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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 30 novembre 2004 - Vol. 38 N° 110

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Table des matières

Décision de la présidence sur la recevabilité de la demande de débat
d'urgence concernant la crise de la maladie de la vache folle

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures huit minutes)

Le Président: Bon matin, Mmes et MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie, veuillez vous asseoir.

Décision de la présidence sur la recevabilité
de la demande de débat d'urgence concernant
la crise de la maladie de la vache folle

Mes chers collègues, j'ai reçu, conformément aux dispositions des articles 88 et 89 du règlement, une demande de débat d'urgence de la part de la leader de l'opposition officielle. La demande porte sur la crise de la vache folle qui secoue actuellement le monde agricole.

Lorsque la présidence doit décider de la recevabilité d'une demande de débat d'urgence, elle doit se baser sur les critères contenus à l'article 88 du règlement ainsi que ceux élaborés, au fil du temps, par la jurisprudence parlementaire. Les principaux critères sont les suivants: la nature de l'affaire, le fait que le sujet a été discuté dans d'autres circonstances, les occasions prochaines de discuter du sujet et la compétence de l'Assemblée sur le sujet. En effet, je constate que la demande porte sur un sujet précis d'une importance particulière et qui relève de la compétence de l'Assemblée.

Bien que le sujet ait été abordé à quelques reprises lors de la période de questions et de réponses orales, il y a toujours urgence d'en discuter en raison des développements additionnels survenus tout dernièrement. La période des questions orales ne constitue pas une occasion prochaine de discuter de ce sujet puisqu'il ne s'agit pas d'une période de débat. Je vous réfère à cet effet à une décision du président Charbonneau rendue le 25 novembre 1997: en période de travaux intensifs, la priorité doit être donnée aux affaires législatives du gouvernement.

Toutefois, comme l'Assemblée en est au tout début de la période de travaux intensifs, cela laisse suffisamment de temps au gouvernement pour sa législation. Pour ces motifs, je déclare recevable la demande du débat d'urgence de la leader de l'opposition officielle, qui est reliée aux affaires du jour.

Des voix: ...

n (10 h 10) n

Le Président: S'il vous plaît! Il n'y a pas d'affaire à faire des applaudissements.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la vice-première ministre, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie.

Convention-cadre de l'OMS pour
la lutte antitabac, et note explicative

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, en vertu de l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, je dépose, à titre de document, l'engagement international important suivant, ainsi qu'une note explicative sur le contenu et les effets de l'engagement: la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac.

Et, M. le Président...

Le Président: Oui, Mme la vice-première ministre.

Motion proposant d'approuver la convention

Mme Gagnon-Tremblay: ...puis-je vous faire la motion suivante:

Que l'Assemblée nationale approuve l'engagement international que je viens de déposer conformément à l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales?

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Je vous avise qu'en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales la motion est présentée, toutefois elle ne pourra être débattue avant 10 jours.

Mme la vice-première ministre, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie.

Entente complémentaire entre
le gouvernement et l'Organisation
de l'aviation civile internationale concernant
les locaux de l'OACI, et note explicative

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, en vertu de l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, je dépose, à titre de document, l'engagement international important suivant, ainsi qu'une note explicative sur le contenu et les effets de l'engagement: l'Entente complémentaire entre l'Organisation de l'aviation civile internationale et le gouvernement du Québec concernant les locaux de l'OACI.

Motion proposant d'approuver l'entente

Et je fais, M. le Président, la motion suivante:

Que l'Assemblée nationale approuve l'engagement international que je viens de déposer conformément à l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales.

Le Président: Ce document est déposé. Est-ce que la motion est adoptée? Adopté.

Je vous avise qu'en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales la motion est présentée, toutefois elle ne pourra être débattue avant 10 jours.

Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Avis de déclassement d'une partie
du site historique de la Chute-Montmorency

Mme Beauchamp: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer un avis de la Commission des biens culturels du Québec sur le déclassement d'une partie du site historique de la Chute-Montmorency.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.

Rapport annuel de la Commission
de la capitale nationale

M. Hamad: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 2003-2004 de la Commission de la capitale nationale.

Le Président: Ce document est déposé. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion sans préavis concernant l'AFEAS, présentée conjointement par la leader adjointe du gouvernement, la députée de Terrebonne et la députée de Lotbinière.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période des questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.

Crise dans l'industrie du boeuf

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, depuis un an et demi, nos producteurs laitiers et bovins, qui sont très nombreux au Québec, font face à la plus importante crise de leur histoire. Face à l'immobilisme du gouvernement, hier, des centaines d'entre eux étaient devant notre Assemblée pour dénoncer le manque de leadership du premier ministre, en particulier dans ce dossier, et réclamer la solution exceptionnelle qui convient. Au cours des dernières semaines, le gouvernement s'en est lavé les mains et s'est placé à la remorque du gouvernement fédéral, ce qu'il a l'habitude de faire dans nombre de dossiers, d'ailleurs. C'est ça, la nouvelle ère de coopération, j'imagine, l'entente asymétrique. Il en faudrait une, justement. Hier, la ministre de l'Agriculture a fait échec dans ses revendications auprès d'Ottawa et nous l'a confirmé. Un autre échec. La liste s'allonge.

Puisque la ministre de l'Agriculture possède les pouvoirs nécessaires pour imposer un prix minimum des bovins abattus au Québec, le premier ministre peut-il enfin faire preuve de courage dans ce dossier et annoncer que les producteurs obtiendront 0,42 $ la livre des abattoirs au lieu d'attendre après le gouvernement fédéral?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, d'abord je veux souligner que le gouvernement n'a épargné aucun effort dans ce dossier depuis le début de la crise, une crise qui déborde et de loin les frontières du Québec, et les solutions ont toutes été envisagées. Je rappelle qu'on a, depuis le début de cette crise, fait en sorte que les producteurs ont eu un appui financier de l'ordre de 165 millions de dollars, si on combine à la fois l'aide du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, et, dans les derniers jours, les dernières semaines, la ministre de l'Agriculture a été en contact constant avec les fédérations, à la fois les fédérations de producteurs de bovins, de lait et l'UPA, pour que nous puissions effectivement trouver une solution durable.

Le problème, rappelons-le, l'enjeu, là, c'est qu'on a eu des solutions qui sont temporaires, malheureusement, compte tenu de l'aspect de la crise, et ce que nous voulons, ce que les producteurs veulent, c'est une solution durable à cette crise qui les afflige et qui, soit dit en passant, je pense, reçoit la sympathie de l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, incluant évidemment le gouvernement.

Pas plus tard qu'hier soir, la ministre a convoqué les parties à une discussion pour qu'on puisse tenter de trouver une solution. Ils se sont quittés tard hier soir. Je crois qu'ils vont se revoir aujourd'hui et que les discussions continuent entre les producteurs et les propriétaires de l'abattoir que nous avons ici, au Québec. Et encore une fois nous ne négligerons aucun effort, aucune avenue n'est exclue pour que nous puissions trouver une solution durable à cette crise.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: Ça fait un an et demi que ça dure, M. le Président. Est-ce que le premier ministre s'en rend bien compte? Est-ce qu'il se rend compte que la relève agricole ? ça, c'est des années d'avenir qui sont compromises ? est complètement déprimée? Est-ce qu'il se rend compte comme ? c'est exceptionnel dans des crises agricoles ? des agriculteurs en sont venus à commettre l'irréparable, ils se sont suicidés? Et pourtant l'UPA propose une solution, que nous avons étudiée, sous forme de législation, et nous sommes prêts, comme opposition, à accepter une législation qui serait présentée aujourd'hui même pour régler cette question. On ne parle pas de discussions ? est-ce que le premier ministre s'en rend compte? ? ni d'atermoiements. Est-ce qu'il pourrait se lever puis dire: Oui, nous acceptons la proposition d'une loi réclamée par l'UPA? Et, s'il le fait, nous l'appuierons immédiatement dans son geste.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, depuis un an et demi, nous n'avons négligé aucun, aucun effort. Et je veux rappeler aux députés de l'Assemblée que j'ai été le premier à évoquer, lors du début de la crise, le fait qu'on devait considérer la possibilité de moduler des solutions sur une base régionale. Ça s'est fait, j'en ai un souvenir, ça s'est fait lors d'une rencontre que j'ai eue avec le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, une première rencontre, parce qu'à ce moment-là il présidait le Conseil des premiers ministres du Canada. Et je tiens à réitérer que, depuis ce moment, nous n'avons jamais, jamais négligé aucun effort pour trouver une solution. Et ce que nous voulons, c'est justement de trouver et de mettre en place des solutions qui seront durables, et, en ce sens-là, en ce sens-là, nous n'excluons aucune avenue, aucune.

