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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 4 décembre 2001 - Vol. 37 N° 65

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Table des matières

Nomination d'un membre et d'un membre suppléant du Bureau de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président: Bien. À l'ordre, Mmes, MM. les députés!

Nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez vous asseoir.

Nomination d'un membre et d'un membre
suppléant du Bureau de l'Assemblée nationale

Alors, avant de procéder aux affaires courantes, j'ai le plaisir d'informer les membres de l'Assemblée que j'ai reçu du premier ministre deux lettres, datées du 4 décembre dernier, m'informant que M. Gilles Labbé, député de Masson, a été désigné pour agir à titre de membre permanent du Bureau de l'Assemblée et que M. Jacques Côté, député de Dubuc, a été désigné pour agir à titre de membre suppléant. Alors, je dépose les lettres du premier ministre.

Documents déposés

Et, pour la motion, je donne la parole au vice-président, député de Jeanne-Mance.

Motion proposant d'adopter des modifications
à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale

M. Bissonnet: Fait exceptionnel, M. le Président, je fais motion pour que soient adoptées ces modifications proposées par M. le premier ministre à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale.

Mise aux voix

Le Président: La motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Affaires courantes

Le Président: Bien. Alors, aux affaires courantes maintenant.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi.

Rapports annuels du Comité d'évaluation
des ressources didactiques et du Comité
d'orientation de la formation du personnel
enseignant et états financiers de la Fondation
universitaire de l'Université Concordia

M. Legault: Oui, M. le Président, je dépose les rapports annuels 2000-2001 suivants: Comité d'évaluation des ressources didactiques, Comité d'orientation de la formation du personnel enseignant, et les états financiers de la Fondation universitaire de l'Université Concordia au 31 mai 2001.

Tome II du rapport du Vérificateur
général accompagné d'un résumé

Le Président: Bien. Alors, ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose, conformément à l'article 44 de la Loi sur le vérificateur général, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée pour l'année 2000-2001, le tome II, accompagné d'une brochure sur les faits saillants dudit rapport.

Rapport du DGE sur la mise en application
de l'article 90.5 de la Loi sur les élections et
sur les référendums dans les municipalités dans le
cadre des élections municipales du 4 novembre 2001

Et je dépose également le rapport du Directeur général des élections sur les décisions prises en vertu de l'article 90.5 de la Loi sur les élections et sur les référendums dans les municipalités dans le cadre des élections municipales qui ont été tenues le 4 novembre dernier.

Dépôt de rapports de commissions

Maintenant, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 51

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 30 novembre 2001 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Le Président: Alors, ce rapport de la commission est déposé.

Maintenant, aux deux autres rubriques, il n'y a rien aujourd'hui.

Questions et réponses orales

Alors, nous allons immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales. Naturellement, M. le chef de l'opposition officielle d'abord.

Gestion des programmes
de développement local et régional

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, le Vérificateur général du Québec a déposé son rapport ce matin. Il revient encore une fois sur le sujet de la santé, en parle longuement pour faire état de situations qui sont alarmantes au Québec. Il y a un thème commun à son rapport, c'est le manque d'évaluation, de coordination, de planification, d'information puis de concertation du côté du gouvernement. Mais il y a un domaine, M. le Président, où il en parle et où on est très sensible à ce sujet-là, parce qu'on a passé beaucoup de temps dans les régions du Québec, qui, on le sait, ont connu un recul important dans plusieurs coins du Québec depuis les sept dernières années.

Et, au paragraphe 9.123 de son rapport, le Vérificateur général souligne qu'en 1997-1998 il a fait des recommandations ? il en a fait 18 ? et que le gouvernement n'en a suivi que trois sur 18, ce qui représente environ 17 % des recommandations.

Même rapport, paragraphe 9.129, le Vérificateur général réitère qu'il n'y a pas de bilan périodique de l'ensemble des efforts gouvernementaux dans chaque région. Il dit aussi, et je cite: «Il n'effectuait pas non plus de vérification périodique de l'efficacité de ses propres programmes de développement local et régional.»

Je n'apprends rien au premier ministre aujourd'hui en lui répétant ce qu'affirme le Vérificateur général du Québec au sujet de la gestion de son gouvernement dans les programmes de développement économique régional, je suis convaincu que l'ensemble des députés de son caucus ont dû entendre la même chose depuis plusieurs années au sujet de l'administration de son gouvernement. Alors, pourquoi ce gouvernement n'a-t-il pas agi pour faire un peu de ménage et de cohérence dans les actions du gouvernement du Québec dans les régions du Québec? Pourquoi cette négligence après sept années du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Tout d'abord, que le Vérificateur général, qui nous fait en réalité son dernier rapport, puisque ce serviteur de l'État va nous quitter, se préoccupe de santé, bien, c'est une bonne nouvelle. Ça démontre que c'est un homme consciencieux. Tous les vérificateurs généraux d'Occident se préoccupent de santé. Si le nôtre avait fait exception, ça aurait été inquiétant.

n(10 h 10)n

Et je lisais dernièrement, d'autres l'ont lu aussi, la tragédie du National Health Service en Grande-Bretagne, qui est l'ancêtre de tous les régimes progressistes, avec la Sécu française ? ça doit être, ça, à peu près en même temps. Et on voit dans quelle détresse se trouve le gouvernement britannique et dans quelle détresse se trouve le système de santé britannique. Bien, mettez ça à exposant 2 pour le Canada, parce que le National Health Service, il relève de la Chambre des communes, il relève de Westminster, puis de l'Exécutif britannique, et les Britanniques paient leurs taxes pour leur santé au gouvernement britannique. Nous, on a les mêmes difficultés que tous les gouvernements occidentaux, y compris l'Ontario, la puissante Ontario, notre voisine. Vous avez entendu ce qu'a dit Mike Harris il y a quelques jours, Mike Harris qui est un homme extrêmement intelligent pour déceler les questions pratiques. Il y a une image que n'importe quelle famille québécoise va comprendre. Vous savez ce qu'il a dit, Mike Harris? Il a dit: C'est le beau-frère qui est venu au resto, qui a mangé avec tous les autres, puis, quand la facture est arrivée, il s'est absenté. Alors, c'est ça que le Vérificateur général met en lumière une fois de plus. Et les Québécois et les Québécoises le savent maintenant, tous les sondages sont clairs.

Le chef de l'opposition y a contribué, pas toujours, mais, quand il y a eu des élans de sincérité puis qu'il a dit que les vrais responsables étaient à Ottawa, la population a compris, et nous l'avons répété à plusieurs reprises: Les moyens sont à Ottawa, avec des surplus énormes, et les besoins ne sont pas rien qu'au Québec, ils sont dans les provinces. Alors, le Québec, il a fait ce qu'il a pu. Il a assaini ses finances publiques, ce qui lui a permis de remettre des milliards en santé. Il a fait des réformes institutionnelles, que vous avez boudées d'ailleurs, on s'en souvient très bien, au Parlement. Alors, le gouvernement du Québec déploie tous les efforts qu'il peut dans des conditions extrêmement difficiles pour garder un système de santé qui, si on le compare à bien d'autres dans le monde, est encore un objet non pas de satisfaction mais de fierté.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je pense que la population du Québec va être capable de mieux comprendre le problème que nous vivons dans les régions du Québec, ce matin, suite à la réponse du premier ministre à la question que j'ai posée au sujet des régions du Québec. Alors, il y a un problème d'écoute, on en a une belle démonstration. On vient de se faire raconter par le premier ministre les problèmes familiaux de Mike Harris quand il va au restaurant avec son beau-frère. Alors, je ne sais pas s'il visitait une région du Québec au moment où ils sont allés au restaurant ensemble, M. Harris...

Ma question portait sur les régions du Québec, M. le premier ministre. Alors, je ne sais pas si vous m'entendez, là. Le Vérificateur général du Québec dénonce l'incompétence de votre gouvernement, qu'en 1997-1998 il s'est fait donner 18 recommandations; là-dessus, sur 18, vous en avez suivi trois, environ 17 %. En même temps, le Vérificateur général du Québec dit que, dans les régions où le gouvernement, où l'État a reculé depuis les sept dernières années, dit que vous n'avez aucune espèce de façon d'évaluer vos programmes, que vous ne savez pas où vous vous en allez, qu'il y a là de l'incompétence, M. le Président.

Alors, si le premier ministre a fini de nous raconter l'histoire de famille de Mike Harris, peut-il maintenant revenir à l'Assemblée nationale du Québec et nous parler de ce qu'il a l'intention de faire pour les régions du Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, le chef de l'opposition va-t-il nier qu'il a passé l'essentiel de sa question à parler de santé? Et, s'il croit vraiment ce qu'il dit, que la santé est importante, il devrait se réjouir que j'aie d'abord répondu sur la santé. Quand mon temps a été écoulé, vous m'avez fait signe.

Je suis content qu'il revienne sur les régions, parce que là, sur les régions, là, sur les régions, si on a souffert beaucoup en santé, malgré tous les efforts et les réalisations, pour les régions, ce que nous avons fait, en dépit de ce que le Parti libéral essaie de répandre, c'est proprement exceptionnel, et les chiffres sont là pour en témoigner.

Toutes les régions du Québec, y compris celles qui connaissent les tragédies les plus grandes, ont baissé leur taux de chômage. Et plusieurs régions du Québec ont un chômage plus bas que Montréal, dont sa propre région dont j'ai eu la fierté d'être ministre responsable. La région de Sherbrooke a remonté une côte exemplaire sous notre gouvernement dans les hautes technologies, dans les exportations.

Oui, il y a des drames. Il y a le drame gaspésien, mais, même dans le cas de la Gaspésie, premièrement, on a réussi aussi à baisser le taux de chômage. Et on a développé des programmes en Gaspésie qu'aucun gouvernement n'avait jamais mis à la disposition de cette région, dans la deuxième et troisième transformation des produits de la mer, en particulier, dans les éoliennes, où on a créé un statut spécial pour la Gaspésie, qui le méritait d'ailleurs, et dans toutes les autres régions du Québec, dans le dernier budget, dans l'avant-dernier budget.

Alors, en santé, je l'ai dit, c'est très difficile, c'est très compliqué. Et, malgré que nous sommes satisfaits de nos efforts, on n'est pas satisfaits du résultat. Mais, dans les régions du Québec, on a mis les efforts puis on a eu les résultats. Puis, il s'agit que la conjoncture se raffermisse, puis vous allez voir ce que vous allez voir.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure.

Révision des structures
de développement local et régional

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président. Oui. Merci, M. le Président. Le premier ministre peut bien nous dire que le chômage a diminué dans les régions du Québec, mais je lui fais une suggestion: de se rendre dans les régions du Québec, parce qu'il se rendrait compte que les taux de chômage diminuent peut-être, mais les gens, eux, quittent les régions. Depuis 1995, en Abitibi, M. le Président, 5 000 personnes ont quitté la région. Ça, c'est l'autre réalité, M. le Président. C'est la réalité dont ne parlent pas le premier ministre et son gouvernement.

Alors, dans ce contexte, comment il peut expliquer que son gouvernement n'ait toujours pas donné suite aux commentaires du Vérificateur général qui, en 1998, recommandait, M. le Président, au ministère des Régions de procéder ? vous me permettrez de citer ? au ministère des Régions «de procéder à l'analyse approfondie des structures de développement local et régional.» Trois ans plus tard, M. le Président, le laxisme du gouvernement qui est en face de nous fait dire au Vérificateur général aujourd'hui, dans le rapport qui vient d'être déposé, M. le Président, et vous me permettrez de citer, page 332, que les «structures sont nombreuses et se chevauchent en matière de concertation de services-conseils et soutien à l'entreprise.»

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut admettre que pendant que son gouvernement improvise en matière de développement local et régional ce sont encore les régions qui écopent, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Quand la députée me donne le conseil d'aller dans les régions, son conseil arrive en retard, parce que je l'ai suivi à un degré que jamais un premier ministre n'a suivi, surtout en ce qui concerne sa région. Qu'elle parle donc aux maires et aux autorités locales. Jamais un premier ministre, dans toute l'histoire du Québec, est allé aussi souvent en Gaspésie que j'y suis allé moi-même, comme président du Comité de relance de la Gaspésie, et c'est des belles activités que j'ai faites, et j'en suis fier.

Oui, c'est vrai qu'il y a des structures en région. C'est vrai qu'il y a des structures en région, et les régions sont drôlement contentes de ces structures. Les CLD, par exemple, les centres locaux de développement, sont des instances exemplaires de développement non seulement économique, mais aussi social, et je les rencontre autant que je le peux un par un, et je n'entends que des éloges pour ce système. Oui, il y a des structures, et je rappelle aux gens des CLD que le Parti libéral s'est opposé à la naissance de ces structures d'une modernité extraordinaire et qui expliquent en partie notre succès dans les régions. En Abitibi, par exemple; 1 000 emplois depuis un an en Abitibi-Témiscamingue.

Ensuite, la députée dit des choses extrêmement dangereuses pour sa propre crédibilité. Vous dites que l'Abitibi a commencé à se vider à partir de 1995? Bien, ils ont sacré leur camp à cause de votre négligence des 10 années antérieures. C'est ça qui est arrivé.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

Dépôt de la synthèse des opérations financières

M. Jean J. Charest

M. Charest: Oui, M. le Président, il faut vraiment vouloir dire n'importe quoi. On va, ce matin, demander au gouvernement de voir s'il disait n'importe quoi le 17 octobre dernier, lorsque la ministre des Finances a dit à son premier ministre et à tous les députés de l'Assemblée nationale qu'elle déposerait la synthèse des opérations financières dans six à huit semaines après la fin du trimestre qui les concerne. «Bon, alors donc, au début décembre, nous présenterons ces chiffres», avait dit la ministre des Finances le 17 octobre dernier à l'Assemblée nationale du Québec. M. le Président, le président du Conseil du trésor, lui, répondait également, à l'Assemblée nationale du Québec, au mois d'octobre, que «la tradition veut que les crédits soient déposés en fin d'année, et, s'il y avait changement dans la tradition, le Parlement et l'opposition en seraient immédiatement informés». Alors, on ne sait toujours pas dans quel état sont les finances publiques du Québec.

Sa ministre des Finances a pris un engagement très clair devant l'Assemblée nationale de déposer cette synthèse des opérations financières qui représente le bilan des finances publiques du Québec; son président du Conseil du trésor a pris l'engagement de déposer les dépenses du gouvernement du Québec. Le premier ministre peut-il nous dire à quel moment il va respecter la parole qu'il a donnée à l'Assemblée nationale du Québec?

n(10 h 20)n

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Jolie tentative de diversion quand ça chauffe trop fort dans les régions, hein? Vous avez abandonné le débat rapidement; mais, nous, on ne l'abandonnera pas. Spécialement à l'intention, M. le Président, de la députée de Bonaventure qui, imprudemment, a confessé l'incurie libérale, puisqu'on arrive au pouvoir en septembre, et elle dit que les gens s'en vont à cause de ça. C'est de la haute fantaisie. C'est des années de négligence. Vous n'avez rien fait pour les régions, ni sur le plan fiscal, ni sur le plan des investissements, ni d'aucune espèce de manière. Et la meilleure preuve, c'est le résultat, hein! La meilleure preuve, c'est le résultat. Depuis 1994, 2 180 emplois ont été créés en Gaspésie. Sous la gouverne libérale ? et ça confirme parfaitement ce que dit la députée ? entre 1987 et 1993, 5 100 emplois ont été éliminés. Voilà la preuve par les faits. On n'est pas dans la spéculation.

Et maintenant qu'on a pu répondre à la tentative de diversion du chef de l'opposition officielle, la ministre des Finances va répondre à sa question.

Une voix: Bravo!

Le Président: Rapidement, Mme la ministre des Finances.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Le chef de l'opposition posait la question à savoir dans quel état étaient les finances publiques du Québec. Sûrement en meilleur état, de toute façon, que lorsqu'ils nous les ont laissées, M. le Président.

Alors, nous allons effectivement déposer la synthèse des opérations financières d'ici quelques jours, une semaine ou deux, M. le Président. Ce sera fait.

Des voix: ...

Mme Marois: Ce sera fait, et nos collègues de l'Assemblée nationale auront l'ensemble des faits concernant la situation financière du gouvernement du Québec.

Des voix: ...

Le Président: En terminant, Mme la ministre des Finances.

Mme Marois: Alors, je réitère le fait, M. le Président, que les finances publiques du Québec sont actuellement dans un bien meilleur état qu'elles ne l'étaient lorsque le gouvernement libéral a quitté le pouvoir, M. le Président, et cela, c'est parce que nous avons eu le courage d'agir au bon moment et de façon pertinente, ce que nous continuerons à faire et ce que la synthèse des opérations financières dira aussi, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Il serait plus facile de donner de la crédibilité à l'affirmation de la ministre si elle déposait la synthèse des opérations financières. Le 17 octobre dernier, elle disait à l'Assemblée nationale que ça prenait six à huit semaines. Ça fait 10 jours que le huit semaines est passé. Alors, c'est quoi, le problème au ministère des Finances pour déposer la synthèse des opérations financières? Là, elle nous parle de deux semaines. Est-ce qu'on doit comprendre que ce sera déposé quelque part autour du 24 décembre? Peut-être le 28, vendredi, le 28 décembre, à 4 heures de l'après-midi? M. le Président, est-ce que c'est une vieille recette qu'elle va appliquer, une recette traditionnelle du Parti québécois, à la place de la recette traditionnelle du temps des fêtes, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Ce sera sûrement moins long, de toute façon, M. le Président, que le temps qu'a pris le Parti libéral pour accoucher d'une politique constitutionnelle qui était en dessous de tout, M. le Président.

Alors, oui, j'ai indiqué, M. le Président, que cela prenait de six à huit semaines...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre des Finances.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. J'ai indiqué que, dans une période de six à huit semaines, il était possible de présenter la synthèse des opérations financières. Peut-être que le chef de l'opposition a oublié que, le 1er novembre dernier, nous avons déposé un budget révisant l'ensemble des prévisions budgétaires du gouvernement du Québec, ce qui est très complet quant à la perspective à laquelle nous croyons être capable d'arriver dans les prochains mois. Et surtout, surtout, nous avons proposé, au-delà de bilans statiques que nous sommes capables de faire et que nous présenterons, nous avons proposé un plan d'action stimulant pour soutenir l'emploi et l'économie du Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.

Utilisation par les commissions scolaires et
les écoles de fonds destinés aux services
de garde en milieu scolaire

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, le rapport déposé ce matin par le Vérificateur général du Québec contient tout un chapitre sur les services de garde en milieu scolaire, et, notamment, on y aborde la question des tarifs demandés aux parents. Dans son communiqué, le Vérificateur nous dit ceci: «Des sommes importantes sont prélevées par les écoles et les commissions scolaires sur les allocations accordées par le ministère de l'Éducation aux services de garde. Or, ces fonds ne servent pas toujours aux fins des services de garde, ce qui influe sur les tarifs demandés aux parents.» Et, plus précisément à la page 250 de son rapport, on peut lire ceci: «Nous avons examiné les tarifs demandés pour un service comparable. Cet exercice révèle des disparités notables entre les différents services de garde.»

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous expliquer, peut expliquer aux parents pourquoi certains d'entre eux sont obligés de payer plus cher pour des services de garde comparables d'une école à l'autre, et ce, afin de compenser le fait que les commissions scolaires, le ministre leur permet, aux commissions scolaires, de prendre de l'argent prévu pour les services de garde et l'utiliser à d'autres fins? Comment le ministre de l'Éducation peut-il expliquer ça aux parents, M. le Président?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, nous avons augmenté de façon importante les services de garde qui sont offerts dans les écoles du Québec, au cours des dernières années. Au cours des trois dernières années, nous avons augmenté le nombre de places de 64 %. En cinq ans, l'année prochaine, on aura doublé le nombre de places, pour passer de 100 000 à 200 000 enfants qui sont gardés après les heures de classe, M. le Président. Et, dans un sondage qu'on a réalisé auprès des parents au cours des derniers jours, plus de 95 % des parents, M. le Président, sont satisfaits des services de garde en milieu scolaire.

M. le Président, certaines commissions scolaires ont des budgets supplémentaires qui sont alloués à différentes fonctions, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a 155 millions, M. le Président, qui a été ajouté cette année par les commissions scolaires en services de garde. C'est beaucoup plus que ce qu'on comptait il y a quatre ans, qui était 35 millions. C'est une augmentation importante, M. le Président.

Maintenant, j'ai vu, comme le député de Vaudreuil, qu'à certaines exceptions, à certains endroits, on avait chargé plus que le 5 $ prévu. Je veux d'abord rassurer tout le monde: ce sont vraiment des exceptions. Lorsqu'on fait la moyenne, on est à peu près à 5,05 $, donc il y a des endroits où on a effectivement chargé plus. J'ai convenu avec la Fédération des commissions scolaires d'examiner cette situation, et on va s'assurer que les tarifs soient respectés partout, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Vérification des antécédents judiciaires
du personnel oeuvrant dans des services
de garde en milieu scolaire

M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, suite à des événements tragiques et malheureux dans certains services de garde, un système de vérification d'antécédents judiciaires a été mis sur place pour les centres de la petite enfance et les autres services de garde. On apprend ce matin, M. le Président, que, dans 68 % des écoles qui offrent un service de garde en milieu scolaire, il n'y a aucune vérification des antécédents judiciaires pour le personnel.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire c'est quoi, son plan d'action afin d'assurer que les gens qui travaillent avec nos enfants en services de garde en milieu scolaire n'ont pas d'antécédents judiciaires?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à l'Emploi.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, nous avons des discussions actuellement avec la Fédération des commissions scolaires pour examiner la possibilité de pouvoir analyser les antécédents judiciaires des employés qui sont déjà en place. La plupart des commissions scolaires le font pour les nouveaux employés. C'est la responsabilité des commissions scolaires de faire ces vérifications. On sait qu'il y a quand même, au Québec, une charte à respecter. Donc, M. le Président, j'aurai l'occasion au cours des prochains jours de faire connaître une nouvelle approche que nous établissons actuellement avec nos partenaires, c'est-à-dire la Fédération des commissions scolaires du Québec.

n(10 h 30)n

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en question principale.

Coûts de l'appartement de fonction
et du déménagement
des bureaux du premier ministre

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Alors que, et ce ne sont que des exemples, alors que les services de base aux personnes âgées ne couvrent que 68 % des besoins, alors que les hôpitaux coupent dans les services aux malades, alors que le gouvernement renie sa promesse faite au Sommet de la jeunesse, voilà qu'on apprend que le caprice du premier ministre de déménager sa suite à l'édifice Honoré-Mercier va coûter près de 50 millions de dollars aux contribuables québécois, sans compter évidemment les effets dominos qui s'ensuivent sur la fonction publique.

La question est bien simple: M. le premier ministre, quand est-ce que ça va s'arrêter?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): M. le Président, on peut faire de la démagogie sur tous les sujets, mais il y a quand même certaines limites. Lorsqu'on additionne, par exemple, la mise aux normes d'un édifice comme l'édifice J, l'édifice communément appelé «le calorifère» ou le «bunker», à Québec, qui est absolument... qui était rendue absolument nécessaire pour des questions de santé publique et de sécurité, lorsqu'on additionne cette mesure-là avec la relocalisation des bureaux du premier ministre dans un édifice patrimonial de la colline parlementaire, qu'on y ajoute une décision prise par le Bureau de l'Assemblée nationale concernant le Vérificateur général, on ajoute ensemble des choses qui n'ont rien à voir.

Les décisions qui ont été prises dans ces dossiers sont des décisions d'investissement, des décisions qui permettent de préserver de magnifiques édifices, des décisions qui permettent de maintenir la sécurité et la santé des personnels de l'Assemblée nationale et du gouvernement qui y travaillent. Nous sommes extrêmement fiers de chacune de ces décisions. Elles ont été prises dans l'intérêt public, et je crois, M. le Président, que le Bureau de l'Assemblée nationale a pris une excellente décision, je pense que le gouvernement a pris d'excellentes décisions, et nous devrions tous être fiers de ces décisions. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le président du Conseil du trésor, M. le Président, réalise-t-il qu'il est bien malhabile de parler de démagogie ce matin, alors que c'est bien plus en fin de semaine, dimanche dernier, qu'on l'a vue, la démagogie, quand le ministre de la Sécurité publique et le premier ministre sont sur la même estrade que Raymond Villeneuve, qui prêche la violence au Québec? Et, M. le Président, est-ce que ces gens-là réalisent... Est-ce que ces gens-là réalisent, M. le Président, que ce que la population ne peut plus endurer, hein, c'est de payer pour le confort du premier ministre alors qu'il y a des besoins bien plus pressants dans la population?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Ce n'est plus de la démagogie, M. le Président, c'est un mensonge grossier que nous venons d'entendre, et le député...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre... M. le premier ministre, vous comprendrez que d'accuser un collègue de mentir, c'est aller au-delà de nos règles de procédure, au-delà de nos règles parlementaires. Je crois que vous pouvez différer d'opinions avec le député de Saint-Laurent, vous pensez qu'il s'est trompé, mais je crois que, selon nos règles, vous ne pouvez pas prétendre qu'il a menti, à moins d'être en mesure par la suite d'aller beaucoup plus loin dans les accusations. Alors, je préférerais que vous retiriez vos propos et que vous reformuliez votre réponse de telle sorte que l'Assemblée puisse poursuivre ses travaux correctement.

M. Landry: Je vais changer mon expression, M. le Président, parce que je respecte les règles de cette Assemblée et les individus plus que ne l'a fait le député dans son intervention. Il vient d'annoncer à la face de l'Assemblée nationale et à la face du Québec que j'ai été sur la même estrade dimanche que Raymond Villeneuve. Cela est radicalement faux. Et je ne serais pas content si j'avais, à l'endroit d'un collègue libéral ou de quelque autre parti, dit une chose aussi horrible. Et j'espère qu'à l'instant même le député le regrette. J'ai été à une assemblée... Il ne regrette pas d'avoir dit que j'étais sur la même estrade que Raymond Villeneuve alors que cela n'a aucune connexion avec la réalité?

Des voix: ...

Le Président: Alors... Bon. C'est le premier ministre qui avait la parole. Je crois, M. le député de Saint-Laurent, que tout irait mieux si, dans le contexte, tout le monde écoutait et que, si vous avez à répliquer, vous le fassiez selon les règles. M. le premier ministre.

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Question de règlement?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ça irait mieux si le premier ministre s'en tenait au règlement de l'Assemblée nationale et...

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le premier ministre.

M. Landry: Je m'adresse à la présidence, M. le Président, mais, quand on s'adresse à la présidence, c'est dans l'espoir que ceux et celles qui sont dans cette salle vont entendre. Ce qu'a dit le député de Saint-Laurent est tout à fait inadmissible. Il a laissé entendre que j'avais partagé une tribune politique avec un homme à la réputation violente et au passé pénal.

Ça fait 30 ans, M. le Président, que je fais de la politique active. J'ai été élu, j'ai été battu, jamais je n'ai cautionné au moindre degré quelque forme de violence. Et j'ai été avocat en droit pénal, moi aussi, et je sais ce que c'est que violer les lois et violer la démocratie. Et ce que le député a fait ici ce matin, M. le Président, je le dis, après 30 ans de service de la population du Québec, est une chose dont il devrait avoir honte. Et c'est une chose d'une extrême gravité de laisser entendre qu'un collègue de l'Assemblée nationale, directement ou indirectement, a cautionné la violence.

Et je rends la population du Québec arbitre: il y avait 30 journalistes là; il y avait les caméras de la télévision. Il a dit une chose inacceptable. Je crois... Il est membre du Barreau. Il a été avocat en droit pénal. Il a plaidé devant les tribunaux. Il a respecté l'adversaire. Je le crois encore capable de retirer ce qu'il a dit.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le premier ministre réalise-t-il que ce qu'il y a de honteux et d'inadmissible, c'est que, pour mousser à tout prix son obsession, il est prêt à s'associer à des gens qui prêchent d'y arriver par la violence?

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, l'article 35 est très clair. D'abord, il est défendu à un membre de l'Assemblée d'attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en cause, imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole.

Dans les circonstances, vous avez ouvert un questionnement, le premier ministre a répliqué. Je lui ai demandé d'ailleurs de retirer des propos, ce qu'il a fait. Et, à la suite de la réplique, ce qui est clair, c'est que, si vous continuez dans le sens où vous le faites, tant que vous refusez d'accepter la parole d'un collègue...

M. Paradis: ...

n(10 h 40)n

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je crois que c'est moi actuellement qui interviens.

Et, deuxièmement, vous allez à l'encontre aussi du règlement, parce que attaquer... associer finalement un membre de l'Assemblée, en l'occurrence un membre éminent qui est le premier ministre, à une conduite qui s'apparente à une association de malfaiteurs ou, en fait, de... je crois que là on est allé loin, là. Et, dans les circonstances, vous n'avez pas le droit de le faire, à moins d'attaquer avec une motion la conduite du premier ministre qui est député de Verchères. Et vous savez les conséquences que ça suppose. Alors, dans les circonstances, je vous invite à retirer vos propos et à reformuler votre question complémentaire selon nos règles de procédure. M. le député.

M. Dupuis: Le premier ministre réalise-t-il...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, je crois que vous êtes un gentilhomme et vous êtes un député qui avez maintenant assez d'expérience, je vous invite à vous conformer à l'invitation que je vous ai faite.

M. Dupuis: Vous m'invitez à reformuler ma question, je suis prêt à le faire, M. le Président, en changeant les mots. C'est ce que je vais faire.

Des voix: ...

Le Président: Je comprends que vous retirez également vos propos. Très bien. Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Le premier ministre admettra-t-il que ce qui choque la population, c'est que les deniers de ses impôts soient dépensés pour son confort alors qu'il y a des besoins pressants dans la population? C'était la question principale.

Le Président: Bien. M. le président du Conseil du trésor.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): M. le Président, puisque l'on parle du premier ministre et des dépenses qui ont été faites ces derniers mois concernant une résidence de fonction à Québec, permettez-moi de rappeler à cette Assemblée que cette résidence de fonction a été choisie, rénovée avec l'approbation de l'ensemble de la population de la région de Québec, à la demande de l'ensemble de la population de la région de Québec depuis très longtemps, et avec l'approbation de l'opposition.

Alors, il est trop facile... Je sais que nous sommes à la veille des Fêtes, que c'est la session intensive qui est commencée et que l'opposition veut ce matin faire monter de quelques degrés la pression dans l'espoir peut-être de nous faire perdre contenance. M. le Président, il y a des limites à certaines accusations démagogiques. L'investissement qui a été fait dans l'intérêt de l'ensemble des Québécois, pour ce qui est de la résidence de fonction du premier ministre, et qui profitera à tous les premiers ministres au cours des prochaines générations, a été voulu par la population, fait dans l'intérêt de la population, et n'a rien à voir avec le débat sur les finances publiques au Québec. M. le Président, des gens qui ont laissé les finances publiques dans l'état de désolation où ils les ont laissées ne peuvent pas se permettre aujourd'hui de faire de la démagogie sur des questions aussi importantes.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Rimouski, en question principale.

Exécution d'un contrat octroyé par le ministère des
Transports pour le gravelage de routes en Gaspésie

Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. En question principale, je m'adresse au ministre des Transports. J'aimerais savoir, M. le Président, suite aux événements qu'a connus la Gaspésie... On sait tous qu'il y a une vingtaine de travailleurs, de camionneurs qui sont associés aux patriotes gaspésiens, qui ont refusé d'exécuter des travaux de camionnage suite à un contrat qui a été octroyé par le ministère des Transports du Québec. Et on sait très bien aussi que ces travaux-là doivent se faire avant les gelées d'hiver. Tout le monde est à même de constater qu'on se rapproche de l'hiver de plus en plus. Et on sait très bien que ces mêmes camionneurs là ont tenté en fin de semaine de déplacer des roulottes qui appartiennent à l'entrepreneur qui a eu le contrat, qui est une entreprise de la Gaspésie et qui a des bureaux autant à Matane, à Sainte-Anne-des-Monts qu'à Gaspé.

Alors, moi, je voudrais savoir si ce projet-là va pouvoir se réaliser et si on a des risques de perdre les crédits par rapport à ce dossier.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président, vous me permettrez tout d'abord de féliciter deux députés qui, au cours de l'été, m'ont supplié de pouvoir donner de l'emploi aux camionneurs de la région. Il s'agit du député de Matane et du député...

Des voix: ...

M. Chevrette: M. le Président, il y a des députés qui veulent bâtir et non pas détruire, de ce côté-ci de la Chambre.

Des voix: ...

M. Chevrette: Donc, les députés de Matane et de Gaspé m'ont demandé si on ne pouvait pas procéder à certains... devancer certains travaux dans leur circonscription électorale pour pouvoir faire travailler les camionneurs. Et, à notre grande surprise, ceux-là mêmes pour qui on a octroyé un contrat particulier devancé ne veulent pas l'exécuter, sous prétexte que ça devrait être un promoteur de leur propre municipalité, ce qui n'a pas de bon sens. On est allé en soumissions publiques, et la fameuse entreprise en question, M. Walter Bélanger, a obtenu deux contrats. Il en a conservé un. Et, le deuxième, il n'avait pas l'équipement pour le faire, on a dû aller au deuxième soumissionnaire. Mais tout cela, c'était pour faire du concassage et permettre à des camionneurs de travailler, et ils se refusent, ils refusent de travailler, alors qu'ils n'avaient que peu d'heures de faites.

Dans les circonstances, M. le Président, moi, je les invite une dernière fois, une dernière fois, à accepter d'épandre maintenant ce concassé et puis qu'ils puissent accumuler des heures pour fins de chômage. Ils ont des familles, ces gens-là. Et c'est tout à fait incompréhensible qu'on ne respecte pas, dans une région comme celle-là, qu'on ne respecte pas le jeu des soumissions publiques, qui a été fait correctement. Et, qui plus est, des gens se refusent d'exécuter des travaux pour leur mieux-être à eux, parce que c'est spécifiquement pour eux qu'on a fait ces contrats, qu'on a devancé ces contrats, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Solange Charest

Mme Charest: En complémentaire, M. le Président, je voudrais savoir: Est-ce qu'il y a un échéancier, là, qui est incontournable pour que ces travaux soient réalisés, que les gens puissent travailler puis faire le projet comme il était supposé d'être fait?

Le Président: M. le ministre.

 

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, la réponse que je vais donner, ça va être celle du CRD et de la Table des préfets de la Gaspésie qui ont émis un communiqué et qui disent très, très bien: «On ne peut que déplorer l'attitude, les propos menaçants et les gestes de certains manifestants. Ils cherchent à discréditer et à intimider des entrepreneurs de Matane qui pourtant possèdent des activités dans notre région et qui créent par conséquent des emplois pour bon nombre de nos concitoyens. De plus, ils s'aliènent les sympathies de la collectivité. Et ce n'est pas une façon qu'on règle les problèmes. Nous croyons que, dans ce cas-ci, les autorités politiques et administratives du ministère des Transports ont fait des efforts particuliers pour faciliter l'octroi des contrats pour les entreprises de la région.»

M. le Président, avec l'ouverture des marchés de plus en plus, on trouve inconcevable comme attitude, je dirais même, c'est rétrograde comme attitude que de penser qu'on va faire des soumissions exclusivement pour un entrepreneur d'un seul village ou d'une seule paroisse. J'ose espérer que les Gaspésiens sont tout à fait unanimes derrière le gouvernement là-dessus, sont heureux de voir qu'on a pensé à ces travailleurs et sont déçus de voir que ces mêmes travailleurs ne veulent plus exécuter les travaux.

Et ça ira loin bien sûr, parce que, si cette attitude devait se répandre, ce serait inadmissible, complètement, pour le Québec. On vit dans une société ouverte où le jeu de la concurrence joue. Mais là, par exemple, où ça ne marche pas, c'est que ce sont les employés du coin qui exécutent ces travaux-là, indépendamment du fait que le contracteur soit de la place ou pas. Et je leur demande, s'il vous plaît, de bien réfléchir et de mettre fin immédiatement à ce genre de pression tout à fait inacceptable.

Le Président: En question principale, M. le député de Nelligan, maintenant.

Plan d'action concernant l'accès aux soins de santé
et aux services sociaux en langue anglaise

M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Nous avons appris la semaine passée que le gouvernement a caché un document qui veut vider... qu'il n'a pas rendu public, qu'il n'a pas rendu public un document qui veut vider les garanties législatives pour la communauté d'expression anglaise.

Aujourd'hui, nous avons appris que le ministre n'a pas rendu public son plan d'action de réduction des services à son propre Comité provincial pour les services de santé et services sociaux en langue anglaise. À cause de ce manque de respect flagrant, les membres de ce Comité ont démissionné en bloc, et je cite un membre du Comité, M. Arthur Sandborn, président de la centrale de Montréal de la CSN: «It's been a sham for the 18 months I've been there. The senior Health Department bureaucrats were viciously hostile.»

n(10 h 50)n

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut rappeler son ministre de la Santé à l'ordre une fois pour toutes et mettre fin à ce plan d'action de réduction des services offerts à la communauté d'expression anglaise?

Le Président: M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, ne pas tordre les faits. Le premier objectif, d'abord, c'est clair que nous avons à actualiser les responsabilités que nous avons pour l'accès aux personnes de langue anglaise pour les services de santé et les services sociaux sur tout le territoire québécois. Et nous procédons à une révision périodique de ce cadre pour permettre l'accès aux personnes de la communauté anglophone du Québec à l'intérieur des droits qui sont garantis dans la Charte de la langue française et la loi n° 142. Il est évident par ailleurs qu'il y a ? pour employer l'expression assez juste, à mon avis, d'un journaliste la semaine dernière ? une grande tentative de ressusciter le psychodrame à tous les trois ans où nous réexaminons la façon de faire, de ressusciter, de resouffler une espèce de baudruche, a dit le premier ministre, pour employer le bon langage, d'une situation, un ballon qui n'existe pas.

M. le Président, la situation est simple. Nous procédons à des travaux pour actualiser le cadre de référence qui permet aux régies régionales de la santé et des services sociaux et aux établissements de répondre aux impératifs de la loi. Et nous allons, au ministère de la Santé et des Services sociaux, recevoir les travaux qui ont été faits à cet égard-là d'ici quelques semaines et nous aviserons sur la façon de travailler en cours d'hiver.

Quant à M. Walling et son président, qui agissent à titre de comité-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux, je regrette cette démission. J'eus préféré cependant qu'ils donnent réponse à ma lettre du 30 mai plutôt que d'aller se confier à The Gazette.

Le Président: Dernière courte question complémentaire, M. le député de Nelligan.

M. Russell Williams

M. Williams: Pourquoi le ministre veut réduire les services de santé et services sociaux en langue anglaise? Pourquoi il réduit ça? Pourquoi il pense que ça va être bon de réduire, dans tous les territoires du Québec, les services pour la clientèle d'expression anglaise? Pourquoi il fait ça?

Le Président: M. le ministre.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, il n'y aura pas de modification aux lois concernant l'accès aux services en anglais pour les personnes de la communauté anglophone. Nous allons actualiser notre cadre pour faire en sorte que cela corresponde aux besoins, parce que notre préoccupation, c'est les soins de santé à tous les Québécois et les Québécoises, peu importent leur race ou leur langue, M. le Président.

Le Président: Bien, cette réponse complète la période de questions et de réponses orales pour aujourd'hui.

Motions sans préavis

Nous allons aller aux motions sans préavis. Je donne la parole au whip en chef du gouvernement.

Nomination du député de Drummond à titre
de membre de la commission des finances publiques

M. Morin: Merci, M. le Président. «Conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, qu'il me soit permis de faire motion afin que le député de Drummond, M. Normand Jutras, soit membre permanent de la commission des finances publiques.»

Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Alors, je crois que la motion est adoptée.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons aller maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire procédera aux consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 49, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 h 30 à 18 heures et de 20 heures à 22 h 45, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

J'avise aussi cette Assemblée que la commission de la culture entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Bien. Pour ma part, je vous avise que la commission des finances publiques et que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de procéder à l'élection du président de la commission des finances publiques de même qu'à l'élection du vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Alors, nous allons aller aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Bien. Nous passons aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 8 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 43

Adoption du principe

Le Président: Bien. Alors, à cet article, Mme la ministre déléguée aux Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. Mme la ministre.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que je vais proposer aujourd'hui l'adoption du projet de loi n° 43. C'est mon premier projet de loi dans cette responsabilité. Alors...

Des voix: Bravo!

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, la modification législative dont je propose l'adoption de principe aujourd'hui concerne essentiellement la réforme de la publicité foncière et la réforme cadastrale. Les modifications proposées dans le projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois, s'inscrivent plus particulièrement dans un souci d'harmonisation et de simplification de la tarification en matière de publicité foncière, d'une part, et de rénovation cadastrale, d'autre part.

La réforme de la publicité foncière est, pour les non-initiés, la modernisation des bureaux d'enregistrement. Cette réforme, c'est un des projets de numérisation massive de documents parmi les plus importants en Amérique. C'est la totalité des index des immeubles depuis 1830, ce qui correspond à 8 millions de pages, et les contrats des 30 dernières années, ce qui représente 170 millions de pages, qui seront numérisés. Cette informatisation du système de la publicité foncière...

Une voix: ...

Mme Dionne-Marsolais: D'accord.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la ministre, juste pour une information. La réunion qui était convoquée, aux avis touchant les travaux des commissions, pour la commission des finances publiques et la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, qui devait avoir lieu à la salle Louis-Joseph-Papineau, est plutôt à la salle du Conseil législatif. Je m'excuse. Alors, c'est pour vous aviser, dans l'ordre, que la réunion aura lieu à la salle du Conseil législatif. Mme la ministre, je vous écoute.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, ça a aidé un peu à baisser le niveau de décibels aussi, ce n'est pas mauvais. Alors, comme ça... Parce que c'est un projet de loi qui, sous des dehors assez simples, est quand même assez complexe dans sa composition.

Donc, je parlais de l'informatisation du système de la publicité foncière, laquelle informatisation va améliorer, et de beaucoup, la qualité des services offerts aux citoyens par la mise en place d'un lien électronique interactif efficace et flexible en garantissant l'accessibilité aux citoyens dans les 73 points de services actuels.

Quant à la réforme cadastrale ? on en a beaucoup parlé ici ? elle a pour objectif de bâtir une image complète, une image fidèle et constamment mise à jour de toutes les propriétés privées du Québec sur un nouveau plan informatisé. Donc, c'est toute l'informatisation de nos données de cadastre et de publicité foncière.

Il convient de souligner par ailleurs qu'il y a toujours eu des liens très étroits entre le registre foncier et le cadastre. En effet, on sait ? et, pour ceux qui ne le savent pas, je le dis ? le cadastre donne un numéro de lot à une propriété privée pour l'identifier sur un plan. Le registre foncier, lui, il ouvre, pour chacun des lots identifiés au fameux plan, une fiche immobilière où seront consignées toutes les transactions immobilières qui le concernent. Enfin, les missions du cadastre et du registre foncier se complètent et contribuent à la protection des droits fonciers des citoyens du Québec. C'est très important, puisque ça fait partie des actifs de beaucoup d'entre nous.

n(11 heures)n

Il faut se rappeler que, avant le 5 décembre 2000, le ministère des Ressources naturelles gérait le système d'information foncière du domaine de l'État, c'est-à-dire les terres publiques, ainsi que le cadastre qui, lui, s'applique aux territoires privés. Le registre foncier, lui, était sous la responsabilité du ministère de la Justice, donc tout l'enregistrement des transactions. Depuis le 5 décembre 2000, toutes les composantes de l'information foncière québécoise sont maintenant regroupées au sein du ministère des Ressources naturelles. Ça comprend le cadastre, le registre foncier, l'arpentage et le terrier.

Le terrier, ce sont les terres de l'État, le registre des terres de l'État. C'est l'équivalent, si vous voulez, du registre foncier, mais pour les terres publiques. Ce regroupement de l'information foncière et de ses composantes visait à simplifier les rapports entre les citoyens et l'État et à assurer la cohérence entre les systèmes d'information foncière, c'est-à-dire ceux publics et privés. Ce regroupement a été effectif, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, en décembre 2000, lorsque l'Assemblée nationale a adopté la Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, qui est devenue le chapitre 42 des lois de 2000. Cette loi venait également concrétiser, sur le plan juridique, l'informatisation du système de la publicité foncière.

En plus de regrouper les systèmes d'information foncière, la Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière créait le Fonds d'information foncière. Alors, ce fonds, il est né de la fusion du Fonds de la réforme du cadastre québécois et de la partie du Fonds des registres qui concerne le registre foncier. Le Fonds d'information foncière permet principalement d'assurer le financement des opérations du registre foncier et de la rénovation cadastrale. Il est majoritairement constitué des sommes perçues pour les services rendus par les bureaux de la publicité des droits, les anciens bureaux d'enregistrement qui étaient auparavant, on le sait, le lieu de référence pour la recherche de titres. Les revenus du fonds proviennent également de la vente de produits du cadastre comme les cartes, les plans, etc. Ça comprend aussi les services aux citoyens, les abonnements aux registres tels qu'Infolot qui est un service informatique donnant des informations sur les lots.

Pour financer la réforme du cadastre québécois, une somme de 32 $ est actuellement perçue lors de l'inscription d'un acte au registre financier en vertu de la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. À cette somme, on doit ajouter un montant de 8 $ qui est par ailleurs perçu en vertu de la Loi sur les bureaux de la publicité des droits, pour un total de 40 $. C'est le prix aujourd'hui. Désormais, avec ce projet de loi n° 43 que je vous soumets pour adoption en principe ce matin, désormais ce montant de 40 $... la somme du 32 et du 8 sera perçue ensemble en vertu de la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois.

Parallèlement, à l'occasion de l'informatisation du système de la publicité foncière, certains principes de tarification ont évidemment dû être modifiés. Ces nouveaux principes sont, quant à eux, prévus par règlement dont la majorité des dispositions entrera en vigueur le 1er janvier 2002, c'est-à-dire dans quelques semaines. Et c'est pour ça que je soumets ce matin ce projet de loi pour adoption aujourd'hui, parce que ces règlements-là seront en vigueur au 1er janvier 2002. Le projet de loi que je vous propose aujourd'hui propose que les dispositions tarifaires nécessaires au financement de la réforme cadastrale soient incluses uniquement dans une seule et même loi, à savoir la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. Le projet de loi n° 43 complète donc cette loi.

Concrètement, le projet de loi n° 43 poursuit les deux grands objectifs suivants: premièrement, inclure dans une seule loi l'ensemble de la tarification relative aux honoraires servant au financement du Programme de rénovation cadastrale. Auparavant, les dispositions relatives au financement de la rénovation cadastrale étaient prévues dans deux législations distinctes, celle du ministère des Ressources naturelles et celle du ministère de la Justice. Maintenant, ce sera entièrement au ministère des Ressources naturelles. Deuxièmement, le projet de loi n° 43 vise à harmoniser les principes de tarification en matière de rénovation cadastrale avec ceux de la publicité foncière, qui s'appelait auparavant l'enregistrement des droits. Cette harmonisation vise toutes les radiations, communément appelées quittances. Avec l'adoption, donc, du projet de loi n° 43, les honoraires perçus pour la rénovation cadastrale lors d'une demande de radiation seront désormais établis en fonction du nombre de documents à radier, et cela, afin d'en simplifier l'application pour la clientèle.

Par ailleurs, l'informatisation du registre foncier a amené, elle, l'abandon de la tarification pour les radiations d'avis d'adresse, alors que la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois prévoit toujours des honoraires pour ces mêmes opérations, d'où l'importance du projet de loi n° 43 qui régularise une situation en éliminant cette tarification-là. Donc, je le rappelle, les principes de tarification en matière de rénovation cadastrale et de publicité foncière seront harmonisés en ce qui a trait à la radiation des avis d'adresse. Dans ce cas, il y aura dispense de paiement des honoraires.

En somme, ce projet de loi propose des modifications mineures mais qui sont nécessaires à la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. Il permet d'assurer une cohérence dans la modernisation des lois qui régissent le cadastre, tel qu'annoncé avec la Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière que nous avons adoptée à l'Assemblée nationale en décembre de l'an passé. Et c'est pourquoi, M. le Président, en terminant, je recommande aux membres de cette Assemblée d'adopter le principe du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 43. Oui?

M. Bergman: M. le Président, je voudrais juste poser une question en vertu de l'article 213 du règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): 213. Est-ce que, Mme la ministre, vous permettez au député de D'Arcy-McGee de vous poser une brève question en vertu de l'article 213 de notre règlement?

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je pense que nous allons avoir une commission...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui ou non?

Mme Dionne-Marsolais: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il n'y a pas de consentement. Alors, nous poursuivons le débat et je reconnais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie et ressources, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Je trouve dommage que la ministre n'ait pas accepté de répondre à la question de mon collègue de D'Arcy-McGee, parce que, comme vous avez pu le constater, vous-même, je ne sais pas, M. le Président, vous avez déjà oeuvré dans ce secteur-là précédemment, tout ce qui concerne les cadastres, les enregistrements aux cadastres, les modifications de lots, c'est extrêmement compliqué.

On a devant nous un projet de loi qui, à première vue, est relativement simple, le projet de loi n° 43 modifiant la réforme du cadastre québécois, réforme qui est déjà enclenchée, réforme qui est déjà commencée et qui, bien sûr, comme c'est le cas dans plusieurs réformes, soulève certaines questions. Et on a vu certains cas problèmes dans cette réforme-là. Moi, je me souviens, j'ai eu à mon bureau, et par lettre, et autrement des gens qui, suite à cette réforme-là, suite à l'informatisation, l'informatisation, je dirais, de toutes ces données-là, ont vu leurs terrains et des choses modifiés, ont vu des choses changées.

Ce matin, le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi n° 43, c'est un projet de loi qui, comme le mentionnait la ministre, est là pour harmoniser des choses. La grande question qu'on doit se poser ? et c'est pour ça que je trouve ça dommage que la ministre n'ait pas répondu à mon collègue de D'Arcy-McGee, parce que ça aurait peut-être pu modifier, en tout cas, certaines choses ou nous amener certains éclaircissements ? à cette étape-ci, la question est bien simple, c'est de savoir: Est-ce que, au net, est-ce que, là, à la fin de la journée, comme on dit, là, suite à ce projet de loi là, est-ce qu'il y aura, oui ou non, des augmentations de tarifs pour les gens? Et c'est ça, la question de base.

Qu'on nous dise qu'on veut fusionner des choses ensemble, qu'on veut rendre ça plus simple, qu'on veut rendre aussi plus simples certaines quittances pour quand on fait des radiations, et tout ça, qu'on enlève des tarifs, ça, il n'y a personne qui a des problèmes avec ça. Simplifier, personne n'a des problèmes avec ça. Et, quand la ministre nous parle de son 8 $ qui était au bureau de publicité des droits, son 32 $ qui est actuellement perçu au niveau du registre du cadastre, je veux bien, je n'ai pas de problème avec ça, qu'on mette ça ensemble, ça fait 40, ce n'est pas une augmentation. Mais, quand on nous dit que, avec ce projet de loi là, il va y avoir une réglementation, des règlements qui s'en viennent, et que là-dedans il va y avoir une tarification, bien là ça m'inquiète un peu. Ça m'inquiète un peu, parce que, comme je vous dis, la ministre n'a pas été capable de nous dire: Est-ce que, oui ou non, il y a des augmentations pour les citoyens puis les contribuables, pour les gens qui vont avoir à faire affaire, ou à travailler, ou à demander des informations en ce qui a trait au cadastre? Ça, c'est essentiel, M. le Président, parce que, sur le projet de loi, effectivement, on ne peut pas, on ne peut pas faire des discours, là, bien, bien des heures là-dessus.

On nous dit que c'est un projet de loi qui veut tout simplement apporter des modifications pour assurer la cohérence des règles régissant l'établissement, les honoraires de rénovation cadastrale avec les principes de tarification en matière de publicité foncière. Si ce n'est uniquement de l'harmonisation, je vous le dis, je n'ai pas de problème avec ça. Simplifier, je pense qu'il n'y a pas personne qui va sortir dans la rue pour manifester là-dessus.

n(11 h 10)n

Mais pourquoi la ministre ne veut pas nous dire ? puis je suis même prêt à lui laisser une minute pour répondre à ça, M. le Président, si elle veut, là ? nous dire qu'au bout du processus de son projet de loi il n'y aura pas d'augmentation de tarifs, que c'est une harmonisation et que ce n'est pas, ni dans le projet de loi ni par les règlements, une façon d'aller chercher des argents supplémentaires? Et c'est ça qu'on veut vérifier, c'est ça qu'on voulait savoir aussi. Est-ce qu'en bout de ligne, là...

Je veux bien, sur le 8 $ et le 32 $ qu'on met ensemble... On est à 40. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus. C'est sur l'autre partie, quand vous mentionnez que par règlement il va y avoir d'autres tarifications, des modifications, entre autres, au niveau du processus de reddition, et tout ça. Est-ce que, dans cette partie-là, ça va amener des coûts supplémentaires?

Puis un autre point aussi, c'est que, quand on regarde dans la loi qui était là avant et quand on regarde les montants qui sont là, il y a des montants qui sont mentionnés, entre autres, quand on regarde au niveau de la perception, l'article 8.1: «Les officiers de la publicité des droits doivent percevoir les honoraires suivants:

«1° 28 $ lors de l'inscription ou du dépôt d'un document visé par les articles 2 et 3 du Tarif des droits relatifs à la publicité foncière édicté par le décret 1597-93 du 17 novembre 1993;

«2° 28 $ lors de l'inscription ou du dépôt d'un document pour fins de radiation.»

Est-ce que c'est ce 28 $ là qui a été modifié et qui a été mis à 32 par la suite? Ça, c'est une loi ? attendez un petit peu, M. le Président ? qui a été déposée... qui date, je dirais, de 1993, qui a été modifiée en avril 2000. Est-ce que ça, c'est là-dedans? C'est extrêmement compliqué. Tout ce qui a trait à la révision, au registre comme tel, c'est quelque chose qui est très complexe, et c'est pour ça que je ne pense pas qu'on ait d'objection majeure au fait de simplifier, au fait de rendre ça plus accessible, de mettre ça plus simple pour les contribuables, pour les citoyens et citoyennes.

Mais la grande question qu'on a, c'est de savoir s'il va y avoir des augmentations de tarifs, parce que, déjà dans la réforme précédente, dans ce qui a été enclenché au niveau de la réforme du cadastre, on nous a dit qu'on ne devait pas faire d'erreur, qu'il ne devrait pas y avoir de personnes qui perdent quoi que ce soit, puis on a vu certains cas de gens qui, suite à cette réforme-là, une fois qu'on fait le croisement de toutes les données... Puis, comme on le mentionnait tantôt, c'est des données qui relèvent de plusieurs, plusieurs années. Alors, quand on met tout ça ensemble, là, je pense que tous ceux et celles qui ont acheté un terrain à un moment donné voient qu'il peut y avoir deux, trois lots, des parties de lot puis des parcelles, et tout ça, dans le même terrain qu'on veut acheter. Quand on refait l'historique au complet ? on disait qu'on n'échapperait rien ? il y a des citoyens et citoyennes qui, suite à cet exercice-là, ont perdu certaines parties de terrain puis là se retrouvent dans un processus qui est assez complexe pour réussir à tout démêler ça et tout trouver ça, et c'est pour ça que j'aimerais ça, à ce moment-ci, là... Puis, je pense, de consentement, on peut tout faire dans cette Chambre-là. Mais c'est de demander à la ministre: Est-ce qu'il y a une augmentation de tarifs, oui ou non, dans ce projet de loi là? Et ça nous permettrait de mieux nous pencher sur l'étude par la suite, parce que ce n'est pas clair.

On nous dit que c'est une équivalence dans une partie. Moi, c'est la partie réglementation qui m'inquiète un peu. Qu'est-ce qu'il va y avoir là-dedans? Il faut que ce soit en vigueur pour le 1er janvier qui s'en vient, donc il faut que les règlements passent. On doit les avoir quelque part, ces règlements-là. Et est-ce que là il y a une augmentation de la tarification?

Et je ne sais pas si la ministre voudrait répondre à ma question à ce moment-ci là-dessus. Elle nous dit qu'elle veut attendre en commission parlementaire. C'est un peu dommage, parce que ça pourrait nous permettre d'éclaircir, en tout cas sur la base du principe, là, si, à ce niveau-là, il y a des modifications ou pas. Parce que, s'il n'y a pas de modifications et si on en arrive au même montant en bout de ligne, je pense que les discours ne seront pas très, très longs ce matin. Par contre, si elle n'est pas capable de nous éclaircir cette question-là, je ne voudrais pas qu'on soit obligé, à ce moment-ci, de commencer à parler d'autres façons d'aller chercher des montants ou de façons d'aller... que les contribuables aient une surprise à un moment donné où on dit: Il n'y a pas d'augmentation de tarifs, sauf que, dans les faits, quand on regarde au niveau de la réglementation qui va être mise en vigueur, bien là on augmente les tarifs pour différents cas qui, en bout de ligne, font, ensemble, que ça augmente puis qu'il y a une nouvelle tarification, et c'est ça que j'aimerais beaucoup que la ministre éclaircisse. Et, dans son discours malheureusement, ce matin, elle ne l'a pas fait à ce niveau-là.

Je pense que ce serait relativement simple qu'elle puisse se lever en Chambre et dire: Bien, écoutez, il n'y en aura pas, d'augmentation de tarifs, ni directement par ce qui est dans la loi ou indirectement par ce qui pourrait être déposé et présenté dans la réglementation à venir.

Sur le reste du projet de loi comme tel, quand on parle, à l'article 2°, des dispenses des tarifs prévus, et tout ça, moi, je vous dirais, M. le Président, qu'il y a... Quand on parle d'un plus 24 $ de chaque réquisition additionnelle, quand vous parlez, entre autres, de tarifs qui peuvent être appliqués au nombre de pages à radier et ces choses-là, moi, c'est toujours le comparatif par rapport à ce qui se fait présentement, et que, si, à ce moment-là, elle pourrait arriver à nous dire... à nous garantir en cette Chambre qu'il n'y aura pas d'augmentation de tarifs et qu'on ne se retrouvera pas dans des situations, dans quelques semaines, où on se fera dire: Bien, vous n'auriez pas dû approuver ce projet de loi là, vous n'auriez pas dû donner votre consentement pour qu'on passe au principe du projet de loi...

C'est sûr qu'on va le voir en commission parlementaire, c'est sûr qu'on va regarder tout ça en commission parlementaire. Mais, en bout de ligne, si on vous demande, M. le Président, aujourd'hui... Peut-être que la ministre serait d'accord, à ce moment-ci, pour nous répondre à cette question-là: Est-ce qu'il y a, de façon directe ou indirecte, dans ce projet de loi là, des augmentations de tarifs, des modifications tarifaires qui pourraient faire en sorte que les Québécois et les Québécoises vont se ramasser avec des frais supplémentaires? Parce que c'est dur, en Chambre, c'est dur, comme législateur, de se prononcer sur un projet de loi qui, dans le fond, est, je dirais, un projet de loi de concordance et de suite à la réforme du cadastre. Mais, en bout de ligne, cette espèce de nuage gris, là, au niveau des frais, qui plane au-dessus du projet de loi, bien, ça fait en sorte qu'on a un doute sur la bonne volonté et sur les façons de faire qui sont présentées dans ce projet de loi là, surtout que, bien sûr, moi aussi, je veux féliciter la ministre pour ses nouvelles fonctions et son premier projet de loi qu'elle présente ici, sauf que j'espère qu'elle ne voudrait pas, bien sûr, que ce premier projet de loi là soit adopté dans la controverse parce qu'à un moment donné on aurait pu oublier de faire certains éclaircissements importants et voire même majeurs pour la présentation du projet de loi.

