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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 4 décembre 2003 - Vol. 38 N° 36

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence du gouverneur de l'État du Vermont, M. James Douglas

Présence du consul général de la République de Colombie
à Montréal, M. Eduardo Camacho Barco

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président: Bonjour. Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

M. Boisclair: M. le Président.

Le Président: Oui.

M. Boisclair: M. le Président, au nom de l'opposition officielle...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Boisclair: M. le Président, au nom de l'opposition officielle, je voudrais vous remercier pour l'agréable fête que vous nous avez organisée hier. Et ça a été surtout une occasion pour nous de découvrir pourquoi vous êtes un si bon président: nous avons tous compris qu'avant toute chose vous êtes un excellent danseur, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Je voudrais ajouter, M. le Président, que, à la hauteur où la députée de Maskinongé a sauté hier, vous nous avez rendus extrêmement humbles sur notre force physique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Tout ça pour vous dire que je me prépare à une future carrière.

Des voix: Ha, ha, ha!

Présence du gouverneur de l'État
du Vermont, M. James Douglas

Le Président: J'ai l'honneur de souligner la présence dans les tribunes de M. James Douglas, gouverneur de l'État du Vermont des États-Unis d'Amérique. M. Douglas, welcome to the National Assembly.

Présence du consul général
de la République de Colombie à Montréal,
M. Eduardo Camacho Barco

J'ai également le plaisir de souligner la présence de M. Eduardo Camacho Barco, consul général de la République de Colombie à Montréal. M. le consul.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles, ni présentation de projets de loi, ni dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée de Bourget.

Étude détaillée du projet de loi n° 13

Mme Lemieux: M. le Président, je m'excuse, j'étais très concentrée. Alors, M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 2 et 3 décembre 2003 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les mines. La commission a adopté le texte du projet de loi.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Mme la députée de Bellechasse.

Consultations particulières
sur le projet de loi n° 33

Mme Vien: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui, le 3 décembre 2003, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 33, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal.

Dépôt de pétitions

Le Président: Ce rapport est déposé. Dépôt de pétitions. Mme la députée de Chambly.

Préserver et développer le parc d'habitations
à loyer modique, et maintenir les loyers actuels

Mme Legault: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 84 pétitionnaires, locataires d'habitations à loyer modique du comté de Chambly.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse d'impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

n(10 h 10)n

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 181 pétitionnaires. Désignation: locataires d'habitations à loyer modique du comté de Deux-Montagnes.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, de protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, de maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, de permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Cette pétition est déposée. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Consentement? Consentement. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 663 pétitionnaires, locataires des habitations à loyer modique du comté de Laporte.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Les soussignés demandent à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, de protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, de maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, de permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de solliciter le consentement des membres de cette Assemblée afin de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 288 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec, de la circonscription électorale de Notre-Dame-de-Grâce.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Given that the social housing stock in Québec constitutes a precious heritage for all modest-income citizens and that it is an important element of our social safety net;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Given that it would be unfair that the poorest members of our society suffer from the Government's promise to reduce income tax;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale du Québec de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété des 65 000 logements à loyer modique, protect and renovate its social housing stock, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: ...

Le Président: Consentement. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 200 pétitionnaires. Désignation: locataires d'habitations à loyer modique de la circonscription de Pointe-aux-Trembles.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour toutes les citoyennes et les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, votre pétition est déposée. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer deux pétitions non conformes.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de deux pétitions non conformes? Consentement. M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 734 citoyens du comté de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé 2,3 % de leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

n(10 h 20)n

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la priorité de ses... propriété, pardon, de ses 65 000 logements à loyer modique ? HLM ? protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Donc, la deuxième pétition. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 615 citoyens du comté d'Abitibi-Est.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par notre gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer une pétition qui est non conforme.

Le Président: Y a-t-il consentement? Consentement. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 204 pétitionnaires. Désignation: locataires occupant des HLM du comté de Laval-des-Rapides.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes à la période de questions et réponses orales, et je suis prêt à reconnaître M. le chef de l'opposition officielle.

Règlement du dossier du déséquilibre fiscal

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, hier, j'espère que vous ne vouliez pas attaquer le gouvernement en illustrant que la cigale, ayant chanté tout l'été, doit danser maintenant. Mais, mardi dernier, le ministre des Finances affirmait qu'il n'était pas en mesure de garantir les 2 milliards de crédits supplémentaires pour les services de santé, tel que promis. Aujourd'hui, en sens inverse, on apprend qu'il abandonne sa promesse de réduire les impôts de tous les Québécois de 1 milliard. Et pourtant cet engagement formel a été répété dans le discours inaugural et au Conseil général du Parti libéral de la mi-septembre. On peut supposer qu'on y avait réfléchi.

Non seulement cet engagement de baisser les impôts ne sera pas rempli, mais, en plus, on sait déjà qu'il y a une hausse d'impôts et de tarifs de près de 1 milliard. Il est clair que le premier ministre a largement commencé une bataille en règle contre les contribuables du Québec.

Demain, il va à Charlottetown. Est-ce qu'il nous promet de mettre la même ardeur dans sa bataille en règle pour aller au fond du problème contre le déséquilibre fiscal qui nous coûte 50 millions de dollars par semaine?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bon. Alors, le chef de l'opposition officielle a zigzagué finalement jusqu'à sa question finale, pour tomber sur Charlottetown en passant par la question des impôts et des taxes. Peut-être que ce serait opportun de rappeler que le gouvernement précédent nous a laissé ce trou de 4,3 milliards de dollars, qu'ils nous ont laissé comme legs un contexte économique où les citoyens du Québec sont les plus taxés en Amérique du Nord, parmi les plus endettés. D'ailleurs, son prédécesseur le rappelait, dans un discours qu'il a livré hier, qu'il y a là effectivement un problème qui est très important et qui doit être effectivement un problème qu'on doit résoudre si on veut effectivement agir de façon équitable envers les générations à venir.

Mais je rappellerai également, M. le Président, qu'on a toujours été très clairs sur les objectifs poursuivis de faire en sorte qu'on puisse ramener les impôts à la moyenne canadienne, qu'on puisse le faire dans le mandat, qu'on va le faire ? on va agir dès le prochain budget ? que nous visons... Là-dessus, on a été... Je ne sais pas combien de fois on l'a répété qu'on va viser la classe moyenne et en particulier les familles avec enfants. C'est ça, l'objectif poursuivi par le gouvernement, puis on va livrer la marchandise, M. le Président.

Le Président: En terminant, M. le premier ministre.

M. Charest: En terminant, en terminant, M. le Président, je suis très heureux de dire au chef de l'opposition officielle que, effectivement, je serai à Charlottetown dès ce soir et que demain nous espérons conclure les discussions sur la création d'un conseil de fédération, une nouvelle institution qui sera au service des citoyens du Québec, pour que nous puissions mieux défendre les intérêts du Québec. Et ce Conseil de fédération existera grâce au leadership du gouvernement du Québec, un leadership qui a fait défaut pendant les neuf dernières années au Québec.

Le Président: En question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.

Respect des engagements électoraux

M. Bernard Landry

M. Landry: Les paroles vont dans un sens, mais les actes vont dans l'autre. Les Québécois sont taxés de 1 milliard de plus, depuis huit mois, qu'ils ne l'étaient auparavant. Mais mardi le ministre des Finances a confirmé que les transferts fédéraux, eux, allaient diminuer de 1,3 milliard l'an prochain. C'était clair, c'est ce que tout le monde a compris. Et, dans le cadre financier des libéraux, on prévoyait une hausse de 1 milliard. Alors, si on fait la somme algébrique plus et moins, ça veut dire une différence de 2,3 milliards. Là, on prend la parole des porte-parole du gouvernement.

Est-ce que le premier ministre va enfin admettre que son cadre financier était absurde, et que son document du 12 septembre 2002, il est périmé et bon pour les archives, et que son devoir, s'il veut vraiment calmer les Québécois angoissés, ce serait de repartir à zéro, sur de nouvelles bases? Et la base principale de ça, ce serait la franchise et la transparence.

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le leader, ça va? M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, le chef de l'opposition est mal placé pour donner des leçons de calcul ou de mathématiques à quiconque, lui qui se levait ici, à l'Assemblée nationale, et disait à voix haute qu'il empruntait, quoi, à 5 %, puis avec un retour à 10 % pour la SGF, alors que la moyenne au net ça a été de 1 % pendant les cinq années. Puis on n'a pas encore fini justement de faire l'inventaire de l'administration désastreuse de la SGF sous sa responsabilité. La Caisse de dépôt a perdu 13,2 milliards de dollars. Vous avez fait un projet de métro qui devait être à 160 millions; ça monte à 550 millions de dollars aujourd'hui. C'est ça, le résultat net.

Dans votre cas à vous, on connaît très bien les résultats de l'administration du gouvernement précédent. Malheureusement, c'est les citoyens du Québec qui sont pris avec les résultats. Et, heureusement, ils ont fait élire un gouvernement, le 14 avril dernier, avec le mandat de changer les choses pour qu'on arrête d'avoir un État où les finances publiques sont toujours tirées au maximum, pour qu'on puisse retourner à une ère où on a des marges de manoeuvre et donner des services aux citoyens, et c'est exactement ce qu'on va faire, M. le Président.

n(10 h 30)n

On en avait un cadre financier pendant la campagne. Vous n'en aviez pas parce que vous n'aviez pas non plus de crédibilité ou de vision pour l'avenir du Québec. Puis on a l'intention de livrer sur les engagements qu'on a pris, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Mercier.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Dépôt des textes proposant la création
du Conseil de la fédération

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. La dernière fois que j'ai interrogé le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes afin que les parlementaires soient saisis des textes visant à créer le Conseil de la fédération, il m'a répondu que c'était prématuré.

Après une séance de travail qui a eu lieu ici même, à Québec, le 24 octobre, et à la veille de son départ pour Charlottetown, est-il encore prématuré de demander que ces textes soient déposés ici, à l'Assemblée nationale, pour les parlementaires? Ou doit-on comprendre qu'il part aujourd'hui avec le premier ministre créer le Conseil de la fédération derrière des portes closes?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Merci, M. le Président. Effectivement, le Conseil de la fédération devrait être créé normalement demain. Il appartient cependant au premier ministre d'avoir le dernier mot sur la création de cette instance. Le projet donc de conseil de la fédération n'est pas arrêté au moment où on se parle. Toutefois, je tiens bonne note du fait que, hier, la commission des institutions s'est réunie, et il a été convenu à l'unanimité, donc c'est-à-dire avec le consentement de tous les partis qui étaient présents, que je serai entendu sur le projet de conseil de la fédération au mois de janvier prochain. Alors, je m'en remets donc à la volonté de la commission des institutions.

Bien entendu, cette commission a décidé unanimement, je le répète. Par ailleurs, cette commission est tout à fait souveraine.

En ce qui concerne cependant l'information au public et aux parlementaires, j'aimerais rappeler que c'est un projet dont nous parlons depuis l'an 2000. C'est un projet qui a fait l'objet, par ailleurs, de notre programme électoral, sur lequel les gens ont eu l'occasion de se prononcer le 14 avril dernier. J'ai publié un certain nombre de textes dans les journaux. Et, par ailleurs, un peu comme le ministre de l'Éducation, je vous invite à aller voir le site Web du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes pour justement voir les détails concernant les grandes orientations du Conseil de la fédération qui va être créé.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: M. le Président, le ministre, qui dit vouloir s'attaquer au pouvoir de dépenser fédéral, qui a d'ailleurs... Est-ce que le ministre s'engage ? s'engage ? lui qui est tanné de ce pouvoir de dépenser fédéral, est-ce qu'il s'engage à faire adopter, à Charlottetown, une résolution exigeant du futur premier ministre Paul Martin qu'il arrête d'utiliser ce pouvoir de dépenser dans le domaine des compétences du Québec, ce qui pourrait contribuer d'ailleurs à régler le problème du déséquilibre fiscal?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Merci, M. le Président. Effectivement, je tiens à reconfirmer que, pour nous, le problème du pouvoir fédéral de dépenser est très important. Nous avons condamné l'exercice parfois abusif du pouvoir fédéral de dépenser dans des champs de compétence québécois et dans des champs de compétence provinciaux.

Par ailleurs, nous avons soutenu nos revendications par rapport au déséquilibre fiscal avec, je dirais, énormément de vigueur depuis que nous formons le gouvernement, et nous allons continuer à le faire, M. le Président. Nous allons continuer à le faire puis nous allons nous doter d'un instrument pour avancer nos dossiers, et cet instrument, c'est le Conseil de la fédération. Parce que, nous, le Québec auquel on croit, ce n'est pas un Québec qui est sur la voie d'évitement, mais c'est un Québec qui reprend son leadership historique dans l'ensemble fédératif canadien.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

Protection des personnes vivant en centre
d'hébergement et de soins de longue durée

M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, la situation des centres d'hébergement ne va pas en s'améliorant, M. le Président. Évidemment, les journaux du matin nous apprennent une nouvelle situation déplorable à l'Hôpital Saint-Charles-Borromée, où on s'enlise.

De l'autre côté, on a appris toute la situation du Pavillon des pins, évidemment, où on a eu le coroner qui a eu à intervenir suite à quelque chose qui, sur le plan humain, dans une société civilisée comme la nôtre, c'est un petit peu inquiétant: quelqu'un qui décède suite à du froid dans sa chambre. C'est assez... assez préoccupant. Et ce qui me préoccupe, c'est que c'est finalement la curatelle publique qui est allée intervenir dans ce dossier-là, ce qui démontre l'absence de mécanisme de réaction satisfaisant du système de santé.

Parallèlement à ça, on a un exemple ce matin, dans le cas d'une bénévole qui est expulsée, où des gens qui gèrent le système de santé réagissent avec célérité, avec promptitude pour appliquer la loi de l'omerta et mettre dehors des bénévoles s'ils interviennent pour protéger les malades.

Alors, ma question est très simple au ministre: Est-ce qu'il n'est pas inquiet que le système de santé ne comporte pas de mécanisme de réaction satisfaisant pour protéger les malades, alors qu'on est assez prompt quand vient le temps de mettre dehors des bénévoles qui dénoncent des situations humaines?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Oui, M. le Président. Comme tous les Québécois, nous sommes inquiets quand nous avons la connaissance de ces événements, pour le Pavillon des pins, qui sont tels que le député de Rivière-du-Loup les a cités mais un peu plus compliqués quant à la séquence des événements. On y reviendra peut-être.

Pour ce qui est du cas de la bénévole qui est rapporté ce matin dans les médias, je pense que c'est là le coeur du mandat de l'enquêteur qui est actuellement à l'oeuvre. On lui a demandé, entre autres choses, de déterminer s'il s'agissait, les infortunés événements que nous connaissons, d'un événement ponctuel ou d'un problème de culture plus large dans l'établissement. Et ce genre d'événement, je ne doute pas que l'enquêteur y porte une attention particulière.

Sur l'ensemble de la question, nous suivons la situation de très près, au jour le jour, M. le Président. Il y a beaucoup de problèmes dans les centres d'hébergement, on le sait. Entre autres, la raison de ces problèmes-là: les coupures de budget, les mises à la retraite, le manque d'investissement au cours des années, nous en récoltons aujourd'hui les résultats tragiques. Nous allons agir, nous allons corriger la situation. Et non seulement agir cas par cas, mais de façon globale, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que le ministre, qui nous parle d'agir, n'est pas mal à l'aise avec l'action qui a été posée dans le dossier de Saint-Charles-Borromée, où le nouveau directeur qui a été nommé par intérim en remplacement de M. Lafleur est quelqu'un qui a déjà été condamné par un tribunal de première instance pour s'être débarrassé d'un bénévole qui signale les faiblesses du système de soins aux patients? Cette cause est actuellement en appel, mais on a néanmoins pris quelqu'un pour le mettre en place qui a déjà été condamné par un tribunal de première instance exactement pour la loi de l'omerta.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, la personne qui a été nommée en charge de la direction de cette institution dans des circonstances extrêmement difficiles, au lieu de pointer le doigt sur cette personne, on devrait plutôt le remercier d'avoir accepté des responsabilités aussi lourdes. Nous lui faisons confiance, la régie régionale qui l'a nommé a la plus grande confiance en lui.

La question de la bénévole qui est rapportée ce matin, il n'est pas clair que ce soit en rapport avec ce nouveau directeur général, puisqu'elle a été, dit-on, éloignée ? et nous n'avons pas connaissance des détails ? le jour même de l'entrée en fonction de cette personne.

Nous réitérons notre confiance envers le gestionnaire qui a été nommé et nos remerciements pour le fait qu'il accepte de lourdes responsabilités dans des circonstances aussi difficiles, M. le Président.

Le Président: En dernière question additionnelle, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que le ministre, qui m'étonne, me renverse en me disant qu'il n'a aucun malaise, alors qu'il dit combattre la loi de l'omerta, avec la nomination d'un nouveau directeur qui a été condamné par les tribunaux pour cette même situation, ne pense pas que le nombre de cas, la gravité des cas, le fait qu'il faille combattre la loi de l'omerta justifient que de plus en plus de gens et l'Association des groupes d'intervention en défense de droits de santé mentale du Québec appuient l'idée, ce matin, qu'une vaste commission d'enquête publique s'impose dans ce dossier-là?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Nous avons déjà répondu à cette question, qu'effectivement l'inquiétude de la population grandit, et la nôtre également, lorsque nous voyons ces cas dévoilés devant nos yeux.

Nous avons jusqu'à maintenant considéré que le moyen le plus efficace d'y réagir est l'action, ce que nous commençons dans les jours actuels et dans les jours qui suivront, entre autres la visite de 4 000 personnes dans les résidences, qui devrait débuter au mois de janvier. Nous ne fermons pas la porte cependant à l'idée que soulève le député de Rivière-du-Loup. Mais soyons conscients que le déclenchement d'une enquête peut également avoir un effet paralysant sur l'action et sur les améliorations concrètes à apporter aux résidents dans ces résidences, de sorte que nous continuons à évaluer la situation, M. le Président.

n(10 h 40)n

Le Président: En question additionnelle, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Création du poste de commissaire à la santé

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Santé peut nous expliquer les raisons du retard à déposer le projet de loi sur le commissaire à la santé, tel que promis durant la présente session, qui doit recevoir, examiner les plaintes des usagers en regard de tous les droits qui leur sont garantis par la Charte et faire rapport à la population par le biais de l'Assemblée nationale? Pourquoi ces retards successifs à déposer le projet de loi promis sur le commissaire à la santé?

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Je comprends, M. le Président, que la députée a hâte de voir nos projets de loi adoptés et cheminer dans le processus législatif. Nous lui donnerons satisfaction.

Le Président: M. le ministre.

M. Couillard: Pour ce qui est du projet de loi sur le commissaire à la santé, comme déjà mentionné, M. le Président, ce projet de loi sera déposé au cours de la présente session.

Le Président: Question principale?

Mme Harel: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En additionnelle, Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Pourquoi est-ce que le ministre de la Santé a-t-il réduit de 40 à 10 millions le budget alloué par le gouvernement précédent aux services dans les centres de soins de longue durée?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, voyons, il est clair qu'on ne peut réduire un budget qui n'existait pas. Il n'y avait pas de fonds...

Des voix: ...

M. Couillard: ...non, il n'y avait pas de fonds pour ces promesses et ces engagements, qui étaient à la limite du cynisme ? à la limite du cynisme ? compte tenu du fait que, jusqu'en décembre 2002, le gouvernement de l'époque, maintenant l'opposition, niait même qu'il y ait un problème de financement dans le réseau de la santé. Ce n'était qu'un problème de gestion, M. le Président.

Alors, quelques semaines avant les élections, on a soudainement... soudainement réalisé qu'il y avait un problème de financement, juste à temps pour les élections. On a préparé à la hâte un budget, avec des engagements importants, dont on savait pertinemment que les fonds n'étaient pas présents pour les remplir, et nous agissions selon les moyens de la collectivité québécoise.

Le Président: En question principale, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Respect des engagements électoraux concernant
le réinvestissement dans le réseau de la santé

Mme Louise Harel

Mme Harel: En principale, M. le Président. Je voudrais d'abord rappeler au ministre de la Santé qu'un budget a été déposé, qui allouait des fonds substantiels pour les services de qualité dans les centres de soins de longue durée et que ce sont les promesses libérales qui deviennent virtuelles, M. le Président.

En période de questions, le premier ministre confirmait hier que, dans le document libéral rendu public durant la campagne électorale ? et je cite le premier ministre, hier ? on disait très clairement que, «à partir de l'année fiscale 2004-2005, nous allons mettre en oeuvre le programme et notre cadre financier».

Alors, M. le Président, le cadre financier, nous le retrouvons dans ce document libéral. Il s'intitule Total des réinvestissements en santé du prochain gouvernement libéral, et ce cadre financier prévoit un investissement de 2,2 milliards de dollars en 2004-2005.

Le Président: Votre question, Mme la députée.

Mme Harel: Dans le contexte de la revue de programmes qui s'achève, le ministre de la Santé peut-il nous indiquer que les 2,2 milliards promis vont lui être alloués par son gouvernement?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, d'abord, je voudrais demander à la députée que, lorsqu'elle s'adresse à ma personne ou à mon poste, qu'elle mentionne le poste correctement, c'est «Santé et Services sociaux». Les services sociaux, c'est important également.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Vous, vous le savez très bien, M. le Président.

Le Président: À la question.

M. Couillard: Alors, pour nous, la santé est tellement prioritaire, et nous en avons fait une priorité au cours des années qui ont précédé la campagne. Le premier ministre a passé des années à sillonner toutes les régions du Québec, il n'y a presque pas d'établissement de santé qui n'a pas été visité. Le document a été déposé en septembre 2002, le livre, l'excellent livre Partenaires pour la santé, au début de l'année 2003, nous avons été élus sur cet engagement. La priorité était telle, M. le Président, que nous avons décidé de ne pas attendre 2004-2005 et de commencer d'emblée les réinvestissements en 2003-2004 pour un montant de 1,3 milliard.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

M. Legault: En additionnelle.

Le Président: En question additionnelle, je m'excuse.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Est-ce que le ministre des Finances et le ministre de la Santé et des Services sociaux savent que l'essentiel des sommes auxquelles on vient de faire référence, qui ont été ajoutées dans le budget de cette année, c'était pour couvrir des coûts de système? Tout le monde sait ça, M. le Président.

Et est-ce que le ministre des Finances peut nous confirmer, peut nous confirmer, M. le Président, oui ou non: va-t-il remplir la promesse la plus importante du Parti libéral du Québec: ajouter 2,2 milliards de dollars dès le 1er avril 2004?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, il y a une inexactitude dans ce que vient de dire le député de Rousseau. Ce qui a été annoncé au printemps dernier par le ministre des Finances comportait non seulement le respect des coûts de système... Et il y aurait longtemps, en passant, qu'on aurait dû accorder les coûts de système au système de santé, c'est en 1994 que ça a arrêté, cette affaire-là, les coûts de système en santé.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Couillard: Donc, non seulement les coûts de système, mais également des nouvelles initiatives pour près de 250 millions de dollars ? récurrents, une autre différence ? 250 millions de dollars. Parce que le gouvernement précédent a pris l'habitude au cours des années, un, de ne pas respecter les coûts de système ? et toutes les données sont là pour le démontrer ? et, deux, de donner des développements non récurrents qui plongeaient le réseau dans l'incertitude année après année.

Le Président: Alors, dernière question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre des Finances peut nous confirmer ? si je me fie à la réponse du ministre de la Santé, donc, 2,2 milliards moins 250 millions, donc environ 2 milliards ? est-ce que le ministre des Finances peut nous confirmer qu'il va, là, augmenter le budget de la santé et des services sociaux de plus de 2 milliards de dollars dès le 1er avril qui vient? Le réseau attend après cette importante promesse.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Merci.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Rousseau, vous avez posé votre question. Si vous voulez une réponse, il faut attendre. M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler dans cette Chambre que nous avions lors du dernier budget, le 12 juin, donné au ministère de la Santé le budget le plus élevé de toute l'histoire du Québec: 19,1 milliards de dollars, une croissance supérieure à 7 %. Jamais, jamais l'opposition, qui a été au gouvernement, n'a fait autant que nous avons fait à la santé, et notre engagement, c'est d'investir de façon prioritaire à la santé. Le prochain budget sera déposé au printemps, et vous verrez qu'on respecte nos engagements, nous.

Le Président: En question principale, M. le député de Joliette.

Mise en oeuvre des modifications au réseau
des services de garde à l'enfance

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, M. le Président. M. le Président, nous savons déjà que le projet de loi n° 32 va faire augmenter les services de garde de 5 à 7 $, et ça, dans quelques semaines, là, le 1er janvier prochain. Mais ce qu'on doit savoir aussi, M. le Président, du projet de loi n° 32, c'est qu'il y a, à l'intérieur de ce projet de loi là, la remise en question du rôle des régions dans le développement des places, qu'il y a l'ouverture massive aux garderies privées, qu'il y a une hausse des tarifs en fonction de la modulation, et même une hausse des tarifs de façon indexée pour les années suivantes, et qu'il y a l'article 4 qui ne respecte pas l'avis de la Commission d'accès à l'information.

Ma question est bien simple: Est-ce que la ministre va poursuivre dans l'improvisation pour le projet de loi n° 32 et l'adopter à la sauvette avant Noël? Finalement, est-ce que la ministre est en train de nous dire que c'est «game over» pour les parents du Québec?

Le Président: Alors, Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, effectivement, la loi n° 32... le projet de loi n° 32 comporte plusieurs modifications qui seront faites au plus grand bénéfice du service à nos parents. Il y a plusieurs éléments dans cette loi-là qui nous empêchaient de modifier l'allocation des places, de faire en sorte que plus de régions en bénéficient, que les gens à qui on a autorisé le développement de places puissent le faire et que ceux qui ne peuvent plus le faire, qu'on puisse les récupérer et les donner à d'autres organismes, que ce soient les centres de la petite enfance ou les garderies privées. Et je vous dirais, M. le Président, qu'on travaille au quotidien à faire en sorte que le développement se poursuive, qu'il se poursuive très bien pour que les parents aient des places. C'est un projet d'accessibilité et de qualité, et nous y travaillons, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, est-ce que la ministre, qui nous confirme ici que c'est un important projet de loi qui aura des impacts majeurs sur tout le réseau de services de garde, peut s'engager à prendre son temps, rencontrer les parents, discuter avec les gens qui jour après jour s'occupent du réseau de services de garde avant d'adopter cet important projet de loi?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, je vous dirais que, sur ce sujet, nous avons probablement consulté plus que le gouvernement précédent ne l'a fait dans les 10 dernières années du service de garde.

Des voix: ...

n(10 h 50)n

Le Président: Mme la ministre.

Mme Théberge: Non seulement nous avons rencontré les différentes associations représentatives à plusieurs reprises, non seulement nous avons fait des consultations, non seulement nous avons reçu au-delà de 4 000 courriels, et tous les jours encore nous écoutons... Il y a un problème de places, M. le Président, les services de garde ont besoin d'oxygène, les parents ont besoin de places, et nous travaillons au quotidien avec nos associations, que nous avons rencontrées et que nous rencontrons encore dans les prochains jours, pour s'assurer une finalité qui va faire en sorte qu'on aura le meilleur scénario pour les parents, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

Mise en place d'un centre de recherche
biopharmaceutique à Laval

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, on avait au Québec une entreprise qui était un fleuron de l'industrie biopharmaceutique, à Laval, qui s'appelait BioChem Pharma. Or, M. le Président, cette entreprise a été vendue à la société Shire, et celle-ci s'était engagée à garder ouvert le laboratoire de recherche à Laval. Or, cet été, on a appris la fermeture de ce laboratoire et le début de discussions avec le ministre d'Industrie Canada, Allan Rock.

Or, M. le Président, il semble qu'il y ait un groupe, actuellement, d'hommes d'affaires, entre autres avec M. Bellini, et le Fonds de solidarité du Québec, qui avait conclu une entente pour reprendre ce laboratoire important, réembaucher plus de 30 scientifiques. Or, M. le Président, M. Bellini s'est retiré du dossier parce que le ministre d'Industrie Canada se traîne les pieds.

Est-ce que le ministre du Développement régional du Québec s'intéresse à ce dossier? Est-ce qu'il peut nous mettre à jour sur cette situation importante pour l'industrie biopharmaceutique au Québec?

Le Président: M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: Merci, M. le Président. C'est une bonne question que pose le député, et je le remercie parce que ça va nous permettre de mettre les pendules à l'heure sur ce dossier-là, dossier très important.

Il faut comprendre que l'entreprise a été vendue effectivement à Shire, avec l'accord des gouvernements d'Ottawa et de Québec, et gouvernement, je le signale, qui était le gouvernement du Parti québécois. Donc, il faut partir de là. Donc, il y a eu une entente avec les gouvernements. Donc, là, actuellement, nous, on est arrivé, Ottawa a fait prendre des engagements à l'entreprise, vous avez raison. J'ai rencontré le ministre Allan Rock à ce sujet, et il a manifesté à l'entreprise l'intention de faire respecter ces engagements-là. Donc, ça, c'est la situation de fait.

À partir de cette situation, nous avons travaillé avec, effectivement, les gens du milieu de Montréal, Montréal International, beaucoup de groupes, pour essayer de relancer effectivement le centre de recherche, qui avait été écarté dans les décisions de restructuration de Shire. Nous suivons la situation de très près avec eux, nous sommes prêts à apporter le support, mais nous attendons un investisseur privé qui va prendre les risques, effectivement, de continuer les opérations et mettre les ressources financières suffisantes pour garantir un avenir à long terme à ce centre de recherche.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre sait qu'on avait un investisseur privé, M. Bellini, avec son fonds d'investissement, Picchio, qui était disponible, qui était prêt à investir? Et, M. le Président, est-ce que le ministre du Développement économique et régional est au courant qu'actuellement M. Allan Rock essaie de régler un autre dossier avec la compagnie Shire, ce qui retarde tout l'investissement et qui met même en péril cet investissement important dans un laboratoire de recherche à Laval? Est-il vraiment au courant des négociations qui ont lieu actuellement, M. le Président?

Le Président: M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président de Shire Canada, qui m'a fait part des projets d'investissement de l'entreprise au Canada. Les projets annoncés, nous a-t-il promis, vont aller de l'avant, c'est très clair là-dessus. Ce qui est en cause, c'est l'investissement dans un nouveau centre de recherche pour prendre le relais des groupes de recherche qui ont été effectivement écartés par le projet.

La discussion ? vous avez raison ? la discussion se poursuit avec le gouvernement fédéral et avec ces groupes, et M. Bellini, effectivement, est partie de ces discussions-là. Mais vous comprendrez que c'est sa décision, ce n'est pas la nôtre. Nous allons appuyer la décision d'investisseurs pour aller de l'avant, pour garantir ces emplois de chercheurs québécois que nous supportons, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Masson.

Consultations sur la réforme
du mode de scrutin

M. Luc Thériault

M. Thériault: M. le Président, les états généraux sur la réforme des institutions démocratiques ont eu le mérite d'établir une démarche citoyenne transparente et transpartisane. Or, voilà que le ministre délégué fait son nid à partir du modèle élaboré par Louis Massicotte qui, lors du congrès général du Parti libéral, faisait la démonstration que son modèle servirait les intérêts électoralistes du Parti libéral. M. le Président, je demande le consentement pour déposer le...

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a un consentement? Consentement. Votre document est déposé.

M. Thériault: Merci. Actuellement, le ministre prétend que les rencontres privées qu'il fait en excluant la population du Québec tiennent lieu de consultations.

Est-ce que le ministre délégué peut nous dire où et quand les citoyens et citoyennes du Québec ont accepté le modèle Massicotte?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: D'abord, M. le Président, permettez-moi de me réjouir de la première question du député de Masson sur la question de la réforme du mode de scrutin. Il n'est pas sans savoir ? et c'est là-dessus que le gouvernement a tablé ses premières représentations sur ce dossier-là ? le député de Masson n'est pas sans savoir qu'il y a au Québec, entre les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, un consensus sur cette question-là. Le chef de l'opposition a même dit en campagne électorale que la représentation proportionnelle, dans notre mode de scrutin, c'était quelque chose qu'on devait introduire. Et je suis content de le rappeler ce matin, parce que l'attitude du député de Masson est contraire à ce qui me semble être ce consensus-là et l'opinion que son parti a de la question.

En ce qui concerne les consultations en particulier, la réponse à la question du député de Masson claire et nette: il va y avoir dans ce dossier-là une consultation qui va être publique. Cette consultation-là va survenir au moment où nous aurons déposé un projet de loi. Tout le monde pourra s'exprimer. Et je dis en terminant la chose suivante: Pour l'instant, il y a effectivement des consultations qui se font avec tous les groupes intéressés à cette question-là, avec tous les partis politiques qui ont vie au Québec, et le seul parti politique qui refuse de participer à ces consultations, c'est le Parti québécois. Je prie, je prie les représentants du Parti québécois d'accepter de venir à cette consultation. Elle va être enrichie, et le projet de loi qui serait déposé, hein, en sera d'autant enrichi.

Le Président: En question additionnelle. M. le député de Masson.

M. Luc Thériault

M. Thériault: M. le Président, est-ce que le ministre délégué, qui se doit d'être à la hauteur des institutions qu'il veut réformer, pourrait donner l'exemple ce matin et répondre sans détour aux questions que je lui pose?

Est-ce que le ministre délégué s'engage à ouvrir les portes du parlement...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Masson, pourriez-vous poser votre question immédiatement?

M. Thériault: ...s'engage à ouvrir les portes du parlement avant le dépôt du projet de loi afin de mettre en place une consultation citoyenne transparente et transpartisane?

n(11 heures)n

Le Président: Alors, M. le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: La réponse à sa question, c'est: Bien sûr. Mais encore faudrait-il que le député de Masson et que l'opposition officielle ouvrent les portes du Parti québécois. Il est normal, M. le Président, quand on veut préparer le dépôt d'un projet de loi qui est aussi important, qui se veut être au-dessus des intérêts partisans, qui veut respecter un consensus dans la société, il est normal de préparer le dépôt du projet de loi et la consultation publique qui va s'ensuivre d'une préparation correcte, honnête, ouverte. C'est ce que nous cherchons à faire avec tous les groupes intéressés, avec tous les partis politiques représentés. Le seul, je le répète, qui refuse de participer à cette commission... Et je vois l'air rembruni du député de Borduas, qui aimerait bien que son parti change d'opinion là-dessus...

Une voix: ...

M. Dupuis: ... ? encore, effectivement ? je vois l'air rembruni du député de Borduas. J'espère que vous allez changer d'opinion, qu'ils vont changer d'opinion et qu'ils vont participer à la consultation.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Masson.

M. Luc Thériault

M. Thériault: Est-ce que le ministre délégué, qui vraisemblablement ne veut pas de discussion et de débat sur le modèle, lui...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le député, si vous voulez poser votre question.

M. Thériault: Est-ce que le ministre, qui prétendait que tout avait été dit en la matière, que le débat était terminé, est-ce qu'il peut nous pointer dans ses rangs 30 personnes qui peuvent nous faire la différence entre le modèle écossais, le modèle allemand, le modèle scandinave, le modèle Massicotte et le modèle japonais?

Le Président: M. le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, M. le Président, M. le Président, le député de Masson, là, s'entête à ne pas vouloir accepter la réponse qui lui est fournie à la question précise qu'il a posée. Le député de Masson veut savoir s'il va y avoir une consultation. Il y en a deux, consultations: une première, que nous faisons... D'ailleurs, le député de Rivière-du-Loup a participé à cette consultation, a pu faire valoir ses arguments, et il va être le premier à vous dire que le gouvernement n'est pas fermé à toutes sortes d'idées qui peuvent courir sur cette question-là. De telle sorte que le modèle, il n'est pas campé. C'est pour ça qu'on fait une consultation. Venez vous exprimer à la consultation. Le projet de loi pourra refléter votre opinion aussi. Alors, je vous encourage à changer d'opinion, à venir à cette consultation-là; vous en serez d'autant plus heureux lorsqu'on déposera un projet de loi.

Le Président: En question principale?

M. Boisclair: En question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Question additionnelle, M. le leader.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Est-ce que le leader du gouvernement réalise que ce n'est pas dans son bureau qu'on veut s'exprimer, l'endroit où on veut s'exprimer, c'est dans l'Assemblée nationale, c'est dans une commission parlementaire, puis qu'on n'ira pas faire des deals portes closes sur cette importante question?

Le Président: M. le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: Très honnêtement, là, M. le Président, ce qui me rend triste, ce qui me rend triste ce matin du ton et de la substance des questions, c'est que, dans ce dossier-là... Moi, j'ai été heureux quand on m'a confié ce dossier-là, parce que voilà un dossier où il faut se lever au-dessus des intérêts partisans, voilà un dossier... voilà un dossier, M. le Président...

Des voix: ...

M. Dupuis: Voilà un dossier où un consensus dans la société se reflète et voilà un dossier dans lequel il faut avancer en maintenant ce consensus le plus possible. De telle sorte que la réponse à votre question, elle est claire: Oui, il va y avoir une consultation publique. J'ai même dit que cette consultation irait rencontrer les citoyens. Ce que j'ai dit, ce que j'ai surtout dit, c'est que ça fait 30 ans qu'on discute de cette question au Québec. Il m'apparaît que, si on veut avancer et si on veut commencer à la régler, il faut d'abord avoir des décisions et des actions. Les actions, ce serait un projet de loi qui sera déposé au printemps. Dans la préparation de ce projet de loi là, je rencontre tous les groupes qui sont intéressés par cette question, tous les partis politiques. Ils se sont tous d'ailleurs, ceux qu'on a rencontrés à date, déclarés satisfaits des rencontres. Je vous invite à y participer.

Le Président: En question principale, M. le député du Lac-Saint-Jean.

Financement et gestion
des mesures destinées aux jeunes

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Depuis quelques années, dans toutes les régions du Québec, il s'est mis en place des forums jeunesse régionaux qui participent au développement et au dynamisme des régions, contribuent à la revitalisation des territoires, favorisent une culture de la relève, participent à élaborer des stratégies pour lutter contre l'exode des jeunes. Or, les forums régionaux hier ont appris, par un attaché politique du cabinet du premier ministre, que les sommes d'argent promises par ce dernier seraient dorénavant confiées aux élus municipaux dans la Conférence régionale des élus.

Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer en cette Assemblée qu'il renie ses engagements pris lors de l'étude des crédits, lors d'une rencontre avec les jeunes, confirmés par son adjoint parlementaire et confirmés dans un décret le 15 octobre dernier, et que, en ce temps des fêtes, les jeunes du Québec, comme bien des gens au Québec, M. le Président, sont en train de se faire passer un sapin en se faisant retirer la gestion des fonds régionaux d'investissement au profit des maires?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Un peu plus, puis il partait avec son fauteuil, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Charest: Bon. Alors, j'espère qu'il a eu le temps de prendre son souffle. Ma réponse va être très courte. Le Fonds Jeunesse, on a toujours été très clairs là-dessus, va faire en sorte que tous les fonds disponibles iront pour les jeunes. Alors, là-dessus, il n'y a aucune espèce d'équivoque, ça a toujours été le cas. Puis, vous avez raison, on l'a réitéré puis on a eu l'occasion de le dire. Et, au niveau régional, la même chose va être vraie, M. le Président.

Maintenant, la ministre est en train de faire des consultations sur la façon dont on va faire...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Charest: Alors, M. le Président, la ministre est en train de faire des consultations puis partage de l'information, et on prend la peine de mettre en oeuvre ce sur quoi on s'est engagés, en passant, sur toutes les questions de décentralisation pendant la campagne électorale, hein? Là-dessus, il faut le réitérer, parce qu'on avait été très clairs, ça me ferait plaisir de vous relire le programme. Et on très ouverts aux suggestions que vous pouvez nous faire. Et je vous assure à l'avance que les fonds seront là pour les jeunes, et que les jeunes auront leur place, et qu'on va aller à l'essentiel, c'est de faire en sorte que ces jeunes-là puissent avoir tous les outils qu'il leur faut pour faire leur place comme citoyens du Québec, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre nous confirme que le chèque de 25 millions qui a été confirmé dans le décret du 15 octobre dernier est dans la malle, parce que les conseils régionaux sont actuellement investis dans des projets que même le député de Roberval ? hein, la stratégie MigrAction au Saguenay?Lac-Saint-Jean ? a appuyés, mais qu'actuellement les forums jeunesse régionaux sont dans le néant? Et j'aimerais avoir une confirmation claire du premier ministre que cet argent-là va être sur la table et que nous n'attendrons pas pendant des mois le temps que la Conférence régionale des élus soit mise en place.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je peux confirmer que l'argent est là comme on s'est engagés à le faire dès le départ, que nous allons accorder justement aux jeunes beaucoup d'attention, surtout dans le cadre de ce que nous serons appelés à faire dans la prochaine année, alors qu'on veut s'attarder aux enjeux qui touchent la poursuite des études, le décrochage scolaire, les questions, par exemple, de pauvreté qui touchent les jeunes ou les questions qui touchent l'ensemble de la société québécoise, le phénomène du suicide qui a un impact particulier chez les jeunes. Alors, l'argent sera là effectivement. Et je suis heureux de rassurer le député de Lac-Saint-Jean et de lui permettre de garder son fauteuil puis de rester ici avec nous, à l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions et réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir.

n(11 h 10)n

Féliciter M. Érik Guay pour sa performance
exceptionnelle lors d'une étape
de la Coupe du monde de ski alpin

M. Fournier: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que cette Assemblée souligne, en ce 4 décembre 2003, la performance exceptionnelle de M. Érik Guay, le premier Québécois à atteindre le podium dans une étape de la Coupe du monde de ski alpin.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le leader.

M. Dupuis: ...de part et d'autre, cinq minutes maximum.

Le Président: Alors, il y a consentement pour une intervention de cinq minutes de part et d'autre et cinq minutes au député indépendant? Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir... Merci. C'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens sur la motion pour signaler une performance d'un autre athlète du Québec qui rejaillit sur l'ensemble des Québécois, qui nous sert encore de modèle excessivement important pour la jeunesse du Québec qui voit qu'il est possible, en faisant des activités comme celle-là, d'abord de se mettre en forme, d'être en santé, de compétitionner, de performer, de devenir ensuite modèle pour tous les autres. Et nous avons un autre exploit, Érik Guay qui, samedi dernier, a obtenu le deuxième meilleur temps de la journée de l'épreuve de la descente lors de la première étape de la Coupe du monde qui se tenait à Lac Louise, en Alberta. Il faut noter, Mme la Présidente, puisque vous vous êtes interchangés rapidement, qu'Érik est devenu le premier Canadien depuis Rob Boyd en 1989 à atteindre le podium sur l'étape de la Coupe du monde, et c'est le premier Québécois à atteindre ce niveau d'excellence.

Il faut aussi noter que cette performance a été suivie par une autre, sa sixième place en super G le dimanche. Donc, le samedi, une deuxième place; le dimanche, une sixième place. Ça nous annonce une saison très prometteuse, Mme la Présidente. Et, déjà, la performance d'Érik permet au ski alpin masculin de regagner ses lettres de noblesse, c'est certainement le moins qu'on puisse dire.

Ce n'est pas le seul, ce n'est pas le seul au Québec qui connaît de telles performances, et notre collègue de Johnson tantôt aura l'occasion de nous parler d'autres athlètes qui, dans le domaine du ski, sont aussi très performants et qui doivent passer à travers parfois des moments plus difficiles. C'est souvent ce qu'on dit lorsqu'on parle de nos athlètes, on souligne leurs performances, mais on oublie parfois qu'ils ont beaucoup de travail derrière la cravate, si je peux me permettre, Mme la Présidente. Avant de gagner, il faut bouger, il faut travailler très fort. Parfois, il y a des blessures, et il faut se relever. Et, si je peux dire, le meilleur exemple qu'ils nous donnent, c'est celui de savoir tomber et se relever. Et, pour nous, citoyens, je pense que c'est probablement une des plus grandes valeurs qui est associée aux compétitions sportives: on ne gagne pas toujours, parfois on perd, mais, lorsqu'on perd et on persévère, bien, déjà, on est un peu gagnant.

Dans le domaine du ski, bien, on peut penser évidemment à Mélanie Turgeon aussi, mais on peut penser à d'autres Québécois qui assurent la relève du ski alpin québécois: Anne-Marie Lefrançois, Geneviève Simard, Vincent Lavoie, François Bourque, et quelqu'un s'arrêtera peut-être un peu plus particulièrement sur Sara-Maude Boucher. Qui sait, peut-être est-ce que nous en parlerons ce matin.

Mais tout ça pour dire, Mme la Présidente, qu'il y a là un ensemble d'exploits que ces gens-là font, nous proposent de façon régulière. La saison du ski va s'ouvrir. Voilà un beau sport, Mme la Présidente. Voilà une belle façon de s'activer. Voilà une belle façon pour les jeunes et les moins jeunes de reprendre la forme physique et de faire de la santé et du sujet de la santé, le beau sujet de la santé, celui qui nous sort du curatif mais qui nous amène plutôt dans la condition physique que nous espérons tous avoir.

Ces jeunes-là nous montrent qu'on peut d'abord commencer avec le plaisir de la participation au sport et, ensuite, donner du plaisir à l'ensemble des Québécois par l'exploit qu'ils commettent, eux, dans la compétition. Il faut toujours se souvenir que, dans le sport, la première valeur qui doit y être associée, le premier élément qu'on doit rappeler, c'est certainement la notion de plaisir qui va avec le sport. Et, des fois, des gens peuvent nous dire: Ah! mais c'est difficile puis ce n'est pas ça que... ça ne me tente pas de faire ça. On va faire du Nintendo puis... Il faut réapprendre que le sport, c'est le plaisir, Mme la Présidente. Il faut y consacrer un peu plus de temps. Il faut que plus de jeunes redécouvrent cette vertu-là, et on aura encore plus d'exploits.

On s'est entendu pour seulement cinq minutes sur cette motion. Je m'en voudrais de ne pas prendre les quelques secondes qu'il me reste pour saluer aussi les récipiendaires du Gala de l'athlète de l'année qui s'est tenu mardi, au Capitole. Et il y en a une liste qui ont été reconnus, mais permettez-moi quand même de souligner, puisque je l'ai déjà dit: Mélanie Turgeon en ski alpin, Caroline Brunet en canoë-kayak, Marie-Hélène Prémont en vélo de montagne, Marilou Asselin en patinage de vitesse, Marie-Pierre Parent en biathlon, et Vincent Marquis en ski acrobatique. Il y en a plein d'autres, dont des entraîneurs, des gens qui... et des événements qui ont été des événements reconnus comme étant les meilleurs. On pourrait en dire bien d'autres, mais ça me permet de vous dire que non seulement y a-t-il des athlètes que l'on félicite, il y a derrière eux des parents, il y a des entraîneurs, il y a des bénévoles qui se dévouent à nous donner un monde du sport où on peut apprendre à avoir du plaisir. À nous de saisir la perche, Mme la Présidente, et de nous activer. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, je reconnais immédiatement le député de Johnson.

M. Claude Boucher

M. Boucher: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que mon collègue le député... plutôt le ministre, et député d'ailleurs, vient de nous dire. D'ailleurs, je sais qu'il est parfois étouffé dans son projet de défusion. Je l'invite à venir en Estrie au cours de l'hiver, et particulièrement pendant les vacances des fêtes, et profiter des magnifiques montagnes que nous avons. Je l'invite personnellement à faire du ski avec moi. Et je lui présenterai ma nièce, Sara-Maude, avec qui il aura le privilège de faire une descente. Probablement qu'il ne pourra pas la suivre, mais il pourra la rejoindre en bas de la pente, hein? Alors, je serais très heureux, M. le ministre, de vous inviter dans cette belle région de l'Estrie où il y a des centres de ski extraordinaires.

Mais, parlant de l'Estrie, nous nous reporterons maintenant au Mont-Tremblant où a fait son ski le jeune Érik Guay, où il a, avec les années, appris à skier avec des parents extraordinaires, Hélène et son père d'ailleurs qui travaille sur l'équipe de ski du Québec, qui est un entraîneur, sa mère aussi qui est une entraîneuse, ses deux autres frères qui font du ski et qui ont beaucoup de talent.

Il a souligné tout à l'heure, le ministre, jusqu'à quel point, derrière ces performances extraordinaires du jeune Guay, il y a des heures et des heures de travail, parfois des blessures. J'ai, il y a deux ans, à Salt Lake City, une nièce qui est arrivée neuvième dans la descente, au monde, et qui l'a fait après avoir tombé la semaine d'avant et s'être blessée, et qui s'est relevée, et qui, avec courage, a continué de courser, parce que, lorsqu'on tombe, généralement on commence à être plus craintif. C'est une victoire psychologique qu'il faut avoir d'abord sur soi-même avant d'avoir une victoire dans la descente.

Et je sais que le jeune Érik Guay a eu à vivre ces moments-là il y a trois ans dans l'Ouest. Il a vécu avec ma nièce tout l'été, a fait du ski avec elle, et ma belle-soeur Francine ? qui nous écoute peut-être aujourd'hui ? a encouragé le jeune Guay, qui était un peu comme dans ce qu'on appelle, dans notre langage quotidien, une espèce de «down» par rapport à sa carrière, à ses performances, qui l'a encouragé, qui l'a incité à continuer et qui a fait en sorte, évidemment avec des parents extraordinaires, des entraîneurs formidables aussi, qui a fait en sorte que le jeune puisse atteindre les sommets qu'on connaît.

Vous le savez, notre collègue le ministre l'a dit, Érik a obtenu la première médaille de sa carrière à l'échelle mondiale alors qu'il s'est classé deuxième à l'occasion de la première descente masculine de la saison 2003-2004 de la Coupe du monde de ski alpin en fin de semaine dernière. Érik est donc devenu le premier Québécois à obtenir un podium lors d'une épreuve de la Coupe du monde de ski alpin. Il s'agit d'un exploit dont nous devons tous être fiers, le ministre l'a souligné. C'est un exploit qui réagit sur toutes les Québécoises et tous les Québécois, dont nous devons tous être fiers et qui mérite évidemment d'être souligné ici, à l'Assemblée nationale.

Nous connaissions Mélanie Turgeon, qui été extraordinaire, qui a vécu des performances extraordinaires. Nous avons maintenant un gars, hein? Il y a eu des filles, il y a maintenant un gars. Les gars ici, à l'Assemblée nationale ? la ministre déléguée au Développement régional le soulignerait avec bonheur ? les gars devraient être fiers ici, à l'Assemblée nationale, d'avoir un gars qui a performé à ce point dans le ski. Il est aussi devenu le premier skieur membre de l'équipe canadienne à obtenir un podium à Lake Louise depuis 1989. Il a battu à cette occasion Hermann Maier. Hermann Maier est une super vedette autrichienne, trois fois champion du monde. Alors, il fallait le faire. Pour battre ce skieur fantastique, il faut être encore plus fantastique.

n(11 h 20)n

Rappelons qu'Érik n'est âgé que de 22 ans, qu'il est originaire du Mont-Tremblant. D'ailleurs, étant donné qu'il est originaire du Mont-Tremblant et qu'il vit dans le magnifique comté de Labelle, j'aimerais vous dire que mon collègue député de Labelle, qui ne pouvait se joindre à moi ce matin physiquement, le fait en pensée et offre lui aussi toutes ses félicitations à la famille d'Érik, et à Érik lui-même, et à toute la population qui vit dans le secteur du Mont-Tremblant et dans tout le comté de Labelle, puisqu'il est aussi originaire de la région de Mont-Laurier, d'où vient d'ailleurs notre collègue le député de Labelle.

Au lendemain de cette performance, d'ailleurs, Érik Guay a réussi un très bel exploit, il s'est classé sixième lors du super géant. Il faut reconnaître qu'un petit gars du Mont-Tremblant... Je m'excuse, Mme la Présidente, je viens de voir que j'ai dépassé mon temps de quelques secondes, comme la ministre d'ailleurs. Enfin, je termine en disant à tous les jeunes et à toutes les jeunes du Québec que c'est un modèle qu'il faut imiter, mais surtout pour garder la santé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Je reconnais immédiatement le député des Chutes-de-la-Chaudière.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, Mme la Présidente. Je joins ma voix à mes deux collègues précédents pour féliciter M. Érik Guay pour son exploit qu'il a accompli au Lac Louise, en fin de semaine dernière, au super G. Le meilleur résultat canadien au super G au Lac Louise était une 26e place en 1999. Là, M. Guay a réussi une deuxième place, ce qui est très, très formidable. Je parle de l'exploit de M. Guay, aussi qui a une carrière très jeune, comme mon collègue précédent le disait, à 22 ans, qui a performé de façon incroyable dans une catégorie de sport où c'est les Autrichiens qui performent habituellement, mais vers l'âge de 30 ans. Érik Guay n'a seulement que 22 ans, et je crois qu'il peut atteindre les plus hauts sommets dans cette discipline.

Comme le ministre disait tout à l'heure, Érik Guay va être un exemple pour les jeunes du Québec. Il va certainement avoir un effet d'entraînement sur les jeunes. On l'a vécu au football, lorsque des équipes québécoises performent au football, de plus en plus les jeunes se mettent à la discipline. Je pense que c'est un bel exemple pour... M. Guay est un bel exemple, et il va y avoir un effet d'entraînement. Donc, je termine là-dessus, Mme la Présidente, félicitations à M. Guay.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, j'aimerais savoir si cette motion est maintenant adoptée?

Avis touchant les travaux des commissions

La Vice-Présidente: Adopté. Aux avis touchant les travaux des commissions, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 30, Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, procédera à des consultations particulières aujourd'hui, après les affaires courantes, pour une durée de 80 minutes, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

J'avise également cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: le projet de loi n° 33, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, et le projet de loi n° 23, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, et ça se déroulera aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, et de 20 heures à 24 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

J'avise enfin cette Assemblée que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 29, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

La Vice-Présidente: Merci. Pour ma part, je vous avise que deux commissions se réuniront en séance de travail aujourd'hui, jeudi 4 décembre 2003: la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement, afin d'examiner le document de consultation sur la sécurité alimentaire; la commission de la culture, de 13 heures à 15 heures, au salon Johnson de l'hôtel du Parlement, afin de préparer le rapport de la commission sur le document intitulé Une réforme de l'accès à l'information: le choix de la transparence.

Je vous avise de plus que la commission des finances publiques se réunira de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin d'entendre les membres du Bureau de transition sur l'étude de la mise en place de l'Agence nationale d'encadrement du secteur financier.

