, parce que, en démocratie, on peut exprimer ce qu'on pense, puis c'est justement le débat d'aujourd'hui.

On est en train de dire au monde qu'il ne peut plus exprimer ce qu'il pense. Bien, M. le Président, moi, je veux vous dire en terminant que, pour nous, au Parti libéral, le citoyen doit être au coeur de nos décisions et, pour nous, on ne peut pas brimer le droit démocratique de quelqu'un de s'exprimer sur l'avenir d'une situation aussi importante que l'avenir de sa municipalité. Nous, on ne pense pas que c'est des parasites, les gens qui ne vivent pas au centre-ville de Montréal ou qui ne vivent pas au centre-ville de Québec. Ce ne sont pas des parasites, ce sont des citoyens à part entière.

Oui, ils ont un effort régional à faire, mais est-ce qu'ils doivent sacrifier leurs municipalités pour le faire? Est-ce qu'ils doivent arrêter de parler au nom de leurs municipalités? Est-ce qu'ils doivent dire à leurs élus municipaux: Couche-toi devant le gouvernement? Non, M. le Président. Ils ont droit au chapitre. Ils peuvent et doivent se tenir debout et dire à ce gouvernement que c'est des citoyens responsables et qu'ils doivent avoir droit au chapitre en ce qui a trait à l'avenir de leurs municipalités. Ce n'est pas vrai qu'on va changer l'ensemble des données qui gèrent leurs municipalités, la qualité des services, la quantité des services, le niveau de taxation sans qu'ils disent un mot. Les Québécois ne sont pas comme ça, ils n'accepteront jamais ça.

Puis ce n'est pas vrai qu'en votant le projet de loi n° 124 on va refaire l'histoire au Québec, le rôle névralgique que nos communautés ont eu dans le développement du Québec. Ce n'est pas vrai que, d'un trait de crayon, on va changer des limites qui vont changer l'histoire. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Les citoyens du Québec, partout où ils se trouvent, sont à part entière Québécois, puis ce n'est pas parce qu'ils sont d'accord ou contre un regroupement, ce n'est pas parce qu'ils sont d'accord ou contre un projet de loi qu'ils sont des moins bons Québécois. Ils doivent avoir voix au chapitre, M. le Président.

Mais le projet de loi nous donne des citoyens perdants à deux niveaux. Ils vont perdre au niveau économique parce que ça va leur coûter plus cher, c'est démontré par quatre. Tous s'entendent pour dire que les citoyens vont payer plus cher. Les syndicats ne sont pas prêts à accepter une baisse de régime, il n'y a personne qui va perdre son emploi, les conditions de salaire vont être identiques et mieux et les protections minimes qu'ils ont vont durer pour quatre ans. Après ça, bonne chance, c'est la loterie ouverte. Alors, il est clair que les citoyens ne peuvent pas accepter cette façon de gouverner.

Pour nous, les valeurs libérales sont claires, il faut mettre les citoyens au coeur de nos préoccupations, au coeur des décisions. Il faut faire ça pour le citoyen, il faut faire ça pour celui qui paie la note, qui a le droit de choisir s'il veut avoir une fosse septique, puis s'il veut avoir deux, un ou pas de trottoirs, puis s'il veut avoir un éclairage public ou non, puis s'il veut avoir des parcs ou non, puis s'il veut avoir une école de hockey ou une équipe de hockey pour son enfant ou non. C'est ça, le choix. On n'est pas rendu à ce point, au Québec, qu'on est en train de dicter jusque dans la chambre à coucher, je ne peux pas croire?

M. le Président, il ne reste que trois minutes. Avec le projet de loi d'aujourd'hui, le Parti québécois ferme le débat, il met des cadenas sur l'expression de l'opinion publique, il met des cadenas sur les tenants du pour et du contre, il souhaite que tout le monde passe dans le même malaxeur, il souhaite que ce soit une solution imposée d'en haut, et seulement lui connaît le véritable bien commun. Et le bien commun, ce n'est pas juste le bien de certains individus, comme se plaît à dire la ministre, c'est le bien de tous les citoyens, peu importe où ils se trouvent sur le territoire. Le bien commun, ça ne réside pas dans seulement quelques maires du Québec, ça réside dans tous les citoyens partout sur le territoire. Il faut leur donner droit au chapitre.

Pourtant, provenant d'un gouvernement qui est fou des référendums, qui n'accepte pas une fois le verdict, pas deux fois le verdict mais qui s'apprête à l'accepter une troisième fois, de faire la leçon au monde municipal pour se faire dire: C'est fini, les référendums, vous n'avez pas le droit de vous exprimer, ça prend du cran, M. le Président, venant d'un gouvernement qui est fou de ce mécanisme.

M. le Président, je suis fier de faire partie du Parti libéral du Québec qui défend l'autonomie du monde municipal, qui souhaite donner les outils au monde municipal pour qu'il soit un véritable acteur de changement et de développement tant social qu'économique, mais je suis surtout fier de faire partie d'un parti libéral du Québec qui a à coeur les citoyens du Québec, qui a à coeur les intérêts supérieurs du Québec et qui croit qu'il faut donner la parole aux citoyens du Québec quand vient le temps de changer les limites du territoire dans lequel ils habitent. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Hull, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant.

M. Williams: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Williams: En vertu de l'article 213, je voudrais...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 213. Est-ce que, M. le député de Hull, vous permettez au député de Nelligan de vous poser une question en vertu de l'article 213? Est-ce que vous permettez?

M. Cholette: Avec plaisir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député de Nelligan, votre question doit être brève, très brève, et la réponse également. M. le député de Nelligan, vous avez la parole.

(16 h 50)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Très brève. J'ai écouté attentivement le discours sur 124 et je voudrais avoir une réponse à la question suivante, et c'est une question pratique sur une de mes municipalités, Baie-d'Urfé. Je voudrais demander au député: Pour une ville, une belle ville comme Baie-d'Urfé, 3 800 personnes, avec un parc industriel florissant, un zonage 15 000 pi² minimum, avec une implication communautaire, un statut bilingue, je voudrais savoir qu'est-ce qui se passe pour cette municipalité si la loi n° 124 est adoptée. C'est quoi, l'impact sur la qualité de vie de cette municipalité? Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député de Hull, la réponse à la question. La réponse doit être brève.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, j'apprécie la question du député et je voudrais le féliciter pour cette question, puisqu'il a à coeur les intérêts de ses citoyens. Concernant Baie-d'Urfé, évidemment que le projet de loi n° 124 va être dévastateur pour cette région, dévastateur parce qu'il va anéantir tout ce que les citoyens ont bâti depuis fort longtemps. Il va mettre en péril le statut linguistique de cette municipalité et la qualité des services qui sont offerts aux citoyens.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député. Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je voudrais une clarification réglementaire, M. le Président: Est-ce qu'il est possible que, en vertu de 213, question et réponse s'échangent entre députés d'une même formation?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur la question, M. le whip en chef de l'opposition officielle.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Je suis, d'une certaine façon, heureux que le leader intervienne à ce moment-ci. La présidence, occupée par quelqu'un d'autre, la semaine dernière – je pense que c'était vendredi – a eu à analyser une autre question de ce type, mais une autre question. La question était posée: Est-ce qu'il peut y avoir plus qu'une question, selon 213, de la part d'un parlementaire d'un parti politique à l'égard d'un de ses collègues du même parti? À ce moment-là, la question a été prise en délibéré, et la présidence devait nous revenir. C'était vendredi dernier, donc nous sommes toujours en attente de cette question sur la multiplicité des questions de même allégeance, pour les questions selon 213, de la part d'un membre d'un parti politique au même parti.

Je soumettais, M. le Président, à ce moment-là que, selon 213, on n'envisage pas l'appartenance à un parti politique, on envisage le statut de parlementaire. Et, lorsqu'un parlementaire écoute une intervention d'un autre parlementaire, soit-il de sa formation ou d'une autre formation, il est possible que cela soulève des interrogations, des demandes de clarification, et je ne sache pas que dans le règlement il y ait des limites pour un parlementaire à poser des questions à un autre parlementaire, selon la formation politique à laquelle il appartient. Alors, je termine simplement en soulignant que, la question qui est sous étude par la présidence, nous souhaitons tous – je pense, le leader du gouvernement aussi – qu'elle puisse nous venir rapidement et que nous puissions reprendre là où le Parti québécois, lorsqu'il formait l'opposition, était, lui qui faisait usage abondant de cette façon d'avoir des éclaircissements. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le leader du gouvernement, je vous écoute également une autre fois.

M. Brassard: Donc, il sera opportun de clarifier la question que le whip de l'opposition vient de soumettre, mais la mienne aussi devrait être clarifiée, parce qu'on peut présumer que l'utilisation de 213 pourrait être un moyen d'empêcher des membres de cette Assemblée de s'exprimer sur un projet de loi. Il suffirait qu'ils se mettent à défiler, les membres d'une même formation, sachant très bien par avance que le consentement serait accordé, pour ainsi entraver et empêcher le droit d'un membre de cette Assemblée de s'exprimer sur un projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question...

M. Fournier: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bien, oui, je vais vous permettre une deuxième fois.

M. Fournier: Il est en train de plaider, ce que je ne faisais pas tantôt, puisque nous l'avions déjà fait vendredi dernier. À ce moment-là, je pense, c'était le leader adjoint qui était dans cette salle. Simplement pour mentionner ici qu'il n'y a qu'une chose, qu'un élément de notre règlement qui peut amener à contrecarrer le droit de parole, c'est les bâillons, dont le leader du gouvernement fait usage abondant. Pour le reste, le règlement, M. le Président, nous permet de tenir nos délibérations en prononçant les allocutions au moment opportun. Il y a l'alternance, et, lorsqu'il y a des questions, elles peuvent venir de l'autre côté. D'ailleurs, le Parti québécois peut ainsi intervenir. Mais, lorsqu'il y a des questions, nous les posons d'ailleurs selon les critères que vous avez mentionnés: des questions brèves, des réponses brèves.

Et, si tant est qu'il y ait d'autres questions, pourquoi est-ce que le leader veut tenter d'empêcher les parlementaires de poser des questions? Est-ce que c'est parce que pour lui ce n'est pas bien, bien important, le salon bleu puis l'Assemblée nationale? C'est ici, l'Assemblée nationale, l'endroit où les Québécois, par leurs représentants élus, peuvent s'exprimer, et je ne sache pas que le leader a déjà commencé à penser à utiliser le bâillon. J'espère que ce n'est pas ça qu'il veut plaider aujourd'hui.

M. Brassard: Non, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Écoutez, M. le leader, un instant. Je vais vous permettre deux petites interventions chacun, si vous voulez. Après ça, je vais vous parler. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, non, c'est simplement que le député de Hull a parlé pendant 60 minutes. Alors, on n'a pas de question à lui poser, on connaît très bien le fond de sa pensée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va. Merci.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. Juste une minute. Avez-vous une question de règlement, là, vous?

M. Williams: Sur la question de règlement, je veux mentionner que...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Je vais vous écouter, là, M. le député de Nelligan.

M. Williams: ...sa question de règlement a pris plus de temps que ma question et la réponse.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon. Alors, écoutez, le vice-président et député de Saint-Maurice a pris cette question en délibéré et, évidemment, tant que la question est en délibéré, il pense sérieusement à tout cet aspect-là de l'article 213 et il devrait donner une décision dans les plus brefs délais à cette Assemblée. Et, moi, si j'ai permis aujourd'hui au député de Nelligan de poser une question au député qui était l'orateur précédent, je l'ai permis et je n'ai pas de difficultés avec ça. Alors, nous allons attendre son jugement. Et ce que je vais faire, c'est que je vais demander au vice-président et député de Saint-Maurice de rendre sa décision dans les plus brefs délais pour assurer à nos collègues parlementaires que ça fonctionne bien dans cette Assemblée.

Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. l'adjoint parlementaire au ministre du Revenu, et je rappelle à ceux qui nous écoutent que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Je cède la parole au député de Salaberry-Soulanges. M. le député, la parole est à vous.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir que j'interviens dans le cadre de l'adoption du principe de ce projet de loi n° 124, ce projet de loi qui s'inscrit comme un des éléments porteurs, tout comme le projet de loi n° 134 créant la Communauté métropolitaine de Montréal et comme les autres projets de loi qui viendront à la session d'automne, comme élément porteur, disais-je, de la réorganisation municipale entreprise par notre collègue la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

M. le Président, le monde change, le monde se transforme. Le Québec a lui aussi connu d'importants changements sociaux, économiques et politiques au cours des 40 dernières années, et particulièrement au cours de ce que nous avons appelé notre Révolution tranquille, mais, semble-t-il, le monde municipal est apparu comme un peu figé dans le temps par rapport à tous ces changements, par rapport à toutes ces transformations. C'est comme si la Révolution tranquille s'était déroulée à son insu.

M. le Président, réclamée est cette réforme depuis des décennies par une panoplie de corps intermédiaires, d'acteurs de la scène municipale. Il n'y a pas eu un congrès qui s'est passé sans que les associations municipales, les regroupements municipaux, l'UMQ, l'UMRCQ dans le temps, maintenant la FMQ, réclament à grands cris, au cours de leurs assises, de leurs congrès, des changements, des modifications concernant les lois municipales, concernant la fiscalité des municipalités, concernant plus de pouvoirs. Ils réclament depuis des décennies plus de pouvoirs du gouvernement québécois. Cette réforme, ce grand chantier municipal est attendu depuis plusieurs décennies, il est souhaité. Cette réforme est souhaitée et souhaitable. À preuve – et vous allez me permettre de faire référence à quelques éditorialistes qui écrivaient ceci – M. Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir , le 26 avril 2000, disait concernant cette réforme: «En reconnaissant enfin la nécessité de créer des pôles urbains plus forts partout sur le territoire, Québec prend le train de la modernisation du monde municipal pour le conduire du repli sur soi à l'ouverture au monde.» Il disait: «C'est pourquoi il faut soutenir le gouvernement dans sa démarche contre tous les politicailleurs qui ne manqueront pas de monter aux barricades pour protéger un statu quo dont l'iniquité n'est pourtant plus à démontrer.» Jean-Robert Sansfaçon, Le Devoir , le 4 avril.

(17 heures)

Vous me permettrez de citer un autre appui, Jean Lapierre. Il disait ceci dans Point de vue : «C'est à visière levée que tous doivent se mettre à table pour inventer les instruments qui contribueront à notre qualité de vie, à notre développement économique, à notre sécurité financière et à la paix sociale. Profitons de cette période de prospérité relative pour se projeter dans l'avenir, pour être visionnaires.»

Un dernier message qui réclamait cette réforme, qui souhaitait cette réforme. Mme Ginette Gagnon, dans Le Nouvelliste , toujours en parlant de cette réforme en chantier, disait ceci: «Il n'est pas superflu enfin de rappeler que la compétition entre voisins, les dédoublements de services et les chicanes de clocher, à l'heure où les défis économiques n'ont pas de frontières, relèvent d'un folklore carrément dépassé.» Voilà donc, M. le Président, trois messages clairs et nets qui viennent appuyer la démarche du gouvernement québécois et la démarche entreprise par notre collègue ministre d'État aux Affaires municipales. Il faut rappeler non pas dans tous les détails, puisque le temps qui m'est imparti me l'empêche, mais il faut rappeler le pourtour de cette réforme, le sens, la signification de cette grande réforme.

Dans le fond, M. le Président, le gouvernement entreprend de réorganiser nos pôles urbains, ce qu'on appelle notre monde de l'urbanité. Trois grands éléments sont contenus dans cette réforme: premièrement, donner aux Québécois une métropole de classe mondiale, ce que souhaitent tous les Québécois et les Québécoises; deuxièmement, doter le Québec d'une véritable capitale nationale; troisièmement, doter chacune des régions du Québec d'une capitale ayant une possibilité, un levier économique pour créer le développement. C'est l'essentiel de la réforme de notre monde urbain. Il faut rappeler qu'une de nos grandes composantes est bien sûr nos pôles urbains. Juste pour vous rappeler quelques données, ces différents pôles urbains représentent 78 % de la population du Québec, soit tout près de 6 millions, ils représentent 85 % de l'emploi créé au Québec, 82 % du PIB, produit intérieur brut, et 90 % des émissions de permis de construction proviennent de ce secteur, de nos pôles urbains.

M. le Président, est-ce que cette réforme va à contresens par rapport à ce qui se passe autour de nous, par rapport à l'extérieur du Québec, à qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays? La réponse est non. Cette réforme s'inscrit dans une tendance lourde qu'on peut regarder, qu'on peut observer dans l'ensemble des pays. Mais, avant de faire des comparaisons – parce qu'on aime ça, se comparer avec d'autres pays, on aime ça, se comparer à l'Ontario; j'y viendrai dans quelques minutes – il n'est pas inutile de rappeler les grandes composantes de notre organisation territoriale en ce début du XXIe siècle au Québec. Puis-je rappeler que le Québec, à l'heure actuelle, compte trois communautés urbaines, 96 MRC, municipalités régionales de comté, 1 300 municipalités dont, il est bon de le rappeler, 552 municipalités comptent moins de 1 000 personnes, 296 municipalités comptent moins de 2 000 personnes et 251 municipalités comptent moins de 5 000 personnes? Parmi ces 1 300 municipalités, on dénombre six villes-centres, 25 villes d'agglomération, 61 villes de services, ce qui fait un total de 92 villes qu'on a appelées, désignées des villes de centralité. On peut signaler au passage divers types d'organisations paramunicipales: 130 régies de services, 26 organismes de transport, 645 offices municipaux d'habitation et 30 sociétés paramunicipales. Voilà la composition à l'heure actuelle.

Mme la ministre, dans son allocution du début, a rappelé que le monde municipal avait peu ou pas changé au cours des 40 ou 50 dernières années. Elle a raison, M. le Président, et il nous faut faire des changements, et cette réforme s'impose au plus vite.

On aime se comparer, M. le Président. J'ai dit tout à l'heure que cette réforme s'inscrivait dans une tendance lourde, et on peut l'observer. Prenons quelques exemples. Tout près de nous, en Ontario, population, 11,5 millions de personnes; nombre de municipalités, 537 municipalités. Traversons l'Atlantique, allons en Europe: Norvège, 4,5 millions, 450 municipalités; Suède, 9 millions, 250 municipalités; l'Angleterre, 50 millions, 521 municipalités; la Belgique, 11 millions, 566 municipalités. Je rappelle qu'à l'heure actuelle Québec, avec 7,5 millions de personnes, compte 1 300 municipalités.

M. le Président, cette réforme est appuyée, elle est appuyée par beaucoup de gens. Au cours des dernières semaines, on a vu apparaître à nos côtés différentes personnes occupant des postes publics, ayant des rôles-clés et ayant joué des rôles-clés et qui viennent appuyer la réforme entreprise par notre gouvernement. On ne peut pas les taxer, quand je vais les citer, d'être des gens près du Parti québécois, d'être des partisans. Ils ont droit à leur opinion politique et on les respecte, mais on ne peut pas passer à côté de redire et de redire les commentaires de l'ex-ministre des Affaires municipales du Parti libéral, l'ancien chef du Parti libéral, M. Claude Ryan, qui a donné un appui complet à la réforme de Mme la ministre d'État aux Affaires municipales en disant clairement: «Je l'ai essayé, moi, j'ai tenté de regrouper des choses par des incitatifs; voyez le résultat.» Ça n'a pas donné les résultats escomptés. Et il a donné, en homme avec une rectitude intellectuelle, son appui au gouvernement du Parti québécois, à la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Le maire de Trois-Rivières, ex-candidat du Parti libéral, M. Guy LeBlanc, nouvellement élu à la présidence de l'UMQ, disait ceci – écoutez, c'est bien intéressant: «Tout le monde reconnaît que le mode de développement municipal, tel qu'il existe, n'est plus acceptable. Il ne répond plus à la réalité moderne du Québec.» Voilà, M. Guy LeBlanc, ex-candidat du Parti libéral dans Trois-Rivières et nouveau président de l'UMQ, vient de dire clairement qu'il donne son appui à la réforme. De plus, M. le Président, il faut citer un élément important qui est arrivé aux dernières assises de l'UMQ. Une proposition visant à rejeter le livre blanc a été débattue et elle a été battue par 258 contre 163 personnes. Donc, l'UMQ ne rejette plus la réforme de Mme la ministre des Affaires municipales.

(17 h 10)

D'autres appuis, M. le Président: Le maire Perreault aux antipodes de la position de Charest – je lis, là. «Le maire de Sherbrooke, Jean Perreault, ne partage pas du tout l'avis du chef de l'opposition officielle, Jean Charest, dans le dossier des fusions municipales. Le premier, M. Perreault, allègue qu'il est impératif que le gouvernement donne aux six villes-centres du Québec, dont Sherbrooke, les outils nécessaires pour qu'elles deviennent des agglomérations fortes. M. Perreault affirme d'ailleurs travailler en ce sens depuis cinq ans.» Ce n'est pas nouveau. Les gens d'en face tombent des nues en disant: C'est quoi, cette réforme-là? Ce n'est pas nouveau, il y a des gens impliqués dans le monde municipal qui travaillent sur des choses comme celles-là contenues dans la réforme depuis cinq ans.

Un autre appui, un autre maire, le maire de Hull, M. le Président. M. Ducharme est un des plus ardents partisans de la réforme de la ministre Louise Harel, qui pourrait éventuellement aboutir à la fusion des villes de l'Outaouais, écrit dans Le Droit Mathieu Turbide. «Le maire hullois souligne que les Hullois sont majoritairement en faveur de la fusion des villes de l'Outaouais: Je défends la position traditionnelle des Hullois, contrairement au député de Hull qui, lui, a préféré défendre une ligne de parti.» Son maire ne l'appuie pas.

Le maire de Sherbrooke, dans le comté du chef de l'opposition, le maire de Hull, le maire de Trois-Rivières, l'ex-ministre, M. Claude Ryan, des Affaires municipales, pas des partisans du Parti québécois, M. le Président, des gens sérieux, des gens qui viennent donner l'appui parce que c'est un gouvernement qui a du courage, qui a de la détermination, qui a une volonté politique.

Des voix: Bravo!

M. Deslières: Je ne veux pas prolonger trop longuement, on me fait signe. Je sais que le temps court, mais vous me permettrez, M. le Président, en terminant... Je ne peux pas passer sous silence et je veux dénoncer l'attitude, la position prise par le Parti libéral dans ce dossier, face à cette réforme. C'est une position, encore une fois, de statu quo. Ils se sont rangés encore une fois dans ce qu'on appelle le «camp du refus». Ils refusent! C'est le camp du statu quo! On ne change rien! On les connaît, ils ont saccagé les finances publiques. Ils ont saccagé les finances publiques!

Des voix: ...

M. Deslières: On ne bouge rien, on ne bouge rien.

Des voix: ...

M. Deslières: Oups! la vérité choque, M. le Président, mais ça... Mais, comme ils l'ont fait, leur attitude, leur positionnement... Tu sais, un parti sans programme, c'est ça que ça donne. C'est triste de voir un grand parti, parce que ça a été un grand parti dans la Révolution tranquille. Mais il s'effrite, on le voit. C'est triste de voir ça. Quand on pense aux Jean Lesage puis aux Paul Gérin-Lajoie, là, on est loin du compte. Mais ils n'ont pas changé d'attitude. Ça fait 25 ans, un quart de siècle, qu'à chaque réorganisation territoriale, qu'il s'agisse de la création des MRC, qu'il s'agisse de la loi du zonage agricole, ils sont contre. Faut le faire! Ils sont contre. En 2000, réforme municipale; ils sont contre. Ils ne savent pas, à peu près, quelques intérêts, on verra, là, mais ce n'est pas fort.

M. le Président, pour l'avenir du Québec, j'appuie en entier la réforme municipale de notre collègue. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Salaberry-Soulanges. Je vous rappelle que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, et je reconnais le prochain intervenant, le vice-président de la commission des institutions, porte-parole officiel de l'opposition en matière de recherche, de science et de technologie, responsable des programmes RREGOP et Régie des rentes et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président, et je vais répondre rapidement au député de Salaberry-Soulanges en rappelant un fait. Nous ne sommes pas opposés à une réorganisation territoriale des municipalités, sauf que nous sommes violemment opposés aux fusions forcées, imposées sur les citoyens par le gouvernement. Et c'est important de bien comprendre ça: Nous respectons le droit des citoyens.

Je vois, par exemple, la députée de Terrebonne. Est-ce que la députée de Terrebonne considère que les citoyens de Terrebonne ne sont pas les premiers concernés quant à savoir s'ils doivent continuer à agir et à vivre dans la ville de Terrebonne ou s'ils seront obligés d'être fusionnés, le cas échéant, avec les villes avoisinantes? Je suis sûr que la députée de Terrebonne, qui est une députée qui respecte et qui connaît bien ses citoyens, va nous dire – je pense que c'est sérieux – qu'elle respecte d'abord et au premier chef la volonté de ses concitoyens, et c'est là qu'est tout le problème.

Le problème n'est pas de discuter: Faut-il ou ne faut-il pas avoir une réorganisation actuellement des municipalités? le problème est le suivant: Faut-il imposer une réorganisation des municipalités sans le désir et la volonté des citoyens? S'il y a autant d'avantages, si c'est dans la modernité de devoir fusionner deux ou trois municipalités, M. le Président, ne croyez-vous pas avec moi que les premiers concernés, les premières personnes qui doivent savoir, les premières personnes qui sont réellement à même de pouvoir prendre cette décision sont d'abord les citoyens de ces municipalités? C'est ça, la question que nous débattons aujourd'hui. Et nous débattons, de notre côté, pour dire: Laissons aux citoyens concernés la possibilité de faire ce choix, ayez la liberté de choisir, parce que, de ce côté-ci, on pense que les citoyens des municipalités sont des êtres adultes, aptes à faire ces choix-là, et que nous n'avons pas, comme gouvernement, à leur imposer pour des raisons assez absconses les choix de regroupement de différentes municipalités.

Je vous rappellerai et je rappellerai aussi au député de Laviolette, je rappellerai au député de Lac-Saint-Jean, je rappellerai à la ministre, d'ailleurs, parce qu'elle a été déjà à l'époque députée d'Hochelaga-Maisonneuve, je rappellerai – et le député de Saguenay doit s'en rappeler particulièrement – ce qui est arrivé à Lucien Lessard. C'était un collègue. Certaines personnes se rappellent de ce collègue qui, rappelez-vous, M. le Président, avait forcé la fusion, dans Saguenay, de Hauterive et de Baie-Comeau. Vous vous rappelez les manifestations devant le parlement, ici? Ah! je m'en rappelle, c'était en 1980, 1982, lorsque ce gouvernement avait forcé la fusion contrairement à la volonté des citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive. Depuis ce temps-là, je me permets de vous dire qu'il n'y a eu d'amélioration, en termes de gains ou de diminution de taxes, ni à Baie-Comeau ni à Hauterive, premièrement.

Deuxièmement, je me permettrai de vous rappeler, M. le Président – et je suis sûr que vous vous en rappelez – que le député de Saguenay a été obligé de démissionner et qu'on a élu un député libéral, Ghislain Maltais, qui a représenté brillamment ici, à cette Assemblée, la circonscription de Saguenay. Et il est important de bien comprendre – et le député de Lac-Saint-Jean s'en rappelle, le député de Laviolette s'en rappelle, ici, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui n'était pas ministre à l'époque mais qui était députée d'arrière-ban, doit s'en rappeler – que cette fusion forcée de Hauterive et de Baie-Comeau a amené et entraîné automatiquement, parce qu'elle ne correspondait à la volonté des citoyens ni de Hauterive ni de Baie-Comeau, la démission du député Lucien Lessard. Alors, ce que nous disons, nous, de ce côté-ci de la Chambre, c'est: Bien sûr, vous pouvez concevoir et il peut être apte de concevoir des fusions, mais ne les imposez pas. Ne les imposez pas.

(17 h 20)

Autant, M. le Président, hier, lorsque nous avons débattu du projet de loi n° 134, j'ai été intéressé par ce que la ministre, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la ministre d'État à la Métropole, qui est aussi ministre des Affaires municipales, apportait lorsqu'elle essayait de créer une structure souple supramunicipale pour favoriser la concertation dans la grande région, la région métropolitaine de recensement, autant je trouve que, dans le projet de loi n° 124, elle a perdu toute originalité. Elle abandonne tout ce qui pouvait être des solutions nouvelles et elle ne trouve qu'un moyen, la fusion forcée.

