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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 27 novembre 2003 - Vol. 38 N° 31

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures huit minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, c'est avec tristesse que nous avons appris le décès de M. Léon Lafleur, et je vous invite à avoir une pensée toute particulière pour lui et sa famille durement éprouvée. Et nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Il n'y a pas de dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de la culture et député de Viau.

Étude détaillée du projet de loi n° 194

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 26 novembre 2003 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 194, Loi proclamant le Jour commémoratif du génocide arménien. La commission a adopté le texte du projet de loi sans amendement.

n (10 h 10) n

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Préserver et développer le parc d'habitations
à loyer modique, et maintenir les loyers actuels

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 168 pétitionnaires.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, de protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, de maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et de permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 399 pétitionnaires, locataires d'habitations à loyer modique du comté de Marie-Victorin.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, je comprends qu'il y a consentement pour ce dépôt de cette pétition non conforme. Alors, merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je demande l'autorisation de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, merci. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 122 pétitionnaires de mon comté.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, M. le député. Cette pétition est déposée. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Des voix: ...

Le Président: ...M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 668 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la circonscription électorale de Verdun.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour toutes les citoyennes et les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît actuellement le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements publics, protéger et rénover son parc de logements publics, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 820 pétitionnaires.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de cette pétition? Consentement. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Ces pétitionnaires sont locataires d'habitations à loyer modique du comté de Rosemont.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale du Québec de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin d'abord de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique ? HLM ? de protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, de maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et de permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. Mme la vice-présidente et députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Une pétition non conforme, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour... Consentement. Mme la vice-présidente.

Mme Leblanc: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 326 personnes de mon comté.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec; et

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

n(10 h 20)n

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique HLM, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. Mme la députée d'Anjou.

Mme Thériault: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour le dépôt d'une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée.

Mme Thériault: Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale et signée par 520 pétitionnaires du comté d'Anjou.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et réponses orales, et je reconnais M. le chef de l'opposition officielle.

Augmentation du tarif de certains services publics

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, il est et il sera du devoir de l'opposition de poser des questions sur les incidents tragiques survenus autour de l'Hôpital Saint-Charles-Borromée. Cependant, comme aujourd'hui c'est jour de compassion, de deuil avec toutes les victimes directes et indirectes, nous nous abstiendrons d'aborder ce sujet. Nous le ferons en temps et lieu et avec la conscience qui s'impose. Nous allons donc parler d'autre chose.

Et je demande au premier ministre, en le dispensant de rappeler qu'il a été élu le 14 avril, premièrement, parce que tout le monde le sait et que les familles de la classe moyenne ont des mémorandums particuliers pour s'en rappeler... Il a dit en fin de semaine: Il est grand temps qu'un gouvernement au Québec ait le courage de faire ces changements-là. Alors, sous les étiquettes courage, là, on peut aligner: modifier les tarifs de l'Hydro l'été, là, à la sauvette; hausser les frais de garde sans consulter les familles; augmenter des primes d'assurance médicaments. Et on apprend ce matin que les frais de transport en commun, qui devrait être encouragé et rendu plus accessible, vont augmenter également. Alors, à elles seules, ces hausses ? frais de garde, électricité, assurance médicaments, transport en commun ? totalisent, pour une famille classe moyenne, deux enfants, 1 100 $.

Voilà ma question, M. le Président. On n'est pas rendus à Noël, et ça leur a déjà coûté 1 100 $. Pour que ces gens puissent faire leur budget convenablement et savoir quel courage il leur faudra à eux pour endurer ce que vous faites, à quel montant avez-vous l'intention de les charger pendant les 12 premiers mois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je veux exprimer à la famille de M. Lafleur, et à ses amis, et également à tout le personnel de l'Hôpital Saint-Charles-Borromée, et au conseil d'administration nos condoléances suite au décès de M. Lafleur. Et le chef de l'opposition officielle nous dit qu'il choisit de ne pas poser de questions sur cette affaire-là pour des raisons évidemment qui sont de compassion. Je veux souligner qu'on ne suggère pas à l'opposition quelles questions poser ou non, puis il est libre d'en poser s'il choisit de le faire. Alors, je ne veux pas donner l'impression que le gouvernement n'est pas prêt à répondre, parce qu'on est prêts à répondre dans un contexte, je pense, où chacun est capable de faire la part des choses.

Cela étant dit, M. le Président, le chef de l'opposition pose une bien drôle de question, venant de lui, compte tenu du fait qu'il nous a laissé comme héritage une situation financière absolument désastreuse puis...

Des voix: ...

M. Charest: Ça suscite toujours des réactions, je constate, dans l'opposition de se faire rappeler le fait que la Caisse de dépôt a perdu 13,2 milliards, alors que, nous, on avait réclamé des changements aux règles de gouvernance. La SGF, ça a viré au désastre, alors que le chef de l'opposition officielle en avait fait sa marque de commerce, lui qui annonçait qu'il empruntait à 6 %, qu'il allait remettre ça à 15 %, puis la moyenne des cinq années, ça a été 1 %, puis le désastre n'est pas fini encore. Mais, juste dans le domaine du transport en commun, je vais donner au chef de l'opposition un seul exemple que les citoyens du Québec auront à porter pendant très longtemps. Le métro de Laval, vous vous rappelez de ça? Hein, le métro de Laval, ça devait coûter combien en fonds publics? Parce que c'est le ministère des Transports qui assume ça totalement. Ça devait coûter combien?

Une voix: 180.

M. Charest: 180? Puis là c'est rendu à combien? Plus de 550 millions de dollars. D'ailleurs, vous le saviez avant l'élection générale, que ça allait coûter 550 millions. Vous n'en avez jamais parlé. Voilà l'exemple parfait de l'incompétence dont vous avez fait preuve dans le domaine du transport en commun. C'est nous qui avons la responsabilité de réparer tout ça aujourd'hui. On va les réparer, vos erreurs. Mais les Québécois savent très bien sur qui la responsabilité porte: elle porte sur vos épaules.

Le Président: En question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.

Compensation des familles au regard
de l'augmentation du tarif
de certains services publics

M. Bernard Landry

M. Landry: Les gens de la classe moyenne voient quel genre de réponse ils peuvent attendre de leur premier ministre, comme des étudiants en administration d'ailleurs la semaine dernière qui me disaient: Expliquez donc à M. Charest que, quand des actions baissent, leur valeur n'est pas zéro si le détenteur ne les vend pas. Alors là, aux HEC, ils se disent: Comment ça se fait qu'il peut parler d'une baisse de 13 milliards si les actions de Nortel sont en train de remonter et que la Caisse a encore son portefeuille? Je comprends que les questions de classe moyenne ne l'intéressent pas, mais il pourrait au moins s'intéresser un peu aux questions boursières.

Mais, après avoir fait la non-réponse qu'il a faite, là, toujours au nom des classes moyennes... Et, de côté-ci de la Chambre, je rappelle que nous avons eu l'honneur de faire la plus grosse baisse d'impôts de l'histoire du Québec: c'était 2 000 $ de moins par famille.

Le Président: Vous êtes en question principale.

M. Landry: Maintenant que vous avez fait du tort à hauteur de 1 100 $ et que vous ne voulez pas me dire quand vous allez arrêter de faire du tort, est-ce que le premier ministre ou quelqu'un de ses ministres peut dire aux familles ce matin comment ils seront compensés dans les mois qui viennent pour le dommage qui leur a été fait?

Le Président: Je répète que c'était une question principale. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Je remarque la fâcheuse tendance du chef de l'opposition à jouer avec les faits, surtout quand les faits ne font pas son affaire. Je vais vous donner un exemple. Il parlait des tarifs d'électricité. Tarifs d'électricité, tout ce qu'on a fait, nous, c'est permettre à la Régie de l'énergie de jouer son rôle. D'ailleurs, son gouvernement avait fait un gel depuis 1998 qui expirait en 2004. Est-ce qu'il est en train de nous dire qu'il aurait continué ça, lui, jusqu'à la fin des temps?

Et, juste pour placer les choses en perspective, il a peut-être remarqué que, chez notre voisin ontarien, qui paie déjà à peu près 50 % de plus pour l'électricité, ils viennent d'augmenter les tarifs d'un seul coup de 30 %, M. le Président, alors qu'il n'y a aucun tarif. Alors, il invente un chiffre ce matin, là, qui sort de nulle part. Ça ressemble un peu à... les études qu'il nous avait promises pendant la campagne électorale sur la conciliation travail-famille, c'est fait à peu près avec le même sérieux.

n(10 h 30)n

Et, si je peux suggérer une chose au chef de l'opposition officielle, c'est de peut-être se prêter à un débat un peu plus sérieux, être un peu plus rigoureux dans ses affaires et éviter les pièges dans lesquels il est tombé, comme celui d'hier, alors qu'il se pensait le sous-contractant d'Henri Massé pour la manifestation.

Le Président: En question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.

Manifestation syndicale contre la modification
de l'article 45 du Code du travail

M. Bernard Landry

M. Landry: Le premier ministre me suggère... le premier ministre me suggère une très bonne question à laquelle je n'avais pas pensé. J'ai parlé hier ? c'est en principale, évidemment ? à 7 000 personnes qui m'ont fait un accueil extraordinaire...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Il n'y a qu'une personne qui a la parole, et c'est le chef de l'opposition. Je vous demande votre collaboration.

M. Landry: ...et un des slogans qui venaient de ces 7 000 travailleurs et travailleuses, c'était Landry, on s'ennuie. Alors, ma question...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, monsieur. S'il vous plaît! M. le leader, vous devez faire l'exemple, hein? Si vous voulez poser votre question, oui.

M. Landry: Quel accueil le premier ministre pense-t-il qu'il aurait eu s'il avait eu le courage de venir voir ces 7 000 travailleurs et travailleuses?

Des voix: ...

Le Président: Vous avez terminé? M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Je pense que le chef de l'opposition a mal compris. Ce n'était pas... ce n'était pas ça que... Les gens disaient: Avec Landry, on s'ennuie.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: Mais je veux vous rassurer, M. le Président: nous, on ne s'ennuie pas avec. On ne s'ennuie pas du tout, au contraire! D'ailleurs, je ne pensais jamais que le chef de l'opposition allait réussir une chose que je n'anticipais pas, c'est-à-dire de réunir Henri Massé et moi et de faire en sorte qu'on partage le même point de vue.

Je veux dire au chef de l'opposition officielle que nous entreprenons effectivement des changements qui sont importants. On le fait dans un seul but, c'est de construire et de faire en sorte qu'au Québec nous puissions redonner à notre économie la vigueur qu'elle doit avoir et qui est à la hauteur des talents des Québécois, les 7 millions d'ambitions que je vois, moi, hein. Ce n'est pas juste 7 000, c'est 7 millions d'ambitions que je vois à tous les jours au Québec, qui méritent de se réaliser. Et il est temps qu'on ait un gouvernement qui, je crois, est branché directement sur cette population, incluant sa classe moyenne, classe moyenne avec enfants, pour que nous puissions entreprendre ces changements qui vont nous permettre de réaliser toutes ces ambitions.

Ce n'est pas des changements que tout le monde accepte, ce n'est pas toujours des changements qui sont faciles, mais je peux vous garantir une chose: on va les entreprendre parce qu'on a à coeur justement l'avenir du Québec, chacune de ses familles, chacun de ses citoyens. Qu'ils soient 1 000, 7 000, c'est les 7 millions qu'on a à coeur, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Vachon.

Dépôt d'un plan d'action en matière de lutte
à la pauvreté et à l'exclusion sociale

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, le premier ministre nous parle de familles et d'ambitions. Alors, qu'est-ce que le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille attend avant de souffler son plan d'action à son gouvernement, un plan d'action, de lutte contre la pauvreté, au lieu de souffler des hausses de tarifs?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Depuis neuf ans, avant qu'on prenne le pouvoir, le 14 avril dernier, avec une équipe qui a le goût de brasser des idées au lieu de brasser autre chose...

Des voix: ...

Le Président: À la question.

M. Béchard: Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est que pendant neuf ans, pendant neuf ans, les plus démunis de notre société ont retenu leur souffle et, chaque jour, devaient payer davantage face à ceux qui leur ont imposé l'assurance médicaments, face à ceux qui leur ont imposé des coupures quand les gens voulaient participer pour s'en sortir.

Et je vous l'ai déjà dit, M. le député de Vachon, dans les dernières semaines, je vous comprends d'être impatient, parce que pendant neuf ans votre gouvernement n'a rien fait pour lutter contre la pauvreté. Je vous demande juste encore un petit peu de patience, et vous allez avoir un plan de lutte à la pauvreté cohérent, qui aide les gens à s'en sortir, qui donne des outils aux plus démunis et qui surtout donne une chance à tous pour qu'on ait ensemble une société meilleure.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Vachon.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, est-ce que le ministre attend que les familles les plus vulnérables soient étouffées sous les hausses de tarifs avant de sortir son plan? Quand va-t-il le sortir?

Le Président: M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Je tiens à rappeler au député de Vachon que je comprends son impatience, je le répète. Mais une chose est certaine, c'est que, de votre côté, vous avez mis en place la loi n° 112 pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale à quelques jours de l'élection générale. C'est un motif électoral qui vous a motivés. Nous, c'est un motif d'équité sociale qui nous motive et qui vise à avoir le meilleur plan d'action possible.

Et, en ce qui a trait à la politique familiale, je vous rappelle qu'il y a toujours un enfant sur deux qui n'est pas dans un service de garde à contribution réduite. Je vous rappelle toujours que votre gouvernement a mis en place une politique familiale qui laisse 35 % des familles de côté. Nous aurons non seulement une politique familiale pour toutes les familles québécoises dans le prochain budget avec mon collègue des Finances, ma collègue déléguée à la Famille, et nous aurons en plus un plan de lutte pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Qu'est-ce que vous voulez de plus, comparativement à ce que vous avez rien fait pendant neuf ans?

Le Président: En question principale, M. le député de Drummond.

Hausse des tarifs de transport en commun

M. Normand Jutras

M. Jutras: M. le Président, au cours du dernier mois, à quatre reprises, j'ai interpellé la ministre des Transports en lui disant que, si elle ne bougeait pas quant aux tarifs du transport en commun, allaient survenir des hausses substantielles, et c'est ce qui est arrivé hier: Montréal, c'est 10 %; Laval, Trois-Rivières, 11 %; Sherbrooke, 10 %; Longueuil, 11 %.

Quand j'ai questionné la ministre, le 6 novembre, elle disait ? et je veux la citer tel quel: «On doit se rencontrer dans les jours qui viennent pour essayer de trouver une solution.» Le 18 novembre, elle répondait: Il faut trouver de nouvelles façons de faire, des idées nouvelles, des partenariats. Il faut trouver des nouvelles façons de faire de l'entretien. Il faut ouvrir à de la sous-traitance. Tout se tient, n'est-ce pas?

Or, hier, Claude Dauphin, de la Société des transports de Montréal, déclarait que la ministre avait réclamé les hausses de tarif, que cette décision venait de la demande expresse du gouvernement Charest. La ministre tenait donc deux discours contradictoires, M. le Président. Aux parlementaires, elle disait qu'elle cherchait de nouvelles façons de faire; à Claude Dauphin, elle disait: Haussez vos tarifs.

M. le Président, quand disait-elle la vérité?

Le Président: Alors, Mme la ministre déléguée aux Transports.

Mme Julie Boulet

Mme Boulet: Alors, M. le Président, j'aimerais rappeler au collègue de Drummond que les sociétés de transport sont une responsabilité municipale. Alors, que l'on parle de tarification, de conventions collectives, de gestion, d'exploitation, de développement du réseau, ce sont des responsabilités des sociétés de transport, et ils en ont une pleine autonomie. Le rôle du gouvernement dans les sociétés de transport, c'est de les supporter au niveau des immobilisations.

Et, ceci dit, dans le communiqué de M. Dauphin, qui disait: «Pour protéger son héritage, qui montre des signes évidents de vieillesse, et façonner le transport collectif de demain, la STM devra, au cours des 10 prochaines années, investir 3 milliards de dollars dans son réseau», ce que M. Dauphin a oublié de dire, là, ce que la STM, elle ne mentionne pas, M. le Président, c'est que, sur les 3 milliards de dollars, il y en a 2 milliards de dollars qui vont devoir venir du gouvernement du Québec, plus les 550 millions qu'on a mis sur le métro de Laval. Alors, c'est ça qu'il faudrait qu'il comprenne, que notre contribution, on la fait amplement. On finance 23 % du réseau de transport en commun, on est dans le peloton de tête des provinces canadiennes, on met 370 millions de dollars par année, et je pense qu'on a fait largement notre contribution.

n(10 h 40)n

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Drummond.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Est-ce que, M. le Président, la ministre est satisfaite de son travail? Est-ce qu'elle trouve qu'elle a livré la marchandise? Est-ce qu'elle est satisfaite de cette hausse de 10 %? Et est-ce que, même, elle n'aurait pas voulu que ce soit davantage que les usagers paient pour le transport en commun?

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Transports.

Mme Julie Boulet

Mme Boulet: M. le Président, il y a quelque chose que mon collègue semble avoir oublié, c'est que le gouvernement qui est en place est là depuis sept mois. Alors, le problème de sous-financement chronique des sociétés de transport, ça ne relève pas seulement que du gouvernement actuel, ça relève en grande partie de leur gouvernement.

Le Président: En question... Dernière... En question additionnelle, M. le député de Drummond.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Est-ce que la ministre réalise justement que ça fait sept mois qu'ils sont là, que toutes les solutions sont sur la table, que les rapports des mandataires étaient déjà sur la table et que, entre autres, ce que les sociétés de transport demandaient, ce n'est pas nécessairement plus d'argent, mais des pouvoirs habilitants? Est-ce qu'elle les a lus, les rapports des mandataires, puis est-ce qu'elle le connaît, le dossier du transport en commun? C'est quoi, sa position par rapport à ça?

Le Président: Mme la ministre déléguée aux Transports.

Mme Julie Boulet

Mme Boulet: M. le Président, le problème, on le connaît très bien. Mais le problème, c'est que c'est eux qui l'ont laissé sur la table, c'est eux qui ne l'ont pas réglé, et à juste titre. M. le Président...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Boulet: M. le Président, j'ai un article ici du Journal de Montréal, du 23 novembre 2003, et qui nous dit que la Société de transport de Montréal, l'année passée, a réclamé 15 millions de dollars au gouvernement pour compenser un déficit, et que le gouvernement du Parti québécois a dit non. Alors, qu'ils ne viennent pas nous reprocher rien.

Le Président: En question...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! En question principale, M. le député de Joliette.

Taux d'absentéisme des enfants
dans les centres de la petite enfance

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, M. le Président. Alors, dans la saga de la mesure du 26 jours d'absence ou de vacances, dépendamment de quel côté on se situe, laissez-moi vous raconter, là, qu'il y a une page qui se tournera ce soir, aujourd'hui, mais, avant ça, pour bien comprendre la page qui se tourne ce soir, essayer de comprendre le dossier.

Ça commence avec le sous-ministre, qui écrit aux CPE pour les aviser que le taux d'absence serait limité à 10 % ? c'est ça, la banque de 26 jours. Ça continue avec le premier ministre, qui désavoue la ministre déléguée sur cette mesure-là. Ça continue avec la ministre déléguée, qui dit que ça n'a jamais été sur la table, alors qu'il y avait une lettre qui avait été envoyée. Et ça se poursuit avec le ministre responsable, qui dit: On va mettre de côté cette idée-là, ça fait preuve de notre ouverture.

Alors, lorsque la ministre déléguée parle d'improvisation, de jungle et de fiasco pour qualifier le réseau de services de garde, elle devrait d'abord regarder les interventions de son propre gouvernement.

Le Président: Question.

M. Valois: Mais ma question. C'est maintenant le ministre responsable qui a repris le dossier depuis le désaveu du premier ministre de la ministre déléguée et qui va rencontrer les groupes qui représentent les services de garde, ce soir. Alors, qu'est-ce qu'il va leur dire, à ces groupes-là? Est-ce qu'il va leur dire que la question de la banque d'absences de 26 jours, c'est vraiment quelque chose qui est mis de côté?

Le Président: Votre question. La question est posée.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Merci, M. le Président. En tout cas, je ne leur dirai certainement pas d'attendre, d'attendre et d'attendre; je pense que les parents du Québec en ont assez d'attendre.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Théberge: M. le gouvernement, les enfants, les familles et les parents sont au coeur de mes priorités et de celles de notre gouvernement. Nos actions visent avant tout de leur permettre d'avoir accès à des services de qualité, d'avoir accès à des services. Alors, au cours des prochains mois, nous prendrons les mesures, le temps nécessaire pour mettre en place tout ce qu'il faut pour justement qu'ils y aient accès, entre autres en rencontrant nos associations et en continuant le travail qu'on fait, M. le Président, jour après jour pour s'assurer que les parents du Québec aient accès maintenant à des services de garde. Merci.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Ma question est bien simple: Qu'est-ce qui est sur la table présentement par rapport à la banque de 26 jours? Que va-t-elle dire aux groupes qui représentent les services de garde?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, le gouvernement précédent nous a laissés dans une situation de services de garde...

Des voix: ...

Mme Théberge: Je le redis, je le redis parce que...

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée de Marie-Victorin! Et ça s'adresse à pas mal de monde aussi, là. Alors, Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Théberge: M. le Président, nous avons une situation où il y a de nombreux irritants. On essaie de les corriger le plus rapidement possible, comme je le disais tout à l'heure, pour donner accès aux services de garde à nos parents. Ensemble, avec les parents, les éducateurs, les éducatrices qui tous les jours accueillent nos enfants, on va trouver les bonnes solutions, on va trouver la façon de faire pour que tout le monde soit le plus heureux possible dans le contexte d'un service de garde de qualité. Et c'est un engagement, M. le Président.

Le Président: Alors, dernière question additionnelle, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, je veux juste avoir une réponse à la question, qui est très simple: Est-ce que la banque d'absences de 26 jours est mise de côté? On n'a toujours pas de réponse de ce côté-là. Est-ce qu'elle peut dire de façon claire que cette position-là, elle est mise de côté, oui ou non? Qu'est-ce qui arrive avec cette position-là?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Théberge: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, je l'ai dit, nous l'avons dit, jamais nous ne mettrons en place une mesure qui peut brimer en quoi que ce soit la relation des parents avec leurs enfants. Au contraire, nous ferons tout pour leur assurer une meilleure conciliation travail-famille, avec de vraies mesures adaptées à leurs besoins, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

M. Legault: Oui. M. le Président, on apprend qu'il y a des choses...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, à ma droite, là! C'est la période de questions. Alors, si vous chuchotez tout le temps, là... Ce sont les gens qui nous écoutent, ce sont eux qui jugent la période de questions. Alors, je vous demande votre collaboration. M. le député de Rousseau.

Poursuite de la mission de développement
économique de la Caisse de dépôt et placement

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, on apprend qu'il y a des choses graves qui se préparent à la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. le Président. Dans un reportage à Radio-Canada il y a quelques jours, on apprenait, et je cite M. Tourangeau: «Il se pourrait que des gestionnaires privés, en grande partie torontois et américains, gèrent bientôt pour la Caisse de dépôt une grande partie des milliards qu'elle investit dans des entreprises en Bourse.» Et, M. le Président, ce reportage se terminait en disant: «Plusieurs ministres nous ont confié que le scénario de sous-traitance répondait à leurs attentes.»

M. le Président, la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est le plus important outil de développement économique qu'on a au Québec. Ça a été créé en 1965 par Jean Lesage. Est-ce que le gouvernement libéral veut tout détruire ce qui a été fait par le gouvernement avant ça puis depuis le Révolution tranquille?

Et, M. le Président, je repose une question claire, que j'ai posée il y a deux jours au ministre des Finances: Est-ce que le ministre des Finances peut nous confirmer qu'il n'a pas l'intention de fractionner la Caisse de dépôt et placement du Québec ou de modifier sa mission de développement économique?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député, vous avez posé votre question. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Le député de Rousseau suggère que je peux prendre avis de la question. Je n'ai pas besoin de prendre avis de la question, d'autant plus que...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! La question a été posée. Elle a été posée, la question, puis la réponse a droit à autant d'écoute que la question qui a été posée. M. le premier ministre.

n(10 h 50)n

M. Charest: J'allais dire: d'autant plus qu'une simple mise à jour va faire l'affaire pour le député de Rousseau, parce qu'il n'a pas dû comprendre que le président de la Caisse de dépôt et placement a nié cette information-là, qu'il n'y avait pas de fondement. D'ailleurs, il nous présente en introduction sa question en disant que l'affaire est très grave. C'est tellement grave que c'est arrivé il y a plusieurs jours, puis il n'a pas trouvé le temps de poser une question.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: Alors, dans la catégorie des graves, ça me fait plaisir de le soulager aujourd'hui, là, puis de lui dire que... de le rassurer, puis de le rassurer pour l'avenir en lui rappelant que le gouvernement actuel fait effectivement du travail pour revoir les règles de gouvernance, pour éviter le désastre dont vous êtes responsable, 13,2 milliards de dollars qui a été perdu.

Rappelez-vous Montréal Mode, M. le Président, 30 millions de dollars d'argent public brûlé. Ça me fait penser, le chef de l'opposition se vantait de la SGF: Métaforia qui a perdu près de 30 millions de dollars en tout en fonds publics alors qu'il en était responsable; est-ce que j'ai besoin de lui rappeler la construction d'un édifice à Montréal où des centaines de millions de dollars ont été dépensés dans une espèce d'opulence qui dépassait toute commune mesure, faite par une personne que vous aviez nommée et que vous vantiez comme étant le plus compétent de tous les présidents de la Caisse de dépôt et placement? Non, je regrette, on ne retournera pas à ces vieux jours là, M. le député de Rousseau.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, est-ce que le premier ministre réalise que la Caisse de dépôt a démenti, mais pas les ministres? Les ministres continuent de travailler sur ce scénario, M. le Président. M. le Président...

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Legault: M. le Président, est-ce que le premier ministre réalise qu'il a beau nous parler de Montréal Mode, mais il oublie aussi de nous parler de CGI, de Bombardier, de Domtar, de Shermag, de RONA, de Cascades...

Le Président: Votre question.

M. Legault: ...et je pourrais continuer comme ça...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Rousseau, vous êtes en question additionnelle. Alors, vous connaissez le règlement. Si vous voulez poser votre question immédiatement.

M. Legault: Je réponds... Je répète, M. le Président, ma question, très simple: Est-ce que le ministre des Finances, ou le premier ministre, peut nous confirmer que le gouvernement libéral n'a pas l'intention de fractionner la Caisse de dépôt ou d'éliminer la mission de développement économique de la Caisse?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, le député de Rousseau vient d'affirmer qu'il y a des ministres de mon gouvernement qui travaillent sur un scénario. Qu'il m'en nomme un seul.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! En question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président, en réponse à la question du premier ministre, est-ce que le premier ministre réalise que M. Tourangeau, journaliste à Radio-Canada, journaliste fiable, et je le cite, nous dit... il nous dit, M. le Président, et je le cite, M. Tourangeau: «Plusieurs ministres nous ont d'ailleurs confié que le scénario de sous-traitance d'une partie importante du portefeuille de la Caisse répondait à leurs attentes.» Est-ce que le premier ministre peut répondre à la question que je lui pose depuis cinq fois?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Si vous voulez conclure votre question, là.

M. Legault: Oui. Est-ce que le premier ministre, M. le Président, peut nous confirmer qu'il n'a pas l'intention de fractionner la Caisse de dépôt ou d'éliminer la mission de développement économique, qui existe depuis Jean Lesage?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: J'ai demandé au député de Rousseau de m'en nommer un seul, il est incapable de le faire, incapable de le faire, alors que le président de la Caisse, il vient de l'admettre lui-même, a rectifié les faits sur cette information-là.

Mais je veux juste lui rappeler, là, parce que sa mémoire semble lui faire défaut, à quoi ressemblait la gestion sous son gouvernement. Des titres de journaux: La gestion de Scraire digne d'un musée des horreurs; Le gaspillage de la Caisse; Un luxueux complexe transformé en palace de 418 millions de dollars ? c'était dans LeJournal de Montréal; La gestion a été pourrie; Cafouillage dans les subventions; Les administrateurs de la Caisse ont manqué de rigueur; Des dépenses déraisonnables; Des dépenses inacceptables. La liste continue, M. le Président.

J'espère que le député de Rousseau va nous épargner ses leçons de morale, surtout compte tenu de son piètre dossier dans le cas de la Caisse de dépôt et placement.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Rosemont.

Versement des sommes prévues au contrat
de ville conclu avec Montréal

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. M. le Président, les Montréalais en ont déjà assez de ce gouvernement, alors que le taux de chômage a atteint 12 % à Montréal. Le 29 octobre dernier, j'ai demandé au ministre des Finances s'il comptait remettre à la ville de Montréal les 55 millions d'engagements du contrat de ville pour la préparation du budget de la ville de Montréal. Le ministre avait répondu, et je cite: «Je tiens simplement à réitérer que, oui, oui, ce sera vite... ce sera vite, très prochainement, et ce sera fait avec beaucoup de sincérité et de confiance dans le développement de la ville de Montréal.» Fin de la citation. Nous apprenons ce matin que ces 55 millions manquent toujours à l'appel.

Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire si le chèque est dans la malle?

Une voix: ...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, premier rappel à l'ordre. M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. La députée de Rosemont a commencé sa question sous l'angle de l'économie. C'est quand même intéressant de souligner une bonne nouvelle: c'est la première fois depuis 12 ans que les obligations d'épargne du Québec sont aussi rentables, dans leur taux offert, qu'en Ontario. C'est la première fois depuis 12 ans. C'est la première fois, M. le Président, si on veut parler d'économie...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Un instant! Un instant! M. le député de Richelieu, je vous demande votre collaboration. Quand tout le monde parle, c'est bien difficile de répondre. M. le ministre des Finances, vous avez la parole.

M. Séguin: Si on veut parler d'économie, il est intéressant aussi de souligner, ce qu'on ne discute pas ici souvent, mais qui vaut la peine que les contribuables qui suivent nos travaux comprennent, que les forces économiques du Québec sont toujours très bonnes, malgré qu'on ait passé à travers des difficultés parce que l'activité économique est plus ralentie. L'ancien gouvernement est devenu un spécialiste... est devenu un spécialiste des pages blanches dans ses livres. Je veux quand même mentionner que le niveau de confiance des ménages québécois atteint le sommet le plus élevé cinq mois de suite sous notre gouvernement. C'est la première fois dans l'histoire du Québec que la confiance des gens est aussi élevée cinq mois de suite, et ça, c'est grâce à la gouverne actuelle.

Le Président: En question additionnelle, Mme la députée de Rosemont.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que le ministre réalise que les Montréalais vont devoir assumer un très, très gros cadeau de Noël: une hausse de tarif de transport en commun, 10 %; une hausse de tarif d'électricité, 6 %; une nouvelle taxe municipale pour l'eau; et, pour les heureux parents, une hausse de frais de garde de 40 %?

Le Président: En additionnelle.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Est-ce que le ministre réalise qu'en théorie économique, puisqu'il nous a fait une belle démonstration, une nouvelle tarification, une augmentation des tarifs publics, c'est l'équivalent d'un impôt? Est-ce qu'il peut nous dire ici, de son siège, sans rire, sans sourire et sans pleurer, s'il a l'intention de baisser les impôts du Québec?

Des voix: ...

n(11 heures)n

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. La députée de Rosemont, en fin de semaine, nous reprochait d'avoir baissé trop les crédits d'impôt à la Cité multimédia et autres sites pour lesquels j'ai rendu public le coût extraordinaire, faramineux de 350 millions par année que ça va nous coûter jusqu'en 2013. 3 milliards de fonds publics des contribuables qu'on va payer dans les sites désignés pour soutenir des emplois factices. Les deux tiers des emplois ont été des transferts d'emplois existants. Si c'est de cette façon-là que l'opposition veut qu'on baisse les impôts, M. le Président, je vous pose la question: Qui croyez-vous que les contribuables au Québec vont croire qu'ils ont l'intention de baisser l'impôt, le gouvernement actuel ou l'ancien gouvernement qui est aujourd'hui dans l'opposition? Lequel des deux croyez-vous que les citoyens croient aujourd'hui? C'est nous.

Le Président: En question principale?

Une voix: Complémentaire.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! En question additionnelle, Mme la députée de Taschereau.

Versement des sommes prévues au contrat
de ville conclu avec Québec

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Alors, silence total pour Québec et Montréal. Québec vit la même situation. Date de tombée, lundi, pour le budget, dans le cas de Québec. Est-ce que le ministre des Finances...

Le Président: S'il vous plaît, Mme la députée, vous êtes en question principale.

Mme Maltais: Est-ce que le ministre des Finances, qui nous annonçait, le 12 novembre dernier, une entente avec la ville de Québec, sur laquelle il ne s'était pas vraiment entendu ? il y a eu une conférence de presse avortée là-dessus ? est-ce qu'il peut nous dire aujourd'hui s'il a de l'argent pour Québec ou s'il va plutôt décider de refiler ses futures baisses d'impôts sur le compte de taxes des citoyens et citoyennes de la ville de Québec?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le ministre des Finances. Il y a une chose qu'il faut clarifier ici, là, les deux contrats de ville, celui de Montréal et Québec, avaient été faits par l'ancien gouvernement sans aucune provision budgétaire, absolument aucune réserve de fonds. C'est impossible, à l'heure actuelle, malgré sept mois de recherche, de trouver aucune explication dans l'ancien budget ou les anciennes ententes budgétaires, de savoir comment l'ancien gouvernement avait proposé de payer 2 milliards qu'il distribuait soit à la ville de Montréal, à la ville de Québec, dans ces ententes qu'on a appelées contrats de ville.

Ce que je peux affirmer ce matin, M. le Président, c'est que l'entente est intervenue avec la ville de Québec et l'entente... Oui. Je vois la députée qui n'a pas l'air à être certaine. Si elle veut mettre ma parole en jeu, qu'elle se lève debout.

Le Président: M. le ministre...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre, adressez-vous à la présidence. S'il vous plaît, si vous voulez conclure.

M. Séguin: Mais vous comprendrez, M. le Président, qu'il y a des fois des questions qui soulèvent un débat. Alors, ce que je peux dire, c'est que le contrat de ville de Montréal est également passé l'étape d'une entente, et nous allons faire les annonces prochainement, en temps et lieu, avec les villes concernées. Nous sommes à discuter de la façon de l'annoncer. Et je répète, je répète, ça a été très difficile de parvenir à ces conclusions-là, compte tenu que l'ancien gouvernement...

Des voix: ...

M. Séguin: M. le Président, il y a beaucoup de bruit.

Le Président: M. le député de Rousseau, s'il vous plaît! Alors, si vous voulez conclure, M. le ministre.

M. Séguin: Oui, je vais conclure en disant que ces deux ententes-là vont coûter... devaient coûter, selon l'annonce qui a été faite par l'ancien gouvernement, près de 2 milliards de dollars à même les fonds publics que l'ancien gouvernement n'avait pas prévus dans ses budgets. Malgré cela, nous sommes parvenus à une entente qui satisfait la ville de Québec et qui satisfait la ville de Montréal. Merci beaucoup.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Matapédia.

Mesures envisagées pour venir en aide
aux travailleurs de l'industrie du bois d'oeuvre

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. M. le Président, le conflit canado-américain sur le bois d'oeuvre a fait une autre victime, alors que Tembec a annoncé la fermeture de la scierie de Béarn, au Témiscamingue. À l'étude des crédits, le ministre des Ressources naturelles a dit que, dans ce dossier, son gouvernement avait fait plus en deux mois que le PQ en un an. Le 1er novembre, il en remettait en déclarant au Nouvelliste qu'en six mois le gouvernement libéral avait fait plus que celui du PQ en deux ans.

M. le Président, au lieu d'essayer de se faire du capital politique dans un dossier qui touche des milliers de travailleurs des régions du Québec, le ministre des Ressources naturelles peut-il nous dire quelles sont les mesures concrètes que son gouvernement a mises en place pour aider ces travailleurs? Des pertes d'emplois.

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sam Hamad

M. Hamad: Merci, M. le Président. C'est une question importante, la crise du bois d'oeuvre, et je pense qu'on ne devrait pas faire de la politique sur le dos des travailleurs.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Hamad: Effectivement, M. le Président, depuis six mois, il y a eu plusieurs rencontres avec le ministre de la Forêt en Colombie-Britannique. C'est la première fois, M. le Président, que deux ministres du Québec rencontrent l'adjoint ou le secrétaire d'État au Commerce américain. Moi-même, le 7 juillet, et mon collègue le ministre du Développement économique et régional, un peu plus tard, nous avons fait tous les efforts nécessaires pour défendre l'intérêt du Québec, et même on est allés à Washington négocier là-bas, nous-mêmes, le Québec, à Washington avec l'industrie. Nous avons fait, depuis six mois, M. le Président, ce que deux ans de ce gouvernement-là n'a jamais fait.

Le Président: En question additionnelle, Mme la députée de Matapédia.

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui faisait preuve d'une grande compassion touchante, très touchante pour ces travailleurs quand il était dans l'opposition, est-ce qu'il peut nous expliquer pourquoi il reste silencieux devant l'inaction de son collègue des Ressources naturelles? Ces deux ministres peuvent-ils nous offrir autre chose que se féliciter mutuellement, se trouver bons mutuellement?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sam Hamad

M. Hamad: Je ne comprends pas, M. le Président, comment la députée de Matapédia ne trouve pas le ministre de l'Emploi très bon. Il était effectivement bon à l'opposition, il défendait ses points comme il faut. Maintenant...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Hamad: J'aimerais ajouter, évidemment, comme ministre au gouvernement, qu'il fait encore une meilleure job qu'il faisait avant.

Le Président: Je vous rappelle qu'il vous reste 15 secondes.

M. Hamad: M. le Président, le gouvernement précédent, il a juste fait émettre des communiqués de presse, sans aucun geste concret. Depuis quelques mois seulement, M. le Président, nous avons mis en place un comité de travail où plusieurs ministres travaillent là-dessus, plusieurs ministères, dont le ministère de l'Emploi et de la Famille, dans le but d'aider les travailleurs et de donner le coup de main nécessaire pour l'industrie forestière.

Le Président: Alors, dernière question additionnelle, Mme la députée...

Mme Doyer: En principale, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Matapédia.

Avenir des pépinières publiques et de la Commission
d'étude sur la gestion des forêts publiques

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: En principale. M. le Président, les six pépinières publiques du Québec, qui ont développé, au fil des ans, une expertise sans pareille en matière de recherche et de développement sylvicole, sont présentement dans le collimateur de la présidente du Conseil du trésor. En effet, depuis l'étude des crédits, pas une semaine ne passe sans que les travailleuses et travailleurs, des femmes et des jeunes en grande partie, ne s'inquiètent de leur avenir.

M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous dire s'il a bel et bien l'intention de sacrifier sur l'autel de la réingénierie les six pépinières publiques du Québec pour les céder à des intérêts privés ou bien les fermer, mettant ainsi un terme à la recherche et au développement dans ce domaine? Est-ce que c'est comme ça qu'il a l'intention d'inaugurer les travaux de la commission Coulombe, si jamais cette commission débute un jour?

Le Président: M. le ministre délégué à la Forêt.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, j'aimerais rassurer ma collègue la députée de Matapédia en ce qui concerne la commission, j'ai eu une réunion de travail avec M. Coulombe ce matin, j'en aurai une la semaine prochaine, elle aura bel et bien lieu. Contrairement à ce que vous aviez lancé à la hâte avant l'élection, nous, on a pris l'engagement de la tenir, et on va la tenir. Ça, c'est la première réponse.

La deuxième réponse en ce qui concerne les pépinières publiques. Il y en a six, pépinières publiques. Des pépinières privées, M. le Président, il y en a 19. Pour ce qui est de la partie publique, on est en train de travailler à l'évaluation de la situation, et ça fait partie du processus de modernisation de l'État. On révise la pertinence. Et on n'a pas pris de décision ni dans une direction ni dans l'autre, au moment où on se parle, et on informera les travailleurs, les travailleuses et les régions concernées quand ça arrivera.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle.

Des voix: ...

Le Président: Motions sans préavis. Aux motions sans préavis. Vous n'avez pas de motion? Je m'excuse. Est-ce qu'il y a des motions sans préavis? M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: M. le Président, je désirerais soumettre la motion suivante...

Des voix: ...

n(11 h 10)n

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, aux motions sans préavis, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Souligner la reconnaissance de l'Hôpital
Saint-François d'Assise comme centre
d'excellence en chirurgie vasculaire

M. Couillard: M. le Président, j'aimerais présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la reconnaissance par le Collège royal des chirurgiens ? des médecins et chirurgiens ? du Canada de l'Hôpital Saint-François d'Assise comme centre d'excellence en chirurgie vasculaire.»

Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour discuter de cette motion? Motion sans débat. Alors, il y a consentement sans débat. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Avis touchant les travaux des commissions.

M. Dupuis: Alors, M. le Président...

Le Président: Motion sans préavis. M. le député du Lac-Saint-Jean, je vous reconnais.

M. Tremblay: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais aujourd'hui qu'on souligne le premier anniversaire de la politique nationale de l'eau. Donc, je demanderais le consentement unanime pour qu'on souligne cet événement et puis qu'on puisse la débattre.

Le Président: Consentement? Consentement pour cette motion? Alors, consentement? Ça va. Consentement. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean.

Une voix: ...

Le Président: Non? Il n'y a pas... Je m'excuse, pas de consentement. Non, il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, avis touchant les travaux des commissions.

M. Dupuis: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail, aujourd'hui, après les affaires courantes pour une durée de 60 minutes, et ensuite de 15 heures à 18 heures, et de 20 heures à 23 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

J'avise, d'autre part, l'Assemblée que la commission des finances publiques entendra le Mouvement des caisses...

Des voix: ...

M. Dupuis: C'est difficile... C'est difficile, Mme la Présidente, d'essayer d'enterrer le député de Richelieu. C'est difficile.

La Vice-Présidente: Alors, s'il vous plaît, je vous demande tout le monde votre collaboration. Juste un peu de calme. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Alors, j'avise donc cette Assemblée que la commission des finances publiques entendra le Mouvement des caisses Desjardins en consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur les coopératives de services financiers, et entreprendra ensuite l'étude détaillée dudit projet de loi aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Finalement, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Avis de sanction

La Vice-Présidente: Aux renseignements concernant les travaux de l'Assemblée, pas de questions? Alors, je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Honneur le lieutenant-gouverneur aujourd'hui, à 16 h 30.

Affaires du jour

Et la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Oui. J'apprécierais que vous preniez en considération l'article 4 du feuilleton.

Projet de loi n° 29

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: Alors, tout en vous rappelant l'article 32 du règlement qui dit que chaque député doit être assis à son siège, je vous prierais, s'il vous plaît, de vous rendre chacun à vos sièges et de garder le silence. Je vous remercie de votre collaboration.

Alors, à l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 20 novembre 2003 par le leader du gouvernement sur l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. Alors, y a-t-il des interventions? M. le député de Drummond.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'interviens effectivement aujourd'hui relativement au projet de loi n° 29, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. Nous en sommes à l'adoption du principe.

Alors, je rappelle, Mme la Présidente, les objectifs de ce projet de loi. D'abord, il s'agit d'harmoniser les règles sur les heures de travail et de repos des conducteurs de véhicules lourds avec celles applicables dans les autres provinces. Ainsi, le projet de loi introduit de nouvelles dispositions concernant la conduite d'un véhicule lourd lorsque la capacité d'un conducteur est affaiblie au point qu'il est dangereux qu'il conduise et lorsque le fait de conduire compromet la santé ou la sécurité du public. Un autre objectif, c'est d'établir de nouvelles règles concernant le chargement des véhicules lourds et les responsabilités encourues par les expéditeurs et les autres intervenants en transport en cas de surcharge des véhicules. Un troisième objectif, c'est de conférer le pouvoir à l'agent de la paix d'obliger le conducteur à soumettre son véhicule routier à une vérification des vitres teintées auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec. Le quatrième objectif, d'assujettir toutes les routes asphaltées sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles aux dispositions du Code de la sécurité routière relativement aux limites de vitesse des véhicules routiers et, finalement, d'assujettir le contrôleur routier au Code de déontologie des policiers lorsqu'il agit à titre d'agent de la paix.

Alors, mentionnons d'abord, Mme la Présidente, que c'est le principe, comme je le disais au début de mon allocution, l'adoption du principe du projet de loi n° 29. Alors, on sait que, effectivement, puisqu'on parle ici de modifications du Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, somme toute, c'est un projet de loi qu'on appelle omnibus, c'est-à-dire un projet qui règle maints détails et maints problèmes, là, qui ont déjà été soulevés. C'est donc un projet de loi qui traite effectivement de plusieurs sujets, certains dans le détail, mais toujours dans le but d'améliorer la sécurité routière, d'actualiser ou de clarifier certaines dispositions existantes.

C'est en ce sens, Mme la Présidente, que l'opposition officielle donne son accord de principe à ce projet de loi. Nous travaillerons donc sérieusement à revoir des normes qui nécessitaient une révision, qui ont peu d'incidences sur la sécurité mais qui constituent quand même des irritants. D'ailleurs, plusieurs dispositions de ce projet de loi avaient été engendrées par le gouvernement précédent. Certaines d'entre elles originent de propositions qu'ont faites des partenaires lors de la session de travail de la Table de concertation gouvernement-industrie sur la sécurité des véhicules lourds, laquelle Table, d'ailleurs, Mme la Présidente, avait été mise en place sous la gouverne du Parti québécois en 1998.

Je voudrais donc maintenant aborder un premier objectif du projet de loi, qui est d'harmoniser les règles sur les heures de travail et de repos des conducteurs de véhicules lourds avec celles applicables dans les autres provinces. Ainsi, le projet de loi introduit de nouvelles dispositions concernant la conduite d'un véhicule lourd lorsque la capacité d'un conducteur est affaiblie au point qu'il est dangereux qu'il conduise et lorsque le fait de conduire compromet la santé ou la sécurité du public. Ces sessions de travail ont démontré que l'industrie est unanime à vouloir l'harmonisation des règles sur les heures de travail et de repos des conducteurs de véhicules lourds avec celles applicables dans les autres provinces. Des démarches sont en cours d'ailleurs depuis 1999 pour l'amélioration et l'harmonisation des règles avec les autres administrations nord-américaines.

La réglementation sur l'industrie du camionnage a d'ailleurs été conçue en vue de l'harmonisation des cadres réglementaires et des normes. En 2002, Serge Ménard, alors qu'il était ministre des Transports, s'était d'ailleurs rendu à Winnipeg, à la rencontre annuelle du Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière, où des propositions d'ailleurs limitaient le nombre d'heures des camionneurs à bord de leurs véhicules, et ce nombre d'heures avait été débattu, et il y avait eu entente quant au nombre d'heures de conduite des conducteurs. Si le projet d'harmonisation des règles sur les heures de travail des camionneurs n'est pas encore à l'étape de normes, c'est que le fédéral en est à l'étudier pour éventuellement en faire un règlement.

La question est d'autant plus d'actualité que le Canada et les États-Unis doivent discuter en vue d'examiner la possibilité d'une plus grande coordination en ce qui a trait aux règlements qui régissent les transports routiers, sachant bien que les taux de croissance des activités de camionnage transfrontalières augmentent plus rapidement que le taux de croissance de l'économie ou du camionnage intérieur et sachant que l'ouverture de la frontière entre les États-Unis et le Mexique aux camions des deux pays intensifiera les pressions aux États-Unis, d'ailleurs pour que le pays coordonne ses règlements et politiques avec les partenaires de l'ALENA.

C'est donc à partir de la norme 9, là, qui est connue dans le milieu, que le travail se fait. Cette norme veut qu'un transporteur routier ne doit pas demander, exiger ou permettre au conducteur de conduire et le conducteur ne doit pas non plus conduire après avoir accumulé 13 heures de conduite dans une période de 24 heures suivant la fin de la période de repos de huit heures consécutives. Selon cette même norme, le conducteur est tenu de prendre au moins 10 heures de repos dans une période de 24 heures suivant la fin de la période de repos de huit heures, norme qui comprend aussi des cycles de repos.

n(11 h 20)n

Il en va des efforts qui sont mis de l'avant pour le respect de la sécurité publique de faire en sorte que les règles soient harmonisées d'une province à l'autre. Le but ciblé par cette uniformisation est d'assurer l'équité concurrentielle tout en préservant les intérêts économiques de l'industrie provinciale. En outre, elle permettra une sécurité accrue sur les routes.

Un deuxième aspect de la loi, Mme la Présidente, dont je veux traiter, c'est l'aspect ayant trait aux nouvelles règles concernant le chargement des véhicules lourds et les responsabilités encourues par les expéditeurs et les autres intervenants en transport en cas de surcharge des véhicules. La mise en oeuvre des moyens pour responsabiliser les tiers, c'est-à-dire les intermédiaires en services de transport et les requérants de services, est une démarche qui aussi est à long terme. Cela fait longtemps que l'industrie le réclame pour que, d'une part, la charge ne doive pas être uniquement assumée par le transporteur, mais aussi que tout le monde soit impliqué dans un processus de responsabilisation. Afin de bien cibler la problématique, il y a eu des consultations auprès des associations membres de la Table et auprès des intervenants de l'industrie du camionnage général membres du Forum.

Le troisième aspect aussi dont je veux traiter, c'est l'aspect qui parle de conférer le pouvoir à l'agent de la paix, d'obliger le conducteur à soumettre son véhicule routier à une vérification des vitres teintées auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec. Alors, c'est un exercice de prévention qui effectivement permettra d'assurer une plus grande sécurité pour les usagers de la route. Nous aurons l'occasion, Mme la Présidente, en commission parlementaire d'en parler plus longuement.

Quatrième aspect, à savoir assujettir toutes les routes asphaltées sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles aux dispositions du Code de la sécurité routière relativement aux limites de vitesse des véhicules routiers. Étant donné que la nouvelle politique de sécurité dans les transports a pour objectif d'améliorer le bilan routier de 15 % d'ici la fin de 2005, il est normal que l'on resserre les règles, et ce, en regardant d'abord et avant tout du côté des autres ministères du gouvernement qui ont des responsabilités qui entrecoupent le dossier du transport. Il est tout aussi primordial de voir à l'équilibre entre la mobilité et la sécurité sur les routes qui relèvent du ministère du Transport du Québec ainsi que du ministère des Ressources naturelles.

La sécurité routière, l'équilibre entre la circulation de transit et la circulation locale et le maintien de la qualité de vie en bordure des routes passent par une gestion complète et intégrée des corridors routiers. Depuis 1995, un certain nombre d'interventions ont été mises en place pour améliorer la gestion de la vitesse: un guide de détermination des limites de vitesse sur les chemins du réseau routier municipal comportant au plus deux voies de circulation ainsi que des critères particuliers pour les sentiers pour véhicules hors route et pour les chemins sous l'administration du ministère des Ressources naturelles. Les gestionnaires de réseaux routiers reçoivent régulièrement de la formation pour apprendre à utiliser efficacement ces outils. Des réflexions sur le cinémomètre photographique, des campagnes de sensibilisation, des programmes de contrôle de la vitesse, des relevés de vitesse sur les routes ont également été effectués.

Enfin, le cinquième aspect que l'on retrouve dans ce projet de loi, qui est d'assujettir le contrôleur routier au Code de déontologie des policiers lorsqu'il agit à titre d'agent de la paix. Selon les résultats d'une recherche rapportée par le Laboratoire d'éthique publique de l'ENAP, les camionneurs évaluent à 46 % l'efficacité du contrôle de la Société de l'assurance automobile du Québec, à 53 % celle des policiers, alors que, chez les transporteurs, ces chiffres passent à 66 % en ce qui concerne l'efficacité des contrôles de la Société d'assurance automobile du Québec et à 34 % en ce qui a trait à celle des policiers. En assujettissant le contrôleur routier au Code de déontologie des policiers, nous allons rééquilibrer peut-être, espérons, la perception du travail des contrôleurs routiers qu'ont les différents acteurs de l'industrie du camionnage.

Alors, je vous disais donc, Mme la Présidente que, quant au principe de ce projet de loi, nous donnons notre accord. Cependant, nous allons devoir, en commission parlementaire, faire un travail sérieux. Dans un cas, ce sont des dispositions que nous-mêmes, le gouvernement précédent, nous voulions mettre de l'avant qui étaient sur la table de travail, et on comprendra, Mme la Présidente, que, avec ces dispositions, nous serons en accord. Par ailleurs, Mme la Présidente, il y a dans ce projet de loi beaucoup de considérations techniques, des considérations pointues, qui vont dans le détail, et il nous faudra donc poser des questions à la ministre, obtenir des éclaircissements parce que, même, dans certains cas, la compréhension du texte peut s'avérer difficile.

Notre objectif, Mme la Présidente, c'est d'améliorer la sécurité routière par le biais du Code de la sécurité routière. Alors, en ce sens, nous allons travailler, et nous allons travailler fort, nous allons... parce que, ce que nous voulons, en bout de piste, c'est que, quand nous terminerons l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire, bien, avec les textes qui auront été adoptés et par la suite le travail qui suivra ici, en Chambre, bien, on pourra dire que, effectivement, la sécurité routière sur les routes du Québec, par les nouvelles dispositions qui sont mises de l'avant, la sécurité routière pour les usagers de la route, pour les Québécois et pour les Québécoises s'en trouvera grandement améliorée.

C'est l'objectif que nous poursuivons du côté de l'opposition, Mme la Présidente. Et ce que nous voulons, c'est que les dispositions soient claires, qu'elles se lisent bien, qu'elles se comprennent bien pour que finalement la sécurité sur nos routes s'en trouve améliorée et que les Québécois et Québécoises, et surtout les gens qui travaillent dans le domaine de l'industrie de la sécurité routière, dans le domaine du camionnage, mais aussi ceux qui circulent sur nos routes s'en trouvent rassurés par ces nouvelles dispositions que nous aurons adoptées en bout de piste.

Alors, c'est donc dans ce sens-là que nous allons travailler, Mme la Présidente, en commission parlementaire. Ce sera un travail exigeant parce que, comme je le disais, il y a beaucoup de dispositions qui sont très pointues, qui sont très techniques, mais le travail l'exige, nous allons nous y soumettre avec ardeur. Et, comme je l'ai dit, en bout de piste, on pourra dire que la sécurité sur nos routes s'en trouvera améliorée. C'est dans ce sens-là, Mme la Présidente, que nous allons travailler.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi? Il n'y a pas d'autres interventions. Est-ce que le projet de loi n° 29, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Le principe, oui. Excusez-moi, le principe. Adopté sur division? Adopté sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des transports
et de l'environnement

M. Dupuis: Alors, je fais motion, Mme la Présidente, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: J'apprécierais que vous preniez en considération l'article 10 du feuilleton, Mme la Présidente.

Projet de loi n° 35

Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 10, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. Alors, je reconnais immédiatement un premier intervenant, M. le ministre de la Justice.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il me fait bien plaisir aujourd'hui de présenter le projet de loi n° 35, qui est un projet de loi extrêmement important pour les justiciables du Québec, qui permet de mettre de l'avant un certain nombre de valeurs qui sont propres à mon parti, à mon gouvernement, qui sont des valeurs de justice sociale, des valeurs reliées à l'accessibilité aux services publics et notamment aux tribunaux.

Et il est bien connu que nos tribunaux doivent, pour que les valeurs démocratiques de notre société soient promues, nos tribunaux doivent donc être accessibles, être équitables et fonctionner dans un contexte où les citoyens ont accès facilement à un système qui leur permet de trancher les litiges et les différends qui les opposent à d'autres personnes.

Or, il se produit, et de plus en plus souvent, que les citoyens sont aux prises avec des difficultés dans le cadre de l'application de lois sociales, des lois qu'on a voulu au service du citoyen, des lois qu'on a voulu applicables dans un contexte de nécessité, de soutien du citoyen. Donc, dans le cadre de l'application de ces lois sociales, qui sont très nombreuses au Québec, il se produit qu'un citoyen éprouve des difficultés et qu'un conflit naisse dans l'application d'une de ces lois-là.

n(11 h 30)n

Je pense, bien sûr, essentiellement aux lois du travail, comme la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui touche chaque année plus d'une centaine de milliers de travailleurs québécois qui sont accidentés, qui n'éprouvent pas tous des difficultés avec l'État mais qui, de temps à autre, vont vivre des conflits parce que la loi n'est pas appliquée à leur goût, parce qu'on leur refuse accès à une certaine indemnisation, à une certaine prestation ou bien qu'on refuse de les réinsérer dans un programme de réinsertion sociale qui leur permettra de gagner leur vie honorablement dans le cadre d'une participation active à l'économie du Québec.

