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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le vendredi 9 juin 2000 - Vol. 36 N° 120

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président...

Une voix: ...

Le Président: J'avais donné la parole à...

M. Paradis: M. le Président, simplement une pratique. Je vous demanderais à ce moment-ci de prendre en...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais signaler à quelques-uns de nos collègues que la séance a débuté. Merci. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, à ce moment-ci, je vous invite à prendre en considération l'article e de notre feuilleton.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je voudrais juste...

M. Paradis: Oui, M. le Président...

Le Président: On me signale que... Bon, vous avez demandé qu'on appelle le projet de loi. Le problème, c'est qu'il semble qu'on n'ait pas reçu copie du projet de loi.

Une voix: ...

Le Président: Oui, c'est ça. On m'indique...

Des voix: ...

Le Président: Alors, monsieur...

M. Paradis: Oui, M. le Président, comme le préavis a été publié dans notre feuilleton d'hier, je prends pour acquis qu'il s'agit d'un simple oubli, auquel on peut remédier. À moins qu'il y ait des objections de la part du leader du gouvernement, on pourrait procéder normalement à ce moment-ci.


Projet de loi n° 193

Le Président: Ça va. Alors, à l'article e du feuilleton, M. le député de Chomedey présente le projet de loi n° 193, Loi concernant la procédure de sélection des personnes nommées par l'Assemblée nationale et modifiant la Loi sur l'Assemblée nationale. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de présenter le projet de loi n° 193, Loi concernant la procédure de sélection des personnes nommées par l'Assemblée nationale et modifiant la Loi sur l'Assemblée nationale.

M. le Président, ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur l'Assemblée nationale pour prévoir que les personnes nommées par l'Assemblée nationale soient préalablement déclarées aptes suivant une procédure de sélection établie par la commission de l'Assemblée nationale.

De plus, le projet de loi prévoit que la liste des noms des personnes déclarées aptes est transmise au premier ministre; celui-ci doit alors proposer à l'Assemblée nationale la candidature de la personne qu'il a choisie pour la fonction à combler après avoir consulté le chef parlementaire du parti de l'opposition officielle et le chef parlementaire de tout autre parti représenté à l'Assemblée.

Le projet de loi prévoit en annexe la procédure de sélection des personnes nommées par l'Assemblée nationale.

Enfin, le projet de loi prévoit que la commission de l'Assemblée nationale pourra modifier cette procédure.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, parce que je voudrais bien comprendre. Il s'agit donc d'un projet de loi qui manifeste, de la part du député de Chomedey, une absence de confiance en la capacité de discernement de son chef pour faire le choix de personnes à être désignées par l'Assemblée?

Le Président: Écoutez, je ne voudrais pas qu'on commence un débat sur le projet de loi à cette étape-ci. Je pense qu'à ce moment il s'agit de décider si on accepte d'être saisi du projet de loi. Est-ce que... Alors, l'Assemblée est saisie. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: La capacité de discernement du leader du gouvernement et de ses troupes est de vérifier l'application de la politique «toé, tais-toé». Je demanderais un vote par appel nominal.

Le Président: Alors, on va faire... M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, nous sommes à l'étape du dépôt. Alors, je trouve que le leader de l'opposition joue avec le feu.

Le Président: Alors, la présidence n'a pas à jouer avec le feu inutilement. Est-ce que vous souhaitez toujours procéder par un appel nominal? Parce que le leader du gouvernement m'avait indiqué qu'il consentait à ce que l'Assemblée soit saisie du projet de loi. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il s'agit d'une modification à la Loi sur l'Assemblée nationale du Québec. À ce moment-ci, il m'apparaît important que chacun des députés puisse se prononcer.

Le Président: Alors, nous allons procéder par appel nominal. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Simple clarification. À cette étape-ci, s'il n'y a pas une majorité de voix, c'est clair que le projet de loi n'apparaît même pas au feuilleton, je comprends ça?

Le Président: C'est-à-dire que, si l'Assemblée n'accepte pas d'être saisie, parce qu'elle refuse de l'être, l'Assemblée n'est pas saisie, donc elle n'aura pas à débattre d'un projet de loi. C'est la règle. Ça va, de chaque côté? Alors, nous allons procéder à l'appel.


Mise aux voix

Que les députés en faveur de la motion de saisie du projet de loi n° 193, Loi concernant la procédure de sélection des personnes nommées par l'Assemblée nationale et modifiant la Loi sur l'Assemblée nationale, veuillent bien se lever.

(10 h 10)

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Williams (Nelligan), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Lamoureux (Anjou).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: ...

Le Président: Que les députés qui veulent s'abstenir.

Le Secrétaire adjoint: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine)...

Des voix: ...

Le Président: Alors, nous allons poursuivre l'appel.

Le Secrétaire adjoint: Je vais reprendre à partir de M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), Mme Papineau (Prévost), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson).

Le Secrétaire: Pour:32

Contre:0

Abstentions:56

Le Président: Alors, la motion est adoptée. L'Assemblée est saisie du projet de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, l'article f, M. le Président.


Projet de loi n° 235

Le Président: Alors, à l'article f du feuilleton, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 235, Loi concernant la Ville de Sainte-Thérèse. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

En conséquence, M. le député de Groulx présente le projet de loi d'intérêt privé n° 235, Loi concernant la Ville de Sainte-Thérèse.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi?

M. Paradis: Nous sommes disposés à entendre quelques propos du député de Groulx à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président: D'abord est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie? M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la com-mission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, cette motion est-elle adoptée? Elle est adoptée. M. le leader.

M. Brassard: Maintenant l'article g.


Projet de loi n° 225

Le Président: Alors, en rapport avec l'article g, j'ai également reçu du directeur de la législation, sur le projet de loi n° 225, un rapport sur la Loi concernant l'annexion d'un territoire à celui de la Ville de Lachute. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport.

M. le député de Groulx présente donc le projet de loi d'intérêt privé n° 225, Loi concernant l'annexion d'un territoire à celui de la Ville de Lachute.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est adoptée? Très bien.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Rapport quinquennal sur la mise en oeuvre 1995-2000 de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre

Mme Lemieux: Oui, M. le Président. Je dépose, conformément à l'article 68 de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre 1995-2000 de cette loi.

Le Président: Bien. Alors, ce document est déposé. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


Rapport annuel de la Société de financement agricole du Québec

M. Trudel: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1999-2000 de la Société de financement agricole du Québec, en particulier la page 21 qui indique qu'elle a autorisé 829 millions de dollars de prêts pour le développement des industries agricoles dans toutes les régions du Québec.


Orientations stratégiques 2000-2003 du Vérificateur général du Québec

Le Président: Alors, ce document est déposé. Pour ma part, je dépose d'abord le document intitulé Orientations stratégiques 2000-2003 que m'a fait parvenir le Vérificateur général du Québec conformément aux exigences fixées par la Loi sur l'administration publique en matière de planification stratégique.


Rapport d'activité de l'Assemblée nationale

J'ai le grand plaisir également de déposer le rapport d'activité de l'Assemblée nationale 1999-2000, que, chers collègues, vous avez eu sur vos pupitres en entrant dans la salle. Il s'agit du premier rapport d'activité de l'Assemblée nationale, qui marquera finalement une série qui devrait se produire maintenant annuellement. Et je voudrais signaler la présence dans nos tribunes de certains de nos collaborateurs de l'Assemblée qui sont responsables de la réduction et de la conception du document. Je pense qu'on peut tous être fiers de ce rapport d'activité.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, une pétition conforme, M. le député de Nelligan.


Abaisser immédiatement les taxes provinciales sur l'essence

M. Williams: Oui, M. le Président, conforme. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 598 pétitionnaires représentant la population de la région de Montréal.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le prix de l'essence atteint des sommets inégalés au Québec;

«Attendu que cette hausse des prix de l'essence entraînera inévitablement une augmentation de l'inflation;

«Attendu que les taxes sur l'essence représentent près de la moitié du prix de l'essence;

«Attendu que le gouvernement du Québec refuse de diminuer ses taxes sur l'essence;

«Attendu que la hausse du prix de l'essence risque d'avoir un effet très négatif sur l'économie du Québec;

«Attendu que le gouvernement du Québec dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour diminuer les taxes sur l'essence;

«Attendu que les Québécois et Québécoises sont les plus taxés sur l'essence au Canada et en Amérique du Nord;

«Attendu que le Parti libéral du Québec, qui forme l'opposition officielle, réclame une baisse des taxes sur l'essence;

«Attendu que la population de la région de Montréal en a assez d'être utilisée pour gonfler les surplus de l'État;

«Whereas the price of gas has reached unequalled heights in Québec;

«Whereas the climbing gas prices will inevitably result in higher inflation;

«Whereas taxes on gas represent close to half the price of gas;

«Whereas the Québec Government refuses to reduce taxes on gas;

«Whereas the gas price increases are most likely to have a very negative impact on Québec's economy;

«Whereas the Québec Government has the necessary fiscal flexibility to decrease taxes on gas;

«Whereas Québec's men and women have to pay the highest gas prices in Canada and North America;

«Whereas the Québec Liberal Party, that forms the Official Opposition, is asking for a tax reduction on gas;

«Whereas the population of Montréal is tired of being used to boost up the Government surpluses;

(10 h 20)

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale qu'elle exige du gouvernement du Québec qu'il cesse d'empocher des bénéfices sur le dos des contribuables du Québec et qu'il baisse immédiatement les taxes provinciales sur l'essence.

«We, the undersigned, are asking the National Assembly to move that the Québec Government stop filling its pockets on Québec taxpayers' back and immediately reduce the provincial taxes on gas.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Cette pétition est déposée. Maintenant, M. le député de l'Acadie.


Exiger de la STCUM qu'elle améliore son service de transport adapté

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme. Alors, je voudrais tout d'abord profiter de l'occasion pour souligner l'excellent travail des quatre personnes handicapées qui ont personnellement recueilli les 3 748 signatures de la pétition. Il s'agit de Mmes Lina Vandal, Linda Gilbert, MM. Sylvain Cloutier et Yvon Gilbert.

Alors, je dépose l'extrait d'une pétition non conforme présentée à l'Assemblée nationale et contenant 3 748 signatures recueillies par le Comité de transport adapté auprès des citoyens et citoyennes du Québec, utilisateurs du transport adapté de la STCUM.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, réclamons que le Centre de transport adapté de la STCUM accélère le processus d'achat d'un nouveau système informatique, qu'il y ait réduction du temps d'attente sur les lignes téléphoniques, qu'il y ait réduction des refus de transport, qu'il y ait désengorgement des lignes téléphoniques, que les commis s'identifient.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de l'Acadie. Cette pétition est aussi déposée. Mme la députée de Beauce-Sud, maintenant.

Mme Leblanc: Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, Mme la députée.


Voter contre toute augmentation de prime d'assurance médicaments pour les personnes âgées

Mme Leblanc: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 770 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Beauce-Sud.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement péquiste et la ministre de la Santé, Pauline Marois, ont pris la décision de doubler les primes versées annuellement via le rapport d'impôts, les faisant passer de 175 $ à 350 $ par année;

«Attendu que, sous le gouvernement libéral, les personnes âgées ne déboursaient que 2 $ par prescription jusqu'à concurrence de 100 $ annuellement pour leurs médicaments;

«Attendu que la contribution annuelle moyenne est passée de 50 $ en 1995 à 350 $ en 1999, si on inclut le montant de la prime, soit une augmentation 600 %;

«Attendu que, depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime d'assurance médicaments, le gouvernement péquiste est allé chercher dans les poches des personnes âgées 258 millions de dollars en 1997, 278 millions de dollars en 1998 et 300 millions de dollars en 1999, pour un montant total de 836 millions de dollars en trois ans; et

«Attendu que le rapport d'évaluation de l'impact du régime, le rapport Tamblyn, a dénoncé avec vigueur la baisse de médicaments essentiels chez les personnes âgées pour le traitement des maladies chroniques, générant ainsi une augmentation de 111 % des visites médicales et de 47 % des visites à l'urgence;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, citoyens et citoyennes de Beauce-Sud, demandons à l'Assemblée nationale de voter contre toute augmentation de prime de l'assurance médicaments pour les personnes âgées.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, comme cette pétition que vient de déposer la députée de Beauce-Sud est issue directement du site Internet du Parti libéral du Québec, est-ce que je pourrais conseiller à mon vis-à-vis, qui connaît bien le règlement, de conseiller son parti pour que les pétitions issues du site Internet soient conformes?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Mon bon ami le leader du gouvernement n'est pas sans ignorer le fait qu'hier la présidence nous a invités tous les deux à faire valoir l'argumentation quant aux pétitions, leur façon de les déposer à l'Assemblée nationale du Québec, compte tenu du règlement de l'Assemblée nationale du Québec et de la Charte des droits et libertés de la personne, et que, dans quelques minutes, s'il a quelque chose à faire valoir, il pourra le faire. D'ici là, M. le Président, nous nous fions à votre bon jugement et au consentement si gracieusement obtenu du gouvernement.


Questions et réponses orales

Le Président: Alors, sur cette gracieuseté, nous allons maintenant aborder la période de questions et de réponses orales.

Mme la députée de Saint-François, première question principale.


Paiement de médicaments par des patients atteints de cancer


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Malgré l'absence, tout à fait motivée, de la ministre de la Santé et des Services sociaux qui assiste présentement à une conférence fédérale-provinciale, je me dois, en tant qu'adjointe au chef de l'opposition officielle, de soulever en cette Chambre l'article publié dans La Presse ce matin à l'effet que la ministre aurait été au courant depuis des mois qu'un problème existait relativement au paiement par des patients cancéreux de médicaments coûteux qui normalement devaient être fournis par les hôpitaux.

On se souviendra, M. le Président, que, suite à de nombreuses questions posées par ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne entourant les médicaments pour le traitement de cancers, la ministre s'est exprimée ainsi à l'endroit de ma collègue qui prenait la défense des malades atteints du cancer, et je la cite. Elle disait que «la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a choisi le spectacle et la démagogie». Et elle poursuivait en disant: «Je réitère que les procédés qu'elle a utilisés sont indignes du poste qu'elle occupe.»

M. le Président, compte tenu de la gravité de la situation, est-ce que le vice-premier ministre peut nous dire si, ce matin, il a communiqué avec sa collègue, s'il lui a parlé pour savoir si elle nie toujours l'information?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, effectivement, la ministre de la Santé n'est pas présente aujourd'hui à l'Assemblée, pour un motif vraiment on ne peut plus justifié: elle est avec ses homologues des autres provinces pour défendre les intérêts des familles québécoises et faire en sorte qu'on puisse mettre en place un régime de congés parentaux amélioré au Québec. C'est la tâche qu'elle est en train d'assumer présentement à Toronto.

Je regrette cependant que la députée de Saint-François parle de la conduite indigne de la ministre...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, la députée de Saint-François a toujours l'habitude d'avoir un comportement de haut niveau en cette Assemblée. Elle nous a habitués à ça. Je n'aurais pas pensé, ce matin, que ce serait elle qui allait soulever cette question. C'est une question qui mérite d'avoir des réponses articulées et complètes, et vous pouvez être assuré, M. le Président, que, dès la prochaine séance de l'Assemblée, la semaine prochaine, la ministre de la Santé se fera un devoir et un plaisir aussi de répondre adéquatement et en long et en large à cette question.

Le Président: Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, vous aurez compris que le leader n'avait pas nécessairement écouté ma question, parce que, lorsque je parlais de propos indignes, ce n'étaient pas mes propos envers la ministre, mais c'étaient les propos de la ministre envers ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mais, M. le Président, compte tenu de la gravité, je répète ma question au vice-premier ministre. Je lui demandais tout simplement s'il avait communiqué avec sa collègue, ce matin, pour s'enquérir auprès d'elle à savoir si elle niait toujours cette information, puisque c'est quand même un cas très grave, M. le Président. Mais, malgré tout, puisque notre règlement permet des réponses différées qui peuvent être données après la période de questions, est-ce que je peux demander au vice-premier ministre s'il peut s'engager à communiquer, d'ici la fin de cette présente période de questions, avec sa collègue afin que l'Assemblée nationale et la population du Québec puissent avoir toute l'information complète sur le sujet, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le vice-premier ministre, pas plus que moi, nous ne servirons de messager ou d'intermédiaire. Je pense que, sur une question de cette gravité, il m'apparaît essentiel que ce soit la ministre elle-même qui réponde. Elle répondra dès la prochaine séance de l'Assemblée.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en question principale bien sûr.


Assujettissement de Montréal et de Québec à l'application de la Loi sur les cités et villes


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Cette semaine, la ville de Montréal a déposé un nouveau programme de consultation du public montréalais. On sait que la Loi des cités et villes prévoit que, pour les règlements d'emprunt et les changements de zonage, par exemple, les citoyens peuvent non seulement être consultés, mais ils ont aussi la capacité de faire changer des choses au niveau de leur municipalité. Cette politique de consultation que la ville de Montréal vient de rendre publique nous amènera probablement prochainement à avoir une modification à la Charte de la ville de Montréal.

(10 h 30)

Ma question, toute simple, à la ministre responsable des Affaires municipales, M. le Président, c'est: Pourquoi la ministre ne fait pas en sorte que et Montréal et la ville de Québec soient assujetties à la Loi des cités et villes, de façon à ce que les citoyens de Montréal et de Québec aient les mêmes droits que les citoyens partout ailleurs au Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, effectivement, la ville de Montréal, la direction de l'Hôtel de Ville a mis en place un groupe de travail dont la présidence a été confiée à un ancien collègue de cette Assemblée nationale, M. Gérald Tremblay. Ce groupe de travail a comme mandat de procéder avec célérité à une consultation sur la politique de participation des citoyens montréalais aux décisions qui les concernent. Alors, nous aurons donc certainement, l'automne prochain, lors de la prochaine session parlementaire, les résultats de cette consultation et nous pourrons à ce moment-là conclure dans le sens ou non des propos du député de Westmount–Saint-Louis.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: En additionnelle, s'il vous plaît. Ma question, M. le Président: On connaît la situation. Pourquoi la ministre ne fait pas en sorte d'assujettir la ville de Montréal et la ville de Québec à la Loi des cités et villes?

Le Président: Merci, Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Pour les mêmes raisons, M. le Président, que le gouvernement précédent, qui a été au gouvernement pendant neuf ans, et pour les mêmes raisons que tous les gouvernements qui ont précédé, puisque la situation particulière de Montréal et de Québec a amené le législateur à concevoir que ces deux grandes villes ne devaient pas être assujetties à la Loi des cités et villes mais détenir leur propre charte. Et donc, c'est par des amendements aux chartes de ces villes respectives que nous légiférons.

Alors, M. le Président, je comprends que le député de Westmount–Saint-Louis est favorable à l'utilisation du référendum, n'est-ce pas, pour impliquer les citoyens de Montréal dans les décisions. Encore faut-il savoir: Est-ce que c'est un référendum par quartier, par arrondissement, au niveau de la ville? Avec les coûts que ça peut représenter, hein. Vous savez bien qu'une consultation au niveau de 1 million de population, il y a là des coûts extrêmement importants dans telle circonstance. Je comprends que le groupe de travail mis en place, qui ira consulter la population, sera à même, lors des conclusions qui nous seront acheminées, de nous faire des recommandations.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Est-ce qu'on doit comprendre, M. le Président, que, pour la ministre, les droits des citoyens de Montréal ne pourront jamais être l'équivalent des droits des citoyens d'ailleurs que Montréal?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a une dynamique particulière. Certainement, 1 million de population dans une ville, il ne s'en produit pas d'autres exemplaires au Québec, n'est-ce pas. Alors, il faut, comme dans toutes les grandes villes du monde, être capable également d'introduire des mécanismes de consultation des citoyens. Je ne sache pas qu'il n'y ait qu'un seul mécanisme qui soit légitime. Et je comprends qu'il serait prématuré à ce moment-ci de le conclure, comme le député de Westmount–Saint-Louis semble le faire.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Hull.


Intentions du gouvernement en matière de regroupement de municipalités


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Mardi dernier, devant les bureaux de comté du premier ministre, dans la ville de Jonquière, le Syndicat canadien de la fonction publique a manifesté contre le projet de loi n° 124. Même s'ils se sont retrouvés devant un bureau abandonné, sans député ni même attaché politique, les manifestants ont tenu à exprimer leur opposition au projet de loi qui force des fusions municipales partout au Québec, et je cite le Syndicat: «Le projet de loi représente plus que de l'ingérence gouvernementale, c'est de la dictature pure et simple.» Ça, c'est le Syndicat qui dit ça. Donc, les élus municipaux, les syndicats au Québec et toute la population du Québec sont contre, de façon évidente, les fusions municipales forcées.

La question est simple: Quand est-ce que la ministre va se rendre à l'évidence et retirer son projet de loi n° 124?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, je rappellerai au député de Hull que nous avons prévu, dans le projet de loi n° 124, effectivement, un certain nombre de dispositions permettant de mieux gérer la question des relations de travail dans un contexte de fusion ou de regroupement de municipalités.

Je suis en train de procéder à l'analyse – parce que le député de Hull était aussi en commission parlementaire, présent, il a entendu les mêmes organisations patronales, syndicales, et autres, que moi – à une synthèse des propos qui ont été tenus en commission parlementaire et je suis très contente de constater qu'il y a un certain nombre de choses assez claires sur lesquelles les deux parties, les deux pôles, si je peux m'exprimer ainsi, les municipalités et les syndicats, s'entendent. Et je pense que les gens s'entendent, un, qu'il nous fallait prévoir un processus, qu'on ne pouvait pas être silencieux sur cet aspect-là des relations de travail et que, deux, les grandes étapes que nous avons prévues dans ce projet de loi étaient tout à fait convenables, logiques et respectueuses des parties.

Ceci étant dit, je sais bien que les syndicats actuellement véhiculent un certain inconfort par rapport au concept d'arbitrage, je pense que le ton est légèrement exagéré. D'abord, les syndicats eux-mêmes réclament souvent l'arbitrage dans des dossiers où c'est possible de le faire, c'est une procédure qui existe ici et ailleurs dans le monde, alors je ne pense pas qu'on doive penser à faire un lien entre un drame national et l'utilisation de l'arbitrage, c'est un des mécanismes qui est reconnu, qui est extrêmement utile pour résoudre des situations qui n'arrivent pas à se résoudre par elles-mêmes.

Le Président: M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Est-ce qu'on doit comprendre du refus de la ministre de se lever et de défendre son projet de loi n° 124 qu'elle projette effectivement de forcer la fusion de Jonquière avec ses voisines et ainsi contredire son premier ministre qui disait: «Je ne pense pas que les législateurs doivent intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon»? Si ce n'est pas bon pour Jonquière, ce n'est pas meilleur ailleurs au Québec, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je l'ai répété à maintes reprises et je le redis à nouveau, il n'y a pas d'agenda caché, il n'y a pas de liste avec un nombre optimal de municipalités. Notre objectif n'est pas un objectif de regroupement, c'est un objectif de développement: de développement économique, de développement social, de développement culturel, de développement démographique pour tout le Québec.

Et, M. le Président, à l'évidence, que les regroupements soient volontaires ou obligés, il faut des mécanismes que le gouvernement précédent n'a jamais eu le courage de mettre en place, il faut des mécanismes pour faciliter les conditions de regroupements volontaires ou obligés, sinon c'est l'addition d'unités de négociation.

Il faut juste entendre le maire de Sainte-Agathe, n'est-ce pas, qui a fait parvenir d'ailleurs au secrétariat de la commission parlementaire où nous avons siégé diverses réflexions sur un regroupement volontaire justement, pour savoir à quel point les conditions doivent être réunies pour faciliter une première convention collective de villes regroupées où il y avait plusieurs syndicats.

Le Président: En question principale, M. le député d'Orford.


Report des attestations environnementales applicables à l'industrie des pâtes et papiers


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président. Depuis plus d'une génération, les ministres de l'Environnement se sont succédés: les Clifford Lincoln, les Mme Bacon, les Pierre Paradis ont gagné de chaudes luttes...

(10 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Benoit: Depuis plus d'une génération, M. le Président, les ministres ont gagné de chaudes luttes en mettant l'industrie papetière au pas en ce qui a trait à ses rejets dans les cours d'eau. Le 2 mars dernier, le ministre de l'Environnement a encore baissé les bras. La Loi sur la réduction des déchets industriels vient d'être charcutée en petits morceaux par le ministre de l'Environnement.

D'ailleurs, le Centre québécois du droit en environnement rappelle au ministre, et je les cite, «que l'entente qu'il vient de signer est probablement illégale à tous égards et l'on peut se demander comment le ministre de l'Environnement peut assumer son serment d'office, qui est de faire appliquer la loi».

Peut-il me donner une seule raison valable pour un recul aussi désastreux en environnement pour les générations à venir, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, si on veut parler des anciens ministres de l'Environnement qui ont fait quelque chose, je pense qu'il ne faudrait surtout pas oublier le travail fait par...

Des voix: ...

M. Bégin: ...Marcel Léger, qui a créé le ministère de l'Environnement et qui a posé les bases de tout notre système.

M. le Président, le député fait allusion à un article paru ce matin dans Le Devoir qui fait état que les premières attestations concernant l'environnement seraient reportées de cinq ans dans les pâtes et papiers. J'aimerais rappeler qu'en 1988 M. Lincoln avait fait adopter par l'Assemblée une loi à cet égard. Cinq ans plus tard, elle a été mise en vigueur. Et le premier décret a été émis pour les compagnies qui seraient assujetties à ces... attestations environnementales, et c'étaient les papetières – c'est le matin des lapsus. Alors, ça a été émis.

Entre-temps, en 1992, le règlement québécois et le règlement fédéral sont entrés en vigueur pour les papetières. Et, de 1992 à 1995, 1 milliard de dollars ont été investis par les papetières pour la dépollution des effluents, qu'ils soient liquides ou à la cheminée. Il y a eu un travail considérable qui a été fait. Les attestations d'environnement qu'il restait à compléter visent à s'assurer que maintenant, au lieu d'avoir une disposition qui s'applique mur à mur à travers tout le Québec, on s'adapte à chaque industrie, à chaque milieu récepteur. Ce n'est pas vrai que verser, mettons, une tonne de matières dans le fleuve Saint-Laurent, c'est égal à laisser une tonne dans un ruisseau qui a cinq pieds de large. Alors, il faut qu'on s'adresse à ces problèmes-là pour les points particuliers. Et les attestations d'environnement vont permettre d'arriver à cibler chaque industrie.

M. le Président, il faut d'abord savoir quel est le milieu récepteur, ce qu'il reste à faire dans chaque industrie. Troisièmement, la connaissance n'est pas acquise encore au niveau, par exemple, des émissions atmosphériques. Et on en a parlé au CCME, lundi et mardi, avec tous les ministres du Canada, et tout le monde a le même problème de déterminer quelles sont ces particules qui sont émises et comment on va les traiter. Alors, qu'on se donne du temps pour le faire m'apparaît extraordinaire.

J'ai fait signer cette première entente, c'est la première, et les autres industries vont suivre dans les années qui vont suivre. Les mines, c'est déjà rendu à l'exécutif; l'année suivante, ça sera la métallurgie, et ainsi de suite, pour s'assurer que toutes les industries au Québec fassent des attestations d'environnement et épurent l'environnement, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Effets des regroupements de municipalités sur les comptes de taxes


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, hier, le maire de Saint-Bruno, M. Dulude, a rendu publique une étude réalisée par Mme Piette, de l'École des sciences de gestion de l'UQAM, sur les impacts d'une éventuelle inclusion de la ville de Saint-Bruno dans la Communauté métropolitaine de Montréal. Cette étude conclut que les citoyens de Saint-Bruno verront, suite à leur inclusion, leur compte de taxes augmenter de 400 $ en moyenne. De plus, l'étude évalue qu'une augmentation du compte de taxes variant entre 15 % et 24 % s'appliquera aux autres municipalités comprises dans la MRC de La Vallée-du-Richelieu.

M. le Président, est-ce que la ministre des Affaires municipales peut confirmer ou infirmer les conclusions de cette étude? Et peut-elle nous assurer puis rassurer surtout tous les contribuables qu'il n'y aura pas de hausse de taxes suite à la mise sur pied de la Communauté métropolitaine de Montréal?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je remercie très sincèrement le député de Westmount–Saint-Louis de cette question qui me donne l'occasion de remettre les pendules à l'heure.

C'est totalement fantaisiste, et je vous le dis bien simplement, M. le Président. Les travaux qui ont été menés par le comité des élus de la région métropolitaine de Montréal, comité sur lequel siègent le maire de Montréal, le maire de Longueuil, le maire de Laval ainsi que des représentants de la couronne sud, bien, les travaux de ce comité sont quasi terminés; ils se finaliseront la semaine prochaine. Et, à ce moment-ci, je peux vous dire que le total, l'addition des contributions qui seront demandées pour partager plus équitablement les équipements identifiés comme métropolitains – le logement social, qui doit être mieux partagé qu'il ne l'est présentement au niveau métropolitain, les coûts de fonctionnement métropolitains – je dois vous dire que, sur la rive sud, le total, M. le Président, s'élève à au plus 6 millions de dollars.

Quand on sait que, dans la proposition du cadre fiscal mis sur la table par le gouvernement, c'est 9 millions de dollars que, cet automne, la rive sud devrait recevoir, vous voyez bien, M. le Président, qu'il n'en est pas question, de hausses de taxes.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: On veut bien croire la ministre, M. le Président, mais quand compte-t-elle rendre publiques ces évaluations d'impacts financiers qu'elle nous annonce ici aujourd'hui?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, cela le fut hier et cela le fut d'ailleurs par voie de communiqués et de tableaux qui démontrent les chiffres dont je viens de parler et qui ont été envoyés en fait aux médias d'information par le biais de l'agence Telbec .

Alors, M. le Président, je pense que c'est extrêmement important, parce qu'il y a de la désinformation – de la désinformation, c'est de ça qu'il s'agit, là – présentement. Alors, ce communiqué qui a été envoyé hier s'intitulait tout simplement Communauté métropolitaine de Montréal, pas d'augmentation de taxes en vue . Et ça, M. le Président, c'est suite aux travaux et aux résultats qui m'ont été communiqués des travaux du comité aviseur sur lequel siègent les élus montréalais et métropolitains, et notamment ceux de la rive sud également.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de LaFontaine.


Protection et indemnisation des salariés dispensant des services d'aide à domicile


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, il existe au Québec un régime universel de protection, d'indemnisation en ce qui concerne les travailleurs pour les accidents du travail, et ce régime est financé par les employeurs. Il est obligatoire.

M. le Président, récemment, notre attention a été attirée par le cas d'une personne, une femme, qui avait trouvé un emploi auprès du CLSC Kateri, dans la circonscription de La Prairie. Cette femme s'est vu offrir un emploi par le CLSC, auprès du CLSC, afin de donner des services d'aide à domicile. M. le Président, cette personne, cette travailleuse, qui avait le statut de salariée, s'est retrouvée face à un accident du travail qui l'a obligée à mettre fin à ses activités, elle a subi des lésions et des blessures et, à sa grande surprise, s'est vu refuser des indemnités et des programmes de réhabilitation de la part de la CSST.

M. le Président, ma question à la ministre, la première question que je veux lui poser, est très simple, c'est: Mme la ministre, est-il exact, d'après ce que je crois comprendre, que les centaines et même les milliers de travailleurs et de travailleuses qui, au Québec, travaillent dans le domaine de l'aide à domicile sont exclus de la CSST, n'ont aucune prévention ni protection en ce qui concerne les accidents de travail et n'ont pas droit non plus à aucune indemnité lorsqu'ils sont accidentés?

(10 h 50)

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je pense que le député de LaFontaine comprendra que, d'abord, nous avons un régime qui, en général, rejoint la plus grande partie des travailleurs et des travailleuses au Québec. Maintenant, à ce moment-ci, moi, si ce dossier lui tient vraiment à coeur, je pense qu'il devrait me l'acheminer pour que je puisse voir s'il y a des problèmes d'interprétation. Je ne peux pas statuer là-dessus. Le régime couvre l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec. Maintenant, pour quelle raison cette dame n'a pas été indemnisée? Vous allez comprendre que je ne peux pas régler ce dossier ici, de cette manière-là, ce ne serait pas rigoureux, on ne rendrait pas service aux personnes. Alors, je l'invite à me donner l'information concrète et je vais regarder le dossier.

Le Président: M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, M. le Président, est-ce que la ministre pourrait faire suite à ses dossiers et donner suite aux dossiers de ses députés? Parce que le député de La Prairie a donné aide à cette personne et a fait en sorte d'acheminer les dossiers auprès d'un ministre de son gouvernement.

M. le Président, est-ce que la ministre peut comprendre que ce n'est pas forcément un cas particulier sur lequel je l'interpelle actuellement? J'ai pris ce cas-là: Privée de CSST, elle s'enchaîne à un poteau , parce que cette malheureuse femme a trouvé ce seul moyen pour attirer l'attention des autorités sur la situation de centaines et de milliers de travailleurs et travailleuses au Québec, qui oeuvrent pour les CLSC ou auprès des CLSC, qui forment un réseau parallèle de travailleurs et travailleuses à bon marché, que l'État emploie à bon marché, et qui ne reçoivent pas la couverture sociale que la loi et le Code du travail obligent tout employeur à donner à ses salariés.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, le député de LaFontaine me déçoit beaucoup, là. Aujourd'hui, il veut démontrer qu'il est empathique, sympathique à une cause. Il sait très bien que je n'ai pas l'information précise – je n'ai pas d'ordinateur ici, M. le Président – sur ce dossier. Alors, je lui demande, si ça lui tient vraiment à coeur, qu'il me parle après, qu'il me donne l'information, et je vais faire le suivi. Là, il veut nous démontrer qu'il est très empathique. Il sait très bien que je suis limitée dans les réponses que je peux donner parce que je n'ai pas toute l'information, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: M. le Président, d'autres députés, en plus de celui de La Prairie, ont fait en sorte de sensibiliser la ministre, en particulier le député de l'Acadie, qui a écrit lui-même pour sensibiliser les autorités du ministère du Travail à cette situation. Et, pour l'information de la ministre, est-ce que je pourrais lui expliquer qu'actuellement les CLSC paient, pour ces employés-là, le 4 % pour les vacances, le fonds de santé, l'assurance chômage, mais ne paient pas la cotisation de CSST et ne veulent pas couvrir ces travailleurs-là? Est-ce qu'elle peut mettre fin à cette injustice, à ce préjudice qui est causé à des centaines, des milliers de travailleurs, et particulièrement des travailleuses, parmi peut-être les plus fragiles de notre système, dans le travail à domicile?

Est-ce qu'elle peut comprendre qu'il y a là une injustice, prendre ses dossiers, regarder ce qui se passe dans son ministère, donner suite à ces demandes et faire en sorte que les travailleurs et travailleuses qui travaillent pour les soins à domicile aient une protection adéquate en ce qui concerne la sécurité et santé au travail et aussi la prévention sur leurs lieux de travail? Est-ce que, oui ou non, elle peut s'en occuper maintenant?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que la Loi sur la santé et sécurité au travail et la Commission, que nous avons créée il y a une vingtaine d'années, au Québec, sur la santé et la sécurité au travail sont des instruments uniques. Plusieurs envient d'ailleurs les régimes d'indemnisation que nous avons.

Le député de LaFontaine, je le redis, pose une question plus spécifique. Pour clore ce débat-là, pour ne pas qu'on dise n'importe quoi et considérant que je n'ai pas toute l'information, je vais prendre avis de la question, et ça me permettra de faire le point sur ce dossier, s'il y a des éléments plus fondamentaux qui sont soulevés.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Rôle la Caisse de dépôt et placement dans l'offre d'achat de Vidéotron par Quebecor


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. La porte-parole de la Caisse de dépôt affirmait candidement, hier, qu'il était normal pour la Caisse d'empocher 15 millions de dollars à titre de commission pour transiger un deal et, dans ce cas-ci, pour bloquer la vente de Vidéotron à quiconque sauf Quebecor. Même si le ministre des Finances souhaite garder ses distances, il n'en demeure pas moins qu'il a la responsabilité de s'assurer que les règles d'éthique soient respectées par les sociétés d'État.

Est-ce que le ministre des Finances va comprendre qu'il doit assumer la responsabilité, car le ministre des Finances a aussi la responsabilité de protéger tous les actionnaires, pas seulement ceux de la Caisse de dépôt?

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: J'ai recueilli cette information parmi bien d'autres. Je dois dire que j'ai été distrait par les chiffres du chômage, je m'en excuse. Il y a eu 17 000 emplois de plus le mois dernier, le taux de chômage a baissé de 0,3 %, le taux d'activité a monté. Quand le taux de chômage baisse et que le taux d'activité monte, ce sont deux directions absolument extraordinaires. Ça m'a un peu...

Des voix: Bravo!

M. Landry: 41 % des emplois créés au Canada. Pour les jeunes, là, 22 800, sur le total. Alors, ça ne m'a pas laissé beaucoup de temps pour réfléchir à la Caisse, mais ça fait quand même longtemps que je réfléchis à la question de la Caisse de dépôt. Comme mes prédécesseurs. C'est une vieille loi, ça a été établi... C'est un des beaux actifs de la Révolution tranquille, qu'on célébrait encore hier, à l'inauguration du monument de M. Lesage.

La Caisse doit se comporter comme la grande entreprise qu'elle est. Si Teachers' Fund ou OMERS ou le Fonds de pension des professeurs de Californie fait ça dans l'intérêt de ses bénéficiaires et de ses membres, la Caisse ne doit avoir aucun reproche quand elle le fait. Je ne le dis pas d'une façon méprisante, je le fais par images. Il y a beaucoup d'activités très dures dans la finance mondiale. La Caisse ne va pas se comporter en agneau alors qu'elle circule dans des forêts remplies de loups. Et, quand elle fait ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...le Petit Chaperon rouge...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Si chaperon il y a, dans mon cas, il ne pourrait pas être rouge!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Bien que je me rappelais, hier, en célébrant M. Lesage, que je le fus, et de façon ardente, à l'époque où on mettait sur pied la Caisse. Alors, je reviens à la Caisse. Quand la Caisse agit suivant les moeurs d'affaires de notre continent – et c'est ça qu'elle fait – ce n'est pas pour que les administrateurs de la Caisse aient de l'argent dans leurs poches, c'est bénévole. C'est pour que vous et moi, les retraités et futurs retraités, ayons des pensions plus généreuses. C'est ça qu'on demande à la Caisse et c'est ça qu'elle fait.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances réalise que la Caisse de dépôt doit également se comporter comme une institution financière respectable justement parce qu'elle relève du gouvernement du Québec? Et on dirait que le ministre des Finances veut se laver les mains de la responsabilité qu'il a de s'assurer que la Caisse de dépôt n'accorde pas des privilèges indûment à elle-même au détriment des autres actionnaires.

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je me lave les mains quand elles sont sales. Et elles ne sont pas sales, et celles de la Caisse de dépôt non plus, pour la simple raison que la Caisse de dépôt suit les usages commerciaux et financiers pratiqués en Amérique du Nord et maintenant dans le monde entier à cause de la globalisation. Alors, je fais totalement confiance aux administrateurs de la Caisse, d'autant plus qu'ils ne sont pas intéressés personnellement et financièrement; ce sont des bénévoles, je le réitère. Je leur fais totalement confiance pour prendre nos intérêts et je veux qu'ils prennent nos intérêts dans la respectabilité. Et quelle est la respectabilité dans le milieu financier? Obéir aux lois, suivre les us et coutumes et avoir un gros rendement. Et la Caisse a les trois, puis surtout le dernier, c'est 17 % de rendement.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je pense que le ministre des Finances évite de répondre à la question, parce qu'il y a plusieurs personnes qui soupçonnent que le geste de la Caisse est pour le moins douteux, d'avoir été à la fois partie, à la Caisse, dans le deal de Vidéotron et à la fois un «deal breaker» et un chargeur de commissions, et par conséquent elle a joué deux rôles à la fois.

(11 heures)

M. le Président, je pense que la Caisse de dépôt a posé un geste douteux et j'invite, je fais appel au ministre des Finances de se demander si la Commission des valeurs mobilières ne devrait pas faire enquête dans ce dossier-là.

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: La Caisse de dépôt et placement du Québec, M. le Président, est actionnaire de pratiquement toutes les corporations importantes du Canada. Alors, ça veut dire qu'à chaque fois qu'il y a une transaction, si la Caisse décidait de ne pas bouger parce qu'elle est des deux côtés, elle ne bougerait jamais. Je réitère que la Caisse, elle fait comme Teachers', comme OMERS, elle fait comme ses pairs. S'il y a des gens qui ont des soupçons – faut mentionner qu'il y a des gens qui ont des soupçons dans le milieu financier – qu'ils se lèvent. Ils ne procèdent pas de notre immunité parlementaire, eux et elles. Qu'ils se lèvent et qu'ils le disent. Mais, moi, je considère que la Caisse est bien gérée et qu'elle agit bien sur le plan financier et sur le plan éthique, et je n'ai que des louanges à faire à ses administrateurs jusqu'à ce jour.

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, le ministre a peut-être mal compris mon propos. Est-ce qu'il réalise, dans ce cas-ci... Je ne parle pas de la gestion de la Caisse, je ne parle pas des placements de la Caisse, je parle que la Caisse était à la fois impliquée comme actionnaire dans une entreprise, qu'elle a utilisé son droit de veto et ensuite est allée charger 15 millions de dollars à l'autre entreprise pour s'associer à cette entreprise-là. Moi, il me semble qu'il y a quelque chose qui n'est pas correct dans ça. Elle est à la fois juge et partie.

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Ce que la députée ne semble pas saisir de... opération, celle-là en particulier, c'est que, ce faisant, la Caisse fait mousser son avoir, puisqu'elle est actionnaire, mais l'avoir de tous les autres actionnaires. Est-ce que, dans une transaction, il est mieux d'avoir une proposition ou plusieurs? Poser la question, c'est y répondre. S'il y a quatre acheteurs, c'est mieux qu'il y en ait un. D'ailleurs, dans les faits, une des deux propositions s'est largement bonifiée au cours des dernières semaines parce qu'il y en a deux, précisément.