De surcroît, M. le Président – parce que c'est important de bien le comprendre – nous avons dit: Il serait important et intéressant de donner des outils pour ceux qui choisissent – et faites attention – qui choisissent librement de mettre en commun, voire de fusionner deux municipalités. Il serait intéressant de faciliter certains outils, et je pensais au Code du travail, bien sûr, et aux articles 44 et 45 du Code du travail. Rien, rien dans ce projet de loi n'est ici pour faciliter les fusions et inciter aux fusions; bien au contraire, on dit: On va vous imposer des fusions. On va vous imposer des fusions sans vous donner des outils pour favoriser des fusions volontaires.

Mais je me permets de soulever avec vous, parce que vous êtes quelqu'un qui a une grande expérience, M. le Président, au moins deux problèmes qui sont présents dans le projet de loi, et je fais référence plus particulièrement à l'article 176.18. Ça touche deux questions. Mon collègue le député de Hull les a abordées tout à l'heure. Ça touche, un, à la question des planchers d'emploi, deux, à la question des fonds de pension. Le projet de loi dit: Voici, si je force la fusion entre deux municipalités, si un des corps a un plancher d'emploi, il va le conserver, mais l'autre n'en aura pas, ce qui fait automatiquement que vous regardez parmi les gens que vous fusionnez, etc., ceux qui sont du premier groupe vont écraser en quelque sorte ceux du deuxième groupe qui n'auront pas, à l'intérieur de leur convention collective, un plancher d'emploi. Alors, c'est évidemment extrêmement pénalisant pour les employés actuellement des municipalités, vous comprenez bien.

Deuxièmement, on dit: La masse salariale ne devra pas changer. Comprenez-moi bien, écoutez-moi bien, la masse salariale ne devra pas changer lorsqu'on fait une fusion. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que vous allez avoir dans la même municipalité... Et vous avez été, M. le Président, maire d'une municipalité, vous connaissez bien le monde municipal. Pensez un peu à la situation dans laquelle vont se trouver, si nous adoptons aujourd'hui ce projet de loi, les élus municipaux. Ça veut dire que, dans la même municipalité, vous allez avoir deux personnes qui font le même travail – on se comprend, hein? – qui n'auront pas les mêmes conditions de travail. Je répète, deux personnes qui font le même travail mais qui n'auront pas les mêmes conditions de travail. Et là on est en train d'en arriver à se dire: Bon, on fait ça jusqu'à l'expiration des conventions collectives; après, tout sera à renégocier.

Vous avez une expérience, M. le Président. Pensez-vous réellement qu'il n'y a aucun syndicat qui va accepter de négocier à la baisse, dans le monde municipal, ses conditions de travail? La réponse, c'est non, ce qui veut dire qu'on va avoir un phénomène, lorsqu'on aura fusion, de conditions qui vont toutes aller à la hausse. Donc, on va prendre les deux conventions collectives et on va choisir ce qui est de meilleur dans chacune des conventions collectives lorsque la fusion sera faite. Et qui va payer pour ça, à votre idée? C'est bien simple, ça va être vous, chacun des citoyens qui paie régulièrement son compte de taxes et qui est obligé de payer ses taxes municipales. Fusion égale augmentation de taxes municipales. Fusion forcée égale augmentation de taxes municipales si on ne donne pas les moyens, les instruments pour être en mesure de réduire éventuellement les coûts de main-d'oeuvre.

Deuxième casse-tête: les fonds de pension. Ah! vous comprenez bien que chaque groupe d'employés a en général développé dans chacune des municipalités des fonds de pension qui ont eu des politiques de placement différentes, qui ont accumulé des surplus actuariels qui sont différents de part et d'autre, qui ont accumulé des bénéfices pour les personnes qui travaillent et qui sont membres de ces fonds de pension différents. Et voici ce que vous allez leur dire: On va fusionner, mais chaque personne – j'imagine – va rester membre de son fonds de pension. Alors, si vous avez trois municipalités que vous forcez à fusionner, vous voyez les difficultés de gestion que vous allez avoir, vous, comme élu municipal. Vous allez avoir à gérer trois fonds de pension avec des dates de prise à la retraite qui peuvent être différentes, des conditions de prise de retraite qui sont différentes, des possibilités de valeurs actuarielles que vous pourriez transférer de l'un à l'autre et qui sont différentes.

Voyez, M. le Président – et ce soir, à 20 heures, on va d'ailleurs débattre en commission parlementaire du projet de loi n° 137 à cet effet-là – les difficultés que le gouvernement rencontre depuis qu'il a créé le RREGOP, le Régime de retraite des employés du gouvernement et autres professionnels, par rapport à l'intégration des personnes qui étaient restées dans les autres régimes, c'est-à-dire le Régime de rentes des fonctionnaires, RRF, ou le RRE, le Régime de rentes des enseignants. Non, mais, sérieusement, vous ne pouvez pas faire ça. Vous ne pouvez pas automatiquement avoir des employés qui passent d'un système à l'autre sans avoir des balises extrêmement précises quant à la manière dont seront transférées les équivalences actuarielles. Rien dans le projet de loi ne vient ici faciliter les fusions.

Nous aurions souhaité, de ce côté-ci – et c'est la ligne que nous aurions voulu avoir... Parce que, contrairement à ce que dit le député de Salaberry-Soulanges, nous sommes conscients qu'il puisse y avoir dans certains cas nécessité ou volonté entre des citoyens de différentes municipalités de se fusionner. On a vécu, il y a peu de temps, dans l'ouest de Montréal, la fusion entre ville Saint-Pierre et Lachine. Ça ne s'est pas fait par fusion forcée, ça n'a pas été imposé. Ça a été ce que j'appellerais une fusion volontaire. Les citoyens de ville Saint-Pierre se sont prononcés et ont choisi librement et majoritairement de devenir des citoyens de Lachine, et on a intégré la petite ville de ville Saint-Pierre à la ville de Lachine, et ça s'est fait en respectant les engagements que les différentes municipalités avaient envers leurs employés et en essayant de les intégrer les uns aux autres, et ça n'a pas été facile. Mais ça s'est fait, bien sûr, après la volonté, le choix des citoyens de ville Saint-Pierre.

(17 h 30)

Alors, M. le Président, nous avons deux points de vue. Le projet de loi ne donne pas, ici, les instruments dont auraient besoin les élus municipaux pour être en mesure de procéder et, lorsqu'ils veulent se fusionner, pour pouvoir faire une fusion qui respecte les intérêts complets de leurs employés. Par contre, elle va forcer les fusions, et c'est ça qui est extrêmement grave. Ils vont aller ici en forcer les fusions, amener à ne pas respecter la volonté du citoyen local et oublier le fait que vous avez choisi... Et un certain nombre de personnes devant moi, la députée de Terrebonne, par exemple, ont choisi d'habiter dans la ville de Terrebonne et non pas dans une mégacité regroupant l'ensemble des villes de la couronne nord qu'on pourrait concevoir dans un esprit théorique ou qui regrouperait, depuis Saint-Eustache jusqu'à L'Assomption, l'ensemble...

Vous savez, ça serait un concept qui pourrait se tenir debout, mais les citoyens de Terrebonne, ceux que représente actuellement la députée de Terrebonne, ont choisi de vivre dans la ville de Terrebonne. Et c'est un phénomène qu'il faut respecter et c'est ça, la base à l'heure actuelle de notre discours, M. le Président. Fusions? Peut-être, oui, si ça correspond à la volonté des citoyens. Fusions forcées? Non. Vous comprenez ça? Fusions forcées, non. Vous ne pouvez pas, vous, comme gouvernement, actuellement imposer, au niveau local, la manière dont ils choisissent de se développer et de vivre au niveau municipal. C'est une question de respect des citoyens, M. le Président, au niveau local.

Par contre, il serait souhaitable – et c'était la position du Parti libéral – que, dans une loi, lorsqu'on réfléchit collectivement sur l'ensemble du monde municipal et sur l'ensemble du redécoupage ou de la réorganisation du monde municipal, nous, ici, qui sommes les législateurs au niveau provincial, c'est-à-dire nous qui sommes élus au niveau provincial, nous soyons en mesure de donner les outils – c'est important – dont ont besoin les gens au niveau local, au niveau des municipalités lorsqu'elles veulent être en mesure de se fusionner. Et nous ne donnons ici aucun outil, si ce n'est une espèce de matraque, une espèce de masse pour écraser tout le monde et forcer les fusions.

J'ai vécu, M. le Président – et c'est un bon exemple – un accord entre deux municipalités. La municipalité de ville LaSalle et la municipalité de Verdun ont décidé de mettre en commun – non pas de fusionner – leurs services de pompiers et les outils qui auraient été... alors que les élus municipaux des deux municipalités étaient d'accord pour dire: Restons autonomes l'un et l'autre, mais on procurerait un meilleur service à nos citoyens si nous étions en mesure de fusionner le service d'incendie de ville LaSalle et celui de Verdun. Sauf qu'ils se sont heurtés à l'absence de moyens pour faciliter ces fusions, l'absence de moyens législatifs, où chacun des corps de pompiers et de ville LaSalle et de Verdun conservait son autonomie parce que chacun avait des conventions collectives différentes et, en particulier, chacun avait des régimes de rentes et de pensions différents. Et on a eu énormément de difficultés à réussir à fusionner et à arriver à un service qui était voulu par et les élus et les citoyens, parce que nous n'avions pas les instruments législatifs nécessaires pour favoriser une telle mise en commun des services entre deux municipalités.

Alors, le projet de loi ici n'apporte rien en termes d'instruments pour faciliter les mises en commun, les fusions lorsque ça correspond aux volontés des élus municipaux et aux volontés de la population. Par contre – et ça, c'est extrêmement grave – il n'apporte rien pour favoriser les fusions volontaires, mais il écrase les citoyens en leur disant: Voici, lorsque la ministre ou le gouvernement aura décidé que c'est leur bien de devoir être fusionnés ensemble... Imaginez qu'on veut nous fusionner, le député de Châteauguay, enfin, Châteauguay et Verdun. La ministre pourrait décider que nous serions fusionnés et nous écraserait en nous imposant réellement, à lui et à moi, une fusion qui n'est voulue par aucun élu, ni les élus de Châteauguay, ni les élus de Verdun, ni personne. C'est ça, le projet de loi, la possibilité d'écraser complètement les citoyens. Et c'est pour ces raisons, parce que, nous, nous respectons la volonté des citoyens, que nous allons nous opposer au projet de loi n° 124. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, le whip en chef de l'opposition officielle et député de Châteauguay. M. le député, la parole est à vous.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mon collègue de Verdun vient de terminer en soumettant l'hypothèse de la fusion de Verdun et de Châteauguay. Je dois lui dire d'ailleurs que, prenant l'exemple qu'il donnait, de la députée de Terrebonne qui avait choisi Terrebonne, nombreux sont les gens de Verdun qui ont choisi, au tournant des années soixante, d'aller s'établir à Châteauguay. Mes parents font partie de ce lot, des gens de Verdun qui ont quitté et qui sont allés s'établir à Châteauguay, comme bien d'autres de l'Ouest-de-l'Île, du sud-ouest, devrais-je dire, qui sont allés s'établir dans ce milieu de vie qu'ils trouvaient plus intéressant, plus approprié pour élever leur famille, et, ma foi, pendant une très longue période, de ce moment jusqu'à aujourd'hui, personne n'a remis en question ces choix.

Ce qui m'amène à aborder dans l'étude de ce projet de loi ce thème que je résumerais sous le titre suivant: Un gouvernement pour qui? Et, si je pose la question, c'est parce que, lorsqu'on regarde ce projet de loi sur les fusions forcées, la question que je me pose, qui vient d'elle-même, dans le fond, qui devrait être posée pour chacun des représentants dans cette salle... Parce que nous sommes des représentants de notre population qui nous a élus, alors forcément il faut qu'on se demande qui donc dans notre société appelle ce projet de loi. Qui donc a sollicité ce projet de loi? À quelles fins les citoyens qui nous ont demandé de les représenter aspirent-ils à ce qu'un projet de loi comme celui-là soit adopté?

Et poser la question, c'est y répondre, lorsqu'on regarde ce qui se passe autour de nous. M. le Président, qui demande, au Québec, des fusions forcées? La seule réponse que j'ai à cette question, c'est le premier ministre du Québec. C'est la seule réponse qui me vient. Or, un gouvernement pour qui? Un gouvernement, d'habitude, normalement, souhaiterions-nous, serait un gouvernement pour les Québécois. Pas un gouvernement pour le Parti québécois. Il y a une erreur, un gouvernement pour les Québécois. Or, les Québécois ont-ils demandé des fusions forcées? Non, M. le Président, ils n'en ont pas demandé.

On pourrait toujours prétendre, à la limite – essayons ça – que les Québécois ont demandé une baisse de taxes. Ça, oui, les Québécois sont les champions toutes catégories des plus taxés, donc ils aspirent à l'allégement de leur fardeau fiscal. On peut répondre oui.

Est-ce qu'ils aimeraient avoir de meilleurs services? Je réponds oui aussi à cette question, M. le Président. On parlait de la ville de Châteauguay, c'est vrai pour la plupart des villes, mais prenons celle-ci, le cas de la ville de Châteauguay. Le maire de Châteauguay disait dernièrement, à l'occasion de l'adoption du dernier budget, qu'il devait couper dans les services parce que le gouvernement du Québec avait encore une fois déchargé des factures dans le camp des municipalités. La conséquence qu'il y a eu pour la ville de Châteauguay cette année, cet hiver qui vient de se terminer, c'est que pour la première fois que depuis que, moi, je suis tout petit puis que je peux voir ça – mais il semble que ça fait très longtemps – pour la première fois, il n'y avait pas de patinoire extérieure pour les jeunes, M. le Président.

Et j'aime bien que de temps à autre on aborde la question de l'argent, des taxes plutôt sous la forme de: À quoi elles servent? Et à quoi nous aspirons comme citoyens dans notre société? Moi, M. le Président, je souhaite que nos enfants aient des services qui leur permettent de se développer, qui leur permettent notamment une patinoire l'hiver. Vous le savez comme moi, quand on est tout petit et qu'on va jouer au hockey à 50 contre 50 sur une patinoire, on apprend assez vite la vie en collectivité. On sait comment s'y prendre lorsqu'il y a un coup dans la bande, on sait comment en donner. C'est un jeu, mais on apprend à vivre avec les autres. Bien, ça, chez nous, cette année, ce n'était plus possible parce que le gouvernement du Parti québécois avait décidé que les villes allaient être asphyxiées par les taxes.

(17 h 40)

Et la question que je pose, qui est toute simple, à l'égard du projet de loi sur les fusions forcées, c'est: Est-ce que ce projet de loi sert à baisser les taxes et à augmenter les services? Si la ministre et le gouvernement nous avaient prouvé que oui, on aurait peut-être pu commencer une discussion intéressante. Si la ministre et le gouvernement avaient, sans le prouver, simplement répondu oui, même sans preuve, on aurait pu commencer un débat et là aller chercher un petit peu loin. Mais, M. le Président, le gouvernement et la ministre ont répondu: Non, le but du projet de loi n'est pas d'augmenter les services et de faire des économies au plan de la taxation. Alors, je pose la question: Un gouvernement pour qui? Si les citoyens ne l'ont pas demandé, la seule réponse, c'est que c'est un gouvernement pour le Parti québécois et non pas un gouvernement pour les Québécois. Et c'est un autre exemple que nous avons aujourd'hui, avec ce projet de loi – il y en a d'autres – où on voit que le gouvernement est complètement déconnecté des besoins réels des citoyens, où un gouvernement pour les Québécois ferait autre chose.

Dernièrement, on a eu le projet de loi n° 107, le projet de loi antiservices, dans les soins de santé. Voulez-vous bien me dire qui l'a demandé, ce projet de loi là, à part le premier ministre du Parti québécois? Ce n'est pas un projet de loi pour les Québécois, ça, le n° 107, c'est un projet de loi pour le Parti québécois, pour le premier ministre, juste pour lui. Dans le n° 116, un projet de loi anticonsommateurs en termes de coûts d'électricité, voulez-vous bien me dire qui l'a demandé, le n° 116, dans la population au Québec, à part le premier ministre du Parti québécois? Personne. Le n° 124, aujourd'hui, un projet de loi anticitoyens où tout ce qu'on fait, c'est de se dire: Je ne veux pas savoir ce que les citoyens demandent, je veux leur imposer quelque chose.

Voulez-vous bien me dire qui demande ces projets de loi, qui est à ce point déconnecté de la population? Qui d'autre que celui qui gouverne l'Exécutif, qui vient déposer ces projets de loi là sur la table de l'Assemblée nationale? Qui d'autre que le premier ministre du Parti québécois, qui pense, lui, qu'il est le Québec, qui pense, lui, qu'il sait ce qui est le bien commun plus que tous les Québécois? Bien, M. le Président, nous sommes 125, il est un des membres de cette Assemblée, ce premier ministre du Parti québécois. Il y en a 124 autres, 124 autres qui sont en mesure de se lever ici, en cette Chambre, durant les prochaines heures pour dire à ce premier ministre du Parti québécois: Je m'excuse, vous faites fausse route, vous ne répondez pas aux souhaits de la population.

Lorsque nous sommes députés, nous avons comme première fonction d'écouter les gens qui nous ont choisis et répercuter dans ce salon bleu – dont on dit dans les discours solennels combien il est important pour notre société – ce que les gens demandent. Je souhaiterais que les projets de loi correspondent à leurs souhaits, mais, tout au moins, dans les débats, qu'on puisse répercuter leur volonté, leurs désirs. Vous me permettrez donc, M. le Président, de citer quelques courts passages d'une présentation qui a été faite en commission parlementaire, justement à l'égard du projet de loi n° 124, par les MRC de comté de Champlain, Lajemmerais, La Vallée-du-Richelieu, Roussillon, Vaudreuil-Soulanges. Je le fais parce que mon comté, à 90 %, est situé dans la MRC de Roussillon, et je pense qu'il est approprié pour moi de faire connaître ici, à cette Assemblée, ce qu'ont dit les gens de mon coin de pays.

Je cite un premier passage, M. le Président: «Le projet de loi n° 134 a, lui – il s'agit de celui de la CMM, M. le Président, c'est un autre débat – fait un choix stratégique en privilégiant le maintien des MRC et, par ricochet, a opté pour un modèle à trois paliers décisionnels dans la région de Montréal. Une fois que le choix de maintenir la MRC comme deuxième palier est retenu, les fusions municipales ne sont plus justifiées et leur pertinence n'est plus à propos.» Comme député, puis-je ne pas tenir compte de ce que pensent les élus – qui, eux aussi, ont une légitimité – dans mon coin de pays? Parce qu'on se targue... Je vois encore le ministre des Finances, celui qui a une prétention à toute épreuve, je le vois encore nous dire, dernièrement, à l'Assemblée: Les élus, c'est nous, puis il se pointait vers lui, hein, «c'est nous». Et les élus municipaux, M. le Président, ils n'ont pas de légitimité?

Moi, quand on me plaide les municipalités comme étant les créatures du gouvernement du Québec, je veux bien qu'à l'époque où elles ont été créées on pouvait dire: Voilà ma créature, mais, une fois qu'elles ont commencé à vivre, elles ont leur vie propre. Pensons à nos enfants. Je pense à ma fille, M. le Président, et je peux vous dire quelque chose; à la naissance, je me trouvais plutôt impliqué dans cette nouvelle vie, mais quoiqu'elle n'ait que deux ans et demi, elle a développé sa propre vie déjà, et elle fera ses choix. Et il me semble qu'on devrait avoir le même respect à l'égard notamment des élus municipaux.

Je reviens à leur présentation qui a été faite en commission. Elle me semble importante, cette présentation qu'elles ont faite, parce que, notamment, elles se sont attardées, les MRC qui sont venues, sur les économies d'échelle, autrement dit, la prétendue baisse de taxes dont nous pourrions bénéficier si jamais il y avait des fusions, ce mythe auquel même la ministre n'ose même plus référer.

Eh bien, elles nous disent ceci: «L'un des arguments qui plaident en faveur des regroupements est celui des économies d'échelle. Voici ce que dit la commission Bédard des économies d'échelle découlant des fusions – et je cite: "On peut cependant s'interroger sur la capacité des fusions à engendrer des économies. Diverses études démontrent, d'une part, que les dépenses per capita tendent à augmenter après une fusion car la quantité et la qualité des services ont tendance à s'ajuster au plus haut dénominateur commun, et, d'autre part, que l'effet sur les coûts unitaires de production, c'est-à-dire l'efficience, est incertain. Certaines économies d'échelle sont en effet possibles, mais des unités de services trop importantes peuvent donner l'effet inverse."»

Et le mémoire des MRC continue: «Le ministère des Affaires municipales et de la Métropole a commandé une étude qui a été réalisée sous la gouverne de l'INRS-Urbanisation, et cette étude dit ceci: "Jusqu'à ces dernières années, on entendait fréquemment l'argument suivant: le regroupement des municipalités contribue à l'amélioration de la capacité financière et administrative des municipalités qui y recourent. Sans que cette argumentation ne soit abandonnée, elle n'est plus utilisée avec la même conviction par les promoteurs de la formule. Les recherches académiques, tout comme les évaluations issues des organismes publics ou parapublics, ne permettent pas d'affirmer que la fusion des municipalités entraîne des économies d'échelle dans tous les cas, ou même dans la majorité des cas. Plusieurs auteurs soutiennent volontiers que les principales vertus du regroupement municipal ne doivent pas être recherchées du côté des économies d'échelle. Les incursions que nous avons faites dans la littérature – ça, c'est un point important – sur cette question nous permettent de constater que les responsables gouvernementaux..."»

J'arrête, là, pour qu'on comprenne bien ce que je suis en train de dire et ce que les experts mandatés par la ministre nous disent. Le gouvernement mandate les experts, les experts répondent à la ministre et ils lui disent: Votre propre gouvernement, madame, les gens qui vous entourent, madame, les responsables gouvernementaux sont maintenant du même avis que les académiques.

Qu'est-ce qui s'est passé, M. le Président? C'est simple. Le gouvernement s'est dit: Je vais bouger. On va bouger des choses, peu importe si c'est utile. L'important, c'est que les Québécois aient l'impression qu'on bouge. Que ça donne quelque chose ou pas, ce n'est pas grave. C'est la perception, l'impression. Qu'on dépense l'argent des contribuables pour ça, ce n'est pas grave. Alors, ils se disent: Tiens, fusionnons! On va faire ça. Alors, ils demandent à leurs fonctionnaires: Préparez-moi ça. Les fonctionnaires leur disent: Oui, mais c'est parce que vous ne pouvez pas sortir l'argument des économies d'échelle. Alors, le gouvernement, sachant ça, qu'est-ce qu'il fait? Il dit: Oui, on va commander une étude à l'extérieur parce que mes propres officiers, à moi, me disent de ne pas le faire. Je vais aller me chercher des justificatifs ailleurs.

Alors, ils s'en vont à l'INRS-Urbanisation, qui fait l'étude. Comble de malheur, INRS-Urbanisation répond à la ministre et lui dit: Savez-vous quoi, Mme la ministre? On pense que ça n'a pas d'allure, qu'on ne fera pas d'économies d'échelle. Et, en passant, vous ne le savez peut-être pas, mais vos fonctionnaires sont contre aussi. Évidemment, elle le savait, c'est pour ça qu'elle est allée à l'INRS, parce que les gens lui avaient dit: Ça ne marche pas.

Donc, nous sommes dans une situation des plus folles. On a un gouvernement qui agit dans un domaine alors que personne ne le lui a demandé. Parce que le premier ministre du Parti québécois a décidé, lui, qu'il fallait donner l'impression qu'il bougeait, il se dit: Je vais aller chercher des justificatifs avec mes fonctionnaires, qui lui disent non. Il dit: Je vais aller à l'extérieur. Il va à l'INRS, il se fait dire: Madame, même vos fonctionnaires pensent que ce n'est pas bon; il n'y a personne qui pense que c'est bon.

Si on était un peu raisonnable au Québec, on se dirait, rendu là, qu'il n'y aurait pas de projet de loi. On se dirait: Rendu là, bon, écoutez... Le premier ministre est au Conseil des ministres quand le projet de loi arrive, il dit: Bon, peut-être qu'on s'est trompé. Peut-être que là il y a une limite à donner l'impression de bouger, quand on voit bien qu'on n'a rien dans les poches, qu'on a aucune argumentation. Non. Non, ça ne les a pas arrêtés, M. le Président. Ah non, au contraire, ça ne les a pas arrêtés du tout, le premier ministre du Québec a dit: Écoutez, on s'en fout. On s'en fout s'il y a du monde qui pense que ça ne donne rien. On s'en fout, même, que ça donne quelque chose ou que ça ne donne rien. Tout ce qu'on veut, c'est donner l'impression qu'on bouge.

Alors, en même temps, on bouge, on bouge, on bouge, hein? On fait les fusions forcées, on fait la CMM, mais on ne fait pas tout en même temps, parce qu'on nous annonce que, dans six mois ou dans un an, on fera le reste, parce qu'on n'a pas tout fait d'un coup.

(17 h 50)

En même temps, il y a le ministre de la Sécurité publique qui nous sort des schémas de risques d'incendie. Parce que, quand tu dépouilles des juridictions aux MRC pour les envoyer à la CMM, là il n'y a plus rien aux MRC. Mais, pour dire aux MRC que tu vas encore les garder, il faut que tu leur trouves quelque chose. Tu leur trouves quelque chose avec le schéma d'incendie.

Ah! tu bouges, tu bouges, tu bouges, mais tu ne donnes rien. Il n'y a pas de cohérence, c'est l'improvisation. On ne sait pas où on s'en va. Et je pense que je sais pourquoi on ne sait pas où on s'en va, c'est parce qu'ils ne le savent pas non plus. Parce que, pour eux, ce n'est pas grave de savoir où ils s'en vont, l'important, c'est de bouger. L'important, c'est de bouger. L'important, c'est de donner l'impression qu'on fait quelque chose. Le résultat, après ça, il importe peu, hein? Ce n'est pas important de savoir si, en bout de ligne, les citoyens vont être mieux servis ou moins bien servis. Ce n'est pas important.

Pourtant, il y avait des exemples, puis pas loin, à part ça. Pas loin, M. le Président. Le projet de loi n° 194, un projet de loi qui concernait le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Anathanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Luc et déposé assez récemment. Et il prévoyait quoi, ce projet de loi, M. le Président? Bien, le projet de loi, il prévoyait des mécanismes de consultation qui permettaient, si la population le voulait, les fusions, mais disait: Si la population n'en veut pas, on n'en fera pas. Ça ne sert à rien, on n'est pas pour aller là-dedans.

Qu'est-ce qu'ils disaient, les gens qui étaient impliqués directement par ce projet de loi là? Le député de Saint-Jean, du Parti québécois, le député d'Iberville, du Parti québécois, qu'est-ce qu'ils disaient à l'époque où ce qui était envisagé, c'était de faire la chose la plus normale possible, donner des outils pour que les citoyens puissent faire des choix mais laisser aux citoyens la possibilité de faire les choix, leur donner la marge de manoeuvre, la capacité d'agir, la liberté d'action? Qu'est-ce qu'ils disaient? Bien, le député de Saint-Jean disait, le 2 juin 1999, il y a un an presque jour pour jour, il disait ceci... Aujourd'hui, il ne dit plus la même chose, parce que le premier ministre du Parti québécois a appliqué le règne de la terreur: Toi, tais-toi! Toi, fais comme moi. Toi, rentre dans le rang. Alors, il ne dira plus jamais la même chose. Mais qu'est-ce qu'il disait il y a un an? Il disait: Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.

Des fois, on est rendu à se dire: Mais comment ça se fait qu'il n'est pas au Conseil des ministres, le député de Saint-Jean? Il aurait peut-être dit au premier ministre... Et puis on comprend qu'il ne veut pas entendre ça, le premier ministre, il ne veut pas savoir ces choses-là. Le député d'Iberville, qui n'est pas là non plus, qui n'est pas à la veille de lui dire non plus, disait ceci à propos du projet de loi n° 494, et je cite, 2 juin 1999: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.»

Qu'est-ce qui a changé depuis un an, M. le Président? On est rendu où, au Québec, quand des députés d'un parti politique disaient une chose passablement sensée... On a voté pour le principe de ce projet de loi là, on était d'accord, tout le monde était d'accord, et puis là, tout à coup, on change complètement. Ce n'est pas les seuls, le premier ministre lui-même, à une certaine époque, trouvait que les fusions forcées, ça n'avait pas d'allure. Le président de l'Assemblée nationale avait déjà déclaré, en novembre 1999 – ça ne fait pas des lunes – et je cite: «Peu importe le résultat, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie.» C'est dans le projet de fusion Mont Saint-Hilaire–Otterburn Park.