Je parle bien sûr d'autres lois d'indemnisation, la Loi, bien sûr, sur la sécurité du revenu, qui touche plus de 300 000 Québécois qui sont bien sûr dans des situations... qui vivent des situations difficiles, soit qu'ils soient inaptes au travail ou qu'ils soient aptes, mais qui pourraient vivre des conflits avec le gouvernement du Québec. Et la question qui se pose, c'est: comment régler ces litiges-là de façon équitable, de façon acceptable en termes de délai? Et comment faire en sorte que les citoyens qui sont en conflit avec l'État puissent avoir accès à une justice de qualité, une justice impartiale, une justice qui porte bien son nom et qu'ils puissent être rétablis dans leurs droits rapidement à partir du moment où un conflit naît avec l'État? Parce qu'on sait que les citoyens, de façon générale, vivent des conflits de nature privée avec un voisin, avec un ex-conjoint, dans un contexte contractuel avec des personnes, des gens d'affaires, avec leur personnel et, dans ce contexte-là, M. le Président, les citoyens s'adressent à ce qu'on appelle les tribunaux civils. La Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel sont des tribunaux plus connus qui sont de juridiction civile. Mais la situation est très différente lorsque le citoyen vit des difficultés avec l'État québécois, et à ce moment-là il doit s'adresser à ce qu'on appelle un tribunal administratif.

Il en existe deux essentiellement, qui sont les plus importants et qui ont comme mission de trancher des litiges qui sont à peu près de la même nature que ceux qui sont tranchés par des juges de la Cour du Québec, par exemple. Je parle ici de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif du Québec qui administrent l'ensemble des lois dont j'ai parlé tantôt, La Loi sur les accidents du travail, la Loi sur l'assurance automobile, la Loi sur la sécurité du revenu, la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels également et la Loi visant à favoriser le civisme. Ce sont des lois qui touchent chaque année quelque 800 000 Québécois donc qui dépendent, temporairement ou sur une base permanente, du soutien de l'État. Et, bien sûr, naissent un certain nombre de conflits qu'on chiffre à peu près à 86 000, 87 000 chaque année, donc des Québécois qui s'opposent, qui prennent la peine d'écrire un document, de transmettre ça au gouvernement pour dire: Je suis en désaccord avec la décision rendue.

Alors, ça touche 86 000 personnes qui contestent, mais ça touche aussi des familles, des milieux de travail. Parce que ces gens-là qui vivent des difficultés, bien sûr, sont dans l'indigence, sont dans l'attente d'une indemnisation de la part de l'État ou d'une prestation de la part de l'État, et c'est non seulement leur vie qui est affectée et leur avenir bien souvent, mais aussi le devenir de leurs enfants, de leur famille, de leur communauté qui s'en trouve considérablement affecté malheureusement dans la plupart des cas.

Alors, la réforme que je présente aujourd'hui, le projet de loi n° 35, vient d'un constat et d'un diagnostic percutant à l'effet que notre justice administrative au Québec mérite d'être valorisée et qu'elle mérite d'être confiée davantage au service des citoyens. Et elle mérite d'être allégée, elle mérite d'être simplifiée et elle mérite bien sûr...

M. Lelièvre: Excusez-moi, Mme la Présidente.

M. Bellemare: Oui.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Mme la Présidente, pourriez-vous vérifier si nous avons le quorum à cette Assemblée?

La Vice-Présidente: Certainement. Alors, qu'on appelle les députés, il n'y a pas quorum effectivement.

n(11 h 34 ? 11 h 35)n

La Vice-Présidente: Merci. M. le ministre de la Justice, si vous voulez poursuivre.

M. Bellemare: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je disais tantôt que cette réforme sur la justice administrative, le projet de loi n° 35, se veut être une réforme véritablement au service des citoyens pour faire en sorte qu'ils puissent avoir accès à un règlement correct, impartial de leurs difficultés dans un délai acceptable. Personne ne conteste le fait qu'au Québec les délais sont très longs entre le moment où une personne réclame une indemnité, se voit refuser cette indemnité et le moment où le litige est tranché par un tribunal ou par une instance ultérieurement. Et très long dans un contexte très particulier. On ne parle pas ici de conflits qui peuvent être supportés pendant de longs mois ou de longues années par la personne qui subit l'injustice ou qui estime subir l'injustice, on parle de gens qui sont souvent blessés. Les victimes de la route, les accidentés du travail, Mme la Présidente, bien sûr, sont des gens blessés, blessés physiquement, blessés psychologiquement, des gens qui sont souvent dans l'indigence, donc dans l'incapacité de passer à travers les obligations et les difficultés de la vie parce qu'ils sont privés de revenus, parce qu'ils sont sans emploi, parce qu'ils vivent des problèmes de santé, ils vivent des problèmes de comportement souvent également, et leur vie est complètement perturbée. Donc, il est absolument essentiel que nous mettions en place les mesures qui vont permettre à ces gens de vivre les difficultés le moins longtemps possible.

Si un individu se voit privé d'une allocation de la part du ministère de la Sécurité du revenu... de la Solidarité sociale, pardon, il est important que cette privation soit de la plus courte durée possible. Si on peut régler ce litige, ce problème sur une période de six ou huit mois, bravo! ? c'est déjà très long ? mais qu'on ne tolère pas que les délais soient de 20, 21, 22 mois, comme c'est le cas actuellement. Alors, il m'apparaît que cette justice administrative doit être au service du citoyen en lui permettant d'avoir accès à une décision juste, équitable, impartiale dans le plus court délai possible.

Et nous avons, Mme la Présidente, présenté au mois de mars dernier à la population du Québec un document qui s'intitule Une justice administrative accessible et équitable. C'est un document sectoriel, complet, fouillé, qui élabore la politique de notre gouvernement en matière de justice administrative. Donc, la population du Québec a été informée, dès le mois de mars 2003, de nos orientations à partir d'un document fouillé, complet, qui faisait état de l'ensemble de la situation, et c'est sur cette base bien sûr que l'électorat s'est prononcé le 14 avril dernier et que nous avons eu le mandat de mettre de l'avant cette réforme de la justice administrative.

Alors, de façon plus précise, Mme la Présidente, le projet de loi vise à réunir deux importants tribunaux administratifs du Québec, la Commission des lésions professionnelles et le Tribunal administratif du Québec. Pourquoi les réunir? D'abord, parce qu'ils l'ont déjà été, parce que, en 1975, lorsque le gouvernement libéral de Robert Bourassa avait créé la Commission des affaires sociales, elle créait un tribunal d'appel, c'est-à-dire une cour administrative qui permettait aux citoyens insatisfaits des décisions de l'État d'avoir accès à un juge impartial qui disposait du litige entre le citoyen et un organisme de l'État, précisément la situation à laquelle on est confronté encore aujourd'hui. Alors, en septembre 1975, le gouvernement libéral créait la Commission des affaires sociales, qui est une avancée extrêmement importante en matière de justice au Québec, tout le monde le reconnaît aujourd'hui. Ce tribunal était composé de plusieurs divisions, certaines touchant les accidentés de la route, d'autres les accidentés du travail, d'autres les gens bénéficiaires de la Régie des rentes, par exemple.

Et, en 1985, le gouvernement a modifié la donne et a créé deux tribunaux administratifs. Plutôt que d'en avoir juste un, comme ce fut le cas de 1975 à 1985, en 1985, un autre tribunal administratif a été créé, donc on a maintenu la Commission des affaires sociales, mais, pour les causes relatives aux accidentés du travail, on a créé la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Une décision à l'époque qui avait été plus ou moins bien accueillie, qui avait été très controversée parce qu'elle permettait de mettre en place deux tribunaux administratifs distincts qui s'adressaient à deux types de victimes. Et c'était une décision qui était controversée en ce sens qu'on créait deux types de justice pour deux types d'accidentés. Alors, les victimes de la route étaient entendues par le Tribunal administratif du Québec et les victimes du travail étaient entendues par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, une décision douteuse, qui avait fait beaucoup de vagues à l'époque et qui n'était pas en conformité avec plusieurs rapports qui avaient été présentés au gouvernement et plusieurs opinions qui avaient été soumises en commission parlementaire, en 1984 et 1985, à l'occasion de l'étude de cette loi importante.

n(11 h 40)n

Depuis 1985, le rapport Gobeil notamment a recommandé que le Tribunal administratif d'appel soit unifié, qu'on réunisse les deux tribunaux pour faire en sorte qu'il n'y ait qu'une forme de justice pour l'ensemble des victimes, peu importe qu'elles aient été blessées au travail ou sur la route. Et, par la suite, d'autres rapports, comme le rapport Ouellette, ont recommandé, en 1987, cette réunion des deux tribunaux d'appel. Un petit peu plus tard, en 1994, le rapport Garant est allé exactement dans le même sens en disant: Bien, pourquoi deux tribunaux d'appel? Pourquoi deux instances, deux tiroirs, deux organismes distincts selon le type d'accident? Ce n'est pas tout à fait juste parce que, en fin de compte, qu'on ait été blessé dans un contexte ou dans un autre, normalement, au Québec, on devrait tous avoir accès à la même qualité de justice. De là l'importance d'avoir un guichet unique, d'avoir une seule cour, un seul tribunal appelé à entendre l'ensemble des litiges.

En 1995, le gouvernement du Parti québécois a présenté le projet de loi n° 130 qui proposait justement l'unification des deux tribunaux dont je parle depuis tantôt, mais en 1998 a abandonné cette idée malheureusement pour faire en sorte qu'on ait encore deux tribunaux administratifs, une décision qui avait été à l'époque fermement contestée par la plupart des intervenants qui s'étaient présentés en commission parlementaire.

Alors, nous avons proposé, dans le projet de loi n° 35, un seul tribunal d'appel avec des sections distinctes qui pourraient permettre une certaine modification du type de composition de bancs finalement, que les bancs pourraient varier d'une loi à une autre selon certains critères et certaines exigences, mais qu'on n'ait pas deux tribunaux différents. Et l'importance d'avoir un seul tribunal administratif d'appel permet aussi que des juges administratifs puissent se déplacer d'une division à l'autre. Parce que, actuellement, évidemment, vous avez la Commission des lésions professionnelles où ce ne sont que des causes d'accidents de travail qui sont entendues. Et, depuis nombre d'années, les associations de juges administratifs souhaitent qu'ils puissent être davantage appelés à entendre des causes dans d'autres types de litiges. Non pas que le secteur des accidents de travail soit simple en soi et qu'il soit inintéressant, mais, si on permet une unification de l'ensemble de ces tribunaux-là, on permet à des juges d'entendre différents types de causes. comme c'était le cas à l'époque de la Commission des affaires sociales. Il n'y a rien qui empêchait qu'une semaine un juge entende des causes de CSST et que la semaine suivante il entende des causes d'accidents d'automobile ou d'aide sociale. Alors, ce sera le cas dorénavant avec le projet de loi n° 35 qui permettra une plus grande mobilité des juges d'une section à une autre, et donc une meilleure multidisciplinarité, une meilleure expertise de la part des juges et plus de variété évidemment dans le type de cas qu'ils pourraient être appelés à entendre.

Mais c'est bien important, à mon avis, qu'on ait des règles qui soient les plus uniformes possible pour éviter les injustices structurelles et pour éviter que les citoyens du Québec soient jugés différemment, en fonction de règles différentes et de juges différents, selon qu'ils aient été victimes de tel ou tel type d'accident. Ce n'est pas très rationnel comme logique que de prétendre qu'on devrait aller devant telle cour administrative parce qu'on a subi tel type d'accident au travail, par exemple, ou telle autre cour selon que ce soit un accident d'automobile. Alors, nous avons pris l'engagement dans ce document sectoriel également d'harmoniser les règles, de faire en sorte que, pour les Québécois, ce soit plus simple et qu'ils sachent d'avance qu'il n'y a qu'une seule justice qui s'applique, nonobstant le fait que l'accident soit survenu dans telle ou telle circonstance.

Nous croyons également que les recommandations des quatre commissions d'enquête... quatre commissions d'étude, plutôt, qui ont recommandé la fusion de ces deux tribunaux-là doivent être reçues. Les rapports en question ont été produits par des équipes de haute compétence. Le Pr Garant, qui est un professeur émérite de l'Université Laval, avait recommandé en 1994 la fusion des deux tribunaux. La commission Ouellette, qui regroupait l'ensemble des partenaires du monde juridique et du monde judiciaire et du monde gouvernemental en 1987, une commission qui a travaillé pendant deux ans et demi à l'étude de la question qui nous intéresse ce matin, a recommandé la constitution d'un seul tribunal d'appel. Ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'il y a intérêt à ce que les ressources soient concentrées au sein d'un seul tribunal, qu'il y ait davantage d'équité et d'harmonisation dans les règles, que ce soit davantage simplifié.

Et à quoi bon créer deux structures quand on peut, Mme la Présidente, faire d'une seule structure un tribunal crédible, cohérent, spécialisé et accessible à l'ensemble des citoyens du Québec? Alors, c'est le premier objectif poursuivi par le projet de loi n° 35 qui rejoint essentiellement les grandes lignes même du projet de loi n° 130 qui avait été présenté par l'opposition officielle en 1994 et en 1995.

Je rappellerai, à ce stade-ci, Mme la Présidente, que le projet de loi n° 4, qui est à l'étude actuellement, article par article, est un projet de loi important dont on retrouve les composantes dans le projet de loi n° 35, un projet de loi qui vise à rendre plus simple la composition des formations des bancs appelés à entendre chaque cause.

Il est reconnu au Québec que la règle en matière judiciaire est qu'un juge entende une cause, tout le monde le sait, devant les tribunaux judiciaires: la Cour du Québec, un juge entend une cause; Cour supérieure, un juge entend une cause; Cour d'appel, c'est un peu différent parce que c'est un tribunal de consensus, qui est le plus haut tribunal du Québec, mais les tribunaux qui entendent les témoins et qui font les enquêtes sont composés d'une seule personne.

À la Commission des relations de travail, il n'y a qu'un juge qui entend chaque cause; à la Commission des lésions professionnelles, il n'y a qu'un seul décideur sur chaque banc. Alors, au Tribunal administratif du Québec, il y a deux personnes sur chaque quorum, ce qui est, à mon avis, anormal, ce qui est irrégulier et ce qui est inutile dans bon nombre de cas.

Et, lorsque nous avons tenu nos consultations particulières sur le projet de loi n° 4, la plupart des intervenants sont venus nous dire que, effectivement, dans un bon nombre de cas, il n'était absolument pas justifié que deux personnes entendent la cause, ce qui est connu de l'ensemble des partenaires judiciaires, de l'ensemble des gens qui ont accès et qui ont vécu devant le Tribunal administratif du Québec, ce que j'ai fait pendant plusieurs années comme plaideur.

Il est tout à fait évident ? et je crois que tout le monde le reconnaîtrait aujourd'hui ? que, dans bon nombre de causes, sans vouloir diminuer l'importance de chaque cause, il y a un certain nombre de causes qui sont de nature un peu plus répétitive, c'est-à-dire des cas qu'on voit de façon plus régulière. Il ne faut pas penser que le Tribunal administratif du Québec entend toujours des causes d'une complexité et d'une grande difficulté au plan juridique et au plan intellectuel. Dans bien des cas, il y a des causes qui sont un peu plus de nature répétitive, et, dans bien des cas, les causes sont également relativement simples pour ces juges administratifs qui possèdent en moyenne 17 ans d'expérience et qui en ont vu beaucoup, de cas, et qui sont capables de rendre justice de façon tout à fait honorable, tout en étant seuls sur le banc.

Alors, le projet de loi n° 4 vise à permettre de réduire les compositions des bancs et à faire en sorte que les bancs de deux personnes ? généralement un avocat et un médecin ? soient réservés aux causes de complexité particulière. Pourquoi? Pour la simple raison que c'est la règle au Québec, comme je l'ai dit tantôt, qu'un seul juge entende les causes, mais, également, que nous devons faire en sorte que cette justice-là soit efficace et qu'elle soit rendue dans des délais acceptables, et nous vivons des délais importants au Tribunal administratif du Québec.

Et, à notre avis, comme gouvernement, un délai de six mois, n'est-ce pas, c'est la règle... ça a été présenté même dans les projets de réforme du Code de procédure civile. En matière civile, normalement, une cause doit être réglée dans un délai de six mois. Elle doit être en état dans un délai de six mois. C'est un peu le délai symbolique qu'on s'est donné. L'opposition officielle à l'époque avait concouru à cette promotion et à ce but en présentant des règles en matière civile qui prévoyaient que les causes devaient être normalement en état dans un délai de six mois.

Même chose devant les tribunaux administratifs. Une personne qui est privée de revenu devrait normalement, si sa cause ne présente pas de difficulté importante, voir l'affaire réglée dans un délai approximatif de six mois. Et, bien sûr, si la complexité est telle qu'elle justifie des délais additionnels, bien, qu'on en donne, des délais additionnels, mais que l'individu qui veut régler son affaire dans un délai de six mois puisse le faire. C'est l'objectif qu'on poursuit. Or, on est très loin du compte actuellement. Et, même à la Commission des lésions professionnelles où les délais sont beaucoup plus courts qu'au Tribunal administratif du Québec, les délais excèdent largement ce délai qu'on se fixe, et, à mon avis, il y a lieu de prévoir un certain nombre de mesures.

Donc, la possibilité de réduire les bancs de deux à une personne permettrait d'entendre plus de causes, parce qu'il est évident qu'au moment où on se parle toutes les causes qui sont entendues au Tribunal administratif par deux personnes, si elles pouvaient l'être par une personne dans la plupart des cas, ça ferait en sorte que les délais seraient plus courts et que ces deux personnes, qui sont de compétence égale, qui ont été reconnues comme ayant la compétence pour trancher des litiges, des questions, pourraient, plutôt que d'entendre une cause, en entendre deux en même temps, ce qui contribuerait à diminuer rapidement et à ramener à des normes décentes les quelque 12 000 Québécois qui, à l'heure actuelle, végètent sur les rôles d'attente, les rôles d'audience du Tribunal administratif du Québec, 12 000 Québécois, à l'heure actuelle, au moins, Mme la Présidente, qui attendent pendant plusieurs années que leurs causes soient entendues. Et là on parle des plus indigents de notre société, des gens qui n'ont pas les moyens d'attendre, des gens qui sont dans l'attente de considérations, de prestations, d'allocations de la part de l'État. À mon avis, c'est une situation proprement inacceptable, voire scandaleuse, à laquelle il faut apporter des remèdes très rapidement. Donc, le projet de loi n° 4 se veut être un remède justement à cette situation pour permettre à la justice administrative d'être plus rapide et d'être plus efficace tout en étant de très haute qualité.

n(11 h 50)n

Nous avons présenté un certain nombre d'amendements au projet de loi n° 4, qui, espérons-le, devraient satisfaire l'opposition officielle, des amendements qui ont été requis par un certain nombre de groupes qui se sont présentés devant nous, au total, une quinzaine de groupes, très représentatifs au Québec, qui se sont présentés, la plupart ayant été désignés par l'opposition officielle, et que nous avons écoutés avec beaucoup d'attention. D'autres ont présenté des mémoires écrits, que nous avons également considérés, qui ont fait l'objet de plusieurs représentations de la part de l'opposition et, notamment, de mon collègue le député de Chicoutimi qui en a fait grandement l'état.

Alors, je parlerai de certains amendements, que j'ai d'ailleurs soumis à l'occasion de l'étude article par article, un qui prévoit que ce juge qui resterait, ce juge administratif devrait posséder une formation juridique. C'est assez évident dans mon esprit qu'il faut que ce juge possède une formation juridique si le juge applique des lois complexes, des lois sociales, très précises, avec une multitude de règlements qui exigent, à mon avis, une formation juridique, d'autant plus qu'il y a des preuves qui sont présentées, il y a des témoins qui sont présentés, des documents d'expertise souvent qui sont présentés en preuve et qui méritent que le juge ait la compétence, la formation, l'expérience juridique qui lui permet de trancher l'affaire. Et, comme il le fait sur une base finale et sans appel, parce que les jugements rendus par le Tribunal administratif ne sont pas susceptibles d'être contestés devant d'autres cours en appel, à ce moment-là, c'est extrêmement important d'assurer la compétence, d'asseoir la compétence de ce juge, qui serait ou bien avocat ou bien notaire. C'est le premier amendement que nous avons présenté.

Le deuxième fait en sorte que, lorsque l'affaire le justifie, c'est-à-dire lorsqu'il y a utilité d'avoir une autre expertise, le président puisse ajouter un autre juge, qu'il y en ait deux. La norme serait un, et, dans les cas où ce serait utile aux yeux du président, qu'il puisse y avoir un deuxième juge qui serait de formation autre, c'est-à-dire psychologue, médecin, évaluateur, peu importe, dépendant de la nature de la cause présentée. Nous avions prévu au départ, dans le projet de loi n° 4, le critère de nécessité, que le président puisse adjoindre un autre juge lorsque c'était nécessaire; nous allons le modifier pour faire en sorte que ce soit le critère d'utilité qui l'emporte, ce qui permettrait, à mon avis, que, dans un nombre plus important de cas, le président puisse avoir accès à ce deuxième juge, à ce banc de deux juges, lorsqu'il jugerait simplement qu'il y a une certaine utilité à ce qu'une deuxième personne puisse aider le premier juge de formation juridique à trancher l'affaire.

Nous avons également introduit un amendement permettant que non seulement le citoyen appelé à être entendu devant ce tribunal-là puisse demander le deuxième juge, mais que l'administration publique puisse le faire aussi, donc que la Société de l'assurance automobile ou que la Régie des rentes puissent présenter également une demande à l'effet qu'un deuxième juge puisse être adjoint. Nous n'avons pas d'objectif en termes quantitatifs. Nous n'estimons pas que ces amendements pourraient permettre d'ajouter un deuxième juge dans une quantité précise de cas. Nous laisserions le président décider, qu'il y ait 20 %, 30 %, 40 %, 70 % de cas où ce serait utile d'avoir un deuxième juge, ça importe peu quant à nous. Ce qui importe, c'est que les cas simples, qui ne requièrent pas la deuxième expertise, puissent être entendus rapidement pour permettre aux citoyens d'obtenir une justice de qualité, rapidement, dans des cas relativement simples, qui sont, à mon avis, la majorité des cas.

À la Commission des lésions professionnelles, où la règle est déjà établie de cette façon depuis 1985, donc le critère d'utilité, à peu près 15 % des causes sont entendues par un juge ? généralement avocat et notaire ? et un médecin pour entendre la cause, bien qu'on soit bien sûr en matière très spécialisée, en matière de lésions professionnelles.

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Un instant. Un instant, M. le ministre. Alors, je pense que ce serait bien intéressant qu'on puisse tous écouter attentivement les interventions sur le projet de loi n° 25... pardon, n° 35. Alors, je demande votre collaboration, à tout le monde. Alors, en vertu de l'article 32, je vous rappelle: chaque député doit être assis à son siège et garder le silence.

M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Bellemare: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai parlé tantôt du projet de loi n° 4, mais il y aurait également un changement qui serait introduit par le projet de loi n° 35 quant à la formation des bancs. Vous savez, actuellement, en matière de lésions professionnelles, à la Commission des lésions professionnelles, toutes les formations qui entendent les causes sont composées d'un commissaire, d'un représentant syndical, d'un représentant patronal et, dans 15 % des cas, d'un médecin. Ça fait beaucoup de monde, et nous avons considéré, dans le projet de loi n° 35, qu'il n'était pas nécessaire que, dans tous les cas, il y ait une formation paritaire.

Il faut également comprendre que cette formation paritaire telle qu'elle existe actuellement avait été très fermement contestée lorsque le gouvernement du Parti québécois l'avait introduite en 1996 et 1997 parce que la plupart des intervenants de l'époque disaient que cette formation paritaire n'était pas nécessaire, que le commissaire pouvait entendre seul la cause avec un médecin dans à peu près 15 % des cas et même que l'introduction du paritarisme au sein de la CLP était un ingrédient qui portait atteinte au caractère indépendant de la Commission.

Il faut comprendre que le paritarisme permet à des gens qui sont issus des associations syndicales et patronales de jouer d'influence directement auprès du commissaire parce qu'ils sont partie prenante au tribunal qui entend la cause. Alors, c'est, à mon avis, une situation inacceptable, très inquiétante, qui fait en sorte que, à moins que le travailleur et l'employeur ne souhaitent une formation paritaire, donc un commissaire aidé, soutenu d'une association syndicale et patronale, normalement un juge tout seul devrait entendre la cause... c'est-à-dire un commissaire seul devrait entendre la cause, ce qui permettrait d'alléger le fonctionnement de la section des lésions professionnelles, ce qui permettrait également de diminuer les coûts et d'augmenter la productivité.

Parce que vous savez, Mme la Présidente, qu'un banc composé de trois ou quatre personnes, ce n'est pas très facile à gérer. Il y a trois, quatre personnes qui posent des questions, trois, quatre personnes qui participent au délibéré, ce qui contribue à augmenter les délais, à augmenter la lourdeur du quorum qui entend chaque cause, sans compter que, pour l'avoir vu personnellement dans plusieurs cas, le fait de composer... de se présenter, pour un accidenté du travail, devant trois ou quatre juges administratifs représente une situation qui n'est pas toujours facile, et ça contribue à stigmatiser bien des travailleurs qui simplement se présentent devant un tribunal qu'on veut accessible, simple de fonctionnement, courtois, très simple au niveau de ses règles, qui se retrouvent avec trois, quatre personnes qui sont appelées à le questionner sur son état de santé.

Ce n'est pas très évident et, à mon avis, c'est une formule dépassée qu'on doit mettre de côté tout en préservant peut-être la formule paritaire lorsqu'elle est souhaitée par le justiciable, parce que c'est de sa cause dont on parle. Ce n'est pas de la cause du gouvernement, c'est de sa cause à lui. Et, si le citoyen, le travailleur accidenté souhaite que l'affaire soit entendue par un commissaire, mais avec deux représentants, syndical et patronal, il pourra le demander et il l'obtiendra dans les cas d'admissibilité. Mais pas dans toutes les causes qui sont entendues à l'heure actuelle dans ce secteur-là, c'est-à-dire on parle d'à peu près 12 000 décisions par année. Rendu à trois ou à quatre, vous comprendrez très bien, Mme la Présidente, que, si on réduit les bancs à un seul commissaire décisionnel, on va augmenter la possibilité pour les commissaires d'entendre davantage de cas dans des délais plus acceptables et dans des conditions de simplicité accrue.

Un autre élément du projet de loi n° 35, Mme la Présidente, c'est la régionalisation. C'est un point qui me tient très, très à coeur, et qui fait partie du projet de loi, et qui faisait partie de la politique que nous avions présentée en campagne électorale en mars 2003 dans le document sectoriel. La régionalisation, c'est une valeur importante, c'est une valeur libérale importante dont on a fait la promotion dans plusieurs dossiers. En matière de justice, c'est également important de faire en sorte que les citoyens du Québec puissent être entendus par des juges qui connaissent la réalité régionale dans laquelle ils vivent, de leur région.

Actuellement, les accidentés du travail qui sont entendus devant la CLP savent très bien qu'il y a au Québec 20 bureaux régionaux, c'est-à-dire que les accidentés de Roberval peuvent être entendus généralement à Rimouski... ou à Roberval, dans leur région, par des juges qui résident dans leur région ? donc, ils connaissent très bien les réalités régionales qu'ils vivent avec eux ? et qui sont, tout en conservant leur caractère d'impartialité et d'indépendance... qui connaissent et qui vivent dans une réalité régionale. Ce ne sont pas des juges qui partent de Québec et de Montréal pour aller rendre justice à deux, trois, quatre heures de route de là où ils résident.

n(12 heures)n

Même chose pour les Gaspésiens, évidemment, qui vivent des réalités locales tout à fait distinctes, il y a des industries tout à fait distinctes, un réseau de santé et de services sociaux qui est tout à fait particulier et qui répond à des priorités régionales.

Il n'y a aucune raison pour que les autres catégories de victimes et de citoyens qui s'adressent au Tribunal administratif du Québec ne soient pas entendus dans les mêmes conditions. Le fait de regrouper la CLP et le TAQ va permettre à toutes les autres catégories de citoyens d'être entendus par des juges qui demeurent... qui habitent leur région et qui vont relever d'un greffe qui va être situé dans leur région. C'est extrêmement important.

Parce que depuis 1975, Mme la Présidente, les personnes qui vivent des prestations de solidarité sociale sont entendues par un tribunal d'appel dont le juge provient de Québec ou de Montréal. Ce n'est, à mon avis, pas très acceptable qu'une personne de Gaspé qui conteste une décision du ministère de la Solidarité sociale et qui se présente devant un juge soit entendue par un juge de Montréal ou de Québec nécessairement. Et, à mon avis, on devrait permettre que ce juge ait des connexions régionales, qu'il soit davantage conscient de la réalité régionale et qu'il vive dans sa région.

C'est ce que nous permettrons par le projet de loi n° 35, qui est, encore là, un élément de promotion de justice extrêmement important, dont les gens sont très fiers et par rapport auquel les gens des régions ont des attentes importantes. Il y aura donc, dans ces greffes régionaux, des juges qui entendront toutes les autres catégories de victimes: victimes de la route, solidarité sociale, victimes d'actes criminels et bénéficiaires de la Régie des rentes. C'est donc un point extrêmement important que cette promotion de la régionalisation du nouveau tribunal, qui portera le nom de Tribunal des recours administratifs du Québec.

Le statut des membres, maintenant, Mme la Présidente, est un point extrêmement important également qui constitue, de l'avis de tous les partenaires et de tous les observateurs en matière de justice, une avancée, encore là, importante en matière de justice administrative. Actuellement, ces décideurs, ces juges administratifs sont nommés pour des périodes de cinq ans, renouvelables. C'est-à-dire que le gouvernement du Québec nomme, par exemple, un commissaire à la Commission des lésions professionnelles, il va être nommé pour une période de cinq ans, et, au bout de cinq ans, il y aura un comité qui évaluera sa compétence et l'opportunité globale de renouveler son mandat pour une autre période de cinq ans.

Bien qu'on ait, au fil des années, assorti ce renouvellement d'une série de conditions visant à garantir l'indépendance de ces gens, de ces décideurs qui doivent être indépendants du gouvernement, certains doutes subsistent, et, malgré le fait que les tribunaux supérieurs, la Cour d'appel notamment, il y a quelques années, dans l'affaire Barreau de Montréal, aient reconnu que ces mandats de cinq ans préservaient l'indépendance des décideurs, nous croyons, comme gouvernement, que nous pouvons en faire davantage pour assurer la confiance du public dans ces tribunaux administratifs.

Parce qu'il faut comprendre qu'un citoyen du Québec qui n'a jamais eu affaire aux tribunaux... la plupart du temps, c'est le cas des accidentés et des gens qui ont affaire au Tribunal administratif du Québec, donc qui en sont à leur première expérience, qui se présentent et qui confient un litige important pour eux à un juge administratif, sachant que ce juge est nommé par le gouvernement, sachant que c'est un tribunal qui relève du gouvernement du Québec, à un moment donné, le citoyen peut éprouver certaines difficultés dans sa façon de juger et de considérer le statut indépendant de ce juge administratif.

Alors, dans le but de garantir la confiance du public, nous répondons, par le projet de loi n° 35, à des attentes nombreuses et répétées de la part des associations de juges administratifs, de la part du Barreau du Québec et de la part de la plupart des associations de victimes et d'accidentés au Québec, en donnant à ces juges administratifs un statut de nomination selon bonne conduite. C'était un engagement libéral, c'est un engagement qu'on retrouve dans le document sectoriel, c'est un engagement auquel nous nous conformons par le projet de loi n° 35 en prévoyant de façon spécifique que les juges administratifs seront nommés selon bonne conduite.

Ils seront, par contre, assujettis à des règles déontologiques, à des règles d'évaluation, ce qui permettra de nous assurer que nous pouvons offrir aux Québécois les meilleures garanties de compétence chez ces juges administratifs, des garanties renouvelées et des garanties d'indépendance et d'impartialité, pour être bien certain que les citoyens du Québec qui seront entendus par ce tribunal administratif auront confiance de façon indéfectible et absolue dans la qualité et dans l'indépendance de ces décideurs, qu'ils n'auront jamais à l'esprit que ce décideur aurait pu être influencé d'une quelconque façon du fait qu'il était visé par un mandat de cinq ans renouvelable. Qu'ils soient absolument convaincus de son indépendance et de son impartialité, c'est une règle majeure en matière de justice, c'est une règle constitutionnelle à laquelle nous entendons donner son véritable sens et toute son importance par le projet de loi n° 35.

Il faut également considérer, Mme la Présidente, qu'il doit y avoir des règles déontologiques qui doivent être respectées. Des règles déontologiques, c'est quoi? C'est bien sûr des règles qui garantissent que les juges administratifs auront un comportement acceptable, un comportement courtois face aux gens qui s'adressent à eux, aux justiciables notamment, et qu'ils auront à respecter certaines règles éthiques relatives aux conflits d'intérêts, relatives à leur impartialité, relatives à leur comportement, aux déclarations qu'ils sont en mesure de faire, etc. Alors, le projet de loi n° 35 vient circonscrire davantage les règles déontologiques, en imposer également un certain nombre de plus pour nous assurer que dans tous les cas le comportement des juges sera exemplaire.

Nous avons un excellent système de justice au Québec, nous avons des juges de très haute qualité, de très grande compétence, qui rendent justice quotidiennement dans un contexte qui fait honneur au Québec, et il est important qu'à travers les règles déontologiques nous prévoyions dans la loi les garanties qui vont assurer tous les gens, tous les citoyens du Québec qui auront accès à ce tribunal administratif que les règles déontologiques sont existantes, qu'elles sont strictes, qu'elles sont importantes et qu'elles visent une seule chose, Mme la Présidente, c'est d'assurer aux citoyens du Québec les meilleures garanties de justice.

Certaines règles de procédure également sont introduites par le projet de loi n° 35, des règles qui visent la représentation devant le tribunal. Comme vous le savez, Mme la Présidente, la règle au Québec est que seuls les avocats peuvent agir pour représenter un citoyen devant un tribunal. Quand on se présente devant la Cour supérieure pour un problème de nature matrimoniale ou de nature civile ou commerciale, on peut agir seul, mais, si on choisit de se faire représenter, ce doit être fait par un avocat, un membre du Barreau du Québec. Alors, il y a 22 000 avocats au Québec qui chaque jour oeuvrent à représenter, à donner des conseils à différents citoyens, pas nécessairement devant les tribunaux, mais dans le contexte de difficultés vécues sur la plan juridique.

Devant le Tribunal administratif du Québec, actuellement, en matière d'accidents de travail, et devant la Commission des lésions professionnelles, également en matière d'accidents de travail, il y a une exception à cette règle, qui veut que toute personne puisse représenter un citoyen. Alors, c'est un amendement qui avait été introduit le 1er janvier 1979 et qui permettait d'ouvrir ou de libéraliser, si vous voulez, la possibilité de représentation. À l'époque, le gouvernement souhaitait que cette ouverture vers d'autres possibilités de mandat, chez d'autres personnes que des avocats, allait permettre d'augmenter le nombre de représentants, et donc d'améliorer la représentation auprès du tribunal et permettre à des accidentés du travail d'avoir plus facilement et à des coûts plus économiques accès à des représentants. C'est une bonne mesure, qu'on entend maintenir par le projet de loi n° 35. Et nous entendons maintenir le fait que des non-avocats puissent représenter les accidentés du travail devant le Tribunal administratif.

Par contre, l'expérience a démontré que... Bien que l'immense majorité des représentants à l'heure actuelle ? les non-avocats dont je parle particulièrement ? fassent un travail correct, nous avons réalisé que ces non-avocats, n'étant pas assujettis à des règles déontologiques, n'étant pas assujettis aux contraintes déontologiques et professionnelles d'un ordre professionnel comme les avocats le sont, certains non-avocats, donc, avaient agi par le passé de façon inacceptable. Et certains accidentés ont subi des dommages importants du fait qu'ils aient été représentés de façon incorrecte, de façon abusive et, dans certains cas, de façon frauduleuse par des gens qui n'avaient aucun scrupule et qui avaient, par contre, en vertu de la loi, la possibilité de les représenter devant la Commission des lésions professionnelles. Et certaines histoires tristes ont été portées à l'attention du public, dans des cas où des accidentés du travail ont été littéralement floués par des représentants contre lesquels ils n'ont jamais pu exercer quelque recours que ce soit, tant déontologiques que des recours en dommages et intérêts.

n(12 h 10)n

Nous avons trouvé une solution à ce problème, et la solution fera en sorte que, dans un premier temps, un professionnel radié de son ordre ne pourra plus représenter un accidenté du travail ou un employeur devant la Division lésions professionnelles de ce nouveau tribunal.

Actuellement, les avocats radiés, par exemple, peuvent agir pour des citoyens. Ils ont été radiés de leur ordre, du Barreau du Québec, pour des raisons multiples ? ça peut être des raisons qui vont à la probité, à l'honnêteté de l'avocat ? mais ils peuvent agir devant ce tribunal pour des accidentés du travail. Et nous avons su que, à l'heure actuelle, il y a encore trois, quatre ou cinq avocats radiés qui continuent, au Québec, de faire de bonnes affaires en représentant des accidentés du travail et des employeurs devant le tribunal de la Commission des lésions professionnelles. Donc, il faut remédier à ça: nous allons prévoir que les professionnels radiés ne pourront plus agir tant que la radiation sera opérante devant ce tribunal.

Nous avons également élargi la protection des accidentés du travail en permettant au commissaire qui sera éventuellement appelé à entendre une cause où un accidenté du travail serait représenté par quelqu'un qui ne serait pas avocat, en permettant donc à ce décideur de disqualifier ce représentant s'il estime que le représentant fait un travail qui est complètement inacceptable. Une mesure de protection, c'est-à-dire que le juge administratif qui serait placé dans une situation où il réaliserait fort bien que ce citoyen est en train de perdre des droits fondamentaux parce que son représentant non-avocat fait un travail qui est complètement déglingué, à ce moment-là, le juge aurait l'autorité pour intervenir et mettre fin au mandat de ce représentant. Dans des cas, évidemment qu'on veut exceptionnels, dans des cas où l'intérêt public est en cause, l'intérêt privé, bien sûr, de l'accidenté, mais aussi l'intérêt public, compte tenu de l'importance des causes que ce représentant doit défendre, à ce moment-là, il y aurait une possibilité d'intervenir pour mettre fin à cette injustice avant qu'elle n'acquière un caractère irréversible.

Parce que, dans la mesure où les décisions rendues par le tribunal sont finales et sans appel, vous comprendrez, Mme la Présidente, que, si un représentant fait défaut de faire quelque chose qui est absolument élémentaire dans les circonstances et que l'accidenté perd sa cause, éventuellement, il n'y aura pas de possibilité de revenir sur la question, de sorte qu'il est important de donner au juge la possibilité d'intervenir avant que l'affaire ne se termine devant lui.

J'aurai quelques remarques à faire sur la procédure de révision, qui est également revue par le projet de loi n° 35. Comme vous le savez, à l'heure actuelle, Mme la Présidente, il existe des mécanismes de révision au sein de chacun des organismes publics dont les décisions sont susceptibles d'être contestées devant le tribunal.

Par exemple, un accidenté de la route doit contester une décision d'abord devant une instance de révision de la SAAQ et, s'il échoue devant l'instance de révision, il doit se prévaloir d'un appel devant le tribunal. Ça fait trois étapes, trois étapes qui ne sont absolument pas actuellement encadrées, trois étapes qui, particulièrement celle de la révision, ne fait pas l'objet de délais précis ou de mécanique précise. Tout ce qu'on sait, c'est que le citoyen doit se présenter obligatoirement devant ce réviseur qui relève entièrement de l'autorité de l'organisme dont la décision est contestée. Donc, il n'a pas un statut véritablement impartial, parce qu'il relève d'un organisme dont la décision est contestée, mais nous croyons qu'il faut assurer la qualité de la décision rendue par l'instance de révision et surtout sa célérité.

Parce que les chiffres que nous avons pour l'année 2002 nous enseignent que, selon les organismes, les délais varient considérablement, sans qu'il soit véritablement possible pour nous de savoir pourquoi. Par exemple, en matière de sécurité du revenu, actuellement, les délais sont à peu près de 90 jours ? 80, 95 jours. Par contre, en 2002, les chiffres que nous possédons en matière d'assurance automobile sont à peu près de 305 jours pour une simple révision. Alors... et, au gré des années, les délais peuvent changer. À la fin des années quatre-vingt-dix, en matière d'accidents de travail, on avait certaines régions où les délais de révision étaient de 12, 13, 14 mois, ce qui est très long, parce qu'on ne parle pas du tribunal d'appel, on parle uniquement de l'instance de révision.

Il nous est apparu important d'imposer un délai pour nous assurer que la décision révisée serait rendue, ou que la période de réexamen de l'affaire soit limitée dans le temps, pour éviter qu'on ne se retrouve dans des situations absolument aberrantes, comme on l'a vécu pendant les années, notamment fin des années quatre-vingt-dix, début des années 2000, dans des situations où les délais étaient proprement inacceptables. Et vous savez ce qui se produit, Mme la Présidente, quand un citoyen se retrouve dans un contexte de délais interminables, qu'est-ce qu'il fait? Il abandonne. Qu'est-ce qu'il fait? Il se décourage, il se désorganise, et les coûts humains et les coûts sociaux sont inestimables, ils sont énormes, de sorte qu'il est important d'imposer un délai acceptable, pour faire en sorte que la décision ou que la révision de l'affaire se fasse rapidement.

Comprenons également, Mme la Présidente, qu'on parle ici d'une révision. Une révision, par définition, implique qu'il y a déjà eu une première décision de rendue, et, à notre avis, 90 jours constituent un délai correct, qui permet à l'administration de refaire ses devoirs et de voir s'il n'y aurait pas possibilité pour elle d'en arriver à un compromis avec le citoyen. S'il n'y a pas de compromis, s'il n'y a pas d'entente, l'affaire se retrouverait, si le citoyen le souhaitait bien sûr, devant le Tribunal des recours administratifs du Québec. Alors, 90 jours pour revoir l'affaire une fois que la contestation est logée, avec un délai additionnel possible de 90 jours si le citoyen l'accepte, de sorte que la procédure de révision pourrait prendre à la limite, au total, 180 jours. Mais, si le citoyen refuse d'aller au-delà du 90 jours et qu'il estime qu'il n'a pas obtenu justice en révision, il pourrait dès lors demander au Tribunal des recours administratifs d'entendre sa cause.

J'aurai quelques bons mots également pour la conciliation, que nous avons l'intention de promouvoir de façon très importante par le projet de loi n° 35. Qu'est-ce que c'est que la conciliation? C'est ce qu'on appelle de plus en plus la justice douce, c'est-à-dire une justice de compromis, une justice de bonne entente, une justice qui permet à deux parties opposées de s'entendre sans qu'un juge ne soit obligé de trancher un litige, de trancher la cause, de décider de la cause. Et nous avons développé, au Québec, une expertise remarquable en droit administratif, en matière de conciliation, et c'est en bonne partie grâce aux efforts consentis par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles qui, à la fin des années quatre-vingt, a commencé à développer des mécanismes de conciliation qui ont connu beaucoup de succès et qui nous permettent encore aujourd'hui de dire, Mme la Présidente, et nous en sommes très fiers, qu'à la Commission des lésions professionnelles 52 % des causes sont réglées à l'amiable. Alors, c'est quand même un exploit, parce que nous sommes en mesure de rapprocher les parties, rapprocher la CSST de l'employeur et d'un travailleur accidenté pour faire en sorte que l'affaire se règle à l'amiable, sans qu'il n'y ait obligation de présenter une preuve laborieuse, une preuve coûteuse souvent devant un juge administratif en dernière instance.

Alors, nous avons l'intention de promouvoir les mécanismes de conciliation en augmentant le nombre de cas qui vont réussir en conciliation et en facilitant cette démarche de dialogue et de rapprochement entre l'administration publique et le citoyen. Alors, nous prévoyons, dans la loi n° 35, la possibilité pour un citoyen de demander la conciliation dans chaque cas et, s'il la demande, que l'administration publique soit tenue d'y participer. Parce que, à l'heure actuelle, dans certains secteurs, la conciliation fonctionne très bien ? j'en ai parlé tantôt ? et, dans certains autres, on a un taux de conciliation et un degré de dialogue qui méritent d'être améliorés, d'être augmentés, et, pour ce faire, nous avons prévu dans la loi n° 35, dans le projet de loi n° 35, une série de mesures visant à favoriser le dialogue, des obligations pour l'administration publique de rechercher le compromis, une obligation de participer à une tribune de conciliation quand le citoyen le demande, que ce ne soit pas facultatif comme c'est le cas actuellement mais que ce soit une obligation. Et nous sommes convaincus que, dans ce contexte, nous obtiendrons une justice qui sera une justice davantage axée sur le compromis, sur le dialogue, sur l'entente.

n(12 h 20)n

Et, vous savez, Mme la Présidente, qu'un citoyen satisfait, ce n'est pas nécessairement un citoyen qui gagne sa cause en bout de piste, c'est aussi un citoyen qui a réglé son problème. Parce que, quand le citoyen met sa signature au bas d'un document à l'effet que l'affaire est réglée, il est fier, il est content, il obtient satisfaction plus rapidement, il est compensé plus rapidement et il n'aura pas à subir les inconvénients d'un procès ou d'une audience devant un tribunal administratif, quel qu'il soit.

Le Conseil de la justice administrative, Mme la Présidente, sera aboli par la loi, le projet de loi n° 35. Le Conseil existe depuis 1998. Il a été saisi d'un certain nombre de plaintes, parce que le Conseil a comme mission première d'entendre les plaintes du public et du président du Tribunal administratif du Québec, de la Régie du logement, de la Commission des lésions professionnelles, dans des cas où un juge administratif aurait erré ou aurait commis un écart de nature déontologique.

Nous croyons que le Conseil n'a plus sa raison d'être et qu'il peut être remplacé par une mécanique indépendante, impartiale, une mécanique qui ferait appel à un comité qui aurait à décider si le juge administratif a commis un écart au plan déontologique. Alors, c'est une mécanique qui se ferait d'une façon plus souple, moins complexe, moins lourde que ce l'est actuellement, parce que, avec le Conseil de la justice administrative, évidemment, c'est un conseil autonome, c'est un conseil qui a ses règles et qui a son fonctionnement, qui a toute son administration, et nous avons prévu une formule beaucoup plus souple, beaucoup plus rapide et tout aussi juste que celle que nous possédons actuellement, qui pourrait disposer des plaintes du public et du président du tribunal lorsqu'un membre aurait commis certains écarts de nature déontologique.

Alors, vous me permettrez en terminant, Mme la Présidente, de souligner qu'il n'est pas question pour nous de renoncer à quelque mesure de qualité que ce soit. Nous avons pris tous les moyens pour faire en sorte que la justice administrative soit de très haute qualité et, avec ce projet de loi, Mme la Présidente, nous obtiendrons, au Québec, une justice administrative qui atteindra des sommets de qualité, de célérité également et des sommets en termes de statut du juge, parce que nulle part au Canada n'avons-nous ce type de nomination selon la bonne conduite. Nous allons devenir finalement la province qui possédera les normes de justice administrative les plus élevées et de la meilleure qualité possible.

Je suis convaincu qu'avec le projet de loi n° 35 nous réussirons à résorber les délais, à faire en sorte que, dans la plupart des cas, les affaires se règlent par entente, que les autres se règlent devant un juge administratif dans des conditions excellentes, des conditions d'indépendance, d'impartialité et dans des conditions de délais également qui sont les plus élevées et les plus acceptables possible.

Un vieux principe dit que «justice delayed, justice denied», une justice qui traîne en longueur, une justice qui prend trop de temps n'est plus une justice. Et beaucoup de citoyens du Québec pourraient vous dire aujourd'hui qu'après avoir traversé toutes les étapes et les longs délais que notre justice administrative leur impose malheureusement à l'heure actuelle et depuis trop d'années, même s'ils ont obtenu gain de cause ? parce que plusieurs citoyens obtiennent justice avec ce système ? bien, ils ont obtenu gain de cause dans des délais qui leur ont déplu, qui ont été trop longs, et, dans ce contexte-là, ils sont beaucoup moins fiers du résultat obtenu qu'ils auraient pu l'être normalement.

Alors, ce qui est important pour nous, c'est que le citoyen du Québec se voie donner une réponse de qualité rapidement, qu'on lui dise qu'il a tort ou qu'on lui dise qu'il a raison, mais qu'on le lui dise dans des délais décents, et c'est ce à quoi nous voulons en venir avec le projet de loi n° 35. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, je reconnais immédiatement le député de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, je remercie le ministre de ses commentaires détaillés relativement à ce projet de loi fort important qui concerne la justice administrative, qui apporte des modifications importantes à cette loi qui, vous le savez, a été modifiée à plusieurs reprises, qui a subi une évolution fort intéressante dans les 30 dernières années et qui a conduit le Québec, je pense, en avance par rapport à toutes les autres, même, provinces dans le reste du Canada relativement au traitement et à l'ensemble des conditions relatives à la justice administrative. Donc, on peut être fiers du travail accompli dans le passé, évidemment, de la création des instances administratives, mais aussi de toutes les modifications qui ont amené cette évolution au niveau de la justice administrative, et plus particulièrement la réforme de 1998, qui a apporté des résultats fort probants pour les justiciables.

Pourquoi ce dossier? Souhaitons d'ailleurs que nous aurons des vastes consultations dans ce cas-ci qui nous permettra... qui nous permettront, plutôt, nous, comme membres de l'opposition, mais aussi tous les parlementaires membres de cette commission, de bien comprendre les tenants et aboutissants de cette réforme et de voir tous les aspects qui peuvent parfois, animés de bons principes, peuvent parfois comporter vraiment des effets non voulus, non désirés et surtout non désirables pour ceux et celles qui utilisent ce système de justice.

Alors, souhaitons que les listes que nous aurons à faire au niveau des groupes à être rencontrés, souhaitons que ce sera beaucoup plus facile que dans le cadre du projet de loi antérieur, celui du projet de loi n° 4, et que nous puissions être mieux outillés, comme membres de la commission, concernant la justice administrative.

Souhaitons aussi que le ministre nous amène des études détaillées relativement à certaines de ses affirmations, parce que, malheureusement, Mme la Présidente, il est arrivé dans le projet de loi antérieur, projet de loi, je dois le rappeler, pour lequel nous avons voté en faveur du principe, il s'est avéré lors de l'étude que certaines des affirmations du ministre n'étaient pas fondées et ne s'appuyaient pas sur la réalité et sur les cas vécus dans le Tribunal administratif anciennement, et ce qu'on appelle encore maintenant le TAQ ou la CLP. Alors, souhaitons que... Comme, tout à l'heure, le ministre nous disait: Vous savez, un membre, deux membres, dans la majorité des cas, peut-être 40 %, 50 %, 60 %, 70 %, nous n'aurions pas besoin de deux membres, selon la difficulté. Je pense que ce dossier peut être beaucoup mieux fouillé et beaucoup mieux travaillé et faire en sorte que la commission ? par le biais peut-être des intervenants, mais aussi des fonctionnaires du ministère ? que les membres de la commission aient une vue beaucoup plus juste de la réalité et se basent sur, vraiment, au lieu des impressions, qu'ils se basent vraiment sur des chiffres, sur des réalités concrètes.

C'est ce que je souhaite, parce que nous avons appris pendant nos travaux que certaines des appréhensions du ministre pendant l'étude du projet de loi n° 4 et ce qui a précédé, surtout pendant les auditions de quelques groupes, que plusieurs des affirmations du ministre, malheureusement, n'étaient pas fondées, parfois en droit, mais surtout en fait. Et je souhaite que, dans ce cas-ci ? et, vous savez, on a tous le droit d'avoir une chance dans la vie ? souhaitons que nos travaux soient beaucoup mieux documentés, que les membres de la commission puissent jouir vraiment de toute l'information relative à cette justice administrative.

n(12 h 30)n

Et je suis content d'une chose: le ministre a ajouté un terme, le ministre a ajouté un terme dans son vocabulaire, celui de la qualité. Oui, la célérité, et c'est important. Mais, vous savez, la justice ne doit souffrir d'aucune exception par rapport à la façon dont nous l'administrons, et un des critères au-delà même de la célérité, c'est la qualité de cette justice. Et pourquoi? Parce que, qu'on ait raison ou tort, il faut que les gens aient la conviction qu'ils ont obtenu justice. Parce que faire affaire à un tribunal, Mme la Présidente, ce n'est pas nécessairement... évidemment, on y arrive avec la conviction d'y avoir raison, mais l'important, au bout du processus, pour que la personne, je vous dirais, soit souvent même en paix avec elle-même, parce que c'est des dossiers très personnels, souvent, qui sont jugés devant le tribunal administratif, mais qu'elle ait la conviction au bout de ce processus que cette justice réponde à ses attentes. Et, pour répondre à ses attentes, oui, elle doit correspondre à plusieurs critères, celui de la célérité en est un, mais celui de la qualité en est un qui est fondamental. Et, malheureusement... heureusement, plutôt, je dois dire, aujourd'hui, le ministre a fait mention de la qualité à quelques reprises. Donc, souhaitons que nos travaux vont être animés de cette recherche de l'amélioration de la qualité de cette justice administrative.

Pourquoi, Mme la Présidente, ce projet de loi est aussi important? C'est parce que, effectivement, il traite de la justice administrative. Et que fait la justice administrative pour nos concitoyens et concitoyennes? À une certaine époque, il y a plus de 30 ans, le gouvernement a imaginé, a proposé aux citoyens une nouvelle façon de contester ses propres décisions, parce que le Tribunal administratif, que ce soit la CLP actuellement ou le TAQ, dans ses différentes fonctions, est appelé à juger les litiges entre l'État et ses contribuables, et ses citoyens, et il est important que le citoyen, lorsqu'il conteste des décisions et qu'il voit aussi, par le tribunal qui a été mis en branle par le gouvernement, donc par l'État, qui se trouve à ce moment-là aussi à avoir pris la décision qui lui est défavorable, qu'il sente effectivement qu'il a droit et qu'il aura une décision indépendante et à l'abri de toute intervention autre, d'où l'importance de traiter avec beaucoup de précaution la justice administrative, parce qu'elle est au coeur de la confiance entre les citoyens et l'État. Et, pour la garder, il faut agir effectivement avec précaution.

Je tiens à dire au ministre, malheureusement, que j'aurais souhaité, avant que nous puissions aborder l'étude de ce projet de loi, entendre ceux et celles qui ont eu à analyser cette justice administrative. Et il y a un rapport volumineux, qui ne date pas des années quatre-vingt-dix, qui date de juin 2003, et qui a été préparé par des fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont consulté plusieurs organismes dans ce domaine et qui ont étudié l'ensemble des tenants et aboutissants de la réforme de 1998, mais aussi du fonctionnement du Tribunal administratif du Québec, mais aussi de ses instances antérieures, parce que, évidemment, il y a la prise de décision de l'administration jusqu'à la révision, jusque finalement la décision finale et sans appel du Tribunal administratif. Donc, il aurait été même préférable...

On aurait pu le faire au printemps passé ou au début de l'automne, entendre ceux et celles qui ont pendant tout près de 150 pages donné vraiment un profil complet de la situation vécue par le Tribunal administratif mais aussi de toute la réalité de la justice administrative. Et c'est ce que nous avons décrié pendant l'étude du projet de loi n° 4, Mme la Présidente. C'est que, malheureusement, nous n'avons pu bénéficier de cette expertise et nous avons...