La réforme du cadastre, comme je vous le mentionnais tantôt ? je pense qu'on l'a vu dans différents bureaux d'enregistrement ? c'est quelque chose qui est extrêmement compliqué. On a des dizaines de milliers de pages, des données qui datent de toutes sortes d'époques qui ont été faites selon différentes façons selon les temps, selon les moments, et, comme je vous disais, on l'a vu il y a quelques mois et on le voit encore de temps en temps qu'il y a, dans ce projet de loi là, des possibilités dans cette réforme-là, je vous dirais, des possibilités que l'on puisse voir des modifications au niveau de la tarification. Et, quand on regarde ce qui s'est passé et que certaines personnes au Québec ont perdu des parcelles de terrain ou...

À un moment donné, on fait le tour des droits puis des lots qui sont là, puis mon collègue de Montmorency, qui est un historien, pourrait en parler plus que moi là-dessus, mais, effectivement, c'est compliqué. À un moment donné, il y a plein de lots, selon les époques, puis des parcelles de terrain qui ont appartenu à un puis à l'autre puis qui ont été transférées pas en tout mais en partie pour une période de temps, et je n'aimerais pas que le projet de loi qu'on a devant nous crée des situations non recherchées, j'imagine, du côté du gouvernement, c'est-à-dire une augmentation de tarifs. Donc, je réitère ma demande à la ministre, M. le Président. Peut-être qu'à ce moment-ci elle sera d'accord pour le faire. Je vois qu'il y a peut-être ses collaborateurs qui ont envoyé certaines notes là-dessus pour éclaircir la situation présentement et nous dire si, oui ou non, ce projet de loi là a, directement ou indirectement, un but financier, un but d'augmenter les tarifs, et que ce n'est pas uniquement, comme on pourrait le croire en lisant le projet de loi, une harmonisation qu'on a devant nous.

Et, M. le Président, bien, là-dessus je pense que, si on pouvait avoir une réponse à cette question-là tout de suite, ça nous permettrait d'aller peut-être plus rapidement dans le débat, et de faire en sorte qu'on avance plus rapidement, et que, finalement, ce projet de loi là, qui est essentiellement un suivi de la réforme du cadastre québécois, bien, qu'on puisse procéder rapidement et qu'on puisse procéder non seulement dans les meilleurs délais, mais dans les meilleures dispositions, si jamais on a droit à ces quelques éclaircissements là, sinon, bien, ça va être difficile de voter au niveau du principe sur ce projet de loi là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député. Juste à titre d'information pour les membres de cette Assemblée, il y a toujours une possibilité d'un droit de réplique suite aux interventions des députés.

n(11 h 20)n

Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois, et je cède la parole à M. le porte-parole officiel de l'opposition officielle en matière de protection du consommateur et d'application des lois professionnelles, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député, la parole est à vous.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci. M. le Président, c'est avec plaisir que je m'adresse à vous ce matin relativement à l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois, Bill 43, An Act to amend the Act to promote the reform of the cadastre in Québec.

M. le Président, nous pouvons être fiers, au Québec, de notre système cadastral qui fonctionne avec beaucoup de clarté depuis le début de notre histoire comme société au Québec. Vraiment, si on étudie notre système cadastral, on peut lire et on peut voir l'histoire de notre province dans le cadastre. La base de notre système de propriété, de notre système d'aliénation des biens meubles de l'un à l'autre, de notre système de transiger nos biens immeubles de façon efficace avec le respect de la règle de droit, est notre système cadastral. Si on examine ce système et les transactions qui se sont produites et qui sont enregistrées au bureau d'enregistrement, on a devant nous un portrait de l'histoire de notre société, de notre province de siècle en siècle. On peut même voir comment notre système familial a été traduit d'un siècle à un autre.

M. le Président, c'est le moment de rendre un hommage aux hommes et femmes qui ont travaillé et qui continuent de travailler, à travers notre province, dans nos bureaux d'enregistrement d'une manière efficace et parfois sous des conditions de travail très serrées et très difficiles. J'aimerais les féliciter pour leur patience, leur dévouement, leur efficacité et leur intelligence.

M. le Président, la réforme cadastrale est une réforme de modernisation, une réforme qui apporte des changements positifs dans notre système cadastral, bien sûr, mais chaque réforme qui a été entreprise par le gouvernement péquiste a coûté cher aux citoyens, et nous avons devant nous aujourd'hui un autre exemple. Le problème est que le gouvernement péquiste n'est jamais clair concernant les coûts d'une réforme et les obligations sur les citoyens, créant ainsi une situation d'incertitude.

M. le Président, je veux vous donner un exemple. En novembre 2000, en commission parlementaire pour l'étude du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, la ministre de la Justice de l'époque, la députée de Lévis, en réponse à une question concernant les coûts reliés à la réforme cadastrale, a dit, et je cite ? je cite la ministre de la Justice de l'époque: «M. le Président, moi, je voudrais juste ajouter une chose. Est-ce que la question du député de D'Arcy-McGee... Il est important de dire ceci, que, dans le cadre de cette réforme, les engagements financiers, l'autofinancement de cette réforme, avec l'expérience du vécu jusqu'à maintenant, non seulement, au niveau de la réforme cadastrale, les objectifs ont été atteints, mais ils ont été dépassés. La vitesse avec laquelle les choses ont pu se faire, nous pouvons être fiers de cela. Et nous pouvons confirmer que l'objectif qui était de faire en sorte de ne pas augmenter, pour le citoyen ? et c'est ce qu'elle a dit, la ministre, dans le temps ? selon les informations que nous avons maintenant... et le fait de transférer maintenant tout ça aux Ressources naturelles alors qu'il y avait deux gestions, deux structures, et tout cela, bien, forcément, de rapatrier tout ça sous un même chapeau, si vous me permettez l'expression, M. le Président, ça devrait amener une diminution de la tarification ? une diminution, elle a dit, M. le Président ? en regard de la réforme cadastrale et en regard de la modernisation de la publicité des droits, bien sûr.» Fin de citation.

Alors, la ministre du temps, elle parle de diminution de la tarification, et aujourd'hui on a devant nous un projet de loi n° 43 où on voit vraiment une augmentation des tarifs. M. le Président, on a devant nous un projet de loi qui, au contraire, nous donne des augmentations dans les tarifs, lors de l'inscription d'une réquisition d'inscription visée aux articles 2 et 3 du Tarif des droits relatifs à la publicité foncière, de 32 $ à 40 $. Alors, une augmentation de 8 $. Mais ce que le projet de loi n'explique pas et ce que la ministre n'a pas expliqué à cette Assemblée nationale, c'est que, en même temps qu'on passe ce projet de loi n° 43, il y avait eu un règlement où les coûts d'inscription étaient augmentés de 42 $ à 50 $, alors une autre augmentation de 8 $. Alors, l'augmentation, au total, est de 16 $, et la ministre a mal induit cette Chambre... a induit cette Chambre en erreur en parlant seulement d'une augmentation de 8 $. Et c'est la question, M. le Président, que j'ai demandée à la ministre, de répondre à une question, après son discours, pour expliquer pourquoi elle a dit à cette Chambre que l'augmentation, c'est seulement 8 $ et elle n'a pas mentionné l'autre augmentation pour l'inscription, une augmentation qui a été faite par règlement, une augmentation de 42 $ à 50 $.

Deuxièmement, M. le Président, par ce projet de loi, on voit une augmentation pour les documents qui ont été faits, les documents de quittance, et c'est une augmentation à 40 $, une augmentation de 2 $. Mais ce que la ministre n'a pas mentionné, c'est que, par règlement, il y a une autre augmentation de 8 $, faisant une augmentation totale de 10 $. Et aussi, et c'est mentionné cette fois-ci dans le projet de loi, pour chaque réquisition additionnelle, il y a une augmentation de 5 $ à 24 $. Alors, une augmentation de 19 $. Alors, si vous ajoutez toutes ces augmentations, M. le Président, si nos citoyens paient une simple hypothèque pour rénover leur maison d'à peu près 5 ou 10 000 $, avec les augmentations qui ont été décrétées ce matin par la ministre dans ce projet de loi n° 43, avec les augmentations qui se trouvent dans les règlements, on voit que le taux d'intérêt qu'un citoyen peut payer pour prêter de l'argent, peut-être un 5 000 ou 10 000 $ pour faire une rénovation à sa maison, son coût d'argent sera augmenté de 0,5 % à 1 % pour payer ces augmentations pour l'inscription des actes de prêt, pour les inscriptions des actes de quittance.

Alors, M. le Président, la ministre laisse bien des choses à expliquer. Moi, je pense qu'elle a induit cette Chambre en erreur ce matin en n'expliquant pas toutes les augmentations. Elle a fait référence aussi aux coûts reliés aux avis d'adresse, mais sans explication. Alors, si elle ne répond pas à nos questions ici, à l'Assemblée nationale, en relation à ce projet de loi n° 43, j'espère qu'en commission parlementaire elle va avoir les réponses, les réponses pour nos citoyens, pour expliquer à nos citoyens les vrais coûts pour l'enregistrement des actes, pour l'enregistrement des actes de banque, des actes de prêt, pour les enregistrements des actes de quittance. Et, M. le Président, en terminant, nous, de l'opposition officielle, on va demander des questions en commission parlementaire pour être certains qu'on a les réponses, les réponses pour nos citoyens.

n(11 h 30)n

Et, en terminant, j'aimerais encore rendre hommage à ceux qui sont attachés à notre système de réforme cadastrale, ceux qui ont travaillé à cette réforme et ceux qui travaillent dans nos bureaux d'enregistrement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee, de votre intervention. Je vais reconnaître la ministre en vertu de son droit de réplique. Mme la ministre.

Mme Rita Dionne-Marsolais (réplique)

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, je sais que c'est complexe, je sais que c'est difficile et je constate que le député de D'Arcy-McGee confond les deux réformes, confond les règlements et ce projet de loi là. Ce projet de loi, ce qu'il fait: il n'augmente pas les coûts, il intègre le coût, comme je l'ai expliqué, d'inscription d'un acte au registre foncier. Ce n'est pas une hausse de tarification. Avant, on percevait 32 $ pour inscrire un acte au registre foncier en vertu de la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. On ajoutait un montant de 8 $ en vertu de la Loi sur les bureaux de la publicité des droits. Ce que l'on fait: alors, 32 et 8, ça fait 40 $. Désormais, avec le projet de loi, on va percevoir le même montant, le 40 $, mais cela en vertu de la seule loi qui est la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois. Ce sera une perception automatique à ce moment-là. Ce n'est pas la même chose que ce dont le député de D'Arcy-McGee a parlé tout à l'heure.

Alors, pour répondre aux questions, ce projet de loi là, il assure la cohérence des règles qui régissent l'établissement des honoraires de la rénovation cadastrale. C'est tout ce qu'il fait. Et, quand le député parle des taux de... il a parlé tout à l'heure du taux de 28 $, je crois, il a parlé d'un taux qui datait de 1993; depuis ce temps-là, ce taux-là a été indexé, il est rendu à 32 $. Alors, c'est pour ça que, quand on parle aujourd'hui de la tarification spécifique, là, pour la réforme cadastrale, c'est 32 $ aujourd'hui. Quand on parle des revenus perçus pour l'enregistrement des droits réels, c'est 8 $. Donc, la somme, ça fait 40 $.

Alors, ce projet de loi là simplifie justement les choses pour les citoyens et allège, je pense, les façons de faire. Alors, on va reprendre, j'en suis convaincue et je me ferai un plaisir de l'expliquer plus en détail, s'il y a lieu, mais j'ai pris soin tout à l'heure, M. le Président, puis je pensais que j'avais été assez claire... Et, justement, comme je l'ai expliqué, pour les non-initiés, ces choses-là sont complexes. La réforme de la publicité foncière et la réforme cadastrale, c'est deux choses qui sont complexes, qui sont difficiles. Mais, dans le cas du projet de loi dont je demande l'adoption, dont je propose l'adoption de principe ce matin, il n'y a pas d'augmentation de tarification. Il s'agit d'une harmonisation et d'intégration de deux tarifs en un seul pour le bénéfice de tout le monde... de simplification. Merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre déléguée aux Ressources naturelles. Le principe du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois, est-il adopté?

Des voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission
de l'économie et du travail

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que la ministre déléguée aux Ressources naturelles en soit membre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 2 du feuilleton.

Débats sur les rapports de commissions

Prise en considération du rapport
de la commission qui a tenu une consultation
générale sur la concentration de la presse
dans le cadre d'un mandat d'initiative

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 2. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture qui a tenu des séances dans le cadre du mandat d'initiative portant sur le suivi de sa consultation générale et de ses auditions publiques sur la concentration de la presse. Ce rapport, qui a été déposé le 13 novembre 2001, contient des recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable. À la suite d'une entente entre les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la durée de ce débat restreint. Cinq minutes sont allouées au député indépendant. Les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Le temps non utilisé par l'un des groupes pourra être utilisé par l'autre groupe. Le temps non utilisé par le député indépendant sera réparti également entre les deux groupes. Dans ce cadre, il n'y a pas de limite de temps dans les interventions. Enfin, je vous rappelle qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 95 ce débat n'entraîne aucune décision de l'Assemblée.

Je suis maintenant prêt à céder la parole à un premier intervenant. Alors, M. le président de la commission de la culture et député de Montmorency, la parole est à vous.

M. Jean-François Simard

M. Simard (Montmorency): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président, et je suis très heureux d'intervenir dans ce débat suite au dépôt, le 13 novembre dernier, par la commission de la culture, d'un important mémoire qui fait suite à un mandat d'initiative qui a été ? et il faut lui rendre hommage à cet égard ? largement initié par mon collègue et ami le député de Matane qui, comme vous le savez, est un des grands spécialistes de la question au Québec.

Alors, M. le Président, je tiens en tout premier lieu peut-être à présenter également les membres de la commission, parce que tous ne pourront malheureusement pas intervenir aujourd'hui en fonction du temps qui nous est alloué. Mais permettez-moi de vous rappeler que nous avions donc et que nous avons toujours l'honneur de compter, comme membres de cette commission, la députée de Sauvé, qui est porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture, le député de Marguerite-D'Youville, le député d'Iberville, le député de Frontenac, le député de Saint-Hyacinthe, qui, également, je crois, interviendra aujourd'hui, le député d'Anjou, qui était donc présent jusqu'à sa démission, le député d'Outremont, ainsi que l'adjointe parlementaire à la ministre de la Culture, la députée de Mille-Îles. Alors, voilà les personnes qui, M. le Président, pendant des mois...

Une voix: ...

M. Simard (Montmorency): Ah! bien oui, bien sûr, la députée me fait signe, j'avais fait une omission d'importance, parce qu'il est vice-président de notre commission, le député de Viau, M. le Président. Merci. Et je m'excuse auprès de mon collègue qui est d'une présence constante dans nos travaux.

Donc, cette équipe, M. le Président, a travaillé depuis des mois d'arrache-pied pour le dépôt du mémoire, que nous avons soumis à l'Assemblée pour considération au mois de novembre, un dépôt qui faisait suite d'abord à des auditions que nous avons tenues aux mois de février et mars derniers. Nous avons à ce moment-là entendu près de 32 groupes, organismes, individus, sur les 34 mémoires qui avaient été déposés. Et permettez-moi de vous lire la phrase par laquelle débute ce mémoire et qui campe tout de suite l'esprit de ce rapport: «De tous les groupes, associations, organismes et citoyens qui ont défilé devant la commission, peu ont contesté ce fait: la concentration des médias a atteint un niveau élevé au Québec. Les commentaires entendus durant la commission expriment bien les inquiétudes que suscite le nouveau portrait du secteur des médias québécois.»

Pour mieux vous dresser un portrait de cette épineuse question que l'on appelle succinctement la concentration des médias... D'ailleurs, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Lorsque l'on parle de la concentration des médias, on veut dire en fait la concentration de la propriété des médias et on fait également référence à la propriété croisée, c'est-à-dire qu'un groupe, une entreprise donnée peut à la fois être propriétaire d'une entreprise de presse et à la fois propriétaire d'un média électronique comme, par exemple, une télé ou une radio. Et, lorsqu'un même groupe possède des médias simultanément dans la presse écrite et dans la presse électronique, on parle dès lors de propriété croisée ? donc, ce fut l'une de nos préoccupations ? et, lorsqu'on parle de concentration de la presse, on parle du nombre de médias que détiennent quelques entreprises au Québec.

Et, pour mieux éclairer les personnes qui nous écoutent et qui s'intéressent à cette importante question, permettez-moi simplement de brosser un tableau, que j'espère le plus complet possible, de l'état actuel de la situation. Depuis septembre 2000, le groupe Quebecor a fait l'acquisition, comme vous le savez, du groupe Vidéotron. Le groupe Quebecor était déjà propriétaire du Journal de Québec et du Journal de Montréal notamment, et, par l'achat de Vidéotron, a pu dès lors bénéficié de l'accès à un vaste et puissant réseau de câblodistribution, de télécommunications et un réseau, bien sûr, d'Internet.

En novembre 2000, deux mois plus tard donc, le groupe Gesca, qui était déjà propriétaire notamment du très connu journal La Presse de Montréal, faisait l'acquisition du groupe UniMédia, décuplant donc ses titres de propriété dans la presse francophone écrite du Québec. Alors, ce groupe, Gesca, détient plus de la moitié, à lui seul, du marché francophone québécois, étant propriétaire du journal La Presse, du journal La Tribune, du journal La Voix de l'Est, Le Nouvelliste, du Soleil, du Quotidien de Chicoutimi, ainsi que du Droit d'Ottawa. Donc, on peut voir l'ampleur de cette méga entreprise de presse écrite. Le groupe Quebecor, comme je vous le disais, détient à lui seul 45 % du tirage quotidien des journaux francophones en publiant le Journal de Montréal et le Journal de Québec, et Le Devoir, quant à lui, détient 3 % du tirage quotidien. Donc, on peut voir, très rapidement brossé, surtout pour le secteur francophone, à quel point quelques entreprises ont une incidence importante sur la propriété de la presse écrite au Québec.

n(11 h 40)n

En ce qui concerne la télé, des chiffres qui me sont parvenus par des experts confirment les parts suivantes de marché des réseaux des chaînes télédiffusées et spécialisées au Québec. Donc, selon nos informations, le groupe TVA, propriété de Quebecor, détient 30 % de la part des marchés; Radio-Canada, 18 %; Télévision Quatre Saisons, 14 %; Télé-Québec, un peu plus de 2 %, pour un total de 66 % de la part de marché. Et il faut se rappeler que les chaînes spécialisées de langue française attirent 20 % du marché.

Cette concentration de la presse, elle se reflète aussi au niveau des hebdos, donc de ces journaux qui sont publiés sur une base... bon, une fois la semaine. Et j'ouvre une autre parenthèse pour la refermer aussitôt parce que je dois vous avouer que j'ai été porté par ce milieu des journaux indépendants qui publiaient périodiquement deux fois la semaine ou encore des mensuels. Mon père a été propriétaire d'un journal local, là où je suis, dans ma circonscription électorale, M. le Président, le journal Reflet de mon milieu. Et c'était au sous-sol de la maison, et pendant des années mon père a publié de manière, j'oserais dire, artisanale, indépendante, ce journal local qui, ma foi, avait une importance considérable pour le milieu. Il n'y a rien de plus important pour un milieu que de produire sur lui-même des nouvelles typiquement locales, qui le concernent.

Et pendant des mois donc on a eu également l'occasion, parce qu'il y avait eu une importante grève au journal Le Soleil, pendant des mois, un certain nombre de journalistes du journal Le Soleil étaient venus à la maison aider mon père. Évidemment, par cela, ils pouvaient également boucler leurs fins de mois, mais j'ai été très tôt baigné et porté par ce milieu. Mais cette époque d'âge d'or des médias, des hebdos indépendants, elle aussi est révolue, substantiellement révolue, M. le Président, puisque depuis 1996 le Groupe Transcontinental est devenu un géant des hebdos au Québec. À lui seul, Transcontinental, après l'achat des hebdos Télémédia et du groupe Dumont, possède et publie 42 % des hebdos au Québec. Donc, même dans le domaine hebdo, on voit qu'il y a une énorme concentration; Quebecor, pour sa part, a 17 % des médias.

Dans le secteur de la radio, là également il y a présence de concentration de ces chaînes électroniques. Nous n'avons qu'à penser au Groupe Astral, M. le Président, qui, à lui seul, détient le très important réseau Radiomédia, donc l'essentiel de la radio AM au Québec, ainsi que le réseau RockDétente et le réseau Radio-Énergie. Ou synergie... Je crois que c'est Radio-Énergie. Voilà. Donc, deux importants moteurs de la radio bande FM au Québec. Donc, là encore on voit que, dans le secteur de la radiotélécommunication, il y a concentration de nos moyens de communication.

Doit-on s'en surprendre? Doit-on s'en surprendre? Il faut mettre les choses en perspective. On dit de la société canadienne et tout particulièrement québécoise que c'est l'une des sociétés où on voit un des plus importants taux de concentration de propriété des médias de par le monde. Cette situation, notamment, s'explique par le fait que nous avons, au Québec, il faut l'avouer, un groupe linguistique de 7 millions d'habitants démographiquement, culturellement très dynamique, mais démographiquement très loin derrière nos frères anglophones qui représentent plus de 250 millions de citoyens sur l'échelle américaine, loin derrière également nos frères hispanophones qui sont plus de 200, 225 millions donc de parlant espagnol, de par l'Amérique, et très loin derrière également nos frères brésiliens qui parlent le portugais. Donc, d'un point de vue démographique, on est l'un des plus petits groupes linguistiques de par l'Amérique. Donc, il ne faut pas se surprendre que la presse francophone ait peut-être moins d'audience que d'autres groupes.

L'autre fait, c'est que certaines études ? d'ailleurs, que l'on rapporte dans le document que nous avons publié ? seraient à l'effet que le taux de lectorat autant canadien que québécois est parmi l'un des plus faibles des pays étudiés occidentaux. Donc, il est évident que, si on est déjà un groupe restreint démographiquement et qu'on a un taux de lectorat qui n'est pas aussi fort qu'on pourrait le souhaiter, ça a des incidences sur le marché, hein, le marché qui est accessible par ces médias. Et, dès lors, on peut comprendre qu'il peut y avoir une certaine logique marchande pour que des groupes se dotent de moyens pour être le plus efficace possible dans la diffusion de l'information.

Il y a eu plusieurs observations qui ont été faites, des observations, des réflexions fondamentales sur le rôle des médias dans une démocratie. On sait qu'en démocratie l'un des principaux fondements de la liberté civile, c'est la liberté d'opinion qui s'exprime à travers un médium de communication que peuvent être les journaux, la télé, la radio. Et donc, il y a une allusion directe entre la liberté de presse, qui n'est pas expressément écrite dans les chartes des droits et libertés du Québec ou du Canada, mais qui est l'extension ni plus ni moins de notre liberté d'opinion... donc, il y a un lien direct dans l'opinion populaire et dans ce que l'on a entendu de nos experts à l'effet que l'expression à travers les médias, c'est un des fondements de la démocratie.

Il y a également, par ailleurs, un autre fondement de notre société démocratique qui est la liberté d'entreprise. Il y a des sociétés dans le monde qui se sont dites démocratiques en limitant et en entravant la liberté d'entreprise, et en la limitant à sa plus simple expression, mais on a vu quel genre de société communiste que ça a donné. Pour ceux qui se targuent d'être libertaires tout en tuant la liberté de marché, enfin, il y a... vous voyez, là, les limites de la réflexion. Et donc, la liberté de marché, c'est aussi un fondement de notre société démocratique, historiquement, comme l'est la liberté de presse. Et vous voyez qu'il y a là donc deux grands droits qui s'affrontent. Lorsqu'on réfléchit sur la concentration des médias au Québec, on est en train de se dire: Le fait de pouvoir posséder plusieurs médias ne peut-il pas avoir une influence parfois négative sur l'expression des idées? Pourquoi cela pourrait-il être le cas?

Imaginez-vous si vous possédez 20 stations de radio et que vous décidez de lancer un message à répétition dans ces 20 stations de radio pendant 20 mois de temps. Il n'y a pas personne ici qui ne peut pas dire que ça ne peut pas avoir d'influence. Si vous décidez, par exemple, vous qui êtes propriétaire d'une station de télé et d'influents journaux, de ne pas couvrir tel type d'événement, pour quelque raison que ce soit, c'est évident que ça a une influence sur la diversité de l'information qui peut être amenée au lecteur et qui le conduit à se bâtir son opinion sur des sujets donnés. Donc, il y a une association, M. le Président, entre la concentration de la presse et la diversité de l'information. Il y a un souci que la concentration ne soit pas un obstacle à la diversité de l'information qui est elle-même essentielle aux individus pour qu'ils se forgent une opinion éclairée à partir de différents points de vue. Si, au Québec, un groupe de presse décide de ne pas avoir de ligne éditoriale et qu'un autre décide, lui, d'en maintenir une, et que ce même groupe éditorial décidait, dans tous ses journaux au Québec, de passer le seul et même message, avant une élection, dans ses éditoriaux, pour influencer le vote, on est dès lors tous, comme parlementaires, quel que soit notre parti politique, sensibles à ces considérations.

n(11 h 50)n

Donc, ce sont d'importantes questions que j'essaie de tracer à grands traits, parce que mes collègues, et beaucoup mieux que moi d'ailleurs, complémenteront de part et d'autre mes propos, mais je crois que nous avons pris notre courage à deux mains et avons étudié cette question. Il y a très peu, M. le Président, de Parlements de par le monde, démocratiques, qui ont réfléchi à cette question. Très peu l'ont fait aussi profondément que nous l'avons fait. Ce rapport n'est peut-être pas parfait, mais il a le mérite ? et c'était là notre principale ambition ? de lancer dans la société civile un débat sur cette question, parce que nous n'avons pas le monopole de la réflexion là-dessus. C'est un débat qui appartient à tous les électeurs québécois, à tous les citoyens de la société.

Donc, toujours est-il, M. le Président, que notre rapport ne contient pas seulement qu'une partie Enjeux et constats. Ce qui est le cas, mais ça ne se limite pas là. Nous avons rédigé et signé unanimement, de part et d'autre de la Chambre, 14 recommandations. Une seule n'aurait sans doute rien donné, deux, très peu, trois, pas davantage, mais, comme nous en avons fait 14, il y a là un corpus, si vous me permettez, de recommandations qui, si elles étaient toutes mises en oeuvre, pourraient rapidement, efficacement, nous le croyons, changer la donne. Ce qui nous guidait, c'est la volonté de proposer des choses qui peuvent se faire concrètement et rapidement. Je ne vous en donnerai que deux, M. le Président, laissant le soin à mes collègues de pouvoir parfaire l'argumentation.

La première de ces recommandations est l'instauration d'un important mécanisme de vigie, et un rôle concret pour l'Assemblée nationale, qui s'opérerait à travers ce que nous appelions, avec un acronyme, le CDI, le Conseil de la diversité de l'information. Donc, un mécanisme annuel de vigie qui verrait à colliger l'ensemble des informations concernant la concentration ou l'état de la propriété de presse au Québec et qui annuellement ferait un rapport ici, à cette même Assemblée.

Et la commission de la culture, dont nous sommes membres, serait obligatoirement saisie de cette importante question, et annuellement nous pourrions faire le point, comme parlementaires, adresser des questions aux groupes concernés, par exemple, pourquoi pas, à Gesca et à Quebecor, et leur demander comment se fait-il qu'il n'y ait peut-être pas, comme nous le souhaiterions, indépendance dans les salles de presse par rapport, si tant est que ça soit le cas, c'est hypothétique, par rapport aux propriétaires, etc. Donc, ce serait l'occasion, un rendez-vous annuel pour faire le point et le bilan sur cette situation et avoir constamment aux aguets l'évolution de cet important secteur.

Une autre recommandation sur laquelle je voulais attirer votre attention, c'est bien sûr la création d'ombudsmans dans l'ensemble des médias, qui pourraient directement recevoir les plaintes du public. À l'instar de ce qui se fait présentement à Radio-Canada, et qui connaît d'ailleurs un vif succès, nous voudrions que l'ensemble des médias au Québec se dotent de ce mécanisme interne de surveillance pour recevoir les plaintes et éventuellement corriger les situations manifestées par les plaignants.

Alors, il y a 14... 12 autres, donc ? puisque j'en ai présenté deux ? résolutions. Je laisserai le soin à mes collègues de compléter sur ce sujet.

Mais je voulais simplement vous dire, M. le Président, que la diversité des points de vue au Québec n'est pas simplement qu'une affaire de concentration ou de déconcentration des médias. Plusieurs études faites par d'éminents spécialistes de par le monde constatent qu'il y a d'autres dimensions sur lesquelles nous devons également attirer notre regard: la formation des journalistes est une dimension qui concourt à la diversité et à la qualité de la diversité des points de vue; les ressources allouées à la rédaction sont une autre dimension; le jeu des acteurs entre journalistes, ce qu'on appelle parfois l'uniformisation de l'information et des points de vue.

Combien de fois, entre nous, à Ottawa sur la colline parlementaire, ou à Québec, ici, n'avons-nous pas vu des journalistes, très candidement, après un point de presse, s'interroger, les autres, partageant les points de vue, des réflexions? Même inconsciemment, en termes de dynamique de groupe, M. le Président, il y a parfois une uniformisation de la présentation des points de vue, à telle enseigne que très fréquemment on va lire un article écrit par un journaliste X dans le Journal de Québec puis un autre écrit dans Le Soleil, pourtant deux médias indépendants, mais on va retrouver essentiellement la même présentation. Donc, le jeu des acteurs est très important. L'indépendance entre les publicitaires et la salle de rédaction est également une dimension qui concourt à la diversité de l'information.

Donc, M. le Président, il y a plusieurs dimensions. Il s'agit d'une question éminemment complexe que nous n'avons pas fini d'épuiser, mais je crois, au risque de me répéter, M. le Président, et je juge ça important... quoique l'un des grands mérites donc de ce rapport, c'est d'avoir lancé le débat sur la place publique et d'avoir présenté des mécanismes concrets et d'assurer une vigie constante par rapport à cette question.

Et, en terminant, je remercierai donc tous mes collègues pour le travail acharné qu'ils ont accompli dans la préparation de ce rapport. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Montmorency. Alors, nous poursuivons le débat sur cette prise en considération du rapport de la commission de la culture, et je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture et de communications et députée de Sauvé. Mme la députée, la parole et à vous.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. M. le Président, mes premiers mots seront pour mon collègue le député de Montmorency. Je tiens à le féliciter pour ce résumé qu'il vient de faire de la situation de la concentration des médias, d'autant plus qu'il a pris la relève de son collègue le député de Matane à la présidence de la commission de la culture. Lui-même personnellement n'a pas pu assister aux audiences, à la consultation qui a été menée au printemps dernier. Mais, bien honnêtement, M. le Président, je dois admettre que le député de Montmorency a bien fait ses devoirs et, comme président de la commission de la culture, vient de faire un résumé très à propos du rapport de la commission de la culture sur la concentration des médias, rapport unanime, M. le Président.

À mon tour, je voudrais ajouter quelques mots, puisque ce rapport a demandé effectivement beaucoup de temps, d'énergie aux membres de la commission de la culture. Mais, en premier lieu, je voudrais, M. le Président, vous faire un certain rappel historique. L'an 2000 aura vu des bouleversements certains dans l'univers des médias au Québec. Je vous rappelle deux grandes transactions: la transaction ayant permis à Quebecor Média d'acquérir Vidéotron et la transaction également impliquant Gesca, qui a permis à Gesca d'acquérir les journaux d'UniMédia. C'est deux transactions qui ont amené plusieurs membres de la profession ou intervenants dans la profession journalistique et dans l'univers des médias à faire entendre leurs points de vue.

Mais il ne faudrait pas non plus occulter le fait qu'il y a eu, par ailleurs, aussi d'autres transactions dans l'univers des médias qui ont accentué la concentration de la propriété dans l'univers des médias. On doit rappeler le fait qu'une importante compagnie comme Bell a également, par exemple... est devenue propriétaire de CTV et également devenue un collaborateur de près à un important quotidien anglophone au Canada. Ou encore, par exemple, la compagnie Astral qui est également devenue propriétaire de plusieurs nouvelles stations de radio au Québec, ce qui en fait l'unique propriétaire de stations de radio tant AM que FM dans certaines régions du Québec. Mais on se rapporte quand même en l'an 2000 où, donc, d'importantes transactions ont un peu ébranlé le milieu des communications et le milieu journalistique.

Mais je voudrais aussi vous rappeler, M. le Président, que tout ça, c'était dans un contexte assez particulier, puisqu'il faut se rappeler que la transaction impliquant l'achat de Vidéotron par Quebecor Média s'est faite avec l'appui financier d'importance de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, dans la plus importante transaction financière de son histoire, est devenue propriétaire de 45,3 % des actions de Quebecor Média après avoir fait un investissement de 2,2 milliards de dollars. À l'époque, lorsqu'il y a eu les premiers soubresauts dans le milieu journalistique, le premier ministre de l'époque, M. Lucien Bouchard, alors député de Jonquière, avait dit ceci, et je le cite: «Le gouvernement ne peut pas intervenir. Le secteur privé est le maître de ce genre de décision. Il faut s'en remettre à leur capacité de comprendre la situation pour prendre les décisions appropriées en ce qui les concerne.» Il disait également: «Nous ne pouvons pas aller plus loin en tant que gouvernement dans une société de secteur privé où on respecte les libertés fondamentales.»

n(12 heures)n

Également, le député de Verchères, alors vice-premier ministre et ministre des Finances, y allait de cette citation: «Nous croyons à une liberté de presse et d'entreprise capitaliste, mais nous croyons aussi à l'éthique capitaliste. Si la concentration ne peut être évitée, les capitalistes doivent être justes par rapport à la société.» Il disait également de la transaction impliquant Gesca: «Si elle était survenue il y a 25 ans, cette transaction aurait été considérée comme extrêmement dangereuse et suspecte, sauf que les choses ont changé. La concentration de la presse, pour des questions techniques, financières et de rentabilité, est devenue une nécessité de notre temps.

Vous comprendrez, M. le Président, que ça signifie qu'à l'époque ? on est en l'an 2000 ? le pouvoir exécutif au Québec a regardé d'un oeil qu'on pourrait qualifier de bienveillant les phénomènes de la concentration des médias, mais c'était sans compter les réactions vives des membres de la profession journalistique. Je pense ici aux membres de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, mais également, je pense qu'il faut le rappeler, à des membres du Parti québécois qui, en congrès alors, ont exprimé leurs inquiétudes sur les mouvements de la concentration de la presse, et ce qui a amené le premier ministre de l'époque à annoncer publiquement le fait qu'il était favorable à la tenue d'une commission parlementaire sur le phénomène de la concentration des médias.

Je rappellerai au souvenir de tous qu'à ce moment-là la commission de la culture, quelques jours plus tard, a tenu une première séance de travail, et, à ce moment-là, tous les membres parlementaires de cette commission n'avaient obtenu aucun signal sur l'intention concrète du gouvernement d'aller de l'avant avec une telle commission parlementaire, ce qui a fait qu'à l'instar d'autres précédents à la commission de la culture, qui s'est montrée jusqu'à maintenant, depuis 1998, extrêmement active et je dirais même proactive en se donnant, entre autres, des mandats d'initiative, à l'unanimité les membres de la commission de la culture décidaient alors de se donner un mandat d'initiative sur le phénomène de la concentration des médias, la concentration de la propriété.

Je voudrais quand même vous rappeler, M. le Président, que cette décision unanime suivait par ailleurs également la publication du rapport Larose qui portait sur les pratiques commerciales dans le domaine du livre, et je voudrais vous rappeler ? nous sommes toujours à l'automne 2000 ? que le rapport Larose faisait de sa recommandation n° 1 la recommandation suivante: «Que le ministère de la Culture et des Communications organise sans délai un sommet ou des états généraux sur les impacts de la concentration des médias, sur la création et la diffusion des produits culturels.» Et, à cette recommandation, M. le Président, j'écrivais une lettre, le 25 octobre dernier, au président d'alors de la commission de la culture, le député de Matane, pour suggérer que les membres de la commission de la culture endossent cette recommandation du rapport Larose et fassent sienne l'étude du phénomène de la concentration des médias sur la création et la diffusion des produits culturels. Donc, vous voyez qu'il y avait un contexte où un ensemble d'intervenants, dans le milieu tant des communications que dans le milieu culturel, souhaitaient que la commission de la culture se donne un tel mandat d'initiative, ce qui fut fait.

M. le Président, ça nous a amenés, tout cela, à tenir des audiences qui ont eu bonne presse, qui ont été bien couvertes par les médias parce qu'elles étaient, ma foi, effectivement fort intéressantes. Comme l'a mentionné le député de Montmorency, nous avons pu prendre connaissance de 34 mémoires, nous avons entendu de vive voix 32 intervenants, et ce sont des intervenants d'importance. J'aimerais, pour le bénéfice de tous, vous rappeler certains intervenants que nous avons entendus. M. le Président, je ne donnerai que quelques-uns en exemple, mais c'est pour quand même montrer la qualité des interventions qui ont été faites devant la commission de la culture. Par exemple, nous avons entendu le journaliste d'expérience Claude Jean Devirieux, également la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec, le professeur à l'Université Laval et également chroniqueur sur les ondes de Radio-Canada ici, à Québec, M. Jean-Claude Picard, le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal, le Syndicat de la rédaction du Soleil, le Syndicat des employés de TVA, bien sûr, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la Fédération nationale des communications, le Regroupement des syndicats de Gesca, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du Lac-Saint-Jean, un journal, et le Syndicat des travailleurs et travailleuses de L'Étoile du Lac, l'Association des journalistes indépendants du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse, le journal Le Devoir, Gesca, Quebecor Média, Radio Nord Communications, l'Association nationale des éditeurs de livres, l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec, Médias Transcontinental, le Syndicat de la rédaction du Devoir, le Conseil de presse du Québec, l'Association des libraires du Québec, M. Charles Desmarteau, un propriétaire indépendant de journal sur la Rive-Sud de Montréal, et également la Centrale des syndicats du Québec. Ce ne sont là que quelques exemples, M. le Président.

Nous avons eu droit à des interventions de qualité, mais je dois également par ailleurs déplorer le fait qu'il y a eu des joueurs manquants lors de ces audiences qui ont été tenues par la commission de la culture. Il faut rappeler, M. le Président, et déplorer le fait que tout le secteur anglophone des médias au Québec ne s'est pas présenté devant cette commission parlementaire alors qu'eux aussi, entre autres par certaines acquisitions faites par la compagnie Bell, vivent des phénomènes de la concentration des médias. Il faut rappeler qu'une compagnie d'importance comme Astral a choisi de ne pas se présenter. Bell non plus ne s'est pas présentée. Radio-Canada ne s'est pas présentée. Et je dois également déplorer... Je l'ai fait à l'époque, lors des audiences, et je le refais aujourd'hui. Je ne comprends pas, comme membre de cette Assemblée nationale, que notre télévision publique, payée à même les deniers du gouvernement du Québec, Télé-Québec, a alors choisi également de ne pas se présenter dans le cadre d'une consultation menée par l'Assemblée nationale sur le phénomène de la concentration des médias.

Je voulais mentionner comme cela quelques joueurs manquants d'importance parce qu'il faut souligner ? je l'ai fait lors de mes remarques finales lors de cette commission parlementaire, M. le Président ? que peut-être que, lors de cette commission parlementaire, on a été un peu enfermés dans une vision, peut-être un peu une vision du passé qui faisait en sorte que l'attention de la commission a été extrêmement portée sur la presse écrite alors que l'on sait qu'il y a un phénomène incontournable qui est bien la présence des nouveaux médias, et, bien sûr, je pense ici, entre autres, à la présence d'Internet comme média d'information mais aussi à cette convergence qui fait en sorte que nous allons assister ? c'est déjà le cas, c'est déjà possible, mais nous savons que ça va prendre de l'ampleur ? à cette convergence qui fera en sorte, M. le Président, que, lorsque vous écouterez votre émission préférée à votre petit écran... Et je ne veux pas deviner laquelle c'est, mais, lorsque vous écouterez votre émission préférée sur le petit écran, vous pourrez, à l'aide d'une manette, avoir directement accès à Internet et pouvoir, par exemple, vous procurer certains produits qui seraient reliés à ce dont on parle à la télévision. Et, encore là, je ne m'amuserai pas à deviner lesquels, M. le Président.

Mais vous voyez qu'il y a là un nouveau modèle qui se développe, un modèle bien sûr basé sur la convergence des différents modes, différentes technologies de communication, et, cette vision d'avenir, on ne peut pas dire qu'elle a été très bien tracée lors de notre commission parlementaire. C'est comme si nous avions, par la force des choses, un peu gardé le regard un peu plus sur le rétroviseur et un peu plus resté en arrière sur... entre autres un regard fixé beaucoup sur la presse écrite au Québec.

Ce que nous avons entendu, M. le Président ? et j'étais heureuse que le député de Montmorency souligne la première phrase de notre rapport sur la concentration des médias ? ce que nous avons entendu, c'est bien sûr, et il faut le dire, des inquiétudes. La plupart des intervenants sont venus exprimer des inquiétudes sur le degré de concentration des médias au Québec, et c'est important de le rappeler ? je crois que notre rapport le dit en toutes lettres ? que nous avons entendu ce message où s'exprimait une inquiétude sur le phénomène de la concentration des médias et où plusieurs intervenants sont venus dire que, pour eux, cette concentration des médias avait atteint un seuil critique au Québec. Et c'est un constat que nous reconnaissons et que nous endossons, et je crois que c'est important de le dire, que c'est un constat que nous endossons, le fait que la concentration des médias a atteint un seuil critique.

Mais, par ailleurs, plusieurs intervenants ? et je reviendrai un peu plus tard ? nous ont quand même dit que la concentration des médias en tant que telle n'était pas nécessairement et fondamentalement signe d'une mauvaise qualité de l'information au Québec, et ça également, il faudra l'entendre, l'écouter, cette affirmation que nous avons entendue de la part de plusieurs intervenants.

M. le Président, ce que nous avons entendu, c'est donc un message d'inquiétude, c'est un message que la concentration des médias a atteint un seuil critique au Québec, et je crois qu'il est bon de rappeler à la gouverne de tous que la ministre de la Culture d'alors, qui assistait à nos travaux, qui a participé à nos travaux, avait résumé le contenu des mémoires en identifiant trois pistes d'atterrissage ? et je reprends là son expression. Une première piste d'atterrissage, c'était un outil législatif. À ce moment-là, il faut reconnaître que la plupart des mémoires, à ce moment-là, invitaient le gouvernement du Québec à intervenir en imposant des seuils au niveau de propriété, entre autres dans la presse écrite au Québec, ou encore réclamaient un mécanisme d'intervention qui ferait en sorte que le gouvernement du Québec pourrait interdire certaines transactions dans ce secteur-là.

n(12 h 10)n

Une deuxième piste d'atterrissage qu'ont prônée certains intervenants était un rôle de vigie qu'à l'époque on appelait plus le rôle, là, la piste d'atterrissage, le rôle du chien de garde. Et, durant toute la commission parlementaire, à maintes reprises les députés de part et d'autre de la commission parlementaire, des deux partis politiques en présence, ont posé de multiples questions sur qui pourrait jouer ce rôle de chien de garde, quel est le mandat possible à donner à une certaine institution pour jouer un rôle de vigie dans l'univers des médias au Québec. Et, finalement, la troisième piste d'atterrissage identifiée par plusieurs intervenants était la création d'un fonds d'aide aux médias, entre autres, pour encourager et soutenir les médias indépendants. M. le Président, je dois vous admettre que notre rapport aborde les questions reliées à ces trois pistes d'atterrissage, mais c'est clairement des choix inspirés de ces trois pistes d'atterrissage.

Mais je voudrais peut-être, avant d'aborder la question de nos recommandations, quand même vous préciser que, même sur ces trois pistes d'atterrissage, ce que nous avons entendu en commission parlementaire, c'est des propos extrêmement nuancés sur ces questions. Premièrement, sur la question d'intervenir par loi dans le secteur de la presse, j'aimerais vous rappeler, M. le Président, qu'avant même que la commission parlementaire entame ses travaux le journal Le Devoir nous invitait à avoir beaucoup, beaucoup de délicatesse dans nos moyens d'intervention, et je les cite. C'était dans un éditorial avant même la tenue de la commission parlementaire. Le journal Le Devoir nous disait ceci: «Les membres de la commission de la culture doivent se rappeler qu'ils abordent un sujet délicat et qu'il est important de trouver le juste équilibre entre la liberté de la presse et le droit du public à l'information.» Et je dois vous dire, M. le Président, que ce conseil, que ce bon conseil, cette sagesse dictée par le journal Le Devoir, selon moi, a guidé les discussions des membres de la commission de la culture tout au long de nos travaux.

Mais également je voudrais vous rappeler, M. le Président, que ce qu'on a entendu en commission, ce n'étaient pas des affirmations coulées dans le béton, et plusieurs intervenants y sont allés de revendications extrêmement nuancées. Je voudrais vous donner quelques exemples de ce que j'avance. Lorsqu'il est question, par exemple, d'une loi, de l'imposition de seuils ou d'une loi qui ferait en sorte que le gouvernement se donnerait des moyens d'empêcher certaines transactions, j'aimerais, par exemple, vous citer M. Jean-Claude Picard, professeur émérite à l'Université Laval en communication, chroniqueur également à Radio-Canada ici, à Québec, et il nous répondait ceci à cette possibilité que le gouvernement procède par loi, et je le cite. Il disait en réponse à une de mes questions: «La principale raison, madame, pourquoi je pense qu'il n'est pas utile de légiférer, c'est que tout est concentré ou à peu près, hein? Je veux dire, si on légifère, on va faire une loi pour dire que Gesca ne peut pas acquérir Quebecor ou que Quebecor ne peut pas acquérir Gesca. On peut, mais je ne sais pas, là, moi, je ne suis pas certain de l'utilité d'une loi comme celle-là.»

Et un peu plus loin il nous disait ceci: «Quand on parle de propriété croisée puis qu'on se dit qu'on souhaiterait que le gouvernement québécois intervienne pour empêcher la propriété croisée, ça devient un peu difficile d'envisager une intervention comme celle-là quand, par ailleurs, la Caisse de dépôt a favorisé, ou enfin lourdement aidé Quebecor à se porter acquéreur de Vidéotron. Alors, vous voyez ce que je veux dire. Dans ce sens-là, je pense qu'on a une partie de la réponse.» Mais je cite M. Picard, M. le Président, pour vous indiquer le fait qu'il y a eu devant nous des propos extrêmement nuancés sur la nécessité que le gouvernement intervienne, par exemple, par une loi.

Je voudrais vous donner un autre exemple, M. le syndicat, et c'est concernant le rôle de vigie. Vous savez qu'on a abordé avec plusieurs intervenants cette notion de rôle de vigie: qui pourrait camper le rôle de vigie, qui pourrait exercer ce rôle. Je vais vous donner un exemple d'une note un peu dissidente mais qu'on a entendue. C'est Mme Monique Giguère, qui est présidente du Syndicat du journal Le Soleil. À une question de la ministre de la Culture de l'époque, la députée de Taschereau, qui lui demandait ? et je cite la députée de Taschereau: «Qui veillera au respect de ces engagements ? et elle parlait des engagements faits par les propriétaires de presse, M. le Président ? qui sanctionnera si jamais il y a non-respect?» la présidente du Syndicat du Soleil a répondu ceci, et je la cite: «Mais qui veillera? Je pense que c'est le syndicat qui est le mieux placé pour veiller au respect des engagements.» Donc, vous voyez qu'ici une présidente de syndicat répond à une ministre de la Culture et des Communications que, pour elle, le meilleur mécanisme de vigie pour veiller au respect des engagements des propriétaires de presse, bien, le meilleur organisme de vigie, c'est en fait le rapport de force qui s'établit entre les propriétaires et les travailleurs syndiqués dans le domaine des médias.

Un autre exemple, M. le Président, d'un propos nuancé quant à la mise en place d'un fonds d'aide pour les médias indépendants. Beaucoup, beaucoup de mémoires abordaient cette question, suggéraient, en fait, cette piste de créer un fonds d'aide aux médias indépendants, et, encore une fois, je voudrais vous faire part d'un propos nuancé, et, cette fois-ci, c'est de la part d'un syndiqué représentant le journal le Lac-Saint-Jean et également le Syndicat des travailleurs et travailleuses de L'Étoile du Lac. C'est M. Louis Tremblay qui nous répond ceci quant à cette idée de faire un fonds d'aide aux médias indépendants, et je le cite: «Vous abordez la question de la compétition. Le gouvernement du Québec avait mis en place un programme d'aide pour du démarrage d'entreprises. Des subventions ont été accordées pour démarrer des journaux. Qu'est-ce que ça a fait au journal Le Réveil à Chicoutimi qui est une institution qui avait trois bureaux, à La Baie, Chicoutimi et Jonquière, trois Réveil indépendants avec le journaliste dans chaque bureau? Le compétiteur, à même les subventions du gouvernement, est arrivé dans le marché et a lancé une guerre de prix qui a obligé Le Réveil à suivre la compétition à la baisse. Le compétiteur est disparu, sauf que les prix sont restés à la baisse. Et là, même si ça n'a pas fait mourir Le Réveil, il reste que ça a hypothéqué le journal qui fonctionnait bien.»

C'est qu'on a des marchés fragiles dans les régions, il y a des journaux qui sont en place, il y a du bon travail qui se fait, et que ces journaux-là ne sont pas nécessairement capables d'absorber la compétition. Ce qu'il faut, c'est qu'ils puissent se consolider. On parle de consolidation pour remplir leur rôle, et, évidemment, la présence du gouvernement... Le gouvernement ne doit pas partir de nouveaux médias. Ça, je pense que c'est illogique de partir des nouveaux médias dans la situation des différents marchés des régions du Québec.

M. le Président, je cite comme ça des propos qu'on pourrait dire, entre guillemets, discordants par rapport aux pistes d'atterrissage les plus souvent ramenées dans les mémoires présentés devant la commission de la culture pour rappeler à la mémoire de tous que, les travaux, en fait, de réflexion, de discussion, et les travaux ayant amené l'ensemble des membres de la commission de la culture à adopter un rapport à l'unanimité, on peut deviner, devant de tels propos nous invitant à un juste équilibre, ça a été des travaux qu'on pourrait qualifier de difficiles, demandant justement une réflexion extrêmement approfondie pour tenir compte de chacune des parties, de chacune des opinions qui avaient été exprimées devant la commission de la culture. Parce que le syndiqué que je viens de vous citer, qui nous a décrit l'impact du fait que le gouvernement a aidé à partir un nouveau journal dans la région du Lac-Saint-Jean, il est sur le terrain. Moi, j'estime qu'il connaissait bien son marché, puis qu'il connaît bien son travail, puis qu'il connaît bien son milieu, et j'estime qu'on devait également l'écouter. Donc, vous voyez, M. le Président, que nous avons entendu des propos extrêmement nuancés.

Et il ne faudrait pas croire que nous avons été devant des recommandations formant une espèce de bloc monolithique où il était très facile, pour les législateurs que nous sommes, pour les parlementaires que nous sommes, d'intervenir, et de choisir, et de dire: Bien, voilà, il y avait consensus pour intervenir de telle façon dans le milieu des médias au Québec. Ce serait faux de prétendre une telle chose. Les gens qui sont venus se faire entendre devant la commission de la culture ont interpellé les parlementaires que nous sommes pour, au contraire, exercer leur mandat avec beaucoup de délicatesse, puisque c'est un sujet, M. le Président, un sujet délicat.

Ce que je retiendrai également des échanges que nous avons eus avec les intervenants que je vous ai cités un peu plus tôt, c'est cette volonté exprimée clairement par la plupart d'entre eux, cette volonté de reconnaître que la concentration des médias est à un seuil critique, et leur volonté de poursuivre le dialogue tant avec les parlementaires membres de la commission de la culture qu'avec le pouvoir exécutif au Québec, M. le Président, et ça, je pense que c'est important également pour mieux saisir la portée des recommandations faites à l'unanimité par les membres de la commission de la culture, que, nous, nous avons enregistré et pris bonne note de cette expression, de cette volonté de poursuivre le dialogue avec les parlementaires québécois sur le dossier de la concentration des médias. Cette volonté a été exprimée tant de la part des syndiqués que de la part de propriétaires de média, que de la part d'intervenants, et je crois que cette volonté de poursuivre le dialogue sur ce dossier difficile et délicat a en quelque sorte un peu mis la table aux recommandations des membres de la commission de la culture.

n(12 h 20)n

M. le Président, il y a une section du rapport déposé récemment par les membres de la commission de la culture qui, à mon sens, et je le regrette, je le déplore, n'a pas été suffisamment traitée jusqu'à maintenant, et c'est le fait que les membres de la commission de la culture se sont entendus à l'unanimité sur un énoncé de principe, sur des principes de gouvernance pour le gouvernement du Québec, peu importe le parti au pouvoir, sur des principes de gouvernance dans l'univers économique et culturel que représentent les médias d'information, et je crois que cette partie du rapport a été malheureusement un peu occultée, alors que, pour moi, c'est une pierre d'assise, c'est vraiment des balises que les deux formations politiques en présence formant cette Chambre ont adoptées à l'unanimité. Et, rapidement, M. le Président, je voudrais vous en faire part. Les membres de la commission de la culture ont donc établi des principes de gouvernance qui sous-tendent les recommandations qui vont suivre, et je voudrais vous les lire parce que ça n'a pas été fait nulle part jusqu'à maintenant. Je crois qu'il faut en profiter ici.

Le premier principe de gouvernance: le droit des citoyens à l'information constitue le fondement de la liberté d'expression et de la liberté de presse.

Deux, toute société démocratique pour qui le droit à la libre expression est un fondement doit maintenir et préserver une nécessaire distance entre le monde politique et l'univers journalistique. Ça signifie, M. le Président, qu'on reconnaît que le milieu journalistique, le milieu des médias forme ce qu'on appelle plus familièrement un quatrième pouvoir, qu'il a sa place, son importance, et qu'il y a une nécessaire distance entre le milieu politique et le milieu des médias.

Troisièmement, M. le Président, la liberté de presse est un droit des citoyens. Inscrite dans le droit à la libre expression, indissociable du droit à la libre information, elle est au coeur de la vie démocratique et constitue un ressort indispensable à son exercice.

Quatrièmement, en régime démocratique, un choix de médias variés et une diversité des voix et des sources d'information sont les meilleures garanties permettant une libre expression authentique ainsi que la libre circulation des idées et des opinions et la tenue de débats publics libres et ouverts.

Cinquièmement, dans notre régime démocratique et en raison de notre tradition journalistique séculaire, ce sont des entreprises de communication publiques et privées qui colligent, assemblent, publient, diffusent librement les informations destinées au public et qui sont à la base de l'exercice de son droit à l'information.

Sixièmement, toute diminution réelle et vérifiable de sources d'information liées à la concentration des propriétés des médias limite l'exercice du droit du citoyen à accéder à une information diversifiée et variée et peut ultimement signifier sa négation.

Septièmement, M. le Président, «liberté d'expression» et «liberté d'entreprise» ne sont pas synonymes. La liberté de presse découlant de l'une et de l'autre n'est toutefois pas le fief exclusif des propriétaires de média ni une chasse gardée soumise à leur seul bon vouloir; elle est la manifestation plutôt de leur rôle de fiduciaires de présenter les multiples facettes de l'intérêt public en régime démocratique.

Et, finalement, huitièmement, M. le Président, tout État démocratique a en tout temps le devoir de veiller à ce que le droit du citoyen à une information libre, diversifiée et variée soit protégé et promu. Et, le cas échéant ? et je souligne, et peut-être même que je souligne à double interligne ? l'État peut intervenir pour en assurer sa pérennité.

M. le Président, ces principes de gouvernance ont fait l'objet d'une unanimité des membres parlementaires de la commission de la culture, et je crois que vous avez là, campés, les principes qui doivent guider un État démocratique comme le Québec dans ce dossier fort délicat. La table est mise, les entreprises de presse sont des fiduciaires de la liberté d'information, et un État peut intervenir pour la garantir, cette liberté d'information et cette liberté de presse.

Une fois cela dit, par ailleurs, M. le Président, une fois cela dit, les membres de la commission de la culture se sont effectivement penchés sur les pistes d'atterrissage proposées par les différents intervenants. La piste d'atterrissage de procéder par des moyens, des mécanismes légaux nous est apparue comme une piste d'atterrissage, pour le moment, inadéquate. Premièrement, l'imposition de seuils au Québec ? et le député de Montmorency, un peu plus tôt, l'a très bien décrit ? nous apparaît une procédure difficilement applicable, un, compte tenu du petit marché que représente le Québec et du faible niveau de lectorat au Québec, fait en sorte, M. le Président, c'est assez clair, qu'on aurait des seuils mais qui imposeraient finalement des entreprises à végéter au Québec, puisqu'elles n'ont pas le marché pour qu'on leur impose de tels seuils. Des comparaisons avec l'Italie, la France et d'autres marchés ne peuvent pas tenir la route lorsqu'on fait de simples comparaisons démographiques ou les simples comparaisons d'habitudes de lecture.

M. le Président, également une intervention d'un point de vue législatif permettant au gouvernement du Québec d'intervenir pour interdire une transaction dans le domaine de la presse écrite ? parce que c'est le secteur sous la juridiction du gouvernement québécois ? nous apparaît, à tout le moins de notre côté, ici, de la Chambre, comme un moyen d'intervention pour contrôler finalement deux, trois entreprises au Québec, hein? On mettrait en place tout un mécanisme pour finalement tenter de contrôler Quebecor, Gesca, peut-être les propriétaires d'hebdos.

Et, finalement, M. le Président, notre préoccupation, de ce côté-ci de la Chambre, c'était de tenter de garder toute la vigueur possible à un marché qui est un marché économique d'importance, toute sa vigueur possible pour que puissent se développer des nouveaux médias au Québec, entre autres dans la presse écrite. Et, de ce côté-ci de la Chambre, nous étions convaincus que mettre en place un lourd outil législatif qui ferait en sorte que le gouvernement du Québec pourrait intervenir lourdement pour interdire des transactions dans le domaine de la presse écrite ferait en sorte que vous comme moi, comme d'autres gens d'affaires au Québec, hésiteraient énormément avant de mettre leurs billes en jeu, avant de mettre de leur propre argent dans une entreprise qui, pour toutes sortes de raisons, lorsqu'ils voudraient la transférer vers un autre propriétaire, une transaction qui pourrait se voir bloquer par le gouvernement du Québec... Bon, on se dit que c'est beaucoup moins tentant pour des investisseurs d'aller dans un tel marché, M. le Président. Donc, je survole les raisons, mais c'est en partie les raisons qui ont fait en sorte qu'une intervention de type législatif n'a pas été, pour le moment, retenue par les membres de la commission de la culture.

Par contre, les membres de la commission de la culture ont bel et bien retenu la piste d'atterrissage qui était proposée par plusieurs intervenants, qui était un mécanisme de vigie, vraiment s'outiller, au Québec, pour observer l'évolution du secteur des communications, des médias, voir l'évolution au niveau de tant ce qu'on pourrait appeler de la transparence externe, c'est-à-dire vraiment être capable de suivre qui est propriétaire de quoi et quel est le degré de concentration au niveau de la propriété... Mais également on plaide pour une forme de transparence interne, à savoir que la population ait droit à de l'information sur le comportement des journaux quant à la libre circulation d'idées à travers leurs pages, et on pense, par là, à la place de l'opinion des citoyens à travers les pages, à la présence de pages éditoriales, etc.

Un tel mécanisme de vigie, M. le Président, c'est une recommandation importante. Nous avons respecté le souhait de plusieurs intervenants en commission de la culture, et, pour nous, du côté de l'opposition officielle, un tel mécanisme de vigie pourrait être confié à l'Observatoire de la culture et des communications, qui est un organisme qui existe déjà, qui est sous l'organisme neutre et indépendant qui est le Bureau de la statistique du Québec. Et nous croyons que cet Observatoire de la culture et des communications peut très bien mener ce travail de vigie et porter les résultats de leurs études à l'attention des parlementaires, membres de la commission de la culture, qui, une fois par année... Et en cela nous rencontrons le souhait du Conseil de presse qui avait effectivement fait cette recommandation que les parlementaires se penchent, par exemple, une fois par année sur l'évolution des médias au Québec. Mais, M. le Président, je fais part de notre vision des choses de ce côté-ci, mais je tiens à dire que, de chaque côté de la Chambre, notre souhait le plus important, c'est que soit compris qu'à l'unanimité les membres de la commission de la culture sont pour la création d'un rôle de vigie à l'intérieur d'une structure la plus indépendante possible du pouvoir, bien sûr, exécutif.