Si c'était Rogers, Rogers, c'est fini, terminé, il n'y aurait pas d'enchère, tandis que, là, il y a un phénomène d'enchère, espérons pour les actionnaires, la Caisse et les autres, même de surenchère. C'est ça, le capitalisme libéral, justement, c'est qu'il y ait un marché et que le prix soit fixé par les rencontres des courbes de l'offre et de la demande. Mais, s'il n'y a qu'un demandeur ou un offreur, comment on va établir la courbe?

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, tout le monde est au courant des procédures qui peuvent être utilisées, y compris faire appel à ce qu'on appelle un «white knight». D'accord? Ça, tout le monde connaît ça. Dans ce cas-ci, ce pour quoi je viens faire appel au ministre des Finances, c'est qu'il y a apparence d'irrégularité parce que la Caisse de dépôt et placement du Québec a joué trois rôles à la fois.

C'est pour ça que je pense que le ministre des Finances devrait s'assurer que la Caisse a suivi toutes les procédures normales, éthiques, et demander à la Commission des valeurs mobilières de le regarder.

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Ce qu'il faut se demander, si c'était First Boston, qui est répandu sur la terre entière, qui faisait exactement la même chose, c'est: Est-ce qu'on mettrait en question les moeurs et les pratiques de First Boston? Sûrement pas, ce serait considéré comme un stratégie très fine dans l'intérêt de First Boston et des actionnaires minoritaires, et d'un.

Et, deuxièmement, je prierais ma collègue de relire la Loi de la Caisse de dépôt et de voir quels sont les pouvoirs du ministre des Finances et du gouvernement. Nous nommons les administrateurs, nous déposons le rapport annuel et nous pouvons requérir de la Caisse un certain nombre d'informations. Nous ne dirigerons pas cet immense empire financier à partir de la période de questions de l'Assemblée nationale, en tout respect pour notre Assemblée, car c'est notre Assemblée qui a voté la Loi de la Caisse aussi.

Le Président: Autre question principale, maintenant. M. le député de Richmond.


Remboursement de taxes aux producteurs agricoles


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, M. le Président. La date limite pour expédier une demande de remboursement de taxes, pour les producteurs agricoles au Québec, est le 31 mars, tel que prescrit par la loi. Or, nous sommes informés que le ministre de l'Agriculture refuse de donner suite aux demandes de producteurs même si elles ont été effectuées à l'intérieur de ce délai. Le ministre de l'Agriculture a donné des directives pour qu'après le 20 mars 2000 aucune demande d'information ou de documents supplémentaires ne soit faite auprès des producteurs en vue de compléter leurs dossiers.

M. le Président, le ministre peut-il nous expliquer, et aux producteurs qui ont transmis leur demande de remboursement pour le 31 mars, donc conformément à la loi, pourquoi, cette année, contrairement à la coutume, il refuse catégoriquement de traiter ces demandes?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, nous avons prévu pour l'an passé, mais applicables cette année, des remboursements de 58 millions de dollars aux productrices et aux producteurs agricoles, jusqu'à 76 % en moyenne des comptes de taxes municipales et scolaires qui sont imputables aux biens productifs. La date limite pour faire parvenir les demandes avec les comptes des municipalités, c'est le 31 mars. Deux rappels ont été publiés dans La Terre de chez nous , qui est la bible des productrices et des producteurs agricoles et de plusieurs de nos collègues ici, et la date sera respectée conformément à la loi, et la loi va s'appliquer dans ces cas comme dans tous les autres cas, parce qu'il y a une date limite et que les rappels utiles et nécessaires ont été faits.

Le Président: M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre n'est pas en train subtilement mais sûrement de financer le dépassement de 10 millions qui a été annoncé dans ses crédits au niveau du remboursement du programme de taxes, et ce, sur le dos des producteurs agricoles? Et est-ce que le ministre peut aujourd'hui justifier comment il peut, en fixant des échéances additionnelles pour le remboursement des taxes à l'intérieur d'une directive interne, faire en sorte que toutes les demandes qui rentrent entre le 27 mars de la présente année, 2000, et le 31 mars de la même année prennent tout simplement le chemin de la poubelle, alors que, pour les autres demandes qui sont considérées avant le 27 mars, il y a la possibilité de donner des renseignements additionnels et de traiter les demandes en question?

Le Président: M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Bien là, M. le Président, il n'y a pas de subtilité, il y a une date, c'est le 31 mars. C'est la loi qui édicte cela, et on va appliquer la date selon la loi qui a été votée par l'Assemblée nationale. J'accepte cependant l'invitation du député d'examiner à la loupe la situation, parce que ces dates correspondent à des jours de fin de semaine et que, dans ce cas-là, oui, parfois, il y a lieu de réexaminer certaines directives, et on n'est pas borné à ça. Ce qui nous intéresse, c'est le développement de la production agricole, M. le Président.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Marquette.


Négociations des conventions collectives des avocats du secteur public


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, ma question va s'adresser au président du Conseil du trésor. Le gouvernement du Québec a toujours maintenu, au cours des 15 dernières années, le principe de la parité salariale et de l'harmonisation dans la signature des conventions collectives entre les trois réseaux d'avocats, c'est-à-dire les juristes d'État, les avocats de l'aide juridique et les procureurs de la couronne. La convention collective a été signée avec les juristes d'État. Il y a une entente de principe qui est intervenue depuis plus de quatre mois concernant les avocats de l'aide juridique, cependant il ne semble pas y avoir de signature en vue. L'information que nous avons, c'est que le président du Conseil du trésor souhaiterait ouvrir une brèche dans la notion de parité salariale entre les procureurs de la couronne et ceux de l'aide juridique. C'est la raison qui expliquerait que la convention n'est pas signée.

Qu'en est-il, M. le président du Conseil du trésor? Est-ce que c'est vrai?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, d'abord, je voudrais souligner que la signature des conventions collectives va bon train, puisque l'opposition n'a pas posé de questions sur le sujet.

Des voix: Bravo!

M. Léonard: Nous avons signé avec la CEQ, avec la FTQ, avec la CSN, nous avons signé avec les infirmières, les syndicats des professionnels du gouvernement du Québec, de la fonction publique. Donc, nous avons connu une période de négociations qui a été relativement calme, parce que, au fond, à part une grève importante, celle des infirmières, du mois de juin dernier, l'ensemble des négociations se terminent assez bien. Il en reste encore quelques groupes, M. le Président.

(11 h 10)

Quant au sujet qui nous occupe, sur les trois types de professionnels du droit, les négociations vont toujours bon train, mais il y a des statuts différents entre les trois et nous allons continuer de discuter avec eux. Il y a déjà un groupe avec lequel nous nous sommes entendus. Les deux autres, nous continuons de négocier avec eux.

Le Président: Bien. Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.

Aux motions sans préavis, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement une précision quant à une motion sans préavis qui n'a pas encore été déposée à l'Assemblée nationale mais qui a été discutée hier. Lorsque interpellé en cette Chambre, le leader du gouvernement a affirmé ou laissé échapper hier qu'il y avait, quant aux congés parentaux, des discussions sur un texte de motion que nous aurions reçu de la partie gouvernementale. Mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce s'était levé de façon à ce que Mme la ministre de la Santé puisse se présenter à la conférence fédérale-provinciale munie d'un document si possible unanime de l'Assemblée nationale du Québec. Le leader du gouvernement a indiqué à ce moment-là que déjà un texte était parvenu à l'opposition officielle.

Moi, j'ai vérifié auprès de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce ainsi qu'auprès de mon bureau. Si c'était le cas, là, est-ce qu'on pourrait nous en donner une autre copie? Parce que, présentement, Mme la ministre n'a pas en main de motion unanime de l'Assemblée nationale du Québec, ce qui risque d'affaiblir sa position. Et, s'il n'y a pas de document d'acheminé, à ce moment-là, M. le Président, le gouvernement est plus qu'en retard dans ce dossier.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais m'en excuser. Au moment où j'ai prononcé ces paroles, affirmé cette chose, hier, j'étais convaincu qu'on avait transmis à l'opposition un projet de libellé. On m'a avisé après la période de questions hier que ce n'était pas le cas, mais ce sera le cas dans les heures qui suivent, parce que la ministre de la Santé sera présente parmi nous mardi. Et, d'ici là, j'espère qu'on pourra en arriver à une entente sur un projet de libellé de façon à ce que, sur cette question fondamentale, l'Assemblée nationale parle d'une seule voix.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Alors, nous allons aller maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures; et la commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, le lundi 12 juin 2000, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, deuxièmement, le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les abeilles, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, et ils bourdonneront de 20 heures à 24 heures, si nécessaire, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 126, Loi sur les coopératives de services financiers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif; et la commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 131, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic, le lundi 12 juin 2000, de 21 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Bons travaux!

Le Président: Ça va? Une question, M. le député de Marquette?

M. Ouimet: Une question sur les travaux de la Chambre. Le leader adjoint a fait référence à une commission parlementaire lundi soir, de 20 heures à 24 heures, la commission des institutions, pour étudier le projet de loi n° 115. Je suis présentement en discussion avec le chef de cabinet de la ministre de la Justice à savoir si ces travaux-là vont avoir lieu. Alors, je demanderais peut-être que le leader adjoint suspende cet avis-là pour que nous puissions terminer nos discussions.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Quant à moi, M. le Président, l'avis reste. S'il y a des événements subséquents qui se passent, eh bien, cette Assemblée va siéger encore quelques heures, du moins elle va siéger jusqu'à ce soir, 24 heures. Nous aurons le temps d'émettre un contrordre, si finalement l'ordre n'est pas bon, et nous éviterons le désordre.

Le Président: Ça va? Très bien.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, j'avais indiqué hier qu'à cette étape je recevrais des remarques ou des commentaires sur l'application de la Charte des droits et libertés en regard du dépôt des pétitions à l'Assemblée nationale.


Demande de directive


Recevabilité des pétitions (suite)

Vous vous rappelez que j'ai indiqué au député de Saint-Jean et à l'ensemble des membres de l'Assemblée que j'expliquerais plus en détail, d'une façon écrite, la décision que j'avais rendue au fauteuil la semaine dernière ou il y a une semaine et demie en rapport avec un dépôt de pétition que j'avais refusé, et le leader de l'opposition officielle m'avait indiqué qu'il souhaitait, dans la même foulée, que je puisse également me pencher sur cette problématique. Il m'avait indiqué – il l'a indiqué d'ailleurs aussi à un des vice-présidents – qu'il souhaitait faire des représentations. Alors, nous avions convenu que ça se ferait ce matin. Je vais donc reconnaître et donner la parole au leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Très bien. M. le Président, je vous remercie de l'occasion que vous nous accordez de nous faire entendre sur cette importante question, parce que cette importante question, est-il utile de le rappeler, découle de l'interprétation que la présidence fera de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, qui est une loi – je pense qu'on peut l'appeler ainsi – quasi constitutionnelle, et de la Loi de l'Assemblée nationale, et du règlement de l'Assemblée nationale, et il s'agit de voir comment on peut marier deux suprématies, et ce n'est pas toujours facile.

Je vous soumets pour fins historiques que le droit pour toute personne de pétitionner ou d'adresser une pétition au Parlement afin que celui-ci redresse un grief existe depuis fort, fort longtemps, et ce, même avant l'avènement des chambres basses des Parlements de type britannique. Donc, on pouvait pétitionner même avant que les chambres basses existent, M. le Président. Avec le temps, le droit constitutionnel coutumier accordait au Parlement le privilège d'adopter des règles ou de convenir d'un usage quant aux modalités de présentation et de débat concernant les pétitions adressées au Parlement par une personne. D'ailleurs, je vous rappelle les dispositions de l'article 9 de la Loi de l'Assemblée nationale qui est venu codifier ce privilège accordé aux citoyens. Cet article se lit comme suit: «L'Assemblée établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer.» Ce pouvoir d'établir ces règles de procédure fut exercé par l'adoption de notre règlement.

Le troisième paragraphe de l'article 53 ainsi que l'article 64 stipulent qu'une pétition est déposée aux affaires courantes; ce dépôt n'entraîne aucun débat. Les articles 62 à 64 énumèrent les critères de recevabilité et les modalités quant au dépôt des pétitions. L'article 62, quant à lui, stipule que «toute personne ou association de personnes peut, par l'intermédiaire d'un député, adresser une pétition à l'Assemblée dans le but d'obtenir le redressement d'une situation qu'elle considère injuste».

Le premier argument, M. le Président, est à l'effet que le Parlement du Québec peut adopter des lois qui modifient, restreignent ou abolissent les privilèges de l'Assemblée nationale du Québec. C'est le pouvoir du Parlement. Or, ceci fut accompli quant aux pétitions, nous vous le soumettons respectueusement, par l'adoption, en 1975, d'une loi fondamentale, à savoir la Charte des droits et libertés de la personne, et plus particulièrement, dans le cas qui nous concerne, de l'article 21 de cette Charte sur le chapitre des droits politiques. Et l'article 21 se lit comme suit: «Toute personne a le droit d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs.»

(11 h 20)

Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que le Parlement, en édictant l'article 21 de ladite Charte, a retiré à l'Assemblée le privilège de régir le droit de pétition comme une affaire interne. Du concept de privilège contrôlé par l'Assemblée, la pétition est passée au concept d'un droit fondamental accordé aux sujets de l'État, que l'Assemblée n'a plus le pouvoir de restreindre.

M. le Président, le Parlement, en adoptant la Loi sur l'Assemblée nationale, pouvait déroger à l'article 21 de la Charte en adoptant une clause dite «nonobstant». L'article 52 de la Charte stipule en effet qu'aucune disposition d'une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la Charte.

Force nous est de constater que le Parlement du Québec n'a pas adopté une loi conforme à l'article 52 de la Charte autorisant une dérogation au droit de pétition accordé par l'article 21 de ladite Charte. La Charte des droits et libertés de la personne est un texte quasi constitutionnel. Le législateur n'a pas cru bon d'inclure une clause «nonobstant» dans la Loi sur l'Assemblée nationale en ce qui concerne le droit de pétition. L'article 21 de la Charte a donc, nous vous le soumettons respectueusement, préséance sur la Loi de l'Assemblée nationale et sur ses dispositions réglementaires en ce qui concerne les pétitions.

M. le Président, nous sommes, comme vous, à la recherche d'une solution qui permettrait à la fois le respect des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne et la suprématie de l'Assemblée nationale, de sa loi et de son règlement. D'un côté, la loi et la réglementation de l'Assemblée nationale prévoient une procédure de dépôt de pétitions à l'Assemblée nationale du Québec. De l'autre côté, la Charte affirme un droit, déclare un droit aux citoyens du Québec sans prévoir la procédure. Nous vous le soumettons respectueusement, il y a deux façons de s'en sortir, à notre avis, légalement face à cette impasse. Il y a une façon qui n'est pas tellement élégante pour un Parlement ou pour un gouvernement, c'est de procéder à une modification de la Charte des droits et libertés de la personne et d'enlever carrément cette disposition. Ce serait considéré, je vous le soumets, comme un recul des droits des citoyens. L'autre façon de procéder, ce serait de modifier le règlement de l'Assemblée nationale de façon à prévoir les modalités d'exercice du droit prévu à la Charte des droits et libertés de la personne.

Il y a peut-être une troisième façon, qui serait inélégante, elle, pour l'Assemblée nationale, c'est d'inclure la clause «nonobstant». Et, lorsqu'on inclut la clause «nonobstant» dans des droits qui sont reconnus fondamentalement dans une charte, ça nous amène dans une situation qui est délicate. Je vous soumets que mon intervention a été inspirée par un cas pratique qui vous a été souligné, qui est connu en cette Assemblée comme étant l'affaire Dubreuil. Le collègue de Saint-Jean vous a présenté une certaine argumentation il y a quelque temps dans le cas d'une pétition qui devait être déposée par Mme la députée de Rosemont. Je réserve une réplique pour distinguer les deux cas s'il y avait, de la part du gouvernement, une argumentation.


Le Président

Le Président: Bien, écoutez, mon intention aujourd'hui, ce n'était pas de rendre une décision ni de faire de commentaires, mais je voudrais simplement voir si on se comprend bien, parce que, pour moi, il y a une différence entre un dépôt de pétition, c'est-à-dire le droit de pétitionner et la possibilité de faire en sorte qu'on ait accès à l'Assemblée des élus du peuple pour présenter aux élus la pétition, et le droit, en fait, ou l'interprétation qu'on ferait de cette possibilité d'aller plus loin puis de demander à l'Assemblée qu'elle prenne position obligatoirement. Je pense qu'il faut distinguer les deux. Ça, c'est une première question.

La deuxième, c'est de savoir... Et c'est sur ça que je me suis prononcé la dernière fois. Et je comprends votre argumentation, mais la question reste, à mon avis, fondamentale. C'est: Dans quelle mesure des citoyens qui ont le droit de pétitionner... Et je pense qu'il n'est pas dans l'intention de quiconque, à l'aube du 25e anniversaire de l'adoption de la Charte des droits et libertés, de modifier la Charte puis d'enlever le droit de pétition. J'ai d'ailleurs été un des défenseurs de ce droit à l'Assemblée en rappelant aux membres parfois qu'il fallait accorder le respect aussi à l'occasion de l'écoute des pétitions. Mais la question, c'est de savoir: Est-ce que les citoyens peuvent, par l'entremise de pétitions, avoir plus de droits que les députés? C'est-à-dire, est-ce qu'ils peuvent aller plus loin dans leur comportement à l'égard des membres de l'Assemblée que les membres de l'Assemblée eux-mêmes entre eux au sein de l'Assemblée? Et c'est une des questions sur lesquelles, dans le fond, j'ai à réfléchir parce que j'ai indiqué que j'y reviendrais. Mais, prima facie, la dernière fois, lors de la prise de décision, c'était que j'avais décidé de refuser une pétition parce que je croyais que la façon dont on se comportait dans cette pétition-là, c'était de porter atteinte aux droits et privilèges d'un membre de l'Assemblée.

Et la question, c'est: Est-ce que, le fait qu'on a un droit reconnu par la Charte des droits et libertés – un droit que l'Assemblée aussi reconnaît, puisqu'elle accepte de recevoir les pétitions – un citoyen peut être autorisé, à l'Assemblée, à faire ce qu'on n'autorise pas un député à faire en vertu de nos règles de procédure, entre autres? Et, si vous avez des opinions sur ça, je suis prêt à les entendre.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je pense que la décision que vous avez rendue dans le cas de la pétition de Mme la députée de Rosemont était la bonne décision, sauf que, quant au motif, très respectueusement, je pense qu'il y avait de meilleurs motifs de refuser. Ha, ha, ha!

Le Président: J'aimerais bien les entendre si vous en avez.

M. Paradis: M. le Président, sur cette question, c'était encore en vertu de cette même motion du privilège inhérent à la Chambre que le droit constitutionnel coutumier réservait exclusivement à l'Assemblée le contrôle du mécanisme électoral, et notamment la contestation d'élections. C'était ça, jadis. Mais l'Assemblée nationale du Québec, notre Parlement, a décidé de changer les règles du jeu. C'est quasi constitutionnel en matière électorale de même qu'en matière de pétitions adressées à l'Assemblée. Ce fut modifié par des lois fondamentales. On sait maintenant que la contestation des élections n'est plus une matière qui relève des privilèges de l'Assemblée nationale parce que l'Assemblée nationale en a décidé ainsi et que celle-ci ne peut plus réglementer ce sujet à sa guise, compte tenu de l'intervention du Parlement par l'adoption de la Loi électorale. Vous étiez sur la bonne piste, M. le Président, l'Assemblée nationale s'était déjà dépourvue de cette juridiction. Et ça rejoint votre argumentation parce que, même par pétition, on ne peut faire à l'Assemblée nationale quelque chose d'illégal parce que le Parlement a décidé que c'était illégal.

Maintenant, l'imbroglio devant lequel les pétitionnaires qui invoquent la Charte des droits et libertés de la personne se retrouvent, c'est que le droit qui est affirmé par la Charte n'a pas de mode procédural prévu au règlement de l'Assemblée nationale du Québec. On se trouve à limiter le droit du pétitionnaire sans utiliser une clause dérogatoire, M. le Président. Et, à cet effet, s'il m'est permis de faire une recommandation, le règlement devrait toujours prévoir la possibilité pour un député de déposer une pétition, et on sait qu'il n'y a pas d'obligation, compte tenu des décisions de la présidence, pour un député de le faire. C'est une possibilité qui est offerte au député. Mais il faudrait un mécanisme procédural, une modification au droit substantif, à la procédure parlementaire – on parle de rénover notre règlement – qui donne le moyen au citoyen d'exercer le droit qui lui est prévu par la Charte des droits et libertés.

Mais, M. le Président, compte tenu que nous sommes déjà saisis d'un cas concret, cette modification s'impose d'urgence de façon à ce que les citoyens n'aient pas à aller devant les tribunaux de droit commun pour faire reconnaître un droit qui leur est reconnu par la Charte et dont l'Assemblée nationale, par négligence ou inadvertance, n'aurait pas assumé sa responsabilité. Je n'aimerais pas me retrouver face à un jugement, comme membre de l'Assemblée nationale, d'un tribunal de droit commun qui nous condamnerait à modifier notre règlement.


Le Président

Le Président: Je pense que, dans ce cas-là, le tribunal de droit commun n'aurait pas la possibilité de nous obliger à modifier notre règlement mais pourrait émettre une opinion à partir de laquelle il y aurait une pression morale qui pèserait sur nous.

(11 h 30)

Mais, moi, je distingue deux choses. Je distingue ce que vous dites. Ce que je comprends de ce que vous dites, c'est qu'il nous manque, dans notre règlement, la possibilité de faire en sorte que, si aucun député ne veut présenter une pétition, un citoyen puisse néanmoins faire en sorte que la pétition se retrouve devant l'Assemblée, et ça, c'est une chose, à mon avis. L'autre chose dont je parlais, elle est différente. C'est la forme de la pétition. C'est-à-dire, est-ce que, par exemple, un citoyen peut contrevenir à l'article 35 du règlement et attaquer la conduite d'un député, alors que finalement un membre de l'Assemblée ne peut pas attaquer la conduite d'un de ses collègues sans utiliser une motion qui est spécifiquement prévue à cet effet?

Ce que j'indiquais tantôt, mon questionnement, c'est de savoir: Est-ce qu'un citoyen qui s'adresse à l'Assemblée peut aller plus loin dans son comportement que le député ou que n'importe quel membre de l'Assemblée à l'égard d'un de ses collègues? C'était l'interrogation. Puis mon interprétation jusqu'à maintenant – et c'est pour ça que, si vous avez d'autres éléments, je suis prêt à les entendre – c'est qu'on ne peut pas permettre à un citoyen d'avoir plus de droits qu'un membre de l'Assemblée à l'Assemblée, dans le sens où finalement, si on interdit à un député de mettre en cause la conduite d'un député, est-ce qu'une pétition peut le faire? À mon avis... Je pense qu'il y a une question, en tout cas, que j'ai tranchée, sur laquelle je réfléchis néanmoins, puisqu'on m'a demandé de le faire. Et, si vous avez, encore une fois, des arguments à cet égard...

Je comprends que... Pour moi, cette question, elle est différente du problème que vous soulevez, c'est-à-dire la possibilité pour les citoyens de faire en sorte que leurs pétitions aboutissent à l'Assemblée nationale, donc aboutissent au Parlement, à l'assemblée des élus. Et je crois qu'à cet égard, c'est deux problèmes différents, et je concède avec vous que la question de savoir, ultimement, si aucun député ne voulait présenter, qu'est-ce qu'on ferait... À la limite, est-ce que, par exemple, la présidence pourrait, de son propre chef, décider, elle, en vertu des dispositions du règlement et de la Charte, de déposer? Parce qu'à ce moment-là on ferait en sorte que le mécanisme aurait une continuité, c'est-à-dire qu'il y aurait une possibilité garantie que la pétition soit déposée.

Mais ça ne réglerait pas, par exemple, l'autre problème, qui est le problème de la forme: Est-ce qu'une pétition peut contrevenir aux règles de procédure, alors que les députés, eux, sont astreints à respecter les règles qu'ils se sont eux-mêmes données? Parce que c'est leur règlement, ils ont édicté un certain nombre de règles à l'égard de ce qu'ils peuvent dire et ne pas dire à l'Assemblée pour baliser finalement le droit de parole et d'expression, qui est un des droits parlementaires les plus fondamentaux.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, à première vue, l'article 21, tel que libellé, de la Charte des droits et libertés de la personne apparaît plus large que ce qui est contenu au règlement de l'Assemblée nationale. Beaucoup plus large. Le texte n'est pas tellement complexe: «Toute personne a droit d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs.» Les balises qui peuvent être apportées à cette déclaration de droit pour les citoyens sont les balises normales, ça doit être fait légalement. Une pétition qui violerait une disposition d'une loi, la présidence conserve, ou l'Assemblée nationale, une marge de manoeuvre. Mais, à partir du moment où elle ne viole pas de loi... Et le règlement de l'Assemblée nationale n'assujettit pas les personnes, le règlement de l'Assemblée nationale assujettit à ce moment-ci les députés comme tels.

Comment peut-on garantir l'exercice de ce droit fondamental de pétitionner à toute personne? C'est la question à laquelle l'Assemblée nationale a l'obligation de répondre, M. le Président. Je vous le soumets bien respectueusement, la réponse ne m'apparaît pas compliquée, la réponse m'apparaît être d'ordre procédural. Et, compte tenu que, vous l'avez indiqué vous-même, la présidence est favorable au principe de la pétition, je pense que je peux dire que, de l'autre côté, la partie gouvernementale, les députés sont également favorables, de ce côté-ci, on est favorable, M. le Président, il y a unanimité à favoriser l'expression du droit. On dispose de conseillers techniques aguerris, il s'agit de rédiger strictement la façon procédurale d'exercer le droit sans le brimer, et ça peut être modifié d'ici la fin de la session.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sujet? M. le leader adjoint du gouvernement.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. M. le Président, très brièvement, je pense que c'est effectivement une question de fond, sauf qu'il y a effectivement une Loi de l'Assemblée nationale, il y a les règlements de l'Assemblée nationale, la Charte des droits et libertés. Je conviens avec le leader de l'opposition que la Charte des droits et libertés est en quelque sorte – on a employé le mot – supraconstitutionnelle. Les grands États s'appuient d'abord et avant tout sur une charte et rendent les lois conformes aux chartes.

On en a eu d'ailleurs un exemple, M. le Président, je vais vous le donner: Quand on a voulu voter – et on l'a fait à l'unanimité, je regarde le député de Marquette, je le salue et l'en remercie de nouveau – la loi n° 32. On s'est aperçu que d'abord et avant tout il nous fallait amender la Charte des droits et libertés parce que, à ce moment-là, on était en train de vouloir faire adopter une loi ici qui aurait, excusez l'expression, mais tamponné la Charte des droits et libertés. Donc, c'est un sujet extrêmement complexe.

Je ne crois pas que nous puissions aujourd'hui, et surtout en cette fin de session, régler cette question-là, sauf que je pense que tous ont l'honneur et le mérite de l'avoir soulevée. Et puis je pense que la discussion va s'entreprendre. M. le Président, j'entrevois un mois de juillet rempli de profondes réflexions de votre part à ce niveau-là. Et puis, moi, je vous dis que, dans ce débat, nous prêterons le concours que vous souhaiterez bien accepter. Je pense qu'il faut effectivement trouver une réponse à cette question.

En me permettant, par contre, un commentaire très personnel qui n'engage qui que ce soit: Le mot «nonobstant», tantôt, m'a fait frémir. Donc, je suis prudent quant au mot «nonobstant». Voilà.


Le Président

Le Président: Bien. Écoutez, j'avais indiqué que j'étais disposé à donner des explications écrites sur la décision que... enfin, écrites, des explications plus détaillées, plutôt, sur la décision que j'ai rendue quant à l'intervention du député de Saint-Jean. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a deux possibilités. Je vous indique immédiatement que je ne suis pas certain finalement que ça serait à propos, rapidement, d'aller dans le sens que j'avais indiqué. Et, à la limite, je crois qu'il pourrait très bien arriver que ce soit utile que la réflexion que j'ai entreprise avec mes collègues vice-présidents et les conseillers en droit parlementaire puisse être élargie peut-être avec les leaders de chaque côté et d'autres membres de l'Assemblée qui pourraient le souhaiter, parce que effectivement c'est une question importante.

Il y a deux éléments fondamentaux dans ça auxquels on touche, c'est-à-dire la suprématie du Parlement et les droits et privilèges des membres de l'Assemblée d'exercer leurs responsabilités correctement, d'une part, et, aussi, le droit qu'on a reconnu aux citoyens – vous l'avez signalé, c'est un droit ancestral – de pouvoir finalement dire à nos dirigeants politiques ce qu'on veut leur dire, de quelque façon que ce soit. Bon.

Alors, la question, c'est: Comment on concilie ces deux éléments fondamentaux? Et je pense que je serais tenté, à ce moment-ci, de vous indiquer que je ne rendrai peut-être pas de décision ou d'explication verbale ou écrite d'ici la fin de la saison parlementaire, mais je serais, à moins qu'on ait le temps d'y réfléchir ensemble, tenté plutôt de faire en sorte de soumettre la réflexion que nous avons nous-mêmes déjà engagée de façon sérieuse – on a pris un bon moment déjà pour en discuter – de l'élargir pour s'assurer qu'éventuellement on puisse s'entendre sur une approche qui concilie les deux grands principes dont je parle. M. le leader.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement pour rappeler à votre attention les dispositions de l'article 49 de la Charte des droits. Je ne voudrais pas que l'Assemblée nationale – ça veut dire nous tous – nous nous retrouvions dans une situation où nous sommes forcés d'intervenir ou qu'il y ait apparence que nous sommes forcés d'intervenir. Nous sommes saisis là d'un dossier et d'une affaire. L'article 49 stipule qu'«une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte».

(11 h 40)

Ça ne serait pas plaisant pour le système démocratique québécois que l'Assemblée nationale se retrouve sur la défensive. Je vous indique tout simplement qu'il y a urgence d'agir, sinon nous pourrions nous retrouver dans une situation qui serait inconfortable et que personne ne souhaite dans cette Assemblée, M. le Président.


Le Président

Le Président: Je suis d'accord avec vous et, dans la mesure où c'est possible dans les prochains jours, je n'ai pas d'objection. Je ne veux juste pas précipiter inutilement, d'une part. Et, d'autre part, je voudrais... Je sais qu'on n'a pas parlé spécifiquement de cette affaire, vous avez fait allusion à une affaire, les médias en ont parlé cette semaine. L'Assemblée n'est pas saisie formellement de cette demande de pétition, puisque c'est une demande qui a été adressée à la présidence, mais, encore une fois, là, j'ai indiqué tantôt que, pour moi, il y avait une différence fondamentale entre ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire comment une pétition peut aboutir à l'Assemblée, d'une part, et ce que certains pensent qu'une pétition peut amener comme résultat.

Autrement dit, déposer une pétition, c'est une chose. Penser que, quand on dépose la pétition, il y a une obligation pour le Parlement de se prononcer, ça, c'en est une autre. D'ailleurs, dans le projet de réforme parlementaire que je vous ai déjà soumis, je suggérais, justement parce qu'il n'y avait pas de suite qui était prévue à être donnée dans notre règlement, qu'on s'en donne une, procédure, pour faire en sorte qu'un citoyen, ou qu'un groupe de citoyens, qui pétitionne à l'Assemblée puisse éventuellement avoir une réponse, négative ou positive, mais qu'on puisse lui dire: Bien, voici, non seulement nous avons reçu, mais voici comment les choses sont considérées. Et le citoyen n'est pas obligé d'aimer la réponse qui lui serait donnée. Bon. Finalement, il aurait une réponse.

On n'en est pas là, on n'a pas encore modifié ou adopté cette disposition d'une proposition de réforme qui est présentée, mais, jusqu'à ce que ça, ce soit fait, il est clair pour moi qu'il faut faire la distinction entre le dépôt puis l'acte qui est demandé. Autrement dit, un citoyen ne peut pas s'attendre à ce que, automatiquement, parce qu'il dépose une pétition, l'Assemblée soit nécessairement obligée de se prononcer sur sa pétition dans le sens même du geste qu'il attend. Il pourrait y avoir des motions qui sont présentées.

D'ailleurs, il n'y a rien qui empêche un député ou plusieurs députés de vouloir donner suite à des réclamations ou des revendications de citoyens par des motions. On a des motions à tous les jours, sans préavis, ou même qu'on peut inscrire au feuilleton. Alors, je pense qu'il y a toute une série de questions qui doivent être regardées de près. Et, encore une fois, je suis conscient de la problématique que vous soulevez, l'importance d'y accorder l'attention requise rapidement, et on verra si c'est possible de le faire d'ici l'ajournement de nos travaux.


Affaires du jour

Alors, sur ce, s'il n'y a pas d'autres interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aller maintenant à l'étape des affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 134, donc je vous réfère à l'article 9 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 134


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, nous reprenons le débat ajourné le 7 juin dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 134, effectivement, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Alors, je suis prêt à reconnaître un autre membre de l'Assemblée. M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Nous voilà à discuter du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. C'est un projet de loi qui donne suite à une série d'études qui ont été faites, que ce soit, entre autres, le rapport Bédard, le livre blanc de la ministre, des tentatives antérieures de réorganiser un peu la question de l'organisation métropolitaine autour de la ville de Montréal et de l'île de Montréal, la couronne nord, la couronne sud.

Il est évident, M. le Président, qu'il y a un certain nombre de problèmes auxquels il faut effectivement répondre. Il y a actuellement dans le décor deux voies qui sont empruntées pour régler, entre guillemets, les différents problèmes d'inéquité fiscale que vivent les grandes villes métropolitaines, telles que la ville de Montréal, qui sont souvent aux prises avec des décisions prises par des administrations successives de ces villes, qui ont mis sur pied un certain nombre d'infrastructures qui ne peuvent pas être qualifiées de strictement locales, M. le Président, qui bénéficient à l'ensemble de la région, donnent un effet métropolitain sur l'attraction qu'offre la ville elle-même et pourtant ne sont pas assumées en quelque sorte, en termes de leurs coûts de dépenses de fonctionnement, par les autres villes environnantes qui bénéficient de cette infrastructure.

On ajoute à ça la problématique du fait que le gouvernement en particulier ne paie pas ses «en lieu» de taxes aux différentes villes. On ajoute le fait que, sur la question du transport, par exemple, il y a un manque à gagner à la ville de Montréal de quelque chose comme, sous toute réserve, entre 30 et 50 millions de dollars pour ce qui est du transport scolaire, et il est clair qu'il y a un problème au niveau fiscal à la ville de Montréal.

Les deux solutions ou les deux voies qui sont mises de l'avant pour solutionner le problème, bien, une est reprise par le projet de loi n° 134, c'est-à-dire la création d'une commission métropolitaine, la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, qui va en quelque sorte mettre autour d'une même table une centaine de villes qui vont devoir dorénavant se coordonner et faire une planification intégrée, si je peux utiliser ce mot, d'un certain nombre de secteurs qui sont des secteurs qui ont une incidence métropolitaine et débordent le strict point de vue local.

Il s'agit, si ma mémoire est bonne, de l'aménagement du territoire, du transport, de la gestion des déchets... Je n'ai pas la liste, mais je peux la trouver, M. le Président. Mais ce sont des compétences que cette Communauté aura vraisemblablement, qui, clairement, débordent le plan local et où tous pourraient trouver un certain bénéfice à faire cette planification sur une base métropolitaine. Il s'agit plus particulièrement du logement social, du développement économique, de l'aménagement du territoire, des services et activités à caractère métropolitain, du transport en commun, de la gestion des matières résiduelles, et ça va aussi définir les orientations des projets municipaux d'équipements et d'assainissement des eaux usées.

On peut voir tout de suite qu'il y a une logique à ça, M. le Président. Personne ne va se lever pour dire qu'on est contre la mise en commun d'un certain nombre de secteurs comme ceux que je viens d'énumérer pour qu'on puisse avoir une planification intelligente de l'utilisation de nos ressources et, par conséquent, de l'utilisation des deniers publics qui sont collectés par les différentes municipalités et qu'on puisse les répartir de façon équitable entre les citoyens qui en bénéficient, M. le Président. Mais le problème que je peux voir...

Donc, je dirais tout de suite que, sur l'idée, je pense que tout le monde s'entend, on peut s'entendre relativement rapidement. C'est une idée qui va retrouver l'assentiment de l'opposition au niveau de l'adoption du principe de ce projet de loi. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a un certain nombre d'autres problèmes qui restent dans le décor, M. le Président. Parce que la deuxième voie que la ministre évoque souvent et que certains acteurs politiques municipaux évoquent également pour résoudre un certain nombre de problèmes, dans le cas qui nous préoccupe précisément, celui de la ville de Montréal, c'est la notion des fusions des différentes villes.

Il y en a qui prétendent que la seule façon de faire du développement économique – et c'est le discours de la ministre – c'est de passer à des fusions des municipalités et de forcer même ces fusions. M. le Président, c'est un peu contraire à la réalité, si vous voulez, qui existe dans pleins d'endroits dans le monde. Des villes ou des régions métropolitaines qui connaissent un essor incroyable – je pense à la région de Boston, par exemple, Atlanta, etc. – ne sont pas des régions où les villes ont été fusionnées. La ville de Boston elle-même n'occupe que 20 % du territoire de la région métropolitaine de Boston. Et on a maintenu – et je pense qu'on devrait, dans la mesure du possible, le faire ici, au Québec, aussi – le caractère d'identification locale que les citoyens ont avec la municipalité dans laquelle ils choisissent de vivre.

Mais, ici, on semble dire: On a des problèmes dans la région métropolitaine – étant donné qu'on parle de Montréal, parlons de Montréal. On peut possiblement régler un certain nombre de ces problèmes avec la création de cette Communauté métropolitaine de Montréal, qui va mettre en commun les services que j'ai énumérés tantôt, ou on peut aussi – et c'est ou/et ou et/ou – fusionner les villes.

On sait qu'il y a la ville de Montréal ou son maire qui prône l'idée d'une île, une ville afin d'avoir à l'intérieur de cette Communauté métropolitaine de Montréal une présence très, très, très présente, si vous voulez, en ayant une ville sur toute l'île de Montréal. Ce faisant, on passerait tout de suite l'éponge à toute l'identification locale que les différents citoyens ont retrouvée en vivant dans les différentes municipalités sur l'île de Montréal – il y en a 29 – et on ne répond pas, à ce moment-ci, de façon claire en disant que la Communauté métropolitaine de Montréal sera l'instrument avec lequel on va régler la question de l'inéquité fiscale que vivent, entre autres, la ville de Montréal et certains autres citoyens qui sont affectés par ça sur l'île et les environs de l'île, et on laisse de côté toute question de fusion forcée sur ce territoire.

Étant donné qu'on adopte une voie qui nous donne un instrument pour régler le problème, pourquoi faudrait-il aussi laisser planer la menace des fusions forcées dans ces villes, M. le Président? Et, si je parle des deux, c'est parce que finalement les deux instruments sont liés, M. le Président. On peut, étant donné que la ministre ne fait pas cette distinction pour ce qui est des municipalités qui feront partie de cette Communauté métropolitaine en les excluant des possibilités qui sont offertes par la loi n° 124 et qu'elle est aussi en train de faire adopter par cette Assemblée... Il faut parler des deux à la fois. Ce qui m'amène à dire qu'il faudrait être vraiment borné pour insister que, pour faire du développement économique à partir d'une base municipale, il faut absolument passer à des fusions forcées.

(11 h 50)

Si on peut convaincre les citoyens qui sont concernés que c'est dans leur avantage mutuel de mettre leurs forces en commun afin de pouvoir attirer un plus grand potentiel de développement économique – ce qui devrait conduire normalement à des baisses d'impôts et de taxes parce que les revenus de leur nouvelle municipalité vont augmenter – je ne connais pas beaucoup de citoyens qui vont refuser des solutions qui sont bénéfiques pour leur avenir, M. le Président. Et c'est l'essence même de la démocratie, de faire confiance au citoyen et de le mettre au centre de notre processus décisionnel, ce qui n'est manifestement pas le cas ici, parce qu'on procède à l'inverse. On envisage assez lourdement la possibilité des fusions forcées en disant qu'ici, à l'Assemblée nationale, on sait mieux que ceux qui sont concernés directement ce qui est bon pour eux.

Dans le cas qui nous préoccupe, sur la région métropolitaine, on n'a rien fait pour nettoyer du décor cette menace qui plane, qui a conduit à la perpétuation des panneaux qu'on voit dans nos rues quand on se promène, affichant clairement que les villes, les conseillers puis les maires, suivis par bon nombre de citoyens, sont en train de refuser la notion de fusion. Et il me semble pourtant qu'on aurait une façon de dire à ces gens-là, avec l'adoption de cette loi n° 134, que ça ne serait pas nécessaire du tout d'envisager cette avenue et cette solution parce qu'on va se donner un instrument de gestion moderne, intelligent, efficace, si jamais on pouvait l'avoir comme il faut, le projet de loi n° 134.

Parce que l'absurdité de la situation actuelle, c'est que le projet de loi n° 134 crée une nouvelle structure qui, en soi, est souhaitable, est logique, mais passe par-dessus toutes les structures qui existent déjà sans les arrimer et sans les abolir. Alors là on va avoir une autre structure, M. le Président, qui va voir le jour, qui va avoir le mandat de coordonner un certain nombre de services, et il va y avoir quelque chose comme une soixantaine d'organismes qui vont continuer à perdurer, qui, eux aussi, vont avoir la responsabilité de coordonner un certain nombre de ces services. Je pense au développement économique, entre autres, je pense à la question du transport. La Communauté urbaine de Montréal, elle, va continuer à exister dans sa forme actuelle, parce qu'on n'a rien ici qui nous dit qu'on change sa façon d'opérer.