Maintenant, les parties se sont rencontrées hier soir, ils sont activement à la recherche d'une solution, ils vont encore discuter aujourd'hui et on va leur donner l'occasion d'aller le plus loin possible, et, au moment venu ? et on n'attendra pas éternellement, évidemment ? le moment venu, le gouvernement va tirer ses conclusions, et on n'exclut aucune avenue pour que nous puissions mettre en place une solution durable.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, le premier ministre ne se rend-il pas compte que, malgré ses efforts stériles, le gouvernement n'a pas mis de solution sur la table mais que l'Union des producteurs agricoles, par ses services de recherche et ses services juridiques, en a mis une et que nous sommes prêts à l'appuyer? Qu'attend le premier ministre pour poser ce geste qui apaiserait les producteurs dans leur angoisse et mettrait fin rapidement à la crise?

n (10 h 20) n

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je pense que le chef de l'opposition officielle sait très bien que le gouvernement a effectivement proposé des solutions, que dans l'ordre, là, on les a abordées les unes après les autres, et on l'a fait de façon rapide. Il n'y a pas eu de long délai, là, entre le moment où les solutions ont été proposées et vérifiées, que ce soit la proposition faite au gouvernement fédéral de faire un prix plancher ou la possibilité que le gouvernement du Québec fasse en sorte qu'il y ait un prix plancher.

Mais qu'on tienne compte des conséquences à chaque solution pour qu'on puisse s'assurer qu'une solution qu'on propose aujourd'hui ne soit pas invalidée dans une semaine ou deux semaines parce que la solution d'aujourd'hui aurait été contournée d'une autre façon, c'est ça, c'est ça, le sens de ce que nous recherchons. C'est une solution qui fera en sorte que les producteurs pourront avoir un prix raisonnable sans qu'une autre avenue... sans qu'on arrive, une semaine plus tard, avec un contournement de ce qu'on aura proposé. On veut une solution qui va durer dans le temps.

Je veux rassurer les députés de l'Assemblée nationale, on n'attendra pas très longtemps. On sait effectivement ce que nous avons comme outils d'intervention, les parties le savent, parce que ça a été mis sur la table de façon très claire dans les discussions qui ont eu lieu hier, et ils ont le choix d'en venir à une entente ou encore de voir le gouvernement du Québec intervenir si on en arrive à cette conclusion-là, et nous sommes prêts à le faire.

Le Président: En question principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

Stratégie visant l'établissement
d'un prix minimum pour la viande de boeuf

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Oui, M. le Président. 18 mois. Ça fait 18 mois. Ça fait déjà trop longtemps que cette crise perdure. M. le Président, comment expliquer l'immobilisme de ce gouvernement? Aujourd'hui, s'ouvre à Québec le 80e congrès annuel de l'Union des producteurs agricoles sur un fond de crise exceptionnelle, et la ministre a les deux pieds dans la fosse, M. le Président. Le gouvernement a le pouvoir d'agir, il a le pouvoir de fixer aux abattoirs un prix plancher d'achat qui permettrait aux producteurs d'obtenir un prix de 0,42 $.

Ma question est simple, M. le Président: Qu'attend la ministre pour appliquer sa propre loi ou toute législation utile, à laquelle on est prêts à collaborer, qui lui donne le pouvoir d'appliquer le prix plancher à 0,42 $?

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, comme le disait le premier ministre tantôt, nous, ce qu'on privilégie, c'est une solution durable. À mon initiative, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Mme la ministre.

Mme Gauthier: À mon initiative, M. le Président, hier soir, on a fait en sorte que les parties, les représentants de l'Abattoir Levinoff de même que le président de la Fédération des producteurs de boeuf, le président de la Fédération des producteurs de lait, le président de l'UPA, se sont rencontrées. Comme le disait le premier ministre, les parties savent effectivement le plan du gouvernement. Ce qu'on souhaite, c'est qu'ils en arrivent à une solution négociée. C'est notre premier souhait.

Aujourd'hui, au moment où on se parle, M. le Président, les parties se parlent encore. Et, si tant est qu'il n'y a pas de solution négociée, les parties savent très bien que nous allons prendre nos responsabilités pour les Québécois et les Québécoises, pour nos producteurs québécois, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: M. le Président, qu'est-ce qui arrive au prix plancher pancanadien? On n'en parle plus maintenant. Comment la ministre peut expliquer que le député de Roberval ait lui-même contribué au creusage d'une fosse hier? M. le Président, c'est dans Le Quotidien de ce matin. Est-ce que le gouvernement est si pessimiste face à la résolution de cette crise?

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, tous les députés ministériels travaillent en étroite collaboration avec notre gouvernement pour trouver une solution durable. Tous les députés ministériels. Le Conseil des ministres, M. le Président, a toujours répondu présent pour appuyer nos producteurs du Québec. Nous souhaitons, je le répète, une solution qui soit durable, négociée. Et, si tant est que cela n'arrivait pas, nous allons prendre nos responsabilités comme gouvernants, M. le Président, et ça, pour le bien-être des Québécois et des Québécoises, pour le bien-être des producteurs.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: M. le Président, la question qui se pose à ce moment-là, c'est: Quand? Quand? Quel est le délai que se donne la ministre pour agir, M. le Président? On a attendu des semaines pour... deux semaines pour un plancher pancanadien. Mais quand, là? C'est quand, le délai, M. le Président, pour les agriculteurs?

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, je répète encore une fois, nous parlons quotidiennement avec les représentants de l'industrie, les représentants des fédérations. M. le Président, encore hier soir, jusqu'à minuit et demi, j'étais avec le président de l'UPA, le président de la Fédération des producteurs de bovins, le président de la Fédération des producteurs de lait, les représentants de Levinoff pour tenter de trouver une solution. Cependant, M. le Président, hier soir, et ça, ils le savent, les parties, ils savent où le gouvernement du Québec se dirige. Si tant est, M. le Président, qu'il n'y ait pas de règlement qui intervienne, s'il n'y a pas de règlement qui intervient sur une proposition faite par l'UPA, je le rappelle, à ce moment-là nous allons intervenir. Nous allons prendre nos responsabilités comme on l'a fait depuis le début de cette crise, M. le Président.

Le Président: Alors, une dernière question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: M. le Président, concrètement est-ce que la ministre peut nous dire si cette rencontre au sommet avec tous les gens, là, qu'elle a rencontrés hier... Qu'est-ce que ça va donner comme résultats concrets? Et est-ce qu'aujourd'hui les agriculteurs vont obtenir 0,42 $ pour la vache de réforme? Voilà la question, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, moi, je suis issue d'un milieu, d'un monde où on privilégie la négociation. Je crois à cela, moi, la négociation, et je pense que c'est à se parler qu'on se comprend. Mais manifestement, M. le Président, si tant est que la négociation échoue, parce que ça arrive des fois que les négociations échouent, notre gouvernement, je le répète, va prendre ses responsabilités, comme on l'a toujours fait depuis le début de cette crise.

Le Président: En question principale, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Projet de construction d'un hôpital
universitaire francophone à Montréal

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, depuis des mois, le gouvernement libéral manifeste un manque flagrant de transparence à l'égard du site du futur centre hospitalier universitaire francophone. D'abord, il y a déjà trois mois, dans un rapport gardé secret par le gouvernement, l'Agence de Montréal mettait en garde le ministre de la Santé des nombreuses conséquences négatives pour la population du déplacement, vers la cour de triage d'Outremont, du futur CHUM. Ensuite, après avoir officiellement confié la responsabilité de la réalisation du futur hôpital au conseil d'administration de l'actuel CHUM, le gouvernement le contourne, passe par-dessus le C.A. et assiste, consentant, à la négociation par Paul Desmarais, de Power Corporation, d'un terrain de 3,5 millions de pieds carrés pour des besoins 10 fois moindres de l'université.