Alors, Mme la leader adjointe, je constate qu'il y a quatre commissions qui sont convoquées ce soir. Je vous rappelle l'article 145 du règlement qui prévoit que, lorsque l'Assemblée tient séance, trois commissions peuvent se réunir simultanément durant les affaires du jour. Alors, je demanderais s'il y a consentement pour déroger à l'article 145 de notre règlement. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Lamquin-Éthier: Il y a consentement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Consentement. Bravo!

Aux renseignements touchant les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y a des demandes de renseignements?

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Alors, encore une fois, Mme la leader adjointe du gouvernement, si vous voulez nous instruire sur la suite du jour.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous réfère à l'article 4 du feuilleton.

Projet de loi n° 31

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: Alors, à l'article 4, l'Assemblée reprend le débat, ajourné par le leader du gouvernement le 3 décembre 2003, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 31. Alors, y a-t-il des interventions? Oui, Mme la députée de Rimouski, à vous la parole.

Mme Solange Charest (suite)

Mme Charest (Rimouski): Merci, Mme la Présidente. Hier, en fin d'après-midi, j'ai démarré en quelque sorte, je suis intervenue sur ce projet de loi n° 31...

La Vice-Présidente: Mme la députée, juste pour vous signaler qu'il restait neuf minutes à votre temps d'intervention.

Mme Charest (Rimouski): C'est ça. Alors, je vais terminer aujourd'hui cette intervention. Mais permettez-moi, dans un premier temps, de rappeler ou de résumer en quelques mots ce que j'ai souligné hier en termes de préoccupation que suscite chez moi et dans la population ce projet de loi n° 31.

C'est un petit projet de loi, je l'ai dit dès le départ et je le répète, mais combien important parce qu'il a d'énormes impacts sur les relations de travail au Québec, sur tout le climat social qui prévalait jusqu'à maintenant dans la société québécoise. Mais, vous savez, ces 11 petits articles du projet de loi n° 31 viennent bouleverser en quelque sorte l'ensemble des relations de travail, et, là-dessus, je pense qu'on ne peut pas demeurer indifférent.

Les modifications apportées, telles que proposées par le gouvernement actuel, vont faire que 70 % de la sous-traitance qui existe présentement au Québec vont être soustraits... vont être soustraits de l'application de l'article 45 comme tel. Et, de plus, si on adopte le projet de loi tel que présenté, ça va mettre fin du jour au lendemain, en cas de sous-traitance, à la convention collective des travailleurs et des travailleuses, ça va mettre fin nécessairement aux conditions de travail comme telles, et ça, ça nous apparaît tout à fait injuste et même odieux. Parce que je pense que ce que ça va avoir comme effet: l'article 45, dans le fond, va banaliser en quelque sorte, va dévaloriser certains emplois, et on va, par le fait même, normaliser en quelque part la dévalorisation de certains emplois, et ça, ça a des conséquences tragiques.

Je vous dirais que les modifications qui sont apportées par le gouvernement actuel, c'est pour faire plaisir avant tout aux principaux conseillers politiques du gouvernement, c'est-à-dire le Conseil du patronat. Et ce n'est pas toutes les entreprises et tous les entrepreneurs au Québec qui partagent l'avis du Conseil du patronat là-dessus. Et je tiens à souligner aussi dans un premier temps que, contrairement à ce que plusieurs disent, c'est faux que l'article 45 va empêcher la sous-traitance au Québec. Au contraire, tout le monde connaît une multitude d'entreprises qui existent et qui sont des entreprises sous-contractantes. Par contre, l'article 45, ce que ça fait, c'est que ça civilise les relations de travail tant de la part de l'employeur que de la part de la partie syndicale, ça dit à tout le monde: Il y a un cadre, et il faut que la sous-traitance se fasse dans un cadre civilisé. Et je pense que, là-dessus, les modifications vont enlever tout cet aspect à la gestion des relations de travail en cas de sous-traitance comme telle.

n(11 h 30)n

Il est également faux de prétendre, comme le fait le ministre du Travail, que ces modifications-là se justifient par un glissement d'interprétation de la jurisprudence de l'article 45. Et je vous dirais que, malgré le grand nombre d'avocasseries, hein, qui a été fait au cours des ans tant par la partie syndicale que par la partie patronale, dépendamment de quel côté de la clôture les gens se situaient, pour réduire les effets de l'article 45 ou pour les augmenter, il a été démontré et la preuve à été faite à plusieurs occasions que les décisions qui ont été rendues, hein, sur l'article 45 sont conformes à l'esprit et à la lettre du législateur de 1961, qui, je le répète, était un gouvernement libéral, celui de M. Jean Lesage, que tout le monde au Québec respecte. Alors, je vous dirais que c'est plutôt l'efficacité de l'article 45 qui dérange plutôt que son application comme telle et plutôt que la jurisprudence dans les causes qui ont été apportées pour défaire l'article 45. Et les modifications comme telles ne nous convainquent pas que c'est un plus pour les relations de travail au Québec.

Et je vous dirais que les modifications qui sont apportées soulèvent de nombreuses questions, et ça, le gouvernement actuel ne se les pose pas. Puis, je regrette, mais il faudrait vraiment qu'il y ait un exercice de réflexion amorcé là-dessus. Est-ce que les salariés du donneur d'ouvrage vont perdre leur emploi lorsqu'il y aura un sous-traitant qui prendra la relève pour exercer un type de travail qui était déjà fait par un autre employeur? Est-ce que les travailleurs aussi vont être tenus de travailler pour le sous-traitant comme tel? Et est-ce que le sous-traitant va être obligé de garder les travailleurs à son emploi? Est-ce que le sous-traitant va être obligé de maintenir la convention collective existante? Est-ce qu'il va maintenir aussi pour la durée prévue ou si on va couper du jour au lendemain? Parce que, dans la loi actuelle, on coupe du jour au lendemain l'application de la convention collective et on est très silencieux sur ce qu'il adviendra des travailleurs. Et on ne parle pas, là, des droits d'ancienneté. Qu'est-ce qu'il va advenir des droits d'ancienneté des travailleurs comme tels? Parce que, vous savez, les conditions de travail du sous-traitant, on ne sait pas si elles seront les mêmes que chez le donneur d'ouvrage.

Ça, toutes ces questions-là, cette série de questions là, ça mérite des réponses et ça mérite des réponses avant l'adoption du projet de loi, pas après. Parce que, tel que rédigé présentement, c'est tellement ambigu que, là, là, ça va être l'enfer. Il va y avoir une multitude de litiges qui vont être rapportés vis-à-vis les cours, et on va traîner en longueur avant de pouvoir régler et de démêler ces imbroglios-là, parce que le libellé des articles du projet de loi comme tel n'est tellement pas clair que ça va laisser place à une multitude d'interprétations comme telles.

Il y a un autre élément qui, selon le ministre du Travail, justifie les modifications à l'article 45, et le ministre invoque la concurrence puis la mondialisation. Bien, moi, j'aimerais dire au ministre du Travail ainsi qu'au gouvernement actuel que, s'il veut vraiment aider les entreprises du Québec, bien, il devrait plutôt s'objecter à ce qu'on abolisse la loi n° 190, la loi qui oblige les entreprises à consacrer 1 % de leur masse salariale à la formation de leurs travailleurs, ce qui rendrait leurs entreprises beaucoup plus productives et concurrentielles. Et on devrait aussi favoriser non seulement la formation des travailleurs, mais on devrait consacrer des énergies à convaincre certaines entreprises que c'est important de miser sur la matière grise de leur ressource première qui est celle de leurs travailleurs, de les former adéquatement, parce que c'est ça qui permet d'être compétitifs à tous les niveaux, tant au niveau local, régional que national.

Le ministre devrait également s'objecter aux coupures faites par son gouvernement dans les mesures fiscales d'aide aux entreprises, particulièrement celles qui permettent l'acquisition d'équipements de haute technologie qui permettent d'améliorer la compétitivité de celles-ci et de les rendre concurrentielles. Alors, je pense que là-dessus, plutôt que de s'attaquer à l'article 45, on devrait parler des vraies affaires, avoir des débats sur les vraies questions de fond et là s'assurer qu'on soutient les entreprises, petites et moyennes, dans les régions comme dans les centres urbains, par des mesures beaucoup plus adéquates.

Au lieu de bâcler son projet de loi, le ministre du Travail doit convaincre le gouvernement qu'il faut prendre plus de temps pour réfléchir et mesurer les nombreux impacts pour les travailleurs, les travailleuses, pour la gestion des relations de travail, pour le maintien de la paix sociale, pour favoriser les relations de travail harmonieuses entre les employeurs et les salariés du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais immédiatement le chef de l'opposition officielle et député de Verchères. M. le député.

M. Bernard Landry

M. Landry: Mme la Présidente, j'ai écouté avec grande attention ma collègue de Rimouski parce que, à plusieurs reprises au cours des dernières années, il m'est arrivé de travailler avec elle, de concert, à des dossiers économiques, des dossiers régionaux en particulier. J'ai eu, par mes fonctions ? je n'ai aucun mérite ? des vues très générales de l'économie du Québec. C'était un des grands pèlerinages intéressants que j'ai fait dans ma vie. Je crois qu'il n'y a presque pas une entreprise québécoise que je n'ai pas visitée. Mais la vue régionale, percutante d'une ville de la taille de Rimouski, avec son environnement, est aussi un bon microcosme pour savoir comment on peut faire une belle rencontre entre l'économie et le social. L'économie, le social, le culturel. Rimouski, de ce point de vue là, est une ville modèle, et sa députée est en mesure de nous donner bien des leçons et de donner un excellent témoignage à la société québécoise sur ce qui se passe présentement, et elle vient de le faire, et c'est très inspirant, et je vais essayer d'aller dans la même ligne.

D'abord, tous les observateurs, et ça traîne dans tous les journaux, analyses, télévision, tous médias confondus, et hélas! dans la rue... que le présent gouvernement a créé une situation inconnue dans l'histoire du Québec. Ceux qui suivent cette histoire politique, disons... Commençons par Jean Lesage. On aurait pu commencer par Maurice Duplessis ou Alexandre Taschereau, ça aurait été un peu loin. Jamais un gouvernement n'a réussi, par son attitude, par ses gestes de rupture avec non seulement les lois du Québec, mais les traditions du Québec et ce qu'est le Québec, à mettre autant de monde dans l'anxiété, dans le mécontentement, voire dans la colère, en si peu de temps. C'est ce qu'on appelle une rupture de paix sociale, et j'espère que ça va arrêter. Et, quand le premier ministre fait un appel au calme, je le suis dans cet appel, mais je le précède en disant que c'est peut-être lui qui devrait se calmer et son gouvernement se calmer. Là, ce n'est pas l'opposition officielle seulement qui parle, là, c'est l'ensemble de la société civile. Même un ancien chef du Parti libéral comme Claude Ryan est inquiet de cette rupture de valeurs. Jean Cournoyer, qui a été ministre socioéconomique du gouvernement de Robert Bourassa, est allé dans le même sens. Il faut que le gouvernement comprenne, là, qu'il a concocté un cocktail socioéconomique politique dangereux maintenant et à terme. Et un des ingrédients les plus délétères de ce cocktail, c'est la loi dont on parle ce matin, la loi n° 31, qui tend à modifier notre Code du travail. Et, vraiment, c'est difficile à comprendre.

n(11 h 40)n

Encore une fois, par mes fonctions et mon historique personnel, j'ai été obligé de m'obséder sur les questions économiques, industrielles, de développement, d'exportation, de concurrentialité, de compétitivité. Et je suis prêt, comme ma formation politique, et on l'a prouvé, à remuer ciel et terre pour que l'économie fonctionne mieux, et les résultats d'ailleurs sont au rendez-vous. Et on a évidemment regardé l'article 45, on l'a même modifié nous-mêmes, il y a peu de temps, dans l'harmonie, dans la paix et dans le respect. C'est pour ça que c'est très difficile à comprendre. S'il n'y a pas de but économique à cette modification, il n'y en a pas, c'est absolument clair; s'il n'y a pas de but économique, pourquoi mettre une chose aussi divisive sur le plan social au programme législatif de notre Assemblée nationale? Ce n'est pas juste, encore une fois, des intérêts économiques ? il y en a, on va le voir ? c'est des valeurs.

C'est quoi, le Québec contemporain? C'est quoi, le Québec moderne? Qui n'a pas commencé en 1960, soit dit en passant, parce que c'est un long continuum historique de progrès des fois rendus difficiles par notre situation de colonisés pendant un certain temps et de provincialisés pendant un certain autre, je le reconnais. Mais ça a été dans ces circonstances parfois difficiles qu'on a formé une société solidaire, et c'est peut-être à cause des difficultés qu'on a connues, à cause de la misère qui a été notre fait pendant un certain temps, à cause du fait qu'on a perdu la moitié de notre population entre 1867 et 1935, qui est une épreuve horrible. Mme la Présidente, dans la région que vous représentez d'ailleurs, ça a frappé très dur, parce que, à un moment donné, il y a eu plus de Beaucerons aux États-Unis qu'il y en a eu en Beauce. C'étaient des grands malheurs, et on a développé une solidarité exemplaire dans notre continent.

Le Québec est spécifique. Le Québec, ce n'est pas l'Ontario, ce n'est pas les États-Unis d'Amérique. Il n'y a aucun endroit dans le continent nord-américain où les mots «solidarité sociale» ont plus de signification profonde. Les citoyens et les citoyennes se sentent impliqués dans le fait que les malheurs des uns sont les malheurs des autres. C'est vrai pour les bonheurs aussi évidemment. C'est pourquoi notre Code du travail, qui est vraiment le document de base et de fondation de rapports sociaux harmonieux, est un document aussi avancé et aussi perfectionné. Le Code civil touche l'ensemble des relations concernant les personnes et les biens, mais le Code du travail est presque aussi fondateur que le Code civil pour une société harmonieuse.

Dans ce Code, je ferai remarquer en particulier qu'il y a une disposition antiscab que les travailleurs du Québec et du reste du Canada réclament à cor et à cri afin qu'elle soit intégrée dans la législation fédérale, parce que, quand on voit des congédiements traités par le Code fédéral et le Code du Québec, on voit la différence. On le sait avec des aventures dans le domaine du téléphone, en particulier.

Donc, notre Code est exemplaire, et il a aménagé cette question de la sous-traitance. Il n'a pas interdit la sous-traitance. Quand on connaît l'économie du Québec, c'est un paradis de la sous-traitance à cause de notre structure économique. Aérospatiale, par définition, c'est sous-traitance. C'est tellement sous-traitance qu'on a ici, au Québec, Messier-Dowty, qui fait des trains d'atterrissage pour les Airbus. Les Airbus ne sont pas faits ici, puis ils ne sont pas faits par Messier-Dowty. Les Airbus, ils sont faits par la première... deuxième compagnie d'aérospatiale du monde, juste avant Bombardier qui est la troisième, et ils sont faits ici, par sous-traitance, Airbus, à Messier-Dowty Québec.

Alors, être contre la sous-traitance en économie, c'est une chose absurde. Le Québec a compris ça depuis longtemps. C'est un des endroits où il s'en fait le plus. Déjà, non seulement dans le secteur public, mais dans le secteur privé, l'un portant l'autre, au gouvernement Québec ? ça ne va pas être plus public que ça, par définition ? 1 milliard de sous-traitance par année. Dans les municipalités, des centaines et des centaines, sinon des milliers de contrats de sous-traitance. N'importe quel Montréalais, Montréalaise qui a vu une tempête de neige sait bien que ce n'est pas uniquement les services de la ville qui déneigent. On fait appel à la sous-traitance.

Donc, c'est déjà un phénomène présent dans l'économie. 60 % des entreprises québécoises sont nées d'un premier contrat de sous-traitance. Alors, sous notre Code du travail, parce que je rappelle que l'article 45 évidemment a été mis en place par un gouvernement libéral, qui ne s'est pas trompé, on en a la preuve, là... Après l'article 45, 60 % des entreprises québécoises sont nées d'un premier contrat de sous-traitance.

Fernand Morin. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, Fernand Morin, mais ça fait des années que je lis à peu près tout ce qu'il publie, parce qu'il est au coeur de l'exemplarité socioéconomique du Québec, mais d'une façon profonde. Ce n'est pas un homme superficiel, c'est un universitaire. Je suis très impressionné depuis des années par ce qu'il écrit et, quand je me suis penché moi-même sur l'article 45, quand nous l'avons modifié, j'ai relu des textes de Fernand Morin, et Jean Rochon en avait également pris des inspirations importantes.

Que dit Fernand Morin, de l'Université Laval? «Je ne connais pas de cas où on a pu être empêché de faire de la sous-traitance. Je ne crois pas que le projet de loi va améliorer la question.» C'est pour ça que j'ai commencé en vous disant: Certains pensent qu'en allégeant ou en affadissant l'article 45 on va améliorer la prospérité au Québec, «ça me paraît, dit cet intellectuel modéré, une aberration».

Avec tout le respect que j'ai pour les opinions contraires, ça, c'est une belle formule de politesse, on l'employait en droit aussi pour pas que la tension monte trop, hein? Même quand on détestait son confrère et qu'on trouvait que c'était un ignorant, on l'appelait «mon confrère et savant ami» pour baisser la tension. Mais Morin n'en pense pas moins. Parce que le mot avant, c'est «aberration». Et c'est une aberration. Il dit que, dans sa carrière, il n'a jamais vu un cas de sous-traitance empêché par l'article 45. Alors, si l'article 45 n'empêche pas la sous-traitance, si c'est une chose répandue au Québec et utile, pourquoi toucher à ça?

Les Anglo-Saxons ont des formules des fois un peu sèches, mais parfois éclairantes: «If it's not broken, why fix it?» Alors, ce n'était pas «broken», mais, en essayant de «fix it, they broke the social solidarity of Québec». C'est ça qu'ils ont fait pour une chose, encore une fois... Si c'était compréhensible, on essaierait d'analyser les intentions du gouvernement puis de dire: Ils ont fait ça pour ça, ça par tel calcul. Ça m'apparaît tellement absurde qu'on ne voit même pas le calcul.

Et, quand je dis «it's not broken», bien, je regarde le Québec économique d'aujourd'hui. En 2002, une année économique record. Est-ce que c'est parce qu'on trouvait que ça allait trop bien en 2002 qu'on veut faire cette loi? Les écarts entre le Québec et l'Ontario, la fameuse différence, le delta dont je me suis affligé tellement moi-même souvent parce que je disais: Ça n'a pas de bon sens qu'une société aussi dynamique que la nôtre ait un taux de chômage perpétuellement plus élevé que l'Ontario avec un écart qui allait à 2 %, qui est même allé jusqu'à 3 %.

Je comprends qu'il y a la composante «question du Québec» non réglée. Si on avait tous nos pouvoirs, tous nos impôts, si on faisait toutes nos lois, bien, il nous arriverait ce qui est arrivé à l'Irlande. L'Irlande a dépassé l'Angleterre aujourd'hui. Et le Québec, s'il contrôlait tout son destin, aurait dépassé l'Ontario. Mais il ne l'a pas fait. Il a été obligé de se contenter de resserrer l'écart. Alors, l'écart, il était à son plus bas depuis 24 ans. Et puis tout ça s'est fait progressivement avec toutes nos lois puis avec nos caractéristiques sociales.

Les investisseurs qui pourraient avoir peur de l'article 45, ils n'ont pas du tout réagi comme ça. Les investissements privés ont augmenté de 2 % au Québec, alors qu'en Ontario ils augmentaient seulement de 0,5 % en 2002 et qu'ils baissaient dans le reste du Canada. Depuis cinq ans, en moyenne ? écoutez bien ça, Mme la Présidente, pour une Beauceronne, ça va vous réjouir; je sais que vous venez d'une région qui aime l'économie ? depuis cinq ans, en moyenne, la croissance du produit intérieur brut du Québec dépasse celle de tous les pays du G7. Vous savez c'est quoi, les pays du G7? Ce n'est pas difficile, il y en a juste sept, et le Canada est le septième, puis le premier, c'est les États-Unis d'Amérique, et puis c'est le Japon, c'est l'Allemagne, c'est la France, c'est l'Angleterre, c'est l'Italie ? je dois être rendu à sept. On les a tous battus, on les a tous battus. Si ça avait été une fois, on aurait dit: C'est un hasard. Cinq ans de file.

Alors, quand on est le pays qui se développe le plus rapidement dans le G7 au chapitre du PIB, pourquoi est-ce qu'on va fracasser la paix sociale avec une législation inutile? Et, au-delà de l'économie, même ceux qui aiment l'économie et qui pensent que c'est le centre du monde doivent se détromper; l'économie, ça n'existe que pour permettre aux hommes et aux femmes d'être plus heureux, d'être plus épanouis. Une économie productive qui rend les gens à moitié fous ou déprimés, j'aime mieux ne pas en avoir. Mais celle du Québec, de ce point de vue là, elle reflète nos solidarités profondes, elle est prospère et, en plus, elle permet d'élever le niveau de bonheur des populations.

n(11 h 50)n

Et des chercheurs de l'Université Carleton ont essayé de comparer ça, puis c'est un bel effort de leur part, d'aller voir quelle est, en plus du produit intérieur par tête, quelles sont les composantes immatérielles, humaines et psychologiques. Et leurs révélations sont un peu dures pour l'Ontario parce qu'ils disent qu'en Ontario la passion de l'argent a créé un personnel cynique et sans passion. Les gens sont plus sujets à quitter leur emploi. Le Québec est par ailleurs représenté comme une conscience sociale, une sorte d'État auquel toutes les provinces devraient aspirer. Alors, le gouvernement actuel, lui, il aspire à nous rendre comme toutes les provinces dans ce domaine du Code du travail, comme dans tant d'autres domaines. Nous ne sommes pas exemplaires en tout, mais, quand on est exemplaire en une chose, et il est clair que c'est le cas pour les relations de travail, pourquoi essayer de nous uniformiser?

Dans tout notre continent, dans toute l'Amérique du Nord donc, incluant le Mexique, peut-être surtout incluant le Mexique, il n'y a pas de lieu où l'écart entre les riches et les pauvres soit le plus faible. Et ça, c'est une des grandes fiertés du Québec. Et ça va de pair avec le fait qu'on a le taux de syndicalisation le plus élevé. Et le taux de syndicalisation le plus élevé, j'en ai parlé souvent à des patrons, des patrons capitalistes et même obsessionnels qui étaient très contents d'avoir un syndicat. Pourquoi? D'abord, parce que les patrons capitalistes obsessionnels peuvent avoir le sens de la justice aussi et de l'équité. Et un très grand nombre d'entre eux, j'espère la presque totalité, a ce sens de la justice et de l'équité. Et ils savent très bien que, quand tu as 1 000 travailleurs, tu ne peux pas discuter l'un après l'autre de ses conditions de travail, avec des injustices parce que le contremaître aime celui-ci ou celle-là, qui est souvent le cas, ou vice-versa.

On a un taux de syndicalisation élevé qui contribue à notre productivité et qui fait que les patrons du Québec ont en face d'eux des syndicats généralement responsables. Un accident peut toujours arriver, il y en a eu les jours derniers, on les a dénoncés de concert, et les dirigeants syndicaux l'ont fait aussi. Mais, globalement, c'est des centaines et des centaines de milliers de personnes à encadrer dans des organisations syndicales responsables qui ont, eux-mêmes, des services d'analyse économique et sociale et qui ont fait que nous avons conquis cette position enviable dans l'échelle socioéconomique et dans l'échelle des chances de justice et de bonheur dans notre continent.

En pratique, si l'article 45 est démoli, comme le gouvernement veut le faire, ça n'aura même pas d'effets économiques positifs. Ils seront, selon moi, négatifs, et selon un très grand nombre d'experts. Puis ça va avoir des effets fiscaux et de société beaucoup plus coûteux que tout ce que ça pourrait rapporter dans les rêves inexacts du ministre du Travail. C'est facile à comprendre.

Quelqu'un gagne 20 $ l'heure, il va passer à 10 $. D'abord, sur le plan personnel, imaginez-vous ce que ça représente. Mme la Présidente, si on vous coupait votre salaire par deux. Peut-être, vous pourriez finir par vous adapter, mais il y aurait une période... une période rugueuse, si on peut dire. Et, vous, vous ne partez pas de 20 $ l'heure. Quand on part... quand on part de 20 $ puis qu'on passe à 10 $, c'est pas mal plus raide que si on part de 350 $ puis qu'on passe à 185 $. Alors, c'est ça. C'est des... On va créer des drames humains là. Si notre Assemblée vote cette chose-là, on va créer des drames humains.

Ça a l'air de rien, hein, mais, comme le disait Félix Leclerc: Salut, les bohémiens, les bohémiennes de ma rue, là, les bohémiens de ma rue qui se lèvent le matin à l'aube, souvent dans le grand froid québécois, avec ou sans boîte à lunch, puis ils s'en vont travailler puis ils gagnent 20 $ de l'heure. Ça leur permet de vivre convenablement. Que c'est qui va arriver aux bohémiens de ma rue? Hein? Que c'est qui va arriver aux bohémiens et bohémiennes de toutes les rues du Québec, là, qui vont voir leur niveau de vie diminuer? La maison qu'ils avaient achetée, elle est trop grosse pour leurs nouveaux moyens. Ils allaient au restaurant de temps en temps avec les enfants ? j'espère qu'ils n'allaient pas au «junk food», soit dit en passant. Puis, s'ils n'y allaient pas, bien là ils peuvent être condamnés à n'avoir plus que ce choix. Comprenez-vous? Les vacances en familles, limitées, etc.

C'est pour ça que nous nous élevons avec toute la vigueur possible contre le fond du projet de loi et contre ses effets désastreux sur la paix sociale. Ça, ça vaut des milliards de dollars, la paix sociale, parce que, quand elle est rompue, toute la société en souffre économiquement et moralement. On a réussi, nous, à atteindre le déficit zéro pour la première fois en 50 ans, cinq ans de suite, dans la paix sociale. Pourquoi? Parce qu'on a dialogué, on a parlé. Si le gouvernement se donne la peine de dialoguer et de parler, on n'aura pas à se prononcer sur cette loi, il va la retirer au nom de la justice sociale et de l'intérêt économique du Québec.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le député. Je connais maintenant la députée de Matane.

Mme Nancy Charest

Mme Charest (Matane): Mme la Présidente, il importe, pour le bénéfice des citoyens, de replacer les faits dans le cadre réel de la modification de l'article 45 proposée par le projet de loi n° 31 et modifiant le Code du travail. Précisons d'abord que les acquis syndicaux ne sont aucunement remis en question dans un contexte de transfert partiel ou total d'entreprise. Les droits qui existaient avant seront toujours là après l'adoption du projet de loi.

Tout ce que la modification vise, c'est la reconnaissance du droit à la sous-traitance relativement aux activités accessoires et aux services périphériques d'une entreprise, tels l'entretien ménager, les services de sécurité, les services de cafétéria, l'entretien des équipements informatiques, et bien d'autres. De l'autre côté de cette Chambre, l'exercice auquel se prête l'opposition consiste essentiellement à relever des exemples de l'impact de la modification dans le secteur public, alors que c'est là où l'impact a le moins d'effets significatifs.

Et, sur ce, je m'explique. La plupart des travailleurs des organismes publics sont dotés de conventions collectives qui stipulent l'interdiction de sous-traitance dans le domaine des activités accessoires et des services périphériques. La modification proposée à l'article 45 n'en étant pas une d'ordre public, il est donc possible de stipuler de façon contraire dans une convention collective, et ces droits existent déjà dans les conventions collectives du secteur public.

Là où la modification revêt toute son importance par ailleurs, c'est dans les secteurs autres que les secteurs gouvernementaux. En effet, contrairement aux gouvernements, qui n'ont pas à vivre ces réalités, nos entreprises, elles, doivent faire face à une réalité bien ancrée dans notre croissance économique, soit celle de la croissance exponentielle de la concurrence et de la compétitivité. Relatons seulement les effets néfastes que peuvent avoir la concurrence que nous donnent les gens de l'Asie et des Indes. Ne pas supporter nos entreprises dans ce combat difficile serait non seulement nuisible pour ces entreprises, mais également pour notre gouvernement. En effet, le moteur de notre économie, celui qui supporte l'État et la qualité de vie de nos citoyens, c'est le développement économique. Sans lui, rien ne fonctionne.

Permettez-moi, Mme la Présidente, d'ajouter simplement à cet égard, et pour faire part de réalités bien concrètes, certains extraits du rapport Fraser qui vient tout juste d'être émis, en novembre de cette année, et pour voir que la situation du Québec impose des correctifs majeurs pour assurer une meilleure qualité de vie à nos citoyens. Bien que ce rapport donne des éléments qui peuvent être très optimistes, il nous fait part de faits qu'il faut corriger le plus rapidement possible pour pouvoir justement rester dans cette ère d'optimisme.

Je réfère donc, Mme la Présidente, à certains extraits où on dit que le Québec possède d'immenses avenues de développement économique. Il jouit de caractéristiques qui devaient, d'ordinaire, mener à un niveau exceptionnel de prospérité: situation centrale dans le marché le plus dynamique du monde, urbanisation, densité de la population et accès aux voies de transport, notamment sur les plus grandes du monde, la voie maritime du Saint-Laurent qui rejoint le système des Grands Lacs. Ces dernières 40 années, et quel que soit le point de vue, le bilan économique du Québec a déçu. Pourquoi? Parce que le Québec possède de loin le niveau de prospérité par personne le plus bas, mesuré sur le produit intérieur brut par tête, de toutes les provinces ou États industrialisés, Mme la Présidente. Le Québec a de loin le taux de chômage le plus élevé. Loin de rattraper la création d'emplois au Québec, qui est de façon constante plus basse que la création d'emplois en Ontario et que la moyenne provinciale, de 1991 à 2001, le nombre d'emplois au Québec a augmenté de 12,8 %, alors qu'il était de 18,9 % en Ontario et de 17,3 % en moyenne au Canada.

n(12 heures)n

Le Québec est également ? et ça, ce n'est pas notre gouvernement, Mme la Présidente, qui le cite ? le Québec est également victime d'un marché du travail peu flexible. Le niveau de syndicalisation au Québec est de loin le plus élevé des provinces canadiennes et des États-Unis. Ce niveau est deux à 10 fois plus élevé que celui de la majorité des États américains et près de 50 % plus élevé qu'en Ontario. On a trouvé que de hauts niveaux de syndicalisation réduisent l'investissement et la création d'emplois. Au Québec...

Et donc, ce qu'on nous donne dans ce rapport, Mme la Présidente, ce sont des recommandations, comme tout bon rapport qui se doit. Quelles sont ces recommandations? La première, réduire les dépenses, avec le but immédiat de devenir concurrentiel avec la taille du gouvernement de l'Ontario et, à long terme, avec les États américains industrialisés; réduire le fardeau fiscal des Québécois, ici aussi le but immédiat devant être d'être concurrentiel avec l'Ontario et celui à long terme de devenir concurrentiel avec les États américains; augmenter la flexibilité du marché du travail, les employés et les employeurs devraient jouir d'une plus grande liberté quand ils ont affaire l'un avec l'autre et avec les syndicats.

Et, pour finir, en conclusion optimiste ? ce que nos gens d'en face semblent avoir oublié, ces derniers temps ? c'est qu'on reconnaît que le Québec est capable de se transformer d'une province avec le plus mauvais rendement des grandes provinces et États industriels en un endroit où les plus prospères de notre planète produisant une nouvelle richesse et de l'emploi pourront s'installer.

Alors, ce rapport, Mme la Présidente, évoque de façon la plus élogieuse et justifie les actions que notre gouvernement prend actuellement. Ce que le gouvernement fait actuellement, c'est d'avoir une vue à long terme pour assurer non seulement les emplois qui existent actuellement, mais pour assurer leur survie et permettre que d'autres soient créés. Ces quelques extraits sont une...

Aussi, il faut réagir et vite; ce que notre gouvernement a fait. Cette modification au Code du travail est une première initiative qui va exactement dans le plan que le rapport Fraser énonce. Qu'en sera-t-il de la sécurité d'emploi de nos travailleurs gouvernementaux si l'État qu'ils gèrent ne peut plus avoir de prospérité, ne peut plus prospérer? Comme nous le savons tous, ne pas aller de l'avant au niveau économique est le signe précurseur et indéniable d'un recul en ce domaine. Ainsi, la modification proposée au Code du travail, loin d'ébranler les acquis, assure la croissance indispensable des entreprises existantes et celles à venir et, par le fait même, le maintien des acquis syndicaux de nos travailleurs du secteur gouvernemental et du secteur privé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. Ça faciliterait les choses s'il n'y avait seulement qu'une personne debout. Alors, je reconnais le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, Mme la Présidente, à mon tour de prendre la parole au nom de l'opposition officielle au sujet de cette Loi modifiant le Code du travail, le projet de loi n° 31, prendre le relais de notre porte-parole le député des Îles et de suivre le chef de l'opposition officielle, le député de Verchères, qui nous a fait une magistrale démonstration des impacts économiques négatifs que pourrait avoir ce projet de loi n° 31 au Québec, ainsi que l'idéologie derrière laquelle semble se réfugier le parti gouvernemental, celui-là même ? et je crois que c'est important de le signaler ? celui-là même qui créait cette protection aux droits des travailleurs dans le début des années soixante, puisque c'est effectivement le gouvernement libéral de Jean Lesage qui a introduit l'article 45, qui était à l'époque l'article 10a du Code du travail, pour protéger les travailleurs en cas de cession totale ou partielle d'entreprise, incluant même la sous-traitance. Et c'est ce que renie le gouvernement actuel.

Le ministre du Travail, à l'époque, d'ailleurs, informait la Chambre, lorsqu'il présentait le projet de loi introduisant cet article 10a, aujourd'hui l'article 45, qu'il s'agissait là de répondre aux inquiétudes des travailleurs et des travailleuses et qu'il était important de les protéger parce qu'il était possible que l'on puisse abuser de la sous-traitance et que l'on puisse, par le biais de la sous-traitance, réduire les droits syndicaux, la liberté syndicale, le droit de négocier une convention collective et tous les attributs de ce droit.

D'ailleurs, Louis-Philippe Pigeon, qu'un honorable collègue de cette Chambre, à mon souvenir, le député de Roberval, qui était hier devant cette Assemblée pour citer Louis-Philippe Pigeon, un grand juriste qui a été au service de cette Assemblée, qui a été aussi un juge de la Cour suprême, disait, au moment où un débat avait lieu sur l'article 10a, il disait ceci: Prenons un cas, l'employeur a un personnel chargé de servir les repas à ses employés ? peut-être peut-on d'ailleurs penser qu'aujourd'hui encore, devant l'exemple de Bombardier et certains autres exemples, que ce cas, cet exemple est tout à fait pertinent ? par motif d'économie, il veut avoir recours à un traiteur. Est-il juste qu'il puisse tout simplement congédier son personnel sans se préoccuper du fait qu'il peut s'agir de vieux employés qui perdent leur ancienneté, leurs avantages sociaux et qui sont susceptibles d'éprouver les plus grandes difficultés à trouver un autre emploi? La réponse de Louis-Philippe Pigeon était: Je ne le crois pas. Alors, M. Pigeon, à l'époque, trouvait bien des vertus à l'article 45. Et cet article aujourd'hui en est un dont on veut dénaturer l'esprit, dont on veut réduire la portée. Et cette réduction de la portée de l'article 45 pourrait permettre à des employeurs de faire les abus, justement, que le gouvernement de Jean Lesage, dans sa sagesse des années soixante, dans la sagesse qu'avait le Parti libéral dans les années soixante, voudrait mettre en péril.

Vous savez, Mme la Présidente, l'on laisse entendre que le projet de loi n° 31 vise à corriger une lacune du droit québécois qui aurait été mise en évidence par le glissement de la jurisprudence, notamment la jurisprudence dans une affaire qui concernait la ville de Sept-Îles. Mme la Présidente, je ne crois pas que c'est la jurisprudence qui a glissé, je crois que c'est le Parti libéral qui a glissé, je crois que ce sont les valeurs libérales. Et, quand on pense aux valeurs libérales, on pense tout de suite à Claude Ryan, un ancien député de cette Chambre, un ancien ministre libéral dont on pourrait d'ailleurs penser, souhaiter même... Je m'adresse à M. Ryan par le biais des travaux de notre Chambre pour qu'il puisse peut-être rappeler à l'ordre le gouvernement sur cette question, comme il l'a fait sur certaines autres depuis le début du mandat du gouvernement actuel, pour qu'il lui rappelle que les valeurs libérales, les vraies valeurs libérales seraient de continuer d'assurer la protection des droits des travailleurs et de non pas diminuer les droits des travailleurs.

n(12 h 10)n

Et, Mme la Présidente, on ne peut que penser que ce gouvernement libéral, conservateur, néolibéral s'inscrit dans une mondialisation dont un des effets les plus pervers est d'amener progressivement une protection moins adéquate des droits des travailleurs. Dans toutes les négociations internationales qui sont en cours, qu'il s'agisse des négociations relatives au commerce international faites sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce ou les négociations relatives à l'institution éventuelle d'une zone de libre-échange des Amériques, l'un des grands débats que veulent faire les syndicats, la société civile, est le débat sur la protection des conditions de travail dans le contexte d'une économie qui se diversifie, qui se mondialise, d'entreprises multinationales qui cherchent parfois à contourner les règles, utiliser les règles les plus favorables à leurs entreprises pour réduire les coûts de production. Et la tentation est bien grande d'utiliser le droit, comme semble vouloir le faire le gouvernement actuel en nous présentant le projet de loi n° 31, pour justement réduire les droits des travailleurs, pour permettre à des entreprises de réduire leurs coûts de production, de se faire plus concurrentielles sur les marchés internationaux, mais, mais, quand on y pense bien, en réduisant les conditions de travail, les salaires et les bénéfices qui peuvent résulter du travail de ceux qui produisent même les biens et services qu'on voudra et qu'on veut, davantage qu'on ne l'a fait par le passé, échanger au niveau international.

Et ça me permet, Mme la Présidente, d'ajouter peut-être un élément du débat au débat qui a commencé, relatif à ce projet de loi n° 31, un élément international, puisqu'il s'agit ici, finalement, également de droits économiques et sociaux des travailleurs et des groupes de travailleurs, et notamment des associations syndicales et des syndicats. La Commission des droits de la personne du Québec évoquait, d'ailleurs, à l'occasion d'un témoignage, que trois principes de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pourraient être battus en brèche par le projet de loi n° 31 lui-même et pourraient être considérés comme potentiellement des violations de notre propre Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agit de la liberté fondamentale d'association, du droit à des conditions de travail justes et raisonnables, ainsi que le droit à l'égalité. Et la Commission des droits de la personne ajoutait que, compte tenu du très, très court délai...

On commence à en avoir l'habitude, Mme la Présidente, dans cette Assemblée, des très, très courts délais pour adopter des projets de loi. C'est un secret de polichinelle, maintenant, que le parti gouvernemental veut imposer à la fin de cette session un bâillon qui va faire en sorte que des projets de loi importants, qu'il s'agisse de ce projet de loi, du projet de loi n° 34 sur le développement économique régional, le projet de loi n° 32 sur les centres de la petite enfance et plusieurs autres projets de loi, pourraient faire l'objet d'un bâillon, un bâillon qui, en démocratie, est une arme tout à fait dangereuse qui peut facilement se retourner contre un gouvernement et qui, je crois ? et je vois le leader du gouvernement qui semble constater le danger qui le guette et qui guette le parti gouvernemental ? un bâillon qui, je crois, est vu comme... les citoyens, comme une méthode inacceptable pour adopter des changements fondamentaux, des transformations majeures, comme dans le domaine de la santé, par exemple, ce qu'a évoqué ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve dans un échange avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mais revenons-en à la Commission des droits de la personne, Mme la Présidente. Elle suggère que le projet de loi n° 31 pourrait mettre en péril certaines grandes libertés fondamentales, certains droits économiques et sociaux qui sont reconnus dans la Charte des droits et libertés de la personne et que des interrogations et des mises en garde pourraient et devraient être faites au gouvernement sur ces questions de droits fondamentaux. Mme la Présidente, non seulement ces questions de respect de la Charte des droits et libertés de la personne n'ont pas fait l'objet d'un débat suffisant jusqu'à présent, n'ont pas donné lieu, par exemple, à la production d'opinions qui nous indiqueraient si ce projet de loi est en conformité avec les obligations que le gouvernement et le Parlement ont de respecter la Charte des droits et libertés, mais on peut s'interroger, Mme la Présidente, chers collègues, du respect par le Québec des grandes conventions internationales du travail.

Vous savez que l'Organisation internationale du travail, l'OIT, comme elle est mieux connue, qui a son siège à Genève, qui a d'ailleurs connu une histoire qui a fait que Québec et Montréal ont été le lieu de grands débats sur l'avenir de cette Organisation internationale du travail, a adopté un nombre important de conventions et recommandations internationales du travail qui forment ensemble ce que l'OIT considère comme un code international du travail.

Trois conventions internationales sont particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agit de débattre de la conformité de ce projet de loi avec des grandes libertés fondamentales et des droits économiques et sociaux. Il s'agit, Mme la Présidente, d'abord, de la Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, la convention n° 98 de l'Organisation internationale du travail, qui avait été adoptée le 1er juillet 1949; de la convention n° 87, une convention qui était antérieure à la précédente, qui porte sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qui avait été adoptée, quant à elle, le 9 juillet 1948; et une convention plus récente, la convention n° 154, la Convention sur la négociation collective, adoptée, quant à elle, le 19 juin 1981.

L'Organisation internationale du travail a développé, donc, un certain nombre de normes internationales du travail. D'ailleurs, les conventions 87 et 98, à ma connaissance, sont considérées comme des conventions fondamentales du travail. Et une jurisprudence importante a été établie par le Comité de la liberté syndicale, un organe d'experts de l'OIT qui a comme mission d'assurer le respect et l'examen des mesures nationales qui sont prises en matière du travail et qui a comme fonction de vérifier si les États sont respectueux de leurs engagements et notamment des conventions que j'ai examinées.

Et, Mme la Présidente, si une question se pose de la conformité du projet de loi n° 31 sur l'article 45 et la sous-traitance à la liberté fondamentale d'association, au droit aux conditions de travail justes et raisonnables et au droit à l'égalité, bien, la même question se pose relativement aux obligations que nous avons en regard des conventions internationales du travail. Et je crois que l'on peut arguer que les questions visées par le projet de loi n° 31 pourraient résulter en une violation de nos engagements internationaux.

La Convention sur la liberté syndicale de 1948, par exemple, prévoit, à son article 3, que «les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action».

n(12 h 20)n

Le paragraphe 2 de cet article ? et il est très important dans le contexte ? dit des autorités publiques qu'elles «doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal». Et les dispositions du projet de loi n° 31, Mme la Présidente, qui pourraient avoir comme conséquence que les employés perdent leur convention collective, qu'ils se voient dans l'obligation de renégocier leurs conditions de travail, le fait que les employés transférés perdent leurs conventions de travail et leur accréditation syndicale pourrait constituer une violation de cet article 3 de la convention n° 87 de l'OIT.

Il en va de même pour la convention n° 98, qui est une convention qui prévoit, dans son article premier, que «les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi». Et je crois, encore là, que la Commission des droits de la personne, qui a évoqué le problème de la discrimination dont pourrait être à l'origine le projet de loi n° 31... que cette discrimination est aussi condamnée par la convention n° 98, en violation de laquelle pourrait se placer le gouvernement en faisant adopter par cette Chambre le projet de loi n° 31.

Alors, Mme la Présidente, je voulais situer dans le contexte international l'adoption du projet de loi n° 31. Et les syndicats, comme ils l'ont déjà fait par le passé pour un certain nombre de lois du travail qui, selon ces syndicats, portaient atteinte aux obligations internationales du Québec en la matière, peuvent faire des recours internationaux, peuvent porter plainte au Comité de la liberté syndicale, et il se pourrait que le Québec puisse être traduit en quelque sorte en justice devant des instances internationales et en particulier devant ce Comité de la liberté syndicale. Et, si ces objections que nous faisons au projet de loi n° 31, cette opposition que nous faisons... Et nous nous croyons tout à fait disposés à faire de telles objections. Nous voyons que les syndicats, plusieurs associations considèrent qu'il s'agit de modifications qui ne sont pas utiles, qui ne sont pas nécessaires. Mes collègues de l'opposition officielle ont rappelé les motifs nombreux qui justifient notre opposition et nos objections. Le chef de l'opposition officielle tout à l'heure a également rappelé les motifs qui font que cet article 45 n'est pas nécessaire et qu'il peut conduire, comme cela semble déjà être le cas, à menacer la paix sociale. Des syndicats pourraient vouloir traduire le gouvernement devant des instances internationales pour lui rappeler ses obligations, l'obligation de reconnaître et de garantir les droits économiques et sociaux des travailleurs et des travailleuses du Québec ainsi que de leurs syndicats.

Alors, Mme la Présidente, pour cette raison, pour que nous ne violions pas nos obligations internationales, je crois que le gouvernement devrait aussi se rendre aux arguments multiples qui justifient que ce projet de loi ne soit pas adopté, qu'il ne soit pas adopté pour assurer que la paix sociale soit une paix qui continue et pour que le climat des relations de travail soit un climat serein et harmonieux, dans l'intérêt du développement économique, social et culturel du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, monsieur. Alors, je reconnais immédiatement le député de Gaspé.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Oui, merci, Mme la Présidente. Habituellement, on commence toujours notre phrase: Il nous fait plaisir d'intervenir sur un projet de loi en cette Assemblée, Mme la Présidente, et d'y apporter une contribution positive. Le projet de loi n° 31, malheureusement, nous amène a être plutôt tristes de voir comment le gouvernement actuel s'oriente en matière des droits des travailleurs et des travailleuses au Québec.

J'ai eu l'opportunité, cette semaine, d'entendre une entrevue à la télévision de l'ex-ministre du Travail, M. Jean Cournoyer, qui parlait du gouvernement actuel, disant que c'était un gouvernement conservateur qui est au-dessus de tout, qui est au-dessus des gens, qui est au-dessus des problématiques et un gouvernement qui a les attitudes d'un gouvernement que l'on retrouve à Ottawa, Mme la Présidente.

On gère les ensembles, on ne se soucie pas de la population qui est concernée par les différentes modifications qui sont apportées, notamment l'article 45 du Code du travail, qui fait en sorte qu'éventuellement le gouvernement va se servir de sa majorité pour, encore une fois, comme on le voit dans les CPE, comme on le voit dans le développement régional, comme on le voit sur le projet de loi n° 20, qui veut donner des pouvoirs absolus au ministère du Revenu de créer une police parallèle pour faire des enquêtes secrètes sur les citoyens qui sont appelés à payer des impôts... Mais, non seulement on ne s'arrête pas là, Mme la Présidente, le gouvernement, malgré toutes les demandes formulées par les intervenants dans le monde du travail, que ce soient les syndicats, les observateurs, les professeurs d'université, etc., tous ces gens sont unanimes à dire que le gouvernement s'en va vers un mur, un mur sur lequel il ne pourra pas reculer. Même M. Cournoyer disait: Le premier ministre est embarqué dans une logique, il ne peut plus reculer.

Où sont les valeurs libérales du Parti libéral du Québec? J'ai eu l'occasion, Mme la Présidente, récemment, de regarder un document écrit par M. Ryan sur les valeurs libérales, et j'ai ce document en main, et c'est intitulé Les valeurs libérales et le Québec moderne. Mme la Présidente, on y retrouve, dans ce document, des principes, hein, des valeurs. On dit notamment être ouvert aux valeurs de changement et de progrès. Est-ce que l'article 45 du Code du travail, qui est modifié par le projet de loi n° 31, constitue, constitue, Mme la Présidente, un avancement, un changement, un progrès?

On va assister à un recul majeur tant au niveau des conditions de travail, tant au niveau de la paix sociale, tant au niveau des valeurs que les gens... les nouvelles valeurs qui seront créées dans la société. On veut mettre au premier rang les valeurs de liberté, de justice et de démocratie. La démocratie veut, Mme la Présidente, que les gens puissent s'exprimer, que les gens puissent être entendus, que les gens aient des forums pour s'exprimer, que les gens puissent apporter une contribution. Le gouvernement libéral, et malheureusement, qui est qualifié de gouvernement conservateur au sens propre du terme, ne veut pas suivre ces valeurs libérales.

On dit également être acquis à la discussion publique des enjeux et à la transparence de l'administration de la chose publique, Mme la Présidente. Comment se fait-il qu'en commission parlementaire... J'ai assisté à des séances de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 31. Les syndicats sont venus demander au gouvernement, au ministre du Travail: Prenez votre temps, on veut s'asseoir avec le gouvernement, on veut discuter, on veut proposer des aménagements.

n(12 h 30)n

Mme la Présidente, vous savez qu'il existe des accords de libre-échange. On a vu, par exemple, dans le passé, dans un passé récent, que des litiges naissent, notamment au niveau de l'éducation. Est-ce qu'on veut créer, dans l'éducation, un autre type de marchandise? Dans la santé, dans le monde du travail, quand on parle de sous-traitance, qu'est-ce qui va arriver, avec l'article 31? Autrement dit, Mme la Présidente, si on décide de prendre, dans le secteur de la santé, un ensemble de services ? prenons les services infirmiers ? est-ce que les centres hospitaliers pourront éventuellement léguer à la sous-traitance tout le service infirmier, permettre à des agences de donner le service de façon contractuelle? Autrement dit, Mme la Présidente, est-ce qu'éventuellement on en arrivera à créer des... à segmenter les services dans les hôpitaux en faisant en sorte que, si, moi, je pars une agence d'infirmières, il manque des infirmières dans un hôpital, je vais aller contracter avec le conseil d'administration de l'hôpital et là, à ce moment-là, j'assisterai à la présence d'un autre corps d'emploi, une autre entreprise à l'intérieur du centre hospitalier? Est-ce que, éventuellement, des effets aussi pervers pourront se produire avec l'article 45 qui va être modifié?

Mme la Présidente, si on ne transfère pas les équipements mais qu'on ne transfère que le personnel, qu'est-ce qui arrive avec la convention collective? Elle demeure en vigueur. Par ailleurs, l'accréditation demeure en vigueur. Et, en transférant, en transférant tous les services, qu'est-ce qui va arriver avec les conditions de travail? On va les renégocier, Mme la Présidente. C'est ça qu'on va faire. Le gouvernement est en train de se donner les outils pour rapetisser l'État, rapetisser sa charge de travail.

Est-ce que ça va coûter plus cher ou moins cher au gouvernement? Mme la Présidente, on le sait, que, lorsqu'on fait appel à la sous-traitance, ce sont les travailleurs qui écopent, les travailleuses qui écopent. Et là ce qu'on veut faire avec le projet de loi n° 31, c'est de réduire les conditions de travail au nom de la concurrence. C'est ça que l'on veut faire.

Moi, j'écoute mes collègues du gouvernement parler de sous-traitance en disant: Ça prend de la sous-traitance absolument. On a assisté, dans le passé, à des commissions parlementaires. L'article 45 n'empêche nullement la sous-traitance, il n'empêche pas la sous-traitance, sauf que l'argument qui est apporté... Et le Conseil du patronat s'en réjouit. Le gouvernement, en adoptant le projet de loi n° 31, va permettre de faire des transferts d'équipement, de faire des transferts de personnel. La production va être transférée, et là, à ce moment-là, tout va être transféré, Mme la Présidente.

Qu'est-ce qui arrive dans les autres cas? Est-ce qu'on va assister à une réduction catastrophique des conditions de travail dès le lendemain? Non, peut-être pas, Mme la Présidente. Mais, au fur et à mesure que le temps s'écoulera, au fil des ans, qu'est-ce qui va arriver? Il va y avoir des négociations, il va y avoir des conditions de travail... on va égrener les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses. C'est ça qu'on va faire, Mme la Présidente.

Lorsque les caractéristiques du projet de loi n° 31... On semble nous présenter puis de tenter de faire accréditer dans la population que la sous-traitance, elle n'existe pas au Québec. Bien, écoutez, si c'est l'objectif du gouvernement, il est mal parti, parce que, dans la population, ils savent qu'est-ce que ça signifie, la sous-traitance. Qu'est-ce qui va arriver dans les grandes entreprises lorsqu'on va commencer à fragmenter la production, la transformation, la construction? Qu'est-ce qui va se produire, Mme la Présidente? Il y aura une réduction des conditions de travail. C'est inévitable, c'est le but recherché. Les employeurs voudront payer le moins cher possible, faire le plus de bénéfices possible. Et qui va écoper? Sur le dos de qui on va faire ça? Naturellement, ce sera sur le dos des travailleurs et des travailleuses.

Et je serai curieux de voir, hein ? et probablement que nous allons être ici pour y assister ? qu'au fil des ans, quand on fera le bilan, on se rendra compte que le Parti libéral aura erré, et il devra affronter, dans le fond, la population. Les gens vont se souvenir. Lorsque le chèque de paie va être amputé, ils vont se souvenir de quel parti politique qui a fait couper leur paie, qui a modifié leurs conditions de travail, que les vacances ont été renégociées, que tout sera renégocié, les fonds de pension, etc.

On le voit, il y a des clauses. Ce n'est pas la loi qui interdit la sous-traitance. Les employeurs ont négocié des conventions collectives, il y a des dispositions concernant la sous-traitance dans un très grand nombre de conventions collectives. Ils sont venus le dire en commission parlementaire lorsque nous avions pris un mandat d'initiative pour analyser c'est quoi, la sous-traitance, au Québec. Et, le résultat, tout le monde nous disait: Bien, écoutez, l'article 45 n'interdit pas la sous-traitance, l'article 45 dit: Vous devez respecter des règles, hein? Si vous transférez les équipements, etc., bon, les travailleurs doivent être protégés. Et c'est ça qui se produit. Mais l'objectif qui est visé...

Parce qu'il y a des subtilités dans le projet de loi. C'est qu'éventuellement ? et il y a différents cas de figure ? éventuellement, si le projet de loi n° 31 est adopté, comme je le disais tout à l'heure, qu'est-ce qu'on va faire? On va transférer ce qu'il y a à transférer, on ne transférera pas ce qu'on ne peut pas transférer puis on va jouer avec les éléments du projet de loi pour faire en sorte que les conventions collectives vont devenir à échéance rapidement, selon l'effet de la loi. On va être obligé de renégocier une convention collective, les conditions vont changer. Alors, pourquoi, si on ne veut pas changer les conditions de travail des hommes et des femmes qui vont subir ces transferts, pourquoi faut-il absolument modifier l'article 45 pour faire en sorte qu'on va aller modifier leurs conditions de travail?