Comment ça se fait que ce qui existait il n'y a pourtant pas si longtemps, un an, six mois, tout à coup, c'est renversé, bouleversé? Et à la demande de qui, voulez-vous bien me le dire? Et un gouvernement pour qui? Qui sert à quoi? On est dans une situation où le respect pour le citoyen est devenu une donnée qui ne compte pas. Pour le gouvernement du Parti québécois, l'État, c'est lui, les citoyens, c'est lui, il sait tout, il dicte tout, il décrète tout, il a mis un terme à la liberté d'action du Québec, il a mis un couvercle sur la société québécoise.

Et je pense, M. le Président, que je ne me trompe pas quand je dis qu'à force de répéter tous ces projets de loi déconnectés de la réalité, qui ne répondent pas à des aspirations et à des demandes des Québécois, à force de continuer dans cette arrogance sentie jour après jour en cette Chambre, les Québécois vont procéder à d'autres choix, vont espérer un gouvernement qui donne de la liberté, de la marge de manoeuvre, de la capacité d'action. Aujourd'hui, M. le Président, en terminant cette intervention, je leur dis par votre entremise que ce gouvernement auquel ils aspirent sera prochainement un gouvernement du Parti libéral. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de...

M. Middlemiss: Pontiac.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Pontiac, compte tenu de l'heure – il est près de 17 h 57 – est-ce qu'il y a consentement pour suspendre les travaux de cette Assemblée à 20 heures?

Il y a consentement, alors je suspends les travaux de cette Assemblée à 20 heures, ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons poursuivre nos débats aux affaires du jour. Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. M. le député de Châteauguay avait terminé son intervention. Et je vais céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Pontiac.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Nous sommes à débattre le principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

Normalement, M. le Président, lorsque nous modifions une loi, c'est parce que les gens, surtout la population le veut, la population le demandait. On avait passé une loi, et, malheureusement, avec l'évolution du temps, ça ne rencontrait pas nécessairement la volonté ou ça créait des problèmes à la population. Mais, M. le Président, ce n'est pas ça. Ce projet de loi, avec un titre aussi innocent que ça, c'est que ça donne le droit ou la possibilité pour le gouvernement de forcer des municipalités à se regrouper.

Pourtant, il me semble qu'un gouvernement est toujours là pour écouter la population, tenter d'améliorer la qualité de vie, de baisser les taxes, de baisser les impôts pour que les citoyens puissent avoir une meilleure qualité de vie. Mais, M. le Président, ce n'est pas ça. Le projet de loi n° 124 n'exige même pas que le gouvernement doive démontrer à la population qu'il va y avoir une baisse de taxes fiscales ou bien si, en retour, on peut indiquer à la population: Non, les taxes n'augmenteront pas, mais vous allez avoir une qualité de services que vous n'aviez pas et que vous voulez avoir, pas une qualité de services que le gouvernement du Québec a décidé qu'on devrait avoir.

Et, quand j'entends, M. le Président, la ministre nous dire: Le temps des puits artésiens et des fosses septiques, c'est du passé, je me pose la question: Où demeure cette ministre-là? Est-ce qu'elle est déjà allée dans les comtés en région, dans les municipalités en région où les individus ont un puits et une fosse sceptique? Donc, est-ce qu'on doit croire que le projet de loi va faire que dorénavant les gens qui sont sur des puits et des fosses septiques, le gouvernement va leur assurer d'avoir un système d'aqueduc, un système d'égout? M. le Président, c'est de rêver en couleur. On ne peut même pas aujourd'hui trouver les sous nécessaires pour assurer, pour maintenir la qualité de notre service de santé. On ne peut même pas faire ça et on va dire aux gens: C'est fini, le temps des puits et des fosses septiques. Ça, c'est de parler à travers son chapeau.

(20 h 10)

Mais, M. le Président, moi, je dois dire que j'ai eu l'occasion et le privilège de vivre un regroupement. La ville d'Aylmer, aujourd'hui où je demeure, c'est un regroupement des années 1974. Mais le gouvernement du temps voulait nous regrouper avec Hull, faire une grande ville dans l'Outaouais. La population a dit: Non, ce n'est pas ça qu'on veut. Ce n'est pas ça. Nous sommes d'accord que, oui, on peut réduire le nombre de municipalités, et on avait déjà commencé. Parce que la ville d'Aylmer aujourd'hui qui compte trois anciennes municipalités, Deschênes, Lucerne et Aylmer, déjà à ce moment-là, on avait un service de policiers qui était géré par la municipalité de Lucerne, on avait un service d'incendie qui était géré par la ville d'Aylmer, on avait un service de loisirs géré par la ville d'Aylmer, qui desservaient les trois municipalités. Donc, déjà on avait commencé à avoir des services en commun. Heureusement, à ce moment-là, ni la ville d'Aylmer, ni la municipalité de Lucerne, ni la municipalité de Deschênes n'étaient une municipalité structurée, où on avait tous un directeur général puis un nombre innombrable d'employés. Et c'est pour ça que c'était un regroupement voulu. Ça ne nous a pas coûté énormément cher à cause d'être obligé de garder à notre emploi tous les employés de chacune des municipalités, comme le projet de loi n° 124 va forcer les municipalités qui vont se regrouper à maintenir tous les employés à leur emploi.

Et, d'un autre côté, M. le Président, on leur avait dit: Bien, regardez, surtout si c'est des municipalités qui ont des syndicats, on ne devrait pas alourdir et permettre à cette nouvelle municipalité d'être capable d'abaisser le coût de son administration. Et, à plusieurs reprises, on a tenté de faire dire soit à la ministre ou au premier ministre quelles sont les économies pour les citoyens, pour le peuple, ces gens-là qui doivent payer les taxes municipales. C'est quoi? Est-ce qu'on peut leur garantir qu'il va y avoir une baisse d'impôts ou bien une augmentation de la qualité des services? Non, on n'a pas été capable de le faire.

Pourquoi ne pas respecter le voeu de la population? Vous-même, M. le Président, et chacun de nous avons choisi de demeurer dans une municipalité. Nous avons choisi une municipalité parce qu'on aimait, disons, la qualité des services, on aimait l'administration, on aimait le paysage, et on s'est établi là. Est-ce que ce n'est pas tout à fait normal que, lorsque le gouvernement, dans sa sagesse – si sagesse il a – décide de dire: Maintenant, on va vous forcer à vous regrouper, sans même le consentement des individus qui ont choisi de vivre là et d'élever leur famille, d'avoir une communauté... C'est très fort, ça.

Et l'autonomie municipale. Parce que n'oubliez pas, M. le Président, et surtout en région, des petites municipalités où c'est très facile, où les élus sont accessibles. Vous avez un problème, vous pouvez aller voir votre conseiller, vous pouvez aller voir votre maire, vous pouvez aller à l'assemblée du conseil et échanger avec le conseil. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible dans une grande municipalité. C'est un peu comme un gouvernement, et on connaît ça, nous autres, comme députés. Souvent, ce n'est pas nous, les politiciens qui ont été élus par nos concitoyens, qui décidons, c'est des fonctionnaires. Et c'est ça qui arrive, M. le Président, lorsque ça devient trop gros, trop grand, le politicien a très peu à dire.

Je suis convaincu qu'il y en a de mes collègues qui sont ici ce soir qui ont été maires de municipalité ou ils ont été conseillers municipaux, et je suis convaincu que ces gens-là doivent se poser des questions à savoir pourquoi ce gouvernement ne veut pas accepter de consulter les gens, les consulter, M. le Président, et aussi les renseigner, leur faire valoir les avantages de se regrouper.

Pourtant, M. le Président, il n'y a pas tellement longtemps, le Parti québécois, le parti du gouvernement, a eu un congrès dans lequel il a dit: Maintenant, il va falloir, là, qu'on parle pas mal plus à nos concitoyens. On veut avoir un autre référendum, on veut créer les conditions gagnantes. Donc, ils ont dit: Il va falloir en parler. Il va falloir échanger avec ces gens-là pour les convaincre que, oui, la souveraineté, c'est la voie pour les Québécois.

Bien, M. le Président, est-ce que les citoyens ne méritent pas autant d'être consultés, d'échanger avec le gouvernement? Et, si le gouvernement a réellement un plan qui va améliorer, qui va baisser les taxes, va améliorer la qualité de vie, la qualité des services à tous les citoyens, pourquoi ne pas leur dire? Dites-leur, et j'en suis convaincu, M. le Président, à ce moment-là, qu'il n'y aura pas de problème, les gens vont dire: Oui, nous voulons nous regrouper parce que nos taxes vont baisser, la qualité de nos services va augmenter.

Mais non, M. le Président, on ne veut même pas reconnaître des référendums où les gens vont exprimer leur point de vue, dire: Oui ou non, nous voulons nous regrouper avec la ville A, ou B, ou C. M. le Président, on dit: Les municipalités n'ont pas ces pouvoirs-là. Elles sont des créations du gouvernement du Québec. C'est nous autres ici, à Québec, qui avons l'heure juste. C'est nous autres qui pouvons vous dire quoi faire. Comme si on disait à une population, à nos Québécois et Québécoises, que, comme citoyens, ils ne sont pas assez intelligents, eux, pour faire un choix. Ils ne sont pas assez intelligents pour être capables d'évaluer les avantages d'un regroupement avec une municipalité ou avec l'autre municipalité. C'est un peu d'arrogance, pour ne pas dire beaucoup d'arrogance, et ne réellement pas penser beaucoup de nos citoyens de croire que nos citoyens ne sont pas assez intelligents pour faire un bon choix.

Pour vous montrer comment c'est un peu ridicule si on veut forcer des regroupements, moi, dans mon comté, j'ai une municipalité qui s'appelle Rapide-des-Joachims, qui se situe à l'extrémité nord-ouest du comté de Pontiac. Pour m'y rendre, je dois emprunter le réseau routier de l'Ontario. Maintenant, M. le Président, si on veut à tout prix que cette municipalité se regroupe, se fusionne, elle va être obligée de le faire avec une municipalité de l'Ontario. Ça, je m'y objecte, parce que, sur le territoire de cette municipalité de Rapide-des-Joachims, c'est un endroit où on fait la coupe de bois, il y a des CAAF. Ça fait partie de l'économie du Québec. C'est une des régions où il y a encore du pin rouge et du pin blanc. Il n'y en a pas tellement. Pour ceux qui connaissent un peu la forêt, il n'y en a pas tellement. Donc, je suis convaincu que, rendu là... Je ne pense pas que... Le gouvernement du Québec, à ce moment-là, trouverait une raison pour dire: Bien, ce n'est pas nécessaire que Rapide-des-Joachims soit regroupée avec une autre municipalité. Et je suis totalement d'accord.

(20 h 20)

M. le Président, il y en a d'autres, municipalités, dans mon comté qui se sont regroupées récemment. L'Isle-aux-Allumettes-Partie- Est, l'Isle-aux-Allumettes-Partie-Ouest et Chapeau. Pourquoi? Parce que, M. le Président, déjà ces trois municipalités-là n'étaient qu'une. C'était la municipalité de L'Isle-aux-Allumettes; c'est redevenu ça. Bon sang! les gens l'ont voulu, ils sont regroupés.

Pourtant, j'en ai d'autres municipalités dans mon comté, dont la municipalité de Shawville et la municipalité de Clarendon, qui partagent le service d'incendie, le service de police aussi parce que c'est la Sûreté du Québec. Mais ces gens-là ont fait l'analyse et ils en sont venus à la conclusion que ce n'était pas avantageux. Et c'est tout à fait normal. Shawville, c'est un village au centre de la municipalité de Clarendon, l'endroit où se situent tous les commerces, qui a un système d'égout, un système d'aqueduc, c'est 1 mi², tandis que la municipalité de Clarendon, c'est une municipalité peut-être de 10 mi² ou plus et c'est des agriculteurs, M. le Président, des gens dans la production laitière, des gens qui font de la production bovine. Donc, ça veut dire qu'on a des routes qui ne sont pas pavées. Les besoins ne sont pas les mêmes. On n'a certainement pas un système d'égout et d'aqueduc. Dans cette municipalité-là, les puits et les fosses septiques, ça va continuer d'être quelque chose qui va y être pour longtemps.

Donc, lorsque la ministre nous dit qu'au Québec le temps des puits et des fosses septiques, c'est fini, elle devrait venir dans le comté de Pontiac pour voir, où jamais on ne pourrait se permettre d'avoir un système d'aqueduc et un système d'égout pour desservir la population. Ça serait tellement dispendieux que personne ne pourrait y arriver. Puis ces gens-là, M. le Président, de Shawville et Clarendon sont inquiets. La population est inquiète. Ils ont dit: Regarde, on a fait l'analyse, on a dit non. Maintenant, le gouvernement nous dit: Vous allez vous regrouper, sinon, la péréquation, c'est fini, vous n'en aurez plus, de péréquation, vous n'en aurez plus.

J'aimerais voir la réaction ici, au Québec, si, à un moment donné, le gouvernement canadien disait: Regardez, vous n'êtes pas d'accord, bien il n'y en aura plus, de péréquation. Là, on dirait: C'est épouvantable. Parce que les déficits, les coupures dans les soins de santé, bien c'est la faute d'Ottawa. Ils ont coupé 4 milliards, c'est ça que dit ce gouvernement-là, M. le Président. Tu sais, c'est toujours la faute des autres, le gouvernement fédéral a coupé dans les transferts.

M. le Président, ici, on menace les municipalités. On dit aux Québécois et Québécoises de ces municipalités: Si vous n'êtes pas d'accord avec nous et vous ne vous regroupez pas, fini, hein, vous n'aurez plus de péréquation. Ça, c'est du chantage. Encore pire que ça, je suis convaincu que, si le gouvernement fédéral prenait cette attitude-là vis-à-vis du Québec, on en entendrait parler.

M. le Président, je vois qu'il ne me reste pas tellement de temps. Je trouve c'est un gouvernement de deux poids, deux mesures. On va prendre, par exemple, le premier ministre du Québec, le député de Jonquière, lui peut se permettre de dire: Chez nous, à Jonquière, il n'y aura pas de fusion forcée. Nous sommes différents, nous autres, nous sommes une population différente, et les mariages forcés, ça ne fonctionne pas. Mais comment peut-on exiger du restant des Québécois et Québécoises d'accepter que ce gouvernement et ce premier ministre leur dictent qu'ils vont se regrouper ou bien il va y avoir des conséquences? Il me semble que ce n'est pas une attitude à laquelle on devrait s'attendre d'un parti qui se dit social-démocrate. Une attitude de cette nature-là semble plutôt venir d'une dictature, d'un dictateur: Fais qu'est-ce que je te dis, à ta place, ou bien il va y avoir des conséquences à ce refus.

Donc, M. le Président, il me semble que la démocratie, c'est pour tout le monde. Et, si on veut s'assurer que le Québec et les Québécois soient heureux et puissent prospérer, il va falloir qu'on respecte un peu les citoyens.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Le prochain intervenant sera M. le député de Saguenay.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Pourquoi un semblable projet de loi est-il déposé? Tout simplement parce que l'environnement législatif actuel est déficient. Il subordonne des intérêts locaux au bien commun.

M. le Président, fondamentalement, notre combat est celui du développement économique et de la vie citoyenne. Il n'a rien à voir avec les querelles mesquines et divisives de nos opposants. Si on écarte les propos réducteurs et méprisants qu'on a pu entendre de la part de ces opposants, que reste-t-il de l'argumentation? Quels sont les arguments de ces opposants? On nous a parlé de hausse de taxes. Certains prétendent que les taxes augmenteront parce qu'ils craignent un nivellement à la hausse des conditions salariales et qu'à cet égard la Loi sur l'organisation territoriale devrait donner des moyens aux conseils municipaux de réduire l'écart avec des emplois comparables.

Rappelons d'abord que les conditions actuelles sont le résultat de négociations librement consenties par ces élus. Ils en sont responsables, de ces conditions. Certains demandent donc des lois aujourd'hui pour reprendre ce qu'ils ont donné.

Établissons également que, pour nous, il n'est pas question que les regroupements soient un exercice de démolition des syndicats. Des économies doivent résulter de la réorganisation du travail, mais ce n'est pas le seul endroit où des gains doivent être faits. Une meilleure utilisation des ressources humaines et matérielles conjuguée à une utilisation plus judicieuse de la sous-traitance doit dégager une plus grande marge de manoeuvre aux administrations municipales. La rationalisation, ce n'est pas unidirectionnel.

En ce qui concerne le taux de taxes, établissons tout de suite qu'il est le résultat direct du niveau de services que le conseil municipal livre aux citoyens selon les demandes exprimées par les administrés. Ce niveau de services est directement proportionnel à l'imagination déployée pour la livraison de ces services. Le taux est également lié à la fiscalité municipale, laquelle précise les revenus des municipalités.

En ces circonstances, on peut raisonnablement croire que le taux de taxes peut diminuer. Le regroupement est donc l'opportunité offerte aux élus locaux de livrer des services aux citoyens au meilleur coût possible. Souplesse et proximité doivent guider le conseil dans ses choix. Tout cela pourrait s'exprimer différemment. L'argument de la hausse de taxes comme conséquence du regroupement, c'est l'épouvantail, le bonhomme sept heures pour effrayer, une nouvelle forme d'un coup de Brink's. Brandir ces épouvantails, c'est à l'antipode de la démocratie, c'est faire injure à la vérité.

(20 h 30)

Mais, avant tout, au coeur des choix, il y a la vie citoyenne des personnes qui habitent la municipalité. Les personnes doivent avoir les moyens de se donner une qualité de vie dans le milieu qu'elles ont choisi pour vivre avec leur famille et prospérer. Quand j'observe la décroissance de ma région sur le plan démographique, c'est dramatique. L'émiettement municipal, l'éparpillement des ressources ajoutent aux difficultés. Pour dégager une vision mobilisatrice et une capacité d'agir avec efficacité, il faut alléger les administrations et éventuellement éliminer un palier en intégrant les organisations municipales actuelles suite, selon ce que je préconise dans mon comté, dans ma région, à un regroupement des localités au sein de la MRC. C'est ce qui me motive dans l'appui que je donne à ce projet de loi.

On a également entendu parler de démocratie locale. On veut opposer des consultations que je qualifierais d'unidirectionnelles, remplies de préjugés, lors desquelles plein de faussetés ont été exprimées, opposer ces consultations à un choix législatif d'élus de l'Assemblée nationale qui exercent un pouvoir démocratique conféré par le peuple. Mais la véritable démocratie locale, quelle est-elle? Choisir librement ses représentants dans un processus intègre permettant aux élus de rendre des comptes sur leurs décisions, d'ouvrir leurs livres. Les ententes intermunicipales, les régies, les comités et, je dirais, tout le bataclan des excroissances bureaucratiques qui en résultent sont-ils des gages de transparence, d'imputabilité, de démocratie? Je ne crois pas, ça éloigne les centres de décision du citoyen. L'Assemblée nationale est une institution démocratique qui assume ses responsabilités, les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi fondamentale. Constatons donc que des solutions à la pièce s'opposent à la rationalisation de l'occupation du territoire.

Le droit des peuples à l'autodétermination n'a rien à voir avec le droit d'une localité à l'autodétermination. Existe-t-il un droit des villes à l'autodétermination? Évidemment, non. Pourquoi détourner la question avec un argument aussi fallacieux, aussi trompeur? Quelle est la motivation? Celles et ceux qui s'accrochent au passé cherchent à le perpétuer, c'est la crispation. Comment peut-on à la fois reconnaître, comme on l'a entendu dans les propos de députés de l'opposition, le bien-fondé de fusions sans se donner les moyens de les réaliser? Honnêtement, reconnaissons que cette attitude du refus a quelque chose de malsain et qui laisse perplexe. Tenter d'ériger en principe, en droit, qu'en dehors du volontariat il ne peut y avoir de fusions, c'est nier à cette Assemblée nationale son rôle de forum démocratique, d'institution démocratique, c'est opposer la légitimité démocratique de cette Assemblée à des considérations, à des intérêts locaux, à des considérations ultralocales, c'est diminuer par le fait même les pouvoirs de cette Assemblée nationale.

L'immobilisme institutionnel est le résultat inévitable de cette approche. D'ailleurs, c'est ce qui motive ce projet de loi, c'est cet immobilisme qu'on a connu. Nos concitoyennes et concitoyens s'attendent que nous assumions nos responsabilités. Collectivement, nous avons une obligation de résultat: les organisations municipales doivent évoluer. Par la multiplication des ententes intermunicipales, on éloigne le citoyen de la décision. Le citoyen y perd, la démocratie est affaiblie, c'est le retour en arrière, la régression. Cette façon de faire éloigne les citoyens du centre de décision. C'est pourquoi les regroupements qui pourront être réalisés dans la foulée de l'adoption de cette loi sont des résultats démocratiques, parce qu'ils favorisent le rapprochement du citoyen et du centre de décision. C'est le renforcement de la démocratie.

La beauté de cette loi réside dans le processus mis en place pour atteindre les regroupements. Il n'y a pas d'objectif quantitatif de nombre, il n'y a pas de redécoupage prédéfini. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de mur-à-mur. La solution que je préconise pour ma région peut ne pas convenir à un autre endroit au Québec, mais le modèle que je souhaite voir s'implanter chez moi, c'est ce qui s'est fait, comme à ville de Mirabel ou, à une époque plus lointaine, à ville de Laval, où environ 14 localités avaient été regroupées. Et on voit toute la vision qui a été implantée dans cette municipalité et les stratégies qui ont été mises en place par les élus locaux au fil des décennies pour donner la qualité de services que les citoyens lavallois ont.

Ainsi donc, avec la loi n° 124, le gouvernement peut soumettre à la Commission municipale du Québec un projet. La Commission municipale enquêtera, analysera, fera ses recommandations. Mme la ministre, cet après-midi, nous a indiqué que les citoyens pourront être entendus par la Commission. Ça fait que tout le processus de consultation sera complété, une recommandation sera faite, et le gouvernement prendra sa décision en tenant compte de l'intérêt commun, de l'intérêt général, du bien public.

On nous parle souvent d'identité locale, mais quelle est la nouvelle réalité locale qui requiert ce redécoupage organisationnel, cette reconfiguration? On va faire quelques rappels. Aujourd'hui, lorsque nous parlons du CLSC, le centre local, le «local» réfère au territoire de la MRC. Lorsqu'on parle du CLD, le centre local de développement, le «local» auquel on fait référence, c'est le territoire de la MRC. Lorsqu'on parle d'un centre local d'emploi, le «local» auquel on fait référence, encore une fois, c'est le territoire de la MRC. Le territoire naturel de référence de notre nouvelle réalité, c'est le territoire de la MRC. C'est la nouvelle identité locale.

On nous parle également de la dimension humaine d'une municipalité regroupée. Certains pensent qu'on perd cette dimension. Mais quelle est la dimension humaine d'une localité? Elle est aussi le fruit des services de proximité qui sont accessibles aux citoyennes, aux citoyens pour la vie communautaire: le parc que je fréquente, les loisirs que je fais avec ma famille. Les opposants tentent de faire croire que le regroupement signifie la centralisation des services, qui seraient situés à des années-lumière du citoyen. Non, la réalité est autre. Tous ceux qui ont vécu des regroupements – je peux vous en parler, j'ai vécu le regroupement de Baie-Comeau–Hauterive – savent qu'en bons pères de famille les conseils municipaux s'assurent d'une distribution correcte des services de proximité: service d'incendie, service de police, service de loisirs. La dimension humaine, c'est le service personnalisé, attentif livré par l'employé de la municipalité qui se dévoue corps et âme pour ses concitoyennes et ses concitoyens. Le regroupement, ce n'est pas une opération alchimique qui transmute l'employé municipal en un coeur de pierre.

Concernant l'équité, lors des consultations particulières en commission parlementaire sur le projet de loi n° 124, j'ai été sidéré d'entendre de la part d'opposants au regroupement des critiques réductrices limitant le regroupement au compte de taxes. Rappelons-le, le regroupement se fonde sur la mise en commun des ressources humaines, matérielles. Il se fonde sur la qualité des services offerts à l'ensemble de la communauté selon les niveaux souhaités par les administrés. Rappelons-le, il se fonde sur l'équité dans la distribution de la richesse collective.

Si je le mentionne, moi, je crois que les ressources naturelles qui fondent la richesse de certaines entreprises, qui font en sorte que l'évaluation foncière d'une municipalité est élevée, bien, ces ressources naturelles ne sont pas le bien en propre des opposants au regroupement. Il appartient au gouvernement d'assumer sa responsabilité et d'assurer la redistribution de cette richesse collective.

Le défi du regroupement, c'est la maîtrise de redoutables problèmes économiques auxquels notre milieu peut-être confronté et notre capacité à implanter une vision mobilisatrice qui se traduira en action concertée, en un plan d'action qui sera réalisé avec une organisation municipale reconfigurée à la nouvelle réalité territoriale qui forge cette nouvelle identité locale.

(20 h 40)

Vous savez, l'histoire, les conditions géographiques, la topographie des lieux, une rivière qui servait autrefois pour la drave ou le transport de la pitoune ont façonné nos municipalités telles qu'elles étaient dans le passé. C'était bien sympathique, la vieille charrette sur les chemins de terre à l'ombre du clocher et les enfants à l'école du rang, mais cette époque est révolue. Ces portraits bucoliques ne sont plus notre réalité. Je travaille à un endroit, je suis domicilié à un autre, mes enfants vont à l'école dans l'autre localité, on magasine à un autre endroit, c'est ça, notre nouvelle réalité territoriale. Je pense que nos lois, nos institutions doivent maintenant rattraper cette réalité et elles doivent aussi maintenant l'accompagner pour préparer l'avenir. C'est là, il me semble, où se situe le bien public, l'intérêt commun, l'intérêt public, parce que c'est tout le développement de notre cadre de vie qui en dépend. Il n'est jamais trop tôt, trop prématuré pour planifier, pour préparer l'avenir. Et nous sommes convaincus que la vision mobilisatrice qui en résultera suscitera le climat d'affaires qui incite à l'investissement. Quand je pense aux regroupements, je pense qu'il faut prendre parti pour le développement de notre région, et développer l'économie ne se résume pas à faire des économies sur le compte de taxes. Mais, parce que nous sommes préoccupés par la gestion des deniers publics, il faut que cessent les duplications, les dédoublements, parce que nous voulons aussi consolider et assurer le développement social et culturel.

En conséquence, avec ce projet de loi, il y aura des modifications aux institutions municipales, soit par l'initiative du milieu, soit par l'initiative du gouvernement ou ses représentants. Des recommandations seront produites par la Commission municipale. Et c'est ainsi que se déterminera la nouvelle configuration de nos institutions municipales. Ce sera là un résultat éminemment démocratique car il sera la conséquence d'une législation adoptée par les représentants élus par le peuple pour exercer la souveraineté de celui-ci. Reconnaissons, M. le Président, que nos prédécesseurs ont malheureusement abdiqué devant leurs responsabilités. Et ils ont laissé s'accréditer des perceptions erronées, comme on l'a vu tantôt, sur toute la question de la démocratie locale. La démocratie municipale s'adresse aux objets qui sont de nature purement et exclusivement locale à l'intérieur des champs qui sont délégués. Quand les enjeux excèdent ces considérations ultralocales, il est du devoir, il appartient à l'Assemblée nationale d'arbitrer les enjeux et de veiller à la résolution de ces conflits. Le gouvernement est responsable du bien commun.

Sur le plan économique, ceux qui connaissent aussi le monde municipal savent que beaucoup des peurs qui sont actuellement véhiculées sont amplifiées et largement injustifiées. Mais ces peurs, elles sont véhiculées par des opposants. Mais, je le répète, le regroupement, ce n'est pas fondamentalement une question de partage de factures, c'est une question de développement de la région sur le plan économique, sur le plan social et sur le plan culturel. Il faut que nos régions retrouvent la capacité d'agir. C'est pour ça qu'il faut une vision mobilisatrice, il faut une vision commune de développement durable.