Donc, il va y avoir une Communauté urbaine de Montréal qui, elle, va avoir la responsabilité pour la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal puis il va y avoir une Communauté métropolitaine de Montréal qui, elle, va avoir la responsabilité de la planification du transport, qui va essayer d'arrimer les trois autres sociétés de transport qui existent sur ce territoire, tout en y incluant, à l'intérieur de cette CMM, des municipalités qui ne bénéficient aucunement du transport en commun. Tout récemment, le ministre des Finances retournait des sommes d'argent aux gens qui payaient une taxe pour des services qu'ils ne recevaient pas, et on se demande pourquoi certaines de ces municipalités sont incluses dans la Communauté métropolitaine de Montréal, étant donné que le ministre des Finances, lui, les avait exclues. Mais la ministre des Affaires municipales les inclut.

M. le Président, quand on doit faire quelque chose, quand on prend la peine de le faire, il faudrait prendre la peine de le faire correctement. Alors, si ça vaut la peine de créer une communauté métropolitaine de Montréal qui aura la responsabilité de la planification des secteurs que je viens d'énumérer tantôt, entre autres le logement social, le transport, l'aménagement du territoire, la gestion des déchets, l'assainissement des eaux, le développement économique, pourquoi persister à maintenir les 60 autres organismes qui vont continuer à oeuvrer dans ce secteur?

Si l'objectif poursuivi, c'est pour le bénéfice du citoyen, qui se mesure, M. le Président, de façon très simple, son bénéfice, il va calculer au bout de la ligne qu'est-ce qu'il paie pour les services qu'il a... Quand on sait que tous ceux qui se sont penchés sur la question de la mise en commun d'un certain nombre de secteurs et aussi d'ouvrir la voie à des possibilités de fusions volontaires, dans la mesure du possible et sur une base volontaire permettre le renforcement des services qui sont offerts aux citoyens se sont prononcés assez clairement sur au moins un aspect essentiel de cette mise en commun, et c'est la nécessité pour le gouvernement de procéder à des amendements au Code du travail afin de faciliter soit la mise en commun des services, la gestion de ces services ou, éventuellement aussi, la possibilité de fusion complète de différentes villes. Et des amendements qui sont nécessaires et essentiels, M. le Président, au Code du travail touchent effectivement aux possibilités qu'ont les gestionnaires municipaux de faire en sorte que les services qu'ils vont offrir à leurs citoyens sont offerts à l'intérieur de nos lois, à l'intérieur de tous les règlements qui gèrent le marché du travail, le plus efficacement possible, M. le Président.

Mais ce n'est pas très efficace, quand on commence à mettre ensemble des éléments de services et des responsabilités qui touchent à des services ou qu'on veut passer éventuellement au fusionnement des agences qui offrent ces services-là, d'avoir à gérer trois, ou quatre, ou cinq différentes conventions collectives, avec des échelles de salaire différentes, de ne pas pouvoir avoir recours à de la sous-traitance dans certains cas. On pourrait même inviter les syndicats à soumissionner, sur une base compétitive, avec le secteur privé, M. le Président, pour s'assurer qu'on se donne un mécanisme qui assure le maintien des prix à un niveau efficace, qu'il n'y a pas l'inefficacité comme celle qu'on a vue il y a à peine une couple d'années.

On se rappellera de toute la question des cols bleus à Montréal, où on voyait qu'il y avait trois, ou quatre, ou plus de personnes que nécessaire en faisant le travail que d'autres auraient fait, en prenant des siestes dans les camions. En étant assuré qu'il y a un plancher d'emploi, qu'on ait besoin ou non des gens, M. le Président, pour rendre des services... Il y a des conventions collectives, entre autres celle de la ville de Montréal, qui ont un plancher d'emploi. On dit: Tiens, vous savez, ça prend 3 000 employés, peu importe si vous pouvez faire le travail avec 2 000 si on peut trouver d'autres façons de le faire.

Alors, tout le monde qui a regardé cette question s'est prononcé en disant: Avant de penser à la mise en commun, avant de penser à des fusions, pour que ce soit efficace, de grâce, faites le travail correctement, donnez les instruments nécessaires aux gestionnaires municipaux, qui sont les modifications au Code du travail, afin de leur permettre de vraiment gérer efficacement les ressources humaines qui sont celles qui offrent des services, par le biais desquelles sont offerts les services.

(12 heures)

Mais, quand on lie les mains des gestionnaires parce qu'on a des ententes avec des syndicats, parce que ce sont nos alliés dans certains dossiers, parce qu'on n'ose pas briser ce corporatisme qui caractérise de plus en plus le processus de prise de décision ici, au Québec, M. le Président, on arrive avec des solutions qui sont ni chair ni poisson, on arrive avec une solution qui dit: Voilà, on va créer une communauté métropolitaine de Montréal, on va chapeauter et faire ce qu'il faut faire, mais on va maintenir toutes les différentes conventions collectives un peu partout, on va garder tous les organismes qui continuent de foisonner et on va avoir un genre de méli-mélo.

Je vais emprunter quelque chose de mon collègue, qui a été repris par un caricaturiste dans Le Soleil , M. le Président. Je suis certain que les gens ne peuvent pas voir, mais ici, en bas, vous avez le citoyen et ici, en haut, vous avez toutes sortes de cases qui déterminent, qui sont les différentes boîtes qui donnent des services, les organismes, les structures, etc. Vous savez, il y en a une myriade, hein? Il va y en avoir un autre ici, en haut. Mais, avant que ça arrive aux citoyens en bas, il y a un genre de méli-mélo, de spaghettis, de chemins à suivre, M. le Président. Ça caractérise le fait que le citoyen, il est bien loin des préoccupations.

Et imaginez donc si jamais on arrivait au point où le gouvernement disait, pour faire plaisir à je ne sais pas trop qui et pourquoi: On va effectivement passer à des fusions forcées, de la mise en commun des municipalités, pour former sur l'île de Montréal une grande municipalité. Je suis montréalais dans le coeur. J'ai déjà habité l'île de Montréal, je représente un comté de l'île de Montréal et je défend les intérêts de Montréal dans le sens large, M. le Président. Mais je ne peux pas envisager que ça va être bon pour mes citoyens, dans la ville de Montréal, d'avoir affaire avec une administration qui va être celle de toute une île de Montréal, où ça va être assez lourd, merci, de pouvoir avoir un sentiment d'appartenance comme tel. Mais ça, c'est un autre débat. On n'en est pas là.

Le débat qu'on a devant nous, c'est que la ville de Montréal, comme les autres citoyens des autres villes, va, je crois, ou pourrait bénéficier de la création d'une structure qui permettrait effectivement d'avoir une planification régionale d'un certain nombre de services et permettrait également, sur la base de l'équité fiscale, de partager l'assiette et de partager, donc, aussi les dépenses, M. le Président. Mais il y a un bout qui manque, et je suis certain que d'autres collègues vont le remplir, c'est la notion du pacte fiscal qui devrait caractériser la relation du gouvernement avec ses municipalités, et en particulier avec la région métropolitaine.

Et ça, on est encore dans des discussions, des négociations, mais on est encore loin du véritable compte, parce que tout ça a surgi à cause du fait qu'il y a une nécessité de revoir ce pacte fiscal. Et le pacte fiscal, c'est simplement qui paie quoi. Et il y a eu des recommandations intéressantes qui ont été faites dans le rapport Bédard par rapport à la question de la taxe de vente et un certain partage de ça, mais ça, c'est resté un peu sans réponse. Tout ce que nous avons, c'est une structure qui en soi pourrait être intéressante, mais elle vient chapeauter d'autres structures qui persistent à vivre, et on crée un méli-mélo pour les citoyens, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie M. le député de Laurier-Dorion. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je prends la parole sur le projet de loi n° 134 pour mettre en lumière les disparités entre le discours gouvernemental, dans un premier temps, puis, par la suite, les gestes posés qui ne semblent pas suivre le discours.

Je croyais avoir entendu à plusieurs reprises le premier ministre du Québec et d'autres ministres dire qu'ils poursuivaient, dans toutes les activités gouvernementales, une déréglementation, une débureaucratisation, un allégement des structures, de réduire le plus possible les structures administratives, et tout ça afin de bénéficier au citoyen. Lorsque nous prenons connaissance du projet de loi n° 134, de ses impacts, et le fait que la ministre va maintenir et maintient toutes les structures existantes en place et qu'elle ajoute de nouvelles structures, M. le Président, on a de la difficulté à suivre un gouvernement qui, dans son discours, prétend débureaucratiser.

Mais, dans ses gestes, on le voit avec le projet de loi n° 134, les gestes ne suivent pas la parole, et on se demande comment se fait-il que le gouvernement perde de vue ce point d'ancrage là, qui nous rallie, en passant, des deux côtés de la Chambre. Une réduction des structures au profit des citoyens est un principe que nous poursuivons, que nous avons toujours mis de l'avant, qui a été, semble-t-il, emprunté par l'actuel premier ministre lorsqu'il a été désigné premier ministre en 1996. Mais on constate cependant que les gestes posés, les projets de loi qui sont déposés par le gouvernement s'en éloignent.

Et, sur ce dossier-là en particulier, je pense qu'il faut rappeler un petit peu l'histoire depuis 1996. M. le Président, en 1996, le gouvernement avait déposé le projet de loi n° 92. Vous vous en souviendrez, c'était la Loi sur la Commission de développement de la métropole. Le député de l'époque et ministre responsable du comté de Laval-des-Rapides en avait saisi cette Assemblée nationale. Nous avions fait des débats en Chambre, en commission parlementaire, nous avions étudié le projet de loi, les articles, et ultimement l'Assemblée nationale en était venue à l'adoption de cette Loi sur la Commission de développement de la métropole. Or, M. le Président, quatre ans après l'adoption de cette loi, le projet de loi n'a jamais été mis en place, n'a jamais été appliqué.

Imaginez-vous, on obtient un vote à l'Assemblée nationale, on dépose un projet de loi qui est censé s'appliquer – parce que le ministre et député de Laval-des-Rapides avait fait le plaidoyer de son mérite, de ses vertus, de ses avantages pour les citoyens; même genre de discours que nous sert aujourd'hui et au cours des derniers jours, des dernières semaines, la ministre responsable de la Métropole et des Affaires municipales – sauf que, M. le Président, ce projet de loi là n'a jamais été appliqué. Jamais on n'a mis en place la structure que le député de Laval-des-Rapides avait suggérée au gouvernement, jamais on ne l'a mise en place. Donc, ce projet de loi là est mort-né, M. le Président.

Par la suite, le député de Laval-des-Rapides a été succédé par le député de Mercier, qui, lui, avait une certaine expérience au niveau des affaires de la métropole, il avait été président de la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Il avait vite constaté l'erreur commise par son gouvernement, particulièrement par son prédécesseur ministre. Et il avait dit qu'il était incapable de vivre avec la structure qu'avait fait adopter le gouvernement à cette Assemblée nationale. Lui, il avait une nouvelle orientation, M. le Président, et il avait dit: Nous n'appliquerons pas la structure superrégionale qui avait été votée et développée par le député de Laval-des-Rapides. Lui, il avait une autre meilleure idée, semble-t-il, et donc il a suggéré de faire en sorte qu'il y ait fusion des sociétés de transport en commun, c'est-à-dire fusion de la Société de transport de la Rive-Sud avec la Société de transport de Laval et bien sûr la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal.

Donc, changement de ministre, on abandonne l'idée de fusionner les sociétés de transport. Parce que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, M. le Président, elle aussi a décidé d'abandonner l'idée du député de Mercier. Donc, on voit une succession de ministres qui ont comme responsabilité le même dossier, et aucun de ces ministres-là, qui font pourtant partie du même gouvernement, de la même formation politique, ne prend la décision de suivre la voie tracée par son prédécesseur, malgré l'aval du Conseil des ministres et malgré l'aval du gouvernement.

Et, aujourd'hui, M. le Président, une nouvelle ministre propose le projet de loi n° 134, qui s'inspire de la même démarche que ses deux prédécesseurs. Et on se demande, comme Assemblée nationale, comme parlementaires, si la ministre n'est pas en train de nous entraîner dans un bourbier de structures administratives qui perdent de vue l'objectif principal poursuivi par le gouvernement.

M. le Président, je ne suis pas seul à avoir ces préoccupations-là; mes collègues les ont exprimées antérieurement. Mais, le 2 juin dernier, on recevait une lettre en provenance du cabinet du Bâtonnier du Québec. Le Barreau du Québec a comme mission la protection du public. Le Barreau du Québec s'exprime souvent sur les projets de loi déposés par le gouvernement, des fois en accordant son appui, des fois en faisant certaines mises en garde, mais d'autres fois, et c'est le cas avec le projet de loi n° 134, en disant clairement qu'on ne comprend pas l'attitude gouvernementale de mettre sur pied de nouvelles structures administratives en l'an 2000, à l'époque où nous sommes censés nous en éloigner, débureaucratiser tout ce que nous avons comme structures au niveau de notre État, de notre province.

(12 h 10)

Alors, je vais citer quelques passages de la lettre du bâtonnier du Québec, qui disait ceci, le 2 juin 2000: «Nous constatons le morcellement des responsabilités des municipalités régionales de comté, ainsi que de la Communauté urbaine de Montréal au profit de la nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal, sans que ces structures-là ne disparaissent.» Et c'est là où le bât blesse. La ministre n'a pas fait le ménage, la ministre n'a pas fait son travail correctement et complètement, comme l'a si bien signalé le député de Laurier-Dorion. «Le Barreau du Québec s'interroge donc sur la viabilité des municipalités régionales de comté dans les circonstances. Nous croyons que cette duplication des structures n'entraînera peut-être pas la réduction des coûts escomptée et éloignera le citoyen du pôle décisionnel pour lequel des orientations importantes sur sa vie quotidienne pourraient être prises.»

Alors, imaginez, M. le Président, la contradiction chez une même ministre, au sein d'un même gouvernement: ministre qui souhaite fusionner des villes pour faire disparaître des structures municipales dans le but, dit-elle, de favoriser un développement régional – et on peut présupposer des économies pour le citoyen – mais cette même ministre, dans le cadre d'un autre projet de loi, projet de loi qui est présentement sous étude, favorise la création, la multiplication de structures, une par-dessus l'autre, comme cela a été si bien illustré dans une caricature du Soleil publiée dans l'édition du 7 juin 2000, où on voit l'organigramme de la nouvelle Communauté métropolitaine, on voit l'enchevêtrement de structures, on voit où le citoyen se retrouve dans ce méli-mélo que semble vouloir mettre de l'avant le gouvernement. Donc, M. le Président, comment poursuivre cette logique-là? D'une part, on souhaite réduire le nombre de municipalités, réduire le nombre d'organisations municipales, et, dans un autre projet de loi, projet de loi n° 134, que fait-on? on est en train d'ajouter des paliers de bureaucratie. Donc, il y a comme un illogisme là qui ne tient absolument pas.

Par ailleurs, M. le Président, toujours dans la lettre déposée par le bâtonnier, Denis Jacques, le 2 juin dernier, il disait ceci: «Le Barreau du Québec estime que le citoyen devrait être au coeur de cette réforme, alors que la structure proposée par le projet de loi n° 134 nous apparaît, au contraire, complexifier les choses.» Donc, M. le Président, au lieu de simplifier, au lieu de désalourdir, au lieu de réduire les bureaucraties, le projet de loi n° 134 fait tout à fait le contraire. Il y a lieu de se poser la question: Pourquoi la ministre n'a-t-elle pas fait le ménage dans les structures?

Par ailleurs, M. le Président, l'autre question qui se pose, c'est: Comment la ministre fera-t-elle les arbitrages au niveau des centaines de villes qui vont se joindre à cette nouvelle structure-là? Où va-t-on dresser la frontière? Et pourquoi la ministre va-t-elle dresser la frontière qu'elle semble vouloir dresser? Est-ce que ça sera en fonction des pressions politiques que vont exercer sur elle certains membres du Conseil des ministres influents qui ne voudront pas voir leur comté, les villes de leur circonscription électorale faire partie de cette nouvelle Communauté urbaine de Montréal? Il y a fort à parier que la réponse, c'est oui, M. le Président, parce que ça ne semble suivre aucune logique naturelle ou aucune frontière naturelle.

La Communauté urbaine de Montréal s'applique essentiellement sur le territoire de l'île de Montréal, qui a des frontières très naturelles. Les frontières sont très naturelles. Et, M. le Président, ce n'est pas étonnant que nous ayons une Communauté urbaine de Montréal sur le territoire de l'île de Montréal, parce que le territoire, il est défini naturellement. Mais la ministre responsable des Affaires municipales veut déborder le territoire de l'île de Montréal, veut ajouter d'autres villes, ce avec quoi nous n'avons pas trop de difficultés. Mais où est la logique des frontières que trace la ministre responsable des Affaires municipales? On ne semble avoir retenu, du côté gouvernemental, aucun critère intelligent, vérifiable qui pourrait s'appliquer sans aucune exception, sauf le critère, M. le Président, des pressions qu'exerceront ses collègues au Conseil des ministres sur elle pour inclure ou plutôt exclure le territoire de leur circonscription électorale de cette nouvelle assiette de villes.

M. le Président, toujours dans la lettre du bâtonnier, il disait ceci: «Le projet de loi ne précise pas l'avenir des structures, particulièrement celles de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal.» Moi, je pense qu'il aurait été souhaitable que la ministre nous indique où elle loge par rapport à la Communauté urbaine de Montréal et la ville de Montréal, quelles sont ses intentions véritables, surtout à la lumière du fait qu'elle a l'intention de fusionner de force certaines villes. Donc, on est en train de mettre sur pied une structure, d'une part, qui s'appelle la loi n° 134, et puis, par la suite, on va vouloir fusionner des villes entre elles. Et là il y aura un impact sur le projet de loi n° 134 et sur les structures existantes, ce sur quoi la ministre ne dit absolument rien.

Le bâtonnier poursuit dans sa lettre et dit: «De plus, bien que le projet de loi vise une structure de planification et de coordination souple et peu exigeante...» – ça, c'est le discours prononcé par le gouvernement, le discours prononcé par la ministre des Affaires municipales – le bâtonnier dit, à juste titre: «...la lecture du projet de loi n° 134 nous laisse entrevoir plutôt une organisation nécessitant un appareil bureaucratique imposant.» Un appareil bureaucratique imposant, c'est ce qu'il y a derrière le projet de loi n° 134.

Donc, il n'est pas étonnant, M. le Président, que, de ce côté-ci de la Chambre, nous ayons tant de réserves par rapport au projet de loi n° 134. Le bâtonnier conclut: «Le Barreau du Québec estime qu'on risque d'adopter un projet de loi qui sera par ailleurs difficilement applicable.» Et on a vu les nombreuses critiques qui ont été formulées à l'endroit de la ministre responsable des Affaires municipales.

Alors, avec cet éclairage-là, M. le Président, qui est le reflet de plusieurs, plusieurs commentaires qui ont été faits en commission parlementaire... On a cet éclairage-là dans un premier temps. On a également l'histoire récente de tentatives de la part de différents ministres au sein du gouvernement pour aller de l'avant avec des idées, des structures semblables, qui ont été par la suite abandonnées par leurs propres successeurs, malgré le fait que la loi ait été votée ici même, à l'Assemblée nationale. Or, si on tient compte de cet éclairage-là, ça m'inquiète profondément, ça m'inquiète beaucoup, et avec l'éclairage également du passé de la ministre responsable des Affaires municipales.

Lorsqu'elle touche à des réformes, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve... Je vois la ministre responsable de l'Emploi qui est avec nous, elle en sait quelque chose. Elle a hérité d'un cafouillis au niveau d'Emploi-Québec, d'un gâchis, elle le sait. Elle doit sûrement être contente que je le dise, M. le Président, pour que ça puisse la dédouaner, parce que dans le fond elle n'était pas l'auteure véritable de ce malheur-là. Elle le sait, je la vois sourire. C'est sa prédécesseure qui siège à côté d'elle, M. le Président.

Donc, malheureusement, elle en a hérité. Mais le conseil que donnerait la ministre de l'Emploi et du Travail au successeur de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, parce qu'on sait, M. le Président, qu'il va y avoir un remaniement ministériel quelque part vers la fin de l'été, n'est-ce pas, sûrement que la ministre responsable...

Une voix: Comment vous savez ça...

M. Ouimet: Ah! Comment je sais ça, M. le Président? Je suis prêt à parier un café avec mon bon ami le député de...

Une voix: Sainte-Marie–Saint-Jacques.

(12 h 20)

M. Ouimet: ...Sainte-Marie–Saint-Jacques sur le fait qu'il va y avoir un remaniement ministériel autour du mois de septembre, M. le Président. Et je parie également que l'actuelle ministre responsable de l'Emploi et du Travail va aller voir le successeur de la ministre des Affaires municipales... Et j'espère, de grâce, pour elle, qu'elle n'héritera pas du portefeuille des Affaires municipales et de la Métropole, parce qu'elle va dire: Là, le premier ministre m'en veut véritablement. J'espère pour elle qu'elle n'en héritera pas, M. le Président. Mais sûrement qu'elle va aller souffler à l'oreille du successeur: Sois très vigilant – ou sois très vigilante – parce que ce que j'ai vécu, moi, au niveau de l'Emploi et du Travail, quand j'ai hérité de l'oeuvre de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve au niveau d'Emploi-Québec, crois-moi que ça n'a pas été facile.

Donc, il faut tenir compte de cet éclairage-là aussi, M. le Président. Et ça a été le cas, malheureusement, avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est un petit peu l'histoire malheureuse de sa carrière politique récente, chaque chose qu'elle a touchée, pour son successeur, ça a été véritablement, pardonnez-moi l'expression, M. le Président, un véritable merdier.

Et la ministre responsable de l'Emploi et du Travail, malheureusement, va vivre des moments difficiles et douloureux mardi lorsque le Vérificateur général va déposer un nouveau rapport qui va faire état encore des problèmes importants au niveau d'Emploi-Québec. Alors, M. le Président, comment je sais ça? Je suis un homme bien renseigné. Et je suis prêt à faire le pari...

Une voix: ...

M. Ouimet: Je suis prêt à faire un pari, M. le Président, avec la ministre responsable de l'Emploi et du Travail, que le rapport qui sera déposé mardi va être particulièrement accablant et gênant pour le gouvernement et pour la ministre, et que ça va être extrêmement difficile. Mais je rappelle encore qu'elle a hérité d'une situation difficile, mal gérée, mal planifiée par la ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole. Donc, je vois mon bon ami le...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député. Sur une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boulerice: Oui, question de règlement, M. le Président. Vous avez été témoin...

Une voix: ...

M. Boulerice: Vous permettez? Merci. Vous avez été, M. le Président, un témoin oculaire autant que moi et les autres membres de cette Assemblée des propos très inquiétants que vient de tenir le député de Marquette.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le point de règlement, M. le...

M. Boulerice: Ah! bien, c'est une question de règlement. Comment peut-il parler du rapport du D.G. alors que cela se fait à huis clos...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, ça, dans la réplique que vous pourrez prendre tantôt, vous pourrez vous lever et y faire allusion et dire...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez! Ça, que voulez-vous, on n'a pas à aller vérifier, nous, ici...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Écoutez, s'il vous plaît! Monsieur, quand je suis debout, votre voix ne passe pas, maintenant, là, dans les ondes. Bon.

Écoutez, ce n'est pas une question de règlement. Que quelqu'un puisse dire: Bien, écoutez, dans tel rapport, il y a telle chose, que voulez-vous, ça, on n'a pas de moyen d'aller vérifier, nous. À ce moment-là, ce n'est pas une question de règlement, ça. Alors, terminez monsieur...

M. Ouimet: Pour rassurer le leader, M. le Président, je n'ai pas participé au huis clos, personne... Je ne sais même pas si des gens ont participé au huis clos, mais je n'ai été informé d'absolument rien, et j'en donne ma parole au leader. Sauf que nous avons eu cependant un aperçu dans les journaux, n'est-ce pas? Nous avons eu un bon aperçu dans les journaux. Et nous sommes également députés de circonscriptions, nous entendons nos commettants et nous savons fort bien la situation problématique d'Emploi-Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Marquette. Nous allons maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je tenais à prendre parole au niveau de l'adoption du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, Bill 134, An Act respecting the Communauté métropolitaine de Montréal, pour faire un peu l'histoire récente des tentatives de ce gouvernement en matière de réforme municipale et supramunicipale et communiquer des réserves que j'ai quant à l'avenir de ces réformes sous la gouverne du Parti québécois.

M. le Président, j'ai lu avec intérêt le discours de la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole quand elle a parlé sur l'adoption du principe. J'ai retenu plusieurs choses, évidemment, mais j'ai retenu deux choses en particulier, et je cite la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole et députée d'Hochelaga-Maisonneuve: «Le geste que nous proposons à l'Assemblée nationale, à savoir la création de la Communauté métropolitaine de Montréal sur l'ensemble du territoire de la région montréalaise, c'est un geste qui n'arrive pas de nulle part. Il ne tombe pas des nues, il s'inscrit en directe continuité avec les travaux effectués au cours de la dernière décennie à la demande des gouvernements successifs, y inclus le précédent gouvernement libéral.» Fin de la citation.

Alors, la ministre nous dit: C'est en continuité avec divers gestes posés et travaux effectués depuis les derniers 10 ans. Mais j'imagine, M. le Président, qu'elle fait référence aux travaux du Groupe de travail sur Montréal et sa région, présidé par M. Pichette, communément appelé le rapport Pichette; de la Commission sur les finances et la fiscalité locale, présidée par M. Bédard, communément appelé le rapport Bédard; j'imagine également qu'elle fait référence à son livre blanc sur la réorganisation municipale. Et c'est ça qu'elle tente de décrire comme continuité.

Mais elle a également dit à la fin de son discours, M. le Président, un témoignage vibrant à l'égard de ses collègues, et je la cite: «Alors, nous sommes en marche. J'en remercie mes collègues. Nous avons consacré de très, très nombreuses heures à la préparation de cette réforme. Il m'apparaît vraiment important que je rappelle que nous ne l'avons point improvisée. Nous y avons consacré des dizaines et des dizaines, et plus encore, d'heures de réunions de comités, de groupes de travail depuis un an maintenant. Mais je crois que le temps d'agir est arrivé», a terminé la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Alors, la scène est mise, M. le Président. Selon la ministre, la création de la Communauté métropolitaine de Montréal est issue de 10 ans de travail d'experts et d'immense travail de ses propres collègues ministériels. Des heures et des heures et encore des heures, qu'elle nous dit. Mais c'est intéressant ça, M. le Président, parce que je souhaite examiner les gestes que ses collègues ont posés en matière d'organisation municipale depuis qu'ils sont au pouvoir. La ministre nous dit qu'ils ont consacré des heures et des heures de réflexion pour en arriver au projet de loi n° 134.

Examinons qu'est-ce que ces mêmes – pour la plupart – députés ministériels ont fait depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1994. Ils ont commencé avec la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport, une loi d'une certaine envergure, tout près de 200 articles qui définissent un territoire de transport en commun pour la grande région de Montréal. La mission de l'Agence, M. le Président? Elle a pour mission de soutenir, développer, coordonner et promouvoir le transport collectif, et elle a un territoire défini. Alors, c'est ça qui a été proposé, en 1995, par le gouvernement actuel: l'Agence métropolitaine de transport.

(12 h 30)

D'ailleurs, M. le Président, je prends note immédiatement que le mandat de l'Agence qui existe déjà est de coordonner et de planifier le transport en commun dans un territoire qui est vraisemblable, mais pas tout à fait comparable exactement au territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. Mais le mandat de l'Agence, c'est de planifier le transport en commun.

Mais, M. le Président, à l'article 143 du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, on retrouve à peu près les mêmes responsabilités, n'est-ce pas? «La Communauté a compétence pour planifier le transport en commun, le coordonner et en financer les aspects ayant un caractère métropolitain en tenant compte des orientations gouvernementales en matière de transport.» Alors, en 1995, une agence métropolitaine de transport qui est supposée planifier le transport en commun; en l'an 2000, c'est-à-dire cinq ans plus tard, le projet de loi n° 134 qui, pour une partie de son application, dit à peu près la même chose. Alors, on va avoir une agence puis la Communauté métropolitaine, puis elles vont, j'imagine, se compétitionner pour la planification de quelque chose d'aussi vital comme le transport en commun. Déjà, une certaine déficience en termes de cohérence.

Deuxième geste en matière d'organisation municipale, la Loi sur le ministère de la Métropole. Ça, j'ai des beaux souvenirs de cette loi-là, M. le Président, le débat en Chambre. Il a fallu créer une loi sur le ministère de la Métropole, c'était absolument essentiel pour être capable, j'imagine, comme gouvernement de répondre aux besoins de la métropole du Québec qui est Montréal. Alors là une autre instance avec un autre territoire défini qui ne correspond pas nécessairement au territoire de l'AMT ni à la proposition contenue dans le projet de loi n° 134 qui est devant la Chambre présentement. Alors, c'était tellement important qu'il a fallu créer la Loi sur le ministère de la Métropole, et c'était en 1996.

Là, à la fin de 1996, une autre loi – on est rendu à notre troisième par le même parti – la Loi sur la Commission de développement de la métropole, qui a été sanctionnée le 19 juin 1997. Et, là encore, une nouvelle structure pour aider à promouvoir le développement de la métropole. Je ne sais pas si vous êtes capable, M. le Président, de voir des parallèles là. Il y a trois ans, une loi qui a mis en place une structure pour prôner le développement de la métropole. Il y a trois ans. Bien, je pensais que c'était, entre autres, le sujet du projet de loi qui est devant nous. Alors, on a la Loi sur la Commission de développement de la métropole, loi sanctionnée, qui, après un remaniement ministériel, n'a jamais été mise en vigueur.

On n'a pas changé de parti, on n'a pas eu une élection. Ce n'est pas le Parti libéral du Québec qui a pris le pouvoir afin de défaire des gestes du Parti québécois, c'est un autre ministre du même Parti québécois qui défait essentiellement une loi votée par l'Assemblée nationale qui n'a jamais été mise en vigueur. Mais, à date, la feuille de route ne porte pas beaucoup à inspiration de confiance. Faites-moi confiance, la ministre nous dit. Mais là, à date, dans les gestes de son gouvernement, il y a une certaine incohérence des lois votées, des chevauchements, des lois votées non mises en application, une structure reniée par un successeur du ministre. Ça va mal à la shop, M. le Président. Alors, la Loi sur la Commission de développement de la métropole, jamais mise en application.

Puis là on termine, après l'élection de 1998, avec un dernier projet de loi en série, la Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires municipales et d'autres dispositions législatives, un titre de projet de loi pas très éclairant, présenté le 13 mai 1999, dont l'objet était de défaire la création du ministère de la Métropole pour le refusionner avec le ministère des Affaires municipales. Trois ans avant, il était absolument nécessaire de créer un ministère de la Métropole; trois ans plus tard, on défait le tout et on le remet avec le ministère des Affaires municipales. Et, comble de tout, M. le Président, on arrive avec un projet de loi qui maintenant crée la Communauté métropolitaine de Montréal.

Et la ministre nous demande essentiellement: Faites-moi confiance, je sais par où je m'en vais, c'est par là; mes collègues ont tellement réfléchi là-dessus, ils ont consacré des heures, et des heures, et des heures. Mais c'est à souhaiter, M. le Président, qu'ils soient un peu plus cohérents et un peu plus réfléchis cette fois-ci qu'ils l'ont été dans les trois tentatives de législations bâclées qu'ils ont adoptées précédemment. Mais c'est beaucoup nous demander de lui faire confiance, surtout qu'il y a une loi d'application de la présente loi qui va venir plus tard. Nous, on a juste une loi-cadre à voter, maintenant, puis la ministre nous dit: On va arriver avec une loi d'application à l'automne, faites-moi confiance. J'ai beaucoup de difficultés à faire confiance à la ministre d'État aux Affaires municipales et la Métropole, considérant la feuille de route de son parti.

M. le Président, examinons les structures actuelles. Est-ce que le projet de loi n° 134 va faire le ménage dans les structures actuelles? Parce qu'il y en a beaucoup. Même, c'est très clairement indiqué dans le livre blanc de la ministre La réorganisation municipale – Changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens . Bien, bravo! Je cite à la page 41: «...quelque 61 organismes supramunicipaux y existent présentement, soit la Communauté urbaine de Montréal, 14 MRC, en plus des villes de Laval et de Mirabel qui sont également des MRC, trois sociétés de transport, soit la STCUM, la Société de transport de Laval et la STRSM – de la Rive-Sud de Montréal – 13 corporations intermunicipales de transport, 28 régies intermunicipales et l'Agence métropolitaine de transport. Cela signifie 17 schémas d'aménagement différents sur le territoire de la région métropolitaine de recensement de Montréal et quatre organismes, soit les trois grandes sociétés de transport et l'Agence métropolitaine de transport, procédant séparément à la planification du transport en commun. Les 61 organismes supramunicipaux de la RMR – la région métropolitaine de recensement – se partagent un budget global de près de deux milliards de dollars, et leurs dépenses d'administration totalisent environ 200 millions de dollars. Plus de 15 300 personnes y travaillent.»

M. le Président, on aurait pu s'attendre à un projet de loi qui clarifie toutes ces structures, qui en abolisse un certain nombre avant de procéder pour mettre fin à ce méli-mélo tel que décrit par des collègues de ce côté de la Chambre. Mais non. Mais non. On ne touche à rien, on en ajoute, une autre structure, tel qu'on l'a fait avec la Commission de développement de la métropole.

(12 h 40)

Le député de Mercier est ici, il sait qu'est-ce qu'il a été obligé de faire avec la Commission de développement de la métropole. Il a été obligé de la mettre dans la poubelle. Et on voit à quel point, M. le Président, ses collègues ont très bien travaillé pour la préparation de la Loi sur la Commission de développement de la métropole, on voit à quel point ils ont tellement bien fait leurs travaux, à quel point ça a été réfléchi: sous peu devenu ministre responsable de la Métropole, il a mis ça dans la poubelle, il a dit: Moi, je ne peux pas travailler avec ça, ça n'a pas d'allure. Puis c'est ce même parti qui nous dit: Faites-nous confiance; là, vraiment, on l'a; cette fois-ci, on l'a, l'affaire. Les quatre autres fois, on a essayé, on a échoué, on ne savait pas trop, mais là vraiment on sait qu'est-ce qu'on fait. Mais c'est un peu dur à accepter, ça, quand on connaît la feuille de route.

Mon collègue le député de Marquette a fait certaines réflexions au sujet du Barreau du Québec qui a communiqué avec la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, et le bâtonnier indique, et je le cite: «Nous constatons le morcellement des responsabilités des municipalités régionales de comté ainsi que de la Communauté urbaine de Montréal au profit de la Communauté métropolitaine de Montréal sans que ces structures ne disparaissent.» Et plus loin dans la lettre: «De plus, bien que le projet de loi vise une structure de planification et de coordination souple et peu exigeante, la lecture du projet de loi n° 134 nous laisse entrevoir plutôt une organisation nécessitant un appareil bureaucratique imposant.»

M. le Président, si on veut créer des nouvelles structures pour planifier l'aménagement, pour planifier le développement économique, pour planifier le transport en commun, il me semble que, comme point de départ, on devrait jeter un oeil critique, une analyse sur les structures existantes, ce que n'a pas fait le gouvernement actuel, et, pire encore, parce que plusieurs de ces structures sont ses propres créations. C'est le Parti québécois qui a mis en place plusieurs de ces structures. Mais là ils viennent nous dire: Non, non, faites-nous confiance, on va ajouter un autre palier puis on va tout arranger ça. Mais on a vu. Avec les gestes législatifs que ces mêmes personnes ont posés, on a beaucoup de difficultés à leur faire confiance.

M. le Président, bien que l'idée d'un organisme suprarégional soit une idée à laquelle on adhère, nous avons de sérieuses réserves. Et, parmi les sérieuses réserves, je reviens sur la loi d'application qui va arriver plus tard, qui devrait arriver à l'automne. Et d'ailleurs le Barreau y fait référence et il dit dans la lettre – je le cite: «Enfin, bien que la loi d'application vienne compléter la teneur du projet de loi à l'automne, le Barreau du Québec estime qu'on risque d'adopter un projet de loi qui sera difficilement applicable, d'autant que les médias nous rapportent déjà de nombreux changements.»


Motion de report

Pour ces raisons, compte tenu d'une loi d'application qui viendra plus tard, je propose la motion suivante:

«Que l'étude du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, soit reportée de six mois.»

C'est la motion que je fais, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous me permettrez de... Alors, je vais voir un peu les conditions des temps de parole prévus.

Une motion de report fait l'objet d'un débat restreint. Donc, c'est deux heures. Alors, nous allons suspendre quelques minutes pour que nous nous entendions sur la répartition du temps concernant cette motion. Nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 12 h 46)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous avons une motion de report de l'adoption du principe, et le débat sur cette motion est de deux heures. Le temps va être réparti de la façon suivante: cinq minutes seront réservées pour le député indépendant et le reste du temps sera réparti équitablement, 50-50. Le temps non utilisé par un des groupes parlementaires peut être utilisé par l'autre et le temps du député indépendant, ce qu'il en restera à la fin, pourra être distribué entre les deux formations politiques. Alors, chaque intervention est illimitée à l'intérieur du cadre de temps dévolu. Très bien. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais appuyer la motion de mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense qu'on est devant une situation où le projet de loi a un principe qui est très important et je pense que la ministre, même dans son discours, a dit qu'on était en train de mettre en place des structures municipales pour les prochains 30 ans. Alors, il faut bien faire notre travail, il faut bien le faire et s'assurer que le résultat va être des structures beaucoup plus simples qui vont aider à la planification sur le territoire de la grande métropole. Alors, je pense que l'enjeu est très important et, moi, je partage avec mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce ses inquiétudes quand on regarde l'historique de ce dossier depuis six ans avec ce gouvernement.

Je rappelle toujours l'annonce en grande pompe d'un pacte fiscal sur le toit de l'hôtel de ville de Montréal, en 1994, par M. Parizeau, chef de l'opposition et leader du Parti québécois à l'époque, à côté du maire Doré: On va faire un pacte fiscal, on va régler les problèmes de Montréal. Alors, il y a eu une grande déclaration solennelle des candidats du Parti québécois de la région de Montréal qu'ils iraient de l'avant pour faire un pacte fiscal. Six ans après, M. le Président, on est toujours à la recherche d'un pacte fiscal. C'est quelque chose. Ils n'ont pas livré la marchandise.

On a vu également, pour équilibrer les budgets de la ville de Montréal depuis six ans, une vente de feu où les actifs de la ville de Montréal étaient achetés à rabais par le gouvernement du Québec, comme le Casino, comme les terrains à côté de l'hippodrome Blue Bonnets. Alors, c'est quelque chose qui était «a bad deal» pour les contribuables de Montréal, mais ils étaient forcés de le faire.

Et je rappelle toujours le débat en commission parlementaire sur le projet de loi n° 1 pour la création d'un ministère de la métropole. De notre côté de la Chambre, on a dit: Il n'y a pas de pouvoirs là, cette affaire ne marchera pas. Et mon collègue le député de Verdun a insisté pour faire une clause crépusculaire dans le projet de loi n° 1 où, cinq ans après, les députés auraient l'occasion de revenir et de voir si ce ministère avait toujours sa pertinence. Malheureusement, le ministère n'a même pas duré les cinq ans, alors on n'a même pas pu avoir l'occasion d'appliquer la clause crépusculaire de mon collègue le député de Verdun.

On a regardé la création de la Commission de développement de la métropole qui n'a même pas siégé une fois. C'était quelque chose qui ne marchait pas. Nous avions dit ça, de notre côté de la Chambre. Le gouvernement a insisté pour aller de l'avant. Ça, c'est quelque chose qui n'a jamais vu le jour. On peut ajouter à ça un gouvernement qui a pris pas loin d'un an, un an et un mois, de mémoire, pour publier un livre blanc sur la réforme. Alors, c'est évident que l'affaire n'est pas si bien attachée que ça.

(12 h 50)

Le résultat, M. le Président? On est devant une situation où le gouvernement, même sur une question fondamentale et simple, le territoire de la métropole... J'invite les députés de l'autre côté de la Chambre à lire les annexes de la loi qui a créé le ministère de la Métropole, de la loi qui a créé la Commission de développement de la métropole, de la loi qui a créé l'Agence métropolitaine de transport, la liste du ministre des Finances sur les municipalités appelées à payer le 30 $ sur leur permis de conduire pour supporter le transport en commun et l'annexe dans le projet de loi n° 134, ils sont tous différents. Ils n'ont pas la moindre idée de c'est quoi, la métropole. On a cinq listes différentes, cinq listes différentes proposées par ce gouvernement, et chaque fois c'est toujours des ministres différents. Mais ils se lèvent dans la Chambre et, tout solennels, disent: C'est très scientifique, c'est la région métropolitaine sur le recensement métropolitain qui a été calculée par Statistique Canada, et il n'y a pas d'arbitraire, il n'y a pas de politique dans tout ça, c'est vraiment fait d'une façon très, très scientifique. J'invite les membres de la Chambre à juste prendre les cinq annexes de ces projets de loi, et on voit bien qu'il y a beaucoup d'arbitraire parce que le gouvernement n'a pas la moindre idée de comment traiter la question des territoires.