J'ai demandé à des collègues de l'Assemblée nationale... Et j'écoutais le député de Roberval hier. J'ai posé la question: Qu'est-ce que ça apporte de plus? Quel est l'avantage, un avantage que ça apporterait à un travailleur, un seul avantage qui serait apporté à un travailleur par la sous-traitance? J'attends encore ma réponse. J'écoute, de l'autre coté, ce qu'on nous dit, hein? On nous dit: Ça va créer des jobs. C'est un objectif, créer des emplois. Tout le monde partage cet objectif de créer de l'emploi. Mais est-ce que la sous-traitance, quand ils défendent le projet de loi qui est présenté... Quels sont les avantages pour les travailleurs? Aucun avantage n'a pu être nommé par nos collègues du gouvernement. On parle d'objectif, on ne parle jamais des travailleurs et des travailleuses. On parle des avantages pour les entreprises. Mais est-ce qu'il y en a quelques-uns, ou un ou une de cette Assemblée, du côté gouvernemental, qui va pouvoir nous faire la démonstration des avantages pour les personnes? C'est ça qui est important.

Si on est en train de modifier un des piliers de la société québécoise, le droit du travail au Québec, le droit à la syndicalisation, le droit de négocier une convention collective, le droit d'avoir des conditions de travail décentes, le droit de s'asseoir avec un employeur et d'avoir un rapport de force équilibré ? c'est ça qui existe présentement ? qu'est-ce qui va arriver avec la sous-traitance? Après 90 jours, Mme la Présidente, dans un cas, hein, si on transfère des équipements, une partie de la production, on va s'asseoir puis on va renégocier. Bon! Comment se fait-il qu'on assiste à un braquage complet de la part du ministre, qui refuse d'entendre raison, qui refuse de prendre le temps qu'il faut pour améliorer son projet de loi?

Là, on a commencé à couler dans les journaux qu'éventuellement le projet de loi n° 31 ferait partie du bâillon, Mme la Présidente. Mais c'est la même chose pour les autres affaires. Prenez le projet de loi n° 20. Qu'est-ce qui va arriver? Le gouvernement va créer une agence éventuellement, parce que ça transpire aussi des informations que nous avons, hein? Il y a une agence de perception qui va... qui sera... Le ministère du Revenu deviendra une agence gouvernementale. Qu'est-ce qui va arriver avec les travailleurs? Qu'est-ce qui va arriver avec les travailleurs puis les travailleuses? Comment ça va s'organiser? Est-ce que, par exemple, il y aura aussi une renégociation des conditions de travail? Est-ce qu'on va fragmenter? Est-ce qu'on va s'organiser encore une fois pour tenter d'économiser sur le dos des gens de la fonction publique?

n(12 h 40)n

Les plus gros, hein, la sous-traitance qui se fait au Québec, là, actuellement, Mme la Présidente, c'est au gouvernement. Le gouvernement du Québec actuellement fait de la sous-traitance pour près de 1 milliard par année, et, à date, il y a des gens qui se sont plaints au gouvernement dans le contexte actuel, hein? Dans le contexte actuel, est-ce qu'il y a des gens qui se sont plaints que les conditions de travail avaient été modifiées unilatéralement? Parce que le rapport de force n'existera plus, après, là. Et, dans vos circonscriptions respectives, tant du côté de l'opposition ou du côté gouvernemental, vous allez avoir des gens dans vos bureaux qui vont aller vous dire, Mme la Présidente, que ce projet de loi là est inacceptable. Et on va nous le passer de force parce que le gouvernement a la majorité. Le gouvernement va nous imposer le projet de loi, à toutes et à tous, par un bâillon, hein? Et, quand vous allez vivre l'application de cette loi par la suite, les gens vont aller vous voir respectivement, ils vont vous poser des questions.

Vous avez voté pour ce projet de loi, vous l'avez appuyé, vous l'avez défendu à l'Assemblée nationale et vous n'avez pas été en mesure de nommer, de dire un seul avantage pour les travailleurs. Qu'on m'en nomme un, un seul, et je serai très heureux, Mme la Présidente, de l'entendre ? et je m'adresse à tous mes collègues d'en face ? de nous dire un seul avantage pour les personnes qui seront visées par la sous-traitance. C'est juste ça que je demande, et personne n'a pu me répondre.

Quels seront les avantages pour les employeurs? Ça, par exemple, ils vont être en mesure de nous le dire. Je ne suis pas contre, Mme la Présidente, qu'on améliore les processus, qu'on améliore le fonctionnement d'une entreprise, qu'on améliore sa productivité, etc. ? personne n'est contre ça ? qu'on fasse les choses mieux, de meilleure qualité, qu'on ait un travail dans lequel on se plaît, un travail que l'on fait de façon sécuritaire, que les conditions de travail des gens leur permettent d'avoir des congés annuels, des congés parentaux, des congés pour la famille. Est-ce que tout ça va disparaître? On ne le sait pas, mais les risques sont là. Les risques sont là. Parce que qu'est-ce que vont rechercher les entreprises? C'est de faire davantage d'argent, de faire plus de bénéfices. Lorsqu'on est en affaires, c'est ça qu'on veut faire.

Et je disais au début, Mme la Présidente: Le plan qui sera échafaudé par le Conseil du trésor lors de la réingénierie de l'État, quel sort réserve-t-il à ces gens-là du secteur de la santé et le secteur de l'éducation également quand on va commencer à sous-traiter des pans du fonctionnement d'une institution?

L'entretien ménager, il y en a qui sont en sous-traitance. Les buanderies, il y en a qui sont en sous-traitance. La cuisine, hein, il y a des endroits où c'est en sous-traitance. Mais est-ce qu'on va aller encore plus loin? Est-ce qu'on va aller encore plus loin? Et c'est ça qu'il est important de savoir. Quelles sont les intentions réelles du gouvernement à l'égard de la sous-traitance au Québec? Est-ce que le gouvernement va tout mettre en oeuvre pour réduire de façon drastique les salaires, les avantages sociaux? C'est ça qui est en jeu, là. Et, si on s'en va dans un secteur privé, déjà il y a des gens qui nous disent: Avec le projet de loi, là... On l'a vu dans le secteur du textile, là, il y a des immigrants qui nous disent: Je suis en train de perdre le minimum d'avantages que j'avais, Mme la Présidente.

Alors, écoutez, je suis contre le projet de loi, je vais voter contre le projet de loi et je vais attendre que mes collègues me disent encore une fois, hein, encore une fois quels sont les avantages pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, Mme la Présidente. Aucun.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, je cède maintenant la parole au député de Nicolet-Yamaska et whip de l'opposition officielle. M. le whip.

M. Michel Morin

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la Présidente. Ce matin, je me fais un devoir d'intervenir sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail, et, en débutant, je pense qu'il est important, Mme la Présidente, de lire les notes explicatives parce que, le mot le dit, normalement elles doivent nous expliquer beaucoup de choses.

Ce projet de loi modifie les dispositions du Code du travail relatives à la transmission de droits et d'obligations à l'occasion de concessions partielles d'entreprises.

Deuxième paragraphe: Il prévoit ainsi qu'il n'y aura plus de telle transmission lorsqu'une concession partielle n'aura pas l'effet de transférer au concessionnaire, en plus des fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise concernée, à moins que la concession ne soit faite dans le but principal de nuire à une association de salariés.

On continue: Le projet de loi établit également, sous la même réserve, qu'une convention collective transférée chez le concessionnaire sera réputée expirer lors de la prise d'effet de la concession partielle ou qu'un avis de négociation pour la conclusion d'une nouvelle convention collective pourra être donné dans les 30 jours suivants.

Ce projet de loi comporte enfin quelques dispositions transitoires et de concordance.

Mme la Présidente, je pense qu'il est important, en commençant à étudier ce projet de loi, de regarder ou analyser ensemble la situation et essayer de s'inspirer le plus possible de ceux et celles qui sont dans le domaine des relations de travail depuis les années soixante, je dirais, parce que nous avons au Québec une extraordinaire, belle tradition de relations de travail, et je dirais que les personnes que je vais citer ici connaissent bien nos situations, ou notre situation, de relations de travail.

Je débute par deux citations, celle de M. Pierre Gagnon, bâtonnier du Québec, qui nous dit, et je cite: «Le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes.» Et celle de Mme Marie-France Bich, du Barreau du Québec, qui dit, et je cite: «Le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie et sans lesquels celle-ci périclite.»

Mme la Présidente, il y a un dénominateur commun dans ces deux citations-là, c'est de prendre le temps, ne pas précipiter les choses; être le plus transparent possible, rendre publiques les études appropriées, les études comparatives. Que l'on examine ces études, que l'on les examine bien. Je pense qu'on s'apercevra qu'il y aura des impacts et des conséquences majeurs à ce projet de loi. Y a-t-il lieu d'apporter des amendements? Bien, que l'on écoute, je pense. Que l'on discute.

D'ailleurs, j'écoutais la semaine dernière le président de la FTQ, M. Massé, nous dire ici en commission. Il disait au ministre du Travail, en commission parlementaire: M. le ministre, vous allez trop vite. Prenez un peu plus votre temps. On ne vous demande pas la lune, on vous demande juste de nous écouter. On vous demande juste d'échanger avec nous. Nous sommes prêts à échanger, à discuter. Donc, la porte était ouverte. Mais le ministre et le premier ministre décident, devant cette ouverture, de faire le plus rapidement possible quand même, avant les Fêtes, et de nous arriver avec ce projet de loi, et de le passer le plus vite possible, à la satisfaction de probablement le patronat qui, lui, dit: Bon, bien, dépêchez-vous, nous, nous sommes prêts à le recevoir, ce projet de loi là.

Mme la Présidente, je recite le président de la FTQ qui demandait du temps. Nous trouvons, dans la deuxième citation, celle du Barreau du Québec: «Le législateur a bien sûr tout intérêt a légiférer sans précipitation afin de favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle ? deux éléments ici, Mme la Présidente, qui sont, selon moi, majeurs, deux éléments essentiels au bon fonctionnement de l'économie ? avant, comme le dit la citation, que l'économie périclite.» Je pense que cette citation-là est tout à fait importante et porteuse d'un message majeur et fort judicieux.

n(12 h 50)n

Créer un consensus de stabilité et de paix industrielle. Ces deux éléments, selon moi, sont les piliers de l'économie québécoise, et je dirais même de toutes les économies mondiales. Lorsqu'il n'y a pas de stabilité et de paix sociale, l'économie s'en porte plus mal. Lorsqu'on veut développer un pays, lorsqu'on veut développer un pays au niveau de son économie et de ses valeurs sociales, et de ses valeurs morales, je dirais même, ça prend du leadership, ça prend un gouvernement qui est responsable, qui se préoccupe du climat social de cette même société qu'il représente.

D'ailleurs, M. Bourassa, Robert Bourassa disait et redisait, je me souviens très bien, dans les années soixante-dix ? et Dieu sait que M. Bourassa a eu à faire face à des conflits extrêmement importants et majeurs, surtout dans les années soixante-dix, dans son premier mandat, exemple en 1972 ? qu'un pays ou une province qui va bien économiquement se doit d'avoir une stabilité sociale, d'avoir un climat social approprié, qui rassure les investisseurs.

Mme la Présidente, qu'est-ce que nous entendons depuis un mois? Qu'est-ce que nous entendons ici, sur la colline parlementaire, et qu'est-ce qu'on lit dans les médias depuis un mois? On entend la voix du peuple, on entend les revendications, on entend les revendications des gens de partout à travers le Québec qui réclament, premièrement, d'être entendus, qui réclament d'être écoutés...

Des voix: ...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ... ? je pourrais même demander la même chose, Mme la Présidente ? qui réclament d'être écoutés, qui réclament non pas des journées d'information, mais des journées de consultation. On entend ça aussi souvent de la part de la ministre déléguée, entre autres, au Développement régional, qui informe et non pas consulte. C'est ce que les gens nous disent dans nos comtés: On veut qu'on nous écoute, on veut qu'on nous consulte, on veut qu'on nous entende. Au lieu de passer des heures devant nos institutions politiques, devant les bureaux de député, devant l'Assemblée nationale, au lieu de venir crier qu'on les entende, si on les entendait à l'intérieur du Parlement, le lieu sacré de la démocratie, je pense qu'ils n'auraient pas à se prononcer à l'extérieur de nos murs.

La paix sociale, Mme la Présidente, c'est majeur dans tout pays. La paix sociale, ça se construit. La paix sociale, et la paix industrielle aussi, ça se construit. Comment? Par le dialogue. Pas à coups de lois votées en fin de session, de façon précipitée. Je vous le dis, Mme la Présidente, le bon fonctionnement de l'économie, si on continue comme ça, va péricliter. Un gouvernement qui continue à ne pas écouter les revendications de ses gens est un gouvernement qui ne sera pas éclairé dans ses éventuels projets de loi.

Je vous cite ici Claude Le Corre: «Pourquoi le gouvernement intervient-il maintenant avec le projet de loi n° 31? Il suffit de découvrir qui est l'employeur le plus paralysé par cette interprétation de la sous-traitance. L'entreprise visée par ce carcan est nécessairement un donneur d'ouvrage dont le personnel est syndiqué et qui veut réduire ses coûts ou être plus performant en sous-traitant, ce qui n'est pas essentiel à son entreprise.» Or, Mme la Présidente, le plus grand employeur syndiqué au Québec, c'est l'État. C'est le gouvernement.

Reprenons une partie de cette citation-là: «L'entreprise visée par ce carcan est nécessairement un donneur d'ouvrage dont le personnel est syndiqué et qui veut réduire» les coûts ou être plus performant par sa sous-traitance, ou la sous-traitance. Or, on le dit dans la citation, le plus grand employeur au Québec... syndiqué, c'est le gouvernement. D'ailleurs, M. Parizeau avait une phrase que j'avais trouvée succulente à propos de quelqu'un qui l'avait interpellé. Il avait dit à cette personne qu'elle était en train de s'auto-pelure-de-bananiser. Bien, je dirais que cette loi, ici, elle auto-pelure-de-bananise le gouvernement du Québec. C'est ce que fait le gouvernement actuel. Je pense qu'il se met lui-même de l'eau dans le gaz. Je pense qu'il se met lui-même l'os dans sa propre moulinette.

Mme la Présidente, il y a 400 000 employés syndiqués au Québec, travailleurs et travailleuses dans le secteur public et parapublic. Veut-on retrouver le climat que nous avions connu dans les années 1970-1972, 1972 en particulier? On se souviendra tout le temps du front commun. Je m'en souviens particulièrement. Même 1982, comme le suggère le leader du gouvernement. Ha, ha, ha! Oui.

La question est bonne à se poser: Est-ce qu'on veut retourner à cette paix sociale, qu'il était difficile d'avoir, et paix industrielle? J'espère que non puis que le gouvernement a appris à travers l'histoire à ne pas répéter les mêmes erreurs, car, le projet de loi qui est devant nous, je pense qu'il y a des dangers à ce niveau-là. Est-ce qu'un gouvernement moderne comme le nôtre, où on s'est construit depuis 40 ans des institutions qui nous donnent la chance d'avoir des relations de travail qui sont solides... Est-ce que, depuis ces 20 années là ou ces 30 années là, on n'a pas les moyens de se consulter, de dialoguer et de se demander aussi: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, comme on l'a fait, nous, en 1997, de créer un sommet économique, comme nous l'avions fait? Ça n'a pas été facile non plus.

On parlait de 1972, 1982. Je me souviens de 1997, les relations de travail étaient tendues. Ça a été difficile. L'atteinte du déficit zéro, ça a été pénible. D'ailleurs, on en remercie les syndiqués et tous les travailleurs et travailleuses du Québec qui ont mis l'épaule à la roue dans ce domaine-là. Et ce n'était pas nécessairement facile. Ça a pris beaucoup d'abnégation de la part du premier ministre de l'époque, M. Bouchard, et du ministre des Finances, l'actuel chef de l'opposition, qui ont mené, selon moi, de main de maître ces négociations-là avec lucidité, parce que l'économie du Québec s'est replacée, et nous avons travaillé extrêmement fort.

Actuellement, Mme la Présidente, le gouvernement n'a pas ce consensus. On ne sent pas qu'il y a eu un consensus au Québec actuellement. S'il y en a un, c'est un consensus contre les lois qui sont présentées actuellement sans consultation. Je vous nomme la Fédération des chambres de commerce du Québec par rapport au projet de loi qui est devant nous. Je vous nomme les grandes centrales syndicales, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne, la Fédération des policiers et policières du Québec. La liste est longue. Avec ce projet de loi, ce sont les travailleurs et les travailleuses du Québec qui sont, dans leur domaine, les plus fragiles qui vont avoir à subir les conséquences les plus tragiques et, en plus, à subir d'autres augmentations qu'on voit poindre à l'horizon, qu'on entend parler à tous les jours.

Mme la Présidente, avec le projet de loi n° 31, il sera désormais possible que les employés soient transférés, avec d'importantes pertes de salaire, et que la sous-traitance fasse en sorte que ces salariés...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député. C'est que, compte tenu de l'heure, on doit suspendre les travaux à cet après-midi, 15 heures. Il va vous rester un peu plus de cinq minutes à notre retour, à la reprise à 15 heures. Là-dessus, je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons poursuivre le débat sur le principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Et, lorsque la séance a été suspendue, il restait un certain nombre de minutes au collègue député de Nicolet-Yamaska. Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention pour le temps qui vous est imparti. M. le député.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Avant de se quitter ce midi... Je vous fais un cours résumé du projet de loi n° 31, où j'en étais rendu. Deux grands éléments qui caractérisent, selon moi, ce projet de loi là, c'est le fait qu'on y va un peu trop à la hâte et rapidement, sans consultation, sans écoute, et ceci fait en sorte qu'il se crée de plus en plus de l'instabilité, instabilité économique et aussi un climat social un peu plus instable. Donc, j'en étais rendu là et, M. le Président, je voudrais au moins faire entendre ma voix, faire entendre la voix des mes concitoyens, concitoyennes de Nicolet-Yamaska et essayer, eux autres aussi, de les rassurer par rapport à ce projet de loi là.

Avec le projet de loi n° 31, il est possible que des employés, prenons l'exemple des employés dans le domaine de la santé, les foyers de personnes âgées, des CHSLD, à cause de ce projet de loi là, puissent soit perdre leurs emplois ou être remplacés par des sous-traitants. Là, j'entends dire le gouvernement: Non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible que ça arrive. Bien, rassurez-moi là-dessus, parce que je veux au moins rassurer les gens de mon comté, les gens entre autres du foyer, du CHSLD de Nicolet-Yamaska, celui de Saint-Célestin, celui aussi de Pierreville, le Foyer Lucien Shooner, que jamais les travailleurs et les travailleuses de ces foyers de longue durée là ne seront touchés par le projet de loi n° 31, que jamais les employés de soutien, entre autres ceux qui travaillent dans les cuisines, pour prendre cet exemple-là, jamais ne seront remplacés par des sous-traitants. J'aimerais ça les rassurer puis leur dire: Inquiétez-vous pas, ça ne vous arrivera jamais. Mais, à date, je n'ai pas cette assurance-là.

n(15 h 10)n

Que l'on m'assure aussi que les employés de soutien de mes trois écoles secondaires de mon comté, entre autres l'école Jean-Nicolet, l'école La Découverte à Saint-Léonard-d'Aston et l'école Les Seigneuries à Saint-Pierre-les-Becquets, que les employés de soutien, qui font le ménage entre autres, soient rassurés que jamais on n'engagera des sous-traitants pour prendre leur place. J'aimerais ça que le ministre me rassure là-dessus puis, en même temps, que mes concitoyens, concitoyennes de Nicolet-Yamaska qui nous écoutent soient, eux autres aussi, sécurisés.

Que le ministre me dise aussi que les employés qui travaillent à la centrale nucléaire de Gentilly... Il y a 600 employés à la centrale nucléaire de Gentilly qui travaillent pour l'Hydro-Québec, il y a des employés de soutien là aussi et il se fait de la sous-traitance. Comment se fait-il qu'on peut... Est-ce qu'on peut les rassurer, eux autres aussi? Est-ce qu'on peut leur dire maintenant: Jamais vous ne serez touchés, jamais les 600 travailleurs et travailleuses de la centrale nucléaire de Gentilly ne seront touchés par rapport au projet de loi n° 31?

M. le Président, le Code du travail du Québec, selon moi, est un modèle harmonieux de relations de travail depuis au moins 40 ans. Il y a eu des hauts et des bas. Il y a eu des luttes, on se souvient de 1972, on se souvient de 1982, mais on sait aussi que 60 % des entreprises au Québec sont nées avec de la sous-traitance. Donc, depuis cinq ans aussi, le Québec se distingue par son produit intérieur brut; il est celui qui a dépassé l'ensemble des pays du G7. Donc, ça ne va pas si mal que ça. Ça va même très bien. Puis, moi, je me dis: On ne change pas une formule gagnante, parce que, comme je le disais tantôt, nos relations de travail depuis 25 ans, 30 ans, 40 ans sont harmonieuses.

Les Québécois et les Québécoises actuellement sont inquiets par rapport à ce projet de loi n° 31, et j'aimerais que le gouvernement les rassure. J'aimerais qu'il leur dise: Regardez, on va prendre notre temps, on va réétudier. Comme le président de la FTQ le demandait la semaine passée, il disait: Consultez-nous, on est prêts à échanger avec vous. Il n'y a pas péril en la demeure, on est prêts à ouvrir la porte à une consultation. Prenons notre temps, on va sûrement arriver à un moment où on va s'entendre.

M. le Président, dans ce projet de loi là, projet de loi n° 31, je pense que le gouvernement est imprudent, imprudent pour le climat social, imprudent pour le climat industriel, et, quand on sème le vent, on récolte souvent la tempête. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Nicolet-Yamaska. Et je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, M. le député de Johnson, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sport et loisir. M. le député de Johnson, à vous.

M. Claude Boucher

M. Boucher: Bien, merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je prends la relève de mon collègue de Nicolet-Yamaska pour intervenir sur le projet de loi n° 31 qui entend modifier fondamentalement le Code du travail, notamment l'article 45. Je le fais au nom des citoyens de mon comté et aussi au nom des citoyens de toute la région de l'Estrie, qui n'ont plus de défenseurs ici, sauf moi, pour toutes les attaques que fait le gouvernement contre leurs droits fondamentaux avec les différents projets de loi qui sont sur la table et qui vont être adoptés de force.

Parce que maintenant, vous voyez, M. le Président, le gouvernement a habitué la population aux mots «fusions forcées», et la population commence, elle, à comprendre qu'il y a des mots maintenant qui reviennent dans le langage du gouvernement, comme les «défusions forcées», puisqu'on force les gens à voter sur des projets de défusion dont ils ne veulent pas, on les oblige à le faire par différents processus prévus à une loi. Et là, maintenant, on va adopter une réforme fondamentale du Code du travail, forcée par un bâillon qui aura lieu la semaine prochaine, où la population n'aura pas eu le temps de se faire entendre, où... un projet de loi qui soulève la colère des syndiqués et de l'ensemble du petit monde du Québec, et on va leur rentrer dans la gorge ce projet de loi là comme d'autres, comme on a fait avec l'augmentation des tarifs dans les garderies.

Alors, voici un gouvernement qui a déploré le fait, comme il le disait, qu'on ait fait des fusions forcées et qui là, maintenant, est pire que nous ? si nous avons été ce qu'ils disent que nous avons été ? et force de toutes sortes de moyens l'adoption de projets de loi en toute vitesse, et particulièrement le projet de loi n° 31, qui va avoir des conséquences très graves sur les relations de travail au Québec.

M. le Président, je vais vous rappeler un peu l'état de situation de ce fameux projet de loi qui, évidemment, nous met dans une position extrêmement difficile. Le gouvernement dit que ce projet de loi va faire en sorte que le transfert vers le sous-traitant d'un droit d'exploitation, sans transfert de la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise, n'entraîne plus l'application de l'article 45 du Code du travail. Que l'article 45 s'applique fait suivre uniquement l'accréditation syndicale chez le nouvel employeur mais pas la convention collective, qui est réputée expirée au moment de la cession. Actuellement, la convention suit pour 12 mois.

Alors, les effets de ces deux objectifs-là que poursuit le gouvernement, c'est qu'il sera maintenant possible que des employés soient transférés, avec d'importantes pertes de salaire, à un sous-traitant et que ces salariés perdent leurs conditions de travail et leur accréditation syndicale. Si jamais l'article 45 s'applique, les employés perdent leur convention collective et se voient dans l'obligation de renégocier, plus souvent qu'autrement à la baisse, leurs conditions de travail.

S'il est vrai que certaines catégories d'emploi, M. le Président, ne souffriront pas outre mesure de la sous-traitance ? pensons aux ingénieurs, aux techniciens spécialisés, aux informaticiens ? les petits salariés, eux, seront les plus touchés: service de buanderie, d'entretien ménager, de gardiennage, de cafétéria; des femmes, des jeunes, des immigrants, en majorité. Le libellé du projet de loi est extrêmement ambigu, d'ailleurs, M. le Président. En effet, les avocats débattront longtemps à savoir si la plupart des autres éléments caractéristiques ont été transférés, ce qui entraînera une série de contestations judiciaires qui vont nuire évidemment autant aux employeurs qu'aux travailleurs.

Il sera possible d'utiliser la sous-traitance de manière détournée pour se soustraite à l'application de la Loi sur l'équité salariale. Et, moi, M. le Président, je connais des sous-traitants qui, maintenant, vont faire sous-traiter les contrats qu'ils ont obtenus en sous-traitance et ainsi de suite, et rendre, en pratique, impossible même toute forme de syndicalisation chez les nouveaux employés ou ceux qui ont suivi.

Le projet de loi n° 31 créera des situations absurdes où le sous-traitant devra s'assurer de ne pas engager les ex-employés ou de ne pas utiliser son matériel s'il ne veut pas risquer de voir l'accréditation syndicale suivre. On enverra alors le matériel au dépotoir et les employés au chômage. Le projet de loi n° 31 rompt la paix sociale et industrielle, car le gouvernement agit à toute vapeur, sans consultation, en ne faisant siens que les arguments patronaux.

Tout le monde le reconnaît, M. le Président: ce gouvernement-là n'est pas un gouvernement libéral. Ce gouvernement-là est un gouvernement conservateur, avec un chef conservateur, qui apporte des mesures conservatrices. C'est un retour en arrière, ce genre de politiques que nous avons connues dans les années quarante et qui reviennent sur la table maintenant; une belle continuité, M. le Président, qui, en passant par Ottawa, arrive au Québec.

n(15 h 20)n

Qu'est-ce qu'ont dit les groupes de ce projet de loi là, M. le Président? Qu'est-ce qu'ont dit les groupes? La patronat est ravi. Évidemment, le patronat est ravi. Le patronat est le seul groupe réellement significatif au Québec qui appuie ce projet de loi là. Le patronat est ravi. Les craintes évoquées lors de la présentation du projet de loi n° 31, quant à la clarté du projet de loi n° 31, n'ont pas été soulevées en commission parlementaire. Les principaux arguments sont: Le Québec sera au diapason des autres provinces canadiennes. Imaginez-vous que notre Code du travail, que nos relations de travail, que la qualité de nos relations de travail, que l'efficacité de nos relations de travail et que l'équilibre que nous avons réussi à établir au Québec entre employeurs et employés, la paix syndicale que nous avons réussi à obtenir au cours des neuf dernières années, M. le Président, est remise en cause. Il y a des provinces canadiennes, M. le Président, qui rêvent d'atteindre l'équilibre que nous avons obtenu dans notre droit du travail. Il y a des provinces canadiennes qui souhaitent non pas que le Québec imite les autres provinces, mais que les autres provinces imitent le Québec. Mais la volonté du premier ministre actuel de rapetisser le Québec au rang de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, au rang des petites provinces canadiennes et de toutes les provinces canadiennes, la volonté de ce premier ministre de remettre le Québec à sa place dans la Confédération canadienne est telle qu'il veut même défaire au Québec ce que les autres provinces apprécient, pour rendre le Québec semblable aux autres.

Alors, M. le Québec... M. le Président, excusez ? peut-être que vous auriez aimé ça qu'on vous appelle M. le Québec, M. le Président ? M. le Président, le gouvernement veut emmener le Québec au même rang que les autres provinces. Il dit qu'il sera plus concurrentiel, M. le Président. La croissance économique du Québec, depuis quelques années, depuis effectivement que le Parti québécois a pris le pouvoir en 1994, la réduction de l'écart entre le taux de chômage de l'Ontario et du Québec, le produit intérieur brut du Québec... Le Québec est devenu la seizième puissance économique mondiale. Vous savez, M. le Président, si le Québec était un pays, ce dont nous rêvons tous, ici, de ce côté-ci de la Chambre...

Une voix: ...

M. Boucher: ...de ce côté-ci de la Chambre, et que d'autres vont commencer à rêver bientôt, avec les conséquences de la gouverne du parti conservateur libéral du Québec... Quand les gens verront d'ailleurs les conséquences, probablement que, progressivement, ils se rallieront à l'idée que le Québec serait mieux servi s'il gérait toutes ses taxes et tous ses impôts. J'ai bon espoir; il y a des gens qui réfléchissent de l'autre côté de la table... de l'autre côté de la Chambre, M. le Président, et qui commencent à comprendre que la gestion du Québec est bien difficile, que le déséquilibre fiscal est important, et qu'il n'y a pas d'autre moyen de le régler, M. le Président, que par la souveraineté.

Mais, M. le Président, je reviens à mon premier propos: le Québec plus concurrentiel parce qu'on modifie l'article 47, le Québec plus concurrentiel. Le Québec n'a jamais été aussi concurrentiel qu'il l'est maintenant; le Québec n'a jamais aussi bien performé sur le plan économique depuis les 25 dernières années qu'il l'a fait sous la gouverne du Parti québécois; et on pense qu'en modifiant ce projet de loi là on va créer des emplois, rendre le Québec plus concurrentiel. De quels emplois on parle, M. le Président? Des emplois qui existent actuellement dans différents réseaux vont tout simplement être transférés. On créera peut-être plus de travail, mais pas plus d'emplois, M. le Président.

Aussi, on dit que la sous-traitance est une nécessité qui justement crée des emplois de qualité. Imaginez-vous, M. le Président, il y a déjà au gouvernement du Québec pour 1 milliard de budget qui sont alloués pour la sous-traitance. 1 milliard, déjà, M. le Président. Et le projet de loi n° 31 n'existait pas, et le Code du travail s'appliquait tel quel, avec l'article 45. Il y a déjà 1 milliard.

Il y a aussi au Québec des multiples entreprises qui exercent la sous-traitance ou qui ont recours à la sous-traitance. Il y en a dans mon comté d'ailleurs, trois grandes entreprises qui, avec les lois actuelles, telles qu'elles sont, et grâce d'ailleurs à l'équilibre de ces lois-là et du système des relations de travail que nous connaissons, ont recours à la sous-traitance. Bombardier, M. le Président, Bombardier d'ailleurs que ce gouvernement vient de supporter grâce à un crédit de 600 millions qu'il supporte, une garantie de prêt de 600 millions; Bombardier qui fait... qui existe dans mon comté, qui est à Valcourt, dont le siège social est à Valcourt. Bombardier, M. le Président, a recours constamment à la sous-traitance, et nos règles actuelles au niveau des relations de travail ne l'empêchent pas de le faire. Sauf que la sous-traitance, telle qu'elle se fait, elle se fait dans un contexte où les travailleurs et les travailleuses sont protégés, où leurs conditions de travail sont protégées, où ils ne passent pas de 20 $ l'heure à 10, comme ça, un coup sec, un bon matin, parce que l'employé, sans avertissement, un bon lundi matin, leur dit que, maintenant, c'est terminé et qu'il confie les produits qu'il a à produire à une firme de sous-traitance.

Il en est de même pour Kruger, M. le Président. Je suis né à Bromptonville, ma famille a été élevée avec la compagnie Kruger qui a recours aussi à la sous-traitance, mais qui le fait dans les règles actuelles et qui ne s'en plaint pas. Même chose pour Domtar, M. le Président, qui est à Windsor, dans mon comté, et qui a recours à la sous-traitance. Et je pourrais énumérer des dizaines d'entreprises de mon comté comme de la région de l'Estrie qui ont recours à la sous-traitance dans le cadre légalitaire actuel, M. le Président.

Alors, pourquoi donc vouloir le changer? Pourquoi vouloir le changer? M. le Président, dans ma circonscription électorale comme dans la région de l'Estrie, beaucoup de gens actuellement sont inquiets parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi, qu'est-ce qu'il y a derrière cette volonté-là. Alors que ça va bien, alors que nous avons une paix sociale, alors que nous avons une paix dans les relations de travail, pourquoi est-ce qu'on veut créer tous ces problèmes actuellement au Québec? Pourquoi on fait ça? Les gens se posent la question.

Ce matin, je revenais de ma circonscription électorale avec un libéral, d'ailleurs, qui parlait du premier ministre actuel comme d'un premier ministre conservateur et qui disait que, rapidement, un vrai libéral de ce parti se lèvera un jour, fera la démonstration que ce ne sont pas des politiques libérales qui sont en train d'être appliquées au Québec par le gouvernement et qui ramènera le Parti libéral véritablement là où il doit être.

Nous l'espérons, de notre côté de la Chambre, M. le Président, que cela se fasse, mais, en attendant, les gens sont inquiets. Et cet organisateur libéral de mon comté me disait: Ça n'a pas de sens, tout le monde est insécure, tout le monde ne sait pas où est-ce qu'on va. Au niveau agricole ? parce que lui est dans l'agriculture ? au niveau des garderies, au niveau des relations de travail, partout, M. le Président, les gens sont inquiets, les gens sont insécures, ne voient pas où le gouvernement veut aller. Et le gouvernement agit tellement en catimini, agit tellement rapidement, veut tellement passer ses projets de loi à toute vitesse, M. le Président, que les gens voient, là, qu'il y a quelque chose derrière ça qui n'est pas clair.

On ne sait pas ? et les gens le disent ? quel est le mobile du crime, M. le Président. Comment se fait-il qu'on veuille agir de cette façon-là, en toute vitesse, qu'on veut passer à travers des commissions parlementaires très rapidement, qu'on invite les groupes qu'on veut bien inviter, et que, là, on veut passer des projets de loi sous un bâillon, on veut forcer les membres de l'Assemblée nationale à voter un projet de loi alors qu'il n'a pas été suffisamment étudié?

Beaucoup de gens d'ailleurs se plaignent, et je vais vous citer des avocats importants qui disent ceci. Pierre Gagnon, le bâtonnier du Québec: «Le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes.»

Me Marie-France Bich, Barreau du Québec: «...le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie et sans lesquels celle-ci périclite.»

Me Marc Sauvé, Barreau du Québec: «...avant de passer au vote par les membres de l'Assemblée, il est important, je crois, d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études, que ce soient des études comparatives, par exemple. Si on parle de mettre à niveau, bien, qu'on les sorte, les études, qu'on les examine d'une façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute.» Et j'en passe, M. le Président.

Le directeur du Conseil du patronat, qui est un gars de chez nous, M. Gilles Taillon, nous disait: Ça va créer des emplois, ça va créer beaucoup d'emplois. Et on lui demande: Mais où? Comment? Faites-nous confiance, faites-nous confiance, modifiez la législation le plus rapidement possible, vous allez voir les conséquences positives. Personne peut nous faire la preuve que les objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement, actuellement, seront effectivement atteints. Personne peut nous en faire la preuve. La seule preuve que nous avons actuellement, M. le Président, c'est que les gens sont insécures, que les gens voient que les politiques de ce gouvernement sont faites en fonction d'un groupe dans la société de patronat, des riches de notre société. C'est ça que les gens voient. Alors, M. le Président, il est très important que les Québécois prennent conscience de ça avant qu'il ne soit trop tard.

n(15 h 30)n

Je pourrais vous citer des dizaines d'éditorialistes, de personnes qui ont décrié l'action actuelle du gouvernement. Je pense, par exemple, à Michel Auger, du Journal de Québec, qui disait: «Il ne manque qu'une seule petite chose dans le débat sur la modification de l'article 45 du Code du travail sur la sous-traitance, une démonstration claire et nette de la part des proposeurs que cette réforme est nécessaire. Après tout, on ne parle pas ici des modifications ordinaires aux lois régissant les relations de travail, il s'agit d'un amendement qui, de l'aveu même de ses principaux supporteurs, pourrait causer une diminution importante de leurs rémunérations et de leurs conditions de travail. Or, les mêmes supporteurs de cette loi ne peuvent citer d'avantages tangibles pour la collectivité, sauf des promesses de création d'emplois, qui s'évaporent dès qu'on leur demande d'être spécifiques.»

Tout se passe jusqu'ici sur le mode de l'acte de foi. Ça me rappelle, M. le Président, des régimes obscurs dans lesquels nous avons vécu au Québec. La seule chose qui soit certaine, c'est que les conditions de travail pourront être révisées à la baisse. Ce qui n'est pas du tout certain, c'est que la mesure permettra de créer des emplois. Et je cite les deux derniers paragraphes: «Or, il y a un principe en démocratie, c'est qu'on ne change pas les lois juste parce que nos amis nous le demandent. Il faut faire la démonstration que les changements sont bel et bien justifiés et nécessaires et dans l'intérêt du bien commun. Le gouvernement du premier ministre actuel n'a toujours pas fait cette démonstration et ne peut s'attendre à ce que l'ensemble de la société québécoise accepte de légiférer ainsi sur la base des actes de foi de ses amis du patronat.»

Et je reprends un autre éditorial, celui-ci de Michel Venne: «Le gouvernement du premier ministre actuel n'est pas un gouvernement courageux comme le prétendait son chef en fin de semaine. C'est un gouvernement autoritaire.» Ça me rappelle encore, M. le Président, ce mot «autoritaire», des régimes obscurs qu'a connus le Québec. «Celui-ci est en train de briser le Québec. Les politiques qu'il veut imposer auront pour conséquence d'affaiblir la société, d'accroître l'insécurité économique, de conforter le pouvoir des groupes qui sont déjà les plus puissants et de semer la haine entre les classes sociales.» C'est ce que nous voyons à chaque jour devant le parlement, monsieur, des gens qui viennent exprimer leur désaccord à ce gouvernement, qui viennent lui dire qu'il a fait un choix: il a choisi les riches. Il est en train de laisser tomber les plus démunis.

Ça me rappelle, et je termine sur ceci, M. le Président... Nous avons eu dans notre société toutes sortes de politiciens. Il y en avait un qui avait le tour de dire exactement ce que les gens pensaient, et ce politicien venait de votre région, M. le Président, c'était Réal Caouette. Il disait du régime libéral de Pierre Elliott Trudeau ce qu'on pourrait dire du régime conservateur du premier ministre actuel: «Avec ce régime, M. le Président, les gros grossissent en plus petit nombre et les petits rapetissent en plus grand nombre.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Johnson, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, toujours sur le principe de ce projet de loi, je reconnais maintenant M. le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique. M. le député de Borduas.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Bien, merci, M. le Président. Alors, un principe important quand on légifère, M. le Président, et surtout quand on veut légiférer rapidement, c'est qu'on doit se retrouver dans une situation dramatique, on doit se retrouver dans une situation urgente qui commande rapidement des gestes de correction ou d'adaptation pour faire face à la situation qui affecte les gens. Est-ce qu'on se retrouve dans cette situation-là actuellement? Dans le fond, est-ce qu'on ? et mon collègue en a parlé à l'instant ? est-ce qu'on est devant une situation où il y a nécessité et nécessité urgente d'intervenir? On pourrait à la limite penser qu'il peut y avoir nécessité, mais pas nécessairement urgence.

Mais, d'abord, parlons de la nécessité. Est-ce qu'il y a une nécessité à modifier le Code du travail, qui est l'un des piliers du fonctionnement de notre société de droit? Une société de droit, c'est une société démocratique où les rapports entre les individus, où les rapports entre les groupes, entre les associations, entre les entreprises et leurs employés sont régis par des règles du jeu, par des lois, par des normes. Et une des normes fondamentales dans une société moderne, c'est toujours le Code du travail, c'est-à-dire comment s'établissent les rapports entre les individus, les employés et les employeurs. C'est un pilier parce que, ça tombe sous le sens, c'est le fonctionnement de toute l'activité économique d'une société, sa prospérité, son bien-être qui est relié à cette situation-là. Parce que, quand il n'y avait pas de Code du travail, c'était la loi du plus fort, c'était le capitalisme sauvage, c'était des gens qui étaient obligés de travailler pour gagner leur vie dans des conditions inacceptables et qui devaient être soumis à la loi du plus fort, c'est-à-dire à la loi de ceux qui avaient les moyens, qui avaient l'argent, qui avaient la capacité de leur imposer ce qui était leur nécessité de vie. Il fallait bien qu'ils vivent, il fallait bien qu'ils travaillent pour nourrir leur famille.

Alors, à partir du moment où on s'est donné un Code du travail, on a commencé à avoir un niveau de civilisation, et un niveau de respect des droits humains, et un niveau de fonctionnement de notre société qui était plus correct, plus acceptable, plus moderne, plus civilisé et qui répondait à la nécessité de changer la loi de la jungle en une loi de droit où les uns et les autres ne sont pas régis par la loi du plus fort, mais sont régis par un principe d'égalité, de rapport d'égalité, chacun ayant une contribution à apporter dans la société, chacun ayant un plus ou une contribution à donner pour le fonctionnement de l'activité économique. Alors, il n'y a pas les bons patrons puis les mauvais employés, et l'inverse non plus, il y a des gens qui offrent leur force de travail, leur savoir, leur énergie physique pour accomplir un certain nombre de tâches et il y a des gens qui, seuls ou avec l'aide de banques ou de l'État, disposent d'argent pour lancer et faire fonctionner des entreprises.

Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on a un Code du travail depuis un bon bout de temps et que tout le monde considère, enfin tous ceux qui ont un peu de sensibilité sur ces questions-là ? ce qui n'est pas le cas, semble-t-il, du gouvernement actuel ? tout le monde considère que c'est un pilier de la société. Et les piliers que les sociétés se sont donnés, que la nôtre s'est donnés, on ne les ébranle pas ou on ne les attaque pas, on ne les gruge pas, on ne les pioche pas sans avoir des raisons importantes de le faire, et, en plus, on ne le fait pas d'une façon brutale, sans tenir compte des conséquences de ce que c'est, secouer un pilier ou même en enlever un, pour une société qui doit avoir, pour fonctionner correctement, la paix sociale et une cohésion dans la société.

Qu'est-ce qu'on a de besoin dans une société pour que celle-ci puisse prospérer, puisse fonctionner harmonieusement? Bien, il faut qu'il y ait justement des relations qui soient fondées sur le respect mutuel, qui amènent les gens à fonctionner dans un climat de paix, de relative sérénité, même quand il y a des conflits, et qui, à cause de ce climat de paix, cette sérénité-là, peuvent justement produire, concurrencer, développer, investir, travailler efficacement pour les objectifs qui sont à la fois des objectifs de développement économique mais de prospérité et de capacité de subvenir à nos besoins de base.

Alors, voilà la situation. On a donc un pilier de notre société qui actuellement est mis en cause par le gouvernement. Alors, est-ce que ce gouvernement a fait la démonstration de la nécessité de faire ce qu'il fait de la façon dont il le fait? La réponse, c'est non. Et, si ce n'était que les gens de l'opposition officielle qui disaient au gouvernement: Vous n'avez pas fait la démonstration de la nécessité, les gens qui nous écoutent, nos concitoyens, nos compatriotes pourraient se dire: Oui, mais, finalement, l'opposition, son intérêt premier, c'est de critiquer le gouvernement, c'est de faire en sorte que le gouvernement paraisse mal, et, en quelque part, plus il paraîtra mal, un jour ou l'autre ils seront en mesure de les remplacer. Bon, ça, c'est la règle classique de l'alternance au pouvoir, et donc...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, M. le député.

Une voix: M. le Président, question de règlement. Afin que le message...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, vous soulevez la question du quorum. Alors, effectivement, nous n'avons pas quorum. Alors, je dois suspendre momentanément la séance parce qu'on n'a pas quorum. Alors, appelez les députés.

n(15 h 40 ? 15 h 42)n

Le Vice-Président (M. Gendron): Nous avons quorum. Alors, M. le député de Borduas, veuillez poursuivre.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, j'en étais à parler de la nécessité d'agir. J'indiquais que le gouvernement n'était pas obligé de croire l'opposition et que les citoyens, à la limite, pouvaient se demander si l'opposition apporte des arguments qui sont appuyés sur la vérité ou la réalité ou s'ils sont appuyés par l'intérêt politique de faire mal paraître le gouvernement.

Bien, écoutez, je voudrais prendre, par exemple, à témoin l'éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, qui n'est pas connu pour être un partisan de l'indépendance du Québec, du Parti québécois. Et, en général, la position éditoriale de La Presse, c'est celle avec laquelle la famille Desmarais est d'accord. Parce qu'on sait que la position éditoriale, c'est la position, finalement, du patron de l'entreprise de presse, et, en l'occurrence, André Pratte a sa job à La Presse parce qu'il est d'accord sur le fond des choses avec son patron.

Alors, M. Pratte disait, le 24 novembre dernier: «Les tenants de changements importants au Code du travail estiment que celui-ci représente un frein à la sous-traitance, et ainsi nuit à la compétitivité des entreprises québécoises. Cependant, dit M. Pratte, les arguments qu'ils évoquent ne sont pas concluants. Par exemple, ils citent une étude du professeur Marc Van Audenrode, de l'Université Laval, indiquant qu'un relâchement des conditions de la sous-traitance permettrait de créer plusieurs milliers d'emplois. On oublie de citer le passage de l'étude en question ? et je cite: "La loi en tant que telle a peu d'effets directs sur la capacité des entreprises à recourir à la sous-traitance. L'élément-clé dans la détermination de cette capacité des entreprises à sous-traiter semble beaucoup plus résider dans les clauses restrictives négociées dans les conventions collectives."»

«Autre argument ? cite André Pratte, toujours dans son texte qui s'intitule d'ailleurs Le sac à chicanes: il y a quelques jours, la présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Mme Françoise Bertrand, a cité toute une série de statistiques montrant le retard de l'économie québécoise par rapport à l'économie ontarienne. Sauf, dit M. Pratte, qu'absolument rien n'indique que les normes du Code du travail relativement à la sous-traitance sont une des causes de ce retard. Le Conseil du patronat présentera cette semaine en commission parlementaire des statistiques plus significatives ? et, effectivement, il l'a fait. Mais, là encore, il n'y a pas de lien de cause à effet qui a été établi.»

Alors, ce qu'on constate, c'est qu'actuellement on a un gouvernement qui agit sous la foi d'une théorie économique, d'une idéologie économique, sans que qui que ce soit qui a été entendu en commission parlementaire n'ait été capable de faire la démonstration de la relation de cause à effet. Donc, le Québec aurait certains problèmes économiques, certains problèmes de concurrence, certains problèmes de compétitivité, mais, à aucune reprise, aucun individu n'a été capable de faire la démonstration.

Les économistes qui sont venus témoigner en commission parlementaire ou qui se sont exprimés sur la place publique, eux non plus n'ont pas été capables de faire la démonstration scientifique. C'est toujours une impression, une opinion, sans qu'aucun lien précis entre les problèmes identifiés et le résultat que donnerait un changement au Code du travail, sans qu'aucune démonstration n'ait été faite qu'on puisse s'attendre à plus de compétitivité, plus d'investissements, plus d'emplois, Ça, c'est la première chose.

La deuxième, c'est qu'on s'entend tous pour dire, y compris les gens qui proposent la mesure au gouvernement, le milieu patronal, qu'il va y avoir des conséquences négatives. Donc, il y a des inconvénients qui, eux, ont été clairement établis. Et le premier inconvénient, le plus fondamental, le plus majeur, c'est l'inconvénient sur les travailleurs et les travailleuses, syndiqués et non syndiqués. Autrement dit, les gens du Conseil du patronat, le monde des affaires, les milieux des chambres de commerce reconnaissent qu'il va y avoir possiblement des baisses de conditions de travail. C'est beaucoup de personnes qui vont être affectées par le projet de loi, donc qui, à cause du projet de loi, vont voir leur situation personnelle, familiale détériorée. Est-ce que ce n'est pas la responsabilité des députés de l'Assemblée nationale qui représentent ces citoyens et citoyennes, qui représentent l'ensemble de la population...

Et, dans l'ensemble de la population, je vais vous dire, il y a plus de travailleurs et de travailleuses qu'il y a de membres du Conseil du patronat ou qu'il y a de membres des chambres de commerce. Il y a plus d'hommes et de femmes qui gagnent leur vie dans des entreprises qu'il y a d'entreprises. Et, quand on n'arrive pas à faire la démonstration qu'effectivement les entreprises vont avoir des gains considérables, mais surtout que l'économie va avoir des gains considérables... Parce qu'il faut faire la distinction entre les gains de propriétaires d'entreprise qui vont peut-être voir leur marge de profit augmenter et les gains d'une société au plan économique qui verrait son niveau d'emploi augmenter, son niveau de prospérité augmenter, son niveau de salaire augmenter, donc son niveau de capacité d'intervention pour organiser le bien commun augmenter. Parce que plus de monde travaille et plus les salaires sont élevés, plus le niveau de taxes et d'impôts est élevé, plus on peut se payer les services qu'on doit se payer dans des secteurs essentiels comme la santé et l'éducation.

Alors là on sait qu'on a devant nous un projet de loi qui va avoir la conséquence inverse, qui va appauvrir beaucoup de citoyens et de citoyennes du Québec. Et est-ce que, encore une fois, on a fait la démonstration que cet appauvrissement était nécessaire pour le bien-être de la collectivité, pour l'ensemble du Québec, pour la prospérité de l'ensemble du Québec? On n'a pas fait cette démonstration-là.

La seule démonstration claire et évidente, c'est que c'est clair que les patrons d'entreprise, les dirigeants d'entreprise, les investisseurs, eux, vont faire plus d'argent. Quel est l'intérêt pour des entreprises d'adopter cette mesure-là, de faire en sorte que les conditions de travail de leurs employés diminuent, si ce n'est que d'augmenter la marge de profit, dans la mesure où on fait la démonstration par ailleurs que leur problème de compétitivité n'a pas de rapport avec le Code du travail, que la situation actuelle des entreprises québécoises est bonne, qu'elle s'est améliorée au fil des années et qu'elle pourrait s'améliorer encore et que ça n'a pas de rapport direct avec le Code du travail.

Alors, encore une fois, il faut, à un moment donné, chercher l'intérêt, et l'intérêt, c'est l'intérêt de gens qui, dans le fond, ont une conception de la société, une conception idéologique de la société qui fait qu'il doit y avoir, dans cette société-là, le maximum de liberté d'opération pour les entreprises et les entrepreneurs et le maximum de possibilités de s'enrichir et de faire des profits, et ça, s'il le faut, aux dépens des hommes et des femmes qui gagnent leur vie dans ces entreprises-là.

n(15 h 50)n

Alors, inconvénients dramatiques, inconvénients qui ont été, M. le Président, signalés non pas uniquement par les centrales syndicales, non pas uniquement par les représentants du peuple que sont les députés de l'opposition, mais aussi par un organisme qui a la responsabilité justement de s'occuper des droits des personnes. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est venue témoigner en commission parlementaire au mois de novembre. Son président a été très clair, et je le cite: «La Commission a de sérieuses réserves sur les effets des modifications proposées, surtout à l'égard du droit à l'égalité des travailleurs vulnérables. Il semble possible que, dans plusieurs cas, la sous-traitance touchera les catégories de travailleurs oeuvrant dans les secteurs davantage périphériques tels que l'entretien, l'alimentation, les tâches de soutien. Ces catégories sont rarement les mieux payées et les femmes et les minorités s'y concentrent souvent. Comment pourra-t-on s'assurer que l'employeur ne sous-traitera pas des activités dans le seul but d'échapper à ses obligations en vertu de la Loi sur l'équité salariale, par exemple ? a demandé le président de la Commission des droits de la personne?»

M. Marois s'est posé les mêmes questions en ce qui concerne la Loi sur l'égalité à l'emploi, qui vise à lutter contre la discrimination envers les femmes, envers les autochtones et envers les minorités ethniques. Et la Commission estime que l'association syndicale se fait imposer un fardeau de la preuve bien trop lourd en cas de soupçon de manoeuvres déloyales de la part d'une entreprise lors du recours de cette dernière à la sous-traitance. Et la Commission pose la question: «Quelle sera la preuve requise pour démontrer que ce recours a été fait dans le but principal de fragmenter une unité de négociation ou de porter atteinte au pouvoir de représentation d'une association? La Commission estime que le projet de loi pourrait porter atteinte au droit à des conditions de travail justes et raisonnables, reconnues par la Charte des droits et libertés du Québec. Les conditions des travailleurs ayant subi la sous-traitance et perdu des conditions de travail acquises grâce à la protection syndicale pourraient être durement touchées.»

Ça, M. le Président, ce n'est pas le discours du député de Borduas, là, ce n'est pas le discours des députés, de mes collègues de l'opposition officielle, c'est le propos du président et des membres de la Commission des droits de la personne, un organisme qui a été créé par cette Assemblée, il y a plusieurs années, pour justement s'assurer que la Charte des droits et libertés est respectée et que les actions gouvernementales et les actions législatives prennent en compte constamment les droits et les libertés des personnes, des gens qui vivent dans cette société.

Ce qu'on constate, c'est que le gouvernement est insensible à la représentation de la Commission des droits de la personne, insensible à tous les arguments et à tous ceux et celles qui lui disent que la conséquence va être d'appauvrir. Il est même insensible au discours du Conseil du patronat, du président du Conseil du patronat qui, naïvement, reconnaît qu'il va y avoir des gens qui vont perdre et qui vont s'appauvrir par ces mesures-là. Lui, il prétend qu'on va compenser ça parce qu'on va augmenter le nombre d'emplois. Comme je le disais tantôt, aucune démonstration économique et scientifique n'a pu être faite, ni par lui ni par aucun expert qui a été entendu par la commission.