M. le Président, je me dois de survoler d'autres recommandations qui ont été faites également à l'intérieur de ce rapport. J'endosse en tous points les propos du président de la commission de la culture qui affirmait que l'ensemble de ces recommandations, si elles sont appliquées, vont faire franchir un pas important au gouvernement du Québec dans son rôle de transparence et le rôle de gouvernance que l'on doit se donner.

n(12 h 30)n

Je vous rappelle que la deuxième recommandation des membres de la commission de la culture est pour un renforcement du Conseil de presse qui, malheureusement, en ce moment... dont le fonctionnement, M. le Président, en termes d'intervention auprès des citoyens, dans son rôle d'ombudsman auprès des citoyens... À notre sens, le Conseil de presse, en ce moment, par les longs délais qu'il impose avant de traiter une plainte venant d'un citoyen, fait en sorte que son rôle de tribunal d'honneur est un peu écorché, et, dans ce sens-là, nous plaidons pour que la Fondation du conseil de presse, comme ça avait été fait à l'origine, M. le Président... Le Conseil de presse est financé à même une fondation. Nous souhaitons que les entreprises de presse, les grands conglomérats financent à nouveau cette Fondation du conseil de presse, pour qu'ensuite le Conseil de presse, de façon plus efficace, puisse mener à bien ses travaux, son rôle de tribunal d'honneur.

Nous sommes également pour le fait que les dirigeants d'entreprises publient, donc rendent publics leurs énoncés de principe et leurs engagements à l'égard de la qualité et de la diversité de l'information. Nous sommes également ? le député de Montmorency l'a bien abordé ? pour la création de postes d'ombudsman dans les grands conglomérats.

Je vais passer un peu plus de temps, M. le Président, sur la recommandation n° 5 parlant de comités internes de surveillance. M. le Président, autant le poste d'ombudsman et le Conseil de presse dans son rôle de tribunal d'honneur couvrent plus le volet de la déontologie journalistique... Lorsqu'un citoyen, ou un député, ou un ministre n'est pas satisfait du traitement d'un journal, d'un journaliste et d'un journal, nous savons que nous pouvons aller au Conseil de presse ou encore, selon notre recommandation, on pourrait auparavant aller vers un ombudsman. Mais les comités de surveillance internes couvrent une autre dimension éthique, et ça couvre la réalité de la propriété croisée. Quand une compagnie est propriétaire d'une station de télé, d'un journal, d'hebdos, de magasins de disques, de librairies, de portails Internet, de maisons d'édition, M. le Président, nous voyons là... et nous avons entendu, M. le Président, des intervenants venir nous dire qu'il y avait là danger à ce qu'une entreprise, dans le fond, se protège elle-même ou se serve en premier, M. le Président, se favorise, dans un premier temps, face à ses concurrents. Et nous croyons que le meilleur mécanisme pour éviter cela, M. le Président, donc éviter cela dans l'univers de la propriété croisée, c'est bel et bien de mettre en place des comités de surveillance qui pourraient aller vérifier le comportement éthique interentreprises, M. le Président, c'est-à-dire de veiller à ce que, par exemple, des commandes ne soient pas données à partir d'une station de télé, que des commandes ne soient pas données à un journal pour couvrir telle et telle émission de télé en priorité ou pour donner la une à telle émission de télé qui aurait fait une émission spéciale, M. le Président. Et c'est une telle réalité que veut couvrir la recommandation sur les comités de surveillance.

Nous sommes conscients, et je pense que c'était démontrer une grande lucidité que, pour que ces comités de surveillance soient tout à fait performants, nous avons besoin d'une entente Québec-Ottawa dans le domaine, dans le secteur des communications. Cette recommandation aussi fait l'objet de l'unanimité, c'est la négociation d'une entente Québec-Ottawa, qui pourrait s'inspirer des précédents en matière d'immigration, de main-d'oeuvre, afin de clarifier les responsabilités des deux gouvernements. Et, entre autres, M. le Président, je le précise, une telle entente ferait en sorte que les comités de surveillance pourraient ? et ce n'est pas le cas en ce moment ? pourraient dorénavant aller... ce que j'appelle, moi, familièrement, aller de chaque côté de la clôture, c'est-à-dire avoir droit d'intervention tant du côté des médias électroniques que de la presse écrite, M. le Président.

Je veux aussi prendre le temps de parler de la recommandation n° 7 concernant un meilleur partage de l'assiette publicitaire gouvernementale, car, à la suite d'une communication écrite de la Fédération des télévisions communautaires, je crois que cette recommandation n'a pas été comprise à sa juste valeur. M. le Président, nous savons qu'en ce moment les médias communautaires ont droit, selon une directive du gouvernement, du Conseil des ministres, ont droit à 4 % de l'assiette publicitaire des ministères, et notre recommandation ne vise pas à toucher cette assiette, là, de 4 % de la publicité gouvernementale allant vers les médias communautaires. Au contraire, nous avons veillé à dire que ce 4 % doit rester uniquement pour les médias communautaires, M. le Président.

Mais par ailleurs la recommandation 7 s'adressait plus aux agences de publicité, ce qu'on appelle aussi aux agences de placement publicitaire, qui, elles, à notre sens, doivent veiller à offrir une juste répartition des assiettes publicitaires de leurs principaux clients, dont les clients gouvernementaux, en faire une juste distribution non seulement au niveau des grands conglomérats de presse, mais aussi au niveau des médias indépendants, des médias en région et des médias communautaires, M. le Président.

Il y a également des recommandations qui couvrent la troisième piste d'atterrissage, M. le Président, qui était la constitution d'un fonds d'aide pour les médias indépendants. Je vous ai lu tantôt quelques réserves que les gens nous ont exprimées à cet avis. Mais nous avons voulu traiter les médias d'information comme des entreprises culturelles. Les médias d'information sont effectivement des entreprises qui forgent l'identité du Québec, M. le Président, et dans ce sens nos recommandations vont dans le même sens, dans la même sorte de traitement que l'on fait pour l'ensemble de l'industrie culturelle au Québec. Nous avons donc suggéré que les médias indépendants puissent avoir droit à des crédits d'impôt liés, par exemple, à soit la formation de leur main-d'oeuvre ou même la création de nouveaux emplois dans leurs entreprises, M. le Président.

Nous avons également proposé que le gouvernement soutienne financièrement la création d'une association des médias indépendants. Ça nous apparaît important que les médias indépendants forment dorénavant un groupement beaucoup plus fort qui pourrait se faire entendre et faire ses recommandations tant au gouvernement qu'auprès des principaux joueurs privés, les agences de presse, les autres partenaires du milieu des communications, afin que les médias indépendants aient également leur juste place.

Pensons juste au fait qu'ils pourraient former un groupement d'achat beaucoup plus puissant au niveau, par exemple, de l'achat de papier journal, M. le Président. Le propriétaire d'un média indépendant est venu nous décrire cette réalité. Et nous sommes extrêmement favorables à ce que les médias indépendants s'associent afin d'avoir une force de frappe beaucoup plus grande.

M. le Président, je vais terminer dans quelques instants pour permettre à mon collègue le député de Viau de pouvoir également vous adresser ses principales observations, mais je m'en voudrais de passer sous silence les dernières recommandations qui me tiennent également à coeur. L'une d'elles rappelle la motion unanime adoptée à l'Assemblée nationale concernant la place des télévisions communautaires dans nos régions, au Québec, et nous avons réitéré le fait que, pour nous, il est important que le CRTC révise sa réglementation et également réclame de la compagnie Vidéotron... que la compagnie Vidéotron, le câblodistributeur, fasse de la place, une vraie place aux télévisions communautaires autonomes sur ses ondes, M. le Président.

Il y a également une recommandation qui concerne les régions, mais je terminerai par celle qui recommande également qu'on reconnaisse le fait que Télé-Québec soit financée à sa juste hauteur. Télé-Québec est un outil qui participe à la diversité de l'information au Québec. Ça nous apparaît important, après que Télé-Québec ait connu d'énormes coupures depuis 1994, à ce qu'on reconnaisse enfin le rôle de ce média d'information pour la diversité des voix au Québec.

Nous avons une recommandation touchant l'existence, enfin, je pourrais dire le maintien de l'agence de presse de la coopérative qu'est La Presse canadienne. Nous avons également... nous lançons un appel aux entreprises de presse pour qu'elles respectent les droits d'auteur des journalistes indépendants. Et j'aimerais vous citer un extrait du rapport concernant cette dernière recommandation concernant les journalistes pigistes: «Si tel ne devait pas être le cas ? c'est-à-dire le respect des droits d'auteur des journalistes pigistes ? la commission recommande au gouvernement de présenter au Parlement une loi pour la reconnaissance et la protection des journalistes indépendants qui permettra la négociation d'un contrat type pour tous les journalistes indépendants au Québec.» M. le Président, je crois que c'est écrit noir sur blanc, que l'appel qu'on lance aux entreprises de presse, c'est un appel que, si elles n'y répondent pas, le gouvernement effectivement est invité à légiférer.

M. le Président, je terminerai en vous rappelant que le dossier de la concentration des médias jusqu'à maintenant dans l'histoire du Québec, c'est un dossier qui n'a pas fait l'objet de législation parce que, jusqu'à maintenant, la clé pour protéger la diversité de l'information au Québec, la clé, ça a été la volonté politique. Et je vous rappelle que, dans l'histoire du Québec, les deux fois où un gouvernement est intervenu pour bloquer des transactions amenant une plus grande concentration de la presse, ça a été fait tout simplement mais de façon très volontaire par une déclaration du premier ministre du Québec de l'époque, M. Robert Bourassa, qui, en deux occasions, est intervenu pour demander à la compagnie Power Corporation de surseoir à sa volonté d'acquérir le journal Le Soleil, M. le Président. Donc, c'est vous montrer que, dans l'histoire du Québec, au niveau de la concentration des médias, il y a eu une clé implacable, une clé efficace à notre disposition qui est carrément la volonté politique de contrer le phénomène de la concentration des médias.

n(12 h 40)n

J'endosse les propos de mon collègue le député de Montmorency: si, par une volonté politique, par une volonté ministérielle, l'ensemble des recommandations du rapport, adopté à l'unanimité par les membres de la commission de la culture, devaient être mises en branle, si l'ensemble des recommandations devaient être mises en branle, je crois qu'on aura fait un pas déterminant, M. le Président, pour que des règles de transparence s'appliquent au Québec dans l'univers des médias, pour que des règles de gouvernance claires également soient appliquées au Québec, M. le Président.

Je terminerai, M. le Président, en remerciant l'ensemble des collègues membres de la commission de la culture. Nos échanges ont été parfois vifs, vigoureux, toujours faits avec beaucoup d'honnêteté, M. le Président, ce qui nous a permis d'en arriver à ce rapport unanime. Plus particulièrement, je voudrais remercier mon collègue le député de Viau qui a été toujours présent dans le cadre de nos travaux; également, le député de d'Outremont qui a suivi ces travaux avec énormément d'attention tout au long de la dernière année; également, mon collègue, l'ancien député d'Anjou, M. Jean-Sébastien Lamoureux, qui, on se le rappellera, aura été grandement sensible également à la question de la diversité de l'information dans les régions du Québec et à la place des télévisions communautaires. Il nous a tous rappelé ? à tous ? que nous avions un rôle à jouer pour remplir nos engagements. Sur ce, M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Sauvé, de votre intervention. J'indique à l'opposition officielle qu'il lui reste 12 minutes de temps de parole. Pour le côté gouvernemental, 36 minutes, plus peut-être une répartition de cinq minutes plus tard. Alors, je suis prêt maintenant à reconnaître un prochain intervenant, il est l'adjoint parlementaire du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le député de Saint-Hyacinthe, nous vous écoutons attentivement.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Je suis très heureux de pouvoir intervenir dans ce débat touchant le rapport de la commission de la culture sur la question de la concentration de la presse. Nous conviendrons tous ensemble, M. le Président, que la concentration de la presse n'est pas nécessairement, pour chacun de nos concitoyens, une chose avec laquelle ils jonglent tous les jours et une de ces choses qui les empêchent de dormir plusieurs fois par semaine, hein, parce que c'est, en général, perçu comme un petit peu loin de la tasse de thé, un petit peu loin du quotidien des gens. Et cependant, ça peut les toucher énormément, M. le Président.

On a eu droit à un certain nombre de... deux interventions en particulier, qui ont fait le tour de l'ensemble de la question de la concentration de la presse et qui ont montré avec beaucoup, force nuance la complexité de la question. Je voudrais, moi, M. le Président, faire quelque chose d'un peu différent et montrer, ne serait-ce qu'en utilisant une façon différente de procéder, une façon un peu plus caricaturale, montrer l'importance de la question et à quel point la question de la concentration de la presse peut être dommageable dans une société. Et pour le faire, M. le Président, je vais prendre un exemple. Pour éviter de viser qui que ce soit en particulier mais d'atteindre tout le monde, je vais prendre un exemple hypothétique.

Alors, M. le Président, nous nous trouvons dans Unetelle petite ville du Québec de 50 000 habitants, plus ou moins, qui s'appelle Saint-Réel, parce que je ne veux pas évidemment nommer une ville réelle, alors ce sera la ville Saint-Réel qui a 50 000 habitants. Dans cette ville de Saint-Réel, il y a un bon monsieur qui est propriétaire de trois journaux: il est propriétaire de L'Éclair, il est propriétaire de La Fusée et il est propriétaire de Le Piéton. Alors, il a trois journaux, il couvre le terrain, il est propriétaire de tout ce qui se dit dans la ville. Son nom, évidemment, vous l'avez deviné, c'est M. Jean Lepatron, parce que c'est lui qui est le patron.

Alors, arrive un jour que M. Jean Lepatron décide d'augmenter les coûts pour la publicité dans son journal. Une page qui vaut 1 000 $, il va la charger combien? Il est le seul sur le terrain, les gens n'ont pas d'autres possibilités. Il va charger peut-être 1 200, 1 400, 1 500 ou même davantage, les gens n'ont pas d'autres choix. Alors, vous voyez, la concentration de la presse limite les possibilités de commerce dans des conditions favorables dans le milieu. Première chose.

Deuxième chose. Il arrive, comme par hasard, que M. Jean Lepatron est aussi propriétaire d'un grand restaurant populaire, 300 places, et qui sert à toutes sortes de choses, y compris à servir, par exemple, de grands repas, des réceptions, des noces, des anniversaires, toutes sortes de choses. Alors, arrive un événement qui arrive parfois, par malheur, par accident sans doute, que le lendemain d'une grande fête, d'une de ces noces, les gens apprennent, sous le manteau, quelques-uns, pas tout le monde, qu'il y a eu une grande intoxication alimentaire, qu'il y a plus de 50 personnes qui sont à l'hôpital encore après 24 heures. Ils regardent dans le journal: pas question. Évidemment, M. Jean Lepatron n'ira pas dire que son restaurant a intoxiqué les gens.

Mais prenons l'autre hypothèse qu'il y a un des journaux qui n'appartient pas à M. Jean Lepatron, qui s'appelle Le Piéton, il n'appartient pas à Jean Lepatron, dans une autre hypothèse, et lui, le journaliste fait sa petite enquête et il se rend compte que c'est la cinquième fois en deux ans que M. Jean Lepatron empoisonne ses clients. Vous voyez la différence, M. le Président? C'est là le problème de la concentration de la presse. Évidemment, je l'ai mis dans une situation hypothétique mais qui pourrait bien se passer à Saint-Réel, hein?

Alors, vous voyez, c'est dangereux, la concentration de la presse. C'est pour ça qu'on a fait une commission là-dessus, c'est pour ça qu'on a passé des heures et des heures à écouter les gens et que, pendant les vacances d'été, l'été dernier, on s'est réunis plusieurs fois pour discuter de la meilleure façon de faire face à cette question-là.

Évidemment, je pourrais rentrer dans bien des détails, mais je sais que le temps est court, et je veux laisser du temps à mon collègue pour intervenir. Alors, je vais me concentrer sur quelques éléments que nous avons trouvés et que nous pensons qu'ils sont, dans le moment présent... qu'ils résument les meilleures façons d'intervenir pour éviter que la concentration de la presse fasse du tort à la population, M. le Président. Parce que, ce qu'on a vu dans Saint-Réel, ça existe à la dimension du pays, ça existe à la dimension du Québec.

Parce que, actuellement, M. le Président, au Québec, on a deux grandes entreprises: Gesca et Quebecor. Ici, dans un document qui nous a été déposé par M. Florian Sauvageau, une étude, on nous dit que Gesca est propriétaire de 51 % des tirages quotidiens et Quebecor, 46 %. Il en reste un petit peu pour Le Devoir, qui est un magnifique journal, mais qui n'a pas un gros tirage. Alors, vous voyez, on est bien proche d'une concentration exagérée, si elle ne l'est pas déjà, parce qu'il suffirait que l'un achète l'autre pour qu'on ait un seul propriétaire au niveau de l'ensemble du Québec pour ce qui est des quotidiens. Quel danger plane sur nous, M. le Président!

Alors, nous avons pensé que, dans l'immédiat, la meilleure façon de faire était de mettre à l'épreuve ceux qui nous ont dit... Les propriétaires des grands médias nous ont dit: Bien non, on va s'occuper de ça; on va assurer que les gens aient une information diversifiée, complète, objective, tout ça. Faites-nous confiance. On va nommer des ombudsmans, comités de surveillance, toute l'affaire. Oui? Alors, on a pensé les mettre à l'épreuve et voir si c'est ça qu'ils vont faire.

Par exemple, dans le rapport que j'ai ici, et je reviens sur ce qu'a lu la députée de Sauvé, le premier principe qu'on a énoncé, c'est lequel? «Le droit des citoyens à l'information constitue le fondement de la liberté d'expression et de la liberté de presse.» Le droit des citoyens à être informés, c'est ça qui est important. Que les gens sachent la vérité, c'est ça qui est important. Le reste, c'est important aussi, mais c'est secondaire. C'est assujetti à la nécessité de donner une bonne information aux gens.

Alors, c'est le premier principe. On a pensé, après avoir étudié et écouté les gens, on est arrivé à la conclusion que, pour que les gens aient une information la plus objective possible, il fallait différentes sources d'information. De même, chacun arrive et donne son point de vue, et on a les différents côtés de la médaille. C'est une médaille d'ailleurs qui a plus que deux côtés, la diversité de l'information. Donc, il faut avoir de la diversité dans l'information pour être sûr d'avoir de l'objectivité.

C'est pour ça qu'on a pensé à un mécanisme, appelons-le «le conseil de la diversité de l'information», à un mécanisme qui surveillerait les conditions de la diversité de l'information, dans quelle mesure, par exemple, la concentration excessive de la propriété nuit à la diversité. On veut qu'il y ait un organisme qui étudie ça et qui suive ça année après année, dans des exemples concrets, qui fasse des relevés et qui nous fasse rapport à l'Assemblée nationale. C'est ça qu'on veut, M. le Président: donc, dans quelle mesure la concentration de la propriété nuit à la diversité?

n(12 h 50)n

Deuxième question: Dans quelle mesure le fonctionnement interne de la salle de rédaction nuit à la diversité? Est-ce que les journalistes sont libres de dire ce qu'ils veulent ou si, par toutes sortes de méthodes, on réussit à les intimider ou à les conditionner pour qu'ils disent tous à peu près la même chose que le grand patron? Et, quand le grand patron devient unique sur le territoire du Québec, ça devient dangereux, hein? Ça devient dangereux pour la démocratie.

Imaginez-vous, prenez dans Saint-Réel, que le journal, les trois journaux sortent des articles constamment contre le maire. Pensez-vous qu'il va être réélu la prochaine fois? C'est risqué un peu. Peut-être qu'il mérite d'être battu, mais peut-être pas. Si les gens avaient différents points de vue sur le maire, bien là ils pourraient choisir en toute liberté. C'est ça qu'on appelle la démocratie. La même chose au niveau du Québec. Il faut que les gens soient libres de choisir et, pour ça, il faut qu'ils aient des points de vue différents sur la réalité. Donc, la diversité est importante.

On affirme le droit à l'information, on annonce, on recommande la création d'un organisme qui va surveiller les conditions externes, c'est-à-dire dans quelle mesure la propriété nuit à la diversité, et les conditions internes dans la salle de rédaction, dans quelle mesure ce qui se passe dans la salle de rédaction protège le droit des journalistes de dire la vérité telle qu'ils la voient.

Et étant donné que les propriétaires des médias ont dit: Non, non, on va s'en occuper, nous, on va faire en sorte... puis vous allez voir que ça va être bien fait, vous allez voir; nous, tout ce qui nous intéresse, c'est les affaires, mais l'information, nous, on n'a rien à voir là-dedans, vous savez, on va organiser ça pour que les journalistes soient libres, bien oui, très bien, on leur fait confiance, et on les met au défi. C'est aussi dans notre rapport. On dit: Faites un ombudsman, mettez des... Tout ce que vous dites que vous avez dit que vous voulez faire, faites-le. Mais n'oubliez jamais, n'oubliez jamais que nous avons un dernier principe. C'est lequel? C'est celui-là: tout État démocratique a en tout temps le devoir de veiller à ce que le droit du citoyen à une information libre, diversifiée et variée soit protégé et promu, et, le cas échéant, peut intervenir pour en assurer sa pérennité.

Ça veut dire quoi, vous pensez, M. le Président? Ça veut dire: Si vous ne remplissez pas vos promesses, si le défi qu'on vous lance de faire ce que vous avez dit que vous feriez n'est pas tenu, l'État interviendra et légiférera.

Alors, je pense que c'est un rapport qui expose une position sage dans laquelle il y a une confiance mesurée et organisée de façon à faire en sorte que la société soit mieux servie et que les citoyens soient le plus assurés qu'il soit possible d'avoir une information diversifiée, saine et aussi objective que possible. Cela, c'est dans l'intérêt de la démocratie, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, nous poursuivons le débat sur le rapport de la commission de la culture concernant la concentration de la presse, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission de la culture et député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Compte tenu qu'il est 12 h 55 et que j'ai un temps de parole d'environ 15 minutes, je demanderais au leader du gouvernement si on pourrait suspendre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député, à votre demande, je vais suspendre les travaux, à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous poursuivons la prise en considération du rapport de la commission de la culture qui a tenu des séances dans le cadre du mandat d'initiative portant sur le suivi de sa consultation générale et de ses auditions publiques sur la concentration de la presse. Ce rapport, qui a été déposé le 13 novembre, contient des recommandations.

Alors, nous sommes dans le cadre d'un débat restreint de deux heures. Il reste 15 minutes au parti de l'opposition, au groupe de l'opposition, et 26 minutes au groupe formant le gouvernement. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Viau. M. le député.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je me joins à mes collègues membres de la commission de la culture qui se sont exprimés avant moi, que ce soit les collègues du côté ministériel qui sont membres de la commission de la culture ainsi que ma collègue la députée de Sauvé, qui est notre porte-parole en matière de culture et de communications.

M. le Président, comme vous avez certainement pu constater par les discours qui ont été prononcés avant moi en cette Chambre, les membres de la commission ont fait un travail énorme. Pendant des heures ? on ne les a pas comptées ? il y a eu des consultations, beaucoup de séances de travail, et finalement... Et même ? je vois le député de Montmorency qui rentre ? si on a eu, durant ce mandat d'initiative, un changement du côté de la présidence, je me dois de le féliciter, le député de Montmorency, pour avoir justement continué dans la même veine que son prédécesseur, le député de Matane, ex-président de la commission de la culture.

Vous avez pu constater, M. le Président, que nous avons fait... Je suis de l'opinion... Pour moi, en ce qui me concerne, qui ai participé à plusieurs mandats d'initiative de commissions, pour moi, ça a été, je dois dire, le plus intéressant, principalement, principalement non seulement à cause du contenu, mais à cause des membres de la commission. Vous avez pu constater l'excellent exposé qui a été fait par le député de Montmorency, suivi par un même, je dirais, même meilleur exposé fait par la porte-parole de l'opposition officielle, et vous avez aussi pu constater la façon que le député de Saint-Hyacinthe a pu vulgariser qu'est-ce que c'est qui semble extrêmement complexe par sa ville fictive, dit-il. Sans raconter d'autres choses, je peux vous dire que, durant les travaux de la commission, le député de Saint-Hyacinthe nous a certainement bien entretenus en nous donnant des exemples semblables à celui qu'il nous a donné ce matin sur le problème réel, réel de la concentration des médias.

M. le Président, je ne voudrais pas, dans les minutes qui me sont allouées, répéter ce qui a été dit par mes collègues. Ce que je peux vous dire, par exemple, parce qu'on tombe, je pense, au bon moment, c'est que je voudrais dire quelques mots sur les mandats d'initiative, M. le Président. Je sais que ça vous intéresse énormément, et, puisqu'on parle toujours de réforme parlementaire, je pense qu'il est intéressant de soulever quelques questions que, les membres de la commission, à un moment ou l'autre on s'est posées nous-mêmes, comme parlementaires, au niveau des mandats d'initiative. Vous savez ? un bref historique, M. le Président ? les mandats d'initiative ont été introduits ici, à l'Assemblée nationale, de la réforme parlementaire qui s'appelait «la réforme Vaugeois-French», qui date de quelques années et qui justement permettait aux parlementaires de se donner un mandat, un mandat qui n'était pas un mandat du gouvernement, qui n'était pas un mandat de l'Assemblée nationale, mais un mandat que les membres de la commission se donnaient justement pour faire la lumière sur des sujets qu'une commission peut penser qu'ils sont d'intérêt au niveau de la population.

Je pense que, à ce moment-là, c'est un bond... un pas dans la bonne direction, sauf qu'où on a un peu... on est un peu laissés sur notre appétit, M. le Président, c'est que vous avez un travail qui est énormément bien fait... Et je ne veux pas à ce moment-ci, M. le Président, changer les règles ou dire que je n'accepte pas les règles, parce que j'accepte les règles, mais on a trouvé que c'était un peu... En l'an 2001, M. le Président, qu'après un tel travail que la seule chose qui soit permise, c'est un débat restreint de deux heures, n'est-ce pas, un débat restreint de deux heures et que l'ensemble des parlementaires n'auront pas à se prononcer sur le contenu du travail que d'autres parlementaires ont fait... Ce n'est pas un reproche que je fais à personne, M. le Président, je suis très conscient que nos règles, présentement, disent ça. Alors, le message que je véhicule au niveau de l'ensemble des collègues, et particulièrement la présidence, qui est impliquée au niveau de la réforme parlementaire, c'est qu'il faudrait peut-être, M. le Président, amener un changement au niveau d'un débat qui doit suivre certainement un dépôt d'un rapport, mais qu'on devrait trouver un mécanisme où l'ensemble de la députation pourrait se prononcer sur le contenu ou même sur les recommandations qui se trouvent dans un rapport, particulièrement un rapport éminent d'un mandat d'initiative, M. le Président.

n(15 h 10)n

Puis l'autre chose aussi qu'on a trouvée un peu frustrante, c'est que les règles ne permettent pas présentement d'avoir, de la part des députés, un rapport majoritaire et un rapport minoritaire, hein? Et, par ça, je veux faire bien... Je veux qu'on me comprenne bien, lorsque je dis un rapport majoritaire et un rapport minoritaire, je ne veux pas dire un rapport du groupe ministériel et un rapport de l'opposition, ce n'est pas dans ce sens-là. C'est qu'un rapport majoritaire peut être un rapport des membres de la commission où il peut y avoir des gens de l'opposition qui seraient d'accord avec la position majoritaire et aussi, en même temps, que vous ayez dans le rapport minoritaire aussi des membres du gouvernement qui pourraient être justement... qui sont d'accord avec une position minoritaire.

Je pense qu'un changement dans ce sens-là, M. le Président, éviterait, comme on l'a souvent dit, que les deux partis sont souvent obligés de mettre de l'eau dans leur vin. Pour que finalement on puisse accoucher d'un rapport, il faut que leur accord soit unanime. Vous verrez, M. le Président, quand même que les membres de la commission, le rapport est unanime au niveau des principes, hein, est unanime au niveau des principes, sauf qu'il y a un petit accrochage, si on veut, au niveau non du fond... Non du fond, le fond du problème ou de l'étude est partagé des deux côtés. Mais, si vous regardez au niveau de la recommandation 1, on est d'accord sur le principe qu'il est nécessaire qu'il y ait un mécanisme de vigie et un rôle pour l'Assemblée nationale du Québec. Alors, sur le fond, M. le Président, on est d'accord, sauf que c'est au niveau de la forme, et on a décidé d'inscrire dans le rapport précisément que, du côté ministériel, eux préféraient voir l'établissement d'un conseil de la diversité de l'information, et que les gens de l'opposition, on disait qu'on pourrait avoir les mêmes informations justement qui pourraient être transmises, au niveau de la commission, en se servant d'un organisme qui existe déjà, qui est l'Observatoire de la culture et des communications, et qui pourrait... Après avoir fait la collection, si on veut, de toutes les informations, M. le Président, c'est que l'Assemblée nationale pourrait recevoir d'un organisme déjà existant... c'est-à-dire que la commission de la culture pourrait recevoir l'information et que les parlementaires, eux, pourraient donner suite.

Encore là, le problème, c'est quelle suite qui est donnée à un rapport d'une commission, spécialement un rapport d'un mandat d'initiative, M. le Président. Vous savez que lorsqu'une commission fait rapport, ici, sur l'étude d'un projet de loi, hein, normalement, il y a un vote, normalement, il y a un vote. Mais ce que je considère, pour l'ensemble de la députation, un ouvrage qui est extrêmement important, c'est le travail de parlementaire. Et à ce moment-là, une fois que mon temps va être écoulé, M. le Président, et une fois que le temps du côté ministériel est écoulé, c'est quoi qui arrive avec le rapport? Il va être envoyé à la bibliothèque, M. le Président. On l'envoie à la bibliothèque. Il va falloir espérer, au moins, que le gouvernement lise le rapport attentivement et que le gouvernement décide de donner suite par voie législative au niveau du contenu de ce rapport. Sauf que, encore là, le problème, M. le Président, il y a 14 recommandations. Est-ce que le gouvernement déciderait d'en faire siennes une, deux ou trois recommandations?

Alors, sur ça, M. le Président, peut-être qu'il faudrait envisager, au niveau de la réforme, justement, la possibilité que, suite à un rapport d'initiative d'une commission, rapport qui est déposé à l'Assemblée nationale, si les membres de la commission le désirent, ils pourraient aussi, en même temps, présenter un projet de loi, au même titre qu'un projet de loi privé, mais d'intérêt public, n'est-ce pas, et au moins, à ce moment-là, au loisir du leader du gouvernement, les députés en Chambre pourraient, dans l'ensemble, s'exprimer au niveau du contenu du rapport.

M. le Président, je ne veux pas répéter les grands principes qui sont énoncés, mais une chose qui, pour moi, est extrêmement importante, et, je pense, pour l'ensemble des députés et de la population, M. le Président, c'est que la liberté d'opinion et d'expression et la liberté de presse sont essentielles à l'existence d'une société libre. Et, pour les Québécois et les Canadiens, cette liberté d'opinion et d'expression fait partie de notre patrimoine, M. le Président, et je pense qu'il faut, comme on l'a fait, la commission de la culture l'a fait... Il semblait y avoir un danger apparent, à ce moment-là; alors, les membres se sont prononcés justement sur cette liberté de la presse et la concentration des médias et des problèmes que ça peut entraîner, comme ça été très bien expliqué par le député de Saint-Hyacinthe dans sa présentation du village ou de la ville «Mont-Réel», je crois, qu'il l'a appelée. Alors, ça, c'est un problème qui est énorme, et je crois qu'il faut le faire de façon périodique. Il faut le faire parce que ces dangers-là ne sont pas toujours imminents, et, moi, je crois qu'il faut faire un examen. Je ne crois pas qu'il faut imposer certaines choses, M. le Président, parce que la question de l'expression dans notre société, comme j'ai dit, l'expression «la liberté d'expression» fait partie de notre patrimoine.

Il y a aussi, comme il a déjà été dit auparavant, que l'expression aussi de «la liberté d'entreprise», aussi dans notre société, M. le Président, fait partie de notre patrimoine. Alors, comme la députée de Sauvé l'a bien démontré que même ceux qui sont venus témoigner, les principaux intéressés qui sont venus témoigner nous ont dit que c'est très difficile à trouver, une solution d'équilibre entre cela. Mais on pourrait, M. le Président... Ce qui était intéressant aussi au niveau de la commission, c'est que des entreprises, des entreprises se sont dit, je crois, des entreprises extrêmement responsables qui se sont dit: Oui, on réalise qu'il est important, lorsqu'une entreprise est propriétaire de plusieurs entreprises de médias, qu'ils soient dans la presse écrite, qu'ils soient à la radio, qu'ils soient à la télévision et qu'ils soient aussi aujourd'hui sur Internet, il faut s'assurer que justement la compagnie ait une responsabilité de s'assurer qu'il n'y a pas un monopole au niveau de l'information. Si la même information est donnée par cinq différents médias, médiums d'information, M. le Président, ça, ça ne fait pas cinq opinions différentes, ça en fait seulement qu'une, si c'est la même. On peut avoir même 50 différentes compagnies, mais, si c'est l'expression d'une seule personne qui est répétée dans 50 différents médiums, M. le Président, c'est seulement qu'une expression qui est connue par le public. M. le Président, ça, je crois que ce n'est pas ça que l'on désire.

Et je donne comme exemple, M. le Président, justement les représentants de Gesca, qui se sont engagés en commission parlementaire de dire: Écoutez, nous, on va publier des principes qui vont guider justement le respect ? oui, deux secondes, monsieur ? le respect justement pour s'assurer que la liberté d'expression est que le citoyen ait le droit à l'information la plus variée possible. Merci, M. le Président.

n(15 h 20)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau. Il reste maintenant 26 minutes au groupe formant le gouvernement, et je vais céder la parole à M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je dirai aux collègues que le travail accompli par la commission de la culture en matière de ce mandat d'initiative sur la concentration des médias marque, en quelque sorte, une étape importante de notre histoire parlementaire. C'est une étape importante parce que c'est la première fois véritablement qu'un groupe de députés s'assoient ensemble et, sur une base non partisane, tentent d'évaluer, d'analyser et de comprendre un phénomène qui prend de l'essor chez nous et qui s'avère proportionnellement aussi préoccupant.

Les auditions que nous avons tenues avec nos collègues se sont déroulées sur plusieurs jours. Elles nous ont permis d'entendre une variété d'opinions, mais, malheureusement, je dois dire que les échos qui en ont été faits dans les médias n'étaient pas tout à fait à la hauteur du travail qui avait été investi par les députés de l'Assemblée nationale dans cet effort d'identifier une problématique particulière.

Pourquoi cette problématique est-elle particulière et pourquoi avons-nous décidé à ce moment-ci, c'est-à-dire au début de l'année, de tenir ces audiences? D'abord, parce que le phénomène de la concentration des médias n'est pas un phénomène propre au Québec, il est un phénomène qui s'inscrit de manière plus générale dans la tendance qu'on qualifie de mondialisation, c'est-à-dire de la propension des entreprises, dans quelque secteur qu'il soit, de prendre de l'ampleur, soit horizontalement, soit verticalement, soit parfois dans les deux sens. Et ce phénomène prend une dimension beaucoup plus préoccupante dans des marchés qui sont plus petits et qui sont plus petits non seulement en taille économique, mais également en termes de nombre de lecteurs et en termes de présence culturelle. Les francophones, en Amérique, sont concentrés au Québec principalement, ils représentent à peine 1 % de toute la population de ce continent. Il est évident que, dans un contexte de mondialisation où les entreprises cherchent à prendre de la taille et à prendre de l'expansion, que nous ne pouvions échapper à cette tendance. Le problème qui se pose chez nous, c'est en termes, d'abord, de respect de certains principes fondamentaux que nous avons énoncés dans notre rapport, et je vais en mentionner à peine quelques-uns, sans les lire tous, mais quelques-uns qui sont fondamentaux.

Comme l'ont rappelé mes collègues, d'emblée, nous avons logé nos travaux à l'enseigne de certains principes fondamentaux qui touchent d'abord et avant tout au droit des citoyens d'avoir accès à une information de qualité et à une information diversifiée. Or, la problématique que pose, au Québec, la question de la concentration des médias et la question de la convergence vient du fait que nos réseaux sont vulnérables à l'achat d'acquéreurs qui s'inscrivent dans ce phénomène de croissance des entreprises. Par contre, nous ne disposons pas, comme aux États-Unis, comme en Europe, comme dans d'autres régions du monde, d'acteurs suffisamment puissants, suffisamment gros qui puissent rivaliser avec leurs concurrents nord-américains, par exemple, ou européens.

C'est dans ce sens que les recommandations que nous avons faites étaient partagées entre, d'une part, le souci d'inculquer et de mettre de l'avant des mécanismes, de proposer des mécanismes qui verraient à assurer la pérennité des principes qui nous semblaient fondamentaux, mais, en même temps, de nous assurer que nos entreprises dans le domaine des communications et des médias, nos entreprises québécoises, ne soient pas pénalisées outre mesure par rapport aux entreprises du Canada et des États-Unis.

Et dans ce sens, M. le Président, lorsque je lis les rapports ou les commentaires qui ont été faits par les médias sur notre rapport, je ne puis que constater une certaine déception de notre part, non pas de leur part, mais de notre part. Par exemple, des titres, style Un rapport banal, Le Conseil de presse avoue sa déception, Douloureux réveil, Des députés frileux, Les journalistes expriment leur déception, et je pourrais en citer bien d'autres.

M. le Président, je pense que ces qualificatifs concernant notre rapport ne sont d'aucune manière justifiés, et je m'explique. D'abord, il faut savoir que les règles des commissions parlementaires veulent que les rapports qui en découlent doivent s'inspirer de ce qui a été effectivement dit, prononcé et inscrit dans les transcriptions officielles, d'une part. D'autre part, ces recommandations doivent refléter non pas les rumeurs de couloir, non pas les impressions que de part et d'autre on puisse en dégager, mais ce qui est la réalité, telle qu'elle nous a été exposée.

Malheureusement, je dois dire que si certains journalistes et si certains médias ont trouvé nos recommandations un peu frileuses, c'est peut-être parce que ces mêmes porte-parole ont omis de nous décrire la situation telle qu'elle existait véritablement et dans toutes ses implications. Et j'en prends à témoin ici le journaliste Paul Cauchon du Devoir, qui citait: «Si la concentration des médias est si dangereuse, les journalistes eux-mêmes devront l'expliquer de façon beaucoup plus claire tant auprès des pouvoirs publics que de la population.» Bien sûr, au cours des auditions, nous avons entendu les préoccupations qui sont plus directement rattachées au phénomène de la concentration et de la convergence.

Cependant, pour avoir moi-même participé à la plupart de ces auditions-là, lorsque les membres de la commission cherchaient à identifier clairement si, oui ou non, il y avait un lien d'ingérence entre la propriété des médias et la liberté d'expression ou le contenu éditorial, les réponses se faisaient beaucoup plus nuancées, d'une part. Et ce que nous avons recueilli au niveau des préoccupations des représentants de certains journalistes, que ce soient les associations professionnelles ou le syndicat des journalistes, c'était beaucoup plus en termes ? et c'est tout à fait légitime ? de protéger la profession, c'est-à-dire la création d'emplois et le nombre d'emplois qui pouvaient découler de cette concentration. On nous a dit ? et c'est vrai, et c'est un fait, c'est un constat ? que la concentration, que l'achat d'entreprises par d'autres dans le domaine des communications et dans le domaine culturel ne s'était pas traduit par une création proportionnelle d'emplois dans ce domaine. Bien au contraire, les journalistes se sont montrés inquiets quant à l'avenir de leur profession par rapport à ce phénomène de concentration. C'est donc dire que la taille des entreprises de communication et de médias, d'une certaine manière, n'est aucunement proportionnelle à la création d'emplois et à la protection des postes déjà existants au sein de ces entreprises. C'était une préoccupation tout à fait légitime de la part des représentants syndicaux, et nous en avons pris bonne note.

Toutefois, je vous rappelle que ce qui préoccupait et qui avait motivé avant tout les membres de la commission de la culture dans l'initiative de ce mandat, c'était l'application, dans le domaine des communications, de certains principes qui nous semblaient fondamentaux, entre autres le droit des citoyens à l'information qui constitue le fondement de la liberté d'expression et de la liberté de presse.

Autre énoncé de principe qui nous tenait à coeur ? et je le relis pour que nos auditeurs puissent être bien conscients de ce qui nous a inspirés: En régime démocratique, un choix de médias variés et une diversité des voix et des sources d'information sont les meilleures garanties permettant une libre expression authentique ainsi que la libre circulation des idées et des opinions et la tenue des débats publics et ouverts.

n(15 h 30)n

Ces principes qui nous ont guidés dans nos recommandations n'étaient pas nécessairement la préoccupation première des groupes qui sont venus s'exprimer chez nous. C'est la raison pour laquelle nos recommandations peuvent paraître peut-être un peu frileuses pour certaines personnes qui auraient souhaité un interventionnisme plus poussé, mais je dois vous rappeler qu'au niveau de l'élément de régie dans le domaine des communications et des médias, nous marchions, nous, sur des coquilles d'oeufs. Nous marchions sur des coquilles d'oeufs pour une raison bien simple, c'est que nous n'avons pas en Amérique du Nord, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou au Québec, cette tradition, qui existe dans certaines autres juridictions en Europe, en Asie, en Amérique latine, d'un interventionnisme plus poussé de l'État au niveau non pas seulement de l'encadrement des règles commerciales, mais du contenu et de la nature de l'information que doivent véhiculer les médias. C'est la raison pour laquelle nous avons pris bonne note de l'engagement qu'ont pris les propriétaires des grands réseaux qui, d'ailleurs, ont partagé notre constat et qui sont venus nous dire que, tout en partageant notre préoccupation sur le phénomène de la convergence et de la concentration des médias, ils souhaitaient avoir la chance de répondre à ces préoccupations en se dotant de mécanismes internes qui permettraient de baliser ce phénomène.

Nous les avons pris au mot et nous leur avons donné un délai d'un an pour faire la preuve qu'ils pouvaient s'autoréglementer et répondre aux préoccupations que nous avions énoncées dans notre rapport. Et cette mise en demeure, en quelque sorte... Et cette espèce de période de sursis que nous leur avons donnée est tout à fait bien reflétée dans la conclusion de notre mémoire, où il est dit, et je cite: «La commission de la culture a l'intention d'exercer à l'avenir un mandat de vigilance et continuera à s'intéresser de près à l'évolution de la situation. La commission fera ultérieurement une analyse des suivis donnés à nos recommandations.» C'est dire, M. le Président, que ceux qui accusent notre rapport d'être timide au niveau de l'intervention de l'État quant au contenu sont un peu en deçà de nos préoccupations, puisque nous nous attendons à maintenir ce mandat et à reconvoquer, s'il le faut, les grands propriétaires des médias pour qu'ils nous démontrent la manière dont ils ont donné suite à nos recommandations. Nous pensons que cette manière d'agir est plus conforme à la mentalité qui existe présentement au Québec concernant le doigté avec lequel l'État doit approcher tout le phénomène des médias et des communications, d'une part, mais nous pensons également que nous devons demeurer vigilants et, le cas échéant, nous nous sentirons beaucoup plus légitimisés de préconiser des mesures d'intervention directe qui vont au-delà du simple rôle de vigie sur lequel nous nous sommes concentrés dans un premier temps.»

J'aimerais également, M. le Président, apporter certains commentaires sur certaines dimensions qui n'ont pas été mentionnées par mes collègues mais qui m'apparaissent également importantes. Tout au cours de nos audiences, nous avons tenté de savoir auprès des journalistes, auprès des intervenants dans ce domaine si, selon leurs informations et selon leurs connaissances, leurs collègues des médias anglophones du Canada et des États-Unis avec lesquels ils sont régulièrement en contact étaient plus vertueux en ce qui concerne le lien qui existe, qui doit exister ou qui ne peut exister entre les propriétaires des médias, et les journalistes, et les éditoriaux. Or, d'aucune manière la preuve n'a été faite que dans les autres juridictions les propriétaires des médias étaient plus vertueux, par rapport aux journalistes et par rapport au contenu éditorial, que les propriétaires des grands médias et des grands conglomérats québécois, ce qui nous posait un certain dilemme, à savoir: nous préférons conserver au Québec la propriété québécoise des médias d'information. Encore faut-il que cette propriété réponde aux préoccupations de qualité d'information et de diversité d'information qui étaient la préoccupation première des députés de la commission. Et, à cet effet, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il était impossible d'établir, sur la base des commentaires qui nous avaient été faits, un lien direct d'intervention entre les conseils d'administration et les journalistes des salles de rédaction.

Par contre, M. le Président, ce qui est ressorti de façon flagrante, c'est le besoin, la nécessité de maintenir, d'appuyer, de développer les médias communautaires tant dans les grandes régions urbaines que dans les régions-ressources et les régions éloignées du Québec, pour la raison bien simple que ce qui caractérise le phénomène de la convergence et qui est préoccupant, selon ce que nous avons entendu et ce que nous avons pu évaluer, c'est le fait que cette convergence se traduise par un nivellement de l'information. C'est-à-dire, à titre d'exemple, une nouvelle, une même nouvelle se retrouve dans un réseau de télévision, dans un journal qui appartient à ce même réseau et également dans des postes de radio qui appartiennent à la même chaîne. C'est ça qu'on appelle le problème de la convergence. Et, à ce niveau, nous avons préconisé certaines mesures qui, je l'avoue, ne sont pas nécessairement radicales au goût de certains mais qui ont le mérite, tout du moins, de mettre l'accent sur la préoccupation que représente cette problématique, d'avoir documenté également ce qu'elle représente en termes réels et d'avoir mis de l'avant certaines mesures qui se veulent concrètes et qui nous paraissent tout à fait réalisables.

Au-delà du débat de religion quant à savoir si on doit intervenir à des degrés divers pour contrôler le phénomène, il y a tout un pan, il y a tout un pan de notre rapport qui a été évacué et qui mérite d'être souligné, ce sont l'ensemble des mesures que nous voulons mettre de l'avant concernant la naissance, l'émergence, la survie et l'épanouissement des médias indépendants, des médias communautaires, et c'est ça véritablement, M. le Président, qui a été évacué. Parce que, au nom des grands débats philosophiques d'interventionnisme ou de non-interventionnisme, on a évacué, dans les commentaires qui ont été faits, un pan entier de ce rapport qu'attendaient et qu'attendent toujours impatiemment les médias indépendants et les médias communautaires.

Et nous avons vécu récemment, au début novembre, une illustration de ce qu'implique, chez nous tout du moins, sur la Rive-Sud de Montréal, la concentration des médias. Le 4 novembre, il s'est passé quelque chose d'important au Québec, il y a eu des élections dans un grand nombre de villes du Québec et dans les principales grandes agglomérations du Québec. La Rive-Sud de Montréal, la Montérégie représente la région la plus importante après l'île de Montréal. Eh bien, il a été impossible pour nous de suivre dans les grands quotidiens l'évolution de la campagne électorale dans la troisième ville la plus importante au Québec parce qu'il n'y avait de place que pour la couverture de la campagne entre M. Tremblay et M. Bourque. C'est ça, l'effet de la concentration des médias, et c'est ça, l'effet du manque de diversité de sources d'information.

Et, n'eût été de l'existence des médias communautaires, des médias indépendants qui nous alimentaient en information sur ce qui se passait sur notre propre terrain, nous aurions eu l'impression que ces élections s'étaient déroulées complètement en l'absence de participation de la population, ce qui était faux. Et probablement que dans les autres régions du Québec ça a été la même chose. Je sais qu'à Laval mes collègues de Laval de même que mes amis qui résident à Laval ont eu le même sentiment, puisque les grands quotidiens de la métropole, qui sont également distribués à Laval, ont fait aussi peu de place aux élections à Laval qu'ils en ont fait aux élections sur la Rive-Sud de Montréal. Alors, M. le Président, voilà une des réalisations concrètes de ce rapport, c'est de mettre en évidence les carences, les lacunes d'envoyer des signaux à la population du Québec qu'il y a danger, qu'il y a péril en la demeure.

n(15 h 40)n

Et je voudrais profiter de cette occasion pour attirer également l'attention des collègues sur une recommandation qui est passée presque inaperçue mais qui est très importante si on veut avoir accès et surtout maintenir la diversité des sources d'information, particulièrement au niveau local, c'est la proposition d'appuyer l'Association des médias indépendants du Québec. N'eût été de la participation de M. Charles Desmarteau qui est venu représenter le seul journal, le seul hebdo indépendant de toutes nos auditions et qui a proposé la mise sur pied de l'Association des médias indépendants du Québec, personne, au cours des deux semaines d'auditions que nous avons eues, ne serait venu parler au nom des médias indépendants. Nous avons eu des représentants des médias communautaires, de la télévision communautaire. Mais je tiens ici à rendre un hommage particulier à M. Desmarteau qui a alerté la commission à la situation délicate, fragile dans laquelle vivent nos médias indépendants.

Les médias indépendants sont parmi ceux qui permettent à la population de suivre l'évolution de leur propre vie collective. Ils ont un taux de pénétration de 75 % plus élevé que celui des grands quotidiens. Or, ces médias indépendants sont à la merci des fournisseurs de papier journal, et, au cours des deux dernières années, si ma mémoire est bonne, je pense que les médias indépendants, les hebdos indépendants ont dû assumer quatre hausses du prix du papier journal. D'autre part, dans nos recommandations, nous demandons au gouvernement de faire un effort particulier pour s'assurer que les médias indépendants ont une juste part de l'assiette publicitaire du gouvernement. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas parce que les ministères, parce que les agences gouvernementales donnent des commandes à un intervenant, à un intermédiaire qui, lui, a ses contacts, son réseau qui exclut bien souvent les médias indépendants. Alors, M. le Président, voilà quelques recommandations qui sont tout à fait concrètes et pertinentes en ce qui concerne l'émergence et la survie des médias indépendants.

J'aimerais dire quelques mots également sur notre recommandation concernant les crédits d'impôt. On se demande comment ça se fait qu'il n'y a pas de nouveaux journaux qui émergent au Québec, on se demande comment ça se fait qu'il n'y a pas de nouveaux postes de télévision, comment ça se fait qu'il n'y a pas de nouveaux médias qui émergent au Québec. C'est simple, M. le Président, parce que le risque est trop grand pour des entrepreneurs ou pour des investisseurs, qui voient dans ces investissements un risque plus élevé que ce qu'ils sont prêts à assumer. C'est la raison pour laquelle nous recommandons un crédit d'impôt spécial adapté à l'investissement dans les médias indépendants, un peu sur le modèle de ce qui se fait dans le domaine du cinéma. Pourquoi? Parce que, justement, le risque inhérent à ce type d'investissement est trop important pour la moyenne des investisseurs.

Et, quant à l'Association des médias indépendants du Québec, nous souhaitons qu'elle reçoive un appui de la part du gouvernement, puisque cette Association se voudrait l'interface, l'interlocuteur du gouvernement non seulement pour informer l'ensemble des médias indépendants des programmes gouvernementaux, des programmes de placement, de publicité, mais également servir d'interface au gouvernement pour pouvoir connaître davantage quelles sont les lacunes de nos programmes de placement, les améliorer, s'il y a lieu, et transmettre l'information, servir de courroie de transmission à ceux et à celles qui se demandent, tout à fait légitimement, comment approcher l'appareil gouvernemental.

L'Association des médias indépendants a déjà commencé son travail, et, M. le Président, pour la première fois, des médias de langues différentes, des médias indépendants des communautés culturelles, des médias indépendants du monde francophone, pour la première fois, sont regroupés ensemble pour tenter de survivre et jouer leur plein rôle dans la mise en place de cette qualité et de cette diversité d'informations qui est la nôtre. Alors, je terminerai là-dessus, puisque vous me faites signe, M. le Président, en disant d'abord que nous avons fait un travail qui nous paraît un travail historique. Même si les recommandations n'ont pas semblé aussi radicales qu'elles auraient pu l'être à certains, elles nous apparaissent à nous comme étant le fondement d'une politique qui pourrait, dans un premier temps, de manière réaliste, conformément aux valeurs qui existent présentement dans notre société, alerter l'opinion publique aux problèmes, aux dangers que représente la concentration des médias au Québec, le problème de convergence, et avancer des pistes de solution qui nous paraissent viables. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-D'Youville. Cette intervention met fin au débat restreint de deux heures sur le rapport de la commission de la culture qui a tenu des séances dans le cadre du mandat d'initiative portant sur le suivi de sa consultation générale et de ses auditions publiques sur la concentration de la presse.

Nous allons poursuivre sur une autre question. J'inviterais Mme la leader adjointe à nous indiquer l'ordre du jour.

Mme Carrier-Perreault: Oui. Alors, M. le Président, je vous référerais donc à l'article 15.

Projet de loi n° 55

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 15, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 55, Loi modifiant la Loi sur les sociétés de transport en commun et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Mes chers collègues de l'Assemblée nationale, le 21 juin dernier, à cette Assemblée, j'avais présenté un projet de loi sur les sociétés de transport en commun. Nous avons adopté une loi afin notamment d'assurer la continuité du service dans les villes nouvelles de Montréal, de Québec, de Gatineau, Longueuil et Lévis et d'harmoniser le cadre juridique de neuf grandes sociétés de transport en commun du Québec. Vous vous rappellerez que cette loi maintenant est unique, et c'est la même loi qui régit l'ensemble des sociétés de transport.

Je sollicite aujourd'hui l'appui des membres de cette Chambre, M. le Président, en vue de l'adoption du principe de la Loi modifiant la Loi sur les sociétés de transport en commun. Les changements qui y sont proposés sont essentiellement, et je le répète, d'ordre technique. Ils visent, entre autres, à ajuster certaines dispositions de la Loi sur les sociétés de transport en commun de manière à tenir compte de l'évolution qu'a connue le dossier de la réforme municipale depuis juin. Ainsi, la terminologie de la loi sera ajustée au concept de ville unique, en concordance avec les décrets constituant les nouvelles villes de Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières.

Comme vous le savez, l'entrée en vigueur de la réforme municipale est prévue pour le 1er janvier 2002, exception faite de la nouvelle ville du Saguenay qui, quant à elle, sera officiellement constituée à compter du 18 février 2002. D'ici là, nous devrons donc nous assurer que les cadres institutionnels et financiers des sociétés de transport s'adaptent parfaitement aux réalités des villes nouvelles de manière à ce que les services à la population ne soient pas perturbés par des problèmes de gestion, car, bien que des dispositions transitoires soient prévues dans la Loi sur les sociétés de transport, il pourrait s'avérer très difficile de procéder à la nomination des membres des nouveaux conseils d'administration de certaines sociétés de transport. En effet, les nouvelles structures prévoient que ceux-ci doivent provenir des villes unifiées et non plus de plusieurs municipalités, comme c'est le cas actuellement. De même, le territoire de certaines des villes nouvellement fusionnées ne correspond plus exactement à celui que desservent les actuelles sociétés de transport. Cette situation nécessite donc que nous fassions les ajustements qui s'imposent de manière à éviter bien sûr des problèmes dans l'organisation du transport collectif.

n(15 h 50)n

Par ailleurs, nous devons également prendre en considération les demandes d'ajustements mineurs qui nous ont été adressées par certaines des sociétés de transport soit pour modifier leur dénomination ou pour clarifier la portée de certaines dispositions les concernant. C'est ainsi que la Société intermunicipale de transport des Forges a transmis une résolution au ministère des Transports afin que son nom soit modifié en celui de Société de transport de Trois-Rivières, ce à quoi, bien sûr, le ministère a agréé. De même le changement de nom de la future ville de Hull-Gatineau par celui de ville de Gatineau entraîne-t-il également des modifications à la loi quant au nom.

Nous profiterons ainsi de l'occasion pour modifier la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport afin de régler certains problèmes techniques, notamment en ce qui a trait aux contributions municipales pour les dessertes métropolitaines, afin que... pour clarifier, dis-je... Ainsi, nous pourrons clarifier les pouvoirs des inspecteurs de l'Agence. En effet, M. le Président, telle que rédigée actuellement, la loi concernant l'AMT oblige cette dernière à partager entre les municipalités tout déficit d'exploitation d'une ligne de transport métropolitain par autobus qui est opérée en lieu et place d'une autorité organisatrice, le tout selon le principe de services rendus. Or, de toute évidence, ce critère d'offre de service ne peut être le seul considéré, puisque les dessertes métropolitaines visent généralement des bassins qui débordent largement le cadre restreint des seules municipalités. C'est d'ailleurs pourquoi, dans la pratique, l'AMT a conclu des ententes où ce sont les autorités organisatrices de transport en commun et non seulement les municipalités qui contribuent en fonction de leur utilisation réelle. La présente loi nous permettra donc de régulariser cette situation.

Par ailleurs, la Loi sur les sociétés de transport en commun a donné de nouveaux pouvoirs à l'AMT, l'Agence métropolitaine de transport, notamment celui d'édicter, par voie de règlement approuvé par le gouvernement, des normes de sécurité et de comportement des personnes dans son matériel roulant et ses immeubles. Toutefois, la nomination d'inspecteurs pour appliquer ces règlements n'avait pas été prévue dans la loi, ce qui nécessite donc un amendement à la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport.

Les modifications proposées à la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport ont pour avantage d'apporter des solutions techniques à certains problèmes d'équité dans le calcul du partage des coûts pour le transport métropolitain par autobus. La constitution de conseils régionaux de transport répond au souhait maintes fois exprimé par certaines MRC de la région de Montréal d'avoir une plus grande implication dans le transport en commun régional. La souplesse de la structure permettra donc de répondre aux besoins des différentes MRC impliquées dans les conseils régionaux.

Pour ce qui est des précisions à apporter pour l'application de l'article 258 de la loi portant sur la réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais, l'approche suggérée, sans occulter la problématique de la région de Montréal, permet d'avoir une vision plus large du transport en commun, qui tient compte de l'ensemble du Québec. Cette solution permet, par surcroît, une consultation plus adéquate des intervenants, puisque ce seront les élus des villes nouvelles qui auront à se prononcer sur les orientations futures. Tel que conçu, donc, le projet de loi n° 55 reflète la volonté ferme du gouvernement de faciliter la mise en place de solutions favorisant une intégration harmonieuse des services dans les villes nouvelles.

L'ensemble des membres de cette Assemblée nationale doivent être pleinement conscients du devoir impérieux qui leur incombe d'assurer la pérennité, dès le début de l'année 2002, des services de transport en commun pour les populations résidant sur les territoires concernés, et c'est pour ça, M. le Président, que je souhaite vivement qu'ils donnent leur appui à ce projet de loi. Je comprends que ce projet de loi peut être une occasion pour certains députés de se soulager, mais, fondamentalement, le projet de loi est un projet de loi technique qui vise tout simplement à répondre à des demandes de sociétés de transport, de structures existantes, afin d'assurer un meilleur service à nos concitoyens dans un cadre juridique, légal, où des technicalités avaient été oubliées lors de l'adoption de certaines lois. Et je suis convaincu qu'après ce soulagement on pourra procéder rapidement à l'adoption de ce dit projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Alors, le prochain intervenant sera M. le député de Hull. M. le député.

M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Je me sentais un peu visé de la part du ministre, mais, évidemment, le but de mon intervention n'est pas pour me soulager mais plutôt pour soulager les citoyens qui auront à vivre avec ce projet de loi là.

M. le Président, moi, mon petit gars, il a neuf ans, il s'appelle Nicolas, et puis Nicolas, la semaine passée, est arrivé de l'école, lundi soir, puis il me dit: Papa, il faut que je recommence mes devoirs parce que je n'ai pas bien réussi. Il dit: J'ai fait ça rapidement, la semaine passée, parce que je m'en allais jouer au hockey, puis j'ai fait ça vite avec maman, puis là le professeur m'a dit: Nicolas...