And this is very important, Mr. Speaker, because what we're looking here is to try to find a mechanism to make things easier, to make things simpler for people in Montréal to plan important... And I think we all agree that something like public transportation is a key issue for Montréal. As more and more people live and work in the area, we cannot continue to build highways, build bridges. These are very, very expensive investments for the society, and sooner or later we have to say: We have to move people around another way. But, as my colleague from Notre-Dame-de-Grâce has shown, when it comes, as a Montrealer, to try to find out who can deliver good public transportation, I'll now have to go to three different places, because there will always be a Montréal Urban Community, or something like that which will run the Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal which delivers services on the island of Montréal. Now, if I want to find out about suburban trains, well then I'll go to l'Agence métropolitaine de transport who also has a mandate to plan services for people living on and off the island of Montréal, but now I'll also have to go to the Conseil métropolitain de Montréal because that as well will have other responsibilities for public transportation. This is a structure put in place to make things simpler?

Au contraire, M. le Président, je pense que, si on a un exemple tangible où on va juste compliquer davantage la situation, c'est le transport en commun. Et, comme j'ai dit, ça, c'est des enjeux majeurs pour notre société parce que, chaque pont, on parle de 600 ou 700 millions de dollars. Juste pour essayer de refaire l'autoroute 40, on parle aujourd'hui de 800 millions de dollars pour le boulevard Métropolitain. Moi, je pense ça va coûter nettement plus cher parce que c'est une artère névralgique pour la région montréalaise. Mais qui va s'en occuper? À ce moment, si on regarde le nombre de structures qui sont en place, on multiplie les acteurs avec le projet de loi qui est ici.

C'est pourquoi, peut-être, si on peut avoir en même temps la loi d'application pour le projet de loi n° 134, on pourra commencer à voir comment on va éliminer les structures, simplifier le processus décisionnel, on va mieux comprendre le projet de loi n° 134. Mais, semble-t-il, la loi d'application n'est pas prête. On ne peut pas la déposer. Alors, je pense que, comme députés responsables, on a tous intérêt à l'avoir en même temps pour voir comment le conseil qui est proposé dans la loi n° 134 va simplifier la vie des Montréalais, va s'assurer d'une meilleure coordination, va s'assurer d'une meilleure planification. Mais on veut des chevauchements. Et qu'est-ce qu'on est en train de dire? Une structure additionnelle sans régler les question existantes.

Le dossier du développement économique. Comment est-ce qu'il y aura un arrimage entre les cinq conseils régionaux de développement, les nombreux centres locaux de développement? Il y aura Montréal international qui sera dans le dossier. Alors, règle générale, il y a déjà beaucoup d'acteurs, et on va en ajouter un autre mais sans vraiment préciser le rôle, sans dire comment un va remplacer les autres.

Et, si on veut penser région, qui est le mantra de la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, peut-être que le gouvernement du Québec peut regarder dans sa propre cour aussi. Dans cette région, il y a cinq régies régionales de la santé. On a la situation de l'hôpital de mon comté, l'Hôpital du Lakeshore: presque le tiers de ses clients viennent de la Montérégie. Ce sont des personnes qui demeurent à l'Île-Perrot, à Vaudreuil-Dorion, à Hudson, mais l'Hôpital général du Lakeshore est l'hôpital le plus près. Mais, dans la planification, dans nos structures, c'est fort compliqué de tenir compte de ces genres de déplacements d'une région administrative créée ici, à Québec, qui sont très arbitraires, qui ne reflètent pas la région de Montréal. Alors, si on est pour faire une réforme, si on est à regarder comment est-ce qu'on peut penser région dans la région de Montréal, peut-être que le gouvernement du Québec a un devoir à faire aussi.

C'est facile d'imposer les choses aux maires, aux élus municipaux, d'imposer les solutions d'en haut, mais est-ce que le gouvernement a fait une réflexion sur la planification de la santé et des services sociaux dans la grande région métropolitaine? Est-ce qu'on a besoin de cinq régies régionales? Je me pose la question. Est-ce qu'on a besoin de cinq bureaux du ministère de l'Éducation? Je me pose la question. Est-ce qu'on a besoin des cinq conseils régionaux de développement qui travaillent l'un contre l'autre avec des budgets qui sont, pour la région montréalaise, modestes? Mais peut-être qu'ensemble on peut faire quelque chose de beaucoup plus intéressant. Alors, ça, c'est le genre de questions qu'il faut poser.

J'y reviens toujours, pour moi, la grille qu'il faut faire, c'est qu'il y a deux critères. Est-ce que ce qu'on est en train de proposer dans la loi n° 134 va réduire le nombre de structures et simplifier le processus décisionnel? Avec les données qui sont sur la table aujourd'hui, on ne peut pas répondre dans l'affirmative. On ne sait pas parce que la ministre a refusé de donner aux parlementaires les renseignements qu'il faut pour voir comment ça va rendre les choses plus simples.

La deuxième chose, il faut réduire le fardeau fiscal des Québécois. Ça, c'est quelque chose qui est également très important. Même le ministre des Finances, dans les trois derniers discours du budget, je pense qu'il a dit que le fardeau fiscal est trop élevé, qu'on paie trop de taxes au Québec. La taxe, tout l'emploi, je peux citer longuement le ministre des Finances. Alors, un des critères ici, s'il a raison, c'est de donner suite. Il faut s'assurer que la mécanique qui va être mise en place va réduire le fardeau fiscal des Montréalais. Encore une fois, avec les données qui sont sur la table, avec l'information que la ministre a partagée avec nous autres, ce n'est pas encore clair. Alors, moi, je pense que, si on est en train de bâtir une structure ici qui est censée durer une trentaine d'années, si on est en train de mettre en place les structures qui sont censées rendre les choses plus efficaces, les plus simples possible, ces réponses doivent être données. La ministre est incapable de le faire maintenant. On devrait prendre une autre session, adopter le projet de loi n° 134 à l'automne.

Je pense que la suggestion de mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce est intelligente, raisonnable, de prendre le temps qu'il faut. La ministre peut dire aux contribuables de Montréal, dire aux citoyennes et citoyens de Montréal: Qu'est-ce que nous sommes en train de mettre ici, ça va vous coûter moins cher, ça va être beaucoup plus simple; il y a des organismes, il y a des structures qu'on va éliminer, abolir, afin de rendre le processus beaucoup plus simple. Mais la ministre n'est pas encore capable de nous donner une idée de comment elle va procéder. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à attendre six mois avant d'adopter ce projet de loi. Je pense qu'on arrive...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il reste une minute.

M. Kelley: Une minute? O.K.

Just to conclude, Mr. Speaker, I think there are two tests that are very important for any municipal reform, which is that they must be simpler, they must reduce the number of structures, because the Government's argument has been all along that there are too many actors, there are too many structures.

What we're doing with Bill 134 is we're adding another actor without indicating the parliamentarians how we are going to reduce the number of actors who are here. Secondly, we've all said that the Quebeckers, including Montrealers, are overtaxed; so what is here, what is proposed should reduce the financial burden on all Quebeckers. There is no guarantee that this has been the case. So, on that, I think that the idea to put this debate off for six months to allow the Minister to fully inform the members of this House is a sensible suggestion, and I will support the motion that was presented by my colleague the MNA from Notre-Dame-de-Grâce. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Ceci ajourne le débat. Alors, vous pourrez, si vous le désirez, poursuivre votre intervention quand nous reprendrons le débat sur ce projet de loi. Nous allons, à l'heure qu'il est présentement, suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon après-midi à tous et à toutes. Si vous voulez prendre place.

Nous poursuivons le débat sur la motion de report du député de Notre-Dame-de-Grâce, et je vais céder la parole à Mme la vice-présidente de la commission de l'aménagement du territoire et députée de Deux-Montagnes. Mme la députée, je vous écoute.


Mme Hélène Robert

Mme Robert: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens cet après-midi sur la motion de report de la loi n° 134. Il est bien clair que je vais intervenir contre ce report de l'application de la loi n° 134. En effet, nous nous apprêtons, avec cette loi n° 134, à combler un imposant retard de 30 ans en matière d'organisation municipale. Vous aurez noté combien un vague confort et les idées reçues façonnent une certaine opposition réticente aux changements proposés, même s'ils sont fondamentaux et nécessaires. Voilà 30 ans, en effet, qu'échoue toute tentative de modifier une situation que la plupart des spécialistes, commissions et groupes d'études qui y ont consacré leurs travaux reconnaissent comme obsolète. Il est devenu évident que le statu quo constitue un frein à une évolution sur laquelle tout le monde s'entend. Alors, il est grand temps de relâcher les freins. M. Claude Ryan lui-même, qui se commettait dans une récente analyse de la situation municipale, en clair, il demande une révision en profondeur de la question, jugeant la situation actuelle inacceptable.

Il règne autour de la métropole une idée éthérée. Bien qu'il existe un lien majeur avec cette dernière, comme en font foi le transport en commun et les déplacements vers elle, le sentiment d'appartenance à la région métropolitaine demeure en déficit significatif. Ce n'est pas la structure qui décide de l'appartenance mais bien les citoyens eux-mêmes. Ainsi, ce sont eux qui ont développé la plus grande appartenance à leurs propres quartiers, eux qui y voient toute la richesse des activités communautaires et qui affirment bien haut leur fierté d'y appartenir, comme le font, entre autres, les gens du quartier des Îles et d'autres quartiers de Saint-Eustache. Je me demande pourquoi sortir de tels épouvantails quand la réalité est tellement plus simple.

M. le Président, force est de reconnaître que plusieurs municipalités voient actuellement leur potentiel de développement sérieusement compromis parce que, jusqu'à maintenant, et ce, depuis au moins 30 ans, puis-je le rappeler à nouveau, l'on développe à la va comme je te pousse avec pour seule vision la sienne propre, petite, confortable et entièrement tournée vers soi. Le problème d'étalement urbain qui est le nôtre dans la région métropolitaine résulte, entre autres, des municipalités refusant de rationaliser leur développement et de remettre en question leurs frontières actuelles.

On le sait, la multiplicité des villes aussi est souvent cause d'une stérile compétition entre elles, et c'est la population qui en paie le coût. Des gens s'installent, qui demandent des services municipaux, alors que, peu après, ils quittent, laissant telle ou telle ville Gros-Jean comme devant parce qu'on aura vite fait de sacrifier au développement à tout prix. Et que dire des nombreuses ententes, régies et instances, elles aussi multipliées à souhait, qui exigent disponibilité et ressources importantes quand elles n'entraînent pas leur lot de lourdeur administrative? Il faut que ça change, et vite, pas dans six mois.

La création de la Communauté métropolitaine, qui vise à un regroupement de territoires et qui fait appel aux forces vives des municipalités concernées, apporte une solution globale à des problèmes en voie de prendre des proportions inquiétantes. Elle considère les choses dans leur ensemble et non plus à la pièce, comme c'est le cas actuellement en ce qui a trait à l'aménagement du territoire, au logement social, au développement économique et aux matières résiduelles. Convenons, M. le Président, qu'avec un bassin de population de la taille de celui de la région métropolitaine une telle vision commune, loin d'être un luxe, s'impose plutôt comme une nécessité absolue, confrontés que nous sommes actuellement, dans la grande région métropolitaine, à un étalement urbain grandissant.

(15 h 10)

La région métropolitaine de Montréal s'est accrue en superficie de 31 % entre 1971 et 1991, alors que sa population ne progressait que de 14 %. Une autre statistique: entre 1987 et 1998, la population de la région métropolitaine a augmenté de 10 %, tandis qu'on observait une hausse du parc automobile deux fois supérieure. Alors, la pollution. J'ajouterai que, sur l'île de Montréal, l'utilisation du transport en commun, en même temp – ils ont les infrastructures nécessaires – a chuté de 16 %, alors qu'à l'heure actuelle, au niveau de la Communauté métropolitaine, sur le territoire, nous avons de la difficulté à donner un transport en commun parce que les gens s'éloignent de plus en plus.

Alors, je disais donc qu'actuellement dans la grande région métropolitaine nous faisons face à un étalement urbain grandissant, à un dangereux empiétement sur les terres agricoles, à un développement économique anarchique et à une pollution croissante. Il est impératif que des mesures appropriées soient prises pour juguler cette érosion. Je suis convaincue que la Communauté métropolitaine, avec les compétences qui seront les siennes dans des domaines stratégiques, viendra corriger cette situation.

Bien sûr, la mise en place d'une telle structure crée des remous, c'est le moins que l'on puisse dire, notamment à la lumière de ce que l'on a vécu dans la couronne nord. Nous en convenons toutes et tous, cette démarche est sérieuse et rigoureuse et surtout pas improvisée. J'ai personnellement toujours appuyé une vision métropolitaine, en refusant cependant le vocable de «vision montréalaise», et la distinction est fondamentale. N'entretenons pas cette illusion d'une guerre de pouvoir et de pelletage de déficits de Montréal vers les municipalités des couronnes nord et sud, car la création de la Communauté métropolitaine vise bien plus haut et bien plus grand.

J'ajouterais ici, à l'instar de mes collègues de l'exécutif du comté de Deux-Montagnes, l'exécutif du Parti québécois du comté de Deux-Montagnes, qu'il ne s'agit pas, dans tout cela, d'une hausse de la charge fiscale mais bien d'une redistribution, et cette autre distinction aura échappé à bien du monde, volontairement ou non. Oui, la Communauté métropolitaine vise et prétend à une répartition plus équitable de la richesse foncière à l'échelle de son territoire. Avec ce projet de loi, M. le Président, nous sommes à la recherche éclairée d'un nouvel équilibre. La Table de la Communauté métropolitaine deviendra le lieu privilégié de prises de décision propres à la grande région métropolitaine. Des gens vont s'asseoir ensemble pour travailler à consolider les pôles commerciaux, administratifs, industriels et techniques de ce vaste espace socioéconomique. Plus vite ils s'assoiront, mieux ce sera.

La question de la représentation aura soulevé de nombreuses vagues. Entendons-nous bien, de la part de toutes ces personnes appelées à nous représenter et à prendre les meilleures décisions, on doit s'attendre à ce qu'elles travaillent dans l'intérêt de la collectivité. Laissant donc peu de place aux luttes de clocher ou d'hôtel de ville, comme l'a relevé Mme Harel, sachant qu'elle sera révisée aux trois ans, il y a vraiment peu à craindre. Dans ces circonstances, est-il réaliste et approprié de parler et de brandir le scénario d'horreur que concocteraient, selon les opposants, les futurs dirigeants de la Communauté métropolitaine, ceux-là même qui sont en place aujourd'hui? C'est placer bien bas leur professionnalisme et leur préoccupation de l'équité collective. Pourquoi les intérêts de leur population changeraient-ils alors? Non, M. le Président, à l'intérieur d'une telle réorganisation administrative, l'intérêt collectif demeure une priorité, et l'intégrité des personnes qui siégeront à cette nouvelle instance ne peut être mise en doute.

Affirmer une culture métropolitaine, M. le Président, ce n'est pas nier toute forme d'identité municipale mais bien plutôt élaborer des stratégies et des solutions proches des gens qui forment ce grand ensemble que plus personne aujourd'hui ne peut nier. Je pense l'avoir assez répété, les couronnes nord et sud appartiennent, pour toutes sortes d'excellentes raisons, à la zone métropolitaine. Comment et qui voudrait encore en douter?

Montréal la mal aimée fait actuellement seule les frais, par exemple, d'une délicate intégration de l'immigration. Elle supporte seule le fardeau d'une itinérance grandissante et dont on sait, M. le Président, qu'elle provient en bonne partie de certaines villes voisines et de nos banlieues. Les grands événements internationaux représentent une charge extrêmement importante pour la seule métropole, et l'on peut encore parler des nombreux étudiants qui viennent de l'extérieur étudier à Montréal, du boulevard Pie IX qui déborde littéralement de l'affluence automobile, et quoi encore. Je pense que Montréal ne peut plus à elle seule continuer à assumer ce poids économique et social. L'ensemble de la collectivité métropolitaine a à cet effet un rôle, voire une contribution sociale et financière à jouer. Le moment idéal est venu, me semble-t-il, pour agir vite et bien. Nous traversons une période économique positive, et la métropole, Dieu merci, n'y échappe pas, elle dont la situation générale prend du mieux, comme le reconnaissent les instances compétentes.

Sur un plan général, force est d'admettre, M. le Président, que les entités administratives existantes n'arrivent plus à gérer les problèmes devenus énormes dans les agglomérations urbaines. L'heure a donc sonné pour une relecture en profondeur du contexte municipal dans la région métropolitaine, et le projet de loi n° 134 est une première réponse concrète, constructive et stimulante.

Qu'on ne me parle pas de structurite quand on constate que les structures en place ont fait leur temps et qu'il faut du changement, quand on constate que les choses ont considérablement changé depuis trois décennies mais, étrangement, bien peu changé aussi. À preuve, le retard pris en matière de réorganisation municipale et que nous vivons aujourd'hui de manière dramatique. Il faut agir et vite. Mais, avec le projet de loi n° 134, nous adoptons une vision moderne d'un Québec tourné vers demain. Avec ce même projet de loi, nous proposons de travailler sur une base collective au plein essor d'une collectivité qui attend de ses structures une efficacité accrue. Cette nouvelle instance se voudra démocratique, souple et efficace, et telle sera la Communauté métropolitaine de Montréal.

L'État intervient dans le cadre de ses prérogatives pour mettre en place des outils devant permettre aux autorités compétentes de proposer à leur population une vision globale axée sur une dynamisation métropolitaine véritable. Outil de concertation, cette Communauté métropolitaine n'est pas constituée pour éponger quelque déficit de Montréal. Elle n'est pas non plus créée pour entreprendre le pelletage de coûts vers les villes voisines de Montréal. Les villes de notre couronne nord n'ont rien à craindre à ce chapitre. Non, M. le Président, l'heure étant aux grands espaces économiques gérés et administrés selon une vision globale, la seule véritablement réaliste, d'ailleurs, elle est mise en place afin d'harmoniser, entre autres, les enjeux stratégiques au niveau de l'aménagement du territoire, du logement social, du développement économique, du transport en commun et de la gestion des matières résiduelles. Il nous faut mieux positionner notre métropole vers l'avenir.

À la seule lecture de cette brève liste, l'on se rend compte, M. le Président, de l'absolue nécessité de dégager une vision métropolitaine, une manière orientée là-dessus de voir et de faire les choses. Tirer dans tous les directions, éparpiller les compétences, diluer les centres de décision amènent une situation fortement contestable face à la vision moderne qu'il nous faut choisir.

(15 h 20)

La Communauté métropolitaine va rééquilibrer les coûts. À richesses collectives, dépenses collectives. C'est le principe de base de nos impôts qui servent aussi bien à défrayer la réparation de routes en Abitibi qu'à subventionner un organisme communautaire ou culturel de Baie-Comeau ou de Matane. Si l'on estime possible que le compte de taxes moyen puisse subir une légère augmentation pour certains, il est faux d'avancer que la réorganisation municipale et l'instauration de la Communauté métropolitaine viendraient exercer une ponction comme celle que laissent présager les opposants à la réforme; au contraire, elle va établir un programme de partage de la croissance de son assiette foncière.

Comme vous le constatez avec moi, M. le Président, on est loin du monstre administratif qu'on s'est complu à décrire, et deux fois plus qu'une. Nous sommes prêts à agir et nous sommes dans l'obligation d'agir le plus rapidement possible. Essentiellement, ce projet de loi marque un pas en avant, aborde dans un esprit moderne et ouvert la chose municipale métropolitaine qui est un enjeu économique et social majeur au Québec.

Enfin, M. le Président, ce projet de loi constitue la seule vraie manière de mieux positionner la métropole comme fer de lance de l'économie québécoise. N'oublions pas que nous sommes en pleine mondialisation et que peu de sphères d'activité d'une société comme la nôtre y échappent. Je pense qu'à ce chapitre la métropole du Québec deviendra vite beaucoup plus concurrentielle par rapport aux autres dans le monde. Dans un tel contexte, il est primordial qu'elle tire son épingle du jeu tant au plan international qu'au plan national, et cette loi qui met en place le cadre de la Communauté métropolitaine de Montréal doit être adoptée dans les plus brefs délais. Alors, n'attendons pas, le gouvernement qui nous a précédés a déjà trop attendu. Alors, il faut vite adopter le projet de loi n° 134. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Nous poursuivons le débat sur cette motion de report proposée par le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je cède la parole maintenant à M. le président du caucus de l'opposition officielle, porte-parole de l'opposition en matière de métropole et député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, la parole est à vous.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Chagnon: Je remercie tous ceux qui applaudissent. M. le Président, si nous avons demandé le report sur le projet de loi n° 134, ce n'est pas que nous considérons que l'idée d'avoir une structure supramunicipale ou suprarégionale soit une mauvaise idée, mais nous sommes dans la situation où, au moment où on se parle, il y a d'abord des négociations sur des points extrêmement importants du projet de loi. Vous avez vu, pas plus tard que ce matin, dans les journaux, on nous a annoncé qu'il y aurait une modification sur le nombre de représentants de la ville de Montréal sur cette structure-là, le nombre de gens de la couronne nord et de la couronne sud, de Laval et de Longueuil. Bien, le projet de loi que nous avons ne correspond pas avec l'annonce qu'il y a dans les journaux ce matin, et, en plus, il y a d'autres négociations qui se font sur plusieurs autres sujets qui sont inclus dans le projet de loi que nous discutons à l'heure actuelle. En deux mots, le projet de loi qu'on qualifie de projet de loi cadre mérite que l'on prenne le temps de l'améliorer, puisque déjà des comités, à la demande de la ministre, à la demande du gouvernement, travaillent pour faire en sorte de nous amener des modifications qui, de toute façon, devront être réadoptées cet automne.

M. le Président, je vous rappelle que ce projet de loi a été déposé il y a à peu près deux semaines, un petit peu plus de deux semaines, trois semaines au maximum, à la limite du temps pour le dépôt des projets de loi ici, à peu près autour du 15 du mois de mai, puis nous sommes le 9 juin, puis on regarde le projet de loi qui encore une fois, là, cherche à créer une superstructure sur l'ensemble de la région métropolitaine, et, dans ce projet de loi là, on ne fait aucunement allusion au sort d'organismes qui sont déjà existants. Je vous rappelle qu'il y a trois sociétés de transport, qu'il y a 14 compagnies de transport intermunicipales, qu'il y a d'autres organismes supramunicipaux, comme par exemple cinq CRD, comme par exemple cinq centres administratifs régionaux, qu'il y a aussi cinq régies régionales, et le projet de loi ne nous indique pas du tout ce qu'il adviendra de ces structures-là pour l'avenir. En deux mots, on vient superposer – c'est le cas de le dire – une structure au-dessus de la région métropolitaine sans qu'on sache ce qu'il adviendra des structures qui existent actuellement. On nous dit: On saura peut-être ça cet automne.

Je pense qu'il n'est pas sage pour le législateur, au moment où on se parle, M. le Président, de ne pas savoir ce qu'il adviendra de ces structures-là avant d'adopter le projet de loi qu'on a devant nous. Je vais vous donner un autre exemple. En principe, ce projet de loi là cherche à créer une espèce de grande CUM autour des couronnes nord, sud, Laval et Longueuil en plus du territoire de l'île de Montréal. Et, dans ce projet de loi, on devrait savoir ce qu'il adviendra de la CUM existante. Or, le projet de loi est absolument muet sur l'avenir de la CUM existante. On ne sait pas ce qu'il adviendra de cet organisme extrêmement important actuellement, on ne sait pas qui va s'occuper de la sécurité publique, ce qu'il adviendra de l'assainissement de l'air, du sort des gens qui travaillent sur la définition de la qualité de l'air et de l'eau autour de Montréal, on ne sait pas non plus ce qu'il arrivera de la CACUM, on ne sait rien. Tout ça est supposé arriver cet automne.

De plus, M. le Président, outre le projet de loi n° 134 que nous avons devant nous, qui encore une fois est qualifié de projet de loi cadre par le gouvernement, on nous annonce un projet de loi d'application de cette loi l'automne prochain. Dans le meilleur des scénarios, une chatte risque de perdre ses petits avec cette formule-là. Il me semble que le minimum de cohérence dans la façon de fonctionner, avec une méthodologie qui est encore à fois à son strict stade minimal, devrait faire en sorte que les projets de loi arrivent ensemble, qu'on ait la loi-cadre puis la loi d'application en même temps, qu'on puisse savoir ce qu'il adviendra de la CUM, qu'on puisse avoir des réponses sur le nombre de représentants de chacune des municipalités ou chacune des régions sur cet organisme-là, qu'on puisse savoir ce qu'il adviendra, par exemple, de la fiscalité puis qu'on puisse savoir aussi ce qu'il adviendra...

Puis ce n'est pas rien, au moment où on se parle, il y a des gens qui votent dans une trentaine de municipalités pour savoir s'ils vont être membres ou s'ils veulent être membres ou pas membres de cet organisme-là. Les maires de la couronne nord, je présume avec le concours de leurs députés, font en sorte de demander à leurs citoyens ce qu'ils pensent de leur assujettissement à ce projet de loi là. Nous allons avoir des renseignements plus clairs mardi prochain. Lundi soir, il y aura dépouillement des votes, et mardi nous saurons ce que les citoyens des couronnes nord pensent de leur assujettissement à ce projet de loi.

Et nous saurons aussi, dans la semaine qui vient, la semaine prochaine, ce que veulent et ce que pensent les citoyens de la région de Vaudreuil, de la région de Beauharnois, de la région de Saint-Isidore, de la région de Châteauguay, des régions aussi comme Saint-Bruno qui vont faire appel à leurs résidents, un appel aux citoyens de leurs villes pour savoir s'ils veulent être incorporés dans cet organisme ou non.

(15 h 30)

Alors, M. le Président, on est pris dans une situation un peu kafkaïesque où il nous faudrait aujourd'hui, si on continuait le processus, si on n'adoptait pas cette motion de report, procéder à une étude article par article, aujourd'hui ou demain. Demain étant samedi, probablement que ça irait à mardi, à lundi ou mardi de la semaine prochaine. On serait pris à faire l'étude article par article d'un projet de loi qui de toute façon ne nous éclairera pas beaucoup davantage lorsqu'il sera adopté. On ne connaîtra pas davantage le sort de la CUM, une fois que ce projet de loi sera adopté, parce que le comité aviseur qui travaille sur la succession de la CUM aura remis son travail uniquement à la mi-juillet. Or, vous savez comme moi, M. le Président, que nous aurons cessé de siéger ici à la mi-juillet.

Pourquoi adopter ce projet de loi là à la vapeur? Qu'y a-t-il de si urgent, au moment où on se parle, pour adopter un projet de loi quand on ne connaît pas le livre de recettes avec lequel on devra travailler, qui sera déposé l'automne prochain, le livre de recettes qui nous permettra de faire la recette que voudrait bâtir ce projet de loi? En deux mots, on a quelques ingrédients sur la table, mais on ne sait pas quelle recette on aura. Et le livre de recettes sera déposé l'automne prochain. Alors, on est pris dans une espèce de situation où on fonctionne à l'envers, on met la charrue devant les boeufs.

D'ailleurs, M. le Président, je vous rappelle que, lors de mon discours sur le principe du projet de loi, où j'avais peut-être parlé un peu longtemps, j'avais quand même énuméré ces problèmes. Depuis ce temps-là, j'ai reçu par télécopieur un court mémoire signé par le bâtonnier du Québec, donc un mémoire du Barreau du Québec, signé par M. Denis Jacques, qui dit ceci: «Sans remettre en cause la volonté du gouvernement de mettre en place une structure régionale, nous constatons le morcellement des responsabilités des municipalités régionales de comté.»

Ça aussi, c'est un point important. Qu'est-ce qu'il va advenir des MRC? Qu'est-ce qu'il va advenir des huit ou neuf MRC sur le territoire de cette communauté régionale? On ne le sait pas. En deux mots, on nous demande d'adopter la loi mais sans savoir quels en seront les effets. Il y a un petit problème avec ça. C'est un peu comme de demander à son patient de tester un produit nouveau, un médicament nouveau, sans connaître les effets secondaires que ce médicament pourrait lui apporter. C'est pour ça, M. le Président, qu'en général on fait des tests sur autre chose que ses patients avant de mettre sur le marché un produit nouveau, un médicament nouveau. C'est un peu la même formule que Mme la ministre et le gouvernement cherchent à nous imposer avec l'adoption rapide du projet de loi n° 134.

On dit aussi, dans le court mémoire du Barreau – en fait, c'est à peu près les arguments que je vous ai apportés la première fois: «Dans le même ordre d'idées, on s'interroge sur le lien d'appartenance du regroupement proposé par la Communauté métropolitaine de Montréal, certaines municipalités pouvant avoir des affinités avec d'autres villes d'importance autres que Montréal.» Oui, ça peut se défendre, mais ce n'est pas exactement le fond de notre problème, M. le Président. «Pour que l'exercice ait du succès, il faut que les municipalités se sentent concernées par l'avenir de la région métropolitaine, d'autant qu'elles contribueront financièrement à ce projet.» Moi, je prends le pari qu'effectivement il y a un grand nombre de villes qui sont en dehors de la CUM, qui sont prêtes à vouloir s'associer au développement du Grand Montréal. Il y en a qui ne veulent pas, mais il y en a qui veulent. Et, parmi celles qui veulent, je pense qu'elles auraient droit de savoir que l'organisme qui les chapeautera régira des questions qu'elles-mêmes devraient connaître avant que nous adoptions le projet de loi.

Je vous parlais des MRC. Il y a trois sociétés de transport qui sont directement concernées par ce sujet dont nous parlons. Il y a une société de transport à Montréal, il y en a une sur la Rive-Sud puis il y en a une à Laval. Qu'adviendra-t-il de ces trois sociétés de transport? Avons-nous réellement besoin de trois sociétés de transport si nous avons un organisme suprarégional qui va avoir comme mandat de planifier le transport en commun? Voilà des questions qui doivent se poser et auxquelles on doit donner des réponses avant l'adoption du projet de loi comme tel.

Or, quand nous suggérons de reporter le projet de loi, reporter l'adoption du projet de loi, son étude en commission parlementaire, nous ne faisons finalement que chercher à rendre plus efficace le travail de ce Parlement. Ce n'est pas l'efficacité qui nous tue tout le temps, prétend-on dans le public, mais le public comprendrait mieux comment on fait pour adopter une loi lorsqu'on connaît les effets secondaires qu'elle nous apportera.

Et ça, dans le fond, le Barreau nous dit ceci: «De plus, bien que le projet de loi vise une structure de planification et de coordination souple et peu exigeante, la lecture du projet de loi n° 134 – là, c'est le Barreau qui parle – nous laisse entrevoir plutôt une organisation nécessitant un appareil bureaucratique imposant.» On peut être d'accord ou pas d'accord, mais, à tout le moins, si on ne sait pas ce qu'il adviendra des organismes dont je vous parlais, effectivement, ça deviendra peut-être un éléphant blanc, cette structure-là, ça deviendra peut-être une structure qui, par sédimentation, viendra recouvrir l'ensemble des autres structures qui sont déjà existantes, et puis on ne changera rien. On aura ajouté une structure par-dessus d'autres structures, en pensant que cela ajoutera à notre bonheur collectif.

Mais, malheureusement, ce n'est pas comme ça que ça marche dans la vie. Si on pense qu'on a besoin d'une plus grande coordination sur une base régionale et d'une meilleure planification, c'est parce que les outils que nous avons actuellement ne répondent pas, selon ce qu'on pense, à ce désidérata, à cette volonté-là; c'est parce que d'avoir huit ou neuf MRC, c'est parce que d'avoir cinq régies régionales en santé, c'est parce que d'avoir cinq zones administratives pour l'administration des ministères du gouvernement du Québec, ce n'est pas ce qu'il faut avoir; c'est parce que trois sociétés de transport, 14 CIT, 18 OBI, c'est encore une multitude d'organismes qui nous apparaissent probablement de trop, puisqu'on veut chapeauter l'organisation de tous ces services-là par une structure de planification souple et légère qui devrait faire la planification de l'organisation de notre société urbaine, celle de la métropole, de Montréal. Mais, si on ne sait pas aujourd'hui ce qu'il adviendra de tous ces organismes-là, dans le fond, je ne dis pas qu'on fait perdre le temps de la Chambre, je ne dirai pas au gouvernement qu'il fait perdre le temps de la Chambre, mais il prend un sacré risque sur le fait que nous soyons dans l'incapacité de comprendre puis de faire comprendre à nos concitoyens ce sur quoi nous allons voter.

Le Barreau dit ceci aussi: «Enfin, bien qu'une loi d'application viendra compléter la teneur du projet de loi à l'automne – ce dont je vous parlais tout à l'heure – le Barreau du Québec estime qu'on risque d'adopter un projet de loi qui sera difficilement applicable.» Ce n'est pas moi qui parle, là. Moi, je parle, mais je ne fais que lire. C'est moi qui parle. Je m'excuse, je me suis mal exprimé, M. le Président. C'est absolument moi qui parle, mais je lis le document du Barreau. Le Barreau est un organisme qui n'est pas partisan puis qui a regardé le projet de loi n° 134. Il nous fait état d'un point de vue qui est non partisan puis il nous dit: Ce n'est pas exactement comme ça qu'on devrait adopter des lois dans un système un peu organisé puis qui est un peu cohérent. Qu'est-ce qu'il nous dit? «Une loi d'application viendra compléter la teneur du projet de loi», que nous devrions adopter aujourd'hui ou, du moins, la semaine prochaine. «Le Barreau du Québec estime qu'on risque d'adopter un projet de loi qui sera difficilement applicable, d'autant que les médias nous rapportent déjà de nombreux changements.»

Ils ont tellement raison que ce matin on nous parlait de changements déjà, on nous parlait de changements dans la composition du conseil de la Communauté métropolitaine. Le projet de loi prévoit 31 postes, puis ce matin on nous annonçait qu'il y en aurait 28. Si vous voulez savoir ce qu'il va y avoir dans vos projets de loi maintenant, consultez la presse, vous allez avoir les amendements législatifs. C'est un peu particulier. On négocie en catimini, à gauche et à droite, des tas de trucs qui viendront un jour se greffer au projet de loi qu'on étudie actuellement. Puis les parlementaires, qu'ils soient d'un parti ou de l'autre, vont être les derniers à apprendre ce qui s'est passé dans ces comités de négociations là, à gauche puis à droite, encore une fois, et on nous demandera tout simplement de pousser le crayon, d'être les «rubber stamps» de négociations faites par des gens qui n'ont pas été élus ici, à l'Assemblée nationale.

C'est un processus, M. le Président, qui, sur le plan démocratique, est assez vicié. Que tous ces organismes-là, que tous ces gens-là fassent leurs négociations puis, quand toutes ces négociations-là seront finies, qu'ils fassent rapport à la ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole et qu'elle légifère en fonction de ses conclusions, qu'elle nous propose un projet de loi qui sera complet en fonction de ces négociations-là puis en fonction de ce qu'elle jugera à propos puis de ce que le gouvernement jugera à propos de faire comme changements. Mais, en attendant, ne nous servons pas de l'Assemblée nationale, ne nous servons pas des commissions parlementaires comme, encore une fois, des «rubber stamps» pour finalement tenter de faire adopter un projet de loi qui méritera uniquement d'être modifié substantiellement dans de très brefs délais.

(15 h 40)

Imaginez-vous, M. le Président, nous sommes le 9 juin, puis on a eu le projet de loi le 15 mai, comme je disais tout à l'heure. Bien, si on l'avait adopté, le projet de loi, là, aujourd'hui il faudrait l'amender, il faudrait l'amender parce que le comité aviseur a déterminé que ce n'est plus 10 représentants sur 31 que Montréal aura, c'est sept, puis le maire de Montréal a accepté que ce soit sept à condition que la présidence du comité métropolitain soit toujours à un élu de Montréal. Bon. Alors, il y a encore des négociations, puis du tiraillage, puis du tirage de couverte d'un bord puis de l'autre dans ces comités aviseurs, puis aujourd'hui on nous demande d'accélérer le processus d'adoption d'un projet de loi qui finalement n'est pas totalement ficelé. Ah, c'est sérieux! on aurait adopté ce projet de loi là hier, puis aujourd'hui il faudrait l'amender. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Comme disait Shakespeare, dans... «There's something rotten in the State of Denmark», et c'est un peu ce qui nous arrive ici. On est pris dans une situation où on nous demande de légiférer à la vapeur des objets qui sont discutés, au moment où on se parle, dans des comités aviseurs et qui risquent de nous obliger à modifier la législation qu'on va avoir faite aujourd'hui ou demain.

Je citais Shakespeare, mais je pourrais aussi vous citer Napoléon, Napoléon qui disait: Il y a deux sortes de choses que les hommes sont mieux de ne pas savoir comment on les fait: les lois puis la saucisse. Dans le processus que nous avons actuellement, eh bien, on s'aperçoit que notre loi est un peu organisée comme de la saucisse. On aimerait mieux ne pas trop savoir ce qu'il y a dedans, parce que, de toute façon, ce qu'il y a dedans puis les ingrédients qui servent à faire cette loi-là changent, puis changent rapidement.

Alors, M. le Président, pourquoi s'énerver? Pourquoi ne pas tout simplement accepter la motion de report que nous suggérons, loyalement nous le suggérons, profondément parce que nous croyons qu'il serait important que ce projet de loi là soit débattu, soit discuté en même temps que le projet de loi d'application qui viendra le compléter l'automne prochain?

Nous sommes à cinq, six, peut-être sept jours de la fin de la session actuelle, donc nous sommes à cinq, six ou sept jours de la session d'automne. Je parle en jours ouvrables bien sûr, M. le député. Mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques me fait signe que c'est 10. C'est peut-être 10, mais je parle de jours ouvrables, où cette Assemblée sera ouverte. Alors, il nous reste donc cinq, six, sept jours, je ne le sais pas, c'est le choix du gouvernement. Humblement, nous nous plions à la volonté du gouvernement pour siéger en fonction de ses désideratas. Donc, il ne nous reste que quelques jours. On a eu le projet de loi il y a trois semaines. Qu'est-ce que ce serait que d'attendre cinq ou six jours? Qu'est-ce que ce serait que d'attendre l'automne prochain, qu'au mois d'octobre nous puissions d'abord étudier le projet de loi que nous avons entre les mains? Nous l'avons entre les mains. Nous pourrions y faire les modifications qu'entraîneraient les différentes discussions dans les comités aviseurs, que ce soit pour l'avenir de la CUM, pour les différents objets, comme la reconnaissance des organismes à caractère régional.

On parle beaucoup d'organismes à caractère régional, on parle de mettre régionalement le Cosmodôme, le Biodôme, l'Insectarium, le Jardin botanique ensemble pour en faire des organismes à vocation régionale. Et j'entendais certains députés vouloir aussi ajouter le parc des Îles de Boucherville puis le parc de Saint-Bruno. Bon, en tout cas, à un moment donné on va s'entendre sur un nombre d'organismes régionaux. Mais, au moment où on se parle, la liste n'est pas complétée. Puis, au moment où on se parle, c'est sur la liste de ces organismes régionaux là qu'une partie, en tout cas, pas toute, mais une partie de la fiscalité de l'agglomération portera. On va demander aux gens qui seront sous l'empire de cette superstructure souple et légère de financer une partie des équipements régionaux, mais on ne sait pas lesquels. On va passer pour un peu «twit», là, si on n'attend pas, comme il le faudrait, que nous ayons l'ensemble des informations pour être capables de légiférer comme du monde.

Puis la loi d'application, cet automne, j'imagine, viendra enrichir la loi que nous avons devant nous. Alors, si on est pour en faire de l'enrichissement de loi, en fait, dans la session qui va venir dans quelques mois, aussi bien attendre et finalement faire le travail avec tous les outils nécessaires pour arriver à la meilleure solution, au meilleur règlement possible, pour que l'ensemble de nos concitoyennes et concitoyens puissent être assurés, d'abord, que les résultats de notre réflexion, que la loi que nous aurons adoptée répondra davantage ou, enfin, le mieux possible aux véritables besoins de la population de l'agglomération métropolitaine de Montréal.

Alors, je resouligne, M. le Président, que nous aurions grandement intérêt... La cohérence, le bon fonctionnement, une méthode de travail intelligente commanderaient que nous utilisions le projet de loi que nous avons devant nous avec sa loi d'application l'automne prochain, après que les comités aviseurs auront discuté, et auront convenu, et seront arrivés à des conclusions qui seront intégrées dans la loi que nous sommes en train d'étudier actuellement, pour que nous puissions faire le cheminement tous ensemble sur l'organisation de notre société, particulièrement la réorganisation de l'agglomération urbaine de Montréal. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le leader adjoint du gouvernement et député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos – et en silence, il va de soi – de mon collègue, voisin d'ailleurs et néanmoins ami, il va de soi, le député de Westmount–Saint-Louis. Ma première impression est que sa pensée est honnête. Je le connais trop pour douter de l'honnêteté de ses propos.

Mais, M. le Président, où est le désavantage de voter la loi créant la structure et, après, de voter la seconde? N'existe-t-il pas d'autres exemples de lois où nous avons voté, d'une part, le principe, c'est-à-dire toute la façon d'ordonnancer, et puis après nous avons pris le temps – et nous l'avons, le temps, cela nous le donnera durant les mois qui viennent – pour voir à l'application concrète, dans les mesures les plus fines, et déterminer si, oui ou non, nous devons procéder de telle ou telle autre manière? M. le Président, pourquoi ne pas voter cette loi immédiatement, mettre en place les structures, être capable d'identifier quels seront les principaux acteurs, donc les mettre immédiatement, eux aussi, à profit dans la recherche des solutions les plus adaptées, les plus concrètes quant aux mécanismes de fonctionnement de cette nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal?