J'ai, moi, évidemment, comme membre de l'opposition mais aussi comme critique officiel, lu le rapport sur la justice administrative qui contient des renseignements précieux, importants, pertinents et qui nous a permis de conclure que, malheureusement, plusieurs des affirmations soit du ministre mais aussi certaines modifications contenues dans le projet de loi n° 4 ne cadraient aucunement avec une amélioration de la justice administrative. Donc, je me suis retrouvé dans la position, Mme la Présidente, que, après avoir voté en faveur du principe, j'ai dû tenter de convaincre pendant plusieurs heures le ministre qu'il faisait fausse route dans son projet de loi après avoir écouté à peu près une quinzaine de groupes qui sont venus nous dire, y incluant la Conférence des juges administratifs, incluant le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, l'Association des travailleurs sociaux, le Conseil interprofessionnel du Québec, qui sont venus dire: Non, vous faites fausse route. Et c'est pour cela que nous avons opposé vraiment une opposition qui a été vigoureuse, parce que ce projet de loi ne rencontrait pas un des objectifs fondamentaux de la loi, soit celui du maintien de l'amélioration de sa qualité, mais en même temps avait peu ou pas d'impact sur la célérité.

Et nous demandions et d'autres groupes demandaient au ministre: Vous voulez vous-même apporter des modifications importantes à la justice administrative? Alors, déposez le projet de loi global et nous ferons nos représentations pour l'ensemble, au lieu de faire cas par cas ou d'agir selon la seule photo que nous avons, soit qui était dans le projet de loi n° 4. Et je suis heureux de voir qu'aujourd'hui nous avons un projet de loi beaucoup plus vaste, qui nous permet d'avoir une vue d'ensemble sur les intentions du gouvernement par rapport à la suite à donner à la justice administrative. Donc, oui, important projet de loi, importance d'entendre plusieurs groupes, plusieurs ressources aussi techniques, professionnelles.

On souhaite que le ministre soit ouvert pour nous permettre ? nous aurons du temps pour le faire ? d'entendre des spécialistes dans le domaine, parce que, vous savez, nous avons plusieurs spécialistes dans le domaine du droit administratif. J'ai moi-même pratiqué dans le domaine. Donc, plusieurs ouvrages existent. Il y a des gens à tous les jours qui donnent des cours dans nos universités et qui ont une connaissance et une compétence profondes par rapport à ces sujets. Alors, nous aurons à les entendre, comme nous aurons aussi, j'espère, l'occasion d'entendre les groupes de travailleurs qui sont touchés par cette réforme, le Conseil du patronat, évidemment, et les autres, chambres de commerce, parce que ce projet de loi touche l'ensemble des concitoyens, concitoyennes.

Et c'est un projet de loi qui est... De toute façon, tout sujet qui traite de la justice administrative ou toute modification a un aspect plutôt technique. C'est ce qui fait que cela soulève fort, en tout cas, fort plus souvent les esclandres ou les manifestations. Pourquoi? Parce que ce sujet complexe demande une réflexion très précise, et souvent différents concepts juridiques, éthiques s'opposent et demandent vraiment une lecture en profondeur.

Il est très difficile de mobiliser une grande manifestation comme nous avons eue hier, de 6 000 personnes. Je tenterais de le faire pour la justice administrative, Mme la Présidente. Nous ne serions que quelques-uns. Ça ne veut pas dire, par contre, que les gens n'ont pas des appréhensions et que leurs craintes qu'ils veulent manifester n'ont pas d'importance, au contraire. Parce que cette justice, elle s'est bâtie, cette justice administrative, elle s'est bâtie avec l'ensemble des intervenants et plus particulièrement... Prenez l'exemple de la CLP, la Commission des lésions professionnelles, qui est un organisme qui a été construit sur des bases paritaires et auquel les syndicats et les patrons ont participé et participent encore, de toutes les façons, d'ailleurs, y incluant l'aspect financier, ce qui permet, qui a permis d'ailleurs à cette Commission des lésions professionnelles, au fur du temps, d'améliorer même son efficacité, d'améliorer ses façons de faire.

Il y a eu plusieurs modifications. Souvenez-vous avant, il y avait trois paliers où c'était beaucoup plus complexe. Nous avons fait en sorte de la ramener à une structure qui était beaucoup plus simple, où les délais maintenant d'ailleurs actuellement sont tout à fait acceptables et qui font en sorte finalement que ces gens doivent avoir le droit de cité, de nous dire finalement quelles sont leurs attentes, qu'est-ce qu'ils souhaitent avoir comme modifications, ou plutôt leurs réserves. Alors, souhaitons que ces consultations nous permettent d'avoir un éclairage vraiment beaucoup plus vaste que nous l'avons eu lors du projet de loi n° 4.

Et il faut se garder d'impressions et de prémisses. La première... Ou d'impressions. Les délais. Ça, je m'en garde. Même le ministre s'est fait dire: Les délais sont un immense problème. Un, ils sont circonscrits dans des cas assez précis et très documentés. Deuxièmement, il y a aussi, Mme la Présidente, des délais inhérents à la justice. À l'époque, à une autre époque, lorsque nous n'étions pas en démocratie, si on se réfère à des temps lointains, les rois avaient ce pouvoir de justice et d'équité mais aussi de justice qui leur permettait, un peu comme Salomon, d'ailleurs, si on remonte avant notre ère, à déterminer, après avoir entendu rapidement les gens: Voici où est la justice. Or, cette justice s'est beaucoup complexifiée. Elle fait appel à des concepts et à des lois qui sont des fois fort volumineux, qui comportent des décisions jurisprudentielles sur plusieurs années, qui demandent des interprétations rigoureuses mais aussi complexes.

Il y a aussi, je vous dirais, les cas, qui peuvent se présenter, qui sont complexes même personnellement. Des cas au niveau médical peuvent demander des expertises longues d'un, de deux, de trois médecins, des fois, des contre-expertises, et, évidemment, plus le cas est complexe, plus il va amener la justice à être prudente et à vouloir justement souhaiter cette qualité de justice. Et, comme, moi, je ne pourrais pas aujourd'hui en deux minutes vous résumer mon point de vue sur la justice administrative, comme je ne pourrais pas vous expliquer le big-bang en trois secondes ? cela demande des représentations beaucoup plus fouillées si on veut convaincre ? bien... Si je ne veux pas vous convaincre, je n'ai aucun problème. Mais, si je veux vous convaincre, cela demande beaucoup plus de précaution et souvent d'être assisté de gens qui ont des compétences beaucoup plus grandes que les avocats d'ailleurs dans des domaines particuliers, et, évidemment, tout cela entraîne des délais, mais des délais qui sont normaux, parce qu'une justice expéditive est aussi une justice déniée, et ça, c'est important à dire, Mme la Présidente, comme si un jury qui entendrait une cause fort complexe pendant plusieurs mois et dont les thèses, je vous dirais, tant au niveau des faits que du droit, seraient fort complexes, et particulièrement évidemment lorsqu'on a un jury au niveau des faits, qui demanderait vraiment beaucoup d'étude, et que, lorsque le procès serait terminé, Mme la Présidente, le jury délibérerait pendant trois secondes, il reviendrait et il dirait aux gens: Voici ma décision. Alors, l'impression du justiciable, c'est de ne pas avoir obtenu justice; c'est d'avoir eu un justicier qui, lui, l'a condamné. Ce n'est pas la même chose, Mme la Présidente.

Donc, la précaution, l'étude de ces questions demande souvent, pas tout le temps, effectivement, mais souvent beaucoup d'aide et de fouiller à fond ces questions, d'où l'importance de ne pas laisser croire qu'une justice qui ne prendra pas un mois, par exemple, qui va en prendre sept, n'est pas une justice et que la justice a été déniée. Mme la Présidente, c'est faux, c'est totalement faux, c'est archi-faux.

n(12 h 40)n

Et il peut y avoir effectivement d'autres motifs qui justifient ces délais. Et d'ailleurs, dans le rapport ? nous avons eu un rapport sur la mise en oeuvre de la justice administrative ? plusieurs des recommandations touchaient les délais, entre autres, et ces délais étaient expliqués, dans la plupart des cas, entre autres par la transmission des dossiers au niveau administratif, que l'instance administrative qui prend une décision prenait trop de temps, ne prenait pas le délai qui était requis par la loi et faisait en sorte que le dossier ne se rendait pas à temps dans les délais prévus par la loi au Tribunal administratif, qui, lui, donc, ne pouvait pas donner suite aux demandes, même de mise au rôle d'étude du dossier, ce qui faisait en sorte que les délais étaient plus longs. Et, ce délai de 30 jours, on a eu des cas, entre autres, je me souviens, dans l'assurance automobile où, au lieu de 30 jours de transmission du dossier, on était dans une moyenne de 88 jours. 88, calculez, c'est trois mois, là, tout de suite, et il ne s'est rien passé encore dans le dossier, là.

Ce qu'on a constaté aussi à travers du rapport, c'est que plusieurs des délais ont aussi été consécutifs à la création du Tribunal administratif du Québec, ce qui a mené à un inventaire fort important de causes qui étaient auparavant dans les autres juridictions et qui ont été ramenées dans un ensemble qui ont fait en sorte que le TAQ devait liquider... «Liquider» n'est peut-être pas le bon terme, je vous dirais, Mme la Présidente, parce qu'on parle de justice administrative, mais il devait passer rapidement et faire en sorte que les dossiers passés aient des décisions dans des délais rapides, et ce qui a fait en sorte que le TAQ s'est trouvé, dans les premiers mois, un peu embourbé, et c'est normal, d'abord parce qu'on a créé une nouvelle forme de tribunal administratif, mais aussi parce que le tribunal a hérité de beaucoup de dossiers. Or, dans le rapport, on nous dit que, après les quelques mois où le tribunal a eu à gérer avec beaucoup de compétence ? et c'est ce que dit le rapport ? cet inventaire, ils ont effectivement diminué les délais dans la plupart des cas et diminué cet inventaire, ce qui fait qu'aujourd'hui, en 2001, en 2002 et en 2003, plus de dossiers ont été fermés au TAQ qu'il y en a qui ont été ouverts.

Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'on va même plus vite que les anciens tribunaux et on est capable d'absorber les nouvelles demandes, de les traiter et en même temps de fermer des dossiers qui étaient plutôt... qui étaient, je vous dirais, dans le temps, dans les autres instances administratives.

Donc, ce tribunal a bien fait les choses, il faut le dire, mais on peut toujours faire mieux, on peut toujours améliorer, et, pour cela, Mme la Présidente, nous serons toujours ouverts aux améliorations que peut apporter le ministre, mais aussi toute personne intéressée par la justice administrative. Parce que loin de moi l'idée de prétendre que nous avons terminé cette amélioration de la justice administrative; au contraire, il y a encore des choses à faire. Mais, de grâce, Mme la Présidente, allons-y avec précaution, avec toute la précaution que requiert la justice, qu'elle soit administrative ou autre.

Pour compléter sur ce point, j'aimerais dire aussi ? et pour bien faire comprendre aux gens c'est quoi, le TAQ, c'est quoi, le Tribunal administratif, c'est quoi, la justice administrative, et quelle est son importance: S'il n'y avait pas de justice administrative, les citoyens auraient des recours contre les décisions des gouvernements qui les touchent personnellement et qui ont une connotation judiciaire ou quasi judiciaire qui touche leurs droits. Mais le seul recours qui leur est offert et qui est prévu par nos règles, même au niveau constitutionnel, c'est le pouvoir de révision de nos cours supérieures. Or, vous le savez, Mme la Présidente, exercer un recours devant la Cour supérieure est très, très coûteux, demande évidemment l'embauche d'avocats qui ont des tarifs que vous connaissez, mais aussi s'inscrit dans un cadre beaucoup plus rigide qui est celui des tribunaux judiciaires, où les règles de preuve sont administrées avec beaucoup de rigueur, et c'est normal, au fil d'une longue jurisprudence qui remonte à parfois plusieurs centaines d'années. Il m'est arrivé de citer Blackstone, de citer des grands auteurs anglais du droit civil, le code Napoléon, de faire appel à des notions de droit qui relèvent presque du Moyen Âge dans certains cas.

Donc, l'utilisation des tribunaux de droit commun comporte l'inconvénient pour le justiciable d'avoir un coût beaucoup plus important. Il est beaucoup plus difficile d'ailleurs de se représenter soi-même devant une cour supérieure parce que les règles de preuve et même les règles... On a un code de procédure civile aussi qui existe et qui encadre la déclaration, la réponse, les délais, ce qui fait en sorte qu'un justiciable sans connaissances juridiques ne s'y retrouve pas, Mme la Présidente, d'où l'importance d'avoir cette justice administrative qui est beaucoup plus légère en termes d'administration de la preuve et qui permet aux citoyens de faire appel d'une décision d'une instance administrative, que ce soit...

Et M. le ministre fait souvent référence, Mme la Présidente, aux accidentés du travail et aux accidentés de la route. Vous savez, il y en a plusieurs autres: Régie des rentes du Québec... Il y a des secteurs... Tout le secteur de l'emploi, c'est des secteurs beaucoup plus vastes dans lesquels il y a beaucoup plus de gens qui font des demandes et qui sont importantes, mais souvent qui comportent... C'est sur des petites sommes qui peuvent nous paraître petites, mais, pour eux, ce sont leurs droits qu'on invoque, le droit à l'application d'une telle réglementation.

Et je me souviens même, moi, le premier dossier que j'ai eu à plaider, Mme la Présidente, c'est un dossier de Régie des rentes du Québec. Et, pour la personne, c'était fondamental. C'est ce qui faisait en sorte qu'elle pouvait, je vous dirais, s'assurer d'un revenu décent pour le reste de sa vie ou plutôt d'être carrément prise dans une conjoncture qui l'amènerait tout simplement à une pauvreté extrême. C'étaient des montants qui n'étaient pas faramineux mais qui permettaient à cette personne de vivre un peu mieux.

Si on s'était retrouvés devant un tribunal de droit commun, le jeu n'en aurait pas valu la chandelle. Même le montant, en termes de frais judiciaires, en termes d'honoraires ? et, à ce moment-là, vous le savez, on peut aller en appel devant la Cour d'appel ? alors tous les frais n'auraient jamais permis à cette personne d'obtenir la justice, du moins monétairement. Elle aurait pu avoir une décision d'un tribunal qui lui dit: Vous avez obtenu justice. Malheureusement, dans les faits, elle se retrouverait désavantagée et même elle n'aurait finalement que le papier qui lui dit qu'elle a justice. Mais, financièrement, et c'est le premier but pour la personne d'aller chercher justice, elle s'en trouverait perdante, alors d'où l'importance, et je le répète encore pour nos concitoyens et concitoyennes, d'avoir cette justice administrative de qualité pour faire en sorte qu'ils puissent contester les décisions de l'administration.

Je l'ai dit tantôt, Mme la Présidente, il y a eu un long processus qui a mené à l'amélioration de cette justice administrative. Plusieurs rapports... Le ministre, d'ailleurs, y faisait référence tantôt. Je souhaite que nous ayons, pendant les longues heures de notre commission, l'occasion de discuter plus amplement de ces rapports et, je le répète encore, plus particulièrement le rapport sur la justice administrative dont, nous, comme membres de cette commission... Nous avons l'obligation d'ailleurs d'étudier le rapport, après, dans un délai d'un an de son dépôt. Ça veut dire, si on se prend au mois de juin, donc, que nous aurions jusqu'à la prochaine session, la fin de la prochaine session.

n(12 h 50)n

Il serait malheureux pour les membres de la commission d'étudier un rapport qui serait caduc. Donc, souhaitons qu'on puisse donner l'occasion ? si ce n'est pas à travers l'étude du rapport, au moins, souhaitons-le, de façon beaucoup plus large et plus longue, même en termes d'écoute et de questionnement de l'opposition ? qu'on puisse entendre ceux et celles qui ont participé à la rédaction de ce rapport pour nous permettre, nous, membres de cette commission, mais moi aussi, évidemment, comme membre de l'opposition et critique en matière de justice, d'avoir accès à ces compétences, aux données, et d'avoir un échange direct avec les gens qui ont rédigé ce rapport, parce que je l'ai lu à plusieurs reprises, je vous dirais, Mme la Présidente, et leurs travaux m'ont inspiré pendant les différentes heures que j'ai eu à plaider auprès du ministre relativement au projet de loi n° 4.

Donc, je souhaite ardemment que la commission, mais par le fait même l'Assemblée, puisse bénéficier de cette expertise avant ou pendant les consultations. Je pense que le ministre s'en trouverait gagnant, les membres de la commission s'en trouveraient gagnants aussi et finalement la justice administrative s'en trouverait gagnante.

Je tiens aussi à dire, Mme la Présidente, que, bon, après avoir instauré ces tribunaux administratifs, nous avons procédé ? quand je dis «nous», c'est les différents gouvernements qui se sont succédé ? avons procédé à divers amendements, diverses modifications du tribunal, jusqu'à la grande réforme de 1998, qui a été précédée de beaucoup de consultations, beaucoup, d'un avant-projet de loi, d'un projet de loi qui à chaque étape a fait l'objet de consultations. Et on voit là, Mme la Présidente, toute la précaution du ministre de l'époque, qui était, si je me le rappelle bien, Me Paul Bégin, ancien député ici, en cette Assemblée. Et, je vous dirais même, ceux qui l'ont précédé ont toujours agi évidemment avec rigueur, mais aussi en donnant toutes les possibilités, pour ceux et celles qui ont des représentations à faire, de le faire et de faire connaître leurs intentions pour permettre, dans un sujet complexe qui n'a rien de partisan, à tous ceux et celles qui ont une vue et, je vous dirais, une compétence par rapport à la justice administrative, de faire connaître leur opinion.

Dans ce cas-ci, Mme la Présidente, nous n'avons pas étudié le rapport, nous n'avons pas eu d'intention, si ce n'est qu'une lettre sur le site du ministère de la Justice, et nous n'avons pas eu non plus d'avant-projet de loi. Mais je dis: Soit on peut se retrousser les manches, travailler plus fort... Mais j'invite encore une fois le ministre ? et je suis sûr que je parle au nom de tous les membres de la commission ? pour souhaiter cette vaste consultation et de ne pas agir de façon précipitée, ce qui aurait pour effet de peut-être ? ne le souhaitons pas ? contrevenir à la règle de la qualité de la justice. Et pourquoi je le dis? Parce que cette réforme de 1998, Mme la Présidente, a donné de bons effets.

Et tantôt je vous citais l'inventaire qui existait au TAQ au moment de sa création, en 1998, jusqu'à aujourd'hui, et on voit d'ailleurs dans le rapport sur la justice administrative... Après avoir eu une description catastrophique de ce tribunal, on a plutôt constaté dans le rapport, avec des chiffres clairs et réels, que c'est plutôt une réduction de 22 % des dossiers qui a été faite pendant ces années, de 1998 à 2003, au niveau de l'inventaire, ce qui veut dire qu'il y a eu un très beau travail de fait par les membres. Ça ne veut pas dire, et je le répète, qu'on ne peut pas améliorer la justice administrative, améliorer la loi, mais, du moins ? quand je dis «nous», c'est tous les membres de cette Assemblée, parce que cette loi a été votée par cette Assemblée et tous ceux et celles qui ont apporté leur grain de sel aux consultations qui ont précédé l'adoption du projet de loi créant le Tribunal administratif du Québec ? mais nous avons agi de façon à améliorer la qualité et la célérité de cette justice. Alors, souhaitons que cette voie soit maintenue dans le projet de loi actuel.

Et vous comprendrez que, avec ce qui s'est passé en relation au projet de loi n° 4, je vais quand même manifester une certaine réserve quant à mon approbation. Je vais vous dire qu'il y a des éléments qui me semblent... qui peuvent sembler pertinents dans le projet de loi, intéressants, d'autres me laissent profondément songeur, donc j'aurai sûrement l'occasion, pendant ces débats et surtout pendant les mémoires, pendant les auditions que nous aurons avec les groupes, de creuser un peu plus avec le ministre, je le souhaite, ces différentes facettes de la justice administrative.

Mes réserves, elles sont connues, Mme la Présidente. Une est claire, et j'ai hâte, j'ai vraiment hâte aux consultations pour écouter vraiment beaucoup plus de groupes relativement à une question qui est fondamentale, c'est celle de la multidisciplinarité du tribunal. Vous le savez, tantôt je vous disais: Un tribunal administratif, c'est plus simple qu'un tribunal régulier, mais aussi il permet au justiciable d'avoir une justice qui est beaucoup plus accessible. Et pourquoi? Une des raisons qui est invoquée, c'est parce que, oui, il y a un avocat ou notaire qui est souvent sinon tout le temps président de ce tribunal, donc qui anime les débats, règle beaucoup de questions au niveau juridique, mais il est secondé par des personnes disposant d'une compétence autre que celle juridique. Et c'est pourquoi nous retrouvons actuellement dans le Tribunal administratif du Québec des compétences tels des psychologues, des évaluateurs agréés, des médecins, des travailleurs sociaux.

C'est-à-dire, un avocat, il peut avoir beaucoup de causes devant lui. Ça n'en fera jamais quelqu'un qui a une compétence aussi profonde et aussi fouillée qu'un travailleur social dûment diplômé. Même chose pour un médecin, Mme la Présidente. J'ai beau avoir plaidé toute ma vie des dossiers devant la CLP ou devant des tribunaux de droit commun, jamais je ne pourrai prétendre avoir une compétence reconnue dans le domaine médical. Et c'est vrai pour le domaine de l'évaluation, évidemment, et je vous dirais même encore plus, du moins autant, que le domaine médical, et c'est ce qui fait en sorte que le tribunal s'est toujours distingué de cette façon avec des expertises particulières dans ces domaines.

Et, lors de nos auditions sur le projet de loi antérieur, plusieurs sont venus nous mettre en garde, et je vous dirais même tous sans exception ? il y a peut-être deux ou trois exceptions de procureurs dans le domaine de l'assurance automobile ? sont venus nous mettre en garde de mettre fin à ce régime de la multidisciplinarité. Et pourquoi, Mme la Présidente? Et je reviens à mon propos du début, parce que cela atteindrait et cela influencerait la qualité de la justice administrative. Alors, vous comprendrez que notre opposition antérieure était justifiée et était animée par un élément fort important et fondamental de la justice, soit sa qualité. Donc, cette impression que j'avais au départ s'est matérialisée après avoir écouté les différents groupes dans le domaine. Mais nous aurons sûrement, lors des consultations beaucoup plus vastes sur le projet de loi actuel, l'occasion de tester beaucoup plus en profondeur ces questions relativement, entre autres, à la multidisciplinarité, mais à bien d'autres choses.

Et un exemple qui nous a été donné, d'ailleurs, qui a été percutant, Mme la Présidente, ça a été au niveau de l'Ordre des évaluateurs agréés où quelqu'un, un avocat était venu nous dire un peu plus tôt ? la journée d'avant, je crois ? à une question du ministre: Vous savez, c'est quoi, la simplicité des dossiers? Comment vous pensez qu'il y a des dossiers qui ne méritent pas d'avoir deux personnes, là? Alors, l'avocat de nous répondre, à partir de sa pratique: Autour de 80 %. C'est juste s'il n'a pas dit 90 %. Alors...

Ah! le temps passe, Mme la Présidente, donc... Et, malheureusement, nous avons constaté que cette complexité pouvait s'avérer... pouvait être de différentes façons. Alors, je vais devoir...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député. Vous pourrez toujours compléter, il vous reste encore du temps. Compte tenu de l'heure, je suis dans l'obligation de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci. Cher collègues, si vous voulez vous asseoir.

Alors, nous allons poursuivre le débat qui a été commencé sur l'adoption du principe du projet de loi n° 35, et je rappelle que le projet de loi n° 35, c'est la Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. Le député de Chicoutimi avait commencé son intervention, je l'invite à la poursuivre. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, oui, on s'était quittés sur de bons mots, cet avant-midi, relativement à un important projet de loi qui, je ne crois pas, soulèvera les passions. C'est ce que je disais ce matin. C'est un projet de loi qui est sur la justice administrative mais qui est fort important en termes de contenu et aussi, M. le Président, important en termes de conséquences sur nos concitoyens et concitoyennes du Québec, et c'est ce que j'expliquais ce matin.

Pour ceux qui n'étaient pas là, ce projet de loi est... réglemente et, je vous dirais, améliore ? on le verra en commission, mais on souhaite qu'il améliorera ? les attentes... plutôt le processus décisionnel suite aux contestations de nos concitoyens et concitoyennes des décisions de l'appareil... ? «l'appareil» est un mauvais terme, je vous dirais, je vais l'enlever, pas qu'il ne soit pas antiparlementaire, mais plutôt qu'il ne traduit pas la réalité, je vais le dire simplement ? de la fonction publique de ceux et celles qui consacrent leur vie au service de nos concitoyens et concitoyennes.

Et il arrive, vous le savez, M. le Président, sur des millions... Plus de 1 million de décisions qui sont rendues à chaque année par la fonction publique, que ce soit au niveau du domaine de l'emploi, du vaste domaine de l'assurance sociale, jusque dans l'assurance automobile et en passant par la Régie des rentes, Tribunal d'expropriation, au niveau de l'expropriation. Donc, les questions... et le champ de juridiction est fort vaste. Donc, des millions de décisions, plus de 1 million sont rendues par les différentes instances. De ces décisions, l'immense majorité, M. le Président, ne fait pas l'objet de contestation ni de révision d'aucune sorte. Et ces décisions, donc, on doit le dire, sont en général justes, et il faut en conclure que notre fonction publique, parfois décriée, je pense qu'au contraire démontre, si ce n'est que par cette simple statistique, qu'elle a le souci elle-même de l'équité et de rendre justice à nos concitoyens et concitoyennes dans l'application des lois et des règlements. Mais, comme toute personne, ces gens-là, il peut arriver qu'ils se trompent ou que la personne qui a reçu la décision, qui fait l'objet d'une décision, est convaincue que la décision n'est pas juste ou n'est pas conforme à nos lois et à nos règlements.

n(15 h 10)n

D'où l'importance, comme je le disais un peu plus tôt, d'avoir un processus d'appel au lieu de... S'il n'y avait pas de Tribunal administratif, ce que les gens pourraient faire, c'est aller en révision judiciaire, donc payer à grand renfort d'avocats et de procédures fort complexes, aller contester les décisions devant les tribunaux de droit commun. Or, ce n'est pas le cas, les gens peuvent contester ces décisions de différentes façons.

Tout d'abord, il y a la révision qui est bien connue. C'est une révision qui est administrative, donc qui fait en sorte qu'une personne non satisfaite va demander à l'administration, finalement, de s'amender. Cela se fait dans un, je vous dirais, contexte très léger où, finalement, il n'y a pas de procédures contradictoires, souvent, ce n'est qu'une demande avec souvent des informations que... La personne qui siège en révision ou a le devoir de réviser le dossier va s'informer auprès du citoyen de ses récriminations. Ses motifs sont souvent connus ou ils font partie de la demande d'appel, et la personne qui est chargée de réviser cette décision, après avoir questionné et regardé l'ensemble des représentations qui lui sont faites, va déterminer si la personne... si l'administration, finalement, a eu tort. D'où ce pouvoir de révision administratif léger, dans la plupart des cas.

Il peut arriver malheureusement que, et ça, c'est malheureux, mais qu'il y a parfois des délais un petit peu trop longs par rapport à cette révision. Et ça, c'est malheureux, mais ça reste quand même une part qui n'est pas la plus grande et, je vous dirais, sans dire infime, il reste que ce n'est sûrement pas la règle générale, mais plutôt l'exception. Et, de ces millions de décisions, finalement, il y en a quelques milliers qui se retrouvent contestées. De ces quelques milliers... Et ça, il faut le dire, le palier de révision est quand même un palier fort intéressant et utile, et pourquoi? Parce que tout près de 20 % des décisions contestées, pas du million que je vous disais tantôt, M. le Président, mais des quelques milliers ? je crois que c'est tout près de... je ne veux pas me tromper, je n'ai pas les chiffres devant moi, mais c'est peut-être autour de 15 000 à 20 000 ? de ces décisions, il y en a un nombre qui sont accueillies en révision, donc la personne, elle, qui fait cette contestation, n'a aucuns frais. Souvent, elle a évidemment le désavantage de ne pas avoir eu raison plus tôt, mais elle n'encourt aucuns frais juridiques. La seule procédure qu'elle doit faire, c'est écrire une lettre, souvent.

Vous savez, souvent, lorsqu'on a la décision... Parce que, nous-mêmes, comme députés, nous intervenons des fois dans des cas précis, entre autres au niveau des décisions de nos centres d'emploi. Et peut-être un cas des plus concrets où, moi, j'ai même eu à intervenir pour représenter, comme député... Parce que c'est notre devoir comme député de représenter nos concitoyens et concitoyennes. J'ai eu à faire des représentations lorsque la décision en première instance indiquait un refus, par exemple, d'un concitoyen par rapport à une demande. Et, souvent, il est indiqué au bas de la décision que la décision est appelable dans un délai de x. Vous pouvez demander une révision, et c'est clairement indiqué... D'ailleurs, c'est prévu dans nos règles que l'administration a le devoir d'informer le citoyen qu'il a un pouvoir, il peut aller en révision; comme, par la suite, s'il n'est pas content, il a le pouvoir de porter cette décision en appel devant l'instance ultime qui est le Tribunal administratif du Québec, le TAQ.

Donc, ce processus de révision est important, est utile, puisque peu coûteux, léger et, dans la plupart des cas, rapide, et ce qui permet à l'administration de s'amender et d'enlever finalement, là, les cas vraiment où il y a eu clairement manquement dans l'analyse du dossier. Et, comme vous savez, on ne peut pas prétendre à la perfection, nous, en cette Chambre. Je pense que ceux et celles qui prennent des décisions à tous les jours... Peut-être à part le leader du gouvernement; ici, dans l'opposition, nous restons humbles. Alors, je ne peux prétendre à cette perfection, je ne la demande pas à nos administrés, donc, et à ceux qui occupent ces fonctions. Donc, ils peuvent effectivement, à l'occasion, se tromper.

Et le processus de révision permet à cette administration de s'amender à peu de frais. Et cela sert le citoyen, parce que c'est très rapide, je vous dirais, avec peu de représentation et sans processus contradictoire et tout le processus judiciaire et quasi judiciaire, parce que, dès qu'on entre dans un processus contradictoire, donc quasi judiciaire, cela amène un système, une certaine lourdeur qui est normale parce qu'on doit préparer les débats comme ici, en cette Chambre, comme devant un tribunal d'arbitrage, comme lorsqu'il y a un arbitre qui est là pour déterminer qui a raison et qui a tort. Ce n'est pas tout, je vous dirais, de voir la vérité, il faut la présenter, il faut permettre à chacune des parties de bien faire état de leurs revendications. Et c'est pourquoi un processus, qu'il soit judiciaire ou quasi judiciaire, est un peu plus lourd ? et c'est nécessaire ? plus lourd et un peu plus long parce qu'il doit permettre justement aux parties de présenter leurs arguments. Souvent, même, comme je le disais un peu plus tôt, c'est des dossiers, en termes techniques, qui sont plus lourds, donc qui demandent une préparation par des rapports d'expertise, par, je vous dirais, des... aller chercher des avis extérieurs dans différents domaines. Donc, il est important de bien préparer, d'où ces délais et d'où, en même temps, je pense, l'importance de conserver la révision.

Et je suis bien content, je dois l'avouer aujourd'hui, que cette révision n'ait pas été abolie. Au départ, on semblait avoir, je vous dirais, la volonté de mettre fin au processus de révision, et je pense honnêtement, M. le Président, que ça aurait été une erreur, et une grave erreur, pour deux raisons. La première, celle que je viens d'exprimer tout simplement: les délais, l'argent, le temps. La deuxième, c'est que, si on avait enlevé purement et simplement la révision, le TAQ, autrement dit le tribunal devant lequel le citoyen aurait porté son appel, se trouverait inondé par un nombre beaucoup plus important de gens qui porteraient leur dossier en appel. Donc, il faut enlever le 20 % de gens qui ont raison en révision, il faut l'ajouter, et donc là on aurait inondé le TAQ. Donc, les effets auraient été simples: augmentation des délais, parce que le processus, par sa nature, est plus long, donc plus de délais, plus de temps et surtout beaucoup plus cher pour les citoyens afin d'obtenir justice.

Donc, nous aurons l'occasion d'ailleurs, dans les consultations, de regarder plus attentivement la proposition du ministre, qui a modulé sa proposition en y ajoutant la possibilité, pour le concitoyen, de sauter, de passer par-dessus cette étape. Donc, nous allons entendre les différents experts dans le domaine, et ces commentaires seront sûrement fort utiles.

Où, aussi, le projet de loi comporte divers questionnements de ma part, mais de plusieurs intervenants, jusqu'à maintenant, aussi, que j'ai eu l'occasion, jusqu'à maintenant, de consulter, un que j'aurai l'occasion peut-être de creuser un peu plus loin, qui est plus, je vous dirais, pointu, technique, c'est l'abolition du Conseil sur la justice administrative. Oui, il y a une économie de coûts. Le Conseil fonctionnait avec un montant autour de 500 000 $; on ramène ça à 100 000 $. Mais le fond n'est pas là. Le fond, c'est: le Conseil avait des missions particulières, et est-ce qu'il pourra les réaliser dans le cadre qui lui est donné par le projet de loi? Sans conclure immédiatement, M. le Président, je vous dis tout de suite que ce dossier fera l'objet d'une attention très particulière.

Il y a aussi... Au niveau de l'indépendance des membres du tribunal, le ministre nous avait annoncé, pendant l'étude de l'ancien projet de loi, que ce dossier ferait l'objet d'une attention particulière. Il y a des dispositions effectivement qui méritent d'être regardées et sur lesquelles nous avons quand même, je vous dirais, de bonnes prédispositions quant à leur analyse. Mais, encore là, je me garde de faire un jugement final par rapport à ces dispositions. Je souhaite entendre tous ceux et celles qui auront des représentations à nous faire sur ce domaine.

Un autre point très important concerne... et où il semble y avoir des réserves, et ça a été la première critique qui est venue, c'est concernant la fusion, finalement, l'intégration de la Commission des lésions professionnelles au Tribunal administratif du Québec. Vous savez, la Commission des lésions professionnelles traite de tout le domaine, le vaste domaine des accidents de travail. C'est un système qui s'est bâti avec une culture très particulière, soit celui du côté paritaire, finalement, où il y a une dualité à l'intérieur de cette Commission, soit patronale et syndicale, qui a fait en sorte qu'il y a une culture différente qui est née de cette Commission des lésions professionnelles, et, il faut le dire d'ailleurs, qui a donné de très bons résultats à tout point de vue.

n(15 h 20)n

On regarde, dans les dernières années et même depuis 1998, les délais à la Commission des lésions professionnelles ont été amoindris, les plaintes sont beaucoup plus rares, je vous dirais. À une certaine époque, il y a plusieurs années, les plaintes étaient... Et je me souviens même, dans le temps où je pratiquais dans ce domaine, M. le président, c'était affreux. Je me souviens de l'étape du... bon, on commençait avec la décision; après ça, on allait au Bureau de révision paritaire; et, par la suite, on montait au CALP, et c'était un processus lourd, long, périlleux, et on pouvait attendre des fois jusqu'à quatre ans, trois ans, dans un dossier ordinaire, là, pour avoir une décision finale par rapport à un dossier de lésions professionnelles, ce qui ne servait surtout pas le justiciable. Ce qui ne servait pas non plus ni les entreprises ni l'instance. Les entreprises parce que, souvent, on se retrouvait avec une décision avec quatre ans de recul. Vous savez, ça commence à être compliqué, là, à appliquer, lorsque bien des événements se sont produits à l'intérieur de ce quatre ans. Alors, oui, il y a eu de grandes améliorations à la Commission des lésions professionnelles, qui s'est dotée d'outils de conciliation, comme le TAQ d'ailleurs, qui ont permis de sauver bien des délais, de régler les litiges avant qu'ils ne soient plaidés devant la Commission, donc qui fait en sorte que les délais ont diminué d'une façon significative.

Or, la réforme souhaite ramener ensemble, intégrer le Tribunal administratif du Québec et la Commission des lésions professionnelles pour former ce qu'on appelle le TRAQ. En passant, déjà là, je peux dire que le TRAQ, ça me cause un problème, M. le Président. Et, sans aller plus loin, maintenant, vous le savez, la nouvelle appellation du TAQ sera le TRAQ. Et, bon, au-delà, là, des... Vous comprendrez, là, que je ne veux pas non plus avoir l'air trop superficiel, là, mais le TRAQ, ça ne fait pas... ça fait moins sérieux, on dirait. Il y a comme une connotation qui est difficile, là. On aura peut-être l'occasion d'en discuter, mais là on n'est pas sur le fond évidemment, mais...

Une voix: ...

M. Bédard: Non, évidemment, ça pourrait être le TRUQ, mais ça n'est pas le TRUQ, le TRAQ. Et vous comprenez que les quolibets peuvent ressortir. Et je pense qu'au contraire peu importe... Et là je ne veux pas conclure que je vais donner mon accord à ramener ensemble les deux instances, mais il reste que la formulation du Tribunal administratif du Québec était, je pense, très englobante et comprenait tout le domaine administratif de par son appellation. Donc, elle demeure tout à fait pertinente, peu importe le choix que fera le ministre et les représentations qui nous seront faites en commission parlementaire.

Je reviens à la Commission des lésions professionnelles, M. le Président. Le Conseil du patronat a émis de grandes réserves. Je vais commencer par eux, parce que, sans prêter de mauvaises intentions à personne, ils semblent beaucoup plus écoutés qu'à peu près n'importe qui. Alors, je vais citer leurs réticences, du côté de Conseil du patronat, et je prends, je lis, M. le Président, un article dans Le Soleil, écrit par un journaliste bien connu, M. Simon Boivin, qui fait partie de la relève.

Alors, il écrivait, en rapportant les propos du Conseil du patronat, donc: «Du côté du Conseil du patronat du Québec, une analyse préliminaire évidemment fait ressortir un certain nombre de craintes. D'abord, la première ? et j'espère que le ministre en a pris connaissance ? Gilles Taillon nous dit, président du CPQ: "On est loin d'être sûrs que les délais vont être réduits."» Alors, on aura l'occasion de pousser un peu plus loin cette affirmation lors de nos travaux parlementaires. Et pourquoi? Parce que, évidemment, il fait la conclusion que je faisais un peu plus tôt, si on enlève une partie de la révision, il le dit un peu plus loin, plus de dossiers aboutiront devant les tribunaux administratifs. Donc, plus de dossiers, augmentation des délais. Et c'est ce qu'il dit: «L'augmentation possible des délais signifie pour les employeurs une hausse des coûts...» Parce que, il faut le dire, les employeurs financent. Alors, plus de dossiers, eux vont devoir payer plus, d'où leur réticence. Alors, ils nous disent que «l'augmentation possible des délais signifie pour les employeurs une hausse des coûts en prestations de remplacement de revenus et des frais d'opération des tribunaux». Des deux cotés. Plus de délais, plus de délais lorsqu'on aurait intégré, lorsque la décision est en faveur du travailleur, donc cela coûte plus cher, mais aussi dans l'administration du tribunal.

Un peu plus loin, on nous dit: «Patrons et syndicats semblent unanimement ? les deux ? en désaccord avec le mariage entre la CLP et le TAQ pour former le Tribunal des recours administratifs du Québec. "On avait dit au ministre ? et là c'est M. Roger Valois, syndicaliste bien connu ? on avait dit au ministre Bellemare de ne pas toucher à ça, ça ne marcherait pas aussi bien ? lance Roger Valois, président de la CSN ? mais il ne nous a pas écouté. C'est un peu la caractéristique du gouvernement en place."»

Alors, j'imagine qu'il fait référence à d'autres dossiers qui ne concernent pas le Tribunal administratif du Québec, mais ces gens-là démontrent, les deux, et c'est rare, vous savez, que ces deux secteurs et ces deux lobbys ? il faut le dire, ce sont des lobbys ? s'entendent sur une même question... Donc, les réticences, je pense, ne devront pas être prises à la légère. Et le ministre et les membres de la commission devront bien comprendre les réticences dont nous serons témoins, là, lors de l'étude du projet de loi.

Donc, nous aussi, nous avons une certaine inquiétude et nous souhaitons aller un peu plus loin dans l'étude. Et je le rappelle encore au ministre, souhaitons que ces consultations soient les plus larges et les plus vastes possible, nous y gagnerons, comme parlementaires, et la justice administrative y gagnera aussi.

Donc, vous avez vu, nous avons plusieurs réticences. Comme le temps passe et comme le projet de loi est quand même assez volumineux, je ne pourrai pas faire état de toutes les réticences que nous avons, et c'est pour cela qu'à cette étape, avec la prudence qui doit normalement animer l'opposition et, je vous dirais, avec l'enseignement que j'ai eu des autres projets de loi, nous voterons contre le principe du projet de loi, M. le Président. Pas évidemment contre le principe, une volonté qui serait d'améliorer la célérité, pas une volonté qui nous dirait... qui aboutirait à améliorer la qualité, mais, avec toutes les réticences, avec le fusionnement entre la CLP et le TAQ et surtout, et surtout, avec la mise au rancart, du moins en très grande partie, de la multidisciplinarité du tribunal, eh bien, nous n'avons d'autre choix que d'indiquer au ministre et au gouvernement que nous serons contre le projet de loi, mais que nous, quand même, garantissons au ministre et au gouvernement que, en commission, nous serons très attentifs. Nous allons faire un travail honnête avec tous les représentants qui seront appelés à témoigner devant nous, mais aussi par la suite à l'étude article par article. Et, si on peut améliorer le projet de loi, nous ferons des propositions constructives en ce sens.

Et souhaitons que notre contribution, comme ça l'a été antérieurement, soit utile à l'amélioration de la justice administrative. Et il me semble, M. le Président, que ça a été le cas jusqu'à maintenant dans les projets de loi que j'ai eus à défendre en commission parlementaire, fort bien accompagné d'ailleurs par le député de Mercier, le député de Gaspé aussi et notre président, le député de Richelieu, avec qui nous avons eu l'occasion... et le député de Dubuc aussi, le député de Dubuc qui est notaire de formation. La plupart d'ailleurs, il faut le dire, étaient avocats ou notaires, sinon la totalité. Il y a le président de notre commission, M. le député de Richelieu, qui a une autre formation, et c'est bien d'ailleurs, ce n'est pas un défaut de ne pas être avocat ? il me semble que j'ai entendu ça un peu plus tôt, hein?

Mais nous avons eu droit à des débats fort intéressants, et j'invite tous ceux et celles qui veulent en connaître un peu plus sur la justice administrative d'aller dans les galées. Vous savez qu'on peut aller sur le site de l'Assemblée nationale, aller voir les débats de l'Assemblée. Les gens n'ont qu'à cliquer sur notre commission, qui est la commission des institutions, et de voir les débats qui se sont déroulés cet automne et jusqu'à tout récemment, entourant le projet de loi n° 4, et ils vont y trouver la plupart des revendications et des représentations que nous avons faites par rapport à la justice administrative.

Alors, M. le Président, je ne veux pas être plus long, j'ai d'autres collègues qui veulent aussi participer à cette adoption de principe. Donc, je réitère que nous voterons contre, mais que nous avons à l'esprit de faire le mieux possible pour bonifier l'actuel projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, on vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Et je suis prêt à connaître le prochain intervenant, et je reconnais M. le député de Marguerite-D'Youville pour la poursuite de l'adoption du principe. M. le député de Marguerite-D'Youville.

Des voix: ...

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir au niveau de l'adoption du principe du projet de loi n° 35 visant à modifier la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

Et, d'entrée de jeu, je vois une lueur d'espoir dans les propos du député de Chicoutimi qui, bien qu'il nous indique qu'il enregistrait un vote négatif pour l'adoption du principe, il a qualifié son vote. Et, effectivement, le député de Chicoutimi faisait référence aux travaux de la commission des institutions qui est composée très largement de juristes d'origines diverses, de toutes les sphères de la profession juridique. Il y a des notaires, il y a des avocats, des avocats qui ont des domaines de pratique différents, et, pour beaucoup d'entre eux, ce sont des praticiens chevronnés du domaine du droit administratif.

n(15 h 30)n

Et, au moment où la commission entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 35, la commission pourra compter sur bien sûr la vigilance de l'opposition ? ça, je pense que c'est... on ne pourrait pas s'attendre à moins que cela ? mais, certainement, la détermination du gouvernement également à faire en sorte que nous puissions doter le Québec d'une justice administrative qui soit non seulement une justice administrative de qualité, mais qui soit une justice administrative extrêmement efficace.

Et, en ce domaine-là... Il faut le rappeler, parce que les gens qui nous écoutent, lorsqu'ils entendent parler de la justice, ils ne font pas cette distinction ou toutes les cases, de dire: Bon. Voici la justice pénale, la justice criminelle, la justice civile. Qu'est-ce que c'est que la justice administrative? On entend souvent parler de la justice criminelle mais très peu souvent parler de la justice administrative. Moi, j'ai pratiqué dans ce domaine-là pendant 22 ans, et je n'ai jamais entendu de discours sur la place publique où on faisait salle comble lorsqu'on parlait de la justice administrative. Mais c'est néanmoins un secteur de la justice qui est névralgique, puisque la justice administrative, c'est la justice qui partage les droits entre les individus et le gouvernement ou les démembrements du gouvernement.

C'est une justice qui régit les conflits, donc, entre les citoyens et l'État, et, parce que c'est une justice qui régit les conflits entre les citoyens et l'État, on sait qu'il y a séparation constitutionnelle des pouvoirs, mais encore faut-il que, dans l'exercice de cette justice administrative, le citoyen puisse voir que le décideur agit à distance de l'État, agit d'une façon tout à fait indépendante, tout à fait impartiale, de façon à ce que non seulement justice soit rendue, mais qu'il y soit apparent que justice est rendue.

Donc, en raison de sa nature même, M. le Président, la justice administrative doit être simple. Elle doit être peu coûteuse pour le citoyen parce que, une justice administrative fonctionnelle, c'est non seulement une justice administrative qui rend des décisions dans un délai acceptable, mais c'est aussi une justice qui permet au citoyen d'avoir accès au système. Donc, au niveau économique, peu coûteuse, tout en assurant que l'État remplit son devoir d'agir équitablement.

Et, M. le Président, notre intention, au moment du dépôt du projet de loi n° 35, est véritablement de faire suite à ce qui a toujours été, finalement, pour le Parti libéral du Québec, la base même de son action dans le domaine de la justice sociale. On doit se rappeler, je pense, que le Parti libéral du Québec est à la base de la majorité de nos programmes publics de sécurité sociale et d'aide aux citoyens, et je donne quelques exemples: programme d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, assistance aux personnes âgées, assistance médicale, aide juridique, indemnisation des victimes d'actes criminels. Or, le parti formant le gouvernement, M. le Président, étant à la base de ce qui sont les grands programmes de sécurité publique dans l'État, a le souci, au moment où elle améliore la justice administrative ou au moment où elle dépose le projet de loi n° 35, de faire en sorte non seulement que l'on rejoigne l'objectif qui était derrière ces programmes, mais qu'en plus, dans la mise en oeuvre de la justice administrative, on le fasse d'une façon plus efficace. Donc, l'objectif derrière le projet de loi n° 35: rendre la justice plus accessible, le plus équitable possible.

Le choix du gouvernement est d'intervenir sur sept aspects de la législation ? sept, s-e-p-t, là, on aura compris: d'abord, encadrer le processus de révision. Et ça, c'est très important parce que, à l'heure actuelle, le processus de révision est un processus qui est courant dans tous les domaines d'application de la justice administrative, mais c'est un processus qui est lent. Et vous me permettrez sans doute, M. le Président, de vous faire quelques cas de figure.

Alors ? pour situer les gens qui nous écoutent présentement ? une victime d'un accident d'automobile doit passer par la filière de la Société de l'assurance automobile du Québec. Alors, la première chose après l'accident, c'est de faire analyser son dossier par un agent de la Société de l'assurance automobile du Québec. L'agent qui reçoit le dossier et qui l'analyse rend ensuite une première décision. Si, à ce moment-là, la victime, dans l'état actuel des choses, n'est pas satisfaite de la décision rendue, il pourra se pourvoir en révision. La mécanique de révision, à l'heure actuelle, suivant les chiffres fournis au ministre de la Justice par la Société de l'assurance automobile du Québec pour 2001-2002, indique que, en moyenne, l'agent réviseur va prendre environ 306 jours pour rendre une décision. En remettant les choses en contexte, il faut se rendre compte qu'on a une personne qui était en général totalement fonctionnelle, qui devient dysfonctionnelle, partiellement ou totalement, suite à un accident et qui, dans la recherche de l'indemnité, c'est-à-dire de la remise dans une situation économique comparable à celle dans laquelle elle était avant que n'arrive l'accident, doit attendre que le processus de révision soit complété, donc près d'une année, 306 jours.

Il est évident que le processus de révision est un processus qui a sa valeur. C'est-à-dire que l'administration publique, de bonne foi, peut commettre, au moment où elle évalue une situation, une erreur, et il faut que cette erreur-là puisse être corrigée. Le processus de révision est là pour ça. Mais ce processus de révision doit être encadré pour assurer que la décision en révision soit rendue le plus rapidement possible. C'est l'une des choses à laquelle s'attaque le projet de loi n° 35, et une chose fort importante, en ramenant le délai, c'est-à-dire en encadrant la mécanique de décision pour que le délai soit rendu dans un délai de 90 jours, avec une possibilité d'extension, si la personne, la première personne concernée, y consent. Donc, un processus qui ne pourra jamais excéder 180 jours, mais qui n'excédera jamais 90 jours si la victime elle-même ne consent pas à l'extension du délai additionnel. Donc, premier élément, fort important.

Et ce qui est important également, si on analyse la situation actuelle, 74 % des décisions rendues en première instance, dans le cas de la SAAQ, sont maintenues à l'étape de la révision. Donc, la révision a sa place, elle doit être encadrée. Mais elle n'est pas la solution à tous les problèmes. Et c'est la raison pour laquelle le projet de loi n° 35 introduit une procédure qui devient une procédure imposée au choix de la victime. Et cette procédure imposée au choix de la victime, c'est la conciliation. Alors, si la victime n'est pas satisfaite de la décision rendue en révision, elle peut se pourvoir en appel devant le Tribunal des recours administratifs du Québec, et, alors qu'elle attend la date d'audition devant le Tribunal des recours administratifs du Québec, elle peut imposer à l'administration publique la procédure de conciliation.

Et ça, c'est absolument important, je pense que c'est une des chevilles ouvrières du projet de loi n° 35, la conciliation, l'introduction d'un mécanisme que l'on appelle un mécanisme de justice douce: un processus qui tend à obtenir un résultat, par conciliation, un résultat gagnant-gagnant, c'est-à-dire gagnant pour la victime elle-même, dans la recherche d'une solution acceptable également pour l'administration, qui est fait sous la supervision d'un tiers, un conciliateur, une personne indépendante et qui va tenter d'obtenir les meilleurs résultats possibles dans les circonstances. Parce que, évidemment, la meilleure situation, toujours dans l'exemple que je donnais, c'est de ne pas avoir d'accident d'automobile. Mais le jour où on en a un et que l'on doit amorcer un processus qui va ultimement se terminer par une indemnisation, il faut que ce processus-là soit le moins lourd possible, le plus rapide possible et le plus efficace possible pour la victime elle-même. Et ça, M. le Président, la conciliation répond admirablement bien à cette définition.

Je vous donne, là, encore un exemple que l'on tire des chiffres de la CSST pour indiquer à quel point, selon les informations dont nous disposons à l'heure actuelle, le mécanisme de conciliation est un mécanisme efficace. Dans le cas de la CSST, 52 % des dossiers traités en conciliation se règlent sans se rendre à l'étape ultime de la CLP, la CLP qui serait l'équivalent du Tribunal administratif du Québec en matière de lésions professionnelles, en matière d'accidents de travail. Actuellement, à la SAAQ, seulement 10 % des dossiers sont traités en conciliation, et pourtant, des 10 % des dossiers traités en conciliation, 61 % des dossiers se règlent à cette étape.

n(15 h 40)n

Alors, il est évident, quand on examine ces chiffres-là, que la mécanique de conciliation est non seulement une mécanique efficace, mais c'est une mécanique qui produit des résultats et qui permet rapidement de déjudiciariser un dossier. Et, dans le contexte où on agit avec des gens, dans bien des secteurs du droit administratif, qui sont des victimes, je pense que, là, on introduit dans la loi un élément qui humanise la justice, qui prend en compte le fait que des individus sont dans une situation défavorisée et surtout qu'ils font face à un État organisé, à une administration qui est impressionnante même quand on est en santé, alors encore plus, a fortiori, dirais-je, dans le cas d'une personne qui voit ses capacités diminuées. Donc, deux éléments très importants du projet de loi n° 35 et qui, je pense, vont tout droit dans le sens d'une justice plus efficace et d'une justice de qualité.

Deuxième élément sur lequel j'aimerais intervenir, M. le Président, c'est la question de la régionalisation. On a parlé beaucoup, des deux côtés de la Chambre, de l'importance que l'on doit donner aux régions. Le gouvernement est déterminé à donner une importance aux régions, et donner une importance aux régions, c'est également possible dans le domaine de l'administration de la justice et de l'administration de la justice administrative en particulier.

Le ministre a pu exposer, je pense qu'il l'a fait d'une façon extrêmement précise, quelle était l'importance pour un justiciable en région qui se soumet à l'appareil de révision et à l'appareil de la justice administrative, des tribunaux administratifs, de comprendre et de percevoir que la personne qui ultimement sera appelée à décider de son sort est une personne qui est issue du milieu dans lequel elle évolue, qui connaît les pratiques de ce milieu-là et qui a donc un élargissement de la connaissance judiciaire, ce qui est un concept bien connu des juristes.

Mais, adaptée à la justice administrative, la connaissance judiciaire s'étend au fait que l'on connaît l'environnement dans lequel évolue le justiciable qui se pourvoit devant les tribunaux administratifs. Et il est évident que le décideur, lorsqu'il prend le fauteuil, lorsqu'il siège, lorsqu'il est appelé à délibérer et à décider, est un individu qui est lui-même imbu de l'environnement dans lequel il évolue et que cet environnement dans lequel il évolue n'est pas le même selon que l'on soit en Gaspésie, selon que l'on soit sur la Côte-Nord, selon que l'on soit en Abitibi, selon que l'on soit dans la région de Montréal. Il est important que la justice administrative, que l'on appelle la justice de proximité, reflète, dans la composition même du banc, l'exercice et la connaissance de cette proximité-là.

Et, en ce sens-là, l'effort de régionalisation qui est mis dans le projet de loi n° 35 assurera que les justiciables, quelle que soit la région, auront devant eux un arbitre qui connaît le milieu dans lequel ils évoluent, et ça, je pense que c'est un précédent dans le domaine de la justice. C'est un précédent dans le domaine de la justice administrative, et on doit s'en réjouir, et je suis convaincu qu'à cet égard l'opposition officielle saura faire preuve d'une grande ouverture, puisque ça va tout droit dans le coeur de l'humanisation de la justice administrative.

Autre élément, le statut des membres. Depuis longtemps, il y a eu des débats sur le caractère d'indépendance des juges administratifs au Québec. Ultimement, la Cour suprême a eu à décider que le mode de nomination actuel des juges administratifs, qui sont en place sur des contrats de cinq ans, remplit les critères d'indépendance constitutionnelle, mais un doute subsiste à l'heure actuelle. Et je pense que les juristes dans ce domaine vous diront, M. le Président, qu'il n'est pas évident que, si la question était resoumise à la Cour suprême du Canada dans l'état actuel des choses, la même décision serait rendue. Il importe de dissiper ces doutes, il importe de faire en sorte que les administrés puissent s'attendre à avoir devant eux non seulement des juges administratifs compétents ? et c'est le cas ? des juges administratifs qui sont en mesure de bien rendre la justice, mais qui bénéficient d'une indépendance absolue face à l'État qui est en litige contre l'administré devant eux.

Et, en appliquant aux principes de nomination des juges administratifs ceux applicables aux juges des cours supérieures de la Cour du Québec, il est clair que cette question-là ne sera plus jamais posée, et il est clair que l'on pose un geste précis dans le sens d'une grande indépendance des décideurs dans le domaine du droit administratif ? et cela, également, l'on doit s'en réjouir ? et il y a longtemps d'ailleurs que la Conférence des juges administratifs du Québec réclame une modification au statut dont ils disposent dans l'exercice de leur mandat.