La ville regroupée adoptera donc un plan stratégique de développement. Il est faux de prétendre que les coûts augmentent en raison du regroupement. Les taux de taxes, je le répète, sont le résultat du niveau de services décidé par les élus locaux. C'est le conseil qui détermine le niveau des services et qui les module selon le territoire. Au contraire, on devrait plutôt reconnaître que la dislocation territoriale telle qu'on l'a connaît est le ferment de la division et de cette incapacité d'agir. La situation que nous vivons en région est l'évidente démonstration que la fragmentation, la division, le morcellement, la dislocation est le résultat du piège du découpage institutionnel actuel. Il faut s'en sortir. Et les modèles seront différents pour chacune de nos régions. C'est cette souplesse, cette latitude que nous donne le projet de loi n° 124. J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer dans cette Assemblée, ma conviction, c'est que les municipalités telles qu'elles existent actuellement, le découpage actuel, ça résulte du siècle passé, à une époque où les réseaux de communication, télécommunications et transport n'étaient pas ce que l'on connaît aujourd'hui.

Je regarde dans mon comté, en Haute-Côte-Nord, Tadoussac. De Tadoussac, à un moment donné, s'est détachée la municipalité des Escoumins. C'était valable à l'époque. Par la suite, de la municipalité des Escoumins s'est détachée toute la seigneurie de Mille-Vaches, Saint-Paul-du-Nord, et par la suite s'est détachée Sainte-Anne-de-Portneuf. C'est la même municipalité, la même communauté divisée sous plusieurs administrations municipales. Dans les dernières années, souvent les gens chez moi m'ont entendu poser la question: Avons-nous besoin, en Haute-Côte-Nord, de 10 localités pour 14 000 de population? Est-ce qu'on ne pourrait pas faire mieux avec le personnel qui est là, faire plus, donner davantage de services aux contribuables? Moi, je crois que oui.

J'appuie ce projet de loi parce qu'il favorise l'occupation dynamique du territoire. Ce projet de loi nous convie à préparer et planifier l'avenir. Il permet d'accéder à la prospérité, au progrès, il instaure dans nos milieux une dynamique de coopération, il reconnaît un nouvel espace de concertation.

À mes concitoyens, je leur dis: Sortons de l'immobilisme, préparons l'avenir et favorisons de nouvelles municipalités regroupées au sein des MRC actuelles. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saguenay. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton. Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Alors, merci, M. le Président. J'interviens aujourd'hui sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

J'interviens également aujourd'hui pour apporter mon appui aux citoyens et citoyennes de tout le Québec qui s'opposent à toute fusion forcée de la ministre des Affaires municipales. Les citoyens du Québec sont inquiets devant ce projet de loi de la ministre, ils sont inquiets devant ce pouvoir qu'elle donne au gouvernement de décréter une fusion forcée si les municipalités ne répondent pas comme elle l'entend.

On se rappellera, M. le Président, que l'ancien ministre des Affaires municipales avait instauré un programme incitatif pour favoriser les fusions. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus des incitatifs dont on parle mais bel et bien des mesures coercitives, comme, par exemple, couper la péréquation aux municipalités qui refuseront de se fusionner.

M. le Président, lorsque j'ai été élue, en 1983, le comté de Mégantic-Compton comptait 52 municipalités. Aujourd'hui, il en reste 40, ce qui veut dire qu'il y en a eu, des fusions, des fusions qui ont été volontaires. À titre de députée de Mégantic-Compton qui est proche de ses citoyens, je sais que des fusions forcées n'apporteront que des chicanes entre les citoyens, des déchirures qui prendront des années et des années à être oubliées et à se cicatriser.

On n'a qu'à se rappeler la fusion forcée de Baie-Comeau–Hauterive. Les plaies de cette fusion ne sont toujours pas cicatrisées. Et je me rends compte, avec le discours du député de Saguenay, que Hauterive, M. le Président, c'est dans son comté. Il sait qu'aujourd'hui les plaies qui ont été ouvertes suite à cette fusion forcée de Baie-Comeau–Hauterive, ces plaies ne sont pas cicatrisées. Mais je constate que le gouvernement péquiste n'a pas retenu de leçon de cette saga. Le député de Saguenay devrait se souvenir, M. le Président, que cette fusion forcée a coûté la tête du ministre des Affaires municipales, qui était le ministre Lessard, dans le temps.

Les membres de ce gouvernement tentent de prendre la place des élus municipaux. Ils veulent prendre les décisions à leur place. Ils n'ont aucune confiance en ces élus du monde municipal, qui sont élus comme nous, les députés, des élus par la population. On leur fait de beaux discours quand on a besoin d'eux, mais, dans la réalité, on se rend compte que le gouvernement s'en fout complètement. Respect, démocratie, confiance, partenariat, tous ces mots n'ont plus aucun sens dans la bouche de la ministre.

(20 h 50)

Plusieurs municipalités ont tenu des consultations où les gens se sont exprimés clairement contre les fusions forcées – je dis bien, M. le Président, des fusions forcées. Nous, du Parti libéral, nous ne sommes pas contre les fusions des municipalités, nous sommes contre les fusions forcées. La ministre nie ces résultats en prétextant que le taux de participation n'est pas suffisant, qu'il n'y a pas eu un comité du Oui puis un comité du Non, que les municipalités n'ont financé qu'une seule option. Mais, M. le Président, c'est facile de financer une seule option, demander aux citoyens et citoyennes d'une municipalité: Est-ce que vous êtes pour ou contre la fusion des municipalités?

Comment un gouvernement qui multiplie les référendums pour arriver à ses fins peut-il sérieusement oser contester les consultations que font les municipalités auprès de leurs citoyens? Si un référendum municipal n'est que consultatif, pourquoi un référendum sur la séparation du Québec sera-t-il valide et irréversible? Les élus municipaux, lors de leurs référendums, ont au moins la décence de poser une question claire et compréhensible pour les citoyens. On ne peut pas en dire autant des référendums du Parti québécois.

Le projet de loi n° 124 est un recul important pour la démocratie. Ce projet de loi va engendrer une augmentation des charges fiscales pour les contribuables québécois. Ce projet de loi, M. le Président, quoi qu'en dise la ministre, ne peut garantir aux municipalités qu'il n'y aura pas d'augmentations de taxes. Ce projet de loi ne peut garantir également que les services seront meilleurs ou, du moins, de la même qualité, à un prix peut-être supérieur ou encore, j'irais jusqu'à dire, à des services de moindre qualité à un prix plus élevé. Pourquoi? Parce que, suite à une fusion, tous les employés conservent leurs privilèges. Les fonctionnaires et employés municipaux dont le territoire est annexé totalement deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires et employés de la municipalité annexée et conservent leur ancienneté et leurs avantages sociaux. Ils ne peuvent être mis à pied ou licenciés du seul fait de l'annexion.

M. le Président, on se demande où est l'économie? Est-ce que l'économie d'une fusion ne serait que les salaires des élus municipaux? Il ne faut pas oublier que les municipalités sont avant tout des regroupements de citoyens intéressés par le même développement. C'est un regroupement naturel où on retrouve les mêmes intérêts. C'est pour cette raison que, nous, du Parti libéral, nous sommes contre les fusions forcées. Nous ne sommes pas contre les fusions, à la condition qu'elles résultent de décisions locales, que ce soient les citoyens eux-mêmes qui décident.

Je ne trouve pas rassurant le pouvoir que la ministre va accorder à la Commission municipale. On craint que la Commission municipale, dont les membres sont nommés par le Conseil exécutif, soient appelée à faire la job de bras à la place de la ministre ou à la place du gouvernement. Est-ce que la ministre se cachera derrière la Commission municipale pour annoncer les fusions forcées aux citoyens de municipalités concernées?

M. le Président, les citoyens n'auront plus un mot à dire concernant leur propre municipalité. Comme le disait notre porte-parole, le député de Hull, le projet de loi n° 124, c'est: Toé, tais-toé! Au Québec, seul le gouvernement va décider. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, on entendait les gens d'en face qui déclaraient... Oui, je peux avoir votre bénédiction, parce que c'est vrai. Je vous en cite quelques-uns et je pourrais vous en citer beaucoup plus, mais je vais me restreindre à quelques-uns.

Le député de Joliette, mon ami le député de Joliette – oui, oui, mon ami – le 7 novembre 1999, disait: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Qui disait ça il n'y a pas si longtemps, en novembre 1999? Le député et ministre des Transports, le ministre Chevrette. Mais là c'est encore plus important, M. le Président, le premier ministre, le 14 novembre 1999, disait à son tour: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à se fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Fin de la citation du premier ministre du Québec.

Je pourrais également vous citer les déclarations du député de Borduas, du député de Saint-Jean, du député d'Iberville. Ces déclarations parlaient toutes de respect, de démocratie et rassuraient les citoyens de leurs comtés en leur disant: Écoutez, le gouvernement respectera votre décision, une fusion ne sera effectuée que si les citoyens sont d'accord; jamais de fusion forcée. Ce n'est pas ce que nous rapporte le projet de loi n° 124. J'aimerais que ces personnes, qui avaient un discours il n'y a pas si longtemps, me disent pourquoi ces affirmations ne sont plus vraies aujourd'hui. On ne parle pas ici des déclarations qui ont été faites il y a des années, il s'agit des déclarations qui ont été faites en novembre et en décembre derniers. Comment se fait-il que les paroles de ce gouvernement sont toujours contraires aux gestes posés? C'est toujours contraire. Que penser de tout ça? Que pensent les Québécois et les Québécoises de toutes ces contradictions? Comment autant de représentants du peuple issus du Parti québécois peuvent-ils changer d'idée à ce point en si peu de temps? N'ont-ils pas de convictions ou sont-ils sommés de suivre la ligne du parti et la dictature de ce gouvernement? Les gens sont en droit de se poser des questions sur ce virage à 180 degrés des élus péquistes.

Le message de ce gouvernement est clair: Ce gouvernement n'a aucune confiance envers les élus municipaux. Ce gouvernement n'a aucun respect pour ces élus municipaux. Leurs avis, leurs opinions – on parle des avis et des opinions des élus municipaux – sont rejetés du revers de la main par la ministre des Affaires municipales. Le projet de loi n° 124 donne tout le pouvoir au gouvernement. Seul le gouvernement va décider de l'avenir des municipalités. Les citoyens et les élus municipaux n'auront rien à dire sur le développement de leurs communautés. On ne tiendra aucunement compte des comités qui ont été formés, des nombreuses décisions qui se tiennent actuellement, des négociations et des ententes entre municipalités. Non, ce que la ministre veut, ce sont des fusions forcées au Québec. D'accord, pas d'accord, ça va passer comme le gouvernement l'entend.

M. le Président, c'est ce même gouvernement qui demandait aux municipalités de venir à sa rescousse pour atteindre le déficit zéro. C'est ce même gouvernement qui continue de refiler aux municipalités, malgré l'atteinte du déficit zéro, une facture de 375 millions de dollars. C'est aussi ce même gouvernement qui a décidé, lors de son dernier budget, de retirer au monde municipal les revenus de la TGE. C'est un montant qui se situe aux environs de 356 millions. La ministre des Affaires municipales trouve que la seule solution logique pour un partage équitable de la richesse passe par une fusion forcée.

(21 heures)

M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous souhaitons une véritable réforme municipale qui, avant tout, offrira aux municipalités du Québec une réforme fiscale incluant, entre autres, de nouvelles sources de revenus. Le gouvernement ne doit pas régler un problème fiscal que par des mesures fiscales. Nous votons une réforme fiscale qui respecte l'autonomie municipale, qui respecte le rôle des élus et leur permet de gérer réellement leur municipalité. Il faut que le citoyen soit au coeur de cette réforme municipale. C'est le citoyen qui doit décider, et non pas le gouvernement, si des municipalités doivent être fusionnées, oui ou non.

Et, M. le Président, les membres de ce gouvernement sont les premiers à crier haut et fort lorsque le gouvernement fédéral veut s'ingérer dans les compétences provinciales. C'est drôle, ce qui est bon pour eux est mauvais pour les autres. Encore là, nous sommes devant les contradictions de ce gouvernement: Faites ce que je dis mais non ce que je fais. Les citoyens et les citoyennes du Québec n'ont plus confiance en ce gouvernement. Les fusions forcées n'apportent rien de bon. Ce sont les paroles des députés du Parti québécois, que les fusions forcées n'apportent rien de bon. Ce n'est pas l'opposition qui dit ça, c'est des déclarations des députés ministériels qui disent que des fusions forcées n'apportent rien de bon pour les citoyens et les citoyennes du Québec.

Puis là, en plus des députés du Parti québécois, il y a même Jacques Parizeau – on peut le nommer par son nom maintenant, parce qu'il n'est plus élu – qui n'est pas tout à fait un étranger pour le gouvernement. M. Parizeau disait, en parlant de fusion, et je cite: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens.» Ça, c'est Jacques Parizeau qui disait ça, je le cite intégralement: «Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

Je dis donc à la ministre des Affaires municipales qu'il n'est pas trop tard pour reculer et respecter la volonté des citoyens et des citoyennes du Québec en leur demandant leur opinion sur la fusion de certaines municipalités. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne sommes pas ici, de ce côté de la Chambre, contre les fusions, puisque Mégantic-Compton, qui comportait 53 municipalités, est rendue avec 40 municipalités, mais ça a été des fusions volontaires. Alors, je dis donc à la ministre qu'il n'est pas trop tard pour reculer. Vous devez revoir, Mme la ministre, ce projet de loi.

Ce projet de loi ne peut qu'entraîner des retombées négatives pour tous. Alors, c'est pour ça que je demande à la ministre des Affaires municipales de revoir son projet de loi et de faire des consultations et de respecter les consultations qui se font un peu partout au Québec par des référendums. Alors, si un référendum municipal n'est pas retenu par la ministre, que sert la volonté des citoyens qui répondent non à certaines fusions au Québec? Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Sauvé.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Avec vous, je serai obligée de constater que le projet de loi n° 124 est un projet de loi qui gêne beaucoup de députés en cette Chambre, les députés non seulement bien sûr ici, du côté de l'opposition, mais aussi du côté gouvernemental. D'ailleurs, ils sont peu nombreux. Peut-être qu'ils préfèrent ne pas entendre. Chose certaine, ils préfèrent ne pas en parler. Ils seront peu nombreux, j'imagine, à vouloir prendre la parole sur ce projet de loi qui est donc le projet de loi n° 124, qui est la Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, qui est un projet de loi qui comporte non seulement des enjeux économiques, mais aussi des enjeux démocratiques. Et, comme élus, représentants du peuple en cette Assemblée, je pense que c'est un projet de loi qui nous interpelle dramatiquement, de plein fouet. Donc, c'est un projet de loi qui est là pour faire en sorte de donner à la ministre pleins pouvoirs pour faire des décrets, la ministre des Affaires municipales. Dans le fond, c'est l'adoption de diverses mesures pour forcer des fusions municipales.

M. le Président, je pense, par exemple, à la ville que je représente, qui est la ville de Montréal-Nord. Le comté de Sauvé couvre la partie est de la ville de Montréal-Nord qui est la deuxième plus grande ville sur l'île de Montréal. La ville de Montréal-Nord comporte environ 85 000 habitants, et je peux vous assurer... Je représente les citoyens et citoyennes de Sauvé depuis maintenant 18 mois. Je serai samedi une nouvelle citoyenne de Montréal-Nord avec beaucoup de fierté, parce que j'ai retrouvé auprès de mes concitoyens et concitoyennes de Montréal-Nord un sentiment d'appartenance peu commun à leur municipalité.

Il faut dire que c'est une municipalité qui est caractérisée par la présence d'un maire efficace, déterminé, depuis maintenant plus de 36 ans. Je pense bien sûr à M. Yves Ryan qui, avec à la fois une main de fer mais aussi beaucoup de doigté, a fait en sorte que cette municipalité présente le taux d'endettement le moins élevé au Québec. Ce que retrouvent les citoyens et citoyennes de Montréal-Nord, eh bien, c'est des services de qualité, mais c'est aussi, et c'est important, un accès direct à leurs élus.

Vous savez qu'on peut rejoindre le maire de Montréal-Nord en tout temps, particulièrement le dimanche matin, puisqu'il est rejoignable directement à son bureau de l'hôtel de ville. On peut rejoindre bien sûr très rapidement tous les conseillers municipaux. Et, si on a un problème avec, par exemple, un arbre sur notre terrain, si on veut organiser un événement communautaire, si on est une entreprise qui a des projets d'expansion, il n'y a rien de plus simple pour avoir une réponse rapide et efficace que de contacter le maire ou les conseillers municipaux de Montréal-Nord. Mais, maintenant, les citoyens et citoyennes de Montréal-Nord sont devant un avenir extrêmement hypothétique. Est-ce qu'il y aura ou pas fusion forcée? Est-ce qu'on va ou pas les écouter dans ce qu'ils ont à dire?

M. le Président, d'entrée de jeu, je voudrais souligner la position du Parti libéral du Québec. Peut-être d'entrée de jeu, avant tout, vous rappeler une citation, une citation importante de la Commission d'étude sur les municipalités. C'est un rapport daté de 1986, mais qui est toujours actuel. Je vous rappelle cette citation: «Il importe que les individus qui sont à l'origine des structures municipales et qui en sont les usagers premiers puissent continuer de les façonner à leur image à travers les représentants qu'ils se choisissent. Les services qu'on leur dispense doivent correspondre à leurs besoins, mais surtout à leurs valeurs et à leurs priorités propres.» C'était en 1986, M. le Président, c'était donc une citation de la Commission d'étude sur les municipalités, mais c'est toujours d'actualité.

Rappelons le défi que veut lancer le Parti libéral à ce gouvernement pour faire en sorte que nous visions vraiment l'excellence au Québec. Ce défi, par exemple, c'est de reconnaître l'autonomie du monde municipal, de commencer par accorder plus de latitude aux élus municipaux, notamment en faisant ce qui relève de nous, notamment en simplifiant les lois, en permettant le recours à la sous-traitance afin de permettre aux municipalités d'innover et d'augmenter leur efficacité. Ça, c'est des mesures à notre portée, où on pourra agir en toute démocratie.

Deuxièmement, M. le Président, le respect du citoyen. Ça semble de base, mais pourtant on semble l'avoir oublié. On dit souvent que c'est un syndrome de deuxième mandat, ce gouvernement semble avoir oublié une valeur de base que tout élu représentant du peuple devrait avoir en tête, tout simplement une valeur de base qui est le respect du citoyen. Pour nous, le citoyen doit demeurer maître du processus démocratique. Quand il est question de l'avenir de sa municipalité, il doit être consulté, il doit être entendu, il doit être respecté.

(21 h 10)

Ensuite, M. le Président, il y a le respect de l'identité locale. Chaque municipalité est le résultat des choix de ses habitants à travers le temps. Chaque municipalité s'est façonnée, s'est façonnée une identité propre que ses citoyens peuvent souhaiter préserver et protéger. Ils doivent conserver ce droit, comme ils peuvent avoir le droit, volontairement, de modifier les limites territoriales de leurs municipalités et de relever d'autres défis avec d'autres municipalités. Mais c'est donc le respect de l'identité locale.

Quatrième point, M. le Président, que nous mettons de l'avant et qui est, bien sûr, extrêmement important, c'est même un facteur-clé qui ferait en sorte qu'on favoriserait des fusions volontaires plutôt que tout simplement prendre le bâton et forcer les municipalités à fusionner, eh bien, c'est de parler de fiscalité, de parler de fiscalité juste, de permettre, par exemple, de diversifier les sources de revenus des municipalités. C'est de faire en sorte que le gouvernement du Québec paie les «en lieu» de taxes, par exemple, dans les villes-centres. Déjà, on diminuerait la pression qu'il y a maintenant dans les villes-centres. Si le gouvernement du Québec payait ces «en lieu» de taxes, ça ferait drôlement une différence dans la fiscalité des villes-centres. Donc, enfin avoir une fiscalité juste. Et, bien sûr, de toute évidence, à travers ça, l'objectif, lorsqu'on parle d'un nouveau pacte fiscal, d'avoir une fiscalité juste, c'est bien sûr, pour tout citoyen et citoyenne du Québec, de réduire le fardeau fiscal municipal.

Cinquièmement, M. le Président, c'est de simplifier les structures. Il y a eu des caricatures un peu rigolotes dans les journaux de cette semaine. C'était rigolo puis, en même temps, éventuellement, pour les citoyens et citoyennes du Québec, ce ne sera plus drôle, puisqu'on a imagé les structures municipales, la panoplie de structures municipales qu'il peut y avoir dans une région comme, dans le fond, une pelote de laine avec laquelle un chat aurait joué, donc plein de fils tout emmêlés, parce que, effectivement, ce projet de loi n° 124 ne répond à aucune question en ce qui concerne l'avenir des structures municipales. Est-ce qu'on peut parler ici, au Québec, de simplifier les structures que ce gouvernement péquiste a empilées au cours des années, M. le Président? Je fais bien sûr référence, par exemple, aux structures au niveau du développement économique, au niveau de l'emploi. C'est des exemples parmi plusieurs autres.

Sixièmement, M. le Président, une autre valeur que nous entendons défendre comme parti, comme opposition officielle, c'est une autre valeur extrêmement importante, c'est un autre défi qu'il serait intéressant collectivement de relever, c'est la question de l'amélioration des services à la population. Les services municipaux, c'est les services qui touchent le plus directement, quotidiennement la qualité de vie des citoyens du Québec, et c'est avec acharnement qu'on devrait poursuivre l'objectif d'offrir des services de qualité en temps opportun, à la bonne place, au bon moment, mais, bien sûr, au meilleur coût possible.

M. le Président, le Parti libéral du Québec est en faveur des fusions volontaires qui ne seraient pas faites à n'importe quel prix, ni n'importe quel prix économique ni n'importe quel prix démocratique. Je cite là mon collègue de Hull qui indiquait ça cet après-midi dans son allocution. Donc, on est contre forcer les fusions. Par contre, on ne serait pas contre forcer l'excellence, M. le Président, dans le milieu municipal. Si on avait une fiscalité juste, si on s'engageait ensemble à simplifier les structures, si ensemble on se donnait pour objectif d'améliorer les services à la population, là on se forcerait vers l'excellence au Québec, et je pense que c'est ce à quoi s'attendent les citoyens et citoyennes. Les citoyens et citoyennes du Québec sont beaucoup plus prêts que semble le penser ce gouvernement à chercher l'excellence, à chercher les meilleurs services possible au meilleur coût possible. Encore faut-il leur lancer ce défi et surtout, bien sûr, leur en faire la démonstration.

Mais on dirait que la ministre des Affaires municipales a tout simplement renoncé à l'excellence au Québec. Par exemple, l'article 1 du projet de loi est assez révélateur sur cet élément. L'article 1 de ce projet de loi précise que les regroupements favoriseront notamment l'équité fiscale – on prétend ça – devraient permettre de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à coût égal.

C'est assez ironique, M. le Président, puisque, en cette Chambre, mon collègue de Hull a répété ses questions sur ce sujet à la ministre des Affaires municipales, aucun engagement formel pour dire que le projet de loi va favoriser une baisse du compte de taxes ou une amélioration des services.

Plus que ça, le chef de l'opposition, député de Sherbrooke, avec acharnement, a répété une fois, deux fois, trois fois, quatre fois sa question au premier ministre du Québec; le premier ministre du Québec n'a jamais été capable, en cette Chambre, de confirmer aux citoyennes et citoyens du Québec que le projet de loi n° 124, ce que ça voulait dire... Parce qu'il me semble que c'est l'attente minimale qu'on doit avoir comme citoyens et citoyennes du Québec, si on fait un tel projet de loi, on s'attend à ce que minimalement l'objectif poursuivi soit, soit une amélioration, soit une baisse du compte de taxes. M. le Président, en aucun moment en cette Chambre on a réussi à avoir une réponse claire, définitive, un engagement de la part de la ministre des Affaires municipales ou de la part du premier ministre sur cette question.

Mais, lorsqu'on regarde l'article 2 et l'article 3 du projet de loi, on comprend mieux pourquoi ils ne peuvent pas s'engager à parler de baisses du compte de taxes ou de l'amélioration de services. L'article 2 précise que tous les fonctionnaires et employés de la nouvelle ville fusionnée sont assurés de conserver leur emploi sans réduction de traitement, sans perdre d'ancienneté ni leurs avantages sociaux. Aucun gain économique de ce point de vue là, M. le Président. On pourrait s'attendre normalement... Je pense que le commun des mortels se dit: Bien, si je fusionne deux choses, je vais rationaliser les dépenses, je vais pouvoir faire en sorte d'assurer une baisse du compte de taxes. Bien, non, ce n'est pas le but poursuivi. Et d'autant plus qu'à l'article 3 on précise également que l'arbitre auquel on pourrait faire appel pour déterminer les conditions de travail, bien, en aucun moment cet arbitre ne pourra toucher à la question des planchers d'emploi, ni abolir des emplois, ni toucher à la question des planchers d'emploi, et, à ce point de vue là, c'est carrément le statu quo tout simplement.

C'est comme si la ministre n'avait jamais lu le rapport commandé par son gouvernement, le rapport qu'on a communément appelé le rapport Bédard, qui a été déposé l'année dernière, ça ne fait pas tellement longtemps, M. le Président. Mais il faut admettre qu'une fois que M. Bédard a reconnu que toute sa proposition au niveau d'une réforme municipale n'entraînait pas de gains économiques pour les citoyens et citoyennes du Québec, il faut reconnaître qu'assez vite on a caché M. Bédard puis on a surtout tabletté son rapport. C'est d'autant plus préoccupant de voir le peu de cas qu'on fait de recommandations du rapport de M. Bédard que, si je me fie à une coupure de presse que j'ai lue récemment, c'est au même M. Bédard que la ministre de la Santé fait appel en ce moment pour parler des planchers de budgets pour notre système de santé, nos hôpitaux, nos CLSC et nos centres hospitaliers de soins de longue durée. C'est le même M. Bédard.

Eh bien, le rapport de l'année dernière de M. Bédard recommandait ceci, c'était la recommandation 104, on disait: «Que le Code du travail soit amendé préalablement – préalablement – à tout changement en structure municipale...» Ça, ça aurait voulu dire, si on avait suivi M. Bédard, qu'avant de parler du projet de loi n° 124 on aurait commencé par parler d'une réforme du Code du travail pour les municipalités. Donc, M. Bédard disait: «Que le Code du travail soit amendé préalablement à tout changement aux structures municipales pour que les articles 45 et 46 ne s'appliquent pas aux cas de sous-traitance quand il s'agit d'une simple concession de fonction de travail.» Ça, ça veut dire, M. le Président, que, si on mettait ses culottes, de l'autre côté, et si on touchait la question du Code du travail, si on discutait d'une vraie réforme du Code du travail et qu'on acceptait de discuter des articles 45 et 46 sur les questions de sous-traitance pour le milieu municipal, déjà on donnerait un outil au milieu municipal pour discuter, dialoguer autour de projets volontaires de fusion, des projets qui entraîneraient des gains économiques. Mais non, on choisit plutôt d'utiliser tout simplement le bâton et de faire fi des recommandations de M. Bédard.

Comme je vous disais, M. le Président, c'est très préoccupant de voir le peu de cas qu'on fait des recommandations de M. Bédard lorsque c'est au même M. Bédard que fait appel la ministre de la Santé pour la conseiller sur le financement de ses hôpitaux. On peut se le dire tout de suite, là: Il va faire un travail inutile. On sait fort bien que la ministre de la Santé va faire ce qu'elle veut, exactement comme fait la ministre des Affaires municipales.

(21 h 20)

Je vous disais que l'article 3 du projet de loi devant nous également indiquait qu'on n'allait pas pouvoir toucher au plancher d'emploi. Pourtant, même le maire de Montréal, qui est un défenseur d'un projet une île, une ville, qui, lui, serait ouvert, accepterait un principe de fusion forcée, bien, même lui indique par une étude qu'il a commandée, que la firme SECOR estime que des économies de 100 millions dépendent d'une politique accommodante de la part du gouvernement. En clair, le décret de fusion devrait libérer la nouvelle ville des planchers d'emploi contractés par les municipalités constituantes. Il faudrait également prévoir des mécanismes qui éviteront une course aux ajustements de conditions de travail vers le haut par une harmonisation progressive. Eh bien, M. le Président, on ne retrouve rien de cela.