(15 h 50)

M. le Président, au-delà de dire: On doit prendre notre temps, on doit prendre notre temps, on doit prendre notre temps, il faut quand même s'apercevoir d'une chose, c'est qu'il y a bien de grandes agglomérations métropolitaines qui sont à l'occasion quasiment nos voisines... Je pense à l'agglomération métropolitaine de Boston, où j'étais récemment d'ailleurs, et qui a bien su s'organiser. Toronto, d'autre part. Et, quand on jette un regard un petit peu plus loin et qu'on traverse l'Atlantique, qu'on voit ce qui se passe actuellement en Europe, et notamment au niveau du bassin Méditerranée avec cette gigantesque organisation qui se fait autour des villes d'Aix, de Marseille, de Montpellier, d'Orange, et qu'on voit, en contrepartie, une autre qui se dessine, Barcelone, Perpignan, M. le Président, on se rend compte qu'actuellement ce qui nous guette le plus comme danger, c'est de ne pas être capables comme métropole de se positionner, puisque nous sommes morcelés, alors que nous sommes de plus en plus en train de vivre de façon économique un concept que l'on a connu au Moyen Âge, qui est celui des villes-États. Au niveau de l'organisation économique, en ce début du troisième millénaire – et je sais que ces mots ont été galvaudés ad nauseam – de globalisation des marchés et de mondialisation des échanges, etc., nous vivons à ce niveau – pas au niveau politique – au niveau économique un phénomène que l'on a connu en des temps où nous n'étions pas – les livres d'histoire nous les ont quand même bien rapportés – les villes-États. Donc, nous accusons, nous, malheureusement, par négligence, manque de courage, un immense retard.

Dans cette lutte extrêmement féroce – et le vice-premier ministre ne cesse de le dire, lui qui est ministre d'État à l'Économie et aux Finances, que les luttes sont rudes, les luttes se font sans pitié dans le domaine économique – il est urgent – vous me permettrez le pléonasme, le député d'Outremont d'ailleurs a dit que faire des pléonasmes, c'est oser – il est urgemment urgent de procéder le plus rapidement possible à un certain minimum de cohésion au niveau de la région métropolitaine de Montréal alors que partout ailleurs... Et d'ailleurs ma collègue députée de Bourget et ministre d'État au Travail et à l'Emploi vous en parlera davantage tantôt. Il est d'une urgence urgente de procéder le plus rapidement à une cohésion et surtout amener des gens qui jadis...

Je ne le dis pas méchamment, puisque l'organisation municipale est un héritage de plusieurs années où chacun malheureusement a un peu cultivé la mentalité de «je mange ma petite soupe dans mon petit coin». Et ce n'est plus comme cela. Et je vois que le porte-parole de l'opposition en cette matière, le député de Hull, semble tout au moins concourir à mon propos, qu'il est fini le temps où chacun mange sa petite soupe dans son petit coin. Il est normal que chacun apporte sa recette, si on veut rester dans ce domaine, mais que tout au moins on apprenne à travailler ensemble, qu'on prenne conscience que nous appartenons à un territoire, que ce territoire, il est beaucoup plus grand qu'un axe qui s'appelle Sainte-Catherine et Saint-Laurent, et que ce qui se passe là a des effets majeurs au coin de Joliette et je ne sais quelle autre rue de Laval, comme il y en a également à... Joliette et... J'essayais de me rappeler les rues de Longueuil, ville...

Une voix: ...

M. Boulerice: Joliette et Curé-Saint-Charles. Bon. Mon ancien, entre guillemets, patron vient à ma rescousse, puisque c'est un territoire que le député de WestmountSaint-Louis et moi avons longtemps parcouru dans le domaine scolaire. Et inévitablement sur Curé-Labelle, puisque là je parle de l'île de Laval, la seconde municipalité au Québec, bien ce qui se passe, comme je vous le disais, au coin de Saint-Laurent et Sainte-Catherine a des impacts également à Laval, comme ces impacts débordent également dans ce qu'il est convenu d'appeler la couronne nord. Et la couronne nord, moi, je trouve qu'elle porte bien son nom. C'est une belle couronne à cette région métropolitaine, cette couronne nord. Elle est dynamique, avec une population qui est jeune, une population qui est éduquée, une population effectivement qui a un sens civique, une population qui vote, comme dit le député de Westmount–Saint-Louis.

Eh bien, moi, je crois que la motion de report que nous présente l'opposition officielle est à mon point de vue injustifiée. Si c'était vraiment essentiel, je serais assez honnête pour l'admettre. Mais gagner du temps pour gagner du temps quand on ne sait pas ce que ce temps nous donnera, moi, je dis non. Procédons, mettons en place cette structure, continuons nos travaux avec ceux qui assumeront ces responsabilités, déterminons quelle est la meilleure façon dont ces structures fonctionneront, selon tel mécanisme, en vertu de tel protocole, etc., et puis nous serons en mesure, M. le Président, d'établir cette Communauté métropolitaine de Montréal, grande, forte.

Il y a Mme Danyluk, elle est présidente de la Communauté urbaine de Montréal, qui est venue récemment en commission parlementaire. Vous savez, Mme Danyluk, ancienne mairesse de ville Mont-Royal, est vraiment une des actrices principales au niveau municipal en région métropolitaine, une femme avec des qualités mais tout à fait exceptionnelles, une intelligence très percutante, mais une femme aussi de compromis, une femme qui est capable de voir les choses et de faire le partage. Je n'ai pas avec moi le texte qu'elle avait et j'hésite à la citer parce que j'aurais peur de mal la citer.

Mais, grosso modo, ce qu'elle disait, c'est qu'elle faisait appel aux parlementaires, en disant: Bien des objections, bien des craintes sont évoquées, etc. Je donne un peu le sens de sa phrase. Elle disait: Vous savez, il faut avoir le courage de poser le geste, et puis les choses iront. Dans quelques années, nous regarderons cette chose que nous avons créée, et là ce sera, pour notre part, un objet de fierté, en disant: Nous avons réussi cela. Malgré toutes les obstructions, malgré tous les mauvais présages, malgré ce que certains apôtres du malheur ont pu véhiculer, malgré que certains, comme je disais tantôt, préfèrent continuer à manger leur petite soupe dans leur petit coin, eh bien, voilà, nous avons établi quelque chose qui fait notre fierté et qui nous permet de nous positionner dans justement ce contexte économique auquel j'ai fait allusion tantôt, qui fait que des grands ensembles métropolitains maintenant luttent entre eux. C'est extrêmement important que nous ayons tous les mécanismes de façon à se solidifier et que nous puissions parler d'une voix beaucoup plus forte, beaucoup plus cohérente, beaucoup plus solidaire, donc de façon conjointe.

Alors, M. le Président, vous allez comprendre que, nonobstant certaines appréhensions de l'opposition, je ne crois pas qu'il soit utile de reporter l'adoption de ce projet de loi. En voie de conséquence, moi, comme l'ensemble de mes collègues, je n'en ai aucun doute – c'est toujours des votes libres dans cette Assemblée nationale... Mes collègues, comme moi, voteront non à cette motion de report. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Est-ce que notre honorable collègue accepterait que je lui pose une question à partir de l'article 213 de notre règlement?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que, M. le leader adjoint du gouvernement, vous permettriez au député de Westmount–Saint-Louis de vous poser une brève question en vertu de l'article 213?

M. Boulerice: M. le Président, l'agenda que je me suis fixé pour aujourd'hui ne me donne malheureusement pas ce temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Je tiens à souligner qu'il reste un temps de parole de 20 minutes à la formation de l'opposition et de 28 min 15 s à la formation ministérielle. Alors, je reconnais maintenant le porte-parole officiel en matière d'affaires municipales et député de Hull. M. le député, la parole est à vous.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, mon collègue.

Une voix: Pas droit de souligner les absents. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est ça.

(16 heures)

M. Cholette: Ha, ha, ha! M. le Président, on fait un débat sur une motion de report. Pour les gens qui nous écoutent, pour les gens qui ne sont pas habitués à la notion parlementaire, on va commencer par expliquer c'est quoi, ça, une motion de report. Alors, nous sommes en train d'étudier le projet de loi n° 134. Le projet de loi n° 134 est en train de créer une nouvelle structure à Montréal, dans la région métropolitaine, une structure qui chapeauterait, en termes de planification, certains domaines de compétence présentement dévolus à la Communauté urbaine de Montréal, mais aussi d'autres compétences. Alors, le gouvernement a décidé de déposer un projet de loi, donc 134, qui fait suite au livre blanc, M. le Président, livre blanc qui fait suite à la création de conseils consultatifs.

Alors, on va reprendre ça du début parce que c'est mêlé, pour le monde, ça, M. le Président, c'est même mêlé pour les députés du Parti québécois. On ne s'y retrouve plus. Alors, au mois de mars, la ministre a décidé de nommer trois amis du régime pour regarder la question principalement des communautés urbaines soit à Québec, soit en Outaouais et à Montréal. Ces amis, soit MM. Lapointe, Grégoire et Bernard, ont comme mandat de regrouper autour d'eux un club sélect, V.I.P., sélectionné sur le volet, du monde municipal. Ces comités de travail ont essentiellement deux mandats. Le premier mandat, c'est, d'ici la fin juin – donc on n'est pas rendu là, M. le Président – de dresser une liste d'équipements qui pourraient être partagés à la région, et un deuxième mandat, à la fin octobre sur – et je cite la ministre: «les regroupements nécessaires».

De façon parallèle, la ministre décide de déposer, le 3 mars, un plan, un livre blanc sur la réforme municipale qui est en train de chambarder toutes les structures partout au Québec. Et ensuite, parallèlement à ça, la ministre dépose en cette Chambre donc le projet de loi n° 134 qui crée le conseil ou la Communauté métropolitaine de Montréal, alors que c'était un des objectifs des comités aviseurs qui sont en train d'analyser toute cette situation. Alors, la ministre a décidé, à la toute fin de la session parlementaire, en toute vapeur et de façon presque cavalière, de déposer un projet de loi qui n'a que de grands principes sans vraiment beaucoup de fondement et pour lesquels on va attendre une loi d'application à l'automne. Alors, devant cette confusion totale, nous sommes, comme parlementaires, confrontés à discuter de ces questions, et, pour nous, il serait beaucoup plus opportun de retarder ce débat, bien qu'il soit nécessaire, au moment où va avoir toutes les réponses aux questions. Ou est-ce qu'on va avoir plus de réponses que de questions? Et, pour l'instant, c'est l'inverse. On a beaucoup plus de questions que de réponses.

Alors, comme parlementaires, ce qu'on dit, de notre côté, M. le Président, c'est: Une chose à la fois. Que l'on prenne le temps nécessaire pour qu'on puisse évaluer les conséquences du geste que des parlementaires vont poser, que l'on prenne le temps nécessaire pour qu'on comprenne les tenants et aboutissants de l'ensemble de cette réforme proposée pour la région de Montréal, que l'on prenne le temps nécessaire pour que les gens puissent se parler calmement, pour qu'on puisse arriver à une solution optimale. Est-ce que ça serait ça, la logique? Oui. Est-ce que ça serait ça, le bon sens? Oui. Est-ce que c'est ça que le gouvernement fait? Non. Ce que le gouvernement fait, c'est qu'il dépose un projet de loi n° 134, avec 252 articles, à la toute fin de la session. Est-ce que les parlementaires auront le temps, d'ici le 23 juin, d'analyser les conséquences de 252 articles de loi? Non. Est-ce que les groupes auront le temps de faire connaître leur opinion complète sur l'ensemble de ce projet de loi? Non. Est-ce que le gouvernement veut imposer sa vision? Oui. Est-ce que c'est ouvrir le débat que de laisser aux parlementaires quelques jours seulement pour discuter d'un projet de loi très important qui va révolutionner les relations qui existent entre les intervenants à Montréal?

Il faut se poser des questions sur les motifs qui poussent le gouvernement à agir en toute vapeur. Si on voulait faire de la politique, M. le Président – puis ce n'est pas ça qu'on veut faire – ce qu'on ferait, nous, là, c'est qu'on s'arrangerait pour voter contre ce projet de loi tout de suite. On réglerait ça. Mais, pour le bien de tout le monde et de la région, ça mérite d'avoir un débat en profondeur sur le projet de loi n° 134, qu'on puisse l'analyser, en discuter, le bonifier, l'amender. Est-ce qu'on aura le temps d'ici la fin de la session? Bien évidemment pas.

M. le Président, vous savez, une image vaut mille mots, et j'espère que la caméra va être capable de capter ceci. Il y a des gens qui ont analysé les conseils métropolitains qui sont déposés, Montréal et Québec. Pourtant, en passant, Québec, on a décidé de la reporter, l'adoption de Québec, à l'automne. Sage décision. Pourtant, on n'est pas pressé en Outaouais, on ne l'a pas encore déposé. C'est le même conseil métropolitain. Sage décision. Mais, à Montréal, le rouleau compresseur, puis pas le petit rouleau compresseur, le gros rouleau compresseur pour les grosses routes, là.

Alors, voulez-vous savoir ce que les gens en pensent, en termes d'image, d'une communauté métropolitaine comme elle est présentée? Bien, c'est ça, M. le Président. Le spaghetti des réformes. Voyez-vous? Essayez de suivre la ligne. Même mon enfant de huit ans n'est pas capable de suivre ces lignes-là. Imaginez le citoyen de se retrouver dans cette structure. Le citoyen qui est aux prises avec un problème de déchets, il va appeler sa municipalité qui va lui dire: Bien là j'ai reçu une lettre, puis peut-être qu'il faut que je me fusionne, puis je n'ai plus de responsabilité là-dedans. Appelle la MRC. Là, il va appeler la MRC, puis on va lui dire: Bien, je ne suis plus certain, je pense que c'est le conseil métropolitain. Puis là on va appeler le conseil métropolitain, puis il dit: Non, non, non, ça, ça doit être la CUM parce qu'elle est encore là. Puis on va appeler la CUM puis ça ne sera peut-être plus là parce qu'il va y avoir une régie intermunicipale et alouette!

Ça, c'est ce qui est proposé en toute vapeur avec le rouleau compresseur, et on devrait dire oui à ça, on devrait fermer les yeux puis dire: Ah, allez-y, allez-y. Bien non, M. le Président. On donne la chance aujourd'hui au gouvernement de prendre son temps. Replaçons les choses dans leur contexte, prenons le temps d'analyser ça correctement.

M. le Président, trouvez-vous ça normal, vous, qu'on soit rendu à parler d'une réforme majeure, mais que les lois d'application viennent plus tard? Je parlais à mes collègues puis j'ai trouvé une analogie. Ça, c'est comme quelqu'un qui va acheter un petit chien dans un «pet shop», et là il est beau, le petit chien. Mais là le vendeur, il dit: Oui, mais, vous savez, monsieur, ce petit chien-là va avoir des besoins immédiats, il ne pourra pas se retenir. Et là la personne lui dit: Ah oui, mais ce n'est pas grave, je réglerai ces détails-là dans une semaine. Bien, la première semaine, il va être poigné avec des dégâts, hein. Bien, c'est ça qu'on nous propose avec ce projet de loi là. On achète le petit chien, mais on oublie qu'il a des besoins, puis on va passer l'été dans les besoins. Puis l'été, il fait chaud puis ça pue, ça ne sent pas bon.

Bien, ça, M. le Président, c'est ce que le Parti québécois nous propose, la réforme à l'aveuglette. Mon collègue hier disait: Bouger pour bouger, un petit peu comme le saumon dans le filet, il branle de la queue, mais il n'avance pas beaucoup. Il n'avance pas beaucoup, le saumon.

M. le Président, le Barreau du Québec, organisme neutre s'il y en a un, nous dit: Faites attention. Il ne dit pas ça comme ça, mais c'est ça qu'il veut dire: Faites attention. En deux pages, il nous dit: Ça n'a pas de bon sens! Vous êtes en train de créer des structures par-dessus structures et par-dessus structures. Le citoyen va se perdre là-dedans. Ce n'est déjà pas simple. Il dit: Faites donc attention, vous êtes en train d'augmenter le compte de taxes. Ça nous dit qu'il faut que les municipalités se sentent concernées, il faut qu'elles se sentent impliquées, et puis ce n'est pas le cas.

M. le Président, mon collègue vous parlait de ça tantôt. Une bien bonne chance qu'on n'ait pas adopté le projet de loi hier parce que, ce matin, il aurait fallu recommencer, parce que le comité aviseur s'est entendu pour changer la structure d'organisation qui a été proposée par la ministre. Hier, adopter ce projet de loi aurait mérité un amendement à la loi aujourd'hui. Qu'est-ce qui presse en cette fin de session? Peut-on prendre le temps de faire ça comme il faut?

(16 h 10)

Moi, M. le Président, j'ai confiance dans les élus du Québec, les élus municipaux du Québec. Ils sont en train de discuter à la table. Donnons-leur une chance. Pourquoi venir avec le bâton du législateur régler des questions qui n'ont même pas été abordées encore au comité aviseur? Donnons la chance.

M. le Président, quand le projet de loi n° 124 reste muet sur ceci... Et là je lis le livre blanc de la ministre à la page 41. Vous allez me permettre de lire ça, parce qu'il y a quelquefois où c'est intéressant, ce que le gouvernement écrit. Je vais vous lire ça.

«De même, quelque 61 organismes supramunicipaux – et on parle de la région de Montréal – y existent présentement, soit la Communauté urbaine de Montréal, 14 MRC, en plus des villes de Laval et de Mirabel qui sont également des MRC, trois sociétés de transport, la STCUM, la STL et la STRSM, 13 corporations intermunicipales de transport, les CIT – j'ai bien dit 13 – 28 régies intermunicipales et l'Agence métropolitaine de transport. Cela signifie 17 schémas d'aménagement différents sur le territoire de la RMR de Montréal et quatre organismes, soit les trois grandes sociétés de transport et l'Agence métropolitaine de transport procédant séparément à la planification du transport en commun. Les 61 organismes supramunicipaux de la RMR se partagent un budget global de près de 2 milliards de dollars et leurs dépenses d'administration totalisent environ 200 millions de dollars. Plus de 15 300 personnes y travaillent.»

Mais, de façon, j'imagine, bien volontaire, on oublie de continuer la liste des organismes: les CLD, les CR, les CLE, les régies, les régies régionales, les régions administratives, et on en met. Qu'est-ce que le projet de loi n° 134 dit sur cela? Qu'est-ce qu'il dit, ce projet de loi, sur les 61 plus-plus-plus organismes? Rien. Pas un mot. Muet. Néant. Vide. C'est ça que ça dit. Le silence en dit long.

Il arrive quoi avec ces organismes-là, M. le Président? Je ne sais pas. Est-ce qu'il y en a qui sautent? Je ne sais pas. Est-ce qu'il y en a qui se fusionnent? Je ne sais pas. Qu'est-ce qu'on fait avec les employés? Je ne sais pas. Ça va-tu coûter plus cher? Je ne sais pas. Ça va-tu coûter moins cher? Je ne sais pas. Ça va-tu être plus efficace? Je ne sais pas. On va-tu servir les citoyens mieux? Je ne le sais pas. C'est ça que 134 dit. Est-ce qu'on peut prendre le temps d'analyser ça correctement?

Je ne suis pas en politique depuis fort longtemps, mais des fois je me dis: Coudon, l'opposition, ça se peut-u qu'on ait toujours raison? Ça ne doit pas.

Une voix: Non, non, non!

M. Cholette: Mais ça se peut-u que des éditorialistes, eux, nous donnent raison quelquefois? Mettons que oui. Jacques Samson, dans Le Soleil du 6 juin, disait ceci: «La ministre des Affaires municipales, Louise Harel, a acheté les rideaux avant même d'avoir choisi la maison!» Moi, j'offre au gouvernement la chance d'au moins magasiner pour la maison. La ministre peut toujours garder ses rideaux, mais on peut-u décider des fenêtres avant? Qu'on s'assoie tranquillement là au cours de l'été, que les discussions aient cours, qu'on puisse discuter calmement de l'ensemble de cette réforme qui va influencer de façon importante la qualité de vie des citoyens de la région de Montréal.

On continue. M. Samson disait également: «Jamais l'expression "mettre la charrue devant les boeufs" n'aura trouvé plus belle illustration que dans ce forcing politique grotesque, même si un certain consensus se dégageait dans la région pour une révision de la communauté urbaine.» Évidemment, M. Samson fait référence à Québec, mais c'est encore plus vrai pour Montréal; Québec est reporté à l'automne. Si c'était bon pour Québec, ça doit être bon pour Montréal. Et déjà on avait des rideaux puis on n'avait pas de maison, à Québec. Imaginez à Montréal! On est en train de forcer cette réforme bien avant d'avoir les réponses qu'on doit avoir.

M. Samson conclut l'éditorial en disant: «Des dizaines de questions demeurent d'autre part sans réponses. Quels seront par exemple les impacts, entre autres, sur l'organisation et les coûts du transport en commun? Nous verrons plus tard... les structures d'abord, selon une obsession péquiste.» Ce n'est pas nous qui disons ça, c'est M. Samson, du Soleil . Alors, prenons le temps, regardons les impacts possibles, qu'on règle la maison avant les rideaux. C'est ce qu'il nous dit et c'est ce que nous proposons au gouvernement.

Est-ce que c'est raisonnable? Les gens qui nous écoutent, là, ils nous demandent: C'est-u raisonnable de demander de pousser le débat? Ça enlève quoi à qui, ça? On veut une discussion. Oups! J'ai utilisé un mauvais mot à l'Assemblée nationale, je m'excuse, M. le Président. Le mot «discussion», pour le gouvernement du Parti québécois, c'est un mot tabou. Je m'excuse. Je veux une collaboration, pas plus, parlementaire, d'accord. Je veux au moins ouvrir la discussion, M. le Président, pour que les gens, dans la région de Montréal, puissent discuter sans fusil sur la tempe.

En parlant de fusil, vous savez pourquoi c'est important de discuter? Parce qu'il y a quelque chose qui m'inquiète grandement, et c'est le projet de loi n° 124. J'aurai la chance tantôt, j'imagine, de reparler du projet de loi n° 124 qui est un peu le cousin propre de 134. À 134, ça dit: Je vais changer les structures supramunicipales à Montréal. Et 124 vient dire aux villes du Québec, aux municipalités du Québec: Faites attention, le gouvernement va forcer des fusions municipales partout au Québec. Alors, l'un va avec l'autre. D'ailleurs, c'est tellement vrai, que la ville de Montréal et les villes-centres sont venues nous dire en commission parlementaire, et je cite: «La création des communautés métropolitaines et le renforcement des communautés et des MRC ne doivent pas se retrouver en contradiction avec l'objectif de regroupement des municipalités locales. S'en remettre à la fiscalité d'agglomération uniquement, au renforcement des MRC – suivez ça – ou à la création des communautés métropolitaines sans réaliser des regroupements importants de municipalités ne contribuerait que partiellement à la rationalisation des services et des équipements ainsi qu'à l'émergence d'une vision commune et d'une unité d'action dans nos agglomérations.» Je vais vous résumer ça en pas beaucoup de mots. Pour ce qui est de Montréal, particulièrement, ils nous disent: Pas de communauté métropolitaine sans fusions municipales.

Bien, qu'on fasse le choix, là, au gouvernement. Qu'on nous le dise, c'est quoi, la liste des fusions municipales. Depuis plusieurs semaines, la ministre nous dit: Non, non, non, je n'en ai pas, de liste, il n'y en a pas, de liste. Je me donne le pouvoir de forcer tout le monde, mais je n'ai pas de liste. Ah bon! Puis, pourtant, la ville de Montréal dit: Ne me donnez pas de conseil métropolitain si je n'ai pas de fusions. Bon, bien, on peut-u attendre? Il n'y a pas l'air d'y avoir convergence d'idées là-dessus, ça n'a pas l'air de marcher, leur affaire. Est-ce qu'on peut attendre pour qu'il y ait des discussions et pour voir où on s'en va avec ça?

M. le Président, il faut donner la chance aux coureurs. Nous, on est prêts à regarder une structure souple et efficace, en termes de planification, au niveau régional. Mais on n'est pas prêts à regarder une structure souple et efficace quand tous les détails seront réglés plus tard, quand le citoyen ne s'y retrouvera plus, quand on fait juste rajouter des lignes de spaghetti dans toute cette complexité administrative là. On n'est pas prêts à embarquer dans une organisation où est-ce qu'on va rajouter des structures, où il n'y a personne qui saute quand on protège les syndicats. On n'est pas prêts à accepter que, finalement, le citoyen paie davantage pour pas plus de services. On n'est pas prêts à ce que le citoyen paie encore pour des structures mises de l'avant par le gouvernement s'il n'y trouve pas son compte. Et, présentement, on n'y trouve pas notre compte. Présentement, les citoyens ne s'y retrouvent pas, point à la ligne.

M. le Président, quand quelqu'un va acheter son petit chien au «pet shop», il devrait penser à tout ça la journée qu'il l'achète, pas une semaine plus tard, parce que, une semaine plus tard, il est déjà bien trop tard pour réparer les pots cassés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. En ce qui a trait au temps de parole, il reste 45 secondes à l'opposition et 28 min 15 s à la formation du gouvernement, et je devrai répartir un 5 minutes s'il n'y a pas de droit de parole de la part du député indépendant.

Alors, je suis prêt à reconnaître Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi et députée de Bourget. Mme la ministre, je vous écoute.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. Je remercie également mes collègues.

(16 h 20)

Le député de Hull a commencé son intervention, tout à l'heure, en voulant expliquer aux gens qui nous écoutent qu'est-ce qu'on était en train de faire à ce moment-ci, et il a dit: Nous sommes en train d'étudier une motion de report. Effectivement, l'opposition libérale nous propose, le plus sérieusement du monde, de reporter l'adoption du projet de loi n° 134 qui permettrait de créer une communauté métropolitaine pour la région montréalaise.

Je me pose la question: Au-delà du fait que l'opposition veut pousser par en avant un problème qui est déjà présent, pourquoi reporter à plus tard l'adoption de ce projet de loi? J'ai tenté d'en saisir les motivations profondes par l'intervention éloquente du député de Hull, au-delà de ses analogies allant du petit chien au saumon, parce que je pense que l'achat d'un chien et créer une communauté métropolitaine pour la région montréalaise, il me semble qu'on n'est pas dans la même dynamique, les enjeux ne sont pas les mêmes. Je veux bien que le député de Hull ait voulu être imagé, mais ce n'est quand même pas les mêmes gestes que l'on pose. Et je ne pense pas qu'on puisse réduire ces décisions que nous sommes en train de prendre, dans ce Parlement, au sujet de la région métropolitaine. Alors, pourquoi reporter à plus tard?

J'ai un souvenir très net – parce que je ne suis pas en politique depuis... enfin, j'y suis depuis quelques mois – lorsque j'étais une citoyenne qui observait l'actualité, qui était très intéressée à l'actualité, d'un moment qui, à mes yeux – en tout cas, dans ma prise de conscience, à moi, quant aux enjeux de Montréal et de la métropole – a fait basculer le débat, et c'est le rapport Pichette, au début des années quatre-vingt-dix. J'ai ce souvenir-là, comme citoyenne, parce que... Le souvenir que j'en ai – même si je n'en avais pas pris connaissance, je n'avais pas nécessairement à le faire – comme citoyenne, ce que j'ai gardé, ce qui m'est resté à l'esprit, du rapport Pichette, c'est que c'était la première fois qu'on était aussi clair, aussi clair autour du fait qu'il y avait besoin d'une instance plus large – aujourd'hui, on utilise le vocabulaire «supramunicipale» – forte pour la région de Montréal. C'est le souvenir que j'en ai gardé.

On était donc en 1992, 1993, c'est à cette époque que ce processus du rapport Pichette a été initié. C'était, à mon souvenir, Claude Ryan qui était ministre des Affaires municipales, qui était donc présent, qui avait donc, j'imagine, suivi ces travaux. Claude Ryan, d'ailleurs, qui a été, je pense, un bon ministre des Affaires municipales et qui nous a donné des signaux intéressants, ces derniers mois, en nous disant: C'est le temps d'agir. Je n'ai pas les articles, tout le monde les connaît, mais il nous l'a dit, aux Québécois et aux Québécoises: Il est temps qu'on agisse. Parce que, lui, il a peut-être eu une opportunité qu'il a manquée, à l'époque où il était aux commandes du ministère des Affaires municipales. Depuis, il s'est passé évidemment pas mal de choses. Tout le monde a eu l'espoir que le rapport Pichette soit le déclencheur d'une nouvelle dynamique, d'une nouvelle organisation pour la métropole. On a eu cet espoir-là, mais, pour toutes sortes de raisons, ça ne s'est pas fait.

Alors, je reviens un peu à ma question de départ: Pourquoi reporter à plus tard? Et, honnêtement, j'essaie de saisir les motivations de l'opposition officielle. La seule conclusion que j'en tire... Évidemment, vous allez me dire peut-être, M. le Président, que j'interprète les intentions de l'opposition, mais, à partir des éléments que j'entends, à partir de l'attitude de l'opposition officielle dans ce dossier-là, j'en conclus que la seule raison pour laquelle l'opposition libérale veut reporter, c'est qu'elle a peur. Elle a peur de pas mal de choses. D'abord, du changement, de déplaire, de faire face – de faire face – aux enjeux, pas de passer à côté, pas de les avoir en arrière, de les avoir devant elle. Elle a peur que ça bouscule, puis c'est vrai que ça bouscule, mais elle a peur de ne pas être capable d'y faire face.

Et moi, j'ai le sentiment profond que... C'est sûr qu'actuellement, ces derniers jours – on est très intensément penchés sur ce projet de loi n° 134 – certains craignent des éléments d'application de cette loi, mais j'ai le sentiment profond que nous avons tous la conviction que, lorsque dans 10 ans ou dans 15 ans nous regarderons comment la région métropolitaine s'est développée, nous dirons: Nous avons pris la bonne décision, et heureusement que nous l'avons prise à ce moment-là. Parce que j'ai aussi le sentiment profond que, si nous ne prenons pas cette décision-là maintenant, Montréal et la région métropolitaine ne pourront pas se développer, que même on peut faire face à certains dérapages, à un effritement des efforts que nous devons faire pour faire en sorte que la métropole soit une véritable métropole.

Pourquoi ce projet de loi? J'en connais évidemment les grands paramètres, mais revenons à des choses essentielles. Le Grand Montréal, c'est une métropole qui est de classe mondiale. Nous avons un bassin de population de la région, donc, de la région métropolitaine, c'est un bassin de population de plus de 3 millions de personnes, donc à peu près 47 % de la population du Québec. C'est donc un bassin important. Nous sommes au quinzième rang des agglomérations les plus populeuses en Amérique du Nord. Si on se compare, par exemple, avec la région métropolitaine de Toronto, cette région, à Toronto, elle a une population de 4,3 millions. Cette semaine, j'ai entendu notre collègue, député de Labelle, parler de ce projet de loi et de la création d'une vraie communauté métropolitaine avec beaucoup, beaucoup d'authenticité et de confiance. Et il a dit une chose très simple: Plus de 3 millions d'habitants, à première vue, ça peut sembler une ville assez costaude. Mais, dans le fond, on n'est pas dans les villes les plus populeuses en Amérique du Nord. Donc, il faut au moins se donner une chance de bien travailler ensemble, de regrouper tout ce qui est éparpillé pour se donner la chance d'être une véritable métropole.

Alors, pourquoi donc ce projet de loi? Parce que, aussi, la région métropolitaine de Montréal, c'est une population importante et c'est aussi un pôle économique stratégique pour le Québec. Et ça, c'est important de le réaliser. La région métropolitaine de Montréal, c'est 1,7 million d'emplois, c'est-à-dire à peu près 48 % de l'ensemble de l'emploi du Québec. C'est une production annuelle d'au moins 86 milliards de dollars, ce qui est à peu près la moitié du PIB du Québec. Un pôle stratégique pour le Québec, la région métropolitaine, c'est aussi un centre mondial de la haute technologie. Et je n'ai pas besoin d'en faire des démonstrations, nous le voyons tous les jours. Le vice-premier ministre se charge aussi de nous rappeler ces bonnes nouvelles, à quel point nous sommes très bien positionnés comme centre de haute technologie. Et nous avons d'ailleurs en Amérique du Nord... Cette région, c'est la première région en Amérique du Nord pour la densité d'emplois per capita dans ce secteur. C'est quand même exceptionnel que nous ayons réussi en très peu de temps à occuper un espace significatif dans la haute technologie.

La région métropolitaine de Montréal, c'est aussi quatre universités, c'est plus de 400 centres de recherche, c'est plus de 200 de ces centres de recherche qui sont reliés au milieu universitaire. Cette région métropolitaine de Montréal, elle a aussi la chance d'être localisée d'une manière très avantageuse pour les marchés de l'Europe, du Canada, de l'est et de l'ouest des États-Unis. Et c'est un lieu évidemment de convergence des principales infrastructures du transport au Québec.

La région métropolitaine de Montréal, c'est aussi un pôle d'attraction international. Nous avons, dans la région de Montréal, au moins 70 consulats, une bonne cinquantaine d'organismes internationaux, des sièges sociaux d'organismes internationaux. Il y a quelques semaines, on annonçait la venue du siège social de l'UNESCO dans la région de Montréal. Nous avons de nombreux sièges sociaux d'entreprises internationales, des centres financiers et bancaires. Montréal et ses environs, c'est le troisième lieu de congrès de spécialistes en Amérique du Nord. Ce n'est pas banal, on doit être fiers de ça.

C'est une industrie aussi, Montréal et sa métropole, une industrie touristique qui est en croissance. Nous avons la chance d'avoir des produits culturels qui ont une réputation internationale et qui ont pris origine dans la région métropolitaine. Et nous avons aussi une autre chance extraordinaire, nous avons une population qui vient de partout. Soixante-quinze langues sont parlées sur le territoire de la métropole, 120 groupes ethniques vivent ensemble.

(16 h 30)

Mais, malgré tous ces atouts, on dirait qu'on a l'art de ne pas s'aider pour les mettre en lumière, ces atouts, puis pour en faire plus. Pourquoi ne sommes-nous pas toujours dans le peloton de tête? Nous avons de graves problèmes de fragmentation des pouvoirs, des territoires et des services qui conduisent à une absence de vision métropolitaine. Et ça, je pourrais en parler des heures. On le sait à quel point tout est découpé de manière fine et complexe, les pouvoirs. Les municipalités font des petits bouts, la CUM en fait d'autres, la ville de Montréal en fait d'autres. On ne peut pas s'y retrouver et surtout on n'a pas une vision cohérente de ce qu'on doit faire pour la métropole. Et on le voit à bien des niveaux, en termes de planification du développement économique, en termes d'aménagement du territoire, on le sait, les problèmes que ça pose, que ce soit éparpillé, fragmenté, disséminé à droite et à gauche.

Mais ça va plus loin, et permettez-moi de l'illustrer concrètement. Ce n'est pas qu'en termes d'organisation du territoire que cette fragmentation cause des problèmes, ça déteint également sur d'autres réseaux de services publics. On peut penser à la santé qui elle-même a de la difficulté parfois à avoir cette vision métropolitaine. Pourquoi? Parce que les instances de base, qui ont à prendre des décisions de tous les jours qui affectent le quotidien des gens, sont elles-mêmes fragmentées.

Je regarde, par exemple, le réseau dont j'ai la responsabilité, le réseau d'Emploi-Québec, qui a à desservir la population en termes de services d'emploi, qui est divisé comme tous les grands réseaux par régions administratives. Nous avons donc une structure avec des directions régionales, et là aussi on doit faire un effort pour ne pas travailler uniquement à partir des territoires classiques. Parce que les gens, on le sait, peuvent habiter en banlieue, mais un grand nombre d'entre eux travaillent sur l'île de Montréal. Alors, dans nos propres services, on doit faire l'effort d'avoir une vision métropolitaine des services publics d'emploi. Alors, ça n'a donc pas un effet que sur l'organisation pratique des services pour la population, cette fragmentation des territoires, ça a un effet aussi pour les autres types publics qui s'adressent à la population.

Alors, on a donc des atouts. On a un certain nombre de problèmes, des pouvoirs, des territoires éparpillés, des services aussi éparpillés, un étalement urbain qui coûte cher à bien des niveaux. Nous avons des réseaux et des services de transport qui doivent être beaucoup plus cohérents, beaucoup plus en complémentarité les uns avec les autres. Nous avons des responsabilités aussi particulières qui pèsent sur la situation de la ville de Montréal. Et ça, il y a des députés en cette Chambre, de ce côté-ci comme de l'autre côté de la Chambre, qui sont des députés de l'île de Montréal et qui doivent être sensibles au poids que la ville de Montréal doit supporter à cause des problèmes de fragmentation.

Alors, comme je le disais, on a des atouts. L'opposition a peur, a peur de changer, a peur de déplaire, et pourtant c'est maintenant qu'il faut prendre les décisions. On ne peut pas se permettre de repousser ces décisions, même si ça peut paraître des décisions difficiles.

Moi, je vais vous dire qu'une des choses que je réalise de plus en plus dans ce rôle d'élue, de parlementaire, de députée, c'est qu'il faut faire en sorte que ce Parlement puisse être au-dessus de la mêlée. On sait tous que ce projet de loi suscite une adhésion de plus en plus solide et grande mais que, oui, il y a des gens qui s'opposent. Je pense que, tout le monde, on voit l'actualité et on se rend bien compte qu'il y a des gens qui s'y opposent. Mais, comme élus qui avons à porter une vision du Québec et d'un Québec moderne – pas le Québec des années quarante, cinquante, soixante qui nous a conduit au Québec d'aujourd'hui – on a des choix aujourd'hui à faire, à la lumière des enjeux d'aujourd'hui.

Parce que la situation a considérablement changé, nous n'avons pas le choix, nous devons faire face à la musique, et notamment à cette nouvelle donne qui est que nous sommes maintenant dans un univers qui est ouvert. Et on utilise souvent ces expressions de globalisation, de mondialisation. C'est un contexte moderne, de maintenant, qui n'était pas présent il y a 20, 30, 40 ans, il y a même 10 ans, et on doit se réajuster pour pouvoir y faire face et pour le bien-être de nos populations que nous devons desservir.

Alors, je réalise, dans ces fonctions, à quel point c'est important et surtout difficile d'être au-dessus de la mêlée et que, pour moi, la plus grande qualité d'un élu ou d'une élue, une qualité qui devrait se transporter auprès de l'ensemble des membres de cette Assemblée nationale, c'est d'être capable de prendre des décisions difficiles, des décisions qui ne sont pas toujours consensuelles, des décisions, sachant que ça bouscule à court terme. Surtout, on doit avoir cette capacité lorsqu'on a le sentiment profond que c'est la direction qu'il faut prendre pour l'avenir.

Alors, même si c'est un peu plus difficile maintenant, soyons honnêtes. Et je ne peux pas croire que l'opposition officielle ne partage pas ce sentiment que c'est vers cette direction qu'il faut aller. Il faut créer ce lieu cohérent, cette commission métropolitaine. Il faut le créer, parce que nous savons pertinemment que, dans quelques années, nous regretterons d'avoir attendu.

Alors, je termine, M. le Président, en disant simplement que, même si l'adoption de ce projet de loi nous demande de travailler très intensément, nous demande des efforts, comme parlementaires... J'entendais le député de Hull, tout à l'heure, dire: Qu'est-ce qu'on va faire avec tous ces articles? Oui, ça demande des efforts. Je pense que, pour Montréal, pour la région métropolitaine aussi et pour le Québec, c'est maintenant qu'il faut agir, et ce rendez-vous avec l'histoire, c'est maintenant que nous devons le conclure. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Nous allons maintenant poursuivre le débat. Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'apprécierais si vous pouviez m'indiquer le temps qui sera à ma disposition.

Mais, tout de suite, en entrée de jeu, M. le Président, je ne comprends pas qu'une telle motion de report ait pu être présentée, après que la commission parlementaire, qui aura entendu de nombreux mémoires, s'est fait dire, à de nombreuses reprises, à quel point il était urgent d'agir.

Je voudrais, M. le Président, citer notamment M. Claude Pichette qui est venu ouvrir les travaux de la commission parlementaire qui a entendu les mémoires sur le projet de loi n° 134, et M. Pichette nous a dit ceci, je le cite, c'était il y a à peine 10 jours de cela: «Les membres – il faisait référence aux membres du Groupe de travail sur Montréal et sa région, mis en place par le ministre Ryan en 1992, qui se sont revus à l'occasion de la publication et du livre blanc et du projet de loi n° 134 et qui ont préparé ensemble un mémoire que M. Pichette est venu, en leur nom, déposer en commission parlementaire – estiment opportun d'affirmer qu'il est temps que le gouvernement mette en place la Communauté métropolitaine de Montréal, car, selon nous, la grande région de Montréal a un pressant besoin de s'organiser au plan supramunicipal, comme nous l'avons montré dans notre rapport d'étape de janvier 1993 – il y a déjà sept ans, de ça – et dans notre rapport final de décembre 1993.

«Nous croyons utile, ajoute M. Pichette, d'inviter les leaders politiques de la grande région de Montréal à trouver une voie commune pour relever collectivement les défis métropolitains auxquels la population et les entreprises sont confrontées tous les jours.»

M. le Président, ça n'est pas une question virtuelle. C'est tous les jours que se pose la question de la métropolisation, à la fois pour ses citoyens – je pense, entre autres, à toute la problématique du transport en commun – mais également pour les entreprises.

(16 h 40)

M. Pichette ajoutait: «Même s'il est préférable d'obtenir un large consensus sur les réformes à effectuer, nous constatons que cela ne se produira pas et nous croyons que le gouvernement, responsable du bien commun, doit agir rapidement et fermement.» Alors, M. le Président, cela ouvrait les travaux de la commission parlementaire, et je dois dire que ça s'est continué sur ce ton durant une bonne partie de l'examen que nous avons fait des mémoires qui nous ont été présentés.