Je constate que le temps avance rapidement, M. le Président. Aussi, je pense que j'insisterai sur un dernier point avant de conclure: la représentation devant les tribunaux administratifs par des non-avocats. Il est tout à fait inacceptable que des individus qui ont fait l'objet de sanctions disciplinaires, de radiation du tableau de l'ordre puissent utiliser un non-lieu juridique ou un vide juridique pour continuer à faire des représentations devant les tribunaux administratifs au détriment d'individus qui ne sont pas toujours dans des situations de contrôle absolu pour déterminer si oui ou non la représentation que l'on fait de leurs droits est faite d'une façon adéquate.

Les ordres professionnels ont des tableaux. La radiation du tableau d'un ordre professionnel est une sanction importante, et il est anormal que, dans le domaine de la justice administrative, une personne radiée du tableau de l'ordre puisse continuer à faire des représentations devant les tribunaux, et, en ce sens-là, je pense que l'on vient de clarifier une situation qui fait à l'heure actuelle l'objet d'un vide juridique, et, tout cela, au bénéfice clair des administrés, M. le Président.

Le ministre a pu indiquer que des non-avocats pourront continuer de faire des représentations devant les tribunaux administratifs, mais que ces représentations-là seront balisées par le pouvoir discrétionnaire du juge administratif qui, dans des circonstances particulières, pourra décider qu'il en sera autrement.

En conclusion, M. le Président, nous avons annoncé que la commission des institutions procédera à des consultations particulières, mais des consultations particulières élargies, c'est-à-dire qu'un grand nombre de groupes et d'individus pourront s'exprimer. Il est évident que ça va dans le sens de l'amélioration du projet de loi, que le gouvernement sera à l'écoute et attentif des suggestions qui pourront faire en sorte que des amendements pourront être apportés au projet de loi. Mais, dans chaque cas, je pense que ce qui guidera, et ce qui doit guider, et ce qui guidera certainement l'action du gouvernement dans ce domaine, c'est de s'assurer que tous les gestes qui seront posés jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 35 seront des gestes qui devront aller tout droit dans le sens d'une justice administrative de très haute qualité et qui soit encore plus efficace, au bénéfice des contribuables du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

n(15 h 50)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Et je reconnais maintenant M. le député de Gaspé et porte-parole en matière de revenu. M. le député de Gaspé.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Le ministre de la Justice, M. le Président, a déposé un second projet de loi sur la justice administrative. On se souviendra qu'il a déjà déposé le projet de loi qui modifiait certaines dispositions. Vous savez, les collègues de cette Assemblée, on parle de justice administrative, et il faut toujours garder à l'esprit que c'est la justice qui s'administre le plus près du citoyen et de la citoyenne du Québec. Le député de Marguerite-D'Youville a raison d'ailleurs, tout à l'heure il mentionnait que ces tribunaux sont des tribunaux de proximité, une justice de proximité.

Mais aussi, M. le Président, il faut assurer l'impartialité. Il faut assurer les justiciables que leur cause sera entendue, qu'il n'y aura pas de décisions qui seront prises sur des considérations autres que les faits qui sont présentés devant la cour, avec le droit applicable, en l'occurrence, si nous parlons, par exemple, des affaires sociales, que la réglementation, les lois, que l'administration a agi ou a respecté son devoir d'agir équitablement. Parce que, un des fondements de la Loi sur la justice administrative, c'est de s'assurer que l'administration remplit adéquatement son devoir d'agir équitablement à l'égard des citoyennes et des citoyens.

Il y a des éléments qui nous sont présentés par le ministre qui m'amènent à poser certains questionnements. On nous parle de régionalisation. On nous parle que des personnes seront jugées ou les causes seront entendues par des personnes issues du milieu, qui connaît le milieu et connaît l'environnement de cette personne dans lequel elle évolue. Mais qu'est-ce que ça vient faire dans la décision d'un litige en matière d'accident du travail, par exemple? Qu'est-ce que ça vient faire dans une décision concernant l'assurance automobile? Est-ce que, par exemple, sur un territoire donné, si on prend une région...

On dit: La personne va être issue du milieu. Oui, je veux bien comprendre, je veux bien croire qu'il y a des avocats, des avocates ou, comme on le dit dans le projet de loi du ministre, bon, qu'il y aura des... le tribunal va être composé d'un seul membre et, lorsque la personne fera un choix, sauf disposition contraire, ce membre qui entendra la cause au tribunal sera un avocat ou un notaire. Mais qu'est-ce que ça vient changer dans la vie du monde et qu'est-ce que ça apporte de plus, de dire que cet avocat ou ce notaire est issu du milieu? Parfois, M. le Président, ça peut être pire, parce qu'il peut y avoir des conflits d'intérêts. Alors, quand on nous dit que la régionalisation... puis qu'on en fait un principe absolu, que les gens devront venir obligatoirement de la région...

Écoutez, dans les régions, on sait particulièrement que, dans les régions ressources, les professionnels du droit, par exemple, ils ont un volume de travail, et, au-delà d'un certain nombre de professionnels qui y sont installés, ils manquent de travail. J'en connais, des jeunes, puis ils sont obligés de quitter la région ou d'aller travailler dans la fonction publique à titre de... dans d'autres fonctions que celle de pratiquer le droit, soit des notaires soit des avocats, parce que le marché n'est pas capable d'absorber l'ensemble des professionnels. Et là on nous dit: Bon, bien ce sera un avocat, ce sera un notaire, et ce notaire-là ou cet avocat, étant donné qu'elle connaît la personne, elle connaît son environnement, c'est une meilleure justice qui va être rendue. J'ai des questions. J'ai des questionnements à ce sujet, M. le Président. Parce que la justice, lorsqu'elle est rendue, elle est rendue sur des principes d'équité.

En droit, on fait une appréciation des faits correctement et ensuite on dit à la personne: Vous avez raison, ou: Vous avez tort. Ce n'est pas un jugement d'appréciation de la personne, qu'on fait, là. On va faire une appréciation d'une cause: une personne a eu un accident d'automobile, elle a eu des fractures, elle a une incapacité temporaire, elle a des incapacités permanentes, elle a des déficits anatomophysiologiques, elle est capable de faire certaines choses puis elle n'est pas capable de faire autre chose. C'est ça qu'on décide. Et l'administration, lorsqu'elle prend un dossier après une réclamation qui est déposée, M. le Président, elle détermine quel est l'état de la personne après cet accident.

La même chose survient en matière d'accident du travail. On dépose une réclamation à la suite d'un accident du travail. Et, parfois les mauvaises postures, des fois, M. le Président, lorsqu'on travaille dans les bureaux, on peut développer certaines maladies. Même à l'Assemblée nationale, si, par exemple, les députés prennent des mauvaises postures et qu'ils puissent le faire dans un mouvement brusque, comme certains collègues que je peux voir à un moment donné, être surpris puis faire, dans un geste brusque, une chute ou encore se blesser en se retournant rapidement, ça fait partie des accidents du travail.

Maintenant, la question que je poserai peut-être au ministre de la Justice, éventuellement: Est-ce que les membres de l'Assemblée nationale sont assujettis aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et maladies processionnelles? Ce serait bien de voir le ministre nous répondre à cette question tout à l'heure, à la fin de mon intervention, si le ministre peut répondre. Et je vois qu'il n'a aucune réaction, M. le Président, il n'a aucune réaction à cette question. Donc, je comprends qu'il n'a peut-être pas la réponse sous la main. Mais je suis persuadé qu'il va aller la chercher dans les minutes qui vont suivre.

Pour revenir, M. le Président, pour revenir à ces modifications administratives, le fait qu'on demande aux justiciables d'accepter, hein, d'accepter, parce que là le ministre l'impose, là: «Les recours portés devant le tribunal sont, sauf disposition contraire, instruits et décidés par un membre seul qui est avocat ou qui est notaire.» Alors là, le ministre a déjà, dans cette section, fait son lit. Il nous dit: Pour accélérer les procédures, il n'y aura plus de médecin qui va décider avec une autre personne c'est quoi, la cause, lorsqu'on s'en va en appel. Là, on veut accélérer la justice. Parfait, d'accord pour accélérer l'audition des causes. Le ministre s'est-il posé la question: Avons-nous assez de personnes pour décider de ces causes-là? Quelles sont les causes des retards que nous avons?

Il y a un rapport sur la justice administrative, M. le Président, qui a été déposé à l'Assemblée nationale. Le ministre en a pris connaissance. Nous avons discuté avec le ministre dans un autre forum, en commission parlementaire, sur un autre projet de loi, et c'est clair que, oui, il y a des décisions qui sont en retard, mais, en même temps, le Tribunal administratif du Québec, je crois que, de mémoire, c'est environ 20 000 décisions par année qu'il peut rendre. C'est beaucoup de décisions. Et il y a des retards dans d'autres décisions. Lorsqu'on a fusionné toutes les divisions, ça a apporté un volume, et ils étaient en train de reprendre le dessus. Et les gens qui y travaillent font du bon travail.

Bon. Pourquoi le ministre veut empêcher qu'il y ait deux personnes? Moi, je pense que les gens qui sont habilités à décider, lorsqu'on est sur une cause, par exemple, de maladie professionnelle, d'accident du travail, d'assurance automobile ou encore dans les affaires économiques, s'il y a quelqu'un qui a une expérience dans le domaine précis et qui permet aussi aux justiciables d'avoir peut-être un tribunal avec une plus grande connaissance des litiges en cause... Il ne faut pas tout défaire pour le principe d'enlever des choses puis de dire: Bien, on se précipite; moi, je vais être très heureux, comme ministre de la Justice: dans un an, il n'y aura plus de retard nulle part dans l'administration de la justice. Mais il va y avoir peut-être des citoyens et des citoyennes qui vont être de mauvaise humeur parce que les causes auront été évacuées rapidement.

On dit qu'une seule personne va entendre la cause. Est-ce que l'avocat ou le notaire a une formation médicale? Là, ce serait le temps de décider s'il y a une relation de cause à effet entre une pathologie et le fait de quelque chose qui est survenu au travail ou qui survient après un accident d'automobile, ou une maladie professionnelle. Est-ce que la personne, le notaire ou l'avocat, sera en mesure d'apprécier correctement l'ensemble des détails? Parce que, si on est dans le domaine médical, je pense que le ministre de la Justice a une très bonne connaissance de ces tribunaux. Je l'ai connu dans le passé, dans sa vie antérieure également, M. le Président, je sais que le ministre de la Justice a des bonnes intentions, oui, il a des bonnes intentions, mais aussi je pense qu'il faut l'inviter à la prudence, il faut l'inviter à la prudence dans ce dossier.

n(16 heures)n

Et je ramène, encore une fois, au niveau régional... Je peux lui dire que, dans la circonscription de Gaspé, dans la circonscription de Bonaventure, il y a peut-être un ou deux notaires qui n'ont pas fait de dossiers litigieux en matière fiscale, ou d'autre chose, ou encore municipale. Parce que, parfois, il y a des conseillers juridiques, les notaires agissent comme conseillers juridiques. Les avocats, qu'est-ce qu'ils font? Ils plaident. Alors, si les avocats ont plaidé, ils ont représenté certainement des personnes qui ont été victimes d'accidents du travail, qui ont été victimes de l'assurance automobile, qui ont des incapacités au travail. En vertu de la loi sur la Régie des rentes, M. le Président, on peut demander une rente pour invalidité avant l'âge de l'admissibilité à la retraite.

Alors, est-ce que le ministre de la Justice va pouvoir rassurer tout le monde et amener les gens à adhérer à son projet de modification à la loi sur les tribunaux administratifs, qui change encore de nom pour s'appeler dorénavant la loi sur les recours administratifs et la loi, M. le Président, sur... sur les recours administratifs?

Alors, il y a des modifications de détail, mais lorsqu'on s'en va sur les fonctions essentielles, c'est quoi qui est important? Vous, M. le Président, demain matin, vous partez sur la route, vous avez un accident d'automobile; qu'est-ce qui va être important pour vous? C'est que, lorsque vous allez faire une réclamation, que la personne qui est dans le service à la Société de l'assurance automobile, reçoive votre demande, la colle, la traite correctement, vous envoie une décision correctement et, ensuite de ça, qu'on vous donne une réponse avec des motifs: On accepte votre demande, et, lorsqu'on la refuse, qu'on vous dise pourquoi on la refuse, pour que le citoyen sache qu'est-ce qu'il en retourne, de cette décision. Est-ce qu'on s'est trompé de bouton, hein, à la machine, en disant tout simplement: «Oui, nous acceptons votre réclamation; non, nous refusons votre réclamation»?

Et, comme on a vu déjà dans des bureaux de sécurité sociale dans le passé, ce sont toutes des décisions qui sont prêtes dans l'ordinateur, et on a juste à taper un nom, hein, le nom de la personne avec l'adresse, c'est fini, et ensuite on appuie sur le bouton, et cette décision-là part. Elle s'en va, elle est rentrée dans la machine administrative. Parfait! Le citoyen reçoit ça, il ne comprend pas. Il a parlé au fonctionnaire une heure avant, une semaine avant, deux jours avant, et la décision lui arrive par courriel: Non, ce n'est pas bon.

Alors, M. le Président, ce qui est important, c'est que nous puissions, hein, avoir des gens qui sont capables de décider. Et les conflits d'intérêts, c'est ça qu'il faut éviter. Je peux vous dire que dans la région d'où je proviens ? et je connais à peu près tous les avocats qui y sont ? dans la pratique du droit, il y en a très peu qui n'ont pas fait de litiges en matière d'accidents du travail, il y en a très peu qui n'ont pas fait de litiges en matière d'assurance automobile ou encore les maladies professionnelles, M. le Président. Alors, qu'est-ce qui va se passer? Comment le ministre va choisir un avocat et un notaire issus d'une région dans laquelle, hein, il y a déjà une problématique au niveau des conflits d'intérêts?

D'autre part, lorsqu'il parle d'installer des bureaux, il veut installer des bureaux, M. le Président, dans les régions administratives, dans 15 régions administratives, bien, je serais curieux de connaître les critères, les critères qui vont présider à l'établissement de ces bureaux, ces greffes, pour savoir comment l'administration va se faire également. Est-ce que le dossier du citoyen va être tout simplement une référence quelconque dans un fichier électronique et le dossier restera toujours dans les greffes?

Il y a des dispositions dans le projet de loi qui nous disent que le ministre peut, s'il estime... à cause d'une affaire ou de... C'est-à-dire, le tribunal peut, s'il l'estime utile en raison de la nature d'une affaire et des faits soulevés, d'office ou sur demande d'une partie, prévoir une formation de deux membres. M. le Président, la discrétion qui est accordée au président du tribunal, le ministre de la Justice devrait ? j'imagine qu'il nous écoute attentivement ? le ministre de la justice devrait porter attention à cet article. Alors, comment éventuellement se fera la composition du tribunal lorsqu'on demandera qu'il y ait deux personnes qui entendent la cause? Et c'est fondamental, M. le Président.

Parce que j'écoutais le ministre, ce matin, lorsqu'il nous dit: On veut empêcher les personnes qui manquent de formation ou qui ont été radiées d'un ordre quelconque d'aller représenter des personnes devant le tribunal, et, d'autre part, il donne des pouvoirs, hein, il donne des pouvoirs de décider, de disqualifier une personne qui se présente devant le tribunal pour représenter quelqu'un. Comment va se faire cette disqualification? Parce que ce que le ministre nous dit... Est-ce que la personne qui sera devant les deux... Ou, lorsqu'il y aura un... le tribunal sera composé de deux membres, qui va déterminer que la personne qui se présente devant le tribunal n'est pas compétente pour représenter la personne, le citoyen qui a un recours devant la Commission des lésions professionnelles, par exemple? Et là on est en appel. Qui va décider que cette personne-là, même si elle a été radiée du Barreau, ou de la Chambre des notaires, ou d'un autre ordre professionnel, que... Ils vont décider proprio motu que cette personne-là n'est pas capable de représenter quelqu'un.

Là, à un moment donné, il nous disait ce matin, le ministre: En cours d'audition, il va apparaître que les commissaires vont évaluer ce que le représentant fait et, s'ils en viennent à la conclusion en chemin, ils vont le disqualifier. Et là la personne se retrouve toute seule. Sa cause est commencée, et là les membres du tribunal auront pris une décision de disqualifier un représentant d'un travailleur ou d'un autre, qui peut avoir les compétences, qui peut avoir commis des erreurs dans le passé. Et le ministre nous dit: Bien, on va les disqualifier, ces gens-là. Qu'est-ce qui va arriver avec le citoyen? Est-ce que ça va faire avancer sa cause plus vite? J'aimerais ça que le ministre nous réponde sur ces questions.

Et quelles sont les dispositions qui seront prises pour que cette audition qui serait interrompue par les membres du tribunal... Quelles seront les dispositions qui seront prises pour assurer la reprise de cette audition? Et comment va se faire la reprise? Est-ce qu'on va recommencer le procès au complet, hein, l'audition de la cause pour déterminer si le litige nous amène à avoir, dans le fond, tous les faits selon les normes? Le droit d'avoir un tribunal impartial, indépendant, hein, d'avoir le droit d'être entendu correctement, de faire des représentations, c'est ça qu'on a besoin.

Et là le ministre nous dit: Moi, le Tribunal administratif, je regarde ça puis j'ai eu certaines frustrations dans le passé et, comme ministre, maintenant, je vais corriger les... je vais faire en sorte que j'en n'aurai plus, de frustrations, et je vais m'organiser pour qu'il n'y en ait plus au niveau des textes de loi. C'est ça que le ministre fait, dans le fond. Réduire à un seul membre l'audition des causes, M. le Président, je pense que le ministre devra y réfléchir et y réfléchir sérieusement.

Qu'est-ce qui arrive également... Qu'est-ce qui arrive également, M. le Président, concernant.... au sujet des frais? Le ministre ne nous en a pas parlé. Il y a des frais d'expertise. Les administrations vont refuser d'indemniser des gens. On s'en va en révision. Ça nous prend des experts, ça prend des... Il faudrait que le ministre, M. le Président, nous dise, que le ministre nous dise: est-ce qu'il va prendre les dispositions nécessaires pour que les frais d'experts soient remboursés à ceux qui gagnent leurs causes, les frais de déplacement que ça amène pour aller chercher ces expertises-là? Parce que les experts sont généralement hors région, M. le Président.

Parce que, pour avoir pratiqué dans ce domaine-là pendant 15 ans, je sais de quoi je parle, et le ministre sait de quoi je parle également. Et, quand il faisait venir ses clients à Québec pour venir passer des examens, M. le Président... Il me reste... Mon temps est écoulé? Je vous remercie beaucoup de l'attention que vous avez portée à la présente et j'espère que le ministre a pris des notes et des bonnes notes de ce qui se passe, là, avec ce qui va arriver avec ce projet de loi.

n(16 h 10)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Gaspé. Je suis en mesure maintenant de reconnaître l'intervenant ou l'intervenante suivant. Alors, je reconnais M. le député de Mercier. Alors, M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. J'interviens à mon tour sur ce projet de loi n° 35, Loi modifiant la justice administrative et d'autres dispositions législatives. J'aimerais d'abord faire remarquer aux gens qui nous écoutent et à mes collègues que c'est un projet de loi d'une dimension assez significative, il fait 209 articles, et c'est ce qui justifiera qu'il soit examiné de façon attentive, studieuse, et ce qui justifie également que des consultations... les consultations particulières qui s'annoncent devront se faire correctement, que des personnes, des groupes qui voudront faire entendre leur point de vue sur l'un ou l'autre de ces 209 articles seront les bienvenus devant cette Assemblée et la commission des institutions qui en fera l'examen après que le projet de loi ait été adopté... ou dans le cadre de ce débat sur l'adoption du principe.

Je rappelle, pour ceux qui ne l'ont pas entendu, que l'opposition officielle, par la voix du député de Chicoutimi... Et d'ailleurs j'aimerais, M. le Président, signaler que tout à l'heure le député de Chicoutimi est allé retrouver, dans les tribunes de cette enceinte, l'ancien député de Chicoutimi, le ministre de la Justice Marc-André Bédard, et c'était tout à fait émouvant de voir le père et le fils, deux députés de Chicoutimi, se retrouver dans cette enceinte, d'être témoin, comme vous l'avez été aussi, je crois, M. le Président, de voir le père et le fils être ici au même moment, dans cette Assemblée nationale.

Et d'ailleurs le député de Chicoutimi, comme d'autres membres de la commission des institutions qui seront appelés à examiner le projet de loi n° 35, et c'est le cas également du député de Marguerite-D'Youville et d'autres, sont des juristes, comme on l'a rappelé, qui pourront, je crois, faire un examen sérieux et pourront entendre des représentations et donner suite aux représentations qui seront faites pour améliorer ce projet de loi, un projet de loi contre lequel ? je reviens à ce que je voulais dire en faisant référence au député de Chicoutimi ? un projet de loi à l'égard duquel nous allons, à cette étape-ci, comme opposition officielle, exprimer notre opposition.

Nous ne croyons pas que, dans l'état actuel, ce projet de loi devrait être adopté par l'Assemblée nationale parce qu'il comporte un certain nombre de dispositions qui ne servent pas, selon nous, l'intérêt de la justice administrative, ne permet pas de résoudre les difficultés nombreuses qui ont été identifiées dans un rapport assez percutant du ministère de la Justice sur la justice administrative, qui a été déposé en cours d'année, suite à un examen de la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative depuis son adoption.

Et, M. le Président, pour situer ce projet de loi n° 35 dans son contexte historique, je pense qu'il vaut la peine de rappeler qu'après de nombreuses tentatives de créer une justice administrative... des tentatives qui remontent d'ailleurs à un livre blanc sur la justice qui avait été déposé par le ministre de la Justice de l'époque, Jérôme Choquette, donc au début des années 1970, des efforts qui se sont poursuivis mais qui n'ont abouti en fait qu'en 1996 lorsque le gouvernement du Parti québécois est allé de l'avant pour proposer une réforme globale de la justice administrative, a fait adopter, en 1995... 1996, devrais-je dire, une loi sur la justice administrative, a fait adopter l'année suivante une loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative et a également fait une réforme, quelques années plus tard, visant à corriger, améliorer le système de justice administrative mis en place.

Alors, M. le Président, chers collègues, le ministre de la Justice actuel entend poursuivre la voie de ses prédécesseurs et s'assurer que la justice administrative soit mieux rendue. Il est d'avis que des améliorations doivent être apportées au système tel qu'il existe. Nous avons constaté que des modifications pourraient s'imposer pour améliorer le fonctionnement du Tribunal administratif du Québec, qu'il y a lieu d'adopter des mesures visant à réduire les délais devant ce Tribunal administratif et que les modes de nomination de ses membres pourraient être revus de façon à assurer une plus grande indépendance de ceux qui doivent statuer sur des recours administratifs.

Mais, M. le Président, nous sommes contre le principe du projet de loi n° 35, parce que la création du TRAQ... D'ailleurs, je me permets de suggérer au ministre de trouver une autre appellation pour ce tribunal. Je crois que les efforts n'ont pas été faits pour trouver une appellation, dénomination...

Une voix: ...sympathique.

M. Turp: ...qui puisse peut-être ? voilà ? être plus sympathique, plus conviviale pour ceux qui se présenteront devant ce tribunal. Vous vous imaginez, des gens ont le trac lorsqu'ils se présentent devant les tribunaux; ils auront maintenant le trac d'être devant le TRAQ? Et je crois qu'il faut à tout le moins songer sérieusement... et peut-être que le gouvernement voudra se faire conseiller par l'Office de la langue française et d'autres personnes ou institutions qui pourront vraiment lui démontrer qu'il a manqué un peu d'imagination lorsqu'il s'est agi de renommer, de rebaptiser ce tribunal.

Mais, en définitive, l'objection majeure que nous avons du côté-ci de cette Assemblée, à l'opposition officielle, c'est que ce tribunal nouveau, que l'on voudrait créer ? le Tribunal des recours administratifs du Québec ? est un tribunal dont on ne maintiendra pas la spécificité, qu'on veut d'ailleurs fusionner avec la Commission des lésions professionnelles.

D'ailleurs, il est curieux de constater jusqu'à quel point ce gouvernement est intéressé par les fusions. Il veut fusionner toutes sortes de structures en matière locale, en matière municipale, et, même ici en matière administrative, il veut à nouveau fusionner une Commission des lésions professionnelles et le Tribunal administratif du Québec pour créer le TRAQ, le Tribunal des recours administratifs du Québec.

Et il faut se poser la question s'il est opportun de fusionner de telles instances. Et, déjà, des représentations ont été faites par un certain nombre de groupes voulant que cette fusion des deux ? Commission et Tribunal ? n'est pas souhaitable et qu'il vaudrait mieux maintenir l'individualité de ces deux tribunaux administratifs du Québec.

L'opposition officielle est aussi préoccupée par le fait que l'on veut mettre un terme à la multidisciplinarité dans le cadre de la composition du nouveau tribunal, et qu'il se pourrait que des décisions puissent être rendues par un juge unique, et que, dans les circonstances, il ne serait pas souhaitable qu'un juge unique puisse, dans plusieurs domaines visés pas les recours, trancher des litiges qui requièrent et requerraient une expertise particulière de médecins, de travailleurs sociaux, de psychologues.

Et c'est là l'un des objets de nos préoccupations, et nous ferons bien sûr les représentations qui s'imposent, comme nous les avons faites dans le cadre du débat relatif au projet de loi n° 4, et des représentations voulant qu'il n'est pas souhaitable de mettre fin à la multidisciplinarité ou la bidisciplinarité des tribunaux administratifs parce que les citoyens et les citoyennes sont mieux servis lorsque de tels tribunaux sont constitués par des personnes ayant une expertise particulière.

n(16 h 20)n

Je crois qu'il est souhaitable et opportun que des avocats ou des notaires siègent devant ces tribunaux, mais je crois que la présence de personnes ayant une formation différente peut contribuer à ce que ces avocats ou ces notaires disent mieux le droit, l'interprètent en tenant compte des changements et des préoccupations sociales et de la façon dont ils sont compris par des experts qui seraient membres de ces tribunaux.

Nous avons aussi comme préoccupation majeure cette volonté du gouvernement, par le projet de loi n° 35, d'abolir le Conseil de justice administrative, une instance qui a été créée par la Loi sur la justice administrative, qui a été modifiée, dans sa composition et ses fonctions, par un projet de loi ultérieur, pour en améliorer le fonctionnement. Mais, aujourd'hui, l'on constate que l'on veut mettre un terme à l'existence de ce Conseil qui vise à assurer le bon fonctionnement du Tribunal administratif du Québec et pour le remplacer par un comité des plaintes qui pourrait ne pas avoir la même autorité sur le tribunal et ses membres qu'a, aujourd'hui, le Conseil de la justice administrative.

Donc, pour ces raisons ? et elles sont multiples, comme vous le constatez ? l'opposition officielle, à ce stade-ci, considère que ce projet de loi ne devrait pas être adopté par l'Assemblée nationale et doit faire l'objet de discussions qui pourraient conduire à un projet de loi plus compatible avec certaines de nos préoccupations, mais, pour l'instant, ces objections sont à ce point importantes que nous inscrivons déjà notre dissidence et elle pourrait se maintenir si les changements n'étaient pas effectués pour améliorer, bonifier ce projet de loi.

M. le Président, je crois qu'il est aussi... qu'il doit être une préoccupation des membres de cette Chambre d'assurer vraiment l'indépendance des membres du nouveau tribunal que l'on veut créer. L'importance que des affaires soient jugées par un tribunal indépendant et impartial est une question qui doit nous préoccuper, comme législateurs, parce que nous avons aussi le devoir d'assurer la conformité du projet de loi n° 35 avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec qui assure le droit à être entendu par un tribunal impartial et indépendant, sans parler de l'obligation internationale que nous avons d'assurer le respect des grands traités internationaux qui assurent également, aux citoyens et aux citoyennes et à tous ceux et à toutes celles qui prennent des recours devant les tribunaux, une audition impartiale et indépendante.

Et il y a une possibilité réelle d'atteinte à l'indépendance judiciaire ? ou administrative, devrait-on dire dans ce cas-ci ? par l'article 34 de ce projet de loi qui introduit un nouvel article 82.5, et je le cite, puisqu'il fera l'objet de débats, je l'imagine, importants en commission, et je crois qu'il sera à ce moment-là très utile d'entendre à la fois des administrativistes et des constitutionnalistes se pencher sur la constitutionnalité même de cette disposition. L'article 34 de ce projet de loi, qui introduit une nouvelle... un certain nombre d'articles, les articles 82 à 83.2, cet article précise, en son article 82.5 qui est ajouté, qu'«il est fait état, dans le rapport annuel, des décisions du président ? donc du président du Tribunal des recours administratifs ? modifiant les formations fixées par la loi».

Et, M. le Président, cette information qui est incluse dans un rapport annuel en est une qui pourrait mettre sérieusement en péril l'indépendance des membres du Tribunal administratif, comme l'a fait remarquer, et cela est sérieux, la Conférence des juges administratifs du Québec elle-même, puisqu'elle dit, dans une information, un mémoire qu'elle a déposé relativement au projet de loi n° 4, qu'en obligeant le juge en chef du Tribunal administratif du Québec à motiver ses assignations devant l'Exécutif le principe de l'indépendance institutionnelle du tribunal est menacé.

Et cette vue est partagée par la Chambre des notaires du Québec, qui est aussi une institution dont on doit prendre très au sérieux les appréciations et les observations sur les projets de loi qui sont présentés devant cette Assemblée. Et la Chambre des notaires, elle, partage l'avis de la Conférence des juges administratifs et considère qu'en obligeant ? et je cite à nouveau un mémoire déposé à l'Assemblée nationale ? le président du Tribunal administratif du Québec à faire mention de ses décisions dans son rapport annuel il résulte une forme subtile, subtile mais tout de même dangereuse, de contrainte indirecte sur ce dernier dans les décisions qu'il doit prendre à l'égard de l'assignation des membres du tribunal. Or, cette situation touche par ricochet un sujet qui relève de l'indépendance judiciaire, et je crois qu'il va falloir, en commission, à la commission des institutions, scruter à la loupe cette disposition.

Puisqu'il vaut mieux prévenir que guérir, il vaut mieux s'assurer de la constitutionnalité et de la conformité de cette nouvelle disposition que veut introduire le projet de loi n° 35 à la Loi sur la justice administrative pour ne pas faire peser sur le tribunal qui serait créé, le successeur du Tribunal administratif du Québec, cette épée de Damoclès, cette possibilité qu'auraient des citoyens ou des personnes qui se présentent devant le tribunal pour répondre à des demandes qui sont faites par des citoyens de soulever une exception d'inconstitutionnalité et de demander au Tribunal administratif, au nouveau tribunal, de statuer sur la constitutionnalité d'une disposition et de statuer de telle sorte que cette décision pourrait faire l'objet d'un appel jusqu'à la Cour suprême du Canada et paralyser en quelque sorte, et pendant une durée qui pourrait être importante, les travaux du nouveau tribunal au nom de l'indépendance judiciaire et d'une atteinte à l'indépendance judiciaire.

Alors, cette question-là mérite vraiment que nous étudions en profondeur cette disposition, ce qui n'a pas, par ailleurs, comme conséquence que nous ne devions pas étudier l'économie générale de cette loi qui vise à substituer un nouveau tribunal au Tribunal administratif du Québec et la fusion qu'il propose et les modes de nomination qu'il entend privilégier pour ses nouveaux membres.

Et il y a un certain nombre de questions qui doivent être posées sur la façon dont le tribunal sera structuré, comme il sera réorganisé, les délais. Il y a plusieurs organismes déjà qui croient que ces nouvelles dispositions ne corrigeront pas du tout le problème relatif aux délais, et l'opposition officielle veut être convaincue qu'il s'agit de changements qui auront comme résultats une correction et une amélioration des délais dans lesquels les citoyens et citoyennes, les contribuables seront servis par ce nouveau tribunal. Il y a un certain nombre de dispositions sur la conciliation, la déontologie qui devront être examinées attentivement.

Et, en ce qui concerne les coûts, on nous annonce que les coûts seraient diminués de 80 millions à 72 millions, c'est à démontrer. Et, M. le Président, donc l'opposition officielle va être vigilante et va vouloir bien faire ses devoirs ici, à l'Assemblée nationale, et à la commission des institutions. Je vous remercie, M. le Président.

n(16 h 30)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci beaucoup, M. le député de Mercier. Et je reconnais maintenant l'intervenante suivante, Mme la députée...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): ...Bourget ? une distraction ? Mme la députée de Bourget pour la poursuite du débat sur le principe du projet de loi. Mme la députée.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'échanger et d'exprimer un certain nombre de préoccupations à l'occasion de l'adoption de principe du projet de loi n° 35, et je commencerais mon intervention à partir d'une remarque que le député de Mercier a faite tout à l'heure, qui était une remarque qui a été très joliment présentée, on doit le dire ? il y a eu de grands sourires dans ce salon bleu au moment où le député de Mercier l'a signalée.

Mais, au-delà du sourire que cela a pu provoquer, je crois que le député de Mercier a mis le doigt sur quelque chose de fondamental et qui témoigne un peu de l'environnement et du contexte dans lequel nous abordons cette étude du projet de loi n° 35: c'est sur le choix du nom. Et l'acronyme que cela provoque ? Tribunal des recours administratifs du Québec ? qui fait donc l'acronyme TRAQ, c'est une horreur, M. le Président, c'est une horreur.

Je crois que ? et je suis sûre que, lorsque le gouvernement dans lequel j'ai été a probablement, à certains moments, posé ce même genre de geste là ? c'est une tradition au Québec: on a l'art de se compliquer la vie. Or, je crois que c'est important, le choix du nom, parce que le Tribunal administratif du Québec, tel qu'il s'appelle maintenant, est quand même un lieu important pour les citoyens. C'est souvent le dernier recours que des hommes et des femmes ont face à certaines décisions prises dans la grande famille de l'administration publique. Alors, je crois qu'il nous faudrait éviter que cet acronyme soit rébarbatif, en plus des jeux de mots délicieux qu'on peut faire. Nous aurions intérêt collectivement à baptiser ce tribunal-là de manière beaucoup plus ouverte et beaucoup plus respectueuse du rôle fondamental que joue une organisation comme celle-là.

Alors, ceci étant dit, je voudrais faire quelques remarques à ce moment-ci, d'abord en disant que... Évidemment, il y a eu des débats ces dernières semaines sur un projet de loi, le projet de loi n° 4, qui concernait certaines modifications à la Loi sur la justice administrative, et nous saluons le fait... et j'ai moi-même eu l'occasion d'aller en commission à quelques reprises, et j'ai réclamé du ministre, comme mes collègues d'ailleurs, que nous aurions intérêt à examiner non pas des modifications à la pièce, mais des modifications un peu plus globales, et qu'en général ce ne sont pas des gestes très judicieux, le fait de vouloir légiférer sur des petits morceaux qui concernent un grand ensemble, et qu'on a habituellement avantage à regarder les choses un peu plus globalement. Alors, ça, je veux saluer le fait que le ministre dépose le projet de loi. Même s'il y a beaucoup de questions qu'il soulève, je pense, au moins, que le dépôt d'un projet de loi plus global a le mérite de faire en sorte qu'on puisse voir correctement les questions, qu'on puisse soulever les problématiques dans un contexte beaucoup plus intelligent que lorsqu'on le fait à la pièce.

J'espère également ? parce que, ça, je l'ai dit à chaque fois que je suis intervenue sur cette question-là ? j'espère que le premier geste, lorsqu'il y aura des consultations ? parce que je ne peux pas croire qu'il n'y aura pas des consultations à ce sujet-là, M. le Président ? j'espère que le premier geste sera d'entendre et de convier à un échange avec les parlementaires les gens qui ont rédigé, qui ont préparé le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, et je vous explique pourquoi, M. le Président.

La Loi sur la justice administrative ? je n'en referai pas tout l'historique, je crois que plusieurs de mes collègues l'ont fait ? elle a été adoptée en 1997. Ça ne fait pas si longtemps, somme toute. Elle a été mise en oeuvre en 1998, et, dans la loi, il y avait une disposition... et je ne la reprendrai pas textuellement, je pense qu'on peut avoir un propos un peu plus simple pour les gens qui nous écoutent, mais, dans cette Loi sur la justice administrative, il était prévu qu'un rapport de mise en oeuvre serait fait.

Alors, qu'est-ce que le législateur a fait à ce moment-là? Il a dit: Écoutez, on a un grand chantier qui s'appelle la mise en place de la Loi sur la justice administrative, les objectifs sont élevés, sont importants, il faudra se donner le moyen dans quelques années d'évaluer, de réfléchir, de mesurer si les résultats qui avaient été identifiés au moment de l'adoption de cette loi sont atteints, partiellement atteints, si on a posé les bons gestes en regard des objectifs de cette loi.

D'ailleurs, on constate, pas juste à l'Assemblée nationale, mais dans plusieurs législatures dans le monde, que de plus en plus les parlementaires prennent soin dans certains cas, surtout lorsqu'on met en oeuvre quelque chose qui est costaud, qui demande un brassage important au niveau des services, de l'organisation du personnel, etc., destiné aux citoyens, de plus en plus les parlementaires prennent soin d'ajouter un petit article qui dit: Il faudrait, d'ici un certain temps, bien évaluer si les choses se sont passées comme nous l'avions espéré et comme nous l'avions prévu.

Or, cette clause, elle a été adoptée, et effectivement il y a des gens qui, quelques années plus tard, donc quatre ou cinq ans après la mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, se sont mis au travail, se sont donné une méthode et se sont posé des questions à la fois fort simples et fort compliquées: Est-ce qu'on a atteint les objectifs que nous nous étions fixés au moment de l'adoption de la Loi sur la justice administrative?

Alors, de ces travaux a émergé un rapport qui s'appelle le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, dont j'ai certains extraits, mais qui est un rapport consistant, de près de 200 pages, avec des annexes et toutes sortes d'explications, et il y a là dans ce rapport une richesse d'informations incroyable.

Alors, ce que je veux dire très clairement au gouvernement, au leader du gouvernement qui, je sais, est extrêmement sensible à ce genre de question, c'est que le premier geste que nous devrions poser collectivement comme parlementaires, c'est de fouiller, examiner, comprendre les conclusions de ce rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative, parce que c'est ça qui va donner un sens aux amendements que nous pourrions adopter au sujet de cette Loi sur la justice administrative.

Vous savez, de décider de déposer un projet de loi, décider d'amender les choses, c'est des gestes qui sont lourds de conséquences parce qu'on change des choses. On ne change pas juste les noms, on change les pratiques, on change les objectifs, on modifie des façons de faire. Si on décide de faire ça, si le ministre de la Justice a décidé de faire ça, il a le droit de le faire, mais on doit le faire dans la mesure où nous avons une base rigoureuse sur laquelle il faut s'appuyer. On ne légifère pas à cause de nos états d'âme, selon nos humeurs, on légifère et on corrige des législations parce qu'on est capable d'observer le plus objectivement possible, le plus rigoureusement possible que, sur certains aspects d'application de cette loi, il y avait des problèmes.

Alors, ce que je souhaite, c'est que le ministre et les membres de la commission qui éventuellement étudieront ce projet de loi n° 35 poseront comme premier geste d'inviter les gens qui ont rédigé ce rapport de mise en oeuvre de la Loi sur la justice administrative. Je dirais même, M. le Président, que ce serait bête de se priver de ce regard, de ces préoccupations, de ces observations rigoureuses qui ont été faites par les gens qui ont préparé et rédigé ce rapport.

Alors, ça, j'insiste. On se fait souvent dire qu'on légifère trop, qu'on a une tendance à vouloir transformer en législation chaque solution qu'on veut apporter à un problème. La moindre des choses qu'on peut faire, c'est, lorsqu'on s'apprête à légiférer... Surtout lorsqu'on a la chance d'avoir sous la main un rapport qui décortique ça sous tous ses angles, comment ça s'est passé pendant cinq ans quant à l'application de cette Loi sur la justice administrative, on serait bête de se priver de ça. C'est ce qui nous permet d'être pertinent, M. le Président, c'est ce qui nous permet de dire: Effectivement, quant à tel et tel aspect, ça ne va pas, on n'a pas atteint nos objectifs, mais, quant à d'autres aspects, on a atteint les objectifs. On ne va pas achaler le monde avec une loi sur ce qui marche, on va essayer de bien préciser, de bien cibler ce qui fonctionne moins bien.

n(16 h 40)n

Alors, j'implore le ministre de la Justice de nous imposer collectivement et de s'imposer à lui-même de la rigueur, pour que, comme parlementaires, et je dirais même ? et on lui rendrait service ? comme gouvernement ? qui n'est pas étouffé par la rigueur ces temps-ci, mais ça, c'est un autre sujet, M. le Président... Nous avons une chance extraordinaire d'avoir une base sur laquelle s'appuyer, comme parlementaires, d'avoir une base à partir de laquelle on pourra poser des gestes pertinents.

M. le Président, on le voit ? je me permets de faire une petite parenthèse ? on le voit ces derniers jours: quand on n'est pas sur du solide, quand on est sur du vent, des impressions, de l'idéologie ? moi, j'appelle ça, dans ma manière plus familière de dire, j'appelle ça «être en religion» ? tu sais, quand on est dans un débat, là, puis c'est juste des idées, puis qu'on n'a pas des faits, on n'a pas des données, puis on ne s'oblige pas à une certaine rigueur, qu'est-ce que c'est que ça fait? Bien, ça fait des micmacs comme ce qui s'est passé dans les services de garde: le gouvernement dépose quelque chose, mais on ne l'a pas vraiment déposé; dans le fond, on a mis ça au jeu, mais on n'était pas vraiment pour; on l'a retiré. C'est ça que ça fait. Ce gouvernement travaille mal, M. le Président. Et là j'ai le droit d'avoir mon avis sur cette question ? il y a le député qui n'est pas d'accord ? je le dis simplement: Il travaille mal. Il travaille mal. Il faut s'imposer une rigueur.

Moi, je ne prétends pas être une personne parfaite, M. le Président, mais j'ai exercé des fonctions dans ma vie, y compris au gouvernement, puis, s'il y a une chose que je n'ai jamais faite, c'est de légiférer dans le vent, M. le Président. Alors, je le dis, là: Pour le projet de loi n° 35, pour la suite des choses en ce qui a trait à la Loi sur la justice administrative, nous avons un outil, nous avons un rapport, nous avons des gens... je présume, j'ai lu le rapport, je ne prétends pas le connaître par coeur, mais on sent qu'il y a beaucoup de rigueur, il y a des instruments méthodologiques qui ont été utilisés; nous avons la chance d'avoir ça sous la main, ce serait bête de s'en priver. Et j'espère que le ministre va entendre mon appel, que le gouvernement va entendre mon appel et que le premier geste, ce sera d'étudier à fond ? on ne passera pas 20 ans là-dessus, là, mais on va étudier à fond ? les leçons, les enseignements qu'on peut tirer de cette première étape d'implantation de la Loi sur la justice administrative. Alors, voilà donc un premier élément sur lequel je tenais à intervenir.

L'autre élément, M. le Président, même si je conviens que les choses évoluent dans la vie, que, au point de départ, ceux et celles qui ont pensé à la création du TAQ, ceux et celles qui ont pensé à l'adoption de la Loi sur la justice administrative avaient des objectifs, avaient une vision, avaient des espoirs, il se peut que, au fur et à mesure de la mise en place, de l'évolution des choses de la vie, l'évolution de l'administration publique, que les objectifs évoluent. Moi, je conviens que ça peut parfaitement arriver. Écoutez, quand on a l'implantation d'un nouveau mécanisme comme ça, c'est sûr que les objectifs évoluent, puisque les acquis finissent par s'accumuler. Donc, alors qu'on pouvait avoir un objectif au point de départ, si on l'a atteint, à un moment donné, on se donne une autre cible, on dit: On a réussi ça, on a été bons là-dessus, mais là il faut arriver à un autre niveau. Alors, moi, je conviens qu'il est possible qu'il y ait une reformulation, un rebrassage au niveau des objectifs.

Mais, M. le Président, je dirais tout de même que, sur des éléments fondamentaux de cette loi, dont notamment la question du caractère multidisciplinaire du Tribunal administratif, je ne suis vraiment pas sûre à ce moment-ci, M. le Président, qu'on a intérêt et qu'on a toute l'information, et surtout intérêt à briser cette valeur qui avait été identifiée au moment de l'adoption de la Loi sur la justice administrative, au sujet donc de ce caractère multidisciplinaire. Je crois qu'il nous faut ça... il nous faut explorer ça, examiner ça avec beaucoup de sérieux. Puis ce n'est pas juste, là: Bien là, à l'époque, c'était ça; maintenant, ce n'est plus ça. Ça fait partie des éléments trop importants, au coeur d'une législation, pour dire tout simplement: Bien, là, on n'est plus là, ce n'est plus ça. Non.

Quand une loi... J'ai relu, ces dernières semaines, certains articles, à l'époque, qui justifiaient et qui expliquaient ce que les gens avaient derrière la tête et derrière le coeur, aussi ? parce que c'est pour les gens qu'on essaie de faire ça ? lorsqu'ils ont conçu cette législation; je ne suis vraiment pas sûre que cette question du caractère multidisciplinaire n'est plus pertinente à ce moment-ci. Je pense que c'était une valeur qui était importante et qu'il est justifié que nous la gardions au coeur de... peu importe le nom, là ? j'espère qu'on trouvera quelque chose de mieux ? au coeur de cette organisation de recours administratifs pour les Québécois et les Québécoises.

Pourquoi je crois que ce n'est pas juste un petit changement d'objectifs à la légère? Parce que c'est la manière de distinguer les recours administratifs des tribunaux ordinaires, hein. Il faut qu'on se comprenne, là, les gens, ils nous écoutent. Écoutez, il faut que les gens saisissent que, s'ils ont un recours, ils vont en appel d'une décision d'un organisme de l'administration publique, et qu'ils se retrouvent à un tribunal administratif, il faut que tout le monde soit conscient qu'on n'est pas dans un tribunal ordinaire, sinon fermons la shop, comme on dit, M. le Président. S'il n'y en a pas, de distinction dans les manières de faire, dans les manières de faire, dans la perception et la compréhension que les gens qui portent en appel des décisions ont de ce tribunal, mettons tout dans les tribunaux de droit commun, arrêtons de faire des trucs sophistiqués de recours administratifs, mettons ça dans les tribunaux ordinaires, avec les pour et les contre. Et les contre ? parce que les tribunaux de droit commun doivent continuer d'exister, il n'y a pas de doute là-dessus ? mais, les contre, c'est un excès de judiciarisation. Est-ce que c'est ça qu'on veut collectivement?

Cette forme de tribunal administratif, c'est un mi-chemin entre une mécanique lourde qui est nécessaire, qui est nécessaire ? on aura toujours besoin des tribunaux de droit commun ? mais c'est un mi-chemin qui permet d'apporter une réponse adéquate, plus rapide, avec une procédure moins intimidante, plus ? on a étudié le mot «conviviale», ce n'est peut-être pas le mot le plus approprié ? mais plus appropriée, moins lourde pour répondre à des besoins légitimes des droits qui sont en cause.

Mais, moi, je pense qu'il demeure justifié d'avoir une espèce de mi-chemin entre rien du tout et la grosse mécanique et la grosse procédure. Et, pour moi, je considère que c'est le caractère multidisciplinaire, entre autres, c'est un des ingrédients, c'est un des éléments, ce n'est pas le seul ? c'est comme un gâteau, on a besoin de toutes sortes d'ingrédients ? mais ça fait partie des ingrédients très importants qui fait que nous distinguons, nous comme citoyens ou nous comme gestionnaires dans l'administration publique, qu'il s'agit là d'un recours bien particulier pour répondre à des situations bien particulières, un recours qui est moins lourd et qui colle mieux aux besoins des citoyens.

Alors, M. le Président, c'est clair que, de mon point de vue ? et ce point de vue, il est partagé par plusieurs de mes collègues de l'opposition officielle ? le caractère multidisciplinaire, le fait, en fait, que le ministre annonce une rupture, un retrait de cette caractéristique particulière, est un motif, est un élément qui nous préoccupe au plus haut point et que nous voudrons examiner avec beaucoup d'attention. Vous m'indiquez qu'il me reste à peu près deux minutes...

Une voix: ...

Mme Lemieux: Écoutez, j'aurais pu faire des heures. Je voudrais signifier aussi, M. le Président, mes inquiétudes quant au fait que la proposition du ministre prévoit le transfert des compétences de la Commission des lésions professionnelles à ce nouveau... je n'ose pas dire le mot TRAQ, c'est une catastrophe, à ce tribunal administratif, ayant été déjà dans le passé responsable de la Commission des lésions professionnelles. Il ne s'agit pas de défendre le passé, il ne s'agit pas d'être nostalgique, il ne s'agit pas de dire: Bien, c'était bien comme ça, mais je dirais qu'il y a des questions. Il faut se demander sérieusement, avec beaucoup, beaucoup de soin si c'est la meilleure décision à prendre.

Et je regarde les premières réactions des partenaires, hein, parce qu'on sait que notre régime de santé et sécurité au travail, il est beaucoup appuyé sur le partenariat entre la patronat et le monde syndical, le son de cloche n'est pas bien, bien positif, M. le Président. Alors, moi, je pense qu'on ne peut pas évacuer du revers de la main ce genre de débat. Est-ce que c'est la bonne décision, d'assimiler les fonctions jusqu'à maintenant assumées par la Commission des lésions professionnelles et de transférer ça à ce tribunal administratif? Je pense que les questions sont sérieuses.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, nous serons contre le principe du projet de loi. Mais je crois que le ministre aura compris que nous sommes pour la consultation, parce que je pense que, si on y met de la rigueur, si on s'appuie sur les bons éléments d'information, nous pourrions ensemble en faire un projet de loi qui a du bon sens, qui a du sens, qui a du sens pour l'avenir. Alors, voilà, M. le Président, les éléments que je voulais partager avec vous. Merci.

n(16 h 50)n

Le Président: Alors, merci, Mme la députée de Bourget. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. Et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Est-ce qu'il y a un prochain intervenant? Est-ce qu'il y a un autre intervenant à ce moment-ci?

Une voix: ...

Le Président: C'est votre première intervention?

Une voix: ...

Le Président: Non, je demande s'il y a un autre intervenant. Est-ce qu'il y a un autre intervenant? Je vérifie... Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Une voix: ...

Le Président: Pardon?

Une voix: ...

Le Président: Je vais suspendre, à votre demande, quelques instants...

Une voix: ...

Le Président: Il n'y en a pas? Alors, ça va? Alors, en vertu de votre droit de réplique ? maximum 20 minutes ? M. le ministre de la Justice et Procureur général.

M. Marc Bellemare (réplique)

M. Bellemare: M. le Président, vous me permettrez de faire une brève réplique à ce que j'ai entendu concernant l'adoption de principe du projet de loi n° 35. D'abord, sur la multidisciplinarité, parce que c'est bien sûr un sujet qui préoccupe grandement l'opposition, et j'en suis tout à fait conscient, tout comme le gouvernement d'ailleurs.

Il est absolument capital pour nous de préserver le caractère multidisciplinaire du Tribunal administratif du Québec par le biais du projet de loi n° 4, qui n'est pas un projet de loi qui vise à abolir la multidisciplinarité mais bien à la maintenir et même à la promouvoir. Alors, mes collègues d'en face savent fort bien que la multidisciplinarité ne s'évalue pas à partir du nombre de personnes qui entendent une cause. Personne ici ne contestera le fait que la Cour du Québec, chambre jeunesse, est un tribunal spécialisé, un tribunal d'expertise, même si c'est un tribunal civil. Personne, également, ici ne contestera le fait que la Commission des relations de travail est un tribunal spécialisé; c'est un tribunal spécialisé effectivement, même s'il y a un seul décideur par cause à chaque fois que la Commission des relations de travail dispose d'un litige. Même chose à la Commission des lésions professionnelles, où il n'y a qu'un seul décideur, bien que le tribunal soit jugé multidisciplinaire.

Et il est important de préciser, M. le Président, que la Commission des lésions professionnelles autant que la Commission des relations de travail constituent des créations du gouvernement précédent, qui, malgré le fait qu'il n'y a qu'un seul décideur au sein de ce tribunal, pour chaque cause évidemment... ne remet pas en question le caractère multidisciplinaire du tribunal. Alors, il faut faire attention et il faut éviter d'associer le fait qu'il y ait deux personnes pour chaque cause au fait que le tribunal soit multidisciplinaire. Il peut fort bien l'être avec un seul membre, un membre formé, un membre spécialisé, à cause du caractère spécialisé de son tribunal, à cause du fait qu'il développe une expertise du fait qu'il dispose chaque année de plus de 100 litiges qui sont portés à sa connaissance et qui sont de nature spécialisée. À la Régie du logement, c'est la même chose.

Alors, partout au Québec, la règle est d'un juge par cause. Même si on parle d'un tribunal administratif spécialisé, il n'y a aucune raison pour qu'on ait, comme c'est le cas actuellement au Tribunal administratif du Québec, deux juges pour chaque dossier. Particulièrement dans la section des affaires sociales, il est évident, personne ne le contestera, que le fait de réduire les bancs de deux à un juge par cause va améliorer le problème de délais de façon significative. Tout le monde sait très bien que, si deux juges entendent chacun une cause, ils disposeront de deux litiges en la même période de temps qu'actuellement ils disposent d'un seul litige parce qu'ils sont deux par cause.

Alors, pour ces 12 000 Québécois, 12 000 et quelque Québécois qui vivent dans l'inquiétude et dans l'indigence aussi ? parce qu'ils sont privés d'un bénéfice, par définition, s'ils sont en appel devant le Tribunal administratif du Québec ? il est absolument impérieux, M. le Président, que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible pour faire en sorte que ces Québécois qui attendent attendent moins longtemps, et que leur cause soit entendue, et qu'ils puissent enfin retourner travailler, participer à un programme de réadaptation sociale, obtenir une indemnité de remplacement de revenu qui va leur permettre d'assumer et de respecter l'ensemble de leurs obligations courantes.

Maintenant, sur la régionalisation, j'écoutais le député de Gaspé nous parler de la réforme du projet de loi n° 35. J'ai été un petit peu étonné qu'il ne nous parle pas davantage de la régionalisation, parce que, un des avantages évidents et importants du projet de loi n° 35, c'est justement de faire en sorte que dans les régions du Québec un greffe existe et que des juges administratifs aient pignon sur rue dans cette même région.

Alors, par exemple, depuis 1998, et c'est tout à l'honneur du gouvernement auquel il appartenait à l'époque, qui était le gouvernement du Québec, en 1998, le gouvernement a créé la Commission des lésions professionnelles et installé, dans l'ensemble du Québec, 20 greffes régionaux, c'est-à-dire que des juges sont installés à demeure en région et peuvent entendre des causes des gens qui habitent cette région-là. Alors, à Gaspé, depuis 1998, il y a un bureau avec un greffe régional où résident quatre ou cinq commissaires de la Commission des lésions professionnelles.

Ce qu'on veut faire, c'est étendre cette bonne nouvelle, cette bonne façon de procéder dans l'ensemble des secteurs, que les victimes de la route, que les gens sur l'aide sociale, les victimes d'actes criminels de sa belle région, la Gaspésie, puissent être entendus par des juges qui demeurent à Gaspé. Alors, c'est une excellente nouvelle, et je suis convaincu qu'on réussira éventuellement à convaincre le député de Gaspé que c'est une bonne nouvelle pour sa région et que le projet de loi n° 35 constitue une avancée importante tant pour la Gaspésie que pour l'ensemble des régions du Québec.

Et je terminerai ma réplique, M. le Président, sur une question importante qui consiste à permettre, par le projet de loi n° 35, la création d'un tribunal unique. La députée de Bourget parlait du nom du tribunal tantôt, ce n'est pas notre principal problème. Le principal problème, c'est de régler le problème que les Québécois vivent du fait qu'actuellement deux tribunaux administratifs existent: un pour les accidentés du travail et un autre pour les autres victimes.