Des voix: ...

M. Cholette: Puisque papa est à Québec, maman a fait ses devoirs. Puis là il me dit: Roch, papa, je me suis, papa, je me suis trompé, je n'ai pas bien fait mes devoirs la semaine passée, et là le professeur me demande de m'appliquer, et je dois les recommencer ce soir. J'ai un peu de leçons et j'ai des devoirs à reprendre, notamment au niveau des mathématiques, du français.

Mais savez-vous quoi, M. le Président? Mon premier réflexe, ça a été de dire: Bien voyons, Nicolas, si tu fais tes devoirs la première fois comme il faut, tu vas être capable de passer à travers l'année beaucoup plus rapidement, tu vas apprendre beaucoup mieux. Puis, tant qu'à faire quelque chose, tu devrais bien le faire. Mon petit gars, il a neuf ans.

Bien, le ministre des Transports, il n'a pas neuf ans, lui. Et aujourd'hui il refait ses devoirs. Il refait ses devoirs parce que, au mois de juin, pas plus tard que le mois de juin, il y avait un projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 24, qui avait 234 articles qui venaient justement parler de tout le dossier qui est devant nous aujourd'hui, et le ministre des Transports a mal fait ses devoirs. Pourtant, après 25 ans dans cette Chambre, il aurait dû prendre le temps de bien faire ses devoirs, bien faire ses devoirs dans un seul et unique but, c'est-à-dire d'améliorer le transport en commun, de permettre à plus de monde d'avoir accès au transport en commun, d'avoir des sociétés de transport en commun mieux gérées, plus redevables devant la population, d'établir des mécanismes de reddition de comptes devant notamment les élus municipaux, de faire une place particulière aux personnes à mobilité réduite, justement, en matière de transport adapté.

Est-ce que le ministre, lors de son projet de loi au mois de juin, avec 234 articles, est-ce qu'il a pris la peine d'avoir un projet de loi bien ficelé? La réponse, M. le Président, c'est non. C'est non parce que ce projet de loi, le projet de loi n° 24, a été déposé dans le cadre des fusions municipales forcées. Et c'est pour ça que je suis debout, M. le Président, parce que l'improvisation perdure. On se penserait à la Ligue nationale d'improvisation avec ce gouvernement. À chaque fois qu'il y a un lapin qui sort du sac, il y a un ministre qui se lève avec un projet de loi, puis c'est erreur par-dessus erreur, par-dessus erreur, et on utilise le temps du salon bleu pour corriger les erreurs qui pourtant, pourtant...

Je soulevais ça à mon fils de neuf ans en lui demandant: Je comprends que le système d'éducation n'est pas parfait, mais force-toi un peu pour faire bien tes devoirs la première fois. Malheureusement, mon petit gars de neuf ans, s'il suit les traces du ministre des Transports, il va vivre toute une vie en refaisant ses devoirs, parce que c'est exactement ce que le ministre fait.

M. le Président, le projet de loi n° 24 a été lancé à l'Assemblée nationale dans la mouvance des fusions municipales forcées. Et, soit dit en passant, faisons un peu le retour en arrière de ce projet de loi là sur les fusions municipales forcées, parce qu'on parlait tantôt de certains articles du projet de loi n° 170. Alors, de quoi s'agit-il? Alors, le gouvernement, sans mandat, sans mandat, lors de l'élection de 1998... D'ailleurs, le président du caucus actuel faisait de grandes déclarations, en 1994, lors des élections. Il était, à ce moment-là, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales et il disait, dans la région de Québec: Bien, voyons donc, Mme Boucher, énervez-vous pas, là, ce n'est pas l'intention du gouvernement de fusionner de force des villes. Même Jean-Paul L'Allier, à ce moment-là, disait: Il n'en est pas question, voyons donc! Alors, ce beau discours, en 1994, est tourné au cauchemar pour à peu près tout le monde au Québec.

n(16 heures)n

Et là on a eu un livre blanc, M. le Président, déposé en 2000, et on a vu que le gouvernement décidait de bafouer la démocratie élémentaire du citoyen. Et qu'est-ce qui est arrivé depuis ce temps-là? Il y a un projet de loi qui a été déposé à l'automne, donc à l'automne 2000, et ça s'appelait le projet de loi n° 170. C'était-u un projet de loi insignifiant, ça, M. le Président? C'était-u tout petit? C'était-u banal? Bien non, ce n'était pas banal.

M. le Président, est-ce que vous en connaissez beaucoup, vous, des projets de loi qui recueillent 1 066 articles? 1 066 articles ? c'est des articles, ça, M. le Président ? déposés par un gouvernement. J'espère qu'ils ont bien fait le travail. Mais, à la face même de ce qui s'est passé, la réponse, c'est: Non, ça ne s'est pas bien passé, parce que, encore dans les derniers jours de la session, alors que le gouvernement, via nos règles, a suspendu le droit aux députés de s'exprimer... Comme si ce n'était pas assez que d'enlever le droit aux citoyens de s'exprimer, avec un bâillon, on a enlevé le droit aux députés de s'exprimer. Et, à la toute fin de la session, l'an passé, à peu près à ces dates-ci, M. le Président, le gouvernement a déposé 361 amendements. 361 amendements sur 1 066 articles, M. le Président, ça, ça vous montre le genre d'improvisation auquel on fait face.

M. le Président, la ligue d'improvisation s'est continuée, continuée en 2001. Pourquoi? Parce que la ministre des Affaires municipales qui, essentiellement, chapeautait tout cela, aidée de son collègue des Transports, s'est réveillée un beau matin de février en disant: Ah, mon Dieu! Je me suis trompée, il y a plein de choses là-dedans que j'ai oublié de modifier. Il y a des affaires qui n'ont pas de bon sens, je ne peux pas vivre avec ça, je devrai déposer un nouveau projet de loi, M. le Président. On a appelé ça le projet de loi n° 29, il a été déposé au printemps 2001. M. le Président, il avait 250 articles. Méchante improvisation. Méchante improvisation, 250 articles. Même scénario, on bâillonne la population et on bâillonne les députés à l'Assemblée nationale via une motion de clôture, une motion... Un bâillon, un bâillon qui a fait en sorte que les députés, on avait ? je me souviens, mon collègue de Shefford s'en souvient également ? quelque deux minutes par député pour s'exprimer sur un projet de loi qui modifiait considérablement notre qualité de vie.

Et le projet de loi n° 29, donc 250 articles, qui venait modifier 361 amendements et qui modifiait 1 066 articles, eh bien, savez-vous quoi? L'improvisation s'est poursuivie jusqu'à la fin juin, quelques jours avant la fête de la Saint-Jean, où est-ce qu'on a déposé ? écoutez-moi bien, là ? 404 amendements. On a déposé 404 amendements à un projet de loi qui contenait 250 articles. Alors, ceux qui nous écoutent doivent dire: Non, voyons donc, Cholette s'est trompé, ça n'a pas de bon sens, on ne peut pas avoir plus d'amendements que d'articles de loi. Ça se peut-u, ça? Ça a-tu du bon sens qu'un gouvernement fasse ça? C'est-u un gouvernement responsable qui fait ça? C'est-u nos décideurs qui planifient, comme l'ancien ministre de la Santé disait, dans les moindres détails les modifications à nos lois actuelles? 404 amendements sur 250 articles. Eh bien, la fiction a dépassé la réalité, effectivement, M. le Président, hein? Effectivement, c'est ce qui s'est passé. C'est ce qui s'est passé, on s'est ramassé avec un projet de loi n° 29 qui modifiait toutes les lois en affaires municipales, qui a été adopté, M. le Président, sous le coup du bâillon, avec 404 amendements qui modifiaient 250 articles de loi.

Mais, en même temps, le ministre des Transports déposait, M. le Président, justement le projet de loi n° 24 pour harmoniser la question des sociétés de transport avec les nouvelles villes créées de force. Alors, je me serais attendu, moi, que le ministre des Transports qui, lui, n'est pas un partisan des fusions forcées... On le sait, parce que, lui, c'est évidemment le comté de Joliette, et il n'y en a pas, de fusions forcées, hein? Tout comme dans Verchères, il n'y en a pas, hein? Le comté du premier ministre, lui, il n'y en a pas, de fusions forcées. Le comté du ministre des Transports, il n'y en a pas, de fusions forcées. Il n'y en a pas, de problème, là-dedans. Alors, le ministre des Transports s'est tenu debout au Conseil des ministres puis il a dit: Écoute bien, là, il n'y en aura pas chez nous, hein? Il n'y en aura pas chez nous parce que je ne crois pas à ça. Il y a plein de déclarations du ministre des Transports qui disaient ça.

Et, M. le Président, le ministre des Transports, donc, a déposé un projet de loi, le projet de loi n° 24, avec 234 articles, qui réglait la question de l'harmonisation des sociétés de transport avec les nouvelles villes. Mais, M. le Président, le ministre n'a pas fait son travail correctement. Il a fait ça sur le coup de l'émotion, sur le coup de la rapidité, sur le coin de table avec les légistes du gouvernement, je ne le sais pas, mais il s'est trompé. Pour reprendre ma phrase avec mon petit gars, Nicolas, de neuf ans, Nicolas, il n'a pas fait ses devoirs la semaine d'avant puis il est obligé de les recommencer. Bien, c'est pour ça que je suis debout, M. le Président, parce que le ministre des Transports n'a pas fait ses devoirs, puis il faut les recommencer.

Cependant, M. le Président, lorsque je regarde le projet de loi n° 55 qui est devant nous, il y a 71 articles, 71 articles qui viennent modifier 234 articles, M. le Président. Ce n'est pas une mince erreur, là, il ne manquait pas juste un «s» au mot «table», si on dit «les tables», ce n'est pas juste une faute d'inattention, là. Le ministre ne peut pas nous dire: Ah, écoutez, c'est de la concordance, je n'ai pas vraiment vu ça. Il ne peut pas dire: Je n'y avais pas pensé. 71 articles qu'on modifie aujourd'hui par rapport à un projet de loi qui en contenait 234!

Mon collègue de Shefford est d'accord pour dire que c'est de la complète improvisation. Mais ce qui m'attriste grandement, M. le Président... Parce que, au-delà des débats, là, ici, à l'Assemblée nationale, au-delà de tout ça, quel est l'impact sur le citoyen dans son salon, soit qu'il nous écoute ou qu'il, en pire que ça, va payer la facture? Eh bien, M. le Président, lorsqu'on lit attentivement le projet de loi n° 55, on s'aperçoit qu'il y a des augmentations de taxes pour les citoyens là-dedans. Il y a 15 municipalités qui vont voir ses citoyens payer davantage pour le transport en commun. Est-ce que... M. le Président, je regarde le projet de loi n° 55, si je regarde ça, est-ce que je peux dire: Ah, M. le Président, on améliore le service? Non. Est-ce qu'on peut dire là-dedans qu'on est en train de faire une place privilégiée pour le transport adapté? Non.

J'ai une collègue en arrière qui parle d'équité. C'est intéressant de parler d'équité, parce que justement, quand on parle d'équité, on pourrait aussi parler des promesses du gouvernement en matière de fusion municipale forcée. Les quatre grandes promesses n'ont pas été au rendez-vous des promesses du gouvernement actuel. On pourrait en parler, Mme la députée, notamment lorsque le gouvernement disait: Des baisses de taxes pour à peu près tout le monde au Québec. M. le Président, c'est faux. On regarde dans la région de Québec, un citoyen sur deux va payer plus de taxes. Est-ce que ça, c'est de l'équité, Mme la députée? Je ne suis pas sûr.

Lorsqu'on parle, M. le Président, lorsqu'on parle, M. le Président, de la part du gouvernement, de l'autre promesse, qui disait: Nous allons assumer l'ensemble des coûts de transition, est-ce que c'est équitable, ça, M. le Président, que le gouvernement flanche dans sa promesse puis n'assume que 50 % des coûts de transition? C'est-u ça, l'équité? C'est-u ça, M. le Président, l'équité, alors que l'engagement solennel de la ministre, main sur le coeur... s'est fait dire qu'on va payer 100 % des coûts de transition?

C'est-u ça, l'équité, M. le Président, c'est-u ça, le fair play, M. le Président, lorsque le gouvernement a dit aussi qu'il y avait un plafond aux augmentations de taxes, un plafond de 5 % aux augmentations de taxes? M. le Président, il y a des citoyens du Québec qui vont payer jusqu'à 22 % d'augmentation de taxes. Est-ce que c'est équitable, ça, M. le Président? Est-ce que c'est équitable, alors que le gouvernement avait fait une promesse solennelle en disant: Voyons donc! arrêtez de faire peur au monde, il y a un maximum de 5 % par année? 22 % dans la région de Québec, M. le Président, 22 %.

Même, j'entends: Pas partout. C'est vrai. C'est vrai, mais la promesse n'était pas celle-là, la promesse n'était pas celle-là, n'est-ce pas? La promesse était de dire qu'il n'y a pas personne au Québec qui va payer plus que 5 %. Je suis content, j'ai presque un souffleur en arrière qui me donne les répliques. Hein, j'ai presque un souffleur qui me dit: Vas-y! Roch, prouve qu'on n'a pas respecté nos engagements. Et puis j'apprécie ça parce qu'au moins elle aura la chance tantôt, la députée, de se lever et de dénoncer le gouvernement, parce que le gouvernement s'est avancé, il a dit: Maximum 5 % par année d'augmentation. Il y a des citoyens qui vont en payer 22 %. Je regarde les gens, notamment le ministre de la Justice qui était allé dans la région de Québec en disant: Il n'y a personne qui va payer plus de taxes municipales pour les fusions forcées, je vous donne ma parole. Ça n'a pas été long, ça n'a pas été long que la parole a pris le bord, pas été long. Parce qu'il y en a un méchant paquet, M. le Président, dans la région de Québec qui vont payer pas mal d'argent.

Aïe! M. le Président, la quatrième promesse qui n'a pas été respectée, c'est la question des économies d'échelle. Les économies d'échelle, ça, on entend ça souvent, hein, de la part du gouvernement, que ça ne coûtera pas cher, les fusions, des économies à Québec. Mon collègue de Shefford sait de quoi je parle parce qu'il est intervenu là-dessus. Hein, à Québec, le gouvernement nous disait: 23 millions d'économies, M. le Président, 23 millions d'économies la première année. Le résultat? On n'a pas atteint 3 millions. On n'a pas atteint 3 millions.

Alors, quand les gens me parlent d'équité, moi, je vous parle d'honnêteté. Lorsque les gens me parlent d'équité, moi, je vous fais simplement une référence au fait que, lorsqu'on dit quelque chose, on devrait être capable de le respecter. Puis, si on n'est pas capable de le respecter, on ne devrait pas le promettre. Malheureusement, les fusions municipales forcées ont été vendues sur la base d'informations qui ne se matérialisent pas et qui ne se matérialiseront jamais. Et le gouvernement est pris dans cette spirale vers la descente, il est pris dans ses calomnies, il est pris dans ses promesses, il est pris dans ses promesses, M. le Président...

Une voix: ...calomnies.

n(16 h 10)n

M. Cholette: ...oui, pris dans ses calomnies, M. le Président, pris dans ses promesses, et ils ne sont pas capables de livrer. Même si les comités de transition travaillent pour et au solde du gouvernement.

M. le Président, lorsqu'on regarde le projet de loi n° 55, qui découle justement de ces fusions, ça aurait été le moment extraordinairement propice pour améliorer notre flotte d'autobus. Ça aurait été le moment propice pour améliorer le service à la clientèle, pour favoriser un accroissement de l'achalandage, pour faire en sorte que le transport en commun soit le nec plus ultra du transport urbain. Mais, M. le Président, plutôt que de faire cela, le ministre des Transports a plutôt décidé d'embarquer dans la chicane entre la position du ministre des Transports et la position de la ministre des Affaires municipales.

On sait très bien, M. le Président, notamment, qu'au niveau de l'AMT cette question de juridiction a fait légende entre les deux individus en question. On sait très bien qu'ils se sont disputé la propriété de l'AMT, le contrôle de l'AMT. On sait très bien que la ministre des Affaires municipales voulait avoir sa mainmise sur cela, que le ministre des Transports disait: Il n'est pas question que je laisse aller. Et finalement, on voit qui a gagné. On voit qui a gagné dans le projet de loi n° 55: le ministre des Transports garde le pouvoir sur l'AMT.

Mais, M. le Président, ce qui est pire, c'est que, lorsque l'AMT, de par sa juridiction, avait un certain pouvoir de tarification, on voit qu'avec 55 le ministre est en train de s'approprier, au gouvernement, de s'approprier donc, à lui, le pouvoir de déterminer les tarifs au niveau des trains de banlieue. Pourquoi? Bien, c'est pour encore enlever la responsabilité à un organisme à Montréal. Encore une fois pour enlever des mains des décideurs locaux des décisions importantes sur l'avenir, sur le développement de la région.

M. le Président, lorsqu'on regarde le projet de loi, le projet de loi n° 55, il est clair que l'objectif est d'augmenter les revenus du gouvernement, notamment de l'AMT. On voit que, à partir de janvier 2002... On est à quelques jours de Noël, on est le 4 aujourd'hui, le 4 décembre. Donc, à 21 jours de Noël, on voit très bien que le gouvernement s'apprête, encore une fois, à aller chercher plus d'argent dans la poche des contribuables notamment de 15 municipalités autour de l'île de Montréal, notamment à Verchères, notamment à Beauharnois. Ces citoyens, qui sont inclus dans les 15 municipalités, devront donc contribuer financièrement au fonds de l'AMT, par le biais de la taxe de 30 $ sur les droits d'immatriculation, puis aussi voir leur consommation d'essence taxée davantage, c'est-à-dire 0,015 $ sur chaque litre d'essence. On voit donc que ces citoyens, du jour au lendemain, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, sans avoir un iota de services de mieux, sans avoir une ligne d'autobus de plus, sans avoir accès à plus de services de transport en commun, devront sortir encore une fois de l'argent de leurs poches pour payer le transport auquel ils avaient déjà droit auparavant, ils contribuaient déjà dans l'ensemble de leur fiscalité provinciale. Évidemment, lorsqu'on parle de ces sommes, M. le Président, 0,015 $ à la pompe, 30 $ sur les droits d'immatriculation, je vous répète, parce que vous le savez très bien, que c'est de l'argent déjà taxé. C'est de l'argent qui te reste dans tes poches après que tu as fait ton rapport d'impôts puis que tu as payé tes impôts au provincial. C'est de l'argent net de taxes, net d'impôts. Or, il faut que tu gagnes... Vous me faites signe, M. le Président, vous me faites signe...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que vous intervenez à titre de porte-parole officiel, à ce moment-là?

M. Cholette: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Ah bon! Très bien. Vous avez 60 minutes, à ce moment-là. Très bien. Excusez.

M. Cholette: Merci. Donc, c'est de l'argent net d'impôts. Je suis chanceux d'avoir la chance aujourd'hui d'être porte-parole en transport métropolitain. Et, M. le Président, donc, cet argent net d'impôts... Quand tu sors 30 $ de tes poches pour payer un droit d'immatriculation, pour la grande majorité ou pour plein de citoyens, c'est une fois que l'argent a été déjà taxé à 30 % ou à 50 %. Ça veut donc dire que tu dois gagner 60 $ pour être capable de payer ça. Alors, c'est une double taxe, parce que c'est de l'argent déjà taxé que tu prends de la poche des citoyens, qui empêche la consommation.

J'entends encore le premier ministre nous dire qu'il est prêt à renier sa promesse aux étudiants du Québec, de 200 millions de dollars. Je le vois se lever devant nous et dire: Vous savez, il y a un vent, il y a un vent qui déferle sur le Québec, on n'y échappera pas, l'économie est au ralenti. Eh bien, ce n'est certainement pas une mesure pour inciter la consommation, ça, M. le Président. Ce n'est certainement pas en enlevant de l'argent dans la poche des citoyens du Québec qu'on va inciter à la consommation à deux jours après Noël, à quelques jours après le jour de l'An. Ce n'est certainement pas une mesure où est-ce que ça va vous faciliter de prendre 30 $ pour aller manger avec votre famille dans un restaurant, ça, M. le Président. Il me semble que la main droite, dans le gouvernement, devrait savoir ce que la main gauche fait. Il me semble que le gouvernement a tellement parlé de la gauche en fin de semaine et de la droite, il devrait savoir sur quel bord que c'est.

Une voix: ...sonné.

M. Cholette: Oui, c'est ça, c'est mon fils qui appelle, là, pour dire qu'il n'était pas content que je lui dise que les devoirs étaient mal faits. Alors, M. le Président, trêve de plaisanterie. Trêve de plaisanterie, le gouvernement est encore en train de puiser dans la poche des citoyens, dans plus de 60 000, 60 000 automobilistes qui devront payer encore davantage pour des services qui ne seront pas meilleurs, M. le Président, bien au contraire.

D'ailleurs, en parlant d'improvisation, on peut voir que cette stratégie-là, M. le Président, cette stratégie gouvernementale dans les fusions municipales, ça a été un peu un vent de panique en toute fin de régime, là, hein? Vers la fin, là, des comités de transition, on est là-dedans. Mais, quand on a vu les budgets, ils ont dit: Bien, écoutez, qu'est-ce qu'on va faire? On ne peut pas réaliser nos promesses, on est loin de les réaliser. Il y a des augmentations de taxes de plus de 22 %, M. le Président, comment faire pour se sortir de cette impasse? Évidemment, la commande est venue d'en haut, elle dit au comité de transition: Vous allez tarifer. Vous allez tarifier davantage.

Moi, je regarde mon compte de taxes dans ma ville, l'enlèvement des ordures ménagères, par exemple, on était au tarif, nous, à la ville de Hull, on était à 45 $. Vous savez de quoi je parle, des tarifs, hein? C'est à la porte, ce n'est pas au rôle d'évaluation. 45 $, puis ça monte à 103 $, M. le Président. On peut bien dire que le compte de taxes baisse, je double et plus mon tarif. Je double et plus mon tarif, M. le Président, pour la collecte d'ordures ménagères.

Qu'est-ce qu'on fait avec le transport en commun? Au lieu d'inciter les gens à le prendre, au lieu de favoriser ce transport, au lieu d'investir notamment dans nos équipements pour améliorer la desserte dans les voies réservées, les mesures préférentielles, au lieu de favoriser ce genre de transport, qu'est-ce qu'on fait? On les tarifie, on taxe davantage, on prend l'argent dans les poches des citoyens. Est-ce que vous pensez que ça va être un élément incitatif pour que les citoyens utilisent le transport en commun? Est-ce que le projet de loi n° 55 vient apporter quoi que ce soit aux citoyens pour qu'ils prennent le transport en commun? Évidemment pas, M. le Président.

Et ça, c'est sans compter l'effet de serre qu'entraîne notamment l'utilisation de l'automobile, particulièrement au centre-ville. Bien, toutes ces mesures, elles sont évacuées dans un projet de loi qui, encore, je peux le prédire, M. le Président... qui, encore une fois... On va voir, à la prochaine session, le ministre, probablement, des Transports se lever en disant: Bien, écoutez, j'ai encore mal fait mes devoirs, le projet de loi n° 24 n'était pas suffisant, le projet de loi n° 55 n'était pas suffisant, je dois poursuivre et avoir une autre modification. Et je vois mon collègue de Shefford qui, encore une fois, sera à l'Assemblée nationale pour se lever, ma collègue de Jean-Talon se lever pour décrier encore une fois l'improvisation complète du gouvernement en matière de transport en commun.

Mais, M. le Président, est-ce que c'est vraiment le seul endroit? Bien, pas vraiment. La semaine passée, on soulevait à la face de l'Assemblée nationale, mais à plein de gens au Québec la question des primes de départ. Je vous faisais... Des élus municipaux. Je vous faisais la nomenclature du nombre de pièces de législation qu'on a utilisées dans les fusions municipales forcées: 1 066 articles, 361 amendements, 250 articles, 404 amendements, sans compter le projet de loi n° 60 qui est devant nous et qui a 143 articles encore une fois. Mais, M. le Président, à travers toutes ces pièces de législation, le gouvernement a été capable d'oublier quelque chose de pas mal important, les primes de départ aux élus. Imaginez-vous, la brèche est encore tout ouverte, le trou est béant. Le trou est béant, on est rendu qu'on va payer des primes de départ aux élus qui ont été réélus dans les nouvelles villes. Il faut le faire, des primes de départ pour ceux qui restent.

Et puis la seule qui défend ça ? la seule qui défend ça ? c'est la ministre des Affaires municipales qui confond une prime de départ pour du monde qui partent par rapport à une prime de départ pour du monde qui restent. C'est la seule. Le président du Conseil du trésor l'a remise à l'ordre, il a dit: Ça n'a pas de bon sens. Le ministre des Transports, qui agissait comme premier ministre, l'a remise à l'ordre en disant: Ça n'a pas de bon sens. Le maire de Québec, Jean-Paul L'Allier ? pas souvent sur notre côté, ça, M. le Président, je n'exagère pas quand je dis ça ? dit, et je dis ses mots: C'est scandaleux. M. le Président. C'est scandaleux, c'est incroyable.

n(16 h 20)n

Mais comment se fait-il que le gouvernement n'a pas vu ça, cette brèche-là, puis hésite encore à agir? Quand je parle de complète improvisation, ça va coûter combien, ça, aux contribuables du Québec de verser des primes de séparation pour du monde qui reste en poste? Ça n'a pas de bon sens. Moi, j'ai rencontré plein de gens en fin de semaine qui me disaient: Roch, j'ai dû mal comprendre. Le gouvernement du Québec, la ministre des Affaires municipales ne nous avait jamais dit ça avant, puis elle, elle est d'accord pour payer une prime de départ à quelqu'un qui reste en poste. Aïe, il faut le faire! Moi, à ce compte-là, M. le Président, moi, mon comté, il va grandir un peu suite aux prochaines élections parce que je vais ramasser 200 familles. Alors, M. le Président, avec cette logique-là, moi, j'aurais droit à une prime de départ si je suis réélu, parce que mon comté change. C'est bien intelligent, ça, M. le Président. Ça, c'est la logique du gouvernement: L'argent, il y en a en masse. On distribue ça quand c'est l'argent du citoyen. La ministre, ça ne lui fait rien de dépenser son argent, parce que ce n'est pas à elle. C'est à vous, M. le Président, c'est l'argent durement gagné des citoyens et des citoyennes du Québec qui sont les plus taxés déjà en Amérique du Nord.

On va, au surplus, en remettre puis on va payer des primes de départ pour des élus qui restent en poste, pas des élus qui partent; parce qu'elle s'est amusée, la ministre, elle aime ça, mélanger tout le monde, peut-être parce qu'elle est proprement mélangée, je ne le sais pas. Mais elle a aimé ça, mélanger le monde en disant: C'est épouvantable. Le député de Hull a touché une prime de séparation. Bien oui, il a touché une prime de séparation. Je suis parti! Je ne suis plus à la ville! Je suis à l'Assemblée nationale. Je ne suis plus là! J'ai eu une prime de départ parce que je suis parti. Je ne sais pas qu'est-ce que la ministre ne comprend pas. Elle devrait faire le tour de ses collègues qui sont partis du municipal, voir ceux qui sont partis du municipal s'ils ont touché à des primes de séparation.

C'est ça, la réponse, M. le Président. C'est ça, la réponse. La ministre devrait peut-être faire le tour, puis regarder le bon sens, puis regarder ce que le monde pense de ça, savoir si les citoyens du Québec pensent que ça a bien du bon sens de payer des primes de départ pour des gens qui restent en poste. En tout cas, de notre côté, ça n'a pas de bon sens, puis on a offert toute la collaboration de l'opposition officielle pour adopter, vendredi passé, un projet de loi qui réglerait ça dans la même journée.

Je vous le répète, M. le Président, si jamais ce n'était pas clair, s'il y a du monde de l'autre bord qui n'ont pas compris ça: Je vous offre la collaboration de l'opposition officielle, s'ils ont l'intention de fermer ce trou dans la loi, de ne pas permettre à des élus qui restent d'avoir des primes de départ. Nous vous offrons notre collaboration pour régler ce problème de façon instantanée. On va siéger jusqu'à temps qu'on l'adopte et on va adopter un règlement qui va empêcher du monde qui reste en poste de toucher des primes de départ.

Est-ce que c'est le seul item qui fait violence dans un projet de loi complexe comme les fusions municipales forcées? Bien non! On voit qu'évidemment le ministre des Transports passe d'improvisation à improvisation, mais est-ce qu'il y en a d'autres exemples? Bien évidemment, il y en a d'autres, exemples, M. le Président.

La question du vérificateur général. On est en train d'amenuiser le rôle du vérificateur général par le gouvernement. Alors qu'il y a six mois on disait que c'était 0,17 % du budget qui devait être affecté à ce rôle-là, on se ramasse, M. le Président, on se ramasse avec des taux dégressifs en fonction de la taille du budget. Comme si un pourcentage n'était pas de facto un montant dégressif. Plus que le montant est gros, du budget, le pourcentage étant ce qu'il est, plus que la somme est importante; moins qu'il est gros, moins qu'elle est importante.

Comme si ce n'était pas assez, M. le Président, le gouvernement a décidé de faire marche arrière et de baisser, encore une fois, l'enveloppe des vérificateurs généraux. Encore pourquoi? Pour enlever cette transparence, pour favoriser ce genre de cachette, M. le Président, auquel on est habitué avec le gouvernement.

Alors, les budgets de sociétés d'État, M. le Président, lorsqu'on regarde les budgets de transition, est-ce que les budgets de sociétés d'État ont été garantis? Est-ce qu'on voit, par le projet de loi n° 55, un minimum d'efforts de la part des municipalités qui doivent consentir aux sociétés d'État? Est-ce qu'on voit là-dedans un minimum de fondements financiers pour assujettir les sociétés de transport à un minimum de services, à l'amélioration du service, à la promotion du transport en commun pour favoriser l'utilisation du transport en commun? Malheureusement, le projet de loi n° 55 est muet là-dedans. Bien au contraire, moi, dans ma région, je vis une situation où la Société de transport est en train de quémander, quémander auprès du nouveau conseil des sommes additionnelles à cause justement de l'achalandage. Et, M. le Président, savez-vous quoi? De par les promesses gouvernementales, le conseil se sent lié à refuser ces augmentations justement pour faire plaisir à la ministre, pour dire: Bien, écoutez, on a certains barèmes puis on ne voudrait pas dépasser. Mais ça, est-ce que c'est à l'avantage des citoyens qui prennent le transport en commun? Bien évidemment pas, M. le Président.

Alors, somme toute, lorsque j'entends le ministre faire appel à l'opposition officielle pour adopter le projet de loi, je vous dirais que ça me surprend un peu parce que, s'il nous avait écoutés, M. le Président, en juin passé, si le ministre des Transports nous avait écoutés en juin passé, on aurait amélioré, M. le Président, grâce à l'opposition officielle, le projet de loi, ce qui nous aurait évité de se ramasser en Chambre aujourd'hui. S'il avait écouté les objections de mes collègues qui se penchent sur cette question-là, eh bien on aurait peut-être bonifié un projet de loi pour justement éviter que les erreurs se produisent de la part du ministre qui nous oblige aujourd'hui à revenir devant l'Assemblée nationale pour adopter à nouveau une législation en matière de transport en commun.

Et c'est dommage, parce que, aujourd'hui, il nous dit encore: Ah, bien, je souhaite la collaboration de l'opposition officielle. Eh bien, le véritable rôle de l'opposition officielle, c'est justement de dire où sont les pépins dans le projet de loi, de dire: Voici, on devrait améliorer tel élément, tel élément. Est-ce que la solution, c'est de taxer davantage les citoyens? Nous, on ne le pense pas, M. le Président. Et, dans ce sens-là, le ministre aurait bien avantage à écouter les revendications de l'opposition officielle afin de bonifier son projet de loi plutôt que de faire la sourde oreille et simplement dire que c'est lui qui a raison. Adoptez ça sans le regarder, parce que, de toute façon, je reviendrai dans quelques mois faire encore des changements, parce que, nous, la ligue d'improvisation, ça nous connaît, on connaît ça, puis il n'y en a pas, de problème, avec ça, revenir avec des projets de loi tout croches.

Pour revenir à mon petit gars de neuf ans, s'il nous écoute aujourd'hui, la solution à ça, c'est de faire nos devoirs comme il faut la première fois pour ne pas être obligé de revenir puis recorriger ce qui est mal fait. Ça, c'est la leçon que mon petit gars de neuf ans devrait comprendre. Je ne peux pas croire qu'un ministre de 25 ans d'expérience ne peut pas comprendre ce message-là également, M. le Président. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Alors, M. le député de Shefford, vous avez droit à votre intervention de 20 minutes.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais remercier mon collègue le député de Hull, porte-parole, pour aujourd'hui, en transport en commun. On sait que c'est un dossier... principalement, le dossier des fusions forcées, un dossier qu'il s'est intéressé de façon énergique, M. le Président, c'est le moins qu'on puisse dire, et, M. le Président, le projet de loi qui nous est déposé, le projet de loi n° 55, découle directement de ces fusions forcées là, soit originalement du projet de loi n° 70, ensuite de ça du projet de loi n° 24, qui a été adopté le printemps dernier, vous vous en souviendrez probablement. Je me souviens d'avoir discuté durant quelque temps, quelques minutes, en plein milieu de la nuit, du projet de loi n° 24, d'ailleurs, qui est discuté par mon collègue le député de LaFontaine qui est porte-parole en transport en commun. Donc, M. le Président...

Mais, aujourd'hui, on se retrouve devant un projet de loi qui a été déposé tout simplement, M. le Président, parce que les projets de loi précédents ont été déposés à la hâte. Et, j'écoutais attentivement le député de Hull qui faisait la comparaison avec son fils de neuf ans qui avait mal fait ses devoirs, donc la comparaison est idéale. Le ministre des Transports, après 25 ans... Et, M. le Président, je le connais, le ministre des Transports, j'ai l'occasion de le côtoyer, d'être face à face avec lui durant des heures et des heures, durant les sessions. Je suis convaincu que ses collègues m'envient d'ailleurs. Donc, j'ai l'occasion de le fréquenter puis, je le connais, le ministre des Transports; des fois il a des sautes d'humeur, des fois il est de bonne humeur, mais souvent il fait ça vite. C'est un vite, M. le Président. On l'a vu dans d'autres occasions aussi, qu'il aime aller rapidement sur certaines choses, et, dans ce cas-là, ça ne fait pas exception. M. le Président, le ministre, quand il a des projets de loi, il met le pied sur l'accélérateur puis il essaie d'aller le plus vite possible. Mais, quand on va trop vite, il arrive ce qui doit arriver; donc, les lois sont incomplètes, imparfaites, on doit les recommencer. Donc, comme disait le député de Hull, il doit refaire ses devoirs.

n(16 h 30)n

Donc, M. le Président, nous sommes face à un devoir en reprise et nous devons, comme législateurs, analyser le devoir, la reprise du devoir fait par le ministre des Transports. Et, lorsque ça arrive de façon régulière, c'est certain que l'opposition, qui est une sorte d'enseignant dans ce cas-là ? puis on sait qu'il y a plusieurs enseignants ici, dans cette salle ? on regarde attentivement le travail qui est fait. Et donc, nous sommes devant un projet de loi qui, encore, découle d'un travail mal fait, et, M. le Président, ce n'est pas une exception, ça. Ceux qui ont eu l'occasion de suivre les projets de loi déposés par le ministre des Transports s'aperçoivent que c'est une... Il agit de cette façon avec régularité. On l'a vu il y a un an ou deux, M. le Président, vous vous en souviendrez, on a parlé abondamment de taxis, dans cette Chambre. Plusieurs s'en souviendront, je pense, j'ai fait quelques discours sur le taxi, et là le ministre des Transports avait encore, à cette occasion-là, déposé un projet de loi de 160 quelques articles, un projet de loi de un quart de pouce d'épais, M. le Président, qui a été déposé tout bonnement ici. Et là, en commission parlementaire, M. le Président, je pense qu'il y a eu deux pouces d'épais d'amendements à ce projet de loi là, ce qui fait en sorte que le projet de loi qui a été adopté, suite au bâillon encore, n'est pas le même projet de loi qui a été déposé au point de départ. Et là on se retrouve devant un projet de loi pour corriger un autre projet de loi qui corrigeait un autre projet de loi parce qu'on avait été trop vite.

M. le Président, on se souviendra, par exemple, à l'automne passé... pas à l'automne, mais au printemps dernier, il y a un projet de loi sur l'alcool au volant qui a été déposé la dernière journée de la session. On l'a adopté, un, deux, trois, à la toute fin de juin. Encore ce matin, le ministre des Transports m'apprenait que, malheureusement, il y a eu des erreurs dans le projet de loi sur l'alcool au volant qui se sont glissées, puis on me dit que, bien, on peut-u en déposer un autre demain pour corriger les erreurs qu'on a faites le printemps passé? Là, M. le Président, ça se répète continuellement. Et, à ce moment-là, ce qu'on demande à l'opposition, c'est de corriger, de corriger des projets de loi qui sont déposés par le gouvernement.

Souvent, dans une phraséologie un peu douteuse, ça arrive à l'occasion que ce n'est pas toujours clair. D'ailleurs, je disais à la blague, presque à la blague au ministre des Transports en commission parlementaire: Si vous continuez comme ça, M. le ministre, vos articles vont se terminer par «tu sais je veux dire», parce que ce n'est tellement pas clair, qu'il faut continuellement déposer des amendements. Et on voit aujourd'hui que le projet de loi n° 55 est tout simplement ? puis vous êtes notaire, M. le Président ? un acte de correction à la loi n° 24. Donc, ce qu'on a, c'est correction par-dessus correction.

Il faut revenir, M. le Président, à la base même, là, des raisons pourquoi on a déposé ce projet de loi là, c'est-à-dire les fusions forcées, les fusions forcées qui ne sont pas le lot de l'accord de tout le monde. Et, justement, tantôt je discutais avec le député de Dubuc qui est ici près de moi. Et d'ailleurs je suis convaincu, je suis convaincu qu'immédiatement après moi il va s'empresser de se lever pour aussi décrier les fusions forcées, parce qu'on connaît, M. le Président, l'opinion des gens de sa région. Et d'ailleurs vous avez siégé avec M. Morin, l'ex-député de Dubuc, qui s'est donné la peine de venir rencontrer, de venir rencontrer l'opposition officielle. Soyez certain que j'étais surpris de le voir au caucus du Parti libéral. Mais il s'est déplacé avec des maires de la région pour représenter de façon correcte les gens de sa région, pour dénoncer les fusions forcées, et je suis convaincu que, si le député de Dubuc de l'époque, M. Morin, serait ici, il se lèverait pour dénoncer le projet de loi n° 55. C'est pour ça que je suis convaincu que le député actuel de Dubuc va utiliser le temps qui lui est imparti pour venir justement décrier les conséquences du projet de loi n° 55.

Donc, M. le Président, à la suite de ça, on sait que, principalement, ce projet de loi là fait en sorte de redéfinir la société de transport en commun, particulièrement à Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières. Nous avons ici immédiatement dans cette salle, puis il est présent aujourd'hui, là, le député de Dubuc. Donc, j'imagine qu'à la suite de mon intervention il va intervenir suite à ces fusions forcées là. J'ai eu l'occasion de voir le député de Dubuc dans un reportage télévisé il n'y a pas si longtemps alors que son auto a été vandalisée. Ça, on doit déplorer ça, M. le Président. Mais je suis convaincu que ça va donner toute l'énergie nécessaire pour intervenir sur le projet de loi.

M. le Président, au-delà de l'attaque à la démocratie qui a été faite à la suite des fusions forcées, principalement du projet de loi n° 170, on voit que, dans le cadre du projet de loi n° 55 qui provient du projet de loi n° 24, on a vu qu'il y avait des taxes supplémentaires, une charge supplémentaire donnée aux citoyens. On sait, M. le Président, si on prend simplement l'exemple de l'Agence métropolitaine de transport, que ces projets de loi font en sorte qu'ils vont enrichir cette Agence métropolitaine là de 3,8 millions. Bien, ce qu'il faut savoir... Et la prémisse de cette chose, c'est que ces 3,8 millions là, par exemple, si on parle de Montréal, proviennent des taxes des citoyens. Donc, il faut savoir que, dans ce cas-là particulier ? et je suis convaincu que le député de Dubuc a fait le même calcul pour le transport en commun dans sa région ? bien, pour celui de Montréal, par exemple, ça permet, ces projets de loi cumulés vont permettre, par exemple, d'additionner 3,8 millions de plus en taxes.

Vous me dites: Comment ça va être réparti? Donc la loi permet, par exemple, de taxer 1,7 million de dollars supplémentaires pour l'immatriculation pour des gens des 15 nouvelles villes de la nouvelle ville de Montréal, et la loi aussi va permettre à ces 15 ? c'est-à-dire, «permettre», c'est un grand mot, là ? va obliger, obliger ces citoyens-là à payer 0,018 $ de plus sur l'essence... pas 0,018 $ mais 0,015 $, ce qui vous donne, par exemple, 1,8 million de plus en taxes au total. Et de même, M. le Président, les municipalités vont prendre charge, par le fait même, de 350 000 $, donc un total de taxes supplémentaires aux citoyens de 3,8 millions.

M. le Président, je sais que ce n'est pas la période de questions, mais est-ce que vous savez combien paient déjà les automobilistes en taxes, en immatriculation, en impôts de toutes sortes? Présentement, les automobilistes au Québec, eux seuls paient tout près de 3 milliards de dollars en taxes ou en droits quelconques. M. le Président, juste pour vous donner une image de ce que paient les automobilistes et ce qu'ils reçoivent en échange, le budget total du ministère des Transports ? ça, c'est de A à Z, comprenant tout l'appareil, comprenant les réparations de routes, comprenant tous les investissements ? c'est 1,7 milliard. L'automobiliste québécois paie près de deux fois la contribution totale du ministère des Transports. Et de ça, M. le Président, déjà ? puis on sait qu'on paie déjà très cher en taxe sur l'essence ? les Québécois paient tout près de 2 milliards de dollars en taxe sur l'essence.

Dans le projet de loi qui nous occupe, M. le Président, on n'est pas regardant, on va leur en faire payer 1,7 million de plus seulement à Montréal, seulement à Montréal. Et est-ce que vous savez combien paient les Québécois et les Québécoises en droits d'immatriculation? Ils paient déjà 700 millions de dollars. Dans le projet qui nous occupe, ils vont payer 1,7 million en plus, puis ça, c'est simplement ceux des 15 municipalités qui sont fusionnées de force à Montréal. Donc, M. le Président, on n'est pas tellement regardant sur les taxes. On va additionner déjà à ce 3 milliards de dollars là des taxes aux automobilistes.

Pour ça, il faut se demander quels services reçoivent ces gens-là en échange de taxes comme ça qui sont créées à qui mieux mieux, créées, entre autres, par le projet de loi n° 55 qui découle du projet de loi n° 24 qui découle du projet de loi n° 170, donc des corrections d'erreurs par-dessus erreurs. Mais, en corrigeant les erreurs, on ajoute par-ci par-là une petite taxe en passant. Donc, M. le Président, on va additionner 3,8 millions de taxes sur le 3 milliards qu'on a déjà, et je vous disais: Vous savez quels services les automobilistes reçoivent pour ce 3 milliards de dollars là? On investit, bon an, mal an, environ 400 millions dans le réseau routier.

Dans le budget de la ministre des Finances, il y a une grande annonce disant qu'il va y avoir 400 millions pour le réseau routier. M. le Président, si on regarde ça de façon tout à fait neutre, le budget de 400 millions supplémentaires qui est donné pour la réparation du réseau routier... Juste réparer le réseau routier présentement au Québec, juste le remettre à l'ordre, pas d'ajouter de nouvelles routes, juste remplir les nids-de-poule qu'on a au Québec et de remettre le réseau routier à l'ordre, ça coûterait environ 10 milliards de dollars, puisqu'on attend depuis des années, et plus on attend, plus ça coûte cher à réparer. Donc, le 400 millions, M. le Président, qui vient de la poche des automobilistes ? d'ailleurs, 3 milliards pour 400 millions ? ces sommes-là ne sont même pas suffisantes pour remplir un nid-de-poule sur quatre au Québec. Donc, l'automobiliste québécois n'en a pas pour son argent et le projet de loi n° 55 fait en sorte qu'il va en payer encore plus, encore plus pour un service qui est tout à fait déficient. Donc, je pense que les payeurs de taxes commencent à en avoir assez, puis particulièrement les gens qui ont des automobiles.

Vous avez une automobile, M. le Président, et vous savez combien ça coûte. Vous savez ce que ça coûte en taxes sur l'essence, les droits d'immatriculation que vous payez, les taxes quelconques, vous savez que vous payez une taxe sur les pneus. Les gens qui, par exemple, vivent près de Montréal, ils ont déjà une cinquantaine de millions à payer pour l'Agence métropolitaine de transport. Il y a des taxes partout, M. le Président, sans compter que la Société de l'assurance automobile du Québec va faire un déficit de 200 millions de dollars cette année. Donc, il faut s'attendre à ce que vos permis puis vos immatriculations vont monter l'an prochain.

n(16 h 40)n

Le ministre a dit qu'il n'y en aura pas, d'augmentation, pas cette année. Mais l'année achève, M. le Président. Après le 31 mars, il n'a pas garanti qu'il n'y aurait pas d'augmentation sur vos primes d'immatriculation, sur vos permis de conduire. Donc, M. le Président, c'est encore l'automobiliste qui va payer. Et ce que l'on voit, ce qui est clairement établi dans les projets de loi sur les fusions municipales concernant les sociétés de transport en commun, c'est que les automobilistes vont en payer encore un petit peu plus pour un service qui est quelque peu déficient.

Je pense qu'il aurait fallu répondre à la question du député de Hull. Avant de penser à corriger les erreurs des erreurs des erreurs, à prime abord, on aurait dû faire nos devoirs comme il faut puis regarder comme il faut quel est le service qu'on donne, qu'on offre au citoyen par son service de transport en commun. Je vois la députée des Chutes-de-la-Chaudière, là. J'ai reçu beaucoup d'appels provenant de l'autre côté du fleuve concernant le transport en autobus. Je suis convaincu qu'elle aussi va intervenir tantôt. Et, lorsque les citoyens là-bas étaient pris en otages par quelques personnes qui faisaient une grève et donc ont demandé à plusieurs reprises aux députés de cette région-là d'intervenir, M. le Président... Je pense qu'on devrait, à prime abord, regarder ce qui se donne comme service en transport en commun, M. le Président, et faire en sorte d'améliorer ce service-là pour lequel les gens paient un prix énorme. Et, on le voit encore, par exemple, dans la région de Montréal, ce sont des dizaines de millions de dollars qui sont dépensés à cet effet-là.

M. le Président, en terminant, tout simplement pour vous dire, comme le disait le député de Hull, que c'est un projet de loi, en fin de compte, qui est un acte de correction. C'est un acte de correction d'une correction qui était le projet de loi n° 24 qui corrigeait le projet de loi n° 170. C'est une habitude d'aller à la hâte, et je pense que le gouvernement devrait perdre cette mauvaise habitude, cette mauvaise habitude de toujours agir de façon à ce qu'on soit toujours obligé de reprendre le travail. Même, je lui disais, je disais au ministre des Transports en commission parlementaire: Ça devient une habitude pour lui. Il met un brouillon sur la table puis il laisse l'opposition faire le projet de loi. Donc, M. le Président, je pense que ça devrait... Tant qu'à faire ça, M. le Président, je pense qu'il faudrait inviter les citoyens tout simplement à changer le gouvernement. Là, on aurait tout simplement à prendre le projet de loi puis le déposer de façon correcte suite au premier dépôt d'un projet de loi, et ne pas faire deux, trois lois pour corriger l'erreur qu'on a faite.

M. le Président, demain, demain le ministre des Transports va se lever en cette Chambre et demander le consentement pour déposer un projet de loi pour corriger le projet de loi sur l'alcool au volant qui a été déposé au printemps. Donc, à ce moment-là, avant la période de questions de demain, vous réfléchirez aux propos que j'ai tenus aujourd'hui puis vous direz encore, quand je vais me lever, cette semaine, pour parler de l'autre projet de loi qui est déposé pour corriger un projet de loi qui était incomplet ou erroné, que ça devient une habitude, particulièrement du ministre des Transports.

Je l'ai vu à peu près dans la moitié des projets de loi qui ont été déposés, et on sait que le ministre des Transports en dépose, des projets de loi. À cette session-là, M. le Président, on a seulement un projet de loi. Serait-il précurseur à une décision que le ministre va prendre dans le temps des fêtes? On peut y penser. C'est la première fois depuis un an et demi qu'on a moins de sept projets de loi dans une session. Donc, il faut penser que peut-être que le ministre des Transports a l'esprit ailleurs. Peut-être nous prépare-t-il une décision qu'il rendra au mois de janvier. M. le Président, on peut s'en douter. Habituellement, il y a beaucoup plus de projets de loi qui sont déposés et beaucoup plus de projets de loi à reprendre.

Ce qu'on a aujourd'hui, tout simplement, c'est une correction d'un travail mal fait à une session précédente. Demain, on aura un autre projet de loi qui a le même objectif de corriger un travail mal fait la session précédente, et je pense qu'il faut absolument que le gouvernement se corrige. Mais, je pense, M. le Président, depuis le temps qu'il est là, que ce gouvernement-là ne s'est pas corrigé. Ce qu'il faudra faire tout simplement, c'est de le changer puis permettre, à ce moment-là, à l'opposition, qui corrige toutes les lois depuis quelques années, tout simplement de faire le travail correctement dès le point de départ, et ça permettra au parti qui forme présentement le gouvernement d'aller faire son éducation dans l'opposition, M. le Président, et ce sera tout simplement quelque chose qui sera préférable pour tous les Québécois et toutes les Québécoises.

Donc, M. le Président, je pense que vous devez vous en douter, nous ne pouvons pas souscrire au principe de ce projet de loi là, et ça fera en sorte que l'opposition se verra dans l'obligation de voter contre le projet de loi. Donc, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Shefford. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur le projet de loi n° 55 qui est une loi qui modifie la Loi sur les sociétés de transport en commun et d'autres dispositions législatives. M. le Président, l'Assemblée nationale et le gouvernement ont fait adopter, en fait, en catastrophe un projet de loi au printemps dernier, le projet de loi n° 24 qui, lui, a créé, en fait, les sociétés de transport en commun suite évidemment au redécoupage des territoires en vue des fusions forcées des municipalités. Plusieurs de mes collègues qui m'ont précédée ont fait état du fait que le projet de loi avait d'abord été, à l'époque, adopté en catastrophe, assez hâtivement, et qu'on se voit aujourd'hui dans l'obligation de revenir avec un nouveau projet de loi qui est le projet de loi n° 55, qui, au dire du ministre, n'est qu'un petit projet de loi technique qui ne fait qu'apporter certains correctifs cléricaux, des correctifs techniques, alors qu'à notre avis il en est tout autrement.

Vous vous interrogerez peut-être sur la pertinence d'une députée de la région de Québec de venir parler sur un projet de loi qui touche, au dire du ministre, trois régions autres que celle de la région de Québec. Ça peut être étonnant, sauf que je tenais à le faire, M. le Président, parce que ça me permet d'interroger le ministre sur l'absence de vision de ce ministre et de ce gouvernement concernant toute la question du transport en commun. Je vais faire référence tout à l'heure au dossier touchant le transport interrives, mais vous me permettrez quand même de passer quelques commentaires sur le projet de loi n° 55.

Donc, oui, le ministre nous a informés qu'il s'agissait de certains ajustements techniques suite aux fusions de certaines municipalités, mais ces ajustements techniques et cléricaux sont nécessaires justement parce qu'on est allé trop vite. Mon collègue le député de Shefford nous mentionnait, et à juste titre, qu'on a tellement pris l'habitude, au Parti québécois, d'avoir une idée, de la trouver bonne, de décider de déposer un projet de loi qu'on ne se donne jamais le temps de réfléchir sur les conséquences de ce projet de loi là, et je trouve que les légistes font pitié. Ils sont obligés évidemment de répondre aux commandes de la ministre des Affaires municipales, dans le cas des fusions forcées, et ont dû déposer, on le sait, en catastrophe quelques projets de loi aux deux sessions dernières, ces projets de loi là d'ailleurs qui ont été amendés, dans certains cas, par plus d'amendements qu'on a apportés à ces lois-là que les lois d'origine comportaient... Donc, je pense qu'il faut s'entendre en cette Chambre, M. le Président, pour comprendre qu'il y a un problème quelque part, puis le problème, à notre avis, il est évidemment du côté du gouvernement.

Le projet de loi n° 24, la loi n° 24, là, celle à laquelle je faisais référence tout à l'heure, avait abondamment fait état de l'obligation pour le gouvernement de déposer justement un cadre financier dans le cadre de la mise en place, si vous voulez, ou de la révision de ces sociétés de transport. Or, le gouvernement n'a jamais, mais jamais mis, ou déposé ici, ou fait état de ce cadre financier qui, à notre avis, à mon avis, est le noeud de la guerre et ce sur quoi finalement sont fondées toutes les assises de ces sociétés de transport.

M. le Président, j'ai fait mention tout à l'heure que je tenais à intervenir sur ce projet de loi là pour plusieurs raisons, dont une qui était de soulever auprès du ministre des Transports un questionnement plus que certain à l'égard du dossier du transport interrives. Pour ceux et celles qui nous écoutent, le transport interrives pour la région de Québec consiste en très grande partie à s'assurer d'harmoniser finalement les liens de transport entre la Rive-Sud et la Rive-Nord. Ça touche évidemment les liens par le service de transport en commun.

n(16 h 50)n

Je vous avouerai franchement, depuis que mon collègue le député de Limoilou a la responsabilité des dossiers de la capitale, bien que j'aie suivi ce dossier-là... Vous comprendrez qu'on a évidemment de nombreux dossiers dont on doit s'occuper. J'ai fait une petite recherche aujourd'hui pour tenter de retrouver des notes sur où en était rendu le dossier du transport par interrives, et j'aimerais que le ministre, s'il en a l'opportunité, peut-être en commission parlementaire lorsqu'on fera l'article par article, puisse m'expliquer comment il se fait qu'un dossier qui était si bien étoffé, piloté par l'ensemble des intervenants de la région ? tout le monde s'entendait, il y a quatre, cinq ans, pour privilégier justement ce dossier, ce lien interrives entre la Rive-Sud et la Rive-Nord ? comment il se fait qu'aujourd'hui, le 4 décembre 2001, ce dossier-là soit encore sur une tablette et qu'on n'en parle pas. Non seulement on n'en parle pas, ça n'a même pas fait l'objet d'une discussion pendant la dernière campagne municipale ici, dans la région de Québec. Pourtant, c'est un dossier qui est majeur, ce sont des étudiants qui utilisent le transport en commun.

Combien de travailleurs et travailleuses viennent travailler sur la Rive-Nord le matin? C'est à l'inverse aussi, on a de plus en plus d'entreprises qui s'installent sur la Rive-Sud de la région de Québec. Comment se fait-il que, ce dossier-là, on n'en ait pas encore entendu parler? D'après moi, ce dossier-là dort sur une tablette, là, depuis au moins un an.

J'ai noté, M. le Président, que la dernière fois dont les journaux ont fait état de ce dossier-là, ça remonte au 23 février 2001 alors que Claude Cantin, qui est conseiller municipal à la ville, l'actuelle ville de Québec, blâmait sévèrement le gouvernement du Québec, en l'occurrence le ministre délégué, M. Jacques Baril, et il blâmait le ministère de ne pas vouloir financer adéquatement le projet Interrives. J'ai retrouvé ? c'est assez cocasse ? une coupure de presse qui date du 24 février 1999, où le prédécesseur de M. Cantin, M. Claude Larose, s'étonnait que le ministre des Transports souhaitait reprendre tout le dossier alors que ça faisait des années qu'on y ajoutait des éléments. Il s'étonnait du fait finalement que le ministre veuille reprendre le dossier au complet. Je vous retrouve une autre coupure de presse qui date, celle-ci, du 22 octobre 1999, et vous me permettrez de citer le journaliste Jean-Marc Salvet: «Attendu depuis des mois, le plan de transport pour la région de Québec sera déposé avant Noël.» Trois ans plus tard, toujours pas de dépôt de projet pour le dossier Transport interrives.

Et ça continue, M. le Président: Interrives en difficulté. C'est un article que j'ai retrouvé dans Le Soleil du 21 février 2001. Le président du Comité Québec-Capitale, dans Le Journal de Québec du 29 mars 2000 ? 2000, ça veut dire que c'est plus qu'un an, là; c'est plus même qu'un an et demi, ça fera deux ans dans trois mois: «Le Comité Québec-Capitale est très déçu par l'immobilisme du gouvernement du Parti québécois qui multiplie les délais concernant le plan de transport et l'intégration du transport en commun entre les deux rives.»

M. le Président, lorsqu'on étudie un projet de loi, lorsqu'on regarde un projet de loi, est-ce qu'une des premières choses ? parce qu'il faut le faire quand même honnêtement, il faut le faire de façon responsable ? c'est de se poser comme question: Est-ce que ce projet de loi là va améliorer le service qu'on offre aux citoyens? Moi, quand j'étais à la mairie de Sillery, c'est exactement ce qu'on se posait comme question, puis jamais on n'aurait osé déposer un projet ou aller devant nos citoyens en séance publique du conseil avec un dossier mal préparé, mal ficelé, qu'il fallait reprendre à toutes les séances publiques du conseil. On n'aurait jamais fait ça. Je n'aurais jamais passé 12 ans au conseil, dont 10 à la mairie. Alors, je ne comprends pas pourquoi on peut se permettre de s'imaginer qu'on a le privilège de pouvoir faire ça ici, en cette Chambre. Ça me dépasse. Après sept ans, je ne comprends toujours pas comment est-ce qu'on peut se permettre de faire ça.

Mais donc, je reviens sur le questionnement. Lorsque le gouvernement décide de déposer un projet de loi, j'imagine qu'il a des objectifs derrière ça. On parle de transport en commun, on parle évidemment... Puis je ne voudrais pas dénaturer le projet actuel, celui dont on parle, il apporte des correctifs à un projet de loi qui avait été adopté en toute hâte et en catastrophe lors de la session dernière, mal ficelé, mal, à certains égards, rédigé. Ça, ce n'est pas de la faute de l'opposition, M. le Président, ce n'est pas de notre faute à nous si les commandes sont arrivées trop rapidement, si la ministre des Affaires municipales n'avait pas assez de vision globale du dossier puis elle était incapable de produire des projets de loi sur le sens du monde. Il n'y avait pas de hâte à tout faire ça en même temps en décembre dernier et au printemps dernier. Donc, quel motif peut bien, ou peuvent bien, motiver la ministre à déposer un projet comme celui-là?

Moi, je m'attendais, puis je vous le dis sincèrement ? c'est une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de parler aujourd'hui sur ce projet de loi là ? je m'attendais à ce qu'il bonifie le transport en commun, je m'attendais à ce qu'il y ait des dispositions dans ce projet de loi là qui permettent aux citoyens peut-être de subir ? surtout les usagers et les usagères ? de subir peut-être une baisse des tarifs. Ça coûte cher, le transport en commun, sans compter que les gens... Si ça se limitait uniquement à ça... Mais pas du tout, les gens doivent vivre aussi avec des grèves. Quand ce n'est pas la Rive-Sud, c'est la Rive-Nord, pour toutes sortes de raisons. Je ne veux pas embarquer là-dedans, mais il y a toutes sortes de raisons qui motivent aussi les travailleurs à invoquer certains éléments pour pouvoir faire valoir leurs droits.