Alors, la question: Qui s'installera sur le 90 % de terrains existants et de qui seront-ils la propriété? Le premier ministre peut-il nous indiquer comment il se fait que la Corporation d'hébergement du Québec, dont c'est pourtant le mandat, est évacuée, est exclue de cette acquisition?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, d'abord il faut savoir qu'il n'y a rien de décidé sur la question du site du futur CHUM, et ça, c'était très clair au moment où le rapport de MM. Mulroney et Johnson a été rendu public. On veut choisir un site, là, qui sera optimum.

Maintenant, sa question serait mieux posée à celui qui propose effectivement qu'il y ait une étude sur le site des cours de triage. C'est Robert Lacroix, de l'Université de Montréal, le recteur actuel, qui, lui, a un projet qui déborde la mise en place... ou la construction d'un centre hospitalier universitaire. Il aimerait que nous puissions également examiner un projet qui inclurait la construction de pavillons qui touchent les sciences de la vie, qui touchent à un domaine ? je n'ai pas besoin de le dire à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve ? qui est très important pour l'avenir économique du Québec, toutes les questions des sciences de la vie, où la ville de Montréal, soit dit en passant, rayonne sur le plan international. Nous avons, nous, cet avantage, à Montréal, d'avoir eu, sur le plan de la recherche médicale, une réputation de premier niveau, et l'objectif du gouvernement, c'est de faire en sorte qu'on puisse bâtir sur ce que nous avons acquis.

Maintenant, il propose une alternative. Moi, je pense qu'il faut effectivement garder l'esprit ouvert. Il la proposera avec tous les tenants puis les aboutissants pour qu'on puisse connaître ce qu'il y a derrière ça. Puis on ne devrait pas se priver de l'occasion d'examiner cette alternative-là. Si c'est la bonne puis si on pense que c'est la meilleure, compte tenu de l'ensemble des intérêts qui sont là, bien on ne devrait pas se priver de l'occasion de l'étudier. Bien au contraire, je pense qu'il faut garder l'esprit ouvert.

Le Président: En question principale, M. le député...

M. Simard: Complémentaire.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Simard

M. Simard: Oui, M. le Président. Il semble bien qu'il y ait beaucoup d'argent à faire avec l'argent du public en santé.

n (10 h 30) n

Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer l'intention ferme du gouvernement de réaliser le projet du Centre hospitalier de l'Université de Montréal en partenariat public-privé?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais rassurer mon collègue le député de Richelieu, à savoir si on va construire les deux centres hospitaliers universitaires en partenariat public-privé ou en mode traditionnel, nous allons examiner les deux formules, M. le Président. Il est clair que ce que l'on veut éviter par ailleurs, ce sont les dépassements de coûts que nous avons connus jusqu'à maintenant pour les projets d'infrastructures d'envergure, que ce soit le métro de Laval, que ce soit GIRES. M. le Président, nous voulons contenir les coûts et nous allons aller vers la solution qui va nous donner satisfaction à cet égard.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Simard

M. Simard: M. le Président, est-ce que le premier ministre maintient ce qu'il affirmait au Devoir en avril dernier, que les superhôpitaux seront gérés par le privé?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, vous savez, au niveau des partenariats public-privé, nous parlons de construction d'infrastructures, et c'est là le but d'un partenariat public-privé, et ça inclut également l'entretien du bâtiment. Parce qu'un des volets qu'on a connus durant les 40 dernières années, c'est que dans le fond on a abandonné nos infrastructures à bien des égards et qu'on les a laissées se détériorer. Avec les partenariats public-privé, nous maintenons notre patrimoine d'établissements publics en bon état, M. le Président.

Le Président: En dernière question complémentaire, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, la question, M. le Président, est simple: Pourquoi la Corporation d'hébergement du Québec, dont c'est le mandat et qui est déjà propriétaire du site de la cour Glen, pour la construction du futur hôpital universitaire de McGill, pourquoi la corporation est-elle exclue de la négociation en cours pour l'acquisition de la cour de triage d'Outremont?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je voudrais rassurer ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve à l'effet que la Corporation d'hébergement soit exclue: la Corporation d'hébergement du Québec est bien incluse dans la cour Glen, une fois qu'on a pris la décision d'aller construire à cet endroit-là. Il n'y a rien de décidé dans le cas du CHUM, et par conséquent on garde l'esprit ouvert, suite à la demande du recteur de l'Université de Montréal de voir si c'était opportun de considérer ce site par opposition à un autre site.

Le Président: En question principale, M. le député de Joliette.

État des dossiers en négociation
avec le gouvernement fédéral

M. Jonathan Valois

M. Valois: Oui. M. le Président, le premier ministre a pu discuter avec le premier ministre du Canada à Ouagadougou. On se souvient de la liste que j'avais faite... que j'avais rendue publique ici, à l'Assemblée, une liste de points en litige entre le gouvernement du Québec et celui du Canada, liste que j'avais fournie au premier ministre avant son départ et liste qui, soit dit en passant, M. le Président, avait été considérée par le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes comme très éloquente.

À cette liste, M. le Président, on doit rajouter, depuis le départ du premier ministre pour Ouagadougou, d'autres points en litige, comme celui de l'obtention du siège pour le Québec à l'UNESCO, le transport en commun, le bois d'oeuvre, le train rapide Québec-Windsor, et d'autres.

Ma question est bien simple: Lesquels de ces points ont été discutés entre les deux premiers ministres et quels gains ont été faits, concrets, pour les Québécoises et les Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, je me rappelle effectivement de la liste du député de Joliette, de tous les problèmes que le Parti québécois avait laissés derrière lui, pour qu'on soit appelés à les régler, là. Il y avait là-dedans les Jeux... il y avait les Jeux, aussi, des pompiers, que vous aviez nommés également, qui fait partie de vos priorités.

Et je pensais, aujourd'hui, que le député de Joliette allait se lever pour qu'il puisse féliciter le maire de Québec et tous ceux et celles qui ont milité d'arrache-pied pour que nous puissions obtenir ici, dans la capitale nationale du Québec, le sommet des chefs d'État et de gouvernement, en 2008, pour le 400e anniversaire de la ville de Québec. On l'a obtenu, M. le Président.

J'en profite pour remercier M. le maire L'Allier, qui a été évidemment... qui nous a beaucoup assistés là-dedans, mais j'en profite aussi pour souligner au député de Joliette que c'était ma première occasion d'être... de représenter le Québec à un Sommet de la francophonie, et j'en ai profité également pour manifester la présence du Québec et son intérêt dans les dossiers qui touchent le rôle politique que doit jouer dorénavant la francophonie. Et, s'il y a une chose dont je suis très fier suite à ce sommet, c'est que le Québec aura occupé une place importante dans les discussions sur le plan politique.

Comme il le sait, ça n'a pas toujours été le cas. Mais, moi, je tenais beaucoup à ce que nous puissions assumer notre rôle, que ce soit le dossier d'Haïti, même de la Côte-d'Ivoire, partout où le Québec peut jouer un rôle utile, M. le Président, dans la francophonie. Et, si on peut s'assurer que l'OIF joue un rôle plus important dans ce rôle politique, dans ce mandat politique, cette mission que nous voulons lui confier, le Québec va l'encourager en ce sens-là. Et, en ce sens-là, on aura fait un gain, un pas supplémentaire pour le Québec lors de ce 10e Sommet de la Francophonie, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Oui, M. le Président. M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire, sans sous-estimer les Fêtes du 400e, que c'est aussi en 2008 qu'on réglera les congés parentaux, que c'est aussi en 2008 que sera réglé le dossier de la vache folle, que c'est aussi en 2008 qu'on réglera peut-être le déséquilibre fiscal, que c'est aussi en 2008 que tous les autres dossiers qui touchent concrètement les Québécoises et les Québécois seront réglés? Est-ce que c'est ça que le premier ministre est en train de nous dire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Ce que je peux vous dire, c'est ce que je sais d'expérience et ce que la population du Québec sait par expérience. Avec le Parti québécois au gouvernement, il y avait une garantie, à peu près, qu'on n'allait rien régler, parce que de toute évidence il y avait un autre agenda. Tandis que, depuis l'élection d'un gouvernement libéral, depuis les 18 derniers mois, il y a eu la création d'un conseil de la fédération, il y a eu... Bien, il y a eu une entente dans le domaine de la santé...