J'en veux comme preuve la présentation du président de l'Union des municipalités du Québec, M. Guy LeBlanc, maire de Trois-Rivières, qui concluait sa présentation en commission parlementaire, il y a 10 jours, par les propos suivants: «Mme la ministre, M. le Président, en conclusion, l'UMQ croit que le mode de développement municipal tel qu'il existe actuellement n'est plus acceptable. Ainsi, la création de la Communauté métropolitaine de Montréal marque un pas dans la bonne direction. Elle propose une structure mieux adaptée à la réalité économique des grandes agglomérations des années 2000. L'UMQ comprend toutefois que certaines municipalités peuvent émettre des réserves sur certains éléments du projet de loi.» Et, en finale, le président disait ceci: «L'Union des municipalités du Québec croit que la réforme réussira si elle tient compte de la diversité que l'on retrouve sur l'ensemble du territoire québécois et qu'elle se réalise dans l'intérêt du citoyen.»

Alors, je crois que nous avons déposé un projet de loi, nous l'avons annoncé le 3 mars dernier, ce n'est pas une surprise. S'il y a des gens qui ont considéré que le gouvernement n'allait pas aller de l'avant, comme il s'était engagé à le faire, ce sont des gens qui se sont habitués à ce que le gouvernement précédent n'agisse pas dans le sens qu'il avait d'abord annoncé. Ce n'est pas notre cas. C'est le 3 mars dernier que j'ai, au nom du gouvernement, annoncé la création de communautés métropolitaines, et c'est le 25 avril dernier que j'ai, au nom du gouvernement toujours, spécifié qu'il s'agirait, ce printemps, d'un projet de loi cadre portant sur les orientations seulement et qu'à l'automne serait ajouté un projet de loi d'application qui allait prévoir notamment la succession de la CUM et les modalités de mise en vigueur de cette Communauté métropolitaine de Montréal.

Alors, pourquoi aujourd'hui est-ce que cela ne deviendrait plus urgent, alors que le président du groupe de travail mis en place par le gouvernement précédent, qui a rendu son rapport il y a sept ans, vient nous dire: C'est plus urgent que jamais, agissez et agissez vite et fermement, alors qu'ici même, dans ce salon bleu, il y a de ça à peine un peu plus de 24 heures, des députés, dont le député de Verdun, dont la députée de La Pinière, disaient ceci, et je cite Mme la députée de La Pinière: «Non seulement nous y adhérons, nous y croyons et nous pensons qu'il est urgent que l'on puisse développer cette vision métropolitaine, qu'on puisse développer une concertation supralocale, qu'on puisse favoriser le regroupement des services municipaux», et ainsi de suite, n'est-ce pas? Urgent, M. le Président.

Alors, qu'est-ce qui a fait que, entre mercredi soir, n'est-ce pas – il n'y a pas 48 heures de cela – et cet après-midi, qu'est-ce qui fait que maintenant ce ne serait plus urgent, qu'il faudrait adopter une motion de report? C'est une énigme pour les membres de cette Assemblée, bien évidemment. Mais l'opposition nous a habitués, dans le dossier particulier des institutions locales et municipales, l'opposition, jusqu'à maintenant, nous aura habitués à un niveau de contradiction, de déclarations contradictoires entre les membres de l'opposition elle-même.

Alors, M. le Président, est-ce qu'il y a eu un nouveau caucus qui aurait fait pencher dans le sens contraire du précédent les orientations de l'opposition? C'est ce que je dois en conclure à ce moment-ci après avoir pris connaissance des déclarations faites par des députés de l'opposition durant le débat sur le projet de loi n° 134 il y a moins de 48 heures de cela.

M. le Président, je crois que, ici même, en siégeant à cette Assemblée, on n'est parfois pas suffisamment conscient d'à quel point la population veut qu'il se passe quelque chose de conséquent en matière de réorganisation municipale. Moi, j'ai vécu durant les derniers jours quelques expériences, entre autres ce matin, à l'occasion de la Semaine des municipalités, le Mérite municipal. J'ai eu à rencontrer des dizaines de maires aujourd'hui, mairesses et maires, et je peux vous dire que je ne compte pas sur une main les exceptions de ceux et celles qui m'ont dit au contraire: Continuez, allez de l'avant, ne lâchez pas. Surtout, ne reculez pas, ne reculez pas. Parce que ce n'est pas vrai que, à ce moment-ci, il faut que vous vous laissiez impressionner par la minorité qui veut que le statu quo continue comme avant. Et les gens sont conscients, dans le milieu municipal.

Alors, c'est bien certain, M. le Président, que cette motion de report ne peut s'expliquer que par des raisons autres que celles du projet de loi qui est devant nous. Je me suis dit: Peut-être que l'opposition souhaite retarder d'une façon générale les travaux pour ainsi pouvoir retarder d'autres projets de loi. Ça ne peut pas être celui qui fait l'objet de l'examen actuel, puisqu'ils entendent voter en faveur du principe. Et j'ai encore vérifié auprès de plusieurs députés de l'opposition, qui m'ont confirmé leur intention ferme de voter en faveur du principe du projet de loi n° 134.

Alors, c'est bien évident, M. le Président, que, pour toutes ces raisons, je souhaite qu'on puisse le plus rapidement possible procéder à l'adoption du principe et être capables, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, de faire le travail parlementaire qui s'impose quant à un examen approfondi de chaque article du projet de loi.

Vous le savez, M. le Président, cela fait déjà cinq ans que j'ai des fonctions ministérielles, et je mets au défi quiconque de prétendre que j'ai, à un seul moment, refusé de bonifier ou d'améliorer un projet de loi, quel que soit le côté dont me viennent des suggestions. Et je crois qu'il y a urgence d'adopter le principe du projet de loi n° 134 pour qu'on puisse faire cet examen article par article. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je serais prêt, à ce stade-ci, à reconnaître un autre intervenant du côté ministériel. Or, comme il n'y a plus d'intervenant du côté ministériel, à ce moment-là, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, vous avez 3 min 15 s plus 2 min 30 s.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. La ministre se posait la question suivante: Pourquoi reporter l'adoption du principe de son projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal?

(16 h 50)

Peut-être que la meilleure manière de la convaincre de la pertinence de reporter l'adoption, c'est de lui lire une lettre très récente signée par le bâtonnier du Québec, Me Denis Jacques. La lettre, datée du 2 juin – de ce mois-ci, donc – se lit comme suit – c'était adressé à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole: «Mme la ministre, le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, s'inscrit dans la foulée de la réorganisation proposée dans le livre blanc. Sans remettre en cause la volonté du gouvernement – donc, c'est le choix du gouvernement, le Barreau préservant sa propre neutralité ne veut pas mettre ça en cause, un choix d'orientation – de mettre en place une structure régionale, nous constatons le morcellement des responsabilités des municipalités régionales de comté ainsi que de la Communauté urbaine de Montréal au profit de la Communauté métropolitaine de Montréal sans que ces structures ne disparaissent.»

Oui, M. le Président, même avec sa traditionnelle tendance à démontrer de la réserve face à ces importantes questions, même le Barreau, qui, rappelons-le, est un organisme créé dans le seul but de veiller à la protection du public, a été contraint d'écrire à la ministre et de lui dire: Faites attention, vous êtes en train de faire la même chose que vous, comme gouvernement, faites tout le temps, vous ajoutez des structures sans les harmoniser avec ce qui existe déjà.

Pourquoi reporter l'adoption, donc, M. le Président? Parce qu'il y a encore beaucoup à faire. Pourquoi reporter le principe? Parce que c'est la septième fois en cinq ans que le gouvernement du Parti québécois propose une carte totalement différente. Que ce soit le ministre des Finances pour une question de taxes, le ministre des Transports, que ce soit l'actuel député de Laval-des-Rapides, qui est rendu ministre de la Sécurité publique, lorsqu'il était dans la même fonction, ils avaient toujours des cartes différentes pour faire quelque chose dans la région métropolitaine de Montréal. Il y a des incohérences, il y a des inepties. Même si effectivement l'idée d'une meilleure harmonisation demeure valable, le problème que souligne le Barreau n'a toujours pas été adressé par le gouvernement, et c'est pour cette raison qu'on demande de tout simplement reporter. C'est ça qui est visé par la motion qui est devant nous cet après-midi.

Je poursuis avec ma lecture des remarques du Barreau, M. le Président, parce que c'est important: «Le Barreau du Québec s'interroge donc sur la viabilité des municipalités régionales de comté dans les circonstances.» Ils continuent, il disent: «Or, nous croyons que cette duplication des structures – ce n'est pas nous qui le disons, ce n'est pas l'opposition, c'est le Barreau – n'entraînera peut-être pas la réduction des coûts escomptés – la ministre était obligée d'expliquer que non seulement il n'y avait pas de réduction des coûts, il y avait des augmentations – et éloignera le citoyen du pôle décisionnel pour lequel des orientations importantes sur sa vie quotidienne pourraient être prises. Le Barreau du Québec estime que le citoyen devrait être au coeur de cette réforme, alors que la structure proposée par le projet de loi n° 134 nous apparaît au contraire complexifier la chose.»

Ce n'est pas sans nous rappeler la situation des régies régionales, M. le Président. Le député de Charlesbourg avait pondu un rapport qui porte son nom, le rapport Rochon, dans lequel il disait: Il faudrait faire des régies régionales, il faudrait une nouvelle structure. Le deal, c'était que les régies régionales allaient désengorger les structures ici, à Québec. Qu'est-ce qu'on a eu à la place? 1 800 employés à travers le Québec dans des régies régionales, d'autre monde pour pousser du papier, échanger des notes de service avec le ministère qui, au lieu de subir un régime d'amaigrissement, a aussi gonflé parce que ça prenait plus de fonctionnaires pour répondre aux nouveaux fonctionnaires qui ont été mis dans les régies régionales. Quelle surprise de constater l'état lamentable de notre système de santé! Avec un gouvernement du Parti québécois, en face, qui vise toujours à privilégier les structures au lieu des services directs à la population, c'est le résultat inévitable.

Par ailleurs, étant donné qu'ils ne sont jamais capables de faire quelque chose pour rationaliser le nombre d'emplois dans les secteurs public et parapublic, le fait est que, lorsqu'ils doivent couper pour atteindre un équilibre budgétaire, la première chose qu'ils sont obligés de couper, c'est inévitable, c'est le service direct à la population. La dernière chose qu'ils coupent, c'est les structures. Et, au contraire, on a un autre bel exemple cet après-midi, on ajoute des structures.

Le Barreau continue en disant: «De plus, bien que le projet de loi vise une structure de planification et de coordination souple et peu exigeante, la lecture du projet de loi n° 134 nous laisse entrevoir plutôt une organisation nécessitant un appareil bureaucratique important.»

C'est notre point exactement, M. le Président, et c'est la raison primordiale pour laquelle on insiste. Il est opportun de reporter l'adoption du principe du projet de loi sous étude parce que ça propose des choses qui n'atteindront pas les buts recherchés des deux côtés de cette Chambre, M. le Président. Nous cherchons tous à livrer au moindre coût possible les meilleurs services...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je regrette. Je vous remercie, M. le député de Chomedey.


Mise aux voix

Alors, ceci met fin à notre débat sur la motion de report. Alors, je mets maintenant aux voix la motion de report. Que l'étude du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, soit reportée de six mois. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Rejeté. Alors, massivement rejeté. Donc, la motion de report est maintenant réglée, et nous allons continuer le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal. Alors, je serais prêt maintenant à céder la parole. Alors, puisqu'il n'y a plus aucun intervenant, est-ce que, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Pas à ce stade-ci.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division ou... Adopté. Alors, M. le...

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le principe du projet de loi n° 134 est donc adopté à l'unanimité des membres en cette Chambre. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Boulerice: M. le Président, je fais donc motion que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, puisque les adoptions de principe semblent bien aller, je vais vous en suggérer une autre, le projet de loi n° 124. Donc, je vous réfère à l'article 7 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 124


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 7 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend donc le débat ajourné hier soir, le 8 juin, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124? Je vous avise que le député de Shefford a été le dernier hier et il a fait motion pour ajourner le débat sans toutefois amorcer son intervention. Donc, cela ne le prive pas de son droit de parole ultérieurement. Alors, est-ce qu'il y a, à ce stade-ci, un député... Je vous prierais, si possible, de vous asseoir, parce qu'il y a tellement de députés debout que ça me cause un problème pour accorder le droit de parole.

Une voix: Article 32, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, à ce stade-ci, je céderai donc la parole au président du caucus de l'opposition.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: Je ne peux qu'appuyer la suggestion qui vient d'être faite par mon savant collègue le leader adjoint du gouvernement, que vous appliquiez l'article 32, notamment en demandant aux députés d'occuper le fauteuil qui leur est assigné.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup. Alors, à la demande des deux leaders adjoints, de l'opposition et du gouvernement, je prierais les députés qui ne sont pas assis à leurs banquettes respectives de le faire et ceux qui sont debout, de s'asseoir. Après, nous reprendrons les travaux. À la demande du leader adjoint du gouvernement, M. le président du caucus, je vous prierais d'aller rejoindre votre banquette.

Une voix: ...

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Je comprends, mais actuellement je ne peux pas recommencer mes travaux tant et aussi longtemps qu'on ne respecte pas l'article 32 de notre règlement, demandé par votre leader adjoint du gouvernement. Alors, merci beaucoup. M. le député de Westmount–Saint-Louis, on vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je pense que l'adoption de principe de ce projet de loi là va être un peu plus compliquée. Et, si j'en fais une analyse un peu plus approfondie, c'est un projet de loi qui nous amène vers une des visions gouvernementales qui font en sorte de chercher à organiser des fusions, éventuellement, des regroupements qui, si... Nous ne pouvons pas nous opposer à ce qu'il y ait des regroupements, sauf que nous nous opposons à ce que ces regroupements-là soient forcés. Nous pensons que les villes qui voudront se regrouper devront le faire avec l'aval de leurs concitoyens. Nous pensons que les citoyens sont suffisamment intelligents pour être capables de choisir et de déterminer s'ils ont l'intention ou s'il est dans leur intérêt de fusionner leurs services, de fusionner leur ville avec d'autres villes.

Nous pensons que toute la question de l'organisation de l'économie municipale, si on veut, devrait d'abord être fondée sur une réforme de la fiscalité municipale. Nous croyons que, depuis maintenant trois ans, lorsque le gouvernement a décrété une ponction de 356 millions de dollars sur les municipalités pour faire en sorte de corriger nos exercices financiers, ici, donc des années... de faire en sorte que nos budgets soient équilibrés, eh bien, nous croyons que l'État devrait remettre aux municipalités le 356 millions qu'il leur a soutiré depuis les trois dernières années.

D'ailleurs, le premier ministre et le président de l'Union des municipalités de l'époque, M. Laframboise, avaient convenu par contrat que, lorsque l'État aurait un budget équilibré, l'État ne refilerait plus de facture de 356 millions ou de ponction de 356 millions aux municipalités. Or, on se retrouve, M. le Président, dans une situation où l'État a un budget équilibré, et l'État continue à demander une contribution de 356 millions aux municipalités. Nous pensons que, pour l'équité de ce système fiscal, au départ on devrait cesser de demander cette récupération de 356 millions aux municipalités.

D'autre part, au dernier budget, on a vu le ministre des Finances, d'une part, annoncer que, pour l'année 2001-2002, il ne demanderait plus la récupération de 356 millions mais conserverait la taxe du gaz et de l'électricité dont les municipalités profitent actuellement. Et cette taxe vaut 324 millions, M. le Président. Alors, en deux mots, le ministre des Finances ne collectera plus le 356 millions des municipalités mais va conserver le 324 millions que les municipalités recevaient pour les taxes de gaz et d'électricité. Exemple, lorsque Hydro-Québec ou les sociétés gazéifères avançaient, apportaient, par exemple, des lignes électriques, eh bien, elles payaient une redevance aux municipalités dans lesquelles elles passaient. Même chose pour les pipelines, même chose pour les circuits de gaz naturel. Alors, le gouvernement garde cet argent-là, puis aujourd'hui, au compte-gouttes, la ministre des Affaires municipales, le ministre des Finances, le premier ministre annoncent qu'ils vont remettre une partie de cet argent-là au monde municipal.

Ça fait qu'en fin de compte, M. le Président, nous croyons qu'au départ une organisation fiscale passerait par la reconnaissance des municipalités comme étant des partenaires sérieux et loyaux de l'État. Pour y arriver, il faudrait d'abord nettoyer l'ardoise, nettoyer le tableau qui crée chez les municipalités une zone non seulement d'inconfort, mais les municipalités se sentent spoliées, se sentent volées par l'État. Et ça, M. le Président, il va falloir que l'État, il va falloir que le gouvernement du Québec rétablisse sa crédibilité vis-à-vis du monde municipal. La seule façon d'y arriver, ça sera de remettre au monde municipal les 325 millions, maintenant, de la taxe sur le gaz et l'électricité et ensuite de déposer une proposition fiscale qui se tienne un peu.

Ce n'est pas nouveau comme problème. La première fois que j'ai eu l'occasion de me pencher sur cette question-là, c'était en 1980, au moment où M. Parizeau était ministre des Finances et qu'il avait conclu, avec le monde municipal et le monde scolaire, un pacte fiscal, un pacte fiscal qui proposait au monde municipal de se départir de la taxe de vente. À l'époque, M. le Président, le monde municipal avait une partie de la taxe de vente comme revenu. C'était son seul revenu qui était en croissance réelle avec l'économie. Il avait des revenus, ses autres revenus venaient de la taxation foncière.

Or, le règlement de 1980 a fait en sorte que les municipalités ont accepté de se retirer du champ de la taxation sur le revenu pour transférer l'ensemble de leurs revenus sur le champ de l'imposition foncière, de l'impôt foncier. Et, pour arriver à cette entente, le ministre des Finances de l'époque, M. Parizeau, avait proposé que, désormais, le gouvernement devrait payer les taxes au complet sur les édifices gouvernementaux et paragouvernementaux. Je pense aux écoles primaires, secondaires, polyvalentes, aux cégeps, aux universités, aux hôpitaux, aux CLSC, à tous ces hôpitaux de soins de longue durée, etc., donc tous les organismes, tous les édifices, évidemment, administratifs de l'État.

Eh bien, les municipalités ont dit oui puis elles se sont fait encore avoir. Elles se sont fait avoir parce que le gouvernement a remonté un peu sa participation financière, ses «en lieu» de taxes, pour financer ces services municipaux, mais n'a jamais, mais n'a jamais contribué, comme un citoyen responsable, comme tous les citoyens le font, n'a jamais contribué, comme propriétaire, à financer les taxes foncières dans les endroits où elles se trouvent. Or, généralement, c'est dans les villes-centres qu'on trouve le plus grand nombre... le parc le plus grand d'édifices gouvernementaux.

Or, le projet de loi que nous avons devant nous cherche à essayer de faire en sorte... Par le biais de fusions, on prétend nous amener à une justice fiscale. Mais la justice fiscale puis l'équité fiscale, M. le Président, commencerait par une meilleure approche gouvernementale sur le dossier du financement des municipalités.

On remarque dans le projet de loi que la ministre se donne le pouvoir de décréter des fusions. Maintenant, les citoyens, vous n'avez plus rien à dire. Vous n'êtes pas assez fins – en deux mots, c'est ça que ça revient à dire – pour décider si vous pourriez, oui ou non, avoir la capacité de fusionner des services ou fusionner vos municipalités. La ministre va décider ça pour vous. Les gens réclament la possibilité de pouvoir faire des référendums sur ces sujets. On l'a vu à Montréal, sur l'île de Montréal, récemment. L'an dernier, ville Saint-Pierre a accepté de se fusionner, a fait un référendum de ses citoyens pour se fusionner à la ville de Lachine. Les gens ont décidé que, oui, ils se fusionnaient, ville Saint-Pierre et Lachine, parce que leur communauté d'intérêts démontrait que, dans ce cas-là, c'était une bonne chose pour les deux municipalités, Lachine et ville Saint-Pierre. Maintenant, la ministre se donne le pouvoir de décréter n'importe quelle fusion sur le territoire.

Si les citoyens sont assez fins pour nous élire les uns et les autres, ici, pour faire en sorte que nous siégeons à l'Assemblée nationale pour prendre des décisions pour l'ensemble de la collectivité, en principe, ils devraient être assez fins aussi pour déterminer c'est quoi, leur avenir. Quand ils ont décidé de s'établir dans une municipalité, c'était pour toutes sortes de raisons, parce qu'ils y appréciaient la qualité des services, parce qu'ils appréciaient l'endroit où ils ont acheté ou loué. En principe, ils devraient être assez grands pour savoir si cette ville qu'ils ont généralement adoptée leur plaît. Généralement, les gens, quand ils ne plaisent pas à quelque part, ils font, M. le Président, comme tout le monde, ils vendent puis ils déménagent, ils s'en vont ailleurs. On n'est pas obligé de les fusionner.

(17 h 10)

Et, quant aux fusions que prévoit le projet de loi, par exemple, pour faire en sorte de diminuer les coûts – parce que, si on fait des fusions, essentiellement, c'est pour diminuer des coûts; ça devrait être, en principe, pour faire en sorte de diminuer le niveau de taxation – or, ce n'est pas évident que le niveau de taxation va diminuer.

La plus grande partie de la dépense d'une municipalité, c'est quoi? La première partie, c'est ses dépenses de personnel. Et le projet de loi ne prévoit pas, contrairement aux recommandations du rapport Bédard sur la fiscalité municipale, du tout modifier les articles 45, 46 du Code du travail. Il y a des planchers d'emploi à certaines places qui resteront le lendemain d'une fusion, il y a des difficultés de raccordement de conventions collectives qui seront toujours là. Et le projet de loi ne prévoit rien à cet égard-là, un arbitrage éventuellement. Et ça, c'est une formule qui fait en sorte que... Je parlais de Lachine puis de ville Saint-Pierre. Non, Verdun et LaSalle ont décidé de fusionner leurs services de pompiers, M. le Président, ça fait deux ans. Ça fait deux ans que la fusion a été faite. Au moment où on se parle, il n'y a pas encore eu d'accord sur l'organisation de la convention collective des pompiers de LaSalle avec ceux de Verdun.

Et Mme la ministre nous convie à un grand spectacle son et lumière de fusions municipales dans lequel on n'aura pas discuté puis on n'aura pas réglé les problèmes de relations de travail avant de l'amorcer. L'article 2 du projet de loi n° 124 nous dit ceci: «Les fonctionnaires et employés de la municipalité dont le territoire est annexé totalement deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires et employés de la municipalité annexante et conservent leur ancienneté et les avantages sociaux. Ils ne peuvent être mis à pied ou licenciés du seul fait de l'annexion.» Donc, c'est quoi, l'avantage de l'annexion? C'est quoi, l'avantage financier qui pourrait s'appeler une réduction des coûts de la masse salariale? Il n'est pas là, c'est clair.

Le projet de loi annonce à l'avance qu'il n'y aura pas de réduction de coûts. En deux mots, ce que ça annonce, M. le Président: vous allez avoir des conventions collectives. Il y a des municipalités qui ont sept, huit, 10, 12, 20, 30 conventions collectives. Si on les annexe à d'autres, la municipalité voisine qui a aussi d'autres conventions collectives, eh bien, vous aurez ce phénomène de «cherry picking», où on va chercher la meilleure clause dans chacune des conventions collectives pour faire en sorte éventuellement d'avoir la convention collective qui a les meilleures clauses de toutes les conventions collectives par secteur d'activité de travail. Finalement, eh bien, ça coûtera beaucoup plus cher aux citoyens que de continuer dans la situation actuelle, où les municipalités ont le loisir et la capacité de négocier elles-mêmes leurs dossiers de relations de travail.

Même, je dois dire qu'en commission parlementaire sur l'autre projet de loi, le n° 134, le maire de Montréal est venu nous dire qu'il croyait encore au concept d'une île, une ville, concept qu'il défend. Je lui ai posé la question si on devait modifier les articles 45, 46, selon lui. Il est venu nous dire non. Il est venu nous dire non en commission parlementaire. Par contre, son concept une île, une ville s'appuie sur une étude qu'il a lui-même commandée à la firme SECOR, qui prétend qu'il pourrait y avoir des économies de 100 millions s'il y avait modification du Code du travail, donc modification des articles 45, 46.

Alors, même dans le cas d'une île, une ville, le projet pourrait avoir une certaine résonnance sur le plan financier, à condition de modifier le Code du travail. Or, le gouvernement nous annonce que non seulement il n'a pas l'intention de modifier le Code du travail, mais il veut s'assurer que tous les fonctionnaires et employés de la municipalité... Je vous cite le texte intégral de l'article 2 du projet de loi: «Les fonctionnaires et employés de la municipalité dont le territoire est annexé totalement deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires et employés de la municipalité annexante et conservent leur ancienneté et les avantages sociaux. Ils ne peuvent être mis à pied ou licenciés du seul fait de l'annexion.»

Vous allez avoir deux directeurs généraux, deux directeurs de service, pour chacun des services, des employés, chacun leur secrétaire, mais vous allez faire une annexion puis vous allez garder tout le monde. Brillant! Même les syndicats, M. le Président, se rebiffent parce qu'ils croient bien eux autres aussi qu'éventuellement ça pourrait entraîner des diminutions de personnel, et c'est un peu normal. Si vous faites le même service, si vous le donnez à un nombre un peu plus grand de population, il n'y a pas vraiment de raison de conserver l'ensemble de vos employés.

L'article 176, M. le Président: «Pendant sa durée, elle ne peut non plus avoir pour effet, au titre de l'harmonisation des conditions de travail jusqu'alors différentes appliquées aux salariés qu'elles vise, d'augmenter le total des dépenses annuelles de la municipalité relatives, à l'égard de ces salariés, à la rémunération et aux avantages sociaux de la nature des dépenses suivantes:

«1° les salaires, primes, allocations et indemnités de remplacement du salaire;

«2° les contributions de la municipalité, à titre d'employeur, aux régimes de retraite et d'assurances collectives et aux régimes publics, tels ceux de l'assurance maladie et de l'assurance-emploi et le régime de rentes du Québec;

«3° les cotisations versées à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et à la Commission des normes du travail;

«4° les autres avantages sociaux, tels le remboursement de congés de maladie, les bonis de vacances, les frais de déménagement et la fourniture gratuite de la chambre et de la pension.»

Ça, c'est des éléments de la masse salariale qui, prétend-on, ne peuvent pas augmenter. Mais, M. le Président, fondamentalement on se retrouve pas de pacte fiscal, avec une ministre qui est prête à faire des fusions par décret, sans consulter la population, sans que le citoyen, qui devrait être au coeur de nos préoccupations, soit celui qu'on écoute, qu'on observe, celui qui, en principe, devrait faire en sorte de nous faire travailler pour lui-même. Eh bien, non, le projet de loi n'a pas cette vision-là des choses. Le projet de loi nous amène plutôt carrément dans l'optique de donner à la ministre la capacité de pouvoir décréter des annexions n'importe où, n'importe quand sur le territoire du Québec.

Mais, du côté du gouvernement, il y a plusieurs personnes qui ont déjà donné des opinions sur la question des fusions, des fusions forcées, j'entends. M. Parizeau disait, au mois de mai 1997, au moment où il était premier ministre sortant: «Il y a toujours eu des appétits, disait-il – c'est M. Parizeau qui le dit – dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier, les fusions, en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Ça, c'est Jacques Parizeau.

Le premier ministre, député de Jonquière, dans le journal Le Réveil à Jonquière , le 14 novembre 1999: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.»

Le député de Joliette, devant la Chambre de commerce, à Joliette, le 1er novembre, l'an dernier: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer de la haine et des chicanes stériles.»

M. Charbonneau, M. le Président, je m'excuse, le président de l'Assemblée, député de Borduas: «Peu importe le résultat de la fusion, du référendum sur la fusion Mont-Saint-Hilaire–Otterburn Park, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle de Mont-Tremblant où la fusion pourrait, elle, être imposée.» Il ajoute que «plusieurs citoyens de Mont-Saint-Hilaire et d'Otterburn Park ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales».

Le député de Saint-Jean qui parle, parfois: «Bien sûr, des regroupement municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, et ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement», disait-il l'an dernier, 2 juin 1999. Le député de Saint-Jean déposait un projet de loi pour faire un regroupement des municipalités de son coin: Saint-Jean, Saint-Luc, L'Acadie, Iberville, en demandant aux citoyens... Le projet de loi prévoyait qu'il y aurait un référendum qui demanderait aux citoyens de donner leur opinion sur le regroupement de ces municipalités. La ministre des Affaires municipales n'a pas accepté ce concept, a plutôt fait en sorte de modifier radicalement le projet de loi déposé par le député de Saint-Jean, ce qui fait en sorte que finalement aujourd'hui on se ramasse, on se retrouve avec ces quatre villes-là qui, malgré le fait qu'elles auraient eu l'intention de se fusionner, sont toujours encore une fois non fusionnées.

M. le Président, la députée de Blainville nous disait: «Je pense aux citoyens. Si ça se traduit par une augmentation de taxes, je ne suis pas sûre que je leur rends service», en parlant des fusions.

Le député de Masson: «On fait notre travail de député. On est conscient des réticences de notre population et, à partir de ça, on fait valoir notre point de vue. Les gens sont inquiets.»

Le député de L'Assomption: «En ce qui me concerne, mon premier objectif est de défendre les intérêts des électeurs de mon comté.»

Il y en a plusieurs comme ça, M. le Président, je pourrais en citer longtemps.

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): En terminant, M. le député de Westmount–Saint-Louis, puisque le temps est déjà expiré.

M. Chagnon: Excusez-moi, M. le Président. Alors, en terminant, je pense que le projet de loi n° 124 ne correspond pas aux besoins réels d'une population qui voudrait voir que des fusions, si elles doivent se faire, doivent se faire avec leur consentement. C'est là notre politique, et nous allons...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous allons maintenant immédiatement céder la parole au député de Limoilou. M. le député.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président, de me permettre d'intervenir sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

La ministre, on se le rappellera, avait prévu de faire la réforme dans le monde municipal en deux temps: d'abord, créer des communautés métropolitaines; et étudier la fiscalité de l'agglomération et discuter du partage des équipements régionaux. Mais, avant même que l'on discute de la fiscalité de l'agglomération et du partage des équipements, et cela, dans chacune des régions du Québec, la ministre, même avant qu'on dépose le projet de loi n° 134 dont on parlait tout à l'heure et qu'on vienne même discuter du projet de loi n° 137 qui a été déposé après la date permise du 15 mai, alors que le projet de loi qui crée la Communauté métropolitaine de l'Outaouais n'est pas encore déposé, elle est venue déposer le projet de loi n° 124.

Qu'est-ce que le projet de loi n° 124, M. le Président, vient faire, vient donner comme pouvoirs au gouvernement? C'est ce qu'on va regarder ensemble. Et c'est pour cette raison que les gens sont devenus méfiants, méfiants parce que le projet de loi vient donner des pouvoirs à la ministre. On vient changer, modifier l'organisation territoriale municipale. Parce qu'il y a déjà une loi qui existe, une loi qui définit très bien les choses, dans le cas des regroupements des municipalités. La ministre vient déposer une loi parce qu'elle veut venir changer les règles du jeu. Elle vient dire au monde: Regardez, avant même qu'on crée les communautés métropolitaines, là l'objectif au bout de la ligne, c'est qu'il faut qu'il y ait moins de municipalités au Québec. Elle ne sait pas s'il va y avoir un avantage fiscal pour le contribuable, mais on a déterminé qu'il y aurait moins de municipalités.

Parce que, au fond, il y a une loi qui existe, puis la loi, elle dit quoi, M. le Président, la loi actuelle? Elle dit que, le regroupement, les municipalités qui le désirent peuvent se manifester auprès de la ministre. Autrement dit, ils prennent l'initiative de faire une démarche d'aviser la ministre qu'ils veulent se regrouper. On dit ça dans la loi, pas 124, dans la loi actuelle. C'est l'article 84 de la loi actuelle qui nous dit ça. Et le processus de regroupement peut être initié par l'adoption des conseils de chacune des municipalités d'une demande commune. Chaque conseil qui est intéressé de regrouper l'une avec l'autre, il en fait la résolution, il l'envoie à la ministre. Et on lui permet de faire ça à l'article 85, M. le Président. Autrement dit, l'initiative vient du milieu municipal. Toute personne qui est intéressée peut faire connaître son opposition à la ministre dans le cas d'un regroupement, à l'article 95, et la ministre peut décider qu'il y ait un scrutin référendaire.

Donc, deux choses, M. le Président. On permet l'autonomie, l'initiative aux municipalités par les articles 84, 85, en premier lieu, donc une démarche démocratique. Si jamais il y a des gens qui se manifestent, la ministre peut donner l'autorisation aux municipalités de faire un scrutin référendaire, donc respect de la volonté populaire. Pas de problème, M. le Président, on est d'accord avec le principe, on est d'accord avec cette façon de fonctionner. Même, ça va plus loin, M. le Président, à l'article 107 de cette loi, on dit que, si la ministre, elle, veut modifier la demande, elle doit s'adresser au conseil municipal et la faire entériner par le conseil municipal si elle veut changer les règles du jeu. Ça, c'est l'article 107 qui nous dit ça.

Puis, dans le cas des annexions, ce qui a été révisé en janvier 1998, M. le Président, on dit quoi? On dit que, pour qu'une annexion se concrétise, les personnes habiles à voter du territoire visé par l'annexion doivent nécessairement approuver la réalisation d'un tel projet. Donc, on doit y aller aussi par consultation. Ça, c'est ce que la loi actuelle dit.

Tout le monde est d'accord avec ça dans le monde municipal. Probablement qu'il n'y a pas un député ici, dans cette Assemblée, M. le Président, qui est contre ça. Mais, depuis qu'on a déposé la loi n° 124... N'oubliez pas, à partir du moment où la ministre a déposé le livre blanc, elle a donné un ordre pour traiter les choses, hein? On était supposé discuter de fiscalité d'agglomération, du partage des équipements, de créer des communautés métropolitaines, mais, avant même que ces lois-là soient déposées, elle est venue déposer la loi n° 124 pour modifier les principes que je viens de vous énoncer dans la loi existante.

Et là la nouvelle loi, maintenant, va venir faire quoi, M. le Président? Elle vient toucher, au fond, à deux principes fondamentaux, qui sont celui de l'autonomie et celui du respect de la démocratie, parce que, dans les faits, la ministre se donne carrément le pouvoir d'imposer des fusions. On n'a rien contre les fusions en autant qu'elles se fassent sur une base volontaire. La ministre, elle dit qu'elle n'a pas l'intention de l'utiliser, mais, avant même de commencer le processus, la première loi qu'elle a déposée cette session-ci, c'est la loi qui lui donne le pouvoir d'imposer des fusions. C'est-à-dire que maintenant elle peut tout simplement, par une demande qu'elle peut faire à deux municipalités, à trois municipalités, à quatre municipalités... Je vous demande de m'écrire pour me dire que telle municipalité, vous allez vous regrouper avec la municipalité voisine. Puis là, si vous ne le faites pas, je vais nommer un conciliateur, puis le conciliateur, il va étudier ça, lui. C'est la ministre qui va le nommer. Il va faire rapport à la ministre. Ça va être quelqu'un qui va être favorable aux fusions, naturellement. Il va émettre son rapport à la ministre. Puis la ministre, elle, pour mettre ça en force de loi, elle va faire quoi? Elle va émettre un décret. Le Conseil des ministres va voter un décret.

Voyez-vous comment les règles du jeu sont changées? Mais apparemment le gouvernement ne s'en servira pas. Mais, avant même qu'on commence le processus, M. le Président, elle est venue imposer, se donner... Par la loi n° 124, elle va venir se donner le pouvoir de le faire. Effectivement, on ne peut pas savoir d'avance si elle va le faire, mais elle a décidé de se donner les instruments pour le faire, autrement dit, la menace de dire: Écoutez, vous allez vous regrouper, parce que, si vous ne vous regroupez pas, je vais vous forcer à le faire. Et c'est ça que la loi n° 124 vient faire.

En plus de ça, moi, je regarde dans ma région, on a fait des consultations. Ce gouvernement-là, M. le Président, quand il décide de faire des référendums, il décide de consulter la population du Québec, là c'est bon. Quand on décide de consulter les citoyens dans les municipalités, ça, on n'a pas besoin de le faire. Nous, comme Assemblée, comme gouvernement, on est capables de vous dire ce qui est bon pour vous. Je regarde dans la région de Québec, M. le Président, parce qu'il y en a eu des consultations. Les maires, ils ont décidé de consulter leur population. Puis là la ministre, elle dit: Bon, bien, le taux de participation n'était pas si élevé. Ce qu'il est impressionnant de voir, c'est que plus le taux de consultation est élevé, plus le taux de refus est élevé.

(17 h 30)

Je vois le député de La Peltrie. Il en a eu, lui, dans son comté. Il y en a eu dans tous les comtés de la région de Québec, ce n'est pas compliqué. Il sait déjà les résultats, je vais les lui mentionner. Il les sait déjà d'avance parce qu'il les connaît très bien, les municipalités dans son comté, je le sais. Saint-Augustin, M. le Président, dans le comté de La Peltrie, une participation de 40 %, 40 % des citoyens se sont déplacés. C'est rien, là, ce n'est pas une élection, c'est une consultation, 40 %. 98 % des gens rejettent les fusions forcées. Dans Cap-Rouge, la participation est à 28 %, puis le taux de rejet est à 93 %. Voyez-vous, dans le cas où le taux de participation est le plus élevé, le taux de rejet est plus élevé. Le député en a sûrement entendu parler, je suis sûr qu'il en a entendu parler par ses citoyens. Je suis certain que ses maires, ils lui en ont parlé. Ça, je suis certain, parce que les maires, moi, m'en parlent régulièrement quand je les rencontre.

Dans l'Ancienne-Lorette, c'est le record de participation dans la région de Québec: 50 % des gens se sont déplacés dans la ville de l'Ancienne-Lorette, M. le Président. Dans le comté de La Peltrie, 98 % des gens ont dit non. Dans la ville de Sainte-Foy, 92 % des gens ont dit non, qui est dans le comté de Louis-Hébert, le ministre responsable de la Capitale. Dans la ville de Charlesbourg, 95 % des gens ont dit non. Dans la ville de Beauport, dans le comté de Montmorency, 91 % des gens ont dit non. Dans la ville de Sillery, ma collègue de Jean-Talon, des gens qui ont participé à 44 % ont dit non à 93 %. Dans le comté de Chauveau, un autre député de la région, la ville de Val-Bélair a dit non à 82 %. La ville de Lac-Saint-Charles, toujours dans le comté de Chauveau, 95 % des gens ont dit non. Dans la ville de Loretteville, toujours dans le comté de Chauveau, 84 % des gens ont dit non. Ville de Saint-Émile, 32 % de participation – pour tous les nommer – 96 % des gens ont dit non.

Ça fait une moyenne générale de 50 000 personnes dans la région de Québec qui se sont déplacées pour dire qu'elles ne voulaient pas se faire imposer des regroupements. Elles veulent décider. Puis que le taux ait varié entre 5 % de participation jusqu'à 50 % de participation... Le taux a joué entre 93 % et 98 %. Les deux plus hauts, c'est où le taux de participation a été le plus élevé. Apparemment, c'est rien. Le gouvernement a dit: On ne tiendra pas compte des consultations. Ce qui est assez décevant. Ce qui est extrêmement décevant.

En plus de ça, parce que le fond du problème, c'est le pacte fiscal, le monde municipal avait signé une entente avec le gouvernement. On avait dit: Jusqu'à l'arrivée du déficit zéro, vous aurez une facture à payer, au gouvernement, de 356 millions. Le déficit zéro est arrivé. Pourtant, pour l'année en cours, le budget de cette année prévoit toujours que les municipalités vont payer le 356 millions.

Mais là ils ont dit: À partir de la prochaine année budgétaire, de 2001, on a trouvé une nouvelle façon. Puis ça, on la retrouve dans la loi n° 124 maintenant. Ce ne sera plus une facture, aux municipalités, de 356 millions, M. le Président, qui était une facture, pour la région de Québec, pour l'ensemble des municipalités, de 25 millions. Non. On a dit: Les municipalités, vous recevez la taxe sur les télécommunications et l'électricité que vous percevez. Maintenant, c'est le gouvernement qui va la percevoir. Donc, on avait une facture de 25,5 millions pour la région de Québec. On a dit: On va respecter notre parole à partir de l'année prochaine, même si on ne l'a pas respectée immédiatement au déficit zéro, on va aller chercher un revenu que vous avez, de 24,6 millions, pour la région de Québec. Il y a un écart de 1 million.

Mais ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est quand vous regardez les profits d'Hydro-Québec qui s'en viennent dans le plan quinquennal de 2000 à 2005... Le ministre des Finances, lui, il le sait. Une belle astuce, parce que le bénéfice net d'Hydro-Québec va passer de 900 millions à 1,6 milliard. Il y a de la taxe là-dedans. C'est le gouvernement qui va aller la chercher. Donc, ça va être des revenus qui vont être en croissance pour le gouvernement. Lui, le gouvernement, puis le ministre des Finances ont compris ça.

Autrement dit, la perte de revenus que les municipalités vont avoir, au lieu d'envoyer un chèque au gouvernement sur la facture du gouvernement qui était de 356 millions – même si elle est pour 2001 de 320 millions – montera probablement à 400, 450, 500 millions qu'on va aller chercher et qui étaient au profit des municipalités. Et ça, ça va affecter automatiquement toutes les municipalités dans la région de Québec qui percevaient les revenus de cette taxe qui maintenant iront directement dans les poches du gouvernement.

On était toujours supposé d'avoir un pacte fiscal pour les municipalités. Encore là, il n'y a rien dans la loi n° 124, qu'on étudie, qui vient donner un gain au contribuable. La plus belle preuve, M. le Président, c'est que, quand le chef de l'opposition a posé la question au premier ministre, qu'on a posé la question à la ministre des Affaires municipales, jamais elle n'a pu s'engager, garantir qu'il y aurait un gain pour le contribuable, jamais. Jamais, M. le Président, on n'a pris cet engagement-là.