Mais est-ce que ce projet de loi là améliore quelque chose? Est-ce que ce projet de loi là améliore la problématique entourant le transport pour les personnes handicapées? La réponse, c'est non. Il n'y a rien dans ce projet de loi là qui améliore le transport en commun. Et je vous ouvrirais une parenthèse qui en est une que j'ouvre souvent ici, c'est que je ne comprends pas pourquoi on n'est pas capable de déposer des projets de loi globaux, des projets de loi qui font en sorte qu'on a une discussion sur l'ensemble du sujet. C'est toujours en catastrophe, c'est toujours à la dernière minute et c'est toujours, pour la plupart du temps, à reprendre. Et je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'on adopte, et on adopte, et on adopte des lois ici, mais c'est très rare qu'on en abroge. Alors, le citoyen est tellement réglementé, tellement réglementé que des fois on se demande si on est assez autonome et indépendant pour décider soi-même qu'est-ce qu'on va faire.

Donc, j'aimerais que le ministre, je fais appel au ministre des Transports qui a encore dans ses cartons... Est-ce que ce dossier-là n'est pas important pour lui? Est-ce qu'il est sous la pile de dossiers parce qu'il ne considère pas ce dossier-là important? Est-ce que mes collègues de la région de Québec qui sont du côté ministériel font le nécessaire pour faire avancer ce dossier-là? Notre collègue le ministre de la Justice et député de Louis-Hébert, qui a été jusqu'à la fin du printemps ministre responsable de la région de Québec, sait très bien de quoi je parle lorsque je parle de ce dossier-là. Il a certainement reçu la visite à plusieurs reprises de M. François Tavenas qui est le président du Comité Québec-Capitale, de nombreux intervenants qui sont certainement allés le voir pour lui expliquer combien c'est important. Est-ce qu'il intervient auprès du ministre responsable des Transports et responsable aussi de ce dossier-là?

Moi, j'ai des gens dans mon comté qui me la posent, la question. Il y a des gens qui viennent au bureau de comté, des étudiants qui viennent me questionner sur où en est rendu ce dossier-là, parce que vous savez bien, M. le Président, qu'il y a des gens aujourd'hui, avec l'éducation aux adultes, avec la formation continue... Ce n'est pas tout le monde qui a une voiture. Combien il y a de gens qui partent de la Rive-Nord et qui s'en vont sur la Rive-Sud? Les maires étaient d'accord, et les maires de la Rive-Sud et les maires de la Rive-Nord. Alors, je fais appel à l'ouverture d'esprit que le ministre peut avoir à l'occasion de peut-être regarder à nouveau ce dossier-là et de s'assurer, là... Parce qu'on sait que M. le ministre va faire son dernier tour de piste et quittera la politique. Peut-être que ça pourrait faire partie, ça, des fleurons à son blason d'avoir laissé à la région de Québec un système de transport liant les deux rives, et ça, ce dossier-là, M. le Président, n'est aucunement lié, ne l'était pas au début, il est lié, c'est sûr, aux fusions forcées. Mais je peux vous dire qu'avant même qu'on parle de fusions forcées dans la région de Québec les maires étaient déjà à l'étude sur ce dossier-là. Moi, je me souviens, en 1993, 1992, 1990, on en parlait, de ce dossier-là, de ce lien-là.

n(17 heures)n

M. le Président, le temps file. J'aurais aimé peut-être soulever quelques éléments, entre autres, qui posent problème dans le projet de loi, celui où... parce qu'on a évidemment fusionné de force de nombreuses municipalités, entre autres dans la région de Montréal, de nombreux automobilistes se verront imposer une taxe ? ce sont des frais cachés, ça, soit dit en passant ? une taxe de 30 $ pour évidemment faire partie de l'Agence métropolitaine de transport.

Ça, évidemment, on ne le dit pas aux citoyens. Quand on se présente en campagne électorale, on n'a jamais dit aux citoyens qui vivaient dans la banlieue ou sur la Rive-Sud de Montréal: Vous allez devoir payer 30 $ de plus pour vos frais d'immatriculation... c'est-à-dire 30 $ de plus pour faire partie de la grande région de Montréal.

Quand on considère qu'on fait partie des gens les plus taxés en Amérique du Nord, il faut dire que la facture, elle commence à être assez élevée, merci beaucoup, hein? Alors, s'il est vrai que les automobilistes ont à payer, c'est sûr, ont à payer pour l'utilisation des routes ? moi, je n'ai pas de problème avec ça ? il n'en demeure pas moins, il n'en demeure pas moins que toute la question des fusions forcées a occasionné en toutes sortes de manières des coûts, des coûts qui sont cachés.

Alors, quand je faisais référence tout à l'heure, M. le Président, à la pertinence de présenter des projets de loi globaux où tout le monde pourrait en discuter, où on pourrait avoir un débat de société dans le fond, ce qu'on a d'ailleurs jamais eu dans le cas des fusions forcées, soit sur l'île de Montréal ou dans la région de Québec ou ailleurs quant à ça... Alors, je fais appel au gouvernement du Québec pour qu'il fasse preuve d'un petit peu plus de transparence et de démocratie lorsqu'ils déposent leur projet de loi. Surtout au niveau de la transparence, je pense que c'est important. Ces mots-là, on les galvaude beaucoup de l'autre côté, hein; on se croit très démocrate et très transparent. Mais, moi, je peux vous dire qu'au niveau de la transparence je pense qu'il n'y en a pas un ici, autour de la table ou dans cette salle-ci, qui connaît la définition du mot «transparence».

M. le Président, on est contre le projet de loi. On ne peut pas accepter de voter en faveur d'un tel projet de loi. Je vous ai mentionné tout à l'heure que nous étions... Ce projet de loi évidemment fait suite au projet de loi n° 24 qui, lui, découlait des fusions forcées, et il nous est donc impossible de donner notre approbation à ce sujet-là.

Donc, en terminant, je pense que le ministre a l'obligation de rendre public, et ce très rapidement, le cadre financier qu'il se devait de... qu'il était tenu de déposer en vertu de l'article 258 du projet de loi portant sur la réforme de l'organisation territoriale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais.

Comme d'habitude, ce gouvernement ne joint pas le geste à l'action et à l'engagement. Et je pense que le milieu s'attend à ce que le cadre financier... Le cadre financier, là, ce sont les fonds qui suivent. Alors, le Parti québécois a cette méchante habitude, cette très mauvaise habitude de déposer ou de faire des propositions, de déposer des projets de loi, de nous parler sans cesse de propositions, mais il faut dire que les fonds ne suivent pas nécessairement. Et qu'on ne me serve pas les difficultés économiques, là; ça, ça fait partie d'un engagement, et on ne pourra pas mettre en place un système de transport en commun adéquat, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de cadre financier.

Alors, M. le Président, le cadre financier... et j'implore le ministre qu'il rende public le plus rapidement possible son projet de loi sur le transport interrives dans la région de Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Marquette. Alors, M. le député.

M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je voyais que le ministre de la Sécurité publique était debout. Je me disais: Enfin, il va prendre la parole. Malheureusement, il s'est rapidement rassis.

M. le Président, mes collègues l'ont dit, c'est pénible à la fois pour les députés ministériels tout comme pour les députés de l'opposition de devoir traiter d'un tel projet de loi. Les erreurs qu'on y retrouve... Juste pour le fun, M. le Président, je vais vous lire quelques articles pour que la population qui nous écoute puisse bien comprendre de quoi il s'agit lorsque l'opposition est en train de dire que le projet de loi n° 55 est ni plus ni moins une correction du projet de loi n° 24 qui avait été adopté à toute vapeur, en catastrophe, au mois de juin dernier, par un ministre qui a la réputation de commettre de nombreuses erreurs, d'aller trop vite.

On connaît la réputation du ministre des Transports et député de Joliette. Il a le pied pesant sur l'accélérateur, M. le Président. C'est la même chose au niveau des projets de loi, il est vite, vite, vite. Des fois, il faut l'arrêter parce qu'il commet des erreurs. Il brûle les limites de vitesse, le ministre, quand il fait ses travaux.

On en a un bel exemple avec le projet de loi n° 55. Écoutez juste ça, M. le Président, au niveau de l'article 2: L'article 7 de cette loi ? la loi n° 24 ? est modifié par le remplacement de «en faisant les» par «compte tenu des». Là, on vient d'apporter une modification de fond fort importante au projet de loi n° 24. On vient de modifier les mots.

La même chose à l'article 7: L'article 17 de cette loi est modifié par le remplacement de «nommant» par «désignant». Pourquoi est-ce qu'il n'a pas dit le mot «désignant», le ministre, lorsqu'il a fait adopter son projet de loi? On est obligé de le corriger aujourd'hui. Il a décidé de changer «nommant» par «désignant». Est-ce que c'est une modification importante à vos yeux, M. le Président?

Pour le ministre, il aurait dû bien faire ses devoirs, il aurait dû écrire, s'il n'avait pas été si pressé au mois de juin, à l'article 17 de la loi, employer le mot qui s'imposait, «désignant», au lieu d'employer le mot «nommant». Là, il faut le corriger aujourd'hui. On est ici pour corriger les erreurs du ministre des Transports.

La même chose au niveau de l'article 8: L'article 18 de cette loi est modifié ? la loi n° 24:

1° par le remplacement, dans le deuxième alinéa, de «nommé» par «désigné».

Alors, pourquoi est-ce qu'il n'a pas dit «désigné» dans le projet de loi n° 24 qui a été adopté? Aujourd'hui, on est obligé de le corriger. Alors, il disait «nommé». Aujourd'hui, il faut plutôt écrire «désigné», une correction, M. le Président, parce que le ministre des Transports, comme l'ont si bien dit et répété mes collègues de l'opposition, le ministre s'était trompé.

Je peux poursuivre comme ça. Le projet de loi est truffé, truffé d'erreurs, M. le Président, par rapport à un ministre qui a voulu aller trop vite encore une fois.

À l'article 37... Et là vous conviendrez avec moi que ce n'est pas des modifications qui sont des modifications de fond, il n'y a pas de changement d'orientation, il n'y a pas de changement de perspective dans le projet de loi. Il n'y a que des corrections que le ministre aurait dû apporter lors de l'adoption du projet de loi n° 24 au mois de juin.

Pourtant, il est même président du Comité de législation du gouvernement. Imaginez, M. le Président, si on retrouve autant d'erreurs dans ses propres projets de loi, imaginez les erreurs qu'il laisse passer dans les autres projets de loi.

À l'article 37, deuxième alinéa: L'article 136 de la loi n° 124 est modifié:

2° par le remplacement, dans la troisième ligne du deuxième alinéa, de... ? écoutez celle-là, M. le Président ? on remplace le mot «le» par le mot «ce». Le mot «le» est remplacé par le mot «ce».

Ah, bien, c'est quand même particulier, c'est quand même spécial, c'est dans la loi, la loi que nous allons tous voter ici, à l'Assemblée nationale.

n(17 h 10)n

L'article 37, je le répète: L'article 136 de cette loi est modifié:

2° par le remplacement, dans la troisième ligne du deuxième alinéa, de «le» par «ce».

Mais c'est-u... y a-tu un problème? Il faudrait poser la question au ministre. Y a-tu un problème? Comment ça se fait que le ministre n'a pas vu ça la première fois? Y a-tu changé d'idée? Y a-tu trouvé que «le» ça ne faisait plus l'affaire puis aujourd'hui ça devrait être «ce»? Pourtant, ils ont décidé d'écrire un article pour apporter une modification au projet de loi. C'est rempli de ces choses-là, M. le Président.

L'article 44, par exemple: L'article 162 de cette loi est modifié par la suppression, dans la première ligne, des mots «du premier alinéa». Il y en a combien de ça? Il y en a combien de ça? Parce qu'il a été obligé de retrancher un certain nombre de choses, là, il est obligé de se corriger par la suite. Le projet de loi corrige les corrections du projet de loi.

Si je reviens au début, il avait oublié de désigner... à l'article 25: L'article 109 de cette loi est modifié par l'insertion, après «ministre», de ministre «des Transports». Comment ça se fait que le ministre avait oublié de se désigner dans la loi qu'il faisait adopter? Dans la loi n° 24, il parlait du ministre puis, par la suite, il a dit: Il faudrait peut-être récrire «ministre des Transports» pour savoir de quel ministre il s'agit. Il fait la même chose à un autre moment donné ? j'espère que je vais la retrouver ? au niveau de la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Le mot «ministre» n'était pas qualifié, et il a décidé, dans l'actuel projet de loi n° 55, de qualifier... Ah, oui, voilà.

L'article 37: L'article 136 de cette loi est modifié:

1° par l'insertion, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa et après «ministre», de ? les mots ? «des Affaires municipales et de la Métropole». Comment se fait-il que le député de Joliette ait oublié de qualifier de quel ministre il s'agissait? Ce n'était pas le ministre des Transports dans ce cas-là, c'est du ministre des Affaires municipales et de la Métropole.

Voyez-vous, M. le Président, on a devant nous un projet de loi qui est truffé d'erreurs, et, moi, je serais gêné, si j'étais le ministre, d'être obligé de présenter un tel projet de loi devant l'Assemblée nationale du Québec pour faire en sorte que ses collègues ministériels doivent corriger les erreurs que le ministre a commises, parce que le ministre est allé beaucoup trop vite encore une fois. Je pourrais continuer, M. le Président, pour que la population qui nous écoute comprenne bien de quoi il s'agit. Dès le premier article du projet de loi:

L'article 1 de la Loi sur les sociétés de transport en commun est modifié:

1° par le remplacement, dans le paragraphe 3° du premier alinéa, de «Ville de Hull-Gatineau» par «Ville de Gatineau».

Il est allé trop vite, il est allé trop vite au mois de juin, faire adopter la loi alors qu'on ne connaissait même pas la désignation officielle de la future ville de Gatineau. Alors là on est obligé de corriger ce qu'il avait déjà fait au mois de juin dernier.

Pourtant, M. le Président, comme le disait si bien ma collègue la députée de Jean-Talon: On n'a aucun débat de fond devant nous. Pourtant, les problèmes en matière de transport dans la région de la Capitale-Nationale tout comme dans la région de la métropole, M. le Président, sont importants: des ponts qui sont encombrés, un trafic aux heures de pointe qui n'en finit plus. Rien là-dessus, de la part du ministre, absolument rien là-dessus. Il a l'occasion, dans les projets de loi qu'il dépose à l'Assemblée nationale, de susciter à tout le moins une certaine réflexion ou de tenter d'apporter des correctifs par rapport aux services, mais il est tellement préoccupé, il est tellement occupé, devrais-je dire, à régler des corrections qu'il aurait dû apporter dans un projet de loi antérieur qu'il n'a plus le temps de réfléchir.

M. le Président, il y a tellement d'autres exemples dans la carrière politique du député de Joliette. Moi, je me souviens qu'en 1997, sur des choses de fond, la Commission d'accès à l'information avait fait certains reproches à Société de l'assurance automobile du Québec par rapport à son système de contrôle d'accès au fichier de renseignements personnels et confidentiels sur les citoyens. En 1997, au mois de mars, rapport est déposé par la Commission d'accès à l'information qui dit: Voici l'ensemble des lacunes qui ont été constatées au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec. On attire votre attention là-dessus, il y a des problèmes à ce niveau-là, il y a des problèmes à ce niveau-là, il y a des problèmes à ce niveau-là. Et c'est des problèmes qui sont suffisamment importants, parce que à peu près n'importe qui pouvait avoir accès à votre fichier, M. le Président.

On a vu par la suite toute l'importance qu'il aurait fallu accorder à ces problèmes-là, parce qu'il y a eu des problèmes de personnes qui ont travaillé pour le crime organisé qui sont allées chercher des informations dans les banques de données de la Société de l'assurance automobile du Québec. Il y a eu un problème, à un moment donné, de trafic d'informations. On vendait des informations 50 $ l'unité. Par la suite, ces informations-là ont été utilisées par les groupes de motards, M. le Président, pour faire des attentats sur des personnes.

Le problème a été dénoncé à nouveau, cette fois-ci par le Vérificateur général du Québec, pas plus tard qu'au mois de décembre de l'année 2000, il y a exactement un an, à peu près, jour pour jour. Alors là, de l'opposition officielle, on s'est dit: Le ministre, il va tout de même... Il va falloir qu'il apporte des correctifs à ce système-là, parce que le système ne fonctionne pas, il y a des lacunes, à peu près n'importe qui peut entrer dans le système pour aller chercher des données nominatives.

On s'est rendu compte récemment, il y a à peine deux mois, trois mois, qu'encore une fois le ministre des Transports n'avait pas apporté des corrections. Puis, moi, je me souviens qu'il y a à peu près un an il avait fait émettre un communiqué ? puis, on le connaît, avec son franc-parler, le ministre des Transports ? qu'il allait corriger la situation, qu'il allait apporter tous les correctifs qui s'imposaient. Il avait émis un communiqué de presse, il avait fait une conférence de presse. Pourtant, quelques mois plus tard, on se rend compte que les correctifs n'ont pas été apportés, que les lacunes sont toujours là.

Alors, c'est un ministre qui va devoir se ressaisir, M. le Président, parce que ça n'a pas de bon sens de prendre le temps des députés de l'Assemblée nationale du Québec des deux côtés de la Chambre pour déposer des projets de loi comme le projet de loi n° 55 qui vient apporter des corrections de forme sur le projet de loi n° 24. Nous, on aurait souhaité, de ce côté-ci de la Chambre, que le ministre soit un peu moins rapide à faire adopter ce projet de loi là au mois de juin dernier, pour prendre un peu plus son temps pour faire un travail qui se tient, pour faire un travail où on ne serait pas obligés, comme Assemblée nationale, de repasser sur les erreurs commises par le ministre des Transports et donc d'être saisis du projet de loi n° 55.

Mais il est tellement vite, le ministre des Transports, qu'il a saisi l'opportunité, M. le Président, pour glisser une petite taxe... une petite augmentation de taxes dans le cadre du projet de loi, parce qu'on a ajouté 15 villes, 15 municipalités au niveau de la couverture de l'AMT à Montréal, l'Agence métropolitaine de transport. En fait, à partir de janvier 2002, les habitants de 15 nouvelles municipalités contribueront financièrement au fonds de l'AMT par le biais de 30 $ sur les droits d'immatriculation. Ce sont des personnes qui ne payaient pas ces droits-là l'année passée parce qu'il n'y avait aucune obligation à cet égard-là. Donc, 30 $ de plus sur leurs droits d'immatriculation et 0,015 $ de taxe sur l'essence. Comme si l'essence, dans la région de Montréal, mais à travers le Québec, n'était pas suffisamment élevée... Le prix de l'essence. Le ministre, lui, il a décidé d'ajouter une taxe de 0,015 $ et pour élargir le bassin de population qui devrait payer pour cette taxe...

n(17 h 20)n

Donc, les 15 municipalités auront également à verser à l'Agence métropolitaine de transport un montant correspondant à 0,01 $ du 100 $ d'évaluation foncière. Tiens, tiens, une nouvelle taxe par la porte d'en arrière d'imposée à des contribuables, des contribuables des villes telles que Oka, Calixa-Lavallée, Beauharnois, L'Assomption, et il y en a 14 autres... Il y en a une dizaine d'autres comme ça. Et, pour l'Agence métropolitaine de transport, ces sommes représentent un revenu supplémentaire de près de 4 millions de dollars. Le ministre en a profité pour imposer pour 4 millions de dollars de plus de taxes au niveau des contribuables de ces 15 villes là. Il s'est dit: Je vais aller piger dans leurs poches puis je vais aller de façon discrète en chercher 4 millions de dollars de plus pour donner ça à l'Agence métropolitaine de transport. Alors, c'est ça, l'oeuvre du député de Joliette, ministre des Transports. Il taxe davantage, il corrige des projets de loi qui auraient dû être bien faits dans un premier temps, et par ailleurs, aucun débat de fond sur les véritables enjeux au niveau des transports.

Il n'est aucunement question dans le projet de loi n° 55 de l'amélioration des services pour certaines municipalités; on ne parle que de structures et on ne parle que de corrections et de modifications et de remplacer le mot «le» par le mot «ce». C'est de ça qu'il s'agit, M. le Président. Quelle vision que le ministre des Transports a du transport au Québec? C'est le genre de projets de loi qu'il produit, puis on se rappellera, comme l'ont indiqué mes collègues, des projets de loi qui découlent également de la fameuse question des fusions municipales.

Là encore, la ministre des Affaires municipales qui se faisait triomphante il y a à peu près un an... Rappelez-vous lorsqu'elle déposait différents scénarios pour dire, entre autres à la population de Montréal, qu'à peu près tous les citoyens de l'île de Montréal verraient leur compte de taxes baisser. On se rend compte un an plus tard, M. le Président, que l'opposition avait raison lorsque l'opposition disait que ce n'était pas vrai, ce qu'avançait la ministre comme chiffres; ses chiffres n'étaient pas fondés, que la ministre induisait la population en erreur, que ce n'était pas vrai que les... On le souhaiterait bien, nous, que les taxes des contribuables, à Montréal comme à travers la province de Québec, puissent baisser, mais on se rendait bien compte que la ministre poursuivait d'autres objectifs, qu'elle avait d'autres fins en tête, mais qu'elle tentait d'envelopper ça et de vendre son projet en laissant croire à la population que leur compte de taxes municipales baisserait. Or, M. le Président, on s'est rendu compte que le comité de transition n'a pas réussi à remplir cette commande-là. Malgré tous les efforts qu'ils ont déployés, c'est carrément impossible.

Dans la ville de Hull, ils nous ont laissé entendre que le compte de taxes baisserait pour 100 % des citoyens. Comme mon collègue de Hull vient de le dire un peu plus tôt dans le cadre de ce débat, ils ont décidé d'augmenter les tarifs. Les tarifs, chez lui, pour les ordures vont augmenter. C'était 45 $ qu'il payait à la ville de Hull; ça va être rendu, je pense, à 104 $, M. le Président. Alors, c'est vraiment jouer sur les mots et tenter d'induire la population en erreur que de laisser entendre que le compte de taxes va baisser, mais par la suite, d'augmenter tous les tarifs.

Au bout du compte, pour le contribuable, ce qu'il est important pour lui de savoir, c'est: Est-ce que ça va me coûter plus cher ou moins cher? Est-ce que je vais avoir plus de services ou moins de services? Et, malheureusement, le contribuable réalise que, un, au bout du compte, au net-net, là, lorsqu'il va calculer les tarifs, les frais et son compte de taxes, ça va lui avoir coûté plus cher, cette histoire des fusions municipales forcées, d'une part; et d'autre part, il n'a aucune garantie que ces services seront maintenus.

Au niveau du territoire de l'île de Montréal, on s'en est bien rendu compte: au niveau des services d'incendie, ils vont devoir apporter des corrections importantes au niveau du service des incendies, transférer certains services et certains personnels pour tenter d'en réduire les coûts, M. le Président.

Alors, malheureusement, ça fait partie de la problématique que nous avons, puis je n'ai pas encore entendu de députés ministériels se lever puis dire que le projet de loi est autre chose que des corrections. J'imagine qu'ils vont avoir l'occasion de se lever puis de dire: On n'est pas d'accord avec l'opposition. Mais c'est le calme plat de leur côté, M. le Président; c'est un silence total. Pourquoi? Parce qu'ils se rendent bien compte avec nous que nous avons raison. C'est un petit peu honteux d'être devant l'Assemblée nationale à débattre d'un projet de loi qui ne fait rien de moins que de corriger les erreurs d'un ministre. Mais, malheureusement, c'est l'oeuvre du ministre, et ils doivent vivre avec, M. le Président. Alors, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, merci, M. le député de Marquette. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je vais joindre ma voix à mon collègue le député de Marquette qui vient de nous expliquer les effets pervers de toute la démarche qui a été mise en place par le gouvernement actuel, M. le Président, suite aux fusions municipales forcées.

Vous savez, M. le Président, on a l'impression, ici, de radoter, mais on le fait. On le fait parce qu'on a la conviction qu'il s'est passé quelque chose d'inacceptable, et, aujourd'hui, nous sommes en train de corriger des projets de loi qui ont été présentés, votés à toute vapeur durant la nuit, sans débat, avec des centaines d'amendements à la dernière minute, sans pouvoir les lire, simplement les adopter, parce que ce gouvernement en avait décidé ainsi.

M. le Président, quand on se comporte de façon aussi cavalière, quand on se comporte de façon aussi arrogante, quand on décide qu'on a la sagesse et que tout le monde autour de nous se trompe, ce qui arrive, bien, doit arriver, et il arrive aujourd'hui. On est encore, aujourd'hui, en train de réparer le gâchis de ce gouvernement, le gâchis face aux fusions municipales, les effets que ça a au niveau de tous les services, M. le Président, qui sont offerts à la population. En dépit du fait que des milliers de citoyens se sont rassemblés, ont marché au froid, M. le Président, pour contester l'orientation que voulait donner ce gouvernement à la réforme des municipalités, or, M. le Président, ce gouvernement a décidé de ne rien entendre. Moi, je trouve ça très triste.

Je trouve ça triste, M. le Président, parce que le gouvernement avait demandé une étude, avait organisé une commission nationale sur les finances et la fiscalité locale, le rapport Bédard, qui a coûté 1 million de dollars, qui a 400 pages, M. le Président, un effort de recherche remarquable sur la façon de partager les responsabilités en l'an 2000 entre, d'une part, les municipalités, le gouvernement provincial... Pas simplement au niveau municipal immédiat, mais d'essayer de regarder un peu plus loin pour comprendre quels sont les besoins, aujourd'hui, qui relèvent du niveau municipal, d'un niveau régional et du niveau provincial. Vous aviez, par exemple, une démarche dans ça qui examinait de quel niveau de gouvernement devraient relever les CLSC, notamment, à titre d'exemple, les soins... les centres hospitaliers de soins de longue durée, notamment. Et, là on a regardé, on a essayé de voir quelle serait la meilleure formule pour déterminer quelles devaient être les orientations.

Après avoir tant étudié, tant écrit de mots, pesé, soupesé des recommandations, M. le Président, voilà que le gouvernement fait fi du rapport Bédard, le met de côté et décide plutôt de se concentrer sur une réforme au niveau des structures seulement municipales et le fait à toute vapeur. Vous vous rappelez, la nuit... les débats que nous avons eus durant la nuit et des amendements. Et vous vous rappelez également tous les conflits, les débats que nous avons eus de part et d'autre, M. le Président, à travers la Chambre.

n(17 h 30)n

Moi, je me dis que, quand on s'est donné le mal de commander une étude d'un homme qui a une grande réputation, Denis Bédard, au niveau de la fonction publique québécoise, qui a une longue feuille de route et qui a consacré énormément de temps... C'est amusant, M. le Président, parce qu'il était venu rencontrer l'institut de recherche que je présidais, alors qu'il venait tout juste d'être nommé, pour voir quelles étaient les positions que nous avions non pas prises, mais les études que nous avions faites, parce que nous avions fait de telles études à l'Institut. Or, M. le Président, le gouvernement a décidé de faire fi de ce rapport, toute cette expérience, toutes ces discussions que les gens ont eues et, plutôt, a décidé, n'est-ce pas, de nous proposer un projet de loi, deux projets de loi, trois projets de loi, quatre projets de loi, amendements par-dessus amendements, projet de loi qui vient modifier les amendements. M. le Président, des milliers d'amendements et d'articles ont été proposés depuis ce temps-là.

M. le Président, moi, je trouve ça bien triste. Et aujourd'hui, le projet de loi n° 55 ne fait rien d'autre. Il vient encore modifier un projet de loi, le projet de loi... la Loi sur les sociétés de transport en commun, pour adapter, n'est-ce pas, les nouvelles structures à la loi qu'on a votée, n'est-ce pas, à toute vapeur, durant la nuit, et, encore aujourd'hui, on est en train de soupeser le pour et le contre de ces divers volets, notamment au niveau du transport en commun.

M. le Président, moi, vous savez, quand je regarde un projet de loi des transports, bien, je me serais attendue, comme en parle le rapport Bédard, à ce qu'on se penche sur le fond du transport en commun parce qu'il y a des problèmes au niveau du transport en commun. Qui devrait le financer, le transport en commun? Est-ce que, finalement, les automobilistes devraient financer le transport en commun, une partie? Je pense que c'est une question de fond. Qui devrait payer le transport en commun? L'utilisateur? Ou est-ce que ça doit être subventionné en plus? C'est une question de fond parce que, si on veut que les utilisateurs utilisent le transport en commun, si on hausse la tarification, ils l'utilisent moins. Donc, il y a un problème de fond. On doit se poser la question.

Puisqu'il y a des problèmes environnementaux à utiliser nos voitures, toutes les villes s'interrogent sur ce volet: qui devrait financer le transport en commun pour enfin diminuer la pollution de l'environnement? Voilà des questions qu'on devrait débattre ici, dans cette Chambre. On devrait être en train de s'interroger sur ce côté fondamental du transport en commun parce qu'il y a des villes, M. le Président, qui commencent à interdire le centre-ville aux automobilistes ou il y a des villes qui ont décidé de charger des taxes pour empêcher la pollution. Ici, on n'a pas de tels débats. Ici, on ne s'interroge pas sur ce fond de la question. Nous, ce dont on parle, c'est d'aménager une structure à un projet de loi qui existait antérieurement.

Prenez le transport en commun pour les personnes handicapées. Bien, ça, on a fait énormément. On a une nouvelle vision des personnes handicapées. On les intègre dans la société. On doit le faire et on veut le faire. Or, on ne s'interroge pas, dans ce projet de loi, aujourd'hui, sur ce qu'on doit faire pour les personnes handicapées. Ce n'est pas une préoccupation. On va essayer d'adapter simplement au niveau de la nouvelle loi. C'est un agencement. Je comprends, le ministre, qu'il est obligé d'adapter une nouvelle loi pour apporter les correctifs nécessaires à la loi qu'on a votée, mais il n'en demeure pas moins que tout ce que ça reflète, M. le Président, c'est qu'on est encore une fois témoin d'une démarche qui a été faite trop rapidement, de façon échevelée, de façon... sans réflexion ou à peu près, et faite si vite qu'on est encore en train de corriger les erreurs.

Ça dénote, M. le Président, comme le disait mon collègue le député de Marquette, un manque de vision. Moi, je pense que ça dénote un manque de vision. C'est peut-être là le propre d'un gouvernement qui est à la fin d'un deuxième mandat, essoufflé, fatigué. C'est le propre des deuxièmes mandats, M. le Président, les gouvernements s'essoufflent, et, par conséquent, ont tendance à recourir à des recettes, je dirais, faciles pour avoir l'air de s'activer. Mais, dans le fond, est-ce qu'on règle véritablement les problèmes? Je ne crois pas, M. le Président, que ce projet de loi n° 55 règle quelque problème que ce soit, sinon un ajustement pour le ministre pour la loi qu'on a votée à toute vapeur durant la nuit.

Je parlais, M. le Président, plus tôt du rapport Bédard au niveau... Il y a tout un chapitre sur le transport en commun, il y a tout un chapitre sur ça. Alors, il y a des recommandations dans le rapport Bédard au niveau du transport en commun. Et, justement, le rapport Bédard a remarqué, nous révèle qu'il y a eu une diminution au Québec, dans l'ensemble du Québec, de l'utilisation du transport en commun depuis le début des années quatre-vingt et il y a également une diminution au niveau de Montréal de l'utilisation du transport en commun. Ce devrait être là, encore une fois, une préoccupation: pourquoi les gens délaissent-ils le transport en commun s'il occupe une moins grande part de l'assiette du transport?

Pourquoi cette désaffection? Est-ce que ça vient parce que, quand on a plus d'argent, quand il y a une richesse collective accrue, on a tendance à vouloir utiliser son propre transport? D'où vient ce désenchantement du transport en commun ou de la part qu'on occupe aujourd'hui? Je pense que c'était là une question à laquelle il fallait répondre, et le rapport Bédard essayait de répondre à ça, M. le Président. Alors, moi, je suis bien triste quand je vois autant d'efforts, quand je vois un homme aussi respecté de la communauté au Québec nous proposer un ouvrage si complet, si articulé être mis de côté, M. le Président.

Ce projet de loi veut harmoniser pour trois villes principalement: le Saguenay, Sherbrooke, Trois-Rivières. On veut modifier les pouvoirs de l'Agence métropolitaine de transport. Donc, l'Agence métropolitaine de transport, suite à ce projet de loi que nous votons, va pouvoir facturer les municipalités non pas en fonction de l'utilisation des services rendus, de l'utilisation... mais plutôt en fonction des services rendus. C'est donc dire que les municipalités vont pouvoir se faire imposer une nouvelle tarification, des coûts additionnels, simplement parce que l'Agence métropolitaine de transport va en décider ainsi.

Vous vous rendez compte, M. le Président? Vous vous rappelez que toute cette démarche des fusions municipales forcées devait s'accompagner par des baisses de taxes. Vous vous rappelez, hein? C'était clair qu'il y avait une augmentation des services et une baisse des taxes ou les deux à la fois ou certainement un des deux, tout le temps.

Or, qu'est-ce qu'on voit, aujourd'hui? Bien, on voit que, par la porte d'en arrière, déjà le volet qui a été proposé dans la loi n° 170, le projet de tarification, bien, il prend vie. Il prend vie aujourd'hui parce que justement on va en imposer une, nouvelle tarification. C'est donc dire que l'engagement de ce gouvernement de baisser les taxes... Ma foi! Au départ, je pense que c'étaient des baisses de taxes pour 85 % des citoyens qui allaient être fusionnés. Or, aujourd'hui, M. le Président, on se rend bien compte que c'était là une illusion.

Moi, vous savez, M. le Président, j'en suis... On a toujours, nous, estimé que le gouvernement avait des études cachées. Moi, je pense, j'en suis revenue à la conclusion, parce que c'est tellement rempli d'amateurisme, tous ces projets de loi qui nous arrivent, que peut-être qu'il n'y en avait pas, des études, peut-être qu'ils ont été seulement impulsifs, peut-être qu'ils se sont basés sur leur intuition seulement, puis quelques études comme ci, comme ça, pas fondées, pas bien analysées, pas bien documentées, M. le Président. Parce que je me dis: Ce n'est pas possible qu'un gouvernement se trompe fois après fois, jour après jour, et que ça se renouvelle constamment. Moi, M. le Président, j'ai de la misère à accepter ça. J'ai de la misère à comprendre ce qui arrive aujourd'hui.

Donc, cette Agence métropolitaine des transports va donc pouvoir facturer en fonction des services rendus. Je vous donne des services, vous ne les utilisez pas. Bien, c'est bien dommage pour vous, vous allez payer pour pareil.

Deuxième volet de l'Agence métropolitaine de transport, non seulement elle peut forcer, mais elle va pouvoir, par décret, imposer ses vues. Le gouvernement va pouvoir passer un décret... Ça fait partie du style, je suppose, un peu autoritaire, un peu dogmatique, pas très démocrate, et donc le gouvernement va pouvoir, par décret, passer un décret et forcer les municipalités, n'est-ce pas, à se soumettre. Bon, ça fait partie de la culture. J'imagine qu'encore là, quand on arrive à la fin d'un deuxième mandat, vous savez, les gens nous critiquent, puis la démocratie, c'est moins populaire, puis là on devient moins attentif, on écoute moins, et ça doit faire partie, M. le Président, de la culture du gouvernement actuel.

n(17 h 40)n

L'Agence métropolitaine de transport peut nommer des inspecteurs pour respecter les normes de sécurité. C'est eux qui vont déterminer, au niveau de tout le transport, qui va gérer les normes de sécurité, M. le Président.

Et, finalement, eh bien, imaginez-vous donc que là ils décident qu'il vont procéder par un... créer un processus de consultation pour déterminer le financement. Ah, bien, là, une consultation. Là, ça arrive. Là, tout à coup, comme par hasard, ils décident que ce serait peut-être intéressant, une fois que tout le dommage est fait, là, que tous les changements vont avoir été effectués... Là, ils vont décider que l'Agence métropolitaine de transport devrait probablement consulter le monde pour savoir comment ça devrait marcher. Vous comprendrez, M. le Président, que c'est mettre la charrette avant les boeufs, comme on dit. Alors, M. le Président, moi, je pense que c'est une façon de ce gouvernement de se comporter et je trouve ça bien dommage.

M. le Président, les automobilistes québécois, comme le disait le député de Shefford, notre porte-parole en transports, paient des taxes et des droits actuels... des droits, n'est-ce pas, des obligations de toutes sortes pour 3 milliards de dollars. C'est donc que les automobilistes paient actuellement 3 milliards de dollars via les taxes sur l'essence, via les droits d'immatriculation, M. le Président. Alors, tout ça pour dire que ça fait déjà beaucoup d'argent que le gouvernement vient chercher dans les poches des contribuables. Encore là, M. le Président, on peut se dire: Bien, il y a des vertus à ça, de faire payer les automobilistes pour le transport en commun. Moi, je dois dire que je trouve qu'il y a quelque chose dans ça, surtout à cause des problèmes environnementaux puis en fonction de l'idée d'utiliser le transport en commun...

J'aurais aimé ça, débattre de ça avec des collègues; j'aurais aimé ça, les entendre discuter de ça. Je suis sûre qu'il y a des députés gouvernementaux qui auraient été intéressés de parler de ça. J'en connais, j'en vois, je sais qu'il y en a qui ont ces préoccupations. Or, M. le Président, ils sont muselés parce qu'on ne parle que d'autre chose, on ne parle que de structurite. On va plutôt se concentrer exclusivement sur la structure.

M. le Président, des droits d'immatriculation, les automobiles en paient pour 1,7 milliard de dollars, actuellement. Or, qu'est-ce qu'on veut faire? On veut augmenter les coûts de... les coûts... augmenter une tarification d'immatriculation, pour plusieurs municipalités, de 30 $. Vous allez me dire: Ce n'est pas tant que ça. Mais, encore là, c'est une façon par en arrière, vous vous rappelez, pas hausser les taxes, bien, on le voit, là. Ça s'en vient sournoisement par la porte d'en arrière, des hausses de taxes déguisées où les gens ne vont pas trop se rendre compte... ce n'est pas tout le monde, c'est certaines municipalités, certains citoyens de certaines municipalités qui vont devoir payer cette hausse de taxes. Non seulement ils vont devoir payer le 30 $ de plus, il y aura également 0,015 $ de taxe sur l'essence, M. le Président, pour les 15 municipalités.

C'est donc dire qu'il y aura des hausses de taxes. Bien, c'est peut-être pour... M. le Président, peut-être qu'il fallait amener ces municipalités-là... mais je trouve dommage, encore aujourd'hui, que ce soit seulement cette préoccupation qui nous occupe tous ici, en cette Chambre, qui avons été élus pour discuter, n'est-ce pas, du fond de la question, bien, qu'on soit encore obligés, M. le Président, de nous pencher sur ça.

M. le Président, malheureusement, à titre de conclusion, je dois dire que ce gouvernement est pressé souvent de gâcher les choses. Il a gâché le système de santé, M. le Président. Il a mis en place un système de places de garderie. Vous vous rappelez, le premier ministre, l'ancien premier ministre avait dit que, lui, n'utiliserait pas la tronçonneuse. M. le Président, je ne sais pas ce qu'il a utilisé, je peux vous dire que, dans les services de santé, il a utilisé plus que ça.

M. le Président, les fusions forcées, ça a été une erreur. On vit encore avec cette erreur. C'est tout ce qu'on voit, c'est tout ce qu'on discute, c'est bien dommage. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors, nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Jonquière. Mme la députée.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. le Président, lorsqu'on m'a demandé de revoir le projet de loi n° 55, force m'est de constater, à l'instar de mes collègues, que ce projet de loi s'inscrit évidemment dans le processus des fusions forcées, des fusions municipales forcées.

M. le Président, mes collègues en ont abondamment parlé, mais permettez-moi... puisque je pense que c'est la première occasion en cette Chambre qu'on puisse expliquer comment la fusion municipale forcée s'est exercée chez nous, sur le territoire de la municipalité de ville Saguenay, M. le Président.

Comment ça s'est passé chez nous? On se rappellera le contexte juridique dans lequel ça s'est passé, M. le Président. Le gouvernement, via sa Loi sur l'aménagement du territoire, via l'article 125.1, demande, M. le Président ? 125.1 ? force, M. le Président, aux municipalités de se regrouper, là, M. le Président, où il y aura deux conditions de rencontrées, à savoir évidemment l'équité fiscale et, deuxièmement, là où on pourra permettre d'offrir aux citoyens des services équivalents à des coûts moindres ou des services meilleurs à des coûts équivalents. C'était la prémisse, que la loi permettait au gouvernement de pouvoir forcer le regroupement des municipalités via sa loi sur l'aménagement sur le territoire. Chez nous, au Saguenay, il y avait des municipalités qui ont été visées par un décret que ce gouvernement a adopté. Les municipalités visées sont l'ancienne municipalité de Chicoutimi, Jonquière, Laterrière, La Baie, il y avait la municipalité de Shipshaw, M. le Président, il y avait la municipalité de Canton Tremblay et le Lac-Kénogami.

Or, la question qu'on s'est posée, que les intervenants municipaux se sont posée: Comment, dans ce contexte de fusions forcées, peut-on rencontrer l'esprit de la loi qui prévoit qu'on va devoir prévoir des regroupements municipaux forcés là où on rencontre une équité fiscale et là où on pourra offrir des services aux citoyens à des coûts moindres ou des coûts équivalents, ou des meilleurs services à des coûts équivalents, M. le Président?

Mais avant, avant que la ministre décrète la fusion forcée chez nous, M. le Président, les élus municipaux de chacun de ces territoires-là s'étaient penchés, avaient étudié la possibilité de revoir la façon de faire sur notre territoire, revoir comment on pourrait exercer une meilleure équité fiscale pour l'ensemble des contribuables. C'est ainsi qu'à ville de La Baie, par exemple, le maire, le conseil municipal de ville de La Baie, avec les municipalités de Bas-Saguenay, ont pensé quant à eux à asseoir, à prévoir une étude sur un regroupement qui les concernait, ville de La Baie et les municipalités du Bas-Saguenay. Et le projet qui était connu chez nous, c'était le projet de la Cité du fjord. Alors, dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire, M. le Président, ils demandent, ces élus municipaux, ces conseils municipaux demandent à la ministre de voir à l'application d'un projet de regroupement tel que proposé, et, dans ce cadre-là, la ministre a même décrété que les Affaires municipales devaient faire une étude pour voir à la viabilité du projet de la Cité du fjord, M. le Président.

Effectivement, M. le Président, des experts sont venus rencontrer les élus municipaux, ont fait des études, et un rapport a été déposé à la ministre des Affaires municipales en décembre 2000. Et, dans le rapport de son propre ministère, on concluait effectivement que la finalité de la loi sur l'aménagement du territoire était rencontrée, qu'effectivement le projet de la Cité du fjord rencontrait la finalité de la loi, dans le sens qu'on retrouvait une certaine équité fiscale entre les gens de... les citoyens de ville de La Baie et ceux habitant dans les municipalités du Bas-Saguenay. Et évidemment, il y avait, pour des meilleurs services, une baisse de taxes foncières importante, M. le Président, pour chacune des municipalités concernées et voire même pour les municipalités habitant la ville actuelle de ville de La Baie.

n(17 h 50)n

Le rapport a été déposé à la ministre. Je ne sais pas qu'est-ce qu'elle a fait avec le rapport, M. le Président. Le rapport est demeuré sur une tablette, et, à la grande surprise et à l'ébahissement total des élus municipaux, elle est arrivée, en février 2001, avec un décret forçant le regroupement des sept municipalités et mettant de côté le projet de la Cité du fjord. On s'est dit, M. le Président, dans la région, évidemment, compte tenu qu'une première étude concluait à la vitalité du projet de la Cité du fjord: On devrait au moins penser que de nouvelles études seraient faites pour vérifier si, effectivement, pour les citoyens de Lac-Kénogami, de Laterrière, de Shipshaw, de Canton Tremblay, de Jonquière, de ville de La Baie... pour voir si, effectivement, on rencontrait la finalité de la loi.

M. le Président, aucune discussion n'a eu lieu chez nous. Aucune discussion. Il n'y a pas eu d'échange de fait. On a eu l'application d'un décret. Or, les municipalités de Laterrière et de La Baie étaient mécontentes de la façon dont ça se faisait, et elles ont même demandé à la Cour supérieure d'intervenir. Elles ont intenté une action en nullité du décret et cela a permis ? l'audition devant la Cour supérieure ? de savoir dans quel contexte la fusion municipale sur notre territoire a été faite.

À notre grande surprise... M. le Président, ma collègue tantôt vous a parlé du rapport Bédard qui avait été commandé et qui a été mis lui aussi sur une tablette. Alors, à notre grande surprise, nous avons su que la fusion municipale forcée chez nous ne reposait sur aucune étude. Personne ne sait où est-ce qu'on s'en va avec cette fusion-là. Tout ce que les autorités du ministère sont venues nous dire, c'est qu'à quelque part ils avaient décidé que toutes les régions métropolitaines du Québec, on devait annexer ça ensemble, sans analyse, sans étude des particularités, des spécificités rencontrées dans chacune des régions.

Or, M. le Président, on a appris aussi dans cette même audition qu'avec même les simulations, simulations préparées par le ministère, on savait déjà que, chez nous, la fusion municipale avait des conséquences importantes pour les contribuables. On a appris, par exemple, que les citoyens de Lac-Kénogami, dans mon comté, subiraient minimalement une hausse de taxe foncière de 30 %. On appris ça, mais ça n'a pas défrisé la ministre, M. le Président. On a appris que, pour les citoyens de Laterrière, par exemple, il y avait une hausse de taxes minimale de 22 %. Ça, c'était minimal. Ça, c'était dans les prévisions les plus conservatrices, nous disaient-ils. Évidemment, dans le contexte, force nous est de constater que, pour une partie importante des citoyens visés par la fusion municipale, la finalité de la loi n'était pas rencontrée, parce qu'en aucun moment on n'a pu faire la preuve, le gouvernement n'a fait la démonstration qu'il y aurait des services offerts à des coûts équivalents ou encore des meilleurs services à des coûts équivalents. Cette démonstration-là non seulement n'a pas été faite, mais on a admis qu'effectivement on n'avait aucune étude pour bonifier ou sur laquelle on reposait cette décision.

Pire que cela, M. le Président, on a appris aussi qu'au niveau du ministère on ne connaissait pas la réalité géographique de notre région. M. le Président, les hauts fonctionnaires de ce gouvernement sont venus témoigner et, manifestement, par leurs réponses, on a vu qu'ils connaissaient mal notre réalité. Par exemple, lorsqu'on a traité de l'aspect d'équité fiscale, les questions étaient posées: Mais quels sont les services municipaux que les gens du secteur de La Baie ou les gens du secteur de Jonquière vont chercher ailleurs et pour lesquels ils ne paient pas? M. le Président, c'était une question qui était essentielle pour nous, puisqu'on doit reconnaître... on doit rencontrer une finalité de la loi qui est l'équité fiscale, M. le Président.

Parce qu'on se rappelle, M. le Président, que toute cette folie de fusions municipales forcées, c'était pour permettre une meilleure équité fiscale. Or, chez nous, quels étaient les services que les citoyens de la ville de Jonquière, que les citoyens de la ville de Laterrière ou encore les citoyens de la ville de La Baie recevaient et pour lesquels ils ne défrayaient aucun coût, M. le Président? Évidemment, les hauts fonctionnaires de ce gouvernement ont été incapables de répondre à cette question, ont été incapables, parce qu'ils ne connaissaient pas notre réalité. Ils ne la connaissaient tellement pas qu'ils ont même prétendu que des usines telle Abitibi-Consol, qu'on retrouve sur le territoire de Jonquière et de La Baie, se trouvait sur le territoire de Chicoutimi. On était incapable de dire pourquoi, par exemple, que le taux de taxes foncières, à Laterrière, était à 1 $ du 100 $ d'évaluation alors qu'on recevait tous les services municipaux, M. le Président. On était incapable de répondre à cette question, et c'est comme ça, chez nous, sans plus de vue, sans plus de vision, qu'on a forcé les municipalités à se regrouper, M. le Président.

On nous a assuré, cependant... Mme la ministre est venue chez nous pour nous assurer qu'effectivement il y aurait des services offerts à des coûts moindres. On nous a assuré qu'il n'y aurait pas une hausse au niveau de la taxation, M. le Président. Or, dans le projet de loi n° 55, M. le Président... Le projet de loi n° 55, qui vient corriger la loi n° 24, prévoit entre autres que l'on doit, au niveau de la Corporation intermunicipale... au niveau de la Corporation de transport intermunicipale du Saguenay, corriger le nom. On doit corriger le nom pour l'appeler maintenant la Société intermunicipale de transport du Saguenay. Savez-vous comment cela comporte de coûts pour notre corporation intermunicipale, M. le Président? Le président la CITS, chez nous, a fait publier un communiqué de presse, et on évalue les coûts de cette modification-là à 200 000 $, M. le Président.

J'aurais souhaité que le projet de loi n° 55 vienne nous dire qui va assumer ces coûts-là, M. le Président, parce qu'on se rappellera que chez nous, contrairement à ce qui se passe sur le territoire de l'île de Montréal, contrairement à ce qui se passe à Québec... Chez nous, les utilisateurs du transport en commun sont majoritairement des étudiants, des personnes qui n'ont pas d'emploi, M. le Président. 80 % des utilisateurs du transport en commun, chez nous, sont des étudiants. Est-ce qu'on doit comprendre que c'est à ces usagers qu'on va faire supporter l'augmentation de ces coûts? J'aurais souhaité sincèrement, M. le Président, trouver dans ce projet de loi quelque chose qui puisse répondre aux questions que l'on se pose.

Vous savez, M. le Président, le président de la CITS n'a pas été tendre vis-à-vis le gouvernement du Québec. Et ils ont même dû avoir recours aux avocats pour essayer de trouver une façon de se soustraire à l'application de la loi. On a fait une demande, effectivement, au ministère des institutions financières pour pouvoir utiliser l'ancien nom de la CITS, M. le Président. On est en attente d'une réponse. En attendant pèse toujours l'épée de Damoclès, une hausse de coût de 200 000 $ pour un changement de nom, M. le Président.

J'aurais souhaité aussi, M. le Président... j'aurais souhaité trouver dans le projet de loi n° 55 quelque chose qui puisse nous rassurer quant à l'amélioration du service. On se rappellera que, à cause de la fusion forcée, on a regroupé des territoires qui ne sont pas desservis par le transport en commun. On se rappellera que les citoyens de la municipalité de Lac-Kénogami, que les citoyens de la municipalité de Laterrière ne sont pas desservis par la CITS, chez nous. J'aurais pensé qu'on pourrait au moins prévoir une disposition à l'effet qu'on puisse au moins offrir ce service à toute la population de la nouvelle ville de Saguenay.

Il n'en est rien, M. le Président. Pire, M. le Président, pire: parce que les anciennes municipalités de Lac-Kénogami et de Laterrière n'ont pas de service de transport en commun chez eux, ils étaient dispensés de payer le 30 $ lors du renouvellement des immatriculations. Or, aujourd'hui, on les retrouve, ils sont assujettis à cette taxe de 30 $ parce qu'ils font partie de la ville de Saguenay, sans avoir le service.

À mon avis, M. le Président, le projet de loi n° 55 est un projet de loi, comme l'ont dit mes collègues avant moi, qui vient corriger un autre projet de loi. J'aurais sincèrement souhaité que les travaux parlementaires, c'est autre chose que de l'improvisation, M. le Président. Je vous le dis, je le répète, je le dis avec beaucoup d'humilité, dans un passé pas si lointain, je plaidais la sagesse du législateur. Puis-je vous dire que c'est une expression que je n'utiliserai plus jamais, M. le Président, si tant est qu'un jour je devrais retourner à un prétoire. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, madame. Ceci met fin à nos débats pour cet après-midi. Alors, je suspends donc nos travaux à ce soir, 20 heures.

Mme Carrier-Perreault: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, madame.

Mme Carrier-Perreault: ...je pense que c'était la dernière intervention. Alors, on pourrait procéder, s'il y a consentement, au vote et au renvoi en commission pour l'étude du...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui? Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 55, Loi modifiant la Loi sur les sociétés de transport en commun et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Jérôme-Forget: Sur division.

n(18 heures)n

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la commission
des transports et de l'environnement

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement et pour que le ministre des Transports en soit membre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Mme Carrier-Perreault: Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Donc, maintenant, je suspends nos travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonsoir à vous tous. Si vous voulez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous référerais, M. le Président, à l'article 32 du feuilleton.

Projet de loi n° 27

Prise en considération
du rapport de la commission
qui en a fait l'étude détaillée et
des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 32, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 27, Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ces amendements sont déclarés recevables.

Y a-t-il des intervenants sur ce rapport ainsi que sur les amendements? M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous cède la parole.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 27 créant le Protecteur des usagers en santé et services sociaux, c'est le résultat de 10 ans d'exercice, d'abord, de traitement des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux et, après, tout près de 10 ans d'exercice avec le Commissaire aux plaintes au niveau national, avec les commissaires régionaux, les responsables au niveau de chacune des régies régionales au deuxième niveau et, au premier niveau, les établissements qui avaient des responsabilités au niveau du traitement des plaintes. Eh bien, le projet de loi n° 27 et les amendements qui ont été adoptés en commission parlementaire vont simplifier de beaucoup le traitement des plaintes à l'égard des services en santé et services sociaux.

D'abord, il n'y aura plus trois paliers, il ne va y en avoir que deux. Les plaintes vont d'abord se traiter à un premier niveau, c'est-à-dire là où on reçoit des services, dans les établissements, tout près du lieu où on reçoit les services, et le responsable local, le commissaire aux plaintes au niveau local aura tous les pouvoirs pour trouver les solutions, également rechercher les solutions avec l'établissement et le plaignant ou la plaignante.

Deuxièmement, tout cela, lorsqu'on n'a pas satisfaction après 45 jours au niveau du traitement, eh bien, ça va se transporter tout simplement au deuxième niveau, au Protecteur des usagers en santé et services sociaux. Simplification. Et, M. le Président, nous avons adopté un amendement, je dois le dire en toute simplicité, fortement suggéré par l'opposition et, après consultation des différents établissements, nous avons convenu de limiter à 45 jours le délai de traitement d'une plainte au premier niveau et d'avoir des mécanismes incitatifs pour également traiter au deuxième niveau dans une période de 60 jours, sans que cela soit de rigueur, la plainte au deuxième niveau.

Mais ce qui est plus important, M. le Président, dans la simplification ? c'est historique, ce qui se présente en termes d'amendements ? deuxièmement, donc, toutes les plaintes dans les établissements qui concernent les actes médicaux, les actes dentaires ou les actes pharmaceutiques vont pouvoir être traitées dans l'établissement même, par entente avec le Collège des médecins, les corporations au niveau des dentistes et des pharmaciens, et non seulement on pourra traiter au premier niveau les actes médicaux, dentaires ou pharmaceutiques, mais également les comportements des médecins, dentistes et pharmaciens, par entente avec les corporations qui regroupent ces professionnels.

Ça, c'est magistral, parce qu'il y avait un très grand nombre de plaintes, M. le Président, qui, pense-t-on, après analyse, après 10 ans d'exercice, n'apparaissaient pas ou n'arrivaient pas parce que les gens trouvaient ça trop lourd de porter plainte à la corporation donnée. Et par ailleurs la corporation elle-même, Collège des médecins, ou chez les dentistes, ou chez les pharmaciens, on avait tellement un grand nombre de cas, pas en termes de quantité astronomique, mais chacun des cas obligeant le syndic à procéder à une enquête, à une vérification, on en venait rapidement à être embourbé quand il n'y avait qu'un seul niveau de traitement de ces plaintes en ce qui concerne les actes médicaux, les actes des dentistes et les actes des pharmaciens. Dorénavant, au premier niveau, par entente avec ces corporations... C'est un pas qualitatif extrêmement important, M. le Président.

Par ailleurs, en conclusion, les amendements les plus importants qui sont présentés, c'est que, à chaque fois, l'usager qui porte plainte sera nécessairement informé, nécessairement informé qu'il peut être accompagné par un organisme désigné dans sa région pour le soutenir dans la formulation et le cheminement de sa plainte au premier ou au deuxième niveau. Et le résultat, lorsqu'on arrivera au traitement de la plainte au premier niveau, à 45 jours, et au deuxième niveau, au commissaire national, au Protecteur des usagers et des usagères en santé et services sociaux, encore là, il pourra être accompagné pour cheminer sa plainte et faire en sorte qu'on puisse trouver une réponse satisfaisante. Mais les établissements, également, concernés seront toujours informés des décisions à l'un ou l'autre des niveaux, de même que la régie régionale, pour s'assurer qu'on ne soit pas uniquement en termes de traitement de plaintes, mais également en termes de qualité de services, de qualité de services à améliorer dans nos établissements de santé et services sociaux.

Après 10 ans de pratique, M. le Président ? et je conclus ? après 10 ans de pratique, après examen du fonctionnement, nous simplifions le mécanisme, nous allons le rendre plus efficace, et il va d'abord être là pour les personnes, les malades, les personnes en détresse qui reçoivent des services dans l'un ou l'autre de nos 2 039 sites ou endroits où nous livrons des services, où nous donnons des services de santé et des services sociaux sur tout le territoire québécois. M. le Président, cette réorganisation, cette simplification était attendue depuis très longtemps. Et en commission parlementaire, suite aux consultations que nous avons effectuées, tous ont été d'accord, à l'unanimité, pour dire: C'est un bon projet de loi, une bonne loi qui va être en faveur des usagers et des usagères en santé et services sociaux, mais qui, également, va faciliter la tâche en termes de traitement pour les professionnels qui sont d'abord intéressés et interpellés par les personnes à qui ils donnent des soins dans notre réseau de santé et services sociaux.

n(20 h 10)n

Voilà l'essentiel des amendements, M. le Président. Et, dès qu'on pourra adopter le projet de loi en dernière lecture, cela sera un acquis supplémentaire important pour le réseau de la santé et des services sociaux au Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons le débat sur le rapport de la commission et de ses amendements, et je cède la parole au porte-parole officiel de la santé et des services sociaux pour l'opposition officielle, et whip en chef de l'opposition, et député de Châteauguay. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Merci à mes collègues. Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir sur le projet de loi n° 27, et je vais le faire pour le bénéfice des caméras surtout. Nos collègues le savent, il nous arrive à l'occasion, assez souvent, assez régulièrement de travailler de façon constructive en commission et aussi à l'Assemblée. Mais, pour le bénéfice des caméras de télévision et donc de ceux qui sont à l'autre bout de cette caméra et qui nous regardent, qui ont parfois l'impression que les débats parlementaires sont des endroits où on se crêpe le chignon, on se chicane, et que finalement il n'y a pas d'utilité à la chose publique et à la classe politique, je voulais dire, M. le Président, que, à l'égard du projet de loi n° 27... Et j'aime le faire quand ça arrive, comme j'aime dire quand ça n'arrive pas. Moi, il me semble qu'il faut être honnête et pouvoir dire les choses comme elles se présentent.

Dans certains cas, les projets de loi sont amenés... c'est bulldozé. On n'a pas le temps de rien dire et même pas de les lire parfois avant de voter, ce qui me semble incorrect. Par ailleurs, lorsque les projets de loi sont déposés, qu'on a le temps de les lire, qu'on a le temps de faire des consultations, et qu'on a le temps de s'inspirer de ce que les gens sont venus nous dire, et de voir que, dans un climat correct, on peut, de part et d'autre, sans partager les points de vue tous dans leur ensemble, dans chacun de leurs détails, mais qu'il est possible de faire le débat et, parfois, d'avancer des amendements qui sont présentés soit par la partie ministérielle ou par l'opposition, et qu'on sent un climat de respect de part et d'autre, je pense qu'on fait oeuvre utile. Oeuvre utile pour les usagers dans ce cas-là, bien qu'on aurait pu aller plus loin. Mais ça, ça sera l'autre partie du débat, et ça, ça fait aussi partie du débat démocratique, de ne pas partager l'ensemble des points de vue, mais qu'on puisse modifier des projets de loi pour s'inspirer de ce qui nous a été dit par les gens qui ont à appliquer la loi.

Il faut toujours se rappeler que, comme législateur, on a un rôle qui doit toujours retenir qu'on fait une pièce législative. On a l'impression, des fois, qu'on se pousse après puis qu'on ne s'en occupe plus, parce que, effectivement, le bébé qu'on vient de mettre au monde, c'est quelqu'un d'autre qui va s'en occuper, quelqu'un d'autre qui va l'appliquer. Alors, c'est important qu'on puisse garder attentives les préoccupations de ceux qui vont avoir à l'appliquer, et c'est, je pense, ce qui a été fait, et je voulais souligner ce climat constructif qui nous a permis d'apporter des amendements.