Des voix: ...

Le Président: Je demanderais votre collaboration. La seule personne qui a la parole actuellement, c'est le premier ministre.

M. Charest: Il y a une négociation actuellement sur l'assurance parentale, M. le Président, ce qui n'était pas le cas avant l'élection du nouveau gouvernement...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, je demande votre collaboration. Vous êtes en question complémentaire, M. le premier ministre. Si vous voulez conclure.

M. Charest: Il y a des négociations en cours dans les services de garde, M. le Président. Mais, si le député de Joliette et les députés de l'opposition ont absolument besoin d'une mesure de succès, est-ce que ce n'est pas Jacques Parizeau qui m'a félicité pour l'entente sur l'asymétrie, M. le Président? Si Jacques Parizeau était satisfait, pourquoi vous ne l'êtes pas, vous?

Le Président: En question principale, M. le député de Mercier.

Participation du Canada au déploiement
d'un bouclier antimissiles par les États-Unis

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer, en ce jour de visite officielle du président américain au Canada et au Québec, quelle est la position du gouvernement du Québec sur le bouclier antimissiles américain?

Le Président: M. le premier ministre.

Des voix: ...

Le Président: Je demande votre collaboration, chers collègues. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le premier ministre, je constate, comme tout le monde, le petit moment de nostalgie du député de Mercier, qui souhaiterait sans doute aujourd'hui être dans un autre parlement, si je me fie à sa question. Parce que sa question serait mieux posée par la maison mère du Bloc québécois, à Ottawa, que posée ici, à l'Assemblée nationale, alors que ça revient d'abord au gouvernement fédéral de transiger, de discuter avec les États-Unis sur cette question-là.

Ce que j'ai comme information, c'est ce que vous avez comme information, à l'effet que ce ne sera même pas un sujet qui sera discuté lors de la rencontre. Moi, c'est la meilleure information que j'ai. À moins que le député de Mercier ait d'autre chose à ajouter là-dessus, c'est au gouvernement fédéral, avec le gouvernement américain, de déterminer les paramètres de cette question-là du bouclier antimissiles et de déterminer les intérêts que nous avons à y participer ou non.

n (10 h 40) n

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Daniel Turp

M. Turp: M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il a évité de répondre à une question qui préoccupe beaucoup les Québécois, qui suscite beaucoup d'inquiétudes auprès de Québécois? Alors, je répète tout simplement ma question: Est-ce que le gouvernement du Québec a une position sur la création et l'investissement de l'argent des Québécois dans un bouclier antimissiles américain?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, aussitôt que je verrai le chef du Bloc québécois, je partagerai avec lui l'inquiétude de son ancien député sur la question du bouclier antimissiles. Je lui demanderai de remplir sa mission. Je pourrais même vous trouver son numéro de téléphone, si vous voulez lui parler et lui demander de poser la question.

Entre-temps, M. le Président, ce que je sais, c'est que, sur une question comme celle-là... Et je peux vous dire...

Des voix: ...

Le Président: Je demande votre collaboration, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

Des voix: ...

Le Président: Je demande votre collaboration. C'est plus facile pour la présidence de présider quand les gens apportent leur collaboration. M. le premier ministre.

M. Charest: Je voulais juste, pour mémoire, rappeler au député de Mercier ? je peux faire ça pour la députée de Deux-Montagnes aussi ? que j'étais, moi, au gouvernement fédéral lorsque l'administration Reagan avait proposé un projet similaire. Ça s'appelait, en anglais, Star Wars, à l'époque. Et le gouvernement fédéral de l'époque, sous le leadership de Brian Mulroney, avait décliné l'invitation du gouvernement américain de participer, parce qu'une fois qu'ils avaient approfondi les tenants et les aboutissants du projet ils avaient choisi de ne pas procéder.

Mais ça, ça ne se fait pas, là, sur une intuition. Ça se fait... Quand c'est un sujet aussi sérieux que celui-là, ça se fait après des discussions qui sont assez détaillées pour définir les intérêts des uns et des autres. Mais, à ce moment-là, moi, je faisais partie d'un gouvernement qui avait dit non, qui avait décliné, et ça n'a pas eu pour effet non plus d'envenimer les relations entre les deux pays. Au contraire, ça a été fait dans un contexte où chacun a défini ses intérêts propres.

Le Président: En question principale, Mme la leader de l'opposition officielle.

Respect du contrat de ville conclu avec Montréal

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, le président du comité exécutif de Montréal, M. Frank Zampino, ne mâche pas ses mots pour décrire l'attitude du gouvernement libéral à l'égard de la métropole, et je le cite: «Ce gouvernement qui souhaite établir de nouveaux partenariats public-privé devrait s'engager sur la bonne voie en respectant d'abord les partenariats public-public comme celui qu'il a conclu avec la ville de Montréal», nous a-t-il dit hier. C'est que, contrairement à ses engagements répétés, le gouvernement libéral refuse de compenser Montréal pour le transport scolaire, les services policiers et le Palais des congrès, ce qui représente 35 millions de dollars.

Alors, M. le Président, qu'est-ce que le premier ministre attend pour honorer ce contrat de ville, sachant que son ministre s'était engagé à le faire?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, étant porte-parole et ministre responsable de Montréal, vous comprendrez que je suis ravie de prendre cette question.

Aux propos que tenait M. Zampino à l'effet qu'il fallait respecter le public-public plutôt que de se pencher sur les partenariats public-privé, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir de M. Zampino à cet égard. Absolument pas. Absolument pas. Je n'ai aucune leçon à recevoir de M. Zampino. Je suis très respectueuse, M. le Président... je suis très respectueuse de chaque niveau de gouvernement. Et j'ai rencontré M. Zampino et j'ai rencontré le maire de Montréal, M. le Président, pour discuter de ces volets, et nous allons bien sûr continuer le dialogue avec le maire de Montréal et M. Zampino. Je pense que ses propos flairaient le mauvais goût.

Le Président: En question complémentaire, Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, est-ce que le premier ministre accepte que la présidente du Conseil du trésor traite avec autant de condescendance Montréal, notre métropole? Et est-ce qu'il ne devrait pas, au contraire, refuser ce genre de propos, lui qui a besoin d'obtenir un pardon sur le démembrement qu'il a offert à Montréal?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, il n'y a aucune condescendance de ma part. Je suis, au contraire... je suis, au contraire, M. le Président, complètement...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je demande votre collaboration. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je suis très respectueuse de chaque niveau de gouvernement, et les gouvernements municipaux sont aussi imputables que le gouvernement du Québec à l'endroit de leurs citoyens. Par ailleurs, je comprends que M. Zampino n'est pas très heureux de certaines décisions, mais, de faire un quelque lien avec les partenariats public-privé, je pense, M. le Président, que c'était là un peu exagéré.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Taillon.

Fermetures d'écoles de quartier et de village

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Les écoles de quartier, tout comme d'ailleurs les écoles de village, sont la pierre angulaire de nos communautés. Or, nous le constatons, plusieurs d'entre elles sont menacées de fermeture en raison d'une baisse du nombre de leurs élèves. Uniquement à Montréal et à Laval, on parle d'une trentaine d'écoles dont l'avenir à court terme est incertain. D'autres écoles seront éventuellement menacées de fermeture si elles ne font pas l'objet de rénovations majeures. À la Commission scolaire de Montréal, on parle d'un manque à gagner, en termes d'investissements... c'est-à-dire d'un problème d'investissements de l'ordre de 125 millions de dollars. Alors que les besoins financiers sont immenses, le financement gouvernemental plafonne, quand il ne diminue pas carrément, comme ce fut le cas l'an dernier, M. le Président.

Est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous confirmer qu'il accordera une aide d'urgence dans le prochain budget, comme le réclame le président de la Fédération des commissions scolaires, afin d'éviter la fermeture d'écoles de quartier et de village, M. le Président?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Pierre Reid

M. Reid: Oui. M. le Président, le Québec est confronté à une baisse de natalité, à une démographie qui fait en sorte que le nombre d'enfants qui vont à l'école diminue, ce qui cause évidemment des problèmes, et pas uniquement dans les villages, mais aussi dans les quartiers urbains. Je salue, à ce titre-là, la résolution de la Fédération des commissions scolaires et la résolution de la plupart des commissions scolaires, qui ont décidé de se donner un peu plus de temps, toutes celles qui avaient des fermetures d'écoles prévues, pour que nous puissions discuter davantage, dans chacune de ces commissions scolaires, avec les parents, avec les différents intervenants pour faire tout ce qu'il est possible de faire pour éviter des fermetures d'école. Il y en aura sans doute, mais notre gouvernement, et les commissions scolaires, et la Fédération des commissions scolaires cherchent à voir, par tous les moyens, comment est-ce qu'on peut éviter.