Ça, c'est une condition préalable au fameux projet de M. Bourque qui, semble-t-il, devrait, selon SECOR, peut-être rapporter 100 millions d'économies. Bien, il y avait des conditions préalables: vraiment libérer la nouvelle ville des planchers d'emploi, éviter des mécanismes qui entraîneraient les hausses des conditions de travail vers le haut. Eh bien, le projet de loi n° 124 qui est devant nous ne répond à aucun de ces préalables, puisqu'on ne touche pas aux planchers d'emploi, et également les conditions de travail qui seront fixées par une première convention collective, qui n'est pas censée entraîner, elle, la hausse des coûts au niveau des conditions de travail, bien ça ne durera qu'un an.

On peut imaginer par la suite qu'on s'en va inexorablement vers des hausses des coûts des employés municipaux dans le cadre de conventions collectives, puisque le projet de loi va favoriser également largement une syndicalisation au niveau des municipalités. M. le Président, bien, peut-être vous expliquer, lorsqu'une municipalité aura moins de 40 % d'employés municipaux syndiqués, en tout cas, on pourra favoriser la syndicalisation de cette nouvelle ville. Donc, on s'en va effectivement, inexorablement, vers une hausse des conditions salariales des employés municipaux.

Ça fait que, plutôt que de prendre la voie de la recherche de l'excellence, de doter les municipalités des outils nécessaires afin qu'elles puissent dialoguer entre elles – je pense bien sûr à un nouveau pacte fiscal, je pense à une réforme du Code du travail – bien, plutôt que de donner des outils – ou on pourra peut-être appeler ça des carottes, hein? – attirer les fusions volontaires, vraiment prendre notre boulot de représentants des citoyens et citoyennes du Québec au sérieux, bien, plutôt que de faire ça, le gouvernement du Parti québécois a choisi d'utiliser le bâton. Donc, par exemple, le projet de loi prévoit – c'est du chantage, M. le Président – que, si des municipalités refusent de se fusionner, eh bien, tout simplement, c'est le couperet, on va couper la péréquation aux municipalités, ce qui représente une valeur de 36 millions de dollars.

Il faut rappeler également qu'on n'a toujours pas de pacte fiscal. Lors du dernier budget, c'était un pacte fiscal attendu, on le sait, par le monde municipal, attendu depuis des années que ce gouvernement est au pouvoir, il n'est jamais arrivé, ce pacte fiscal. Par contre, on sait, dans le dernier budget, que les municipalités ne toucheront plus les revenus de la TGE – ça, c'est 320 millions de dollars dès 2001 – et que cette année elles ont aussi dû à nouveau payer la facture de 356 millions, M. le Président, la facture imposée aux municipalités. Donc, on traite les municipalités comme du menu fretin, et ça, ça veut dire ultimement également qu'on manque totalement de respect envers les citoyens et citoyennes du Québec.

M. le Président, j'aimerais aussi vous parler du village de Saint-Timothée – c'est mon village natal – tout près de la région de Valleyfield. Ma mère y habite. En fait, elle y est née, elle y a été baptisée, elle s'y est mariée, elle y vit toujours. Elle y sera sûrement enterrée, j'espère que ça prendra encore beaucoup de temps. Ma mère est une femme raisonnable, est une femme de tête. C'est une femme qui, en ce moment, est préoccupée par l'idée que peut-être son village, auquel elle s'identifie beaucoup, sera éventuellement fusionné de force avec la ville de Valleyfield. Et pourtant c'est une femme raisonnable, c'est une femme de tête, si on lui demandait son opinion, si on la rassurait sur le respect de l'identité locale, de ce sentiment d'identification à Saint-Timothée, si on lui proposait une fiscalité juste, si on lui indiquait qu'une éventuelle fusion avec Valleyfield, ça pourrait vouloir dire peut-être une baisse même de son compte de taxes pour des services équivalents, elle qui a toujours des revenus stables, qui ne progressent pas à chaque année, puisqu'elle est maintenant retraitée, si on lui parlait d'amélioration de services, si, finalement, on parlait à ma mère, qui habite à Saint-Timothée, de poursuivre l'excellence, de baisser ses taxes, d'améliorer les services, eh bien, je suis sûre que c'est quelqu'un qui serait ouvert à une question de fusion volontaire. Mais, malheureusement, ça ne sera pas le cas, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Comme la députée de Sauvé a mentionné, il me semble que la loi n° 124, ce n'est pas une loi que le côté ministériel veut défendre ce soir, parce que c'est juste ce côté qui est en train de faire les interventions.

M. le Président, je voudrais vraiment, au début, féliciter l'excellent travail du député de Hull, notre porte-parole dans le dossier des affaires municipales. J'espère que chacun des membres de cette Chambre va prendre son intervention de cet après-midi, parce qu'il peut comprendre le vrai problème qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 124.

Habituellement, M. le Président, dans un débat de principe, j'aime citer le principe, les notes explicatives, le titre, la Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, mais, dans ce cas-là, je pense que le titre peut être un peu mieux, M. le Président, comme le livre d'Andrew Sancton: La frénésie des fusions: une attaque à la démocratie locale . In English, Mr. Speaker, it would be Merger Mania: the Assault on Local Government .

M. le Président, je pense que ce n'est pas nécessairement utile, ce soir, de citer les notes explicatives parce que le but de ce projet de loi est de donner le pouvoir à ce gouvernement unilatéralement, nonobstant les interventions de la ministre qui dit qu'elle peut faire quelques représentations à la Commission des affaires municipales, mais de donner le pouvoir à ce gouvernement de forcer les fusions municipales. Parce que, comme la ministre l'a dit, elle a décidé qu'il y a trop de municipalités au Québec. Qui a décidé ça?

Et, habituellement, M. le Président, on cherche à avoir une idée de la logique en arrière de ce projet de loi et, selon moi, il faut que j'explique ça. Dans mon comté, je n'ai pas eu beaucoup de personnes qui ont demandé d'avoir une loi qui force, qui oblige une fusion municipale. Et peut-être que je peux juste prendre quelques minutes pour expliquer mes municipalités, parce que ce côté a décidé que les municipalités, c'est une création du gouvernement du Québec. Avec ça, «just too bad», il peut décider qu'est-ce qu'il veut, il peut décider que ça existe ou que ça n'existe pas. Mais c'est illogique. Légalement, peut-être, ça a été créé à l'Assemblée nationale par le gouvernement du Québec, mais, une fois que vous avez créé une ville, c'est une identité. Les personnes décident de faire cette ville, d'avoir une appartenance à cette ville, d'assurer que c'est un type de ville qui répond à leurs besoins.

J'ai sept municipalités, chez moi, M. le Président, et, sans prendre tout le temps pendant ma brève intervention, ce soir, je voudrais juste nommer mes sept municipalités. J'ai Baie-d'Urfé, qui a moins de 4 000 personnes, qui a un parc industriel assez florissant, mais un zonage, au moins dans une grande majorité de la municipalité, avec un minimum de terrain de 15 000 pi²; j'ai six de mes sept municipalités qui touchent un des lacs ou rivières; j'ai aussi Sainte-Anne-de-Bellevue, avec le dernier hôpital des anciens combattants du Canada, avec un cégep, un collège, les écluses, une stratégie touristique très intéressante; Senneville est une petite municipalité avec moins de 1 000 personnes – Sainte-Anne a juste 5 000 – Senneville avec une qualité, un esprit de vie d'un village tellement intéressant; Pierrefonds, la plus grande ville chez nous, 55 000 personnes, 15 000 hommes, avec encore une fois un esprit de vie tellement intéressant, mais dans cette municipalité il y a quelques femmes qui sont fonctionnelles aussi; il y a Sainte-Geneviève, une ville d'un peu plus de 3 000, avec maintenant le nouveau cégep Gérald-Godin et, encore une fois, une communauté très active; Île Bizard, une des seules villes que je connais dans mon comté qui appuie le concept d'une île, une ville, mais pour eux, c'est une île, une ville pour Île Bizard, ils veulent rester vraiment tel quel; et, finalement, Kirkland, une jeune municipalité avec une approche tellement dynamique, avec un parc industriel, beaucoup de jeunes familles.

(21 h 30)

M. le Président, c'est sept municipalités avec une qualité de vie tellement intéressante, et les populations choisissent de demeurer dans leurs municipalités. Pourquoi est-ce que ce gouvernement veut avoir le pouvoir d'arrêter l'existence de toutes ces municipalités? Et j'ai écouté attentivement depuis le début de cette discussion. Pourquoi? Est-ce qu'ils vont baisser les taxes comme la députée de Sauvé et comme notre porte-parole l'a déjà mentionné? Non, aucune garantie qu'ils vont baisser les taxes et maintenant le gouvernement dit d'avoir confiance: Nous n'allons pas hausser les taxes. Mon oeil! M. le Président, quand le gouvernement dit ça, vous savez qu'est-ce que ça veut dire: les taxes vont augmenter.

Avec ça, M. le Président, première chose. Est-ce que c'est quelque chose qui va sauver de l'argent? Jusqu'à maintenant, il n'y a pas une personne qui a démontré que c'est efficace sur cette question. Je vais retourner, si j'ai le temps, un peu plus tard, sur l'exemple de Toronto. Mais je pense qu'on ne dit pas ça assez souvent. Parce que le gouvernement péquiste aime citer l'exemple de la ville de Toronto. Mais il a oublié de mentionner, dans son discours, que, pour l'amalgamation de Toronto, ça a coûté au gouvernement de Mike Harris 800 millions de dollars en aide aux municipalités ciblées, presque 1 milliard de dollars. C'est assez bizarre, pour supposément sauver de l'argent, les fusions ont causé une dépense extra de 800 millions de dollars. Avec ça, première question. Non, nous n'allons pas baisser les taxes.

Est-ce que nous allons avoir des services qui sont plus proches de la population? J'ai mentionné les municipalités qui donnent un service incroyable avec un service de récréation, quelques municipalités ont un service bénévole de pompiers. Nous avons déjà les régies de l'eau, de coordination entre les bibliothèques, M. le Président. Avec ça, il me semble que l'économie d'échelle ne marche pas dans cette question. Est-ce que nous allons avoir un meilleur service? J'ai mes forts doutes.

Juste un petit exemple, et je sais, c'était pendant une période assez difficile, mais je rappelle l'exemple de Baie-d'Urfé, comme je l'ai mentionné, une petite ville. Pendant la crise du verglas, la ville a sorti... Elle a trouvé les génératrices, elle a acheté ça, ces génératrices, je ne sais pas combien, mais une demi-douzaine, elle a prêté ça à la population. Je sais que cet exemple est assez exceptionnel, mais on se demande comment une petite municipalité peut être vraiment efficace pour les citoyens. Ils ont prêté ça et ils ont trouvé un système pour partager l'énergie pendant la crise.

Est-ce que vous pensez que vous pouvez faire ça dans une grande municipalité de quelques centaines de mille personnes? J'ai mes forts doutes, M. le Président. Est-ce que nous allons avoir une meilleure organisation, une meilleure coordination? Peut-être. Et ça m'intéresse, parce que je voudrais comprendre pourquoi le gouvernement décide de forcer les fusions. Mais, jusqu'à date, encore une fois, toutes les interventions que j'ai entendues, c'est plus la forme qui intéresse ce gouvernement, et ce n'est pas vraiment une vraie assurance que nous allons avoir une meilleure coordination de services, dans le développement économique en particulier.

Est-ce que nous allons avoir plus d'équité? Parce que c'est un grand débat. On doit partager les bonnes choses, les dépenses et on doit s'assurer que les sections moins riches aient plus d'argent. Mais, M. le Président, le gouvernement n'a pas vérifié comme il faut. Déjà, à Beaconsfield, je pense que les taxes, au moins la moitié de mes taxes municipales sont envoyées à l'instance centrale, la Communauté urbaine de Montréal. À Kirkland, comme exemple, plus ou moins 43 % de nos taxes municipales sont envoyées à la Communauté urbaine de Montréal. À Baie-d'Urfé, il y a presque 90 % de nos taxes municipales qui sont envoyées à la Communauté urbaine de Montréal. Avec ça, je m'excuse, il n'y a pas de débat sur l'équité. Nous avons déjà compris ça. Nous avons déjà participé. Ce discours montre que le gouvernement ne comprend pas qu'est-ce qu'on est en train de dire. La question de l'eau, c'est nous autres qui faisons notre propre eau, pas une question de partage de coûts.

M. le Président, une autre question: Est-ce que c'est, comme Mme la ministre en charge de la Charte de la langue française dit, une stratégie d'avoir moins de municipalités bilingues? Est-ce que c'est ça qu'elle veut faire? Quatre de mes sept municipalités ont le statut, dans la Charte de la langue française... 29.1, qui donne le statut d'être bilingue. Elle a déjà annoncé sa stratégie: ça va être d'en avoir moins. Avec ça, je demande: Est-ce que, en arrière de tout ça, c'est une façon, dans le vieux débat péquiste, d'avoir moins d'accès aux services municipaux pour la communauté d'expression anglaise? J'espère que non.

M. le Président, j'ai vu le projet de loi. J'ai vu que c'est un projet de loi mal pensé, c'est un projet de loi antidémocratique. Ils n'ont pas confiance en nos élus municipaux. Ils ont décidé que c'est juste eux autres qui ont le monopole de la vérité. Elle a décidé que c'est juste elle-même qui peut décider qu'est-ce qui était bon pour la population québécoise. Je me souviens des débats pendant la fusion forcée de Mont-Tremblant. J'ai vu qu'elle a dit que c'était une exception, mais, voilà, c'est loin d'être une exception, et nous avons eu raison de faire la bataille contre ça.

M. le Président, aussi, le gouvernement a décidé que peut-être les municipalités n'appuient pas ça, avec ça, il va menacer les coupures dans la péréquation. Est-ce que c'est une façon d'avoir une relation de bonne foi? Est-ce que c'est une façon d'encourager la créativité et le travail entre les municipalités? Non, M. le Président. Comme je l'ai mentionné, le gouvernement prétend chaque fois dans son discours que c'est une création du gouvernement du Québec. Avec ça, il peut décider est-ce que ça existe ou ça n'existe pas, est-ce qu'il est vivant ou raide mort. Je n'accepte pas ça. Nos municipalités sont des instances vivantes qui ont une relation entre les citoyens et leur conseil de ville.

M. le Président, nous, de notre côté, il est assez clair que, nous, on veut supporter les municipalités qui, après une analyse, pensent qu'il peut y avoir une amélioration de leurs services. Elles peuvent baisser les taxes, elles peuvent avoir une stratégie économique différente ou elles peuvent faire d'autres choses. Si elles veulent fusionner, elles peuvent, mais on doit aider ces municipalités. Avec ça, nous, le Parti libéral du Québec, pas comme les péquistes: une stratégie proactive. Le PLQ prône l'autonomie du monde municipal. Chez nous, là, on ne veut pas créer des municipalités et, après ça, ne pas donner l'autonomie municipale. On ne veut pas dire à nos municipalités: C'est juste nous autres qui allons décider. On veut prôner l'autonomie du monde municipal.

On veut avoir une fiscalité juste, pas comme, M. le Président, nous avons vu avec le pelletage pendant des années, tous les problèmes que nous avons vus avec la taxe TGE. M. le Président, nous n'avons pas eu le fameux pacte fiscal tel que promis avant les élections. C'est pourquoi on ne prône pas un changement de forme, on veut avoir un changement substantiel sur le pacte fiscal.

M. le Président, aussi, on prône le respect de l'identité locale. Le fait que j'aie sept municipalités dans mon comté qui sont tout à fait différentes, qui décident qu'elles veulent certainement vivre en harmonie avec leurs voisines... Mais ils sont fiers d'être résidents de L'Île-Bizard, ou Pierrefonds, ou Sainte-Geneviève, ou Kirkland, ou Sainte-Anne-de-Bellevue, ou Senneville. Ils sont fiers de leurs différences, de l'approche qui est un peu différente. Pourquoi le gouvernement veut arrêter tout ça? Il n'y a aucune raison.

M. le Président, le cinquième point, le PLQ veut mettre notre énergie et notre créativité dans l'amélioration des services à la population. Si on peut avoir un meilleur système de pompiers, si on peut avoir un meilleur système de déneigement des routes, si on peut avoir une stratégie qui peut rendre les services plus accessibles et une haute qualité de services à la population, c'est ça que le Parti libéral veut faire.

D'abord et avant tout, M. le Président, on veut prôner le respect du citoyen. Mais ce gouvernement, il a décidé exactement le contraire. Ce gouvernement, avec le projet de loi n° 124, qui donne le pouvoir de fusionner unilatéralement, forcer les fusions des municipalités, est exactement contre ça. C'est une loi antidémocratique.

Mais, n'oubliez pas, ce n'est pas le seul que nous avons devant nous cette session. La loi n° 107 qui a décidé, par ce gouvernement, que les institutions ne peuvent pas donner les services si elles excèdent leur budget, c'est eux autres qui ont décidé qu'ils veulent avoir un projet de loi antiservices dans nos hôpitaux.

N'oubliez pas, M. le Président, nous avons un autre que nous avons fait le débat, je pense, avant-hier, 117, qui est un projet de loi qui va doubler nos primes pour l'assurance médicaments. Et aussi ils ont caché ça dans la loi, qu'il va y avoir une indexation des primes pendant les années avec aucun débat public. Et n'oubliez pas le projet de loi n° 116, qui est une loi anticonsommateurs dans les questions d'énergie.

(21 h 40)

M. le Président, dans le bref temps qui est disponible pour l'opposition pendant le débat de principe, j'ai voulu mentionner clairement que c'est une loi antidémocrate. Elle ne donne pas les moyens aux municipalités pour rendre les services plus efficaces. Elle ne respecte pas les demandes qu'on peut trouver dans le rapport Bédard sur les articles 45 et 46 du Code du travail. Les municipalités demandent ce changement. Ça ne respecte pas la population. Elle ne respecte même pas, M. le Président, qu'est-ce que l'ancien premier ministre Jacques Parizeau a dit et ça ne respecte pas qu'est-ce que le premier ministre actuel a dit. Il a dit: Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon. Lui a dit ça, il a dit ça pour son comté, mais, partout dans le reste de la province, il peut forcer les fusions.

M. le Président, je peux citer plusieurs autres. Mais il semble que déjà, à leur caucus, ils ont décidé: Le fait que vous êtes un élu, qui êtes responsable de représenter vos comtés, oubliez ça; vous avez besoin de tenir la ligne de parti; nous allons passer cette loi parce qu'on veut avoir ce pouvoir de forcer les fusions municipales. M. le Président, c'est inacceptable. C'est inacceptable, ce que déjà ce gouvernement a montré ici, ils sont incapables de s'asseoir à la même table, de bâtir un système ensemble, s'assurer qu'il y a un système de collaboration entre les municipalités.

Mr. Speaker, Bill 124 is clearly a bill that has shown this Government is at the end of its mandate. Seven municipalities in the West Island work well together. But this Government has decided it wants to have a law that would force the mergers of those towns. Why? Will we reduce taxes? This Government can't say: We will reduce taxes. The best it'll say: We promise we won't increase them. You know that isn't true. But a government can say that it will reduce taxes and prove it on black and white, you know taxes are going to go up. Will services get better, Mr. Speaker? I doubt it very much. In the models that we've seen before, services become distant, it is more difficult for the population to talk with their city councillor, the mayor.

In the Toronto mergers, Mr. Speaker, the municipalities, now many of their representatives are saying: Services are less available. And were you aware, Mr. Speaker, that the mergers in Toronto cost the provincial Government of Ontario $800 million in grants to those municipalities that were merged? That's no savings at all, Mr. Speaker.

So far, in all the debate, I have not heard anybody from the Government's side answer the question: Will we have less taxes to pay, will we have better services, will there be better organization in economic development? I haven't heard any of that. I've just heard from the Minister that she has decided and the Cabinet has decided there are too many municipalities in this province. They haven't decided what, why, but they just have decided they want to have this debate because they are incapable of dealing with some of the real issues in terms of fiscal reform.

The only one that has somewhat been clear about this is the Minister responsible for the Charter of the French language, that clearly said her agenda is, on the island of Montréal, to reduce the number of bilingual municipalities. It's unacceptable as a strategy, Mr. Speaker. It's unacceptable, when we have nurtured the development of those municipalities, we have nurtured the differences of them, we have built a system of common sharing of resources. Maybe we can give ways for those municipalities to do that more, maybe we should encourage municipalities to do that more, maybe we should sit down with that leadership and say: What are the tools that you need to move in that direction? Because, frankly, our towns are very excited when they share resources and make resources more effective and closer to the population.

But this Government hasn't been able to do that, Mr. Speaker. This Government has shown itself to be incapable of responding to the population. It doesn't respect referendums. They say that referendums, when they are against their opinion, don't count. And they say that they are going to continue to ram through this law. But let me tell you, Mr. Speaker, the Government is off track on this. The population will not accept it. Clearly, the Government should go back, rethink this bill; rethink this bill and talk to our municipal leaders. We have a wonderful group of municipal leaders. We should build on their expertise, we should build on their autonomy and their understanding of democratic process and we should reject this Bill 124 as soon as possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Maintenant, la parole sera à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, Bill 124, Mr. Speaker, An Act to amend the Act respecting municipal territorial organization and other legislative provisions.

M. le Président, je pense que la première question à poser, c'est: Pourquoi? Pourquoi est-ce qu'on va procéder avec ce qui est essentiellement des fusions forcées par décret? Puis je vais revenir là-dessus, M. le Président, l'importance d'une fusion forcée par décret. Alors, pourquoi est-ce qu'on fait ça?

M. le Président, l'ancien premier ministre du Québec, l'ancien député de L'Assomption, nous a donné une indication, il y a trois ans, dans une entrevue dans le journal Les Affaires , pourquoi est-ce qu'un gouvernement procéderait ainsi. Puis je le cite, M. le Président, je cite Jacques Parizeau, dans le journal Les Affaires , le 3 mai 1997: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – c'est-à-dire à justifier les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Fin de la citation de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau. Alors, il nous donne une indication du pourquoi derrière le projet de loi n° 124: c'est par commodité pour le gouvernement, M. le Président, et non pas pour les citoyens.

Mais, pour être juste, on va citer le projet de loi, à l'article 1 qui introduit l'article 125.1 dans la Loi sur l'organisation territoriale municipale. On indique, au nouvel article 125.1: «Les sous-sections 2 à 4 – c'est-à-dire les fusions – ont pour objet la constitution de municipalités locales issues de regroupements afin notamment de favoriser l'équité fiscale et de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal.» Fin de l'article 125.1. Alors, M. le Président, le prétexte dans la loi pour procéder à des fusions forcées, c'est de favoriser l'équité fiscale et de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal. Alors, il me semble que c'est très clair.

Pourtant, l'opposition officielle demande des questions une fois par semaine, une fois aux deux jours, régulièrement, à la ministre d'État aux Affaires municipales, au premier ministre lui-même: Est-ce qu'ils peuvent nous indiquer, est-ce qu'ils peuvent nous garantir qu'il y aura une baisse de taxes? Est-ce qu'ils peuvent nous garantir ou indiquer qu'il y aura une baisse de taxes? Aucune garantie possible. Est-ce qu'ils peuvent nous garantir qu'il y aura une amélioration des services? Aucune garantie donnée. Alors, on commence à poser des questions, M. le Président, on dit: Si le gouvernement ne peut pas dire: On va sauver de l'argent, on va baisser le compte de taxes des citoyens, on va améliorer les services, bien là ça ne marche plus. Même à l'article 1 du projet de loi, ça ne marche plus. Ça n'a aucun sens.

(21 h 50)

M. le Président, pourquoi est-ce qu'ils ne peuvent pas nous dire qu'ils vont sauver de l'argent? Bien, il y a des failles dans le projet de loi, c'est très clair. Il y a des failles dans tout le pourquoi derrière les fusions municipales. De un, suite à des fusions, selon le projet de loi, tous les employés des villes fusionnées conservent leurs privilèges, n'est-ce pas? Les articles 44 et 45 du Code du travail ne sont pas amendés, les planchers d'emploi sont confirmés, protégés.

Alors, M. le Président, comment voulez-vous qu'on sauve de l'argent, qu'on rende des meilleurs services quand on décrète dans la loi qu'il ne peut y avoir, en fin de compte, aucun changement à des conditions de travail des employés? Pourtant, la masse salariale représente, quoi, 80 %, 85 % d'une ville? Un peu moins, un peu moins que ça. Mais ça représente quand même une portion importante de leurs dépenses, M. le Président. J'ai exagéré un peu, ce serait peut-être autour de 50 %, mais, quand même, c'est un élément crucial. Il y a évidemment des dépenses fixes, il y a des dépenses qui peuvent varier. Mais, quand on dit qu'on ne peut pas toucher les conditions d'emploi des employés, quand on dit qu'on ne peut pas toucher la rémunération, quand on dit qu'on ne peut pas toucher aux planchers d'emploi, comment voulez-vous qu'on sauve de l'argent, M. le Président? Parce que c'est, soi-disant, l'objectif du projet de loi, l'équité fiscale.

Mais là, depuis que je siège à cette Assemblée, nous attendons, comme Montréalais – je suis un Montréalais, M. le Président – un pacte fiscal. Presque depuis le début de l'arrivée du Parti québécois, on nous promet un pacte fiscal pour régler la question de la fiscalité de Montréal. Mais nous sommes toujours en attente. Je me souviens une journée où, en campagne électorale, on a promis, sur le toit de l'hôtel de ville, un pacte fiscal, avec le maire Doré. Mais, M. le Président, nous sommes toujours en attente d'un pacte fiscal pour Montréal.

Alors, si le gouvernement voulait encourager l'équité fiscale, il aurait pu le faire dans le cas de Montréal maintenant depuis six ans. Il ne l'a pas fait. Alors, M. le Président, comment est-ce qu'on peut croire que l'objectif est de favoriser une équité fiscale quand le gouvernement a essentiellement tous les leviers déjà à sa disposition pour regarder toute la question de la fiscalité des municipalités?

M. le Président, examinons brièvement les expériences d'ailleurs, des fusions, des agglomérations, des créations de villes. M. le Président, on aime citer... le maire de Montréal aime citer, entre autres, Boston puis Atlanta. M. le Président, la ville de Boston, aux États-Unis, est la plus petite, en termes de superficie, des grandes villes américaines, et sa population ne représente plus que 20 % de la population de la région métropolitaine. Est-ce que ça empêche le bon fonctionnement de la municipalité de Boston, qu'elle soit la plus petite, qu'elle représente juste 20 % de la région métropolitaine? Non, M. le Président, ça n'a pas l'air. Le cas d'Atlanta est à peu près dans la même situation et même peut-être plus frappant. La ville d'Atlanta comme telle, elle-même, est petite, ça n'empêche pas un bon fonctionnement du système.

Puis l'autre expérience qu'on connaît présentement... D'ailleurs, M. le Président, Boston et Atlanta n'ont pas changé leur statut. À ma connaissance, la dernière grande fusion aux États-Unis date d'il y a plus de 100 ans, c'est la ville de New York, la ville de New York où ont été mis ensemble cinq «boroughs», qui sont maintenant des boroughs, qui étaient anciennement des villes. Mais cette dernière fusion date d'il y a plus de 100 ans, puis on veut nous faire croire qu'il y a des avantages à fusionner aujourd'hui. Bien, qu'on nous fasse la démonstration, M. le Président, puis personne n'est capable de la faire de façon convaincante.

Regardons Toronto, Ottawa, Ottawa-Carleton, parce que c'est, en effet, une orientation du gouvernement Harris. D'ailleurs, M. le Président, je trouve ça tellement comique qu'à un moment donné il y ait des parallèles qui soient tirés sur le Parti libéral du Québec puis le Parti conservateur en Ontario, des parallèles méchants, des parallèles dans les pires circonstances.

M. le Président, pouvez-vous vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il nous manque quelques députés pour le quorum. Alors, j'inviterais rapidement d'y voir. Je donne quelques secondes.

(21 h 55 – 21 h 56)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous inviterais à prendre place, s'il vous plaît. Nous allons pouvoir poursuivre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je comprends qu'il y a une partie de hockey, mais nos responsabilités premières, j'imagine, sont ici, à l'Assemblée nationale, au salon bleu.

M. le Président, la question de l'Ontario, les fusions à Toronto, Ottawa–Carleton, je disais qu'on est cité de temps en temps, les comparaisons sont faites avec le gouvernement du Parti conservateur en Ontario, nous, au Parti libéral du Québec. C'est méchant, ce n'est pas bon. J'ai déjà entendu le premier ministre actuel dire: Le vent de droite qui souffle de l'Ouest canadien va se buter à un mur à la frontière du Québec, hein, on va l'arrêter, ce vent de droite, on va ériger un mur sur la frontière avec l'Ontario. Mais, M. le Président, imaginez-vous, le gouvernement du Parti québécois propose des fusions forcées exactement comme propose le premier ministre de l'Ontario, Mike Harris.