Et on va se retrouver en plus, comme autre inconvénient, non seulement... et un inconvénient dramatique pour des milliers de personnes au Québec qui vont voir leur situation se détériorer, pas juste leur situation personnelle, celle de leur famille, celle de leurs enfants. Mais, en plus, et des gens le reconnaissent, on va se retrouver à confronter les syndicats avec le patronat. On va se retrouver dans une situation où on va créer des conditions de la chicane. Et, encore une fois, quand l'éditorialiste en chef de La Presse titre son éditorial Le nic à chicanes, c'est qu'il constate qu'effectivement la conséquence du projet de loi va être d'augmenter les tensions patronales syndicales dans la société, alors qu'on avait réussi, au fil des dernières années, bien sûr avec une philosophie gouvernementale totalement à l'opposé du gouvernement actuel... La philosophie du gouvernement précédent, du gouvernement du Parti québécois, c'est une philosophie de respect des partenaires de la société et que le partenariat ne peut pas juste se faire avec le patronat. Le partenariat se fait avec le monde syndical, avec les organismes communautaires, avec la société civile.

Alors, c'est ça, M. le Président, la situation. On va créer des tensions dans notre société, on va bouleverser la cohésion sociale, on va bouleverser la paix sociale, qui, elle, va avoir des impacts négatifs au plan économique. Il n'y a pas besoin d'un cours d'université pour savoir qu'est-ce que ça veut dire, ça, dans une société en concurrence avec d'autres, une société qui va devoir vivre des conflits de travail dramatiques parce que l'entêtement idéologique d'un gouvernement... qui n'a aucune base scientifique pour agir mais simplement le dogme que, parce que le Conseil du patronat l'a dit, ça doit être une bonne chose.

Et je termine en disant que pour le reste... Je viens d'expliquer un peu qu'il n'y a pas nécessité d'agir, que la démonstration n'a pas été faite, mais, en plus, on va agir rapidement. Il me reste à peine quelques secondes, d'autres collègues l'ont invoqué, d'autres l'invoqueront, est-ce que ce gouvernement qui a dénoncé le précédent gouvernement à chaque fois qu'il a utilisé le bâillon, donc qui a fait en sorte que les projets de loi ont été adoptés avec le couperet de l'Assemblée nationale, est-ce que ce gouvernement-là va faire la même chose, M. le Président? La réponse, c'est oui. C'est ce qu'on nous a annoncé...

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président.

M. Charbonneau: Madame, un instant, calmez-vous, gentiment, calmez-vous, je ne m'excite pas.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, rappeler au député de Borduas le temps dont il dispose...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais...

Mme Lamquin-Éthier: ...et veiller au respect du temps imparti? Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Est-ce que vous...

M. Charbonneau: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant. Juste indiquer, Mme la leader adjointe de l'opposition... du gouvernement, pardon, j'ai toujours permis, après avoir indiqué aux gens que leur temps était expiré, de conclure rapidement. Et, je me rappelle, j'ai assez de temps de fait, là, et je ne compterai pas les secondes, mais j'ai déjà vu jusqu'à 22 secondes de plus que le 20 minutes. Alors, je lui ai indiqué de conclure, je l'invite à le faire très rapidement dans les quelques secondes qui restaient, je le sais que le temps imparti était terminé. Alors, si vous voulez conclure, M. le député, mais pas en prenant une minute, là, deux secondes ou trois.

M. Charbonneau: Deux secondes pour dire, M. le Président, qu'agir d'une façon urgente, c'est agir en trompant la population, parce qu'il n'y a aucune urgence. Les citoyens et citoyennes actuellement savent très bien qu'il n'y a pas d'urgence, et j'espère qu'ils vont juger le gouvernement en se rappelant les promesses de vertu qu'il nous avait faites quand...

Mme Lamquin-Éthier: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Je le reconnais. Je le reconnais parce que, là-dessus, il y a eu une question de règlement qui a duré huit secondes, 10 secondes.

M. Bédard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, question de règlement.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président. Parce qu'on a quand même appelé le quorum pendant la période où mon collègue parlait, et, vous savez, le droit de parole est un droit qui est préservé en cette Chambre. Alors, j'aimerais savoir si... Lorsque, effectivement, le quorum est demandé, le temps, on me dit, parfois peut être arrêté, mais, en même temps, la personne doit se remettre dans ses notes. Est-ce que vous considérez ces délais à l'intérieur du délai qui est normalement requis et prévu par le règlement, M. le Président?

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! J'ai une question, madame, veuillez vous asseoir. Je vais répondre à la question posée. Non, règle générale, quand on suspend la séance pour faute de quorum, on arrête le temps, et, effectivement, le temps a été arrêté et n'était pas imparti dans le temps qui appartient au député de Borduas. Non, mais je préfère faire la remarque générale. Oui, je suis convaincu, chers collègues parlementaires, que, si la personne qui avait le droit de parole n'avait pas été interrompue, il aurait terminé dans les quelque 10, 12 secondes que j'ai toujours permis pour des gens après leur avoir indiqué. Ça n'a pas été le choix de la leader adjointe du gouvernement, c'est son droit le plus strict, mais ça nous place dans ce qu'on vient de vivre comme situation.

Alors, je reconnais l'intervenant suivant. M. le député de Laval-des-Rapides, pour votre droit de parole. Un instant, M. le député de Laval-des-Rapides, j'ai également une autre question de règlement.

M. Gautrin: M. le Président, j'aurais une question en fonction de 213, mais mon collègue peut-être ne voudrait pas accepter...

Une voix: ...

M. Gautrin: Voici. J'ai une question très brève.

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, là, juste une seconde, parce qu'on ne fera pas ça, là... Est-ce que, M. le député de Borduas, vous acceptez qu'une question vous soit posée en vertu de l'article 213?

M. Charbonneau: Bien sûr.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, je ne voudrais pas rentrer sur le fond du débat de l'intervention de mon collègue de Borduas, mais il y a une chose qui m'a un peu choqué dans son intervention, et je suis sûr qu'il a probablement peut-être dépassé sa pensée. Lui qui est un journaliste qui a déjà, dans d'autres vies, agi dans différents journaux, il s'est permis d'affirmer que la page éditoriale de La Presse reflétait essentiellement les propriétaires et que c'est quelque chose qui était bien connu que les éditoriaux suivaient la pensée des propriétaires. Est-ce que j'ai bien compris ce qu'il a voulu dire? Est-ce qu'il maintient cette affirmation?

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, la question est posée. Réponse, mais toujours une réponse assez courte.

n(16 heures)n

M. Charbonneau: Assez courte, M. le Président. J'ai travaillé à La Presse et dans d'autres quotidiens et je peux vous assurer que quelqu'un qui est choisi et engagé comme éditorialiste en chef dans un grand journal qui appartient à une grande maison est toujours en accord idéologique, et c'est le choix idéologique du propriétaire de l'entreprise de presse. C'est vrai à La Presse, c'est vrai au Soleil, c'est vrai dans toutes les entreprise de presse importantes, et je regrette que le député de Verdun ne sache pas cela. Ce n'est pas un crime. C'est pour ça, par exemple, que La Presse a une politique éditoriale fédéraliste: c'est parce que Paul Desmarais est fédéraliste et qu'il ne veut pas avoir un souverainiste à la tête de sa page éditoriale.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci, M. le député de Borduas. Pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député.

M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): En vous rappelant que vous avez, vous aussi, 20 minutes. Et, lorsque j'indique qu'il reste une minute, je souhaite qu'on tente de le conclure dans la minute qui reste. Alors, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Alain Paquet

M. Paquet: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, on vient d'entendre le député de Borduas nous parler qu'il n'y avait pas de preuve économique, démonstration économique rigoureuse, à savoir que, lorsqu'on parle de compétitivité au Québec, il faut avoir des conditions qui sont gagnantes pour la croissance de l'économie et de l'emploi.

Et je vais en faire une démonstration cet après-midi, M. le Président. Je vais me servir de mon expérience, mon expertise comme économiste d'abord, mais aussi comme quelqu'un qui est branché sur le terrain, qui voit la réalité des entrepreneurs, des travailleurs dans le comté de Laval-des-Rapides et ailleurs au Québec, pour vous montrer pourquoi c'est important d'agir pour faire en sorte que les conditions du marché du travail soient favorables à la protection des droits des travailleurs, et donc qui soient favorables à des gains, à une augmentation de la productivité, ce qui veut dire une augmentation des revenus et des emplois et de la stabilité des emplois pour les travailleurs du Québec et ceux du comté de Laval-des-Rapides en particulier.

Depuis trop longtemps, au Québec, M. le Président, malgré tout le potentiel qu'a le Québec, on ne réussit pas à exploiter toute cette vitalité, tout ce potentiel, ce qui fait en sorte que, M. le Président, on réalise que le Québec se retrouve au 52e rang parmi les 50 États américains et les 10 provinces canadiennes, donc 52e rang sur 60, en termes de niveau de vie, de PIB par habitant. Quand on parle de productivité... Et, encore une fois, c'est plus que démontré, c'est démontré au point de vue théorique, mais c'est montré aussi avec des études économétriques, des études statistiques, empiriques, rigoureuses, que le salaire des travailleurs, c'est directement en fonction de la productivité des travailleurs. Et, la productivité ? il ne faut pas se tromper, on ne remet pas en cause l'habilité, l'aptitude, la volonté des travailleurs ? la productivité, je m'excuse, ce n'est pas le nombre de gouttes de sueur à la fin de la journée, c'est une organisation plus intelligente du travail, plus efficace, qui permet d'avoir un esprit de travail où les employeurs et les employés travaillent ensemble pour aménager des conditions de travail, aménager la section des opérations de production, de livraison de la marchandise, de livraison des services de manière à ce qu'on puisse produire plus pour le même nombre d'heures, le même effort qui est fourni par les travailleurs, M. le Président. Ça, les travailleurs comprennent ça, et ça, les employeurs comprennent ça.

Alors, quand on regarde au Québec... En termes de productivité, une étude, par exemple, qui avait été faite par deux économistes d'Industrie Canada démontrait aussi qu'entre 1995 et 1997, si on fait la moyenne et qu'on classe encore une fois le Québec parmi les 50 États américains plus 10 provinces, donc parmi les 60 régions venant de l'Amérique du Nord, des États-Unis, du Canada, le Québec se situe malheureusement au 49e rang en termes de productivité. Et ce retard de productivité là, c'est ça qui explique le retard aussi en termes de niveau de vie, le retard en termes de salaire, le salaire moyen des Québécois et des Québécoises.

Parce qu'on dit oui, mais on entend souvent parler que ces professionnels, groupes de professionnels, gagnent 35 % de moins que la moyenne canadienne. On a parlé parfois des médecins spécialistes, on a parlé parfois des procureurs de la couronne, des procureurs qui avaient aussi un écart de 30 %, 35 % de moins que la moyenne canadienne; c'est vrai, mais il n'y a pas rien qu'eux. Ce n'est pas drôle pour eux, ce n'est pas drôle pour les profs d'université qui vivent la même situation, mais ce n'est surtout pas drôle non plus pour les travailleurs dans les usines, pour les gens qui travaillent dans un dépanneur, pour les gens qui travaillent dans une épicerie, dans un supermarché. Peut-être que l'écart n'est pas... L'écart n'est pas nécessairement de 35 %, de 15 %, 20 %, 25 %, 35 %; ça varie selon les secteurs d'activité. Mais, ce retard-là, c'est ça qui explique le fait que notre niveau de vie soit si bas, relativement parlant ? il y a des belles choses au Québec ? mais que notre retard relatif soit aussi important, et c'est ça qui minerait, si on continue à se mettre la tête dans le sable et vouloir vivre dans le passé et qu'on ne fait pas des aménagements pour adapter l'économie québécoise à un contexte d'économie moderne qui va nous permettre de réaliser notre potentiel, c'est comme ça que, là, à ce moment-là, on menace directement... on menacerait directement nos services publics, on menacerait directement notre possibilité de faire face au défi qui est amené par le choc démographique ou l'évolution démographique du Québec.

C'est pour ça que c'est aussi important d'agir. On ne peut plus continuer d'attendre, on ne peut plus continuer de dire: Bien, on va attendre, puis ce n'est pas grave parce qu'on est distincts là-dessus. Le Québec est distinct, on en est fiers, mais nos distinctions doivent être des distinctions positives, pas celles d'être à la remorque, d'être en queue de peloton... en queue de tête, pardon... en queue dans la distribution en termes des revenus de la population québécoise, en termes de retard en termes de productivité, parce que c'est la menace directe de notre avenir économique et de l'avenir de nos prochaines générations, M. le Président.

Quand on parle de retard de productivité, d'autres exemples. Il y avait une étude qui avait été publiée par le CRIQ, dans un article, en 2001, qui disait qu'au Québec le retard représente quelque chose comme... je retrouve mes chiffres: un retard de 23 % de la productivité, en 2001, par rapport à l'Ontario et de 35 % par rapport aux États-Unis. Ça aussi, c'est des chiffres, c'est des faits, c'est de la rigueur, M. le Président.

Lorsqu'on parle aussi de retard de productivité, une étude récente publiée par le fonds FTQ, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, le fonds FTQ, elle, démontrait qu'en matière de richesse le retard du Québec, par rapport à l'Ontario et aux États-Unis, s'était considérablement accru. D'après des données comparables, des données compilées par le fonds FTQ, en 1981, le PIB, produit intérieur brut, par habitant du Québec, représentait 76 % du PIB américain. 20 ans plus tard, en 2001, il ne valait plus que 56 % du PIB américain. C'est tout un retard, ça, M. le Président. Ce n'est pas des chiffres mineurs, là, ce sont des chiffres extrêmement importants.

Une voix: ...

M. Paquet: C'est par habitant, par habitant, tout à fait. Alors, ce retard de productivité, on ne peut pas continuer comme ça. Ça ne peut pas continuer et ça ne doit pas continuer. Et ça veut dire qu'il faut faire des changements par rapport, entre autres, au marché du travail, de mettre une flexibilité qui ne vienne pas menacer les droits et la protection des travailleurs mais qui vienne au contraire venir stabiliser les emplois, qui vienne permettre de créer de nouveaux emplois et qui vienne directement aussi faire en sorte que les salaires des travailleurs et de l'ensemble des Québécois vont... les revenus des Québécois vont augmenter.

L'ancienne organisation du travail, qui souvent a inspiré le Code du Travail et a inspiré certainement les interprétations qui ont été exagérées des dispositions qui étaient prévues dans le Code du travail, l'ancienne organisation du travail, elle, reposait sur des responsabilités limitées des travailleurs et une production qui était essentiellement individuelle, spécialisée, où la rémunération était établie en fonction de tâches très, très spécifiques. Or, les décisions quant à l'organisation du travail étaient donc centralisées et encadrées souvent par des protocoles qui étaient très rigides, où on attendait d'un travailleur qu'il se limite à faire le travail préspécifié.

Dans ce contexte-là, il était suffisant qu'un travailleur puisse compter sur des connaissances acquises à l'école, avec une simple mise à jour des connaissances.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, on va vérifier.

Vous avez raison, il nous manque... On n'a pas quorum.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, veuillez appeler les députés.

n(16 h 8 ? 16 h 9)n

Le Vice-Président (M. Gendron): M. le député.

M. Paquet: Merci, M. le Président. Alors donc, comme je le disais, donc, quand on parle d'organisation du travail, dans le passé, souvent, les lois du travail ont interprété... et l'organisation du travail était telle que ça amenait souvent un type d'organisation et de relations de travail qui était souvent une relation de confrontation ou qui avait un effet de levier. C'était un rapport de force: l'employeur contre les employés ou contre les syndicats, etc. Mais ce n'est pas la meilleure façon d'organiser les relations de travail.

Et il y a eu un temps où il y avait nécessité de faire du rattrapage, que c'était utile d'avoir parfois des conflits musclés qui permettaient de dire: Écoutez, là, il y a vraiment des choses qui n'étaient pas correctes, qui devaient être changées. C'était comme ça, peut-être, il y a 40 ans, il y a 50 ans, à quelques égards, parfois, il y a peut-être 30 ans ou 35 ans. Mais, maintenant, l'organisation du travail a changé dans le monde, M. le Président, elle a changé ailleurs en Amérique du Nord, et le Québec ne peut pas continuer, ne doit pas continuer dans ce genre de mesure de confrontation entre un groupe de... contre les travailleurs... travailleurs versus employeurs, employeurs versus employés.

n(16 h 10)n

D'ailleurs, même au Québec, il y a eu des changements. Maintenant, on commence de plus en plus à signer des conventions collectives qui s'étalent sur des périodes plus longues. Et c'est tellement important, M. le Président, que, lorsqu'on a plutôt des relations de travail du type de concertation ? oui, il y a des discussions, il y a des débats entre les syndicats et les employeurs, entre les employeurs et les employés... qu'il faut qu'il y ait cette concertation qui fasse en sorte que les travailleurs qui souvent, étant directement sur la ligne de feu, sur la première ligne, à fabriquer des produits, à préparer des services, à offrir des services ? eux, voient parfois qu'est-ce qui pourrait être amélioré pour améliorer la productivité de l'entreprise ? bien, dans ce contexte-là, c'est important justement qu'il y ait une bonne relation, une bonne concertation, collaboration et discussion entre les employeurs et les employés, non pas une confrontation.

Et, quand on parle justement de cette organisation-là du travail, cette nouvelle façon d'organiser le travail, il y a l'économiste Jean-Michel Cousineau qui avait publié un livre qui s'appelait La nouvelle organisation du travail à l'aube du XXIe siècle, et là-dedans il faisait cette démonstration qu'il était important d'avoir non pas un climat de confrontation, mais plutôt de concertation. Si on regarde maintenant les faits empiriques, hein, la réalité, la rigueur à laquelle tout à l'heure faisait référence le député de Borduas, qui disait qu'il n'y avait pas de preuves, je vais lui en donner, des preuves que c'est important, que c'est prouvé.

Dans la revue Scientific American, M. le Président, en août 1998, on rapportait les résultats de travaux de deux économistes, Mme Lisa Lynch et Mme Sandra Black. Cette étude démontrait le rôle important de cette nouvelle organisation du travail en comparant les gains de productivité entre quatre types d'entreprise. D'abord, une première catégorisation, c'est qu'il faut distinguer les entreprises qui sont syndiquées et celles qui sont non syndiquées ? ça nous fait deux groupes. Mais, même à l'intérieur de ces deux groupes-là, il faut faire la distinction entre les entreprises syndiquées ou non syndiquées qui ont un type d'organisation du travail qui soit beaucoup plus flexible, plus de concertation, donc la nouvelle organisation du travail propre à la nouvelle économie, versus une organisation du travail plus traditionnelle d'il y a 30, 40 ans, qui était celle de confrontation et de rapport de force qu'on recherchait, un groupe par rapport à l'autre.

Et, quand on compare ces quatre types d'entreprise et... On va prendre comme point de comparaison, hein, comme point de départ... Sur la base de 1 500 entreprises américaines considérées, on a fait la comparaison par rapport aux entreprises qui sont syndiquées avec l'ancienne organisation du travail, celle de confrontation. Bien, quand on regarde, par exemple, les entreprises qui ont eu les plus grands gains de productivité, hein, c'est les entreprises syndiquées.

C'est important de le dire, là, et ça va démontrer jusqu'à quel point les positions de notre gouvernement, ce n'est pas un discours antisyndical, malgré les prétentions qu'on a entendues chez le chef de l'opposition officielle et chez beaucoup de groupes, beaucoup de membres de l'opposition officielle, voir que notre discours est un discours, en fait, prosyndical... enfin, protravaillants, à tout le moins, et syndical, oui, et pas antisyndical.

Alors, les entreprises les plus productives, les plus grands gains de productivité affichés sont les travailleurs d'entreprises syndiquées, avec une organisation du travail, qui ont affiché en moyenne des gains de productivité de 20 % supérieurs, supérieurs aux travailleurs d'entreprise non syndiqués sans les éléments de l'organisation nouvelle du travail.

Les deuxièmes entreprises les plus productives, M. le Président, sont les entreprises maintenant qui sont non syndiquées, avec les nouvelles formes d'organisation du travail, qui ont affiché des gains de productivité de 10 % de plus que celles qui étaient syndiquées avec l'ancienne organisation du travail, celles qui étaient plus basées sur la confrontation. Et le troisième groupe d'entreprises les plus productives, qui ont le plus gros grain de productivité, ce sont celles qui sont non syndiquées, mais avec l'ancienne organisation du travail.

Donc, dans l'ordre, M. le Président, les plus productives, c'est les entreprises syndiquées avec une approche non confrontationnelle mais plutôt de concertation qui est basée sur la formation en entreprise, sur la concertation entre les employeurs et les employés. Les deuxièmes entreprises les plus productives sont celles qui sont alors non syndiquées, avec la nouvelle organisation du travail. Les entreprises par la suite qui sont plus productives ? en troisième lieu, puis il y a un écart quand même important ? c'est les entreprises non syndiquées, avec l'ancienne organisation du travail. Mais celles qui se déclassent malheureusement, ce sont les entreprises syndiquées avec l'ancienne organisation du travail, celle de confrontation.

Malheureusement, M. le Président, quand on regarde ce qui se passe au Québec, il y a beaucoup d'entreprises... ou, enfin, il y a un discours à tout le moins qui donne l'impression que celles qui prévalent surtout, ce sont celles du quatrième type, celles qui mettent beaucoup à chercher de la confrontation et des rapports de force entre employeurs et employés. Ça, ce n'est pas à l'avantage nécessairement des travailleurs, M. le Président, et la démonstration est faite. Donc, le discours du gouvernement, le projet de loi n° 31 qu'on a devant nous, ce n'est pas un discours antisyndical.

Quand on parle de sous-traitance, M. le Président, 72 % des entreprises au Québec, dont beaucoup de PME, ont été créées... oui, enfin, ont été créées ou vivent de sous-traitance; 57 % des entreprises au Québec, M. le Président, sont nées parce qu'elles ont participé et elles ont donné, attribué un contrat ou elles ont fourni des services de sous-traitance, M. le Président. C'est la réalité, M. le Président.

La sous-traitance n'est pas tellement si pire que ça, au contraire, ça va être une bonne chose. Le fonds FTQ, hein, le Fonds de travailleurs, le Fonds de solidarité FTQ a même investi dans des entreprises qui font de la sous-traitance à l'étranger, M. le Président. J'espère, en tout cas, que ces propos-là et cette réalité-là n'amènera pas certains groupes à vouloir aller manifester dans les bureaux du Fonds de solidarité FTQ.

Mais vous voyez, M. le Président, la sous-traitance, ce n'est pas quelque chose contre les travailleurs, ce n'est pas quelque chose contre les syndiqués. Au contraire, on va permettre à l'économie québécoise d'être au même niveau que les autres régions au Canada, les autres provinces canadiennes. Ça veut dire créer plus d'emplois, ça veut dire avoir accès à des revenus plus élevés éventuellement, pas à des baisses de revenus, pas à des baisses de salaires, pas à des pertes d'emplois, comme soumettent ou proposent les membres de l'opposition. Les membres de l'opposition font vraiment fausse route là-dessus, tout comme, je dois le dire respectueusement, les chefs des syndicats, qui ont dit: C'est épouvantable, ce qui se passe avec le projet de loi n° 31. Au contraire, M. le Président, la démonstration, elle est faite, que ça ne nuit pas aux emplois et aux salaires des travailleurs, au contraire de la démonstration des gens de l'opposition puis de la démonstration des chefs de syndicats qui nous disent que, si ça se fait, que ça va être épouvantable pour le Québec en termes d'emplois et de salaires.

Et j'en tiens pour preuve, M. le Président, et on va le voir dans les mois qui vont venir, j'en tiens pour preuve que, dans huit mois, neuf mois d'ici, les gens du comté, les travailleurs du comté de Laval-des-Rapides, les travailleurs et travailleuses du Québec vont dire: Écoutez, c'est drôle, on m'avait dit que j'allais perdre... pratiquement que j'allais perdre mon emploi, mon revenu, mon salaire aurait été coupé. Mais, quand ils vont réaliser, M. le Président... Puis ils vont le réaliser, les travailleurs et travailleuses du Québec et de Laval-des-Rapides, ils vont réaliser: J'ai encore mon emploi; les revenus augmentent au Québec; la croissance économique va commencer à augmenter, la croissance tendancielle par rapport à celle qu'on a connue en moyenne dans le passé. Ils vont dire: Bien, coudon! est-ce que l'opposition officielle, à tout le moins, faisait une grave erreur d'interprétation? Peut-être pas volontaire, mais ils en faisaient une quand même. Puis les discours qu'on nous a promis, de l'apocalypse, de la fin du monde, ce n'était pas là pantoute, ça ne s'est pas réalisé.

Bien non, ça ne se réalisera pas, M. le Président, parce que la démonstration économique, la démonstration dans les faits, dans la réalité quotidienne, ailleurs en Amérique du Nord, ailleurs au Canada, fait en... et même au Québec, fait en sorte que le projet de loi n° 31 va augmenter la compétitivité du Québec, va augmenter la productivité et va se répercuter avec une création d'emplois plus importante, une croissance des investissements et une augmentation des revenus disponibles de la moyenne... de l'ensemble des Québécois. C'est ça, M. le Président, la réalité.

Mon collègue de l'Université du Québec à Montréal, Pierre Fortin, voisin de bureau ? parce que, maintenant évidemment, je ne suis plus à l'université; je suis encore là mais sans solde, mais comme professeur d'économie ? mon collègue Pierre Fortin a examiné aussi la littérature sur le sujet. Il a témoigné en commission parlementaire, il en a fait la démonstration, il l'a dit: Effectivement, il n'y a pas lieu de croire que le projet de loi n° 31 va amener une réduction des emplois, une réduction des conditions salariales. Ce n'est pas ça qui s'est passé ailleurs. C'est ça, la réalité, la rigueur, M. le Président. La majeure partie des économistes qui ont témoigné ont démontré que c'était le cas, que c'était le cas, que la sous-traitance, ce n'était pas la fin du monde.

Et, encore une fois, M. le Président, c'est important, là, dans le projet de loi n° 31, ce n'est pas que tout va être sous-traité demain matin, ce n'est pas ça du tout, c'est qu'on va permettre aux travailleurs et aux employeurs dans les entreprises de dire: Bien, écoutez, peut-être que, oui, on en veut de... ça pourrait être utile, la sous-traitance, si une entreprise décide qu'elle ne veut plus s'occuper de certaines activités, elle veut spécialiser ses activités dans un secteur et pas nécessairement dans d'autres petits secteurs importants mais dans d'autres secteurs qui ne sont pas sa mission première. C'est juste la spécialisation du travail, M. le Président. C'est un principe vieux comme le monde mais qui est important: on a tous des aptitudes relatives. Je suis certain, comme économiste, j'ai des aptitudes, mais je n'aurais pas d'aptitudes en menuiserie, personnellement, je ne suis pas un manuel. Mais c'est la même chose pour les entreprises: elles se spécialisent dans différents types d'activité. C'est le gros bon sens, M. le Président.

Dans le passé, la vieille économie, souvent l'entreprise essayait de devenir plus grosse, en disant: On va commencer à agir, on va faire de l'intégration verticale puis horizontale, comme on dit. Ça veut dire quoi? On va commencer à vouloir s'occuper de toutes sortes d'activités à gauche et à droite. On devient plus gros comme ça, comme entreprise. Mais la réalité économique a démontré que ce n'était pas la bonne façon de prospérer pour une entreprise, ce n'était pas une bonne façon de s'assurer une stabilité, une augmentation des profits de l'entreprise et des salaires des travailleurs. C'est pour ça que, face à la réalité, à la rigueur de la réalité économique, les entreprises ont dit: Bien, maintenant, on va plutôt se spécialiser dans certains champs d'activité. Et ça veut dire que, d'autres champs et tout ça, on va les sous-traiter. Bien, c'est juste du gros bon sens, M. le Président. Ce n'est pas compliqué.

n(16 h 20)n

Mais ça veut dire aussi ? des exemples de ça... Savez-vous que Toyota ne fait plus de voitures? Comment? Toyota ne fait plus de voitures? Non, elle ne fait plus de voitures, Toyota. Elle sous-traite la fabrication et différents éléments et elle vend des voitures. C'est un exemple. Des exemples comme ça, il y en a des tonnes, M. le Président. Et, au Québec, il y a un tas d'entreprises, comme je le disais tout à l'heure, qui vivent de la sous-traitance. Pour les régions du Québec, M. le Président, d'ailleurs, c'est un élément important, parce que plusieurs entreprises vont justement... utilisent l'idée, le principe de sous-traitance pour créer des emplois dans les grandes régions du... dans les régions du Québec.

Alors, encore une fois, se laisser dans un environnement où nous ne sommes pas compétitifs, c'est littéralement miner notre niveau de vie, c'est miner notre capacité aussi à être capables d'augmenter notre croissance des revenus pour pouvoir être capables de livrer les services publics de qualité, M. le Président, et ça, c'est la réalité.

Donc, M. le Président, en conclusion, les discours des membres de l'opposition officielle sont malheureusement vraiment à côté de la track, comme on dit, en termes économiques. Je dois malheureusement porter ce jugement-là en tant qu'économiste, parce que, véritablement, ils ne regardent pas la réalité économique. Ils ne regardent pas la réalité des expériences ailleurs et ici, au Québec, M. le Président.

Ce discours que le gouvernement a est un discours qui va permettre d'augmenter le niveau de vie des Québécois, qui va permettre d'augmenter notre capacité productive, d'augmenter notre croissance, et le salaire des travailleurs, et la stabilité des emplois. Et c'est important, M. le Président, de ne plus se mettre la tête dans le sable, comme on a fait au cours des 20 dernières années souvent, et particulièrement les neuf dernières années. Il faut agir pour se donner des conditions gagnantes, qui vont augmenter le niveau de vie des Québécois et des Québécoises et des travailleurs du Québec, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: En vertu de l'article 213, je voudrais poser une question au député de Laval-des-Rapides.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, est-ce que, M. le député de Laval-des-Rapides, vous acceptez que M. le député de Berthier vous pose une question? Alors, la question doit être courte et la réponse également. M. le député de Berthier.

M. Bourdeau: Tout à fait. Merci, M. le Président. Le député de Laval-des-Rapides affirmait tout à l'heure que les travailleuses et travailleurs de son comté se rendront compte, suite à l'adoption du projet de loi n° 31, que rien ne va changer et que même les salaires, selon ce qu'il dit, les salaires vont augmenter avec la productivité.

Peut-il, en cette Chambre, nous affirmer qu'aucun de ses travailleurs et travailleuses de son comté ne connaîtra de baisse de salaire ni de baisse de conditions de travail?

Le Vice-Président (M. Gendron): La question est posée. Réponse, M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: M. le Président, la question qui vient d'être posée par le député de Berthier montre, encore une fois, une méconnaissance de la réalité économique. Pourquoi, M. le Président? Parce que, en réalité, on ne peut pas commencer à garantir une économie présentement. Il y a eu des pertes d'emplois, au cours des dernières années, qui n'ont rien à voir avec la sous-traitance et il va y en avoir, puis malheureusement ça risque d'arriver. C'est la réalité économique. Mais on ne pourra pas tirer de cela que, parce qu'une personne va perdre un emploi ici ou ailleurs, c'est à cause de la sous-traitance.

Trop souvent, M. le Président, l'opposition prend des corrélations pour des causalités. Parce que deux événements se passent en même temps, tout de suite on tire des conclusions que c'est à cause d'un projet ou d'une politique qu'il se passe quelque chose. Quand on regarde la réalité économique, M. le Président, la réalité économique est complexe. Mais une chose est claire, comme je l'ai fait dans ma démonstration, et je termine là-dessus, la productivité, c'est la condition sine qua non et essentielle pour garantir des emplois stables et augmenter le niveau de vie et le salaire des travailleurs du Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, M. le député de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Et je vais commencer mes propos pour faire suite à ceux du député de Laval-des-Rapides, parce qu'il parlait de méconnaissance économique. Bon. Je vais tenter de lui faire une petite démonstration que cette méconnaissance, elle semble être partagée, je n'oserais pas dire que j'ai la vérité, mais, malheureusement pour lui, elle semble partagée en ce qui le concerne, avec tout le respect que j'ai pour lui d'ailleurs, je dois l'avouer, et aussi de souligner que, à cette méconnaissance économique, s'en ajoute une autre qui, elle, est plus grave, c'est la méconnaissance des relations de travail, et cela, en écoutant mon collègue ? et je vous dis encore ? que je respecte beaucoup.

Mais, surtout, sa méconnaissance n'est pas, je vous dirais, aussi grave que celle du ministre du Travail, qui, lui, à l'écouter, M. le Président ? et j'ai entendu son discours après... lors... Il a été le premier à parler évidemment sur le projet de loi actuel, et, effectivement, les propos qu'il tient demandent... Ce n'est pas une méconnaissance, parce qu'il disait, dans ses propos, qu'il le faisait pour ses travailleurs, ce n'est pas une méconnaissance, c'est du mépris. Et jamais je ne jugerai un de mes collègues qu'il a du mépris envers les travailleurs et travailleuses, mais je ne peux qu'en conclure que le ministre du Travail ne connaît pas les relations de travail, ne connaît pas la dynamique qui s'anime autour des relations de travail, des relations entre les travailleurs, et ce n'est pas... Les syndicats représentent des gens, M. le Président, et ces gens, ce sont des travailleurs, ce sont ceux qui nous côtoient, ceux qui gagnent leur croûte à tous les jours, alors, entre les travailleurs et ceux qui... les patrons, ce qu'on appelle plus normalement les patrons.

Et, avant d'aller un peu plus loin dans cette méconnaissance, je vous dirais aussi ? mon collègue de Laval-des-Rapides a donné l'exemple de Toyota et d'autres compagnies, évidemment, japonaises qui sous-traitent... Et, oui, effectivement, il y a des autos, des téléviseurs... Il n'y a presque plus de téléviseurs qui se font au Japon, M. le Président. Auparavant, le Japon était le champion de la construction des téléviseurs. Mais où est-ce que vous pensez qu'ils sous-traitent? Encore, à la radio de Radio-Canada ce matin, j'entendais un reportage sur la Chine. Alors, où, vous, pensez-vous que ces gens sous-traitent, M. le Président? Où les conditions de travail sont les plus basses, où les travailleurs sont les moins protégés, où les salaires sont les plus bas, où les gens ont les conditions de vie les moins intéressantes. Donc, ils sous-traitent en Chine, M. le Président. Alors, c'est ça que ça veut dire.

Est-ce que le... Oui. Oui, à la sous-traitance. Nous le faisons d'ailleurs, parce que l'article 45, tel qu'il est, n'empêche pas la sous-traitance. Mais au prix de quoi on doit le faire, au prix de quoi? Et, lorsqu'on nous dit: Oui, avoir des salaires de 50 $... 0,50 $, plutôt, par jour, ce n'est pas grave, ça; non, non, les gens travaillent, ils travaillent, et les conditions dans lesquelles ils travaillent ont peu ou pas d'importance, eh bien, non.

Oui, M. le Président, créons de la richesse. Il faut continuer, comme gouvernement et comme société surtout, à créer de la richesse. Mais la question n'est pas de savoir est-ce qu'on doit créer ou non de la richesse, tout le monde s'entend, la question est plutôt de savoir pour qui nous allons créer cette richesse. Et c'est là que vous avez deux visions complètement différentes de la société qui s'opposent actuellement, et elles s'opposent actuellement, pas un parti contre l'autre, je vous dirais, M. le Président. Parce que le projet de loi actuel et d'autres que nous avons sur la table ne représentent pas les valeurs, entre guillemets, les valeurs libérales, M. le Président, celles défendues par un ancien premier ministre, Robert Bourassa, ou par d'autres ? on peut même remonter jusqu'à Jean Lesage. Non, elles ne représentent pas ces valeurs souvent qui ont été teintées de solidarité. Elles représentent des valeurs autres qui, je vous dirais, ça fait tout près de 40 ans qu'elles n'ont pas trouvé une oreille sensible au Québec. Il faut remonter, je pense, oui, à une époque qui date d'avant 1960, M. le Président. Et, c'est malheureux, ce gouvernement actuel met fin, par les projets de loi qu'il a mis sur la table et pour lesquels nous nous opposons, à 40 ans de progrès social au Québec. Et ça, je trouve ça, M. le Président, très malheureux. Alors...

Et de ramener cette création de richesse, à qui va-t-elle profiter, M. le Président? Et, moi, j'ai toujours cru qu'un gouvernement, le rôle qu'il avait, le rôle essentiel, le rôle principal, le rôle le plus fondamental et le plus important, c'est de répartir cette richesse et de faire en sorte qu'elle ne serve ni les grands conglomérats ni les grands propriétaires qui, eux, vous le savez, dans les aléas de la vie, n'ont pas les problématiques qu'ont les travailleurs et travailleuses du Québec lorsqu'ils perdent leur emploi ou lorsque leurs conditions de travail sont diminuées.

Vous savez, passer d'un salaire, comme on voit de grandes compagnies, que ce soient les dirigeants, de plusieurs millions ou même de quelques centaines de milliers à... de 400 000, par exemple, à 300 000 ou, je vous dirais, même de 4 millions à 3 millions, et on sait, même de 10 millions à 9 millions, quel impact cela a sur les conditions de vie des gens qui ont de telles baisses? Très peu, ou je vous dirais que, si ça en a, M. le Président, je vous dirais que ça m'émeut moins un peu.

Lorsqu'un travailleur par contre, à la sueur de son front, gagne 25 000 $ par année et, lui, perd 2 000 $ par année, quel impact cela a sur sa qualité de vie, M. le Président? C'est énorme. C'est énorme. Et ce projet de loi actuel, c'est à quoi nous convie le gouvernement, soit celui des baisses des conditions de travail de ceux et celles qui ont le moins de protection, et c'est bien malheureux. Je ne pense pas que cette philosophie soit au coeur des valeurs qui animent notre société actuelle, mais, encore là, je vous dirais, M. le Président, depuis près de 40 ans. Alors...

n(16 h 30)n

Et, quant à la croissance économique, vous savez, il n'y a rien de plus facile que de complexifier quelque chose qui est simple. Si le Québec était si en retard au niveau de la croissance et au niveau des statistiques que j'ai entendu un peu plus tôt par mon collègue de Laval-des-Rapides au niveau de la productivité, problème qu'on retrouve même au Canada, pour différentes raisons d'ailleurs qui se situent pour, entre autres, l'achat de machinerie, parce que la productivité implique beaucoup d'investissement même par rapport à la possibilité d'obtenir du capital, parce que, pour justement améliorer la productivité, il faut investir, et, pour investir, ça prend effectivement des sommes considérables...

Alors, nous sommes une société jeune, en termes même d'entrepreneurship, ce qui fait en sorte que nous ne disposons pas souvent de toutes les ressources économiques pour justement améliorer cette productivité au niveau où elle devrait être. Mais notre problème est le même. Au Canada, le problème est réel. Et je me souviens même, et mon collègue pourra me dire si je trompe, mais je me souviens, au début des années quatre-vingt-dix, un rapport fédéral, le rapport Porter, sur la productivité au Canada démontrait qu'il y avait un problème flagrant au niveau de la productivité dans l'ensemble du Canada, et il expliquait toutes les causes relatives à cette problématique de la productivité. Donc, ce n'est pas un problème relatif à l'article 45. On parle de deux choses complètement différentes, M. le Président.

Et est-ce que l'article 45 a empêché le Québec d'avoir sa plus formidable croissance économique de toute son histoire? Est-ce que l'article 45 a empêché le Québec, entre autres, dans les cinq dernières années, d'avoir une des plus grandes croissances du PIB dans les pays de l'OCDE, M. le Président? Est-ce que c'est l'article 45 qui a empêché? Au contraire, nous avons eu un des plus hauts taux de croissance, de l'augmentation du PIB dans les pays de l'OCDE. Alors, conclure: est-ce que c'est l'article 45... est-ce que, sans l'article 45, nous aurions doublé? Bien non.

Alors, M. le Président, l'article 45, quel est le but de cet article? Je le connais bien, je l'ai plaidé longtemps, souvent, devant à peu près toutes les instances, M. le Président, jusqu'en Cour d'appel du Québec. Et d'ailleurs il y a presque une génération d'avocats qui a été élevée sous l'article 45 et qui ont plaidé cet article, qui l'ont modifié, en termes d'interprétation, et qui ont conduit à plusieurs amendements pour faire en sorte que cet article 45 représente ce qu'il doit être.

Et qu'est-ce qu'il est, M. le Président? Il est une protection pour les travailleurs. Et c'est là que le bât blesse, M. le Président, c'est là... Lorsque j'entends le ministre dire: Je fais cela pour les travailleurs, je ne comprends pas. J'aime mieux un discours comme l'a fait le député de Laval-des-Rapides. Je l'aime mieux. Je trouve ça beaucoup plus représentatif d'une motivation qui est légitime. Et je peux faire la démonstration que ce n'est pas le cas, mais on parlera sur les chiffres.

Une voix: ...

M. Bédard: Oui, oui, effectivement, c'est le cas. Mais, lorsque j'entends le ministre du Travail nous dire qu'il fait ça pour les travailleurs, c'est à partir de ce moment-là qu'on dérape, M. le Président, et je pense que, sans parler de mépris encore, du moins, c'est une méconnaissance totale de la réalité et du fondement de cet article.

Cet article est né, M. le Président... est une exception au principe de la relativité des contrats. Autrement dit, il y a eu, en 1959, un jugement de la Cour d'appel du Québec qui disait que, lorsqu'il y avait transmission d'entreprises, lorsqu'on vendait une entreprise, lorsqu'une entreprise passait d'une main à une autre, le nouvel acquéreur n'était pas tenu d'honorer le contrat signé entre le syndicat et l'entreprise. Pourquoi? Parce que, c'est un principe bien admis en droit, M. le Président, c'est que les contrats évidemment valent entre les parties. Je ne peux vous opposer un contrat que vous n'avez pas signé. Je ne peux pas l'opposer à une partie autre qu'une des parties signataires.

Donc, en 1959, il y a de cela quand même ? et je n'étais pas né, vous le savez, M. le Président ? plus de 40 ans, le législateur a dit: Non, on ne peut pas faire en sorte de laisser les travailleurs sans aucune protection lorsqu'il y a un acte économique, soit la vente d'une entreprise. Et c'est à partir de ce moment, M. le Président, que tous les gouvernements libéraux, Union nationale, Parti québécois qui se sont succédé ont toujours amélioré cette protection. Pourquoi? Parce que les travailleurs n'ont pas à faire les frais des aléas économiques. On ne peut pas se servir d'une vente ou d'une concession pour diminuer les conditions de travail des travailleurs. Et tous les gouvernements ont toujours conclu que c'était la seule voie normale d'une société évoluée.

Si vous me dites: En Chine, existe-t-il une disposition identique à l'article 45? je vais vous dire non, M. le Président. Et pourquoi? Parce que, dans ce souci de justice sociale, nous avons cru et nous croyons encore ? du moins, moi, je le crois, M. le Président, et je suis sûr que je ne suis pas le seul, et je vous dis, de ce côté-ci, je suis sûr de ne pas être le seul ? nous croyons effectivement que cette richesse doit être partagée et que nous devons protéger ceux et celles qui n'ont pas les moyens des plus grands, des plus riches, de ceux qui ont plus de moyens, et qu'eux ne doivent pas être laissés, devant leur sort, sans autre protection. Et, malheureusement, c'est ce que fait la modification telle que proposée par le ministre.

Et je vous dirais que, lorsque le ministre a déposé son projet de loi, M. le Président ? je vous l'ai dit, j'ai plaidé pendant plusieurs années, j'ai préparé des mémoires, je suis même allé une fois à la Cour d'appel le plaider ? dans tous les scénarios que je m'étais faits, je n'avais jamais cru, je n'ai jamais cru que le ministre irait aussi loin en termes de recul de la protection des travailleurs. Parce que l'article 45, et je le dis, et je le redis, et je vais le redire, il faut le dire en cette Chambre et aux gens qui nous écoutent, l'article 45 n'a pas pour objet d'empêcher la sous-traitance. Et personne ne peut me détromper en cette Chambre. Il le permet, il l'autorise et il ne l'empêche d'aucune façon. Il a pour effet simplement de faire en sorte que le travailleur, lui qui n'a rien à voir dans la décision de son employeur de vendre une partie ou la totalité de son entreprise, lui, ne soit pas floué par cette décision et que ce n'est pas à lui à subir les conséquences de cette vente qui n'a rien à voir avec ses intentions ou sa volonté qui lui est propre. Alors, quand on recule sur 45, on n'augmente pas la sous-traitance, on ne la permet pas plus. On fait en sorte que ces travailleurs n'ont plus cette protection qui est normale et, je pense, qui est légitime dans une société évoluée comme la nôtre.

On dit: Oui, faites de la sous-traitance, aucun problème, tout le monde peut le faire. Et d'ailleurs le Québec n'est pas en retard ? de toute façon, ce n'est pas du retard ? le fait autant sinon plus que n'importe quelle province au Canada ou aux États-Unis. Mais elle dit: Voici les conditions dans lesquelles vous devez faire de la sous-traitance, et que cette sous-traitance ne se fasse pas sur le dos des travailleurs et travailleuses du Québec.

Un exemple, et, vous allez voir, ça va arriver très rapidement: service ménager. Une entreprise peut avoir des services ménagers, autrement dit des gens qui font le ménage à tous les jours, vident les poubelles, s'assurent que les locaux sont bien entretenus, et ces travailleurs souvent, M. le Président, dans toute entreprise ont souvent des conditions effectivement qui sont inférieures à ceux qui sont sur la production ou, dans un hôpital, à ceux qui sont sur les étages comme personnel infirmier, donc... parce que souvent cet emploi demande moins, je vous dirais, de compétences en termes même de diplômes. Ce qui est vrai pour un hôpital est vrai pour toutes les entreprises, et ce n'est pas seulement vrai dans les services de santé, c'est vrai au niveau des hôtels, par exemple, c'est vrai au niveau des commissions scolaires. Donc, ces gens qui ont des salaires des fois qui sont, je vous dirais, à la limite du seuil de pauvreté, souvent qui se sont battus pendant des années, qui ont des fois sacrifié des mois de salaire ? de grève ? pour augmenter un peu, de 1 $, de passer, par exemple, de 10 $ à 11 $, à 12 $, bien, ces gens-là, lorsque va s'appliquer ce bel article, cette belle modification, bien, ça va être simple: dans la situation antérieure, comme il y avait un transfert du droit d'exploitation, cela faisait en sorte que les gens, qui n'avaient pas des conditions mirobolantes ? ce n'est pas des gens qui faisaient 60 000 $ par année, 83 000 $ par année, ce sont des gens qui étaient au-dessus de, des fois, 20 000 $, 21 000 $, 22 000 $ ? eh bien, ces gens maintenant, M. le Président, avec l'effet de l'article 45...

Et le ministre dit... Quand je l'entends, M. le Président, je suis outré, parce qu'il dit qu'il fait ça pour eux. Or, ces gens... Il dit: Et je n'empêche pas la syndicalisation. Bien non! Je vais vous dire ce qu'il fait. Du jour au lendemain, cette personne se retrouve avec un seul papier qui lui dit: Vous êtes syndiqué. Et là il dit: Non, non, je n'empêche pas le droit d'association. Non, mais tu n'as plus de conditions de travail, les seules conditions que tu as, M. le Président, ce sont les conditions des normes du travail: le salaire minimum, les conditions de base qui sont prévues dans l'ensemble de la Loi sur les normes du travail. Autrement dit, tous les combats que tu as faits pendant 20, 30 ans, eh bien, tu repars à zéro. Et c'est ce qui arrive, cette personne retourne au salaire minimum. Alors, quand on me dit, là, que «je le fais pour eux», eh bien, je ne sais pas par quel détour d'argumentaire, par détour d'intention qu'on puisse arriver à cette conclusion. Alors, j'inviterais le ministre, M. le Président, à cesser, à cesser, je vous dirais, d'aller à l'encontre d'une interprétation normale et de cesser d'aller à l'encontre de cette interprétation qu'ont les travailleurs.

n(16 h 40)n

Et pourquoi... Je fais attention à mes mots, M. le Président, parce que le mot que j'aurais, qui me viendrait tout de suite à l'esprit serait malheureusement jugé parlementaire, parce que je ne veux pas dire que le ministre, par cette façon, interprète de façon malhonnête ou, je vous dirais, qui ne va pas dans le sens de la vérité, et je ne peux pas dire ça, M. le Président, vous le savez, mais ça va à l'encontre de l'interprétation jurisprudentielle de cet article, de l'interprétation qui a toujours prévalu. Ça va à l'encontre de la protection des droits des travailleurs, et je trouve malheureux... Au moins, qu'il le dise, comme l'ont fait d'autres collègues.

Je le fais pour une autre raison, parce que le Conseil du patronat pense que c'est une façon pour les entreprises de baisser leurs coûts de production et donc de dégager plus de profits. C'est ça qu'ils disent, là, et, moi, je ne trouve pas ça illégitime de dire ça. C'est normal pour une entreprise de dire: Moi, je veux plus de profits, donc je veux que mes coûts de production soient plus bas. Puis comment je diminue les coûts de production, M. le Président? Augmenter les prix de ce que tu vends ou baisser tes coûts, donc baisser les salaires. Le ministre a choisi ? et il a le droit de le faire, c'est son droit: il a décidé de diminuer les conditions de travail des travailleurs.

Bien, qu'il le dise, qu'il le dise ouvertement et qu'il arrête, qu'il arrête de dire... je vous dirais, de provoquer en disant qu'il le fait pour les travailleurs, parce que, cela, j'assimile ça à de la provocation. Moi, personnellement, ça me provoque. Et je peux vous dire que j'ai même, quand j'étais avocat, beaucoup plus défendu d'entreprises; jamais je ne serais capable de tenir un tel discours, M. le Président, jamais.

Alors, ayons un peu de rigueur dans nos affirmations et surtout faisons attention. Faisons attention, parce que le choix qu'a fait le ministre, il faut qu'il l'assume. J'ai fait le choix de faire en sorte que les entreprises aient de meilleurs profits, soient plus malléables dans leurs façons de faire. Mais ça, au prix de quoi? Il y a un prix à payer. Alors, qui le paie? C'est les travailleurs. Mais c'est un choix, et le gouvernement... divers gouvernements assument ces choix.

Mais ce que je dois vous dire... Je reviens au début de mon propos, et malheureusement je devrai conclure. Je n'ai même pas abordé le premier point, lorsqu'il parle du rapport Mireault, M. le Président. Et c'est totalement faux que le rapport Mireault dit ce qu'il dit. Le rapport Mireault, il dit: Si vous amenez... si vous changez 45, vous devez créer un employeur unique. Alors... et c'est pour ça que, le rapport Mireault, même les employeurs ne le voulaient pas, parce que la condition qu'il mettait était trop importante pour les employeurs. Ils ont dit: Non, non, rapport Mireault, on oublie cette partie-là, parce que, si vous enlevez cette partie-là et vous créez l'employeur unique, cela aura beaucoup plus de conséquences pour nous. Alors, c'est faux. Alors, qu'il arrête de citer le rapport Mireault; le rapport Mireault ne dit pas ça, M. le Président.

Alors, simplement, pour conclure, M. le Président, je trouve malheureux que le choix de ce gouvernement n'ait pas été normalement celui d'une plus grande répartition de la richesse, d'une meilleure protection des travailleurs, et je souhaite que les commentaires que nous faisons aujourd'hui permettront à ceux et celles qui nous écoutent, mais aussi au ministre, de changer d'idée et là de prendre le parti de ceux qui ont le plus à perdre dans la modification de cet article. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Alors, pour le prochain intervenant? Prochaine intervenante, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'interviens sur le projet de loi n° 31 pour plusieurs raisons, et je vais diviser mon intervention en cinq points.

Première raison, c'est un projet de loi qui effectivement, à première vue, quand on regarde le nombre d'articles, on pourrait se dire: Seulement 11 articles incluant la date d'entrée en vigueur, c'est un projet de loi qui est petit, a peu de conséquences. Au contraire, M. le Président, autant le nombre d'articles est limité, autant la portée des articles est grande.

Ce projet de loi vient toucher à des personnes, de véritables personnes, des travailleuses et des travailleurs ? et je vais revenir un petit peu plus tard en précisant qu'il y a davantage de travailleuses, c'est évident, qui sont visées par ce projet de loi là ? qui, par le projet de loi n° 31, vont voir leurs conditions de travail changer, M. le Président.

Quand on travaille sur le Code du travail ou sur les normes du travail... J'ai eu le privilège durant près d'un an de travailler avec l'ex-ministre du Travail, M. Jean Rochon, au niveau des normes du travail, et il y avait deux éléments qui étaient majeurs. On se disait toujours que, lorsqu'on change des normes du travail ou lorsqu'on touche au Code du travail, il faut prendre le temps. Il faut prendre le temps de consulter, il faut prendre le temps de s'assurer d'un équilibre entre les patrons et les travailleurs et les travailleuses. Et il faut aussi prendre le temps d'amender le projet de loi et de regarder aussi si l'ensemble des partenaires sont en accord avec le projet de loi.

D'ailleurs, du côté des normes du travail, M. le Président, on avait pris le temps de déposer un livre blanc, on avait été en consultation avec ce livre-là; on avait déposé un projet de loi, on est allé en consultation sur le projet de loi avant d'adopter la loi. Donc, est-ce que, dans ce cas-ci, un projet qui vient changer les règles d'une manière aussi importante, est-ce qu'on a déposé un avant-projet de loi? Est-ce qu'on est allé en consultation partout? Absolument pas, M. le Président. Aucunement. Donc, la première règle qu'on doit respecter quand on travaille sur un projet qui touche les normes du travail ou le Code du travail, elle n'est pas respectée.

Et quand je regarde les interventions des différents partenaires, c'est encore plus inquiétant. Il y a un seul groupe qui semble ravi, c'est le patronat. Donc, déjà, il faut se poser la question au niveau de l'équilibre. S'il y a un seul groupe qui est ravi, c'est que l'équilibre n'est pas là. C'est clair. Ce n'est pas louche, ce n'est pas correct, mais, quand je travaille sur un projet de loi puis qu'il y a un seul groupe qui est satisfait, c'est évident que je n'ai pas un équilibre dans le projet de loi.

Deuxièmement, les syndicats sont farouchement opposés au projet de loi n° 31 ? puis on va voir pourquoi tantôt ? et exigent le retrait. Du côté des professeurs de droit, M. le Président ? les professeurs de droit ne sont pas ceux qui vont vivre les conditions directement imposées dans le projet de loi n° 31 ? les avis sont divisés, sont partagés. Il n'y a pas unanimité sur la portée du projet, il n'y a pas unanimité sur l'impact sur les relations de travail ni d'unanimité sur l'impact économique. Donc, il n'y a pas... On ne peut pas dire que, du côté des professeurs de droit, on parle d'une seule voix. Absolument pas.