Alors, mes collègues auront bien sûr l'occasion, d'ici à ce que le projet de loi soit étudié en consultations particulières, de prendre connaissance de tous les rapports d'étude qui ont été compilés depuis 1986 et qui ont recommandé la fusion des deux tribunaux: le rapport Gobeil en 1986, le rapport Ouellette en 1987, le rapport Garant en 1994 et le projet de loi n° 130, aussi, qui était le projet de loi du ministre Bégin, qui était ministre de la Justice à l'époque, et qui proposait l'unification de ces tribunaux-là. Alors, il va falloir aller aux sources et regarder ce que tous ces grands penseurs ont considéré et les conclusions auxquelles ils en sont arrivés, qui sont les mêmes que celles qui relèvent du projet de loi n° 35, qui consistent à créer un seul tribunal d'appel, multifonctionnel, qui touchera l'ensemble des secteurs d'activité et qui répondra de façon cohérente et harmonisée à l'ensemble des besoins des Québécois. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre, de votre intervention. Le principe du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Président: Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Dupuis: Alors, je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: J'apprécierais que vous preniez en considération l'article 26 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi n° 10

Adoption

Le Président: À l'article 26, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 10, Loi donnant suite au discours sur le budget du 1er novembre 2001, à l'énoncé complémentaire du 19 mars 2002 et à certains autres énoncés budgétaires. M. le ministre du Revenu, je vous cède la parole.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, je soumets à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 10, intitulé Loi donnant suite au discours sur le budget du 1er novembre 2001, à l'énoncé complémentaire du 19 mars 2002 et à certains autres énoncés budgétaires, en vue de son adoption.

M. le Président, le projet de loi n° 10 a été présenté le 23 octobre 2003 et le principe en a été adopté le 4 novembre 2003. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 6 et 12 novembre 2003 et en a adopté les 468 articles. Un amendement a également été adopté afin d'en modifier un article. Le rapport de la commission a été déposé le 18 novembre 2003 et a été pris en considération le 19 novembre 2003.

n(17 heures)n

M. le Président, ce projet de loi donne suite au discours sur le budget du 1er novembre 2001 et à l'énoncé complémentaire à la politique budgétaire du 19 mars 2002, présenté par le précédent gouvernement, ainsi qu'à plusieurs bulletins d'information publiés en 2001 et en 2002 par le ministère des Finances. M. le Président, il donne également suite, de manière accessoire, au discours sur le budget du 12 juin dernier. Ainsi, il modifie 16 lois, dont la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'impôt sur le tabac.

Étant donné, M. le Président, que ce projet de loi contient des modifications diverses regroupées en sujets principaux et que l'ensemble de ces sujets a fait l'objet d'une étude détaillée, j'en présenterais sommairement ces sujets.

Ainsi, ce projet de loi modifie la Loi sur les impôts afin:

1° d'instaurer un nouveau mécanisme de transfert entre conjoints des crédits d'impôt inutilisés qui permettra aux conjoints de profiter pleinement des crédits d'impôt non remboursables auxquels ils ont respectivement droit;

2° d'augmenter le nombre de déductions et de crédits d'impôt dont il est possible de bénéficier dans le cadre du régime d'imposition simplifié;

3° de préciser le traitement fiscal de certaines allocations et autres avantages accordés à certains employés;

4° de modifier les crédits d'impôt remboursables pour les titulaires d'un permis de taxi afin qu'ils soient versés directement aux chauffeurs de taxi et qu'ils s'appliquent à toutes les régions du Québec;

5° de mettre en place un crédit d'impôt remboursable visant à favoriser le rajeunissement du parc de véhicules utilisés dans l'industrie du taxi; et finalement

6° de réduire les taux de la taxe sur le capital versé des sociétés et d'introduire une nouvelle déduction dans le calcul du capital versé; et finalement, M. le Président

7° d'instaurer ou de modifier différents crédits d'impôt remboursables, notamment pour les sociétés de la nouvelle économie, les sociétés oeuvrant dans le secteur financier, celles exerçant des activités d'affaires électroniques et celles installées dans les régions ressources et dans les carrefours de l'innovation.

M. le Président, ce projet de loi modifie également la Loi concernant l'impôt sur le tabac afin de refléter l'augmentation des montants d'impôt applicables à l'égard des produits du tabac.

Ce projet de loi, M. le Président, apporte diverses autres modifications à quelques techniques de concordance ou de terminologie.

M. le Président, je tiens à remercier les collègues du gouvernement de même que les députés de l'opposition membres de la commission des finances publiques pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi.

En conclusion, je demande donc à cette Assemblée, M. le Président, de bien vouloir adopter le projet de loi n° 10, intitulé Loi donnant suite au discours sur le budget du 1er novembre 2001, à l'énoncé complémentaire du 19 mars 2002 et à certains autres énoncés budgétaires. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. Alors, sur ce même sujet, je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de Revenu. M. le député de Gaspé, la parole est à vous.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également d'intervenir sur ce projet de loi en prise en considération de ce rapport. On se souviendra que l'étude du projet de loi en question, c'est la traduction en termes juridiques des budgets qui ont été présentés, budgets 2001 et 2002.

Et, lorsque sont survenus les événements de septembre 2001, M. le Président, on se souviendra que le gouvernement a réagi immédiatement par des mesures afin de contrer un ralentissement économique, et également, M. le Président, stimuler l'économie, et maintenir la confiance des entrepreneurs, des hommes et des femmes qui bâtissaient et qui bâtissent encore le Québec. M. le Président, il y avait un montant de 400 millions en faveur des consommateurs, 3 milliards d'investissements publics pour stimuler l'activité économique, dont 500 millions en habitation, M. le Président, et il y avait également un ensemble de mesures pour soutenir les entreprises et accroître la sécurité des personnes qui étaient prévues à ce budget.

Le plan d'action déposé par la ministre dans le cadre du budget 2002-2003 s'articule autour de trois axes d'intervention, et c'est ça que le ministre du Revenu a transposé dans un texte juridique avec de nombreux articles, M. le Président, et trois axes pour soit le soutien à la consommation, l'accélération des investissements publics et l'appui aux entreprises.

M. le Président, on se souviendra que le gouvernement, pour soutenir la confiance des consommateurs, avait versé un montant supplémentaire de 100 $ par adulte, en décembre 2001, à toutes les personnes qui reçoivent le crédit d'impôt pour la TVQ. Et ça a été un moyen, ça a été un moyen pour soutenir la consommation parce qu'une partie de ces personnes n'avait pu profiter des baisses d'impôt annoncées le printemps dernier, comme l'avait expliqué la ministre, parce qu'ils n'en avaient pas bénéficié. Cette mesure avait aussi l'avantage d'injecter rapidement de l'argent dans l'économie. Donc, le gouvernement avait versé 250 millions, M. le Président, 250 millions à quelque 2 millions et demi de personnes. C'est quand même beaucoup de personnes qui avaient profité de ces mesures, M. le Président.

3 milliards d'investissements publics, c'était le deuxième volet du plan d'action du gouvernement afin d'accélérer un certain nombre de projets d'investissement dans le secteur public. On saura, M. le Président, que le gouvernement avait rajouté un montant de 400 millions, à l'époque, pour la réfection des routes nationales, un montant de 350 millions pour l'amélioration de la qualité de l'environnement et également un budget de 400 millions pour rénover et améliorer les lieux d'enseignement, pour construire de nouvelles écoles, de nouveaux pavillons universitaires, et la ministre avait rajouté 50 millions pour la construction de centres de la petite enfance, immédiatement en 2001, pour pouvoir maintenir un niveau d'activité économique et faire en sorte que les gens ne se découragent pas, M. le Président, également, 500 millions d'investissements supplémentaires que les sociétés d'État se sont engagées à réaliser. Le gouvernement avait injecté également 100 millions dans des infrastructures destinées à la recherche, à la science et à la technologie et 100 millions dans le cadre des équipements culturels. M. le Président, pour le bénéfice de mes collègues, ces documents-là, je pourrai les déposer éventuellement, s'ils en font le souhait ou la demande.

Également, toutes les régions du Québec ont pu bénéficier de ces investissements. Et c'était le troisième volet d'action pour aider les entreprises à traverser une crise qui était difficile à un point qu'on craignait que les investissements ralentissent. Alors, M. le Président, le gouvernement avait apporté une aide immédiate aux PME, aux petites et moyennes entreprises qui avaient un capital versé de moins de 15 millions et on leur accordait un délai supplémentaire pour remettre les acomptes provisionnels d'impôt et de taxe sur le capital du dernier trimestre de 2001, et je pense que le ministre du Revenu est parfaitement au fait de cette situation. Et, à partir de janvier 2002, les entreprises dont les retenues mensuelles n'excédaient pas 1 000 $ pouvaient verser ces remises une fois par trimestre. Donc, on avait allégé les procédures.

n(17 h 10)n

M. le Président, également dans le but de stimuler les investissements privés, le gouvernement, en bonifiant le programme FAIRE, le programme qui permettait le financement de projets majeurs... Ce programme avait été doté d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions en 2001 et 200 millions en 2002-2003, M. le Président. Alors, le programme FAIRE a été prolongé jusqu'en 2005, mais là on pense que, avec les nouvelles que nous apprenons aujourd'hui dans les médias et les intentions du gouvernement, la disparition de La Financière du Québec, le programme FAIRE, bien, ce sera chose du passé, à moins qu'ils ne respectent leurs engagements, les engagements qui ont été pris dans le cadre des différents investissements.

M. le Président, le gouvernement, à l'époque, a agi parce que nous devions agir, et les régions du Québec en ont bénéficié. C'est un budget, M. le Président, qui... Je regarde, la Gaspésie, il y a eu des travaux qui ont été devancés puis d'autres qui ont été accélérés, d'autres qui ont été préparés, et des professionnels, des architectes, des ingénieurs, des techniciens, les gens se sont mis à l'oeuvre, il y avait de la rénovation qui se faisait partout. Quand je regarde le programme d'AccèsLogis, toutes les régions du Québec ont bénéficié d'investissements. Alors, M. le Président, lorsque nous étudions un projet de loi de nature fiscale, il y a toujours des hommes et des femmes qui en bénéficient de ces projets de loi, et notre régime juridique impose à l'État de transcrire dans un texte de loi toutes ces mesures.

Donc, M. le Président, le 400 millions qui a servi pour les consommateurs et le 500 millions pour le logement, ça a fait travailler du monde, ça a fait travailler des gens dans la construction, des entrepreneurs, des jeunes, des moins jeunes. Et on a vu que l'économie du Québec ne s'en est pas trop ressentie des événements du 11 septembre parce que ces mesures sont venues accélérer, fortifier et encourager les travailleurs, les travailleuses, les entrepreneurs. Ceux qui avaient des projets ont continué à préparer leurs projets, ils ne se sont pas découragés, M. le Président. Alors, tout ça pour vous dire que l'économie du Québec s'est bien comportée.

Aujourd'hui, le gouvernement fait, et il continuera de faire des choix politiques, et je souhaite qu'il reconsidère le fait que les mesures pour les régions, les mesures dont bénéficiaient les régions ne soient pas abolies. On a vu que le ministre des Finances a réduit les crédits d'impôt pour les régions ressources. On apprend qu'éventuellement ces mesures qui ont été votées dans ces budgets seront réduites encore une fois. Et je pense, sans partisanerie politique, que le ministre doit évaluer de façon sérieuse les conséquences sur le développement économique des régions. Pour un gouvernement, pour un parti qui se disait le gouvernement des régions, prêt à gouverner, M. le Président, il est important que les régions conservent les acquis que nous leur avons donnés pour assurer leur développement, M. le Président.

Alors, je vais m'arrêter ici. Et nous pourrons certainement revenir éventuellement, dans le cadre d'autres présentations de budgets ou de projets de loi à caractère économique, pour développer davantage, M. le Président, développer davantage sur la nécessité d'aider nos régions du Québec.

Le Président: En vertu de votre droit de réplique, M. le ministre du Revenu.

M. Lawrence S. Bergman (réplique)

M. Bergman: M. le Président, pour répondre à mon confrère le député de Gaspé, il a fait référence à des crédits d'impôt, des programmes où le gouvernement a envoyé des montants de 250 millions de dollars à un programme, 3 milliards dans un autre programme, 450 millions dans un autre programme et dans le but... comme dit mon collègue, pour créer des emplois qui existaient. Alors, pour moi, il se vantait de ces programmes, mais, en fait, c'était de l'argent qui était perdu par l'État pour créer des emplois qui existaient, pour inciter des entreprises pour venir à Québec ou pour s'établir ici, mais, en réalité, c'est des entreprises qui étaient au Québec, et qui ont déménagé d'une rue à l'autre, et qui ont reçu des sommes d'argent incroyables et inattendues par eux.

L'effet de tout ça, c'était un trou dans les finances de cette province, le 14 avril 2003, de 4,3 milliards de dollars, un legs que le gouvernement libéral a reçu du gouvernement précédent. Il parle et dit à nous que ces budgets étaient déposés à cette Assemblée pour stimuler l'économie du Québec. Mais, en fait, le 14 avril 2003, le legs qui a été reçu par notre société était une société qui était la plus taxée en Amérique du Nord, avec des moindres services.

M. le Président, M. le député de Gaspé fait référence aux événements tristes du 11 septembre 2001 et il dit que le budget du 11 novembre 2001 était nécessaire. Mais ce budget était, comme on dit en anglais, un budget «of smokes and mirrors» pour le gouvernement, qui était, dans le temps, hors du contrôle. À ce temps, le 11 novembre 2001, l'actuel chef de l'opposition, qui était à ce temps le premier ministre, cherchait des moyens, pas pour augmenter la cote de crédit de cette province, mais pour augmenter sa cote dans les sondages.

M. le Président, le député de Gaspé a fait référence au ministre des Finances actuel. Et, oui, la référence qu'il devait faire, c'était que finalement on a un ministre des Finances qui va gérer le budget de cette province dans une manière responsable et dans une manière qui va avoir des bénéfices pour tous les citoyens de cette province. Merci, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Est-ce que, en vertu de 213, le ministre du Revenu accepterait que je lui pose une question, une brève question?

Le Président: Alors, est-ce que, M. le ministre du Revenu, vous acceptez que le député de Gaspé... Non.

Des voix: ...

Mise aux voix

Le Président: Alors, le projet de loi n° 10, Loi donnant suite au discours sur le budget du 1er novembre 2001, à l'énoncé complémentaire du 19 mars 2002 et à certains autres énoncés budgétaires, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Alors, j'apprécierais que vous preniez en considération l'article 7 du feuilleton, M. le Président.

Le Président: L'article 7. L'Assemblée reprend les débats ajournés par le leader du gouvernement le 26 novembre 2003...

Mme Roy: M. le Président, c'est parce que je me suis levée... projet de loi n° 10.

Projet de loi n° 32

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Ah! Adopté sur division. Je m'excuse. Adopté sur division. Je m'excuse, Mme la députée.

Alors, je reprends. L'Assemblée reprend le débat ajourné par le leader du gouvernement le 26 novembre 2003 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance concernant les places donnant droit à des subventions.

n(17 h 20)n

Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Il s'agit du porte-parole officiel de l'opposition en matière de faune et parcs. M. le député de Saint-Maurice, la parole est à vous.

M. Claude Pinard

M. Pinard: Merci, M. le Président. Je suis heureux de débuter nos travaux sur le projet de loi n° 32 cet après-midi, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance concernant les places donnant droit à des subventions.

Je vous dis, M. le Président, que je suis heureux de traiter de ce projet de loi, alors que je devrais plutôt vous dire que je suis malheureux d'être obligé d'en traiter. Je suis malheureux parce que, hier soir, à la radio de Radio-Canada, à l'émission de Jean Dussault, ce dernier interviewait un père de famille, un agriculteur de 30 à 35 ans, un agriculteur qui avait trois enfants, un jeune poupon, et également un autre jeune de quatre ans, et son troisième enfant était d'âge de la maternelle. Et ce dernier, bien entendu, s'insurgeait contre le fait que le coût de ses droits, la tarification pour ses deux enfants en garderie, va passer de 5 $ à 7 $, mais également le coût en milieu scolaire, garde scolaire, va également passer, à compter de septembre 2004, de 5 $ à 7 $.

Pourquoi je vous dis que j'étais très malheureux, M. le Président? C'est parce que cette personne a vraiment révélé ce qu'un fort pourcentage de la population pense de la classe politique. Ce dernier disait à M. Dussault: J'ai voté pour la dernière fois de ma vie. J'ai voté parce qu'on m'avait dit telle chose, on l'a écrit, et aujourd'hui on fait le contraire, on se débarrasse d'un engagement politique qui a dirigé mon vote. Et, peu importent les efforts que la présidence, peu importent les efforts que l'Assemblée nationale fera pour améliorer la perception de la population sur ses élus, lorsqu'on dit quelque chose, on se doit de le respecter, de respecter ce qu'on dit et de faire également ce qu'on dit. Et, si aujourd'hui la confiance des gens face à ces élus, face à ces mandataires est si faible, c'est parce que justement on oublie trop rapidement les engagements formels qu'on a pris et qui nous ont fait élire.

Alors, aujourd'hui, j'ai décidé d'intervenir à mon tour sur ce projet de loi pour dénoncer, moi aussi, le fait que, comme l'ont mentionné déjà une trentaine de mes collègues, le fait que, dans un programme électoral bien imprimé, bien distribué, bien cité, on a continuellement rappelé à la population que le coût serait maintenu, mais là on assiste à une hausse, une hausse de 2 $.

Tous ici, nous, tous, nos 125 députés, nous avons les moyens, nous avons les ressources financières pour absorber 2 $ par enfant, ce qui représente, dans le cas de cet agriculteur, une augmentation... 2 $ par jour, c'est 6 $. C'est 6 $ parce qu'il y a 2 $ au niveau scolaire, 4 $ en CPE, donc, ce qui veut dire qu'à la fin de la semaine ce 6 $, on doit le multiplier par cinq; ça fait 30 $. À la fin de l'année, ça représente une somme très importante, une somme importante qu'il va devoir probablement appliquer en réduction de vacances qu'il avait probablement planifiées, ou il va retarder le changement de sa voiture, ou encore va diminuer les coûts d'habillement de ses jeunes enfants parce qu'il va, lui, avoir là une dépense qui va lui revenir jour après jour.

Alors, M. le Président, cette hausse de 2 $ est très, très, très néfaste. Et je voudrais vous lire un article de notre quotidien, chez nous, Le Nouvelliste, qui couvre le Centre-du-Québec et la Mauricie, un article du 22 novembre 2003. C'est une lettre, une lettre ouverte qui a été écrite par Mme Valérie Tremblay. Mme Tremblay ne s'attend sûrement pas à ce que je la cite cet après-midi. Mme Tremblay est une étudiante en communication sociale à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Que nous dit Mme Tremblay? «En lisant l'article sur la hausse des frais de garderie qui grimpent à 7 $ par jour, j'ai avalé ma gorgée de café de travers. Je fais partie de cette masse de parents extrêmement déçus de la décision adoptée par le gouvernement et qui doivent amèrement regretter le choix qu'a fait une minorité lors des élection du 14 avril. C'est 46 % de l'électorat qui a porté ce gouvernement à la tête de la province. Le reste de la population, soit les autres 51 %, a voté soit pour le Parti québécois ou l'Action démocratique. Mais n'oublions pas que 29 % de la population n'a pas voté, donc n'a pas élu un gouvernement qui ne cesse de couper les budgets à droite et à gauche.

«J'étais extrêmement déçue et un peu angoissée d'apprendre que le tarif des garderies passera, en janvier 2004, de 5 $ à 7 $. Je suis une de ces mères qui s'arrachent les cheveux pour boucler le budget dans le contexte actuel. Je suis étudiante à l'université et j'élève seule ma fille de 20 mois. Comme je suis soucieuse de léguer une bonne éducation à ma fille, mon unique revenu, ce sont les prêts et bourses, car la conciliation famille-études-travail est impossible dans un tel cadre sans bâcler un ou sinon plusieurs des domaines de ma vie. De plus, je ne reçois aucune pension alimentaire du père. Je dois donc me débrouiller seule, jour après jour, pour supporter les dépenses qui sont normalement assumées à deux dans une famille nucléaire.

«Loin de moi l'idée de faire pleurer qui que ce soit sur mon sort. Avant de retourner à l'école, à l'université, j'étais consciente du prix à payer pour réaliser mon rêve. Je trouvais que les bénéfices de mon labeur supplantaient largement les efforts et les sacrifices auxquels je devais consentir pour les prochaines années. Cependant, je ne peux nier que ma réalité est difficile et que bien des jeunes ne survivraient pas dans ces conditions.

n(17 h 30)n

«Dans ce contexte, je peux vous assurer que la hausse de 2 $ par jour des frais de garde m'affecte énormément. Pour bien des gens qui font un bon salaire, 2 $, c'est bien peu. Cependant, dans mon cas, c'est 10 $ par semaine supplémentaires que je dois trouver afin de continuer sur la voie que j'ai empruntée. J'étais bien d'accord avec une hausse des tarifs en milieu de garde, mais selon le mode de financement fixé en fonction du revenu familial. Je suis loin d'être en accord avec cette hausse universelle.

«Je comprends aisément le désarroi de ces femmes monoparentales, mères de deux ou trois enfants, qui désirent participer à l'effort collectif en préférant travailler à petit salaire au lieu de rester chez elles à profiter du système. Si elles pleurent de découragement, constatant l'insuffisance de ressources pour élever leurs enfants à la hauteur de leurs aspirations, et qu'elles commencent à croire qu'il serait plus profitable de rester à la maison afin d'être présentes au moins quand les enfants rentrent de l'école, je comprendrai leur amertume et je ressentirai même de la compassion pour elles. Mais le présent gouvernement tente de faire croire aux petites gens à faibles revenus qu'il tente de les aider et au reste de la population qu'il veut diriger le Québec vers l'avancement social.

«Ce n'est pas en augmentant les frais de garderie pour tous que l'on prouve aux parents à faibles revenus qu'on est reconnaissant de leur présence sur le marché du travail, puisqu'ils paient également des impôts. Ce n'est pas non plus en ne réinvestissant pas dans l'éducation et en sabrant dans les prêts et bourses qu'on démontre aux jeunes tout l'appui qui leur est nécessaire, puisque ce sont eux qui forment la relève et les présents et futurs pourvoyeurs de l'État. Ce n'est pas en se mettant à dos tous les groupes de défense des droits sociaux qu'on peut s'assurer, en tant que premier ministre et chef du gouvernement, d'un renouvellement de mandat.»

Cette lettre: Valérie Tremblay, étudiante en communication sociale à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Et, sur le document, elle est posée avec sa jeune fille, Frédérique, de 20 mois.

Je pense, M. le Président, que cette dame, que cette jeune fille, Valérie Tremblay, lance un appel à la compassion, lance un appel au gouvernement, lance un appel en disant: Écoutez, attention, attention, nous n'avons pas tous les moyens d'assumer cette hausse de 2 $. Ce message, je le reçois avec le message qui nous est issu, hier, de l'émission de M. Dussault, à la radio de Radio-Canada, de cet agriculteur de trois enfants. Et je suis inquiet, M. le Président, parce qu'on sait que dans notre société le salaire moyen est environ de... entre 25 000 $ et 35 000 $. Très peu de citoyens, citoyennes gagnent au-delà de 100 000 $. On sait que le Québec ne peut se développer que si on favorise une politique familiale, que si on donne à la disposition des mères, des familles toutes les avenues possibles pour faire en sorte que les enfants... pour faire en sorte qu'ils aient le goût de faire des enfants, d'abord, et que ces enfants soient pris en charge par le milieu familial, oui, mais également par la société.

Et je me rappelle très bien, M. le Président, des discussions que nous avons eues lors du dépôt de la loi, qui était déposée par Mme la ministre, à l'époque, de la Famille, Mme la députée de Taillon, sur les garderies. Je me rappelle très bien que, à l'intérieur des caucus, probablement de l'opposition également, mais du gouvernement, à l'époque, on se demandait franchement si, le fait d'instaurer des centres de petite enfance, des services de garderie, on allait dans la bonne direction. Il y avait à ce moment-là des pressions qui étaient exercées. Beaucoup de gens nous disaient: Il faut que les enfants demeurent à la maison.

J'ai personnellement fait mon choix lors d'un déjeuner de la présidence où nous avions reçu, à l'époque, un des spécialistes dans le domaine, qui est aujourd'hui même parmi nous, le député de Vachon, qui nous avait donné une conférence sur les centres de petite enfance et sur les résultats que ça nous donnait, parce qu'à l'époque il y avait eu des projets-pilotes exercés dans certains secteurs les plus défavorisés de Montréal, et il nous expliquait qu'un enfant issu d'un milieu défavorisé avait une lacune épouvantable face à un enfant qui était issu d'un milieu plus aisé. Et, lorsque l'enfant quittait son milieu pour se rendre en CPE, cet enfant, de par le travail des éducatrices, de par le travail des professionnels, cet enfant pouvait véritablement progresser et avoir autant de chances dans la vie qu'un enfant qui pouvait être issu de nos milieux. Et c'est à ce moment-là que, moi, j'ai pris ma décision formelle de dire: Si ce réseau-là permet à des enfants de milieux démunis, à des enfants d'avoir une chance égale à la chance que, moi, j'ai eue, à la chance que, nous tous, nous avons eue dans nos milieux respectifs, bien, à ce moment-là, je ne peux pas m'objecter à mettre en place un tel réseau. Et je crois sincèrement que la création des centres de petite enfance, le soutien gouvernemental qu'on leur a donné, l'augmentation des places, les places qui se sont développées année après année et qui vont continuer à se développer, ce sera, dans 10 ans ou 15 ans, reconnu au même titre que la Loi d'assurance maladie est aujourd'hui reconnue, comme étant une des meilleures législations que le Québec se sera données.

Alors, M. le Président, je vous ai dit à quel point ce projet de loi me bouleversait. Il me bouleverse parce que ce sont les plus démunis de la société qui vont avoir à payer la facture de cela. Ce sont ces enfants-là qu'on va mettre de côté. Au Québec, il fut un temps où, si tu étais fils de journalier, tu ne pouvais jamais prétendre et aspirer à suivre... et à sortir d'une université. C'était réservé à une élite. C'était réservé à une classe. Le gouvernement du Parti libéral, dans les années soixante, a donné ouverture à tous les enfants du Québec, à tous les étudiants du Québec de bénéficier des mêmes avantages que les enfants issus d'une certaine classe sociale. Pourquoi aujourd'hui, pourquoi aujourd'hui on veut saccager cette orientation? Pourquoi aujourd'hui on ne veut point donner une chance égale à un enfant issu d'un milieu démuni? Pourquoi?

M. le Président, je sais, j'ai seulement 20 minutes, mais je terminerai tout simplement... J'ai complètement sorti de mon texte, vous m'excuserez, mais je vais terminer tout simplement en vous citant un article du Devoir, 22 novembre 2003. Pas l'article au complet. C'est un article qui a été écrit par Michel David. Michel David termine son article en disant: «"La compassion, chers amis, ce sera le mot d'ordre, le cheval de bataille du Parti libéral du Québec", avait dit son chef, au lendemain des élections de 1999, après avoir constaté que le modèle Harris n'était pas très populaire auprès des Québécois. La sinistre farce continue. Après les femmes, après les enfants, qui seront les prochaines victimes de la compassion libérale?» Merci, M. le Président.

n(17 h 40)n

Le Président: Merci, M. le député de Saint-Maurice. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: À ce stade-ci de nos travaux et en vertu de l'article 100 de notre règlement, je fais une motion d'ajournement du débat, M. le Président.

Le Président: La motion d'ajournement du débat est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Alors, j'apprécierais, M. le Président, que vous suspendiez nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président: À votre demande, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures. Bon appétit à vous tous!

(Suspension de la séance à 17 h 41)

 

(Reprise à 20 h 7)

La Vice-Présidente: Mmes, MM. les députés, bonsoir. Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 9 du feuilleton.

Projet de loi n° 34

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Alors, à l'article 9, M. le ministre du Développement économique et régional propose l'adoption du principe du projet de loi n° 34, Loi sur le ministère du Développement économique et régional. Alors, je serais prête à reconnaître un premier intervenant. M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, il me fait plaisir aujourd'hui de m'adresser à vous et à cette Chambre pour parler du projet de loi n° 34, projet de loi créant le ministère du Développement économique et régional et également modifiant la gouvernance des institutions au niveau des régions et des CLD.

Le projet de loi n° 34 est important pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il consacre la fin d'un amalgame malsain entre une institution majeure en termes de gouvernance de l'appareil de l'État, qui, évidemment, est très important ? c'est le ministère des Finances qui était donc auparavant... où étaient auparavant concentrées à la fois des fonctions de gouvernance et donc de développement ? et une institution majeure en termes d'intervention dans l'économie, donc les ministères de l'Industrie, Commerce, le ministère du Développement régional, le ministère du Tourisme et le ministère de Recherche, Science et Technologie, donc qui forment maintenant le ministère du Développement économique et régional. Désormais, le ministère des Finances ne sera plus juge et partie... en ce qui concerne l'intervention de l'État dans l'économie, comme ce fut le cas à la fin du dernier gouvernement péquiste.

D'autre part, le projet de loi réaffirme, pour ceux qui douteraient d'une évidence, que le gouvernement régional est une composante majeure du développement économique, qu'il est essentiel que toutes les régions exploitent leur plein potentiel et que le gouvernement du Québec leur fournisse les meilleurs outils possible pour y arriver.

Il en va de même du développement technique et scientifique qui est de plus en plus identifié comme le moteur de la croissance de la productivité et, en conséquence, de la compétitivité. Donc, le rapprochement de Recherche, Science et Technologie et du ministère de l'Industrie et du Commerce sera évidemment... facilitera beaucoup le développement de synergies pour développer la compétitivité et l'innovation, donc, de nos entreprises.

n(20 h 10)n

Pour modifier la gouvernance des instances locales et régionales relevant donc du nouveau ministère du Développement économique et régional, notre gouvernement a choisi ? et ça, c'est fondamental dans le débat qui va nous animer dans les prochaines semaines, a choisi ? donc de faire confiance aux élus municipaux et de faire confiance aux régions. En agissant ainsi, notre gouvernement ne fait que se conformer aux choix des citoyens et aux exigences élémentaires de notre système démocratique. D'autre part, tout en respectant comme il se doit le processus démocratique et le pouvoir décisionnel des élus, notre gouvernement a voulu répondre aux souhaits d'un nombre important d'organismes et de citoyens. Ces citoyens veulent participer plus étroitement au développement de leur communauté et souhaitent faire entendre leur voix de façon plus systématique. Il appartiendra aux élus locaux de faire une place à ces citoyens dans les instances locales et régionales. Notre gouvernement estime en effet que ce sont les élus locaux qui sont les mieux placés pour décider de la pertinence et de l'ampleur de cette participation.

En laissant ce pouvoir aux élus locaux, notre gouvernement confirme la primauté de la démocratie formelle dans le fonctionnement de nos institutions locales et régionales. Il laisse s'exercer la démocratie participative et la souhaite même, au niveau local bien sûr, mais évite de tomber dans le corporatisme et le clientélisme. Notre façon de faire confirme également notre volonté de notre gouvernement de construire le développement régional en tenant compte bien davantage des besoins, des actions et des propositions des populations locales.

D'ailleurs, ma collègue la ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme aura l'occasion, certainement, de nous faire part des échos qu'elle a actuellement à travers les régions du Québec, où elle poursuit un travail extraordinaire pour informer justement les gens de ce projet de loi.

La confiance accrue que nous faisons aux élus locaux a également son revers, c'est-à-dire une imputabilité accrue. Le gouvernement du Québec, comme vous le savez, confie des centaines de millions de dollars aux instances locales et régionales de développement et, en conséquence, il doit compter sur des gestionnaires imputables. On invoquera ici que les gestionnaires actuels sont imputables, et c'est vrai si on se réfère à leur rapport au gouvernement du Québec. Cependant, ce type d'imputabilité se compare davantage à celui de fonctionnaires, évidemment, de l'État qu'à celui des élus. Ce qui veut dire que cette imputabilité porte essentiellement sur des engagements contractuels plutôt que sur la satisfaction des citoyens. Cette différence est d'autant plus importante que les communautés locales sont appelées à fournir une partie du financement.

Je me permets à cet égard de citer un extrait d'un article de Jean-Pierre Collin de l'INRS-Urbanisation, donc un universitaire, dans la revue Organisation de l'hiver de 1998, et je le cite: «Au nom d'un meilleur arrimage à la vie ou à la dynamique communautaire, on a assisté, ces dernières années, surtout depuis la fin des années quatre-vingt, au bricolage de structures de toutes sortes, dans lesquelles on tente de faire cohabiter des élus et des non-élus.» Et il concluait: «Il y a, à mon sens, un danger de perdre ce qu'on pourrait appeler la fibre démocratique, puisque l'on confie à de non-élus, des individus qui n'ont pas vraiment d'imputabilité par rapport aux citoyens en général, des portions de gestion de l'État et de budgets publics.» Fin de la citation.

Bref, au-delà de la reddition de comptes formelle qui peut leur être imposée par l'État, les élus locaux, comme les élus de l'Assemblée nationale, doivent faire face périodiquement à la reddition de comptes ultime qu'imposent les règles d'une société démocratique. Et, là-dessus, je me permets de dire que la base de notre projet de loi, c'est que nous comptons justement sur la démocratie locale pour à la fois appuyer ou sanctionner les élus locaux dans les décisions qu'ils prendront à la fois au niveau régional et au niveau local. La structure décisionnelle qui est proposée ici, tant pour les CLD que pour les conférences régionales d'élus, a la grande qualité donc de lever toute ambiguïté quant à savoir ce qui a été décidé... pardon, qui a décidé, qui décide et qui a décidé. Cette question est fondamentale tant pour la clarification des mandats des élus des deux niveaux de gouvernement, mais aussi pour permettre aux citoyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur la conduite des affaires qui les concernent.

À cet égard, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est un début de réponse aux attentes exprimées depuis de nombreuses années en matière de décentralisation. Nous mettons en place avec ce projet une structure qui offre une foule de possibilités nouvelles. Les MRC auront désormais un mandat clair en matière de services aux entreprises et disposeront d'ores et déjà d'un organisme pour dispenser ces services. Le transfert de responsabilités et de ressources aux MRC est donc énormément facilité.

Ce transfert de responsabilités s'impose pour plusieurs raisons. D'une part, il faut rapprocher les services des citoyens et les livrer au meilleur coût. En dépit de tous les efforts des gouvernements, il y a encore beaucoup à faire en cette matière. D'autre part, dans beaucoup de domaines, les programmes gouvernementaux bénéficiaient d'une adaptation aux réalités locales et régionales. Cette adaptation serait évidemment impossible à définir et à gérer centralement. Seuls les instances locales ou des services gouvernementaux déconcentrés, donc des services du gouvernement, donc, servis en région en fonction des besoins des régions et jouissant d'une certaine autonomie, peuvent y arriver.

Finalement, sans tomber dans la philosophie ou la psychologie sociale, il faut bien constater que l'accélération, donc, du phénomène de la mondialisation de l'économie laisse des signes assez profonds parfois chez beaucoup de citoyens qui se sentent un peu menacés et qui ont besoin d'un appui au niveau local. Ces citoyens déplorent que ce processus passe au-dessus de leur tête, qu'ils n'ont rien à dire et qu'il n'y a rien à faire pour contrer, donc, ce qu'ils considèrent comme étant un rouleau compresseur. Dans ce contexte, il appartient donc aux gouvernements supérieurs, et au gouvernement du Québec particulièrement, de créer de nouvelles zones de confort pour les citoyens, surtout en matière économique. Ces zones de confort doivent correspondre chez nous aux instances municipales, donc des instances où les gens se retrouvent, des instances où les gens également peuvent exprimer leurs besoins en fonction de leur milieu de vie. Ce sont ces communautés locales qui peuvent le mieux harnacher le dynamisme des citoyens et des entreprises, pour une meilleure prise en main de leur avenir.

À cet égard, la responsabilisation des communautés locales à l'endroit du développement économique est primordiale, et notre gouvernement est prêt à assumer sa part des coûts qui y sont associés. En plus de contribuer financièrement au développement de l'entrepreneurship local, au démarrage d'entreprises, au soutien de l'innovation et au développement des marchés, notre gouvernement est disposé à adapter ses stratégies de développement aux particularités locales et à revoir, le cas échéant, certaines réglementations qui peuvent avoir des effets pervers sur les économies locales et régionales. Enfin, nous sommes également disposés à aider les régions à plus de rigueur dans la définition des problèmes qui les confrontent et dans les solutions qu'elles peuvent mettre de l'avant pour progresser.

Évidemment, la décentralisation et la déconcentration des activités du gouvernement ne régleront pas tous les problèmes du jour au lendemain, et tout ça ne se fera pas en un jour. Et justement, nous avons prévu y aller par étapes. Donc, la proposition que nous faisons, c'est la première étape, c'est-à-dire la réforme donc de la gérance au niveau des institutions locales. Comme on le sait, il y aura, par la suite, une deuxième phase et même une troisième phase, et certainement qu'on sera en mesure de donner plus d'explications plus tard à cet égard, pour ce qui a trait, donc, à la deuxième et à la troisième étape.

Cette décentralisation progressive et sur mesure donc se fera dans les prochaines années, comme on a prévu, d'ici la fin du mandat. Donc, il faut prévoir pour ça le temps de discussion nécessaire pour convenir des responsabilités que les élus locaux sont prêts à assumer. Le gouvernement a l'intention d'amorcer sa démarche de décentralisation dans le domaine du développement économique et du soutien aux entreprises. Dans un premier temps et dès maintenant déjà, les ministères concernés, donc le ministère du Développement économique et régional, le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, le ministère des Transports, celui de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, le ministère de l'Agriculture, sont en train d'examiner précisément leurs programmes et de voir dans quelle mesure un certain nombre de projets et d'activités ne pourraient pas être mieux gérés au niveau local et au niveau régional. En cours de route, certainement, d'autres ministères viendront joindre les rangs et déposeront des propositions de décentralisation ou d'initiatives conjointes. La décentralisation pourra alors s'étendre à plusieurs autres domaines d'action gouvernementale.

n(20 h 20)n

Mme la Présidente, je suis convaincu donc que les élus municipaux et les représentants, donc, dite de la société et des différents groupes dans les régions, qu'on a l'habitude d'appeler la société civile, dont ils voudront bien s'entourer relèveront le défi que nous leur offrons pour un développement plus rapide et plus harmonieux de leur communauté. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le ministre. Je suis maintenant prête à céder la parole à un prochain intervenant, le député de Blainville et porte-parole pour l'opposition officielle en matière de régions et vice-président de la commission de l'aménagement du territoire. M. le député.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Merci, Mme la Présidente. Alors, nous en sommes ce soir à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 34, donc le projet de loi sur le ministère du Développement économique et régional. Alors, dans un premier temps, Mme la Présidente, on peut peut-être essayer de faire comprendre aux gens qui nous écoutent qu'est-ce que c'est que ce projet de loi n° 34, et peut-être que le meilleur moyen pour saisir initialement qu'est-ce que c'est, bien, c'est de lire peut-être les notes explicatives, parce qu'on va voir qu'il y a carrément deux choses assez différentes dans ce projet de loi.

D'abord, ce projet de loi institue le ministère du Développement économique et régional. À cet effet, le projet de loi définit la mission du nouveau ministère du Développement économique et régional en y intégrant les fonctions qui étaient exercées par le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie et le ministre des Régions.

Dans un deuxième temps, ce qui est assez différent d'ailleurs, il ? le projet de loi ? institue de nouvelles instances locales et régionales, dont les conférences régionales des élus. Alors donc, deux interventions majeures: la création d'un nouveau ministère du Développement économique et régional et la création d'une nouvelle structure locale et régionale de gouvernance.

Le nouveau ministère, si on regarde ce que ça signifie, Mme la Présidente, bien, essentiellement, c'est une réorganisation de différents secteurs que notre gouvernement, antérieurement, jugeait que ces secteurs étaient suffisamment importants pour être des ministères. Par ailleurs, le gouvernement libéral, lui, a décidé de fusionner ces différents ministères, je vous le rappelle: Industrie et Commerce, ministère des Régions, Recherche, Science et Technologie et également Tourisme Québec, à l'intérieur de tout cela.

Alors, quelles sont les premières conséquences de cette première décision? Bien, évidemment, le ministère des Régions a plus ou moins disparu, c'est-à-dire qu'il a été intégré au Développement économique et régional. Bon, les gens d'en face diront qu'il n'est pas disparu, mais on va vous dire un petit peu aussi quelles ont été les conséquences de tout ça. C'est que, dans un premier temps, c'est une approche, au niveau des régions, qui est évidemment essentiellement économique, puisqu'on est passé d'un ministère des Régions où on retrouvait nommément chacune des régions du Québec qui, par exemple, avait un sous-ministre en titre dans chacune des régions, et ça, très rapidement, le nouveau gouvernement a décidé de faire disparaître ça.

Je me souviens, je pense que c'était à peine quelques jours après l'élection du 14 avril, les sous-ministres en titre dans les régions du Québec, hop là! ils sont disparus. Et donc, une approche évidemment essentiellement économique contrairement à une approche plus globale. Quand on parle d'un ministère des Régions, bien, c'est une approche plus intégrée, plus globale, où on retrouve des enjeux à la fois du côté de la santé, de l'éducation, de la culture, de l'environnement et, évidemment, bien entendu, du côté du développement économique. Mais ça, ça a été changé, et là le ministère des Régions est maintenant intégré dans cette notion de développement économique et régional.

Autre conséquence. Quand il y a des intégrations, des fois il y a comme de l'argent, des budgets qui, comme les sous-ministres, disparaissent, et ça a été le cas, ça a été le cas lors du premier budget du gouvernement libéral. Bien, une réduction importante des argents qui étaient dévolus aux régions, qui sont disparus, 23 %. La pire coupure du premier budget libéral, ce sont les régions qui l'ont subie parce que, évidemment, le total du budget des régions et d'Industrie et Commerce, en 2002-2003, c'était 759 millions, et là ça a été réduit à 581 millions, une diminution de 178 millions, une diminution de 23 %. Alors, ça, évidemment, le projet de loi n° 34... C'est quoi, le rapport avec le projet de loi n° 34? Bien, le projet de loi n° 34, il vient confirmer quelques mois plus tard, par législation évidemment, la décision qui avait été prise très rapidement par le gouvernement.

L'autre intervention majeure, évidemment, elle est d'un tout autre ordre. On parle ici d'une nouvelle structure de gouvernance locale et régionale, donc une réorganisation de cette gouvernance au niveau local et régional. Qu'est-ce que l'on va voir dans ce projet de loi? Évidemment, on va le regarder de plus près. Bien, on voit du remplacement de structure par une autre structure. Le nouveau gouvernement a beaucoup parlé de simplifier les structures, mais on va voir, à l'examen, qu'on change quatre trente-sous pour un dollar. Remplacement de structure par une autre structure, le principal changement, par ailleurs ? et il est important ? étant un plus grand pouvoir aux élus municipaux mais accompagné, par ailleurs, d'un affaiblissement de la participation de la société civile, des élus scolaires, des chefs autochtones et même des députés. On y reviendra. Donc, le projet de loi n° 34 comprend deux volets très différents: un premier volet de réorganisation administrative interne des ministères et un deuxième volet, complètement différent, d'une nouvelle gouvernance locale et régionale.

C'est quoi, Mme la Présidente, et c'est peut-être important de le dire pour celles et ceux qui nous écoutent, c'est quoi, l'étape de l'adoption du principe? Bien, quand nous procédons à l'adoption du principe, le débat doit porter, et je cite notre bible, La procédure parlementaire du Québec, le débat doit porter exclusivement sur, d'abord, l'opportunité du projet de loi, sa valeur intrinsèque ou tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins. Alors, Yvon Deschamps dirait: «Qu'osse ça donne, le projet de loi 34?» C'est un petit peu ça qu'on va essayer d'expliquer aux gens ce soir. Qu'est-ce que ça implique? Quels sont les impacts, les effets dans la vraie vie, en région, du projet de loi n° 34?

Alors, première constatation, Mme la Présidente, première conséquence du projet n° 34, une première conclusion: réingénierie oblige, c'est une autre crise de structurite aiguë du gouvernement libéral. Le gouvernement remplace une structure par une autre. Quand on regarde le projet de loi n° 34, à l'article 96, par exemple, bien, la nouvelle Conférence régionale des élus, la CRE, va remplacer le conseil régional de développement, les CRD. Donc, une structure qui en remplace une autre.

Quand on regarde l'article 90, si on va au niveau local, bien, c'est un petit peu beaucoup la même chose, et là, les CLD ? tenez-vous bien, Mme la Présidente ? les CLD vont remplacer les CLD. Quelque chose, là, au niveau de la simplification et de l'élimination de structures. Il n'y en a pas, de simplification de structure, et il n'y a surtout pas de réduction de structures.

Mais, par ailleurs, ce que le projet de loi n° 34 fait, c'est qu'il met en danger la dynamique de concertation et de collaboration en relançant un débat de structure, justement, une lutte de pouvoir. En effet, le gouvernement pave la voix à la chicane en mettant les élus municipaux dans une position très inconfortable, Mme la Présidente, de devoir eux-mêmes éliminer une grande partie de leurs partenaires socioéconomiques avec qui ils travaillent présentement dans chacune des régions du Québec.

Oui, le projet de loi donne plus de pouvoir aux élus municipaux mais les force à décider quels secteurs seront éliminés dans la concertation régionale. Actuellement, Mme la Présidente, c'est important de dire aux gens que, sur les CRD existants et les CLD existants, on retrouve déjà et les élus municipaux, bien entendu, les élus scolaires, les chefs autochtones, les députés, mais aussi les représentants de ce qu'on appelle ? et M. le ministre y a fait référence ? de ce qu'on appelle la société civile. La société civile, ça fait un peu, là, théorique, tout ça, et une notion que peut-être les gens ne réalisent pas qu'est-ce que ça veut dire. Ce n'est pas une structure, la société civile, là, c'est du vrai monde.

n(20 h 30)n

Et là j'ai une liste ici, Mme la Présidente, de 18 secteurs majeurs, 18 représentants de la société civile, et je vais les nommer. On a une heure, là, je vais les nommer. Développement économique: entrepreneurs, chambres de commerce, et ainsi de suite, entreprises, évidemment. Secteur communautaire: tous les gens impliqués dans le secteur communautaire; on le sait tous, les députés, dans chacun de nos comtés, c'est fascinant de voir tout le beau travail qui se fait par les gens impliqués dans le secteur communautaire. Les coopératives, le secteur de l'économie sociale, l'éducation, la santé, les partenaires du marché du travail, nos partenaires du milieu syndical, les gens de l'agriculture, l'UPA, qui a des instances régionales. Les gens des ressources naturelles: secteur de la forêt, secteur des mines. La culture ? imaginez, là, dans ma liste, je suis rendu en 11e ? culture, environnement, tourisme, loisirs et sports. Et, évidemment, également des représentantes et des représentants de différentes catégories que l'on retrouve dans notre société, des gens... On doit s'assurer que ces gens sont représentés, nommément des représentantes de groupes de femmes, évidemment, les représentants des groupes de jeunes, les représentants des groupes des aînés et, évidemment, également les représentants de nos amis des nations autochtones.

Et j'aimerais, justement, pour continuer d'expliquer un petit peu c'est quoi, le rôle de la société civile, vous citer un texte ici de Michel Venne, qui s'y connaît en la matière, un extrait d'un discours prononcé lors de la conférence inaugurale des rencontres internationales de l'ENAP, et qui nous dit: «La reconnaissance d'un rôle à la société civile découle d'une préoccupation de répondre au scepticisme grandissant des citoyens face à l'État en leur faisant une place plus grande, à ces citoyens, au sein du même processus de décision politique. Il s'agit de prendre les moyens pour reconstruire des liens entre les citoyens et les institutions, d'aménager des passerelles, de se mettre à l'écoute des préoccupations des gens. Il s'agit aussi de contrer le désengagement social, de combattre l'apathie des citoyens et leur indifférence face à la chose publique.»

La nouvelle structure, Mme la Présidente, prévoit, malheureusement, aura comme conséquence une réduction majeure de la participation de ces partenaires socioéconomiques. Au moins la moitié de la liste que je vous mentionnais devra être laissée de côté, devra être éliminée, et, en plus, ce sont les élus municipaux qui vont avoir l'odieux de faire ce choix, sous prétexte, Mme la Présidente, que le gouvernement libéral fait confiance aux élus municipaux. Mme la Présidente, ce n'est pas de faire confiance aux élus que de leur faire porter l'odieux d'éliminer des partenaires.

Et, parlant de confiance aux élus, je veux être clair là-dessus, Mme la Présidente, parce que, de façon très démagogique, le gouvernement a laissé entendre que nous ne faisions pas confiance aux élus municipaux dans ce dossier. Faux, faux, archifaux. Non seulement nous faisons confiance aux élus, mais, de ce côté-ci, en plus, nous faisons confiance aux villes, aux nouvelles villes.

Le débat sur le projet de loi n° 9 sur les défusions... Nous avons défendu et nous continuons de défendre avec véhémence les maires de toutes les municipalités, les grandes, les moyennes et les petites, qui sont venus eux-mêmes défendre l'avenir de leurs villes, de leurs nouvelles villes. Je ne pense pas qu'on puisse dire la même chose de l'autre côté de la Chambre, Mme la Présidente, parce que le projet de loi n° 9 sur les défusions, bien, il vient bloquer, il vient hypothéquer, paralyser le développement régional, puisque là le fondement du développement va être, avec le projet de loi n° 34, de plus en plus la municipalité, et là, bien, le fondement, il peut être complètement déstabilisé, au cours des prochains mois, peut-être même prochaines années ? parce que ça va être long, le processus de défusion ? déstabilisé par les défusions.

Nous, de notre côté, nous faisons vraiment confiance aux maires et à leurs nouvelles villes, et c'est pour cela que nous voulons les maintenir en place, les nouvelles villes, telles quelles, et commencer le plus rapidement possible à bâtir, à développer et non pas à jouer dans les structures. Mais non, les régions sont prises, pas dans un débat de structures, dans deux, un double débat de structures: d'abord, réinventer des structures locales et régionales existantes, et déconstruire les villes existantes. Tout un progrès, Mme la Présidente!

Pendant ce temps, pendant qu'on discute de structures, les maires nous l'ont dit à plusieurs reprises, les partenaires aussi de la société civile, le développement régional, il est au ralenti, presque paralysé. On ne développe plus, on joue dans les structures. Les CRD et les CLD sont en mode pause, transition, survie. On leur a dit, au printemps dernier: On vous renouvelle pour un an seulement, alors que, évidemment, ils faisaient du développement basé sur trois ans. Bien là, depuis huit mois, bien, ils sont en attente, ils ne savent pas trop à quoi s'attendre, donc le développement en souffre. Tout cela arrive après que plusieurs mesures d'aide aux régions aient été coupées dans le budget Séguin. J'en ai parlé tout à l'heure, une réduction de 23 % ? la réduction record ? les fonds locaux d'investissement qui ont été arrêtés ? moratoire ? les crédits d'impôt pour les régions réduits, les CNE abolis ? ça créait des emplois en région; on les abolit ? et, pour compenser tout ça, bien, aucune nouvelle mesure, ce qui m'amène à la deuxième grande conclusion à l'égard du projet de loi n° 34, Mme la Présidente.

Le projet de loi n° 34 ne donne aucun contenu, aucune substance réelle à ce qu'il est supposé faire, c'est-à-dire la décentralisation en région. Le projet de loi n° 34, ce n'est pas de la décentralisation. Et parlons-en, de la vraie décentralisation. D'abord, qu'est-ce que c'est? Bien, d'abord, c'est ce que les régions souhaitent, c'est ce qu'on peut dire, et c'était d'ailleurs une des grandes conclusions du Rendez-vous des régions. Et j'aimerais justement à ce moment-ci vous citer une des conclusions du Rendez-vous des régions, qui dit ceci ? le Rendez-vous des régions, où on fête pour ainsi dire le premier anniversaire, et on disait ceci: «Le défi consiste à aller plus loin dans la prise en charge des leviers de développement par les régions et à décentraliser les pouvoirs et les responsabilités exercés par le gouvernement. Cette nouvelle forme de gouvernance impose aux régions qu'elles soient davantage responsables de leurs choix et de leurs actions. Quelle que soit la forme que prendra le nouveau partenariat entre l'État et les régions du Québec, il devra se réaliser dans le respect de leurs spécificités et les structures actuelles.» Alors, ça, c'était une des conclusions du Rendez-vous des régions. Donc, on n'a rien inventé, là, de l'autre côté.

Cette opération de décentraliser effectivement consiste à confier des fonctions, des pouvoirs, des responsabilités, et je dirais même surtout des moyens. Les mots-clés dans tout ça, ce sont «nouvelles responsabilités» et «nouveaux moyens». Et, quand on parle de nouveaux moyens, on parle évidemment de nouvelles sources de revenus. Le projet de loi n° 34 ne dit rien là-dessus, il ne dit rien sur l'essentiel. En fait, le gouvernement fait sa démarche dans le sens contraire du bon sens. En effet, la démarche logique, quand on veut implanter un changement majeur comme celui-là, bien, c'est à peu près toujours la même démarche. D'abord, on définit l'objectif, ce qu'on veut changer, c'est-à-dire les nouvelles responsabilités confiées aux régions. On va décentraliser quoi? Après ça, bien, on définit les ressources, l'argent dont on a besoin justement pour que les régions puissent assumer ces nouvelles responsabilités. Après ça, bien, on consulte à nouveau sur la faisabilité dans le temps pour assumer une période de transition qui ne vient pas retarder le développement actuel. Et enfin, Mme la Présidente, justement à la fin du processus, on évalue la nécessité ou non d'améliorer et de modifier les structures qui vont permettre de mettre en oeuvre le plan.

n(20 h 40)n

Les structures, normalement, Mme la Présidente, elles viennent en dernier, pas en premier comme dans le projet de loi n° 34. Plusieurs maires nous ont dit: On est contents d'avoir plus de pouvoirs, mais ce n'est pas ça, l'essentiel. Le pouvoir de faire quoi et surtout avec quel argent neuf? La décentralisation peut aussi être la décentralisation des factures, Mme la Présidente, et c'est ce qui inquiète les élus municipaux, parce que là ils ne savent pas dans quoi ils s'embarquent. Ça pourrait être encore plus de factures pour les maires. Les maires ne le disent pas trop fort, et on les comprend, mais ils sont inquiets. Déjà, ils ont besoin d'argent neuf dans leurs responsabilités actuelles. Qu'on pense juste aux infrastructures municipales. Là, le gouvernement veut leur donner plus de responsabilités. On ne sait pas lesquelles et on ne sait pas avec quel argent.

Ce projet de loi sur les structures ne traite pas de l'essentiel et surtout est tout à fait prématuré. D'ailleurs, la ministre parle elle-même de mise en oeuvre et de concrétisation essentiellement au printemps 2005. Qu'est-ce qui presse donc tant que ça à jouer dans les structures? Est-ce que ce serait surtout l'engagement électoral qui motive le nouveau gouvernement? Dans le document de promotion du projet de loi, en page 19, on peut lire: «Sous réserve de l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale, le gouvernement sera en mesure de respecter son engagement de mettre sur pied les CRE dans un délai de 12 mois suivant son élection.» Est-ce que c'est ça, l'urgence de respecter l'engagement électoral? Parce que, si c'est simplement ça, pensez donc à votre engagement électoral sur les centres de la petite enfance: il a changé de 40 %. Vous pouvez peut-être retarder les CRE de 40 %.

Le véritable problème dans la façon incohérente de faire du gouvernement, c'est que ce gouvernement, Mme la Présidente, le prétendu parti des régions, n'a pas de plan d'action pour les régions. Je vous rappelle que, le 29 octobre dernier, nous avons présenté une motion importante en cette Chambre exigeant du gouvernement qu'il présente justement d'urgence un plan d'action global pour le développement des régions. Le gouvernement d'ailleurs a accepté notre motion ? vu qu'il n'avait pas de plan, c'était une bonne idée d'accepter la motion ? et reconnu qu'il n'en avait pas, de plan, qu'il fallait en faire un. Mais il n'a pas reconnu la notion d'urgence. Et là-dedans on proposait essentiellement une dizaine d'actions très précises pour justement jouer un rôle le plus constructif possible. Je vous en mentionne quelques-unes pour un plan d'action.