Une des solutions, qui découle du Forum des générations et sur laquelle nous allons nous pencher en équipe de travail, c'est l'équipe de travail sur l'école communautaire. Et, dans ces discussions, auxquelles participeront évidemment le monde scolaire, mais aussi le monde municipal et les différents... les aspects communautaires de notre société, nous allons chercher à trouver de quelle façon en particulier l'école communautaire apportera des réponses. Parce qu'il y en a partout, j'en ai vu beaucoup, M. le Président, dans ce contexte-là.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Dans la perspective énoncée par le ministre, est-ce que celui-ci peut s'engager à élargir la discussion sur l'avenir des écoles au Québec et donc à tenir des consultations publiques pour que l'ensemble des citoyennes et des citoyens de même que des groupes puissent être entendus sur cette importante question, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pierre Reid

M. Reid: Oui. M. le Président, l'entente... la résolution dont je viens de parler est précisément à cet effet que, dans les commissions scolaires, on se donne du temps pour que les discussions se fassent, les discussions prennent plus d'ampleur, et c'est à ce niveau-là, localement, que les discussions vont se faire. On nous demande, de notre côté, des aides de différentes façons et en particulier des aides financières. Nous sommes à étudier les demandes des commissions scolaires en ce sens.

Le Président: En question principale, M. le député de Îles-de-la-Madeleine.

Conformité de la réglementation
sur la couleur de la margarine

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci, M. le Président. M. le Président, la ministre de l'Agriculture disait récemment, à La Terre de chez nous, à propos de la couleur de la margarine: «Notre réglementation est légitime parce que son objectif ultime, c'est la protection du consommateur», et elle ajoutait: «Il faut faire attention de ne pas se tirer dans le pied.»

Est-ce que la ministre a mis en garde son collègue du Développement économique et régional des dangers de participer à des discussions pancanadiennes sur le sujet? Quels gestes concrets a-t-elle posés pour s'assurer que la réglementation québécoise ne soit pas remise en question dans le cadre de l'Accord du commerce intérieur?

n(10 h 50)n

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, simplement rappeler au député des Îles-de-la-Madeleine que le dossier de la coloration de la margarine est un dossier que nous défendons ardemment. Nous croyons tellement à la légitimité de notre réglementation que nous sommes prêts à en débattre devant le panel, M. le Président. Et c'est ça qu'on a expliqué aux producteurs, c'est ça qu'on a expliqué aux gens de la Fédération des producteurs de lait, que, nous, nous sommes d'avis, nous sommes convaincus que notre réglementation est conforme à l'entente du commerce intérieur. Et nous sommes tellement confiants; toute l'opinion juridique que nous avons nous conforte dans notre position. Et c'est pour ça d'ailleurs que nous croyons pouvoir débattre ce dossier-là de façon à ce qu'on puisse gagner devant le panel, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: M. le Président, ma question, c'est: Est-ce que la ministre peut rassurer les producteurs laitiers québécois réunis aujourd'hui en congrès de l'autre côté de la rue? Est-ce qu'elle peut les assurer qu'elle ne posera aucun geste pour créer une autre crise dans cette industrie? Peut-elle s'engager immédiatement à ce que le Québec se retire de ces discussions?

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: M. le Président, M. le Président, le député des Îles-de-la-Madeleine, là, je pense qu'il ne comprend pas bien ce qui se passe. Il n'y a aucune discussion, M. le Président. Il n'y a aucune discussion entre différents collègues pour modifier la réglementation sur la coloration de la margarine. Notre prétention, c'est que notre réglementation est conforme au traité que nous avons signé avec les autres provinces, et nous sommes tellement confiants que, nous, on n'a pas peur d'aller défendre nos positions. On va aller défendre notre position devant le panel, M. le Président. Et ça, on le fait en partenariat avec les gens de la Fédération des producteurs de lait. Ils participent, ils ont participé à l'élaboration du mémoire, M. le Président, et on l'a fait en collaboration avec les gens, l'Association des consommateurs du Québec aussi, M. le Président.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Si c'est le cas, M. le Président, si c'est le cas, si elle est si certaine que ça, pourquoi, à ce moment-là, avoir accepté des discussions sur le sujet? Si elle est si certaine de la valeur de sa réglementation, pourquoi risquer une autre crise dans le secteur laitier? Quel est le mandat de son représentant, à ce moment-là, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Bien, coudon, M. le Président, là, il était, il n'y a pas si longtemps que ça, ministre de l'Agriculture. Est-ce qu'il sait de quoi on parle? On ne discute pas, on ne remet pas en question notre réglementation, M. le Président. Il y a une province, l'Alberta, qui conteste la légitimité de notre réglementation. Nous, on dit qu'on est conformes à la lettre et à l'esprit de l'entente sur le commerce intérieur.

Il y a un panel, il y a un mécanisme d'arbitrage de différends, il y a un panel qui va nous entendre. Nous, on pense et on est certainement confiants d'avoir gain de cause devant le panel. C'est juste ça, M. le Président. Nous avons... On s'est donné des outils pour arbitrer nos différends, et, nous, comme on est confiants de notre réglementation, on va aller devant le panel défendre notre position et nous allons gagner, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Matapédia.

Méthode d'établissement de la valeur
admissible à titre de paiement
de droits des travaux sylvicoles

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. M. le Président, mercredi dernier, le ministre délégué à la Forêt a publié, dans la Gazette officielle, un projet de règlement abolissant les grilles de taux que le gouvernement paie pour les traitements sylvicoles, s'en remettant plutôt au système du plus bas soumissionnaire. Cela aura des conséquences très négatives sur les conditions de travail déjà difficiles des travailleurs sylvicoles.

Dans un article au titre évocateur du journaliste Yves Chartrand, Le ministre des Forêts s'est-il mis les pieds dans les plats? ? il y en a qui se tirent dans le pied, il y en a qui ont les pieds dans les plats ? le porte-parole du ministre a déclaré au Journal de Québec que le milieu était d'accord avec ces modifications. Il a tout à fait raison, M. le Président, tous sont d'accord pour dire que c'est une décision précipitée et inappropriée.

Ma question. M. le Président, je demande encore une fois au ministre: Pourquoi n'attend-il pas les conclusions de la commission Coulombe avant d'adopter des changements néfastes, aux effets néfastes, M. le Président, sur les conditions de travail et les salaires des 8 000 travailleurs sylvicoles du Québec?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué à la Forêt, à la Faune et aux Parcs.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: Merci, M. le Président. J'aurais pensé que la députée de Matapédia aurait remercié le gouvernement pour l'annonce qu'il a faite hier, à Amos, en ma personne et à celui du député de Laporte et ministre du Développement économique et régional, où, avec la compagnie Tembec, on a annoncé l'ouverture du projet Temlam et la création de 160 emplois en région, M. le Président.

M. le Président, je suis sensible au sort des travailleurs forestiers et je pense que la nouvelle façon de faire permettra de rémunérer adéquatement les travailleurs de chaque région et de chaque secteur à traiter. La nouvelle façon de faire pourra prendre en compte les particularités locales et régionales, par exemple les difficultés de terrain et l'éloignement des sites à traiter. Je tiens à rassurer la députée de Matapédia, M. le Président, le projet de règlement est en prépublication, pour une période de 45 jours, et tous les intervenants intéressés pourront faire leurs commentaires et propositions. Et entre-temps la commission Coulombe aura déposé son rapport, et nous pourrons en tenir compte pour la suite des événements.

Le Président: En question principale, M. le député de Joliette.