Du côté du Barreau, M. le Président, et c'est évident que ceux-là auront à travailler par la suite avec le projet de loi n° 31, auront à interpréter, eh bien, du côté du Barreau, on soulève de nombreuses questions d'interprétation et d'application puis on demande au ministre de prendre son temps. Parmi ses raisons, le ministre nous a dit qu'il souhaitait pouvoir enlever certaines confusions. Alors, quand le Barreau vient nous dire qu'on ne l'enlève pas, la confusion, qu'effectivement il y a de nombreuses questions d'interprétation, d'application puis qu'on va en avoir pour des années à essayer d'interpréter le projet de loi n° 31, bien, je ne pense pas qu'on vient de régler le problème de l'interprétation.

Ensuite, M. le Président, il y a aussi la Commission des droits de la personne qui, elle, demande aussi au ministre de prendre son temps, qui a fait des déclarations, que je citerai tantôt, et qui a de grandes inquiétudes par rapport à l'application de la loi n° 31, et qui nous dit qu'elle n'a pas eu le temps de vérifier tous les impacts de ce projet de loi là pour les droits des travailleuses et des travailleurs.

Donc, M. le Président, je pense qu'on a clairement démontré que les deux conditions premières d'un projet de loi au niveau du travail ne sont pas respectées.

L'autre question qu'on peut se poser: Est-ce qu'il y a urgence? Parce que effectivement parfois il faut agir rapidement, dans certaines conditions, et, quand on a réussi à établir un équilibre entre les partenaires, on peut agir avec urgence. Là, on ne l'a pas, l'équilibre; donc, où elle est, l'urgence? En fait, la seule urgence que je peux voir, M. le Président, c'est qu'on a aussi déposé le projet de loi n° 30 qui, lui, vient permettre la fusion d'accréditations syndicales dans le réseau de la santé, et, comme le gouvernement est un employeur, souhaite faire la fusion dans le réseau de la santé au niveau des syndicats et souhaite aussi pouvoir confier de la sous-traitance au niveau des hôpitaux, donc on a besoin, pour pouvoir confier cette sous-traitance-là, du projet de loi n° 31. C'est bien clair. Alors, pas d'urgence, on n'a pas les conditions pour établir un projet de loi qui répond aux normes habituelles au niveau du travail.

n(16 h 50)n

Je reviens brièvement sur le rapport Mireault. Mon collègue qui m'a précédée, le député de Chicoutimi, en a parlé: non, le rapport Mireault n'allait pas dans le sens qui est proposé au niveau du projet de loi qui nous est déposé. Nous avions, dans la dernière réforme du Code du travail, appliqué sept des neuf recommandations du rapport Mireault et nous n'avions pas appliqué les deux dernières, justement parce qu'il n'y avait pas entente patronat-syndicat et que même le patronat disait qu'il était inquiet de ces recommandations-là. Donc, on avait préféré avoir un Code qui assurait l'équilibre et la satisfaction des partenaires.

M. le Président, je vais maintenant parler au niveau de la sous-traitance. Et je suis contente que le député de Chicoutimi ait insisté énormément sur le fait que ce qu'on vient enlever aux travailleuses et aux travailleurs, en fait, c'est de la protection de droits. La sous-traitance, il s'en fait au Québec actuellement, puis on n'a pas le projet de loi n° 31. Le projet de loi n° 31, ce qu'il vient enlever, c'est la protection que l'article 45 donnait aux travailleuses et aux travailleurs dans les cas de sous-traitance.

Pourquoi faire de la sous-traitance? Bien, je pense que c'est assez clair, assez facile à comprendre, au niveau des entreprises, on souhaite faire de la sous-traitance parce qu'on pense qu'on va pouvoir faire des économies de coûts. C'est clair. Et quelles sont les économies de coûts les plus importantes qu'on fait lorsqu'on est un employeur? Bien, c'est évident que c'est au niveau des salaires, c'est au niveau des conditions de travail, c'est au niveau des avantages sociaux. Alors, quand on souhaite faire de la sous-traitance, c'est pour pouvoir réduire nos coûts au niveau des salaires, au niveau des avantages sociaux et au niveau des conditions de travail qu'on donne.

Qui va profiter le plus de ce projet de loi là? Bien, c'est évident, c'est au niveau des entreprises, c'est clair, mais aussi au niveau du gouvernement. Parce que le gouvernement, il ne faut pas l'oublier, c'est un employeur important. Et on l'a dit tantôt, avec le projet de loi n° 30, on souhaite pouvoir faire de la sous-traitance au niveau des hôpitaux. Alors, on sait qui va en profiter, c'est l'État comme employeur et les entreprises qui sont les employeurs.

Qui sera pénalisé? Bien là c'est assez évident aussi. Est-ce qu'on va pénaliser les plus hauts salariés? Absolument pas. Et j'étais un petit peu amusée, hier, d'entendre le député de Roberval qui nous disait: On va donner de l'argent dans les poches des contribuables. Bien, c'est parce que, là, on va en enlever dans les poches de ces contribuables-là, les plus faibles salariés dans les entreprises, les plus faibles salariés au niveau des municipalités, les plus faibles salariés au niveau des hôpitaux, au niveau des établissements de santé, au niveau du réseau de l'éducation; ce n'est pas les plus hauts salariés, là. Alors, ceux-là, là, c'est de l'argent directement dans leurs poches qu'on enlève, et ce sont des contribuables, eux autres aussi, M. le Président. Qu'ils soient syndiqués ou non, ce sont des contribuables, ils participent, et c'est du monde...

Il nous parlait du monde ordinaire. Bien, les personnes, M. le Président, qui travaillent dans les hôpitaux, à la buanderie, à la cafétéria, qui font de l'entretien ménager ou ? il y a un autre secteur aussi qui va être évidemment visé, c'est très clair ? le gardiennage, bien, ces personnes-là, ce sont du monde ordinaire, ce sont des contribuables comme les autres, sauf qu'ils ont un revenu qui est peu élevé, et ils ont, la plupart du temps, dû combattre durant de nombreuses années pour avoir des conditions de travail qui leur permettaient de dépasser le salaire minimum, qui leur permettaient d'avoir un peu plus parce qu'ils avaient une convention collective. Ce qu'on vient leur enlever avec le projet de loi n° 31, c'est que, à partir du moment où il y aura sous-traitance, ils vont perdre leur convention collective, et c'est ça qui vient les pénaliser.

Et on a beau nous dire, de l'autre côté, non, les avis sont très partagés sur les impacts des relations de travail et, sur l'impact économique, c'est partagé. Ce n'est pas vrai que tout le monde dit: C'est vraiment extraordinaire et merveilleux. Absolument pas, M. le Président.

Donc, qui va être touché? Buanderies, cafétérias, entretien ménager, services informatiques, gardiennage. Et qui occupe habituellement ces emplois-là? Ce n'est pas bien long qu'on a la réponse, M. le Président: Principalement des femmes, des jeunes, des immigrantes et des immigrants, très souvent, et c'est pour ça que la Commission des droits de la personne est intervenue.

D'ailleurs, je vais le citer immédiatement, M. le Président. Alors, le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est venu dire en commission: «Les modifications au Code du travail proposées par le projet de loi qui est devant nous ? donc le projet de loi n° 31 ? soulèvent certaines questions quant à leur conformité avec les principes fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne.

«La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse estime que trois principes de la Charte pourraient avoir été atteints: la liberté fondamentale d'association ? qui amène évidemment une convention collective ? le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à l'égalité. Mais, compte tenu du très, très court délai, trop court délai qui nous a été accordé pour procéder à l'analyse du projet de loi, les commentaires que nous formulerons ce soir sont des interrogations, des mises en garde, mais on voulait aller plus loin.»

Donc, pourquoi ne pas prendre le temps de laisser à la Commission des droits de la personne le temps de pouvoir continuer d'évaluer au niveau de ces trois principes-là? Et ce n'est pas n'importe quoi, là, le droit à l'égalité, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables puis la liberté fondamentale d'association.

La Commission des droits de la personne venait aussi faire une mise en garde concernant l'équité salariale. M. le Président, nous avons travaillé longuement et péniblement, je dois le dire, pour arriver, au niveau de la société, à un consensus de la Loi de l'équité salariale, et nous nous sommes donné un temps d'application suffisamment long; nous sommes arrivés à la réalisation de l'équité salariale. Et, du côté de la Commission des droits de la personne... et de plus en plus certains s'interrogent, à savoir que la loi n° 31 pourrait permettre de détourner la Loi sur l'équité salariale, donc de permettre à l'employeur, que ce soit l'État ou que ce soit une entreprise, de détourner la Loi sur l'équité salariale. D'ailleurs, il y a eu certains exemples. On pense à l'exemple au niveau du Mont-Sainte-Anne, où, dans le fond, le nouvel employeur, ce qu'il souhaite, c'est pouvoir contourner la Loi sur l'équité salariale. Alors, est-ce qu'on peut accepter un projet de loi qui viendrait toucher à la loi, adoptée par consensus, sur l'équité salariale? Je pense que non, absolument pas, M. le Président, parce que ce sont des droits que nous avons convenu ensemble, entre les parties.

M. le Président, nous avons aussi... je pense qu'il est important de le rappeler, il faut rappeler l'importance non seulement du salaire... Parce que, au niveau du salaire, nous avons vu malheureusement des exemples assez catastrophiques, et on peut rappeler l'exemple de Bombardier, qui effectivement, suite à un contrat de sous-traitance, on a vu les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs diminuer d'une manière importante. Ce n'était évidemment pas du côté des ingénieurs, ce n'était pas du côté des techniciens, c'était du côté des employés de la cafétéria de Bombardier, qui avant la sous-traitance gagnaient 19,25 $ de l'heure et qui se sont retrouvés, suite à la sous-traitance, avec un salaire de 7,75 $ de l'heure, M. le Président. C'est pas mal moins d'argent dans les poches du contribuable, et je pense que ça vient toucher des salariés, des petits salariés, du monde ordinaire, ce qu'on nous disait l'autre jour.

n(17 heures)n

Donc, est-ce que ça vient protéger l'autre loi qu'on avait votée ensemble? Et ça, c'est un projet de loi qui vous intéresse particulièrement, M. le Président, parce que je me souviens que vous avez mis énormément d'efforts sur ce projet de loi là et que vous aviez une vision, vous aviez un plan d'action en tête à ce moment-là ? disons que vos successeurs n'ont toujours pas déposé de plan d'action, mais vous en aviez un. Et la loi n° 112, la lutte à la pauvreté, est-ce que, de favoriser la diminution des conditions de travail et des salaires des travailleuses et des travailleurs, ça vient lutter contre la pauvreté?

Et on se rappellera, M. le Président, que, dans ce projet de loi là de lutte à la pauvreté, on précise très bien que ce n'est pas juste un projet de loi. La base, c'est que c'est une stratégie nationale de lutte à la pauvreté. Alors, une stratégie nationale, ça veut dire que, depuis l'adoption de la loi n° 112, tous les ministères doivent, avant de déposer un projet de loi puis avant de lancer une politique, s'assurer que ce qu'ils proposent ne viendra pas nuire à la lutte à la pauvreté et ne viendra pas, au contraire, créer davantage de pauvreté. C'est ça, une stratégie nationale. C'est de dire: À chaque fois que je vais présenter un projet, je regarde dans mon plan d'action si je vais réduire la pauvreté. Et, si j'ai un risque de l'augmenter, bien, non, je ne peux pas aller dans ce sens-là. C'est ça, une stratégie nationale.

Et aussi, à l'article 7 de la loi n° 112, on demande de faire, pour chacun des projets de loi qui viennent toucher à la lutte à la pauvreté, une analyse différenciée selon les textes, de regarder qui va être touché par notre projet de loi, qui risque d'être pénalisé, est-ce qu'il y a des conséquences plus fortes pour un groupe que pour l'autre et comment on peut apporter des correctifs. Est-ce qu'il y a eu une analyse différenciée de faite pour le projet de loi n° 31? Absolument pas, M. le Président. Est-ce qu'on a regardé ses conséquences par rapport à une stratégie nationale de lutte à la pauvreté? Absolument pas.

Il ne s'agit pas seulement de créer des emplois. Lorsque des travailleuses, des travailleurs qui ont un emploi ? ils l'ont, leur emploi ? voient leur salaire diminuer ? puis, dans le cas de Bombardier, passer de tout près de 20 $, de 19,25 $ à 7,75 $ ? bien, c'est de la pauvreté. C'est clair pour moi, c'est vraiment créer de la pauvreté.

L'autre élément que je voulais apporter, M. le Président, c'est la question du climat. Parce qu'on a parlé beaucoup de l'importance... pour créer des emplois, sauf qu'il y a une condition de base pour créer de l'emploi, c'est le climat social. Et le climat social, actuellement, il est perturbé. Il est perturbé par la loi n° 31, mais il est aussi perturbé par plusieurs autres projets de loi que le gouvernement nous a déposés. Donc, est-ce que présentement on se donne les conditions pour faciliter la création d'emplois? Absolument pas. Et, quant à moi, ce n'est pas cette mesure-là isolée, qui nous amène davantage de risques d'augmenter la pauvreté, qui vient nous permettre d'augmenter la création d'emplois, d'autant plus que la condition première au niveau du climat social n'est absolument pas là, M. le Président.

Et d'ailleurs je ne suis pas la seule à le dire. Je vais citer, en terminant, un collègue, un député ministériel de l'autre côté. On aime bien ça nous le faire, de l'autre côté. Alors: «Dans le gouvernement de Robert Bourassa, le maintien de la paix sociale était le pivot, le moyeu de la roue, déclare le député de Brome-Missisquoi. À chaque fois que Bourassa voyait du tiraillement pouvant menacer la paix sociale, il ajustait le tir en maintenant un dialogue constant. C'était un gouvernement davantage de partenariat, alors que maintenant c'est un gouvernement de confrontation», M. le Président. On ne veut pas entendre. Alors, M. le Président, je pense qu'on doit prendre le temps, qu'on doit entendre les citoyens et les citoyennes, et, de notre côté, c'est évident que nous serons contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. Pour la prochaine intervention, c'est au tour de la députée de Champlain. Mme la députée.

Mme Noëlla Champagne

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, aujourd'hui on me demande d'intervenir sur le projet de loi n° 31, et, oui, je le fais avec joie parce que ça fait partie de notre rôle de parlementaires de le faire. Et, depuis le début de cette session, qu'on appelle une session-test ? c'est M. Michel David, du Devoir, qui appelait cette session-là une session-test ? eh bien, je passe tout un test, M. le Président, parce que, quand je regarde des projets de loi comme le projet de loi n° 32, je regarde le projet de loi n° 32 ? c'est sur les centres à la petite enfance ? le projet de loi n° 34 sur la nouvelle gouvernance régionale, le projet de loi n° 9 sur les défusions municipales, les projets de loi nos 25 et 30 sur la santé ? et là on me parle même d'un article du Code du travail qui devrait être bougé, qui est l'article 46, sur les travailleuses du vêtement ? c'est effectivement, M. le Président, une session-test.

Et, ce texte-là que j'utilise d'entrée de jeu pour discuter à la fois du projet de loi n° 31 et de toutes les mesures qui sont fortement irritantes, les journaux d'ailleurs en témoignent tous les jours. M. David disait: «Le chef du gouvernement n'aurait pas pu choisir un meilleur homme pour modifier l'article 45 du Code du travail ? sans le nommer, là. Le ministre du Travail n'est pas du genre à se laisser distraire par des considérations aussi triviales que la préservation de la paix sociale ou le maintien des conditions de travail des employés qui pourraient être affectés par un recours accru à la sous-traitance. Des études? Mais quelles études? Ceux qui ont à en faire valoir, ils n'ont qu'à se présenter à la commission, et on en discutera. D'ailleurs, pourquoi se compliquer inutilement la vie? Il lui suffit de savoir que la modification de l'article 45 figure au programme du PLQ.»

Alors, M. le Président, on peut avoir un programme en campagne électorale, le Parti québécois en avait un, le parti du gouvernement présent avait un programme, c'est évident et c'est correct comme ça; par contre, ton programme ne dit pas tout. Et je pense qu'il serait tout à fait faux et prétentieux de prétendre, de penser même que tous les citoyens du Québec ont lu chacun de nos programmes avec le détail, M. le Président. C'est évident que les gens ont vu les grandes lignes. Et je dois convenir aujourd'hui que la population du Québec a fait un choix. Mais la population du Québec n'a pas fait le choix de causer un problème à toute la paix sociale au Québec avec des mesures et des projets de loi qui heurtent les uns et les autres, des enfants en passant par les adultes jusqu'aux personnes âgées. Alors, quand je regarde ce projet de loi là, c'est bien évident que les rencontres, les discussions en Chambre ou dans les rencontres avec les organismes liés à ce projet de loi là vont, j'espère, permettre au ministre du Travail d'éclairer son esprit et d'en arriver à des mesures qui ramènent un peu d'ordre dans notre société.

Écoutez, M. le Président, le projet de loi n° 31, c'est évident que ça touche un article sensible, l'article 45 de la loi sur le Code du travail. Or, quand on regarde cet article-là, qui semblait faire l'affaire, qui semblait convenir, dans le fond, à nos travailleurs et à nos travailleuses, eh bien, on décide de le bouger avec un prétexte, et ce prétexte-là, c'est qu'il faut remettre le Québec, hein, sur les rails de l'économie et que, si on ne bouge pas cet article-là, si on ne lui donne pas une flexibilité et une certaine souplesse, eh bien, on va mettre le Québec dans le trouble. Eh bien, au moment où on se parle, M. le Président, il n'y a personne, à date, dans aucun écrit, qui est venu à bout de nous prouver hors de tout doute qu'effectivement la modification à l'article 45 du Code du travail va venir corriger cette situation-là économique qu'on a au Québec et qu'on a peut-être de par le monde.

Alors, M. le Président, lorsque l'article 45 s'applique, l'article 45 fait suivre automatiquement l'accréditation syndicale et toutes les conventions collectives. Avec le mouvement qu'on se prépare à faire sur cet article-là, eh bien, la convention collective, elle ne suivra pas. Alors, voilà que le débat va reprendre, que la discussion va reprendre, et là on va avoir des guerres d'avocats. On va demander à des gens d'aller se défendre continuellement et on repart le bal de la négociation éternelle, la négociation qui ne se termine pas. Alors, M. le Président, je pense qu'avec un projet de loi semblable on va avoir effectivement des pertes de salaire, on va avoir des employés, des employés déjà à petit salaire, voir encore leur salaire davantage diminué.

Et, si on s'arrête deux minutes aux dangers que peut causer le fait de bouger l'article 45 de la loi sur le Code du travail, je pense que le ministre devrait s'arrêter immédiatement, avec toutes les revendications qu'il a reçues de toutes parts dans la société. Je ne sais pas si le gouvernement du Parti libéral écoute vraiment ce qui se dit, a vraiment les oreilles et les yeux ouverts, mais présentement, M. le Président, on est en train de vivre, au Québec, une situation tout à fait anormale et une situation qui est inquiétante, M. le Président. Si jamais cet article-là s'applique, les employés vont perdre leur convention collective, vont se voir dans l'obligation de renégocier plus souvent qu'autrement à la baisse leurs propres conditions de travail.

n(17 h 10)n

Alors, s'il est vrai, M. le Président, que certaines catégories d'emplois ne souffriront pas outre mesure de la sous-traitance ? on peut parler des ingénieurs, on peut parler des techniciens spécialisés, on peut parler des informaticiens, j'en conviens ? bien, les petits salariés, eux autres ? je le répète parce que c'est eux autres qui sont touchés et c'est eux autres, M. le Président, qui sont dans la rue présentement et qui revendiquent le droit au respect, au respect de leurs revenus, M. le Président ? alors ces gens-là, comme le disait ma collègue tout à l'heure, ce sont des femmes, ce sont des jeunes, ce sont des immigrants et immigrantes en majorité qui vont être touchés par ces mesures-là, et ça va se faire de façon subtile. On va doucement transférer une partie du travail fait par une entreprise avec des syndiqués, et tout à coup ces emplois-là vont être donnés, comme par un hasard, à des firmes, et voilà que les employés en place vont se retrouver au chômage, M. le Président, et ce n'est pas ce qu'on doit souhaiter au Québec. Si on veut éviter les retours en quantité très grande à l'aide sociale, on doit s'assurer que nos gens puissent maintenir un travail de qualité et un travail bien payé, M. le Président.

Le libellé du projet, d'ailleurs, il est excessivement ambigu. Pour ceux qui l'ont lu et l'ont relu, parce que tous les journaux du Québec en ont parlé, il est clair que, dans ce texte-là, il y a une partie de texte auquel le ministre n'a pas encore donné de réponse. Les avocats vont débattre longtemps, M. le Président, parce que la petite phrase qui dit, et je la cite: La plupart des autres éléments caractéristiques ont été transférés... M. le Président, je ne suis pas avocate, mais je pense qu'un bon avocat pourrait faire du millage avec ça. Alors, ça va entraîner une série de contestations judiciaires, ça va nuire aux employeurs, ça va nuire aux travailleurs et ça va juste inquiéter et causer un problème de société bien plus qu'améliorer notre société, M. le Président.

Le projet de loi, également, j'ajoute, M. le Président, va créer des situations qui sont absurdes, où le sous-traitant devra s'assurer ? et ça, ça l'est, la petite particularité, là, un peu vicieuse du projet de loi ? le sous-traitant devra s'assurer de ne pas engager les ex-employés ou de ne pas utiliser son matériel s'il ne veut pas risquer de voir l'accréditation syndicale suivre. Alors, à ce moment-là, on vient de dire à ces gens-là: On envoie le matériel au dépotoir puis on envoie les employés au chômage. C'est aussi simple que ça. On est aussi bien de ne se servir de rien.

Et on a des exemples, M. le Président, tant et plus, et je vais prendre un exemple que je connais bien au niveau de municipalités qui pourraient avoir la grande et immense tentation de prendre des contrats, que ce soit la neige, que ce soit le nettoyage des rues l'été, que ce soit toute autre forme de travaux qu'on a à faire de façon ponctuelle soit l'hiver soit l'été ou de façon ponctuelle parce que c'est un contrat qu'on a à donner, et, à ce moment-là, on s'en va en sous-contrat. Eh bien, voilà, les employés de la ville, qui s'étaient battus pour avoir des conditions dignes et acceptables, bien, ils vont se retrouver à la rue, M. le Président, et ce ne sera pas long. Ils vont commencer par le chômage et, suite à ça, ils vont se ramasser bien sûr à l'assistance-emploi, qu'on a appelée la sécurité du revenu ou qu'on appelle communément l'aide sociale, et je ne pense pas, M. le Président, qu'on doive souhaiter ce genre de situation.

Alors, M. le Président, je n'ai pas à dire beaucoup plus sur ce petit morceau parce qu'on sait très bien que le projet de loi n° 31, il rompt la paix sociale, il rompt la paix également industrielle. Et, quand on regarde les gens qui sont dans la rue, ils ne sont pas là pour s'amuser, M. le Président, ils sont là pour dire: Écoutez-nous, on a besoin que vous nous entendiez.

Et pourquoi vous vous dépêchez autant à faire passer ce projet de loi là? Qu'est-ce qui urge autant pour faire passer en si peu de temps autant de projets de loi qui bougent toute notre société? Je me suis posé la question d'ailleurs ce matin ? il faut parfois avoir un peu d'humour, M. le Président ? et je me suis dit: C'est peut-être parce que le gouvernement du Parti libéral a l'impression qu'il ne restera pas là longtemps: À ce moment-là, je vais passer toutes mes affaires tout de suite. Ou j'ai pensé à autre chose, M. le Président. Peut-être que le gouvernement du Parti libéral se dit, avec raison: Je vais passer mes lois ? je vais employer un terme qui est parlementaire ? mes lois un petit peu plus difficiles au début, la mémoire est tellement courte, hein? La mémoire, c'est une faculté qui oublie, alors dans quatre ans les gens ne se rappelleront peut-être pas ce qu'on a fait. Eh bien, à regarder le nombre de personnes qui s'opposent présentement, qui sont dans la rue, qui sont au niveau des médias, qui sont dans nos bureaux de comté...

Parce que, pendant qu'on est à Québec, nos bureaux sont ouverts. Il y a des gens qui viennent voir nos adjoints, nos attachés politiques, puis ils viennent leur dire l'inquiétude qu'ils ont devant tous ces projets de loi là. Parce qu'il nous est impossible, ici, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, de parler uniquement de ce projet de loi là, parce qu'on est pris dans un engrenage d'une série de projets tous aussi, je dirais, incomplets et tous aussi dénoncés les uns que les autres. Alors, M. le Président, je répète ma question: Pourquoi le gouvernement du Parti libéral est-il si pressé de passer à la vitesse tous ces projets de loi là? J'aimerais bien qu'on me donne la réponse. Je ne l'ai pas encore.

Alors, avec le projet de loi n° 30 également, M. le Président ? et là on touche plus la santé ? sur la fusion d'accréditations dans le réseau de la santé, il est clair que le gouvernement cherche à faire des économies, puis, ces économies-là, définitivement, il ne peut pas les faire ailleurs que sur le dos des salariés et des moins protégés et sur le dos, M. le Président, des plus susceptibles d'être confiés à de la sous-traitance. C'est facile de donner des contrats d'entretien et des contrats, admettons, de cafétéria à de la sous-traitance. Ça se fait rapidement, ça se fait peut-être déjà, M. le Président. Et ce qui est triste, c'est que ceux qui se sont battus pendant 15 ans, 20 ans pour négocier des conditions de salaire acceptables, bien, ces gens-là, M. le Président, se retrouvent, je dirais même, le bec à l'eau. Alors, ils vont se battre, et je souhaite que les gens le fassent correctement, parce que ? je tiens à le dire et à en faire même une parenthèse ? il n'y a pas un parlementaire, ni de ce côté-ci de la Chambre ni de l'autre côté de la Chambre, qui peut être d'accord avec des moyens qui sont démesurés et qui vont jusqu'à l'extrême.

Mais, vous savez, M. le Président, il y a des vieilles maximes sur cette terre. On les connaît toutes et tous, hein? Quand on sème le vent, qu'est-ce qu'on récolte? On récolte la tempête. Alors, présentement, on en sème, du vent, puis on en récolte, de la tempête. Noël s'en vient, M. le Président, et je pense que les discussions autour de nos tables à Noël vont porter sur tous ces nombreux projets que possiblement on va nous passer en bâillon. Et, après les Fêtes, M. le Président, on va se retrouver en face d'une société qui est désarticulée puis qui va devoir reprendre encore des combats, et des combats, et des combats. Et, si c'est ça, M. le Président, amener le Québec vers une meilleure productivité, je pense qu'on se trompe largement.

Il y a bien sûr la position du gouvernement du Parti québécois, c'est-à-dire qui était le précédent gouvernement, il y a la position bien évidemment du Parti libéral, mais il y a également la position de divers autres groupes, qui ne sont pas des groupuscules, qui sont des groupes très reconnus dans notre société. Et, quand j'en fais le décompte ? parce que, comme tout le monde, on s'est un peu alimentés à toutes les sources qui nous sont données ? eh bien, on n'est pas surpris de voir que le Conseil du patronat est fier, lui, hein? Mais, à date, le Conseil du patronat, M. le Président, n'a jamais prouvé ses avancées que ça va vraiment transformer le Québec et qu'on va avoir une économie fulgurante à partir du moment où on va bouger l'article de loi... l'article 45 de la loi sur le Code du travail, M. le Président. Il n'y a personne à date qui a répondu à ça. En fait, on nous dit: On va faire le projet de loi. Là, on va l'expérimenter, puis après ça vous allez voir si ça va bien. Eh bien, M. le Président, c'est un bien gros risque qu'on prend, et je ne pense pas que nos groupes syndicaux sont d'accord avec ça.

Et autre petite parenthèse, M. le Président. On nous dit souvent... Et j'écoute les débats religieusement. Autant, les gens d'en face, je me donne la peine d'écouter ce qu'ils disent, autant j'écoute les collègues de ce côté-ci de la Chambre. Et j'entends souvent dire que la population du Québec a donné un mandat là-dessus au départ, le 14 avril, et que ça a été fait à partir de ce moment-là. Eh bien, M. le Président, là je pense qu'il faudrait peut-être arrêter ça. Écoutons un peu ce que les gens nous disent dans nos comtés, là, et ça ne prend plus, cet argument-là. Le gouvernement du Parti libéral a été élu avec de grandes mesures, ou de grands projets, plutôt, avec des intentions de mesures. Alors, il a déposé ces mesures dans des projets de loi qui font la fureur à peu près de toute la population. Alors, si la population a voté pour ces projets de loi là, M. le Président, bien, je n'étais pas à la dernière campagne électorale, pas plus qu'à la deuxième que j'ai faite le 20 mai. M. le Président, c'est faux de véhiculer ce genre de propos là, et j'aimerais demander au premier ministre du Québec de peut-être changer un petit peu sa cassette, là, parce que ça ne prend plus.

Alors, la population du Québec n'est pas naïve non plus, là, et les parlementaires non plus. Nous sommes 125 à représenter le Québec et on est convaincus qu'il y a une décision qui a été prise le 14 avril dernier, et j'en conviens. Par contre, on est aujourd'hui déjà rendus en décembre, et, M. le Président, tous les groupes sont dehors en train de hurler leur désarroi. Alors, il faudrait peut-être également écouter ces gens-là qui peut-être, parmi eux autres, plusieurs, ont voté tant pour le Parti libéral que pour le Parti québécois. Mais ces gens-là aujourd'hui ont une méchante surprise et peut-être des regrets. Ça, écoutez, M. le Président, ils devront vivre avec pendant quelque temps. Et, à la vitesse que ça va, ça sera peut-être peu de temps.

n(17 h 20)n

Alors donc, évidemment, M. le Président, je lisais que le Conseil du patronat était ravi. Eh bien, je ne peux pas leur donner tort, c'est que ce sont des promesses que le Parti libéral leur a faites. Alors, vous savez, dans la vie, là, il y a deux choix qu'on a à faire quand on est un parlementaire et quand on gouverne un pays: on donne raison à ses amis ou bien donc on donne raison et on écoute également la population. Alors, c'est un choix que le gouvernement du Parti libéral est en train de faire, M. le Président.

Les syndicats, eux autres, bien là ils sont farouchement opposés, et les journaux en sont pleins, les pages en sont pleines. Et j'ai même une dame de ma région qui fait des éditoriaux au Nouvelliste régulièrement, Mme Gagnon, qui disait: «Un tel changement soulève des inquiétudes légitimes chez les travailleurs, et le gouvernement Charest serait bien avisé de prendre un peu de recul au lieu de jouer la ligne dure et d'insécuriser les travailleurs.» Alors, ça, c'est le commentaire d'une personne qui reçoit des courriels en quantité industrielle chaque jour. Les gens ne se prononcent pas seulement sur des projets de loi, les gens se prononcent sur beaucoup plus que ça, ils se prononcent sur leur avenir, M. le Président.

Et j'ai également un texte qui vient, celui-là, de La Tribune, et je l'ai trouvé juteux, et le texte dit à peu près ceci. Et j'en ai pris des grandes lignes seulement, tout le monde peut y avoir accès, évidemment. On dit que le premier ministre du Québec devra faire bien davantage que de lancer un simple appel au calme s'il souhaite mettre un terme au climat d'affrontement qui semble se dessiner au Québec en marge de réformes annoncées par son gouvernement. En fait, au lieu d'embaucher de nouveaux gardes du corps pour ses ministres, le gouvernement aurait plutôt intérêt à mettre de l'avant une campagne d'information pour expliquer clairement où doit nous mener son projet de réorganisation de l'État et surtout comment il entend mettre dans le coup les différents milieux concernés. Que ce soit le projet de loi n° 34, M. le Président, on a évincé nos partenaires socioéconomiques, ou du moins on leur laisse une place de: On va vous écouter. Ce n'est pas la même chose que: Vous allez nous permettre de décider. C'est autre chose.

Et on ajoute: S'il est vrai que le Parti libéral du Québec a été élu avec le mandat de revoir le fonctionnement de l'État québécois, le discours et l'attitude du nouveau gouvernement ont surtout semé, jusqu'ici, l'inquiétude, voire la colère, chez une bonne partie de la population. Les événements des derniers jours et la grogne au sein des organismes de défense des droits sociaux ? ils étaient 200 réunis hier à Trois-Rivières ? démontrent en tout temps que le gouvernement Charest a mal évalué le degré d'inquiétude d'une bonne partie de la population, avec son projet de réorganisation de l'État, et qu'il n'a pas su communiquer adéquatement sa vision des choses ni instaurer un vrai dialogue avec les syndicats et les organismes. De telles mesures, telles les modifications envisagées aux lois du travail pour faciliter la sous-traitance, la hausse des frais de garderie, l'attitude d'affrontement avec les syndicats, donnent l'impression d'un gouvernement néolibéral branché sur le Conseil du patronat et la haute finance, pressé d'en finir avec le modèle de société que se sont donné les Québécois et les Québécoises depuis les années soixante, celui d'un État avec une vision sociale et soucieux du bien commun. Or, M. le Président, on a mis des années à mettre ça en place. Ça va prendre à peu près six mois pour défaire tout ça.

Si des réformes importantes s'imposent au niveau de l'État québécois pour faire face aux défis de l'avenir ? concurrence internationale, vieillissement de la population, pauvreté, infrastructures, protection de l'environnement, éducation ? le gouvernement a la responsabilité de faire en sorte que le vent du changement ne se transforme pas en une véritable tempête.

Et je termine en disant ceci: alors qu'elle n'est encore qu'aux projets de loi, l'équipe du gouvernement du Parti libéral doit impérativement mettre de l'eau dans son vin et miser sur le dialogue, à défaut de concertation avec les syndicats, les groupe sociaux, les associations étudiantes, sinon le Québec risque de vivre une période de confrontation comme il n'en a pas vu depuis belle lurette.

Alors, M. le Président, les quelques secondes qu'il me reste, c'est pour lancer un appel au gouvernement du Parti libéral et leur dire que les 45 parlementaires de ce côté-ci de la Chambre ont l'oeil ouvert, qu'ils vont continuer à défendre les intérêts des citoyens. Ils sont toujours convaincus qu'il y a encore moyen de faire mieux avec ce qui a été déposé, et certaines lois, dont la 9, devraient être complètement bannies, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. Alors, je suis prêt à reconnaître M. le député de Beauharnois pour la prochaine intervention. M. le député.

M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir sur l'adoption de principe de ce projet de loi, projet de loi qui porte le titre Loi modifiant le Code du travail. À l'instar de mes collègues qui m'ont précédé, je vais souscrire à des propos de mes collègues qui depuis deux jours tentent de convaincre le gouvernement de retirer ce projet de loi, un projet de loi qui vient modifier la loi du Code du travail, Code du travail qui, de mémoire, fêtera ou a fêté son 40e anniversaire, qui a été adopté au début des années soixante et qui, à sa face même, on le reconnaîtra ? et je pense que tout le monde l'a reconnu ? est un des fondements mêmes de notre société. Plus, M. le Président, c'est une pierre d'assise de la stabilité des relations de travail dans notre société et, en corollaire, de notre économie.

M. le Président, l'enjeu est majeur. Ce n'est pas une loi ordinaire. Comme je viens de le dire, on modifie un des fondements de notre société. Il m'apparaît donc, et je le dis très humblement, que toute la démarche gouvernementale doit être entourée d'un certain nombre de conditions, conditions essentielles pour atteindre l'objectif qui est recherché. Permettez-moi d'en énumérer quelques-uns. D'abord, il m'apparaît que cette démarche doit être accompagnée de clarté. Elle doit être accompagnée de prudence. Elle doit être entourée de dialogue. Si on répond oui à ces trois éléments, je pense qu'on peut dire qu'on est sur la bonne route. Mais, M. le Président, à la lecture même des commentaires de ceux et celles qui sont venus à la rencontre de la commission de l'économie et du travail, à ceux et celles qui ont écrit, qui ont parlé dans les médias écrits et parlés, force est de constater que, sur le premier élément, la première condition, la clarté n'est pas au rendez-vous. Laissez-moi vous citer quelques commentaires de gens qui sont venus rencontrer les gens de la commission.

Premier commentaire de M. Marc Sauvé, Barreau du Québec: on doit parler de clarté, d'exactitude, de précision, de transparence. Qu'en est-il, M. le Président? Marc Sauvé nous dit ceci: «Avant de passer au vote par les membres de l'Assemblée, il est important, je crois, d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études. Que ce soient des études comparatives, par exemple, si on parle de mettre à niveau, bien, qu'on les sorte, les études, qu'on les examine d'une façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute.» Alors là on vient de parler de transparence et on nous dit: Non, non, on n'a pas ouvert le jeu, on n'a pas déposé toutes les études d'impact. Il manque des éléments pour conduire les travaux dans le cadre de ce projet de loi.

n(17 h 30)n

Deuxième commentaire, M. Alain Barré, professeur en droit du travail, Université Laval. Que nous dit-il? «La Cour suprême a noté que le Tribunal du travail avait élaboré, depuis l'arrêt Bibeault de 1988, des critères lui permettant de déterminer de façon cohérente si une concession partielle d'entreprise a eu lieu.» Et je cite: «Le nouveau texte de loi va créer beaucoup d'incertitude et d'insécurité.» Alors, rien de précis, là, rien de clair. On est plutôt dans les inexactitudes, dans l'ambiguïté.

M. le Président, Fernand Morin, Université Laval, un expert reconnu au niveau des relations de travail, des relations industrielles, dans le monde entier, que nous dit-il? «Le projet de loi n° 31 est une secousse législative qui nous paraît intempestive et dangereuse. Un tel critère, la plupart des éléments caractéristiques, nous paraît très nébuleux et ne peut que rendre poreux l'application d'une telle exception et, en conséquence, provoquer de laborieux débats judiciaires.»

Je pourrais en citer d'autres, M. le Président. Une dernière, une dernière ? parce que j'en ai une panoplie ? une dernière au sujet de la clarté de la démarche du gouvernement. Syndicat la CSD: «Jamais, depuis sa fondation, la CSD n'a été confrontée à un projet de loi aussi destructeur que le projet de loi n° 31. Jamais non plus, à notre connaissance, un ministre du Travail n'a proféré autant d'inexactitudes dans la présentation d'un projet de loi.»

Alors, M. le Président, la première condition est-elle au rendez-vous? À sa face même, les commentaires ? et il y en a plusieurs autres, mais le temps accordé, m'étant imparti... je ne peux aller plus loin dans cet élément-là ? contraires à la clarté et à la transparence, à l'exactitude, à la précision qui doit être au rendez-vous pour réussir une telle démarche, démarche fondamentale, M. le Président... On est plus dans les imprécisions, dans le manque de transparence, dans l'ambiguïté. Alors, à la première question «est-ce que la démarche est claire?», nous répondons non.

Deuxième élément que je citais, et je disais: Il faut que le gouvernement ait cette sagesse, cette prudence lorsqu'il examine le Code du travail. Le tout ne doit pas se faire dans un état d'urgence, dans un état de précipitation, mais avec beaucoup de sagesse, beaucoup de calme, beaucoup de sérénité et prendre le temps de prendre le temps. Est-ce que je suis seul ici à dire que la prudence doit être au rendez-vous? Mes collègues l'ont mentionné également dans leurs interventions. Mais, au-delà des membres de l'opposition, est-ce que cet élément est partagé pour avoir une réussite dans cette démarche?

Pierre Gagnon, bâtonnier du Québec, nous dit ceci: «Le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes.» Le temps nécessaire, pas de précipitation, du calme, de la prudence.

Jean-Claude Bernatchez, professeur en relations industrielles, je le cite: «Nous avons fait ressortir, implicitement du moins, le caractère prématuré d'une action législative qui ne rechercherait pas suffisamment l'ensemble des informations pertinentes sur le sujet de la sous-traitance en contexte québécois.» Deuxième avertissement. On se précipite. Contraire à l'opération de réussite pour modifier le Code du travail, fondement de notre société québécoise.

Pierre Marois, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, nous dit ceci: «Les modifications au Code du travail proposées par le projet de loi qui est devant nous soulèvent certaines questions quant à leur conformité avec les principes fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne.» On cite des droits fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne. Il nous dit ceci par rapport à ses commentaires: «Mais, compte tenu du très, très court délai, trop court délai qui nous a été accordé pour procéder à l'analyse du projet de loi, les commentaires que nous formulerons ce soir sont des interrogations et des mises en garde.»

Le syndicat, le SFPQ, Syndicat des fonctionnaires professionnels du Québec. Que nous disent ces gens? «L'article 45 du Code du travail constitue un équilibre fondamental de la société québécoise. Le SFPQ dénonce vivement l'attitude du gouvernement, qui désire faire adopter le projet de loi à toute vapeur, sans tenir le débat de société que mérite cet article de loi fondamental.»

André Pratte, La Presse, 24 novembre, se pose la question: «Est-il nécessaire de procéder à ces changements en vitesse, comme le souhaite Québec?»«Non, répond-il. Rien n'indique qu'il y ait urgence. Procéder à une telle réforme à la sauvette, ce sera le meilleur moyen d'ouvrir le sac à chicanes.»

M. le Président, cette deuxième condition préalable, si nécessaire à la refonte de notre Code du travail, cette condition est-elle au rendez-vous? Non, M. le Président. Encore une fois, nous devons répondre non. Alors, pas de clarté, urgence, précipitation, vapeur, au lieu de la prudence, de la sagesse, de la sérénité que nous impose une telle démarche. Deux éléments manquants.

Est-ce que nous sommes dans un contexte de dialogue? Troisième condition, troisième élément qui m'apparaît être fondamental à la réussite, encore une fois, de la démarche. Non, M. le Président. Nous avons devant nous un climat qui est loin du dialogue social, qui est loin de la concertation. On est plutôt dans un rapport d'affrontement, de confrontation, d'intransigeance, de bras de fer, d'escalade, tout le contraire de ce qu'il faut, tout le contraire d'un dialogue ouvert, souple, qui permet de rassembler les gens pour un vaste débat, une vaste discussion, autant le capital que le travail, autant les patrons que les travailleurs, autant les chefs d'entreprise que les travailleurs, les travailleuses, les employés. On est loin de ces conditions essentielles, on le voit à sa face même. Le climat est dénoncé, la vitesse, et l'urgence, et la précipitation auxquelles nous convie le gouvernement, c'est dénoncé, et le manque de clarté, le manque de transparence est également dénoncé.

Est-ce que le gouvernement mesure à sa juste valeur les conséquences de son geste de modifier ce Code du travail dans ces conditions? Parce que de quoi on parle, M. le Président? De relations entre les hommes et les femmes, les travailleurs, les travailleuses et les employeurs, entre les chefs d'entreprise, les patrons. Tout ce monde-là, demain, après demain, dans les mois à venir, les années, devront se retrouver, travailler ensemble au nom du Québec, au nom de la prospérité, au nom du développement économique.

n(17 h 40)n

M. le Président, je ne veux pas être un oiseau de malheur, mais je pense que le gouvernement s'en va dans le gros trouble, dans le gros, gros trouble. Est-ce qu'il a bien saisi ? et c'est une question ? est-ce qu'il a bien saisi les conséquences de ses actes en faisant cette modification de l'article 45 à notre Code du travail? Est-ce que c'est seulement de ce côté-ci qu'on dit: Attention, il y a danger en la demeure? Est-ce que cette modification au Code du travail sera un plus pour les travailleuses et les travailleurs? Nous sommes dans le doute le plus total, et ce doute est partagé. Et, même plus, M. le Président, nous affirmons qu'il y aura pour les travailleuses et les travailleurs des pertes, des pertes sociales, des pertes économiques, des baisses d'impôts... des baisses de salaire.

Laissez-moi vous lire ce que disait M. Tommy Chouinard dans Le Devoir, 28 novembre 2003: «Il ? en parlant du projet de loi n° 31 ? pourrait cependant mener à une baisse des salaires de 4 % pour les nouveaux travailleurs qui oeuvrent au sein d'entreprises sous-traitantes, par rapport aux salaires des employés qui occupaient les mêmes fonctions dans l'entreprise d'origine.»

Même le président du Conseil du patronat du Québec disait lui aussi anticiper des baisses de bénéfices pour les travailleuses et les travailleurs. C'est un aveu important, là, de M. Gilles Taillon. Qu'est-ce qu'il nous disait? «Le président du Conseil du patronat du Québec, M. Gilles Taillon, n'écarte pas que la levée des entraves à la sous-traitance pourrait se traduire, pour certains travailleurs, par un chèque de paie moins élevé.» Ce n'est pas la présidente de la CSN qui vient de dire ça, ce n'est pas le président de la FTQ qui vient de dire ça, c'est le président du Conseil du patronat du Québec.

Michel Auger, journaliste au Journal de Québec, 17 novembre 2003, dans la même veine, nous disait: «À la fin, le gouvernement Charest n'a aucunement fait la preuve qu'il est nécessaire ou même utile d'amender l'article 45. Pas plus qu'il n'a même tenté de démontrer que ses modifications permettront autre chose qu'un appauvrissement pur et simple de certaines catégories de travailleurs» et de travailleuses. Avons-nous besoin de signaler ce qui s'est passé dans le cas de la cafétéria Bombardier, où les travailleuses et travailleurs, qui gagnaient en moyenne 19,25 $ de l'heure, ont vu leur salaire baisser à 7,75 $?

M. le Président, le temps qui m'est imparti s'achève, et je voudrais conclure en disant au gouvernement: Retirez ce projet de loi, convoquez l'ensemble des partenaires du travail et du patronat pour que les gens s'assoient ensemble, se parlent, discutent de leurs affaires pour en arriver à un accord afin de moderniser nos lois. C'est possible de le faire. Je mets en garde le gouvernement parce qu'il se dirige vraiment... En fait, un immense danger fait en sorte qu'il met en cause la paix sociale au Québec. Et c'est le député de Brome-Missisquoi qui avertissait son propre parti en disant que la paix sociale était en rupture... que ce gouvernement-là était en rupture avec ce qui s'était passé de l'histoire du gouvernement libéral. M. le Président, nous allons voter contre, parce que ce projet de loi met en danger la paix sociale au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Pour le prochain intervenant, M. le député du comté de René-Lévesque.

M. Marjolain Dufour

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mon intervention, ça va être, M. le Président, faisant partie de la commission de l'économie et du travail, un peu des témoignages des groupes qu'on a rencontrés pendant les audiences au niveau de la commission particulière.

Alors, je vous dirais que le premier groupe qui s'est présenté était, bien entendu, le Conseil du patronat du Québec, et il avait des doléances, dans le sens que c'était une question de productivité et une question d'économie. Et, le lendemain, dans les quotidiens, on pouvait lire, de la part de M. Taillon du Conseil du patronat, que, «dans certains cas, il peut y avoir une diminution des bénéfices pour les travailleurs, a-t-il déclaré au Soleil. Les gens vont s'étonner de passer d'un salaire de 20 $ l'heure à quelque chose comme 13 $ ou 14 $ l'heure. Il faut comprendre que c'est le prix du marché pour certains types d'emplois.»

Alors, je vous dirais que, dans d'autres témoignages, dont un témoignage de M. Fernand Morin, un monsieur qui a une certaine notoriété, je crois qu'il est à l'Université de Montréal... Il dit, sur l'article 45, qu'il s'agit d'une aliénation ou d'une concession totale et qu'on peut déduire que l'article 45 demeurerait applicable tel quel, sujet au contrôle de la Commission des relations de travail. Alors, ce qu'il dit: «...de correction ou de redressement, parce que la Commission des relations de travail dispose d'un grand nombre de pouvoirs et de moyens pour remodeler les unités d'accréditation et même pour reconfigurer le contenu des conventions collectives.» Grosso modo, «elle a un coffre à outils comme jamais un organisme administratif n'a eu auparavant, et je pense qu'on devrait aller faire confiance à la Commission des relations de travail...» Bien entendu, M. Fernand Morin faisait référence à ce que la Commission des relations de travail n'a jamais eu d'indication ou n'a jamais été consultée par rapport aux changements de l'article 45 du Code.

Il dit, par rapport à certains ? puis plusieurs en ont parlé ? «éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée», alors il dit que c'est une expression qui est «un peu visqueuse», que... «Qu'est-ce que "la plupart"? Quand sommes-nous dans une situation où il y a "la plupart"? Qu'est-ce que c'est, le mot "la plupart"? Qu'est-ce que c'est, les "éléments caractéristiques de l'entreprise"? Entre nous, un texte semblable, c'est le plus beau cadeau que vous pouvez donner à mes confrères du Barreau, tellement on peut faire du chemin avec une expression semblable et des honoraires aussi.»

Donc, il reprend: «...l'article 2 puis on se limite à un point. On prend l'article 4, et là...» Ce qu'il voulait dire... C'était à une question du ministre du Travail. Parce que le ministre du Travail avait beaucoup, dans son vocabulaire, le dossier de Sept-Îles et d'Ivanhoé. Et il disait, en réponse au ministre, que, par rapport aux changements actuels dans le projet de loi n° 31, c'est qu'il en embrassait large pas mal par rapport à ces deux causes-là.

Pour ce qui est de... à certains égards le syndicat peut suivre mais les conventions collectives peuvent suivre aussi ou ne peuvent pas suivre, il dit: «Ce qui veut dire, en d'autres termes, si on reprend le texte, si la convention collective ne s'applique pas, l'accréditation subsiste, et si l'accréditation subsiste et qu'on dit qu'on doit faire comme si la convention collective était expirée, il faudrait donc, à ce moment-là, en toute justice, le dire clairement et [...] que l'article 53 sur la négociation de bonne foi s'appliquerait», ainsi que l'article 59.

Alors, j'ai ressorti, dans le Code, l'article 53, que je vais vous lire, M. le Président. Article 53: «Les négociations doivent commencer et se poursuivre avec diligence et bonne foi.» Alors, même dans le Code actuel du travail, la bonne foi est assez dure à prouver, et vous pouvez vous en aller sur une voie parallèle, qui est la voie juridique, pour prouver qu'il y a une des deux parties qui n'est pas de bonne foi.

n(17 h 50)n

L'article 59, ce qu'il dit, il dit que tant et aussi longtemps que vous n'avez pas signé ou eu une entente d'une nouvelle convention collective, c'est le maintien des conditions de travail actuelles. Mais, dans le projet de loi qu'on a actuellement, l'article, selon le projet de loi n° 31, tu as 30 jours pour aller en appel et tu as un autre 90 jours, ça veut dire que tu as 120 jours où est-ce que tes conditions de travail vont être maintenues. Alors, bien entendu, après ce temps-là, si tu n'as pas eu ou si tu ne t'es pas servi de ton droit de grève ou ton droit de lock-out, les conditions de travail sont maintenues.

Alors, quelle est la différence entre une grève et un lock-out? Parce que les deux peuvent s'en servir. Alors, selon l'article du Code, l'appréciation du Code, une grève, c'est la cessation concertée du travail par un groupe de salariés. C'est ce que veut dire une grève. Qu'est-ce que veut dire un lock-out? C'est le refus par un employeur de fournir du travail à un groupe de salariés à son emploi en vue de les contraindre à accepter certaines conditions de travail.

Alors, je vous dirais, par rapport à ce que M. Taillon, du Conseil du patronat, a dit versus le 20 $ et le 13 $ l'heure, il y a déjà, à l'heure actuelle, M. le Président, des conflits de travail qui sont assujettis à la sous-traitance. Puis je vous donne un exemple bien concret, puis je l'ai dit en commission d'ailleurs, c'est qu'il y a des employeurs qui ont faim, puis ce n'est pas tous les employeurs, là, mais il y a des employeurs actuellement au Québec qui ont faim. Et quel est le principal litige qu'il y a dans les conflits de travail au Québec? C'est la sous-traitance. Il y a actuellement dans mon comté quatre conflits de travail, Loblaw's, Provigo, 225 travailleurs et travailleuses qui sont en conflit de travail par rapport à la sous-traitance. Et eux, ce n'est pas partir de 20 $ l'heure puis aller à 13 $ l'heure, c'est que les fournisseurs vont renter dans les magasins pour aller placer le stock sur les tablettes. Ils n'ont plus de jobs, c'est ça que ça veut dire.

Alors, pourquoi je réfère à l'article 53 et à l'article 59? C'est qu'après 120 jours si les conditions de travail ne tiennent plus parce qu'il y a une grève ou un lock-out, il va y avoir une effervescence de conflits de travail au Québec. C'est à ça que je veux en venir.

Je reprends aussi M. Morin, qui dit ? disons que c'est du fond du coeur, ce qu'il dit, bien entendu: «Telles sont les considérations que nous voulions apporter à votre attention, alors qu'il vous incombe ? il dit ? et à vous et à la commission, de trouver un libellé qui soit suffisamment clair pour éviter de fastidieux et coûteux débats», en voulant parler effectivement de conflits de travail inhérents par rapport à des conflits de travail. Et je vous dirais que, si un employeur se sert de la sous-traitance, c'est parce qu'il ne veut pas payer le 20 $ de l'heure qu'il y avait avant. Alors, il est clair que, s'il ne veut pas maintenir les conditions de travail, ça va être le lock-out qui va être appliqué. Ça, c'est clair.

Je poursuis, M. le Président, en vous donnant d'autres expressions, encore une fois, de M. Fernand Morin: «Je pense qu'il permettrait de régler la question, d'autant plus que, je le répète, le CRT a le pouvoir de remodeler les unités d'accréditation au besoin pour tenir compte [...] si elle s'aperçoit que ce n'est pas une activité antisyndicale, elle peut remodeler des unités d'accréditation et en préciser le contenu et elle peut aussi modifier le contenu de la convention collective. Alors, c'est déjà beaucoup [...] dans ce sens-là. Et je pense que, si, avec tout respect, vous voulez, partant de l'affaire Sept-Îles, trouver une solution pour le reste de la province, je dirais que vous embrassez trop grand pour l'instant avec les risques inhérents.» Fernand Morin, là, c'est quelqu'un qui a travaillé dans le domaine du travail, là, il y en a eu, des causes, sur son bureau de travail, là.

«Les relations de travail, ce n'est pas du froid, on touche aux personnes, on touche aux hommes ? on touche ? aux femmes, on touche aux revenus ? on touche ? aux conditions de travail. Par conséquent, on ne peut pas rester froid, ce n'est pas des données statistiques, c'est d'une réalité concrète, et simplement la peur, la crainte suffit pour réfléchir.» Et il dit: «Ce n'est pas ce qu'on attend de vous autres[...]. Mais, par conséquent et par ailleurs, il ne faut pas utiliser la législation comme un bâton et ranger tout le monde sous le néolibéralisme.» Ça, c'est des paroles de M. Fernand Morin, qui était en commission particulière avec nous.