Pourtant, il y a un paquet de collègues de l'autre côté de l'Assemblée, des députés ministériels, qui ne sont pas très, très à l'aise avec ça, M. le Président. Je pourrais en nommer au moins trois pages. Pour n'en citer que trois, l'ex-premier ministre, M. Parizeau, dans le journal Les Affaires , en 1997: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales – que dirige la ministre qui a la responsabilité du projet de loi n° 124, M. le Président – de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – c'est-à-dire les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

Pourtant, c'est le discours de la ministre. Apparemment, c'est pour le bien du monde qu'on va faire ça, M. le Président. Le premier ministre, le 14 novembre 1999, dans le journal de Jonquière, Le Réveil : «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.»

Pourtant, c'est une démarche gouvernementale. C'est lui qui est responsable de l'État, et il dit à sa ministre: Dépose une loi, la loi n° 124, puis on va se donner le pouvoir. S'il y en a qui ne veulent pas comprendre puis qui ne prennent pas l'initiative de nous écrire, nous autres, on va leur écrire. Si ça ne fait pas, on va leur envoyer un fax, on va les appeler, on va leur suggérer. S'ils ne veulent pas, on va leur nommer un conciliateur, M. le Président. Je le sais, ça a créé le chaos dans la région de Québec. La Loi sur la Communauté métropolitaine de Québec n'était même pas déposée, on n'a même pas eu la chance encore de débattre du principe, on n'a pas eu le temps de faire nos consultations qu'on a déjà fait les consultations sur la loi n° 124 puis on est déjà au débat sur le principe. On a chargé le fusil puis on attend. On espère que tout le monde va écouter.

Puis il y en a, des experts, qui sont venus se faire entendre. La ministre nous cite régulièrement des experts qui sont venus nous voir; elle nomme toujours ceux qui font son affaire, M. le Président. Pourtant, il y a en d'autres qui sont venus ou qui ont écrit dans le cadre de certains colloques ou qui ont fait des études, qui sont spécialisés dans ce secteur. Je pense à Jacques Desbiens, qui est professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi: «L'idée que les fusions conduisent systématiquement à une réduction des dépenses est un mythe qui ne résiste pas à l'examen des faits.» Et c'est pour ça que le premier ministre et la ministre des Affaires municipales n'ont jamais pu confirmer en cette Chambre qu'il y aurait un gain pour le contribuable, jamais. Jamais, M. le Président!

M. François Desrosiers, professeur à l'Université Laval, il dit quoi? «L'argument qui veut que les municipalités québécoises soient trop nombreuses et trop petites peut donc être sérieusement remis en cause. Le simple fait que des regroupements municipaux aient été réalisés ailleurs au pays ou à l'étranger n'est pas en soi une preuve de l'efficacité de cette approche et ne permet donc pas d'en conclure que c'est la voie à suivre.»

C'est sûr, M. le Président, qu'il y a des experts qui vont avoir un point de vue favorable, mais ce n'est pas tout le monde. Puis l'expérience d'ailleurs ne nous démontre pas que les contribuables vont en retirer un profit, pas du tout. On n'a pas vu non plus, dans le livre blanc de la ministre, jamais on n'a vu l'assurance d'une réduction d'impôt foncier et des taxes municipales, jamais on n'a vu une réforme de la fiscalité qui était juste et équitable, incluant une diversification des revenus, jamais elle n'a proposé des modifications au Code du travail.

Là, on vient dire qu'on va respecter les conventions collectives quand on va fusionner deux municipalités qui vont avoir... Et, des fois, dans la même municipalité, on peut retrouver plusieurs conventions collectives, cinq, six, sept, huit, 10 conventions collectives. Là, on va en fusionner avec celles de la voisine, on va peut-être être rendu avec 12, 15 conventions collectives. Personne ne va avoir de pertes, on va respecter les conventions de tout le monde. Quand on va arriver en période de renouvellement de conventions collectives... Les syndicats sont venus en commission, M. le Président – vous faites bien de m'aviser, il me reste une minute, j'aurais encore beaucoup de choses à vous dire: On va respecter les conventions de tout le monde.

Ça fait que, quand on va arriver en période de négociation de conventions collectives, pensez-vous que ceux qui ont les conventions un petit peu plus basses du taux horaire vont vouloir rester à ce tarif horaire là? On va respecter ceux qui vont être plus hauts. Automatiquement, ceux qui sont plus bas vont aller au plus haut, M. le Président. Ça va être ça, le résultat, donc une augmentation de coûts pour les contribuables. Puis on ne veut pas toucher aux articles 45, 46. Il n'y a rien de prévu dans le livre blanc, il n'y a rien dans les lois qui prévoit ça, M. le Président.

(17 h 40)

Du côté de l'opposition officielle, M. le Président, qu'est-ce qui nous a guidés et qu'est-ce qui nous guide dans le monde municipal? C'est simple, on prône l'autonomie du monde municipal; on prône une fiscalité qui est plus juste; on prône le respect de l'identité locale; on prône la simplification des structures, ce qui n'est pas évident avec ce que la ministre nous propose, même avec la création des communautés; on prône l'amélioration des services à la population; on prône le respect du citoyen.

M. le Président, on va se prononcer contre la loi n° 124 parce que le gouvernement qui est en place...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Limoilou. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Mont-Royal. M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. À mon tour de parler sur le projet de loi n° 124, projet de loi qui, malheureusement, donne à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole le pouvoir de forcer des fusions, le pouvoir de forcer deux ou plusieurs municipalités à s'associer.

M. le Président, le Parti libéral du Québec et moi personnellement, nous ne sommes pas contre les fusions en soi. Ce contre quoi nous sommes, ce sont les fusions forcées, tel que le projet de loi permettrait à la ministre de faire. Nous ne sommes pas contre les fusions, mais nous sommes contre des fusions qui se feraient à n'importe quel prix, à n'importe quel prix économique et à n'importe quel prix démocratique.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous parler d'une ville, qu'est-ce que c'est qu'une ville pour moi. Pour moi, une ville, c'est un endroit que l'on choisit. Que l'on choisit pourquoi? Que l'on choisit pour la qualité de ses services, pour le rapport entre la qualité de ses services et les taxes qu'elle nous demande. C'est un endroit que l'on choisit à cause de l'environnement que ça nous procure, le plaisir que ça nous apporte, au niveau familial, d'y vivre, la beauté de cette ville, de cet environnement.

Les loisirs qui y sont offerts, quels sont-ils? Comment sont-ils organisés et quels sont-ils? Est-ce qu'ils peuvent satisfaire des garçons et des filles? Est-ce que, par exemple, le bénévolat est très présent dans cette ville ou cette municipalité? Quel est l'environnement sécuritaire pour les enfants, pour la famille, etc.? Comment loin suis-je de mon travail? Proche ou loin, enfin selon mon désir. Quelle est la densité de la population qui y vit? Est-ce que j'aime mieux vivre dans un endroit comme, par exemple – pour prendre un exemple – l'île des Soeurs, où la densité de la population est très élevée, où j'ai peut-être des gens qui n'ont pas de famille ou peu de gens qui ont des familles, par rapport à un endroit comme ville Mont-Royal, où c'est plutôt familial? Est-ce que la ville bénéficie de parcs, d'organisations qui peuvent me permettre d'avoir des loisirs? Est-ce que mes conseillers et le maire sont accessibles?

Alors, ce sont toutes ces descriptions, M. le Président, qui nous servent à choisir une ville plutôt qu'une autre. C'est ce qu'on appelle communément la qualité de la vie dans une ville plutôt que la qualité dans une autre. Ça ne veut pas dire que c'est mieux, mais ça veut dire que ça correspond à vraiment ce que la personne désire. Et c'est un choix important. Rappelez-vous, M. le Président, votre propre choix quand vous avez décidé de vous établir dans une municipalité. Absolument fondamental, essentiel et important que ces conditions qui répondent à vos besoins soient remplies.

Donc, une ville, M. le Président, c'est comme bien d'autres choses, c'est un choix. Et, par conséquent, forcer des municipalités à se fusionner, entre vous et moi, c'est faire une atteinte à ce choix que j'ai fait personnellement de dire: Je vais vivre dans la ville de Mont-Royal plutôt que de vivre dans la ville de Saint-Laurent, par exemple – pour prendre un exemple – ou dans la ville de Hull, comme mon confrère ici. Alors, mon choix, donc, a été... Pourquoi, donc, on m'imposerait de fusionner avec une autre ville?

Deuxième question que j'aimerais vous poser, M. le Président, c'est: Qui a vraiment sollicité ces fusions dont on nous parle, ces fusions forcées dont on nous parle? Est-ce que c'est le citoyen? En tout cas, je peux vous dire une chose, ce n'est sûrement pas le citoyen de ville Mont-Royal. Parce que voici ce qui était écrit au niveau d'un éditorial dans Le Journal de Mont-Royal : «L'année prochaine, vos taxes augmenteront de 50 %, les programmes communautaires et de loisirs diminueront de moitié et nos enfants n'auront plus aucune garantie d'accéder à quelque activité sportive que ce soit. Tel est le résultat vraisemblable d'une fusion de notre ville avec Montréal.»

Ça, c'est ce que les gens de ville Mont-Royal pensent. Alors, ce ne sont sûrement pas les gens de ville Mont-Royal qui ont demandé cette fusion-là, et je ne pense pas que ça soit l'ensemble des citoyens de la province de Québec. Ceux qui demandent ces fusions-là, ce sont les péquistes, de l'autre côté, c'est la ministre d'abord et avant tout et aussi supportée d'une façon importante par le premier ministre du Québec, malheureusement.

Le projet de loi n° 124, M. le Président, est, à mon point de vue, une atteinte à la démocratie, de la même façon que le projet de loi n° 107, qui est la loi qui force l'équilibre budgétaire dans le réseau de la santé, de la même façon que la loi sur la Régie de l'énergie, la loi n° 116. Toutes ces lois-là portent atteinte à la démocratie du citoyen du Québec.

Permettez-moi, maintenant, M. le Président, de parler de l'objet, quelques instants, de cette loi. L'objet de cette loi est, si je lis ce qui est écrit, «de favoriser l'équité fiscale – donc, favoriser l'équité fiscale – et de fournir au citoyen des services à un coût moindre ou de meilleurs services à un coût égal». Alors, permettez-moi d'en douter parce que tout ce que j'ai entendu de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et non seulement son projet de loi, mais tous les documents qu'elle a déposés pour supporter ce projet de loi là ne démontrent en aucune façon que les taxes baisseront.

En Chambre, M. le Président, à maintes reprises, mon collègue de Hull a posé de nombreuses questions à la ministre, de nombreuses questions au premier ministre, et en aucune occasion ni la ministre ni le premier ministre ont dit et ont voulu s'aventurer pour dire au public québécois: Voici, les fusions municipales forcées qu'on propose vont baisser vos taxes ou vont améliorer vos services. En aucune façon. Et je ne sais pas combien mon collègue de Hull a posé de questions, mais je sais qu'il en a posé de nombreuses fois. Et vous semblez d'accord avec moi d'ailleurs, M. le Président.

Les documents qui ont été présentés ont souvent d'ailleurs prouvé le contraire. Permettez-moi d'en parler, de deux seuls, parce qu'ils sont importants. Le premier, c'est la commission Bédard. La commission Bédard disait, et je cite: «On peut cependant s'interroger sur la capacité des fusions à engendrer des économies. Diverses études démontrent, d'une part, que les dépenses per capita tendent à augmenter après fusion, car la qualité et la quantité des services ont tendance à s'ajuster au plus haut dénominateur commun – ça, ça veut dire que les salaires, par exemple, tout le monde va s'enligner sur les salaires les plus élevés – et, d'autre part, que l'effet des coûts unitaires de production – c'est-à-dire l'efficience – est incertain. Certaines économies d'échelle sont en effet possibles, mais des unités de service trop importantes peuvent donner l'inverse.» C'est-à-dire, M. le Président, ce que la commission Bédard nous dit, c'est que de toute façon on arrive rapidement à des rendements décroissants en termes d'économies à mesure que les municipalités grandissent.

Permettez-moi un autre rapport, celui qui avait été commandé par justement la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Elle a commandé une étude qui a été réalisée sous la gouverne de l'INRS, section urbanisation. Et voici ce qu'ils disent: «Jusqu'à ces dernières années, on entendait fréquemment l'argument suivant: le regroupement des municipalités contribue à l'amélioration de la capacité financière et administrative des municipalités qui y recourent. Sans que cette argumentation ne soit pas abandonnée, elle n'est plus utilisée avec la même conviction par les promoteurs de la formule. Les recherches académiques tout comme les évaluations issues des organismes publics et parapublics ne permettent pas d'affirmer que la fusion des municipalités entraîne des économies d'échelle dans tous les cas ou même dans la majorité des cas. Plusieurs auteurs soutiennent volontiers que les principales vertus du regroupement municipal ne doivent pas être recherchées du côté des économies d'échelle.»

(17 h 50)

Alors, M. le Président, ces deux rapports de gens sérieux, la commission Bédard et l'INRS, qu'est-ce qu'ils nous disent? Ils nous disent: Ne cherchez pas des économies d'échelle du côté des fusions, c'est absolument prouvé que ça n'existe pas.

Alors, M. le Président, les fusions forcées, ce n'est donc pas la solution pour favoriser l'équité fiscale entre les différentes municipalités, mais, comme mon confrère de Hull le disait, plutôt par les négociations d'un nouveau pacte fiscal, que lui-même propose d'ailleurs. Et ce n'est sûrement pas, comme on vous le disait voilà quelques instants, en forçant une facture encore de 356 millions, alors que le déficit zéro a été atteint puis que ça devait disparaître à ce moment-là, ou encore en ne permettant plus aux municipalités de toucher le résultat de la TGE que nous allons parler d'un nouveau pacte fiscal, M. le Président. Il est important, comme mon collègue le recommande, que les municipalités aient accès à de nouvelles sources de revenus pour faire face à ce qu'on leur demande comme obligations aujourd'hui pour satisfaire la population de chacune de ces villes-là.

Alors donc, M. le Président, c'est clair que, si c'est une question de pacte fiscal, les fusions, ce n'est pas ça qui répond. Tantôt, je vous ai parlé que fusionner, ça ne veut pas dire nécessairement un moindre coût. Permettez-moi de vous parler de deux choses qui démontrent, à mon point de vue, clairement que fusion n'égale pas moindre coût, bien au contraire.

Voici ce que la loi dit. La loi dit ce qui suit, que, suite à une fusion «les fonctionnaires et employés de la municipalité dont le territoire est annexé totalement deviennent, sans réduction de traitement, des fonctionnaires et employés de la municipalité annexante et conservent leur ancienneté et leurs avantages sociaux. Ils ne peuvent être mis à pied ou licenciés du seul fait de l'annexion». Alors, autrement dit, les bénéfices qu'on pourrait en retirer, la loi même nous les enlève. Alors donc, on ne trouvera pas de baisse de coûts.

Deuxièmement, les articles 45 et 46 du Code du travail, combien de fois on en a parlé. Ce n'est pas pour rien que souvent les salaires dans les municipalités sont plus élevés que ceux de la fonction publique, provinciale ou fédérale. Pourquoi? Parce que souvent les municipalités ont les deux mains liées dans leurs négociations à cause de ces articles 45 et 46. Donc, les villes, les municipalités doivent être libérées de ces articles-là, doivent être libérées des planchers d'emploi et on doit leur permettre d'être capables de faire de la sous-traitance. Si on ne fait pas ça, M. le Président, c'est sûr que les fusions municipales n'apporteront aucun, aucun résultat. Donc, obligation d'éliminer les planchers d'emploi et permission à ces municipalités d'être capables d'aller faire de la sous-traitance.

Tantôt, je vous parlais, M. le Président, d'atteinte à la démocratie. Alors, la ministre, d'une part, elle ne veut pas consulter et, d'autre part, elle refuse d'accepter les consultations que plusieurs municipalités ont faites au cours des dernières semaines. Alors, d'une part, la ministre ne veut pas en faire elle-même et puis elle refuse ceux qui en font, avec les résultats... Tantôt, mon confrère de la région de Québec vous parlait de différentes municipalités, vous donnait des résultats, tous en haut de 90 %. La ministre n'écoute pas. Elle n'écoute pas la population puis elle n'écoute pas même son propre parti.

Je vous rappelle certains commentaires de certaines personnes assez bien placées dans le Parti québécois, M. le Président. M. Parizeau. M. Parizeau, ce n'était pas n'importe qui, c'était autrefois le premier ministre et chef du Parti québécois. Il disait: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement mais pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.» M. Parizeau disait ça.

Le premier ministre actuel et aussi chef du Parti québécois disait, en novembre dernier – novembre dernier, ça ne fait pas longtemps, ça fait quoi, sept, huit mois: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Je ne comprends pas, M. le Président, que le premier ministre pense comme ça en novembre 1999 puis qu'en juin 2000, six mois plus tard, il pense totalement différemment. Il y a un problème dans le Parti québécois, c'est sûr.

La ministre nous parle souvent de l'Ontario; elle nous cite l'Ontario en exemple. Permettez-moi de vous parler des États-Unis. Moi, j'aime mieux parler des États-Unis. La ville moyenne, aux États-Unis, est de 3 000 habitants par rapport à celle du Québec, qui est de 5 300. Il n'y a pas eu de fusion aux États-Unis depuis 1898, pas 1900, là, je ne me trompe pas, depuis 1898, aucune fusion. Boston est constituée de 101 municipalités. La ville même de Boston, dans l'agglomération municipale, compte seulement pour 20 % de la population; Atlanta – c'est une ville importante, ça – a 102 municipalités; Cleveland, 146; Minneapolis–Saint-Paul, 189; San Francisco, la population de San Francisco même ne compte que pour 18 % de l'agglomération urbaine.

Alors donc, à ce moment-là, je vous dis une chose: Les fusions municipales, ce n'est pas ça qui empêche des villes d'être de classe mondiale, bien au contraire. Les fusions municipales rendues à l'extrême, ce que ça fait, ça entraîne la bureaucratie, ça entraîne les dépenses et finalement des taxes plus élevées.

Alors, M. le Président, on pourrait aussi parler de Toronto. Les députés péquistes ont eu des rencontres avec les députés de Toronto, ils leur ont dit qu'est-ce qu'ils pensaient. Puis je vais juste vous rappeler la conclusion de M. Beaulne, député péquiste de Marguerite-D'Youville. Il dit, après avoir écouté les collègues de Toronto: «Nos collègues nous ont mis en garde contre la tentation de réaliser des fusions pour les mauvaises raisons. Ils ont rappelé que les fusions ont un prix. Elles n'améliorent pas nécessairement la vie démocratique municipale et elles n'engendrent pas nécessairement une diminution des dépenses. Reste à savoir si nous sommes prêts à envisager cela.» Ça, là, c'est des députés péquistes qui disent ça après avoir rencontré des gens de Toronto qui vivent dans le moment encore les effets de cette fusion non sollicitée.

Alors, M. le Président, en conclusion, je vous ai démontré que la population est contre les fusions, les péquistes sont contre les fusions... Ha, ha, ha! C'est quoi qui se passe? Je ne comprends pas. Alors, pourquoi vous pensez qu'on pense comme ça, nous autres aussi? On est à l'écoute des citoyens du Québec. C'est pour ça qu'on est contre les fusions et c'est pour ça que nous allons voter contre le principe de la loi n° 124.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Le temps est maintenant écoulé. Nous allons suspendre nos activités jusqu'à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonsoir à vous tous. Si vous voulez prendre place et vous asseoir. Alors, nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 124 quant à son adoption de principe, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

M. Boulerice: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...je retire mes propos, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: ...valider avec le leader adjoint de l'opposition. On m'avait dit qu'ils étaient prêts déjà à procéder à l'adoption du projet de loi, mais il ne semble pas... Non?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre les travaux pour quelques instants pour que vous puissiez vous parler.

(Suspension de la séance à 20 h 7)

(Reprise à 20 h 08)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Veuillez vous asseoir. Merci.

Alors, après une discussion entre les deux leaders adjoints, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de sports et loisirs, M. le député d'Anjou. M. le député, la parole est à vous.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai eu peur un instant de ne pas pouvoir m'exprimer parce que, effectivement, je peux vous dire une chose: dans mon comté, on en a des choses à dire sur ce projet de loi là – je vois le leader adjoint – puis je peux vous dire une chose, on en a, puis pour plus que 20 minutes.

On en a, M. le Président, parce que, habituellement, c'est toujours intéressant de pouvoir prendre la parole ici, en Chambre, de s'adresser, parce que, comme député, on a l'impression d'amener des projets de loi qui visent à améliorer le sort de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Je pense que c'est le but recherché par l'ensemble de la législation, puis c'est ce qui fait que, comme député, on travaille ici, à l'Assemblée nationale, on met beaucoup d'énergie.

(20 h 10)

Mais je dois vous dire que le projet de loi n° 124, M. le Président,est tout autre. Le projet de loi n° 124, je ne pense pas qu'il vise à améliorer la qualité de vie des citoyens et des citoyennes que je représente, moi, dans le comté d'Anjou. C'est un projet de loi qui, on le sait, vise à forcer des fusions municipales au Québec. On serait tenté de penser que ça aurait possiblement deux impacts. D'une part, mes concitoyens et mes concitoyennes qui nous écoutent aujourd'hui se verraient assurer par la ministre des Affaires municipales de payer moins de taxes, parce qu'il faut le rappeler, les gens du comté d'Anjou qui nous écoutent ce soir, les gens des 124 autres comtés également, vous êtes les citoyens et les citoyennes les plus taxés en Amérique. Est-ce que ce projet de loi là vise à faire en sorte que les gens dans le comté d'Anjou vont payer moins de taxes? Non. Non, M. le Président.

Même, lors d'une interpellation avec la ministre, je lui ai offert l'opportunité de m'assurer que mes citoyens et mes citoyennes allaient voir leur compte de taxes diminuer. Elle n'a pas pu le faire. Je me suis dit: Bon, bien, si on paie plus cher, c'est parce que vous êtes en mesure de me dire, Mme la ministre, que les gens qui habitent ville d'Anjou vont avoir plus de services. La neige va être enlevée plus rapidement, les plates-bandes vont être coupées plus souvent, il va y avoir plus d'activités mises à leur disposition. Même pas, M. le Président. On n'a pas été capable, à nouveau, de me dire que, en payant plus cher, il y aurait plus de services. Qu'est-ce que ça nous laisse devant nous? Ça laisse un projet de loi qui vise à assouvir une idée, une vision qui existe dans ce gouvernement-là, qui est celle que le citoyen du Québec importe peu.

On l'a mentionné, plusieurs municipalités au Québec ont tenu des référendums sur les fusions forcées. Et, dans des proportions énormes, les citoyens ont dit non. Ils ont dit non pourquoi? Ils ont dit: Est-ce que cette fusion-là ou les fusions proposées par la ministre vont augmenter ma qualité de vie? Puis, dans le fond, c'est l'objectif qui est recherché par les citoyens et citoyennes et c'est l'objectif qui anime les 48 députés de l'opposition.

J'espère que mes collègues d'en face, mes collègues du côté ministériel, sont animés de cette même motivation. Je pense que oui. Je pense qu'ils ont à coeur les intérêts de leurs citoyens et citoyennes. Parce que, je le répète souvent, qu'est-ce que les députés, tant au provincial qu'au fédéral, les élus municipaux, les élus au niveau scolaire ont en commun? C'est qu'ils vont puiser dans les mêmes poches. On a des champs de juridiction différents, on a des champs d'intervention différents, mais il y a une réalité commune, c'est que ce sont les mêmes citoyens et citoyennes qui paient, qui paient des taxes scolaires, qui paient des taxes municipales, qui paient des impôts au provincial, qui paient des impôts au fédéral.

Ce qui devrait nous animer chaque jour comme députés à l'Assemblée nationale, c'est de s'assurer que nos citoyens et citoyennes en ont plus pour leur argent et qu'ils paient moins, tout en ayant plus de services, si c'est possible. On s'attendrait à ce que la ministre des Affaires municipales nous propose quelque chose comme ça, eh bien, non, M. le Président. On l'a vu, elle passe par-dessus les volontés des citoyens. Ce n'est pas important pour elle.

On a même eu une situation complètement absurde où, à la dernière session, c'était l'opposition qui essayait de maintenir en vie un projet de loi dans la région de Saint-Jean parce que la ministre d'elle-même avait décidé de le torpiller en commission parlementaire. Pourquoi? Parce qu'elle avait une idée bien précise en tête, et on a le résultat devant nous aujourd'hui, on a le résultat devant nous et on l'a eu dans le dossier de Mont-Tremblant et de Saint-Jovite, c'est qu'elle a décidé que de Québec elle imposerait une vision, sa vision, aux citoyens et citoyennes qui, jusqu'à la dernière heure, pensaient sincèrement qu'ils pouvaient décider de leur propre gré de choisir d'habiter Anjou, d'habiter Saint-Léonard, d'habiter Montréal-Nord, d'habiter ville Saint-Laurent, que représente avec beaucoup de brio mon collègue le député de Saint-Laurent. Je pense que ces gens-là, c'était une décision. Et ces décisions-là étaient faites en fonction de quoi? Elles étaient faites en fonction de la qualité de vie, des taxes qu'ils payaient, des services qui étaient offerts par ces municipalités-là.

Bien, aujourd'hui, M. le Président, on se retrouve devant une ministre qui nous dit: Plus rien ne tient; j'impose, moi, ma vision. Et j'ai hâte de voir, parce que c'est partout, c'est partout à travers le Québec qu'il y a des réactions. C'est la réaction dans la région de Québec, dans la région de Montréal, au niveau de la couronne nord. Au niveau de la couronne nord également, on nous le mentionne à plusieurs reprises, ces gens-là ne souhaitent pas avoir de fusions forcées et ils l'ont mentionné. Il y a un référendum en fin de semaine, on va voir. On me dit que ce sont les maires qui s'opposent à ça. Je pense que c'est lundi que les résultats seront connus, on pourra voir et juger si la voix des citoyens et des citoyennes des comtés de la couronne nord pourra se faire entendre.

M. le Président, il y a eu énormément d'opinions qui ont été formulées là-dessus. Il y a eu l'opinion des citoyens et des citoyennes qui, aux quatre coins du Québec, ont formulé le souhait bien légitime qui est le suivant, c'est de dire: Laissez-nous le privilège de décider ce qu'on veut. Laissez-nous le privilège de choisir notre mode de vie. Laissez-nous le privilège de choisir notre ville.

M. le Président, des fusions volontaires – il y a eu bon nombre de déclarations à ce sujet-là, je vais vous en citer d'ailleurs, au cours des prochaines minutes, quelques-unes – à mon sens puis au sens des citoyens et des citoyennes, ont des chances de réussite parce qu'on respecte la volonté de ces citoyens-là qui, je le rappelle, sont ceux qui paient des impôts à Québec, mais aussi qui paient des taxes municipales, on le sait. Ils sont en droit, je pense, de s'attendre à ce qu'on puisse respecter leur volonté lorsque vient le temps de choisir l'organisation de leur mode de vie.

Des citations, il y en a eu plusieurs. Il y a eu celle du premier ministre, 14 novembre 1999 – ça ne fait pas longtemps, M. le Président – je sais que le premier ministre, ça lui est arrivé à quelques occasions de changer d'idée, mais c'est un autre virage: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» C'est plein de bon sens, ce qu'il dit là. Lui, ce qu'il nous dit, c'est: Écoutez, on peut... Dans le fond, des fusions sur une base volontaire... Moi, M. le Président, quand j'entends la ministre dire: Je ne peux pas attendre après des citoyens qui ne se décident pas pour fusionner... Pourquoi est-ce que les citoyens et les citoyennes, dans certains coins, ne fusionnent pas? C'est parce que ce n'est pas avantageux pour eux. Pourquoi ils iraient faire des fusions? Pour satisfaire la ministre, tout simplement? La question qu'ils se posent, eux, c'est: Est-ce que j'ai un avantage? Est-ce qu'en me fusionnant avec la ville à côté, avec le village à côté, en se regroupant, est-ce qu'on va avoir des meilleurs services, est-ce qu'on va baisser notre compte de taxes? Non. Mais, dans les endroits où c'est avantageux, les gens le font. Les gens le font parce qu'ils y trouvent un avantage. Les gens le font parce que, sur une base volontaire, ils décident d'y mettre les énergies nécessaires pour une réussite.

La réponse, peut-être, au niveau de la pertinence de ce projet de loi là, on la trouve dans une déclaration d'un autre sage du Parti québécois, M. Parizeau, l'ancien premier ministre et chef du Parti québécois, qui disait: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.» M. le Président, c'est une affirmation quand même d'un homme qui a été premier ministre du Québec, a assumé de nombreuses fonctions dans plusieurs gouvernements, a été un haut fonctionnaire – hier, on parlait de la Révolution tranquille – un homme qui a vu bon nombre de gouvernements, des administrations puis qui nous dit: Écoutez, là, on ne se contera pas d'histoires, ces fusions-là, c'est pour satisfaire l'appétit de la ministre et de son ministère.

Où est le citoyen là-dedans? Et ça devrait être une préoccupation. Mais c'est ça qui est fascinant, c'est que ça devrait être une préoccupation des 125 députés de l'Assemblée nationale et ça devrait être en tout premier lieu une préoccupation de la ministre des Affaires municipales. Elle devrait se demander... non pas pour se simplifier la vie à elle ou simplifier la vie à ses fonctionnaires, mais bien pour faire en sorte de donner des meilleurs services, de donner un essor à Montréal et aux autres régions du Québec. Un argument d'ailleurs qui a été invoqué à de nombreuses reprises par la ministre, qui, à mon sens, n'est pas en soi convainquant pour forcer autant de fusions forcées sur l'île de Montréal et dans la grande région métropolitaine, la ministre nous dit: Écoutez, on est dans un milieu excessivement compétitif. On se doit, comme gouvernement, de faire en sorte d'avoir une grosse ville pour être plus efficace sur le plan international. Je vais vous avouer, M. le Président, que, moi, ça ne me convainc pas du tout et ça ne convainc pas non plus les citoyennes et les citoyennes de mon comté.

(20 h 20)

Qu'est-ce qui attire au Québec ou à Montréal des entreprises? C'est la main-d'oeuvre, c'est la qualité de nos infrastructures, de nos universités, c'est notre capacité comme société à fournir une main-d'oeuvre qualifiée, efficace et en quantité, en abondance suffisante pour faire en sorte que ces entreprises-là puissent, au sein même de la région métropolitaine, au sein même du bassin de la région métropolitaine, trouver les employés pour opérer les activités de l'entreprise qu'on voudrait attirer au Québec. C'est ça qui fait en sorte que le Québec, que Montréal peut attirer chez elle des entreprises, pas le fait que ce soit une municipalité de 3 millions de population ou une municipalité de 1 million.

Il y a des industries qui viennent s'implanter à Anjou, il y a des industries, M. le Président, vous le savez très bien, qui s'implantent à Saint-Léonard, qui s'implantent à ville Saint-Laurent, qui a un parc industriel, tout comme Anjou au cours des dernières années, qui connaît un essor intéressant. Ces entreprises-là sont venues d'ailleurs pourquoi? Parce qu'elles y trouvaient leur compte. Elles y trouvaient leur compte. Et ça, la ministre ne semble pas vouloir en tenir compte. La ministre préfère dire: Bien, ville Saint-Laurent, ça devrait être un quartier, pour qu'on puisse, après ça, dire qu'il y a une entreprise à Montréal.

Mon collègue de Mont-Royal nous a donné une nomenclature des différentes municipalités en Amérique. Quand on parle de Boston, que c'est constitué d'une agglomération de plus d'une centaine de municipalités, Boston en soi, ce n'est pas une ville énorme, ce n'est pas 7 millions ou 8 millions, mais Boston, c'est prospère. Silicon Valley, ce n'est pas une énorme municipalité qu'on a fusionnée de force. On a réussi à attirer des talents, on a réussi à créer une synergie dans un endroit. Et c'est ce qui devrait être fait à Montréal.

Et je l'ai dit, qu'est-ce qui attire des industries à Montréal? C'est la qualité des infrastructures. Bien, la ministre préfère forcer des fusions, pensant mettre un plasteur sur le bobo plutôt que d'aller voir son collègue ministre de l'Éducation ou son collègue ministre des Finances puis dire: Pourquoi vous n'investiriez pas pour vrai dans nos universités? Pourquoi vous ne procéderiez pas à un réinvestissement significatif et massif dans nos cégeps pour faire en sorte que les jeunes au Québec soient adéquatement formés, pour faire en sorte que les jeunes au Québec constituent une main-d'oeuvre attirante pour les industries, pour faire en sorte que les jeunes du Québec soient, aux yeux des investisseurs, qu'ils soient Américains, Canadiens ou Européens, mieux cotés que les jeunes des autres provinces canadiennes, pour faire en sorte que ces industries-là se disent: L'endroit, si je veux aller investir en Amérique, c'est le Québec, c'est la région de Montréal parce que j'y trouve des conditions favorables, des conditions gagnantes, pour reprendre une expression qui est chère aux membres d'en face?

Mais ce n'est pas, M. le Président, de forcer des fusions. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui pense sincèrement qu'il y a une industrie qui est actuellement en Californie qui se dit: Moi, je ne veux pas déménager à Montréal tant que ce n'est pas fusionné? Y a-tu quelqu'un, là, qui peut sérieusement soutenir ça? Pourtant, ça devrait être ça, la préoccupation de la ministre, de dire: On va amener des industries, on va alléger le fardeau, on va amener des nouvelles entrées fiscales à Montréal, on va le régler, on va réaliser un véritable pacte fiscal avec la ville, c'est ça.

Moi, il y a des gens dans mon comté qui me disent: Comment ça se fait que le gouvernement du Québec ne paie pas la totalité de ses taxes municipales? Est-ce que, en soi, ça ne serait pas une solution pour régler une partie des problèmes financiers de Montréal? Je ne le sais pas. Mais, en tout cas, pour ces gens-là qui paient – je le rappelle – les taxes et les impôts les plus élevés en Amérique, ça leur allume une lumière, parce qu'ils se disent: C'est drôle, moi, je ne paie pas des «en lieu» de taxes puis des «en lieu» d'impôts. Je les paie toutes, et ne vous inquiétez pas que, s'il en manque, le gouvernement va venir nous voir. Mais ils se disent: Pourquoi le gouvernement n'applique-t-il pas lui-même cette politique-là?

Imaginez-vous, M. le Président, pour la ville de Montréal, si le gouvernement payait la totalité des taxes, je pense que le maire Bourque ne serait peut-être plus aujourd'hui en train de revendiquer une île, une ville. Je pense que le maire Bourque y trouverait son compte. Mais, bien plus important que le maire ou les conseillers municipaux, les citoyens et citoyennes de Montréal y trouveraient leur compte parce que ça serait des entrées fiscales nouvelles pour la ville et ça permettrait de baisser les taxes municipales à Montréal, qui sont très élevées, je n'ai pas besoin de vous le rappeler.

M. le Président, une autre question, je pense, que bon nombre de citoyens et de citoyennes se posent, ils se disent: Si on veut nous imposer des fusions, c'est parce que, en quelque part, le gouvernement s'attend à ce qu'il y ait une rationalisation des services, et le gouvernement s'attend, dans le fond, à ce qu'on puisse baisser la facture. Bien, c'est avec un étonnement, je pense... Si les citoyens à la maison ne le savaient pas, je vais les en informer: le gouvernement s'est assuré d'une chose, c'est qu'il n'y ait pas un emploi de perdu, pas un sou de diminution. Autrement dit, ceux qui se disaient: Bien, une fusion, ça pourrait être envisageable parce que, vous savez, il y a deux postes de pompiers à deux coins de rue de deux villes différentes, un poste de pompier pourrait peut-être satisfaire. Bien, vous aurez peut-être juste un poste de pompiers, mais vous allez avoir les pompiers des deux postes. Ça fait que oubliez les économies, oubliez ça parce que le gouvernement a dit: Non, je m'assure que ce ne soit pas touché.

Et des groupes de jeunes, d'ailleurs, l'ont soulevé encore cette semaine. Il est à souhaiter, M. le Président, que le gouvernement ne fasse pas comme lors de la récupération du 6 % en allant puiser dans la poche des jeunes travailleurs qui veulent tenter de se joindre... Par le biais des clauses orphelin, on se souviendra de cette attitude-là du gouvernement qui avait lui-même indiqué aux villes comment procéder.

Une autre citation, M. le Président, parce que c'est souvent donné en exemple par la ministre: Toronto. Toronto, c'est extraordinaire. Bon, bien, le message fondamental que nous donnent nos amis Ontariens, c'est qu'il y a des avantages aux fusions, mais c'est beaucoup mieux si ces fusions émanent de la base, résultant d'une volonté de fusion plutôt que d'une imposition par voie légale. François Beaulne, député péquiste de Marguerite-D'Youville.

M. le Président, jusqu'à présent, Toronto, qui est citée en exemple, c'est... Il n'y a personne qui a réussi encore à faire la fusion des conventions collectives. Les députés ontariens qui proviennent même du gouvernement qui a imposé ces fusions-là nous disent: Écoutez, ce n'est peut-être pas un modèle à suivre, ce n'est peut-être pas un modèle universel à appliquer.

Moi, ce que je vous dis, M. le Président, ce soir, c'est qu'il y a beaucoup de gens dans le comté d'Anjou qui sont excessivement inquiets parce qu'ils ont l'impression que leurs intérêts ne sont pas défendus par la ministre. Ils ont l'impression que, comme simples citoyens, ils n'ont pas droit au chapitre. On leur dit: Si vous voulez vous exprimer sur cette question-là par le biais de référendums, on prend les résultats et on les met à la poubelle. Même si l'opposition réclame ça, même si les maires et les conseillers municipaux réclament ça, la ministre avance, impitoyable, implacable, elle a une idée en tête et elle va décider elle-même qu'est-ce qui est bon pour les citoyens du comté d'Anjou. Ça fait que, s'il y en a qui nous écoutent ce soir, on vous le dit: Votre opinion ne compte pas. Vous payez des taxes, vous payez des impôts, ce n'est pas bien grave pour la ministre.

M. le Président, je pense qu'il y a un grand oublié au centre de ce débat-là – on n'en parlera jamais assez – c'est le citoyen et la citoyenne. On est ici, à Québec, on est ici encore ce soir, on a de longues heures comme députés, on est ici pour représenter les citoyens et citoyennes qui nous ont envoyés ici, qui nous paient des impôts, qui paient des taxes au niveau des municipalités. On est là pour les représenter, et je pense que c'est la moindre des choses, comme députés à l'Assemblée nationale, qu'on les écoute, qu'on écoute ce qu'ils ont à dire, qu'on respecte aussi le choix qu'ils veulent faire pour leurs familles, pour la qualité de vie qu'ils veulent se donner, pour les infrastructures qu'ils veulent se donner, pour le mode de gestion qu'ils veulent se donner comme municipalité. Et je trouverais excessivement dommage, M. le Président, que les gens d'Anjou, qui ont mis des années à bâtir une ville à leur image, se voient priver par la ministre du privilège de choisir la ville qui leur convient. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Et je cède la parole à M. le député de Portneuf.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président, c'est juste en vertu de 213. J'aurais aimé savoir si le député d'Anjou accepterait une question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Portneuf, est-ce que vous permettez une question au député... Est-ce que vous permettez une question en vertu de 213?

M. Lamoureux: ...

(20 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non? Est-ce que vous permettez? Non. Alors, si vous voulez poursuivre le débat, et je cède la parole maintenant au porte-parole de l'opposition officielle en matière de lois professionnelles et député de D'Arcy-McGee. M. le député, la parole est à vous.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole ce soir au sujet du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, Bill 124, An Act to amend the Act respecting municipal territorial organization and other legislative provisions. Les notes avant ce projet de loi nous apprennent que ce projet de loi prévoit différentes mesures visant notamment à favoriser le regroupement de territoires de municipalités locales. Ce projet de loi accorde au ministre des Affaires municipales et de la Métropole le pouvoir d'exiger, s'il y est autorisé par le gouvernement, que certaines municipalités locales lui présentent, dans le délai qu'il prescrit, une demande commune de regroupement. Le projet de loi prévoit que, pour aider les municipalités à remplir cette obligation, le ministre peut nommer un conciliateur. Il prévoit également que, si le ministre ne reçoit aucune demande dans le délai, il peut demander au conciliateur nommé ou, à défaut qu'il nomme, de lui faire un rapport de la situation.

Également, this bill provides that the Minister may have the Commission municipale du Québec carry out an opportunity study in respect of amalgamations of municipal territories. The intervention of the Commission may be requested as well by local municipalities whose number and aggregate population are greater than half of the number and aggregate population of the local municipalities affected by the amalgamation.

M. le Président, de ces remarques, laissons-nous faire une distinction importante entre des fusions forcées et des fusions volontaires. Une fusion volontaire est le résultat d'ententes negociées de bonne foi et avec l'appui des populations concernées entre deux ou plusieurs municipalités. Le Parti libéral du Québec, son chef et les membres de son caucus, dont je fais partie, ont toujours été et sont en accord avec le concept de fusion volontaire. Ce que nous rejetons et sans équivoque est cette volonté du gouvernement du Parti québécois d'imposer des fusions. C'est, à mon avis, antidémocratique et démontre le peu de respect que témoigne ce gouvernement envers les élus municipaux et les citoyens qu'ils représentent.

M. le Président, nous, de l'opposition officielle, avons pleinement confiance dans le jugement, les connaissances et compétences des citoyens de notre province envers le choix qu'ils font de savoir s'ils veulent ou non fusionner avec les municipalités avoisinantes.