Exercice des fonctions de M. André Bachand
à titre de chef de poste du Bureau
du Québec à Ottawa

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, M. le Président. Le 10 août 2004, le gouvernement nommait M. André Bachand, ancien député conservateur, chef de poste du Bureau du Québec à Ottawa. Pour bien qu'on se comprenne, M. le Président, le titre de chef de poste à Ottawa est extrêmement important. C'est cette personne qui non seulement représente les Québécoises et les Québécois dans la capitale fédérale, mais c'est aussi, dans le cadre de ses fonctions, cette personne-là qui a à transiger quotidiennement avec l'appareil administratif et politique à Ottawa. C'est en quelque sorte notre ambassadeur dans la capitale fédérale.

Ma question est bien simple: À partir du moment où, le 14 octobre dernier, sous la plume de Michel Vastel, on apprenait que M. Bachand, dans le cadre d'une course au leadership du Parti conservateur, avait accumulé des dettes, encore impayées, de l'ordre de 50 000 $, est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il trouve convenable qu'un officier du Québec qui occupe un poste aussi important soit dans une situation aussi inconfortable?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, personne ne remet en question la compétence et l'expérience de M. Bachand. D'ailleurs, je dois dire que sa venue au Bureau du Québec à Ottawa est très, très bien accueillie par nos homologues fédéraux et par les membres, d'ailleurs, de toutes les formations politiques, soit dit en passant, y compris par les membres du Bloc québécois.

Quant au reste, il s'agit d'une affaire privée qui relève des relations qu'entretient M. Bachand avec différents individus. Ça ne remet pas en question sa compétence. Et je répéterai que sa compétence est fondée justement sur une vaste expérience, une importante expérience de la scène fédérale, ce qui va aider le Québec et le Bureau du Québec dans le dossier qui nous occupe.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Est-ce qu'on peut savoir, M. le Président, si le premier ministre a fait enquête sur M. Bachand avant de le nommer à ce poste-là? Parce qu'il faut exactement comprendre que cette personne-là transigera aussi avec le chef de l'opposition officielle... chef donc du Parti conservateur à Ottawa, avec lequel il doit 50 000 $ à des grands financiers de ce parti-là. Est-ce que le premier ministre a fait une enquête auprès de M. Bachand, maintenant qu'on sait qu'il a les mains liées dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, je dirai simplement au député... je recommanderai simplement au député de Joliette d'avoir un minimum de prudence. Il parle d'avoir les mains liées dans un dossier où, en fin de compte, ça dépend de la personne. C'est un dossier qui est tout à fait personnel.

Que nous sachions, il n'y a rien qui remet en question l'intégrité personnelle de M. Bachand. M. Bachand réglera ses affaires lui-même avec les gens avec qui il peut avoir eu des transactions dans le passé. Ça ne regarde pas le gouvernement. Ce qui regarde le gouvernement, c'est son intégrité professionnelle, qui n'est pas remise en question, bien entendu sa compétence, qui n'est pas remise en question, et son expérience, sur laquelle nous pouvons compter.

Le Président: Ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Votes reportés

Motion proposant de souligner
le travail de l'AFEAS,
Association féminine d'éducation et
d'action sociale promouvant la non-violence

Nous en sommes aux votes reportés. Ça va? Mme la whip adjointe, ça va? Oui? Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion sans préavis présentée conjointement par Mme la leader adjointe du gouvernement, la députée de Terrebonne et la députée de Lotbinière. Cette motion se lit comme suit:

n(11 heures)n

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le travail de l'AFEAS, association faisant la promotion de comportements non violents, particulièrement envers les jeunes, les femmes, les personnes âgées, par le biais de sa campagne annuelle de sensibilisation appelée l'Opération Tendre la main, qui se déroule cette année pour une 8e édition du 21 novembre au 5 décembre.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Séguin (Outremont), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), Mme Courchesne (Fabre), M. Cusano (Viau), M. Reid (Orford), M. Audet (Laporte), Mme Gauthier (Jonquière), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme Théberge (Lévis), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Pelletier (Chapleau), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Mulcair (Chomedey), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Després (Jean-Lesage), Mme Boulet (Laviolette), Mme Leblanc (Beauce-Sud), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Brodeur (Shefford), M. Gautrin (Verdun), M. Bordeleau (Acadie), M. MacMillan (Papineau), Mme Lamquin-Éthier (Crémazie), M. Chenail (Huntingdon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), Mme Thériault (Anjou), M. Auclair (Vimont), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), M. Bernier (Montmorency), M. Blackburn (Roberval), Mme Charest (Matane), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gabias (Trois-Rivières), Mme Hamel (La Peltrie), Mme Gaudet (Maskinongé), M. Dubuc (La Prairie), M. Descoteaux (Groulx), M. Clermont (Mille-Îles), Mme Charlebois (Soulanges), Mme L'Écuyer (Pontiac), Mme Legault (Chambly), M. Lessard (Frontenac), M. Mercier (Charlesbourg), M. Moreau (Marguerite-D'Youville), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. Paquin (Saint-Jean), M. Tomassi (LaFontaine), M. Soucy (Portneuf), M. Rioux (Iberville), Mme Perreault (Chauveau), Mme Vien (Bellechasse), Mme James (Nelligan).

M. Landry (Verchères), Mme Lemieux (Bourget), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Marois (Taillon), M. Charbonneau (Borduas), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Legault (Rousseau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Létourneau (Ungava), M. Boucher (Johnson), M. St-André (L'Assomption), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Jutras (Drummond), Mme Vermette (Marie-Victorin)... Mme Caron (Terrebonne), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Cousineau (Bertrand), M. Valois (Joliette), M. Bouchard (Vachon), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Bédard (Chicoutimi), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Richelieu), M. Legendre (Blainville), Mme Charest (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), M. Bourdeau (Berthier), M. Turp (Mercier), M. Côté (Dubuc), Mme Maltais (Taschereau), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Papineau (Prévost), M. Thériault (Masson), M. Tremblay (Lac-Saint-Jean), Mme Champagne (Champlain), M. Girard (Gouin), Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Grondin (Beauce-Nord), Mme Roy (Lotbinière), M. Légaré (Vanier).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions? Aucune abstention. Est-ce qu'il y en a qui votent contre? Aucun? Aucun. M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 114

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: Alors, cette motion est adoptée.

Motions sans préavis

Motion sans préavis. M. le chef de l'opposition officielle et député de Verchères.

Souligner l'apport de M. Michel Bourdon,
ancien parlementaire de l'Assemblée nationale,
au développement social du Québec et offrir
des condoléances à sa famille et à ses proches

M. Landry: Oui. M. le Président, je demande le consentement de l'Assemblée pour débattre... conjointement d'ailleurs, ce consentement, je le demande avec le premier ministre et la députée de Lotbinière pour la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne l'apport de M. Michel Bourdon au développement social du Québec et offre ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement... une motion conjointe du chef de l'opposition, du premier ministre et de Mme la députée de Lotbinière? Il y a consentement. M. le chef de l'opposition officielle, la parole est à vous.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, du début à la fin de sa vie, Michel Bourdon nous a donné, à tous et à toutes, des leçons qui doivent être imitées et qui sont porteuses d'avenir. La dernière qu'il nous a donnée d'ailleurs, et de façon assez tragique, c'est que, même quand les forces physiques s'effondrent, même quand le corps ne répond plus, c'est l'esprit et l'intelligence qui est la caractéristique principale de l'être humain. Et, de ce point de vue là, il a donné exemple et espoir à toutes les personnes handicapées et à toutes les personnes qui vivent des tragédies liées à leur condition physique.

Donc, il a conservé une lucidité exemplaire qui lui a permis d'aller dans la continuité de sa vie. Et quelle est la continuité de sa vie? La recherche de la justice. Il est né avec cet instinct profond, qui ne s'est jamais démenti, que l'injustice doit être dénoncée, corrigée, et qu'en même temps la justice doit être poursuivie de manière active. Cela a teinté ses convictions sociales et ses convictions nationales. Cela a teinté les choix de sa vie dans le domaine professionnel. Je crois que le mot intérêt personnel, pour lui, était une vague notion qui n'avait que très peu de rapport avec lui. Il a choisi son premier métier dans l'ordre des métiers sociaux et démocratiques. Il a choisi d'être journaliste, comme René Lévesque qui avait choisi le même métier, parce que, disaient l'un et l'autre, être informés, c'est être libres. Et c'est quand on est libres qu'on peut mener le combat de la justice, ce que fit Michel Bourdon, dans ses autres métiers, avec les qualités qui étaient les siennes. Et pour faire ce qu'il a fait, il en fallait, des qualités, et pour le faire aussi bien, il en fallait de grandes.