Alors, semble-t-il, ce mur de béton qui était supposé retenir le vent conservateur de Mike Harris, il a des trous, il est plus malléable qu'on pensait. Parce que le vent de fusions forcées qui vient de l'Ontario souffle sur le Québec, ça souffle sur le gouvernement du Parti québécois, puis, de temps en temps, ils tirent des parallèles avec le Parti libéral du Québec et le Parti conservateur en Ontario, imaginez-vous, M. le Président, quand, dans leurs gestes à eux, ils reproduisent les mêmes choses que le Parti conservateur en Ontario.

Mais qu'est-ce qui est arrivé, à Toronto, M. le Président? Là, il y a des commentaires excessivement intéressants des députés ontariens puis pas n'importe lesquels. Le président de la Chambre en Ontario, à Queenspark, qui est un conservateur, n'est-ce pas – ce n'est pas quelqu'un de l'opposition, ce n'est pas un démagogue, c'est le président de la Chambre – a déclaré récemment ici, à Québec, et je le cite: «À Toronto, il n'y a pas eu de réduction de personnel ni de réduction de coûts», assure le président de l'Assemblée législative ontarienne, M. Gary Carr. Pas de réduction nulle part, M. le Président. Alors, les fusions forcées, qu'est-ce que ça donne?

Son collègue le député de Glengarry–PrescottRussell, Jean-Marc Lalonde, a abondé dans le même sens: «Il faut cesser de dire qu'il s'agit d'une économie; ça entraîne plutôt une augmentation de taxes.» John O'Toole, député de Durham-Est, adopte un ton plutôt sarcastique, je le cite: «Plus c'est gros, moins ça veut rendre des comptes. À partir d'une certaine dimension, les administrations deviennent moins efficaces, les fusions sont d'abord orchestrées par des bureaucraties – il y a un parallèle avec M. Parizeau, le député O'Toole – qui veulent augmenter leur pouvoir. Le citoyen ne s'y retrouve plus.»

Alors, M. le Président, en Ontario, ce n'est pas évident qu'on gagne beaucoup avec des fusions. Aux États-Unis, ils n'en font pas depuis 100 ans. Mais, nous, au Québec, on veut être distinct puis on va le faire. On va le faire pourquoi? Pas pour économiser, mais pour faire plaisir au ministère des Affaires municipales.

(22 heures)

M. le Président, parlons donc brièvement du respect de la volonté locale. Puis, nous, au Parti libéral du Québec, on n'est pas contre les fusions, il faut que ça soit clair. On n'est pas contre les fusions. On est contre des fusions forcées, mais on n'est aucunement contre des fusions volontaires, parce qu'on veut respecter la volonté des citoyens. Récemment, deux municipalités voisines de mon comté, les municipalités de ville Saint-Pierre et de Lachine, se sont fusionnées. Elles l'ont fait de façon volontaire. Personne à l'Assemblée nationale ne s'est objecté. C'était quelque chose de souhaité, j'imagine, dans les deux cas, appuyé par les élus. Alors, ça s'est fait. Alors, tenter de dire que nous défendons, de ce côté de la Chambre... Puis, encore une fois, M. le Président, je suis dans l'obligation de vous demander de vérifier le quorum.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je tiens à rappeler que, lorsque les commissions parlementaires travaillent, le quorum en cette Chambre est de 13, en comptant le président. Donc, ça prend seulement 12 députés. D'accord? Comme ça fait déjà trois fois qu'on le demande... Voulez-vous continuer, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Copeman: Merci, M. le Président. La volonté locale. Nous, nous ne sommes pas défavorables, mais aucunement, à des fusions quand elles sont volontaires, mais nous sommes contre des fusions forcées. Et évidemment c'est encore pire dans le projet de loi n° 124 parce que c'est des fusions par décret. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est des fusions essentiellement décrétées par le gouvernement. Ce ne serait même pas dans les mains des élus de l'Assemblée nationale, mais ça va être dans les mains des ministres. Les 28 hommes et femmes qui forment le Conseil des ministres, derrière des portes fermées, c'est eux autres qui vont décider. Ce n'est même pas l'Assemblée nationale du Québec qui va décider. C'est encore pire.

M. le Président, l'attitude du gouvernement face à la volonté locale est pour le moins curieuse, et on prend l'exemple des référendums. Les référendums, oui, ils sont consultatifs, personne ne le nie, les référendums sont consultatifs, oui, ils le sont, ils ne sont pas «binding», on dirait en anglais, mais c'est le même gouvernement évidemment qui prône des consultations, selon la Loi sur la consultation populaire pour déterminer l'avenir du Québec, qui, eux aussi, sont des référendums consultatifs. Nos référendums sur l'avenir du Québec de 1980, de 1995, le référendum sur les ententes de Charlottetown étaient tous des référendums consultatifs au sens de la loi. Il n'y avait aucun caractère obligatoire. Mais, évidemment, pour le gouvernement, c'est ça, il faut respecter ces référendums-là. Mais, des référendums sur la volonté locale, là, ils ne veulent rien savoir, ils ne veulent absolument pas respecter ces types...

And you know, Mr. Speaker, that's quite ironic that this Government, which believes apparently so strongly in consulting the population, as it has done now twice in the past 20 years, on the future of Québec, does so under our very law which states clearly that a referendum on the future of Québec is only consultative. It has no legal value. You know, la Loi sur la consultation populaire is very clear in that regard. These are consultations that don't have any legal weight. It requires an act of the National Assembly.

But this is the same Government that says: On the matter of local referenda, which are purely consultative, oh, well, we're not interested in that. We're not interested in hearing about that, we're not interested in respecting that. You know, their referendums are sacred. Referenda organized by municipalities, by local citizens: niet! niet, niet! Ils ne veulent rien savoir. Mais, M. le Président, niet, niet, ça m'apparaît pas mal l'Union soviétique de temps en temps.

You know, the issue of bilingual status, Mr. Speaker, was raised by my colleague the MNA for Nelligan, and it's an important one for my riding because I have, in addition to the city of Montréal, a smaller municipality, the municipality of Montréal-Ouest, about 4 000 people, which has bilingual status, currently section 29.1 of the French Language Charter, formally section 113f. What will happen to that status? The Minister responsible for the Charter of the French Language has been very clear in that regard: in the event of a forced merger, that municipality will loose that status. Well, once again, you know, in terms of respect of acquired rights of English-speaking Quebeckers, this Government falls lamentably short.

Alors, M. le Président, je reviens au début. Pourquoi? Est-ce que c'est pour aider les citoyens? Non. Est-ce qu'il y a une démonstration que ça va être une baisse de taxes, un allégement du fardeau fiscal, une amélioration des services? Non. C'est fait pour faire plaisir à des bureaucrates, c'est fait pour faire plaisir au gouvernement du Québec et non pas aux citoyens. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Bien, nous sommes au niveau de l'adoption du principe de la loi n° 124. J'étais dans mon bureau il y a une heure environ au moment où on m'a dirigé un téléphone, un appel téléphonique qui était rentré chez le whip, et on l'a dirigé vers mon bureau. C'étaient des gens de Granby. Ils étaient réunis ce soir, et ils écoutaient le débat parlementaire, et ils avaient des questions à poser. Ils voulaient poser des questions sur ce qui se passait ici. Alors, j'ai pris les questions en note et je vais leur répondre, d'ailleurs. Ils sont 13 dans une maison en ce moment à Granby, et j'ai eu le plaisir de jaser avec cette famille-là. Je voudrais dire deux mots à ces gens-là.

D'abord, c'est une famille qui s'appelle la famille Lacasse, à Granby, et, si j'ai bien compris, ils sont 12 enfants vivants en ce moment. Au Québec, 12 enfants vivants, c'est assez impressionnant. La mère est très courageuse, à ce que m'a dit la fille de la famille qui m'a parlé, et, la mère, en ce moment, je lui souhaite bonne santé. On me dit qu'elle suit des traitements en ce moment. Elle a 78 ans. Alors, je lui souhaite bonne santé et bon courage dans les jours et les semaines qui vont venir.

Et j'entendais toute la famille jaser en arrière pendant que la soeur, Gisèle – c'était son nom – me posait des questions. J'ai cru comprendre que Gisèle avait un petit côté environnementaliste. On a parlé d'environnement un peu, bien sûr, et ils me disaient – et je les salue – que, leur mère n'étant pas si bien ces temps-ci, ils se retrouvent alentour d'elle à Granby, et qu'ils jouent aux cartes avec Mme Lacasse, et qu'ils appellent ça le «casino Lacasse de Granby», puis qu'ils ont beaucoup de plaisir. Alors, les gens du casino Lacasse de Granby. Je les salue et je vais répondre aux questions qu'ils m'ont posées particulièrement. Et c'est Gisèle qui me posait les questions, bien sûr, mais j'entendais les frères et soeurs en arrière qui disaient: Demande-lui donc puis demande-lui donc...

Alors, c'est des payeurs de taxes municipales qui vivent dans la région de Granby, comme les gens vivent alentour de la ville de Magog, et les questions, fondamentalement, qu'ils me posaient, il y en avait de quatre ordres: Ça va coûter combien? Est-ce que c'est bon pour nous, gens de Granby ou gens de la banlieue de Granby? Est-ce que c'est bon pour nous? Est-ce que ça va être plus démocratique? Ce n'était peut-être pas épelé comme ça, la question, mais c'était à peu près ça que ça voulait dire, est-ce que ça va être plus démocratique.

Et là il y avait l'air d'en avoir un qui était plus brillant que les autres, un professeur d'éducation physique, M. le ministre. Ils me l'ont présenté, François, et lui voulait savoir s'il y avait des structures idéales dans notre société quand on parle du monde démocratique et municipal. On va lui répondre à ça.

Et finalement il devait y avoir un péquiste dans la gang de la famille. C'est une grosse famille, ils sont 12, 13 enfants. J'imagine qu'il doit y en avoir un ou deux là-dessus – peut-être un, peut-être deux, je ne sais pas – qui sont péquistes. Alors, il y en a un qui est venu au téléphone – d'ailleurs, c'est comme ça que j'ai dû quitter parce que je m'en venais parler ici – et, lui, il voulait savoir qu'est-ce que le Parti libéral du Québec proposait. Alors, je vais répondre à ça aussi, M. le Président.

(22 h 10)

D'abord, ce que je veux leur dire, c'est que d'être péquiste, ce n'est en soi ni une vertu ni une maladie. Mais, quand on est péquiste, on a quelques bobos en particulier. Il y a quelque chose, là. Quand t'es péquiste, le social-démocrate, t'as ça dans le sang, on dirait. Bon, il y a des exceptions, là aussi. Je vois le ministre de l'Éducation qui arrive du monde des affaires; il doit avoir bien de la misère avec le discours péquiste. Mais enfin, ça, c'est un aparté. Alors, quand t'es péquiste, il faut que tu joues avec les structures, il faut que tu changes les structures, les limites. Alors, tu prends deux commissions scolaires, t'en fais une nouvelle. Ça, t'as bien du fun à faire ça quand t'es péquiste. T'ajoutes des organismes. Ah oui, ça, dans leur dernier programme...

Dans l'avant-dernier programme, d'ailleurs, pour ceux qui ne l'ont pas lu – les Lacasse de Granby, je vous invite à lire ça – on créait 200 nouvelles structures dans le programme du PQ de 1995, et puis on nommait des gens. On nommait des gens sur toutes ces structures qui, plus souvent qu'autrement, ne se rapportent à personne d'élu. Dans mon comté, je me plais à dire que, de toutes ces structures qui viennent me voir – conseil de l'hôpital, conseil de ci, conseil de ça – le seul qui à tous les quatre ou cinq ans mettra sa photo sur un poteau, ce sera le distingué député d'Orford. Les autres viendront, les autres seront nommés. Mais, franchement, les seuls qui vont répondre de leurs gestes à la population, ce seront les maires et le député.

Alors, oui, à ces gens de Granby je dis: Quand on est des vrais péquistes, des vrais sociaux-démocrates, on joue avec les structures. On en enlève un petit peu au CRD puis on en rajoute au CLD, on prend le CRE puis on en fait siéger un du CRE au CHU, puis on dit à la MRC: Tu vas superviser la Régie. C'est la grande valse des structures, M. le Président. C'est comme un tango à deux temps: il y a un petit bout que t'avances puis un petit bout que tu recules, mais, à la fin de la soirée, t'as probablement dansé dans quatre pieds carrés, finalement, puis t'as pas avancé à grand-chose. Alors, ça, à ces bonnes gens de Granby je dis: Attention à ce discours que vous entendrez sur la loi n° 124 venant de ce gouvernement. C'est un tango, et probablement que, quand ils auront fini dans quelques années, on aura dansé sur quatre pieds carrés puis on n'aura pas avancé comme société.

Aec ce projet de loi, et c'est la deuxième question de François, professeur d'éducation physique, qui me demandait: Est-ce que ce sera mieux dans notre société? Eh bien, je réponds: Il y a maintenant dans notre société deux sortes de citoyens: ceux qui vont aller voter à l'élection municipale et qui n'auront aucun pouvoir... Parce que c'est ça, le projet n° 124. Les citoyens qui diront: Nous, on veut que notre milieu de vie, ce soit le village d'Austin – où je demeure, mon petit village, une démocratie tout à fait dynamique où les citoyens sont impliqués, où on a des réponses directes au conseil municipal du premier lundi soir, où les gens sont là, après leur travail, parlent au maire, M. Nicolet, parlent aux échevins, échangent, ont des réponses – ces gens-là ont des préoccupations pour leurs citoyens. Il y aura maintenant deux sortes de citoyens, ceux du village d'Austin qui vont aller voter, et la province dira: Peu importe ce que vous avez décidé, nous, c'est ce qu'on va vous imposer, puis il y aura une autre sorte de voteurs au Québec, ceux qui voteront au niveau de la province.

Là, moi, dans mes cours de sciences politiques, j'ai toujours compris qu'un vote avait le même pouvoir qu'un autre vote. Quand les citoyens nous interpellent... Et vous qui êtes ici, messieurs dames les députés, combien de fois vous avez dû expliquer à vos citoyens qu'une personne qui est élue à la commission scolaire, elle est aussi démocrate que vous, qu'une personne qui est élue au conseil municipal du village d'Austin, ou de la ville de Magog, ou de la ville de Granby, où est la famille Lacasse, ce soir, qui nous écoute, elle est aussi élue démocratiquement, qu'il n'y a pas, en démocratie, deux, trois sortes de votes, ou d'inégalités, devrais-je dire? Alors, quand on va voter dans nos conseils municipaux contre un regroupement ou pour un regroupement, qu'on se le tienne pour dit, avec la loi n° 124, la ministre des Affaires municipales pourra en tout temps décider comment, elle, elle pense que les choses devraient aller.

J'entendais le député de Notre-Dame-de-Grâce dire tantôt: Écoutez, le Parti libéral, nous sommes pour que les municipalités se regroupent, et je vais vous en donner des exemples. Dans le comté d'Orford, on ne doit pas être désincarné, dans le comté d'Orford, on a 60 000 citoyens, 54 000 électeurs, milieu rural, milieu touristique, commercial et industriel. C'est du vrai monde, ça, dans le comté d'Orford. Eh bien, qu'est-ce que c'est qui s'est passé depuis 11 ans que je suis là? Bien, d'abord, il y avait un problème économique dans ce qu'on appelle les villes de la région de Stanstead. Il y avait trois villes là-bas: les Stanstead, les Beebe, les Rock Island. C'est-u drôle que ça n'ait pas pris une loi de la ministre. Les gens ont vite réalisé qu'ils avaient avantage à se regrouper, à mettre leurs énergies ensemble, et j'ai contribué avec les citoyens. D'ailleurs, je salue Mme Pépin, la mairesse là-bas, qui fait un ouvrage exceptionnel, qui, après cette union des trois municipalités, a décidé que les gens maintenant regarderaient par en avant. Ça n'a pas été évident, ça n'a pas été facile, et ils l'ont fait. La province n'a rien eu à faire là-dedans, sauf une étude. Les citoyens sont heureux, c'est venu d'eux.

Je pourrais vous parler des villes de Hatley où M. René Lévesque aimait bien aller. Eh bien, oui, les villes de Hatley, il y en a qui se sont regroupées là-bas et ça va bien. Par contre, celles qu'on a essayé d'obliger de se regrouper refusent en ce moment; ça ne venait pas d'elles, M. le Président. Il y en a d'autres, villes qui se regardent, qui se courtisent; je pense aux villes de Magog, d'Omerville et de Deux-Cantons. On parle de quatre unités, ici. On parle de 16 000, 17 000 citoyens, peut-être 20 000. Ces gens-là sont après se courtiser depuis nombre d'années. Ils ont des choses en commun, ils ont des intérêts à défendre ensemble. Je ne sais pas si ça arrivera, mais je pense qu'il y a quelque chose là. Et puis ils travaillent ensemble.

Je pense ensuite aux municipalités du lac Massawippi. Elles ont même mis en commun des centres d'achats, des centres de décision. Elles ont rencontré d'ailleurs le député de Hull ici, notre porte-parole en matière municipale qui fait un ouvrage exceptionnel. Elles l'ont rencontré, elles lui ont expliqué leurs projets. Il a été fort impressionné par les gens de la région du lac Massawippi. C'est un autre groupe qui se regarde en ce moment, puis il n'aura pas besoin de l'aide de Mme Harel parce que déjà la Chambre de commerce s'est regroupée, M. le Président, sans que la ministre des Affaires municipales soit venue mettre le nez dans ses affaires parce que le monde des affaires a cru que c'était bon de regrouper les trois chambres de commerce. Et vous imaginez que, si les gens d'affaires dans ces trois municipalités se sont regroupés, je croirais maintenant que, les municipalités, il y a une certaine logique qu'elles suivent. Je pense à Rock Forest, à Saint-Élie et à Deauville. Et, encore là, c'est-u drôle, la ministre des Affaires municipales n'était pas dans le portrait puis ces gens-là ont vu que leur bien était dans cette direction-là. Alors, oui, le Parti libéral est pour que les forces se regroupent partout où les citoyens voudront bien se regrouper, mais nous ne croyons pas que la vérité incarnée arrive de Québec. Nous ne croyons pas, au Parti libéral, qu'il y a deux sortes de citoyens et deux sortes de types de vote, M. le Président.

À la question que la famille Lacasse me demandait, l'autre question: Est-ce qu'il y aura des économies? si j'ai bien compris, la famille Lacasse, il y a Pierre qui travaille chez IBM, il y en a d'autres qui sont enseignants, il y a cette Gisèle qui semble être une environnementaliste, mère de famille, alors ils sont un certain nombre. Ce sont des bonnes gens, j'imagine, des gens à revenus tout à fait corrects. Ils ne sont pas, à ce que j'ai cru comprendre, une famille très riche, ils font attention à chaque denier qu'ils dépensent. Ils me disaient combien de petits-enfants Mme Lacasse avait aussi. Quand on pose la question à la ministre des Affaires municipales: Est-ce qu'il y aura des économies? jamais, jamais nous n'avons des réponses. Ce que nous savons, d'autre part, c'est qu'il n'y a pas eu d'économies dans Baie-Comeau–Hauterive. Ça, on est sûr de ça. On sait qu'aussi dans Toronto non seulement il n'y a pas eu d'économies, mais on prétend, en ce moment, les gens là-bas nous disent qu'il y a un déboursé de la province de l'ordre de 800 millions de dollars.

(22 h 20)

Le professeur Jacques Desbiens, professeur à l'Université de Chicoutimi, de grande réputation en matière municipale, disait il y a quelques jours: «C'est une idée que les fusions conduisent systématiquement à une réduction des dépenses. C'est un mythe qui ne résiste pas à l'examen des faits.» Qui ne résiste pas à l'examen des faits. Or, à ce François Lacasse qui me demandait: Est-ce qu'il y a une réduction? eh bien, non, il n'y a pas de réduction, il n'y en a pas de démontrée, en tout cas, M. le Président. Et M. Parizeau – certains le citaient tantôt – démontrait le contraire, il y a quelques années, dans un discours qu'il faisait.

L'autre question qu'on m'a posée: Quelle est la structure idéale? Avec mon vieil âge, j'arrive à la conclusion qu'il faut se méfier des modes. Ah, j'ai vu ça du temps que j'étais en affaires dans les marchés boursiers, il y avait des modes. Alors, un bon jour, tout le monde allait dans les valeurs minières, c'était la grande mode. Ensuite, tout le monde est allé dans les stocks d'or, c'était la grande mode. Et, après ça, tout le monde a décidé d'aller dans les stocks high-tech, c'est la grande mode. Il faut regarder ça en perspective, il faut regarder ça dans le temps puis essayer de voir les résultats de ces modes-là. Regardez en éducation, il y a eu des modes dans l'éducation. Et, quand on regarde ça dans le temps, on se dit: Est-ce que ces modes-là ont toutes donné raison?

J'ai, assis à côté de moi, le député d'Outremont qui va prendre la parole tantôt, un homme très sage, un homme qui a réfléchi sur ces grands mouvements de société, sur les modes, effectivement sur: Est-ce qu'il faut toujours aller selon la mode, M. le Président? Or, j'ai l'impression que ce gouvernement est un gouvernement à la mode de chez nous. On suit la mode. Mike Harris a dit qu'il fallait tout unir les forces de toutes les municipalités, quelques grands prophètes ont dit ça, alors il faut suivre la mode, il faut regrouper les municipalités. Mais ça ne résiste pas à l'analyse!

Parlons pour un instant de la structure idéale. Est-ce qu'elle existe, finalement? Et j'arrive à la conclusion que non. La structure idéale, c'est celle où les citoyens sont confortables, où ils ont les meilleurs services aux meilleurs coûts et où ils ont un ententement avec leurs voisins. Et j'insiste là-dessus, il faut qu'il y ait ententement avec les voisins. On n'est plus, d'autre part, à l'âge où une municipalité peut se prévaloir de tous les avantages et éviter les inconvénients.

Alors, dans les structures idéales, on pourrait penser, par exemple, que, dans la ville de Boston, qui est une histoire très heureuse, comme ils disent là-bas, une «successful story», hein, il n'y a plus de chômage, il y a des systèmes routiers extraordinaires, on doit importer de la main-d'oeuvre de partout aux États-Unis, les industries sont les plus dynamiques, elle est ouverte sur l'Europe, une ville extraordinaire architecturalement, une ville qui s'est reprise en main, qui a redéveloppé son bord de l'eau, qui a fait des ententes avec tout le monde. Et pourtant la ville de Boston ne représente que 20 % de l'agglomération. Donc, la structure idéale, si c'était de regrouper nécessairement, ils ne l'auraient pas, à Boston, et c'est une histoire très heureuse.

Je rappellerai à la ministre des Affaires municipales que la moyenne par ville aux États-Unis est de 3 000 citoyens; elle est de 5 300 au Québec. Déjà, nous sommes nettement en avance sur le modèle américain, et on sait que, économiquement, il n'y a pas de chômage aux États-Unis. On ne joue pas dans les structures. Mon confrère de Notre-Dame-de-Grâce tantôt nous rappelait que la dernière grande structure qui a été bougée aux États-Unis a été celle du regroupement d'un certain nombre de municipalités il y a 100 ans dans le cas de New York. Alors, on ne s'amuse pas à jouer dans les structures, aux États-Unis, on est trop préoccupé du bien-être des citoyens. On n'est pas péquiste, là-bas, on n'est pas social-démocrate. On passe à l'action, on arrête de taponner dans les structures, M. le Président.

Si vous allez en France, vous allez voir les hameaux, tous ces petits villages qui sont regroupés. Si vous allez en Suisse, vous avez les cantons. Alors, M. le Président, il n'y a pas de structures extraordinaires, il y a des structures qui sont bien adaptées au milieu, et c'est peut-être ça que le Parti libéral prône.

Alors, en finissant – et c'est la dernière question que la famille Lacasse m'avait posée – qu'est-ce que le Parti libéral propose, M. le Président? Bien, il y a six principes sur lesquels nous nous basons, et je terminerai avec ça. Le Parti libéral du Québec prône l'autonomie du monde municipal. C'est le premier grand principe, l'autonomie du monde municipal. Pas une directive qui arrive de Québec et qui vous dit quoi faire. Le Parti libéral du Québec prône une fiscalité juste. Oui, je le dis, il n'est pas question qu'une municipalité soit désincarnée dans son milieu. Le Parti libéral – troisième principe – prône le respect de l'identité locale, et ces gens, de l'autre côté, qui nous parlent constamment de notre identité devraient reconnaître l'identité des municipalités. Le Parti libéral prône la simplicité des structures, et là-dessus on a bien de la misère à s'entendre avec nos voisins d'en face qui en multiplient, des structures. Et finalement les deux derniers principes, le Parti libéral prône l'amélioration des services à la population, et, comme je l'ai démontré, ce n'est pas nécessairement en regroupant les municipalités. Et le dernier des principes, le PLQ prône le respect du citoyen, le respect du citoyen qui est la base même de la démocratie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford.

M. Benoit: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ah, je suis persuadé qu'ils ont été tout ouïe. Ha, ha, ha! Alors, nous allons maintenant poursuivre notre débat, et je serais prêt à reconnaître le député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Merci, mes chers collègues. La ministre des Affaires municipales et de la Métropole répète que le statu quo en matière d'organisation municipale n'est plus acceptable, qu'il y a trop de municipalités au Québec et que, sans prétendre, ajoute-t-elle, qu'on s'entend pour autant sur ce qu'il faut faire, il y a un consensus social sur la nécessité d'apporter des changements dans le monde municipal. Jusqu'ici, on peut se rallier à certaines des affirmations de la ministre, mais de quels changements parle-t-on et quelle stratégie de changement est bonne ou meilleure dans les circonstances? Sur ces deux questions, je n'ai vu se dégager aucun consensus social; tout au contraire, les opinions sont extrêmement partagées et, dans certains cas, les oppositions sont très vives.

Encore une fois, une personne influente du gouvernement Bouchard évoque le consensus social afin de légitimer un choix politique, sauf qu'il ne faut pas être dupe du recours à une formule évocatoire lorsqu'elle veut servir à cacher la réalité, M. le Président, celle des désaccords, des dissensions et des rapports conflictuels en ce qui concerne la réorganisation municipale qu'envisage la ministre, rapports conflictuels, dissensions et désaccords qui sont la chair même du changement institutionnel, surtout lorsqu'ils portent sur des enjeux aussi majeurs que ceux de la réorganisation municipale à laquelle vise la loi n° 124.

Pourquoi l'absence de consensus social, M. le Président? Pour deux raisons et même pour trois raisons, et j'en mentionnerai une dernière à la fin de mon exposé. D'abord, le projet de loi n° 124 repose sur des prémisses qui n'ont fait l'objet d'aucune démonstration rationnelle. J'ai lu les documents d'appoint que la ministre nous a remis afin de vérifier si on avait démontré d'une façon ou de l'autre les prémisses sur lesquelles repose la loi n° 124, prémisses que je mentionnerai tantôt, et je n'ai évidemment rien trouvé qui m'ait donné satisfaction là-dessus.

(22 h 30)

La loi n° 124 a pour objet la création de municipalités locales issues de regroupements afin de favoriser l'équité fiscale et de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal. Dans son discours sur l'adoption du principe du projet de loi, la ministre a invoqué toutes sortes de raisons afin de justifier les changements législatifs qu'elle veut apporter, mais à aucun moment nous a-t-elle présenté des démonstrations que les objectifs visés, à savoir l'équité fiscale, la diminution du coût des services, l'offre de meilleurs services à un coût égal, pourraient être atteints par la stratégie de regroupement dans les conditions où ces regroupements, selon l'esprit et la lettre du projet de loi n° 124, seraient réalisés.

La loi n° 124 affirme, dans son premier article, ce que sont ces objectifs que je viens d'énumérer. Donc, je le répète, elle a pour objet la constitution de municipalités locales issues de regroupements afin notamment de favoriser l'équité sociale et de fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal. Eh bien, M. le Président, je le répète, après avoir pris connaissance des documents d'appoint que la ministre nous a remis, je n'ai trouvé nulle part quelque démonstration comme quoi ces objectifs pourraient être atteints par la loi n° 124. Et, tout au contraire, il y a des documents qui ont été présentés en commission parlementaire ou qui ont été présentés dans des colloques ou des conférences universitaires qui, comme on l'a mentionné tantôt, démontrent d'abondance que la réforme, la réorganisation qui est proposée n'aura pas comme résultat d'atteindre les objectifs qui sont visés.