À la lecture du projet de loi, et plus particulièrement aux paragraphes des notes explicatives dont je vous ai fait lecture, force nous est de constater, même si nous le savions déjà, que le gouvernement péquiste est de plus en plus arrogant, déconnecté de la population et encore moins à l'écoute de la population qu'il ne l'a jamais été. Est-ce que le gouvernement du Parti québécois va nous dire maintenant que c'est là la bonne façon de gouverner, afficher mépris et arrogance à l'endroit des Québécois, comme il a fait dans le dossier de Mont-Tremblant? Les élus de Mont-Tremblant ont même déposé une proposition d'entente que le gouvernement n'a même pas voulu étudier. Le gouvernement a préféré forcer la fusion en disant que ce serait une règle d'exception. M. le Président, dites-moi donc pourquoi la ministre dépose le présent projet de loi n° 124 si Mont-Tremblant était une exception.

M. le Président, la ministre ne veut pas écouter ses citoyens. Elle ne veut pas consulter la population. C'est inconciliable lorsque l'on sait que plusieurs municipalités ont tenu des consultations où les gens se sont exprimés clairement contre les fusions forcées. La ministre nie ces résultats en prétextant que le taux de participation n'est pas suffisant, qu'il n'y a pas eu un comité du Oui et un comité du Non et que les municipalités n'ont financé qu'une seule option.

Mr. Speaker, the municipalities who have consulted their citizens have done so in a clear democratic way. The people have spoken loudly and clearly, but the Péquiste Government will not listen because this Government is arrogant and not connected to the population.

M. le Président, en fait, c'est déjà vu. Rappelons-nous l'attitude du gouvernement du Parti québécois face au résultat des derniers deux référendums. Les Québécoises et les Québécois ont dit non à la séparation et, malgré cela, les péquistes ont admis qu'ils travaillaient à un prochain référendum. Ils ne comprennent jamais, M. le Président. Mais, pour eux, ce n'est pas grave, parce que ce qu'on ne veut pas approuver, ils vont nous l'imposer.

Mr. Speaker, I challenge this Government to explain to the population of Québec how forced mergers will result in a saving of municipal taxes for the citizens of merged municipalities. The fact is that this Péquiste Government is leading the population to error, because forced mergers will result in increased municipal taxes. Québec taxpayers are now the highest taxed population in North America. We don't need more taxes on top of the high taxes that we are now paying.

M. le Président, je demande à la population du Québec d'appeler les députés péquistes pour leur demander pourquoi ils appuient un projet de loi qui va augmenter leurs taxes. Exigez de votre député péquiste une réponse claire et précise. Dites à votre député péquiste que vous n'êtes pas prêt à lui faire une profession de foi pour ensuite être inondé de nouvelles taxes. Demandez donc, par la même occasion, à votre député péquiste pourquoi le député de Jonquière, le premier ministre, a dit, et je cite: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Fin de la citation.

M. le Président, le député péquiste de Saint-Jean, voulant défendre la population contre les manoeuvres de son propre gouvernement, s'est écarté de la ligne de son parti et a dit, dans cette même Assemblée nationale, et je le cite: «Bien sûr, les regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.» Fin de la citation.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois, fidèle à lui-même, on sait qu'il aime demander des chèques en blanc à la population, cette fois, il demande aux Québécois de lui faire confiance sous prétexte qu'il sait mieux que quiconque, en tout cas mieux que les maires des banlieues ce qui est bon pour eux.

(20 h 40)

Il faudrait dire dans cette Assemblée, M. le Président, que seulement 30 des 1 348 maires du Québec sont en accord avec la réforme municipale proposée par ce projet de loi. M. le Président, un professeur de l'Université du Québec qui a effectué une étude de rentabilité sur les fusions forcées a dit clairement que plus une municipalité est grosse, plus les coûts et les dépenses reliés à son administration seront élevés. C'est le professeur Jacques Desbiens qui le dit dans un document intitulé Fusions municipales et économies d'échelle .

M. le Président, les péquistes ont également soulevé un argument en faveur des fusions qui s'avère totalement faux. Ils ont dit que les fusions étaient nécessaires afin de suivre le courant de la mondialisation des marchés. En fait, ils ont cependant oublié de dire que le nombre de municipalités par citoyen au Québec est de loin moins que celui de la France et des États-Unis.

M. le Président, M. Des Rosiers, professeur de l'Université Laval, a justement dit à ce sujet, et je cite: «L'argument qui veut que les municipalités québécoises soient trop nombreuses et trop petites peut donc être sérieusement remis en cause. Le simple fait que des regroupements municipaux aient été réalisés ailleurs au pays ou à l'étranger n'est pas en soi une preuve d'efficacité de cette approche et ne permet donc pas d'en conclure que c'est la voie à suivre.» Fin de la citation.

M. le Président, plusieurs péquistes ont dit qu'il est temps de mettre un terme à la compétition entre les diverses municipalités. La Fédération québécoise des municipalités a, de son côté, mentionné que la libre concurrence entre les municipalités est saine.

Mr. Speaker, I'm the MNA for the constituency of D'Arcy-McGee, and my constituency is in large part formed by the very special and wonderful cities of Côte-Saint-Luc and Hamstead. I'm very proud of both of these cities, the efficient and progressive way in which they're both administered. They're both cities with a bilingual status under the relevant laws of the Province of Québec. However, as you know, in a forced merger with other cities, they could in fact lose that status. In my opinion, this would be an unconscionable penalty to impose upon my constituents and would create an intolerable situation which will never be acceptable.

Mr. Speaker, the Péquiste Government is in fact ignoring that a forced merger would rob these individual municipalities and all other individual municipalities of their own quality of life and the quality and quantity of municipal services such as public securities, local police stations, fire prevention, snow removal, and I could go on and on.

M. le Président, une ville, c'est surtout les gens qui l'habitent, une communauté solidaire, une association de quartier, à proximité des décideurs. Le gouvernement péquiste ne peut refuser aux Québécoises et aux Québécois la qualité de vie à laquelle ils ont droit. Laissez-moi répéter les propos tenus par le député de Joliette devant la chambre de commerce de son comté en novembre 1999. Il a dit, et je cite: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Fin de la citation.

M. le Président, nous, du caucus libéral, préconisons l'autonomie du monde municipal. Nous croyons qu'il faut accorder plus de latitude aux élus municipaux. Des fusions forcées ne peuvent que provoquer des désaccords et conflits entre les municipalités, et, en conséquence, nous nous opposerons à ce projet de loi.

Nous préconisons aussi le respect et l'identité locale. Les municipalités sont le résultat des choix de leurs habitants à travers le temps. Ainsi, M. le Président, chaque ville a une identité propre que ses citoyens peuvent souhaiter préserver et protéger. On retrouve au Québec des municipalités rurales, industrielles et de banlieue. Ainsi, des villes voisines peuvent présenter des caractères très différents et envisager leur avenir et leur développement dans une manière différente.

M. le Président, imposer des fusions, c'est voler les citoyens de cette appartenance à leur localité et des particularités qui caractérisent leur municipalité et qui leur sont chères. Nous, du caucus libéral, sommes contre un projet de loi qui aurait de telles conséquences.

Les membres de ma formation et moi-même préconisons également la simplification des structures. La force des administrations locales réside dans la proximité qui existe entre le citoyen, les services offerts par la municipalité et les élus municipaux. Il importe de protéger cette qualité en évitant de rendre les structures existantes plus complexes ou en créant de nouvelles structures, et c'est ce qui arriverait en imposant des fusions.

M. le Président, l'aile parlementaire libérale préconise aussi le respect des citoyens. Les contribuables sont les seuls en mesure de juger du bien-fondé des changements que peuvent leur proposer les élus municipaux. Une fois informés, il revient aux citoyens de choisir l'option qui sert le mieux leurs intérêts.

Comme vous le voyez, M. le Président, il y a une différence majeure et fondamentale entre la vision des péquistes et des libéraux de ce qu'est une société démocratique et libre. M. le Président, les péquistes sont interventionnistes au plus haut degré. Ils se sont immiscés et veulent continuer de le faire dans chaque aspect de la vie des Québécoises et Québécois. Selon eux, les péquistes sont les seuls à connaître le chemin et ils veulent vous tenir par la main et décider pour vous de tout, à partir du moment de votre naissance jusqu'à votre mort.

M. le Président, pour le Parti libéral du Québec, c'est le citoyen qui passe en premier. Les valeurs libérales sont celles qui respectent les droits, les aspirations et la vie du citoyen. Nous croyons aux vertus de la démocratie, à l'écoute active des besoins et des préoccupations des individus et à la recherche de solutions communes favorables aux intérêts de chacun.

En conclusion, M. le Président, je dis oui aux citoyens, oui aux droits du citoyen, oui à la démocratie, oui au libre choix, mais je dis non à la force, non aux fusions forcées, non aux péquistes interventionnistes, non au projet de loi n° 124. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'opposition en matière de tourisme et députée de Jean-Talon. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, comme mes collègues, j'interviens ce soir sur l'adoption de principe du projet de loi n° 124, un projet de loi qui modifie de façon assez substantielle la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, avant de vous livrer mes commentaires sur le projet de loi, permettez-moi juste de vous rappeler quelques éléments qui sont quand même importants dans ce projet de loi là.

(20 h 50)

Ce projet de loi accorde au ministre des Affaires municipales et de la Métropole le pouvoir d'exiger, s'il y est autorisé par le gouvernement, que certaines municipalités locales lui présentent, dans le délai qu'il prescrit, une demande commune de regroupement.

Ce projet de loi prévoit que le ministre peut faire effectuer par la Commission municipale du Québec une étude d'opportunité relativement à des regroupements de territoires municipaux.

Ce projet de loi autorise le gouvernement à décréter, après la production du rapport du conciliateur ou de la Commission qui en fait la recommandation, donc, la constitution d'une municipalité locale issue d'un regroupement des territoires des municipalités locales qui sont visées par le rapport.

Ce projet de loi prévoit également des règles pour favoriser la négociation et la conclusion des premières conventions collectives de travail dans les municipalités concernées.

Ce projet de loi prévoit également d'accorder au ministre des Affaires municipales et de la Métropole le pouvoir de demander à la Commission municipale du Québec de faire une étude pour déterminer le caractère local ou supralocal d'un équipement et permettra également au gouvernement d'adopter toute mesure relative à la gestion et au financement de l'équipement, du service ou de l'activité.

M. le Président, il y a ce projet de loi là qui est sur la table et il y en a deux autres, qui sont les projets de loi nos 134 et 137, qui sont, à mon avis, intimement liés, même si certains prétendent qu'il n'y a pas vraiment de lien entre ces trois projets de loi là.

Je veux ici tenter de démontrer que, si le statu quo est définitivement inacceptable, tel que l'a mentionné la ministre, les moyens utilisés par elle et son gouvernement pour dynamiser nos structures municipales, pour intégrer l'ensemble des décideurs locaux dans les décisions qui améliorent nos conditions économiques, autant celles de nos régions que celles de nos concitoyens et concitoyennes, ces moyens drastiques sont tout aussi inacceptables, M. le Président. Si le statu quo, tel que l'a dit la ministre des Affaires municipales, n'est plus acceptable, le non-respect des engagements du gouvernement du Parti québécois à l'égard de l'adoption, rapidement, d'un nouveau pacte fiscal est, lui aussi, tout aussi inacceptable.

J'ai eu le grand plaisir et l'honneur, je pense, d'avoir été pendant quatre ans la porte-parole de l'opposition en matière d'affaires municipales, et combien de fois le prédécesseur de l'actuelle ministre des Affaires municipales a-t-il prétendu que les décisions qu'il avait prises ou que son gouvernement avait prises faisaient partie d'un pacte fiscal! Qu'on pense aux nombreuses ententes signées avec le monde municipal. Entre autres, il y en a eu une, M. le Président, vous vous en rappellerez, un mois avant le référendum en 1995. Cette entente n'a jamais été respectée. La première ponction dans l'enveloppe de la taxe sur les télécommunications, gaz et électricité, à l'été de 1996, il me semble que j'entends encore l'écho de la voix du ministre de l'époque nous dire que ça faisait partie d'un pacte fiscal.

Qu'on se rappelle les nombreux chantiers que le gouvernement du Parti québécois avait ouverts pour développer ce pacte fiscal et enfin donner un pacte fiscal aux élus municipaux; ces chantiers-là, on s'en rappellera, au printemps 1997. Qu'on se rappelle de la nouvelle ponction qui a été faite de l'ordre, je pense, de 60 millions dans la TGE. Qu'on se rappelle de la facture de 356 millions que d'aucuns, du côté ministériel, appelaient évidemment un pacte fiscal, quand on sait que, en réalité, c'était tout simplement une facture qui était envoyée aux municipalités. Ça, à mon avis, c'était de la foutaise que de même prétendre que c'était un pacte fiscal. Ces décisions ponctuelles, qui ont coûté cher aux municipalités, et donc aux citoyens, n'avaient rien en commun avec ce qu'on appelle un pacte fiscal.

À ce jour – on est le 9 juin 2000 – il n'y a aucun indice qu'il y ait des propositions de pacte fiscal sur la table. Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la session parlementaire tire à sa fin, il reste une dizaine de jours, rien de concret à ce sujet. Si le statu quo n'est plus acceptable, tel que l'a mentionné la ministre des Affaires municipales, le projet de loi n° 124, lui, n'est pas plus acceptable. En aucun endroit dans ce projet de loi réfère-t-on aux citoyens; en aucun endroit dans ce projet de loi n° 124 réfère-t-on à la démocratie; en aucun endroit dans ce projet de loi n° 124 réfère-t-on à la consultation des citoyens sur un sujet tellement important, parce que ça touche leur cadre de vie, ça touche là où on couche, où on mange, où on dort, où on fait notre marché, où on exerce nos loisirs, où on marche avec nos enfants, où on fait de la bicyclette, du vélo.

Pourtant, nous tous qui sommes ici ce soir siégeons en cette Assemblée nationale parce que des citoyens et des citoyennes de nos circonscriptions respectives ont voté pour nous, nous ont choisis par rapport à quelqu'un d'autre, ont exercé un choix démocratique, leur choix. Où se retrouve donc le choix du citoyen dans ce débat? Nulle part. Des centaines de milliers de citoyens de diverses municipalités du Québec ont été consultés récemment par leurs élus locaux sur la politique de fusions forcées du gouvernement du Parti québécois. Plus de 92 %, à ce jour, de ces gens-là qui se sont exprimés ont dit non. La ministre prétend qu'il n'est pas question de fusions forcées. À mon avis, M. le Président, elle joue sur les mots et sur les concepts. En aucun temps le gouvernement du Parti québécois considérera-t-il l'expression démocratique du choix des citoyens de choisir la ville dans laquelle ils veulent vivre, exercer leurs loisirs, comme je vous ai mentionné tout à l'heure.

Parmi les heureuses expériences de ma vie, j'ai eu le privilège, comme vous, M. le Président, d'être mairesse de la ville de Sillery dans la région de Québec pendant neuf ans avant d'accéder à ce poste de députée du comté de Jean-Talon. J'ai choisi, avec mon mari, de déménager dans cette ville pour diverses raisons: proximité des écoles, organisation des loisirs, gestion très serrée des services municipaux, des coûts reliés aux services municipaux, des services municipaux qui étaient à la mesure de la capacité de payer des contribuables et, oui, un compte de taxes qui était moins élevé que celui de la ville de Québec. C'est ce qu'on a choisi.

À ce que je sache, toutes les administrations qui se sont succédé à Sillery n'ont pas gaspillé les fonds publics. Toutes les administrations qui se sont succédé ont exercé des choix en fonction des réels besoins de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes. Au fil des ans, les administrations se sont adaptées aux nouvelles réalités. La bibliothèque municipale à Sillery, c'est une bibliothèque qui est bien modeste. Ce n'est pas la bibliothèque municipale de la ville de Sainte-Foy, parce qu'on n'avait pas les moyens d'avoir ça. Mais, si on voulait avoir des services qui allaient au-delà de ce que notre propre bibliothèque pouvait nous offrir, les gens pouvaient prendre un abonnement supplémentaire à la bibliothèque de Sainte-Foy ou à la bibliothèque de Québec, et c'était parfaitement normal ainsi.

Je voudrais vous donner un autre exemple: l'aréna municipal. Combien de parents qui avaient le loisir d'amener leurs enfants au patinage artistique ou aux parties de hockey et qui évidemment les voyaient évoluer sur des patinoires et dans des édifices un peu plus modernes que celui de Sillery auraient souhaité, à l'occasion, qu'on bâtisse un nouvel aréna? Et le choix a toujours été: Non, on n'a pas les moyens de faire ça.

Si je vous illustre mon propos par ces exemples, c'est que l'ensemble des municipalités au Québec ont fait attention aux fonds publics qui leur étaient confiés par leurs citoyens et leurs citoyennes. Si je comprends bien les intentions réelles de la ministre des Affaires municipales, d'une main, elle dépose un projet de loi – je fais référence ici au n° 137 – qui redéfinit et redynamise les structures municipales et, de l'autre, elle dépose un autre projet de loi, le n° 124, dont je vous parle maintenant, qui autorise et qui lui donne le pouvoir, à elle, au Conseil des ministres, donc au gouvernement, de fusionner les municipalités. Si le gouvernement ne s'en était tenu qu'à déposer ce projet de loi sur les nouvelles communautés métropolitaines, soit celle de Québec ou de Montréal, je pense bien que les élus municipaux et les citoyens du Québec auraient pu croire dans la bonne foi du gouvernement du Parti québécois.

(21 heures)

M. le Président, vous qui avez aussi été maire de votre municipalité, permettez-moi de vous prendre à témoin et de vous expliquer l'incohérence de la démarche gouvernementale. Cette incohérence crée la méfiance, la méfiance crée la résistance que l'on voit aujourd'hui, et je vais parler plus précisément de la région de Québec. Je vous amène à l'article 1, le paragraphe de l'article de loi 125.2: «Le ministre peut, avec l'autorisation du gouvernement, exiger [...] une demande commune de regroupement.» On sait déjà que les citoyens et les citoyennes ne seront pas consultés. La ministre va exiger des municipalités que ces municipalités lui déposent... J'ai bien compris, lors de la commission parlementaire, que ça ne serait pas par un coup de téléphone puis que ça ne se ferait pas en 24 heures. Je pense qu'il n'y a personne qui pense que c'est comme ça que ça fonctionne. Mais il n'en demeure pas moins que quelqu'un va prendre une décision un jour de dire: Bien, la municipalité de Sillery sera fusionnée avec les municipalités voisines. Je peux vous dire bien franchement qu'on peut se questionner. D'où va émaner cette demande? Qui va inciter la ministre des Affaires municipales et son gouvernement à partir le bal des fusions dans la région de Québec?

Dans notre cas, il est certain que le projet de fusion forcée des 13 villes de la région de Québec demandé par le maire de Québec n'a certainement pas aidé la ministre dans ses efforts de concertation. Et, avec tout le respect que je dois au maire de Québec, je pense qu'il reconnaîtrait lui-même qu'il aurait été préférable qu'il le dépose après, alors que les nouvelles structures auraient été mises en place. Il me semble qu'on aurait pu attendre, que la ville de Québec attende, la création de la Communauté métropolitaine de Québec, cette structure qui doit remplacer la Communauté urbaine de Québec. Donc, il aurait pu attendre que cette nouvelle structure puisse vivre quelque temps les ajustements de cette réorganisation avant de déposer son projet à la ministre, de le rendre public d'ailleurs, avant de créer ce mur de résistance, vous l'admettrez avec moi, avant de – passez-moi l'expression – braquer la région au complet contre la ville de Québec. C'est dommage et, peut-être le maire de Québec l'admettra-t-il, le moment était sans doute assez inopportun. La ministre n'a sans doute pas apprécié. Comment peut-on voter un tel article dans un projet de loi et prétendre être un gouvernement démocrate? Voilà, à mon avis, M. le Président, un bel exemple d'incohérence et de déni de démocratie.

Toujours à l'article 1, M. le Président, l'alinéa 125.5: «Le ministre peut demander à la Commission municipale du Québec de faire une étude, quant à certaines municipalités locales dont les territoires peuvent faire l'objet d'un regroupement, portant sur les avantages et les inconvénients d'un tel regroupement.» Il m'apparaît, M. le Président, qu'il appartient aux municipalités, aux élus locaux, s'ils le jugent opportun, de provoquer un regroupement, que ces propres élus fassent la démarche d'informer les citoyens sur les avantages, sur les inconvénients. Et, si l'occasion n'est pas opportune de présenter un projet de regroupement, c'est donc parce qu'il n'y pas nécessité de faire un regroupement. Donc, je ne comprends pas pourquoi la ministre ou le ministre ou le gouvernement peut, en vertu de cet article, un jour, se lever puis demander finalement qu'on puisse en arriver à des projets de regroupement ou de fusion de municipalités.

M. le Président, je vous passe certains articles pour en arriver au chapitre V.1 intitulé «Effets d'un regroupement ou d'une annexion totale sur les relations de travail». On se rappellera que les élus municipaux et l'UMQ avaient demandé – surtout les nombreuses municipalités qui vivent évidemment avec les conventions collectives – au gouvernement des ajustements au Code du travail, plus précisément aux articles 45, 46.

M. le Président, comme députée, je représente trois municipalités dans le comté de Jean-Talon: la ville de Québec, 165 000 de population; la ville de Sainte-Foy, 75 000; et la ville de Sillery, 13 000 de population. Les conditions de travail, les conditions salariales diffèrent d'une ville à l'autre et d'une convention collective à l'autre. Combien de fois ai-je entendu le premier ministre actuel, la ministre des Affaires municipales ainsi que ses prédécesseurs noter avec consternation l'écart salarial qui existe entre les employés de la fonction publique gouvernementale et ceux de la fonction publique municipale. Il y a pourtant une raison bien simple et très bien documentée pour expliquer cet écart. En 1982, alors que le négociateur en chef du gouvernement Lévesque avait coupé de 20 % les salaires de la fonction publique, ce gouvernement Lévesque avait refusé de donner cet outil aux municipalités. Ai-je besoin de vous rappeler, M. le Président, et à ceux qui nous écoutent ce soir, surtout ceux du côté ministériel, que ce grand négociateur qui a fait ces coupures de 20 % était l'actuel premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard?

Ai-je besoin de vous rappeler, puisqu'on parle d'outils dont les municipalités avaient besoin, qu'en 1995 le gouvernement libéral avait adopté la loi 102 qui permettait au gouvernement ainsi qu'aux municipalités de réduire de 2 % la masse salariale des employés et de récupérer 1 % par année, pendant deux ans, dans les conditions normatives? En 1994, lorsque le gouvernement du Parti québécois a pris le pouvoir, dans les semaines immédiates qui ont suivi, ce gouvernement a aboli la loi 102. C'était une promesse électorale – vous vous en rappellerez – qu'avait faite M. Parizeau aux syndicats en contrepartie de leur participation active à l'indépendance du Québec.

L'article 176.1, en fait c'est l'article 3, alinéa 176.1, n'est que du charabia. On parle de: «...la détermination rapide des unités de négociation et des associations accréditées à la suite d'un regroupement, de faciliter le règlement de difficultés relatives notamment à l'application simultanée de conditions de travail différentes pour des groupes de salariés de municipalités», etc. C'est du charabia, c'est du flâsage. Il n'y a aucune décision, dans cet article-là et les suivants, qui fait en sorte de donner aux municipalités les outils dont ils ont besoin pour pouvoir gérer quelque intégration que ce soit de l'ensemble des conventions collectives s'il y a fusion, qu'elle soit forcée ou pas.

M. le Président, le gouvernement traite les élus comme des enfants à qui l'on doit dicter des ordres. Ce projet de loi déteint de paternalisme, ce projet de loi déteint de dictature, ce projet de loi déteint d'un manque de confiance à l'égard de la capacité du citoyen de pouvoir choisir, de pouvoir décider de son milieu de vie.

M. le Président, la ministre des Affaires municipales a déposé, ce printemps dernier, son livre blanc, au nom du gouvernement, sur la réorganisation municipale, et on y trouve cette phrase qui dit: «Changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens.» Il me semble que c'est le monde à l'envers. Si le gouvernement veut changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens, est-ce que le gouvernement ne devrait pas d'abord et avant tout entendre ce que les citoyens veulent, les écouter et ensuite, si c'est nécessaire, déposer des projets de loi qui correspondent aux besoins réels de la population?

Et je terminerai, M. le Président, en vous disant que le premier ministre a fait mention l'automne dernier qu'il ne croyait pas dans les fusions forcées des municipalités. Pourtant, dans le livre blanc de la ministre, nous retrouvons le paragraphe suivant – et je termine là-dessus – la page 60: «Les regroupements de municipalités constituent [...] l'avenue privilégiée pour solutionner la problématique de l'organisation municipale dans les [...] agglomérations urbaines, en particulier dans les régions métropolitaines de recensement de Chicoutimi–Jonquière, de Sherbrooke et de Trois-Rivières.» Ce même premier ministre qui dit: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé, ce n'est jamais bon.» Premier ministre, 14 novembre 1999; ministre des Affaires municipales du même gouvernement, page 60 dans la réorganisation municipale.

Je vais voter contre, M. le Président, ce projet de loi parce qu'à mon avis il ne respecte pas le choix des citoyens, et c'est un déni de démocratie.

(21 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 124, quant à son adoption de principe, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives. Et je reconnais le porte-parole officiel de l'opposition en matière de sécurité et député de Saint-Laurent. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, vous me permettrez de vous remercier de me donner la parole, d'autant plus que je suis particulièrement heureux d'être en mesure de prononcer ce discours-là pendant votre présence. Je sais que votre neutralité proverbiale vous empêche de vous joindre à l'opposition officielle pour prononcer un discours sur cette importante question, mais je sais très bien que vous avez un intérêt important pour cette question-là. Je sais que le député que vous êtes, de Jeanne-Mance, partage les vues du député de Saint-Laurent sur cette question-là. Je sais que la ville de Saint-Léonard est dans votre comté, et le maire qui occupe le poste à Saint-Léonard est contre, s'est prononcé contre, a indiqué à sa population, partout dans sa ville, qu'il est contre les fusions forcées. Votre neutralité, M. le Président, vous empêcherait de descendre du banc et de venir occuper une banquette pour prononcer un discours. Je vous offre donc mes paroles, et considérez que ces paroles-là sont prononcées pour vous aussi. Vous êtes malheureusement bâillonné par votre neutralité, mais vous pouvez vous considérer débâillonné par le discours que je vais prononcer.

M. le Président, je regardais, pendant le discours de mon collègue de D'Arcy-McGee, le député de Vimont, le député de Vimont qui s'entendait dire par le député de D'Arcy-McGee que ce gouvernement-là était un gouvernement interventionniste, et il avait une espèce de sourire béat dans le visage, acceptant, de la part du député de D'Arcy-McGee, que son gouvernement était un gouvernement interventionniste. Il avait le bonheur écrit dans le visage, le bonheur aussi clair que lorsque la députée de La Pinière se lève pour poser une question quand il espère que c'est à lui qu'elle va poser la question puis qu'il va pouvoir enfin se lever, dans l'Assemblée nationale, pour répondre à une question. Malheureusement, elle le déçoit à chaque fois. Elle pose des questions au président du Conseil du trésor.

Donc, le député de Vimont s'est fait dire que son gouvernement était interventionniste, dans cette question du projet de loi n° 124, par la coercition qui est exercée à l'endroit des municipalités du Québec. Le député de Vimont, il est content qu'on dise que son gouvernement est interventionniste, et je soupçonne que tous ces gens-là sont contents quand on leur dit que le gouvernement est interventionniste. Pourquoi? Parce que, selon leur philosophie, la philosophie des péquistes, quand on n'est pas d'accord avec eux, c'est parce qu'on n'a pas compris. Ce n'est pas parce qu'on a des arguments valables à faire valoir, ce n'est pas parce qu'on peut être d'une opinion différente, c'est parce qu'on n'a pas compris.

Ils ont la même attitude, M. le Président, dans le projet de loi n° 124, à l'égard des municipalités que celle qu'ils ont à l'égard des résultats des référendums de 1980 et des résultats du référendum de 1995. La population se prononce en majorité contre leur option. Ce n'est parce que la population a raison, ce n'est pas parce que la population a des raisons valables de se prononcer contre, c'est parce que la population n'a pas compris. Mais, par le jeu du mode de scrutin que nous avons, ils ont la majorité des sièges. Non contents de ne pas accepter le verdict de la population sur les référendums, ils prennent une partie de l'argent de nos impôts puis ils essaient de convaincre, pendant quatre ans, la population de leur option. C'est ça, le non-respect de la démocratie. Le non-respect de la volonté des citoyens, c'est ça.

Dans le projet de loi n° 124, ils font exactement la même chose, exactement. Au Québec, il y a actuellement non seulement une relation extrêmement difficile et extrêmement litigieuse entre une majorité d'élus municipaux au Québec à l'égard de ce gouvernement-là, mais il y a une relation difficile et litigieuse dans ce dossier-là entre la population et ce gouvernement-là. Et ce gouvernement-là choisit, M. le Président, de ne pas les écouter.

Moi, je suis assez heureux de prononcer le discours sur cette question-là ce soir, M. le Président, parce que je sais que, vous, malgré votre neutralité, vous êtes d'accord. Mais vous n'êtes pas le seul, M. le Président, dans cette Chambre, à être d'accord avec les représentations qui sont faites sur ce projet de loi là. Il y a des gens, en face, qui sont d'accord avec nos représentations, qui sont d'accord avec ce qu'on dit au sujet du projet de loi n° 124, mais qui ne peuvent pas le dire. De la même façon que le député de Saint-Jean s'est exprimé à son caucus en faveur d'une juste cause, en faveur d'une noble cause, la cause des orphelins de Duplessis, et il s'est fait dire par son premier ministre: Rentre dans le rang! Ce qui est malheureux, M. le Président, c'est qu'il ait plié l'échine, qu'il ait baissé la tête, qu'il ait tourné le dos à sa juste et à sa noble cause, le député de Saint-Jean. C'est ça qui est désolant.

Et ce qui est désolant, dans le cas du projet de loi n° 124, M. le Président, c'est que le député de Frontenac, mon bon ami le député de Frontenac que je vois régulièrement à la commission des institutions, avec qui j'éprouve par ailleurs beaucoup de plaisir à discuter de cette question-là, il me déçoit, le député de Frontenac, parce que le député de Frontenac, le député de Dubuc, le député de Drummond qui siègent à la commission des institutions – je voyais la députée de Deux-Montagnes, M. le Président, tantôt – ces gens-là sont décevants. Ces gens-là sont décevants parce que, à l'instar du député de Saint-Jean, et il faut le déplorer, M. le Président, ils pourraient défendre une juste, une noble cause, la cause des citoyens, des populations, de la volonté populaire, de la démocratie, dans le cas des fusions forcées du gouvernement. Ils pourraient défendre une noble et une juste cause, la plus juste et la plus noble, M. le Président, la cause de la démocratie.

Et ils le savent, M. le Président, qu'ils sont à contre-courant de leur population, le député de Frontenac, le député de Dubuc, la députée de Deux-Montagnes, le député de Charlesbourg – ils le savent – la députée de Vanier. Ils le savent, M. le Président, qu'ils sont à contre-courant de leur population. Et savez-vous quand ils vont s'en apercevoir vraiment, M. le Président? Quand ils vont changer de côté puis qu'ils vont venir s'asseoir ici, à la prochaine élection, parce que, entre autres, ils n'auront pas écouté la volonté de la population, volonté de la population.

Dans le comté de Saint-Laurent, tout le monde le sait, c'est bien connu, il y a ville Saint-Laurent, et ville Saint-Laurent est administrée par le conseil municipal de Saint-Laurent. Vous rendez-vous compte, M. le Président, que le projet de loi n° 124 qui est déposé par la ministre des Affaires municipales prévoit, dans les articles qui seront ajoutés à l'article 125 du projet de loi sur l'organisation territoriale municipale, que, par lettre recommandée, par courrier recommandé, on pourra aviser le conseil municipal de Saint-Laurent qu'on cherche à les regrouper, qu'on veut les regrouper. Allez dire ça au Dr Bernard Paquet, le maire de ville Saint-Laurent qui se dépense sans compter, comme son prédécesseur l'a fait, Marcel Laurin, pour faire de ville Saint-Laurent un endroit où les gens cherchent à venir s'établir pour prospérer et pour faire prospérer la population, le Dr Bernard Paquet et le conseil municipal de Saint-Laurent qui, à force d'arguments, qui, à force de risques, ont réussi à créer, entre autres, un technoparc qui fait l'envie – et la ministre des Affaires municipales le sait très bien puisqu'elle a eu l'occasion de discuter de ces choses-là avec le conseil municipal de Saint-Laurent – de plusieurs municipalités, qui sont, oui, en concurrence avec ville Saint-Laurent. Et ça, M. le Président, ce n'est pas nécessairement mauvais pour la démocratie, qu'il y ait une certaine concurrence entre les municipalités, parce que ça joue à la baisse sur les comptes de taxes.

Allez dire au Dr Bernard Paquet ce soir, allez dire au conseiller municipal René Dussault, allez dire au conseiller municipal Pierre Lambert, allez dire au conseiller municipal Ronald Moreau – dont les citoyens de son district ont tous le numéro de téléphone personnel dans les poches, ils peuvent l'appeler chez lui s'ils ont un problème, Ronald Moreau – allez dire à ces gens-là que, par courrier recommandé, Postes Canada, ils pourront se faire signifier qu'on veut anéantir, abolir, annexer, contre leur volonté, contre la volonté des citoyens de Saint-Laurent, ville Saint-Laurent. Allez leur dire ça, M. le Président, ce soir. Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont vous répondre? Le scandale. C'est scandalisant.

(21 h 20)

M. le Président, nous ne sommes pas, dans l'opposition officielle, contre les fusions. Nous ne sommes pas contre les fusions. Nous sommes contre les fusions forcées. Nous sommes contre la coercition. Nous sommes pour la volonté librement exprimée des citoyens.

J'entendais la députée de Deux-Montagnes, cet après-midi, prononcer un discours conforme à la volonté de son gouvernement. Puis j'étais assis ce soir, à 18 heures, et j'écoutais les informations à la télé. Ses gens à elle, aujourd'hui, les maires des municipalités de son comté ne sont pas assis dans leur bureau à l'hôtel de ville, ils sont dans la rue pour dire aux citoyens: Venez manifester votre volonté au gouvernement. C'est ça qu'ils font.

M. le Président, ce gouvernement-là n'en est pas à son premier accroc à la démocratie, et il va falloir le dire de façon répétée. Il va falloir le dire aux citoyens du Québec. Je suis heureux d'être capable de dire devant le député de Saint-Jean qu'il y a d'autres exemples d'accrocs à la démocratie que ce gouvernement-là a accomplis au cours des derniers mois. L'un des plus importants et qui va au coeur des valeurs de notre société, la société québécoise, l'exemple des gens qui ont manifesté contre la ligne Hertel–des Cantons. Les gens qui ont manifesté contre la ligne Hertel–des Cantons et les gens qui, ce soir, nous écoutent et considèrent que ce gouvernement-là est en train d'essayer de faire adopter un projet de loi qui va forcer les fusions de leurs municipalités peuvent écouter l'exemple que je vais donner.

Les gens qui ont manifesté contre la ligne Hertel–des Cantons reçoivent le premier ministre du Québec pour discuter du dossier en question. Savez-vous ce qu'il leur dit, le premier ministre? Parce qu'ils ne sont pas capables d'en venir à une entente avec le premier ministre, le premier ministre leur a dit: Il y a des tribunaux. Il y a des tribunaux, le pouvoir judiciaire. Adressez-vous aux tribunaux, puis on va faire une entente: Si vous gagnez, vous gagnez; puis, si, nous, on gagne, on gagne. C'est-u un deal, ça? Les gens disent: Très bien, parce que les gens ont confiance dans le pouvoir judiciaire, ils ont confiance dans les tribunaux. Ils décident, puisqu'ils sont incapables de convaincre le gouvernement, de confier leur cause aux tribunaux.

Ils gagnent, M. le Président. Ils confient leur cause aux tribunaux et ils remportent la victoire. Forts de la parole du premier ministre, ils se réjouissent, ils viennent de gagner contre le gouvernement. On revient à l'Assemblée nationale, le même premier ministre, avec le député de Lac-Saint-Jean, ministre de l'Énergie, dépose en Chambre un projet de loi pour contrer le résultat de la cause judiciaire et faire mordre la poussière aux citoyens en question. Ça, M. le Président, qu'est-ce que c'est? C'est un abus du pouvoir exécutif. C'est un abus. Et ce que la ministre des Affaires municipales est en train de faire, c'est la même chose.

Bien sûr, M. le Président, d'autres accrocs à la démocratie. Les hôpitaux qui disent au gouvernement en ce moment même: Écoutez, les bases budgétaires que vous nous imposez, on n'est pas capables de les respecter. Si vous nous forcez à respecter ces bases budgétaires là, on va être obligés de couper des services éventuellement. Branle-bas de combat au gouvernement, visite du premier ministre, avec son toupet, ses yeux durs, et de la ministre de la Santé, on rencontre les directeurs d'hôpitaux. Puis qu'est-ce qu'on dit aux directeurs d'hôpitaux? Taisez-vous! Taisez-vous! Taisez-vous! C'est ça qu'on leur dit, aux directeurs d'hôpitaux, comme on a dit au député de Saint-Jean, son caucus, cette semaine, sur le dossier des orphelins de Duplessis: Taisez-vous! Taisez-vous! C'est ça, M. le Président, ce gouvernement-là.

M. le Président, le grand conciliateur – un autre accroc à la démocratie – de la ministre de la Justice. Il y a bien des gens qui prétendent que le ministre des Transports, le député de Joliette, est compétent, a son franc-parler, c'est une personne directe, mais je n'ai jamais entendu dire, de personne, que le député de Joliette était un grand conciliateur. Ça, je n'ai jamais entendu ça, sauf dans la bouche de la ministre de la Justice. Elle, elle trouve que le député de Joliette, c'est un grand conciliateur. Le grand conciliateur, quand on n'est pas d'accord avec lui, on est un gosseux de poils de grenouille, on est un groupuscule, c'est ça qu'on est quand on n'est pas d'accord avec le député de Joliette. Le grand conciliateur, quand il tend la main, il la tend toujours comme ça. La ministre de la Justice n'a pas compris ça, elle trouve que c'est un grand conciliateur. Il n'en fait pas, d'accrocs à la démocratie. Bien non, bien non!

Accroc à la démocratie, le premier ministre lui-même. Le député de Marguerite-D'Youville, M. le Président, il a une ambition qui est tout à fait légitime, c'est celle d'accéder au fauteuil que vous occupez actuellement. Il a cette ambition-là, lui, à l'ouverture de cette Législature-ci. C'est légitime, il a le droit. Il en a fait part à son premier ministre. Le premier ministre, lui, il a décidé que c'était quelqu'un d'autre qui était son candidat. Taisez-vous! Taisez-vous puis assoyez-vous! C'est ça qu'il s'est fait dire, le député de Marguerite-D'Youville.

J'ai le député de Saint-Jean. Le député de Saint-Jean, j'en ai parlé, je veux le répéter, il faut le répéter. Le député de Saint-Jean a une noble cause, a une juste cause, la cause des orphelins de Duplessis, et il décide de la prendre à bras-le-corps, cette cause-là, et de la porter. Il a le droit de faire ça, il a absolument le droit de faire ça. Et il s'en va à son caucus. Il a l'appui de quelques-uns de ses collègues, et il va à son caucus, et il en fait part, de sa noble cause et de sa juste cause. Il se fait dire: Taisez-vous, par le premier ministre, rentrez dans le rang! Pourquoi? Parce que le premier ministre s'est levé, pendant la même semaine, pour défendre la décision de son gouvernement.

Le premier ministre, en campagne électorale, il annonce la candidature de la ministre de l'Emploi, M. le Président. Et, à un moment donné, les journalistes posent une question à la ministre de l'Emploi en conférence de presse. Le premier ministre veut répondre pour elle et il commence à répondre. Il se fait dire par la ministre de l'Emploi – tu sais, qui a du vouloir – devant les journalistes: Non, non, je suis capable de répondre, M. le premier ministre; laissez-moi répondre.

Le premier ministre n'a jamais oublié ça, lui. Il n'a jamais oublié ça, qu'elle lui ait fait ça devant les journalistes, jamais. Alors, qu'est-ce qu'il a fait? Il l'a nommée ministre de l'Emploi. Puis, comme ministre de l'Emploi, elle a commis des erreurs, M. le Président. Emploi-Québec: son erreur. Alors, il a fait quoi, le premier ministre, vous pensez? Parce que la ministre de l'Emploi, quand elle répond aux questions, c'est «mon ministère, mon gouvernement», mais il y a toujours une chose qu'elle oublie de dire: «mon tuteur». Ça, elle ne parle jamais de ça. Louis Bernard, ça, elle n'en parle pas. Mais le premier ministre, lui, quand il s'est souvenu de ce qu'elle lui avait fait en campagne électorale devant les journalistes, il a décidé de lui donner une leçon, il lui a nommé un tuteur. Et ça, «mon tuteur», elle ne parle jamais de ça. C'est ça, la démocratie, dans ce gouvernement-là. Elle, elle se venge à son tour. À chaque fois qu'elle va au Conseil des ministres, elle a un décret pour enlever une responsabilité au ministre de la Solidarité sociale. C'est ça, ce gouvernement-là, M. le Président. C'est ça.

Alors, M. le Président, ce n'est pas surprenant que ces gens-là, avec cette mentalité-là, s'entêtent à vouloir aller contre la volonté de la population qui choisit de vivre dans des municipalités, dans des agglomérations dans lesquelles elle veut vivre, dans lesquelles elle choisit de vivre. Ce n'est pas surprenant non plus, dans ces circonstances-là, que l'opposition officielle se fasse le défenseur, pas de la position de l'opposition officielle – c'est secondaire – de la volonté de la population.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, après une aussi brillante performance, je pense que nous avons besoin de réfléchir. Alors, je vous demanderais d'ajourner nos travaux au mardi 13 juin, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À mardi. Alors, est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée? Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au mardi 13 juin, à 10 heures. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 21 h 30)