Et il répète aussi plus tard que «vous parlez que ça peut provoquer des procès laborieux». Il parlait encore de l'article 59, 53. Et là il dit, bien entendu, que l'article 45.2 n'est en vigueur que par décret depuis le 25 novembre 2002, même si la loi avait été passée en 2001. Il dit: Ça fait à peine un an et quelques jours. «Avant qu'on sache exactement la portée réelle, les indications, la façon dont les parties vont renégocier leurs conventions collectives en marge, et compte tenu de cette présence réelle, ça prend un certain temps. Ça prend un certain temps. Puis, des fois, il faut laisser le temps [...] faire les choses.»

Ce qu'il veut dire, c'est que ça faisait rien qu'un an que c'était en application, ce qui avait été changé par rapport au Code en 2001. Alors, c'est de laisser le temps à la Commission des relations de travail de bien faire son travail. Et, bien entendu, n'ayant pas été consultée, il faudrait peut-être aller voir ce que la Commission aurait à dire là-dessus, sans se servir juste du prétexte de, je dirais, Sept-Îles et Ivanhoé.

Le Barreau du Québec. Le Barreau du Québec, bien entendu, ils sont venus en commission parlementaire. C'est des personnes aussi qui n'ont pas été consultées par rapport aux changements législatifs que nous avons présentement par rapport au projet de loi n° 31. Alors, ce que M. Sauvé, du Barreau, dit: «Le comité du Barreau est constitué de façon paritaire. C'est un élément qui est extrêmement important dans le débat.» Il parle d'avocats qui oeuvrent autant du secteur patronal que du secteur syndical ainsi que de deux professeurs de droit, dont Mme la présidente qui était avec elle, il parlait de Mme Bich. «Le Barreau est cependant d'avis que le projet de loi, s'il est adopté tel quel, sera de nature à faire naître une multitude de contestations et ouvrira la porte à de nombreux litiges inutiles.»

«Évidemment, on pense, du côté du Barreau, que cette disposition-là va certainement faire beaucoup pour combattre le chômage chez les avocats ? bien entendu ? en droit du travail, parce que les expressions telles que "la plupart" et surtout les éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée vont certainement susciter de nombreux problèmes d'interprétation et d'application, problèmes qui ne pourront être résolus que par du cas par cas parce que ça va essentiellement être des éléments factuels qui vont déterminer la décision qui sera prise éventuellement.»

Il dit aussi qu'il y a des risques qu'il y ait un volume de dossiers important. «Donc, la Commission des relations de travail devrait normalement être assez solidement sollicitée par ces nouvelles demandes. Et ce qui préoccupait les membres du comité, c'est de savoir: Est-ce que la Commission a actuellement assez de ressources pour absorber cette chose-là, ce volume de risque qui va se manifester?»

Il parle aussi qu'alors, pour toutes ces raisons, «le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes et surtout ne pas faire... ne pas verser dans la précipitation, comme, malheureusement, c'est assez souvent le cas en fin de session parlementaire. Et, pour approfondir davantage les divers points qui ont été abordés dans la lettre du bâtonnier, je cède maintenant la parole à la présidente du comité.» Alors là, il cède la parole, et elle reprend sensiblement ce qu'il a dit mais avec des éléments un petit peu plus pointus.

Quand on parle de témoignages, M. le Président, on y va avec un M. Alain Barré, qui est professeur en droit du travail à l'Université Laval. Il dit que la Cour suprême a noté que le Tribunal du travail avait élaboré depuis l'arrêt Bibeault, 1988, des critères lui permettant de déterminer de façon cohérente si une concession partielle d'entreprise a eu lieu. Le nouveau texte de loi va créer beaucoup d'incertitude et d'insécurité. Je reprends Mme Marie-France Bich, du Barreau, que je lisais précédemment...

Une voix: ...

M. Dufour: Je m'excuse, Bich. «Le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie et dans lesquels celle-ci périclite.»

Jean-Claude Bernatchez, professeur en relations au niveau industriel: «Nous avons fait ressortir, implicitement du moins, le caractère prématuré d'une action législative qui ne rechercherait pas suffisamment l'ensemble des informations pertinentes sur le sujet de la sous-traitance en contexte québécois.»

L'auteur demande qu'un groupe de travail décrive et analyse clairement la nature et les conséquences des diverses formes de sous-traitance sur la productivité de l'entreprise, la qualité des conditions de travail et, dans une certaine mesure, sur la prospérité du Québec.

La FTQ. La FTQ, il est important, dans leur mémoire, ils citaient.... La FTQ, sur 540 000 membres, ils en ont 175 000 actuellement qui font de la sous-traitance. Alors, ce n'est pas vrai qu'il ne se fait pas de sous-traitance au Québec actuellement. Ils disent qu'en premier lieu le gouvernement devrait faire une étude sérieuse et rigoureuse sur les conséquences sociales et économiques que son projet de loi provoquera. «Un gouvernement responsable ne peut, de façon aussi cavalière, changer un aspect aussi fondamental dans nos relations de travail sans assurer au préalable les conséquences que son geste entraînera.»

Le Vice-Président (M. Sirros): Je m'excuse, M. le député, mais, étant donné l'heure...

n(18 heures)n

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Sirros): Si vous avez le consentement, sinon... Mme la leader adjointe.

Mme Lamquin-Éthier: Consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, il y a consentement pour dépasser pour un maximum de cinq minutes.

M. Dufour: Cinq minutes? D'accord. Alors, très brièvement, les groupes... Je fais référence aux groupes qui sont venus en commission particulière. Alors, il y a eu la FTQ, la CSN, la CSD, la Fédération internationale des syndicats autonomes, la CSQ, la Fédération des policiers du Québec, qui étaient les groupes qui ont réclamé le retrait pur et simple du projet de loi n° 31.

Il y a des groupes qui ont réclamé des éclaircissements, plus de temps et de consultation. On parle de Fernand Morin, Barreau du Québec, Noël Malette, Alain Barré, Jean-Claude Bernatchez et d'autres. Et il y avait un groupe, bien entendu, qui en demandait un peu plus, qui était l'UMQ. Bon. Bien entendu, ils n'ont pas le droit de lock-out. L'UMQ demandait qu'il y ait une législation plus poussée pour enlever tout caractère de sous-traitance dans les conventions collectives.

Alors, je termine, M. le Président, en disant que le plus gros employeur au Québec est l'État. Alors, qui a le plus intérêt à légiférer rapidement par rapport au projet de loi n° 31? C'est bien l'État. Et je vous dirais que ce qui s'en vient dans le secteur public... Puis je recule pendant la période électorale, dans le cadre financier des libéraux pendant la campagne électorale. Les négociations du secteur public, l'équité salariale n'étaient même pas comprises. C'est ce qui s'en vient, là. Alors, il y a un grand danger par rapport à ce qui s'en vient au niveau des négociations du secteur public. L'équité salariale, le monde avaient fait leur bout pour repousser la convention collective d'un an, pour ne pas que ce soit inclus dans la convention; il n'y a rien de réglé. Alors, ceux et celles qui ont, je dirais, le plus d'intérêt à passer ce projet de loi là au plus vite et avant Noël, c'est l'État et c'est le gouvernement actuel.

Alors, je m'inscris en faux, et je vais voter contre le projet de loi n° 31 tel que libellé actuellement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député. Alors, étant donné l'heure, on va ajourner nos travaux à ce soir, 20 heures. Les travaux sont ajournés.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

 

(Reprise à 20 h 4)

La Vice-Présidente: Mmes et MM. les députés, bonsoir. Veuillez prendre place. Alors, l'Assemblée poursuit le débat sur le principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Y a-t-il des intervenants?

Mme Maltais: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Madame.

Mme Maltais: ...si vous permettez, avant d'intervenir, est-ce que vous pourriez vérifier le quorum?

La Vice-Présidente: Oui, madame. Qu'on appelle les députés, s'il vous plaît, pour le quorum.

n(20 h 5 ? 20 h 7)n

La Vice-Présidente: Alors, si vous voulez, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Alors, je reconnais immédiatement la députée de Taschereau. Madame.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole ce soir dans l'Assemblée nationale... Pardon, Mme la Présidente, est-ce que vous pourriez voir... Est-ce que je peux vous demander de voir à ce que les députés prennent leur place, conservent leur place?

La Vice-Présidente: Je constate que vous faites d'énormes efforts pour vous conformer au règlement. Alors, je vous remercie. Je vous invite à poursuivre, Mme la députée.

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'allais donc dire que je suis heureuse de parler ce soir de la loi n° 31, de la proposition du projet de loi n° 31 qui concerne particulièrement une modification de l'article 45 du Code du travail, dite loi permettant la sous-traitance, en fait, je dirais, Mme la Présidente, permettant de façon plus facile, facilitant un peu plus que ce qu'on a déjà la sous-traitance.

Je pense, Mme la Présidente, qu'on peut dire que... Je me référerais à ma réplique au discours inaugural du premier ministre en disant, en utilisant le mot que j'ai utilisé à l'époque, qui est le mot «je suis heurtée». Et je pense que beaucoup de Québécois et de Québécoises, Mme la Présidente, sont en droit de se sentir heurtés par deux choses. D'abord, par la conception qu'a le gouvernement libéral actuel du Québec. Je pense que ? et je vais en parler plus tard dans mon allocution ? le gouvernement libéral pense que le Québec ne va pas, pense que le Québec n'est pas compétitif, pense que le Québec n'est pas ce Québec dynamique, prospère, intéressant, motivant que je connais et que beaucoup de Québécois et de Québécoises connaissent et reconnaissent. D'ailleurs, là-dessus, les chiffres de l'emploi, les chiffres de la croissance économique, la croissance du PIB du Québec qui a été faite dans les dernières années est un signal clair: le Québec est un pays, est une nation, si j'ose dire, où des règles du jeu ont permis une croissance solide et stable. Or, ce gouvernement ne croit pas en ce Québec que je vois, moi, quotidiennement. Il n'y croit pas, alors il change les règles du jeu pour le transformer.

Deuxièmement, je me sens heurtée, Mme la Présidente, parce que ce qu'on nous propose en plus arrive de front avec plusieurs autres projets de loi qui heurtent, je pense, la société. Et ce n'est pas... Même si ce mot-là, «heurtée», est le mien, Mme la Présidente, je le reconnais, je pense que la période de tension, la période de crise que nous vivons, elle, est agréée par beaucoup de commentateurs. Dans ma réplique au discours inaugural, je m'en souviens très bien, parce que j'avais pesé mes mots ? on n'utilise pas ces mots-là, surtout quand on est parlementaire, facilement ou à mauvais escient ? je disais: Ce que nous vous exprimons, ce désaccord avec ce que ce gouvernement veut faire, il faut qu'il reste ici, il ne faut pas qu'il se retrouve dans la rue, je ne le souhaite à personne.

n(20 h 10)n

Mais c'est exactement ce qui s'est passé. Le Québec de plus en plus est dans la rue et nous annonce qu'il descendra dans la rue. Pourquoi? Parce que nous sommes heurtés. Les Québécois et Québécoises sont heurtés par l'attitude d'abord de ce gouvernement, ce gouvernement qui refuse d'ouvrir les portes du parlement, et c'est l'expression telle qu'elle doit être dite. Ouvrir les portes du parlement, ce que ça signifie pour des parlementaires, Mme la Présidente, ça signifie tenir de véritables consultations, pas des consultations en catimini, pas des petites listes qu'on résorbe le plus possible parce qu'on a peur de confronter ses idées, parce qu'on a peur d'affronter les opinions des autres. Tenir de véritables commissions parlementaires, c'est d'abord avoir de véritables listes de consultation et, deuxièmement, c'est étudier véritablement les projets de loi selon... vraiment qu'on ait du temps.

Or, pour ce projet de loi là qui va arriver en masse, fin de session, avec l'autre... La loi sur la décentralisation, loi n° 34, la loi n° 25, les agences de santé, la loi sur les fusions des accréditations syndicales, la loi sur les défusions municipales, la loi n° 9, la loi n° 33, Charte de la Ville de Montréal, qui change profondément le visage de la nouvelle ville de Montréal, toutes ces lois sont en train d'arriver en même temps, en masse, de front, et il faut les adopter en deux semaines.

Je pense que, ça, Mme la Présidente, comme parlementaire, je me dois de dénoncer la façon dont actuellement le gouvernement travaille. Il nous place devant des situations tellement inconfortables, tellement inconfortables qu'il faut les dénoncer. Je voudrais donc dénoncer l'attitude du gouvernement et les gestes de rupture avec la concertation québécoise, qui est un modèle intéressant examiné par beaucoup d'autres pays et qui est un modèle de réussite qui nous a permis d'avancer sérieusement.

Je voudrais aussi dire quelque chose, Mme la Présidente. Parfois, les gens essaient d'opposer patrons et syndicats, ils essaient d'opposer, mettons... Le Parti québécois, on le sait bien, il est du côté des syndicats, c'est tous des anciens syndicalistes. Je m'excuse, j'étais un patron dans ma vie préalable, avant ma vie parlementaire, Mme la Présidente. Mon collègue est sûrement... peut-être étonné de l'apprendre, mais, moi, j'avais des employés. Je n'ai jamais, jamais, jamais été une employée. J'étais un patron. J'avais des employés, 20, 40, 60, 80, des autonomes, des pigistes. Je dirigeais des théâtres, mais j'étais un patron. J'ai connu ce que ça veut dire, la concertation. J'ai connu ce que ça veut dire, le respect des ressources humaines. Je sais ce que ça veut dire, le respect des relations de travail. Je sais ce que ça veut dire, la confiance que doivent se porter mutuellement... quand on veut que l'entreprise fonctionne, la confiance que doivent se porter le patron et les syndicats, le patronat et les syndicats.

Il faut travailler constamment avec ce fragile équilibre qui permet de susciter la tension à l'intérieur d'une entreprise, mais d'avancer. Or, qu'est-ce qui se passe quand on voit... on applique cela au Québec actuellement? Ce n'est pas un régime de tension d'équilibre qui permet d'avancer, c'est un régime de rupture de cette tension, Mme la Présidente. Le modèle de gestion qui est proposé par le gouvernement actuellement est un modèle de gestion autocratique. C'est ça qu'il faut se dire. Quand on fait de la gestion moderne, qu'est-ce qu'on sait? On sait qu'il faut s'investir avec les ressources humaines, il faut travailler avec les gens qui sont sur le plancher quand on veut apporter des réformes, quand on veut moderniser, quand on veut que les gens travaillent ensemble puis quand on veut véritablement faire avancer ce qui se passe à l'intérieur de la boîte.

Alors là, actuellement, il y a rupture entre les ressources humaines et les patrons, puis le patron, c'est le gouvernement actuel qui refuse d'entendre, qui refuse de travailler avec son monde. C'est pour ça qu'il y a rupture, et ça ne marchera pas. Il ne faut pas... Parce que ce n'est pas un modèle de gestion moderne, c'est de la vieille autocratie. Ça n'existe plus, ces modèles-là, mais c'est ça qu'on applique non seulement pour une entreprise, mais pour un État complet, et ça, c'est inadmissible.

Il faut ouvrir les portes du parlement, il faut prendre le temps d'étudier ce projet de loi. C'est ça que je veux dire, Mme la Présidente. D'autant que, il faut le savoir, l'article 45 du Code du travail a été modifié il y a très peu de temps. Alors, on n'est pas du tout, du tout, du tout, du tout dans l'impression que veut laisser le gouvernement actuel. Le gouvernement actuel essaie de donner l'impression que c'est sclérosé depuis des années. Mais, Mme la Présidente, je pense que ça fait à peu près deux ans ? ça a été un long débat ici ? deux ans qu'on a modifié l'article 45 du Code du travail, et je pense, Mme la Présidente, qu'on l'avait modifié en tenant compte d'un équilibre extrêmement important entre les patrons et les syndicats, entre le patronat et le syndicat. C'était majeur, on a réussi cela sans affrontement, Mme la Présidente, et ça, il faut le dire à la population. Ce n'est pas vrai que le Parti québécois a sclérosé; au contraire, on a avancé, mais on a avancé avec le monde dans un modèle de concertation intéressant qui correspond aux méthodes modernes de gestion.

Ce n'est pas ça qui est en train de se passer en ce moment. On a pris parti pour le patronat et on l'a appliqué directement, une méthode drastique, autocratique, et ce que ça donne, ça donne rupture de la paix sociale. Or, c'est quoi, la paix sociale? Quand on parle d'économie, la paix sociale, c'est la base, c'est la stabilité, c'est ce qui fait que les relations à l'intérieur d'une économie... L'économie, c'est les relations entre les personnes, c'est les relations de commerce. Alors, les relations de commerce doivent se faire dans un climat social intéressant. Actuellement, il y a rupture, il y a dégradation du climat social, et ce n'est pas bon, je pense, moi, pour l'économie. Le plus bel exemple que je peux donner, je dirais, dans la capitale nationale ? et j'ai des députés, ici, qui vivent dans la capitale nationale ? le plus bel exemple qu'on peut donner, c'est, je vous dirais, Mme la Présidente, qu'en très peu de temps on a remplacé les touristes par les manifestants.

Une voix: ...

Mme Maltais: Ça vous fait peut-être rire, M. le député, moi, ça ne me fait pas rire, parce que les commerces, les restaurants, tout ça, ils sont dans mon comté. Et, Mme la Présidente, je tiens à le dire, le député qui actuellement... que ça fait sourire, moi, ça ne fait pas sourire les commerçants de mon comté, ça ne fait pas sourire les restaurateurs de mon comté, ça ne fait pas sourire les hôteliers de mon comté. Ils ont besoin d'une impulsion, ils n'ont pas besoin d'une pourriture du climat social. C'est ça que je veux dire, Mme la Présidente.

La solidarité québécoise est quelque chose d'important. Tous les grands changements que nous avons faits dans le passé ont été faits à partir de concertation. Bien sûr, la consultation, la concertation, ce n'est pas facile, ce n'est pas évident. Ça veut dire qu'on s'assoit avec les gens, qu'on discute, qu'on échange, qu'on confronte les idées, ça veut dire qu'on trouve des solutions communes. Ça demande du temps, mais c'est porteur. Il est mieux, toujours mieux, il est toujours beaucoup plus intéressant, quel que soit le problème que vous abordez, quel que soit le problème que vous abordez, de prendre le temps de comprendre la situation, de comprendre les intérêts divergents, d'essayer de trouver un consensus et, ensuite, ensuite, d'appliquer une solution. Ce que fait le gouvernement libéral actuellement dans la gestion autocratique qu'il a décidé d'appliquer au Québec à une échelle nationale, c'est d'oublier le modèle de concertation du Sommet du Québec et de la jeunesse, du Sommet sur l'économie et l'emploi, modèles qui ont été porteurs, qui nous ont permis d'en finir avec le déficit annuel qu'avait le gouvernement. Ça a permis d'en finir et ça a permis d'avancer. Ça a permis d'atteindre des sommets au niveau de la création de l'emploi: 118 000 ou 128 000 emplois nets en 2002. Ça ne s'était jamais vu. Ça s'est fait comment? Ça s'est fait avec les gens, à partir du Sommet sur l'économie et l'emploi. Alors, on a abandonné ce modèle de gestion.

Mme la Présidente, il y a pour moi... Je vais vous proposer une image. On sait que les gens, je leur propose souvent des images, c'est parce que ça permet de fixer la pensée, ça permet de mieux l'exprimer. Si le Québec est sur la voie ? on dit souvent «la voie de», la voie de l'économie, la voie de... ? si le Québec est sur la voie... Prenons un train, il y a deux rails sur cette voie. Les deux rails qui permettent au Québec de progresser s'appellent prospérité, bien sûr, c'est important, mais solidarité. Et ce Québec s'est avancé pendant des années sur cette voie: prospérité, solidarité. Mais qu'est-ce qui se passe si on écarte un rail d'un train sur une voie? On déraille. Mais c'est ce qui est en train de se passer. On pense que prospérité seule peut suffire à porter le poids d'une nation. Non, Mme la Présidente, le poids seul de la prospérité, ça ne va pas. Ça prend, dans ce modèle québécois, qui est à aménager, qui est à changer, mais ça prend la solidarité. Et, si on perd un des deux axes, on déraille. Et, actuellement, qu'est-ce qui se passe, Mme la Présidente? On déraille. Prospérité, oui, mais solidarité, comme deux voies ancrées.

n(20 h 20)n

C'est comme ça qu'on fonctionnait au Québec, pas depuis le Parti québécois, depuis les années soixante, depuis la Révolution tranquille. Ce modèle-là était incarné. Le modèle de la solidarité québécoise est fondamental dans cette société. Le gouvernement libéral n'a pas le mandat de briser ce modèle, le gouvernement libéral n'a pas le mandat d'oublier la solidarité. On peut le décliner, cela, à tous points de vue, on peut le décliner de toutes sortes de manières. Dans cette loi, dans la loi n° 31, il y a un oubli fondamental de la solidarité, et c'est la solidarité envers les petits travailleurs, c'est la solidarité envers les petites travailleuses, c'est la solidarité envers les personnes qui ont les plus bas salaires dans les entreprises et qui risquent d'être affectées par ce projet de loi.

Vous avez tous lu, je pense, et toutes lu, bien sûr, en parlementaires avisés que vous êtes, qui suivent les médias, qui suivent les faits politiques, l'article de Franco Nuovo qui nous parle des gens qui travaillent au salaire minimum. C'est important, ce qui s'est dit là. Mais, moi, j'ai reçu des lettres d'une travailleuse dans un centre hospitalier, qui travaille dans une cafétéria, qui travaille à un salaire, quelque chose comme 14 $ de l'heure. Est-ce que l'objectif sociétal que nous devons avoir est de la baisser à 8 $ de l'heure et de la baisser à 9 $ de l'heure? Ça, ce n'est pas un objectif de société, c'est un objectif de petite économie, c'est un objectif radin. Or, nous ne sommes pas là pour cela. Comme parlementaires, nous devons viser le mieux-être de chaque individu dans cette société, et cela ne se fera que d'une seule manière: prospérité, oui, solidarité. Ne pas oublier la solidarité, c'est fondamental dans la société québécoise. J'y tiens, mais j'y reviens parce que c'est une valeur de base, je pense. On ne peut pas être un élu et ne pas avoir ces deux valeurs ancrées dans le coeur, Mme la Présidente. Et je pense que tout le monde l'a ici.

Alors, chaque fois qu'on pose un geste législatif, chaque fois on doit examiner l'impact sur la vie quotidienne des gens. Les lois codifient nos relations. Ici, ce qu'on vient codifier, ce qu'on vient dire, c'est: On veut bien vous protéger, mais pas trop. Bien, il fallait bien... On était les meilleurs créateurs d'emplois au Canada, ta, ta, ta, mais ce n'est pas assez. On est prêt à briser la solidarité, à perdre cet objectif extraordinaire de la croissance du potentiel de chaque individu, de la qualité de vie, la qualité de vie la meilleure possible pour chaque individu au prix, je dirais, d'un pseudo-accroissement de l'économie. C'est intenable et c'est impensable.

Je tiens à dire aussi que le but de la loi n° 31, d'après le gouvernement libéral, est d'amener de la souplesse dans les relations de travail. Il y a déjà beaucoup de souplesse dans les relations de travail au Québec malgré ce qu'on en dit. Il y a toujours matière à améliorer, avec le monde, pas dans une gestion autocratique, avec le monde, il y a toujours matière à amélioration. Mais qu'est-ce qui va se passer? Je jasais avec des personnes qui disaient: Écoutez, si on n'est plus protégé par la loi, par le Code du travail quand on négocie nos conventions collectives, qu'est-ce qu'on va faire? Mais on va durcir les termes. Ce qu'on nous annonce... Déjà, le Québec est dans la rue, Mme la Présidente, et c'est dommage, mais ce qu'on nous annonce, c'est que, quand il va y avoir négociation de conventions collectives, les gens vont se dire: Oui, mais là je ne suis plus protégé. L'article 45 a été modifié, la sous-traitance est plus facile. Alors, les négociations vont être plus difficiles. Les conventions collectives, les gens vont essayer, à travers leurs conventions collectives, de retrouver des protections qu'ils et qu'elles ont perdues.

Alors, on s'annonce quoi? On s'annonce des choses encore... On va perdre la souplesse à long terme. Je pense qu'il faut le dire, ça n'a pas encore été souvent énoncé dans cette Chambre au sujet de ce projet de loi là, mais il annonce une rigidité supplémentaire dans le mécanisme de négociation des conventions collectives, il annonce des affrontements majeurs quand il va y avoir renouvellement. Et je trouve ça, là, dommage, dommage pas juste pour les travailleurs et travailleuses, dommage pour les patrons aussi, parce que la paix sociale au départ, parce que la confiance mutuelle, parce qu'un État qui pose des règles du jeu qui nous permettent de travailler en confiance est plus important pour moi que l'appauvrissement des personnes. Je pense que nous allons malheureusement appauvrir les petits travailleurs, les petites travailleuses, non pas bien sûr ni en grandeur, ni en âge, ni en force, mais bien ceux qui ont les plus bas salaires. Je trouve cela extrêmement dommageable. Je pense que c'est un projet de loi qui va contre l'intérêt économique et social du Québec, je pense que c'est un projet de loi qui heurte les valeurs québécoises, valeurs que nous avons cultivées ensemble depuis la Révolution tranquille.

Nous ne sommes pas contre la sous-traitance. J'écoutais le chef de l'opposition qui a fait son allocution cet après-midi. Il disait que déjà, par exemple, le gouvernement du Québec sous-traite pour 1 milliard de dollars. Déjà, le gouvernement du Québec sous-traite pour 1 milliard de dollars. C'est déjà beaucoup. Il y a donc déjà... La mécanique est déjà là. La mécanique est déjà installée. On l'a rénovée, cette mécanique, il y a à peine deux ans. Alors, pourquoi tout à coup cet empressement?

Si, à tout le moins, il n'y avait que ce projet de loi et qu'on prenait le temps de l'examiner comme il faut, mais regardez ce qui est en train de se passer. On est en train, dans toutes sortes de projets de loi... Le projet de loi, je le répète, sur les défusions, où on démantèle les nouvelles villes actuellement, on est train de préparer, de paver la voie au démantèlement. On prépare aussi des hausses dans les centres de la petite enfance, dans les garderies, trois hausses dans la même année, on augmente dans les garderies scolaires. On veut aussi décentraliser en oubliant la société civile, un recul historique, historique, on va reculer de 30 ans pour la place des femmes au Québec, la place des jeunes au Québec, on a questionné là-dessus le premier ministre aujourd'hui.

Mme la Présidente, s'il n'en était que de la loi n° 31, ce serait déjà quelque chose, ce serait déjà un sérieux problème pour la société québécoise. Mais ce qu'est en train de faire le gouvernement avec ses projets de loi qui affrontent le Québec au grand complet, j'utiliserai les mots d'Alain Dubuc, le rédacteur en chef du Soleil, le président éditeur en chef du Soleil, Alain Dubuc qui disait que le Québec est en période de crise actuellement, il y a rupture. Effectivement, il y a rupture parce qu'il y a confusion, impréparation et imprécision, et je trouve cela extrêmement dommageable pour la société québécoise.

C'est pourquoi vous me verrez, quand il s'agira de voter ce projet de loi, vous me verrez me lever pour, par ce geste, en votant contre, protester contre ce projet de loi, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais un prochain intervenant, M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Oui, Mme la Présidente. En vertu de l'article 213, me permettez-vous d'interpeller la députée de Taschereau par une question, Mme la Présidente, si elle accepte évidemment?

La Vice-Présidente: Alors, Mme la députée de Taschereau, acceptez-vous de répondre à une question du député de Charlesbourg?

Mme Maltais: Mme la Présidente, on m'attend en commission parlementaire, à la commission de l'aménagement du territoire. Je suis désolée de quitter, mais il m'aurait fait plaisir de répondre au député. Je me ferai ce plaisir une autre fois.

La Vice-Présidente: Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Blainville.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir. Nous en sommes évidemment à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. On parle bien sûr du projet de loi qui vient modifier l'application du fameux article 45 du Code du travail sur la sous-traitance.

Ce projet de loi, Mme la Présidente, prévoit que le transfert vers le sous-traitant d'un droit d'exploitation, c'est-à-dire quand une entreprise veut sous-traiter une fonction, sans transfert de la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise, alors donc, quand ça se fait sans transfert de la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise, l'article 45 du Code du travail, qui protège les travailleurs bien évidemment, ne s'applique pas.

Tout ça, évidemment, à première vue, semble bien technique et loin d'être clair, mais, essentiellement, ce que ça fait, c'est que le projet de loi n° 31 ouvre la porte toute grande à la sous-traitance, à la fois pour le gouvernement, à la fois pour les municipalités et, bien évidemment, à la fois pour le secteur privé. Tout ça, effectivement, Mme la Présidente, semble bien technique, bien compliqué, mais ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on est au coeur de la vie des travailleuses et des travailleurs du Québec, je dirais surtout au coeur de la qualité de vie des travailleuses et des travailleurs du Québec. Pourquoi? Bien, essentiellement parce que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui vont payer le prix de cette décision du gouvernement. Ce ne sont pas juste les travailleuses et les travailleurs qui l'affirment, ce n'est pas seulement notre parti qui l'affirme, c'est également, et je dirais même surtout le Conseil du patronat du Québec.

n(20 h 30)n

Et je vous cite un article du Soleil du 26 novembre dernier, le titre: Le Conseil du patronat du Québec reconnaît que la sous-traitance pourrait abaisser les bénéfices des travailleurs. Alors, je vous en cite quelques parties: «Le président du Conseil du patronat du Québec, M. Gilles Taillon, n'écarte pas que la levée des entraves à la sous-traitance pourrait se traduire, pour certains travailleurs, par un chèque de paie moins élevé.» Il continue en disant: «Dans certains cas, il peut y avoir une diminution des bénéfices pour les travailleurs.» Et là il continue en disant: «Des gens vont s'étonner de passer d'un salaire de 20 $ l'heure à quelque chose comme 13 $ ou 14 $ l'heure. Il faut comprendre que c'est le prix du marché pour certains titres d'emploi. Pendant des années, des travailleurs ont été placés dans une situation très favorable ? imaginez ? une situation que le marché ne permet plus aujourd'hui.»

La situation très favorable à laquelle le président du Conseil du patronat fait référence, j'imagine que c'est le fait de gagner 20 $ de l'heure, c'est-à-dire à peu près 40 000 $ par année, tandis qu'à 13 $ de l'heure, bien, là, on est à 25 000 $ par année. Alors, on voit un petit peu, là, dans quel contexte on est, on voit la mentalité du Conseil du patronat, qui ressemble beaucoup à la mentalité, vous me permettrez, Mme la Présidente, qui ressemble beaucoup à la mentalité du gouvernement libéral: 40 000 $ par année, c'est trop; 25 000 $ par année, c'est correct, c'est bien assez. Bien, cette mentalité, je pense, pourrait être qualifiée, cette approche, d'antitravailleuses, antitravailleurs.

Le président du Conseil du patronat, il continue, et écoutez bien ceci: il parle du «protectionnisme syndical qui tient davantage d'un souci pour les grandes centrales de protéger leur effectif plutôt que de participer à l'amélioration du niveau de vie de tous les Québécois». C'est épouvantable de dire ça, là, Mme la Présidente! Les travailleurs syndiqués au Québec, on parle de plus de 1 million de travailleurs. Alors, quand on parle de la qualité de vie et du niveau de vie des Québécoises et des Québécois, j'espère qu'on n'exclut pas de ça l'effectif, comme dit le président du Conseil du patronat. L'effectif, là, c'est plus de 1 million d'êtres humains.

Il ne faut donc pas se surprendre, Mme la Présidente, que ce projet de loi n° 31 vienne créer autant de turbulence au Québec. On remet en question des acquis majeurs pour la protection des droits des travailleurs, tellement qu'avec les autres feux que le gouvernement a allumés au cours des dernières semaines ? et je pense ici aux centres de la petite enfance, où les tarifs ont augmenté de 40 %, je pense évidemment aux défusions qui vont venir défaire les nouvelles villes, je pense évidemment aux débats de structures en région, sans consultation, l'exclusion des partenaires socioéconomiques, et je pense évidemment aussi aux baisses d'impôts promises, qui s'évaporent de plus en plus à chaque jour, de même que les augmentations dans le budget de la santé qui s'évaporent, elles aussi, de plus en plus à chaque jour ? eh bien, ce qui fait que le premier ministre, cette semaine, a dû faire un appel au calme. Quand même spécial, là: il n'y a pas encore huit mois après l'élection du gouvernement libéral, et le premier ministre doit faire un appel au calme!

Condamner la violence, Mme la Présidente, le premier ministre a tout à fait raison. Mais le meilleur moyen, le meilleur moyen d'éviter la violence, c'est de ne pas, justement, provoquer la frustration dans l'ensemble de la population, le meilleur moyen, c'est encore d'écouter la population, d'ouvrir les portes du Parlement, comme le disait ma collègue députée de Taschereau, et, dans le cas du projet de loi n° 31, évidemment, dans ce cas-ci, d'écouter les travailleuses et les travailleurs et les syndicats qui les représentent, les écouter sur quelque chose d'aussi fondamental au Québec que l'article 45, les écouter et les respecter. Et on le sait, que l'article 45 fait figure de symbole. Alors, le gouvernement, en venant faire des modifications majeures comme il s'apprête à le faire, c'était clair comme de l'eau de roche que ça allait provoquer ce que ça a provoqué.

Présentement, le gouvernement, Mme la Présidente, fonce tout droit dans le mur, un mur de béton, et amène avec lui tout le Québec dans ce mur de béton. Et là il fonce vite, il fonce très vite, il veut adopter ce projet de loi n° 31 d'ici deux semaines, à toute vitesse. Où est l'urgence? Mais où est l'urgence? En plus, où est l'urgence, compte tenu du changement majeur que ça représente? On le sait bien, on peut vouloir faire des choses rapidement à un moment donné, mais, quand on sait qu'en les faisant rapidement, en plus, ça peut créer des problèmes majeurs dans notre société, bien là il faut y aller plus tranquillement. Sans avoir fait d'études d'impact, sans avoir clairement démontré que ce changement pouvait vraiment créer des emplois, sans entendre les principaux concernés et les forcer à s'exprimer dans la rue, Mme la Présidente.

Ce projet de loi aurait pour objet d'augmenter la sous-traitance au Québec et surtout de créer des emplois. Or, il y a déjà 72 % des entreprises au Québec qui ont été créées via la sous-traitance ou qui vivent de la sous-traitance. Ce n'est pas rien, là, 72 %! Et ma collègue, tout à l'heure, parlait de 1 milliard de dollars. Oui, il faut toujours chercher évidemment à améliorer la situation de l'emploi au Québec, mais il faut aussi s'assurer de créer des emplois où les conditions sont bonnes. Si on crée de plus en plus d'emplois mais de moins bons emplois, moins bien rémunérés, ce n'est pas un progrès pour le Québec, à ce moment-là.

Et voici, Mme la Présidente, ce que les experts en disent, du projet de loi n° 31. Me Marie-France Bich, du Barreau du Québec: «Le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus.» Est-ce que c'est ce que le législateur a fait au cours des dernières semaines? Sans précipitation et favoriser un consensus? Je pense que non.

Jean-Claude Bernatchez, professeur en relations industrielles à l'Université du Québec à Trois-Rivières ? mon alma mater, Mme la Présidente ? ça me fait plaisir de le citer: «Nous avons fait ressortir, implicitement du moins, le caractère prématuré ? encore une fois ? d'une action législative qui ne rechercherait pas suffisamment l'ensemble des informations pertinentes sur le sujet de la sous-traitance en contexte québécois.» L'auteur demande qu'un groupe de travail décrive et analyse clairement la nature et les conséquences des diverses formes de sous-traitance sur la productivité des entreprises, sur la qualité des conditions de travail et, évidemment, sur la prospérité du Québec. C'est là qu'on voit toute l'ampleur des impacts que ce changement à l'article 45 peut apporter.

Pierre Marois, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse: «Les modifications au Code du travail proposées par le projet de loi qui est devant nous soulèvent certaines questions quant à leur conformité avec les principes fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne.» Mme la Présidente, ce n'est pas rien, là. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse estime que trois principes de la Charte pourraient avoir été atteints: la liberté fondamentale d'association, droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à l'égalité. On n'est pas dans des petits sujets, là: liberté fondamentale d'association, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à l'égalité. Mais, compte tenu du délai très, très court, trop court délai qui nous a été accordé pour procéder à l'analyse du projet de loi, les commentaires formulés ce soir sont des interrogations et des mises en garde. Alors, même les experts trouvent qu'ils n'ont pas eu suffisamment de temps.

n(20 h 40)n

Et finalement M. Claude Le Corre: «Pourquoi le gouvernement intervient-il maintenant avec le projet de loi n° 31? Il suffit de découvrir qui est l'employeur le plus paralysé par cette interprétation de la sous-traitance. L'entreprise visée par ce carcan est nécessairement un donneur d'ouvrage dont le personnel est syndiqué et qui veut réduire ses coûts ou être plus performant en sous-traitance, ce qui n'est pas essentiel à son entreprise. Or, le grand employeur syndiqué au Québec, bien, c'est le gouvernement.» Alors, les vrais motifs... Ce que semble dire M. Le Corre, c'est que les vrais motifs, bien, c'est, pour le gouvernement, de payer son personnel moins bien.

On parle souvent, Mme la Présidente, de la classe moyenne. Encore aujourd'hui, le premier ministre en parle. Bien, la classe moyenne, Mme la Présidente, là, elle ne gagne pas 100 000 $ et plus. 50 % des familles au Québec ont un revenu familial de 50 000 $ et moins, revenu familial de 50 000 $ et moins. Il faut donc tout faire pour aider les travailleuses et les travailleurs au Québec à gagner leur vie, évidemment, mais à gagner leur vie le mieux possible. De nos jours, 50 000 $ pour un revenu familial, donc les deux parents, bien, on ne roule pas sur l'or. C'est 50 % de la population qui gagne, en revenu familial, 50 000 $ et moins. Toute mesure qui vient potentiellement diminuer les revenus des travailleurs, bien, ça va être désastreux pour l'équité, et la justice sociale, et pour le développement économique également. On parle de développement économique, bien, les relations de travail, c'est crucial pour le développement économique, l'harmonie entre le patronat et les syndicats aussi, bien évidemment. Et la paix sociale, bien, c'est vital pour le développement de tout le Québec, et les équilibres sont toujours fragiles. Or, si le projet de loi n° 31 est adopté tel quel, bien, les relations de travail au Québec vont se détériorer. On le voit, c'est déjà commencé.

D'ailleurs intéressant de noter que les plus durs, les plus longs conflits de travail sont souvent des conflits reliés justement à cette problématique de la sous-traitance. Un sac à chicanes, écrivait André Pratte, de La Presse du 24 novembre, et il ajoutait: «L'approche du gouvernement dans ce dossier est précipitée et maladroite.»

C'est très dangereux, Mme la Présidente, car ce sont les plus petits salariés qui seront les plus touchés; qu'on parle des secteurs, par exemple, comme la buanderie, l'entretien ménager, le gardiennage, les cafétérias. En majorité, souvent, des jeunes qui sont impliqués dans ces emplois, souvent des femmes et souvent des gens des communautés culturelles. Avec le nouveau projet de loi, il sera même possible d'utiliser la sous-traitance de façon détournée pour se soustraire à la Loi sur l'équité salariale. Et, quand on ajoute à tout cela le projet de loi n° 30 sur la fusion des accréditations syndicales dans le réseau de la santé, bien, il est clair que le gouvernement, on le disait tout à l'heure, cherche à économiser sur le dos des plus petits salariés. D'autres titres de journaux, rapidement, Mme la Présidente, pour donner encore une fois une idée de l'ampleur des dégâts. Bien, écoutez: Les travailleurs québécois seront les moins protégés au pays, nous dit la CSN: «Le Québec risque de devenir la province la plus permissive en matière de sous-traitance, alors que le gouvernement Charest dit vouloir mettre le Québec au diapason des autres provinces canadiennes avec le projet de loi n° 31. La centrale syndicale estime que les travailleurs québécois disposeront de la plus faible protection juridique de tout le Canada. Le Barreau invite Québec à se donner du temps: «Le Barreau du Québec presse le gouvernement Charest de prendre le temps nécessaire pour retravailler le projet de loi n° 31 amendant le Code du travail de manière à favoriser le recours à la sous-traitance. Le Barreau est d'avis que ce projet de loi, s'il est adopté tel quel, sera de nature à faire naître une multitude de contestations et ouvrira la porte à de nombreux litiges inutiles.»

La prudence est de mise, et je cite Christian Guénette, directeur des ressources humaines du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières: «Avant de parler de sous-traitance permanente, on devra y aller avec prudence. On parle de gens, on parle d'employés qui ont des droits, qui ont la sécurité d'emploi.» Et ça continue, Mme la Présidente, «le projet de loi n° 31 pourrait contrevenir à la Charte des droits ? on en a parlé tout à l'heure: pas d'étude avant le dépôt de la loi». Alors, on se demande un petit peu pourquoi le gouvernement se sent obligé d'aller aussi rapidement sans avoir fait des véritables études d'impact. Bar ouvert sur le «cheap labor». C'est encourageant! Un autre titre ici: Révolte syndicale, satisfaction patronale. Ça donne une idée, là, du climat. Et est-ce que c'est cela que l'on veut au Québec, révolte syndicale, satisfaction patronale? Et finalement: Les économies se feront aux dépens des travailleurs.

Il y a un autre élément majeur, Mme la Présidente, dans le projet de loi n° 31 qui fait en sorte que, lorsque l'article 45 s'applique, bien, justement, maintenant il fait suivre uniquement l'accréditation syndicale chez le nouvel employeur, mais pas la convention collective. Alors donc, à ce moment-là, les travailleurs perdent les garanties au niveau de leurs conditions d'emploi. Il sera maintenant possible que des employés soient transférés, avec d'importantes pertes de salaire, à un sous-traitant et que ces salariés perdent leurs conditions de travail et leur accréditation syndicale. Si jamais l'article 45 s'applique, bien, les employés perdent leur convention collective et se voient dans l'obligation à ce moment-là de renégocier, plus souvent qu'autrement à la baisse, leurs conditions de travail.

Alors, en conclusion, Mme la Présidente, je pense qu'on peut dire clairement que ce n'est pas ça que la population voulait le 14 avril dernier. Bien sûr, bien sûr, on l'a entendu de la part du gouvernement, c'était dans le programme électoral du Parti libéral, mais, au-delà, au-delà de tout engagement électoral, ça va de soi, Mme la Présidente, que la population, ce qu'elle souhaite d'abord et avant tout, c'est la paix sociale. Et si un engagement électoral vient tout défaire, bien, c'est la sagesse populaire qui va être la première à dire: Refaites vos devoirs, ça ne marche pas, oubliez votre engagement électoral. D'ailleurs, au cours des dernières semaines, on voit que le nouveau gouvernement commence à en oublier pas mal, d'engagements électoraux, mais là d'en oublier un qui ferait du bien, bien, ça ferait du bien.

Rien n'a démontré jusqu'à maintenant que le Québec pouvait gagner beaucoup par ce projet de loi n° 31. Mais, par ailleurs, il est clair que, comme société, nous avons beaucoup à perdre, perdre cette belle solidarité sociale qui caractérise le Québec. C'est pour cela, Mme la Présidente, que je vais voter contre le projet de loi n° 31. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, Mme la Présidente. Je veux pouvoir à mon tour intervenir à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 31, ce fameux projet qui vise à modifier l'article 45 du Code du travail.

Je voudrais d'abord aborder la question de fond quant à l'impact de ces changements sur l'organisation de nos relations de travail et, par la suite, aborder le processus ou la façon de faire du gouvernement pour arriver au résultat souhaité. Souhaitable, ça, c'est une autre chose, et je vais en parler, Mme la Présidente.

Alors, de quoi s'agit-il exactement? On en a parlé déjà longuement ici, il s'agit de l'article 45 du Code du travail. Qu'est-ce que fait cet article? Cet article, essentiellement, il vient encadrer la vente, l'aliénation ou la concession totale ou partielle d'une entreprise ou de ses activités, et nous parlons ici donc de sous-traitance. Une entreprise, une association, une institution, un gouvernement qui décide de ne plus conserver dans ses activités régulières une tâche ou l'autre, qu'il s'agisse de tâches reliées, par exemple pour un hôpital, à la buanderie, à la cafétéria; pour une école, ça peut être la même chose; ou, pour une entreprise, cela peut être la fabrication de composantes d'un avion, par exemple, si on parle du domaine de l'aéronautique. Donc, de sous-traitance.

n(20 h 50)n

La question première à se poser, et elle est d'une grande simplicité, Mme la Présidente, et à laquelle question le gouvernement doit répondre, et le ministre responsable: Pourquoi vouloir modifier l'article 45? Et, de fait, et je crois que c'est la simple logique, hein, quand on veut changer une façon de faire qui semblait aller assez bien finalement, fonctionner relativement bien, je crois qu'il faut avoir de très bonnes raisons. Donc, pourquoi le ministre, son gouvernement, nous propose-t-il de modifier l'article 45 du Code du travail qui vient encadrer la sous-traitance? Ah! à cela, le ministre a une réponse, elle est intéressante, il nous dit: Je veux rendre les entreprises québécoises plus concurrentielles. Intéressant, Mme la Présidente. Évidemment, s'il fait une telle affirmation, j'imagine qu'il a tous les éléments pour prouver que sa cause est juste. Il a procédé à des études d'impact, il a fait des comparaisons avec les autres pays, avec les autres États autour de nous, avec les autres provinces, il s'est posé la question, j'en suis persuadée: Est-ce que la sous-traitance est possible au Québec? Dans quel contexte? Dans quelle mesure?

Et, Mme la Présidente, j'ai regardé un peu ce qui s'était écrit, ce qui s'était dit à ce sujet, et je vais me permettre de citer un éditorial écrit par Mme Breton, dans Le Soleil, le 15 novembre dernier, et elle faisait justement référence à une étude, une étude qui a été produite par un professeur qui vient d'une institution particulièrement reconnue dans le milieu économique, et c'est quelqu'un qui vient des HEC, des Hautes Études commerciales, et qui dit... Et Mme Breton dit ceci, en citant l'étude de M. Halley: «Il faut cesser de faire croire aux gens que la sous-traitance est impossible au Québec. Environ 71 % des entreprises québécoises doivent leur création ou leur survie à la sous-traitance, a conclu, en 2000, Alain Halley, professeur à HEC. Toujours selon Halley ? c'est intéressant, Mme la Présidente ? 39,3 % du chiffre d'affaires des petites et moyennes entreprises d'ici vient de la sous-traitance ? hein, près de 40 % ? alors que la proportion est de 33,2 % et moins en Ontario et dans les provinces de l'Ouest.» Et ce que nous dit le ministre, c'est qu'il veut nous mettre à niveau par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces canadiennes. Comment se fait-il que nous sommes capables et que nous faisons davantage de sous-traitance au Québec qu'il ne s'en fait dans les autres provinces canadiennes, et particulièrement en Ontario, qui est la province avec laquelle nous nous comparons souvent? Comment se fait-il donc qu'on veut changer l'article 45 pour que nos entreprises soient plus concurrentielles, sous prétexte qu'il est plus difficile au Québec de faire de la sous-traitance?

Mme la Présidente, vous vous en souviendrez sûrement, lorsque ma formation politique était au gouvernement, lorsque nous formions le gouvernement, l'opposition libérale d'alors réclamait ? et cela, je peux vous l'assurer ? à cor et à cri réclamait, à chaque fois qu'on apportait une modification à une loi, que ce soit celles du Code du travail, que ce soit la Loi sur les normes minimales de travail, que ce soit une loi encadrant nos institutions: Ah! Il fallait avoir des études d'impact, il fallait avoir des analyses. Cette même formation politique se retrouve maintenant au pouvoir. Alors, ce ne serait plus nécessaire? Ils n'auraient pas besoin de procéder à ces mêmes études d'impact? Celles auxquelles nous faisons référence, Mme la Présidente, vont essentiellement dans le sens contraire des affirmations que fait le ministre du Travail au nom de son gouvernement.

Alors donc, je repose la question: Pourquoi voulons-nous changer l'article 45? Je reprends la réponse du ministre: Pour rendre nos entreprises plus concurrentielles. Qu'est-ce que ça veut dire, «rendre nos entreprises plus concurrentielles»? Une réponse d'une grande simplicité, Mme la Présidente: produire à coûts comparables ou à moindres coûts, c'est à cela que fait référence le ministre. Qu'est-ce qui, dans la sous-traitance, va permettre de baisser les coûts? Est-ce qu'on parle de la réduction des coûts des matières premières, Mme la Présidente? Ce serait assez étonnant, hein, que la sous-traitance permette tout d'un coup qu'on puisse acheter des matériaux, du bois, qu'on puisse acheter des produits alimentaires, lorsqu'il s'agit de services d'alimentation, à moindres coûts parce qu'on commence à faire de la sous-traitance. À quoi fait-on référence? Essentiellement, nous allons en convenir, à la réduction des salaires et à la réduction des coûts salariaux et donc des avantages sociaux.

Qu'est-ce que ça va donc avoir comme effets concrets que cette modification à l'article 45? Cela va avoir comme effet de réduire les salaires des travailleurs et des travailleuses. Et, souvent ? et mes collègues en ont largement parlé ce soir ? souvent, il s'agit de tâches plus modestes, moins bien rémunérées. Et donc, ce sont ces mêmes petits salariés, ces salariés à petits revenus qui vont être touchés, Mme la Présidente, par cette modification au Code du travail. D'ailleurs, ça apparaît tellement à l'évidence que les premiers et les premières à s'être opposés à cette modification ont été les représentantes et les représentants des travailleurs et des travailleuses. Parce que, effectivement, il y a un risque réel, un risque convenu, parce que les intervenants l'on admis devant la commission parlementaire, Mme la Présidente, ce sont les conditions de travail qui vont se détériorer, ce sont les travailleurs et les travailleuses qui vont s'appauvrir, Mme la Présidente. Et à ce sujet, si eux-mêmes l'ont dit à la commission parlementaire, convenons ensemble qu'à peu près tous les analystes et commentateurs sont unanimes sur cette question. Je vous dirais qu'il n'y a même pas d'exception. Même ceux et celles qui sont d'accord, le Conseil du patronat, entre autres, qui applaudit à tout rompre à ce changement, nous dit: Oui, effectivement les salaires vont baisser.

Et je reviens, Mme la Présidente, à Mme Breton, sur cette question dans Le Soleil, toujours, du 15 novembre dernier, qui nous disait ceci: «Bien sûr, on fait miroiter la création d'emplois. Oui, il y en aura un peu plus, mais des emplois probablement moins bien rémunérés. Un professeur de l'Université Laval a évalué en 2001 que les salaires des emplois créés seraient inférieurs de 4 %. Les petits entrepreneurs d'ici sortiront gagnants? Ce n'est pas sûr. Dans les secteurs public et municipal des autres provinces, ce sont de grandes entreprises, souvent étrangères, comme l'américaine Aramark, qui ont envahi la place et réduit les conditions de travail.» Qui, Mme la Présidente, va sortir gagnant de cela?

Je continue par rapport aux commentaires qui ont été faits chez les intervenants ou les commentateurs. Dans Le Journal de Québec, Michel C. Auger estime que «le gouvernement Charest n'a aucunement fait la preuve qu'il est nécessaire et même utile de modifier l'article 45, pas plus qu'il n'a même tenté de démontrer que ces modifications permettront autre chose qu'un appauvrissement pur et simple de certaines catégories de travailleurs».

Dans Le Devoir, Michel Venne pense plutôt que «si les syndicats s'opposent tant à la sous-traitance sauvage que permettra la modification de l'article 45 du Code du travail, ce n'est pas par corporatisme, c'est parce que cette ouverture va accroître l'insécurité des petits travailleurs, qui risquent d'aller grossir les rangs de ceux ? déjà le tiers des employés au Québec, c'est trop, Mme la Présidente, donc ? grossir les rangs de ceux qui ont un emploi atypique au statut précaire et vulnérable».

n(21 heures)n

Et ajoutez à cela une dernière remarque, tirée d'un des mémoires présentés à la commission parlementaire, par la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec: «En premier lieu, le gouvernement devrait faire une étude sérieuse, rigoureuse sur les conséquences sociales et économiques que son projet de loi provoquera. Un gouvernement responsable ne peut de façon aussi cavalière changer un aspect aussi fondamental de nos relations de travail sans s'assurer au préalable des conséquences que son geste entraînera.»

Donc, Mme la Présidente, je repose la question: Pourquoi, pour qui propose-t-on ce changement? Qui va sortir gagnant de ce changement, Mme la Présidente?

Je cite la conclusion de Mme Breton: «M. Després doit vite nous dire avec qui il veut que le Québec soit concurrentiel...»

La Vice-Présidente: Madame, je veux tout simplement vous rappeler une règle. Ici, on ne peut pas identifier un collègue autrement que par son comté.

Mme Marois: Je n'ai aucun problème, Mme la Présidente. «M. le ministre du Travail doit vite nous dire avec qui il veut que le Québec soit concurrentiel et quels avantages les Québécois peuvent en espérer. Le Québec gagnerait plus en misant sur la formation et l'innovation.» D'ailleurs, c'est assez désolant, il fait plutôt le contraire en matière de formation, puisque, de fait, il ne demande plus aux entreprises qui ont une masse salariale en deçà de 1 million de dollars de participer au fonds de formation de la main-d'oeuvre. Je trouve qu'en termes de contradiction cela illustre assez bien l'attitude actuelle du gouvernement. Donc, Mme la Présidente, pas d'étude d'impact. Qui va profiter du projet qui est actuellement devant nous?

Si je passe maintenant à une autre conséquence... parce que, d'abord, la première conséquence, cela risque d'être l'appauvrissement des travailleurs et des travailleuses, et en particulier ceux et celles qui sont à petits revenus. Mais il y a une autre conséquence au projet de loi, Mme la Présidente, et qui est peut-être encore plus pernicieux, et il s'agit, ici, du climat de travail, climat de travail qui risque de se détériorer, et malheureusement, je crois, de façon significative.