Les points fondamentaux continuent de nous diviser. C'est un mot que... J'entends dire qu'on diverge d'opinions sur ce principe fondamental, notamment celui de l'indépendance de la protectrice de l'usager, puisque c'est comme ça qu'il faut l'appeler, peut-être, d'ici l'adoption. Mais il faut oublier, donc, le titre de Commissaire aux plaintes pour plutôt aller dans protecteur, protectrice. On en parlera tantôt et on parlera aussi de ce qu'en pense la protectrice du citoyen, de cette nouvelle protectrice de l'usager, cette fois, qui n'a pas ce caractère d'indépendance et qui amène donc un certain niveau de confusion.

Mais, cela étant dit, il y a des éléments qui ont été apportés, notamment, et le ministre l'a dit tantôt, il l'a souligné, puis je pense que c'est correct aussi de pouvoir faire ces choses-là, la situation telle qu'on la connaît aujourd'hui, avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi là, c'est trois étapes qu'on ramène à deux. Et, dès le départ, moi, j'avais salué cette étape qu'on enlevait pour permettre à l'usager d'avoir ? comment je dirais? ? un ensemble de mesures moins grand à franchir avant de toucher au but, hein? La plomberie était moins grande, la tuyauterie était moins grande, c'était plus facile en l'amenant à deux.

Mais, avec les paliers qu'on avait, c'était 45 jours, plus 45 jours, plus un délai indéfini au troisième palier. Le projet de loi, tel qu'il était présenté, nous amenait à 60 jours plus indéfini. Alors, on gagnait quoi? Alors, je pensais, tu sais, on gagne un palier de moins, mais ce n'était pas très clair. Et puis, en plus, la loi d'aujourd'hui dit 45 jours pour le premier palier. Pourquoi aurait-il fallu donner 60 jours, surtout dans un contexte où on veut faciliter l'accès pour le plaignant à une décision sur sa plainte? Et, après un questionnement, le ministre a fait faire des vérifications, notamment par la Commissaire aux plaintes actuelle, des vérifications qui ont amené la plupart des gens à dire: On est capables de vivre avec le 45 jours.

Pour mémoire, je me souviens que le ministre avait mentionné que l'Association des hôpitaux du Québec pouvait peut-être trouver que c'était un peu contraignant. Mais, quand on se met dans l'optique ? et je tiens à l'expliquer ici, notamment pour nos amis de l'AHQ ? lorsqu'on se met dans les souliers et dans la vision que nous entendons utiliser, qui est celle de l'usager qui a une plainte à faire, je pense qu'il faut essayer de ramener ça à un délai le plus court possible. Et, à mon avis, considérant les précédents, considérant les questions qui ont été posées à différents intervenants, le 45 jours permettait d'arriver à cette étape-là, et c'est ce qui a été adopté en commission. Et je pense qu'on va voir à l'usage si ça fonctionne. Mais donnons-nous la chance... Plutôt que, dès le départ, de nous donner plus de délais, donnons-nous la chance de nous donner un délai plus contraignant, au bénéfice des usagers, et on verra à l'usage ce que ça donnera. Il n'empêchera pas au législateur de faire des corrections si d'aventure il devait le faire.

Mais, voilà, ça, c'était un exemple où il a été possible... Je le dis pour ceux qui nous regardent. Il arrive, M. le Président, de part et d'autre, au-delà des allégeances politiques, que nous partagions des buts communs, que nous partagions non seulement des buts communs, mais qu'on s'entende sur les moyens. Cela arrive. Je tiens à le souligner parce que... Et, à chaque fois que je l'ai vécu, je tiens à le dire, parce que je pense que c'est une notion qu'on a tendance... bon, nous, on le sait, mais que nos concitoyens ont tendance à voir un peu moins cette capacité que les dirigeants politiques, peu importe le poste qu'ils occupent, réussissent à construire des pièces législatives qui sont améliorées. Elles ne le sont pas complètement. On ne peut pas demander non plus, dans le débat politique, qu'on arrive à l'unanimité. La démocratie n'a pas pour essence l'unanimité. Elle a pour essence de permettre que les points de vue soient respectés, entendus, qu'à un certain moment le gouvernement gouverne. Moi, je respecte ça tout à fait, le gouvernement est là pour gouverner, mais, avant de gouverner, il doit s'assurer de le faire avec une écoute attentive, un regard juste sur ce que les gens qui vont appliquer le projet de loi ont à dire. Et, à cet égard, je dois dire qu'il y a eu une bonne écoute.

Bon, on aurait pu souhaiter qu'il y ait une mesure plus large de rapports publics. Vous savez que la protectrice de l'usager, Commissaire aux plaintes d'aujourd'hui, aura des pouvoirs accrus, notamment en matière d'intervention, et fait un certain nombre de rapports au ministre. Je reviendrai tantôt sur l'indépendance. Et on comprend pourquoi elle le fait au ministre, c'est qu'elle n'est pas indépendante du ministre, elle n'est pas nécessairement une protectrice de l'usager. Parfois, on peut être amené à penser que c'est devenu une protectrice du gouvernement, parce qu'on demandait à ce qu'elle puisse toujours rendre publics tous les rapports, tous les avis qu'elle donne au ministre. Et, bien qu'il y ait eu un amendement qui nous ait satisfaits à l'égard d'un document ou d'un avis rendu public, on n'a pas gagné sur tous les points. Ça s'est fait dans un climat constructif, comme je le disais tantôt, mais, là-dessus, on est un peu déçu.

Et, je vous dirais, puis c'est peut-être un moyen d'entrer dans les problèmes fondamentaux du projet de loi qui expliquent pourquoi nous allons voter contre le projet de loi, bien qu'il ait été amélioré dans sa teneur originale, je voudrais citer Lise Denis, qui est actuellement la Commissaire aux plaintes mais qui serait la protectrice de l'usager s'il y avait une transition dans les postes, elle disait ceci dans Le Soleil du 12 juin, et ça va permettre de comprendre pourquoi on intervient comme ça aujourd'hui. D'ailleurs, c'est assez étonnant, pour anecdote, j'ai profité de la commission pour lui poser une petite question piège sur l'indépendance en lui demandant: Mais, vous qui êtes Commissaire aux plaintes et demain protectrice, comprenez-vous, qu'est-ce que vous en pensez, vous, de l'indépendance? Aimeriez-vous ça être plus indépendante, plus à distance du ministre? Je lui ai posé la question lorsqu'elle était à 12 po du ministre, elle était assise tout le temps de la commission à 12 po du ministre, et je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y avait là un lien de rapprochement certain. Et, bon, elle ne m'a pas tellement répondu, mais j'ai compris que, dans sa position, c'était peut-être un peu difficile de répondre, et ça mettait en lumière tout cet intérêt de l'indépendance.

n(20 h 20)n

Mais elle disait quand même ceci dans Le Soleil, donc, du 12 juin, et je cite, c'est entre guillemets: «L'indépendance ne tient...» Écoutez bien comment c'est écrit: «L'indépendance ne tient pas qu'à la question de la nomination.» Ne tient pas qu'à la question de la nomination. Ce que ça veut dire, c'est: l'indépendance, elle s'affirme notamment par la question de la nomination ? on y reviendra ? mais par d'autres moyens aussi. Donc, je reprends, entre guillemets, je vais essayer de ne pas faire d'apartés: «L'indépendance ne tient pas qu'à la question de la nomination, mais plutôt à la capacité d'exercer son pouvoir d'initiative, de proposer des recommandations et de les rendre publiques.»

Vous comprenez que j'étais un peu insistant en disant: Le projet de loi n'est pas fort, fort sur le «rendre publiques». Il y avait certains problèmes, parce qu'il n'était pas fort, fort sur la nomination non plus. Pour ce qui est du pouvoir d'initiative, ce n'était pas fort, fort non plus, parce que l'article 7 prévoit que le pouvoir d'initiative qui est prévu à l'article 19, en fait, c'est tout un chapitre qui commence là, qui s'appelle Interventions, à l'article 7, on disait ceci, et je vais préciser parce qu'il y a eu un amendement, il disait: «Il peut exceptionnellement effectuer une intervention particulière auprès de toute instance concernée dans les cas prévus à l'article 19.» Donc, une intervention, oui, certes, mais exceptionnelle.

Et, lorsque je reprenais la citation de la Commissaire aux plaintes, ça me donnait à peu près ceci: «L'indépendance ne tient pas qu'à la question de la nomination ? je fais une parenthèse: peut-être pas, mais ça aide; et elle reprend ? mais plutôt à la capacité d'exercer son pouvoir d'initiative ? parenthèse: encore faut-il que ce ne soit pas exceptionnel; je reprends dans le texte ? de proposer des recommandations ? parenthèse: très bien, mais, quand ce ne sont des recommandations que sur autorisation du ministre, est-ce que ce sont des recommandations fondamentales qui peuvent même parfois faire mal au gouvernement? peut-être pas; et elle termine ? et de les rendre publiques.» Mais oui, très bien, mais publiques à qui? Publiques au ministre? Ce n'est pas publiques au public.

Alors, vous voyez tout le coeur qui nous sépare, bien qu'il y ait eu des amendements. Notamment sur le pouvoir d'intervention, le gouvernement a proposé de retirer le caractère exceptionnel. Parfait. Je pense qu'il fallait retirer ça. Nous, on avait déjà plaidé qu'il fallait retirer cet élément-là. Il y a déjà d'autres contraintes de toute façon à l'article 19 qui font en sorte que les interventions ne restent néanmoins pas une règle générale, c'est lorsque c'est nécessaire. Puis, moi, je dis: Parfait, il faut qu'il y ait des études un peu plus systémiques qui sont faites. Mais, si je suis capable de dire qu'il y a eu des amendements, qu'il y a eu des améliorations, je suis aussi capable de dire que, sur le principe de fond, il n'y a pas eu de rapprochement possible. Et peut-être que, éventuellement, un autre gouvernement, peu importe l'étiquette, à l'usage sera justifié d'apporter des correctifs.

Avant d'aller dans la matière, je voudrais aussi mentionner qu'à l'égard des centres d'aide et d'assistance aux plaintes on aurait aimé, on aurait souhaité qu'il y ait une mesure d'obligation au financement qui soit plus stricte et plus contraignante à l'égard du gouvernement. Pourquoi? Parce que c'est lui qui les désigne, c'est le ministre qui les désigne. Or, celui qui désigne devrait être celui qui se donne l'obligation de financer ces centres-là pour que ceux-ci soient suffisamment équipés, outillés, financés pour assister et accompagner les gens dans leur processus de plainte. Bon, ça n'a pas été retenu, c'est dommage. Mais, encore une fois, peut-être qu'on pourra corriger la chose plus tard.

Arrivons donc au coeur de la différence, de la divergence qu'il y a entre la partie ministérielle et nous-mêmes. D'abord, nous avons aujourd'hui un Commissaire aux plaintes, une Commissaire aux plaintes qui devient, par la force de la loi, une protectrice des usagers. A-t-elle, au-delà du nom, des caractéristiques que l'on reconnaît normalement à quelqu'un qui se fait nommer protecteur? Je le souligne ici parce que c'est, déjà au niveau du titre, une façon de camoufler la question de l'indépendance.

La protectrice des citoyens est venue dire en commission: S'il fallait que le gouvernement maintienne son idée de nommer lui-même la protectrice des usagers plutôt que de la voir nommer par l'Assemblée nationale ? comme elle, la protectrice du citoyen est nommée ? il y aurait une confusion dans les genres qui irait même jusqu'à attaquer, discréditer l'indépendance qu'a, que possède comme attribut la protectrice du citoyen qui, elle, est nommée par l'Assemblée.

Parce que, voyez-vous, quand on dit... Et les gens connaissent de plus en plus le Protecteur du citoyen. Ils savent que c'est une institution parlementaire et non pas gouvernementale, qui est à distance du gouvernement, qui rend des comptes à l'Assemblée nationale et non pas au gouvernement. Tout de suite, c'est plus facile d'avoir les documents. Je ne veux pas soulever ici, surtout pas dans un cadre d'un discours, d'un débat où j'ai soulevé la grande collaboration, l'esprit constructif, je ne voudrais pas soulever ici toutes les difficultés qui nous arrivent parfois de rencontrer lorsque nous cherchons des documents et que, parfois, on obtient des réponses qui, bon, ne nous satisfont pas ou, parfois, c'est pire que ça, elles ne satisfont personne parce qu'elles ne satisfont même pas la vérité. Ça, c'est d'autre chose.

Mais il y avait déjà, à l'égard de cette notion d'indépendance, juste le titre qui faisait problème. Juste le qualificatif de Protecteur aux usagers fait problème parce qu'on a deux régimes différents, celui du Protecteur du citoyen qui est indépendant et le Protecteur de l'usager qui, lui, ne le sera pas du tout.

Pour vous expliquer comment ce défaut d'indépendance est problématique, laissez-moi vous dire que le projet de loi lui-même a été en grande partie réfléchi, proposé, mis en forme par la Commissaire aux plaintes antérieure à Mme Denis. Son nom, Rosette Côté. Mme Côté, avant d'être Commissaire aux plaintes, était attachée politique au «bunker», au bureau du premier ministre. Elle travaillait pour faire passer le message du gouvernement, elle travaillait pour le gouvernement. Nous avons été excessivement surpris lorsque le gouvernement a décidé de la nommer Commissaire aux plaintes. Voyez-vous, on s'est dit: Est-ce qu'elle va défendre les usagers?

Et je lui ai déjà dit... D'ailleurs, ce n'est pas une attaque contre Mme Côté; c'en est une sur la question de la perception, sur le choix de désignation des personnes qui, très près du gouvernement, se retrouvent ensuite à avoir un rôle qui doit être perçu par le plaignant comme étant un rôle d'indépendance ou de tiers qui n'est pas juge et partie et qui va se rendre jusqu'au bout de la plainte. Puis j'ai déjà dit à Mme Côté: Écoutez, la question que je vous pose en est une sur la perception. Je n'ai pas d'idée, je n'ai pas de preuve, je n'ai pas d'élément qui me permettent de penser que vous n'auriez pas à un moment donné bien fait cheminer les plaintes. La question n'est pas là; la question est au niveau de la perception, de la crédibilité de l'institution. Or, Mme Côté, Commissaire aux plaintes, était avant au «bunker» et est maintenant chef de cabinet du ministre de la Santé. Ça donne une idée de ce que c'est, l'absence d'indépendance. Il y a un problème au niveau de la perception.

Je vois qu'une de nos collègues, là, du Parti québécois qui est avec nous est un peu surprise de la chose, mais elle pourra toujours aller vérifier dans les transcripts, on en a parlé abondamment. Et je pense même qu'un des conseillers juridiques de Mme Côté à l'époque où elle était Commissaire était venu en commission parlementaire, et je lui avais posé cette question-là, et un de ses conseillers ? c'est des conseillers légaux qui étaient avec Mme Côté ? nous avait dit: Écoutez, là, avec Mme Côté elle-même, il n'y avait pas de problème, parce qu'elle a bien fait ça.

Mais je dis: Justement, je ne mets pas en doute qu'elle ait bien ou mal fait ça, je fais simplement soulever le problème qui est directement relié au gouvernement. Elle s'en vient faire le travail pour les tiers et, après ça, elle se fait réengager par le gouvernement, en fait chef du cabinet du ministre de la Santé. Pensez-vous, vous, qu'elle va nous faire des gros rapports publics pour dire que le ministre de la Santé, il a des petits problèmes? Pensez-y deux minutes, là. Bon, je vous le souligne comme ça amicalement, mais il y a un problème de la crédibilité que les citoyens peuvent accorder à une institution comme celle-là. C'est tout ça, le débat sur l'indépendance. Quand on demande... Actuellement, quand Mme Denis, qui est la Commissaire aux plaintes actuelle, dit: «L'indépendance ne tient pas qu'à la question de la nomination», non, mais ça aide en maudit, par exemple, parce que, quand ta nomination vient du ministre, quel lien...

Je vous donne un exemple parmi tant d'autres, je pourrais en prendre plusieurs. Quel est le plus grand problème dans le système de santé aujourd'hui? Accessibilité. Pourquoi il y a une difficulté d'accessibilité? Deux grands chapitres: mauvaise planification, sous-financement. Ce que ça donne dans les plaintes sur le terrain, là, le monde des vivants, qu'est-ce que ça leur donne pour eux autres? Bien, ça donne que parfois les services peuvent être un peu déficients, peut-être parce que les gens sont surchargés. Vous savez que les deux facteurs d'augmentation des coûts de croissance dans les hôpitaux, qui augmentent le plus rapidement, sont les coûts de temps supplémentaire et les prestations d'assurance salaire. Parce que, comme il reste moins de monde parce qu'on les a mis à la retraite en leur donnant des bonus en même temps qu'on fermait l'accessibilité aux soins infirmiers, à l'école en formation infirmière et en médecine, en même temps qu'on était le numéro un pour l'exode des médecins au Canada, il y a moins de monde pour faire la job, alors on demande à ceux qui restent d'en faire plus, temps supplémentaire accru, mais on leur en demande tellement, ils sont tellement à bout que là ils s'en vont sur les prestations d'assurance salaire. Alors, on a créé un monstre. Le gouvernement a créé un monstre, mauvaise planification. Ça crée, sur le terrain, des gros problèmes.

n(20 h 30)n

Quand vous en avez quatre, cinq, six, sept, 10 plaintes comme ça, vous êtes un Commissaire aux plaintes, ou appelons-le Protecteur de l'usager pour demain, qui voit ça aller, qu'est-ce qu'il fait? Il commence à gratter puis il pose des questions avant que la plainte arrive. Il n'a pas besoin d'en entendre 12 autres, plaintes. Ça fait 10 personnes qui se plaignent, et il voit les difficultés. Qu'est-ce qu'il aurait fait s'il avait été indépendant, s'il était indépendant?

Bon, j'ai devant moi, là ? ça tombe bien, il était dans mon bureau ? le rapport du Vérificateur général. Lui, il est nommé par l'Assemblée nationale, pas par le gouvernement. Qu'est-ce qu'il fait, lui? Il va voir sur le terrain, il s'enquiert d'une situation. Ça, c'est quelqu'un d'indépendant. Le Protecteur du citoyen indépendant nommé par l'Assemblée nationale, qu'est-ce qu'il fait? Il va sur le terrain, il va voir c'est quoi, les problèmes. Il vient à l'Assemblée, il fait un rapport public puis il dit dans le débat public, il dit: Bien, maintenant, parlez-en, prenez des décisions. Il n'enlève pas au gouvernement la capacité de gouverner puis de décider.

Le ministre, parfois, il dit: Non, non, c'est... Dans notre démocratie, c'est le ministre qui est responsable, c'est le ministre qui décide. Moi, je ne veux pas lui enlever ça, jamais, jamais, jamais. Je ne veux pas enlever au gouvernement, peu importe l'étiquette, la capacité de décider. Au contraire, je veux qu'il décide. Je veux qu'il décide bien. Mais, pour bien décider, il faut être bien informé. Et, pour être bien informé, il faut permettre... il faut s'outiller, il faut se donner des moyens pour que tout le monde soit bien informé. Et, quand le ministre va décider, il va décider devant tout le monde en disant: J'ai la solution a et b. J'ai choisi la b puis je vais vivre avec. Ça, ça s'appelle la reddition de comptes. Dans la noirceur, dans l'opacité, ça ne se fait pas, ça; ça se fait dans la transparence. Ça, c'est la vraie reddition de comptes.

Reprenons notre exemple. Comment se fait-il qu'un commissaire aux plaintes, protecteur de l'usager, ne nous ait pas fait un rapport sur les problèmes engendrés par la politique gouvernementale des départs massifs à la retraite? On sait qu'il y a beaucoup de plaintes qui sont reliées par ça. Comment ça se fait que ça ne s'est pas fait? Pensez-vous que ça peut avoir un lien avec le fait que cette personne-là est nommée par le gouvernement qui a lui-même pris la décision? Au minimum, ça se peut. Et, si ça se peut, il y a du monde qui le pense. Et, s'il y a du monde qui le pense, la crédibilité de cette institution-là est entachée. Or, si on veut une véritable institution qui veille à faire cheminer les plaintes des usagers, on n'a qu'un choix à faire, qu'un choix: s'assurer que cette institution ait une indépendance.

C'est ce que nous avons proposé. C'est le coeur, d'ailleurs, c'est l'élément central qui nous différencie, du côté de l'opposition officielle, de ce que pense le gouvernement, qui, lui, veut garder pour lui le contrôle sur le message. Pour le gouvernement, c'est très important que les gens ne sachent que ce que lui veut bien leur dire, aux gens. Moi, je pense que c'est... Je peux comprendre que c'est une technique de communication, mais je pense qu'elle est inutile parce que, en bout de ligne, le monde... Êtes-vous allés à l'hôpital dernièrement, là? Moi, je fais le tour un peu, c'est un petit peu ma fonction. C'est parce que ça saute aux yeux, le discours ne marche pas. Alors, tu es aussi bien de dire au monde la vérité; moi, je pense, en tout cas: Vous vivez une situation difficile, je vais vous expliquer pourquoi. Si le gouvernement ne le fait pas, il y a quelqu'un tiers, indépendant, qui va le faire. Et, après ça, on va avoir une pression agissante du public, pas juste de l'opposition mais du public en général, qui va faire une pression agissante, pas juste sur le ministre, sur le Conseil des ministres au complet. Ils vont pousser sur le Conseil du trésor, ils vont pousser sur le premier ministre, ils vont dire: Écoute bien, là, ça na pas d'allure, ce qui se passe, puis il y a quelqu'un tiers qui vient de vous le dire.

Quand le Vérificateur fait son rapport, là, il parle d'un secteur. Il parle de la santé, entre autres. On aura l'occasion plus tard d'en parler, dans les jours qui viennent. Mais là c'est public, ça. Là, ils en parlent dans les journaux, le monde commence à poser des questions. Le ministre, il n'est plus tout seul dans le bain; tous ses collègues sont là. Et, nous, c'est ce qu'on veut. On veut que le ministre de la Santé ne soit pas le seul qui s'intéresse à la santé. Je veux que le ministre de l'Éducation s'intéresse à la santé. C'est important qu'il s'intéresse à la santé.

Vous savez pourquoi ils ont refusé pendant deux ans d'augmenter le nombre de candidatures en médecine, notamment? Plus d'admissions? Parce que la table des effectifs le disait. Bien, le petit problème, d'abord, pendant deux ans, ils ne voulaient pas parce que, eux autres, tout ce qu'ils voulaient, c'est qu'on ait moins de personnes qui donnent des soins et, comme ça, ils vont économiser de l'argent. Regarde les beaux résultats, après ça, que ça donne. Les gens sont de plus en plus malades et ont encore besoin de plus en plus de soins. Ça fait que ça n'a pas marché, leur technique.

Là, après ça, tu dis: Pendant plusieurs années, vous avez refusé de les augmenter, d'augmenter le nombre d'admissions, c'est le temps de se rattraper. Bien, on ne peut pas parce que les universités n'ont pas assez d'argent pour pouvoir former ces jeunes-là. Ça fait qu'on a un nombre limite. Alors, en se refusant pendant quelques années de former le nombre de candidats en médecine que nous aurions dû avoir si on se fiait à une table indépendante, qui est la table des effectifs médicaux, qui réunit, là, les fédérations de médecins, les universités, un peu tout le monde qui connaît, qui vit dans le dossier, qui vit dans le secteur, bien, puisqu'ils ne l'ont pas fait, aujourd'hui on ne peut pas le rattraper parce qu'il n'y a pas de sous pour pouvoir fournir les éléments, les ressources à former ces gens-là.

Moi, j'ai besoin d'un ministre de l'Éducation, en santé, qui, lorsque la décision vient de ne pas augmenter le nombre d'admissions, se lève debout puis dit: Aïe! excusez, là, mais la santé, ça va nous tomber dans la face toute la gang. Quand quelqu'un d'indépendant va nous faire un rapport, tout le monde va... J'ai besoin de lui. Moi, je n'ai pas besoin que le Conseil du trésor mette le ministre de la Santé en tutelle quand il y a une table des négociations. Ils ne s'intéressent pas pantoute à comment se vit sur le terrain la distribution, l'allocation des ressources humaines d'un secteur à l'autre. Eux autres, ils veulent un deal avec les syndicats. Puis ils ne pensent pas à ce qui va se passer dans les années après, les trois, quatre prochaines années, avec le ministre de la Santé, qui va être tout seul.

Il faut l'outiller, il faut l'équiper. C'est 40 % du budget. Moi, je dis que les 60 % du budget qui vont ailleurs qu'à la santé doivent être investis en tenant compte du 40 % dans la santé. Ce n'est pas trop compliqué, ça, à comprendre ça. Mais, une fois qu'on a dit ça, il faut que la machine gouvernementale réussisse à se donner des outils pour qu'il y ait une pression. Le ministre de la Santé doit devenir un capitaine santé d'un gouvernement tout entier dévoué à la santé. Bien sûr qu'il y aura d'autres considérations, bien sûr qu'il n'y a pas juste la santé. Il y a les transports, il y a l'éducation, la sécurité publique, il y a tout ça. Mais il faut que chacun comprenne qu'il a un rôle. En habitation, à cause des questions de salubrité de logement et de logement tout court, ça concerne la santé. Les routes concernent la santé. Les mesures de lutte à la pauvreté concernent la santé. Tout ça intervient là-dedans. Et, nous, on a besoin d'avoir des personnes qui ne vont pas juste être des gens qui vont faire un rapport à un ministre qui va décider lui-même s'il le rend public ou pas.

Parce que vous savez comment ça fonctionne, hein? Un ministre comme ça, qu'on connaît comme il est, lui et les autres qui l'ont précédé, il va rendre public ce qui fait son affaire, puis ce qui ne fait pas son affaire, on ne le verra pas. Je ne veux pas revenir là-dessus, là. Je vais y revenir deux secondes parce que c'est quand même dans les débats aujourd'hui, il y a même un éditorial là-dessus dans Le Soleil d'aujourd'hui. Aïe! On a demandé un document sur comment ils allaient offrir des services en langue anglaise dans le domaine de la santé, parce qu'il y avait une commission là-dessus. Puis on s'est fait répondre: Bien, il n'en a pas, de document. Puis on a vu le document par la suite, c'était assez gros, c'était ça d'épais, 68 pages. Ils ne voulaient pas nous le dire. Imaginez, ils ne voulaient pas nous dire qu'ils ont les documents!

Pensez-vous qu'on a besoin de quelqu'un qui est nommé par le gouvernement pour faire rapport aux plaintes puis faire des rapports au ministre lui-même qui va décider s'il les rend publics? Même, si aujourd'hui, dans le contexte actuel d'application de la Loi d'accès, même si on fait des demandes d'accès, ils invoquent le droit de mentir, ils invoquent le droit de ne pas nous dire qu'un document existe quand ils savent qu'il existe, sous prétexte qu'on aurait un droit d'appel. Avec le droit d'appel, on a-t-u le droit d'aller fouiller dans tous les classeurs, nous autres, là? On a-t-u la clé de tous les bureaux? C'est irréel!

Le système doit être basé sur une confiance. Il faut que le responsable de l'accès, il soit crédible, qu'on ait confiance. Or, on a perdu cette confiance-là. Et, dans ce débat-là, aujourd'hui, on veut nous dire: Bien, la protectrice de l'usager, on va lui faire confiance. Moi, je n'ai rien contre ça, je voudrais lui faire confiance. J'ai un problème: si elle est nommée par le gouvernement, j'ai peur qu'elle s'occupe plus de défendre le gouvernement que de défendre l'usager. Donc, je disais tantôt que nous avons eu des échanges fructueux, mais on ne s'entend pas sur l'ensemble.

n(20 h 40)n

Je termine, parce que vous me dites qu'il reste deux minutes, M. le Président. On aura l'occasion d'y revenir, il y aura d'autres débats puis il y aura surtout une campagne électorale qui va venir bientôt. Le protecteur de l'usager, soit-il indépendant, soit-il nommé par le gouvernement, a-t-il un étalon de mesure, a-t-il un élément d'évaluation? Non. De notre côté, nous avons déjà décidé que nous doterions le Québec d'une charte des droits du patient. Voilà un outil qui permet à cette personne tiers ? que nous souhaitons tiers, en tout cas ? de pouvoir juger des plaintes et juger de ce qu'on fait avec les plaintes et de rendre ça public pour tout le monde à partir d'indicateurs engageants, d'indicateurs cibles, d'engagements cibles pris par le gouvernement pour qu'on puisse savoir périodiquement il en est rendu où.

On entend beaucoup parler de performance, on entend beaucoup parler des nouvelles politiques qui consistent à se donner une nouvelle pression basée sur une reddition de comptes constante. Le malheur, c'est qu'au Québec on ne les applique pas; on en parle, mais on ne les applique pas. Le temps est venu, M. le Président, que le Québec se dote d'outils modernes pour créer une pression agissante sur le gouvernement lui-même, qu'il se donne des contraintes le forçant à agir. Si nous ne pouvons pas avoir la pression du privé dans un régime public, inventons une nouvelle pression pour que, au moins, notre système public soit le plus efficace, le plus efficient possible. Et on peut se la donner. Nous avons des outils. Nous parlons de tiers, nous parlons d'indicateurs dans une charte, nous parlons de personnes indépendantes. C'est avec ces outils et avec d'autres, M. le Président, qu'on va être capable de remettre la santé sur ses deux pieds de fierté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Châteauguay.

Alors, nous poursuivons le débat sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 27. Je vais reconnaître le prochain intervenant. Il est porte-parole de l'opposition en matière de services sociaux et il est également vice-président de la commission des finances publiques. M. le député de Nelligan, la parole est à vous.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci pour l'intervention de mon collègue le député de Châteauguay, le porte-parole de la santé, sur la prise en considération du projet de loi n° 27, Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. J'espère que le côté ministériel va embarquer dans le débat aussi, mais, jusqu'à date, même le ministre n'a pas pris beaucoup de temps sur la question.

J'ai demandé quelques minutes aujourd'hui, M. le Président, pour peut-être juste rappeler au ministre... Parce que, lui, il cite le système de plaintes assez souvent, même pendant la dernière semaine, à cause du document que mon collègue le député de Châteauguay a mentionné, le document qui n'existe pas, compte tenu de la réponse du gouvernement, le document de 68 pages qui n'existe pas ? qui existe, mais, avec la réponse que nous avons entendue par le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui n'existe pas. Le ministre a souvent dit qu'il n'y a pas beaucoup de plaintes, il n'y a pas beaucoup de plaintes pour les services pour la communauté d'expression anglaise. Il a dit ça souvent. Même, je pense, vous allez peut-être lire ça demain matin dans le journal.

Mais, M. le Président, par définition, nous sommes ici, on essaie d'améliorer le système de plaintes. Le ministre, lui-même a dit que nous avons besoin de changer le système de plaintes parce que ce n'est pas assez efficace. Il y a un problème partout dans le réseau, et le ministre a déjà mentionné ça. Il y a quelques pas dans la bonne direction dans ce projet de loi: les étapes, les questions de délai. Avec les amendements que mon collègue le député de Châteauguay a proposés et les choses qui ont été acceptées par le ministre, il y a quelques pas dans la bonne direction.

Mais la question... Je ne voudrais pas prendre trop de temps sur la question, ce soir, sur la question des services de santé et des services sociaux pour la communauté d'expression anglaise, mais le ministre souvent dit qu'il n'y a pas de plaintes. Maintenant, il n'y a pas de plaintes parce que la population n'a pas confiance dans le système. M. le Président, si on peut trouver un système qui va rendre le système plus efficace, plus transparent, un véritable système de plaintes, je pense qu'on peut améliorer la qualité des services pour tous les Québécois et Québécoises.

M. le Président, on change le Commissaire aux plaintes actuel et on crée un protecteur des usagers, une protectrice des usagers. M. le Président, j'ai beaucoup de misère à croire que le gouvernement est très sérieux. J'espère qu'ils sont sérieux. Et nous allons suivre l'implantation de cette nouvelle structure. Mais, avec le comportement que j'ai vu par le gouvernement jusqu'à maintenant, je ne suis pas convaincu qu'il est sérieux sur la question de l'indépendance. Si on veut vraiment créer un système de plaintes qui est un véritable système de plaintes, on doit avoir une distance entre le gouvernement, le ministre et le Commissaire, ou le Protecteur, ou protectrice. Mais la chose qu'on trouve dans le projet de loi n° 27, c'est une ligne directe parce que c'est le ministre qui nomme le Protecteur ou protectrice des usagers, et, M. le Président, c'est prendre un contrôle absolu dans ça.

Et laisse-moi juste expliquer combien de fois j'ai vu ça récemment par le gouvernement du Parti québécois. N'oubliez pas, M. le Président, la loi n° 107, la loi antiservices, qui prend en charge le budget de chaque établissement. N'oubliez pas, M. le Président, le projet de loi n° 28. Et le gouvernement a essayé de prendre tout le contrôle de tous nos établissements de santé et services sociaux. Nous avons protégé les établissements, mais, malheureusement, le gouvernement a gagné une bataille, pour le moment, sur nos régies régionales parce qu'il va prendre le contrôle des régies régionales. Ils vont de plus en plus, maintenant, M. le Président, prendre le contrôle des directeurs généraux. Ça fait que directeurs généraux, conseils d'administration, régies régionales... Le dossier que j'ai juste discuté pour le comité d'expression anglaise, le comité provincial a tout démissionné ensemble parce que le gouvernement a essayé de prendre le contrôle à 100 %. Ils ont bâillonné ce comité. Ils ne donnent pas le droit de faire les avis, ou donner les conseils, ou rendre les décisions publiques. Voilà le problème que je peux voir dans le nouveau modèle de protecteur de l'usager. J'espère que ça n'arrivera pas.

Mais, M. le Président, il me semble que, si on veut avoir un protecteur des usagers qui est efficace, on doit donner l'indépendance, soit comme le Vérificateur général ou le Protecteur du citoyen. J'ai moi-même, M. le Président, parce que je suis porte-parole des services sociaux et aussi de l'Office des personnes handicapées du Québec, j'ai demandé que le gouvernement... ce n'est pas le même dossier, mais que le gouvernement donne plus de pouvoirs à une instance qui va suivre et va jouer le rôle comme protecteur pour les personnes handicapées, qui peut avoir des dents pour pousser le gouvernement dans tous les dossiers pour répondre à leurs besoins. C'est ça, je pense, on peut... nous avons besoin d'avoir avant d'avoir un système qui va vraiment être transparent, un véritable système des plaintes. M. le Président, je voudrais que le Protecteur ou protectrice des usagers peut avoir le droit de faire sa propre recherche, ses propres études et rendre ses avis et les décisions en public, pas juste au ministre mais en public.

Nous avons, le ministre et moi, passé un vendredi ici sur les ambulances, les services préhospitaliers d'urgence. Je sais que le ministre de l'Éducation n'aime pas passer les vendredis ici, mais, nous et le ministre de la Santé et des Services sociaux, nous avons passé quelques vendredis avec les interpellations. Et, M. le Président, il me semble que ça va être tout à fait logique qu'un protecteur des usagers peut avoir le droit de faire une vérification sur les plaintes pour les services préhospitaliers d'urgence. Et ce n'est pas nécessairement les techniciens qui ont mal fait le travail, ce n'est pas les corporations, même pas Urgences-santé nécessairement. Est-ce qu'on peut croire... on peut oser avoir un protecteur qui peut faire une évaluation que, à cause des coupures, à cause du manque d'intérêt, pour six ans que le gouvernement n'a jamais donné aucun intérêt sur les services préhospitaliers d'urgence, voilà pourquoi nous avons un problème? Est-ce qu'on peut avoir un rapport qui dit: Le fait qu'ils n'ont pas donné assez d'admissions pour nos cégeps pour la formation de nos techniciens... Est-ce qu'on peut avoir quelqu'un qui va dire ça, M. le Président? Les listes d'attente pour les services sociaux dans nos centres jeunesse pour la protection de la jeunesse, M. le Président, est-ce qu'on peut avoir un système qui va dire: Oui, il y a des problèmes? On peut avoir des problèmes de cas spécifiques, mais il y a un problème dans le système parce que le gouvernement a fait un sous-financement, ils ont coupé les services sociaux dans nos centres jeunesse.

Mais, M. le Président, jusqu'à date, je n'ai pas vu ça. J'ai vu que le ministre a écouté quelques idées de mon collègue, mais, malheureusement, il n'a pas pris les suggestions de mon collègue d'une façon assez concrète, parce que je pense que nous avons besoin d'un protecteur indépendant. M. le Président, je pense que nous avons besoin d'un protecteur indépendant qui a le pouvoir d'agir. Et c'est ça que j'espère qu'on peut avoir dans le futur. C'est pourquoi, M. le Président, notre parti a demandé et même suggéré une charte des droits et responsabilités des patients. On peut avoir un système qui est clair, qui est bien défini, qui a une reddition de comptes, des barèmes et on peut faire une bonne évaluation.

Briefly, Mr. Speaker, my concerns about Bill 27 is that there's not enough independence and there's not enough power for a patient protector ? le Protecteur des usagers ? to protect the patients and not just protect the Government. And what I am worried about here is the changes haven't been substantial enough to give real independence to this new body. And, when I see what the Government has done over the last few years in terms of trying to take control over our regional health boards, our institutions, our provincial committees, our directors general, when the Government has mercilessly cut in health and social services, I believe we need an independent body that is capable of making a proper evaluation, following up on the complaints. And I think there are some good ideas in terms of the individual complaints. But I think what we need, Mr. Speaker, is something that is more independent, able to move, able to intervene in a real and effective way, not just accept, «finalement». I think this is what we need and this is what we've been asking for.

n(20 h 50)n

M. le Président, en terminant, il y aura encore une autre étape, j'espère que le gouvernement va tenir compte de nos suggestions. Et, comme j'ai déjà mentionné, si le gouvernement ne peut pas aller jusqu'où la population veut, je pense, une fois que le gouvernement change, on doit mettre plus un système en place qui va garantir l'indépendance pour le Protecteur des usagers, transparence. Et, avec ça, je pense qu'on peut avoir un système qui va être très efficace, qui va protéger les usagers et pas juste protéger le gouvernement. Merci beaucoup, M. le Président.

Mise aux voix des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Nelligan. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Les amendements proposés par M. le ministre de la Santé et des Services sociaux sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.

Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi n° 27, Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, maintenant, passons à l'article 39, M. le Président.

Projet de loi n° 59

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude
détaillée et des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 39, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 59, Loi reportant la date de la prochaine élection scolaire générale et modifiant la Loi sur les élections scolaires, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre de l'Éducation. Ces amendements sont déclarés recevables.

Est-ce qu'il y a des interventions sur ce rapport? M. le ministre de l'Éducation, je vous cède la parole.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 59 a pour but d'apporter quelques améliorations qui sont importantes à l'actuelle Loi sur les élections scolaires. On sait que c'est un premier projet de loi qu'il est important de faire adopter dès cette session. Il y aura un deuxième projet de loi plus complet qui viendra, entre autres, mieux encadrer les dépenses électorales et revoir un peu le processus, là, pour mieux s'harmoniser avec ce qui se fait dans le monde municipal.

Pour l'instant, M. le Président, ce projet de loi est assez simple. Il se résume d'abord à reporter d'un an la tenue des élections scolaires, qui sont prévues pour novembre 2002. Et la raison principale, c'est qu'on veut permettre aux commissions scolaires du Québec de procéder à la division de leur territoire en circonscriptions électorales qui soient mieux équilibrées en termes de représentativité des électeurs. On le sait, M. le Président, en ce moment, dans la loi actuelle, les commissions scolaires ne sont pas tenues de consulter leurs électeurs et n'ont pas de critères, non plus, pour définir les circonscriptions électorales. Donc, je pense que c'est important qu'on corrige cette lacune.

M. le Président, pour procéder à un redécoupage et consulter la population avec avis et tout ce qu'il faut, on calcule qu'il faut compter environ 18 mois. Donc, si vous faites le calcul rapide, si les élections avaient lieu tel que prévu, donc en novembre 2002, bien, on n'aurait pas le temps, même si on commençait aujourd'hui, de mettre en branle tout ce processus. Donc, c'est la raison pour laquelle, entre autres, on demande ce report. Ça nous permettra aussi ? et c'est une demande qui a été faite par la Fédération des commissions scolaires du Québec ? d'alterner les élections municipales avec les élections scolaires. Donc, on le sait, on a eu, cette année, donc en 2001, des élections municipales. Donc, les prochaines élections municipales auront lieu en 2005, ensuite en 2009. Donc, en reportant les élections scolaires qui devaient avoir lieu en 2002, en les reportant en 2003, ça veut dire qu'on aurait une alternance. Donc, on aurait des élections scolaires en 2003 et ensuite en 2007, donc alternance avec les élections municipales permettant ? et c'est une demande importante de la Fédération des commissions scolaires ? de laisser la chance aux électeurs de mieux comprendre les enjeux, de ne pas mélanger les enjeux entre le niveau municipal et le niveau scolaire.

Et, ce qui est important aussi, M. le Président, je pense que, dans un régime démocratique, on doit s'assurer que tous les élus aient le même poids dans les décisions. Donc, c'est important que les élus représentent un nombre comparable d'électeurs. Et, donc, ce projet de loi vient corriger les inégalités qu'on retrouve actuellement dans les différents territoires des circonscriptions électorales.

Ce projet de loi, aussi, M. le Président, vient répondre à des attentes. On se rappellera qu'en 1998 le Directeur général des élections avait fait des recommandations, qui sont essentiellement reprises dans ce projet de loi. C'est un projet de loi qui fait consensus, projet de loi qui est appuyé par autant la Fédération des commissions scolaires, du côté francophone, que l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec.

Donc, si le projet de loi est adopté, on aura à tous les quatre ans, comme c'est le cas actuellement mais à compter maintenant de novembre 2003, des élections scolaires. Ça nous amène, M. le Président, à prolonger le amène, M. le Président, à prolonger le mandat des 1 305 commissaires qui sont présents actuellement. On le sait, on a eu des débats en commission parlementaire, là, à savoir: Est-ce qu'on devrait avoir quand même une élection en 2002 et ensuite une autre en 2003? On pense que, compte tenu de tous les coûts qui sont impliqués, ce serait préférable d'attendre une année, donc de procéder aux élections scolaires en 2003. Donc, c'est essentiellement ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 59. Donc, je pense que c'est un projet de loi qui devrait être approuvé rapidement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de l'Éducation. Nous poursuivons le débat sur le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 59, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'éducation. M. le député de Vaudreuil, la parole est à vous.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Alors, je veux intervenir à ce stade-ci du rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 59, projet de loi qui modifie la Loi sur les élections scolaires et qui reporte la date de la prochaine élection scolaire générale. M. le Président, l'automne dernier, le ministre avait présenté le projet de loi n° 146, qui touchait à la confection des listes électorales pour fins scolaires et qui demandait notamment aux commissions scolaires de fournir à des dates précises des renseignements au Directeur général des élections pour que ce dernier puisse préparer de façon plus rigoureuse et plus exacte la liste électorale scolaire, et ce qui avait été approuvé d'ailleurs.

Alors, aujourd'hui, de ce que nous avons étudié, le projet de loi n° 59 a deux objets: d'une part, reporter la date de l'élection scolaire générale, la prochaine élection scolaire générale; et, deuxièmement, d'établir un nouveau processus pour délimiter les circonscriptions électorales au sein des commissions scolaires. Je voudrais faire des commentaires sur ces deux volets, M. le Président, également parler du souci que nous avons d'augmenter le taux de participation aux élections scolaires et, enfin, dire un mot des modifications et du travail qui s'est fait en commission parlementaire de l'éducation, au cours de deux, trois séances.

Alors, pour ce qui est du report de la date de l'élection scolaire générale, je voudrais simplement faire quelques commentaires. Et, je pense que ce serait important, M. le Président, de le rappeler, d'abord, la dernière élection scolaire générale a eu lieu en juin 1998. Et on se rappellera qu'en 1997 il y avait eu une fusion des commissions scolaires, d'une part, et également une redivision des commissions scolaires sur base linguistique. Et, pour ces raisons, donc, il avait été convenu et décidé de tenir les élections en juin 1998, et ce qui était dans le sens, plutôt qu'en novembre 1998, compte tenu des changements importants qui avaient été approuvés par l'Assemblée nationale.

Donc, la prochaine élection scolaire générale, selon la Loi sur les élections scolaires, devait se tenir en novembre 2002. Et novembre 2002, déjà, ça fait un mandat de quatre ans et demi pour les commissaires qui ont été élus en juin 1998. En reportant cette élection d'une autre année, c'est-à-dire jusqu'en novembre 2003, ça signifie que le mandat des commissaires en place sera extensionné, donc, d'une autre année, et ça va faire un mandat total de cinq ans et demi, M. le Président, alors que le mandat normal est de quatre ans.

n(21 heures)n

Je comprends que le ministre nous mentionne que le report de la date de l'élection scolaire générale a été demandée par la Fédération des commissions scolaires. D'ailleurs, on n'a pas vu de lettre, en tout cas à ce moment-ci encore, de la Fédération des commissions scolaires qui nous a été produite ou déposée par le ministre si cette demande-là a été faite par écrit, mais vous comprenez que ça fait un mandat qui est assez long et qui excède d'ailleurs le mandat maximal des membres de l'Assemblée nationale ici, au niveau provincial. Et il nous aurait apparu normal, en tous les cas, que l'élection puisse se tenir, le plus possible en 2002.

Et si le ministre, comme il m'avait indiqué l'automne dernier, avait déposé rapidement son projet de loi au printemps ? au printemps dernier, c'est-à-dire printemps 2001 ? eh bien, les délais nous indiquent que l'élection scolaire générale aurait pu être tenue en 2002. Le ministre nous indique qu'il y aurait eu des élections municipales en même temps. Vous savez, M. le Président, que les élections municipales, dans la plupart des grandes municipalités du Québec, ont été tenues cette année. Donc, l'an prochain, oui, c'est vrai qu'il y a des élections municipales dans certaines municipalités, mais vous savez, dans le passé, les élections scolaires arrivaient ou coïncidaient en même temps que des élections municipales, également. Alors, je pense que, ça, ce n'est pas un argument pour ne pas tenir et reporter en 2003. D'autant plus que, dorénavant, les élections municipales se tiendront, et même pour les municipalités qui auront des élections en 2002, à date fixe à compter de 2005, et après ça, à tous les quatre ans, pour toutes les municipalités.

Alors, il nous aurait apparu fort souhaitable que le ministre dépose son projet de loi le printemps dernier et qu'on puisse tenir tel que prévu, avec un mandat maximal de quatre ans et demi, l'élection scolaire générale en novembre 2002. Sur le plan démocratique, il apparaît que c'est un aspect qui est important, et la démocratie aurait été mieux servie dans ce sens-là. Parce que vous savez, il y a souvent des changements; surtout dans les milieux, les territoires en développement, il y a beaucoup de résidents nouveaux qui arrivent, il y en a qui déménagent, et la représentativité aurait certainement été mieux assurée dans ce cas-là.

M. le Président, le deuxième volet du projet de loi établit un nouveau processus pour délimiter les circonscriptions électorales des territoires de commissions scolaires. D'abord, les circonscriptions vont être délimitées sur la base du nombre d'électeurs plutôt que sur le nombre d'élèves inscrits, tel que c'était le cas jusqu'à maintenant. Et c'est un changement qui était demandé et qui est certainement souhaitable.

On augmente également le nombre maximal de commissaires sur le territoire d'une commission scolaire, et le nombre maximal présentement, c'est de 21 commissaires. Dorénavant ? et je pense que ça va affecter à peu près 16 commissions scolaires ? le nombre maximal pourra être de 27, ce avec quoi nous sommes d'accord, si ça peut permettre d'assurer une meilleure représentativité.

On établit également des critères pour délimiter les circonscriptions électorales, critères qui sont analogues à ceux qu'on retrouve dans la Loi électorale provinciale ou encore dans la loi électorale municipale, un processus de consultation qui est également à peu près le même que celui qu'on retrouve dans la loi électorale municipale. La Commission de représentation aura un rôle à jouer, dans le cadre de cette consultation, du suivi et de la surveillance du processus par les commissions scolaires. Et, si une commission scolaire ne détermine pas ou n'adopte pas la résolution requise à temps pour délimiter ses circonscriptions électorales, la Commission de la représentation pourra le faire en lieu et place de la commission scolaire. Alors, c'est un processus qui est long, en fait, qui est assez détaillé, qui est assez formaliste mais que l'on retrouve dans les autres lois électorales.

Par ailleurs, M. le Président, et avant d'aborder le travail qui s'est fait en commission parlementaire de l'éducation lors de l'étude article par article, il y a une question plus fondamentale que nous devons nous poser, que nous avons déjà posée l'automne dernier au mois de décembre quand le ministre avait présenté le projet de loi n° 46. Et cette question est la suivante: Est-ce que le projet de loi que nous avons, le projet de loi n° 59, comme d'ailleurs le projet de loi n° 146 et surtout ce dernier, est de nature à augmenter le taux de participation des électeurs à une élection scolaire générale? Ça, je pense que c'est extrêmement important, M. le Président, si on croit à la démocratie scolaire et si on souhaite, ce que je souhaite d'ailleurs, que les commissaires aient une légitimité que personne d'autre ne va remettre en question.

On se rappellera qu'en 1998 le taux de participation a été relativement faible, à peu près une moyenne de 15 % à travers la province, avec beaucoup d'inégalités. Dans les commissions scolaires anglophones ? et c'était la première fois, donc, que les commissions scolaires anglophones existaient sur base linguistique ? un taux de participation élevé a été réalisé. Dans certaines, ça a été jusqu'à 50 %. Dans d'autres commissions scolaires, francophones évidemment, ça a été moins et, dans certains cas, de 6 à 7 %, avec un taux, je pense, encore plus faible en milieu urbain par rapport à ce qui se passait en milieu rural, de sorte qu'à ce moment-là il y a même, vous savez, des observateurs qui ont remis en question la légitimité démocratique des commissions scolaires, ce avec quoi je suis en complet désaccord. Mais il reste que ça vous démontre l'importance d'assurer une participation plus importante des électeurs.

Et il y a certains moyens, des avenues qui ont été esquissées dans le passé, dont nous avions parlé l'année dernière d'ailleurs, que nous avons répétés cette année, de favoriser, en tous les cas, une participation plus importante en termes de pourcentage des électeurs aux fins d'une élection scolaire générale. Une de ces hypothèses et, évidemment, qui a été, semble-t-il, analysée, là, entre autres par le Directeur général des élections, et j'y reviendrai, était de tenir une élection scolaire générale en même temps que des élections municipales. Vous savez que c'est un processus, en fait une situation qui existe dans d'autres provinces, notamment en Ontario, et, en 1998, la ministre de l'époque avait indiqué que c'est une solution qu'elle était, en tout cas, en voie de vouloir examiner, qui lui paraissait, en tout cas, mériter une analyse.

Depuis, le Directeur général des élections ? et pas récemment, M. le Président, là, en mars 2000 ? a produit un rapport sur... Impact de scénarios d'organisation des élections scolaires et municipales, et le Directeur général des élections, pour des motifs qu'il invoque, indique qu'il lui apparaîtrait compliqué de tenir des élections scolaires générales en même temps que les élections municipales et a fortiori si les élections municipales, maintenant, sont tenues en même temps, à même date dans toutes les municipalités du Québec. Il y a cependant des questions que nous aurions aimé poser au Directeur général des élections, mais c'est sa conclusion, et on ne voudrait pas évidemment le remettre en cause, bien qu'on se demande pourquoi ça peut fonctionner ailleurs et que ça ne pourrait pas fonctionner ici.

Une autre avenue qui a été esquissée pour faciliter l'exercice du droit de vote par les électeurs est celle du vote par courrier. Ça peut peut-être paraître à prime abord, M. le Président, inédit, mais ça existe et ce n'est pas inédit. Il y a, par exemple, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, présentement, et la Loi sur les élections scolaires... Si un électeur qui n'a pas d'enfant inscrit dans une commission scolaire francophone... il peut, par courrier, envoyer un avis pour indiquer qu'il veut être inscrit comme électeur sur le territoire de la commission scolaire anglophone. Donc, ça existe déjà dans la Loi sur les élections scolaires.

Deuxièmement, M. le Président, ce vote par courrier, il existe aussi, et vous le savez, dans la loi provinciale pour les électeurs hors Québec. Vous avez des électeurs hors Québec, et sans doute que ça vous est arrivé dans le passé, M. le Président, lorsque les élections ont lieu surtout à l'automne, eh bien le vote des électeurs hors Québec peut se faire par la poste, avec des mécanismes appropriés d'identification et de contrôle. Le vote par courrier existe également en Ontario, notamment dans plusieurs municipalités, et au cours de l'année 2000, The 2000 Municipal Election Results, bien, il y a eu vote par courrier dans plusieurs municipalités de l'Ontario.

n(21 h 10)n

Ici, au Québec récemment, il y a eu un projet-pilote dans une municipalité de vote par courrier, c'est à Saint-Antoine-de-Tilly. Ça a été la première à voter par la poste, et ça existe également dans la Loi électorale fédérale. Ça nous apparaît, M. le Président, une avenue à explorer. Comme ça existe, bien, il y a des moyens de contrôle, des moyens d'identification qui permettent d'exercer un suivi rigoureux, de la part des électeurs qui exercent leur droit de vote par courrier.

Puis on peut peut-être penser également au vote électronique, bien que, celui-là, c'est davantage de la prospective, mais on peut certainement imaginer qu'il y aurait... qu'on pourrait le faire avec également des moyens de sécurité appropriés, parce qu'aujourd'hui vous avez les banques d'accès... L'accès à des banques d'informations de données comporte des exigences très précises sur le plan de la sécurité, et on pourrait sans doute faire la même chose. Alors, sans aller là pour le moment, je pense que le vote par courrier a déjà été expérimenté et pourrait certainement, en tout cas, être considéré pour les fins... pour le vote à une élection scolaire générale.

M. le Président, pour nous, en tout cas pour moi, l'augmentation de la participation du nombre d'électeurs, c'est certainement un signal de renforcement de la démocratie sur le plan des commissions scolaires, et ça permet également de mieux légitimiser ces institutions fort importantes que sont les commissions scolaires, les commissaires qui jouent un rôle majeur dans l'administration et toute la gestion de notre système d'éducation au Québec.

M. le Président, quelques mots maintenant sur les discussions que nous avons eues en commission parlementaire, lors de l'étude article par article. Je pense que ça a été également un exemple de bonne collaboration des deux côtés où on a cherché à améliorer certains aspects des articles en question. Par exemple, pour être capables de nous assurer que les électeurs pouvaient être vraiment consultés dans le cadre de tout le processus... Vous savez, c'est un processus où la commission scolaire adopte un projet de division en circonscriptions électorales, émet ensuite un avis; les électeurs peuvent s'inscrire et demander d'être entendus, lors d'une audience publique, par la commission scolaire. Une fois cette assemblée publique tenue, si des électeurs veulent encore faire valoir leur point de vue, ils peuvent marquer leur opposition et, à ce moment-là, il y a une audience de la Commission de la représentation.

Donc, dans le projet de loi, compte tenu de tout cet échéancier, on arrivait à un moment où la commission scolaire adoptait par résolution le projet de division par circonscriptions et, à ce moment-là, à peu près vers le début décembre ? le 10, 12 décembre ? devait publier un avis, et les citoyens pouvaient, en prenant connaissance de cet avis, faire une opposition à la Commission de la représentation. Je pense que la période des fêtes se prête peu, M. le Président, pour les citoyens à regarder des avis dans les journaux pour savoir s'ils vont faire des oppositions.

Donc, après discussion avec le ministre, on a convenu d'éliminer une période du 10 décembre au 31 décembre, en prohibant la publication de l'avis pour reporter cette publication-là au mois de janvier alors que la vie normale reprend, et je pense que les citoyens sont mieux en mesure en tout cas de prendre connaissance d'un tel avis pour exercer vraiment leur pouvoir de consultation.

Il y a d'autres amendements qui ont été apportés à certains articles, notamment par exemple pour retirer un pouvoir à la Commission de la représentation de déléguer à une personne les pouvoirs qu'elle-même exerce dans les commissions scolaires qui ont 20 000 électeurs et moins. Et je pense que vous connaissez bien le principe: delegatus protest non delegare. Je pense que ça été bien appliqué.

Il y a seulement une dernière modification, M. le Président, que nous aurions aimé voir adopter et c'est celle de la diffusion de l'avis aux électeurs qui veulent une tenue... une assemblée publique à la commission scolaire, et c'est la suivante. Vous savez, l'avis est publié... Selon la loi, on dit: La commission scolaire publie l'avis dans un journal qui est diffusé dans la commission scolaire. Et, avec la fusion des commissions scolaires présentement, certaines recouvrent un territoire qui est très vaste, et surtout du côté des commissions scolaires anglophones.

Alors, nous aurions souhaité qu'on puisse indiquer dans la loi que la commission scolaire ? et vous savez que c'est surtout des hebdos, notamment en milieu rural, qui existent, et les hebdos ne couvrent pas l'ensemble des territoires ? puisse publier un avis dans plus d'un journal et que ça soit inscrit dans la loi. Ou encore, que la commission scolaire puisse transmettre un tel avis pour fins d'information au conseil d'établissement qui regroupe des parents et qui, par essence, sont les personnes les plus intéressées par ce qui se passe dans la commission scolaire. Alors, nous aurions certainement souhaité que ça puisse être modifié pour permettre, à notre avis en tous les cas, une meilleure information pour l'ensemble des citoyens, et que ce soit surtout accessible.

Un dernier point, M. le Président. Je vous mentionnais tout à l'heure que le nombre de commissaires, le nombre de circonscriptions, le nombre maximal passait de 21 à 27. Bon. Nous n'avons pas d'objections à ça, d'autant plus que l'article 7 de la Loi sur les élections scolaires permet au ministre, par décret, sur demande d'une commission scolaire, d'autoriser un nombre plus élevé ou un nombre moindre de circonscriptions électorales, et donc, de commissaires.

Et, à cet égard, la commission scolaire de Montréal a déjà fait parvenir au ministre et à la commission de l'éducation une demande en indiquant que cette dernière, la commission scolaire de Montréal, en tout cas souhaiterait pouvoir maintenir le nombre de commissaires actuels, donc le nombre de circonscriptions électorales actuelles, compte tenu de la dimension de son territoire. Nous en avons discuté en commission parlementaire, et je pense que le ministre a indiqué, ce avec quoi nous sommes d'accord, que, évidemment, si la loi était adoptée telle quelle, bien, la demande comme celle de la commission scolaire de Montréal pourrait, pense-t-il, être considérée favorablement.

Alors, M. le Président, ce sont là mes commentaires sur le projet de loi n° 59. Et en vous réitérant que, oui, nous sommes d'accord, il y a certains éléments que nous aurions aimé voir modifier, et surtout, je pense qu'on doit considérer des avenues ? et notamment le vote par courrier ? qui pourraient permettre un taux de participation plus élevé de la part des électeurs, lors d'une élection scolaire générale. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Vaudreuil, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Mise aux voix des amendements du ministre

Les amendements proposés par M. le ministre de l'Éducation sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.

Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 59, Loi reportant la date de la prochaine élection scolaire générale et modifiant la Loi sur les élections scolaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 19)

 

(Reprise à 21 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je vous référerais maintenant à l'article 34.

Projet de loi n° 35

Prise en considération du rapport
de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 34. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. M. le ministre de l'Éducation, je vous cède la parole.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je suis très heureux de soumettre à cette Assemblée, pour la prise en considération, un projet de loi qui est très important pour les jeunes du Québec, le projet de loi n° 35. Ce projet de loi, M. le Président, est rendu donc à l'étape de la prise en considération. Donc, on a adopté ici le principe le 24 octobre; on a étudié les articles un par un et on les a adoptés le 6 novembre, et donc aujourd'hui, on est à l'étape de la prise en considération.