Fixer des objectifs de développement régional en termes d'investissements et de création d'emplois. Est-ce qu'on voit ça à quelque part? Non, aucun chiffre, rien de chiffré. Établir des mesures pour contrer l'exode des jeunes. A-t-on entendu parler de quelque chose dernièrement? Pas vraiment. Préciser les nouveaux mandats régionaux issus de la décentralisation entreprise et l'aide financière qui y est consacrée. On n'a pas ça. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Il y en a cinq ou six autres de la sorte.

Le gouvernement est encore, Mme la Présidente, huit mois plus tard, dans des énoncés très généraux. Le seul endroit où il est précis, c'est sur les structures. Il dit, le gouvernement ? et j'ai entendu le ministre responsable dire ça ? qu'il sait où il s'en va. Le problème, c'est qu'il est le seul à le savoir, Mme la Présidente. Les gens des régions ne le savent pas, où il s'en va exactement, en termes de développement régional. Ce qui est malheureux, Mme la Présidente, c'est que les régions, elles, en avaient un, plan d'action. Même, elles en avaient 14. Chaque région en avait un, plan d'action, à l'issue du Rendez-vous des régions.

Et d'ailleurs j'aimerais citer le premier ministre actuel qui disait ? et c'est dans La Presse de novembre 2002, donc il y a un an ou à peu près: «Le chef libéral, Jean Charest, ne compte pas remettre en question les projets qui découleront du Rendez-vous s'il devient premier ministre d'ici quelques mois. Plusieurs engagements, convient-il, correspondent déjà au programme libéral pour les régions, notamment en ce qui a trait à la décentralisation.» Il y en avait, là, des plans d'action très détaillés pour chacune des régions, très priorisés, des plans qui avaient un approche globale et intégrée, qui traitaient autant de développement économique que de santé, que d'éducation, que de famille et que de lutte à la pauvreté. Il y avait des projets ACCORD qui identifiaient des créneaux d'excellence, et ces projets-là étaient rendus à l'étape de se concrétiser avec un partenariat accru de la SGF dans les régions, et tout le monde se réjouissait de cela en région. Ces plans-là sont interrompus, immobilisés par le débat de structures, par le manque de planification globale du gouvernement. Donc, pas encore de véritable décentralisation, là, pas de plan d'action et surtout pas de développement. Développement au ralenti, les débats de structures sont là.

Troisième grande conclusion, Mme la Présidente, en regard du projet de loi: nettement un recul de la démocratie participative. Et de quoi parle-t-on quand on parle de démocratie participative? Bien, on parle du citoyen qui s'implique et qu'on veut qu'il s'implique de plus en plus, souvent bénévolement, dans tous les secteurs que j'énumérais tout à l'heure. On parle souvent évidemment d'expertise, d'expertise beaucoup plus spécialisée, que ce soit en environnement, en agriculture, en tourisme, en forêt. On parle aussi des grands réseaux publics: santé, éducation. On parle du milieu, également, de nos partenaires du milieu du travail. On parle des représentants de différents groupes, comme je le mentionnais tout à l'heure, différents groupes où il faut s'assurer qu'ils soient représentés. On parle de partenaires aussi qui souvent ont une implication et une vision régionales. On parle souvent d'organismes comme les associations touristiques régionales, ou les forums jeunesse régionaux, ou les conseils régionaux de la culture ou de l'environnement, ou encore les unités régionales de loisir et de sport. Tous ces gens-là sont impliqués sur une base régionale. Ils font du développement en région. Ce sont des partenaires des élus municipaux, scolaires, autochtones et des députés qui justement en partenariat viennent faire en sorte que la concertation est maximale.

La démocratie représentative, c'est-à-dire les élus, et la démocratie participative, le citoyen qui s'implique, bien, ce sont les deux faces d'une même médaille, Mme la Présidente, la médaille de la démocratie nouvelle, la démocratie de concertation. On cherche de plus en plus à moderniser l'État. Or, une des nouvelles tendances mondiales de moderniser l'État, c'est l'implication justement plus grande, de plus en plus grande de la société civile. Mais, pour qu'elle s'implique, Mme la Présidente, elle doit se sentir à part entière, c'est-à-dire d'abord décisionnelle et dans un rapport de force quand même équilibré. La grande faiblesse du projet de loi n° 34, ce n'est pas le poids qu'on accorde aux élus municipaux. Ce n'est pas ça, le problème. C'est le poids qu'on n'accorde pas à la société civile, qu'on n'accorde pas aux élus scolaires, qu'on n'accorde pas non plus aux députés. En effet, Mme la Présidente, le projet de loi n° 34 ne garantit pas la présence de la société civile ni dans les CLD ni dans les CRD.

L'article de loi 93, et 100, dit bien que les élus municipaux peuvent, peuvent inclure des membres de la société civile. Ce n'est pas «doivent», c'est «peuvent». Donc, le projet de loi ne garantit pas la présence ni des élus scolaires ni, par exemple, des chefs autochtones. Le projet de loi limite à un maximum du tiers la participation, la proportion de l'implication des membres de la société civile, ce qui est une diminution considérable par rapport à ce que c'est actuellement. Le projet de loi ne garantit pas non plus le droit de vote à la société civile. Ce seront les élus municipaux qui décideront si la société civile a le droit de vote.

n(20 h 50)n

Et, en plus, curieusement, alors qu'on dit qu'on veut faire confiance aux élus, le projet de loi enlève le droit de vote aux députés au niveau des conférences régionales des élus. Pourtant, c'était un engagement électoral, là aussi, assez clair de la part du Parti libéral dans le document Faire confiance aux régions, où on disait de façon précise: «Dans le respect des spécificités et animé par la volonté ferme de décentraliser et de simplifier les structures, un gouvernement du Parti libéral déléguera certains pouvoirs aux maires, aux préfets et aux députés représentant la région.» Bien là le pouvoir qu'ils ont délégué aux députés, c'est le pouvoir de ne pas voter, ce qui m'amène, Mme la Présidente, au sujet de l'imputabilité.

Le gouvernement libéral a beaucoup utilisé cet argument pour expliquer son choix d'accorder plus de pouvoirs aux élus municipaux et aucune garantie à la société civile et aux autres élus. Mme la Présidente, je veux être bien clair, l'imputabilité des maires sur leur territoire est incontestable, et tant mieux, tant mieux si on peut faire avancer la démocratie municipale. Mais, je répète, l'imputabilité des maires, elle est sur leur territoire, et c'est là qu'elle est incontestable. Et leur territoire, Mme la Présidente, c'est la municipalité, c'est le niveau local, ce n'est pas l'ensemble de la région. Qui a l'imputabilité régionale? Qui est élu pour développer la région? Les députés n'ont-ils pas un rôle de développement régional? Les élus scolaires n'ont-ils pas un rôle de développement régional? Les chefs autochtones, les associations touristiques régionales, les forums jeunesse régionaux, les associations régionales de l'UPA, les conseils régionaux de l'environnement et de la culture, les régies régionales de la santé, tous ces représentants-là n'ont-ils pas une imputabilité au niveau du développement régional?

Le maire de Roberval, Mme la Présidente, n'est-il pas élu pour développer Roberval? Et, quand on lui demandera d'avoir une vision régionale et de laisser aller un projet à la ville de Saguenay, que va-t-il répondre à ses commettants de Roberval qui vont lui dire: On vous a élu, M. le maire, pour développer Roberval, pas pour développer le Saguenay?

Quand on parle du risque d'un retour à des guerres de clocher, ce n'est pas par manque de respect aux élus municipaux, Mme la Présidente, tout le contraire; c'est parce qu'on les respecte. On connaît toute leur volonté et leur légitimité à défendre leurs intérêts locaux, d'où le risque de confrontation, alors que l'implication de la société civile et de tous les niveaux d'élus vient assurer un meilleur équilibre, vient favoriser l'obligation de concertation, et surtout favoriser une planification, une vision régionale, et quelquefois même permettre un arbitrage mieux équilibré. Voilà pourquoi nous croyons que le projet de loi n° 34 entraînera un recul de la démocratie participative, un recul de la concertation régionale, un recul de l'implication tant souhaitée du citoyen. Le citoyen, Mme la Présidente, n'est pas qu'un électeur qui contribue une fois par quatre ans; le citoyen veut contribuer régulièrement.

Le quatrième grand constat sur le projet de loi n° 34: eh bien, c'est du mur-à-mur. On est reparti. Alors qu'on devrait être en pleine période de consultation sur les modèles de gouvernance préparés par chacune des régions, le gouvernement impose carrément son projet de loi, qui lui-même évidemment impose un cadre très précis, celui, par exemple, de donner plus de pouvoir à une partie, aux élus. Quand on parle de gouvernance régionale, où on sait fort bien que la répartition du pouvoir est cruciale pour l'équilibre des forces et la dynamique de concertation, et qu'un projet de loi vient prédéterminer que tout le pouvoir bascule dans un camp, qu'on ne vienne pas nous parler du sur-mesure et du à-la-carte ? c'est carrément du mur-à-mur ? d'autant plus que, suite au Rendez-vous des régions, la conclusion, le mot-clé était justement «à-la-carte». Et d'ailleurs il y avait déjà des projets-pilotes d'amorcés à la fois en Mauricie et à la fois en Gaspésie. Et ce n'est pas juste le Rendez-vous qui confirmait cette notion d'à la carte, Mme la Présidente; la ministre également, la ministre déléguée également.

En mai dernier, à l'assemblée annuelle de l'Association des régions du Québec, elle a dit aux différentes régions ? et on était là: Allez faire vos devoirs, et j'irai vous consulter. Résultat: présentement, la ministre déléguée fait une tournée de promotion et d'explication du projet de loi, alors qu'on commence à peine ce soir à adopter le principe du projet de loi à l'Assemblée nationale. La ministre devait aller entendre les régions sur leur projet. Ce sont maintenant les régions qui sont conviées à entendre la ministre sur leur projet...

Une voix: Le projet du gouvernement.

M. Legendre: ...sur le projet du gouvernement.

J'aimerais justement citer la ministre à ce moment-là, où elle disait: «Le développement, c'est l'affaire de tous. Vous serez appelés à travailler avec les élus municipaux à l'élaboration d'un nouveau modèle d'organisation dans votre région. Il n'est pas question pour nous de vous imposer une façon de faire ? il n'est pas question de vous imposer une façon de faire, et là on arrive avec un projet de loi. Les choix vous appartiendront.» Là, la ministre s'adresse aux représentants de la société civile, là: «Les choix vous appartiendront.» Bien, moi, j'ai compris que, le projet de loi n° 34, les choix appartiennent aux élus municipaux.

Ce projet de loi est majeur, on en convient, et mérite, nécessite une véritable consultation publique générale ici, en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, Mme la Présidente. Les régions, les maires, la société civile méritent une véritable consultation où on va non seulement les entendre, mais où j'espère qu'on va également les écouter. La ministre l'a toujours dit, ce sont les régions qui savent le mieux de quoi elles ont besoin. On se doit de les écouter, toutes et tous, élus et non-élus.

Un des messages majeurs d'ailleurs que véhiculent les régions et qui est rempli de gros bon sens: Pourquoi réparer ce qui n'est pas brisé? Car, dans plusieurs régions, que ce soient les CLD, qui ont eu des résultats extrêmement intéressants, où on a maximisé les investissements publics, où on multipliait par quatre et cinq au niveau du rendement ? même chose au niveau des CRD, qui ont fait un travail de planification stratégique régionale remarquable ? dans plusieurs régions, les gens s'entendent, il y a consensus pour maintenir la structure et la façon de faire. Le projet de loi ne permet pas de maintenir ce qui marche bien, de maintenir ces consensus. Et, quand il y a consensus dans la région, incluant un consensus chez les élus municipaux, le projet de loi devrait permettre la reconduction intégrale du statu quo, autant pour les CLD que les CRD. On les appellera les CRE s'il le faut, là, mais, si on fait juste changer de lettres, ce sera un moindre mal.

n(21 heures)n

Il faut, Mme la Présidente, ralentir ce processus et consulter. Ce n'est pas bien parti, là. Et c'est inévitable qu'on vous fasse part en cette Assemblée de ce qu'on voit. Et j'en ai une pile, là, de découpures de journaux. Et regardez les titres: Conférence des élus: affrontement à l'horizon, dans Le Quotidien. Dans Le Soleil, pour le Bas-Saint-Laurent: Une réforme qui inquiète. J'y vais juste avec les titres, ne vous inquiétez pas. Abitibi-Témiscamingue, développement régional, Radio-Canada: Moins de pouvoirs aux femmes. Dans Le Quotidien: Conférence des élus ? regardez comme ça suscite la concertation: Jean Tremblay repousse l'invitation. Dans Le Soleil, au sujet de la réforme: Des réformes de papier à lettres. Remplacement des conseils régionaux de développement ? dans Le Soleil: perçu comme un recul. Le Quotidien: Nouvelle structure régionale: les revendications vont s'exprimer dans la rue. Ils auraient pu écrire aussi «sur la colline parlementaire». Dans Le Soleil: Confusion sur la gouvernance. Radio-Canada: Bas-Saint-Laurent: les organismes de la région veulent être représentés. Donc, ils pensent qu'ils ne pourront pas l'être. Chaudière-Appalaches: Le monde scolaire ? et ça, c'est aujourd'hui ? exige sa place à la future Conférence régionale des élus.

Mme la Présidente, je voudrais également vous faire part de d'autres témoignages de différents organismes qui viennent évidemment renforcer les propos que je vous ai tenus jusqu'à maintenant, et là ce n'est pas les moindres. Présidente de l'ARQ, de l'Association des régions du Québec: «Plutôt que de laisser...» Mme Christine Émond Lapointe, pardon. «Plutôt que de laisser à chacune des régions le soin de définir un nouveau modèle d'organisation à l'image de ses spécificités, les nouvelles orientations gouvernementales en matière du développement des régions prévoient plutôt la mise en place de structures identiques dans toutes les régions, avec une liste prédéterminée de municipalités qui pourront y siéger.» Et d'ailleurs cette liste suscite plus de questions que de réponses, Mme la présidente, mais on y reviendra. Elle pourra sûrement être bonifiée, qu'on va nous dire. «À l'invitation du gouvernement précédent, les régions avaient commencé à élaborer de nouvelles propositions régionales. Qu'arrive-t-il avec l'expertise développée depuis près de 50 ans en région par les conseils régionaux de développement?»

Maintenant, l'ACLDQ, l'Association des centres locaux de développement du Québec, les CLD, et je cite le président, M. Alain Longval: «La création du ministère du Développement économique et régional ? projet de loi n° 34 ? enlève ? enlève ? le pouvoir aux citoyens et le confie aux élus municipaux, lesquels composent déjà près de 40 % des administrateurs des CLD. Ce débat a déjà été fait en 1998. Nous ne comprenons pas pourquoi il faut le reprendre aujourd'hui.» Ce n'est pas le Parti québécois, là, président de l'Association des CLD du Québec. Remarquez, peut-être péquiste également. «Nous ne souhaitons pas dénoncer la place du monde municipal dans le développement économique local, bien au contraire ? nous non plus ? mais, si faire confiance aux régions signifie tout confier aux élus municipaux sans aucun mécanisme assurant une mobilisation citoyenne élargie, nous sommes forcés de constater que les principes mêmes du développement local connus mondialement sont ici bafoués.»

M. le ministre responsable va être content d'entendre la prochaine. La Fédération des chambres de commerce du Québec, ça vous dit quelque chose. «La Fédération se réjouit de la décentralisation ? jusque-là, ça va ? mais se dit toutefois déçue et préoccupée de l'absence de dispositions octroyant une participation obligatoire et significative des représentants du milieu des affaires ? on est de retour dans la société civile ? au sein des structures de développement économique local. La Fédération réclame une commission parlementaire au cours de laquelle, avec les chambres locales, elle pourra suggérer au gouvernement des modalités pour modifier les règles de gouvernance prévues et accentuer la présence des milieux économiques.»

La FTQ: «Le ministre responsable doit prendre le temps nécessaire pour consulter l'ensemble des partenaires dans chacune des régions du Québec plutôt que de faire adopter son projet de loi à la vapeur avant les Fêtes. En quoi y a-t-il urgence à adopter ce projet de loi n° 34 qui chamboule les règles du jeu en matière de développement régional? Voilà une affaire bien trop importante pour faire preuve de précipitation dans des modifications de structure. Nous n'avons même pas fait d'évaluation sérieuse de l'efficacité des structures actuelles.» Il rajoute: «Ce n'est quand même pas la tournée régionale électorale du Parti libéral ni les visites éclair d'information de la ministre déléguée qui peuvent tenir lieu de consultations. Ce n'est quand même pas dans un communiqué ou une conférence de presse qu'on peut développer des analyses et des propositions constructives. S'entêter à vouloir procéder à la va-vite, sans consultation, sera perçu comme un geste de mépris envers tous ceux et celles qui ont travaillé et veulent encore travailler au développement de chacune des régions du Québec.»

Et, finalement, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, les membres du Conseil qui dénoncent avec vigueur le projet de loi n° 34 qui vient modifier les règles du jeu en matière de développement régional: «Si ce projet de loi est accepté, les femmes risquent de ne plus être assises autour de la table où les décisions se prennent. Il y aura des régions où il n'y aura pas une femme qui prendra part aux décisions. Avec les années, les femmes représentaient près du tiers des membres des CRD, et là il y aura possiblement une diminution considérable.»

Mme la Présidente, je vais amorcer un début de conclusion. Nous allons voter contre le projet de loi parce que nous voulons aider, nous voulons aider le gouvernement à mieux préparer sa stratégie de développement régional. Et je le dis sans prétention. Nous voulons être constructifs. L'enjeu du développement régional est trop majeur pour ne pas être constructifs. Et d'ailleurs nous étions fort bien partis collectivement avec le consensus du Rendez-vous des régions. C'est d'ailleurs ce qu'on a voulu faire le 29 octobre dernier en présentant une motion qui demandait un plan d'action et en suggérant 10 mesures concrètes. Nous voulons faire de même sur le dossier de la décentralisation et de la gouvernance régionale. Nous proposons donc au gouvernement de nombreuses suggestions et on pense que c'est au nom des régions. Et nous allons commencer ce soir par quelques propositions majeures pour faire en sorte que le développement se fasse dans toutes les régions du Québec.

D'abord, nous demandons de ne pas adopter ce projet de loi à toute vapeur, comme le gouvernement semble vouloir le faire. Il faut absolument faire une véritable consultation publique générale ici, en commission parlementaire. Ce projet mérite, les régions méritent tout autant de consultations, Mme la Présidente, que le projet de loi n° 9 sur les défusions où on en a eu pour plus d'un mois à consulter. J'ai entendu la ministre dire publiquement, et je l'apprécie, que ce projet de loi n° 34 était un projet de loi et que, conséquemment, il pouvait être bonifié. Mais, pour le bonifier, il faut entendre les principaux concernés, c'est-à-dire tous les segments de la population de toutes les régions du Québec. Je sais que Mme la ministre voulait de vraies consultations sur les projets régionaux. Elle doit revenir à la charge au sein de son gouvernement pour qu'on puisse le faire. Rien ne presse, là, pour changer les structures. 2004 sera une année de transition de toute façon. La seule chose qui semble presser le gouvernement, c'est cette mention, dans le programme électoral, du 12 mois dans votre plateforme électorale, mais 12 mois ? je suis sûr que vous allez vous souvenir de cette date-là, c'était le 14 avril 2003 ? 12 mois, bien, c'est le 14 avril 2004.

Deuxièmement, le gouvernement doit assumer ses responsabilités et, comme il choisit d'accorder plus de pouvoirs aux élus municipaux, ce qui était souhaité dans beaucoup de cas, dans beaucoup de régions, on en convient, il doit aussi s'assurer par le projet de loi que les partenaires socioéconomiques seront partie prenante en plus grand nombre et avec un pouvoir décisionnel. Il s'agit là d'un élément essentiel pour l'avancement de nos régions et pour l'amélioration de la démocratie au Québec. Si vous faites vraiment confiance aux élus municipaux, vous ne leur ferez pas porter l'odieux de prendre ce genre de décision majeure qui relève du gouvernement national.

n(21 h 10)n

Une autre voie à envisager également, Mme la Présidente, est celle que nous envisagions, celle du vrai sur-mesure, celle du vrai à-la-carte, où le gouvernement accepterait les modèles de gouvernance que chaque région a travaillés, continue de travailler et que, dans plusieurs cas, a même adoptés de façon consensuelle. Si le gouvernement fait confiance aux élus municipaux, il ne devrait pas avoir trop de difficultés à faire confiance aux élus scolaires, aux chefs autochtones et aux élus du Québec, les députés. Leur place à la Conférence régionale des élus ne doit pas être optionnelle, elle doit être garantie, et leur droit de vote également. Comment peut-on même envisager, dans une structure de gouvernance régionale, que les députés, les élus scolaires et les chefs autochtones n'aient pas le droit de vote? Bien, je suggère justement qu'il ne faut pas l'envisager d'aucune manière.

Quatrièmement ? et je termine ici par une recommandation qui, dans le fond, devrait être le commencement ? si nous demandons de ne pas adopter ce projet de loi en toute hâte, c'est que le gouvernement n'est pas prêt à mettre en place des structures, pas prêt à déléguer des pouvoirs, alors qu'on ne sait pas c'est pour faire quoi et avec quel argent. Alors, c'est absolument essentiel que l'on connaisse les objectifs, qu'on connaisse les vraies responsabilités qu'on veut décentraliser et que l'on identifie évidemment les ressources, les moyens.

Alors, ce qu'on pense que le gouvernement doit faire, dans l'ordre, c'est d'abord de faire une véritable consultation publique. Si on veut bonifier le projet de loi, bien, il faut entendre ce que les gens ont à dire. Après ça, bien, il faudra planifier effectivement quelles seront les nouvelles responsabilités. Et je voyais, là, que, dans le document du gouvernement, il y a différentes phases qui sont prévues, sauf qu'elles sont à l'envers, à l'envers du bon sens. Et, oui, ça peut prendre un certain temps, là, avec les différents ministères, puis avec nos partenaires, puis avec les élus, d'identifier quelles responsabilités pourront être vraiment décentralisées.

Et je vais vous dire une chose: évidemment que la troisième étape est cruciale, celle d'identifier quelles seront les nouvelles sources de revenus. Et j'ai entendu à plusieurs reprises les ministres dire: Bien, il n'y aura pas de nouvelles responsabilités sans de l'argent neuf, sans de nouvelles sources de revenus. Et, même, on dit: C'est la crédibilité du gouvernement qui est en cause. Je suis d'accord avec ça. Mais est-ce qu'on pourrait le savoir, avant de commencer, quelles seront ces nouvelles sources de revenus, nouvelles sources de financement? Parce que c'est essentiel. Après cela, on pourra modifier le projet de loi sur les structures ? les structures, le comment, le moyen, bien, ça pourra venir plus tard ? et évidemment, finalement, procéder à la mise en oeuvre.

Mme la Présidente, il est clair, dans un projet de cette envergure, que le nerf de la guerre d'une véritable décentralisation, et ça, à peu près tous les élus municipaux, à raison, le disent, tous les partenaires socioéconomiques également le disent, le nerf de la guerre, ce sont les sources de revenus que le gouvernement va pouvoir garantir aux régions. Autrement, le discours de décentralisation, c'est un petit peu de la foutaise. Et il faut vraiment faire en sorte que, quand on donne plus de pouvoirs aux régions, et on le souhaite, quand on donne plus de choses à faire par les régions, et on le souhaite, ça ne peut pas marcher, ça ne peut pas se faire s'ils n'ont pas l'argent pour le faire. C'est un peu dommage des fois de ramener ça à une question d'argent, mais, quand on se parle franchement, là, entre élus municipaux et les députés, ils nous disent: Bien, c'est bien beau tout ça, mais est-ce qu'on va avoir des factures ou est-ce qu'on va avoir les moyens de payer les nouvelles responsabilités. Et ces sources de revenus, Mme la Présidente, évidemment il faut qu'elles soient permanentes, ça aussi les élus nous disent ça: permanentes et prévisibles. Parce que, à ce moment-là, c'est énormément, très risqué pour les élus municipaux d'avoir dans les régions plus de responsabilités sans savoir si les moyens qui viendront avec vont être là pour rester. Alors, ça aussi, ça vient compliquer évidemment la notion de ces nouvelles sources de financement.

Alors, Mme la Présidente, en guise de conclusion ? et je ne vous surprendrai peut-être pas, qui sait ? si c'est le nerf de la guerre tant que ça, les moyens, les ressources, les pouvoirs, bien, moi, ça me montre clairement qu'on a avec la régionalisation, avec la décentralisation une autre raison, une autre raison essentielle de souhaiter que le Québec devienne un pays. Évidemment qu'on va se bidonner de l'autre côté: il n'y a pas de lien, il n'y a pas de lien entre la décentralisation et le fait qu'un État soit en plein contrôle de tous ses pouvoirs, de tous ses moyens financiers. On va même nous dire que ah! on se sert de ça comme excuse, qu'on ne l'aurait pas fait parce qu'on attendait d'être souverains. Ça n'a rien à voir. La souveraineté, c'est essentiellement cela, c'est de récupérer tous nos pouvoirs, toutes nos ressources, tout notre argent pour évidemment être en mesure de le répartir encore plus, de le décentraliser encore plus.

Écoutez, le fédéralisme canadien, je pense que là on le sait depuis longtemps maintenant, incluant le ministre des Finances actuel, le fédéralisme canadien, il nous coûte 2,5 milliards. Si on était un pays, on aurait au moins 2,5 milliards de plus et plus encore. Et, évidemment, avec cette approche plus rentable et plus efficace, on pourrait encore beaucoup mieux assurer les régions que la décentralisation, là, ça va être vrai, là, on va pouvoir la faire.

Et je veux quand même ici citer ? écoutez, ce n'est pas d'hier, là, qu'on tient ce discours ? un extrait de ce qui avait été... du livre vert d'un expert en régionalisation, M. Guy Chevrette, et qui disait ceci: «En récupérant les pouvoirs actuellement exercés par le gouvernement fédéral au nom du Québec, en percevant et en contrôlant la totalité des revenus qui accompagnent ces pouvoirs, le Québec dispose alors des moyens de convier l'ensemble de la population à établir les voies et les modalités d'une véritable décentralisation. Le Québec récupère également la capacité politique et financière de procéder à une nouvelle et importante répartition des pouvoirs avec les instances décentralisées. Une fois devenus des lieux d'exercice de pouvoir réel et élargi, les instances décentralisées, locales et régionales, pourraient alors jouer un rôle essentiel dans l'organisation et dans le développement de la société québécoise. En élargissant en effet le champ des pouvoirs et des choix du Québec, la souveraineté ouvre à la décentralisation des perspectives beaucoup plus larges.» Eh bien, je fais miennes ces remarques de mon ex-collègue, M. Guy Chevrette.

Eh oui, Mme la Présidente, en terminant, nous allons travailler à aider le gouvernement à essayer d'en faire une, décentralisation, mais je crains fort qu'elle soit bien mince. Pour faire une vraie décentralisation, Mme la Présidente, ça nous prend un vrai pays, le Québec, le nôtre. Merci, Mme la Présidente.

n(21 h 20)n

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le député. Je serais maintenant prête à reconnaître une prochaine intervenante. Alors, Mme la ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme et députée de Bonaventure. Mme la ministre.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Évidemment, j'écoutais attentivement le long discours de notre collègue le député de Blainville. Et, d'entrée de jeu, Mme la Présidente, notre collègue s'est transformé une fois de plus en bonhomme sept heures, évidement bonhomme sept heures et, de toute évidence, il n'a pas compris le sens et l'essentiel de notre démarche. M. le Président, le discours qu'il nous a livré est assez symptomatique de la vision centralisatrice du gouvernement... c'est-à-dire du Parti québécois, en matière de développement régional. Et il l'a même confirmée en concluant son discours en associant décentralisation et souveraineté, Mme la Présidente.

Et d'ailleurs c'est assez surprenant d'entendre un discours comme celui-là de la bouche du député de Blainville qui faisait référence à un ancien député qui a siégé longtemps en cette Chambre, Guy Chevrette, qui a été le père du livre vert sur la décentralisation, que le Parti québécois a rendu public en 1995. Mais, Mme la Présidente, c'est un livre vert qui est encore sur les tablettes. Jamais le Parti québécois n'a réussi donc à mettre de l'avant ses intentions en matière de décentralisation, mais pire, mais pire, c'est qu'il a littéralement pris les régions en otages avec le dossier de la décentralisation en associant décentralisation et souveraineté, Mme la Présidente. Si c'est ça, la vision du Parti québécois, si c'est ça, faire confiance aux régions, Mme la Présidente, je suis convaincue que les régions évidemment préfèrent la vision que, nous, on a à leur proposer en matière de décentralisation et de développement régional.

Mais c'est quand même un peu rassurant d'entendre le député de Blainville s'intéresser encore un peu aux régions. C'est intéressant parce que, dernièrement, le Parti québécois a lancé ce qu'ils ont appelé La saison des idées. Et, lorsqu'on regarde les chantiers qui ont été priorisés et retenus par le Parti québécois, on se rend compte, Mme la Présidente, encore une fois, que la vraie priorité, que les vraies priorités du Parti québécois ne sont pas celles qui concernent le citoyen, ne sont pas celles qui concernent la santé, l'éducation, les régions, la culture, l'environnement, les familles, l'économie. Mme la Présidente, le Parti québécois a choisi, dans son grand brassage d'idées, de prioriser trois chantiers, les trois petits p: le parti, le programme et le pays. C'est ça, Mme la Présidente, les trois grandes priorités du Parti québécois. Alors, lorsque j'entends le député de Blainville, notre collègue, s'insurger, parce qu'il nous accuse de faire reculer la démocratie participative, parce qu'il nous accuse de faire confiance aux élus municipaux, Mme la Présidente, j'avoue que j'ai quand même le goût un peu de rire, parce que, lorsque je vois les priorités qui ont été retenues, je me questionne effectivement sur la sincérité qui anime les parlementaires qui sont de l'autre côté de la Chambre.

Et le comble, Mme la Présidente, c'est que le chantier qui concerne le pays, c'est le député de Blainville qui en est le responsable. Alors, lui qui plaide, qui livre un plaidoyer pour les régions, ce soir, Mme la Présidente, bien, évidemment c'est assez spécial de l'entendre discourir à l'endroit des régions, alors que la vraie priorité qui l'anime comme député, c'est celle concernant évidemment le pays, qui bien sûr donc va conditionner toute l'action du Parti québécois au cours des prochaines années. Alors, évidemment, on comprend bien pourquoi l'ensemble de la population du Québec a choisi le Parti libéral du Québec le 14 avril dernier.

Parce que, lorsqu'on entend des discours comme ceux qu'il nous a livrés ce soir, en faisant une association entre la décentralisation et le développement régional et la souveraineté, on comprend bien pourquoi le développement des régions, Mme la Présidente, s'est littéralement... a fait du surplace pendant près de neuf ans avec le Parti québécois, qui était de ce côté-ci de la Chambre. Ça a pris neuf ans avant que le Parti québécois daigne répondre à l'appel à répétition que lui lançaient les régions du Québec. Ça a pris une grand-messe, ça a pris un grand rendez-vous, Mme la Présidente, un grand sommet avant effectivement qu'on s'intéresse un petit peu, un petit peu aux appels qui ont été donc formulés à de nombreuses reprises par l'ensemble des régions du Québec.

Alors, Mme la Présidente, vous me permettrez certainement, pour les 20 minutes qui sont à ma disposition, d'apporter un certain nombre d'informations en regard du projet de loi n° 34 qui a été déposé il y a déjà quelques semaines. J'ai eu l'occasion de déposer ce projet de loi avec mon collègue le ministre du Développement économique et régional et je tiens certainement à préciser la participation, et la collaboration, et le travail qui a été déployé par notre collègue le ministre des Affaires municipales, qui est un joueur extrêmement important dans le projet de loi qui a été déposé parce que, lorsqu'on parle de développement régional, de renforcement de la démocratie municipale, on comprend bien que le ministre des Affaires municipales a un rôle très important donc à jouer dans le projet de loi qui a été déposé.

Ce projet de loi, Mme la Présidente, il est fidèle en tous points aux engagements que notre parti a pris durant la dernière campagne électorale. Alors, évidemment, nous avons dit que nous allions faire ce que nous avons donc promis, et c'est exactement donc ce que nous faisons actuellement.

Les engagements que nous avions pris se retrouvent dans un programme qui s'intitule Faire confiance aux régions, qui a été débattu, défendu avec beaucoup de conviction par l'ensemble des parlementaires qui sont de ce côté-ci de cette Chambre, Mme la Présidente. Nous avons été sur le terrain à partir de 1998, nous avons créé le Comité des régions à partir d'octobre 2000, et ce document, il a été préparé par et avec les gens qui vivent dans toutes les régions du Québec. C'est important de le souligner, Mme la Présidente. Ce document, bien sûr... À la base de ce document, on fait référence bien sûr à la confiance, mais également à l'autonomie, à la souplesse qu'on souhaite donner donc aux régions pour les conduire sur la voie d'un meilleur développement.

Ce projet de loi, il annonce la mise en place de nouvelles règles en matière de gouvernance régionale, Mme la Présidente. Ce que nous souhaitons, ce que nous voulons, ce que nous désirons, ce sont des règles de gouvernance qui nous permettent de voir émerger dans les 17 régions administratives une gouvernance à la carte, une gouvernance qui soit modulée. D'ailleurs, c'est unique dans l'histoire du Québec, ce que nous sommes en train de réaliser, Mme la Présidente. Jamais, jamais un gouvernement n'aura réussi effectivement à développer donc un modèle de gouvernance qui réponde véritablement aux besoins de chacune des régions, chacune des 17 régions du Québec.

Cependant, on reconnaît que l'atteinte de cette plus grande autonomie que notre gouvernement souhaite réaliser, elle doit s'accompagner de moyens, d'outils concrets. Et ce que le député de Blainville n'a pas compris, c'est que nous sommes en train de mettre la table pour le futur qui n'est pas si lointain... Je tiens à le rassurer, nous sommes en train de mettre la table pour instituer avec les régions donc une réelle décentralisation des responsabilités. Et je l'entends tout de suite nous dire: On sait bien, le gouvernement va peut-être nous jouer des vilains tours avec ce qu'il nous prépare, ce qui nous attend pour les régions. Mais je tiens à le rassurer: justement nous avons pris acte des erreurs qui ont été commises dans le passé. Et, pour nous, il y a un principe qui est fondamental, sur lequel d'ailleurs repose toute la crédibilité de notre démarche, il n'est pas question de transférer de nouvelles responsabilités sans que les ressources financières y soient associées. C'est un principe donc, Mme la Présidente, qui est fondamental et qui va effectivement conditionner notre action au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Il faut comprendre également ? et ça, c'est une dimension extrêmement importante ? que le projet de loi n° 34, en annonçant, par exemple, la Conférence... la mise en place des conférences régionales des élus et en choisissant de renforcer le palier local, Mme la Présidente, nous mettons donc la table pour instaurer une nouvelle dynamique, une nouvelle coopération entre l'État et les régions. Et, nous, on part d'un principe qui est bien simple, qui peut même sembler simpliste, nous disons ceci: Parce que l'État ne peut pas tout gérer, parce que l'État ne peut pas tout contrôler, il faut nécessairement et obligatoirement faire confiance aux régions. Et ceux et celles qui font le développement régional, c'est ceux et celles qui sont sur le terrain. La prétention de notre gouvernement, ce n'est pas de faire à la place des régions, mais c'est de créer des conditions qui vont permettre l'émergence donc de richesses sur le territoire, qu'elles soient économiques, qu'elles soient sociales, qu'elles soient culturelles ou en environnement. Alors, notre rôle à nous, Mme la Présidente, dans ce nouveau contexte de coopération, dans cette nouvelle dynamique de décentralisation, ce n'est pas de se délester de ces responsabilités. Au contraire, nous reconnaissons que le gouvernement et l'État ont encore un rôle à jouer, notamment en dotant les régions d'infrastructures en santé, en éducation, en transport, donc, et en communication, par exemple.

n(21 h 30)n

Il faut comprendre qu'il y a deux... je vous dirais même trois idées maîtresses dans le projet de loi n° 34 qui a été déposé. Tout d'abord, nous annonçons clairement que nous souhaitons, que nous visons le renforcement des municipalités, du palier local, c'est-à-dire soit la MRC, la ville ou encore la municipalité. Nous annonçons clairement donc que dorénavant la responsabilité du développement économique local va relever des MRC. Concrètement, ça signifie que les centres locaux de développement vont relever des MRC pour le futur. Il y a deux grands avantages rattachés à un choix comme celui-là. Le premier, c'est qu'on assure une meilleure adéquation entre la mission MRC et la mission des CLD. Vous savez que les MRC, qui ont été créées à la fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt, avaient, entre autres, comme mission l'aménagement du territoire, et ce qu'on constate sur le terrain, c'est que cette mission qui a été confiée aux MRC et la mission qui a été confiée aux centres locaux de développement, qui est une mission beaucoup tournée vers l'économie, souvent, Mme la Présidente, on avait de la difficulté à assurer la convergence sur le terrain. Alors, nous croyons donc que l'intégration de ces deux missions va nous permettre de faire avancer davantage le développement local.

L'autre dimension qui est importante et, je pense, qui va nous permettre de faire avancer la démocratie locale et la démocratie municipale, c'est qu'en renforçant le palier local, qui est le palier le plus près du citoyen, on va certainement améliorer en bout de ligne le service au citoyen, d'une part; d'autre part, je pense qu'on va permettre de créer un plus grand sentiment d'appartenance de la part du citoyen à l'endroit du palier qu'est la MRC. Ça, c'est un avantage, Mme la Présidente.

Et vous me permettrez peut-être... Et on se rend compte qu'on n'est pas à des années-lumière de ce que le Parti québécois proposait avec son livre vert sur la décentralisation. À la page 55, on lit ceci, Mme la Présidente, et c'est assez intéressant, parce que le discours du député de Blainville... Et j'ai entendu ses collègues également, dans la région de Lanaudière, notamment la députée de Terrebonne, et j'avoue que je suis presque tombée en bas de ma chaise, parce que le discours qui est véhiculé par les députés du Parti québécois actuellement, par les députés de l'opposition, c'est carrément un déni à l'endroit des élus... du travail des élus municipaux, Mme la Présidente. C'est assez surprenant, parce que, au moment où le Parti québécois nous accuse de faire reculer la démocratie participative, ils se font complètement silencieux sur l'avancement de la démocratie municipale et de la démocratie locale, Mme la Présidente, et c'est une dimension importante.

Nous faisons confiance aux élus municipaux. Nous leur faisons confiance parce qu'ils sont, selon nous, bien placés pour assumer davantage de responsabilités, notamment en matière de développement économique. Mais, en retour, ils ont des devoirs et des obligations. Ils ont, entre autres, le devoir et l'obligation de s'entourer de gens qui sont au quotidien appelés à travailler au développement de leur communauté et de leur région, qui sont animés de convictions et qui ont développé au fil des ans une expertise. C'est ce qu'on appelle, Mme la Présidente, la société civile, ou les leaders socioéconomiques. Alors, je pense que c'est important de souligner cette dimension qui est souvent évacuée, on le comprendra ? l'opposition fait son travail d'opposition, ça va de soi ? mais c'est une dimension importante.

La démarche que nous proposons, elle est foncièrement inclusive; et le développement économique d'une communauté, d'une région ne se fait pas dans un contexte de confrontation, au contraire. Mais nous reconnaissons que la concertation, c'est parfois difficile, c'est parfois difficile. C'est utile mais parfois difficile. Et, avec ce projet de loi, on reconnaît également qu'il y a certains écueils qui nous guettent. On n'est pas à l'abri des guerres de clocher. On n'est pas à l'abri, Mme la Présidente, des égoïsmes locaux, ça va de soi, mais il faut faire confiance. C'est très important. Et notre souhait, évidemment, c'est de faire porter plus loin la cause du développement local et la cause du développement régional, et nous pensons que nous sommes sur la bonne... dans la bonne piste et dans la bonne direction.

Alors, je reviens très brièvement à cet extrait qui provient du livre vert sur la décentralisation, qui avait été, à l'époque, donc déposé par le Parti québécois. On dit ceci: «La municipalité demeure l'instance la plus proche des citoyens, celle qui leur est la plus accessible et dont les services concernent souvent leur vie quotidienne. C'est donc le rôle des municipalités, instances décentralisées situées à la base même de l'organisation de la société, que de réunir les conditions nécessaires au développement local.» Évidemment, le Parti québécois nous donne raison avec une affirmation comme celle-là, puisque nous avons choisi de renforcer le palier local. Mme la Présidente, c'est la cohérence, c'est... en fait, c'est effectivement la cohérence qui guide nos choix, parce qu'on se dit: Comment faire concrètement, effectivement, pour faire avancer le développement économique de chacune de nos communautés? Il faut non seulement donner des outils aux municipalités, mais il faut effectivement trouver le moyen de consolider le palier local qu'est la MRC.

Également, à la page 67 ? et ça, ça m'a rassurée, d'une certaine façon, et peut-être que le député de Blainville aurait intérêt à lire attentivement le livre vert sur la décentralisation ? on nous dit ceci: «Au Québec, les municipalités sont les seuls paliers existants de décentralisation politique, territoriale et multifonctionnelle.» Alors, encore une fois, Mme la Présidente, cette affirmation vient confirmer donc, vient confirmer la sagesse qui nous a guidés dans le fait d'impliquer davantage les élus municipaux dans le développement de leur région.

Et je tiens à apporter une précision en regard des affirmations qui ont été formulées par notre collègue le député de Blainville, qui encore une fois est tombé dans le piège des structures, parce qu'il faut bien comprendre que la mise en place, par exemple, de la Conférence régionale des élus n'est pas une fin en soi, mais un moyen qui va nous permettre de mettre la table donc pour instaurer avec les régions une réelle décentralisation. Et c'est très important de le comprendre, parce que, si on se laisse happer par le débat entourant les structures, bien, je pense qu'on pourra dire qu'on a échoué, hein? Ce n'est pas ça qui est la vraie priorité, ce n'est pas ça, l'essentiel. L'essentiel, c'est quoi? L'essentiel, c'est le citoyen, c'est les hommes et les femmes qui vivent sur l'ensemble de notre territoire. Pourquoi on est ici aujourd'hui? Pourquoi on fait ce qu'on fait au quotidien? Qu'est-ce qui confirme le sens de notre action au quotidien? C'est tout le travail qu'on déploie pour permettre à nos gens, effectivement, de vivre heureux en région. J'insiste beaucoup sur cette dimension, Mme la Présidente, parce qu'elle est souvent évacuée donc des débats qui nous occupent en matière de développement local et régional. Le rôle d'un gouvernement, le rôle d'un État, c'est de créer des conditions effectivement qui permettent à nos régions, qui permettent à nos municipalités, à nos communautés, à nos villages donc de croître un peu plus sur le plan économique et sur le plan social.

Donc, Mme la Présidente, une autre dimension qui est importante dans le projet de loi que nous avons annoncé, c'est la reconnaissance formelle du rôle des élus municipaux, un nouveau rôle qu'ils seront appelés à jouer donc dans leur communauté et dans leur région. Il faut comprendre également que la mise en place de la Conférence régionale des élus prend le relais, vient prendre le relais de la mission des conseils régionaux de développement. Et ça, c'est important, et, dans toutes les tournées que j'ai faites jusqu'à ce jour, unanimement les gens nous ont dit, sur le terrain, et c'est le message également que je livre: Je ne pense pas qu'aucune région, qu'aucune municipalité, qu'aucune MRC ne puisse se passer de l'expertise qui a été développée tant au niveau local qu'au niveau régional. Et ce qu'on souhaite évidemment, c'est de donner suffisamment de latitude et d'oxygène pour que les régions puissent effectivement définir leur propre modèle d'organisation. Et on est à l'écoute des régions. On l'a tellement entendu souvent, les régions nous ont tellement dit longtemps: Écoutez, arrêtez de venir décider à notre place, arrêtez de tout décider à notre place, donnez-nous la possibilité de faire nos propres choix. Alors, ce que nous avons voulu faire avec le projet de loi n° 34, c'est mettre en place les règles de base en matière de nouvelle gouvernance.

Et je vais préciser les éléments rattachés au calendrier qui nous occupera. La démarche se fait en trois temps. 2003, dépôt du projet de loi, on annonce les nouvelles règles en matière de gouvernance régionale. 2004, Mme la Présidente, nous allons mettre sur la table... annoncer les responsabilités et mesures politiques, programmes que nous serons en mesure de décentraliser vers les régions, et nous allons entreprendre un dialogue avec les régions effectivement pour convenir avec elles de ce qui leur convient. Le troisième élément, en fait, dans le calendrier, c'est la mise en oeuvre comme telle de la décentralisation qui, elle, va s'opérer à partir du printemps 2005. Et pourquoi on procède... pourquoi on propose une démarche par étapes? Nous croyons que le succès, justement, de l'approche qu'on privilégie repose sur, donc, une approche qui va se faire de façon graduelle et qui va se faire aussi en partenariat et en concertation avec l'ensemble des régions.

En terminant, puisqu'il me reste très peu de temps, j'aimerais corriger un certain nombre d'inepties qu'a commises le député de Blainville dans sa présentation. Tout d'abord, les autochtones. Les autochtones. Le député de Blainville, c'est peut-être évidemment un oubli de sa part, mais n'a pas souligné que le gouvernement négocie de nation à nation et de gouvernement à gouvernement avec les premières nations et les communautés autochtones. Aujourd'hui, j'étais avec mes collègues, notamment mon collègue responsable du dossier des affaires autochtones, au Conseil conjoint des élus; nous avons discuté du projet de loi n° 34. Et les communautés, les premières nations qui étaient assises autour de la table ont pris évidemment bonne note des éléments contenus dans le projet de loi. Ils ont également fait le choix, Mme la Présidente, d'entreprendre donc des discussions et un dialogue avec notre gouvernement en regard des éléments qui sont contenus dans le projet de loi.

Pour ce qui est des députés, bien, encore une fois, le député souligne que... notre collègue souligne que les députés sont exclus. C'est faux, c'est faux. Le projet de loi prévoit une place pour les députés, à titre d'observateurs. C'est le statut, évidemment, qu'ont les députés actuellement, autant au niveau des centres locaux de développement qu'au niveau des conseils régionaux de développement. Je vois la députée de Terrebonne évidemment hocher de la tête en nous disant que ce n'est pas vrai. Dans son cas à elle, dans son CLD à elle, effectivement, elle a, elle, comme députée, la possibilité de voter. Mais la règle dans à peu près tous les CLD du Québec est celle que je viens de vous livrer. D'ailleurs, dans la loi qui a créé les CLD en 1998, on ne prévoyait pas de droit de vote pour les députés autour de la table des centres locaux de développement.

n(21 h 40)n

Alors, en terminant, Mme la Présidente, j'aimerais simplement vous indiquer ceci. Dans ma tournée... j'étais dans la région de Lanaudière, et d'ailleurs c'est la preuve... je pense que c'est très rare qu'on voit un gouvernement, comme ça, se rendre en région avec un projet de loi, l'expliquer à la population. Nous avons entrepris une démarche transparente, non partisane. D'ailleurs, tous les députés en cette Chambre sont invités. D'ailleurs, je remercie ceux et celles qui ont pris soin de se déplacer pour assister à nos rencontres. Et ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'il faut être ouvert aux changements, il faut être ouvert aux changements, et les changements qu'on propose, évidemment, vont nous permettre...

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant, le député de Richelieu.

M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, Mme la Présidente. Nous avons ce soir la possibilité de débattre autour de l'adoption du principe d'un projet de loi important, qui va affecter la vie de toutes les régions du Québec au cours des prochaines années.

À ce propos, je ne peux pas m'empêcher de me rappeler, dans cette même Chambre, il y a un an, un an et demi, alors que le parti ministériel actuel était dans l'opposition et se présentait comme le parti des régions. Vous vous souvenez, Mme la Présidente, de cette époque où le Parti libéral voulait reconquérir les régions du Québec, où son chef, qui s'absentait souvent, il faisait le tour des régions du Québec, et certains chroniqueurs disaient: Le Parti libéral redécouvre les régions. Malheureusement, cela n'a pas fait illusion très longtemps, et la réalité est vite apparue dès l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir.

Rappelons-nous l'assermentation du Conseil des ministres, où nous avons eu la surprise de voir le ministère des Régions, c'est-à-dire la structure qui, au Québec, avait la charge de ce développement spécial, ce ministère consacré à la planification, à la vision, à l'orientation, au support aux régions, eh bien, ce ministère se voyait disparaître à l'intérieur d'un ministère économique. Ça, ce n'est pas que symbolique, c'est très important. Par exemple, la députée de Bonaventure, que tout le monde voyait responsable, ministre en titre de ce ministère des Régions, se trouve aujourd'hui déléguée du ministre de l'Économie et des Régions, c'est-à-dire avec un pouvoir beaucoup plus réduit. Et c'est assez symbolique de la place des régions dans l'ensemble de l'arsenal de ce gouvernement qui, rendu au pouvoir, arrivé au pouvoir avec un slogan, Nous sommes prêts, s'avère chaque jour de moins en moins prêt à faire face aux réalités de la vraie vie québécoise.

Alors, ce parti qui était celui des régions, après avoir fait disparaître, après avoir fusionné, fondu ce ministère des Régions à l'intérieur d'un autre, a ensuite donné un deuxième coup aux régions lors du budget, un budget qui était attendu. C'est la marque... c'est certainement l'acte politique le plus important d'un gouvernement, ce sont ses choix fondamentaux, c'est dans un budget qu'un gouvernement montre quelles sont ses priorités, et, dans ce budget, nous avons vu que le gouvernement libéral coupait de 20 % le budget attribué aux interventions gouvernementales en région, 20 %. Ce n'était pas une augmentation de 20 %, une augmentation de 40 %. À entendre l'opposition libérale à l'époque, ils allaient consacrer tellement... ça allait devenir tellement leur priorité qu'on aurait pu croire que le budget aurait été un budget favorable aux régions. Au lieu de cela, 20 % de coupure au budget, mais aussi l'annonce dès ce moment-là que la réingénierie de l'État, selon l'expression de la présidente du Conseil du trésor, cette réingénierie de l'État commencerait au niveau des structures régionales.

Et nous avons assisté depuis ce moment à une formidable paralysie du travail dans les régions, tout le monde courant aux abris, tout le monde essayant de voir d'où viendrait le vent, les décisions gouvernementales tardant à venir, l'incertitude s'installant, la crainte s'installant. Et nous avons aujourd'hui des régions qui, au lieu d'être dynamiques, au lieu d'être toutes orientées vers leur développement, sont placées par la force du gouvernement à nouveau dans un changement de structures, dans une transformation des acteurs qui devront dorénavant prendre en charge le développement régional. Au lieu d'avoir des orientations économiques, des orientations de développement, nous avons des combats de structures. Pas pour les simplifier, hein, aucune ne disparaît; elles sont simplement transformées. Ce sont des luttes de pouvoir.

Nous avions fait, je le rappelle, nous avions fait le pari que l'inclusion dans les processus décisionnels de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile, si on veut, les corps intermédiaires, les groupes d'influence, les gens impliqués, dynamiques dans leur milieu, dans le processus décisionnel du développement régional, aurait des effets positifs. Je me souviens comment ça s'est fait, parce que c'était celui qui était député de Joliette à l'époque, Guy Chevrette, qui avait été le parrain de ce projet de loi; c'est lui qui l'avait implanté. Et je me souviens des débats que nous avions eus entre nous. Guy Chevrette, vous le connaissez, ce n'est pas un théoricien, pas un philosophe, c'est le moins qu'on puisse dire, mais quelqu'un de terrain, mais quelqu'un qui connaît bien le Québec, qui connaît le Québec profond, et, à ma surprise, je dois le dire, il avait été extrêmement progressiste. Il avait été très impressionné, dans ses tournées, dans ses consultations, par cette volonté des forces les plus dynamiques du Québec de participer à cet effort d'orientation économique et de développement social des régions. Et il avait créé, il a créé ce modèle où, aux niveaux régional et local, la société civile participe à ces décisions.

Ce que ça veut dire en réalité, c'est que, dans une région ? je vois que le ministre de l'Éducation est avec nous ? dans une région, par exemple, le monde de l'éducation est nécessairement impliqué dans le développement régional; et, pour qui a vécu en région, tout le monde le sait, la présence d'un cégep dans une région ou la présence d'une université, l'université régionale, par exemple, comme l'Université du Québec, ou l'Université de Sherbrooke, ou toute autre université, cela joue un rôle majeur dans une région. C'est capital dans le développement d'une région. Alors, que les institutions d'enseignement, ou les commissions scolaires, ou les cégeps aient été partie prenante de ces CRD, tout le monde comprendra l'intérêt que cela représentait, cela représente pour le développement des régions.

D'ailleurs, lors du Rendez-vous des régions, qui a eu lieu en décembre l'an dernier, certainement l'un des mouvements les plus forts parmi toutes les grandes orientations et les visions d'avenir qui en sont ressorties, c'est justement la présence de l'éducation, de la formation dans le développement régional. Parce qu'une bonne partie des problèmes des régions, des handicaps se posent en termes de formation professionnelle, en termes de recherche, de technologie, et les cégeps ont été, très souvent dans les régions, les pôles du développement économique, des lieux où le transfert technologique était rendu possible par des centres de transfert technologiques notamment. Et la participation de ces institutions dans les décisions quotidiennes de ces organismes de développement était extrêmement importante.

n(21 h 50)n

Je vais prendre l'exemple de ma région. Dans le CLD du Bas-Richelieu, par exemple, bien, c'est la directrice du cégep qui est la présidente du CLD. Elle fait ça de façon remarquable et permet ainsi non seulement la participation du cégep, mais la participation aussi de plusieurs autres intervenants dynamiques dans notre région: des milieux d'affaires évidemment, des milieux communautaires, qui ont aussi leur mot à dire dans des volets notamment de développement qui se préoccupent davantage de développement social, de participation de milieux qui, autrement, seraient complètement laissés de côté, parce qu'on a un peu tendance à oublier la voix de ces gens qui oeuvrent au niveau communautaire. Alors, leur participation, autant au niveau régional, dans les CRD, qu'au niveau local, dans les CLD, nous garantissait, nous garantit encore aujourd'hui, tant que la loi n'est pas passée... Et j'espère encore que le gouvernement libéral va entendre, lors des consultations qui auront lieu en commission parlementaire... J'imagine qu'il y aura des commissions parlementaires, qu'on entendra les gens, qu'on ne se contentera pas d'une tournée de publicité, d'information comme on le fait actuellement, où d'ailleurs la ministre n'est pas toujours reçue avec enthousiasme, où elle doit bien sentir qu'il y a de la réticence, où les milieux seraient bien contents de garder le système actuel, qui semble faire l'affaire de la plupart des régions et de la plupart des gens.

Il y a un vieux proverbe en anglais qui dit que, si ce n'est pas cassé, pourquoi le réparer. On assiste actuellement à un bricolage structurel totalement inutile, qui n'avancera personne. Je n'ai vu nulle part au Québec d'accueil sympathique, enthousiaste. Le député de Blainville, qui tout à l'heure ? qui est le critique, et qui fait ça de façon remarquable d'ailleurs, pour notre parti en matière de développement régional ? citait les titres qui sont parus dans la presse nationale et dans la presse régionale au sujet de ces décisions et de ces annonces... Et je n'ai lu nulle part et je n'ai entendu nulle part de cri d'enthousiasme du genre: Enfin, nous pourrons nous développer grâce à ces nouvelles réformes! Pas du tout. Un accueil en général plutôt sceptique, quand il n'était pas purement agressif.

Je trouve dommage que l'on fasse encore des changements structurels, alors que ces organismes ont été mis sur pied pas il y a 20 ans, non pas il y a 30 ans ou il y a 40 ans, où il y a nécessairement un dépoussiérage, non, non, on joue actuellement, on fait de la réorganisation inutile en s'attaquant à des structures qui, ma foi, fonctionnaient plutôt bien. Et, s'il y avait à la marge des améliorations à y apporter, tout le monde aurait été très heureux d'y participer. Mais il faut bien défaire tout ce qui était et qui existait, c'est la loi du nouveau gouvernement, ce gouvernement qui consacre l'essentiel de ses efforts à défaire ce que non seulement le gouvernement précédent a fait, mais souvent ce que les gouvernements depuis la Révolution tranquille ont tenté de construire au Québec. Alors, je trouve tout à fait dommage que l'on en soit réduit à ce bricolage inutile.