En effet... Et je reviens encore une fois, parce que cela dit tellement bien, illustre tellement bien mes propos, je reviens à Mme Breton qui disait ceci: «Bien sûr, tout cela vise à rendre le Québec concurrentiel, à le mettre au diapason des autres provinces. Heureusement, M. le ministre précise que son projet ne s'inscrit pas dans un contexte de confrontation. Mais où donc le ministre du Travail a-t-il passé les dernières années? L'année 2002 a enregistré le plus grand nombre de jours de travail perdus à cause de grèves ou de lock-outs depuis les 10 dernières années. Et les plus longs conflits portaient sur quoi? La sous-traitance.» Et là on va aller plus loin pour déréglementer la sous-traitance, et puis ça ne perturberait pas le climat de travail, Mme la Présidente.

En fait, le projet de loi n° 31, il est divisif. Il risque non seulement de détériorer le climat de travail, mais je crois qu'il risque d'antagoniser les parties. Est-ce que ça va améliorer la situation concurrentielle des entreprises si plus de jours se perdent en grèves, en contestations, Mme la Présidente? Je ne suis pas certaine de ça.

Et, envisageons-le maintenant, ce même projet de loi, sous un autre angle. Qui appuie le projet de loi? Qui s'y oppose? Et, moi, Mme la Présidente, ça m'inquiète toujours quand un projet divise, comme il le fait, les patrons d'un côté, les employeurs d'un côté, les travailleurs et les travailleuses, leurs représentants de l'autre. D'ailleurs, un titre était particulièrement significatif à cet égard, le 14 novembre dernier: Révolte syndicale, satisfaction patronale.

Alors, Mme la Présidente, je crois, et vous le savez bien, et aussi bien que moi, que l'histoire de nos relations de travail, qui n'a pas été toujours très belle au Québec ? il y a eu, en effet, des moments difficiles ? mais qui, au fil des ans, à force de débats, d'échanges, de négociations, oui, bien sûr, de compromis a évolué à ce point que nous pouvons affirmer aujourd'hui que nous connaissons sur ce front une paix sociale exemplaire. Ce n'est pas exempt de conflits, Mme la Présidente, bien sûr, mais je crois qu'on peut se souvenir de ces grèves dures, sauvages de Louiseville, en passant par Asbestos, par United Aircraft, et la dernière, qui n'a pas été facile même si elle a été plus civilisée que d'autres grèves, mais elle n'a pas été facile ? elle était d'ailleurs encadrée par le Code canadien du travail, qui ne comporte pas les mêmes mesures de protection que le Code du travail du Québec ? et c'était la grève de Vidéotron, justement dans un cas de sous-traitance, Mme la Présidente.

Alors, aujourd'hui, qu'est-ce qu'on constate? Tous les avantages pour les uns ? c'est ce que semble dire le patronat ? et rien pour les autres. Au contraire, des reculs et des risques réels de voir son salaire, ses avantages sociaux réduits. Moi, Mme la Présidente, ça m'inquiète. Ça m'inquiète toujours quand un projet fait des gagnants d'un côté et des perdants de l'autre, Mme la Présidente, alors que cela va à l'encontre de toute la nouvelle philosophie qui s'est développée dans le domaine des relations de travail, et, vous le savez très bien, il faut que nous arrivions à une situation de gagnant-gagnant. Ça veut dire que chacun y trouve son compte, chacun fait un compromis, négocie, discute, mais, en bout de piste, chacun croit que ses droits ont été respectés et qu'il y a un certain avantage à l'entente conclue.

Dans le cas présent, Mme la Présidente, tout ce que j'entends, c'est que, d'un côté, on est en profond désaccord avec le projet de loi qui est sur la table, qui est devant nous, et, de l'autre côté, cela plaît, on est satisfait, Mme la Présidente. Si nous retrouvons devant un climat de travail détérioré, est-ce que ça va améliorer la concurrence, les aspects concurrentiels de l'entreprise? Est-ce que ça va améliorer la situation concurrentielle de l'entreprise? Moi, je crois qu'au contraire l'ingrédient le plus puissant pour s'assurer qu'une entreprise prospère, puisse offrir des services pour lesquels elle est constituée dans un climat positif, je crois donc que ce climat est au-dessus des gains que l'on peut faire en confrontant les travailleurs et les travailleuses et en leur faisant perdre des droits.

Alors, Mme la Présidente, je suis en profond désaccord avec le projet de loi que nous étudions. Je crois que nous allons sortir perdants, comme société, d'une modification à l'article 45, qui concerne la sous-traitance, et je crois qu'en ce sens nous devrions prendre plus de temps, être respectueux des positions qui nous ont été présentées, les entendre plus en profondeur, en débattre, en discuter et dégager, je le souhaite, un consensus, ce qui n'est pas le cas actuellement, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. La prochaine intervenante, la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Mme la Présidente, nous avons quorum?

La Vice-Présidente: Vous voulez que je vérifie le quorum?

Nous avons quorum, madame.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: ...Mme la Présidente. Alors, nous sommes ici, Mme la Présidente, pour parler du projet de loi n° 31, la Loi modifiant le Code du travail. Je relisais les notes explicatives du projet de loi ? je pense que c'est important de se le rappeler, on dit «l'article 45» dans notre jargon de tous les jours: Ce projet de loi modifie les dispositions du Code du travail relatives à la transmission de droits et d'obligations à l'occasion de concessions partielles d'entreprises.

Il prévoit ainsi qu'il n'y aura plus de telle transmission lorsqu'une concession partielle n'aura pas l'effet de transférer au concessionnaire, en plus de fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise concernée, à moins que la concession ne soit faite dans le but principal de nuire à une association de salariés.

Le projet de loi établit également, sous la même réserve, qu'une convention collective transférée chez le concessionnaire sera réputée expirer lors de la prise d'effet de la concession partielle et qu'un avis de négociation pour la conclusion d'une nouvelle convention collective pourra être donné dans les 30 jours suivants.

Le projet de loi comporte enfin quelques dispositions transitoires et de concordance.

n(21 h 10)n

Alors, c'est de quoi nous parlons, Mme la Présidente, de ce projet de loi n° 31 modifiant le Code du travail. Il y a plusieurs arguments qui ont été apportés au niveau gouvernemental, Mme la Présidente. J'aimerais en citer quelques-uns et vous donner l'opinion de l'opposition officielle par rapport à ces arguments-là qui ont été apportés par le gouvernement.

D'abord, le gouvernement nous dit qu'il met fin à de l'insécurité causée par la réforme du Code du travail de 2001. Le Barreau du Québec rétorque que, à supposer qu'une telle incertitude existe, il est à craindre que l'objectif de sécurité juridique ne puisse être atteint si le projet de loi n° 31 est adopté tel quel.

On peut dire aussi, comme contre-argument, que pratiquement tous les intervenants en commission parlementaire ont averti le gouvernement que le libellé de son projet de loi n'est pas clair et qu'il engendrera plusieurs contestations judiciaires. Il a été dit aussi par le gouvernement, Mme la Présidente, que le gouvernement ajoute une solide clause de protection des travailleurs en cas de manoeuvres déloyales de l'employeur. Rien de plus faux, Mme la Présidente! Il sera maintenant plus difficile pour les travailleurs en cas de manoeuvres déloyales... D'abord, le gouvernement a aboli l'avis que devait produire l'employeur en cas de sous-traitance, et les travailleurs peuvent donc apprendre, le lundi matin, qu'ils ont été «shippés» en sous-traitance. Ils ont alors 30 jours pour prouver à la Commission des relations de travail que la concession a été faite dans le but principal d'entraver la formation d'une association de salariés ou de porter atteinte au maintien de l'intégralité d'une association de salariés accréditée. Si l'entrave n'est qu'un sous-produit de la sous-traitance, alors les travailleurs n'ont aucun recours. Et le ministre parle d'une mesure musclée. Quelle mesure musclée, Mme la Présidente!

On parle aussi... Le gouvernement parle aussi de... Le projet de loi n° 31 mettra les lois du travail du Québec au diapason avec les autres juridictions au Canada. Il est vrai que les lois du travail du Québec, Mme la Présidente, sont différentes de celles du reste du Canada, mais il est faux de dire qu'elles protègent davantage les travailleurs. Il existe des dispositions ailleurs, au Canada, beaucoup plus contraignantes pour les entreprises. Actuellement, au Québec, l'article 45 s'applique dans le cas de vente, d'aliénation ou de concession totale ou partielle d'une entreprise. Dans les autres provinces, et selon le Code canadien du travail, on applique l'équivalent de l'article 45 lors d'une vente d'entreprise. Cependant, le terme «vente» est interprété de manière large et libérale, si bien qu'il englobe les cas de location ou de transfert total ou partiel d'une entreprise. Au Manitoba, la fusion d'entreprises entraîne l'application de l'équivalent de l'article 45.

Le gouvernement aussi, Mme la Présidente, nous indique que le projet de loi n° 31 corrige une lacune du droit québécois mise en évidence par un glissement de la jurisprudence. La jurisprudence n'a pas glissé, Mme la Présidente, c'est les valeurs libérales qui ont glissé. Le gouvernement libéral de Jean Lesage a introduit l'article 45 ? il faut se souvenir de ça ? pour protéger les travailleurs en cas de cession totale ou partielle d'entreprise, incluant la sous-traitance. C'est ce que renie le gouvernement actuel. Le ministre du Travail affirme qu'à l'époque il n'était pas question de couvrir la sous-traitance. Or, lorsque le gouvernement Lesage a répondu aux inquiétudes de l'Association des manufacturiers canadiens, le bras droit du premier ministre, Me Louis-Philippe Pigeon, a clairement fait allusion à la sous-traitance en affirmant: «Prenons un cas: l'employeur a un personnel chargé ? je cite toujours M. Pigeon ? de servir les repas à ses employés. Par motif d'économie, il veut avoir recours à un traiteur. Est-il juste qu'il puisse tout simplement congédier son personnel sans se préoccuper du fait qu'il peut s'agir de vieux employés qui perdent leur ancienneté, leurs avantages sociaux, et qui sont susceptibles d'éprouver les plus grandes difficultés à trouver un autre emploi? Je ne crois pas», comme dit Me Pigeon.

Alors, Mme la Présidente, ce sont des éléments que le gouvernement a apportés et qu'il y a beaucoup de réponses qui sont complètement différentes du gouvernement. Alors, des questions possibles, Mme la Présidente. Qu'est-ce qui presse tant le gouvernement pour qu'il veuille à tout prix passer de force ce projet de loi avant les Fêtes? Qu'est-ce qui presse tant, depuis les deux dernières semaines, à passer le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 31 du Code du travail? Un projet de loi majeur, Mme la Présidente, qui a des impacts majeurs, et qui aussi touche le climat de travail dans l'ensemble des entreprises qui ont des accréditations syndicales dans l'ensemble du Québec.

Pourquoi le ministre du Travail n'a pas pris le temps de s'asseoir avec les principaux intéressés pour tenter de s'entendre d'abord? Pourquoi le ministre du Travail nous amène ce projet de loi à la dernière minute pour nous dire que ça va passer avant les Fêtes. Il reste deux semaines avant les Fêtes, Mme la Présidente, il reste deux semaines avant qu'on soit dans les tourtières, qu'on soit dans les activités de Noël, il reste deux semaines, et là on veut nous faire, avant la tourtière, on veut nous faire rentrer l'article 45... la modification aux lois du Code du travail par l'article 45. Alors, Mme la Présidente, c'est insensé qu'on puisse se retrouver avec un projet de loi semblable sans qu'il y ait des plus grandes consultations, sans qu'on ait pris le temps de vraiment s'asseoir pour aller davantage questionner le ministre et avoir vraiment un vrai débat public par rapport à ce projet de loi là.

Il y a plusieurs articles, Mme la Présidente, qui ont été soulevés depuis quelque temps sur ce projet de loi là, je vais vous en citer quelques-uns, et qui sont fort pertinents dans l'exercice que nous faisons présentement. Celui du Devoir, par Michel Venne, qui titre, le 24 novembre dernier, Ce gouvernement veut nous briser. Il dit: «Chaque citoyen assis devant son téléviseur a parfois peine à reconnaître les liens entre les différentes décisions gouvernementales. Le gouvernement actuel, le gouvernement libéral de Jean Charest, agit ? du député de Sherbrooke ? comme s'il voulait justement profiter de cette dispersion qui devient apathie pour monter les groupes les uns contre les autres, diviser pour régner, et au profit de qui? On se le demande encore. Mais on monte les non-syndiqués contre les syndiqués, les non-parents contre les parents, la classe moyenne contre les assistés sociaux, les banlieusards contre les urbains, les anglophones contre les francophones, la société civile contre les élus municipaux, la santé publique contre la médecine curative, les pauvres contre les riches. Ce gouvernement suscite des querelles, même entre les syndicats, et des jalousies entre groupes sociaux. Quel contraste entre deux anciens ministres conservateurs! Lucien Bouchard qui prit les commandes de l'État québécois en 1996 et qui, le temps d'une paix, convoqua à deux sommets les groupes représentant divers intérêts et les amena à adopter avec lui des mesures qui, à la fois, ont permis de mettre de l'ordre dans les finances publiques et d'améliorer les conditions des travailleurs, de donner vie à l'économie sociale, de mettre en chantier une politique familiale, de donner de l'espoir aux jeunes et aux régions, de réconcilier les deux solitudes. Bref ? je continue à citer Michel Venne ? de remettre le Québec en marche même si, au passage, l'application de certaines décisions a causé des frustrations légitimes.»

Parce que, Mme la Présidente, c'est sûr, quand on avance des projets de loi, parfois, c'est normal aussi que, parfois, qu'il y a des gens qui ne sont pas en accord avec les projets de loi, mais pas de la sorte, pas sans les avoir consultés, pas avant d'avoir fait des débats importants, des débats publics importants, mais des débats qui permettent qu'on puisse évoluer et qu'on puisse aussi apporter des corrections à ce qu'on apporte.

«Puis ? nous dit, Michel Venne, que je cite encore ? vint Jean Charest, qui fait tout le contraire, d'abord qui renie ce que Bouchard avait si bien compris comme étant l'une des grandes forces du Québec moderne, la concertation entre les différents secteurs de la société.»

C'est pour ça que l'opposition officielle, Mme la Présidente, parle qu'on en train de troubler la paix sociale au Québec. C'est pour ça, Mme la Présidente, qu'on parle du climat actuel, qu'on est en train de frustrer tout le monde au Québec par les politiques du gouvernement libéral en face de nous. Et je continue à citer: «Au lieu de faire travailler ensemble, sans nier leurs divergences et leurs conflits, patrons, leaders syndicaux, organisateurs communautaires, artistes, étudiants et agriculteurs, Jean Charest a choisi un camp, il a choisi le camp de ceux qui sont déjà les plus puissants; les autres, à ses yeux, défendent des intérêts corporatifs, et, au lieu de les inviter à sa table, les incite à prendre la rue.»

Oui, à prendre la rue, Mme la Présidente, parce que nous avons vu samedi dernier, 20 000 syndiqués de la CSN ont manifesté samedi contre les politiques libérales. 20 000 personnes, Mme la Présidente, qui étaient ici, dehors du Parlement. Ce n'est pas facile de mobiliser des gens durant l'hiver comme ça, au froid, 20 000 qui étaient ici, devant le Parlement. «Bravant le vent ? comme dit La Presse canadienne... par Le Devoir, le 1er décembre dernier ? le froid et la neige, une vingtaine de milliers de syndiqués de la Confédération des syndicats nationaux, CSN, se sont massés samedi devant l'Assemblée nationale pour protester contre les politiques conservatrices, antisyndicales, antisociales, antidémocratiques et anticompassion du gouvernement libéral. "Le député de Sherbrooke, Jean Charest, a promis de défendre la classe moyenne; eh bien, la classe moyenne, elle est ici, dans la rue, pour se défendre elle-même", a lancé la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau.»

n(21 h 20)n

Alors, ce sont des droits, Mme la Présidente, qui sont bafoués, et ce sont ces droits-là que les syndiqués étaient dehors, pour dire et dénoncer ce que le gouvernement fait actuellement avec des projets de loi... Pas juste celui-ci, d'autres. J'entends aussi le projet de loi n° 7, sur les ressources intermédiaires, Mme la Présidente, où on nie le droit à la syndicalisation aux gens des ressources intermédiaires. Le projet de loi n° 8, qui est dans les centres à la petite enfance, mais particulièrement les responsables en services de garde, Mme la Présidente, on leur enlève le droit à la syndicalisation. On regarde le projet de loi n° 30 aussi, que nous sommes en train d'étudier présentement, on commence la première journée pour le projet de loi n° 30, qui est une loi qui concerne les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales, alors actuellement on dit à tous les établissements en santé et services sociaux: Maintenant, vous aurez cinq unités syndicales dans votre établissement. C'est ce qu'on est en train de faire. Alors, c'est sûr que tout le milieu syndical est actuellement pour se lever debout pour dire que ça n'a pas de bon sens, ces projets de loi là, et plein d'autres projets qui ne sont pas nécessairement liés à la syndicalisation, mais qui ont un impact majeur dans l'ensemble du Québec.

On soulève tout le monde, Mme la Présidente. Tout le monde est en désaccord avec l'ensemble des différentes politiques et projets de loi qui sont ici présentés à l'Assemblée nationale, en peu de temps, il faut quand même le dire.

Je cite aussi Le Devoir du 14 novembre: Toutes portes ouvertes vers la sous-traitance. On dit que «le projet de loi n° 30 ne protège l'accréditation syndicale que dans le seul cas où l'entreprise ou la municipalité cède à la sous-traitance». On dit: «en plus de fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée». Donc, en clair, cela signifie que, si une entreprise remet à la sous-traitance une partie de ses activités sans céder son équipement, par exemple, les employés transférés perdent leur accréditation syndicale et leurs conditions de travail, selon les explications d'un fonctionnaire du ministère du Travail. Donc, ce n'est pas juste de perdre leur accréditation syndicale, c'est aussi toutes leurs conditions de travail, Mme la Présidente. Alors, vous imaginez les milliers et les milliers de travailleurs qui seront soumis, avec ce projet de loi là, à une situation beaucoup vulnérable.

Je cite aussi Le Soleil, Mme la Présidente, le 26 novembre dernier, qui est cité: Commission parlementaire sur l'article 45: «Le CPQ, Conseil du patronat du Québec, reconnaît que la sous-traitance pourrait abaisser les bénéfices des travailleurs ? pourrait abaisser les bénéfices des travailleurs.» Donc, ce n'est pas pour ce qui va s'en venir, c'est aussi ce qu'ils vont perdre, ce qu'ils ont déjà acquis qu'ils vont perdre. Alors, le président du Conseil du patronat, selon Gilbert Leduc du Soleil: «Gilles Taillon n'écarte pas que la levée des entraves à la sous-traitance pourrait se traduire, pour certains travailleurs, par un chèque de paie moins élevé.» Vous imaginez, Mme la Présidente, comme ça, en plein milieu d'année, là, que tu peux te retrouver avec un chèque moins élevé pour les prochains mois et les prochaines années. Alors, c'est absolument, Mme la Présidente, inconcevable qu'on puisse faire ce genre de traitement là aux travailleurs du Québec.

Dans Le Devoir même, Michel David estime que... Entres autres, il donnait l'exemple de Bombardier, où le salaire des employés de la cafétéria est passé de 19,25 $ à 7,75 $, 19,25 $ à 7,75 $; vous imaginez, 7,75 $, la différence est presque de 12 $ de différence de l'heure. Alors, c'est un bon exemple des effets de la sous-traitance sur les conditions de travail. Il semblerait qu'il y aurait eu un règlement, là, que ça monterait jusqu'à 10 $, là, dernièrement, mais vous imaginez de perdre 12 $ de l'heure pour les travailleurs?

Alors, j'écoutais ma collègue députée de Taillon, juste avant que j'intervienne, qui parlait des petits travailleurs, des petits salariés. C'est de ça dont il est question présentement. Alors, ce n'est pas ceux qui gagnent 100 000 $ et plus puis 200 000 $ qu'il est question ici, c'est le petit travailleur de qui on parle présentement. Alors, comment un gouvernement peut s'attaquer à ces petits travailleurs là? Et en plus des garderies puis toutes les autres choses qu'on voit, là, de monter de 5 $ à 7 $, puis on a bien d'autres éléments que je pourrais vous jaser un petit peu plus longtemps.

La Presse, quant à elle, parle, c'est André Pratte: Le «sac à chicanes». «Le gouvernement Charest a lancé une révision tous azimuts du modèle...»

La Vice-Présidente: Mme la députée, s'il vous plaît! Alors, on ne peut pas faire, en citant un article de journal, faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Alors, je vous prie de faire attention, d'être prudente. On ne peut pas indiquer un membre de cette Assemblée autrement que par son titre. Je vous le rappelle, et j'espère que vous serez prudente.

Mme Léger: Alors: «Le gouvernement [...] ? du député de Sherbrooke ? a lancé une révision tous azimuts ? ce n'est pas ce qu'a dit André Pratte, mais c'est ce que les règlements me demandent de dire. Même [...] avec intelligence, un tel exercice susciterait de fortes résistances, aussi nécessaire soit-il. Or, au lieu d'y aller avec la minutie et le doigté du chirurgien, les ministres libéraux se sont jetés dans le tas, armés de vieilles tronçonneuses! Ainsi en est-il pour un dossier éminemment complexe et émotif: ? celle de ? la sous-traitance.»

Alors, vous imaginez qu'on peut être en accord ou en désaccord, par rapport à la sous-traitance, mais ce qui en est présentement, c'est qu'on se retrouve dans une situation qu'on n'a pas assez parlé, qu'on n'a pas assez échangé, qu'on n'a pas assez consulté, que ça implique des grands impacts, je pourrais dire, chez nos travailleurs particulièrement. Même quand on a entendu le... Je voyais le Barreau nous dire que l'amendement au Code du travail qui est devant nous... Le Barreau invite Québec à se donner du temps. C'est de ça dont il est question: donnons-nous du temps. «La nécessité de le rendre plus précis pour éviter qu'il ne donne constamment lieu à interprétation ? selon Gilles Normand de La Presse ? prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes ? dispositions législatives importantes.» Je vois le ministre devant moi, de la Justice, c'est un avocat bien connu, je pense qu'il ne peut pas être en désaccord avec... de prendre le temps des impacts de ces dispositions législatives là, prendre le temps de mieux les étudier.

La même chose au niveau de la Charte des droits, Mme la Présidente. Dans la Charte des droits, un autre article du Devoir: «Le projet de loi n° 31 pourrait contrevenir à la Charte des droits. La Charte des droits et des libertés, là, on y va fort, là. Il dit que «la Commission a de sérieuses réserves sur les effets de modifications proposées ? selon Pierre Marois, le président de la Charte ? surtout à l'égard du droit à l'égalité des travailleurs vulnérables.» Et je peux citer d'autres éléments, Mme la Présidente, qui sont aussi importants pour Pierre Marois, celui... «Comment pourra-t-on s'assurer que l'employeur ne sous-traitera pas des activités dans le seul but d'échapper à ses obligations en vertu, entre autres, de la Loi sur l'équité salariale?» On parle beaucoup d'équité salariale. Alors, il y a un impact, aussi, dans ce projet de loi là, par rapport à la suite des choses, pour la Charte des droits et libertés de la personne.

Alors, Mme la Présidente, nous voterons contre, l'opposition officielle. C'est un projet de loi qui touche le travailleur moyen, mais il touche beaucoup les travailleurs, les petits salariés, qui aura un impact important sur leurs conditions de travail. Nous n'aurons pas non plus, Mme la Présidente, le temps de l'étudier, alors je trouve qu'il se fait très vite, en catimini, rapidement. Et c'est sûr qu'on va même se retrouver, ce projet de loi là, sûrement dans le bâillon. Le bâillon, là, c'est: processus démocratique coupé. Processus démocratique, on l'oublie ici, en Chambre, plus de processus démocratique. On amène le projet de loi, ce qu'on appelle un bâillon ? bâillon... exactement, comme ça ? qui veut dire que la majorité ministérielle va voter, et on fait fi de la suite des débats.

Alors, voici, Mme la Présidente, nous voterons contre, et je suis totalement, personnellement, aussi contre que l'ensemble de mes collègues.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je vais immédiatement reconnaître une prochaine intervenante, la députée de Deux-Montagnes. Mme la députée.

Mme Hélène Robert

Mme Robert: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de donner non seulement certaines informations, des impressions, que les gens qui sont allés en commission, que les gens habitués de suivre des affaires gouvernementales, et les remarques qu'ils ont fait, et aussi, dans mon comté, les gens qui protestent, sont inquiets, qui demandent, un peu comme ma collègue qui vient de parler, qui demandent de prendre le temps, de prendre le temps de développer un consensus. Le Québec a appris et continue à apprendre à faire les choses en consultant, en se parlant et en décidant pour le meilleur.

n(21 h 30)n

Alors, mon intervention au niveau du projet de loi n° 31. Alors, l'article 45 adopté en 1961, soit il y a plus de 40 ans, l'article 45 du Code du travail entendait protéger les travailleurs contre la dévalorisation justement du travail. Il instaurait un équilibre en matière de travail. Aujourd'hui, avec précipitation, sans consultation et en n'épousant que les thèses d'appui patronal, le gouvernement s'apprête à rompre la paix sociale acquise. Pourquoi, dans ce contexte, vouloir apporter des modifications au Code du travail avec ce fameux article 45, modifications visant à favoriser la sous-traitance? Un des effets pervers et non le moindre de son application réside dans le fait que les employés perdent leur convention collective et doivent renégocier immédiatement, de manière prévisible à la baisse, leurs conditions de travail.

Reconnaissons que, depuis son dépôt, ce projet de loi n° 31 soulève nombre d'interrogations, de craintes et d'appréhensions justifiées parmi les travailleurs du Québec. N'en doutons pas, ces derniers sont très nombreux ? soit entre 1 million et 1,3 million de travailleurs et de travailleuses ? à se sentir touchés de plein fouet par cette modification annoncée qui appelle à la sous-traitance sur le dos de ces travailleurs.

Je ne partage pas du tout l'avis du gouvernement selon lequel la création d'emplois serait meilleure ou même qu'elle pourrait être menacée si la situation actuelle chez nos travailleurs du secteur des services, de la production du secteur public, perdurait. Pourtant, avec ce même article, il y a eu une création d'emplois record durant la dernière année, avec ce même article du Code du travail. Donc, ce n'est sûrement pas la raison. Je soutiens que le ministre du Travail erre quand il déclare, et je cite: «Une interprétation large de l'article 45 par les tribunaux spécialisés [...] a conduit à des exagérations nuisibles à la création d'emplois.» C'est une perception abusive qui lui permet de maintenir le cap sur les volontés réelles du patronat, tout cela au nom du seul profit finalement.

Il y a une douteuse confusion qui n'augure rien de bon à la vision qu'il anticipe des bénéfices de la sous-traitance si, toutefois, dans le cas du gouvernement en place, on peut parler d'une vision de société. Certains milieux, tels les municipalités et le patronat semblent se réjouir de l'instauration prévisible... de la mise en place de cet article tel que prévu dans la loi n° 31, pour une instauration, si vous voulez, d'une sous-traitance dans nos milieux de travail. Or, il en va tout autrement chez nous et au sein du monde des travailleurs où l'inquiétude est grandissante, une inquiétude que nous partageons.

Il nous paraît évident que les modifications que l'on souhaite apporter à l'article 45 comportent des risques liés à la diminution des conditions de travail des travailleurs et travailleuses des secteurs touchés, notamment celui des services. Bien sûr, l'on ne s'attend pas à ce que certaines catégories d'emploi souffrent de l'application de cette modification, et je pense ici, entre autres, aux ingénieurs, aux techniciens spécialisés ou informaticiens. Il est clair toutefois que, parmi les travailleurs souvent moins bien rémunérés, moins bien scolarisés, les travailleurs des buanderies, entretien ménager, des gardiennages ou des cafétérias seront, eux, les plus touchés.

La sous-traitance aura pour résultat net de réduire substantiellement la portée de la protection qui a été confirmée à ces travailleurs et travailleuses par les tribunaux au fil des ans. Comme le soulignait dans son allocution mon collègue Maxime, là où ? mon collègue le député des Îles-de-la-Madeleine, Mme la Présidente, voilà, je m'excuse ? l'article 45 s'appliquerait, seule l'accréditation suivrait, ce qui ferait perdre aux travailleurs et aux travailleuses les conditions qu'ils avaient pourtant négociées de bonne foi. Tout est à recommencer. Il faut y penser à deux fois avant de poursuivre à toute vitesse dans cette voie.

En effet, les observateurs s'entendent, cet article 45 préserve actuellement un équilibre chèrement acquis et que le projet de loi n° 31 menace d'ébranler avec les conséquences que l'on connaît. Et pourtant la sous-traitance existe, se pratique beaucoup au Québec. D'ailleurs, à travers tout le Canada, c'est au Québec où la sous-traitance est une réalité de près de 75 % des entreprises du Québec. Pourquoi alors maintenant vouloir l'étendre obstinément, avec les conséquences négatives sur le dos des petits salariés, une main-d'oeuvre largement constituée de femmes, de jeunes et d'immigrants et d'immigrantes? Ce sont ces humbles travailleurs qui aujourd'hui touchent 17 $ ou 18 $ de l'heure et à qui la sous-traitance n'offrirait plus brutalement qu'un taux horaire de 12 $, ce sont eux que l'on pénalise en première ligne. Pourquoi? Pour être compétitifs. Les patrons rétorquent qu'il ne s'agit que de la loi du marché, et fi aux conséquences pour les premiers touchés.

Pourquoi penser que cette autre facette de la réingénierie gouvernementale susciterait plus de productivité? Pourquoi penser que cette autre facette de la réingénierie des libéraux ferait en sorte que le travail serait mieux fait? Il est grossier, voire inopportun, de tenter d'établir un lien entre ce projet de loi n° 31 et une certaine amélioration de notre économie. Actuellement, cette même économie se porte fort bien. L'emploi est en croissance et les entreprises ne sont nullement menacées ou en danger. Une paix sociale, un équilibre créateur s'étaient installés.

J'ai la désagréable impression que l'on veut faire baisser les taxes sur le dos du «cheap labor», de ces travailleurs-là, et je vois là-dedans une forme d'injustice sociale pilotée par un gouvernement. Est-ce que ce gouvernement serait à ce point insensible à tout argument ne provenant pas du capital? On voudrait briser l'équilibre entre travailleurs et employeurs que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Il existe en effet sous le régime actuel de l'article 45 une évidente paix parce qu'il existe une réelle protection pour les travailleurs et les travailleuses et un espace assez grand pour l'employeur inventif. Et, comme citoyenne et comme députée, je m'élève contre cette manière de voir et d'agir par l'introduction d'une modification au Code du travail dont le seul grand bénéfice serait de faire perdre leur protection aux travailleurs concernés. Un tel programme de société est inadmissible.

n(21 h 40)n

Le rapport Mireault s'était attaché en 2001 aux relations de travail au Québec et avait étudié tout ce qui entoure l'article 45 du Code du travail. À la suite du rapport Mireault, sept des neuf recommandations ont été mises en application, ces sept des neuf ont été mises en application après une large consultation, après de nombreux pourparlers et avec entente de tous les partis.

D'autres que moi l'auront noté, le libellé du projet de loi n° 31 est ambigu, assez, en tout cas, pour ouvrir toute béante la porte aux interprétations, aux avocats qui devront débattre jusqu'à plus soif de ses tenants et aboutissants. Je signalerai simplement qu'y voyant de nombreuses questions d'interprétation et d'application le Barreau lui-même invite le ministre à prendre son temps avant de procéder à son adoption.

Il n'est pas le seul allant dans le sens d'un appel à la raison. Les professeurs de droit demeurent pantois devant une absence d'intention claire du législateur face à l'impact prévisible du projet de loi n° 31 sur les relations de travail, voire sur l'économie en général, et ce, malgré la démonstration joviale et positive de M. Fortin en sa faveur.

Pour l'heure, permettez-moi de revenir sur les arguments que le gouvernement avance en appui à son projet de loi n° 31. D'abord, le projet de loi...

Des voix: ...

Mme Robert: J'ai de la concurrence un petit peu. D'abord, ce projet de loi mettrait les lois du travail du Québec au diapason des autres juridictions au Canada. Or, il est faux de prétendre que les travailleurs y sont mieux protégés qu'ici. Le modèle ontarien, si cher à notre premier ministre, ne nous apprend pas grand-chose à ce sujet. À l'heure actuelle, nous couvrons à peu près les champs de façon différente à cause de concepts différents à l'intérieur de la loi, le fameux concept «entreprise qui suit».

Au chapitre de la définition de la sous-traitance, la Nouvelle-Écosse est la seule province à l'avoir fait, et là comme ici, la Commission des relations de travail jouit du pouvoir de se prononcer sur l'applicabilité de l'article 45 en cas de sous-traitance. Ce qu'on sait, par exemple: en appliquant la modification actuelle telle quelle à l'article 35, nous serions à la queue en termes de protection de nos droits des travailleurs à l'intérieur de notre Code du travail.

Le projet de loi n° 31 corrigera une lacune du droit québécois, c'est un des autres arguments amenés par le gouvernement. Rien n'est plus faux. Depuis les décisions de la Cour suprême en 2001 ? il y a eu, entre autres, là-dedans, le cas de Sept-Îles ? il est clair que le transfert d'un droit d'exploitation amène l'application de la l'article 45 et, depuis, la Commission des relations de travail rend facilement des décisions. Par contre, avec ce projet, on ouvre la porte aux guérillas juridiques, ce qui n'avantage personne, à l'exception, toujours, de nos avocats. Beaucoup de création d'emplois dans ce domaine.

Un autre argument serait qu'une solide clause de protection serait introduite en cas de manoeuvres déloyales de l'employeur. Ici encore, ça ne tient pas. Le gouvernement a aboli l'avis de 30 jours que devait produire l'employeur en cas de sous-traitance. Les travailleurs ont alors 30 jours pour prouver qu'il y a eu entrave à la formation d'une association de salariés. Si l'entrave n'est qu'un sous-produit de la sous-traitance, alors les travailleurs n'ont plus aucun recours.

Un cinquième argument: la croissance économique sera favorisée, la création d'emplois. L'argument vient des chiffres circonstanciels établis par Pierre Fortin qui identifie un certain retard de la sous-traitance au Québec par rapport à l'Ontario, alors que l'on n'est même pas sûr qu'ils représentent les chiffres de la sous-traitance dans cette province. Alors, depuis cette avancée, on en est de moins en moins sûr.

De plus, comme le sixième point et pour ce qui est du terme de la création d'emplois, je pense qu'en termes d'argument cette espèce de contrat social ou ce contrat de relations de travail entre les employés, les travailleurs et l'employeur qui risque d'être brisé, donc cette paix, ne peut pas être quelque chose qui est créateur d'emplois, et paix qui ne peut pas être... Durant des batailles, quand on ne se comprend pas, quand il n'y a pas de consensus d'établis, toute l'énergie est concentrée à régler ces conflits, à régler ces choses-là, et, durant ce temps-là, sur d'autres plans, entre autres, le plan de la création d'emplois, ça tourne en rond.

Un sixième argument: le gouvernement appliquerait totalement le rapport Mireault. J'en ai parlé tout à l'heure, nous l'avons... le gouvernement précédent a appliqué le rapport Mireault. À ce moment-là, un des articles, qui était l'article auquel on veut atteindre à l'intérieur de la modification à 45, sur cet article-là qui n'a pas été appliqué tel quel, il n'y a pas eu totale entente, et, dans le consensus, ces deux parties du rapport Mireault n'ont pas été appliquées, parce que c'était le voeu, si vous voulez, de la société, de l'entente comme telle.

Je voudrais aussi relever toute la pertinence du questionnement de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui jure que le projet de loi n° 31 pourrait contrevenir à trois articles de la Charte des droits et libertés de la personne. Le monde syndical réagit avec vigueur à ce projet de loi qu'il tient pour inutile et irresponsable. De leur côté, plusieurs éditorialistes et chroniqueurs s'inquiètent de la détérioration des relations de travail. Je ne les nommerai pas tous, je pense qu'ils ont été amplement cités dans la Chambre.

Alors, je vais conclure. Donc, ce projet de loi n'est pas, à mon avis, urgent. Le temps ne presse pas à ce point pour que ce projet de loi soit adopté à toute vitesse ou qu'il soit même mis sous bâillon. Je pense que notre société, notre paix publique, notre façon de travailler, vaut qu'on prenne le temps de voir à l'application, à modifier notre Code en toute paix. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Maintenant, M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je veux adresser la parole sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Il s'agit, Mme la Présidente, d'un tout petit projet de loi, trois feuilles, trois petites feuilles, 11 articles. Alors, pourquoi tant s'énerver? Un tout petit projet de loi de rien du tout, madame, Mme la Présidente. Et pourtant bien des gens se sont penchés sur ce petit projet de loi et l'ont trouvé lourd, l'ont trouvé lourd de conséquences, Mme la Présidente.

n(21 h 50)n

J'en veux pour preuve, entre autres, M. Alain Barré, professeur en droit du travail de l'Université Laval, qui dit ceci: «La Cour suprême a noté que le Tribunal du travail avait élaboré, sur la base de l'article 45, depuis l'arrêt Bibeault de 1988, des critères lui permettant de déterminer de façon cohérente si une concession partielle d'entreprise a eu lieu. Le nouveau texte de loi va créer beaucoup d'incertitude et d'insécurité.»

Mme la Présidente, je crois que vous étiez là tout à l'heure quand ma collègue la députée de Taillon a expliqué très bien en détail à quoi se référait l'article 45 du Code du travail, qui concerne la concession partielle ou totale d'entreprises et les conséquences qui en découlent pour les travailleurs syndiqués dans ces entreprises-là.

Prenez, par exemple, vous avez une entreprise qui fabrique des chaises, hein, des chaises, et qui met en marché des chaises. Elle arrive à avoir une certaine notoriété, les chaises se vendent bien, et elle sort un deuxième modèle de chaise, des belles chaises berçantes, Mme la Présidente, quelque chose de bien. Alors, une fois que la chaise est bien établie, elle vend cette partie de son entreprise à une autre personne. C'est une concession partielle de son entreprise. Donc, qu'est-ce qui se passe avec ces syndiqués qui travaillent là? Alors, évidemment, il y a un grand risque que les avantages de l'accréditation syndicale soient perdus, de même pour les travailleurs qui changeront d'employeur. L'entreprise est vendue partiellement. Donc, les travailleurs perdent-ils ou gagnent-ils... ou conservent-ils leurs avantages, leur accréditation, leur convention collective?

Alors, c'est ce à quoi se rapporte le deuxième article de la loi qui dit: L'article 45 de ce Code est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant: «Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans un cas de concession partielle d'entreprise ? donc, ça veut dire qu'ils perdent leur accréditation syndicale ? lorsque la concession n'a pas pour effet de transférer au concessionnaire, en plus de fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée.»

Alors, «la plupart des autres caractéristiques», qu'est-ce que ça veut dire? C'est vague à souhait! Alors, sans doute, c'est un excellent article pour mes collègues, de l'autre côté de la Chambre, qui sont spécialisés en droit: droit criminel ou droit de la famille. Bien, moi, je leur dis: Spécialisez-vous en droit du travail, vous avez là une mine d'or parce qu'il y aura des poursuites les unes par dessus les autres pour déterminer qu'est-ce que c'est, la plupart des éléments d'actif, on ne sera jamais d'accord là-dessus.

Et le reste de la loi est plein de ces passages vagues à souhait. Qu'est-ce que dit M. Pierre Fortin? Pierre Fortin, quand même, ce n'est pas un adversaire du gouvernement, hein? On ne peut pas dire ça. C'est un économiste très connu. C'est un économiste très connu, n'est-ce pas? «À l'heure actuelle...» Écoutez bien ce qu'il a dit, M. Pierre Fortin que vous estimez beaucoup. Alors, qu'est-ce qu'il dit? «À l'heure actuelle, malgré ce que je vous dis, puis j'ai une approche relativement positive et optimiste par rapport au projet de loi, c'est certain qu'il y a beaucoup d'anxiété présentement.» Donc, beaucoup d'inquiétude sur le terrain quant à ce qu'apporte cette loi, ce projet de loi n° 31, beaucoup d'anxiété parce que les gens se disent: En fin de compte, qu'est-ce qui va se passer en pratique? Est-ce que ça ne sera pas la porte ouverte à la sous-traitance? C'est-à-dire une façon de faire de la sous-traitance: vous vendez à un de vos amis ou à un de vos employés une partie de votre entreprise qui travaille pour vous, et, comme les employés ont perdu leurs droits, leur accréditation syndicale, leur convention collective, eh bien, ils doivent en négocier une autre qu'ils finissent par négocier à rabais, et alors vous faites plus d'argent parce que votre profit est plus grand, hein?

Alors, qu'est-ce que dit André Pratte? André Pratte. Vous connaissez André Pratte, n'est-ce pas? Ce n'est pas quand même un adversaire, Mme la Présidente, du gouvernement actuel. Il arrive... il lui arrive de dire des belles choses du gouvernement actuel, André Pratte, dans La Presse. Qu'est-ce qu'il dit? Qu'est-ce qu'il dit à ce sujet-là? Il dit: «Si le projet de loi est adopté tel quel...»

Parce que, Mme la Présidente, il se peut, il se peut que le gouvernement entende raison et décide de réfléchir davantage avant de faire ce changement-là et qu'il retravaille son projet de loi de façon à avoir un projet de loi qui ne causera pas tous les inconvénients qu'on voit poindre à l'horizon. Alors, si c'est possible, le projet de loi est adopté tel quel, on souhaite que non, mais, si ça arrive, les relations de travail vont se détériorer inutilement. Et les relations de travail, la qualité des relations de travail, vous savez, Mme la Présidente, bien, dans la société, eh bien, la qualité des relations de travail, c'est très important pour la paix sociale, hein! Quand les gens ne s'entendent pas, quand les gens pensent qu'ils sont traités injustement, bien, ça ne va pas bien sur le lieu de travail et ça ne va pas bien dans la société.

Quand plus de 20 000 personnes se rassemblent devant l'Assemblée nationale pour protester fortement, bruyamment contre les lois que ce gouvernement veut adopter, bien, ce n'est pas très, très bon pour la paix sociale, ce n'est pas très, très bon pour les relations dans les entreprises et ce n'est pas très, très bon pour le développement de l'économie.

Alors, c'est ce que dit... Pour une fois, Henri Massé et André Pratte semblent être du même côté. Il dit, Henri Massé, le président de la FTQ: Le projet de loi n° 31 est «un changement dramatique» du Code du travail, «un recul sévère et très grave» qui va affecter surtout les travailleurs les moins scolarisés et les moins spécialisés[...] ? je vais y venir un peu plus loin à cet aspect-là. Ça n'a aucun sens. C'est un trou béant qu'ils ont créé dans le Code.» On espère bien qu'il ne s'agit que d'un projet et qu'à la fin ils vont changer d'idée, et qu'ils vont décider de retravailler ce projet de loi là pour le rendre acceptable, pour le rendre... pour faire en sorte que ce soit un pas en avant et non un pas en arrière pour notre économie.

Qu'est-ce qu'il dit, à part ça, M. Massé? Il dit, dans La Presse du 14 novembre: «C'est le petit monde qui sera touché ? le petit monde qui sera touché ? parce que, lorsqu'on ne pourra transférer au sous-traitant les caractéristiques d'une entreprise qui fera appel à un sous-traitant, la main-d'oeuvre pourra être transférée, mais, si les caractéristiques (technologie, brevets, équipement) ne le sont pas, la convention de travail ne suivra pas. Les travailleurs des secteurs les plus fragiles [...] en souffriront.» Ce sont les secteurs les plus fragiles, les gens les moins bien payés, les moins bien organisés, et c'est eux qui devront renégocier avec un rapport de force plus faible, et leur revenu, leur salaire, en sera diminué. Alors, ce n'est pas bon pour la société, ça, parce que ça crée des tensions inutiles.

Mme la Présidente, ça crée des tensions inutiles et ça risque d'endommager de façon importante les rapports dans la société. Si les plus petits salariés voient leurs revenus diminuer, eh bien, évidemment ces gens-là, ils travaillent, et la quasi totalité de leurs revenus passe pour faire vivre leur famille, hein! Il n'y a pas... ces gens-là n'ont pas bien, bien le moyen de se payer des luxes, là. Ils n'ont pas le moyen d'aller passer l'hiver en Floride ou d'aller faire un mois... passer un mois en Europe, là, et ils dépensent tout ça avec leur famille. Alors, si les salaires sont diminués, bien, c'est leur famille, c'est les jeunes, c'est les enfants qui risquent de souffrir de cela.

n(22 heures)n

Regardez ce que dit M. Pierre Marois, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse: «La Commission a des sérieuses réserves sur les effets des modifications proposées ? de sérieuses réserves ? surtout à l'égard du droit à l'égalité des travailleurs vulnérables.» Pourquoi les travailleurs vulnérables, on les placerait dans une situation encore plus vulnérable afin qu'ils n'aient pas de rapport de force, et qu'ils soient obligés d'accepter des diminutions de salaire, eux qui n'en ont pas déjà de très gros, salaires? «Alors, il semble possible que, dans plusieurs cas, la sous-traitance touchera des catégories de travailleurs oeuvrant dans les secteurs davantage périphériques tels que l'entretien, l'alimentation, les tâches de soutien. Ces catégories sont rarement les mieux payées et...»

Écoutez bien ça, M. le Président. Vous venez d'arriver, bienvenue, M. le Président. Évidemment, votre prédécesseure a fait pas mal de temps et elle était un peu fatiguée. Alors, vous arrivez tout frais et dispos, même si déjà il se fait tard ? il est 10 heures du soir ? mais je sais que tous vos collègues sont très heureux de vous voir parmi eux. Alors, et voici ce que continue de dire M. Pierre Marois: «Ces catégories de gens les plus vulnérables sont rarement les mieux payées, et les femmes et les minorités s'y concentrent souvent.» Donc, ça, ça me touche beaucoup. Ça me touche beaucoup, M. le Président, parce que les minorités sont composées, entre autres ? pas uniquement, mais entre autres ? pour presque la moitié, de réfugiés. Presque la moitié. Mais il y en a qui sont là depuis plus longtemps, bien entendu, mais, à l'origine, presque la moitié de ces gens sont des réfugiés qui ont connu la souffrance dans d'autres pays, qui ont connu des conditions de travail terribles. Qu'ils arrivent ici avec un espoir de s'en sortir, et là on modifie le Code du travail pour qu'eux aient moins d'espoir, ce n'est pas très, très correct, M. le Président. En tout cas, moi, je ne suis pas à l'aise avec ça. Je ne suis pas à l'aise du tout avec ça.

Alors, qu'est-ce que dit ici le président du Conseil du patronat du Québec? Bon, lui, il semblerait qu'il est plus à l'aise. Voici ce qu'il dit: «Dans certains cas, il peut y avoir une diminution des bénéfices pour les travailleurs.» Ah! admission. Il admet qu'il peut y avoir une diminution de bénéfices pour les travailleurs. Or, quand vous êtes un travailleur à salaire moyen ou plus bas et qu'il y a une diminution de bénéfices, bien, ça peut s'avérer assez dangereux. Des gens vont s'étonner de passer d'un salaire de 20 $ l'heure à quelque chose comme 13 $ ou 14 $ l'heure. Alors, je pose la question suivante: Le président du Conseil du patronat du Québec serait-il bien aise de voir du jour au lendemain son salaire diminuer de 25 %? Je pose la question à mes collègues ici, à l'Assemblée: Serions-nous bien aise de voir notre salaire diminuer de 25 %? Je pose la question au ministre du Travail: Serait-il bien aise de voir son salaire diminuer, comme ça, de 25 %?

«Ah, mais ajoute le Conseil du patronat, il faut comprendre que c'est le prix du marché pour certains titres d'emploi.» Le prix du marché, qu'est-ce que c'est, ça, le prix du marché, hein? Qu'est-ce que c'est, le prix du marché? Il faut se mettre au prix du marché, selon le Conseil du patronat. De quel marché s'agit-il? Et c'est à cela que je voulais en venir, M. le Président. Le Canada a négocié avec les États-Unis puis le Mexique l'ALENA, un contrat international pour gérer les échanges commerciaux et d'entreprises entre les pays afin de diminuer les barrières tarifaires et de diminuer les obstacles législatifs entre les pays, afin que la richesse puisse se répandre plus équitablement. J'imagine que leurs intentions étaient bonnes. Je leur en prête des bonnes. À force de leur en prêter, on ne sait jamais, M. le Président. Peut-être qu'un jour ils en auront. Alors, je leur prête des bonnes intentions.

Alors, vous voyez? Qu'est-ce que ça a donné? Vous êtes allé au Mexique, M. le Président. Plusieurs collègues y sont allés. Ils connaissent l'histoire des maquiladoras qui sont des espèces de zones franches, mais franches dans le sens qu'elles sont exemptes des normes du travail, des lois du travail dans le pays. Et je vous dis que nos amis mexicains ne s'en félicitent pas, ne s'en félicitent pas. C'est des endroits où il y a énormément de souffrance, énormément d'exploitation et des problèmes familiaux terribles. Alors, pourquoi? Bien, parce qu'on crée des conditions pour exercer des pressions immenses sur les travailleurs de façon à ce qu'ils aient le choix entre perdre leur emploi ou baisser leur salaire.

M. le Président, je comprends qu'au Mexique et dans plusieurs pays de l'Amérique du Sud et d'Asie on paie des salaires inférieurs aux nôtres. Est-ce qu'il faut se battre, est-ce que notre gouvernement s'est donné comme mission de se battre du côté des multinationales pour créer des pressions sur nos propres employeurs pour baisser leurs salaires ou s'il ne serait pas mieux de se battre avec le Canada ? en supposant que le Canada se batte ? se battre avec les autres pays d'Amérique latine et des autres pays, d'Extrême-Orient aussi, pour que les salaires, au lieu de baisser, ils s'améliorent, pour que les conditions d'ententes internationales soient faites de telle sorte qu'elles ne servent pas uniquement à baisser les salaires et à appauvrir les gens?

Il y a un an, M. le Président, j'avais l'honneur de représenter le Parlement à une assemblée des parlementaires à Quito, en Équateur, où on discutait justement de cette question de la ZLEA, de l'Alcan. Et c'était une réunion préalable à la réunion des ministres. Et j'avais présenté en gros la position du Québec, basé sur le fait que la position du Québec affirme que les États ne doivent pas se départir de leur juridiction, de leur légitimité démocratique pour gérer le droit du travail et le droit du commerce. On ne doit pas faire en sorte que les ententes internationales soient écrites de telle sorte que, après, les États ont les deux mains attachées et ne peuvent plus s'occuper de leurs commettants.

Par exemple, au Mexique, une compagnie qui avait construit une usine et qui avait un effet très polluant sur l'environnement a vu l'État, cet État-là changer les règlements environnementaux pour arrêter cette pollution-là. Alors, en vertu des règlements de l'ALENA tels qu'il existent présentement, la compagnie a pu actionner le gouvernement local pour des montants très considérables en alléguant qu'elle perdait son investissement et qu'elle perdait la possibilité de faire de l'argent. C'est le genre d'entente qu'on trouve actuellement à l'intérieur de l'ALENA qui fait que les États ont les mains attachées.

Alors, entre autres, j'ajoutais ceci: il faut se battre ensemble, tous les États libres, pour que l'État dispose de la légitimité démocratique pour encadrer le commerce international sur son territoire. Il doit veiller à ce que les ententes de libre-échange comportent des dispositions de justice distributive. Et, quant aux droits de la personne et du travail, les droits de la personne, le droit d'association, de négociation, les normes minimales du travail, l'exclusion des enfants du marché du travail et la protection des femmes sur le marché du travail doivent être protégés par les règles de libre-échange.

À quoi ça sert de protéger ces droits-là, M. le Président, si on consent à faire en sorte nous-mêmes d'enlever dans notre Code du travail, d'enlever des dispositions qui protègent nos travailleurs contre la diminution de leurs conditions de travail abusive et qui vont faire en sorte de créer des conditions terribles pour le développement de notre économie? Parce que les spécialistes sont d'accord que la bonne entente dans une société est une condition nécessaire pour le développement de l'économie. Alors, créer les conditions nécessaires pour que l'économie se développe, c'est une bonne chose, mais préparer les conditions pour que les gens ne soient pas contents, aient des sentiments d'injustice très graves et s'élèvent contre le gouvernement et qu'on ait des manifestations à n'en plus finir, c'est très mauvais pour l'industrie et c'est très mauvais pour l'économie. C'est pour ça que nous allons nous battre contre ce projet de loi, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je suis prêt à entendre le prochain intervenant, toujours sur le principe du projet de loi. Je reconnais M. le député du Lac-Saint-Jean, porte-parole en matière d'environnement et de jeunesse. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Écoutez, je ne pourrai faire autre qu'ouvrir mon discours sur la fermeture du discours de mon collègue de Saint-Hyacinthe qui, par sa grande sagesse, a amené la problématique des règles du travail dans une perspective mondiale. Je crois qu'effectivement il faut obligatoirement avoir cette vision.

n(22 h 10)n

Ça fait plusieurs années que je le dis, nous ne pouvons plus faire de la politique comme il y a 40 ans, là où on établissait des règles en fonction de notre nation, de notre territoire. Dorénavant, nous sommes embarqués... Bien, en fait, c'est l'ère de la mondialisation des économies. Certains diront «la globalisation», hein, les échanges se faisant de plus en plus faciles, les moyens de transport, les moyens de communication. Il y a des échanges de toutes sortes, culturels, bien entendu, linguistiques, mais des échanges aussi économiques, et ce qu'il est important de bien saisir à cet égard, c'est que la compétition ? bien, plutôt l'économie capitaliste ? est basée sur la compétition, hein, compétition des meilleurs prix, des meilleurs services. C'est la loi... c'est un peu la loi de la jungle, si on peut dire.