D'abord, intelligence. Intelligence dans les débats politiques qui étaient passionnants, mais intelligence dans tout. On pouvait avoir la conversation la plus légère avec lui comme la plus profonde que ses yeux pétillants faisaient pétiller les nôtres. Je vous donne un détail. Dans la vie publique, ce n'est pas toujours l'univers de la tranquillité et de la paix. Il avait acquis une belle maison à Saint-Irénée, une maison bleue, conforme à ses convictions, et il appelait la maison La Sainte Paix. Quand il arrêtait, il voulait la sainte paix.

Mais, quand il n'arrêtait pas, il voulait la sainte bataille, et il l'a menée dans le monde syndical d'abord et pas d'une façon facile. Pourquoi? Parce que Michel Bourdon était un homme de gauche, mais il n'était pas un gauchiste. Ça veut dire qu'un homme de gauche qui n'est pas un gauchiste souvent doit affronter la droite et les gauchistes, et il l'a fait avec un courage, avec une intégrité hors du commun. Parce qu'après l'intelligence, je l'ai dit, il avait un courage tout à fait exceptionnel et un sens de l'éthique. Le monde syndical, pour lequel il avait un préjugé extraordinaire, c'était le préjugé de sa vie, c'était un syndicaliste et un grand syndicaliste, comporte par ailleurs, comme tous les domaines de l'activité humaine, parfois des défaillances éthiques. Michel Bourdon n'a pas été complaisant. Quand il a vu que, dans l'univers syndical, se posaient des problèmes d'éthique, il les a dénoncés vigoureusement, et sa vie fut menacée par des bandits et par des voyous. Ça ne l'a pas fait dériver d'un iota de ce qu'il croyait être la défense de la justice.

Donc, en matière sociale, il n'a jamais cru que les mécanismes de l'économie de marché étaient suffisants pour établir la justice, répartir la richesse. Il s'est donc employé non pas seulement à une justice pour les syndiqués, ce qu'il a défendu brillamment, mais à la justice pour les gens qui n'avaient pas leur part de la répartition de la richesse, syndiqués ou non. Cette distinction, pour lui, n'avait plus aucune importance dès lors qu'il y avait un combat de justice et d'égalité à mener. Il l'a fait, évidemment avec les mêmes convictions et pour les mêmes raisons, dans l'ordre du combat national québécois. Il s'est joint, dès le début, aux efforts du plus grand Québécois de tous les temps ? c'est ce que toutes les études démontrent ? René Lévesque, pour que, comme le disait Lévesque à la fin de sa vie, le Québec devienne un pays complet et reconnu. Et Michel Bourdon a fait cette bataille.

n(11 h 10)n

Et, dans une entrevue émouvante et, je dirais, éblouissante qu'il a donnée il y a quelques mois ? il pouvait encore il y a quelques mois donner une entrevue éblouissante ? il a dit ceci: J'aime mieux que le Québec soit un pays sur 200 qu'une province sur 10.

Bien, c'est ça, la recherche de la justice en matière nationale: les nations doivent être libres. Les nations, comme les individus qui ont droit au partage de la richesse, ont droit au partage des pouvoirs nationaux, et les nations veulent et doivent être libres. Cela aussi a animé la vie de Michel Bourdon.

C'est pourquoi, au nom de notre famille politique, au nom de tous les progressistes qui se réclament de nous à cause de ce qu'il a fait dans cette Assemblée, au nom de tous nos collègues, indépendamment des partis, je rends hommage à celui qui peut déjà être considéré comme un grand Québécois, et j'exprime aussi toute ma solidarité, toute ma peine à sa famille, à sa fille et à celle qui est assise à ma droite, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, dont on peut dire qu'elle fut à tout le moins sa camarade.

Alors, chère camarade, notre solidarité affective est avec toi pour ce qui a été une tranche de ta vie, qui est à ton honneur comme à l'honneur de celui dont nous déplorons le départ aujourd'hui.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, je n'ai pas eu le privilège de connaître personnellement M. Bourdon. Mais, comme plusieurs Québécois aujourd'hui et surtout comme parlementaire à l'Assemblée nationale du Québec, je veux partager avec la population du Québec ce moment important pour se rappeler la vie d'un homme qui, de toute évidence, était un esprit libre, un homme qui avait des idées et des convictions très fermes, un homme qu'on décrit, soit dit en passant, dans... tous ceux qui ont eu l'occasion de commenter son passage, dans des termes qu'on retrouve rarement sous un seul nom, de «courageux», de «combatif», «intrépide», «homme de feu», un homme qui était un orateur redoutable, dit-on, qui était craint autant par ses adversaires au sens le plus noble du terme, sur le plan politique. Même à l'intérieur de son propre parti, on raconte que même René Lévesque, son chef, le trouvait plutôt dérangeant.

Et, M. le Président, je veux vous relire une citation que je retiens d'un commentaire fait, suite à son décès, par M. Perron qui disait ceci. M. Perron, soit dit en passant, était employé de la CSN pendant 25 ans. Il est aujourd'hui au ministère du Travail, et je cite ce que M. Perron a dit: «Suite à son élection ici, à l'Assemblée nationale, en 1999, il m'avait dit que c'était le plus beau jour de sa vie. Il trouvait important de faire partie de ces 125 députés décideurs.» Fin de la citation. De toute évidence, à travers ses combats, il avait trouvé le chemin qui l'a mené ici, à l'Assemblée nationale du Québec, à l'endroit où, ultimement, les combats les plus importants se font pour défendre les intérêts des hommes et des femmes du Québec.

Il a été journaliste, syndicaliste. Je retiens de sa vie, M. le Président, qu'il n'a reculé devant aucun adversaire. On dit même qu'il ne connaissait pas la définition du mot «peur» et de la crainte, et, de toute évidence, ce fut le cas, puisqu'il a été directement impliqué dans, on le sait, un des moments les plus dramatiques de la vie syndicale québécoise, cette fameuse commission Cliche et ce combat qui s'est fait à l'intérieur même des instances syndicales, qui a été un moment, il faut le dire, sombre de l'histoire syndicale du Québec.

Lui-même syndicaliste, pour mesurer son courage, n'avait pas hésité à remettre en question ses frères et soeurs du mouvement syndical à qui de toute évidence il reprochait un certain nombre de choses. Je retiens également, M. le Président, qu'il l'a fait au risque de ses intérêts personnels, que sa vie a été menacée, et Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve rappelle des moments plus durs de ce combat qu'ils ont dû mener ensemble, alors qu'ils ont dû faire appel à une protection policière. Et sans doute que ça a été pour eux un moment très dur, difficile, mais qu'ils ont affronté avec beaucoup de courage.

Je veux m'adresser, par vous, à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour la remercier, aujourd'hui, d'avoir partagé les commentaires et les épisodes de la vie qu'elle a eus avec M. Bourdon. Je la remercie parce que ce n'est pas évident, M. le Président, pour une personne de vouloir partager une partie de sa vie privée. Personne, ici, ne se serait attendu à ce qu'elle accepte de le faire, mais elle a accepté de le faire par générosité de toute évidence pour que les Québécois puissent mesurer la grandeur de cet homme. Et je ne doute pas un seul instant que sa vie à lui, qu'elle a partagée pendant plusieurs années, a été beaucoup influencée par sa contribution à elle.

Je veux donc me joindre à tous ceux et celles qui ont connu M. Bourdon, qui ont eu l'occasion de travailler avec lui, d'être inspirés par lui, d'être inspirés par un homme à qui la sclérose en plaques a enlevé la vie, et je peux m'imaginer à quel point ça a dû être difficile pour lui d'accepter cette maladie, lui qu'on disait un orateur formidable, un homme qui aimait lire et qui a perdu la vue pendant la période de sa maladie, mais qui n'a jamais perdu son courage, qui n'a jamais perdu ses convictions.

Il aurait dit à sa fille, Catherine Harel Bourdon, qu'il souhaitait voir ses petits-enfants, et cette histoire a une fin heureuse parce qu'on nous dit qu'effectivement il a pu voir ses petits-enfants. Et, à un âge où plusieurs personnes commencent leur vie publique, M. Bourdon malheureusement nous quitte. Et nous en garderons le souvenir d'un homme qui, même s'il est mort jeune, aura vécu plusieurs vies dans l'espace de temps qu'on lui aura accordé.