Mme la Présidente, lorsque nous abordons un projet de loi comme celui-là ? nous sommes des députés qui représentons nos comtés, nos citoyens ? et il faut donc retourner sur notre propre territoire pour voir l'effet réel dans notre milieu. Ce n'est pas une discussion d'ordre théorique, là. Comment cela améliorera-t-il la situation ? parce qu'un projet de loi est théoriquement là pour améliorer une situation ? comment ce projet de loi améliorera-t-il la situation dans mon comté de Richelieu? Alors, je me suis posé la question, mais, je vous le dis avec la plus grande honnêteté possible ? moi, je n'ai pas de préjugé ? il n'y a pas de vérité absolue dans ces domaines-là.

Si le projet de loi pouvait ou aurait pu apporter, selon moi, des améliorations importantes, j'aurais été très heureux d'applaudir. Ce que je regarde, ce que je vois, c'est que le système que nous nous sommes donné il y a maintenant, quoi, six, sept, huit ans, de ces CLD... Je me souviens d'ailleurs des comités d'implantation, à l'époque, où le préfet de notre MRC avait consulté tout le monde pour voir qui devait être membre du conseil d'administration, quelle serait la proportion d'élus par rapport aux non-élus. Et le premier projet avait été un projet où il y avait 50 % d'élus, et finalement les élus avaient accepté eux-mêmes qu'il fallait laisser davantage de place à des jeunes, à des femmes, à des gens du milieu communautaire, du milieu des affaires, du milieu syndical, de façon à ce que ce travail et que cette dynamisation du milieu soit la plus inclusive possible. Et nous nous sommes donc dotés d'un CLD, dans une région, je vous le dis tout de suite, où le travail ne manquait pas.

Je rappelle, pour ceux qui l'ignoreraient, que le comté de Richelieu, qui a été longtemps l'un des plus riches au Canada, qui avait des chantiers maritimes extrêmement prospères qui employaient jusqu'à 6 000 travailleurs, une industrie lourde qui était née à l'occasion de la guerre et qui employait, elle aussi, plusieurs milliers d'employés, s'est retrouvé, dans une période de restructuration industrielle, dans une situation catastrophique: des milliers d'emplois perdus, une stagnation économique, des taux de chômage qui atteignaient, au début des années quatre-vingt-dix, en 1994, lorsque je suis devenu député... plus de 19 % de notre population était en chômage; au-delà du chômage, un nombre absolument effarant de gens à l'aide sociale, sans formation, sans possibilité ou presque de réintégrer le milieu de l'emploi. Donc, une société déstructurée qui avait vraiment besoin de retrouver l'espoir et de se redynamiser au plan économique.

Bien, ce n'est pas aujourd'hui mission accomplie, loin de là, parce qu'il y a encore beaucoup à faire, le taux de chômage, à 9 %, est encore beaucoup trop élevé, mais cette région a retrouvé l'espoir, les municipalités, qui avaient passé l'essentiel de leur existence à s'arracher le peu qu'il y avait dans des querelles stériles et inutiles, ont fusionné pour une grande part, on a créé la grande ville de Sorel-Tracy. Les gens d'affaires, qui avaient un petit peu abandonné l'espoir du développement de cette région et qui n'investissaient plus, à toutes fins pratiques, se sont réinvestis d'abord eux-mêmes dans le développement, ont accepté de participer à ce travail de développement, et, aujourd'hui, on peut dire qu'une partie du travail est faite, une partie importante, avec un parc industriel, avec un port de mer dont les travaux de dragage ont commencé, avec un dynamisme nouveau, des outils mis à la disposition du développement économique et qui donnent des résultats aujourd'hui. Cela s'est fait avec un CLD. Ça n'a pas été un empêchement au développement économique, ça n'a pas empêché de se donner un bon commissariat industriel.

Il faut dire évidemment que le gouvernement précédent, qui croyait au développement économique des régions, qui acceptait que par solidarité l'ensemble du Québec vienne aider des régions en plus grande difficulté, avait consenti, a consenti, il y a maintenant cinq ans, quatre ans en fait, a consenti au Bas-Richelieu un investissement spécial de 21 millions de dollars, qui aurait pu être gaspillé, qui aurait pu être mal utilisé, ne pas donner de résultats, mais, géré par un comité du CLD formé d'hommes d'affaires, un comité de relance, a permis de doter ce comté, cette région du Bas-Richelieu d'infrastructures extrêmement adaptées qui font, par exemple, du parc industriel de Sorel-Tracy certainement l'un des plus avantageux, un des plus efficaces, un des plus enviés de toute la région montréalaise pour ce qui concerne l'industrie lourde. Nous nous sommes d'ailleurs dotés d'une vision de développement autour du développement durable, de toutes les industries qui aujourd'hui naissent autour de l'environnement, de l'éco-environnement, de l'environnement industriel. Donc, tout ça pour vous dire que le CLD a été d'une remarquable efficacité, que son conseil d'administration a accepté de travailler en collaboration avec les gens d'affaires du milieu, des gens de toutes tendances politiques, des gens préoccupés uniquement ? et je me suis beaucoup investi dans ce travail ? préoccupés uniquement du développement de notre région.

Je vois que la présidence a transformé mais que l'écoute n'a pas diminué... M. le Président, pourquoi, pourquoi changer ce qui va bien? J'ai participé à une réunion, il y a trois semaines, d'une trentaine de décideurs de la région, de gens de différents secteurs: industriel, commercial, chambres de commerce, municipal, le maire de Sorel-Tracy. Tous le monde participait à cette rencontre. Et c'était passionnant, parce qu'on faisait un bilan, là, des dernières années, et la question s'est posée, de nos structures de développement, et les gens ont dit, les gens ont demandé: Surtout, ne changeons rien. Surtout, ne changeons rien. Parce qu'on se rappelle ce que c'était lorsqu'il fallait organiser la collecte annuelle auprès des maires des différentes municipalités du comté pour recueillir un peu d'argent pour financer un commissariat industriel. On mettait parfois deux jours pour recevoir 300 $ d'une petite municipalité. On passait plus de temps à se quereller entre municipalités sur l'usage qui était fait de l'argent qu'à faire du développement économique.

n(22 heures)n

C'est un peu et c'est beaucoup ce que nous craignons. Nous ne nous méfions pas du niveau municipal, nous faisons confiance aux maires. Nous avons toujours eu confiance à ce niveau. Mais, laissé seul et à lui-même, sans la participation de façon importante et décisionnelle des autres éléments de la société, des autres forces dynamiques d'un milieu, nous croyons qu'il y a de forts risques dans beaucoup de régions pour retourner aux querelles stériles, aux guerres de clocher d'antan.

M. le Président, le Parti québécois avait mis sur pied, pour le développement régional, des structures efficaces. Actuellement, de façon stérile, le gouvernement actuel s'attaque à ces structures, veut les dénaturer. Je pense que, à l'instar du comté de Richelieu, de la MRC du Bas-Richelieu, je pense que l'ensemble des régions du Québec vont sortir perdantes de cette perte d'expérience, de compétence que constituait la présence dans ces conseils d'administration des décideurs des différents niveaux de chacun des milieux, que ce soient les femmes, des jeunes, des gens du communautaire, des gens du milieu des affaires.

Alors, M. le Président, j'en appelle au bon sens de nos amis d'en face pour qu'ils réfléchissent à nouveau, qu'ils écoutent attentivement en commission parlementaire ce qu'on viendra leur dire, ce que les régions leur disent déjà, et j'espère qu'ils changeront d'avis et que nous retrouverons des CLD et des CRD efficaces. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, on vous remercie, M. le député de Richelieu. Je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat sur le principe de ce projet de loi, le député de Roberval. M. le député de Roberval.

M. Karl Blackburn

M. Blackburn: Alors, merci beaucoup, M. le Président. D'abord, vous savez que c'est toujours avec honneur et fierté que j'ai l'occasion de prendre la parole ici, dans cette Assemblée. Et, vous savez, lorsque le député de Richelieu disait qu'on devait écouter les régions, moi, je viens d'une région, je viens d'une région ressource qui vit des situations qui ne sont pas nécessairement toujours faciles. Année après année, on a des défis qui sont extrêmement importants et énormes pour être en mesure d'assurer justement à nos jeunes puis à nos gens qui sont en place des emplois de qualité.

Vous savez, je suis un jeune homme aux vertes espérances, et l'aspect de la décentralisation au Québec, ça fait longtemps que j'en entends parler, ça fait longtemps qu'effectivement on entend dire qu'on va faire de la décentralisation dans chacune des régions du Québec pour donner plus de pouvoirs à ceux qui sont là justement pour pouvoir se prendre en main. Eh bien, moi, je me considère comme privilégié, M. le Président, de pouvoir faire partie de cette équipe qui, effectivement, actuellement met en place des balises justement pour faire de la décentralisation envers chacune des régions du Québec, pour pouvoir donner plus de responsabilités, plus de pouvoirs à ceux qui sont effectivement sur le territoire de chacune de ces régions-là pour se prendre en main.

Pourquoi qu'on veut faire ça? Pourquoi le gouvernement du Québec veut faire ça? Pourquoi le Parti libéral du Québec, dans la dernière campagne électorale, a fait en sorte, effectivement, de prioriser cet aspect qui est extrêmement important dans le développement économique du Québec, mais de chacune des régions du Québec? Eh bien, écoutez, il y a des réalités qui sont extrêmement importantes, et pourquoi qu'on veut le faire, bien c'est pour faire en sorte que les citoyens de chacune de ces régions du Québec là puissent avoir le sentiment d'avoir leurs responsabilités entre leurs mains. Comment qu'on va le faire? On va avoir de la transparence dans les décisions qui vont être prises parce que les décisions vont être prises par les élus locaux, qui sont, eux, les plus près du terrain, qui sont, eux, les plus près de la population dans ces régions-là. Et bien sûr que, à partir du moment où on va leur transférer et on va faire confiance, on va devenir des partenaires avec nos élus locaux, bien il va y avoir tout l'aspect de l'imputabilité, l'aspect de la responsabilité qui va justement faire en sorte que ceux qui vont prendre les décisions, bien, vont prendre justement les meilleures décisions possible dans l'intérêt, M. le Président... Ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est dans l'intérêt des citoyens et des citoyennes de ces régions du Québec.

Et j'en parle, mais, vous savez, je le fais avec beaucoup de fierté encore une fois. Et ça, c'est une réforme qu'on est en train de mettre en place qui répond effectivement à toutes les préoccupations et à toutes les attentes qui sont exprimées par les régions du Québec. Et, lorsque je vous disais tout à l'heure que ça fait effectivement longtemps qu'on en entend parler, bien, écoutez, là on assiste actuellement à la mise sur pied des paramètres qui vont faire en sorte qu'on va justement aller dans la direction et dans le sens qu'on l'avait dit.

Vous savez, ce qui est important, les attentes qu'il faut actuellement faire en sorte qu'on puisse atteindre, bien ces attentes-là, on va les satisfaire puis on va les résumer comme ça ? parce que, dans chacune des régions, il y a des attentes qui sont extrêmement importantes, là: ce qu'il faut être capable de faire, c'est d'améliorer l'efficacité et la qualité des services offerts aux citoyens. Je pense qu'il ne faut surtout pas oublier de vue que c'est les citoyens qui sont au centre de nos préoccupations.

Et on est en train actuellement d'assister à un changement, M. le Président. Avant le 14 avril, on avait l'impression que les citoyens travaillaient pour le gouvernement, pour en remettre toujours un peu plus dans les coffres du gouvernement, puis, souvent, on se demande pourquoi, parce qu'on n'en avait pas réellement pour notre argent. Là, maintenant, la dynamique est en train de s'installer à l'inverse, et c'est ça qui est important de faire comprendre à la population et c'est surtout ça qui est important que les gens sachent. C'est qu'actuellement le gouvernement va travailler pour les citoyens du Québec, et ça, ça change toute la dynamique. Ça change toute la dynamique parce que, à partir du moment où tu mets une piastre d'impôt dans les coffres du gouvernement, tu veux avoir l'impression d'en avoir pour ton argent. Et c'est ce qu'on est en train de faire actuellement et c'est ce que les régions du Québec veulent qu'on fasse, M. le Président.

Il y a des réalités encore qui sont extrêmement importantes. Il faut avoir le rapprochement des lieux de décision des citoyens pour donner une réponse plus adaptée à chacune des réalités qui se vit sur chacun de ces territoires-là. Il faut avoir un élargissement des responsabilités des élus locaux et des milieux régionaux. On n'a pas peur, M. le Président, comme gouvernement, de faire confiance à ceux qui sont là sur le terrain, parce que ces gens-là connaissent les réalités qu'ils vivent tous les jours, connaissent les besoins qu'ils ont et savent quels gestes poser dans le cas de ces besoins et de ces réalités-là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on va faire confiance aux élus locaux, on va leur donner la main, on va être des partenaires, et, effectivement, ils vont décider ce qui est bon pour chacune des régions du Québec. Et ce qui est surtout important, M. le Président, c'est qu'on va procéder enfin à la simplification des structures et des rapports entre l'État et le citoyen. C'est ce que je vous disais il y a quelques instants.

Ce que l'on veut faire avec le projet de loi n° 34, eh bien, c'est ce que les milieux réclament, c'est ce que les milieux réclament depuis plusieurs années, c'est un nouveau partage des responsabilités avec le gouvernement en matière de développement local et régional en vue de permettre une contribution et de contribuer davantage aux décisions et à la gestion des intervenants qui les concernent, donc une plus grande décentralisation ou délégation de responsabilités. Vous savez, M. le Président, l'État ne peut pas tout faire partout et être bon partout. Qui de mieux placé justement que ceux qui sont dans chacune des régions du Québec pour savoir qu'est-ce qui est bon pour eux. La réalité de la Gaspésie n'est pas la même réalité que sur la Côte-Nord, et ça, tout le monde est capable de comprendre ça. Alors, dans cette perspective-là, on va faire en sorte qu'il n'y aura pas de mur-à-mur à travers le Québec, mais il va y avoir du sur-mesure, et le sur-mesure qui va être fait avec qui? avec chacun des élus locaux, avec chacun des élus régionaux qui sont en place et qui connaissent leurs besoins.

Vous savez, il y a des grands principes, il y a des grands principes qui orientent les décisions du gouvernement comme nous sommes en train de prendre actuellement, et, dans ces principes-là, il y en a qui sont extrêmement importants. On parle de décentralisation, on parle de partenariat et d'imputabilité. Ce principe s'appuie sur le constat que l'État, comme je le mentionnais il y a quelques instants, ne peut pas tout faire tout seul et partout être excellent. Il faut qu'on apprenne à faire confiance, et c'est ce que le gouvernement précédent n'avait pas compris. Il ne faisait pas confiance aux gens des régions, il ne faisait pas confiance aux élus locaux. Et, nous, M. le Président, c'est ce qu'on fait. On fait confiance à nos partenaires qui vont effectivement devenir des collaborateurs de grande importance pour le futur de chacune de ces régions-là, M. le Président.

Et cette réforme-là, elle est guidée par certains grands principes de base, et ça, c'est extrêmement important, entre autres la composition, la composition de cette démocratie locale qui va se faire. Bien, nous, on pense que les maires, on pense que les préfets qui ont eu la confiance de leurs citoyens et de leurs citoyennes, bien, on pense que c'est les premiers intervenants à qui il faut faire confiance, et c'est ce qu'effectivement on priorise dans le projet de loi n° 34. En transférant certaines de ces responsabilités-là, actuelles, vers les élus locaux, vers les élus régionaux, bien, le gouvernement, on va se trouver à donner justement à ces milieux-là le contrôle direct d'une plus grande part des fonds publics, et ça va par le fait même renforcer la démocratie locale, M. le Président.

Un autre grand principe de base qui est extrêmement important: il faut éviter la mise sur pied d'un nouveau palier de gouvernement. Tout à l'heure, je vous disais qu'il fallait qu'on fasse de moins en moins de structures parce que, actuellement, la structurite, au Québec, on connaît ça. Et bien sûr que, dans cette perspective-là, le fait de pouvoir faire en sorte que les MRC, que les élus locaux deviennent notre interlocuteur de choix fait justement en sorte qu'on ne crée pas une nouvelle structure, qu'on ne crée pas un nouvel organisme qui va encore gruger de l'énergie et du pouvoir.

n(22 h 10)n

Un autre grand principe, M. le Président, c'est de transférer les responsabilités qui vont aller dans chacune des régions, mais ce qui est extrêmement important, c'est de transférer les ressources qui vont aller avec, justement pour accompagner et pouvoir donner du pouvoir à ces élus qui sont en place. Le gouvernement, M. le Président, il entend, pour respecter son engagement, transférer les responsabilités, mais les ressources qui les accompagnent.

Et bien sûr un autre aspect que, moi, je trouve qui est majeur, c'est celui de simplifier les organismes et de planifier le développement économique. On a assisté, au cours des dernières années, M. le Président... Et, cette semaine, j'ai eu l'occasion d'entendre la ministre déléguée aux Transports, effectivement, faire l'énumération de plusieurs sociétés et de plusieurs organismes qui existent déjà dans chacune des régions du Québec et qui font du développement économique: les CLD, les CRCD, les SADC. Actuellement, on manque de lettres dans l'alphabet. Il faudrait être capables de rajouter quelques lettres pour pouvoir compléter l'ensemble de ces organismes là, parce qu'ils sont, je dirais, ils sont nés dans une vitesse incroyable, et ça, ça fait en sorte d'éloigner les services à chacun des citoyens. Et bien sûr que, nous, ce qu'on veut faire, c'est justement de simplifier ces organismes-là pour éviter, M. le Président, à ceux qui, dans chacune des régions du Québec, sont des promoteurs, sont des créateurs d'emplois, bien, ça va leur éviter de faire un chemin de croix. Parce que, à partir du moment où tu es un créateur d'emplois, tu es un entrepreneur, on doit te traiter comme un bijou et t'aider. Comme État, nous, notre rôle, c'est d'être un accompagnateur, c'est de t'aider à peaufiner tes facettes pour justement... puis que tu puisses créer tes emplois, que justement tu puisses faire des jobs là où tu vas te trouver. Et c'est ce qui va faire en sorte que le développement économique de ces régions-là va s'en sortir grandi.

Un autre principe de base aussi très important, M. le Président, bien, c'est de rapprocher la livraison des services vers les citoyens du Québec. Vous savez, lorsqu'on parle de proximité des services, je pense qu'on peut parler d'efficacité, on peut parler effectivement d'efficacité pour le citoyen qui est sur le terrain. Puis ce que je mentionnais tout à l'heure puis ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est que le citoyen, il se doit d'être au coeur et au centre des priorités du gouvernement. C'est effectivement ce qu'on est en train de faire. Et je comprends les gens de l'opposition officielle lors de leurs interlocutions, lors de leurs questionnements... Et, à chaque jour, on le vit puis on le voit, à quelque part, on est à cent lieues de chacune de nos préoccupations, parce que, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut qu'on mette le citoyen au centre de nos priorités. Mais, pour l'ancien gouvernement, ce n'était pas ça, c'est de réussir à faire de plus en plus de structures pour être en mesure de contrôler davantage de monde, pour être en mesure de contrôler un peu tout ce qu'il se passait, et j'ose croire qu'ils pensaient qu'ils faisaient bien. Sauf que la réalité, dans les régions du Québec, M. le Président, c'est que ce n'est pas comme ça que ça se passait. Effectivement, on se doit d'être encore beaucoup plus performants, on se doit d'être encore plus imaginatifs pour faire en sorte que les emplois qu'on va créer, bien, vont dynamiser nos milieux.

Vous savez, on fait face à des défis qui sont extrêmement importants et majeurs. La région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, on perd ? et là vous le savez, on a l'occasion d'en parler souvent ? l'équivalent d'un autobus par semaine, un autobus par semaine de jeunes. C'est 3 000 jeunes par année. Et ça, l'effet qui est quand même assez pervers à ça, M. le Président, c'est qu'on assiste actuellement à un autre phénomène qui est important aussi, c'est que les parents de ces jeunes-là qui ont quitté nos régions, lorsque vient le temps de prendre leur retraite, souvent font le choix ? puis je comprends ça, tout à fait ? font le choix de se rapprocher de leurs enfants, de se rapprocher de leurs petits-enfants, et bien sûr que ça contribue davantage à faire en sorte qu'on a un exode qui est beaucoup plus important et beaucoup plus rapide de notre population.

C'est pour ça qu'on se doit de poser des gestes concrets qui vont permettre justement aux jeunes de nos régions de pouvoir rester chez nous, parce qu'on va mettre des mécanismes et on va mettre des outils à leur disponibilité pour travailler. Mais on va aussi permettre aux jeunes d'autres régions du Québec de revenir dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de revenir dans la région de la Gaspésie, de retourner dans la région de l'Abitibi pour pouvoir aller travailler puis faire en sorte que ces milieux-là se dynamisent davantage. Et ce n'est pas une chicane et ce n'est pas une bataille entre chacune des régions du Québec. Ce qu'il faut faire... Le Québec sera fort, M. le Président, si Montréal est fort, si Québec est fort, mais le Québec sera fort si chacune de ces régions du Québec peuvent contribuer à l'essor économique auquel les citoyens et les citoyennes ont droit.

Et ça, bien sûr, ça se fait dans une réforme caractérisée par une approche évolutive. Ce qu'on est en train de faire actuellement, c'est extrêmement majeur et c'est extrêmement important, parce que, nous, ce qu'on dit: On fait confiance aux élus locaux. Et bien sûr qu'à partir de ce moment-là on pense que ces gens-là et on est convaincus que ces gens-là vont prendre les décisions qui vont être les mieux pour chacun de leurs milieux.

Alors, dans un premier temps, M. le Président, il y a un projet de loi qui a été déposé, le projet de loi n° 34, qui a été déposé à l'Assemblée nationale, et c'est sur ce projet-là actuellement que nous sommes en train de parler, que nous sommes en train de parlementer ? c'est un nouveau terme que j'ai appris ce matin ? mais c'est justement sur ce projet-là actuellement que nous sommes en train de faire évoluer nos idées. Et bien sûr qu'à partir de ce moment-là ce projet de loi là, ses grandes réalités font en sorte qu'on va soutenir l'entrepreneuriat. Et on va instituer également un nouveau mode de gouvernance au palier régional.

Actuellement, ça fait couler beaucoup d'encre, il y a beaucoup de questionnements, je vous dirais qu'il y a beaucoup même d'effervescence sur le terrain, parce que, à quelque part, il y a des gens qui sont réfractaires au changement et qui tentent par tous les moyens de mettre du sable dans l'engrenage. Mais il y en a d'autres qui, eux, sont extrêmement emballés par ce qui se passe actuellement et qui veulent faire partie du processus pour justement être des pionniers dans ce développement-là et faire en sorte que ce qu'on parle depuis plusieurs années, bien, ces gens-là veulent être partie prenante. Et là, bien, c'est la première étape que nous sommes en train de faire.

Il va y avoir... Bien sûr, par la suite, il va y avoir des études faites par le gouvernement qui vont déterminer quels pouvoirs, quelles responsabilités et quelles ressources on va pouvoir décentraliser et déconcentrer vers les régions du Québec. Et chacun des ministères et chacun des organismes, M. le Président, vont procéder à l'examen de leurs structures, de leurs organisations pour voir, à quelque part, comment on va être en mesure de dégager des propositions sur les responsabilités pouvant être transférées à chacune des régions du Québec, et bien sûr chacune des ressources, et de quelle manière et de quelle façon nous allons être en mesure, conjointement, d'assurer à ces instances municipales et régionales là une excellente collaboration.

Et il va y avoir aussi, comme troisième étape majeure, un peu, à partir de l'été prochain, un choix à la carte. À partir du moment où chacun des ministères aura fait l'examen de déterminer quels services pourront être distribués et offerts dans chacune des régions du Québec et quels services pourront être pris en charge par les citoyens du Québec, eh bien, à partir de ce moment-là, il va y avoir, je vous dirais, un choix à la carte que chacune justement des régions va pouvoir décider de prendre. Comme je le mentionnais tout à l'heure, M. le Président, dans la région de la Gaspésie, par exemple, ce sera probablement différent que dans la région de la Côte-Nord, dans les Laurentides, dans l'Est du Québec, dans l'Ouest du Québec et dans la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean, que j'affectionne particulièrement.

Mais, pour faire en sorte que tout ça puisse fonctionner correctement, on se doit aussi d'être encore nous-mêmes beaucoup plus efficaces à l'intérieur du ministère du Développement économique. C'est pour ça que, dans ce projet de loi n° 34 là, il y a le ministère, le MDER, le ministère du Développement économique et régional, qui est créé. Et, nous, ce qu'on pense, c'est que la création de ce ministère-là, M. le Président, bien, ça va effectivement dans les mêmes orientations qui font partie de notre plateforme électorale qui a été lancée en septembre 2002, qui font partie de nos engagements électoraux qui ont été faits durant la dernière campagne électorale, et bien sûr que ces réalités-là ? et c'est important, ça ? c'est de faire en sorte qu'il y ait des diminutions de structures pour être encore plus efficaces, et toujours dans le même intérêt, M. le Président: le service offert aux citoyens.

Alors, il va y avoir, à l'intérieur de cette création de ministère là qui remplace bien sûr quatre ministères, l'élimination des dédoublements et des structures d'intervention parallèles; il va y avoir l'articulation et l'arrimage des interventions pouvant toucher l'ensemble de l'économie partout sur tout le territoire du Québec, certains secteurs industriels des régions et des entreprises prises individuellement; il va y avoir la cohabitation des rôles stratégiques et opérationnels; il va y avoir la gestion d'une variété de programmes d'aide et de produits. Tout ça, toujours dans le même intérêt, M. le Président, c'est d'être plus efficaces pour les services qu'on veut offrir à nos citoyens et à nos citoyennes du Québec.

n(22 h 20)n

Il va y avoir bien sûr dans ce projet de loi là des espaces extrêmement importants pour la première étape par rapport à la décentralisation et l'approche du développement local et régional qu'on veut faire. Bien sûr qu'actuellement les rôles des CLD et des CRD sont révisés, mais les CLD, comme les CRD, vont être, je vous dirais, orientés par ce que les élus locaux et les élus municipaux décideront. Mais il est fort à parier que les CLD, qui sont partout, sur tout le territoire du Québec... Dans mon comté, par exemple, dans le comté de Roberval, j'ai cinq CLD; dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, nous avons plusieurs CLD. J'ai quatre CLD, pardon, dans le comté de Roberval, mais il y en a un au Saguenay... deux au Saguenay, un au Lac-Saint-Jean. Donc, il y a plusieurs CLD qui, eux, sont exactement situés là où les services on se doit de les donner. Et, à partir de ce moment-là, il est fort possible que les CLD soient la porte d'entrée pour justement donner beaucoup plus de services à nos citoyens et à nos citoyennes qui sont sur le territoire, qui sont à Roberval, qui sont à Saint-Félicien, qui sont à Dolbeau, qui sont Saint-Prime, qui sont à Sainte-Hedwidge. Ça, je les connais bien, c'est chez nous, mais j'aimerais être en mesure de dire le nom de chacune des autres municipalités, M. le Président, du Québec. Mais, effectivement, on a la ferme conviction qu'on va rapprocher les services envers ces citoyens-là. Et, bien sûr, les MRC, les MRC vont avoir un rôle majeur à jouer dans le développement régional dans lequel nous sommes en train de s'impliquer. C'est pour ça qu'on fait confiance justement à ces élus locaux, à ces élus régionaux qui sont en place.

Vous me faites signe, M. le Président, qu'effectivement mon temps achève. Vous savez, la décentralisation, c'est un sujet qui me tient à coeur et qui me passionne énormément. Vous savez, j'ai effectivement le sentiment qu'effectivement, actuellement, nous sommes en train de marquer une page importante de l'histoire du Québec. Nous sommes en train de faire en sorte que, effectivement, les gens qui sont dans chacune des régions du Québec... Eh bien, nous, comme gouvernement, on leur fait confiance, on leur dit: Qui de mieux placé que vous pour savoir qu'est-ce qui est bon, comment vous voulez faire votre développement économique, comment... avec quel véhicule vous voulez le faire. Et, à partir du moment où on dit ça, nous, on va vous supporter, on va devenir des collaborateurs.

Et, M. le Président, en terminant, je suis extrêmement fier et je me sens comme privilégié de pouvoir participer à cette démarche qui est extrêmement importante pour le Québec mais qui est extrêmement importante pour chacune des régions du Québec. Alors, merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Roberval. Et je veux juste faire remarquer à tous les parlementaires que, même sur les sujets passionnants, le règlement ne prévoit pas plus que 20 minutes. Alors, moi, ce n'est pas la passion qui me guide, c'est le règlement. Alors, Mme la députée de Terrebonne, je vous reconnais pour la poursuite de ce débat.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je vais parler exclusivement du projet de loi n° 34 et, compte tenu du 20 minutes que j'ai, je vais me consacrer particulièrement à la création de la Conférence régionale des élus.

M. le Président, dans un premier temps, ce que je veux dire, c'est que je ne fais pas exclusivement un travail d'opposition. Ce que je fais dans ce projet de loi n° 34, c'est que je défends des convictions, et, vous le savez, M. le Président, des convictions profondes au niveau de mes croyances au niveau du développement des régions, convictions appuyées sur mon travail de 14 années comme députée, où j'ai participé au maximum de rencontres au niveau du conseil régional de développement, où j'ai travaillé avec tous nos partenaires élus et socioéconomiques au niveau de la région de Lanaudière et où nous avons travaillé en parfaite concertation.

La ministre le disait tantôt, M. le Président, de la concertation, c'est difficile, oui, et ça prend du temps. Et, justement, nos régions avaient atteint le point de concertation efficace. Nos structures avaient une période d'années suffisante pour être capables de prendre des décisions efficaces. L'étape où nous étions rendus ? et ce que je conteste aujourd'hui ? vous étiez rendus à cette étape-là, vous n'étiez pas rendus à l'étape de revoir une structure, de changer une structure, de changer des partenaires, vous étiez rendus à l'étape de la décentralisation à la carte ? l'étape 2 que vous voulez faire ? vous étiez rendus à faire cette étape-là et non à transformer les partenaires qui étaient déjà là.

Le palier local, on s'entend, c'est le CLD et c'est la MRC, on a toujours été tous d'accord là-dessus, c'est le palier local. Le palier régional, c'était le conseil régional de développement. Pour vous, ce palier-là n'est pas un palier régional que vous voulez reconnaître, donc vous décidez de créer une conférence régionale des élus.

On nous a dit à plusieurs reprises, et la ministre du Développement régional nous a dit: C'est l'avancement de la démocratie municipale. Le programme du Parti libéral était de faire confiance aux régions, et je serai claire là-dessus, le projet de loi n° 34 ne fait pas confiance aux régions. Le projet de loi n° 34 décide de faire confiance exclusivement aux élus municipaux, et aux élus municipaux qu'ils choisissent, M. le Président, parce que, dans l'article 99 où on présente la composition, on choisit les élus municipaux qui se retrouveront avec entre les mains tout le jeu de cartes, au complet, pour décider quels partenaires ils vont choisir, si ces partenaires-là auront le droit de vote, combien de temps durera le mandat des partenaires. Donc, ils ont dans les mains toutes les cartes pour décider. On remet exclusivement aux élus municipaux que l'on choisit les décisions principales pour le suivi de la décentralisation à la carte.

Et l'annexe, il faut le dire, cette annexe-là, on ne comprend pas les critères. Ce sont des municipalités qui sont inscrites là. Des régions comparables, Lanaudière et Laurentides: dans le cas de Lanaudière, on se retrouve avec trois municipalités en annexe; dans le cas de Laurentides, neuf municipalités en annexe, alors qu'ils ont à peu près la même population. Donc, ça donne évidemment un nombre de partenaires socioéconomiques très différent d'une région à l'autre. Et ce qui détermine le nombre, c'est presque exclusivement l'annexe, M. le Président.

Donc, oui, nous croyons au développement régional, mais avec tous les partenaires. Et, pour nous, ce sont tous les partenaires qui doivent décider et qui doivent prendre les décisions pour leur région pour la décentralisation à la carte, autant les élus municipaux que les partenaires socioéconomiques qui sont élus par leurs collèges électoraux.

M. le Président, dans notre région, quand on regarde strictement le portrait au niveau municipal, on se retrouve avec un déséquilibre complet entre deux parties de région. Nous avions réussi avec le CRD à obtenir un équilibre entre toutes les parties de la région de Lanaudière, et nous avions réussi aussi un équilibre au niveau des hommes et des femmes, et nous avions réussi à représenter équitablement les MRC. La représentation choisie par le gouvernement dans le projet de loi n° 99 vient défaire tout cet équilibre. Au niveau des élus municipaux, 60 % de la population, des citoyens qui ont choisi des maires dans le sud de la région se retrouvent avec deux sièges sur 10, alors que huit sièges appartiennent à 40 % de la population, qui vont, eux, avoir les sièges alors que... ils vont avoir les huit sièges. Alors, M. le Président, même au niveau de la stricte démocratie municipale et des résultats chez nous, on ne peut pas dire que c'est un résultat positif.

Au niveau de l'imputabilité, les maires ont l'imputabilité sur leur territoire, sur leur municipalité. Lorsqu'ils arrivent au palier régional, ils ont la même imputabilité que toutes les autres personnes qui se retrouvent autour de la table pour travailler au niveau du développement régional.

M. le Président, c'est un recul de la démocratie participative. J'avais prévenu, par une question, la ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme qu'il y aurait un déséquilibre au niveau des hommes et des femmes. Nous avons fait le portrait, nous l'avons tracé région par région. Nous avons vérifié le nom des mairesses, le nom des maires, des préfets, des préfètes, les villes en annexe, et le résultat, M. le Président, il est tout à fait catastrophique: sur les élus municipaux qui ont la décision de décider qui va participer, six régions, zéro femme; six régions, une seule femme dans chacune de ces six régions-là ? six régions, aucune femme; six régions, une seule femme; deux régions, deux femmes; une région, trois femmes. Alors, M. le Président, dans 14 régions au Québec, pour 14 régions, on se retrouve avec seulement trois femmes qui vont avoir le droit de décider qui seront les partenaires qui vont venir travailler au niveau régional et qui vont avoir le droit de décider si ces partenaires-là ont le droit de vote ou pas et quelle durée sera leur mandat. C'est un recul inacceptable au niveau de tout ce qu'on a fait.

n(22 h 30)n

Le programme À égalité pour décider, c'était pour faire participer davantage les femmes dans tous les paliers, au niveau local, au niveau régional, et nous avions réussi à améliorer la participation, autant dans les CLD, dans les CRD, par ces programmes-là. Et là, avec un projet de loi, on vient détruire tout ce que nous avions fait là-dessus, et ça, c'est inacceptable. Si on arrive avec des propositions au niveau des autres partenaires, au niveau des partenaires socioéconomiques, je maintiens que les femmes n'auront pas pris part aux décisions pour dire qui seront les partenaires, et qui participera, et qui aura droit de vote. Pour moi, c'est inacceptable.

M. le Président, j'étais aussi très étonnée, dans les différents secteurs nommés, vous comprendrez, de ne pas voir le tourisme nommé dans l'article 100 et effectivement très inquiète de voir que les partenaires majeurs, qui sont dans le développement économique depuis de nombreuses années, ne se retrouvent pas dans la proposition. M. le Président, il aurait été tellement plus simple de dire à chacune des régions: Vous êtes rendus à l'étape de la décentralisation, quelle sorte de décentralisation voulez-vous? et présentez-nous vos projets; et non, dans un projet, déjà définir qui on va retrouver, puis comment, puis quels droits ils ont déjà.

M. le Président, il y a aussi évidemment un article qui me préoccupe énormément, c'est l'article 98, où on précise que le mandat principal de cette Conférence régionale des élus, ce n'est pas de faire de la planification, hein, le mandat principal, c'est d'évaluer les organismes de planification et de développement aux paliers local et régional et de donner des avis à la ministre.

Première question qu'on s'est posée: principal mandat, évaluer les organismes. On a eu la réponse ? je l'ai dit cette semaine ? dans le guide qui a été déposé dans la tournée d'information, où on précise que «le mandat de procéder à un examen des organismes de planification et de développement aux paliers local et régional, l'objectif étant d'éliminer ou de fusionner des organismes...» Donc, c'est clair, c'est écrit, l'objectif de l'évaluation du premier mandat de la CRE, c'est d'éliminer ou de fusionner des organismes. Donc, c'est évident que des organismes qui participent au développement régional depuis nombre... beaucoup d'années sont sûrement très inquiets, à ce jour.

M. le Président, il y a aussi, particulièrement pour les MRC qui font partie de la Communauté métropolitaine de Montréal ou qui font partie de Québec, une inquiétude additionnelle, et c'est le cas chez nous. À l'article...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, Mme la députée. Moi, habituellement, j'applique avec souplesse, mais là, écoutez, il y a, devant l'intervenante, quatre à cinq caucus. Et, c'est très clair, «ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée». Alors, c'est évident que, pour le bon fonctionnement de l'Assemblée, je ne peux pas permettre qu'il y ait un attroupement de gens qui ne sont pas à leurs banquettes... Qu'ils ne soient pas à leurs banquettes, ça ne me dérange pas, à condition qu'ils soient en silence. Là, j'ai compté tantôt six caucus distincts, alors ça ne doit pas être bien, bien, bien facile pour l'intervenante, surtout que vous êtes placés devant elle.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, à ce sujet-là, j'ai entendu... Alors, moi, je suis obligé d'arbitrer les débats avec les règlements qui sont les nôtres. Alors, ce n'est pas dans votre temps, madame, mais je ne peux pas permettre six à sept caucus face à l'intervenante. Ce n'est pas ça que le décorum prévoit. Alors, Mme la députée, en espérant que vous puissiez vous faire entendre.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je reviens sur un article extrêmement important, l'article 96, où on précise que, sur le territoire des communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, le gouvernement peut instituer d'autres conférences régionales des élus pour une région administrative, déterminer le territoire respectif et bien sûr déterminer la composition du conseil d'administration, et ce territoire de la nouvelle Conférence des élus n'est plus compris dans celui de la Conférence de la région administrative.

M. le Président, si jamais le gouvernement décidait d'utiliser l'article 96 pour retirer ? je vous donne l'exemple de la région de Lanaudière ? les deux MRC qui font partie de la Communauté métropolitaine de Montréal, c'est-à-dire la MRC des Moulins et la MRC L'Assomption, ils peuvent le faire par l'article 96, c'est clair. S'ils décidaient de les retirer de cette Conférence de Lanaudière pour les mettre dans une nouvelle conférence qu'ils pourraient créer avec d'autres MRC avoisinantes, c'est évident que c'est la fin de la région de Lanaudière parce que, avec quatre MRC, 40 % de sa population, elle ne pourrait pas exister. Le ministre me dit qu'il ne fera pas ça, mais la loi le lui permet. Et, comme je disais tantôt que, dans la répartition qu'il nous ont imposée, la MRC L'Assomption, elle n'a qu'un siège sur 10, et la MRC des Moulins, elle n'a qu'un siège sur 10, donc ces deux MRC de la CMM n'ont que deux sièges sur 10 alors qu'elles représentent 60 % de la population, est-ce qu'elles n'auront pas un certain intérêt à se retrouver ailleurs? Ils représentent 60 % de la population et ils n'ont que deux sièges du 10. Est-ce qu'il va y avoir vraiment un intérêt à participer à cette nouvelle Conférence régionale des élus?

Et comment on était arrivés, dans la région de Lanaudière, à avoir notre équilibre entre ces MRC du sud, qui sont très populeuses, et les MRC du nord? C'était exclusivement par nos partenaires socioéconomiques. Puisque, dans le sud de la région, ce sont de plus grandes villes et, dans le nord, de nombreuses plus petites villes, nous avions fait un équilibre par les socioéconomiques. Avec 10 sièges, le peu de nombre de partenaires socioéconomiques que ça nous donne ? on a 10 sièges officiels ? avec le peu de partenaires économiques que ça nous donne, puisque ce n'est pas plus que le tiers des élus municipaux, on ne peut pas faire un équilibre nord-sud, c'est impossible, tout comme on ne peut pas refaire notre équilibre dans les autres secteurs. Et ça, ce n'est pas de la démocratie, ce n'est pas un avancement de la démocratie municipale, pour nous, là. C'est très important.

Et, chez nous, vous le savez, nous sommes présentement dans nos consultations, le conseil régional de développement a organisé des consultations au niveau régional et dans chacune des MRC, et ces préoccupations, elles sont là, elles ressortent. Pour nous, il y a un déséquilibre flagrant, autant au niveau de la participation hommes-femmes, un déséquilibre flagrant au niveau des différentes parties de la région, et notre seule porte pour corriger ce déséquilibre, c'est par les socioéconomiques, et le nombre de sièges qu'on a fait qu'on ne pourra pas le corriger, le déséquilibre.

L'autre élément que je veux aussi apporter, M. le Président, c'est toute la différence qu'on fait au niveau de l'imputabilité entre les différents élus. Je l'ai dit tantôt, les élus municipaux sont imputables devant leur population sur leur territoire. Ils n'ont pas une imputabilité régionale différente de celle des autres partenaires socioéconomiques. Mais, si on considère que l'imputabilité, c'est exclusivement par les élections, pourquoi ne reconnaît-on pas les élus scolaires, qui sont élus par la population? Pourquoi ne laisse-t-on pas libre dans chacune des régions du Québec le droit de vote au niveau des élus de l'Assemblée nationale?

J'apporte une précision. La ministre tantôt disait que nous avions le droit de vote au niveau du CLD. Ce n'est pas au niveau du CLD, c'est au niveau du CRD, du conseil régional de développement, où, dans chacune des régions, les CRD pouvaient décider du droit de vote au niveau des élus de l'Assemblée nationale. Et, chez nous, le CRD a donné le droit de vote aux députés, mais ça fait très, très, très longtemps, et c'était déjà ça, là, quand je suis arrivée comme députée de l'opposition, en 1989.

n(22 h 40)n

M. le Président, je veux ramener les principes majeurs que nous affirmons, et je ramène ces principes-là qui sont partagés dans la région. Nous affirmons que la force des régions dépasse largement la seule force des élus des municipalités de ces mêmes régions. Nous affirmons que le dynamisme des régions dépasse largement le seul dynamisme des élus des municipalités de ces régions. Nous dénonçons le fait que les municipalités soient choisies par le gouvernement. Nous considérons que c'est inacceptable de confier aux seuls élus des municipalités choisis par le gouvernement ou à tout autre groupe... Ils auraient choisi un autre groupe exclusif, nous dénoncerions aussi l'exclusivité de la responsabilité du développement local et régional à un seul groupe. Nous considérons inacceptable d'opposer les élus municipaux de nos régions actuellement aux différents acteurs de la société civile, à nos partenaires socioéconomiques plutôt que de favoriser, comme ils le faisaient, la complémentarité des actions.

M. le Président, nous considérons comme inacceptable de manquer de respect envers des milliers d'hommes et de femmes du développement local et régional, de manquer de respect envers les 30 années d'implication dans certains cas, que de leur proposer de se faire entendre seulement par la simple voix électorale, alors qu'ils ont tant donné et qu'ils ont tant à donner encore. M. le Président, nous considérons que le développement régional, c'est un développement non seulement économique, mais c'est aussi un développement social. Partout dans le monde, maintenant, il n'y a plus du développement économique seulement, c'est un développement économique qui est toujours lié au développement social.

M. le Président, la ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme n'a pas terminé sa tournée d'information, sa tournée d'information ne se terminera que le 12 décembre. Ça veut dire qu'au niveau de l'ensemble des régions du Québec on ne connaît pas encore toute la portée du projet de loi n° 34. Et, alors même que toutes les régions n'ont pas encore la portée, nous sommes ici en train de discuter de l'adoption du principe. M. le Président, ce que nous demandons au gouvernement: que la ministre termine sa tournée d'information, tel que prévu, au 12 décembre et qu'elle fasse une commission parlementaire, tenue dès janvier 2004, avec des consultations générales pour que nous puissions entendre toutes les régions du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Terrebonne. Et je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, M. le député de Bertrand. Alors, M. le député de Bertrand.

M. Claude Cousineau

M. Cousineau: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 34 déposé par le ministre du Développement économique et régional représente un net recul en ce qui a trait au développement des régions du Québec. Pourquoi un recul? À cause principalement du déficit démocratique que ce projet de loi annonce au niveau des prises de décision des conseils d'administration des CRE, conseil régional des élus, et des CLD, centre local de développement. En effet, en y regardant bien de près, on s'aperçoit qu'il y aura dorénavant une concentration de pouvoirs vers les maires et les préfets.

Je n'ai rien, M. le Président, contre les maires, je les côtoie régulièrement dans ma circonscription, nous avons une excellente relation de coopération, nous traitons efficacement de nombreux dossiers. J'ai été maire moi-même et préfet d'une MRC. Mais, dans le cas de la gouverne en région, un problème se situe au niveau du projet de loi n° 34, problème de manque de représentativité des différents groupes de décideurs qui forment le tissu décisionnel d'une région.

Prenons l'exemple, M. le Président, des conseils d'administration des CLD, des centres locaux de développement actuels, ils ont une grande diversité au niveau des membres voteurs. Les décisions prises le sont en tenant compte des répercussions sur l'ensemble des secteurs d'activité au sein d'une région. Les CLD se sont dotés de plans stratégiques issus de la participation de groupes formant le tissu humain d'une région.

Avec le projet de loi n° 34, M. le Président, l'autonomie décisionnelle des CLD sera désormais hypothéquée parce que ceux-ci seront sous la gouverne des MRC, donc des maires d'une région. Les CLD devront présenter aux maires de la MRC un plan de développement régional conforme à l'orientation présentée par la CRE, la Conférence régionale des élus, formée en majorité d'élus. Alors, vous voyez, conseil d'administration des CLD, majorité d'élus; MRC, majorité d'élus ? évidemment, ce sont tous des élus; puis la CRE, concentration encore d'élus. Quelques groupes pourront se greffer au conseil d'administration de cette Conférence régionale sans nécessairement avoir le droit de vote. Et, s'ils ont ce droit, ils se retrouvent tellement minoritaires qu'on peut déjà penser à une polarisation décisionnelle vers les politiciens municipaux.

Où est, sur les conseils d'administration de la CRE et des CLD, la participation de la société civile, cette participation combien enrichissante et efficace? Fini l'opinion des autres. Les groupes communautaires, les syndicats, les travailleurs, les représentants de l'UAP, ceux de l'éducation et de la santé, sans oublier les représentants de la culture et des arts, tout ce beau monde, M. le Président, peuvent aller se rhabiller. Avec le projet de loi n° 34, même les gens d'affaires et les chambres de commerce n'ont plus d'affaire dans un CLD, organisme pourtant voué au développement économique. Quelle ironie, M. le Président!

Revenons, M. le Président, aux CLD. Le directeur général et ses commissaires industriels dorénavant devront, dans leur mandat, se réserver une place pour faire du lobbying politique plutôt que de se concentrer sur le développement économique. Leur patron était auparavant, jusqu'à maintenant, la Communauté. Avec le projet de loi n° 34, ce sera le Conseil des maires. Voilà, M. le Président, une situation flagrante de déficit démocratique et de polarisation décisionnelle vers un petit groupe, qui sont, en tout respect, représentatifs d'une partie seulement de la population dans le développement économique traditionnel et dans l'économie sociale. Les comités mis en place, comme l'économie sociale, les jeunes promoteurs, le soutien au travail autonome, passeront-ils aux oubliettes? Quel secteur d'activité sera le plus soutenu, M. le Président? Sans doute celui qui réussira à convaincre les maires de l'importance de leur raison d'être. Ceux et celles qui n'auront pas les ressources pour se faire valoir devront sans doute disparaître. Avec les CLD actuels, ils ont au moins la certitude de se faire entendre et d'avoir un vote sur le conseil d'administration.

Mais revenons aux CRE, aux conférences régionales des élus. Dans certaines régions comme les Laurentides, qui compte trois sous-régions très différentes les unes des autres, il va falloir beaucoup de gymnastique de la part de certains pour aller chercher leur dû. Encore ici, nous aurons besoin d'un superarbitre pour trancher. Sans doute que les maires les plus puissants, représentant les plus grandes villes, iront chercher à leur compte la large part du gâteau. Les autres se contenteront des miettes.

Malheureusement, M. le Président, on assiste, avec le projet de loi n° 34, à la marginalisation de la société civile au sein des conseils d'administration des CLD. Comme le précise si bien et à juste titre l'Association des centres locaux de développement du Québec, «le projet de loi sur le ministère du Développement économique et régional ? ce projet de loi n° 34 ? vient mettre fin à l'esprit ayant animé la mise en place des CLD en tant qu'organisations démocratiques et citoyennes de développement économique. Maintenant, nous pourrons parler d'organisations partisanes et en vase clos.» Je cite, M. le Président, un extrait du communiqué de presse de l'Association des CLD du Québec qui traduit très bien la réalité de ce projet de loi n° 34. La création du ministère du Développement économique et régional enlève le pouvoir aux citoyens et le confie aux élus municipaux, lesquels composent déjà près de 40 % des administrateurs des CLD au moment même où on se parle. Et ça fonctionne bien, avec cette formule-là. Pourquoi ? M. le Président ? avoir démantelé le ministère des Régions? Tous les outils du développement économique s'y retrouvaient et ont fait preuve, depuis la création de ce ministère, d'une efficacité remarquable.

n(22 h 50)n

Le projet de loi n° 34, M. le Président, en est un purement politique et démantèle une structure efficace qui a fait ses preuves avec une participation citoyenne juste et représentative, pour la remplacer par une autre qui présente un déficit démocratique important en excluant un grand nombre de joueurs de la société civile.

M. le Président, comme le précisait le critique de l'opposition officielle dans son communiqué du 13 novembre 2003, le gouvernement bafoue la démocratie, la démocratie participative. Le gouvernement actuel se moque des citoyens et des citoyennes des régions en les bâillonnant, en les muselant.

Si nous regardons de près le bilan des CLD sous leur forme actuelle, on ne peut qu'admirer, dans la majorité des cas, une feuille de route impeccable. Il n'est pas rare de voir, en parcourant les rapports annuels, des activités structurantes, innovatrices, adaptées au milieu et axées sur le développement économique et social. Des exemples concrets, M. le Président: l'aide au démarrage d'entreprise chez les jeunes, l'aide aux entreprises d'économie sociale, le soutien au travail autonome, le Fonds local d'investissement, le fonds SOLIDE, Déclic PME.

J'ai vérifié, en fin de semaine dernière, M. le Président, le rapport annuel du CLD des Laurentides. Le bilan des investissements est remarquable ? je l'ai ici, très bien préparé. C'est un bilan qui est tout à fait remarquable, pour la dernière année, et c'est comme ça depuis les trois, quatre dernières années. Le nombre de projets qui ont été acceptés en 2002 ont été de 35, le financement du CLD, 254 000 $, pour un montant total d'investissements de 4 583 000 $, avec un nombre d'emplois créés qui est maintenu à 114. Alors, vous voyez que c'est quand même très performant. C'est le CLD des Laurentides. Il en est de même pour le CLD des Pays-d'en-Haut, puis le CLD de la Matawinie, et le CLD de la Rivière-du-Nord, des CLD qui sont dans ma circonscription.

En plus, on peut y lire que le CLD offre des supports à l'exportation, donne des conférences et des formations, des suivis en entreprise. Tout ce travail et ces initiatives se font sous le chapeau d'une direction générale efficace et visionnaire ? en passant, je salue les employés des quatre CLD que j'ai mentionnés tantôt ? un conseil d'administration très dynamique, où les membres représentent une grande diversité de secteurs d'activité. On retrouve, au sein des CLD, au sein du conseil d'administration des Laurentides ? si on peut prendre cet exemple ? des représentants du secteur commercial, financier, municipal, coopératif, culturel, manufacturier, professionnel et services, secteur travailleurs, communautaire, agricole, forestier, institutionnel santé, touristique, éducatif. Et, tout ce beau monde, ça fonctionne, ça fonctionne à merveille, M. le Président.

Pourquoi le ministre, par son projet de loi n° 34, veut-il changer une formule gagnante, avec une orientation citoyenne et démocratique par une autre? En donnant le pouvoir aux élus municipaux, ils seraient majoritaires, donc, comme je le disais d'entrée de jeu, nous assisterons à une prise de pouvoir des élus sur les citoyens au sein des CLD et des CRE, conférences régionales des élus, ce qui, répétons-le, est un accroc à la démocratie.

Présentement, M. le Président, depuis l'annonce du dépôt de ce projet de loi, les CLD ont appris que leur principal levier financier, le Fonds local d'investissement, le FLI, serait encore l'objet d'un moratoire pour 2004-2005. Rappelons qu'en 2002 notre gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, avait consacré près de 30 millions sous forme de prêts aux CLD, qui les ont investis dans des PME québécoises. Ces partenaires efficaces pour le développement économique que sont les gestionnaires de nos CLD sont présentement anxieux, nerveux. Ils administrent au jour le jour dans l'attente. Ils se questionnent sur les leviers locaux, qui sont plutôt rares dans certaines régions.

Voici, à ce sujet, ce que M. Longval, président de l'Association des CLD du Québec, disait dernièrement, et je cite: «À la suite de l'annonce de la création de ce ministère ? par le projet de loi n° 34 ? les CLD ont été déçus d'apprendre que leur principal levier financier, le Fonds local d'investissement, ferait encore l'objet d'un moratoire pour l'exercice 2004-2005. En 2002, l'État a consacré ? comme je le disais tantôt ? [...] 30 millions sous forme de prêts aux CLD, qui les ont investis dans les PME québécoises.» Ça, c'était du développement régional.

M. le Président, «la poursuite de ce moratoire est une très mauvaise nouvelle pour les petites et moyennes entreprises québécoises et pour les milliers d'acteurs impliqués dans le support aux entreprises. La situation est préoccupante et apparemment sans fondement, car les CLD ont été d'excellents gestionnaires de ces fonds. Après cinq ans, le taux de pertes sur les prêts consentis n'est seulement que de 8,7 %, ce qui est loin du 30 % de pertes auquel s'attendait le gouvernement du Québec à l'origine», affirme M. Longval, président de l'Association des CLD du Québec. «Nous comprenons que l'État préconise un éventuel partenariat avec le secteur privé en la matière. Nous sommes anxieux de connaître la teneur de ce partenariat, car, pour le moment, les leviers locaux dont nous disposons, mis à part les SOLIDE, sont pour le moins rares», ajoute M. Longval. «Le ministre a annoncé une réingénierie de l'État. En même temps, nous savons aussi que les ministères sont tous en revue de programmes. Mais le ministre avait promis qu'au terme d'une année son ministère aurait pris une décision relativement au Fonds local d'investissement. À partir des résultats atteints par les CLD dans la gestion de ce fonds, pourquoi faut-il attendre une autre année avant de décider de faire confiance aux acteurs locaux pour la gestion de ce fonds?», conclut M. Longval.

M. le Président, le ministre, avec son projet de loi n° 34, perturbe une structure efficace qui a fait ses preuves en remettant la destinée du développement économique et régional entre les mains d'un groupe qui aura la mainmise sur tous les dossiers de développement économique et régional de leur région. Nous y voyons, nous, de l'opposition officielle, une polarisation des pouvoirs et un déficit de démocratie réelle qui ne peut que soulever du mécontentement dans les régions du Québec.