Moi, je me dis qu'une compétition, ce n'est pas trop grave, dans la mesure où il y a des règles du jeu, des règles du jeu que les gouvernements démocratiquement élus peuvent arriver à établir, un encadrement pour faire en sorte que les perdants de la compétition économique puissent ne pas se ramasser couchés sur la glace, si je pourrais dire, hein? Le hockey, c'est une compétition, puis il y a des équipes de chaque côté. Mais, s'il n'y a pas d'arbitre, il n'y a pas de règles du jeu, il n'y a pas d'équipement de protection, bien, on ne joue pas longtemps au hockey. C'est pourquoi que la compétition, ça peut être correct, ça peut amener à se dépasser, à innover, mais tout cela doit se faire à condition qu'il y ait certaines règles de base qui s'appellent des règles sociales, hein? Si vous perdez votre emploi, on ne vous laissera pas dans la rue, parce qu'on va établir un système d'assistance-emploi et d'assurance sociale. Si vous tombez malade, face à la maladie, tout le monde vont être égaux, tout le monde vont avoir droit à des soins de santé. Si vous êtes issu d'une famille pas fortunée, bien, vous allez avoir accès à une éducation comme tout le monde. Donc, c'est ça, pour moi, en tout cas dans mon monde, dans ma compréhension de la cohésion sociale, l'importance de se doter des règles du jeu.

Maintenant, ces règles du jeu là, M. le Président, vous comprendrez que c'est les nations, les gouvernements qui les établissent, et, dans la mesure où l'économie était nationale, eh bien, hein, la patinoire est nationale et les règles du jeu sont nationales. Jusque-là, ça va bien. Mais, à partir du moment où vous avez un accroissement des échanges économiques, hein, la patinoire, elle s'agrandit. Les échanges économiques, ça veut dire qu'autant les produits que vous fabriquez et que nous exportons, et l'inverse est vrai dans le cas des importations, hein, c'est toujours la même règle, comme je vous l'ai dit tout à l'heure: les meilleurs prix, le meilleur service, hein, et il faut être le meilleur. Si vous n'avez pas le meilleur produit, on en achète un autre. Si vous n'avez pas le meilleur prix, on va voir votre concurrent, et ainsi de suite. Sauf que, à un moment donné, là, la patinoire s'agrandit, mais les règles du jeu, elles, elles demeurent nationales. Ils demeurent, hein, restreints aux frontières des États, et ça fait en sorte qu'actuellement nous allons voir de plus en plus de dérapages et une lourde tendance vers le bas des règles du travail, et ça, bien, c'est très inquiétant.

Je crois que la... Et je ne suis pas contre la mondialisation. Ça dépend quelle sorte de mondialisation. Je suis contre plusieurs phénomènes actuels qui engendrent justement des diminutions de la qualité du travail des gens, des diminutions de la qualité de vie.

À un moment donné dans notre histoire, il y a eu beaucoup de luttes par rapport à des abus d'intérêts capitalistes très forts qui ont fait émerger des groupes de protestation pour émettre des règles du jeu, et les gouvernements sont allés dans ce sens-là, pensant et croyant toujours que c'est le progrès. Et, moi, je pense que c'est le progrès. Maintenant, nous sommes dans un contexte historique où, et mon collègue de Saint-Hyacinthe l'a bien dit, ce n'est plus les entreprises contre les entreprises qui sont en compétition, c'est aussi les pays, hein? On est en compétition entre pays. Et tout ça fait en sorte qu'on a une tendance actuellement d'abaisser les règles de sécurité, les filets de sécurité sociale que nous nous étions donnés, et que ça engendre une compétition entre les individus.

Je ne vous ne cacherai pas que l'assurance emploi, pour avoir siégé au fédéral, l'assurance emploi en est un très bon exemple où, avec l'ALENA, hein, il y a eu une tendance à niveler les règles de protection des travailleurs vers le bas, et la modification de l'article 45 s'inscrit dans cette voie-là de nivellement par le bas. Bon, bien, la question se pose, parce que, bon, voulons-nous...

Pour résumer, en fin de compte, c'est quoi, les atouts à la compétition, M. le Président, bien, tout d'abord, c'est les connaissances. Ça, moi, je pense qu'il faut miser là-dessus. Le Québec doit miser sur les connaissances. Ça, c'est la règle d'or. Ensuite, pour être compétitif, bien, il faut avoir une main-d'oeuvre pas chère. Bien, en tout cas, il faut baisser les coûts de production, puis, dans les coûts de production, c'est la main-d'oeuvre, c'est l'accès aux ressources naturelles parfois. C'est pour ça que dans certains pays il y a une surutilisation des ressources naturelles, parce qu'on recherche toujours plus de profits.

Et, les règles du travail, bon, il y en a d'autres, règles, aussi. On pourrait parler des paradis fiscaux, par exemple, comme ne pas payer d'impôts pour une très grande entreprise ou des bateaux de certains propriétaires. Enfin, je n'irai pas sur ce genre de débat. Mais, peu importe, là où je veux en venir, M. le Président, c'est ce nivellement par le bas que les forces de la globalisation des économies nous amènent à...

Une voix: ...

M. Tremblay: Nous amènent en bateau. Ha, ha, ha! Ça vient de mon collègue d'à côté.

Donc, la question qu'il faut se poser comme société, c'est: Actuellement, est-ce que ça va si mal que ça au Québec pour qu'on se dise: Baissons les salaires, baissons nos règles de sécurité sociale? Et l'article 45, en fin de compte, et là peut-être que je suis plus dans le technique, mais, l'article, c'est fort probable qu'il va engendrer une diminution de salaire de plusieurs travailleurs au Québec, et ce ne sera pas les dirigeants d'entreprise, M. le Président, ça risque fort d'être ceux qui ne gagnent déjà pas un gros salaire, et ça, c'est dommage qu'on cherche à aller dans cette direction-là.

Bon, sur le bénéfice que ça va accroître la compétitivité du Québec, bon, c'est sûr que c'est l'avenir qui va nous le dire, c'est l'avenir qui va nous le dire, mais il y a, dans la façon que le projet de loi n° 31 nous est présenté actuellement, dans la modification de l'article 45, tout d'abord une grosse problématique, c'est la vitesse à laquelle on veut aller. Est-ce qu'il y a le feu dans la baraque pour que nous devions passer ce projet de loi en vitesse? Et ça, je ne suis pas le seul à le dire. Pierre Gagnon, bâtonnier du Québec, hein... Je veux dire, je pense que j'ai l'honnêteté de dire que je ne connais pas tout, alors j'aime bien me référer à des gens qui sont experts. C'est à ça que ça sert, d'ouvrir les portes du Parlement, hein? Nous, les législateurs, on ne connaît pas tout, on le dit ouvertement, puis on dit aux professionnels, aux experts de tous les milieux: Lorsqu'on fait un projet de loi qui concerne certains secteurs d'activité de la société, bien, on va consulter des gens. C'est peut-être ce qu'il manque un peu à cette session-ci, cette session parlementaire. On est pris, là, dans plein de projets de loi qui ont des incidences majeures sur la société québécoise. Il y a certaines modifications même de ça où il n'y a même pas de consultation. En tout cas, c'est une autre affaire, là. Je m'égare.

J'en reviens à notre bâtonnier du Québec, Pierre Gagnon, qui disait: «Le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes.» Mme Marie-France Bich, Barreau du Québec: «Le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie et sans lesquels celle-ci périclite.» Alors, ça, c'est un autre élément, je pense, de la problématique du projet de loi n° 31 et de ce gouvernement en soi qui a tendance à aller très vite dans ses réformes. Je ne sais pas si...

Là, ils sont en train de passer toutes leurs réformes dans le collimateur, puis après ça, bien, ça va être le moins de projets de loi possible. Hein, je pense que vous avez déjà vécu ça, une législature libérale où le menu législatif était très, très léger et où il n'y avait presque rien, alors qu'actuellement c'est le contraire, il y a beaucoup, beaucoup de choses, et où on ne prend pas tout le temps nécessaire. Puis là ce n'est pas moi qui le dis, c'est des gens qui ont quand même beaucoup de crédibilité en la matière, qui disent: Un instant, en plus qu'il y a des experts qui disent: Des choses comme ça, là, il faut vraiment prendre notre temps pour parvenir à, en tout cas peut-être pas à un consensus total, mais à une acceptation sociale plus grande. Et là la vitesse à laquelle on veut aller, bien, ça heurte les gens, les gens ne se sentent pas consultés, et les parlementaires de ce bord-ci de la Chambre sont aussi frustrés. Ça fait qu'il y a des gens qui descendent dans la rue, et là, au bout du compte... Bien, des gens qui descendent dans la rue, je m'excuse, mais, samedi passé, il y en avait plusieurs dizaines de mille. Jeudi de la semaine d'avant, on en a eu quand même pas mal. En tout cas, je pense que ça brasse quand même pas mal dans plusieurs secteurs d'activité de la société québécoise.

n(22 h 20)n

Et, plutôt que d'avoir une approche consensuelle ou d'essayer de... Parce qu'on a cet avantage-là, M. le Président, au Québec. On a l'avantage d'être capable... Puis ça s'est déjà fait, ça s'est déjà fait, hein, on connaît des expériences récentes. Moi, je vais vous dire, le Rendez-vous national des régions, là, j'étais fier d'être Québécois parce que là on réunit une grande famille dans une salle, plusieurs secteurs d'activité, puis on se dit la vérité dans le blanc des yeux, puis on essaie de s'entendre. Puis ce n'est pas toujours facile, mais, au moins, ça engendre une acceptation sociale plus grande, certainement plus grande que celle de rester dans des tours à bureaux et de faire des réformes qui vont beaucoup trop vite.

Je continue avec certaines personnes crédibles dans le droit du travail. Marc Sauvé, Barreau du Québec: «Avant de passer au vote par les membres de l'Assemblée, il est important, je crois, d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études. Que ce soient des études comparatives, par exemple, si on parle de mettre à niveau, bien, qu'on les sorte les études. Qu'on les examine d'une façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements... étaient antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute.»

M. le Président, on a quand même... on est encore dans une soi-disant démocratie. En tout cas, au moins quand on établit nos lois, là, on est encore dans une démocratie, parce qu'il y a eu certains autres éléments.... En tout cas, je n'élaborerai pas trop, mais je trouve que la démocratie en mange un certain coup lorsqu'on parle de règles économiques internationales sur l'incidence de l'autonomie des États. Mais ce n'est pas là que je veux parler. Mais ici, dans cette Chambre, on est encore en mesure d'appliquer des lois, puis ça, c'en est une. Puis ça aurait été quoi de prendre un peu plus de temps puis de consulter les gens?

Bref, Jean-Claude Bernatchez, professeur en relations industrielles de l'Université du Québec à Trois-Rivières: «Nous avons fait ressortir, implicitement du moins, le caractère prématuré d'une action législative qui ne chercherait pas suffisamment l'ensemble des informations pertinentes sur le sujet de la sous-traitance en contexte québécois.» L'auteur demande qu'un groupe de travail décrive et analyse clairement la nature et les conséquences des diverses formes de sous-traitance sur la productivité des entreprises, la qualité des conditions de travail et, dans une certaine mesure, sur la prospérité du Québec.

M. le Président, le projet de loi qu'on est en train de regarder a certaines incidences, mais c'est assez complexe. Mais, en résumé, hein, pour ceux qui viennent de se joindre... Parce que, je rappelle à nos concitoyens qui regardent le canal parlementaire, vous êtes en direct, ce n'est pas une reprise. Parce que, hein, combien de nos citoyens ne savent pas que nous travaillons jusqu'à minuit le soir? Alors, il faut se le dire de temps en temps, nous sommes en direct, nous travaillons jusqu'à minuit. Ha, ha, ha! Alors, on devrait former un syndicat. Ha, ha, ha!

M. le Président, en vertu de l'article 45 actuel, lorsqu'une entreprise ou une municipalité cède une de ses activités à un sous-traitant, les employés visés conservent leur convention collective et ont le droit aux mêmes salaire et conditions de travail qu'auparavant. La convention collective est renégociée un an plus tard ou à son échéance si celle-ci survient plus tôt. Ça, c'est ce qui se passe actuellement. Avec la modification que nous parlons ce soir, le projet de loi ne protégera l'accréditation syndicale que dans le seul cas où l'entreprise ou la municipalité cède à la sous-traitance, en plus de fonctions ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée. M. le Président, si les concitoyens n'ont pas compris le dernier petit bout de phrase, c'est que, bien, il n'est pas facile à comprendre. Et plusieurs ont d'ailleurs avancé que ce projet de loi allait engendrer quasiment un ralentissement de la productivité économique, dans le sens que ce n'est pas clair, hein, ce n'est pas clair, là. Quels sont les autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée? Certains avancent que ça va être payant pour les avocats, ce projet de loi là, parce qu'il n'est pas tout à fait clair et que ça risque d'engendrer des guerres d'avocats entre la partie patronale et syndicale. Enfin, l'histoire nous le dira. Nous verrons bien.

Et donc, en clair, ça signifie que, si une entreprise remet à la sous-traitance une partie de ses activités sans céder son équipement, les employés transférés perdent leur accréditation syndicale et leurs conditions de travail, selon les explications d'un fonctionnaire du ministère du Travail. Je lis ça parce que je trouve que c'est le résumé le plus simple que je suis parvenu à trouver du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Je pense que c'est tous notre objectif de bien vulgariser à nos concitoyens qu'est-ce qui se passe dans leur vie puis qu'est-ce qui va advenir des changements qu'ils vont subir de la part du gouvernement qu'ils ont choisi le 14 avril dernier, sans peut-être malheureusement étudier à fond tout le programme, en fin de compte.

M. le Président, des éditorialistes et chroniqueurs... Dans La Presse, André Pratte croit que, si le projet de loi n° 31 est adopté tel quel, les relations de travail vont se détériorer inutilement. Dans Le Soleil, Brigitte Breton croit plutôt que le projet de loi n° 31 entraînera arrêts de travail, multiplication des contestations juridiques et appauvrissement des bas salariés: «Le ministre veut que le Québec soit plus concurrentiel. Il gagnerait plus en misant sur la formation et l'innovation.» D'ailleurs, quand on élimine le 1 % sur la formation de la main-d'oeuvre, je n'ai pas l'impression que ça va dans ce sens-là. Bref, dans Le Journal de Québec, Michel C. Auger estime que le gouvernement n'a aucunement fait la preuve qu'il est nécessaire et même utile de modifier l'article 45, pas plus qu'il n'a même tenté de démontrer que ces modifications permettront autre chose qu'un appauvrissement pur et simple de certaines catégories de travailleurs.

Et, actuellement, je vous dirai, moi: À un moment donné, quand je suis entré en politique, bon, j'avais une certaine conception de la société. Mais, quand on fait du bureau de comté, je pense que tout le monde en conviendront ici, on a affaire ? en tout cas, j'espère que c'est comme... je suppose que c'est comme ça dans tout le Québec ? on a affaire à toutes les sphères de la société qui viennent nous voir dans nos bureaux. Et, moi, ça m'avait surpris de voir à quel point que nous sommes dans une époque soi-disant riche, parce que, moi, je considère que l'humanité n'a jamais été aussi riche qu'on est là. On assiste à un phénomène, c'est l'accroissement des écarts entre riches et pauvres. Actuellement, le Québec est l'endroit en Amérique où les écarts entre riches et pauvres sont les moins grands. Ce n'est pas banal, ça, hein? On essaie... Puis ça arrive souvent que le gouvernement, actuellement, il varge sur la tête du Québec. On essaie de diminuer le Québec, hein? Ce n'est pas attrayant pour ci, ça a telle problématique puis... Oui, oui.

Ce n'est pas parfait, le Québec. Mais n'empêche que le Québec se démarque à plusieurs endroits. Et, un élément dans lequel je suis fier, c'est justement l'endroit en Amérique où l'écart entre riches et pauvres est le plus faible. Il y a encore beaucoup de travail à faire, et je vous dirai, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, de mes concitoyens que j'ai rencontrés lorsque j'ai commencé à faire de la politique, qui m'ont vraiment ouvert les yeux sur certaines pauvretés que nous ne voyons pas partout dans la rue... Mais je crois que justement les règles du travail que nous avons établies au Québec vont dans ce sens-là, justement, s'assurer que la richesse soit redistribuée. Et là la tendance lourde de la globalisation des économies pousse un nivellement par le bas des normes du travail, et le projet de loi que nous étudions aujourd'hui va dans ce sens-là.

Donc, enfin, c'est notre position, c'est la position de bien des gens, comme j'ai pu vous le faire voir. Donc, en plus de contribuer et d'aller dans le sens de cette tendance lourde du nivellement par le bas des normes du travail, ça se fait à une rapidité absolument phénoménale qui, je pense, n'est pas sans provoquer beaucoup d'irritation, et c'est la raison, M. le Président, pour laquelle je voterai contre. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je suis en mesure de reconnaître le porte-parole suivant. Je reconnais M. le député de Joliette, porte-parole en matière de jeunesse. M. le député de Joliette... Non. Excusez. M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci. Je suis, M. le Président, porte-parole en matière de famille, enfance. L'enfance, c'est un peu comme la jeunesse, mais avant. Mais c'est un peu dedans aussi, parce qu'on est jeune lorsqu'on est enfant. Alors, je vous comprends, M. le Président, d'avoir un peu confondu les titres à ce niveau-là.

n(22 h 30)n

M. le Président, à ce moment-ci, je vais intervenir contre le projet de loi n° 31 essentiellement pour deux raisons qui se regroupent puis qui se retouchent beaucoup. Bien, le projet de loi n° 31, je vais intervenir contre parce qu'il est nocif pour la natalité, et parce qu'il va à l'encontre de la natalité, et parce qu'il va à l'encontre des valeurs familiales. Alors, moi, je veux prendre les 20 prochaines minutes pour vous démontrer cela, M. le Président. Pourtant, le lien est assez simple, hein? Partons juste de la réflexion, M. le Président, que nos structures économiques influencent nos structures sociales et que, à chaque fois qu'un gouvernement intervient sur les structures économiques, il envoie aussi par la bande un message des orientations sur nos structures sociales, et c'est ce que le projet de loi n° 31 vient faire en assouplissant une fois de plus l'article 45 du Code du travail.

Et, en ce sens-là, M. le Président, comment le projet de loi n° 31 va affecter, transformer notre structure économique? Bien, c'est bien simple, ce qu'on nous dit, c'est qu'on va rendre le Québec plus performant, plus flexible, plus compétitif, plus productif et plus concurrentiel. C'est essentiellement les grandes valeurs qui sont apportées pour assouplir l'article 45 par le projet de loi n° 31. Mais est-ce que les valeurs de performance, flexibilité, compétitivité, productivité, ces grands principes, là, d'être concurrentiel sont des valeurs qui sont compatibles avec les valeurs familiales? Alors, M. le Président, est-ce qu'en intervenant de la sorte sur le marché du travail, sur notre structure économique, en même temps qu'on fait ça, est-ce qu'on n'éloigne pas justement les valeurs, et le marché du travail, et la structure économique de plus en plus loin de ce qu'on appelle les structures sociales, les structures familiales?

Regardez, M. le Président, plusieurs intervenants se sont prononcés là-dessus pour dire, là, qu'au-delà d'un marché du travail qui était de plus en plus compétitif, flexible, bon, concurrentiel, il faut aussi regarder les gens, les citoyens en situation de travail que des personnes vont appeler des travailleuses, des travailleurs. Ce sont essentiellement des citoyens, des citoyens qui sont en situation de travail, des citoyens et des citoyennes, là, nos concitoyens et concitoyennes du Québec, là, O.K., et qui, lorsqu'ils se retrouvent en situation de travail, bien, ils demeurent les citoyens et les citoyennes du Québec. C'est juste que, là, on va les appeler travailleurs, travailleuses, mais ça reste de notre monde, là, tu sais, là, ils vivent dans notre environnement, ils vivent au Québec pareil. Alors, quel impact ça va avoir? C'est bien beau, là, d'essayer d'adapter le marché du travail québécois pour le rendre encore plus compétitif, concurrentiel et toutes les autres valeurs que je vous ai données, mais encore faut-il voir: Est-ce que ça l'aura un impact sur les gens, sur les citoyens et citoyennes qui sont en situation de travail dans ce nouveau marché du travail qu'on veut affecter, qu'on veut transformer?

Bien, je vais juste vous lire ici Michel C. Auger, qui nous dit qu'on va faire la démonstration, essentiellement, qu'on va avoir «un appauvrissement pur et simple de certaines catégories de travailleurs». Alors ici, on parle d'appauvrissement, O.K., compétitivité, d'un côté, peut-être, pour le marché du travail, mais appauvrissement des gens qui en sont les maîtres d'oeuvre. De l'autre côté, je vais vous citer aussi Michel Venne du Devoir: «C'est parce que cette ouverture va accroître l'insécurité des petits travaillants qui risquent d'aller grossir les rangs de ceux, déjà le tiers des employés au Québec, qui ont un emploi atypique, au statut précaire et vulnérable.» Alors là, M. le Président, on amène l'autre conséquence de ce désir de flexibilité et de compétitivité sur les gens qui en sont les maîtres d'oeuvre, donc les citoyens en situation de travail, c'est-à-dire l'insécurité, la vulnérabilité. C'est ça, l'impact que, là, ça a sur les gens.

Mais est-ce qu'en mettant les gens dans des états d'insécurité et de vulnabérité... vulnérabilité ? je vais encore faire les «bloopers», M. le Président ? est-ce que cet état de fait va faire en sorte que ces personnes-là vont se retrouver à aller facilement de l'avant avec le désir de fonder une famille? Lorsque les gens vivent des situations précaires, lorsque les gens sont de plus en plus vulnérables par rapport à une stabilité d'emploi, par rapport à une stabilité de revenus, bien, ces gens-là repoussent à plus tard l'instauration d'une famille, ça semble assez clair. Ça semble assez clair que l'un et l'autre vont ensemble.

D'ailleurs, regardez les liens entre le marché du travail qu'on veut de plus en plus compétitif mais, d'un autre côté, l'instabilité qu'on amène chez les travailleurs. On en parle ici, dans un article de La Voix de l'Est: «La sous-traitance peut s'avérer utile, productive, économique et alors souhaitable pour les services publics, les services privés. Mais, puisqu'elle peut aussi avoir des effets pervers pour les individus comme pour la société, autant y penser sérieusement.» C'est ce qu'on dit ici, là.

On pense juste aux règles économiques et on veut les adapter à l'Amérique du Nord, sauf que, de l'autre côté, il y a un vivre ensemble social qu'on doit aussi préserver. Parce qu'à mettre à niveau le Québec et à le rendre, là, sous des règles, là, assez obscures de performance et de compétitivité, bien, d'un autre côté, ça a des effets pervers directs sur les citoyens et citoyennes. Et c'est ce que l'article ici, que je vous ai cité nous rapportait. Alors là il ne faudrait pas non plus débalancer les valeurs qui émanent de nos structures économiques pour ainsi bafouer les valeurs sociales ou les valeurs qui sont à la base de l'instauration ou du début de la volonté de vouloir fonder une famille.

M. le Président, regardez, là, peut-être que certaines personnes vont dire: Ce n'est pas si clair que ça, le lien entre les structures économiques et les structures familiales. Avant les années 1900, au Québec, M. le Président, il y avait une société qui vivait ici avant les années 1900, c'était le Québec... vraiment un Québec agricole, bien, regardez comment c'était structuré, les familles du Québec agricole. L'exemple n'est peut-être pas aussi bon parce que, dans le temps, M. le Président, la famille était ni plus ni moins que l'entreprise, hein? Le père, c'était un peu le chef de l'entreprise, la mère, la directrice des ressources humaines, c'était elle qui s'occupait de tout le monde, les enfants, bien, ils travaillaient sur la terre, ils travaillaient avec tout le monde, puis, bon, c'était autosuffisant, et puis tout le monde travaillait là-dedans, puis c'était la façon de fonctionner. Mais on voyait vraiment une symbiose entre la structure économique puis la structure familiale, là, les deux allaient ensemble. Les gens qui ont écouté, je ne sais pas, moi, Les filles de Caleb, puis tout ça, voient bien, là. Ça, c'est de cette époque-là que je vous parle.

Il faut bien comprendre, M. le Président, on parle vraiment d'avant 1900. Parce qu'à partir de 1920 le Québec est urbain. Ce n'est pas 1960, là, que le Québec est urbain, M. le Président. 1920, recensement qui se fait: 51 % du monde vivent en ville, ils ne vivent plus dans des ruralités. Alors, il faut vraiment se comprendre, là. Ça fait qu'on parle vraiment d'un Québec... Parce que, des fois, on a tendance à penser que notre urbanité est arrivée tard. Non, non. C'est arrivé en 1920, je veux dire, pas mal en même temps que tout le monde dans les Amériques quand même.

Mais, avant ça, il y avait quelque chose qui vivait. Qu'est-ce qui s'est passé après les années 1900? Bien, ça a été le boom industriel. Mais le boom industriel, ça a été: on a transformé l'ensemble de nos valeurs puis de nos structures économiques. On les a transformées, mais vraiment de fond en comble, M. le Président. L'arrivée de l'industrie fait en sorte que, là, ce n'est plus la famille qui travaille sur sa petite terre puis qui est autosuffisante. C'est le père, bien souvent, qui quitte puis qui s'en va travailler à l'usine. C'est ça, l'ère industrielle, c'est ça, le boom industriel.

C'était quoi, les valeurs de ce monde-là? Bien, les valeurs de ce monde-là, c'était la propriété, hein, d'être un boss, hein, d'être un propriétaire d'entreprise, ça, c'était vraiment très valorisé, à cette époque-là. Les valeurs de stabilité. Moi, mon père, M. le Président, il a une montre, là... il a 25 ans de service dans son usine, il a eu une montre en or pour ça. C'est déjà pas trop pire. Vous avez sûrement une montre en or de l'Assemblée nationale, M. le Président.

Une voix: Une horloge.

M. Valois: Vous avez une horloge aussi, M. le Président? Bien, regardez, je tiens à vous dire, là, je suis à 24 années et des poussières d'avoir cette horloge, d'accord? Bon. Mais le concept de stabilité est quand même assez important, O.K.?

Et le concept de hiérarchie. On a des structures importantes dans nos usines, tout ça. Ça fonctionne avec le patron, les autres, puis là on sent vraiment, là, jusqu'aux employés de soutien, puis les gens qui travaillent, c'est tout structuré, ça. Mais ça a un impact sur la famille, ça, M. le Président. Regardez les valeurs familiales de cette année-là. Puis c'est, encore là... Là, ce n'est plus Les filles de Caleb, là. Là, on est rendu vraiment dans Quelle famille! Tu sais, l'émission Quelle famille! là? Bien, moi, je ne me rappelle pas trop de l'émission Quelle famille!, mais c'est... O.K.? On me l'a... je l'ai lu à quelque part.

Alors, ce qu'il faut comprendre, c'est que les valeurs familiales sont les mêmes. C'est la propriété, la propriété, mais de la famille qui a sa maison. C'est important aussi d'avoir sa maison. C'est la stabilité. Ce n'est pas 25 ans, montre en or dans l'entreprise, mais c'est 25 ans de mariage. Les mariages durent, à cette époque-là. Puis c'est aussi la hiérarchie, la hiérarchie à l'intérieur de la famille, qui fonctionne, une structure forte familiale, une structure même, à la limite, qu'on pourrait dire unique, presque unique, hein? Le modèle familial, on le voit, encore là, c'est un modèle qui est presque unique. Puis, dans chaque unité familiale, c'est pas mal le même modèle qu'on reprend.

Alors, les valeurs qui sont du système économique, alors, lorsque arrive le boom de l'industrialisation, la famille se transforme et vit au même rythme de ces valeurs-là. Bien, M. le Président, dans le milieu des années quatre-vingt, arrive une autre révolution économique, la révolution technologique, la mondialisation. C'est ça qui arrive, essentiellement. Puis qu'est-ce qui se passe, avec cette révolution-là? Bien, c'est l'arrivée de l'ordinateur. Vous savez, 1984, là, la compagnie Apple a lancé un ordinateur personnel. Tout le monde se lance là-dedans, O.K.? Et c'est très, très fort, le milieu des années quatre-vingt est très, très fort pour nous dire qu'on va rentrer dans une autre ère. Mais cette ère-là est autour de quelles valeurs? Ce n'est plus des valeurs de stabilité, M. le Président. C'est des valeurs, au contraire, de flexibilité, de mobilité. On ne veut plus être propriétaire unique d'entreprise, on veut posséder des actions parce que ça se vend plus facilement, on est plus mobile, on est plus flexible comme propriétaire.

Alors, ce n'est plus des valeurs non plus de structure. C'est des valeurs de réseau, hein? L'idée, ce n'est pas d'avoir des structures fortes, c'est d'être connecté en réseau. L'espace-temps s'est transformé, M. le Président. Là, peut-être que je viens de dire ça, puis là le monde va dire: L'espace-temps s'est transformé, là, c'est... où tu t'en vas avec ça? Bien, juste pour faire expliquer, là, avant, là, quand vous faisiez vos téléphones, vous appeliez chez quelqu'un puis vous demandiez si une personne était là, hein? Moi, là, quand je voulais parler à mes amis, j'appelais chez les Lauzon, O.K., qui restaient à Saint-Charles-Borromée, à côté de chez nous, à Joliette, je les appelais, puis là je disais: Claudette, Sébastien est-u là? Aujourd'hui, quand je veux parler à Sébastien, je l'appelle: Sébastien, t'es où? Je ne l'appelle pas à une place pour savoir s'il est dans le lieu, je l'appelle, lui, puis je lui demande il est où dans le monde. On a transformé, là.

n(22 h 40)n

Et ce qu'il faut comprendre, c'est que toutes les communications puis la façon de voir les choses se sont aussi transformées. On est beaucoup plus en réseau qu'en structures. Et d'ailleurs toutes les réformes que les gouvernements ont faites depuis les années quatre-vingt, ça a été pour, de plus en plus, mettre en réseau toutes les choses et non pas simplement vivre autour des structures. Ça a été très important.

Et ces valeurs-là, qu'est-ce qu'elles ont comme impacts sur la structure familiale, M. le Président? Bien, ça fait en sorte que toutes les familles aussi doivent être... Le concept de mobilité, le concept de flexibilité fait en sorte que ce sont des valeurs qui sont très, très, très difficilement compatibles avec ce que le marché du travail nous demande. Comment être mobile et flexible, M. le Président, avec une femme et deux enfants? Comment je peux me déplacer d'un lieu de travail à un autre? Comment, moi, je peux être professeur ? lorsque j'étais professeur ? être professeur au cégep de Drummondville, après ça, Shawinigan, après ça, peut-être au cégep de Val-d'Or? Comment je peux me promener, lorsque j'ai une famille? On déménage tout le monde? Il faut que je sois flexible et mobile, M. le Président, dans l'espace aussi. Mais, si j'ai une femme et si j'ai des enfants, je deviens de moins en moins mobile et de moins en moins flexible. Si mon emploi, M. le Président, est précaire, ce qu'il faut comprendre, c'est que tout ce qui m'amène vers la stabilité, je vais le mettre de côté. Alors, je n'achèterai pas de maison, je vais aller en location, je vais préférer louer un appartement. O.K.? Les mariages vont souffrir de cette mobilité, et on le voit très, très bien, la rupture des unités et des mariages, la difficulté de la persévérance des mariages.

Tout ça parce qu'il y a une pression qui est faite sur la famille pour être, encore là, compatible avec les valeurs d'une structure économique, une structure économique qui se tourne de plus en plus, comme je vous l'ai dit tantôt, vers de grandes valeurs très, très, très importantes comme la performance, la flexibilité, la compétitivité, la productivité et d'être concurrentiel, ce qui est essentiellement ce que le projet de loi essaie de faire. Mais, en nous amenant vers ça, on néglige tellement et on bafoue tellement nos valeurs sociales, M. le Président, qu'il faudrait y penser à deux fois. Pourquoi pensez-vous que les jeunes générations tardent à faire des enfants, si ce n'est pas qu'ils tardent à justement avoir quelque chose qui ressemble à de la stabilité sur le marché de l'emploi?

Dans ce sens-là, M. le Président, il faut vraiment regarder qu'on est en train d'alimenter, quelquefois par des petits projets de loi comme le projet de loi n° 31, mais qui ont de larges incidences sur notre marché du travail et aussi sur notre structure sociale... Alors, lorsqu'on alimente un marché du travail et des structures économiques qui sont de plus en plus flexibles et qui entraînent de plus en plus vers une certaine forme de productivité et de mobilité, on a des impacts majeurs sur les individus et leur capacité de vivre une vie épanouissante socialement.

Et ça, M. le Président, je pense qu'il faudrait prendre en considération ces choses-là parce que l'histoire des familles est intimement liée aux transformations économiques des histoires des sociétés. Et, en ce sens-là, ce qu'on est en train de faire et ce qu'on devrait faire, M. le Président, c'est beaucoup plus une réflexion sur comment est-ce qu'on va ramener un peu de stabilité, comment est-ce qu'on va ramener un peu plus de sécurité d'emploi pour des jeunes générations qui en ont besoin, comment est-ce qu'on va faciliter la syndicalisation des gens, comment est-ce qu'on va beaucoup plus s'assurer que les gens se retrouvent en situation d'emploi stable, comprenant très bien que, lorsque des jeunes se trouvent rapidement en situation d'emploi stable, c'est l'ensemble de leurs désirs d'enfants qui se trouve à vraiment être favorisé et, donc, l'émergence de familles en bas âge, parce que ça arrive avec.

Et ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est essentiellement ça, c'est que notre lutte d'aujourd'hui, alors que nous considérons qu'on a un problème de démographie, est une lutte essentiellement pour ramener un peu plus de stabilité, un peu plus de sécurité d'emploi. Et le projet de loi va exactement à l'inverse, plusieurs observateurs nous l'ont prouvé.

Alors, à alimenter des valeurs, sur le marché de l'emploi, qui sont incompatibles avec les valeurs qui sont à la base de la famille, c'est-à-dire les valeurs, justement, de sécurité et des valeurs de stabilité, qui sont des valeurs de base avant de se lancer dans la grande aventure que s'appelle une famille, bien, à partir du moment où est-ce qu'on alimente une structure économique qui s'éloigne de ces volontés-là, bien, déjà, on n'aide pas ce que je disais tantôt, c'est-à-dire la natalité. Et ce n'est pas un projet de loi qui a en son sein quelque chose pour dire que les familles vont se sentir... puis on va aider à l'instauration... aux gens, je veux dire, de fonder des familles. Et, en ce sens-là, je pense que c'est important qu'on y pense, qu'on y pense au moins à deux fois avant d'aller de l'avant.

J'aimerais qu'on ait cette réflexion, une réflexion beaucoup plus large, beaucoup plus large sur le fait que, essentiellement, une politique familiale, ce n'est pas simplement une politique de services de garde. Une politique familiale, c'est: Est-ce que l'ensemble de notre structure économique, est-ce que l'ensemble de nos structures sociales favorisent l'émergence de la famille? Est-ce que le fait d'avoir... Est-ce que les règles qu'on se donne présentement vont faire en sorte que les gens vont vouloir aller de l'avant avec leur désir d'avoir des enfants? Et je pense que le projet de loi n° 32, M. le Président, va amener... n'est pas un projet de loi à favoriser la stabilité. Au contraire, la stabilité individuelle est délaissée au nom de la flexibilité industrielle.

La sécurité économique des individus est délaissée au nom de la productivité et de la compétitivité des entreprises. Et, en ce sens-là, les valeurs de base qui établissent et qui sont à la base d'une famille sont oubliées au profit de valeurs économiques qui semblent avoir pris le dessus sur tout. Et, en ce sens-là, M. le Président, c'est important de le regarder, parce que certaines personnes vont dire: Bien, les valeurs de compétitivité, ah, c'est important, il faut être compétitif. M. le Président, à chaque fois que nous parlons de compétition, immanquablement, il y a des gagnants et il y a des perdants, aussitôt qu'il y a une compétition, c'est comme ça que ça fonctionne. Et, sur la scène internationale, nous voulons être des gagnants, mais comprenons aussi que, dans cette minorité de gagnants, il y a aussi une majorité de personnes qui sont des perdants sur la scène internationale, et ça, je pense qu'il faut en être très conscient, mais qu'en adoptant cette idée de compétitivité comme règle de base de notre vivre ensemble, on fait en sorte que, sur notre propre territoire aussi, il y a des règles de productivité et de compétitivité qui s'imposent, et que, lorsqu'elles s'imposent, ça fait qu'à l'intérieur même de notre territoire du Québec, il y a une minorité de gagnants et une majorité de perdants. À penser la compétitivité comme règle de base de nos structures, M. le Président, bien, tout ce qu'on amène, c'est de faire en sorte que, ici même à l'intérieur de notre société, il y aura des gagnants et il y aura des perdants.

Bien, M. le Président, pourquoi est-ce que, plutôt que de baser tout sur la compétitivité, on ne baserait pas nos réflexions sur la coopération? Parce que, lorsque nous parlons de coopération, il n'y a pas de perdant, M. le Président, tout le monde est gagnant. Et, vous savez quoi, M. le Président, la coopération est une valeur qui fonctionne aussi avec la famille parce que c'est aussi une valeur qui peut très bien s'instituer à l'intérieur de ce qu'on a de besoin pour fonder une famille.

Et, en ce sens-là, M. le Président, c'est bien beau de vouloir absolument être les meilleurs, c'est bien beau de vouloir absolument jouer les règles du jeu, mais, lorsqu'on s'aperçoit que ces règles du jeu là nous éloignent d'un vivre ensemble social, nous éloignent de ce qui devrait être à la base de notre Constitution et de justement ce qui fait en sorte... de nos liens sociaux, et qu'on est en train d'effriter et d'étriquer nos liens sociaux parce qu'on veut absolument être les meilleurs sur la scène économique, bien, je pense qu'on a à réellement réfléchir sur nos projets de loi qu'on fait et que, plutôt que d'avoir ici déposé un projet de loi, un projet de loi qui est, comme je le dis et que je le répète, un projet de loi qui va à l'encontre des familles, on aurait dû déposer des projets de loi qui facilitent la sécurité, qui facilitent la syndicalisation et qui facilitent la stabilité d'emploi. Visiblement, on ne va pas dans ce sens-là, et c'est pour ça que je vais voter contre le projet de loi n° 31.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Joliette. Je reconnais maintenant M. le député de LaFontaine.

M. Tony Tomassi

M. Tomassi: Merci, merci, M. le Président. C'est toujours un honneur pour moi de m'adresser ici, en cette Chambre, lieu de grands discours et, des fois, d'envolées spectaculaires, spatiales de gens de l'opposition. M. le Président, le 12 septembre 2001, le Parti libéral du Québec rendait public un document intitulé Un gouvernement au service des Québécois ? Ensemble réinventons le Québec, date importante, M. le Président, parce que c'était un document qui était rendu public un an avant des élections. Et, dans ce document, il contenait la base des engagements électoraux du Parti libéral, et, à la page 23, de ce document, au point 4, il y avait une note, Alléger la réglementation, on pouvait y lire ceci: «Par ailleurs, nous entreprendrons une révision globale des lois québécoises du travail afin de refléter la réalité concurrentielle des entreprises et les aspirations des travailleurs. Une telle révision des lois rendra le marché du travail plus flexible pour la création d'emplois tout en accordant une protection adéquate aux travailleurs. Notamment: L'article 45 du Code du travail sera assoupli de façon à faciliter le recours à la sous-traitance.» Alors, rien de nouveau dans le débat qui est ici actuellement.

n(22 h 50)n

Alors, notre programme complet dans l'assouplissement de l'article 45 est une invitation au changement pour tous les Québécoises et Québécois. Sur la base de ce programme, le 14 avril 2003, j'ai été élu ainsi que 60 autres candidats du Parti libéral du Québec, et, M. le Président, on vous le répète, on va faire ce qu'on a dit qu'on ferait. Or, dans le but de remplir nos objectifs, et ce, dans l'intérêt de nos citoyens, le projet de loi modifiant le Code du travail a été déposé par notre ministre du Travail. Le projet de loi n° 31 vise à corriger trois choses, M. le Président. Premièrement, l'article 45 est réécrit dans le but de corriger l'élargissement de sa portée. Deuxièmement, il a l'objectif de corriger l'insécurité et l'incertitude quant aux modifications du Code du Travail qui ont été faites en 2001 par le gouvernement précédent. Et, troisièmement, dans le cas où l'article 45 du Code s'appliquera au concessionnaire, il pourra renégocier les conditions de travail de ses employés à partir du premier jour de travail.

Comme le ministre l'a mentionné plus tôt dans son allocution, l'article 45 existe depuis 40 ans. Il avait été déposé dans le but de protéger les accréditations et conventions collectives des travailleurs, il n'avait pas été conçu pour empêcher la sous-traitance. Et, M. le Président, depuis le début de ces discussions sur l'article... sur le projet de loi n° 31, nous avons entendu l'opposition venir nous redire... nous avons entendu des gens en commission parlementaire, il n'y jamais personne qui s'est vraiment entendu sur la portée, sauf que...

Et l'opposition se permet de bien mentionner bien des fois le Pr Alain Barré, de l'Université Laval. Et je voudrais, moi, de mon côté, leur dire qu'il y a un article qui a paru dans Le Devoir du 12 novembre 2003, où est-ce que Claude Le Corre, qui est avocat spécialisé en droit du travail et l'auteur de plusieurs ouvrages dans ce domaine, disons... disait, excusez-moi: «Situons d'abord le débat. À l'origine, l'article 45 du Code du travail avait pour but d'empêcher les employeurs de contrer le syndicalisme. Ainsi, lorsqu'un employeur vend son entreprise à un prête-nom ou la fait redémarrer ailleurs sous une autre forme juridique, il ne peut plus ainsi se débarrasser du syndicat et de sa convention collective transférés par la loi dans la nouvelle entreprise ou chez les nouveaux propriétaires. Cet aspect de l'article 45 est légitime et nul ne le conteste.» Et, en plus, «cette disposition existe d'ailleurs dans toutes les provinces canadiennes».

Alors, comme vous voyez, M. le Président, les modifications que nous proposons aujourd'hui corrigent cette affirmation. Alors, le projet de loi n° 31 respecte les fondements du Code du travail et les droits des travailleurs du Québec. Le Code du travail sert de base à toute négociation collective pour éviter que des abus soient faits de part et d'autre. Il s'agit d'une loi établissant les limites minimales et les droits et obligations de base, autant pour les employeurs que les travailleurs. La modification de l'article 45 ne brime donc aucun droit.

Je tiens d'ailleurs à souligner qu'aucune des modifications proposées dans le projet de loi n° 31 ne touche une convention collective déjà négociée. Il n'a jamais été question pour le gouvernement de modifier les conventions collectives existantes ou même d'imposer des restrictions lors de la négociation. Les travailleurs conservent leur droit de négocier et de s'associer. Ils pourront conclure avec leurs employeurs toute entente sur la question de la sous-traitance. Le gouvernement ne s'immisce donc pas dans les négociations collectives, il vient seulement corriger les bases sur lesquelles ces conventions seront renégociées. Et l'article 45, même, dans sa forme, sera toujours là pour protéger les travailleurs contre les manières frauduleuses de certains employeurs. Notez plutôt que le projet de loi n° 31 vient rétablir le rapport d'équilibre entre les parties pour que les négociations des conventions collectives se fassent de façon plus équitable.

Alors, nous avons entendu les syndicats venir nous dire qu'en modifiant l'article 45 on enlevait ce pouvoir de négociation qu'ils avaient. Alors, M. le Président, d'un côté, nous avons le syndicat qui dit: On va négocier de bonne foi parce que, nous, on a le fusil sur votre tempe et les employeurs... Alors, on part sur le même pied d'égalité. Et je crois qu'en affaires, quand deux parties s'entendent, on négocie tous les deux avec les mêmes armes. Alors, pourquoi donner davantage à un et moins à l'autre?

Alors, actuellement, l'employeur ne peut négocier, comme je disais avant, de façon juste sur la question de la sous-traitance. Peu importe ce qu'il convient avec les travailleurs syndiqués, l'interprétation faite du Code du travail par les tribunaux limite son droit à recourir à la sous-traitance. Cette limite est tellement grande que l'employeur n'est même pas tenté de négocier sur ce point. Cette situation n'est avantageuse pour personne.

Comme l'a mentionné notre ministre, 71 % des entreprises au Québec vivent de la sous-traitance, en majorité des PME, et dans des domaines variés tels l'alimentation, la fabrication de pièces, la recherche et le développement, et l'entretien ménager. Comment donner à ces entreprises plus de contrats, avec les limites actuelles? Les modifications à l'article 45 s'imposent pour rétablir l'équilibre entre les parties, mais surtout ces modifications doivent être faites pour permettre à d'autres entrepreneurs d'offrir aux grandes entreprises leurs services spécialisés.

Et je viens d'un comté, M. le Président, le comté de LaFontaine, où est-ce que de nombreuses entreprises ont été créées par des contrats de sous-traitance. Ces gens-là, la majeure partie travaillaient déjà à l'emploi d'une entreprise d'une taille plus grande. Ces gens-là, deux, trois employés se sont levés un matin, se sont discuté et sont partis en affaires. Et ces gens-là aujourd'hui n'ont pas seulement le seul contrat de l'entreprise avec qui ils travaillaient, mais ils ont obtenu d'autres contrats avec d'autres entreprises, tout cela dans un environnement convivial. Alors, aujourd'hui, avec ce que les tribunaux... Parce qu'il y a vraiment eu un glissement de terrain.

Puis, pour vraiment démontrer qu'il y a vraiment un glissement de terrain, ce que l'opposition et ce que bon nombre de gens, syndicats, groupes qui sont venus nous rencontrer... Vous savez, l'article 45, il y a déjà eu une modification deux fois. Depuis 1996, on en parle. En 2001, vous avez eu, ici même ? moi, je n'étais pas élu en cette date-là ? il y a eu une étude d'une commission parlementaire qui a étudié la modification au Code de travail. Et, à cette époque, la ministre en titre, la ministre du Travail, était la députée d'aujourd'hui, la députée de Bourget. Et, pendant cette journée-là, il y a eu l'Association des ingénieurs du Québec, qui sont venus en commission parlementaire dire à la ministre que l'article 45 pouvait les affecter et qu'ils avaient des requêtes déposées par des syndicats envers eux, et ces requêtes-là étaient devant la Commission du travail. Et Mme la députée de Bourget répondait aux gens de l'Association des ingénieurs du Québec, et je la cite: «Ce n'est pas parce qu'il y a une requête en 45 que l'issue est déjà prédéterminée. Pour que l'article 45 s'applique, il faut qu'il y ait une transmission, une concession de quelque chose, il faut transmettre quelque chose. Or, par exemple, dans le cas où l'entreprise n'a pas l'expertise, elle a donc besoin d'aller chercher à l'extérieur, il n'y a pas de problème», Mme la députée de Bourget disait.

n(23 heures)n

Or, M. le Président, en juin 2003, dans un des dossiers touchant une firme de génie-conseil, le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal contre Cima Plus et ville de Montréal, un commissaire décidait qu'il y avait concession partielle et déclarait que la firme de génie-conseil devenait liée par l'accréditation détenue par le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal et par la convention collective de ceux-ci. Alors, si cet exemple-là ? pour laisser de côté l'exemple de Sept-Îles ? ne démontre pas qu'il y a vraiment un dérapage judiciaire concernant l'article 45, je ne le sais pas c'est quoi.

Or, M. le Président... Et, pour répondre à Mme Lemieux, qui, hier, citait, comme nos amis les Italiens pourraient le dire: «Who cares?», je veux seulement lui dire que, si elle veut avoir des mots d'italien, je vais pouvoir lui en donner quelques-uns, et on va pouvoir pratiquer. Peut-être pas ensemble, mais je vais lui marquer, puis ça l'aiderait. Sauf que je vous dirais quelque chose de plus en gesticulation de mains. Mme la députée de Bourget, elle est quasiment une Italienne. Elle est extraordinaire, elle parle bien avec ses mains.

Or, M. le Président, il faut comprendre que la réalité économique de l'entreprise de sous-traitance n'est pas souvent la même que celle d'un donneur d'ouvrage. Une PME spécialisée dans un domaine et qui emploie 10 personnes ne peut offrir les mêmes conditions de travail que l'entreprise à qui elle offre ses services et qui, elle, emploie 500 employés.

Il est important de ne pas étouffer les entreprises sous-traitantes en leur imposant des conventions trop lourdes. Et, à ce sujet, je vous reparlerais de M. Le Corre, qui dit: «Là où le Québec est devenu unique, c'est lorsque ses tribunaux administratifs ont allongé la portée de cet article à la sous-traitance. Ainsi, le consultant syndiqué de moteurs d'auto qui décide, pour diminuer ses coûts ou être plus efficace [...] fait appel à un sous-traitant, transfère à ce sous-traitant sa convention collective de consultant de moteurs ainsi que son syndicat en imposant aux sous-traitants, petits et grands, une convention collective souvent conçue pour une multinationale, sinon un organisme gouvernemental, et en imposant aux salariés de ce sous-traitant un syndicat qu'ils n'ont jamais choisi.»

Un autre exemple, et nous l'avons eu en commission parlementaire, c'est l'exemple de Prévost Car, où est-ce que le vice-président est venu nous parler que, pour améliorer la technologie d'un tableau de bord, ils ont dû aller... ils ont pensé aller en sous-traitance. Et, une des problématiques que ces gens-là avaient, c'était que, s'ils transféraient la production de ce tableau de bord là, pour faire concurrence à d'autres autocars, à une entreprise du Québec, l'entreprise québécoise pouvait être... pouvait se voir imposer, le sous-traitant, à la convention collective de Prévost Car.

Or, pour essayer de corriger cette situation-là, ils ont dû faire certaines choses, certaines manières de revoir les choses pour essayer de faire fabriquer ces tableaux de bord ici. Or, si l'article 45 n'avait pas la portée que le judiciaire lui aurait donné, nous aurions pu négocier, Prévost Car aurait pu négocier, avec un sous-traitant, la fabrication de ses tableaux de bord à une entreprise ici, du Québec, avec des règles que ce sous-traitant-là aurait... se serait données avec ses employés.

Or, M. le Président, vous savez, quand on lit des articles de journaux et quand on cite certaines personnes, il y a toujours deux côtés de la médaille. On est deux côtés de la Chambre. Qui dit blanc? Qui dit noir? Et, même à travers les éditorialistes, qui va dire blanc, qui va dire noir? Mais il faut vraiment prendre le projet de loi dans sa perspective, et c'est pour essayer de contrebalancer et essayer de corriger la situation que le judiciaire a fait pour que nous puissions... pour que ces entreprises puissent se développer, créer de nouveaux emplois, et, comme l'a si bien dit Paul-Arthur Huot, président de l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec, qui disait que «l'article 45 freine la hausse de la productivité à l'heure où le Québec a besoin d'améliorations à ce chapitre».

On n'augmente pas notre productivité pour mettre du monde dehors ni pour baisser leur salaire. Au contraire, productivité plus élevée est toujours synonyme de salaires plus élevés. Les entreprises toutes seules n'augmentent pas leur productivité s'il n'y a pas un coup de main de la part du gouvernement pour un cadre législatif qui soit favorable. En haussant la productivité, des emplois seront créés tant chez les donneurs d'ouvrage que les sous-traitants. En plus, nous réussissons à rendre le Québec productif. Plus, nous encourageons les investisseurs étrangers à venir chez nous.

Dans un contexte de mondialisation, la perspective d'un tel développement économique ne peut être que positive pour les citoyens du Québec, et tout cela sans empêcher la tenue d'accréditations nouvelles et la négociation de conventions collectives. Les travailleurs ici auront toujours, M. le Président, ce privilège, et le gouvernement continuera à veiller sur les droits des travailleurs.

En résumé, l'article 45 modifié par le projet de loi n° 31 protège encore l'accréditation et la convention collective, M. le Président, lors de la vente de l'entreprise et dans la majorité des cas de sous-traitance. Il n'empêche pas les syndicats de continuer à négocier avec leur employeur des clauses limitant l'usage de la sous-traitance pour réaliser les tâches normalement accomplies par les syndiqués. Nous comprenons que le changement peut sembler inquiétant, mais, en majorité, les Québécois et Québécoises ont donné le mandat au gouvernement d'entreprendre des changements. Le gouvernement entend remplir cette mission, et ce, dans le respect de tous.

Et, à ce propos, je voudrais que les gens d'en face liraient un article, qui est paru dans La Presse le 26 novembre 2003, de Guy Crevier, qui dit: «Les Québécois et Québécoises sont plus ouverts au changement qu'on pourrait le penser. Ils sont conscients des limites de notre société mais s'attendent à des solutions pragmatiques, à un rôle différent des politiciens, à un engagement plus profond des organismes, des entreprises et des individus.»

Ils ont fait un sondage, comme à toutes les années, un grand sondage, et: «Les résultats enregistrés cette année démontrent un important virage. Aujourd'hui, les gens réalisent que la vie offre de formidables opportunités, que des solutions sont ? convenables ? que les possibilités sont immenses. Le fatalisme des dernières années laisse place aux défis de société, aux défis personnels, à l'engagement des individus et à la créativité.»

Et, en plus, il y a plusieurs défis, un des défis est que... «Un défi pour la collectivité, notamment pour les entreprises: comment ces dernières peuvent-elles s'adapter pour faciliter les conditions de travail des parents, et en même temps retenir les gens plus âgés au travail?» Et l'autre défi, qui est celui de l'État, c'est: «comment stimuler les changements nécessaires, sans intervenir ? très important ? de façon lourde et coûteuse?» ce que, pendant neuf ans de temps, on a fait le contraire, et les gens, nécessairement, ont vécu dans un élan de fatalisme.

Or, M. le Président, comme le disait le premier ministre hier lors de son... l'autre jour en point de presse, on a présenté une vision de l'avenir du Québec qui est fondée sur notre volonté de faire reprendre la place de leadership pour les Québécois et Québécoises, pour l'ensemble de notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine, et je reconnais maintenant M. le leader de l'opposition officielle. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Boisclair: M. le Président, à ce moment-ci, sans toutefois utiliser mon droit de parole, si vous en convenez, en vertu de l'article 100, je ferais motion pour que le débat sur la motion en cours soit ajourné.

Une voix: Adopté.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, un instant. Un instant. Cette motion d'ajournement donne droit à un débat de 30 minutes. Est-ce à dire que, M. le proposeur de la motion, vous ne voulez pas utiliser votre droit de parole?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Vous ne voulez pas utiliser votre droit de parole. Est-ce que le leader du gouvernement veut utiliser son droit de parole? Alors, comme il n'y aura personne qui veut utiliser le droit de parole sur la motion d'ajournement, est-ce que la motion d'ajournement est adoptée? Alors, les travaux sont... Un instant. Oui. Un instant, s'il vous plaît!

Oui. Alors, M. le leader du gouvernement, vous proposez l'ajournement de cette Assemblée?

Ajournement

M. Dupuis: Oui, à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, l'Assemblée est ajournée à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 9)