Comme je le disais, M. le Président, c'est un projet de loi important, puisque ce projet de loi va permettre aux jeunes du deuxième cycle du secondaire, c'est-à-dire les jeunes du secondaire IV et V, de voter sur les conseils d'établissement des écoles. Donc, c'est une demande qui était faite depuis un bon bout de temps. Ça n'a pas été simple, on a eu des discussions avec des représentants, entre autres, des parents et des enseignants, du personnel, qui sont à 50-50 actuellement sur les conseils d'établissement. Tout le monde est bien d'accord pour laisser voter les jeunes, mais quand vient le temps de faire un petit peu de place, c'est plus compliqué. Donc, on a, je pense, M. le Président, proposé quelque chose qui fait consensus en tout cas parmi les groupes de jeunes, c'est-à-dire de couper un peu la poire en deux, d'enlever un petit peu de votes aux parents, un petit peu de votes aux enseignants, pour faire de la place à nos jeunes.

Vous savez, M. le Président, on est actuellement à mettre en place dans toutes nos écoles du Québec un cours d'éducation à la citoyenneté. Donc, on ne peut pas, d'un côté, montrer à nos jeunes ce que ça veut dire, être un citoyen, c'est-à-dire de participer, de reconnaître que, oui, on a des droits mais on a aussi des responsabilités, et quand vient le temps de prendre ces responsabilités de façon pratique, bien, de leur dire: Sur les conseils d'établissement, vous savez, vous avez 15 ans, 16 ans, 17 ans mais vous n'avez pas le droit de vote sur les conseils d'établissement.

Donc, je pense, il était temps de rétablir ce vote, de le mettre en place, et je pense que c'est une revendication qui est très légitime de la part des jeunes, de les faire participer entièrement à des décisions qui sont importantes, qui les concernent au premier chef. Là, on ne parle pas d'étudiants de secondaire I, II, III, là; on parle seulement des étudiants de secondaire IV et V. Donc, dépendamment de si on a fait ses années de façon directe ou avec une petite année de redoublement, on est à 15, 16, 17, 18 ans, donc à l'âge où on est capable justement d'avoir des opinions et puis de pouvoir discuter des enjeux qui les concernent directement. Donc, je pense que c'est un objectif constructif qu'on vise avec ce projet de loi de faire des jeunes des acteurs à part entière.

D'ailleurs, je veux, en terminant, souligner la participation de tout le monde. On a reçu à peu près tous les groupes qui sont impliqués directement en commission parlementaire, donc les représentants des commissions scolaires, des parents, des enseignants mais surtout les groupes de jeunes qui sont venus nous montrer une belle unanimité, tous les groupes, que ce soient les groupes qui représentent les plus vieux si on peut dire, la Fédération étudiante collégiale, la Fédération étudiante universitaire, les autres groupes de jeunes aussi comme, entre autres, je me rappelle, Force Jeunesse, mais je me rappelle aussi deux groupes qui sont bien importants, qui sont bien connus ici de ceux qui siègent à l'Assemblée nationale: les jeunes donc du Parti québécois, le CNJ, mais aussi la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec qui est venue nous dire comment elle appréciait notre projet de loi. Donc, M. le Président, de voir ces jeunes de tous les partis confondus venir nous dire que le gouvernement faisait un geste dans la bonne direction, je pense qu'il ne faut pas hésiter une seconde et adopter rapidement ce projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Nous poursuivons le débat sur le rapport de la commission de l'éducation. Je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'éducation, M. le député de Vaudreuil.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux d'intervenir à mon tour sur la prise en considération du rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 35, projet de loi qui modifie la Loi sur l'instruction publique pour accorder le droit de vote aux élèves des secondaires IV et V aux conseils d'établissement des institutions d'enseignement secondaire qui dispensent ces niveaux d'enseignement.

Le ministre nous dit que c'est un projet important, et nous sommes d'accord avec lui, M. le Président. Il nous a mentionné précédemment, lors d'autres interventions, que ça faisait l'objet d'un consensus dégagé après beaucoup de réflexion et d'efforts de sa part au Sommet de la jeunesse, que c'était une des grandes réalisations du Sommet de la jeunesse et du Québec de la part de son gouvernement et du Parti québécois. Je voudrais simplement vous rappeler, M. le Président, comme je l'ai déjà mentionné, mais je pense qu'il y a lieu de le rappeler, que le ministre, à cet égard-là, est quatre ans en retard et que son gouvernement également est quatre ans en retard, M. le Président, et je vais vous expliquer pourquoi.

C'est une idée qui n'est pas nouvelle. En 1997, la ministre de l'Éducation de l'époque, dans le projet de loi n° 180 qui modifiait la Loi sur l'instruction publique et qui créait les conseils d'établissement dans leur forme à peu près actuelle, après certaines modifications, proposait le droit, le vote pour les étudiants, les deux, élèves du secondaire IV et V, qui étaient désignés aux conseils d'établissement pour représenter leur pairs. Donc, c'était dans le projet de loi initial, le projet de loi n° 180, déposé par la ministre de l'époque. Et je dois vous dire que ça avait recueilli l'assentiment de mes deux collègues de l'opposition de l'époque, qui étaient les porte-parole pour l'étude de ce projet de loi là, notamment le député de Westmount?Saint-Louis et le député de Kamouraska-Témiscouata. Je veux simplement vous souligner quelques extraits, M. le Président, qui vous démontrent la vision d'avant-garde de mes deux collègues de Westmount?Saint-Louis et de Kamouraska-Témiscouata.

Mon collègue de Westmount?Saint-Louis disait: «Écoutez, si vous enlevez le droit de vote aux jeunes ? et je cite ? ça va être quoi, l'intérêt des jeunes d'assister aux conseils d'établissement s'ils sont là comme des pots de fleurs?» Une expression imagée, M. le Président, mais, je pense, qui reflète bien la réalité. Et, devant la ministre qui, le 12 décembre 1997, a décidé de retirer ce droit de vote qui avait été, qui était donné aux jeunes dans le projet de loi initial, mon collègue de Kamouraska-Témiscouata a dit ? puis, encore une fois, ça ne me surprend pas, avec le respect que ces gens-là ont envers les jeunes, et j'en suis témoin depuis que je suis arrivé ici, M. le Président, c'est encore les jeunes qui écopent... Le député de Kamouraska-Témiscouata est un jeune député, vous savez comme moi, brillant et dynamique, alors il a dit: «C'est les jeunes qui sont confinés au rôle du pot de fleurs, qui sont confinés au rôle d'assister seulement, comme si on ne les prenait pas assez en considération pour qu'ils aient au minimum le droit de vote dans ces institutions-là.»

Ça va donner quoi aux jeunes? Quand on dit que les jeunes ne participent pas, M. le Président, pensez-vous qu'ils vont participer plus après un tel amendement, c'est-à-dire un amendement où on enlevait le droit de vote qu'initialement nous voulions leur accorder, que la ministre voulait leur accorder? J'espère qu'on ne se met pas ça dans la tête en disant que, ça, c'est un incitatif à la participation des jeunes, et à leur avis, et aux différents dossiers qui vont être traités par les conseils d'établissement. On vient leur enlever le droit de vote puis on se dit: Mais, avec ça, ils vont participer plus.

n(21 h 30)n

Alors, je veux simplement vous dire, M. le Président, que, en 1997, et ça, c'était en décembre 1997, mes deux collègues avaient bien exprimé la position de l'opposition officielle sur la question du droit de vote aux jeunes. Et pourquoi, déjà il y a quatre ans, c'était appuyé? Bien, écoutez, je pense qu'ils considéraient que c'était pour les jeunes, le droit de vote, un facteur de responsabilisation, que c'était également un élément qui les motiverait à participer aux conseils d'établissement et puis, également, que ça aurait l'avantage, vous savez, d'avoir des jeunes qui exprimaient le point de vue des jeunes aux conseils d'établissement, peut-être avec des idées un peu différentes des parents ou des enseignantes et des enseignants, mais avec un point de vue qui était le leur parce qu'ils sont, au premier chef, concernés, les jeunes, par ce qui se passe dans leur école, d'autant plus que les conseils d'établissement jouent un rôle important sur le plan de l'organisation de l'école, sur le plan de la gestion de l'école, sur le plan de l'organisation de la vie scolaire. Et ça, ça touche les jeunes.

Alors donc, je voudrais bien sûr profiter de l'occasion pour féliciter le ministre d'avoir, après quatre ans d'attente, de longues réflexions, décidé d'accepter, vous savez, ce que l'opposition officielle disait il y a quatre ans. Ça a pris du temps, ça a été long, mais vous voyez là, M. le Président, le rôle constructif que peut jouer l'opposition officielle. Et ce qu'on regrette, c'est que le ministre n'ait pas agi avant et ne se soit pas avant rendu, vous savez, aux propositions qui étaient faites à ce moment-là, en 1997.

Le projet de loi a été déposé au mois de juin, a fait l'objet de consultations en commission parlementaire. D'une part, il y a des groupes jeunes qui sont venus présenter leur point de vue devant la commission parlementaire, et je voudrais rappeler ici, bon, la commission... le Comité national des jeunes du Parti québécois, le Conseil permanent de la jeunesse, Force Jeunesse, la Fédération étudiante universitaire du Québec, la Fédération étudiante collégiale du Québec, l'Association étudiante du secondaire de la commission scolaire de Montréal et également, et non pas la moindre, la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Et vous savez, M. le Président, que la Commission-Jeunesse du Parti libéral représente une force à l'intérieur du parti. La Commission-Jeunesse a, dans le cadre de la constitution du parti, vous savez, le tiers des votes lors d'un conseil général ou lors d'un congrès général, et le Parti libéral est l'instance politique au Québec qui fait, à cet égard-là, la plus grande place aux jeunes dans leur institution. Je pense que ça, c'est important. Et les jeunes sont venus, avec raison d'ailleurs, dire que, oui, ils étaient d'accord avec ce projet de loi là parce que, déjà, on avait exprimé cette opinion il y a un certain nombre d'années, et qu'on devait procéder, et qu'on aurait dû le faire d'ailleurs bien avant.

M. le Président, je pense que cette possibilité pour les jeunes d'exercer leur droit de vote, ça s'inscrit, dans le fond, dans le rôle de socialisation, ça s'inscrit d'ailleurs également dans le rôle de l'apprentissage de citoyen, le rôle de citoyen plus tard. Vous vous rappellerez certainement, vous êtes encore jeune, mais je ne suis pas sûr qu'au moment où vous étiez étudiant vous pouviez participer à ces instances-là d'une façon... avec des voix délibératives, que ce soit au niveau même du cégep ou de l'université. Dorénavant, les jeunes pourront le faire, les jeunes de 15, 16 ans, au niveau du secondaire. C'est certainement également un témoignage de confiance envers eux et, le revers de la médaille, probablement aussi que ça va leur indiquer que c'est également des responsabilités. Voter, c'est l'exercice d'une responsabilité importante, même si c'est au niveau seulement du conseil scolaire ou du conseil d'établissement qui a des responsabilités considérables dans l'école, comme je le mentionnais il y a quelques minutes. Aussi, c'est une façon pour l'ensemble des jeunes de participer au processus démocratique d'élire leur représentant au conseil d'établissement. C'est une formation à l'exercice du droit de vote.

Dans les groupes qui ont été entendus devant la commission parlementaire, d'une part, évidemment, les jeunes se sont exprimés unanimement pour cette proposition, cette disposition. Certains groupes ont exprimé des réserves à cet égard-là. Parce que, vous savez, présentement, dans un conseil d'établissement, il y a une parité entre le nombre de parents et le nombre d'enseignantes et d'enseignants et d'autres représentants du personnel de l'institution. Il y a parité entre les deux groupes et il y a un vote prépondérant qui appartient au président ou à la présidente du conseil d'établissement, qui est un parent. Il est bien sûr que ça vient, en tout cas, apparemment, rompre un peu cet équilibre, mais je suis convaincu que c'est un équilibre qui va se refaire et qui va sans doute... Moi, je pense que les votes, le vote des étudiants va enrichir même la participation aux délibérations du conseil d'établissement. Il est en mesure également peut-être d'augmenter la qualité des décisions, parce qu'on y exprimera un point de vue d'une clientèle importante que sont les jeunes et qui sont, au premier chef, concernés par ce qui se passe dans l'école.

Je voudrais à ce stade-ci rappeler aussi à certains groupes qui ont exprimé certaines réserves, et peut-être notamment aux groupes représentés, en tout cas devant la commission parlementaire, par leur syndicat, qu'il est important qu'on fasse un essai loyal de cette nouvelle disposition, que les enseignantes et les enseignants continuent de faire preuve du même professionnalisme que celui dont ils font preuve dans l'exercice de leurs fonctions et que la participation des enseignantes et des enseignants aux conseils d'établissement, elle est essentielle, elle est majeure. Et ça, je pense qu'on doit le rappeler et demander que les enseignantes et les enseignants continuent de participer aux séances, à toutes les activités du conseil d'établissement. C'est extrêmement important.

Deuxièmement, il est, je pense, essentiel également que continue et que même on renforce la formation qui se fait déjà pour les élèves qui participent aux séances, aux délibérations des conseils d'établissement. Donc, ça existe déjà. Il est important, à mon avis, qu'on puisse renforcer cette formation, notamment pour ceux et celles qui auront à exercer un droit de vote au conseil d'établissement. Donc, M. le Président, le conseil d'établissement joue un rôle majeur, et la participation des jeunes, si elle va sans doute former, contribuer à rééquilibrer les discussions et le processus de décision, en même temps elle va être en mesure de l'enrichir.

Maintenant, M. le Président, vous savez, ce droit de vote aux jeunes, oui, c'est un geste important, mais il y a d'autres gestes importants, je pense, qui devraient être posés à l'égard des jeunes de la part du gouvernement, compte tenu notamment des engagements et des promesses qui ont été faites par ce gouvernement lors du Sommet du Québec et de la jeunesse qui s'est tenu, vous savez, au mois de février dernier. Vous savez, nous avons parlé, le ministre nous a parlé de la politique jeunesse déposée le 29 mai dernier, document sur une politique jeunesse. Évidemment, le gouvernement est habitué de déposer des politiques, de déposer une politique sur tel sujet, de déposer une politique... Je pourrais vous parler de l'assurance médicaments, on pourrait en parler longtemps, de l'assurance médicaments. Il y a eu des politiques et des grandes commissions parlementaires qui ont été tenues avec le résultat que... le seul résultat de tout ça, c'était d'augmenter les primes. À part ça, on n'a rien vu d'autre, hein.

Mais, dans le cas des jeunes, M. le Président, il y a une politique jeunesse qui a été approuvée le 29 mai dernier, pas approuvée, déposée par le gouvernement, rendue publique avec beaucoup d'éclat par l'actuel ministre de l'Éducation, qui, encore à ce moment-là, était responsable de la Jeunesse et qui, on le sait... Le ministre nous disait, en février dernier, que ses deux grandes priorités pour lesquelles il était venu en politique, c'étaient les jeunes et l'éducation. Mais ça devait être suivi d'un plan d'action, ça, M. le Président, cette politique jeunesse, parce que seulement la politique, c'est des voeux pieux, de nobles intentions, mais ça ne donne rien d'autre. Et, évidemment, les jeunes s'interrogent, ils disent: Bien, écoutez, le plan d'action, là, qui doit mener à des gestes concrets, quand arrivera-t-il? Je pose la question, M. le Président. Normalement, c'était censé être fait, mais, comme dans bien d'autres dossiers, nous attendons encore et les jeunes attendent encore.

n(21 h 40)n

Vous savez, on pourrait... c'est rendu à ce point où... Vous savez, la politique jeunesse et les éléments qui touchent les jeunes devaient être... faire partie de toutes les décisions du gouvernement. Je regardais, je lisais dans le journal Le Soleil du 16 novembre 2001, évidemment, que le nouveau ministre de la Jeunesse, qui a remplacé à ce titre le ministre de l'Éducation, évidemment, pour permettre de se dédouaner de ses engagements et de ses signatures... On disait: «Le nouveau ministre ne peut s'engager à tenir les promesses.» C'était ça: «Ne peut s'engager à tenir les promesses.» D'ailleurs, le premier ministre, sans doute, M. le Président, a dit que, de toute façon, ça ne marcherait pas, une promesse de 200 millions. On y reviendra, là-dessus.

Et là c'est rendu, vous savez... On disait: On va tenir compte des intérêts des jeunes et des éléments de la politique jeunesse dans toutes les décisions du gouvernement. C'est important, ça. Bien là savez-vous où c'est rendu, cette intention-là, M. le Président, d'après du moins cet article du Soleil, de la part du nouveau ministre de la Jeunesse? Il disait, et je cite: «Le ministre veut développer un réflexe projeunes au sein du cabinet.» Vous savez, M. le Président, c'est rendu qu'on va développer un réflexe. Non, bien loin des engagements lors du dépôt de la politique jeunesse, on va développer un réflexe projeunes au sein du cabinet. Les baby-boomers sont nombreux, et on prend de la place. Le poids démographique des jeunes n'est plus ce qu'il était il y a 25 ans.

Alors, M. le Président, je pense que, si le gouvernement est sérieux vis-à-vis des jeunes, veut tenir ses engagements, je pense qu'on doit, en plus de ce projet de loi qui est en retard de quatre ans par rapport à ce que nous avions proposé, bien avoir rapidement le plan d'action jeunesse, et c'est comme ça qu'on va pouvoir dénoter le sérieux du gouvernement.

L'autre élément, M. le Président, à cet égard-là, c'est toute la question du maintien de l'engagement, non pas uniquement de la promesse, mais de la signature sur le 200 millions additionnel qui devait être consenti en 2002-2003 pour l'éducation et qui touche les jeunes, M. le Président. Et ça, on l'a rappelé ici, en Chambre. Vous savez, le ministre de l'Éducation a négocié même des contrats de performance avec les universités, en disant aux universités: Dorénavant, une nouvelle façon de faire les choses, vous allez connaître trois ans à l'avance les sommes donc qui vous seront attribuées, ce qui vous permettra, les universités, vous autres qui avez subi des coupures importantes depuis quatre ou cinq ans, de commencer à réembaucher des professeurs surtout, à préparer la relève pour qu'on puisse maintenir au Québec un enseignement universitaire de qualité.

Il semble bien que ça n'arrivera pas, M. le Président. Première occasion, signé le dernier contrat de performance au mois de mai, cinq mois plus tard, on dit: On ne tiendra pas l'engagement que nous avons signé. Ça, je pense que, pour les jeunes, M. le Président, c'est extrêmement décevant. Et on peut dire, d'un côté, on vous donne des... On vous donne le droit de vote au secondaire. Oui, on est d'accord là-dessus, M. le Président, il n'y a pas de problème... l'an dernier, tout le monde est d'accord. Il y a d'autres gestes encore plus... aussi importants et plus significatifs pour les jeunes, et je pense que c'est celui... Lorsqu'on prend un engagement qu'on signe, eh bien, on tient notre engagement et puis on ne renie pas notre signature, M. le Président. Et ça, c'est un exemple, je pense, qu'on doit donner aux jeunes aussi, que le gouvernement devrait donner aux jeunes.

Alors, M. le Président, donc le projet de loi n° 35 donne le droit de vote aux élèves de secondaire IV et V, conseil d'établissement dans les institutions d'enseignement secondaire qui dispensent ce niveau d'enseignement. Nous sommes d'accord pour l'adopter, M. le Président. Merci.

Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, est-ce que le rapport de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Passons maintenant à l'article 3, M. le Président.

Projet de loi n° 14

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 3, l'Assemblée reprend e débat ajourné le 18 octobre 2001 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Lors de l'ajournement du débat le 18 octobre, la parole était à la porte-parole officielle de l'opposition en matière de revenu. Elle avait utilisé 39 minutes. Et je lui indique immédiatement qu'elle a un droit de parole de 21 minutes comme porte-parole au niveau de l'adoption du principe du projet de loi n° 14. Alors, Mme la députée de Beauce-Sud, la parole est à vous.

Mme Diane Leblanc (suite)

Mme Leblanc: Alors, M. le Président, comme vous l'avez dit, l'adoption de principe du projet de loi n° 14 a débuté en tout début de session, le 18 octobre dernier. Alors, vous me permettrez de vous reparler de l'objet de ce projet de loi avant de poursuivre ma discussion.

Alors, ce projet de loi vise à modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin de modifier les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels. Il introduit la notion de dossier fiscal. Il prévoit que les renseignements contenus dans le dossier fiscal d'une personne ne peuvent être utilisés ou communiqués à moins d'une autorisation de la personne ou que la loi ne prévoie un pareil usage. Le projet de loi prévoit les modalités de consultation des dossiers fiscaux à l'intérieur du ministère du Revenu et prévoit également différentes sanctions en cas de consultation ou d'usage prohibé. Il introduit un certain nombre de motifs pour lesquels des renseignements contenus dans des dossiers fiscaux peuvent être transmis. Il prévoit également un certain nombre de conditions que doivent rencontrer les personnes à qui sont transmis de tels renseignements, ainsi que les modalités des contrats qui doivent les lier au ministère du Revenu. Le projet de loi introduit également l'obligation pour le ministère du Revenu d'informer annuellement les contribuables sur l'usage des renseignements qu'il recueille et sur leur accessibilité. Enfin, il introduit des règles concernant la communication de certains renseignements à des corps policiers dans le but de lutter contre le crime organisé.

Alors, comme vous pouvez le voir, M. le Président, avec ce projet de loi, certains fonctionnaires du ministère du Revenu pourront désormais jouer au Eliot Ness et aider la police à coincer les membres du crime organisé. Le but, eh bien, c'est tout simplement de prévenir ou de réprimer un acte criminel grave, c'est-à-dire passible d'une peine de cinq ans de prison ou plus ou encore commis à l'encontre du ministère ou d'une loi fiscale.

Alors, selon le ministre, dans une déclaration qu'il a faite à la presse le 15 mai dernier, parce qu'il faut se rappeler que ce projet de loi, M. le Président, a été déposé à la session du printemps dernier, alors pas plus de trois ou encore quatre fonctionnaires seront autorisés à travailler sur ce genre, ce type de dossier. Cette entorse, qui est exceptionnelle, au secret fiscal soulève des questions très sérieuses d'éthique gouvernementale. Même s'il semble que ce soit fait dans l'intérêt du public, il y a lieu, M. le Président, de se questionner sérieusement à ce sujet.

Tout comme moi, il semble que la lutte au crime organisé, telle que proposée par le projet de loi n° 14, évoque certaines réticences à la Commission d'accès à l'information. Et voici ce que déclarait Jennifer Stoddart à ce sujet lors des consultations particulières, et je cite: «Cependant, nous pensons que les modalités proposées dans le projet de loi, tel qu'il est écrit actuellement, posent quelques problèmes. La Commission espère que le ministère du Revenu du Québec sera en mesure de vous expliquer la pertinence d'utiliser les renseignements fiscaux à de nombreuses fins et son impossibilité d'agir autrement. Il semble que l'autorisation d'un tribunal n'est pas trop demander, peut se faire rapidement et être une procédure assez efficace.» Fin de la citation.

Mme Stoddart nous dit encore que «un fonctionnaire peut, de sa propre initiative et sans aucune procédure particulière, actuellement, en tout cas du moins inscrite dans la loi, communiquer à un corps de police un renseignement contenu dans un dossier fiscal quand il croit qu'il y a un acte criminel grave qui a été commis ou qui est sur le point d'être commis. On voit en revanche que la police, la Sûreté du Québec, elle, est soumise à des modalités importantes. Elle doit aller devant un tribunal et obtenir d'un juge de la Cour du Québec une ordonnance. Alors, on comprend difficilement pourquoi la police est soumise à des balises, mais non pas les fonctionnaires.»

n(21 h 50)n

Elle dit encore, M. le Président: «On se rappelle à travers l'histoire de l'évolution des démocraties qu'il n'y a rien de plus dangereux pour une démocratie et pour les droits des citoyens que le pouvoir discrétionnaire incontrôlé des fonctionnaires. Enfin, c'est sûrement mis là dans de très bonnes intentions, mais il nous semble que ce serait une rectification assez simple de demander que le ministère, lorsqu'un fonctionnaire voit dans un dossier fiscal qu'il y a un renseignement important qui pourrait aider dans la lutte au crime organisé, qu'il aille devant le juge de la Cour du Québec. Et, en plus, il y a une espèce d'embargo de cinq ans qui nous inquiète aussi.» C'est ce que nous disait Jennifer Stoddart, la présidente de la Commission d'accès à l'information.

Pour sa part, sur ce sujet, le Barreau du Québec déclarait ceci: «Je pense que ça serait plus prudent, dans cette disposition-là, de prévoir qu'on aille chercher l'autorisation d'un juge. Ça fait un arbitre impartial.» Tout le monde comprend ça.

D'autre part, voici ce qu'a à dire la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, par la voix de son président, M. Pierre Marois, à propos de la lutte au crime organisé et à la divulgation à des corps policiers. Il dit ceci: «La possibilité de divulguer des informations d'un dossier fiscal à des corps policiers en cas de soupçon d'appartenance existe déjà et non sans raison. Toutefois, la procédure actuelle établit que cette divulgation doit être autorisée par un juge à la demande du Procureur général. La Commission estime qu'il faut conserver la procédure actuelle. Nous ne voyons absolument pas en quoi un employé du ministère du Revenu, fut-il de très haut niveau, fut-il autorisé par règlement, pourrait être plus adéquatement préparé qu'un juge pour évaluer si les conditions permettant la divulgation sont rencontrées.»

Il poursuit, M. Marois poursuit en disant: «Dans le cadre de la protection, autant il faut lutter contre le crime organisé, autant on ne peut pas le faire en utilisant ou en recourant à des moyens qui, à notre humble avis, dans l'examen actuel du texte qu'il est, contreviendraient aux principes fondamentaux de la protection des gens et des citoyens.»

M. Marois poursuit en disant: «Tout simplement là-dessus pour dire que ce matin j'entendais la Commission d'accès à l'information proposer exactement la même chose, à savoir que, si on tient absolument à ce qu'un fonctionnaire puisse de lui-même transmettre un renseignement fiscal à un corps policier, il doive passer lui aussi par une procédure judiciaire.»

C'est alors que le député d'Abitibi-Ouest, qui est membre de la commission des finances publiques, est intervenu, M. le Président, pour dire ceci, et il s'adressait à ce moment-là à M. Marois, alors il dit: «Pour porter ce jugement-là, que l'information qu'il détient est liée au crime organisé, c'est dur de croire qu'un fonctionnaire peut avoir ce type d'information là, puis, s'il l'a, il y a de quoi qui ne marche pas dans le système. Alors, est-ce que je résume bien? Puis vous dites: Bien, attention, vu que c'est comme ça, j'aimerais mieux que ça reste comme avant, la police à sa place, et je ne vois pas en quoi on devrait aller dans ce créneau-là? Est-ce bien ça?»

Et là M. Marois de répondre: «Bien, M. le député, vous faites un excellent vulgarisateur des positions de la Commission.» C'est comme quoi, M. le Président, des deux côtés de la Chambre, on s'entend un petit peu sur la façon de faire, qu'on ne doit pas à tous vents, un fonctionnaire, transmettre sans aucune balise des renseignements à des corps policiers.

Le député d'Abitibi-Ouest a enchaîné en disant: «Bien, si vous voulez le libeller, je veux dire, je m'en fous, quand même on prendra des heures à le libeller, là, on est dans un champ où, règle générale, c'est pas la place de la fonction publique de le couvrir. Le crime organisé, j'entends.» Et M. Marois de lui répondre: «Oui. Exact.»

M. le Président, dans un autre ordre d'idées... Parce que le projet de loi n° 14 ne contient pas juste des dispositions concernant le crime organisé, il en contient plusieurs autres que j'ai abordées d'ailleurs le 18 octobre dernier. Permettez-moi de vous parler d'autres sujets que je n'ai pas encore abordés. Le gouvernement, par exemple, fait une nouvelle brèche dans la protection des renseignements personnels et fiscaux en permettant qu'un renseignement contenu dans un dossier fiscal soit transmis à des entreprises privées pour la réalisation d'une étude ou d'une recherche ou encore la production de statistiques sans le consentement de la personne concernée. Alors, il s'agit là, à mon avis, d'une mesure qui soulève encore une fois des questions d'éthique et une brèche dans le maintien des droits fondamentaux des individus lors de l'utilisation des renseignements les concernant.

La question qu'il faut se poser, M. le Président, c'est la suivante: Est-ce que ce nouveau cadre juridique sera de nature à rehausser le niveau de confiance entre le ministère du Revenu et les contribuables du Québec ou est-ce plutôt que ce nouveau cadre juridique n'a que pour objet de faciliter la tâche à une administration gouvernementale de plus en plus omniprésente dans la vie des citoyens du Québec?

Le problème, M. le Président, est d'autant plus alarmant que la seule obligation du ministère est de consigner dans un registre la nature des contrats accordés ou des ententes conclues, avec qui et à quelles fins. Il n'existe pas de contrôle indépendant sur les informations qui ont été fournies, pas plus que sur l'ampleur des listes de noms transmises. En effet, à l'article 2, qui remplace l'ancien article 9 de la Loi sur le ministère du Revenu, il n'y a pas d'obligation de soumettre à la Commission d'accès à l'information les accords conclus entre le gouvernement et tout gouvernement ou organisme visant à favoriser l'exécution d'une loi fiscale.

Voici ce que nous dit à ce sujet la Commission d'accès à l'information lors des consultations particulières, et je me permets, M. le Président, de citer au texte sa présidente, Jennifer Stoddart. Elle dit ceci: «Est-ce que nous pourrions, comme État, le faire autrement qu'en confiant au ministère du Revenu du Québec et en permettant au ministère du Revenu de piger dans les dossiers fiscaux afin d'avoir une application équitable et juste de tous ces programmes-là? Ce matin, vous suggérez des raisons pour lesquelles, vous, comme législateurs, vous pensez qu'il est nécessaire de le faire de cette façon-là. Mais est-ce que quelqu'un d'autre va suggérer une autre façon? C'est ça, le test qui doit être appliqué, et c'est ça qu'on tient à vous rappeler.»

Pour sa part, le Barreau du Québec, sur ce sujet, est venu nous dire ceci à propos de la sous-traitance et du secret fiscal en faisant référence à l'article 69.0.0.17 du projet de loi. Il dit ceci: «À titre d'exemple, à 69.0.0.17, on prévoit qu'une personne qui exécute un contrat visé à cet article est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements communiqués. Eh bien, cette disposition est tout à fait insuffisante aux yeux du Barreau. Il est plutôt nécessaire de prévoir dans le contrat lui-même les mesures précises de protection à prendre afin d'assurer la confidentialité des renseignements contenus dans le dossier fiscal et communiqués à des tiers. Le Barreau est d'avis que, à défaut d'apporter cette modification, l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité du renseignement communiqué demeurera, M. le Président, un voeu pieux.»

n(22 heures)n

Le Barreau ajoute aussi: «On constate aussi, à 69.0.0.17, la possibilité de sous-délégation contractuelle sans limites avec les difficultés de contrôle que ça entraîne en ce qui concerne la protection des renseignements personnels.» Et ça, c'est facile à comprendre, M. le Président. Si vous donnez un contrat à une firme qui, elle, le donne en sous-traitance, et ce sous-traitant-là le donne aussi en sous-traitance, il peut y avoir un effet domino finalement, et on ne sait plus qui, finalement, a le contrôle sur les renseignements, à qui sont confiés les renseignements. Alors, la loi ne devrait autoriser qu'une seule sous-délégation, et cela, avec l'approbation du ministère.

Alors, il termine en disant: «Les renseignements sortent à l'extérieur du ministère. Non seulement ça, mais vous pouvez avoir une sous-délégation contractuelle sans limite d'ailleurs, comme on l'a mentionné tantôt. De là l'importance capitale, à mon avis, évidemment, à notre avis, d'insérer certainement une disposition telle que l'on retrouve plutôt à 60.0.0.17.»

Le projet de loi n° 14, M. le Président, fait également en sorte de préciser le contenu d'un dossier fiscal. Ainsi, ne constituera pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu, c'est-à-dire les renseignements, informations et documents générés par les fonctionnaires du ministère et ceux qui découlent d'un constat ou d'un geste administratif. Alors, c'est bien beau. Le fait qu'un fonctionnaire avise, par exemple, un membre du cabinet du premier ministre qu'une personne a omis de payer ses impôts, comme ce fut le cas, M. le Président, dans l'affaire Lebel, alors, est-ce que ça va, ça, constituer une infraction à l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, comme c'est le cas actuellement? Encore une fois, le but recherché est-il de garantir plus efficacement les droits fondamentaux des individus? La transmission de ce genre d'information sans balises est-elle susceptible de porter préjudice à des citoyens? Je crois que oui, et c'est pourquoi j'invite le législateur à la prudence et à plus de retenue.

Depuis 1993, le ministère du Revenu a créé 12 exceptions de plus, soit 15 à la communication de renseignements fiscaux à des organismes ou autres. Eh bien, malgré le fait que la Commission d'accès à l'information s'inquiète de l'addition de nouvelles exceptions, eh bien, le projet de loi n° 14 en crée deux autres, M. le Président. Ainsi donc, on pourra divulguer de l'information à un ministre ou à un organisme à qui incombe la responsabilité de rendre une décision ou de délivrer une attestation, un visa ou un autre document semblable pour l'application d'une loi fiscale et, deuxièmement, à la Régie de l'énergie. Ainsi donc, le ministère du Revenu pourra transmettre librement au Bureau de la nouvelle économie, par exemple, le dossier fiscal d'une entreprise qui demande ou possède un visa pour se prévaloir des crédits d'impôt relatifs à la nouvelle économie. Actuellement, vous le savez, les échanges d'informations sont interdits.

Nous sommes donc rendus à 17 entorses au secret fiscal. Quand donc cela s'arrêtera-t-il? Quand le ministère du Revenu cessera-t-il d'étendre ses tentacules sur la vie privée des citoyens du Québec? Il y a tellement d'entorses et d'exceptions qu'il serait peut-être plus facile de redéfinir le concept de vie privée et renseignements personnels de façon à les banaliser. En serions-nous rendus là? Qui va avoir le courage de mettre un terme à cette hémorragie?

Ce sentiment à l'effet que le ministère du Revenu constitue un État dans un État me fait frémir. En 1996, le ministère du Revenu avait tenté de se soustraire à l'autorité de la Commission d'accès à l'information avec son projet de loi n° 32. Aujourd'hui, avec le projet de loi n° 14, on vient banaliser encore une fois la portée du secret fiscal.

Est-ce que le comité d'experts du ministère du Revenu s'est longuement penché sur la façon de protéger davantage le secret fiscal, outre les petites amendes prévues aux fonctionnaires qui seraient peu scrupuleux? Bien, la réponse, c'est non. Les amendes prévues pour les employés du ministère du Revenu jugés trop curieux à l'endroit des dossiers des contribuables sont dérisoires. Nous croyons qu'elles n'auront pas un véritable effet dissuasif.

Est-ce qu'on s'est assuré que les pouvoirs de contrôle de la Commission d'accès à l'information ont été accrus? Au contraire, le projet de loi prévoit que le gouvernement peut conclure avec n'importe quel gouvernement ou ministère une entente visant le transfert de renseignements fiscaux, et ce, sans obligation de soumettre à la Commission d'accès à l'information de tels accords et sans le consentement des personnes intéressés ? vous, moi, mon collègue, n'importe qui, M. le Président. Il en est de même pour la réalisation d'études ou de recherches faites à partir de données du ministère.

Alors, dans toute la saga entourant les manquements commis par le ministère du Revenu, une première fois pour SOM, laquelle a mené, on le rappelle, à la démission de la ministre puis de sa sous-ministre, et une deuxième fois par le Bureau de la statistique du Québec, mais pour laquelle cette fois le premier ministre n'a pas réclamé la démission du ministre cette fois ? il s'agissait du vice-premier ministre et actuel premier ministre désigné ? eh bien, il n'y a jamais eu d'enquête judiciaire. Les vrais coupables n'ont jamais été identifiés, poursuivis ou punis.

Alors, les dispositions, M. le Président, entourant la communication d'informations vers des corps policiers généralement génèrent plusieurs craintes dans ce projet de loi. Alors, comment cette procédure sera-t-elle encadrée? Ne risque-t-on pas de voir des fonctionnaires jouer à l'inspecteur de police au risque et péril du secret fiscal? Alors, pour cette raison, je suis heureuse de constater que le ministre entend apporter certains amendements à son projet de loi. Mais, pour l'instant, nous n'avons d'autre choix que de voter contre son principe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de La Prairie.

M. Serge Geoffrion

M. Geoffrion: Alors, M. le Président, chers collègues, tel que l'a indiqué le ministre du Revenu dans son discours, il soumet à cette Assemblée pour qu'elle en adopte le principe le projet de loi n° 14 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

M. le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat et de constater dans un premier temps que le projet de loi présenté cherche à clarifier et à préciser les dispositions relatives à la protection des renseignements fiscaux prévues par la Loi sur le ministère du Revenu. En ce sens, je comprends qu'il vise à clarifier le chevauchement de deux législations en matière de protection de renseignements personnels, soit la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur le ministère du Revenu.

Dans cette perspective, ce projet de loi maintient un régime spécifique au secret fiscal, ce qui s'impose, comme le soulignait le ministre, en raison de la nature des renseignements fiscaux et de la diversité de la clientèle à laquelle s'appliquent les lois fiscales. Je suis également heureux de constater, M. le Président, que le projet de loi intègre plusieurs principes de base de la Loi sur l'accès dans la Loi sur le ministère du Revenu, tout en conférant à cette dernière une prépondérance lorsque la protection accordée aux renseignements fiscaux est supérieure à celle accordée par la Loi sur l'accès. Il s'agit là, faut-il le rappeler, de la concrétisation de recommandations faites notamment par la commission Moisan.

Lors de la consultation particulière, la Commission d'accès à l'information, par la voix de sa présidente ? la députée de Beauce-Sud en a cité quelques passages, je cite à mon tour Mme Stoddart ? émettait les commentaires suivants au sujet du projet de loi n° 14 ? citation: «La Commission d'accès à l'information reconnaît que ce projet de loi apporte certaines solutions aux difficultés d'interprétation soulevées par la Loi sur le ministère du Revenu au cours des dernières années.»

À son tour, la protectrice du citoyen, Mme Champoux-Lesage, s'exprimait, tant qu'à elle, en ces termes au sujet du projet de loi ? citation: «Qu'il me soit d'abord permis de souligner l'amélioration qu'apporte ce projet de loi en regard de la transparence qui prévaudra désormais dans les relations entre le ministère du Revenu et ses citoyens. La notion de "dossier fiscal d'une personne" que le projet de loi introduit me semble particulièrement intéressante comme mesure de clarification. En effet, je crois que cette notion est plus susceptible d'être comprise par les citoyens que la notion de "renseignement fiscal", puisque ceux-ci sont déjà familiers avec leur dossier médical ou de crédit.»

n(22 h 10)n

D'ailleurs, M. le Président, lors de l'audition des groupes en consultations particulières, nous avons retenu le témoignage de Mme Lina Desbiens, de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Elle s'exprimait ainsi sur le sujet: «Tout d'abord, l'Association est heureuse de constater que le législateur a substantiellement modifié l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, notamment en y introduisant le concept de dossier fiscal qui rend beaucoup plus facile la lecture de la section relative à la protection des renseignements confidentiels.»

Je suis convaincu également que l'introduction de cette notion facilitera le traitement des dossiers au sein du ministère du Revenu ainsi que l'accessibilité aux renseignements fiscaux ou leur communication à des personnes autorisées. Par ailleurs, je suis heureux de constater que le projet de loi introduit des règles claires, précises, concernant la communication de renseignements fiscaux, notamment lors de l'octroi de contrats par le ministre. En effet, comme le soulignait le ministre précédemment, il est intéressant de constater que l'octroi de ces contrats sera rigoureusement gouverné par des règles strictes, relatives aux renseignements fiscaux, règles de protection qui, je me permets de le rappeler, sont plus exigeantes que celles prévues sur la Loi sur l'accès.

Le projet de loi précise que Revenu Québec aura l'obligation d'informer annuellement les contribuables, notamment à l'égard du type d'usage qu'il fait des renseignements qu'il recueille et de leur accessibilité. La protectrice du citoyen s'exprimait ainsi face à cette obligation donnée au ministère du Revenu, citation: «Cette démarche d'information annuelle sera d'autant plus valable qu'elle sera effectuée de manière à attirer l'attention de la personne à qui elle est destinée et utilisera un langage simple.»

M. le Président, comme le disait le Barreau du Québec, par la voix de Me Yvon Duplessis qui concluait son témoignage en ces termes: «Oui, dans certains cas, on améliore la situation, ça, c'est clair.» Je suis donc d'avis, puisque les groupes nous l'ont dit, ce projet de loi améliore la situation. L'Assemblée nationale sera donc bien avisée d'adopter le principe du projet de loi n° 14, porteur de mesures de clarification et de simplification. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de La Prairie. Le prochain intervenant sera le député de Saint-Laurent. M. le député.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements personnels, pour la raison principale suivante, M. le Président. Et peut-être pour mousser l'intérêt des gens qui pourraient, à cette heure tardive, continuer d'écouter nos débats ou les gens qui pourraient s'intéresser au droit criminel particulièrement, il me fait plaisir de m'arrêter à une disposition particulière en début d'intervention de ce projet de loi là.

Ce projet de loi là, M. le Président, cherche à renforcer la protection sur la divulgation de renseignements personnels, notamment des renseignements fiscaux qui concerneraient différents individus. Ma collègue de Beauce-Sud a déjà dit à plusieurs reprises, M. le Président, que le Barreau du Québec, par exemple, avait imminemment critiqué le projet de loi n° 14 pour le motif principal que, alors que, en matière de divulgation de renseignements fiscaux, la règle devrait être qu'on le fait... lorsqu'on divulgue un renseignement, on le fait avec le consentement de la personne qui est concernée par le renseignement qu'on veut communiquer. Le projet de loi, malheureusement, dit le Barreau, fait du consentement une exception alors que la règle serait la transmission de renseignements de nature fiscale sans le consentement des personnes qui concernent ces renseignements-là.

Permettez-moi de vous lire une disposition particulière du projet de loi sous étude, M. le Président. On la retrouve à l'article 69.0.0.12. Je la lis, M. le Président, pour qu'ensuite on puisse en saisir toute la portée et voir l'effet pervers que l'adoption d'un tel article va avoir éventuellement dans l'administration du droit, particulièrement dans l'administration du droit criminel. Et je constate que mon collègue de Chapleau est présent en Chambre, et je l'invite à écouter attentivement l'argument. Vous savez que c'est un constitutionnaliste de renom, un juriste respecté, et je suis certain qu'il va saisir toute la portée de l'argument sur l'article 69.0.0.12.

Donc, l'article se lit de la façon suivante: «Un fonctionnaire ou un employé du ministère du Revenu ? comprenons-nous bien, là, un fonctionnaire ou un employé du ministère du Revenu, pas un policier, un fonctionnaire du gouvernement provincial, j'insiste là-dessus ? peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer à un corps de police un renseignement contenu dans un dossier fiscal ? par exemple, mes revenus ou les revenus de quelqu'un ? lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire, à la fois ? en termes juridiques, là, ça veut dire que tous les paragraphes qui vont suivre, le fonctionnaire, avant de communiquer le renseignement, doit avoir des motifs raisonnables de croire ? que ? premièrement ? cette personne est membre d'une organisation criminelle ou qu'elle participe, ou a participé, aux activités d'une organisation criminelle, qu'elle ait ou non fait l'objet d'une condamnation liée à cette participation.»

Donc, si le fonctionnaire du gouvernement provincial croit, premièrement, que quelqu'un est membre d'une organisation criminelle, les motards criminels par exemple.

««Que ? deuxièmement, en plus ? cette personne a commis ou est sur le point de commettre une infraction grave dont la perpétration pourrait être liée aux activités d'une organisation criminelle.»

Donc, il faut que le fonctionnaire soit convaincu qu'on est en présence d'une personne qui est membre des motards puis qui s'apprête à commettre une infraction grave liée aux activités des motards criminels ? c'est pas tout.

Troisièmement, il faut qu'il ait des motifs raisonnables de croire «que le renseignement peut servir à prévenir ou à réprimer cette infraction grave». Dans ces cas-là où on retrouve ces trois conditions-là, le fonctionnaire du gouvernement peut communiquer à la police le renseignement.

Deux choses que je veux dire là-dessus qui n'ont aucun, aucun, aucun bon sens, M. le Président. La première, c'est, entre vous et moi, là, entre vous et moi ? et le député d'Abitibi-Ouest l'avait vu en commission parlementaire parce qu'il en a parlé, si je m'en fie ? et je n'ai aucune raison de douter de ses propos ? aux propos de ma collègue de Beauce-Sud: entre vous et moi, quel fonctionnaire du gouvernement provincial va avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne X fait partie d'une organisation criminelle, est sur le point de commettre une infraction grave et le renseignement va servir à prévenir l'infraction si ce n'est pas la police qui lui a dit? Voyons donc! Hein! Il n'y a pas un fonctionnaire du gouvernement provincial, dans son bureau, qui peut avoir ces motifs-là si quelqu'un ne les lui a pas donnés, ces motifs-là. Or, les personnes qui donnent ces motifs-là, c'est la police!

Mais, savez-vous quoi, M. le Président? La police, elle-même, n'a pas le droit de procéder de cette façon-là pour aller chercher un renseignement fiscal dans un dossier. Un policier qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne fait partie d'une organisation criminelle, que cette personne-là est sur le point de commettre une infraction criminelle puis que ce renseignement-là va servir à prévenir le crime, savez-vous ce qu'il est obligé de faire, le policier, quand il a ces trois conditions-là réunies? Il est obligé de s'en aller voir un juge de paix et obtenir la permission du juge de paix pour perquisitionner au ministère du Revenu et aller chercher le dossier de nature fiscale pour obtenir le renseignement.

n(22 h 20)n

Voyez-vous, M. le Président, comme ça n'a aucun sens pour le gouvernement d'essayer de nous faire voter cet article-là du projet de loi. Parce que, d'abord, entre vous et moi, là, moi, j'ai été procureur de la couronne au crime organisé, M. le Président, personne n'en fait de cachette, l'autre côté me le reproche régulièrement de temps en temps puis d'autres fois, bien, ils trouvent que c'était bien que je fasse ça. Moi, je trouve que c'est un métier très honorable, mais, comme procureur de la couronne au crime organisé, pensez-vous que je n'aurais pas aimé ça, de temps en temps, quand je faisais un dossier de produits de criminalité puis que je cherchais à poursuivre un individu pour avoir été en possession de produits de criminalité, c'est-à-dire pour avoir acheté avec l'argent qui, lui, provenait du crime un certain nombre de biens que je voulais aller saisir, pensez-vous que je n'aurais pas aimé ça être capable de dire à mes policiers: Aïe, vérifie donc au ministère du Revenu les revenus du gars? Combien il déclare dans sa déclaration d'impôts? C'est quoi, ses revenus, ce gars-là? Ça va toujours bien nous donner un point de départ pour aller devant le juge puis obtenir un mandat de perquisition. Mais j'étais incapable de dire ça, comme procureur de la couronne, parce que c'était illégal de demander aux policiers d'appeler au ministère du Revenu pour avoir un renseignement de cette nature-là. Pourquoi? Parce que ça obligeait un fonctionnaire du gouvernement provincial à aller fouiller dans un dossier qui était confidentiel. Moi, je ne pouvais pas, comme procureur de la couronne, dire à un policier: Téléphone donc à un de tes amis au ministère du Revenu puis va donc voir... demande-lui donc d'aller voir dans le dossier d'impôts sur le revenu de telle personne combien elle fait de revenu par année, ça va nous permettre de savoir si on devrait continuer l'enquête. Si j'avais demandé ça à un policier, le policier aurait été obligé de me répondre: Vous me demandez, M. le procureur, de faire quelque chose d'illégal, je ne peux pas faire ça. Ça s'appelle une expédition de pêche, et on n'a pas le droit, quand on est un policier, de faire des expéditions de pêche puis d'aller fouiller dans des dossiers de nature fiscale au ministère du Revenu pour obtenir des informations. Il faut demander un mandat de perquisition. Là, le projet de loi n° 14, hein, il dit qu'un fonctionnaire, hein, qui entre en relation avec un renseignement qui est contenu dans un dossier fiscal au sujet d'une personne qui fait partie d'une organisation criminelle, d'une part, ensuite, qui est sur le point de commettre un acte criminel, puis, troisièmement, que le renseignement est utile pour continuer une enquête, va le communiquer proprio motu à un policier. C'est ça qu'il dit, l'article.

Regardez, là, ça n'a pas de bon sens. D'abord, ce qui n'a pas de sens, c'est que ce fonctionnaire-là ait plus de pouvoir que l'agent de la paix dont le mandat est de réprimer le crime. L'agent de la paix, le policier dont le mandat est de réprimer le crime, lui, doit aller devant un juge pour être en mesure d'aller chercher le renseignement. Là, la loi va permettre à un fonctionnaire provincial de la lui communiquer. Et la loi, là, elle ne dit pas: Le policier va pouvoir téléphoner au ministère du Revenu, parler à un fonctionnaire, lui donner ses motifs raisonnables, et elle dit: Écoute, telle personne fait partie d'une organisation criminelle, on pense qu'il va commettre un crime au profit de l'organisation, puis il doit avoir... il y a un renseignement dans le dossier qui va servir à réprimer le crime. Le policier ne pourra pas faire ça, ce n'est pas permis de faire ça. Il faut que ça vienne du fonctionnaire. Mais mon argument est le suivant: le fonctionnaire, il ne connaîtra pas tous ces faits-là qui sont prévus par la loi, il va falloir qu'il soit pistonné, pistonné par un policier qui fait une enquête. Donc, c'est exactement ça qu'on est en train de faire dans le projet de loi n° 14, on permet, hein, de faire quelque chose indirectement qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire il y a du danger, un énorme danger, qu'avec une disposition semblable les expéditions de pêche dans les dossiers fiscaux des citoyens soient permises.

Entre vous et moi, M. le Président, il n'y a pas quelqu'un dans cette Assemblée nationale qui prône le plus qu'il y ait des moyens efficaces pour lutter contre le crime organisé que le député de Saint-Laurent, que bien respectueusement, bien humblement, je le dis. Combien de fois ai-je reproché au gouvernement, au ministère de la Sécurité publique de ne pas prendre tous les moyens à sa disposition dans la juridiction, qui est celle du Québec, pour lutter efficacement contre le crime organisé? Vous m'avez entendu lui reprocher de ne pas exiger qu'à l'École de police de Nicolet il se donne des cours de base sur le phénomène du crime organisé à tous les policiers du Québec, à tous les aspirants policiers, pour que ces gens-là, une fois qu'ils sortent de l'École de police, ils obtiennent un emploi comme policier, sachent reconnaître dans leurs différentes municipalités, dans les différents corps de police dans lesquels ils seront engagés, le phénomène du crime organisé. Et ça se rencontre, le phénomène du crime organisé, et il faudrait que tous les policiers soient capables de le reconnaître. Je reproche ça au ministre de la Sécurité publique, de ne pas faire ça.

Je reproche aussi au ministre de la Sécurité publique de ne pas favoriser la cueillette de délateurs, la cueillette d'information, l'infiltration, de ne pas mettre de moyens pour permettre d'infiltrer les organisations criminelles qui sont les moyens les plus efficaces de lutter contre le crime organisé. De telle sorte que, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'on communique des renseignements fiscaux des membres du crime organisé sans le consentement de ces personnes-là. Un mandat de perquisition, M. le Président, ça se communique sans le consentement de la personne.

Par contre, M. le Président, il faudrait ? et c'est ça que nous plaidons de ce côté, ici ? il faudrait qu'il y ait un contrôle judiciaire de ce fonctionnaire qui transmet. Là, s'il y avait un contrôle judiciaire, on s'assurerait que la loi pourrait être respectée. Et je vous ramène à mon exemple. Sans contrôle judiciaire, qui va empêcher qu'un policier, bien intentionné, mais illégalement, cherche à faire une expédition de pêche dans des dossiers de nature fiscale? S'il y a un contrôle judiciaire, le fonctionnaire va être obligé, serait obligé d'aller devant un juge et de dire: M. le juge, j'ai des motifs raisonnables de croire qu'une personne fait partie d'une organisation criminelle, qu'elle s'apprête à commettre un acte criminel qui va favoriser l'organisation, et ce renseignement que je possède va permettre de réprimer le crime. Savez-vous ce que ça ferait? Ça permet au juge de dire: Excusez-moi, M. le fonctionnaire, mais seriez-vous assez gentil de m'indiquer comment vous en êtes arrivé à posséder ces informations-là? Et, si le fonctionnaire répond: Bien, c'est la police qui me l'a dit, ça, ce n'est pas des motifs raisonnables, et donc la loi est respectée.

Un deuxième effet pervers, c'est le suivant, et là il concerne l'administration de la justice. Lorsqu'un policier, M. le Président, va devant un juge de paix pour demander un mandat de perquisition en alléguant devant le juge qu'il a des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne faisant partie d'une organisation criminelle, les motards par exemple, s'apprête à commettre un crime et qu'il doit fouiller un lieu ou se rendre au ministère du Revenu pour obtenir des renseignements dans le dossier, ce policier-là... on appelle ça aller demander un mandat de perquisition. Et, si le juge accorde le mandat de perquisition, le policier part avec son mandat de perquisition, s'en va au ministère du Revenu, va chercher le renseignement dans le dossier. Il a la permission des juges.

Éventuellement, il va y avoir un procès ? il faut réaliser ça, on ne peut pas voter des projets de loi, comme ce gouvernement fait là, sans contexte ? éventuellement, il va y avoir des accusations possiblement et il va y avoir un procès. Or, dans la procédure judiciaire, la personne qui va avoir été l'objet du renseignement fiscal, le bandit en question, s'il veut contester, M. le Président, la décision du juge d'accorder le mandat de perquisition, il le fait par une procédure indépendante du procès. Je ne veux pas entrer dans les légalités là, mais, pour ceux qui connaissent ça, ça s'appelle un bref de certiorari. On va devant la cour puis on dit: On voudrait être certain que tout ça a été fait légalement. Et là le juge regarde les circonstances dans lesquelles le mandat de perquisition a été obtenu et décide s'il y avait lieu de l'accorder ou non. S'il décide qu'il y avait lieu de l'accorder, la preuve reste intacte, et on procède au procès et on verse la preuve. Mais il peut arriver des cas où le juge dit: Écoutez, ce mandat de perquisition là a été obtenu illégalement, n'aurait pas dû être émis, et, à ce moment-là, la preuve qui en découle ne peut pas être déposée au procès. Ça, M. le Président, là, il y a de l'économie de l'administration de la justice, parce que, souvent, les procès se terminent à ce moment-là. Quand le bref de certiorari est accordé, le procès arrête, et il n'y a pas de délais indus.

Dans le cas de la loi n° 14, celle que le gouvernement veut nous faire voter, M. le Président, rendez-vous compte que d'abord la personne qui a fait l'objet de la divulgation du renseignement ne le saura jamais, sauf au moment de la communication de la preuve dans la procédure judiciaire, parce qu'il n'y aura jamais eu de documents qui auront témoigné de la fouille, si vous voulez, dans son dossier fiscal. Alors donc, la personne qui voudrait contester le fait qu'un fonctionnaire a transmis un renseignement fiscal la concernant, elle va le faire dans le cadre du procès. Et là, M. le Président, il va y avoir des délais évidemment, parce que, cette contestation-là se faisant dans le cadre du procès, ça allonge les débats évidemment et ça prend plus de temps.

Alors, à la fois sur le contenu, sur la substance, M. le Président, de la disposition et à la fois pour des motifs d'administration de la justice, cette disposition-là n'a pas de sens à moins que le gouvernement ne se rende à la suggestion de la députée de Beauce-Sud, qui est tout à fait pertinente, à la fois la députée de Beauce-Sud et sa suggestion d'imposer, de faire en sorte, M. le Président, qu'on ajoute, dans le projet de loi n° 14, à cet article-là, l'obligation pour le fonctionnaire de se présenter devant un juge et de faire approuver à l'avance la communication du renseignement qu'il veut faire à la police.

n(22 h 30)n

De cette façon-là, M. le Président, la loi à ce sujet-là, au sujet de divulgation de renseignements fiscaux, la loi serait la même pour tout le monde. Et c'est ça qu'on veut dans notre société. On veut que tous soient égaux devant la loi, oui, bien sûr, mais on veut aussi que la loi s'applique également pour tous.

Le policier est obligé d'aller devant un juge pour obtenir un mandat de perquisition avant d'aller fouiller dans un dossier fiscal et il doit alléguer qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte criminel. Ça, là, c'est la loi du pays. Pourquoi est-ce que le fonctionnaire du Revenu ne devrait pas se soumettre lui aussi à ce contrôle judiciaire et aller devant un juge pour faire approuver la communication qu'il veut faire à la police du renseignement? Sans compter, M. le Président, que je ne peux pas croire, et je suis certain que la majorité des gens qui nous écoutent, s'il en reste encore, là, ne peuvent pas croire qu'un fonctionnaire provincial du ministère du Revenu va savoir, par osmose, par l'inspiration du Saint-Esprit, hein, qu'une personne est membre d'une organisation criminelle, qu'elle s'apprête à commettre un acte criminel au profit de cette organisation-là et qu'elle possède... et que le fonctionnaire possède un renseignement qui va permettre de réprimer le crime. M. le Président, le fonctionnaire qui sait ça, là, c'est parce que la police l'a pistonné, hein? Et ce n'est pas ça, avoir des motifs raisonnables. Parce que, pour avoir des motifs raisonnables, il faut que tous les acteurs de la chaîne aient eux-mêmes les motifs raisonnables. Motifs raisonnables, ce n'est pas du ouï-dire, ça, là, là. Il faut que tous les acteurs de la chaîne aient les motifs raisonnables.

Et évidemment ce n'est qu'une seule des dispositions, M. le Président, sur laquelle je me suis permis de m'exprimer ce soir, mais il m'apparaît, à moi, qu'elle est fondamentale et que l'accroc ? l'accroc, je n'ai pas de problème à le dire, M. le Président ? que l'accroc qu'on s'apprête à faire à l'économie générale du droit criminel dans ce domaine-là dans le projet de loi est éminemment dangereux. Sans compter, M. le Président ? et je termine là-dessus ? sans compter... Parce que je me souviens de mes collègues, des avocats qui pratiquent devant les tribunaux ? le député de Chapleau s'en souvient aussi. Ces gens-là ont de l'imagination. Et, une disposition comme celle-là, M. le Président, je suis certain que le député de Chapleau va peut-être vouloir vous en entretenir parce que je sais que ça l'inquiète, lui aussi. Cette disposition-là, M. le Président, va être éminemment contestée devant les tribunaux. Alors, le projet de loi qu'on est en train de voter, là, sur cet article-là, n'aura pas d'effet avant un bon bout de temps parce que ça va être extrêmement contesté et contestable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chapleau.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Alors, j'ai eu le bénéfice, comme tout le monde, d'entendre les propos très éloquents de la députée de Beauce-Sud et du député de Saint-Laurent et je dois vous dire que je vais essayer d'ajouter un peu à leurs propos, de compléter leurs propos, mais ce ne sera pas une tâche facile parce que je pense qu'ils ont esquissé finalement les grandes lignes des enjeux qui sont ceux du projet de loi n° 14.

Je dois dire, M. le Président, je dois rappeler ? et c'est d'autant plus important qu'on s'adresse, via la télévision, à un public, à la population, en quelque sorte ? je dois rappeler que nous sommes en train de parler de protection des renseignements personnels dans le domaine fiscal parce que ce qui est proposé, c'est finalement une modification de la loi qui porte, donc, sur le revenu au Québec, et nous sommes en train de parler de modifications qui concernent plus précisément le secret fiscal. Puisqu'il y a au-delà de 5 millions de Québécois et de Québécoises qui annuellement produisent une déclaration de revenus, M. le Président, vous allez comprendre, donc, que nous sommes en train de parler d'une question qui intéresse à peu près tout le monde. Et le secret fiscal, c'est quelque chose d'extrêmement important.