Je reviens, M. le Président, sur toute la question de la représentativité. Comment peut-on être à l'aise avec le fait que l'on écarte cavalièrement la société civile des conseils d'administration de la CRE et des CLD? Cette façon de faire porte un jugement sévère sur le travail pourtant excellent et efficace des représentants des différents groupes qui représentent fièrement les différents secteurs d'activité qui forment le tissu de notre société.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de travailler et de siéger au CLD des Laurentides. J'ai constaté l'apport soutenu et riche des intervenants. En aucun temps on n'a senti un glissement vers un groupe plutôt qu'un autre, les décisions ont toujours été prises dans le respect et pour le bien de la communauté, aussi bien pour le développement économique que pour le développement social. Malheureusement, M. le Président, le projet de loi n° 34 vient changer les règles du jeu. Il change un fonctionnement qui fonctionne à merveille dans la plupart des régions du Québec pour le remplacer par une polarisation vers un groupe en particulier. Il y a là, M. le Président, un réel danger, celui de bâillonner la participation citoyenne, pourtant riche au niveau des idées, du rayonnement et de la prise de décision.

Ce projet de loi, M. le Président, crée même de l'insatisfaction au niveau de certains élus municipaux qui pourtant sont les grands gagnants au niveau de la prise de pouvoir du développement économique et régional par la création des CRE et de la mainmise des MRC, donc des maires, sur les CLD. En regardant l'article 99 et son annexe, beaucoup d'élus municipaux ont eu la douloureuse et triste réalité devant les yeux. Ils s'aperçoivent qu'ils seront exclus des décisions, et, en réfléchissant de près, ils pourront extrapoler et comprendre qu'il se peut qu'à l'avenir certaines municipalités seront écartées de l'assiette au beurre, puisque ce sera ceux et celles qui seront assis à la table et qui prendront les décisions qui décideront où ira tel ou tel projet. M. le Président, ces élus exclus comprennent, à la lecture du projet de loi n° 34, ce que la société civile ressent en étant écartée de la table de décision locale, pour les CLD, et régionale, pour les CRE. Les maires et les mairesses exclus devront se trouver une firme de lobbyistes pour convaincre leurs confrères de ne pas les oublier.

n(23 heures)n

Déjà, ce matin, M. le Président, on prenait connaissance d'un article dans le journal La Presse. Le titre est assez percutant: Démission collective dans un centre local de développement. Alors, on pouvait y lire: «Dix des 13 administrateurs d'un centre local de développement au Saguenay ont démissionné, se disant les victimes du projet de loi n° 34 du gouvernement qui accorde aux élus municipaux pratiquement tous les pouvoirs du développement économique et local.

«"Les dés ont été jetés avec la loi 34. Ça donne tous les pouvoirs, un pouvoir extraordinaire, aux représentants de la ville", affirme ? Mme ? la vice-présidente du CLD de Saguenay ? Mme ? Mireille Jean, qui croit que ce genre de situation risque de se reproduire partout au Québec devant l'exclusion de la société civile des sphères de décision.

«"Un transfert de pouvoir unilatéral comme le gouvernement est en train de faire, ce n'est pas acceptable. Ça crée une situation de pouvoir extrême sur l'argent public", ajoute Mme Jean.»

M. le Président, le projet de loi déposé hier par le gouvernement libéral constitue un net recul pour la démocratie participative, puisque les intervenants régionaux ne sont pas tous considérés à part égale et ne pourront participer de plain-pied au développement des régions.

L'extrait de Michel Venne, ici, lors d'une conférence à l'ENAP, parle de... Cet extrait parle de lui-même: «La reconnaissance d'un rôle dans la société civile découle d'une préoccupation de répondre au scepticisme grandissant des citoyens face à l'État en leur faisant une place plus grande au sein du même processus de décision politique. Il s'agit de prendre les moyens pour reconstruire des liens entre les citoyens et les institutions, d'aménager des passerelles, de se mettre à l'écoute des préoccupations des gens. Il s'agit aussi de contrer le désengagement social, de combattre l'apathie des citoyens et leur indifférence face à la chose publique.» Le projet de loi n° 34 fait exactement le contraire.

M. le Président, la très grande faiblesse de ce projet de loi, comme je l'ai mentionné auparavant, c'est de polariser les décisions vers un petit groupe en laissant de côté la société civile, qui pourtant forme le tissu de la communauté et a clairement démontré sa compétence depuis quelques années dans sa participation riche, active et juste dans les prises de décision.

M. le Président, je voterai contre le principe de ce projet de loi, le projet de loi n° 34, parce qu'il exclut la participation citoyenne.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, M. le député de... voyons, je l'ai dit tantôt, là, M. le député de Bertrand. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Duplessis. Alors, Mme la députée de Duplessis.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard: Merci, M. le Président. M. le Président, si je prends la parole ici ce soir, c'est pour vous dire que je voterai contre le projet de loi n° 34. Je vais voter contre parce que, lors du Rendez-vous national des régions de novembre 2002...

Une voix: ...

Mme Richard: Oui, je suis contre, puis, si vous voulez bien écouter, je vais vous dire pourquoi. Lors du Rendez-vous national des régions, en novembre 2002, toutes les régions du Québec avaient en main un plan d'action concerté, détaillé et avaient établi leurs priorités. La Côte-Nord était donc prête à agir sur tous les fronts et avait en sa possession des outils bien adaptés à ses besoins. Les modifications des structures ne constituaient pour aucune des régions une priorité.

Les CRD ont une structure inclusive, une structure participative, une concertation de toutes les forces vives régionales. C'était ça, les CRD. Le projet de loi abolit les CRD pour en faire des CRE, conférences régionales des élus, dont les membres seront essentiellement des élus municipaux. On évacue les autres élus qui sont pourtant eux aussi imputables: les élus scolaires. Je vais vous en parler. J'ai été plus de 15 ans commissaire d'école et j'ai été présidente de ma commission scolaire. Je représentais plusieurs municipalités, donc j'étais imputable envers plusieurs municipalités. Je devais être imputable au même titre qu'un maire qui représente une municipalité, les élus autochtones qui représentent leurs communautés, les élus du Québec, les députés. Eh bien, tous les élus que je viens d'énumérer avaient une imputabilité et avaient une vision régionale. Ce n'était pas juste ça, là. On évacue aussi les forces vives: les intervenants socioéconomiques, les organismes communautaires, les syndicats, le monde de la culture, le tourisme, la santé, les aînés, les jeunes, etc.

Et, en plus de ça, les libéraux tentent de faire croire à la population que le Parti québécois est contre ce projet parce qu'on ne fait pas confiance aux élus municipaux. Rien n'est plus faux. Je n'ai aucun problème à faire confiance aux élus de ma circonscription, je les respecte puis je les apprécie. Ce que nous disons, et je le répète, c'est que les élus scolaires autochtones sont aussi imputables que des élus municipaux.

Autre chose inquiétante: si le gouvernement va de l'avant avec ce projet, les femmes risquent d'être exclues du processus de décision dans plusieurs régions simplement parce qu'il y a moins de femmes impliquées en politique municipale en 2003. C'est vraiment inacceptable. Où on retrouve les femmes souvent, c'est dans des organismes communautaires, au niveau du tourisme. Mais, comme élues municipales, on en retrouve très, très peu.

La structure que les libéraux proposent avec les CRE risque de démobiliser les partenaires régionaux étant donné que tous ne seront pas considérés à parts égales. Et ce risque est bien réel si on considère que la Conférence régionale des élus peut nommer sur son conseil d'administration des membres de la société civile, mais dont le nombre ? et ça, c'est important ? dont le nombre ne peut excéder celui correspondant au tiers de ses membres qui sont des élus municipaux. C'est le CRE qui détermine la durée du mandat de ses membres et s'ils ont droit de vote ou non. Les maires auront à choisir tel groupe au détriment de l'autre groupe. Oui, il va y avoir des guerres de clocher; oui, ça va rendre plus difficile la concertation régionale. La ministre déléguée aux Régions dit faire confiance aux régions, mais, avec le projet de loi que les libéraux nous proposent quant à l'abolition des CRD par... et remplacés par la Conférence régionale des élus, bien, moi, je dis que c'est tout le contraire.

La ministre déléguée au Développement régional fait une tournée d'information; ce n'est pas une tournée de consultation. L'opinion des régions, ça ne compte pas, parce que, si ça aurait compté, dans les régions où les CRD fonctionnaient bien puis où on n'avait pas de guerres de pouvoir, on aurait dit, regarde: Faites votre modèle, puis celui que vous avez présentement, vous l'aimez, on ne viendra pas l'encadrer d'un projet de loi. Ce n'est pas ça qui se passe.

La ministre a fait référence aussi tantôt à la saison des idées lancée par le Parti québécois, par notre chef. Elle a fait référence à trois petits p. Moi, je vais vous parler de trois grands P: parti, programme, pays. Faire du Québec un pays, oui, parce qu'on va avoir toute notre autonomie, les régions vont avoir toute leur autonomie, elles vont en profiter, ainsi que tous les Québécois et les Québécoises. Parce que, contrairement à ce que plusieurs d'entre vous pouvez penser, le Parti québécois a à coeur le développement économique des régions. Puis, pour les régions, il n'était pas question de changer les structures, mais de travailler au développement de celles-ci. Et, plus particulièrement sur la Côte-Nord, je vous dirais que c'est important, du développement régional. On n'en a rien à foutre de s'amuser avec des structures, ça fonctionnait bien. Laissez les gens des régions prendre leur développement économique en main.

Et c'est pour ça, M. le Président, que je vais voter contre ce projet de loi et que je vais faire des interventions auprès de la ministre afin qu'elle reconsidère ce projet de loi pour que la société civile soit partie prenante et que les élus scolaires, les autochtones et les députés aient les mêmes droits, aient le même droit de parole, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Duplessis. Je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. C'est à mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 34 qui a été déposé par le ministre du Développement économique et régional. Vous savez tout comme moi que vivre la concertation, ce n'est pas un phénomène facile, ce n'est pas une situation assez facile. Asseoir des gens qui représentent différents collèges électoraux autour d'une même table pour arriver à établir des consensus ou des pointes de convergence, ce n'est pas nécessairement chose facile.

n(23 h 10)n

Et je pense qu'on est obligé de constater que, depuis 1998, au moment où on a commencé à discuter de l'importance de travailler avec des partenaires au niveau des régions pour leur développement tant social qu'économique, nous avons relevé un bon défi, en fait, l'ensemble des partenaires socioéconomiques dans les différentes régions du Québec. Et je pense que c'est ça qu'il aurait été souhaitable que nous regardions à nouveau pour améliorer, en fait, certains irritants dans cette façon de procéder, mais non pas de tout changer l'ensemble de la structure comme telle.

Il me semble que, quand des gens qui se considèrent des partenaires veulent travailler ensemble à un développement de leurs régions, il faut leur donner les outils et les moyens nécessaires pour qu'ils puissent ensemble arriver à coordonner leurs efforts pour le meilleur dans leurs régions, pour accentuer leurs efforts en vue du développement économique, favoriser l'emploi aussi et permettre à bien des égards l'explosion de différentes idées, antagonistes quelquefois, mais qui finalement arrivent toujours à converger au niveau de l'ensemble des idées parce que c'est favorable pour le rayonnement d'une région ou c'est favorable pour le développement, en fait, d'une entreprise, et ça favorise la main-d'oeuvre ou la rétention aussi des jeunes dans la région.

Les régions du Québec, elles ne sont pas mur à mur, elles sont différentes. Il y a autant de modèles qu'il y a de régions au Québec. Et chacune de ces particularités, c'est la force de notre Québec et ce pourquoi nous tenions absolument à maintenir un modèle de participation où l'ensemble de la société est appelé à contribuer à son propre développement. Cela s'appelle la responsabilisation, responsabiliser les citoyens dans leur propre développement, travailler ensemble à leur propre avenir.

Et je pense que, effectivement, les CRD et aussi les CLE... Et je ne vous dirais pas que les CLE avaient le même rayonnement partout ou avaient le même coefficient de succès partout. Non, effectivement, parce que cela repose sur les individus de chacune des régions et cela prenait aussi la couleur de chacune des régions. Mais ce qu'on avait développé, c'est ce sentiment d'appartenance. Pour une fois, les gens avaient l'impression qu'ils avaient un certain contrôle sur leur développement, sur leur propre avenir, et cela, quant à moi, était une des choses les plus essentielles dans une société qu'on dit de plus en plus moderne. Parce qu'il faut admettre qu'il y a déjà eu des époques, particulièrement ici, au Québec, où on concentrait l'ensemble des décisions autour de quelques personnes. Et c'est ce que nos voulions: mettre un terme à ce genre de pratiques, en fait, au niveau de la politique, au niveau aussi de l'ensemble de la prise de décision, parce qu'on croyait qu'il était souhaitable de faire confiance à l'ensemble des partenaires dans une région et plus particulièrement à l'ensemble de la population civile.

Il y avait aussi un autre objectif lorsque nous avions mis toutes ces structures en place. Moi, notamment chez moi, dans ma région, dans la Montérégie plus particulièrement, la parité entre femmes et hommes était très importante, et nous étions même arrivés à des ententes pour faire qu'en sorte il y ait autant de femmes que d'hommes sur nos conseils d'administration. Et vous savez très bien, tout comme moi, M. le Président, qu'on trouve largement les femmes dans la communauté civile, puis elles s'impliquent énormément dans leur milieu de vie, ces femmes, et, généralement, c'est une porte d'entrée pour elles, arriver à des milieux de décision. Alors, avec le nouveau projet de loi n° 34 tel que présenté, moi, dans ma région, sur 28 représentants, aucune femme, parce que, dans les élus municipaux, il n'y a pas, de femme. Donc, on élimine l'ensemble des femmes qui participaient à la vie démocratique et qui avaient une vision aussi.

Et ce dont on se prive à l'heure actuelle et ce dont se priveront, en fait, l'ensemble de ces conseils d'administration là, autant des CLD que les CRD qui seront appelés par les CRES maintenant, on se prive non pas juste de leur présence, la présence des femmes, ce serait limiter pas mal le rôle des femmes, mais de leur vision dans une société, leur vision quand elles voient le développement d'une société. Et ça, je trouve que c'est vraiment se priver d'un apport considérable dans l'évolution d'une société. Et plus que jamais à l'heure actuelle, dans une société aussi divergente, avec l'éclosion de tellement de nouveaux phénomènes, nous avons besoin autant de la vision des hommes que des femmes pour arriver à tendre vers des solutions qui sont conformes aux nouveaux modèles de notre société. Alors, je trouve ça tout à fait triste de voir que finalement on veut peut-être arriver à trouver un fonctionnement au niveau des élus sans tenir compte, en fin de compte, de la représentation, sans regarder, en fait, au Québec, comment évolue le milieu municipal, en croyant que dorénavant c'est important que le pouvoir tourne autour et rayonne autour toujours des mêmes personnes. Et, quand on nous dit que, les élus, ce sont les gens les plus imputables au niveau municipal, bien, je vous dirais, M. le Président, dans bien cas, il y a des maires qui ne sont même pas... c'est par acclamation, ils n'ont même pas besoin de faire d'élection, ils sont élus tout à fait par acclamation, donc que ce sont des gens qui sont imputables comme beaucoup d'autres qui sont membres d'un collège électoral et qui sont choisis par des membres de leurs collèges électoraux et qui sont sur un conseil d'administration et qui doivent rendre des comptes, eux aussi, aux gens qui les ont élus sur leurs conseils électoraux.

Moi, je pense que, à ce niveau et à cet égard, M. le Président, les gens sont assez égaux là-dedans au niveau de l'imputabilité, notamment aussi en tout ce qui concerne les milieux communautaires où on a demandé de plus en plus aux gens de milieux communautaires une reddition de comptes, où eux aussi doivent rendre compte de leurs faits et gestes et surtout au niveau aussi de leur administration, de plus en plus, en fait. On leur demande d'être aussi... comme on les considère comme des partenaires, qu'ils aient les mêmes règles, à l'ensemble des partenaires aussi, dans une société où on doit rendre des comptes. Alors, M. le Président, les groupes communautaires à l'heure actuelle sont très inquiets, parce que, si ce n'était que dans ce domaine actuel au niveau des CLD, du domaine du développement économique, mais tout l'aspect de l'économie sociale...

Et là je vais vous donner un exemple pourquoi les gens sont si inquiets. La dernière fois que j'ai été à mon CLD pour une réunion du conseil d'administration, il y avait des nouveaux partenaires que je connaissais plus ou moins et qui représentaient, en fait, le monde économique. Et, à un certain moment donné, un d'entre eux ? je parlais de l'économie sociale ? il me demandait: Bien, c'est quoi, ça, l'économie sociale? Moi, je ne suis pas d'accord avec l'économie sociale; de toute façon, c'est en compétition avec l'entreprise privée. Alors, j'ai dit: Écoutez, l'économie sociale, c'est une belle occasion pour permettre à des gens qui étaient quelquefois en dehors du milieu du travail de les récupérer, de leur montrer un travail et de pouvoir s'impliquer au niveau de l'emploi et développer des habilités, et, par la suite, d'en faire de bons travailleurs et, en même temps, des bons payeurs de taxes, payeurs d'impôts comme tout le monde. Alors, cette même personne me dit: Bien, moi, je ne suis pas d'accord avec ça, le travailleur... l'économie sociale, parce que, de toute façon, là, on a un nouveau gouvernement, puis là ce nouveau gouvernement là va mettre ça à terre, parce que, là, c'est de la compétition avec l'entreprise privée.

Mais je peux vous dire que l'ensemble des gens qui étaient autour de la table et qui étaient habitués de travailler ensemble, avec ces nouveaux personnages qui étaient autour de la table, on a eu peur énormément. Parce que, nous, on avait bâti depuis de nombreuses années une reconnaissance des uns et des autres et un respect. Parce que, oui, effectivement, ce n'est pas toujours facile de comprendre les intérêts des uns et les intérêts des autres et de bâtir autour de ça, d'arriver à un consensus ou dans une action, dans une pensée d'action globale.

Alors, c'est pour ça aussi que ces solidarités qui se sont tissées à force de travail, de pouvoir échanger les uns et les autres, de mieux se comprendre les uns et les autres, de mieux comprendre les besoins des uns et des autres, que ce soit le besoin économique, social, ou même l'ensemble des maires, ou même des gens du monde municipal... Chacun sait qu'ils sont solidaires les uns des autres et qu'ils ne peuvent pas se passer en fin de compte de la force que représente un groupe par rapport à un autre groupe. Et ça se bâtit, ça prend du temps à bâtir, ce genre de solidarité là, il faut développer une relation de confiance. Et ce que les CLD nous permettaient et ce que le CRD nous a permis au cours de ces années, c'est de développer cette solidarité-là et cette confiance des uns à l'égard des autres.

n(23 h 20)n

Dans la loi n° 34, ce qu'on nous dit, c'est que dorénavant ces groupes socioéconomiques auxquels ils étaient partie prenante de la décision, parce qu'on leur reconnaissait le droit de vote, maintenant on leur dit: Vous allez faire partie de comités ? il y aura peut-être quatre ou cinq comités ? vous allez participer de ces comités-là, et vous pourrez émettre des avis, et vous pourrez, si on vous consulte, bien, nous donner votre opinion, mais vous n'aurez pas le droit de vote.

Alors, moi, je pense qu'à ce moment-là, c'est un net recul, M. le Président. On ne peut pas dire que c'est une avancée dans le domaine du développement social du Québec. Au contraire, le Québec a toujours été fier d'être à l'avant-garde, d'être un visionnaire, de pouvoir faire les choses différemment. Mais c'est sûr que notre cri du coeur par rapport à cette différence est peine perdue parce que les gens d'en face n'y croient pas, ne peuvent pas s'imaginer qu'un Québec peut survivre par lui-même, que les gens qui le composent, ce sont des gens de coeur et qui veulent cette différence, l'assumer et de travailler dans ce sens-là.

Alors, M. le Président, je peux comprendre qu'ils veulent abolir un peu tout ce qui pourrait nous permettre de nous différencier par rapport à l'ensemble canadien, parce que, au Québec, nous sommes particuliers, nous avons une façon de faire les choses différemment, et ce qui fait qu'on est un modèle pour bien des pays dans le monde à l'heure actuelle, et on vient se référer ici pour savoir comment, nous, on procède.

Alors, c'est cette façon de faire qui nous est si particulière qu'il faut défendre et c'est pour ça que, ce soir, moi, je prends la parole ici, dans cette Chambre, parce que je trouve ça important, important de défendre des valeurs qui représentent cette population-là, cette nation-là du Québec. Et ces valeurs, ce sont des valeurs de solidarité, ce sont des valeurs où les gens sont habitués de se supporter les uns les autres. Et, quand c'est le temps, on l'a démontré avec des grandes corvées, on était tellement près et tellement solidaires des uns des autres. Et cet esprit de solidarité là s'est transformé, et plus particulièrement au niveau des régions, parce que, au niveau des régions il y a une forme d'effritement là à l'heure actuelle, ce qui fait que, si on veut que ces régions-là demeurent fortes, que ces régions-là soient aussi des régions tout aussi prospères que les grands centres, que les villes de centralité, bien, il faut leur donner les moyens et les outils nécessaires. Et ces moyens-là et ces outils-là passent par justement cette vision qu'ont les composantes respectives de chaque région et il faut en faire des partenaires, il faut tenir compte de leurs opinions, de leurs façons de s'exprimer.

Je sais que la ministre ? son titre, je ne m'en souviens plus...

Une voix: ...

Mme Vermette: Ministre déléguée à l'Économie et au Développement régional. Je la prenais pour la ministre, je ne trouvais pas le titre de déléguée, parce que je trouve qu'elle prend beaucoup d'espace dans le dossier. C'est bien, parce que, en fait, je pensais que la représentation de femmes... du moins, au moins, c'est une représentation de femme, alors j'espère que ce qu'on est en train de lui dire, elle en prendra fait et acte et qu'elle apportera une attention particulière pour que la parité hommes-femmes dans des conseils d'administration soit respectée et qu'elle trouve une formule. À mon avis, c'est essentiel dans une société en tout cas qui se veut à l'heure actuelle aussi moderne, où les femmes autant que les hommes jouent un rôle important.

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que, dans notre région, on travaille très fort à l'heure actuelle pour trouver une formule. Et, comme je suis une personne terrain, qui travaille beaucoup avec les gens aussi de son comté et de sa région, alors j'ai participé à plusieurs conseils d'administration dernièrement pour voir comment on pouvait actualiser ce nouveau projet de loi. Je sais que la ministre déléguée devra venir, le 11 décembre, dans notre région, nous informer. Nous, on avait beaucoup de choses à lui dire. D'ailleurs, on a un modèle, le modèle en Montérégie sur comment on veut composer en fait cette nouvelle structure, comment on peut la voir. Mais, déjà là, on s'est aperçu... on a eu deux rencontres où, déjà là, on s'est aperçu que le fait de donner du pouvoir à des gens, quand on donne du pouvoir aux gens, les gens veulent exercer ce pouvoir-là et c'est très difficile, une fois qu'on voit dans la loi à qui on donne le pouvoir, de demander à ces gens de partager leurs pouvoirs.

C'est sûr que des gens... L'enfer est rempli de bonnes intentions. Donc, on sait que beaucoup de ces maires sont remplis de bonnes intentions, mais est-ce que finalement, au bout du compte, ils penseront vraiment d'une façon concrète? En tout cas, on peut avoir beaucoup d'interrogations, parce que la dernière fois qu'on a eu une rencontre, c'est que les maires étaient sur des positions excessivement, vraiment rigoureuses quant à leur participation, la représentation. Ils ne tenaient pas vraiment à ce que des gens, des groupes, soit communautaires ou économiques ou autres, participent, considéraient que, bon, c'était un pouvoir qu'on leur donnait mais que, si jamais ils acceptaient que d'autres personnes puissent participer au CRE, ces gens-là pourraient participer mais sans droit de vote.

Alors, on fait deux catégories, en fait, d'individus sur un même conseil d'administration: ceux qui ont tous les pouvoirs et puis ceux qu'on accepte, qu'on admet par la porte d'à côté, qu'on leur dit: Vous pouvez participer, mais, si vous participez, ne parlez pas trop fort, parce que, si vous parlez trop fort, vous risquez de prendre la porte aussi. On ne vous fait pas vraiment, là, une haie d'honneur, mais simplement c'est parce qu'on voudrait bien vous dire «on vous tolère».

Alors, c'est une façon d'agir qui me semble excessivement dangereuse; on va mettre des gens en opposition. Des grosses villes... Comme chez moi, la ville de Longueuil, je n'ai pas de problème. Moi, j'appartiens à la plus grosse ville, en fait, la troisième plus grosse ville du Québec. On espère qu'elle va demeurer aussi entière, qu'on n'arrivera pas à la démembrer, cette ville. On a travaillé tellement fort, tout ça, là aussi, à vouloir faire que cette ville puisse avoir un même rayonnement, qu'elle joue un rôle aussi important que ville de Laval, parce que c'est une MRC. Nous aussi, à Longueuil, on voulait bien qu'on ne soit qu'une MRC et qu'on puisse être aussi compétitive que les villes de même taille que chez nous.

Donc, M. le Président, nous espérons, nous espérons vraiment que, lors de la rencontre, on ait plus que de l'information, mais que ce qu'on a à dire soit entendu, qu'on ait aussi... qu'on puisse se sentir, en fin de compte, des partenaires de la ministre et non pas simplement des gens qui doivent être des exécutants d'une loi que l'on discute ici, en Chambre, ce soir et qu'on sait que pertinemment ? on est à l'adoption de principe ? pertinemment, elle sera adoptée, cette loi. Nous, ce qu'on dit: Il n'y a pas urgence en la demeure. Les gens ont besoin encore de voir à ce qu'on peut améliorer dans nos différentes structures. Mais, de là à vouloir exclusivement changer l'ensemble de ces structures-là, on se pose des questions: Pourquoi? Pour donner plus de pouvoirs qu'à une seule catégorie dans une région, qu'aux élus municipaux?

Moi, à mon avis, je pense qu'on est en train de faire fausse route; on est en train de désolidariser les gens. C'est un gouvernement qui, à mon avis, par des prises de position de ce genre, travaille sur des préjugés, ne fait que fortifier ces préjugés-là et ne fait qu'antagoniser les uns par rapport aux autres. Et, à mon avis, ce n'est pas une façon vraiment de gérer un pays quand on croit à l'ensemble des gens dans une population. Je pense que, M. le Président, on peut avoir mieux, on pourrait avoir eu mieux aussi qu'un projet de loi comme le projet de loi n° 34 et qu'il aurait été souhaitable qu'avant qu'on arrive à voter ce projet de loi là on puisse aussi écouter, entendre l'ensemble des intervenants et qu'on fasse une véritable consultation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, Mme la députée de Marie-Victorin. Mme la députée?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, Mme la députée. Vous êtes d'accord? Alors...

Mme Delisle: J'aimerais que la députée de Marie-Victorin nous indique combien de femmes députées dans le monde municipal... pas députées, pardon, conseillères municipales ou mairesses ont perdu leurs emplois, ont disparu de la carte municipale lorsque le gouvernement du Parti québécois a forcé les fusions de plusieurs villes au Québec.

Mme Vermette: On ne peut parler que des choses que l'on connaît, je vais parler dans ma région. Pour notre grande ville, il n'y a personne qui a perdu son poste en tant que femme. Il n'y en avait qu'une, et elle a été élue en tant que mairesse. Elle a participé à la grande ville, mais elle s'est désistée alors parce qu'elle était favorable aux défusions.

n(23 h 30)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je reconnais maintenant M. le député de Berthier, toujours sur l'adoption du principe du projet de loi que nous débattons. Alors, M. le député de Berthier.

M. Alexandre Bourdeau

M. Bourdeau: Merci, M. le Président. Je désire, ce soir, en cette Chambre, vous présenter quelques-unes de mes réflexions et préoccupations concernant les enjeux de la décentralisation, du soutien au développement et du modèle de gouvernement régional proposés par le projet de loi n° 34. En tant que député de Berthier, je suis des plus concernés, puisque le rôle lié à ma fonction est appelé à changer advenant une application intégrale du projet de loi tel que présenté par M. le ministre Audet.

Cette réforme proposée par le gouvernement n'a jamais fait l'objet de consultations officielles, et ce, à un quelconque niveau. Les différents intervenants de la région se sont vu imposer cette nouvelle formule sans égard aux résultats de leurs travaux dans le cadre du fonctionnement actuel de gestion.

La composition des nouvelles instances que seront les conférences régionales des élus se base sur des critères qui ne s'appliquent pas à Lanaudière. La ministre se souviendra, lorsqu'elle est venue, l'exemple des petites municipalités où Mme Richard, mairesse de Saint-Zénon, lui a fait part... La nouvelle Conférence des élus fera en sorte que, dans Lanaudière, les petites municipalités ne seront plus représentées, ce qui est très dommage, et sera très dommageable pour le développement régional. Ces petites municipalités qui auparavant avaient leur place au sein de nos instances de développement régional.

On a aussi créé une liste, une liste qui a été jointe au projet de loi, qui indique le nom des villes et, c'est-à-dire, le nom des maires qui pourront siéger sur les conférences. Cette liste indique, pour l'instant, en ce qui nous concerne chez nous: Rawdon, Berthierville, la paroisse Saint-Gabriel-de-Brandon. Et sans nous dire vraiment comment ? on a posé la question plusieurs fois ? sans nous dire vraiment comment la ministre a élaboré cette liste, le projet de loi prévoit, entre autres, des décrets ministériels qui pourraient modifier ce palmarès des maires pouvant accéder aux conférences régionales des élus. Je repose la question, je redemande aux gens responsables de nous dire comment qu'ils ont créé cette liste-là? Au-delà d'une consultation possible avec la FQM, pourquoi c'est ces villes-là et pourquoi pas d'autres?

Ça fait, et comme ma collègue de Terrebonne a expliqué tout à l'heure, ça amène, dans Lanaudière, un débalancement au niveau de la représentation, et ça amène à terme la séparation des deux solitudes qui existaient dans la Lanaudière, qu'on avait réussi au cours des années, en travaillant très fort, à rapprocher et faire en sorte qu'on ait un développement réellement conjoint, constructif dans Lanaudière. Un de ces exemples-là, c'est la concertation qui a été faite entre les commissions scolaires et notre instance du cégep régional, qui prouvait encore une fois que nos instances de développement et de concertation faisaient en sorte qu'on pouvait avoir une réelle concertation entre les différents acteurs, ce qu'on n'aura plus, malheureusement, avec les nouvelles conférences des élus.

Cette nouvelle structure appelée la CRE pourrait exclure tous les groupes, ici, de la société civile du processus décisionnel et ainsi les reléguer à un simple rôle consultatif. En effet, comme vous le savez, c'est sur une base volontaire, sur une base volontaire que les gestionnaires pourront nommer à leur conseil d'administration des membres additionnels et leur donner, s'ils le veulent bien, le droit de vote. De surcroît, le nombre de représentants ne pourra pas excéder celui correspondant au tiers des élus municipaux, et ma collègue de Terrebonne le disait bien tout à l'heure, un nombre minime pour Lanaudière pourra donc être représenté, c'est-à-dire quatre groupes pourront être représentés au conseil d'administration. Je rappelle que ces personnes ne pourront siéger qu'au bon vouloir des gestionnaires en partie mis en place par le ministre lui-même.

Il va sans dire que le projet de loi n° 34 risque de démobiliser les leaders socioéconomiques, ces hommes et ces femmes qui, bénévolement, oeuvrent au développement de leur collectivité locale et régionale. Dans ce contexte, advenant qu'un CRE s'adjoint le maximum de personnes, qui aura le privilège de siéger à une telle table? Les Attikameks? Ça aussi, c'est un cas que... j'avais posé une question en Chambre au ministre, et sa réponse m'avait complètement déçu, parce qu'il ne considère pas les élus attikameks au même titre qu'un élu municipal. Pourtant, ce représentant chef de bande, qui est chez nous Paul-Émile Ottawa, il représente, selon moi, sa communauté et il devrait être normalement sur la Conférence régionale des élus au même titre que la mairesse de Saint-Zénon ou le maire de Saint-Michel-des-Saints dans la Haute-Matawinie. Eh bien non, on dit au conseil de bande chez nous: Bien, vous serez sur les instances de développement si on décide que vous allez être là.

On se pose la question, les commissions scolaires aussi, les élus scolaires, qu'est-ce qu'on va faire avec eux? Les jeunes, comment qu'on va faire pour avoir une représentation des jeunes? Parce qu'on le sait, dans le système dans lequel qu'on vit, au niveau politique, les jeunes n'ont pas encore ? et je trouve ça dommage, M. le Président ? les jeunes n'ont pas encore pris leur place en totalité dans toutes nos instances démocratiques un peu partout, que ce soit au niveau municipal, régional ou ici même, à l'Assemblée nationale.

Je suis heureux parce que, dans mon caucus, on est quand même quelques-uns dont Stéphan Tremblay, député du Lac-Saint-Jean, et député de Joliette, ce qui me fait plaisir d'avoir quand même une représentation jeune. Mais on le sait, dans les diverses instances municipales, c'est des choses, des personnes, les jeunes sont moins présents.

Et il y a aussi l'arbitrage qu'on devrait faire entre, bon, la culture, l'agriculture, la forêt, les loisirs. Il y a tellement de domaines qu'on peut parler de développement... quand on parle de développement régional. Mais, étant donné qu'il devra y avoir arbitrage dans ces domaines, on va faire en sorte de laisser tomber des pans de développement, ce qui peut être très dommageable pour une région.

Le projet de loi prévoit également l'évaluation, par les CRES ? ça, je pense c'est très, très pernicieux ? de tous les organismes de planification et de développement aux paliers local et régional dont le financement vient du gouvernement. Après ces évaluations, les CRES devront ? et c'est marqué très clairement dans le document que la ministre remet lors de ses tournées d'information ? les CRES devront éliminer et/ou fusionner ces organismes. On voit, encore une fois, on tente de démanteler, de détruire du développement dans les régions.

Le développement actuel des régions peut sembler parfois lourd par le nombre de personnes siégeant au conseil d'administration des différents organes de développement présents. Il y a beaucoup de voix parce que l'élaboration des structures, comme j'expliquais tout à l'heure, a été inspirée par le souci d'une représentation la plus large possible des différentes instances impliquées dans le développement local et régional.

Ces structures allient la représentation démocratique à la compétence non partisane. La gestion comme telle n'est pas liée à une couleur politique ou à des impératifs locaux qui interpellent directement la personne appelée à se situer à l'intérieur de la structure. Le plus gros danger qui guette la nouvelle structure des conférences régionales des élus, c'est la prise de décision à la lumière d'informations dirigées, biaisées ou influencées par des impératifs personnels ou encore regroupant une minorité des individus concernés.

Dans ce contexte, ce projet de loi crée, sans aucune justification, des conflits plus que prévisibles au sein de ces nouvelles structures. Les guerres de clocher, on le sait, ont paralysé le Québec trop longtemps. Pourquoi revenir à un mode de fonctionnement qui consacre la mise en concurrence des intérêts directs d'élus qui devront rendre des comptes à leurs électeurs et non à l'ensemble de la population concernée par un éventuel CRE.

Ce projet de loi n'est donc pas rassurant, puisqu'il rend la tâche des élus locaux très difficile. Ceux-ci devront, en plus de gérer leur propre municipalité, gérer un bassin beaucoup plus important de citoyennes et de citoyens qui n'ont aucun recours advenant une mauvaise gestion. Au mieux, les habitants de la municipalité dont le gestionnaire est maire pourront l'éjecter lors d'une élection. Et, pour ce qui est du représentant à la préfecture, présentement, il est nommé par les autres maires, que le pouvoir du citoyen directement au niveau démocratique est très minime.

Encore là, au niveau des maires, le bât blesse, puisqu'un maire consciencieux ? et c'est normal, la plupart des maires consciencieux de leur municipalité veulent travailler pour leur municipalité ? voudra forcément décrocher ce qu'il y a de mieux pour sa propre municipalité, pour son bien, mais aussi pour s'assurer un renouvellement de mandat. Il sera donc extrêmement difficile pour cet élu de garder l'équilibre essentiel entre gestion démocratique et non partisane du développement régional et local.

En bref, avec ce projet de loi, nous, les contribuables, allons confier notre argent à des élus qui sont mis en concurrence pour développer notre région. Pour la ministre, la tâche ne sera pas non plus de tout repos, puisque la tentation sera grande. Si le ministre considère qu'il faille bouger les choses rapidement et à sa façon, dans l'état actuel du projet de loi, il sera possible de placer les interlocuteurs les plus flexibles au sein des postes-clés de la nouvelle structure, étant donné la liste qui existe et qui peut être changée simplement par décret.

Un amaigrissement ou une rénovation des structures actuelles est peut-être nécessaire, mais il faut agir avec beaucoup de parcimonie. Lorsqu'on propose qu'une impunité totale advenant les abus de la gestion de fonds confiés directement par un ministère à un élu local... le concept d'imputabilité est questionnable. Dans le cas d'un abus flagrant, les gestionnaires concernés pourront être pointés du doigt. Mais, si le ministre considère que l'élu concerné n'a pas à rendre de comptes, celui-ci pourra rester en place en toute impunité.

n(23 h 40)n

Il est donc facile d'imaginer un cas de figure où un maire important de par son poste au sein d'un CRE pourra favoriser sa propre localité avec l'argent de tous les citoyennes et citoyens, et ce, dans une perspective normale de vouloir développer sa municipalité, et ce qui pourra amener des conflits encore plus grands au niveau du développement régional. Ce cas de figure serait certes catastrophique, mais heureusement nos élus sont en général de bonne foi, mais la structure proposée les met à rude épreuve et peut-être que l'oeuvre du temps réserve ce scénario catastrophique.

Le développement d'un pays, d'une région, d'une communauté repose sur plusieurs dimensions autres que l'économique. La tangente que prendra le développement à venir dans le cadre des nouveaux CRES dépendra des nominations, et cela est des plus inquiétant. Le social, l'environnemental, le culturel, l'éducation seront peut-être mis de côté. Il est préoccupant de constater que le développement qui sera préconisé par ces nouvelles instances ne pourra qu'être économique, et ce, au détriment des autres formes de développement. De surcroît, lorsqu'un développement suppose un enrichissement, il est également prévisible que des individus s'approprient certaines richesses appartenant à la collectivité.

Mais, au-delà des appréhensions terre à terre que peut apporter une tel mode de fonctionnement, il faut souligner qu'un territoire se développe par ceux qui l'habitent. Consommer sur un territoire ne veut pas dire habiter sur un territoire. Je peux m'acheter quelque chose dans un magasin, sur le bord de l'autoroute, mais la qualité de vie de cette station-service ne m'inspire pas. C'est la même chose pour une région: si le territoire n'est pas adopté par la population, si la culture et l'entraide communautaire ne sont pas à l'ordre du jour, l'exode continuera. La spécialisation dans un seul secteur économique risque, à terme, d'affaiblir toute l'économie d'une région. Ce serait aller tout à fait à l'encontre d'un développement régional, ce serait contribuer à l'exode des habitants d'une région.

Une personne peut travailler à quelque part et y habiter, mais, si cette personne ne s'identifie pas à son milieu, pourquoi s'obstiner à demeurer en région? La grande ville est tout à fait impersonnelle et offre bien plus d'opportunités d'emploi. Pour que nos régions restent en vie, il faut qu'elles soient habitées par ses habitants, pas simplement par des travailleurs. Les CRES sont donc la structure de tous les dangers: danger de collusion partisane, économique et périclitement du développement alternatif, mais non moins important... que sont la culture, le social et l'éducation, le communautaire, l'agriculture, les forêts, et j'en passe.

Peu importe la structure qui sera adoptée, ceci doit être fait en fonction d'une concertation la plus efficace et intégrée possible. Les moyens de nomination suggérés par le projet de loi, tout comme le nombre restreint des gens ayant voix au chapitre, n'ont rien pour rassurer et les élus et les électeurs. En tant que député de Berthier, je déplore le peu de considération portée à la représentativité dans ce projet de loi, et ce, en contradiction complète avec le principe fixé, c'est-à-dire une plus grande imputabilité. Et, dans ce sens-là, j'invite aussi les différentes personnes responsables du dossier de regarder ce que «imputabilité» veut dire. «Imputabilité» ne dit pas automatiquement «élection», «imputabilité» dit plutôt «reddition de comptes». Et cette reddition aurait pu être faite de nos instances régionales d'une simple façon, celle proposée par des associations qui parlent de... qui disaient qu'on pouvait ouvrir les livres des instances de développement régional au Vérificateur général, ce qui ferait en sorte que ces organismes de développement régional deviendraient donc, dans un certain sens, imputables, étant donné qu'ils donneraient une reddition de comptes à la Vérificatrice générale, donc à l'Assemblée nationale.

Dans ce contexte, on en vient même à se poser la question suivante: pourquoi faire référence à l'imputabilité lorsqu'on sait pertinemment que, justement, l'imputabilité ne sera plus qu'un concept avec la structure désignée? Ce n'est pas parce que des maires vont prendre des décisions que l'instance décisionnelle appelée CRES sera plus imputable, au contraire. Pour faire de la concertation, il faut des intervenants neutres, issus de plusieurs milieux d'expertise variés. L'importance des sommes confiées devrait nous interpeller. Je suis donc d'accord à une participation des élus, mais tous les élus, tant la députation du Québec que des représentants scolaires, attikameks ou autres. Cependant, il nous faut absolument le concours de la société civile, et ce, de façon décisionnelle, afin de nous préserver du piège de la logique partisane.

M. le Président, on voit de plus en plus, avec les différents projets de loi, que... et les différents discours qu'on entend de la part du gouvernement en face, on voit de plus en plus que leur but, leur but non avoué mais qui de plus en plus apparaît clairement à la population: ils veulent démanteler l'État québécois, ils veulent faire en sorte que l'État québécois se retrouve pieds et mains liés au gouvernement fédéral. Ils n'ont même... le Parti libéral a perdu son essence même, il ne croit plus au Québec. Pour eux, le Québec doit être totalement et simplement subordonné au gouvernement fédéral. Les batailles, ils ne les font plus. Dans différents domaines, nous le voyons de plus en plus, ils décident, et ça, de façon tout à fait... ils décident eux-mêmes de prendre les décisions de ne pas se battre pour le Québec, et ça, de plus en plus, les gens et la population le voient.

Nous avons eu la chance aujourd'hui de voir ce que les gens pensent du gouvernement, et, contrairement à ce qu'on peut dire, ce n'est pas... Les gens, lorsqu'ils nous parlent, les gens, quand ils viennent nous voir, ils nous parlent de ce que le gouvernement fait présentement, et souvent, ils nous disent: C'est incroyable, qu'est-ce que je vois, parce que je n'aurais jamais pensé qu'un gouvernement libéral... Et je peux vous dire qu'il y a même de mes concitoyens et concitoyennes libéraux qui viennent me voir, ils me disent: On n'aurait jamais pensé que le gouvernement libéral ferait ce qu'il fait présentement.

C'est tout à fait inacceptable, ce qui passe. Une chose qui est certaine, ce gouvernement devra faire face un jour à la population, et, ce jour-là, M. le Président, je suis sûr et certain, la population jugera ce gouvernement. Il devra répondre de ses actes. Et, ce jour-là, on verra exactement ce que les gens pensent de ce gouvernement, mais je peux vous dire que présentement, ce que les gens pensent de ce gouvernement, c'est un des pires gouvernements qu'on a eus au Québec depuis plusieurs années. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Berthier. Je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Bonsoir, M. le Président. C'est un plaisir de parler, même à cette heure tardive. J'espère que mes collègues du côté ministériel ont quand même une oreille attentive. Je les connais, je connais leur professionnalisme, j'en suis convaincue.

Je retrouvais des notes de ma réplique au discours inaugural du premier ministre, et je retrouvais quelques-unes des citations, et de moi et du premier ministre. Je pense que je vais les sortir d'entrée de jeu, M. le Président.

Je disais à l'époque: Quelle est la proposition? Où réside l'espoir? Quelle vision anime le premier ministre? En quoi appelle-t-il au dépassement les Québécois et Québécoises? Quelle souffle nous portera? On nous promet ? et je cite le premier ministre dans son discours ? «d'insuffler un vent d'air frais au Québec». On nous invite à ouvrir ? et je cite toujours le premier ministre: «Il faut ouvrir les fenêtres de notre grande maison.»

Eh bien, qu'est-ce qui s'est ouvert, M. le Président? C'est la porte qui s'est ouverte et qui a été montrée aux représentants de la société civile, aux femmes, aux communautés culturelles et aux jeunes; dans les organismes de concertation, de développement régional, c'est une grande porte qui s'est ouverte, M. le Président, dans laquelle on tente de les évacuer, et je trouve cela très dommage. J'irai même jusqu'à dire, M. le Président, que ce n'était peut-être pas un impact désiré par le gouvernement. Ils n'ont peut-être... On sait que ça va vite actuellement, que les projets de loi se déposent à toute vitesse, qu'il n'y a à peu près pas de commissions parlementaires qui se tiennent. Il serait important, M. le Président, qu'on regarde de l'autre côté, actuellement, l'impact de ce qui est en train de se passer.

Certains et certaines de mes collègues de la Capitale-Nationale, membres du caucus libéral que je connais bien, sont des personnes très respectueuses de la mixité et de la diversité. Je pense entre autres à ma collègue du comté de Jean-Talon. Je la connais, je suis sûre qu'elle n'a peut-être pas... La connaissant, connaissant ses valeurs, elle n'a peut-être pas tout à fait analysé l'impact de ce projet de loi. Or, ils n'ont peut-être pas non plus entendu tous les messages claironnés par les citoyens et citoyennes, les leaders et les acteurs de la région. Mes collègues, dont la députée de Jean-Talon, étaient présents à la tournée d'information de la ministre qui a eu lieu hier, à l'hôtel Hilton. Mais aucun, aucune d'entre eux n'était présent ou présente cet après-midi à l'assemblée régionale de concertation ? et ça m'étonne, M. le Président, ça m'étonne ? au Manoir Delage, pour entendre les commentaires de la région. Même le ministre responsable de la Capitale-Nationale, le député de Louis-Hébert, qui, normalement, aurait dû être là. Depuis la fondation du CRD, M. le Président, je n'ai jamais vu ? je n'ai jamais vu ? qu'à tout le moins ? à tout le moins ? un ministre responsable de la Capitale-Nationale ne se soit pas fait représenter à l'Assemblée régionale de concertation, et je trouve cela dommage. Ce n'est pas un blâme...

n(23 h 50)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, Mme la députée. Ce n'est pas parce qu'il nous reste 10 minutes avant de terminer les travaux que le règlement a changé. Et, encore là, j'ai sept, huit caucus devant moi, j'ai de la difficulté à suivre l'intervenante. La meilleure façon d'écouter celle qui a la parole, c'est en silence, ce n'est pas en faisant des caucus multipliés dans l'enceinte. Alors, moi, je voudrais que celle qui a la parole puisse s'exprimer librement, comme ça a bien été, là, jusqu'à... depuis le début des travaux. Alors, je ne vois pas pourquoi qu'on ne permettrait pas que ça se termine dans le même sens. Mme la députée.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Alors, simplement, je vais prendre la parole, ce soir, pour relayer leurs propos. Je serai prudente, parce qu'il reste peu de temps devant nous. On va à toute vapeur, et, si les députés ministériels n'entendent pas ce que je dis, je pense que la démocratie risque d'en prendre pour son rhume, M. le Président. Et je pèse mes mots.

Je veux bien ? et je le dis d'entrée... je le dis d'office ? je veux bien donner le bénéfice du doute à mes collègues libéraux et croire qu'ils n'avaient pas prévu l'impact de la loi n° 34 sur notre société régionale. Je veux bien le croire, M. le Président. Et ce que je veux dire, ce soir, c'est qu'il risque d'y avoir démobilisation. C'était d'une grande évidence cet après-midi même, à l'assemblée régionale de concertation. Je veux bien croire, j'espère croire que ce qu'ils voulaient, ce n'était pas la démobilisation des forces vives de la région. Et pourtant, c'est ce qui est en train de se passer, M. le Président, et c'est là-dessus que je veux les interpeller, M. le Président.

Le prix à payer à long terme serait trop coûteux. On ne peut pas démobiliser une région comme ça et penser que ça n'aura pas un impact à long terme. D'abord, parce que rien ne laissait croire que la ministre ferait volte-face, carrément, et transformerait sa tournée de consultation ? qui avait été évoquée au CRD, moi j'avais entendu que la ministre ferait une tournée de consultation ? ouf! volte-face, ça s'est transformé, tout à coup, en tournée d'information. Alors, la surprise de toutes les régions a été totale quand elles ont vu qu'on est passé d'un modèle de concertation ? ce qui était intéressant et efficace, qui est dans la culture québécoise ? à un modèle d'imposition. Un modèle de concertation est devenu un modèle d'imposition, et c'est là que le bât blesse, M. le Président.

Alors que les libéraux faisaient miroiter une décentralisation à la carte ? c'est ça, le discours libéral, décentralisation à la carte ? alors qu'ils invoquaient l'absence de mur-à-mur ? et je viens d'entendre la ministre encore invoquer l'absence de mur-à-mur ? c'est le contraire qui se produit, M. le Président. Et c'est ça qu'il faut qu'ils entendent. J'y reviendrai et plaiderai auprès de mes collègues du caucus libéral de la capitale nationale, en accord avec toute la région qui s'était exprimée de cette façon cet après-midi, que le principe du mur-à-mur, qui est le fondement de ce projet de loi, soit abandonné. C'est inacceptable actuellement, ce mur-à-mur, ça défait la mobilisation de la capitale nationale.

L'autre bât qui blesse, c'est l'évacuation de la société civile. Bien sûr, tout le monde s'entend pour dire que les élus municipaux sont imputables, qu'à ce titre ils ont droit au plus grand respect, mais pourquoi évacuer la société civile et les élus des commissions scolaires, tiens? Les élus des commissions scolaires, qui pourtant s'occupent de formation professionnelle, d'éducation. C'est en lien avec le développement économique, ça, M. le Président. Ils ont invoqué ce fait aujourd'hui pour dire: Nous voulons être assis à la table. On n'en garde qu'un petit nombre. Peut-être, peut-être qu'on va avoir la société civile, si les élus le veulent, et sans droit de vote. Encore que, peut-être, si les élus municipaux l'acceptent. Mais pourquoi tout ce flou, M. le Président? Pourquoi la ministre ne donne-t-elle pas des indications dans le projet de loi qui ramènent ce projet de loi aux normes de 2003? Représentation paritaire des femmes ? c'est une règle acceptée ? représentation paritaire des communautés culturelles, tout cela, M. le Président, devrait être inclus dans le projet de loi. C'est inacceptable, en 2003, qu'on oublie des choses comme ça.

Qu'est-ce qu'on veut réparer, M. le Président? Qu'est-ce qui est brisé? On demande toujours ça, dans un projet de loi: Qu'est-ce qu'on répare avec ça? Qu'est-ce qui est brisé? Alors qu'il est notoire que, dans la région de la Capitale-Nationale, le modèle du CRCD est efficace, rassembleur et mobilisateur, et mes collègues libéraux du caucus de la région de la Capitale-Nationale le savent. Est-ce qu'il est lourd, le modèle? Bien non, il n'est pas lourd. Beaucoup moins qu'on peut le penser, puisqu'il y a déjà eu un ménage de fait dans la région. C'est du mur-à-mur, M. le Président, que nous prépare la ministre. Le CA du CRCD est passé de plus de 60 à 28. Le ménage est déjà fait. La rationalisation est déjà faite. Qu'est-ce qui est à réparer, M. le Président? Qu'est-ce qui est brisé, dans la capitale nationale ? et je parle pour ma région?

Et, en plus, le modèle proposé par la ministre est caduc pour la région. Il représente exactement tout ce dont on s'est débarrassé dans les dernières années. La ministre déclarait, mercredi après-midi: On ne pourra pas éviter les chicanes de clocher. Pourquoi elle a dit ça dans la capitale nationale, M. le Président? Mais parce qu'elle le sait que, le modèle qu'elle nous prépare, c'est l'ancien modèle de la Communauté urbaine de Québec. Je le lui disais ici, dans cette Assemblée: 12 ans, 12 ans pour adopter un schéma d'aménagement. Voici le modèle de développement régional qu'on nous propose, ça n'a aucun sens, c'est une erreur, Mme la ministre. Et, si vous pouvez... Vous dites: On ne pourra pas éviter des erreurs. Oui, vous pouvez. M. le Président, la ministre peut éviter des erreurs; il suffit qu'elle inclue autre chose dans son projet de loi que le mur-à-mur et qu'elle respecte tout le monde de la concertation dans la Capitale-Nationale. Ça a pris 12 ans à simplement décréter un schéma d'aménagement, c'est un modèle qui a été décrié par la région pendant des années.

Il y a une chose que je tiens à dire aussi, Mme la Présidente, je parle de mur-à-mur, les gens n'ont pas l'air à comprendre pourquoi je parle de ça. Je vais donner un exemple des incongruités de ce projet de loi et de son option mur à mur. La ministre invoque le besoin qu'elle ressent de faire confiance aux élus municipaux pour la composition de la société civile des Cris, mais elle ne leur fait même pas confiance dans la composition de base des conférences régionales des élus. Claude Larose, membre de l'exécutif de la ville de Québec, responsable depuis des années du développement économique, nous a appris cet après-midi qu'il ne pourra pas, qu'il ne pourra pas être membre de la Conférence régionale des élus. Claude Larose, responsable du développement, membre de l'exécutif. Pourquoi il n'est pas président d'arrondissement? C'est un non-sens dans la région. La salle a levé, a dit: Mais qu'est-ce que c'est que ce modèle? Il est inacceptable.

C'est absolument impensable, M. le Président, que les élus de la Capitale-Nationale...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Mme la députée, pour les mêmes raisons que tantôt, je vous dirais que c'est très clair, je ne crois pas que le décorum est présent dans cette Assemblée présentement. Et, moi, je souhaiterais qu'on termine. Il reste que quelque trois, quatre minutes avant de terminer. Vous, il vous reste un bon 10 minutes. Et, en conséquence, il faut faire dans le silence, et ce n'est pas ce qui se passe présentement. Alors, je demande aux collègues de cette Assemblée de permettre que le débat se termine correctement.

Mme la députée de Taschereau, si vous voulez poursuivre, pour les trois minutes qui restent avant l'ajournement.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Je comprends que les propos que je tiens aux élus de l'autre côté provoquent des réflexions, des échanges, je trouve ça extrêmement intéressant. Je pense que c'est ce que je cherche: à essayer de débattre, et qu'ils comprennent l'importance de ce projet de le changer, d'enlever l'optique mur à mur qui va démobiliser la région de la Capitale-Nationale. Je serais très heureuse de voir qu'ils puissent échanger, mais, effectivement, c'est difficile de parler dans ce contexte.

Je demande à la ministre, M. le Président, à qui elle veut plaire. En tout cas, surtout pas aux forces vives de la région qui se sont assises ensemble et ont développé, depuis des années, un modèle de fonctionnement dont ils sont fiers et qui sert les citoyens, citoyennes de la Capitale-Nationale. Il faut de toute urgence qu'elle comprenne que son projet de loi n'a aucune souplesse et va désavantager notre région. Les femmes de la région représentent près de 40 % du CRCD actuellement. Dans le nouveau modèle, il n'y en aura plus qu'une sur 22. Je pense qu'on va atteindre à peu près le 3 % à 4 %. C'est un recul inacceptable. Dans une société moderne, de voir un tel recul de la participation féminine, je le crois, M. le Président, est inacceptable. Comment le ministre... la ministre peut-elle justifier un tel recul des femmes sur son projet de loi?

Je lui demande de reconsidérer son projet. Il est inacceptable dans sa forme actuelle. Elle l'a répété à satiété, de faire confiance aux élus pour établir une meilleure parité, sauf que les mathématiques sont contre elle, M. le Président. Même si toutes les personnes représentant la société civile étaient des femmes, ce qui serait extrêmement étonnant, on a entendu les débats, on serait très en dessous des standards élevés que la région s'était donnés en matière de représentation féminine.

D'autre part, et je pense que la ministre doit entendre ça...

Le Vice-Président (M. Gendron): Mme la députée, je veux juste vous indiquer qu'il vous reste huit minutes, parce que j'ai pris une minute, mais, compte tenu de l'heure, je dois ajourner les débats demain matin, à 10 heures. Oui, j'indique qu'il vous restera huit minutes dans la continuation de ce débat-là, pour vous, à la prochaine séance où le projet de loi sera appelé.

Une voix: ...

Ajournement

Le Vice-Président (M. Gendron): Ah, merci, madame. Alors, les travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à minuit)