Je n'ignore pas, M. le Président, que des problèmes graves d'équité fiscale existent, mais je n'ai aucune bonne raison de penser qu'ils seront résolus avec les recettes que nous offre le gouvernement. Mon collègue le député de Hull l'a déclaré de façon fort éloquente cet après-midi, ce serait par la négociation d'un nouveau pacte fiscal que ces problèmes graves d'inéquité fiscale pourraient être résolus, pas par la réorganisation municipale telle qu'elle est proposée dans le projet de loi n° 124.

Donc, M. le Président, dans un premier temps, la ministre ne nous a fait en aucune façon la démonstration que les moyens qu'elle veut utiliser produiront, lui permettront d'atteindre les objectifs qui sont visés par la loi. Tout au contraire, nous avons de bonnes raisons de croire que ce ne sera pas le cas et que ça pourrait même être le contraire des objectifs qui sont visés.

Ensuite, dans les conditions dans lesquelles les regroupements sont effectués, conditions de sécurité d'emploi, de maintien des contraintes induites par les articles 45 et 46 du Code du travail et conditions de conservation d'un plancher d'emploi, tout comme mon collègue de Hull, je suis d'avis, et nous sommes nombreux à le penser, que les objectifs du projet de loi n° 124 qui concernent les coûts de services sont pratiquement inatteignables. Une fois qu'on a accepté comme prémisse que le changement visé devrait se faire dans les conditions énumérées, et le projet de loi n° 124 ne donne aux municipalités aucun moyen de modifier ces conditions, je pense qu'il est facilement démontrable que les objectifs, encore là, de la loi ne sauraient être atteints. Je le répète, ça a été bien démontré cet après-midi par mon collègue de Hull, les objectifs du projet de loi n° 124, en ce qui concerne les coûts de services, sont pratiquement inatteignables. Donc, M. le Président, c'est encore là une autre raison pour s'objecter au projet que nous avons devant nous.

Les regroupements donneront naissance, dans de très nombreux cas, à des comportements collectifs de convergence aux niveaux les plus élevés d'avantages sociaux et économiques. Mon collègue de Hull l'a mentionné, lorsque la fusion de municipalités entraînera des contacts entre des travailleurs, des employés qui sont au départ dans des conditions salariales et dans des conditions de sécurité d'emploi qui sont souvent des conditions fort divergentes du point de vue des avantages socioéconomiques qu'elles entraînent, nous assisterons fatalement à une convergence au niveau le plus élevé de ces conditions-là, ce qui n'aura certainement pas pour effet d'entraîner les réductions de coûts, les diminutions de coûts et les améliorations de services à des coûts égaux ou à des coûts réduits que la ministre prétend que nous pourrions souhaiter atteindre.

Donc, compte tenu de la tendance des acteurs sociaux à se comparer et à viser les meilleurs équilibres salariaux et autres possible, les objectifs qui sont visés par la loi n° 124 en ce qui concerne les réductions de coûts et les améliorations de services à des coûts égaux ou inférieurs sont des objectifs qui sont mathématiquement, pratiquement, matériellement inatteignables. Donc, prétendre qu'il y aura des économies de coûts et de coûts-bénéfices en parlant des services, même sur une longue période, c'est faire preuve, M. le Président, d'une grande naïveté.

Et puis, finalement, M. le Président, il y a une question de changement institutionnel par décret. I l y a la question, la décision, l'option qui est prise dans ce projet de changer un régime d'institution, l'organisation municipale, par voie de recours à des décrets gouvernementaux ou par voie de recours, si on veut autrement, à la coercition légale. La ministre croit en l'efficacité du changement par décret en se basant sur des expériences réalisées ou en voie de l'être ailleurs qu'au Québec, mais elle est fort sélective dans les choix des exemples qu'elle nous présente et dans la description des conditions selon lesquelles se sont faites ces expériences de changement avec recours à la coercition légale.

La ministre utilise des comparaisons, compare la situation québécoise avec celle des municipalités de l'Ontario, des municipalités de la Nouvelle-Écosse, des municipalités du Nouveau-Brunswick, mais, dans tous ces cas-là, les conditions de départ étaient fort différentes, et on était donc dans des contextes qui ne nous permettent pas d'anticiper que les résultats seront ce qu'ils ont été, compte tenu du fait aussi, comme vient de mentionner mon collègue le député d'Orford, que les résultats obtenus dans ces conditions-là n'ont pas été, dans bien des cas, les résultats qui avaient été anticipés. Donc, on s'attendait, encore là, à des réductions de coûts, à des améliorations de services et on se retrouve, quelques mois, ou une année, ou des années après la réforme, à s'interroger sur l'atteinte des objectifs qui avaient été visés.

Donc, encore là, la ministre nous demande de faire un acte de foi dans le choix politique qui est le sien. Elle ne nous présente aucune démonstration qui nous satisfasse rationnellement sur la valeur de ces choix. Et on a des raisons de penser que, tout au contraire, les choix qui sont faits entraîneront, dans bien des cas, des conséquences qui seraient fort différentes de celles qui sont attendues. Je le répète, la ministre nous donnait cet après-midi des exemples, dans son discours de présentation du principe, qui sont fort sélectifs, et beaucoup d'autres exemples tendent à démontrer le contraire de ce qu'elle affirme, et, en second lieu, les conditions de changement des exemples qu'elle mentionne sont également, dans la plupart des cas, fort différentes des conditions que l'on retrouve au Québec.

De toute façon, M. le Président, entre la ministre et moi, il y a plus qu'un désaccord sur l'opportunité d'une stratégie de changement institutionnel. Ce désaccord, elle le sait, était déjà présent lors des débats en cette Assemblée sur la création des communautés métropolitaines. Je suis toujours d'avis que la ministre s'y prend mal afin de créer la dynamique de coopération et, dans le cas de la loi n° 124, la dynamique de développement qu'elle veut créer, dynamique dont je partage par ailleurs le bien-fondé. Bien sûr que, dans le cas des communautés urbaines, il serait tout à fait souhaitable que nous en arrivions à des coopérations régionales supralocales élargies, coopérations qui soient en mesure de prendre en charge des problèmes qui ne sont pas des problèmes dont les organismes locaux sont les mieux capables de s'acquitter.

Dans le cas présent, la ministre nous dit, dans son discours de présentation du principe: Il ne s'agit pas principalement de viser à des regroupements, mais de viser à du développement local. Encore là, j'insiste pour dire que la stratégie qui est choisie, comme dans le cas des communautés municipales, ne me paraît pas être la meilleure stratégie, la stratégie capable de permettre à la ministre de réaliser les objectifs qu'elle s'est fixés.

(22 h 40)

En dernier lieu, il y a un désaccord entre la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et moi et, je pense, un désaccord entre la ministre et mes collègues de mon parti qui tient, je dirais, à une conception de philosophie politique. Je ne voudrais pas apparaître trop savant, M. le Président, mais il y a un grand monsieur de la philosophie moderne qui s'appelle Emmanuel Kant, qui a vécu entre 1724 et 1804, et dont l'influence sur la pensée moderne a été considérable, et qui disait, je cite: «Le paternalisme est le plus grand des despotismes imaginables.» Et Kant ajoutait qu'«il en est ainsi non parce que le paternalisme est plus oppressif que le pouvoir brut et même pas parce qu'il ignore la rationalité inhérente des individus, mais parce qu'il constitue une insulte à la conception de soi comme capable d'autonomie et de volonté de décider de sa vie conformément à ses propres finalités et à la reconnaissance de cette liberté par autrui».

M. le Président, la stratégie qui est choisie par le gouvernement dans le cas de la réorganisation municipale est, de toute évidence, une stratégie paternaliste. C'est une stratégie qui présume que le gouvernement, en ce qui concerne les finalités de l'organisation municipale, en sait plus long et en sait mieux que les personnes qui sont élues et qui sont responsables de l'exercice de ces finalités. Mais il n'en demeure pas moins que les citoyens et les citoyennes sont et doivent demeurer maîtres de l'exercice de leur liberté de choisir pour le meilleur comme pour le pire. On a mentionné avant moi de nombreux exemples où les citoyens et les citoyennes ont exercé cette liberté de choisir sans contrainte, sans un cadre coercitif, sans avoir à se conformer à des décrets, et il l'ont exercée conformément à leur intérêt, conformément à leur conception de ce qui est leur meilleur intérêt. À mon avis, c'est cette façon qu'il faut privilégier lorsqu'on envisage un changement institutionnel aussi important que celui dont on discute maintenant.

Donc, il y a cette stratégie de changement institutionnel paternaliste qui repose sur le principe que finalement le gouvernement connaît mieux l'intérêt des citoyens que les citoyens le connaissent eux-mêmes. Cette stratégie, cet esprit paternaliste transpire beaucoup dans la loi n° 124. On l'a vu d'ailleurs dans d'autres conditions où le gouvernement a fait preuve du même esprit, du même esprit qui veut qu'on en sait plus et mieux que celui qui est gouverné parce qu'on présume que celui qui est gouverné est en quelque sorte un enfant qui n'a malheureusement pas la capacité de concevoir son intérêt propre et d'exercer sa liberté dans le meilleur sens de son intérêt. À mon avis, la stratégie choisie, que j'ai qualifiée de paternaliste, est une négation de cette liberté. Je demeure convaincu que ce sacrifice pourrait être évité.

Pour toutes ces raisons et considérations, M. le Président, je voterai contre le principe du projet de loi n° 124. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Outremont. Nous allons maintenant céder la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: En vous remerciant, M. le Président. Je voudrais tout de suite mentionner l'excellent travail qui est fait dans ce dossier par le jeune député de Hull, un travailleur acharné. C'est quelqu'un qui a vraiment su, à l'intérieur de notre caucus, donner la position, l'heure exacte dans un dossier qui est très, très compliqué. Rapidement, il a été en mesure de convaincre tous les députés de notre formation et, je pense, maintenant, même quelques députés de l'autre formation, M. le Président.

Le projet de loi, tout de suite quand on le regarde, la première chose dont on s'aperçoit, c'est que «ce projet de loi accorde au ministre des Affaires municipales et de la Métropole le pouvoir d'exiger, s'il y est autorisé par le gouvernement, que certaines municipalités locales lui présentent dans le délai qu'il prescrit une demande commune de regroupement». Ça, M. le Président, c'est des termes polis. Qu'est-ce que ça veut dire, dans les faits? C'est des fusions forcées, obligées.

Je me suis permis d'aller voir ce que certains maires ont déclaré en commission parlementaire, ce qu'ils ont bien voulu dire à la ministre responsable, et j'ai relevé le mémoire présenté par les 12 maires des villes de banlieue de la Communauté urbaine de Québec. Et, à la conclusion, ils ont dit: «À la suite de ce qui précède, il nous semble presque superflu de conclure en redisant une autre fois que, oui, les citoyens que nous représentons – ce sont les maires qui parlent – ont raison de s'inquiéter. Pourquoi, en effet, devraient-ils accepter de gaieté de coeur de perdre ce droit que leur reconnaît l'actuelle Loi sur l'organisation territoriale d'approuver ou de refuser par voie de référendum tout projet d'annexion de leur municipalité à une autre, en d'autres mots, de perdre leur droit de parole en matière de fusion forcée?»

Et ce n'est pas tout, M. le Président, tout de suite au début du projet de loi, à l'article 125.2, regardez bien ce qu'on dit: «Le ministre – en l'occurrence ici, c'est la ministre – peut, avec l'autorisation du gouvernement, exiger, au moyen d'un écrit transmis par courrier recommandé ou certifié...» M. le Président, ça n'a pas de bon sens, on peut, simplement par courrier, aviser les municipalités dont le territoire peut faire l'objet d'un regroupement. J'aimerais ça voir la tête du maire d'une des villes de ma circonscription, soit de Dollard-des-Ormeaux, ou de Roxboro, ou de Pierrefonds, qui, en ouvrant son courrier le matin, s'aperçoit qu'il y a une lettre et qu'il doit obligatoirement fusionner. Alors, les maires, dans leur mémoire, et je pense que ça fait un large consensus, dénoncent cette façon de faire du gouvernement.

M. le Président, j'aimerais rappeler que ce n'est pas la première fois qu'on nous présente un dossier qui est mal attaché, mal ficelé et qui va faire l'objet, encore une fois, de beaucoup d'improvisation. Je voudrais prendre de très courts instants pour vous rappeler, M. le Président – vous allez vous en souvenir avec nous – des dossiers. Comme la fermeture des hôpitaux, vous vous souvenez de ça, M. le Président? On a fermé des hôpitaux, on n'a jamais évalué l'impact sur les autres services d'urgence. Les mises à la retraite des médecins, en les payant 300 000 $, alors qu'il y a une pénurie de médecins dans à peu près toutes les régions du Québec. Mais ça, c'est le gouvernement du Parti québécois. Même chose pour les infirmières, de jeunes infirmières expérimentées dans les salles d'opération, les soins intensifs, les unités coronariennes, on les a mises à la retraite, alors que maintenant on manque d'infirmières et qu'il faut les réengager. On paie en double, M. le Président. L'assurance médicaments, l'impôt médicament – je pense que c'est reconnu maintenant, les gens sont habitués – qui visait les personnes aînées particulièrement, les poches des personnes aînées, eh bien, on vient de s'apercevoir qu'il y a encore une difficulté: 147 000 personnes auraient profité du régime mais n'auraient pas payé la prime de 175 $. Ça, c'est la santé. Ça, c'est le beau gâchis de la santé.

Mais il y en a d'autres, gâchis, dans ce gouvernement-là, M. le Président. Emploi-Québec, on en a débattu souvent en Chambre: des coupures aveugles aux organisations communautaires, le non-respect des signatures de la ministre. On n'est même pas capable de gérer un programme et, malheureusement, on veut essayer de gérer un pays, M. le Président.

(22 h 50)

La Régie de l'énergie. On crée la Régie il y a quatre ans, ce gouvernement a créé la Régie il y a quatre ans. Quatre ans plus tard, actuellement, on est en commission parlementaire et on veut abolir à toutes fins pratiques la Régie de l'énergie, on veut la ficeler en lui enlevant tous ses pouvoirs. Aujourd'hui, M. le Président, ajouté à ce record qui va sûrement passer dans les annales, un record qui... Malheureusement pour les contribuables, malheureusement pour les patients, malheureusement pour les citoyens, eh bien, ce sont eux qui auront à en faire les frais.

M. le Président, comme je le mentionnais, il faut ajouter la loi n° 124, la loi qui est devant nous aujourd'hui, un projet de loi qui force les fusions municipales du Québec. Pourquoi le gouvernement du Parti québécois – je pense que c'est vraiment un défaut qui a toujours existé avec ce gouvernement-là – décide pour les citoyens? Les citoyens, pour le gouvernement, ils ne sont pas capables de décider. C'est eux autres, au gouvernement, qui vont décider. Alors, quand ça va être des regroupements de municipalités, au lieu d'avoir des regroupements volontaires – et il y en a eu, M. le Président, dans le passé avec beaucoup de succès et il devrait y en avoir d'autres – eh bien, le gouvernement a décidé que c'est lui qui va décider quelles villes vont fusionner, indépendamment de ce que les gens en pensent.

Ce gouvernement ignore l'opinion des citoyens. Le respect le plus profond s'exprime dans la démocratie. Eh bien, on assiste à des référendums dans les municipalités. On l'a vu dans le cas du Mont-Tremblant, on le voit actuellement, je pense, c'est toute la couronne nord de Montréal qui est en train d'effectuer ce référendum jusqu'à dimanche prochain. Eh bien, d'avance la ministre nous dit qu'elle ne respectera pas le référendum des municipalités.

C'est deux poids, deux mesures, vous savez, avec ce gouvernement. Il y a un article 1 qui veut que le Québec se sépare du Canada, et par le moyen d'un référendum. Ça, ce référendum-là, il faut que tout le monde le respecte. Mais, quand on arrive dans les municipalités, ça, ça ne marche plus, puis là on change les règles du jeu. Là, ça ne marche plus. Les gens peuvent s'exprimer sur un dossier, mais, quand ça fait leur affaire, on l'accepte, quand ça ne fait pas l'affaire du gouvernement, bien on le rejette.

Un autre point inquiétant, M. le Président: on nous a fait miroiter qu'il pouvait y avoir des économies substantielles au niveau des taxes municipales. Là-dessus, je pense, ça a été prouvé en commission parlementaire, ça a été prouvé dans les éditoriaux que tous les experts sont unanimes pour dire que ce n'est pas vrai, il n'y a pas d'économie à fusionner des municipalités.

Je voudrais rapidement parler des municipalités de mon comté. Il y a une problématique particulière. Les municipalités dans le comté de Robert-Baldwin, j'ai mentionné Dollard-des-Ormeaux, Roxboro et une partie de la ville de Pierrefonds, eh bien, ce sont des villes qui ont un statut de ville bilingue. Dans le cas de la ministre, eh bien, qu'est-ce qui arriverait avec les villes du comté de Robert-Baldwin? Eh bien, elles perdraient leur statut, M. le Président. Et ça, c'est inacceptable pour les citoyens de Dollard-des-Ormeaux, de Roxboro et de Pierrefonds. Et je ne comprends pas que la ministre s'entête à vouloir continuer, à aller de l'avant en refusant de reconnaître ce qui est, à notre avis, un droit acquis que de recevoir des services dans les deux langues dans Dollard-des-Ormeaux, Roxboro, Pierrefonds et plusieurs autres villes de l'Ouest-de-l'Île, M. le Président.

M. le Président, quand on évalue une municipalité, on évalue beaucoup de choses: on évalue la situation de la résidence ou des endroits où on veut demeurer, les circulations, les commodités, le voisinage, les quartiers, les loisirs. C'est un droit strict, c'est un droit de choisir. On est encore libre de choisir notre municipalité. Eh bien, avec le gouvernement du Parti québécois, ce qu'on nous dit, c'est: Non, vous n'êtes plus libre de choisir votre municipalité; nous, on va vous dire dans quelle municipalité vous allez demeurer.

M. le Président, on parle de fusions forcées. On nous a mentionné qu'on voulait favoriser l'équité fiscale et fournir aux citoyens des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal, mais ce n'est pas prouvé. On pourrait regarder d'autres villes où il y a eu des fusions. Souvent, on est capable d'avoir des experts qui vont nous dire: Non, ce n'est pas vrai; vous avez beau faire des fusions, mais ça ne donne pas d'économies.

Et j'aimerais ça simplement souligner le fait que dans un dossier, celui de la santé, on a fait des fusions. Vous connaissez ça, les CHUM, les CHA. Eh bien, on a regroupé des établissements, et je ne pense pas, M. le Président, qu'on puisse vraiment souligner qu'on a fait des économies en agissant de cette façon-là. C'est la même chose un peu partout lorsqu'on veut regrouper des grands ensembles, particulièrement de façon forcée.

La ministre doit procéder par décret dans ses officines. Évidemment, le citoyen est loin. On n'a rien à dire, on ne respecte pas le citoyen dans ce dossier-là. Mais c'est comme j'ai mentionné tantôt, c'est comme à Emploi-Québec, on n'a jamais voulu faire de commission parlementaire pour écouter les gens. C'est pareil dans le domaine de la santé. Le premier ministre s'est engagé à faire un débat public, le 17 décembre dernier. Eh bien, on n'a toujours pas de débat public, M. le Président. Et c'est toujours comme ça avec le gouvernement du Parti québécois.

Une autre difficulté qui va s'ajouter, c'est la fusion des employés. Comment ça va fonctionner, ça, les relations de travail? Plusieurs syndicats vont être regroupés, et ce n'est pas facile, M. le Président, de regrouper plusieurs syndicats. Alors, là aussi, on s'attendait à un peu de leadership, on s'attendait à ce qu'il y ait des prévisions dans le Code du travail qui auraient permis, qui auraient favorisé ce genre de regroupements. Eh bien, évidemment il n'y a rien, les articles 45, 46 ne sont pas touchés, d'aucune façon. Et il faut se rappeler que le rapport Bédard, ce qu'il recommandait, eh bien, c'est que le Code du travail soit amendé préalablement à tout changement aux structures municipales pour que les articles 45 et 46 ne s'appliquent pas aux cas de sous-traitance quand il s'agit d'une simple concession de fonctions du travail.

M. le Président, même le maire de Montréal lie son projet une île, une ville à cette prémisse. Nous l'avons entendu, nous l'avons même rencontré. C'est une firme, SECOR, qui estime que des économies de 100 millions dépendent d'une politique accommodante de la part du gouvernement, accommodante, ce qui veut dire que ça prend des amendements au Code du travail. M. le Président, comment vous allez faire pour regrouper des conventions collectives qui sont très avantageuses pour certains travailleurs et d'autres qui le sont moins? Ça va être quoi, le résultat net? C'est certain que les conditions qui sont les plus avantageuses vont dominer, ce qui veut dire que c'est une augmentation du fardeau fiscal pour l'ensemble des habitants d'une municipalité.

Le gouvernement nous indique que, si les municipalités ne vont pas dans le sens que le gouvernement voudrait, il y aura une pénalité. On parle de couper la péréquation aux municipalités qui refuseront de se fusionner, on parle d'une coupure de 36 millions. Je pense qu'en clair, M. le Président, on est habitué, avec le gouvernement du Parti québécois, à chaque fois qu'on veut récupérer des argents, c'est une taxe déguisée. On l'a vu avec la taxe de vente, on l'avait augmentée. On l'a vu avec l'impôt médicaments, on vient d'augmenter de 175 $ à 350 $ et on vise particulièrement les personnes aînées. C'est toujours des récupérations de taxes et c'est toujours à coups de menaces qu'on travaille du côté du gouvernement du Parti québécois.

Le pacte fiscal. Moi, je me souviens, la première fois que je me suis présenté, c'est en 1994, et le maire de Montréal était à l'extérieur de l'hôtel de ville – on avait une belle vue – il était accompagné de M. Parizeau qui était candidat pour être premier ministre à l'époque. C'était la grosse promesse. On vous promet un pacte fiscal, aux Montréalais. Ça va faire six ans qu'ils sont élus, M. le Président, et on n'a jamais vu l'ombre d'un pacte fiscal. Ce qu'on a vu, par exemple, c'est des taxes...

M. Ouimet: M. le Président, question de règlement. Pourriez-vous constater le quorum? Je viens de compter, et il y a 10 personnes ici. C'est 13, le nombre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Ah! effectivement, avec moi, ça fait 11. Alors, veuillez vous asseoir, messieurs. Veuillez vous asseoir.

Merci. Merci beaucoup. Alors, M. le député de Robert-Baldwin, vous pouvez continuer votre allocution, nous avons effectivement le quorum.

(23 heures)

M. Marsan: Oui, j'apprécie, M. le Président, tout l'intérêt que les députés, particulièrement les ministériels, ont ce soir avec nous. Je voudrais en profiter, pendant qu'ils sont nombreux maintenant, pour leur rappeler quelques citations des membres de leur gouvernement contre les fusions. Une perle, celle de M. Parizeau – vous connaissez bien M. Parizeau, c'est l'ancien premier ministre: «Il y a toujours eu des appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour le citoyen. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – on parle des fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Le bien du citoyen, M. le Président, on le sait, avec le gouvernement, on le prend, on le veut. Alors, ça, c'est M. Parizeau qui parle comme ça. Et, je pense, ça devrait nous permettre de réfléchir.

Dans un autre dossier dernièrement, on était, hier soir, en commission parlementaire dans le dossier de la Régie de l'énergie et on avait là aussi une missive d'un comité important du Parti québécois, qui disait au gouvernement: Retirez votre projet de loi. Il commence à y avoir des voix divergentes, M. le Président. C'est difficile à concilier avec les discours que les ministres nous donnent.

Une autre citation extrêmement intéressante, c'est celle du premier ministre actuel. On a commencé par l'ancien premier ministre, là, on va parler du premier ministre actuel. Dans Le Réveil à Jonquière , le 14 novembre 1999: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Ça, là, c'est le premier ministre qui nous dit ça après avoir entendu l'ancien premier ministre péquiste. Comment ça se fait, M. le Président, aujourd'hui, qu'une ministre de ce gouvernement vienne nous dire: Non, ce n'est pas ça; nous autres, on change ça, malgré ce que le premier ministre dit, on fait des fusions forcées? Et puis pas seulement on va les faire, je vais les envoyer, je vais envoyer un petit courrier; ça va être un courrier recommandé puis ça va être suffisant. C'est vraiment insultant pour les gens, M. le Président.

M. le député de Joliette, devant la Chambre de commerce de Joliette, le 1er novembre 1999: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Et c'était dans le journal L'Action . M. le Président, ce n'est pas n'importe qui, là, c'est le député de Joliette, qui est ministre responsable, qui a déjà été responsable d'à peu près tous les ministères, je pense, dans ce gouvernement. Eh bien, lui nous dit que ce n'est pas bon, les fusions forcées. Est-ce qu'on ne pourrait pas l'écouter?

Ça devient gênant lorsqu'on continue, lorsqu'on regarde tout ce que les gens nous disent. Même le président de la Chambre. Et on essaie toujours, nous, de ne pas l'impliquer dans nos débats, mais c'est lui qui nous fait cette déclaration à propos du référendum sur la fusion de Mont-Saint-Hilaire avec Otterburn Park. M. le député de Borduas, qui est le président de notre Assemblée, déclare: «Peu importe le résultat, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle d'autres villes où la fusion a pu être imposée.» Et il ajoute que «plusieurs citoyens de ces municipalités ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales».

Alors, M. le Président, je pense qu'on commence à avoir vraiment beaucoup de gens du côté du gouvernement qui sont vraiment contre, à notre avis, la façon de procéder de la ministre. Dernièrement, c'était le député de Saint-Jean, qui disait: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet. Ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.» M. le Président, on peut continuer, c'est presque une litanie. On est capable d'aller chercher les déclarations des ministériels à ce sujet-là, mais je pense que ce qui est important, c'est le résultat.

On est, ce soir, il est encore 23 heures, c'est le propre du gouvernement du Parti québécois de passer des législations très tard. C'est fort probable aussi qu'on ait un bâillon. On est habitué, là, c'est les fins de session, et, chaque fois qu'il y a un projet de loi qui est controversé le moindrement, il n'y a pas de consultations, on n'entend pas les gens et ensuite on procède tard le soir, à l'abri des indiscrétions que le gouvernement n'apprécierait pas.

M. le Président, c'est presque la fin des 20 minutes, là, que vous nous donnez. Je voudrais rappeler de nouveau pourquoi notre formation politique, nous sommes contre. Eh bien, on n'a aucun respect pour le citoyen, le citoyen de chacune des municipalités; on veut forcer des municipalités à se fusionner, alors que plusieurs d'entre elles pourraient le faire sur une base volontaire, et je pense qu'il faudrait le reconnaître; et on veut agir par voie de référendum dans un dossier qui est celui de la sécession du Québec dans le Canada, alors que, dans les municipalités, on ne veut même pas reconnaître le résultat de référendums. Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je vais voter contre le projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. M. le député de Hull, question de règlement?

M. Cholette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous acceptez...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Hull.

M. Cholette: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais simplement savoir de notre député, du député de Robert-Baldwin, si la question linguistique est une question importante dans son comté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Robert-Baldwin, réponse très brève.

M. Marsan: J'apprécie la question, parce que c'est vraiment un enjeu extrêmement important dans tout ce dossier et particulièrement dans l'ouest de la ville de Montréal où nous avons des municipalités qui ont le statut de ville bilingue. Et nous croyons maintenant que ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut enlever ce statut-là. Les gens sont profondément convaincus qu'on veut leur enlever le statut de ville bilingue, qu'on ne veut plus leur donner les services dans la langue qu'ils peuvent décider, et ça, c'est vraiment un problème majeur avec ce projet de loi, M. le Président.


Décision du président sur la question de règlement soulevée le vendredi 2 juin concernant la possibilité de questionner un membre d'une même formation à la suite d'une intervention

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Je crois que le fait d'accorder le privilège de poser une question en vertu de l'article 213 m'amène à rendre une décision, une décision qui avait été discutée, un point de droit parlementaire qui a été discuté la semaine dernière. Après mûre réflexion et après discussion avec tous les membres de la présidence ainsi que de notre personnel... Vous vous rappelez que la question consistait notamment à savoir si, en vertu de l'article 213 du règlement, un député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention, et ce, même si ce député appartient au même groupe parlementaire que lui. Afin de bien comprendre la portée de l'article 213, il importe tout d'abord de rappeler son libellé. Cet article prévoit, et je cite: «Tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention. La question et la réponse doivent être brèves.»