La protection des renseignements personnels dans le domaine du revenu et dans le domaine fiscal, c'est très important, surtout parce que, comme on le sait, malheureusement, le ministère du Revenu a, à maintes reprises dans le passé, transgressé les lois qui étaient applicables en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, a finalement transgressé les règles fondamentales en la matière. Donc, on aurait pu s'attendre à ce que le projet de loi n° 14 cherche à renforcer la protection des renseignements personnels dans le domaine fiscal. Or, grande surprise, M. le Président, c'est le contraire, nous sommes en présence d'un projet de loi qui, donc, assouplit, si je peux dire, les règles, défavorise la protection des renseignements personnels et, par le fait même, donc, risque de nuire à des contribuables qui pourraient voir certaines de leurs informations personnelles, des informations censément confidentielles, être communiquées à des tiers.

Pour faire une histoire courte, M. le Président, je vous dirai que, depuis 1994, le gouvernement du Québec avait créé 15 exceptions dans la loi, en vertu desquelles exceptions il pouvait y avoir communication de renseignements personnels, de renseignements confidentiels reliés aux revenus, à des tiers. Donc, de 1994 jusqu'à aujourd'hui, on comptait 15 exceptions qui favorisaient donc la communication des renseignements personnels à des tiers. Avec le projet de loi n° 14, M. le Président, le gouvernement du Québec s'apprête à ajouter 14 nouvelles exceptions, pour un grand total finalement de 29 exceptions. C'est beaucoup. C'est énorme même. C'est tellement que certains ont dit que, dans le fond, les exceptions étaient devenues la règle. C'est tellement que certains ont dit que les exceptions, ici, sont si nombreuses que c'est le principe même du consentement de la personne concernée par la divulgation d'un renseignement personnel qui est menacé et qui finalement prend l'allure d'une exception.

Alors, c'est vous dire, M. le Président, que ce qui devait être la règle ? en quelque sorte, c'était la protection des renseignements personnels ? eh bien, la règle devient une exception, puisque, ici, finalement on élargit considérablement les cas où il va pouvoir y avoir divulgation d'informations personnelles à des tiers sans le consentement ? et ça, c'est très important, M. le Président ? sans le consentement de la personne concernée. C'est ça, le plus important. Parce que, évidemment, si la personne concernée consentait, il n'y aurait pas de problème en tant que tel à la divulgation de l'information. Mais là on parle de divulgations d'information à des tiers qui sont faites... donc, divulgations par le gouvernement, qui sont faites par le gouvernement et qui sont faites sans même que la personne concernée ne soit appelée à y donner son consentement.

Alors, pour ces motifs-là, vous allez comprendre, M. le Président, que l'opposition officielle est contre le projet de loi n° 14. Je suis persuadé que l'ensemble des contribuables québécois, l'ensemble des citoyens du Québec comprennent la position qu'adopte l'opposition officielle dans une telle matière. C'est une position qui se justifie parce que nous nous portons à la défense du contribuable, qui se justifie parce que, dans le fond, nous nous portons à la défense de la protection des renseignements personnels et la protection du secret fiscal.

Donc, avec le projet de loi n° 14, les renseignements personnels sont moins bien protégés, il y a une plus grande circulation et une plus grande manipulation de renseignements personnels, avec évidemment des risques de fuites extrêmement désagréables. Et Dieu sait qu'au Québec nous n'en sommes pas protégés, M. le Président, parce que des fuites d'informations, il y en a eues, il y en a même eues dans notre passé très récent. Et je parle là de fuites d'informations provenant du ministère du Revenu. Donc, il y a tout lieu de chercher à se protéger contre de telles circonstances. Ce n'est malheureusement pas ce que vient faire le projet de loi n° 14.

Pour donner une idée aux citoyens de ce que ça peut représenter qu'une transmission d'informations à des tiers, bien, figurez-vous qu'il y a des informations confidentielles qui sont données par le ministère du Revenu ou qui sont vendues par le ministère du Revenu à des organismes, à des institutions, pour fins d'enquête, pour fins de recherche, pour fins d'études de toutes sortes. Et, encore une fois, ces informations-là sont ainsi divulguées à de tels organismes, à de telles institutions sans même que les personnes concernées ne donnent leur consentement et, je dirais même, finalement, sans même que les personnes concernées ne soient informées de la situation, parce que, évidemment, l'organisme ou l'institution en cause ne s'empresse pas d'informer les personnes concernées qu'elle détient ou qu'il détient des informations à son sujet.

n(22 h 40)n

Le projet de loi n° 14, M. le Président, pose une problématique qui est tout à fait particulière. D'abord, il pose la problématique de la consultation des dossiers fiscaux par le ministre du Revenu lui-même. Il est normal qu'un ministre, donc, qui a la responsabilité d'un ministère et qui, devant cette Chambre, a la responsabilité de ses activités ministérielles, est chargé de rendre compte, est obligé de rendre compte de ses activités ministérielles, il est normal que le ministre ait à sa disposition certaines informations. Cependant, là où c'est inquiétant, c'est lorsque le ministre a un accès trop facile à des informations qui sont, donc, confidentielles et qui risquent malheureusement de le mettre dans des situations de conflit d'intérêts ou qui risquent de donner l'apparence ? je dis bien de donner l'apparence, M. le Président ? que le ministre est prêt à divulguer de telles informations pour rencontrer des objectifs politiques. Très souvent, la perception est encore plus importante finalement que la réalité. Et il faut donc faire en sorte que personne ne doute, finalement, de l'objectivité du ministre, du fait que le ministre ne soit pas en conflit d'intérêts, du fait que le ministre n'utilise pas des informations confidentielles pour des fins partisanes, pour des fins purement politiques, ou autres.

Or, le problème, avec le projet de loi, c'est que l'on facilite finalement la consultation des dossiers confidentiels par le ministre lui-même et, finalement, on n'oblige pas le ministre à passer par la Commission d'accès à l'information pour avoir droit à certaines informations confidentielles. Il me semble que ça aurait été tout à fait élémentaire que l'on dise au ministre: Très bien, si vous voulez avoir accès à certaines informations confidentielles parce que vous jugez que ça fait partie de vos fonctions ministérielles, vos fonctions gouvernementales, parce que vous jugez qu'il est dans l'intérêt public que vous ayez accès à de telles informations, on va vous demander néanmoins de consulter la Commission d'accès à l'information. Il me semble que ça aurait été élémentaire que l'on procède comme cela.

Or, ce n'est pas ce que l'on fait ici. Au contraire, on permet donc au ministre lui-même, avec l'assistance de son sous-ministre, d'élaborer les règles, d'élaborer les modalités, de fixer les modalités qui vont lui permettre de consulter les dossiers fiscaux confidentiels, M. le Président. Alors, inutile de vous dire que, face à tout cela, le contribuable n'est pas protégé et, j'oserais même dire, le ministre lui-même n'est pas protégé. Parce que, si nous avions finalement des mesures un petit peu plus exigeantes, un petit peu plus rigoureuses, c'est le ministre lui-même qui pourrait en profiter parce que, justement, il ne risquerait pas de se compromettre, donc, dans des situations embêtantes, dans des situations embarrassantes. À tout bout de champ, il faudrait qu'il fasse obtenir l'opinion de la Commission d'accès à l'information, ce qui le protégerait dans le processus administratif. Mais non, ce n'est pas comme cela que l'entend le présent gouvernement.

Je dois vous dire par ailleurs qu'une autre problématique qui est soulevée par le projet de loi n° 14, c'est en ce qui concerne les ententes qui sont conclues entre ministères ou entre le gouvernement du Québec et d'autres gouvernements, des ententes qui favorisent, donc, le transfert d'informations ou l'échange d'informations confidentielles. Encore une fois, M. le Président, il y a lieu de s'inquiéter à chaque fois que finalement des informations confidentielles circulent. Il y a lieu de s'inquiéter à chaque fois que des informations confidentielles sont en circulation.

Ce que nous disons, nous, dans l'opposition officielle, c'est qu'il est possible que, dans certains cas, de tels échanges d'informations soient pertinents, il est possible que des ententes entre des ministères soient pertinentes, il est possible que des ententes entre gouvernements soient pertinentes, mais encore faudrait-il que ces ententes-là soient, je dirais, ratifiées par la Commission d'accès à l'information. Encore une fois, nous pensons que la Commission d'accès à l'information pourrait jouer un rôle en ce qui concerne finalement la bénédiction qu'elle pourrait donner au gouvernement dans ses différentes tractations qui concernent le transfert ou l'échange de données qui sont confidentielles.

Sans compter une troisième problématique, M. le Président, non moins importante que les autres, soulignée tout à l'heure par ma collègue de Beauce-Sud, qui est le problème de la protection des renseignements personnels dans le cas de sous-traitance. Bien là je dois vous dire que c'est un problème qui est extrêmement ardu, c'est un problème qui est très, très sérieux. On sait que le ministère du Revenu donne beaucoup de contrats en sous-traitance et, donc, on n'a aucune garantie que ces sous-traitants-là sauront respecter l'ensemble des critères de confidentialité qui s'appliquent lorsqu'on parle du secret fiscal. Malheureusement, on doit dire que la sous-traitance risque finalement de donner lieu à la divulgation d'informations confidentielles, à finalement des cas où des informations confidentielles vont être rendues publique ou vont être portées à des oreilles qui ne devraient pas les entendre. Et, donc, forcément, M. le Président, nous on croit que, dans les cas de sous-traitance, le projet de loi n° 14 devrait élaborer davantage sur les mécanismes de protection des informations confidentielles, les mécanismes de protection du secret fiscal.

Autre chose par ailleurs qui est extrêmement intéressante, M. le Président, c'est les pénalités dans le cas finalement des employés du ministère du Revenu qui seraient trop curieux à l'égard des dossiers des contribuables. Ici, des amendes sont prévues, dans le projet de loi n° 14, dans de telles circonstances, dans de telles situations. Et c'est tout à fait normal, vous me direz, qu'un fonctionnaire, donc, qui serait trop curieux soit pénalisé et puisse faire l'objet d'amende. Le problème, et ce n'est pas que l'opposition officielle qui le dit, c'est beaucoup d'intervenants du milieu social québécois qui le disent, le problème, c'est qu'ici les amendes sont trop basses. Les amendes, même, de dire certains, sont dérisoires, et on se demande comment des amendes qui sont aussi dérisoires peuvent avoir un effet dissuasif.

Alors, vous voyez que finalement nous sommes en présence d'un projet de loi qui mériterait drôlement d'être refaçonné, qui mériterait drôlement d'être révisé, d'être amélioré de façon à ce que un certain nombre de passoires, je dirais, soient corrigées. Et, encore une fois, si elles sont corrigées, bien, c'est le contribuable, en entier, qui va pouvoir en profiter.

Quant à mon collègue de Saint-Laurent, il a beaucoup insisté, dans son exposé, tout à l'heure, sur le pouvoir qu'ont les fonctionnaires de transmettre des informations à des policiers dans le cas de présomption d'activités illégales ou d'activités criminelles. A priori, M. le Président, je vous dirai que tout citoyen honnête ne peut qu'applaudir à l'idée que les pouvoirs publics, donc, collaborent dans la lutte au crime et plus particulièrement dans la lutte au crime organisé. Le problème, ici, ce n'est pas tant le fait que le fonctionnaire a le pouvoir de transmettre des informations aux policiers; le problème, c'est que le fonctionnaire a le pouvoir de transmettre des informations aux policiers sans passer par un juge pour obtenir l'autorisation de transmettre ces informations-là. C'est ça, le problème. C'est que, dans le fond, on donne un pouvoir qui est arbitraire, qui est dangereux même, devrais-je dire, à des fonctionnaires. Fussent-ils de hauts fonctionnaires, fussent-ils des gens très compétents, on leur donne donc un pouvoir qui est arbitraire, qui est dangereux et qui pourrait même être exercé abusivement, un pouvoir de transmettre des informations à des policiers sans même passer par le juge.

Or, si nous obligions les fonctionnaires à passer par un juge avant même d'avoir l'autorité pour transmettre les informations confidentielles, nous protégerions finalement le contribuable concerné parce que le juge pourrait examiner prima facie, à tout le moins, à première vue, pourrait examiner le bien-fondé, donc, de la divulgation à des policiers de renseignements confidentiels, donc on protège le contribuable. Et on protégerait également le fonctionnaire, le fonctionnaire qui, donc, serait obligé de se soumettre à un processus rigoureux avant de décider si, oui ou non, il procède à une divulgation de renseignements confidentiels auprès de policiers.

n(22 h 50)n

Alors, voilà, M. le Président, en gros, les motifs pour lesquels l'opposition officielle entend s'opposer au projet de loi n° 14. Et vous me permettrez, en terminant, de souligner un article que, moi, je trouve extrêmement étonnant, qui est l'article 35, qui prévoit que toute entente conclue par le ministère du Revenu avant la sanction du projet de loi, avant la sanction de la loi, en quelque sorte ? le projet de loi n° 14, mais qui, s'il est adopté, va devenir une loi ? qui prévoit, donc, que toute entente conclue par le ministère du Revenu avant la sanction de la loi et prévoyant la communication ou l'échange de renseignements va être jugée conforme aux dispositions de la présente loi. La présente loi, c'est le projet de loi n° 14. Ça veut dire que finalement toute divulgation de renseignements qui aurait été faite avant l'adoption du projet de loi n° 14 va être jugée conforme, va être jugée conforme, va être présumée conforme finalement ? va être présumée conforme, mais c'est une présomption irréfragable, c'est une présomption absolue, donc c'est une réputation en quelque sorte ? va être réputée conforme au projet de loi n° 14.

J'avoue que c'est très étonnant parce que ça équivaut en quelque sorte à une espèce d'amnistie. C'est une amnistie que le gouvernement se donne à lui-même pour des actes qu'il aurait pu commettre en vertu de la loi actuelle non encore modifiée par le projet de loi n° 14 et qui pourraient en quelque sorte être illégaux et contraires à cette loi. Alors, vraiment, je trouve que cette amnistie-là est extrêmement douteuse. Pour un gouvernement qui se prétend transparent, pour un gouvernement qui se prétend pur, en quelque sorte, c'est extrêmement suspect, donc, d'avoir prévu un article comme l'article 35.

Si on avait dit, M. le Président, que finalement... si on avait dit que les actes posés en vertu de la loi actuelle vont être jugés en vertu de la loi actuelle et les actes qui seront posés en vertu du projet de loi n° 14, lorsqu'il va être adopté, vont être jugés en vertu des dispositions du projet de loi n° 14, ça aurait été beaucoup plus logique, ça aurait été tout à fait raisonnable. Mais ce n'est pas ce que l'on fait. Dans le fond, là, on se donne une amnistie et l'on se donne une pureté rétroactive, du côté du gouvernement, en décidant à l'avance que tous les actes, donc, qui sont posés en vertu de la loi actuelle, qui peuvent être contraires à la loi actuelle et, donc, qui peuvent être illégaux, vont être considérés comme étant finalement conformes au projet de loi n° 14 une fois que celui-ci sera entré en vigueur, Eh bien, M. le Président, j'avoue qu'une telle méthode, une telle technique est tout à fait étonnante. Et là je dis le moins, c'est tout à fait aberrant.

Alors, M. le Président, je termine en vous disant qu'en cette époque où finalement il y a de moins en moins d'obstacles technologiques qui empêchent la cueillette de renseignements personnels, en d'autres termes, en cette époque où nos renseignements personnels se retrouvent partout, partout et où finalement la vie privée n'a jamais été aussi menacée, il est vraiment dommage que le gouvernement ait choisi d'arriver avec un projet de loi qui soit un projet de loi aussi faible. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chapleau. La prochaine intervenante sera Mme la députée de Crémazie. Mme la députée.

Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir que j'interviens ce soir sur le principe du projet de loi n° 14, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Mon intervention portera spécifiquement sur deux sujets, soit la lutte au crime organisé et les programmes sociaux de nature fiscale qui sont gérés par Revenu Québec.

J'ai choisi ces deux sujets, M. le Président, parce qu'il me semble qu'ils sont très d'actualité, et aussi ce sont des préoccupations des Québécoises. Bien sûr, depuis quelques heures, j'ai entendu l'opposition officielle critiquer le projet de loi n° 14, mais je ne les ai pas beaucoup entendus parler de propositions pour aider à améliorer la situation des citoyens et citoyennes du Québec.

En mars dernier, à l'occasion du discours inaugural, le premier ministre faisait état de la volonté du gouvernement d'accroître la lutte au crime organisé. Il me semble que voilà un geste attendu de la population et combien d'actualité, ces derniers temps. Par contre, c'est très facile d'être pour la vertu, encore faut-il pouvoir se doter des moyens pour accentuer et mener à bien cette lutte.

Que nous propose le Parti libéral en cette matière? Rien, encore une fois. Le gouvernement, tant qu'à lui, par le biais du projet de loi n° 14, apporte une solution, une solution qui doit être mise en place le plus rapidement possible, M. le Président. Il faut tenir compte que la population du Québec, particulièrement les femmes du Québec, attend des gestes concrets et précis de leurs élus. Il me semble que l'opposition libérale devrait, avec nous et de façon non partisane, regarder l'avenir et voter rapidement le principe du projet de loi n° 14, qui, je vous le rappelle, répond aux attentes de la population face à la situation du crime organisé.

C'est sous la rubrique de la communication, M. le Président, que le projet de loi introduit de nouvelles dispositions visant à intensifier la lutte au crime organisé. Plus particulièrement, il s'agit notamment d'une disposition qui permet à un fonctionnaire du ministère du Revenu, autorisé par règlement, de communiquer, uniquement de sa propre initiative et dans des conditions très précises concernant le crime organisé, un renseignement contenu dans un dossier fiscal à un corps de police.

Bien sûr, les droits et libertés ont beaucoup évolué depuis plusieurs moments, et le ministre a d'ailleurs écouté les représentations qui ont été faites lors des consultations en commission parlementaire par les différents groupes qui, quoique favorables au principe de la lutte au crime organisé, ont exprimé certaines inquiétudes compréhensibles sur la mécanique qui entourera cette divulgation de renseignements fiscaux aux corps policiers.

Le ministre a déjà exprimé, dans son discours d'ouverture, et je me permets de le rappeler, M. le Président, qu'il avait demandé à ses fonctionnaires de tenir des échanges, des discussions avec le ministère de la Justice pour justement s'assurer que la mécanique proposée puisse satisfaire les critères des droits et libertés individuelles tout en permettant à Revenu Québec de poursuivre avec les autorités concernées la lutte au fléau qu'est le crime organisé.

M. le Président, puisque nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 14, je crois que, nous, comme législateurs, devons d'abord nous poser la question suivante: Sommes-nous d'accord avec le principe voulant que le gouvernement mette tout en oeuvre pour lutter efficacement contre le crime organisé? À cette question, moi, je me dis, et surtout au nom des gens de mon comté et au nom de la population, je réponds oui. Et je pose la question à l'opposition officielle: Êtes-vous d'accord avec ce principe? Si oui, donc on adopte le principe le plus rapidement possible, M. le Président, pour que, justement, si l'opposition a des objections de forme, de précision, des bonifications à apporter au projet de loi, bien, ça pourra se faire en commission parlementaire, et ce, le plus vite possible.

Il semble aussi, M. le Président, qu'il n'y a pas de temps à perdre, il faut mettre cette loi en vigueur le plus tôt possible, il en va de la sécurité de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Bien entendu, l'opposition s'est beaucoup questionnée sur le nombre d'exceptions au sacro-saint secret fiscal et a même précisé que cette ouverture encadrée dudit secret en était encore une nouvelle. Tant qu'à moi, M. le Président, je crois important de rappeler à cette Assemblée que toutes ces exceptions peuvent se justifier. Peut-on justifier qu'il y ait des échanges de renseignements avec le ministère des Finances? La réponse est oui, sinon comment voulez-vous qu'on puisse, au ministère des Finances, évaluer les bonnes mesures des différents budgets, ces dernières années, du Parti québécois? Peut-on justifier qu'il y ait des échanges de renseignements avec le Vérificateur général? Encore une fois, c'est sûr, sinon comment voulez-vous que cette institution, dont la mission est de vérifier comment sont gérés les impôts et taxes des Québécois et des Québécoises par l'administration publique, puisse faire son travail? Peut-on justifier qu'il y ait des échanges de renseignements avec la protectrice du citoyen? Encore une fois, M. le Président, la réponse est oui, à moins que l'opposition libérale désire empêcher la protectrice du citoyen de faire son travail.

Toutes les exceptions se justifient, M. le Président, et sont toutes encadrées par des lois et des règlements et visent toutes à assurer un bon service à nos concitoyens et concitoyennes. Que ce soit dans le domaine des transports, de la construction, de la santé, des affaires municipales, il me semble que toutes les exceptions ont un but bien précis. Si l'opposition voulait vraiment questionner cette façon de faire, premièrement, qu'elle précise que plusieurs de ces exceptions ont été acceptées alors qu'elle formait le gouvernement et que, contrairement à ce qu'elle laisse entendre, c'est toujours pour rendre des services publics offerts par des organismes du gouvernement. C'est faux de laisser entendre que les renseignements fiscaux sont semés à tout vent.

n(23 heures)n

Maintenant, M. le Président, j'aimerais aborder mon second sujet, soit celui des programmes sociaux de nature fiscale qui sont administrés par Revenu Québec. En effet, pour permettre au ministère d'administrer les lois qui lui sont confiées, la loi prévoira que les renseignements fiscaux pourront être utilisés pour l'application des lois et programmes non fiscaux confiés à ce dernier, soit la perception des pensions alimentaires, l'allocation-logement et le programme APPORT.

J'aimerais particulièrement aborder la question de la perception des pensions alimentaires. S'il y a un programme qui a bénéficié du fait qu'on ait levé le secret fiscal, de façon encadrée bien sûr, c'est bien le programme de la perception des pensions alimentaires. Je dis «le programme», mais, comprenons-nous bien, M. le Président, ce sont les femmes monoparentales du Québec qui en ont bénéficié, car, faut-il le rappeler, tous les programmes et toutes les politiques mis de l'avant par le gouvernement du Parti québécois sont d'abord et avant tout destinés à améliorer la qualité de vie des citoyennes et des citoyens du Québec.

J'aimerais rappeler la réussite de ce programme qui en est un de lutte contre la pauvreté et d'équité sociale. La grande majorité des bénéficiaires du programme sont des femmes et des enfants. Revenu Québec a été un véritable agent de répartition de la richesse. On parle de plusieurs millions de dollars qui ont été versés pour le mieux-être de ces femmes et de ces enfants.

M. le Président, je vous rappelle que le projet de loi n° 14 vise à permettre au ministère d'administrer les lois qui lui sont confiées: la perception des pensions alimentaires, l'allocation-logement et le programme APPORT.

Encore une fois, puisque nous sommes à l'étape de l'adoption du principe, je demande à l'opposition officielle, puisque c'est la véritable question: Sont-ils pour ou contre le principe du projet de loi n° 14 qui vise à permettre au ministère du Revenu d'administrer toutes les lois et programmes qui lui sont confiés? Êtes-vous pour ou contre que Revenu Québec soit un agent de répartition de la richesse? Êtes-vous pour ou contre la lutte à la pauvreté? S'ils sont pour, M. le Président, encore une fois, qu'ils cessent de faire parader les députés sur le principe du projet de loi n° 14, que l'on adopte et qu'on aille en commission parlementaire le bonifier et l'adopter.

Car, il faut le rappeler, le projet de loi a déjà reçu l'assentiment de plusieurs organismes importants, M. le Président. En effet, une consultation particulière qui s'est tenue le 21 août dernier par la commission des finances publiques a permis d'entendre plusieurs témoignages. Quelques exemples. Dans le cas de la Commission d'accès à l'information, sa représentante mentionnait, et je cite: «D'abord, nous sommes très contents qu'on ait pu, dans ce projet de loi, maintenir le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès. Il y a eu un long débat d'experts, mais on a fini par concilier cette loi qui est sous étude aujourd'hui avec notre loi. Donc, il n'y a pas deux régimes de protection parallèles, ce qui est important. L'un se vit avec l'autre, et il n'y a pas de conflit appréhendé, du moins à ce stade-ci.»

Sur un autre aspect du projet de loi, soit le droit d'accès à son dossier par le contribuable, le représentant du Barreau s'exprimait en ces termes, et je cite ici: «Premièrement, l'accès par le contribuable à son propre dossier, qui est l'article 69.0.0.2, je pense qu'on est satisfaits, même très satisfaits. On applaudit que l'accès du contribuable à son dossier, je pense, s'est élargi par cette disposition-là par rapport à la disposition précédente qui parlait encore de documents fournis par le contribuable. Il y avait une ambiguïté. Là, on donne accès au dossier fiscal en entier, c'est quelque chose qu'on applaudit.»

Pour sa part, la représentante de l'Association sur l'accès et la protection des renseignements personnels a souligné que son Association est heureuse de constater que le législateur a substantiellement modifié l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, notamment en lui introduisant le concept de «dossier fiscal» qui rend beaucoup plus facile la lecture de la section relative à la protection des renseignements confidentiels. Cette approche est plus conforme à la tradition d'inspiration civiliste du législateur québécois.

Enfin, le projet de loi a été aussi accueilli très favorablement par la protectrice du citoyen qui mentionnait, et je cite: «Qu'il me soit d'abord permis de souligner l'amélioration qu'apporte ce projet de loi au regard de la transparence qui prévaudra désormais dans les relations entre le ministère du Revenu et les citoyens. En effet, l'article 70.1 prévoit que le ministre informe annuellement la personne au sujet de laquelle il recueille des renseignements des usages auxquels les renseignements sont destinés et, entre autres, des possibilités de comparaison, couplage et appariement de fichiers de renseignements. Il l'informe également de la possibilité que des renseignements soient transmis à d'autres personnes, conformément à la loi, ainsi que de l'exercice des droits d'accès et de rectification.»

Enfin, un dernier représentant, soit celui de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, soulignait, je cite: «Dans l'ensemble, le projet de loi n° 14 portant sur la protection des renseignements confidentiels détenus par le ministère du Revenu, nous le croyons, nous tenons à vous le dire, apporte certaines améliorations au régime actuel. Ainsi, par exemple, la notion de confidentialité prévue dans le projet de loi s'étendrait à tous les renseignements contenus au dossier fiscal et non seulement aux renseignements nominatifs. Nous croyons que c'est un pas, un très bon pas dans la bonne direction, que ça apporte une amélioration sensible en matière de protection de la confidentialité des renseignements fiscaux.»

Alors, M. le Président, compte tenu de l'importance de ce projet de loi et de l'accueil favorable, comme je viens de le mentionner, qui en a résulté suite aux consultations particulières, j'invite donc les membres de l'Assemblée nationale à adopter au plus tôt le principe du projet de loi n° 14. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Crémazie. La prochaine intervenante sera Mme la députée de Laviolette. Mme la députée.

Mme Julie Boulet

Mme Boulet: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais prendre quelques minutes pour m'exprimer sur le principe du projet de loi n° 14, qui est la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements personnels.

Alors, je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer sur ce projet de loi parce que, selon moi, il est d'une importance capitale dans notre société moderne. Alors, si on définit le mot confidentialité dans le dictionnaire, ça nous dit: «Maintien du secret des informations.» Alors, le mot le dit, c'est un secret, et les informations, c'est quelque chose qui nous appartient en propre à nous, comme individus, c'est quelque chose qui nous est confidentiel, c'est quelque chose qu'on veut garder pour nous. Et évidemment, l'information, on doit en donner plusieurs au gouvernement. C'est la loi, on n'a pas le choix, il faut donner de l'information au ministère du Revenu, mais en aucun temps, en aucun temps nous acceptons que ces données servent à d'autres fins que celles prévues initialement.

Alors, j'aimerais dire qu'à l'heure actuelle il y a plusieurs lacunes au sein du ministère du Revenu quant à l'application de cette loi. Et j'aimerais reprendre ma collègue de Crémazie, du côté du PQ, qui dit que c'est faux de dire qu'elles sont semées à tout vent, que les informations sont semées à tout vent. Alors, je vais lui rafraîchir la mémoire et je vais lui citer quelques fuites, quelques fuites qu'il y a eu à son gouvernement. Je pense qu'il n'y en a pas juste quelques-unes, il y en a plusieurs.

En 1997, huit employés du ministère sont congédiés au terme d'une enquête de la Sûreté du Québec, qui a démontré qu'ils avaient vendu des renseignements fiscaux. Le dossier fiscal du député bloquiste Ghislain Lebel est consulté illégalement, et ce dernier fait l'objet de pressions politiques afin qu'il règle ses différends avec le ministère du Revenu.

Au début de 1999, des milliers de renseignements, pas un, pas deux, des milliers de renseignements confidentiels sont transmis à la firme de sondage SOM ? c'est bien important dans la vie des citoyens ? dans le cadre d'une enquête portant sur le programme de perception des pensions alimentaires.

Ce n'est pas tout, M. le Président. Toujours en 1999, le ministre du Revenu signe plusieurs contrats avec l'entreprise privée pour la gestion de données personnelles. Ce faisant, le ministère contrevient à un avis de la Commission des... la CAI, qui est la commission pour l'information privilégiée, qui s'opposait catégoriquement à ce projet et proposait des balises qui auraient dû empêcher le ministre du Revenu de conclure des ententes avec des firmes informatiques.

Finalement, en mai 1999, on apprend la transmission de données personnelles par fax, et ce, sans aucune page de garde, alors que le ministère avait déjà été pris en défaut pour la même pratique en 1997 et en dépit du fait que la Commission d'accès à l'information recommandait formellement à tous les ministères, en juin 1998, de respecter cette règle élémentaire dans la protection des renseignements personnels.

Alors, je trouve que ça fait plusieurs fuites au processus. Si on dit que ce n'est pas semé à tout vent, je commence à trouver que c'est pas mal semé à un peu partout pareil, également. Alors, je pense que c'est d'autant plus important de mettre des mesures qui sont très restrictives à ce projet de loi. La loi, elle est déjà existante, M. le Président, mais elle est également très déficiente.

n(23 h 10)n

Le PQ a créé, depuis 1994, pas moins de 15 exceptions à la Loi sur le ministère du Revenu du Québec, qui permettent la communication des renseignements personnels obtenus dans l'application d'une loi fiscale. Et maintenant on en ajoute d'autres. On en ajoute 14 autres, exceptions, M. le Président, comme si déjà une quinzaine, ce n'était pas suffisant. Ce qui fait d'ailleurs dire au Barreau ? et ce que mon collègue tantôt de Chapleau disait, c'est que l'exception fait la règle ? le Barreau du Québec dit: Les exceptions sont si nombreuses dans ce projet de loi que le principe du consentement prend l'allure ici d'une exception dans la régime proposé. Alors, imaginez-vous, on fait des projets de loi sur des exceptions. C'est ça, les projets de loi du PQ.

Comme je le disais précédemment, c'est très inquiétant pour tous les citoyens. En tant que citoyens, nous aimerions nous sentir davantage protégés. Nous aimerions que nos informations personnelles, que nos données restent confidentielles, qu'elles ne servent pas, à tout bout de champ, à des études et à des statistiques. Et voici les quelques exceptions ou les quelque... les 14 exceptions où le ministère pourra transférer des renseignements, et tout cela, M. le Président, sans le consentement des gens qui sont visés. Bien évidemment, si on avait le consentement de ces personnes-là, il n'y aura pas de drame, il n'y aurait rien d'accidentel, il n'y aurait rien de dangereux. Mais, quand on n'est pas avisé qu'on se sert de nos données, de nos informations pour des fins partisanes, des fins politiques ou peu importe, là, je pense qu'il y a un gros problème et il y a un manque d'éthique de la part du gouvernement.

Alors, on peut transmettre nos informations dans l'application ou l'exécution d'une loi fiscale, un; deux, au niveau du paiement des pensions alimentaires; trois, au niveau du programme d'Aide aux parents, emploi et solidarité sociale; dans les allocations-logement, M. le Président; au niveau des corps policiers ? on peut se passer l'information d'un corps policier sur mon dossier à moi, personnel, avec mes données à moi pour être transmises à des fins d'enquête sans qu'un juge ait à prendre parti au niveau de cette transmission-là. On peut transmettre également à des gouvernements étrangers, à des organisations internationales. Alors, elles sont où, les balises, elles sont où, les limites à tout ça? Je ne sais pas, là, mais le Parti québécois a l'air à trouver ça normal qu'on ouvre ces portes grandes ouvertes là et qu'on transmette nos informations allégrement, à peu près à qui veut bien en avoir.

Il y a également ? et ma collègue de Beauce-Sud l'a spécifié tantôt ? dans la réalisation d'un contrat ou d'une sous-traitance. Il y a un danger important, M. le Président, d'une propagation de l'information confidentielle, parce que, vous le savez, que le gouvernement fait beaucoup de contrats de sous-traitance, et c'est important parce que n'importe qui va pouvoir se servir de nos informations. Le pire dans tout ça, le pire des exceptions ? et, selon moi, c'est celle qui est inadmissible ? c'est quand on se sert de ces informations-là dans le cadre d'une réalisation d'études, de recherches ou de production de statistiques. Quelle aberration! C'est rendu qu'on est prêt à ouvrir les livres, les statistiques et les données pour de simples études ou de simples recherches, hein. Qu'est-ce que ça rapporte au citoyen, ça? Ça ne lui rapporte pas tellement de choses. Par contre, on se sert de sa personne sans son consentement, sans qu'il soit avisé, et ça, moi, je pense que c'est un grand manque à l'éthique et c'est une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. Alors, vous savez bien, M. le Président, la porte, comme je viens de le démontrer, la porte, elle est grande ouverte sur la protection des renseignements, et tout cela sans le consentement de la personne visée.

Ce qui est également très important, c'est qu'on accorde à ce moment-ci dans ce projet de loi une importance capitale au ministre, à ses fonctionnaires, au sous-ministre, à tout ce monde-là pour qu'ils traitent nos données comme bon leur semble. Il n'y a pas l'air à avoir de règles. Il n'y a pas l'air d'avoir de règlements, de balises, et je pense que c'est inadmissible que ces gens-là puissent se servir de ces données-là allégrement. De plus, M. le Président, le ministre n'est nullement astreint à consulter la Commission d'accès à l'information. Alors, la Commission d'accès à l'information, là, je ne sais pas pourquoi le PQ a mis ça en place ou pourquoi on a mis ça en place. Je ne sais pas à quoi c'est censé servir si, quand on parle de divulguer des données, des informations confidentielles, si on ne réfère pas d'abord et avant tout à la Commission d'accès à l'information. C'est le ministre encore puis c'est le sous-ministre qui décident. Alors, on fait des projets de loi pour donner plus de pouvoir à nos gens. C'est ça qui est le contenu du projet de loi n° 14, on veut donner plus de pouvoir à nos gens pour qu'ils se servent de nos informations pour régler des choses auxquelles, eux... avec des partisaneries politiques.

Alors, on cache des choses. Souvent, on a vu cette semaine au niveau des hôpitaux: soit qu'on cache de l'information ou bien soit qu'on en donne trop facilement. Alors, la Commission d'accès à l'information, comment il se fait qu'elle est carrément outrepassée avec ce projet de loi là? C'est complètement inadmissible.

D'ailleurs, on avait fait une commission Moisan pour essayer de trouver des façons de régler ou des façons de procéder à l'intérieur de ce projet de loi n° 14, on a fait affaire... une commission Moisan. La commission Moisan disait que les membres du cabinet ne devraient pas avoir accès à l'information, dans un premier temps, et, deuxièmement, qu'il faudrait réglementer la transmission des renseignements. Alors, comme les habitudes du PQ sont de faire... ils aiment beaucoup les commissions, les rapports, les comités. On peut le voir; entre autres, on a eu la commission Clair qu'ils ont mise en place et ils n'en ont absolument rien fait. Il y a eu tout un bouquin qui est sorti, on n'en connaît pas les coûts, mais, bien évidemment, c'est beaucoup d'argent, beaucoup de temps et beaucoup d'énergie. Et les citoyens, eux, bien, la commission Clair, ils n'en ont rien eu, ils ne savent pas à quoi ça a servi exactement, qu'est-ce ça nous a rapporté. Sûrement que ça nous a coûté de l'argent, mais il n'y a pas eu beaucoup de solutions qui ont été apportées suite à ça. Alors, c'est la même chose pour la commission Moisan.

C'est la même chose pour la rapport Montmarquette qui va sortir prochainement, au mois de décembre. Et Mme Marois a annoncé que tout d'un coup le régime d'assurance médicaments était en péril, puis elle n'attend même pas... C'est elle qui met en place le comité Montmarquette et elle n'attend même pas son rapport. Elle met en place des gens, mais, suite à ça, elle n'attend même pas la conclusion du rapport. Elle décide que, elle, elle va procéder autrement. Alors, c'est ça, la situation de ce gouvernement-là. Il décide avec leurs hommes en place, avec leur personnel en place... et, bon, les citoyens, eux, ils passent deuxièmes dans tout ça. Alors, comme la commission Moisan avait des suggestions qui étaient fort appropriées pour le projet de loi n° 14, je pense que le gouvernement en place aurait dû prendre le temps, s'il avait engagé cette personne-là pour qu'elle lui donne des conseils. Bien, quand on engage quelqu'un, on prend au moins le temps d'écouter ce qu'il a à nous dire et, quand c'est sensé, quand c'est plein de logique, bien, on essaie de le mettre en application. Ça, c'est une logique, c'est un jugement que le gouvernement aurait dû avoir.

Il y a également dans le projet de loi, il y a également les pénalités qui sont exigées lorsqu'il y a un problème, lorsqu'il y a des employés qui font faux bond, qui sont... Il y a des pénalités qui sont inscrites dans le projet de loi, mais qui sont, à mon avis, un, très mal définies et, deux, qui sont trop peu, trop peu. On parle de 200 $, peut-être 1 000, peut-être 500, on ne sait pas trop où, pourquoi, ni comment. Mais ce qui est certain, c'est qu'elles sont loin d'être suffisantes pour avoir un effet dissuasif sur les gens qui voudraient outrepasser les lois. Alors, c'est facile pour quelqu'un qui travaille dans un ministère de pouvoir déroger à la loi, et la pénalité qui s'ensuit, elle n'est pas excessive. et on ne parle pas de perte d'emploi, on ne parle pas... Alors, je dis que, dans ce temps-là, c'est comme s'il n'y en avait pas, de pénalité. Quand les pénalités ne sont pas suffisantes, bien, c'est comme s'il n'y en avait pas. C'est comme donner une punition à un enfant, puis, cinq minutes après, lui dire que tout est beau, tout est correct. Alors, quand on met en place des règles, il faut que, quand on déroge à ces règles-là, on mette en place également les pénalités qui s'ensuivent, les pénalités qui sont correspondantes à l'ampleur de ce que la personne a fait, à l'ampleur du dérèglement, à l'ampleur de l'erreur ou de la faute de l'employé du gouvernement. Et, quand les pénalités ne sont pas là, bien, je peux vous dire qu'on ne se sent pas du tout protégé.

Il y a également, M. le Président... ce que j'aimerais noter, ce n'est pas dans le projet de loi, mais je me dis, on est en l'an 2001, en l'an 2001 où on sait que c'est un monde de télécommunications, la technologie, la haute technologie, Internet, et, si, dans cette époque moderne là, on n'est pas capable de mettre un encadrement plus restrictif, plus sévère, au niveau de l'accès à l'information, au niveau de la propagation, au niveau de tout ce qui est confidentialité, de renseignements confidentiels, si on n'est pas capable de mettre un encadrement à tout ça, je pense sincèrement qu'il y a un grand danger. Parce que vous savez qu'il y a des gens qui sont très brillants, des internautes qui sont très brillants et qui vont être capables, d'une façon ou d'une autre, d'aller chercher des renseignements et de l'information qui est confidentielle. Et c'est important de mettre des balises et de mettre des choses en place qui vont faire en sorte que les citoyens vont se sentir protégés dans ce processus.

n(23 h 20)n

Finalement, on peut se poser la question... suite à cette réflexion, on peut se poser la question, et c'est ce qui est l'objectif premier de la loi, c'est s'il est capable de nous répondre à cette question-là: Mes renseignements personnels ? à moi ou à tout autre individu ? seront-ils dorénavant mieux protégés et vont-ils moins circuler? Alors, M. le Président, je pense, en toute honnêteté, qu'il n'y a pas beaucoup de citoyens qui vont pouvoir répondre oui à cette question-là. Et, à partir de ce moment-là, à partir du moment où on dit: Je ne suis pas trop sûr ou je pense bien que non, bien, c'est qu'il y a de grandes lacunes dans le projet de loi. Les gens ont besoin de se sentir en confiance avec un tel projet de loi; ils ont besoin de sentir que leur information qu'ils ont donnée au gouvernement parce qu'ils n'avaient pas le choix, parce que c'est une loi... Mais cette loi-là s'applique à telle place, mais elle ne doit pas s'étendre à plusieurs champs.

Je ne crois pas, M. le Président, considérant les points que je viens d'expliquer, que le citoyen d'aujourd'hui se sente en sécurité. Nous devons donc répondre non. Je dis non à Mme la députée de Crémazie. Je dis non à cette question fondamentale. Et c'est pourquoi le PLQ est contre ce projet, un projet de loi qui...

Vous savez, M. le Président, pour moi, un projet de loi, ça devrait servir à bonifier une loi qui est déjà existante, alors que le problème avec celle-ci, c'est qu'on ne la bonifie pas, on est après ouvrir les portes encore plus largement, on est après donner encore plus de côtés permissifs à ce projet de loi là. Et ça, ça se fait en donnant plus de pouvoirs au ministre, plus de pouvoirs à ses fonctionnaires, mais tout ça au détriment du citoyen, au détriment du citoyen qui, au niveau de la protection de ses renseignements... il se sent lésé. Alors ça, c'est inadmissible. C'est pour moi une grande question d'éthique et, peu importent les finalités pour lesquelles on accepte de céder des renseignements fiscaux, quand on essaie de se protéger derrière mille et une raisons, peu importent les raisons, c'est un sentier délicat, et cela met en péril le maintien des droits fondamentaux des individus.

Les dispositions de ce projet de loi s'avèrent excessivement délicates et devraient faire l'objet d'un encadrement beaucoup plus strict, et cela, pour le bénéfice de tous les citoyens. Un, il faudrait donner le pouvoir qui lui est dévolu à la Commission d'accès à l'information. Deux, il faudrait agir avec prudence et discernement. Et, trois, il faudrait protéger d'abord et avant tout le citoyen, avec tous les outils mis à notre disposition, tel que recommandé par la commission Moisan.

Alors, moi, je pense, M. le Président, que, compte tenu de tout ce qu'on a dit ce soir ? ma collègue de Beauce-Sud, mon collègue de Chapleau et mon collègue de Saint-Laurent ? je pense que tous les citoyens sont en mesure de comprendre. Les citoyens, ils sont intelligents. Les citoyens, ils sont devant leur téléviseur aujourd'hui et ils essaient de comprendre ce qu'on fait ici. Ce qu'on essaie de leur expliquer, c'est que le PQ est en train de mettre en place ou de modifier un projet de loi qui donne plus d'ouverture, qui va faire en sorte qu'il y a un risque éventuel que leur information, que leurs renseignements confidentiels qu'ils donnent au ministère soient... servent à d'autres fins, O.K., à d'autres fins comme des études et comme des sondages, à des sous-traitances, à des contrats. Et là il y a un danger, et le citoyen doit être à l'écoute de ça et doit être avisé de cette situation-là.

Alors, le Parti libéral du Québec est contre ce projet de loi parce qu'il ne protège pas le citoyen comme un bon gouvernement serait censé le faire. Alors, je vous remercie infiniment, M. le Président, pour me permettre de m'exprimer sur ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Laviolette. Le prochain intervenant sera le député d'Orford. M. le député.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, tout d'abord dire aux gens qui nous écoutent à cette heure-ci de la soirée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 14, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Mais, avant de parler du projet de loi, M. le Président, permettez-moi de dire deux mots sur ma consoeur qui vient tout juste de terminer une présentation magistrale sur le projet de loi n° 14. Cette nouvelle consoeur de Laviolette, elle vient tout juste d'être élue par les gens de Grand-Mère, de Shawinigan, de La Tuque, par une majorité extraordinaire, dans un comté qui avait été péquiste depuis une trentaine d'années. Les gens de Grand-Mère qui viennent de l'entendre ce soir devaient être ? pas seulement de Grand-Mère, les gens de Laviolette ? devaient être très fiers de la qualité de leur nouvelle députée. Elle est présente sur le terrain, c'est une femme dynamique, mère de famille, qui comprend bien les problèmes de la société moderne et qui fait un ouvrage extraordinaire.

Ce soir, au caucus des députés, nous avons eu un débat très technique sur un aspect de la société québécoise, et... Je n'ai pas le droit, je suis lié par le secret professionnel d'un caucus de députés. Je vois qu'il y en a qui auraient aimé que je leur en donne un peu plus, mais vous auriez dû voir, vous auriez dû voir notre consoeur de Laviolette expliquer à 49 très bons autres députés qui sont présents à ce caucus l'implication de prendre telle décision versus telle autre décision. Et nous savons que c'est là que les décisions se prennent, dans nos caucus. Je ne sais pas du côté du PQ où se prennent les décisions. Je pense que c'est au bureau du premier ministre finalement que ça se prend. Chez nous, c'est l'ensemble de 50 députés qui se questionnent, qui posent des questions, qui réfléchissent. Et je peux vous dire que ce soir cette nouvelle consoeur à nous, elle a fait une présentation absolument magistrale, extraordinaire. Et je vous dirai franchement qu'elle a tenu tête à 48 personnes, à toutes fins pratiques, et qu'elle a gagné le débat en bout de ligne. C'est une femme fantastique. Et, gens de Grand-Mère, gens de Shawinigan, gens de La Tuque, je vous l'annonce en primeur: il n'y aura pas de convention avant son élection. Les gens sont tellement heureux là-bas, alors le Parti libéral ne voit pas le besoin de faire une convention pour cette fantastique députée. Et soyez assurés, soyez assurés qu'elle sera réélue dans le comté de Laviolette.

Ceci dit ? il ne faut pas exagérer non plus sur les bons messages ? peut-être deux mots sur notre porte-parole en matière de fiscalité, la députée de Beauce-Sud. Ce n'est pas évident. Moi, je vous dis franchement, si mon chef m'avait appelé puis m'avait dit que j'étais le porte-parole de l'opposition en matière de fiscalité, probablement, parce qu'on doit obéissance à notre chef, j'aurais probablement été prêt à dire oui, mais je vais vous dire tout de suite que j'aurais trouvé la job pas mal plate. Et, ici, ici, M. le Président, on a la députée de Beauce-Sud qui rend la fiscalité presque palpitante, très intéressante, et, par surcroît, par surcroît, est capable, M. le Président, de tenir tête à un ministre qui, lui, a une panoplie d'experts tout le tour. Et, pire que ça, elle a fait retourner dans ses terres le ministre avec ses projets de loi. C'est extraordinaire. Et elle fait ça avec le sourire, elle fait ça avec amabilité. Elle a même été capable d'amener plein de députés ici, ce soir, parler avec elle contre ce projet de loi là. Alors, moi, je lève mon chapeau à la députée de Beauce-Sud, qui est une femme absolument fantastique.

Pourquoi on se bouscule aux portes du côté du Parti libéral pour parler contre le projet de loi n° 14? C'est bien simple, c'est bien simple, pourquoi on se bouscule aux portes pour parler contre ce projet de loi là, M. le Président. C'est parce que ça va à l'encontre des valeurs fondamentales de quelqu'un qui fait partie d'une formation qui s'appelle le Parti libéral du Québec. Être libéral, c'est d'abord faire la protection du bien, du bien privé, du bien du citoyen, de faire la protection de la propriété individuelle et, bien sûr, et bien sûr, à prime abord, de faire la protection de l'information qu'un citoyen bien intentionné, libre et réfléchi donnera à son État.

Ce citoyen, quand il répondra à ce rapport d'impôts, il va le faire avec la plus grande des consciences. Il va s'asseoir chez lui un bon soir puis il va répondre à chacune des petites questions. Combien gagnez-vous? 32 000 $. Combien avez-vous contribué à votre RER? 1 100 $. Est-ce que vous vous occupez d'une personnes âgée dans votre résidence? Oui. J'ai droit à une déduction. Est-ce que, vos enfants, vous avez acheté une fiducie d'études pour eux? Non. Etc. Il va en remplir comme ça, des pages et des pages. Il va se confier. Il va donner beaucoup d'informations. Et je vous dirais même qu'à chaque fois qu'on fait nos rapports d'impôts on est un peu surpris de la quantité d'informations qu'on est obligé de donner à ces gouvernements-là, qui ne sont pas juste des chiffres, qui sont souvent notre façon de vivre, notre façon de voir notre famille, de voir notre société, finalement.

n(23 h 30)n

On prend pour acquis que, au moment où on donne ces informations-là au ministère, ces informations-là, il en est le fiduciaire et que, comme fiduciaire, il doit avoir un haut niveau de responsabilité. Or, voilà qu'on a un projet de loi qui maintenant va avoir 29 exceptions, des entorses au secret fiscal. Moi, je ne suis pas sûr, M. le Président, comme le disait si bien notre consoeur de Laviolette tantôt, je ne suis pas sûr, moi, que je veux que tout le monde sache combien j'ai contribué à un REER, que tout le monde sache que, oui ou non, je me suis occupé de mes parents ou de mes grands-parents ou de ma belle-mère ou de mon beau-père ou d'un enfant handicapé, je ne suis pas sûr, moi, que je veux que l'ensemble des citoyens sachent ça.

Et le citoyen qui a répondu à son rapport d'impôts, lui, il a pris pour acquis qu'il donnait ça au ministre du Revenu du Québec et que ça serait bien confidentiel. Ce soir, quand il nous écoute, il s'aperçoit qu'il y aura 29 entorses au secret fiscal. Et là on peut se recouvrir avec toutes sortes de bonnes raisons. C'est toujours d'ailleurs ce que font les gouvernements qui veulent empiéter sur la propriété privée ou sur l'information confidentielle. Il y a toujours des bonnes raisons.

Imaginez-vous bien que le ministre, s'il vous était arrivé qu'avec des mauvaises raisons ce soir, imaginez-vous la bataille qu'on lui aurait menée; déjà qu'on lui en mène toute une. Alors, il essaie de s'abrier avec des bonnes raisons. Mais le total de ces raisons qu'il nous donne ne vaut pas le poids, en tout cas pour un libéral, de dire à ce gouvernement: Vous allez pouvoir transmettre de l'information que je vous ai donnée d'une façon tout à fait confidentielle et dont vous êtes les bénéficiaires. C'est trop dangereux.

Et vous savez, si on était sans taches et sans péchés au ministère, peut-être qu'on le regarderait d'une autre façon. On a une série ici d'exemples dont la bonne députée de Beauce-Sud nous a donnés, d'exemples où des erreurs magistrales ont été commises au ministère de la fiscalité, dont certaines, certaines erreurs sont allées jusqu'au bureau du premier ministre, qui ont été à toutes fins pratiques gérées à partir du bureau du premier ministre. Et nous nous souvenons tous du cas de Ghislain Lebel qui, finalement voulant aider ou nuire finalement à quelqu'un qui avait peut-être des intentions de se présenter lors d'une élection, ont mis leur nez un peu dans les rapports d'impôts.

Dans un autre cas, le ministère, n'écoutant que son courage ? il faut le faire ? a donné l'information à une firme de sondage. Savez-vous qui travaille dans les firmes de sondage? J'ai beaucoup de respect pour ces gens-là. Il y a un bureau d'une firme de sondage juste à côté de mon bureau de comté, ce sont probablement tous des gens bien corrects, mais la moyenne d'âge des gens qui travaillent là: très, très jeune, entre 18 et 22, 23 ans. La très grande partie souvent de ces gens-là, ce sont des gens qui sont à l'université ou fin cégep, qui veulent avoir des revenus de pointe et qui vont aller travailler là par les soirs. Donc, ces gens-là bien sûr sont liés par le secret, mais ils mettent la main sur beaucoup d'information.

On se souvient même qu'au ministère, à une époque, à l'époque où on a questionné, où notre consoeur de Beauce-Sud a questionné sur certains us et coutumes, ce qu'on appelle l'«opération des crédits», nous apprenions par exemple que le rapport d'impôts de grandes chanteuses du Québec ? Mme Ginette Reno ? était beaucoup plus visité que le rapport d'impôts d'un chauffeur de taxi de Montréal, par exemple. Il y avait plus d'intérêt de la part de certains fonctionnaires à aller voir les revenus de Mme Ginette Reno et de Céline Dion, la même chose.

Alors, tout ça me porte à croire que le niveau de sécurité de ces informations-là est questionné et questionnable. Et, quand on me dit au ministère: Écoutez, on veut aller plus loin, là, on dit: Un instant! Et c'est tellement vrai ce que je vous dis que vous savez que, maintenant, quand on fait affaires avec les firmes d'avocats, les firmes de comptables, vous avez le droit, comme citoyens, à les obliger à signer la confidentialité, c'est-à-dire qu'ils s'engagent devant vous, devant les autres employés de leur bureau, devant leurs associés, à ne jamais transmettre l'information, à ne jamais laisser traîner sur une photocopieuse l'information. Et combien de fois il m'est arrivé dans ma vie d'homme d'affaires d'être dans ces bureaux de professionnels et d'attendre à la porte des toilettes ou d'attendre dans la salle de réception et, soudainement, voir le rapport d'un monsieur, situation financière de son entreprise et autres. Or, devant ces faits, beaucoup de gens ont demandé à ces entreprises de leur signer un pacte de confidentialité. Imaginez-vous qu'on s'attendrait que le gouvernement ait ce pacte de confidentialité avec les citoyens.

Ce qu'on fait, nous, finalement, M. le Président, avec ce projet de loi là, on est après banaliser le secret fiscal. Et c'est Mme Jennifer Stoddart qui disait, lors des audiences sur le projet de loi n° 14 à la commission des finances publiques, le 21 août de l'an 2001, elle disait, Mme Jennifer Stoddart, je la cite au texte: «Mon Dieu! comme le secret fiscal a changé au cours des 15 dernières années. C'est le moment d'arrêter, d'arrêter et de regarder qu'est-ce qu'on fait.» Elle nous dit: «Attention! tout ça est allé trop loin, et les citoyens doivent se poser des questions et, nous, parlementaires, nous devons nous poser ces questions-là.»

Ce soir, on apprend en lisant le projet de loi qu'il y aura transmission à un corps de police. Et là on dit... encore là, on s'abrille dans des bonnes intentions, on dit: C'est pour la lutte au crime organisé. Bien sûr qu'on est tous pour la lutte au crime organisé. Il n'y a pas personne dans cette enceinte qui ne croit pas qu'on doit se tenir debout contre le crime organisé. Mais pensez-vous que, si j'étais trafiquant de drogues, ou si j'étais sur un réseau de pornographie enfantine, ou si j'étais je ne sais trop quoi, pensez-vous que je déclarerais des revenus que je fournirais au ministère du Revenu? Bien, voyons donc! Alors, encore là, on essaie, je pense, de donner des bonnes intentions pour quelque chose qui me semble difficile à comprendre. Et, si, effectivement, on veut vraiment lutter contre le crime organisé et si c'était là l'essence de ce projet de loi là, eh bien, mon Dieu! d'autres l'ont dit, le député de Saint-Laurent l'a dit, la très bonne porte-parole de Beauce-Sud en a parlé, ma consoeur de Laviolette en a parlé, et là on a fait une critique très constructive, ce qu'on a dit: Permettez à un juge de regarder cette demande-là. Vous savez, bonnes gens qui nous écoutez ce soir, la police ne peut pas rentrer dans votre maison comme ça et dire: Bien, moi, j'arrive, je fais une descente. Elle doit d'abord demander à un juge. Et est-ce qu'on peut faire une descente dans votre rapport d'impôts parce qu'on prétend que c'est valable? La réponse, c'est non. Et de la même façon qu'on ne peut pas rentrer dans votre maison, de la même façon on ne peut pas vraiment fouiller non plus votre voiture à moins d'être convaincu qu'il y a matière, on ne peut pas fouiller votre rapport d'impôts juste parce qu'on pense que... Et laissons une personne neutre, un juge, prendre cette décision-là. Et nous, c'est ce qu'on dit au gouvernement.

Il y a au-dessus de 5 millions de citoyens ? 5 millions de citoyens ? qui font une déclaration d'impôts. Avec toutes ces exceptions que vous êtes après mettre dans la loi, la loi va devenir une exception, et il y aura toujours une raison pour laquelle ? 29 entorses au secret fiscal ? il y aura toujours une raison pour laquelle quelqu'un de bien intentionné ? il n'est pas question pour moi de prêter des intentions à qui que ce soit, loin de là ? quelqu'un de bien intentionné disant: Bien, nous, on veut faire des statistiques pour savoir combien de gens qui ont 55 ans gardent de leur père qui a 68 ans. Très bien. Pas de problème là. Mais jusqu'où on va avec ça? Quand ce n'est pas des firmes de sondage, c'est des expertises. Et là on apprenait aussi, à la lecture du projet de loi, qu'on peut aller en soumissions chez des sous-contractants qui, eux, peuvent fournir ces informations-là à d'autres sous-contractants. C'est inquiétant. C'est inquiétant, et on vous dit: Attention.

n(23 h 40)n

M. le Président, quand on parle de fiscalité, on n'est certainement pas tous des experts, mais il y a des gens qui sont allés en commission parlementaire, le 21 août, qui sont, eux, des experts. Et j'aimerais vous lire quelques-uns des passages qu'ils ont dits. Alors, Jennifer Stoddart, elle dit: «Érosion du secret fiscal. Il existe, par le fait même, une importante menace, une importante possibilité d'intrusion dans la vie privée. Il y a de moins en moins d'obstacles technologiques qui empêchent la cueillette de renseignements personnels, d'où la pertinence et l'urgence de revoir les règles de secret fiscal aujourd'hui et dans ce projet de loi là.» Ce n'est pas l'opposition qui dit ça, ce n'est pas le député d'Orford, ce n'est pas la députée de Laviolette, ce n'est pas la députée de Beauce, c'est Mme Jennifer qui dit: Il est d'urgence de revoir les règles de secret fiscal aujourd'hui et dans ce projet de loi là.

Plus loin, il y en a eu d'autres, personnes, de différentes autres... La lutte au crime organisé. Alors, MM. Paul Ryan et Marc Sauvé, ce sont des fiscalistes. Paul Ryan s'est illustré... D'abord, il est le fils de Claude Ryan, à ce que je sache, et il est aussi une autorité en fiscalité de très grande réputation. Ils diront, ces deux maîtres fiscalistes: «Je pense que ce serait plus prudent, dans cette disposition-là, de prévoir qu'on aille chercher l'autorisation d'un juge; ça fait un arbitre impartial.» Et ça, M. le Président, le Parti libéral, on ne lâchera pas sur cet aspect-là. On vous le dit tout de suite, on va se battre à la vie, à la mort, jusqu'à la dernière minute. Et tenez-vous-le pour dit, le gouvernement, vous allez nous avoir jusqu'à la dernière minute parce qu'on pense qu'il est dangereux.

Je vois notre leader qui vient d'arriver, le très bon député de Brome. Et je suis convaincu, s'il devait prendre la parole ce soir ? on va peut-être manquer un peu de temps ? mais s'il devait prendre la parole, M. le Président, ce soir, c'est un des aspects sur lesquels il va insister, cette objectivité qu'on ne puisse pas aller fouiller dans nos rapports d'impôts sans qu'un juge ait d'abord donné la permission.

Or, M. le Président, pour les quelques minutes qu'il me reste, je fais la motion que le débat soit ajourné et que nous prenions un vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que vous souhaitez un débat sur la motion? Alors, vous l'adoptez sans débat. Alors, cette motion d'ajournement des débats est adoptée.

Et nous allons en même temps ajourner nos travaux jusqu'à demain, 10 heures. C'est bien ça.

Ajournement

(Fin de la séance à 23 h 43)