À la lecture de cet article, on peut constater que, à l'exception de la durée des interventions et du nombre de questions que peut poser un même député au député qui vient de terminer une intervention, il semble n'y avoir aucune autre limite à l'exercice du droit prévu à l'article 213. En fait, l'article 213 ne prévoit d'aucune manière qu'une question à la suite d'une intervention doive être adressée uniquement à un député qui n'appartient pas au même groupe parlementaire que celui qui pose la question. D'ailleurs, une telle limitation du droit prévu à l'article 213 ferait en sorte que les députés ne seraient pas tous traités de la même manière. À titre d'exemple, un député indépendant pourrait poser des questions à tous les autres députés, alors qu'un député ministériel ou un député de l'opposition officielle ne pourraient pas le faire. De même, un député qui appartient à un groupe parlementaire d'opposition aurait plus de droits qu'un député appartenant au groupe parlementaire formant le gouvernement. En somme, la notion de groupe parlementaire et de député indépendant n'est aucunement en cause dans l'article 213. Il est intéressant de souligner qu'il en était de même dans les deux précédents règlements de l'Assemblée, dans lesquels ce droit existait également.

En outre, un principe bien établi en droit parlementaire fait en sorte que la présidence doit toujours favoriser la discussion à l'Assemblée, dans les limites, bien sûr, des règles du débat parlementaire. À plus forte raison, lorsqu'une disposition réglementaire est claire, il n'appartient pas à la présidence d'imposer des restrictions là où il n'y en a pas.

(23 h 10)

C'est pourquoi je reconnais, en vertu de l'article 213, le droit d'un député de demander la permission de poser une question à un député qui appartient au même groupe parlementaire que lui. Toutefois, comme le prévoit le règlement, la question et la réponse doivent être brèves. Par ailleurs, un même député ne peut demander la permission de poser plus d'une question au terme de l'intervention d'un député. Cela ressort du libellé de l'article 213 qui prévoit que tout député peut demander la permission de poser une question. En guise de comparaison, mentionnons que l'article 78 de notre règlement, même si celui-ci s'applique uniquement à la période des questions et réponses orales, prévoit explicitement qu'il est permis de poser une ou plusieurs questions complémentaires.

Enfin, compte tenu que l'article 213 prévoit que le droit de demander la permission de poser une question appartient à tout député, rien ne semble donc interdire que plusieurs députés puissent demander la permission de poser une question à un député qui vient de terminer une intervention. En d'autres mots, ce n'est pas parce qu'un député aurait décidé d'exercer son droit que tous les autres le perdraient.

Alors, je cède maintenant... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: ...questions sur les balises que vous venez... Vous venez de donner une balise qui est importante, dans votre décision, à savoir qu'un député ne peut pas poser plus d'une question après l'intervention d'un collègue, qu'il soit ministériel, de l'opposition ou indépendant. Est-ce que cette règle s'applique en toute circonstance, peu importe là où nous sommes dans les débats? Particulièrement, est-ce qu'à l'occasion d'une motion du mercredi, après une intervention d'un député ministériel, les députés pourraient à tour de rôle poser des questions alors que nous ne sommes pas à l'étape de l'adoption d'un projet de loi mais à d'autres étapes de la journée?

Est-ce que je comprends qu'il n'y a pas de directive ou de balise claire sur le moment ou sur le sujet qui pourrait être débattu, particulièrement à l'occasion d'une motion du mercredi, où des députés ministériels pourraient à tour de rôle se relever et demander l'autorisation aux députés de l'opposition – par définition, parce que c'est une motion du mercredi – de prendre la parole et ainsi grever le temps qui est imparti pour débattre d'une motion du mercredi?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à cette question, je vais répondre immédiatement en vous disant que, oui, effectivement, nous ne sommes pas ici pour brimer le droit de parole, pour déterminer le nombre d'intervenants, nous sommes ici pour favoriser les débats. Sauf et excepté, bien entendu, que, comme président, comme dirigeant des travaux de cette Assemblée, nous, on se doit de s'assurer que le gouvernement légifère et on se doit également de s'assurer que l'opposition joue son rôle d'opposition. Et, à partir de ce moment-là, bien entendu, les balises qui pourraient éventuellement, dans le futur, s'imposer, ce serait, par exemple, si effectivement on en vient à devenir ridicule dans cette Chambre. Par exemple, s'il fallait que cinq députés posent exactement la même question, bien, je crois qu'à partir de ce moment-là on démontrerait un ridicule certain, pour ne pas dire un certain ridicule. Alors, M. le leader.

M. Boisclair: Oui, très rapidement. Mais je comprends, par exemple, qu'au moment de l'adoption d'un projet de loi il n'y a pas de limite dans le temps que la Chambre peut consacrer pour l'adoption du projet de loi. En somme, le règlement prévoit simplement que chaque député puisse s'exprimer 20 minutes. En d'autres mots, le temps qui serait comptabilisé au moment où un député adresse une question à un collègue, on n'en tient pas compte dans la comptabilité générale du débat, puisque la seule règle qui prévaut, c'est que chaque député a 20 minutes pour prendre la parole à l'Assemblée, alors que, dans d'autres types de débat, la restriction ne tient pas, du temps qu'on accorde à un député, mais elle tient de l'ensemble du temps qui est accordé pour faire un débat.

Je donne l'exemple de la motion du mercredi, où un certain nombre d'heures sont prévues. On comprend que le temps qui serait utilisé, consacré pour poser des questions à un collègue serait diminué du temps qui est prévu, serait donc compté dans le temps qui est prévu au règlement pour faire ce genre de débat. C'est ce que je comprends de votre décision.

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement, M. le leader du gouvernement. M. le whip de l'opposition officielle.

M. Fournier: Juste pour être sûr qu'on se comprend. Évidemment, les deux genres de débats auxquels fait référence le leader adjoint, il y a les débats qui, je dirais, sont comme à budget fermé, et il faut donc s'assurer que, lorsqu'on partage le temps, on le comptabilise dans le camp de la formation de celui qui pose la question. Alors, dans le cas où des députés du parti ministériel voudraient, selon l'exemple qu'il donnait, poser des questions à l'opposition – nous serions très heureux évidemment de répondre à leurs questions pour les éclairer – il serait évidemment comptabilisé sur leur temps.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader adjoint, excusez-moi. Si vous voulez conserver votre réponse, parce que je suis actuellement en discussion avec... Oui.

M. Boisclair: ...que vous receviez un éclairage, parce que vous seriez peut-être intéressé à poursuivre les délibérations. Admettons, par exemple, à la période de questions. À la période de questions, il est prévu 45 minutes au règlement, à la période de questions...

Une voix: ...

M. Boisclair: Non, on pourrait poursuivre le débat, puis le prendre en délibéré. Mais je vous invite à prendre cette question-là en délibéré. Est-ce qu'à la période de questions chacun des députés pourrait se lever, de la formation ministérielle, se lever et demander à celui qui vient de prendre la parole, donc à savoir la personne qui a pris la question... est-ce qu'il pourrait se lever...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...la réponse est très facile, en ce qui me concerne, parce que ça ne s'applique pas aux affaires courantes, ça ne s'applique qu'aux affaires du jour.

M. Boisclair: À l'occasion des affaires du jour...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, alors, aux affaires du jour... Oui.

M. Boisclair: ...comment vous allez comptabiliser le temps? Comment vous allez comptabiliser le temps de la question? Si elle vient d'un député ministériel, il va être pris à même l'enveloppe ministérielle? Si c'est posé par un député de l'opposition, il sera pris, le temps, et la réponse... Comment vous allez faire ça, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Bien, écoutez, je me dois, à ce stade-ci, de travailler au niveau de l'article en question, sur lequel on a demandé une opinion. Alors, actuellement, vous voyez qu'en ouvrant la discussion sur cet article-là on va entrer dans des champs très, très spécifiques, parce que tout va selon les débats. Si on a un débat, par exemple, restreint de deux heures, si nous avons une motion du mercredi, alors, à ce moment-là, ce sont des sujets qui sont travaillés d'une façon différente. Mais il m'apparaît à ce stade-ci, puis là, écoutez, je vous donne une opinion semblable, on pourrait la prendre en délibéré, et automatiquement vous allez reconnaître de part et d'autre que le règlement ne prévoit pas toutes les éventualités, il ne prévoit pas ça.

Mais la question qui m'a été posée regardait l'article 213 expressément. Alors, là, lorsqu'on va arriver avec le mercredi, lorsqu'on va arriver avec les débats de deux heures, lorsqu'on va arriver avec des motions de scission et des motions de report, à chaque fois on va avoir des sujets très précis de discussion concernant le fameux article 213, et il peut être utilisé de part et d'autre. Donc, ce qui veut dire qu'en bout de ligne on vient d'ouvrir ni plus ni moins un nouveau chapitre à notre règlement de l'Assemblée nationale et, à ce moment-là, nous, on ne peut pas l'écrire seul, ce chapitre, et on se devra, je crois, d'avoir une réflexion en profondeur avec les deux côtés de la Chambre pour faire en sorte de peaufiner notre règlement, parce que vous venez d'ouvrir effectivement un problème.

M. Boisclair: M. le Président, vous avez vous-même introduit une balise.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, je n'ai que deux oreilles, mais je n'ai qu'un micro à ouvrir et, actuellement, c'est le mien. Alors, je vais d'abord reconnaître le whip et, ensuite, M. le leader.

M. Fournier: M. le Président, d'abord, mettons les choses dans leur contexte. La décision que vous venez de rendre avant l'intervention du leader adjoint concernait une question tout autre, bien entendu – c'est d'ailleurs une question que je vous ai posée, je vous remercie de la réponse – c'était à savoir: Sur 213, est-ce que plus qu'un intervenant, et on ajoutait même la donnée encore plus précise, plus d'un intervenant de la même formation politique, pouvait s'inspirer de 213 pour approfondir le débat en cherchant, chez celui qui avait fait l'allocution, des précisions à ce qui avait été dit, pour l'ensemble des parlementaires qui sont ici, pour que nous puissions avoir des débats les plus éclairés, et pour ceux qui nous écoutent? Ça, c'est la question qui a été soulevée, et la réponse que vous avez donnée est à l'effet que, bien sûr, comme parlementaires, lorsqu'il y a un débat général comme celui-là, il nous est possible d'avoir le débat le plus large et qui nous permet le plus grand éclairage.

Le leader adjoint vous soumet, dans le cadre d'un autre type de débat, celui où se présente, lorsqu'il s'ouvre, une recherche par la présidence de partage de temps, et là on se dit, et il y a une rencontre avec les leaders, comment on va partager le temps. Et il est partagé selon les formations politiques. Or, la réponse à la question du leader adjoint doit, j'imagine, normalement découler de ce geste posé par la présidence qui cherche à répartir le temps entre les formations politiques. Si, d'aventure, la partie ministérielle choisissait d'utiliser son temps non pas par une allocution en bonne et due forme, usuelle, mais, au contraire, par l'utilisation répétée, abusive peut-être, de la part de la partie ministérielle, de son temps, sous cette forme d'utilisation de l'article 213, ce serait à elle d'en décider ainsi.

(23 h 20)

Dans le cas qui nous concerne et qui est soumis devant nous, il ne s'agit en aucun temps d'un cas comme celui-là, bien sûr, puisqu'il s'agit d'un débat général, d'une part. Et, d'autre part, à ma connaissance et ce que j'ai vu depuis un bon bout de temps, il n'est jamais question d'une utilisation abusive. Il est question d'utiliser un article de notre règlement pour que les parlementaires et l'ensemble de la population puissent avoir le plus d'information possible.

Il est entendu que, dans un débat où on n'a que 20 minutes pour présenter une position, il se peut, à certains égards – parfois, on n'a pas assez le temps de faire le tour du portrait dans son ensemble – qu'un parlementaire qui a capté un bout dise: Je pense que, là-dessus, il faut ajouter, il faudrait plus de précisions. Et le règlement est sage, à cet égard, de nous permettre d'aller chercher encore plus d'information chez celui qui, avec un certain angle, a apporté un éclairage à une situation donnée, comme on l'a vu, par exemple, dans le dossier des fusions forcées, qui entraîne, comme vous le savez, M. le Président, des conséquences innommables et nombreuses, et ce n'est pas toujours facile, en 20 minutes, de pouvoir faire le tour de ça. Donc, c'est normal, loin d'être abusif, qu'on puisse utiliser l'article 213.

Mais je comprends l'argument du leader adjoint, qui se dit, dans le cas des débats restreints où il y a une enveloppe de temps: Bien, il serait peut-être possible pour nous, la partie ministérielle, d'abuser de 213 pour aller bâillonner l'opposition. Et je le sais qu'on le fait souvent, du côté ministériel du Parti québécois, avec des bâillons. Probablement qu'on va essayer de nous en faire encore un. Mais c'est loin d'être l'intention de l'opposition lorsque le 213 est utilisé.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai bien entendu vos remarques, M. le whip...

M. Fournier: Merci, M. le Président.

M. Boisclair: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint, bien entendu concernant une autre situation?

M. Boisclair: C'est tout simplement, M. le Président, parce que je suis soucieux des droits de l'opposition que je cherche, moi aussi, à préserver, puisque, au-delà de nos affiliations partisanes, il y a une institution, il y a le Parlement, il y a un règlement... Mais, moi, je vous demande, M. le Président, bien simplement de prendre cette question en délibéré.

Lorsqu'il y a un débat restreint et une enveloppe de temps qui est consacrée à un débat, de quelle façon allez-vous comptabiliser le temps, qui sera utilisé de façon, je présume, fort correcte et convenable, pour permettre à des gens, en vertu des dispositions de notre règlement, de poser une question à un collègue? Comment allez-vous le comptabiliser dans le cas où c'est un député de l'opposition qui pose une question à un collègue, si c'est un député ministériel qui pose une question à un collègue de l'opposition, si c'est un député ministériel qui pose une question à un ministériel? Comment allez-vous comptabiliser le temps à l'intérieur d'un débat restreint?

Et, M. le Président, je termine en vous disant une chose. Vous avez vous-même institué une balise en disant qu'un député ne peut pas poser plus qu'une question à son collègue qui vient de terminer une intervention. Je vous demande tout simplement de clarifier la question que je soulève. Je pense que ça vaut la peine de la prendre en délibéré, pour que nous puissions...

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement.

M. Boisclair: ...avoir une réponse claire à cette question. C'est ce que je vous demande bien simplement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader de l'opposition.

M. Fournier: M. le Président, sur la question de règlement... surtout que vous avez dit... que vous semblez... En tout cas, vous n'avez pas encore rendu de décision sur la demande qui vous est faite, mais vous aviez l'air d'accéder à la demande du leader adjoint, qui, dans le fond, à ce moment-ci, vous a posé une question tout à fait théorique, bien différente de celle que je vous ai posée la semaine dernière, pour savoir: Est-ce que la deuxième question pouvait être posée?

Et je vous dis que, si vous acceptez de répondre à une question hypothétique, théorique que le leader adjoint vous propose et que vous dites: Ah oui! voilà, je suis saisi d'une question, bien qu'elle n'ait pas application dans le débat actuellement, vous ouvrez la porte à ce que, demain, une autre journée, le leader adjoint du gouvernement, par exemple pour nous empêcher de pouvoir parler sur un projet de loi, puisse vous soulever de temps à autre, comme ça, une question théorique, hypothétique, faire une recherche en droit et...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais c'est parce que, voyez-vous, M. le whip en chef de l'opposition, c'est que la question actuellement posée par le leader adjoint du gouvernement m'apparaît excessivement opportune. À compter du moment où je rends une décision favorable en vertu de 213, une décision qui semble vous apparaître très claire – il y a une balise, une question, un temps de parole quand même limité pour la question, un temps de parole restreint pour la réponse; c'est tout à fait normal, c'est 213 qui s'applique – le fait de discuter de l'article 213 permet également à l'autre côté de la Chambre, c'est-à-dire au gouvernement, de, lui aussi, se poser des questions quant à l'application de l'article 213 dans d'autres débats qui peuvent avoir lieu à l'Assemblée nationale. Et je pense qu'à partir du moment où le gouvernement ou l'opposition officielle pose une question de droit parlementaire, alors, à ce moment-là, la question est posée, et moi, je peux vous assurer qu'effectivement nos services de recherche ainsi que nous, au niveau de la présidence, nous allons nous attarder sur ces points précis pour faire en sorte d'établir de quelle façon, maintenant qu'on a ouvert avec 213, dorénavant on va devoir travailler avec cet article-là.

Donc, pour l'instant, toutefois, vous savez très bien qu'actuellement nous sommes dans une session intensive, si vous le permettez, ca va quand même exiger de la part de notre service juridique, de notre service en droit parlementaire, une recherche exhaustive pour essayer d'examiner non pas un petit point particulier, mais bel et bien l'ensemble. Parce que là on attaque tous les débats qui ont lieu à l'Assemblée nationale. Et donc, à partir de ce moment-là, vous allez sûrement accepter de part et d'autre que la réponse vous soit fournie possiblement à la reprise de nos travaux parlementaires, lors de la session hivernale. M. le whip de l'opposition.

M. Fournier: Question d'information, pour comprendre la décision que vous rendez. Les effets de cette décision sont-ils – je vous pose la question – les suivants: À l'occasion d'un débat, un parlementaire se lève, vous pose une question qui n'a pas de rapport avec ce qui se produit, par exemple une question sur un débat restreint alors que nous ne sommes pas en débat retreint – difficile d'avoir un cas plus patent que celui que nous avons devant nous – on vous pose une question, ce qu'il y a de plus théorique possible, est-ce qu'à l'avenir il est donc loisible à tout parlementaire de vous poser des questions qui n'ont pas de pertinence dans le débat à ce moment-là?

Elles peuvent en avoir à l'égard du règlement, pour la recherche de spécialistes en droit parlementaire, mais, dans le cadre du débat, n'ont aucun lien avec ce qui se passe. Votre décision a-t-telle l'effet de permettre que dorénavant tout parlementaire puisse se lever pour soumettre une argumentation pour qu'il y ait une recherche – si vous me permettez, M. le Président – soumettre une argumentation pour obtenir un avis sur l'interprétation d'un règlement qui n'est pas nécessaire dans le cours du débat dans lequel l'argumentation est soulevée?

Vous comprenez la question qui se pose, on peut passer des journées...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, effectivement, on peut passer des journées à parler de questions théoriques, mais vous allez quand même admettre un point, c'est que, lorsque je rends une décision sur l'article 213, l'article 213 ouvre également sur d'autres secteurs d'activité de notre Assemblée nationale. Donc, à partir de ce moment-là, oui, effectivement on a rendu une décision concernant le débat actuel, mais oui, le leader du gouvernement a également une ouverture qui m'apparaît nettement opportune à ce stade-ci, et nous rendrons une décision ultérieurement pour permettre, lors de la session hivernale, de fonctionner convenablement avec la directive qui vous est donnée.

Alors, à ce stade-ci, moi, l'article 213, j'ai rendu ma décision. Excusez-moi, M. le député de... Deux questions de règlement? Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, M. le Président, si je peux vous éclairer, on a eu la discussion hier aussi en commission parlementaire, et je crois que la décision que vous venez de rendre sur l'article 213 est complète, pour une simple raison... Le leader du gouvernement nous parlait d'imputer le temps au député qui pose la question ou au député qui reçoit la question. Donc, ç'aurait pour effet de restreindre le droit de parole d'un député, puisque, par exemple, si j'ai terminé mon 20 minutes de droit de parole, logiquement je n'aurais pas le droit de parole à nouveau, puisque mon temps est écoulé. Et de même, si le député ministériel, par exemple, qui me pose la question avait utilisé son droit de parole à l'adoption d'un projet de loi, il n'aurait pas le droit de m'adresser la parole. Donc, ça serait non conforme à l'article 213, ça irait à l'encontre de la décision que vous venez de rendre, M. le Président. Donc, je pense que la décision est déjà rendue et ça va...

(23 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Je suis d'accord, M. le député de Shefford, je vous ai entendu, mais, en ce qui me concerne, pour ce soir, on va s'en tenir à la décision que j'ai rendue concernant le débat actuel et, comme je l'ai mentionné, on va approfondir toutes les autres incidences concernant toutes les autres motions, tous nos... Parce que des débats à l'Assemblée nationale, on en a plusieurs genres et de plusieurs façons, donc, à partir de ce moment-là, il faut qu'on fasse une analyse systématique de chacun de nos débats avant de déterminer de quelle façon on va se comporter avec l'article 213. Sinon, on sait, dans une piscine, il n'y a pas d'eau. Alors, en ce qui me concerne, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, dans le but de faciliter votre délibéré sur les aspects sur lesquels vous n'avez pas encore décidé, j'écoutais attentivement votre décision, je vous le souligne très respectueusement, habituellement, on nous prévient quand une décision qui a été prise en délibéré est rendue. Je ne vous en tiens pas rigueur. Pour la prochaine fois, toutefois...

Est-ce que 213 s'applique dans le cas des propos qui ont été tenus soit par le leader adjoint du gouvernement ou par le whip de l'opposition officielle? C'est-à-dire que, si j'ai saisi une partie de leur argumentation, est-ce que 213 s'applique à la question de règlement? Vous n'avez pas l'air à saisir, M. le Président. Est-ce que je peux, comme député, intervenir pour poser, soit au leader adjoint du gouvernement soit au whip en chef de l'opposition, une question en vertu des dispositions de l'article 213 sur les plaidoyers qu'ils vous ont faits en vertu de cet article?

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, ceci va m'amener à parler du ridicule, et je pense qu'à cette heure-là ça serait possiblement s'engager sur un drôle de terrain. Alors, tout à l'heure, j'ai mentionné, bon, on le prend en délibéré et, bien entendu, il y a quand même une règle suprême au-dessus de tout ça, c'est que les travaux qui s'effectuent ici, en cette Chambre, se doivent d'être menés d'une façon correcte, intelligente, dans un vrai décorum et, surtout, l'Assemblée nationale ne peut être ridicule.

Donc, à partir de ce moment-là, si vous le permettez, on a réglé une partie de 213; on réglera l'autre partie de 213 cet automne. Alors, j'ai accepté une question de la part du député de Hull. C'est la raison pour laquelle j'ai été obligé de rendre ma décision en acceptant que le député de Hull pose la question au député de Robert-Baldwin, et je sais pertinemment que c'est dans une tradition d'attendre que les leaders soient là pour procéder.

Alors, à ce stade-ci, je serais prêt à reconnaître un autre intervenant en la personne du député de Marquette. Alors, M. le député.

M. Ouimet: Sur le fond du débat, M. le Président, juste une question de directive, parce que je m'apprêtais à soulever une question au député de Robert-Baldwin après celle du député de Hull. Là, vous avez rendu votre décision, mais j'ai besoin d'une question de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Allez y.

M. Ouimet: Dans votre décision, vous avez invoqué le fait que nous avions le droit de poser une seule question.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Ouimet: Ma question avait deux volets. Et, le plus sérieusement du monde, M. le Président, je vous signale...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, moi, je vais être très clair, là, je viens de parler de ridicule. Alors, en ce qui me concerne, j'ai bien été clair tout à l'heure, une question se doit d'être brève et la réponse se doit d'être brève. C'est ça, les critères, bon, O.K.? Alors, que vous me disiez que votre question a cinq items, M. le député de Marquette, moi, ça ne me dérange pas, en autant que c'est bref et en autant que la réponse est brève. Allez-y.

M. Ouimet: Je veux juste vous signaler que j'ai été le premier à soulever la question de 213 avec mon collègue le député de NDG au début de la semaine, et ma question avait deux volets, elle a été permise par la présidence. Là, vous rendez une décision, et je veux juste savoir vos indications bien claires. Ma question avait deux volets, ma question pour le député de Robert-Baldwin a également deux volets, vous avez signalé une seule question, je veux juste savoir: Est-ce que c'est une question sans aucun autre volet? Puis c'est le seul but, puis je me rendrai à votre décision, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le critère que j'ai mentionné, M. le député de Marquette, c'est la brièveté, et votre préambule est maintenant rendu à 40 secondes. Voulez-vous poser votre question, s'il vous plaît?

M. Ouimet: Alors, ma question pour le député de Robert-Baldwin, s'il l'accepte, en vertu de 213, a deux volets. Premier volet: Comment les citoyens de sa circonscription se sentent-ils à l'idée que la ministre s'apprête à adopter de la législation qui irait, semble-t-il, à l'encontre de la volonté de ses commettants? Et, si, cette législation, elle est adoptée – c'est le deuxième volet – comment se sentiront-ils par la suite?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Question, 24 secondes. C'est beau. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, merci, M. le Président. Je pense que c'est vraiment fâchant, et je vous donne l'exemple, dans notre circonscription, celle de Robert-Baldwin, il y a la ville de Dollard-des-Ormeaux. Essayez de penser que, simplement en vertu de l'article 2 du projet de loi, où la ministre peut, avec l'autorisation du gouvernement, exiger au moyen d'un écrit transcrit par courrier recommandé... Juste une lettre recommandée que le maire de Dollard va recevoir, puis il va être obligé de fusionner, par exemple, dans une île, une ville. Ça n'a pas de bon sens, c'est vraiment indigne comme comportement, M. le Président, et je pense que, pour bien répondre au député, c'est fâchant pour l'ensemble des citoyens de la...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Alors, une question de 24 secondes, une réponse de 30 secondes, ça m'apparaît tout à fait convenable.

Alors, à ce stade-ci, est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Brodeur: Question de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Une question de directive. M. le député de Shefford, je vous écoute.

M. Brodeur: Oui, M. le Président, à la suite du débat qu'on vient d'avoir ici, peut-être que vous pourriez décider aussi, prendre une décision sur le fait, autant pour nous qui sommes à l'opposition maintenant, autant pour le parti ministériel qui sera dans l'opposition bientôt, qu'on pourrait se servir de l'article 213 pour faire en sorte qu'un député, plutôt qu'avoir 20 minutes de droit de parole, pourrait en avoir 22 ou 23. Par exemple, si on applique votre décision à la lettre, de tantôt, sur l'article 213, ça veut dire que tout député peut poser une question, y compris même le député qui a fait l'intervention, si j'ai bien compris. Donc, ça permettrait de contourner le règlement. Votre décision fait en sorte que...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Shefford, le député qui vient de faire son intervention se poserait à lui-même une question? Écoutez, là, je comprends qu'il est 23 h 40, mais...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, s'il vous plaît, on continue. Alors, je...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Shefford, vous avez une question?

M. Brodeur: M. le Président, tout simplement, je fais motion pour qu'on ajourne nos travaux à demain. Ça vous permettrait, M. le Président, peut-être de réfléchir sur la question sur laquelle on discute depuis tantôt. Et puis nous permettre à chacun à cette heure-là, à cette heure tardive, 23 h 40, peut-être à tout le monde d'aller se reposer puis avoir l'esprit frais pour demain matin.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il y a une motion ici pour l'ajournement du débat. Alors...

M. Paradis: M. le Président, est-ce que vous pourriez aviser, là... J'ai entendu le leader adjoint du gouvernement...

Le Vice-Président (M. Pinard): En vertu de notre règlement... Je vous prierais de lire l'article 100, Motion, ajournement du débat: «L'ajournement du débat peut être proposé à tout moment de la séance. Il ne peut l'être qu'une seule fois, sauf par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement. Une telle motion ne requiert pas de préavis et ne peut être amendée.»

Le temps de parole pour la motion sur l'ajournement du débat: «L'auteur de la motion – donc le député de Shefford – et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de dix minutes – ce qui veut dire 30 minutes au total. L'auteur de la motion a un droit de réplique de cinq minutes», ce qui fait un total de 35 minutes.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, puisque je comprends que l'opposition est épuisée et puisque je comprends que l'opposition a besoin de repenser ses arguments, je pense qu'on va convenir de ce côté-ci que ce serait gentil de lui laisser la nuit pour se reposer, et la motion, je consentirais qu'elle soit adoptée sans débat. Nous pourrions ajourner à...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, on va faire ça dans les règles. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on ajourne le débat? Il y a consentement. Et est-ce qu'il y a consentement pour l'ajournement de nos travaux au vendredi 9 juin, 10 heures? Consentement.

Alors, nous ajournons donc nos travaux.

(Fin de la séance à 23 h 40)