Alors, je veux vous dire nos condoléances et vous dire que, comme vous, nous allons célébrer sa vie et nous en inspirer dans les combats qui nous attendent. Merci.

Le Président: Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. C'est un honneur pour moi, au nom de mon aile parlementaire adéquiste, de prendre la parole ici en tant que jeune députée nouvellement élue, pas nécessairement jeune mais nouvellement élue. C'est un homme que je n'ai pas côtoyé, mais j'ai lu, j'ai entendu aussi des témoignages bien avant la journée d'aujourd'hui, j'ai aussi lu ce qui en était écrit ce matin et j'en tire une grande inspiration. Mon seul regret, c'est de ne pas l'avoir côtoyé. Toutes nos pensées, nos meilleures pensées accompagnent sa famille, tous ceux qui l'aimaient, tous ceux qui s'en inspirent. Nous souhaitons ici faire un vif hommage à son combat, à son courage. Et, M. le Président, soyez assuré que nos meilleures pensées accompagnent toutes les personnes qui l'aimaient.

Le Président: Merci, Mme la députée. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Parler de Michel, ce n'est pas nécessairement facile. Il y a des images, moi, qui me reviennent à l'esprit.

Première image, c'est cet homme en chandail bleu, pantalon de velours, 1970, la grève des journalistes à Radio-Canada, l'élection... la non-élection, je veux dire, du FRAP dans l'élection municipale et le courage qu'il avait fallu pour cet homme de remettre sa carrière complètement en question pour défendre la liberté d'expression. La liberté d'expression était un élément fondamental.

n(11 h 20)n

Deuxième image, la coopérative d'alimentation qui avait été créée sur le boulevard Saint-Joseph, et avec sa conjointe, qui est, aujourd'hui, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, en train malgré tout de vivre une véritable vie de tous les jours, une vie familiale dans cette coopérative qu'on avait constituée, un certain nombre d'entre nous, à l'époque où on croyait beaucoup aux coopératives d'alimentation.

Troisième image, d'orateur dévastateur. Et, moi, j'utilise «dévastateur», à l'heure actuelle, qui était capable d'entraîner une foule derrière lui et... Mais orateur dévastateur mais profondément juste, incapable d'haïr, et qui était toujours, même ? et, moi, j'ai souvent été en désaccord avec lui ? toujours capable de reconnaître le vrai dans ses adversaires, quels qu'ils soient.

Collègue ici, à l'Assemblée nationale, à partir de l'élection de 1994, porte-parole sur... J'aurai toujours... On se rappellera toujours de grands débats sur les bingos qu'il avait menés avec vigueur dans cette Assemblée. Mais collègue qui a toujours défendu l'importance du rôle du député, l'importance du rôle du député et l'importance que chacun d'entre nous, dans cette Assemblée, avons, où, quelles que soient les fonctions que nous occuperons, nous sommes, d'abord et avant tout, un des 125 députés du Québec.

Dernière image un peu plus triste... enfin, non, avant-dernière image: 1996, lorsqu'il se savait atteint de cette terrible maladie, la sclérose en plaques, ce discours ? je pense qu'il était assis là-bas ? lorsqu'il s'est levé pour faire ses adieux à ses collègues de travail, adieux qu'il n'aimait pas tellement, et nous avoir tous invités dans Charlevoix, dans sa maison bleue qui... en effet, maison bleue qu'il voulait que l'on visite le plus souvent possible, quelles que soient nos opinions politiques, parce qu'il avait toujours l'espoir de pouvoir nous convaincre de la justesse de ses positions, ce qu'il n'a pas réussi, mais, enfin, continuant quand même.

Et, dernière image, celle de la télévision, où, avec énormément de courage, il a mené la lutte pour les malades à Saint-Charles-Borromée. Je dois dire à sa fille Catherine que je lui présente toutes mes condoléances. On se rappellera longtemps de son père, M. le Président. Merci.

Le Président: Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier tous de cet hommage qui est rendu ce matin à Michel Bourdon, vous remercier, de la part de sa fille adorée Catherine, de ses petits-enfants Julien et Eloïse, de ses frères, Laurent, Normand, Daniel, qui l'ont beaucoup entouré, de même que de ses collègues et amis qui ne l'ont jamais abandonné et qui l'ont accompagné durant toutes ces dernières années.

Je voudrais également remercier le personnel du quatrième étage de Saint-Charles-Borromée, qui lui a témoigné un dévouement absolument inlassable. J'étais, hier soir encore, dans la chambre en fait au quatrième, et il y avait justement un infirmier auxiliaire qui me racontait qu'il y a quelques jours à peine Michel essayait une dernière fois de le convaincre qu'il fallait voter oui au prochain référendum.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et Catherine appelait Michel un guerrier pacifique, et je crois que cette expression lui convient bien.

Nous avions été un couple, il m'a toujours dit: Nous ne le sommes plus, mais nous resterons une famille. Et je crois que c'est un des beaux messages, je pense, que l'on peut faire à ceux et celles qui, parmi les Québécois, ne réussissent pas leur mariage mais réussissent leur divorce. Et vous connaissez son humour. Alors, il me disait: Nous avons raté notre mariage, nous allons prouver que nous sommes capables de réussir notre divorce.

Et je crois que c'est un beau, c'est un beau testament aussi qu'il laisse, c'est-à-dire cette capacité de transcender, de dépersonnaliser les situations difficiles et puis de faire face, comme il a fait face, avec la peur. Je sais qu'il a eu peur dans certaines situations; il avait raison de craindre pour sa vie. Mais il avait le courage de ses convictions, il avait le courage de ses idées. Il les a eues comme journaliste, il les a eues comme syndicaliste. Il a adoré son métier de député. Le personnel me raconte encore que, pendant trois ans et demi, jamais il n'a parlé de sa maladie. Mais il leur racontait inlassablement tout ce qui s'était passé dans le parlement, et ce qui s'était passé dans son comté, et ce qui s'était passé dans les années antérieures, à Radio-Canada et ailleurs. Il a aussi beaucoup aimé le métier de journaliste et il a été, pendant de nombreuses années, conseiller syndical à la Fédération nationale des communications pour retrouver ce milieu d'information qu'il a tant aimé.

Alors, merci, et peut-être en terminant vous dire ce que ma fille dit de lui, en fait que, elle et moi... en fait, on peut témoigner qu'il fut le premier homme féministe que nous avons chacune eu la chance de connaître dans notre vie.

Le Président: Mes chers collègues, nous allons saluer notre ami Michel Bourdon et offrir nos condoléances à sa famille. Et nous allons nous recueillir et observer une minute de silence pour lui, qui était aimé de tous.

n(11 h 27 ?  11 h 28)n

Le Président: Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous en sommes toujours aux motions...

Mise aux voix

Est-ce que la motion est adoptée? Adopté.

Motions sans préavis. M. le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.

Féliciter le Rouge et Or
de l'Université Laval, récipiendaire
de la coupe Vanier de la ligue
de football universitaire canadienne

M. Hamad: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée pour débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite l'équipe de football le Rouge et Or de l'Université Laval pour avoir remporté la coupe Vanier de la ligue de football universitaire canadienne au terme de la saison 2004.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement sans débat.

Le Président: Consentement sans débat.

Mise aux voix

Est-ce que la motion est adoptée? Adopté.

Motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Voulez-vous que je la présente tout de suite? Oui?

Le Président: Oui.

Procéder à des consultations
particulières sur le projet de loi n° 80

M. Dupuis: Alors, je souhaite présenter la motion sans préavis suivante:

«Que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur la police, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le 7 décembre 2004, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants, et ce, selon l'horaire et l'ordre ci-après indiqués:

«Le 7 décembre 2004, de 11 heures à 11 h 30, les remarques préliminaires; de 11 h 30 à 12 h 30, l'Association des policiers et policières provinciaux du Québec, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal; de 15 heures à 15 h 45, la Sûreté du Québec; de 15 h 45 à 16 h 30, le Commissaire à la déontologie policière; de 16 h 30 à 17 h 15, la Protectrice du citoyen; de 17 h 15 à 17 h 45, les remarques finales;

«Et finalement, Mme la Présidente, que le ministre de la Sécurité publique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

La Vice-Présidente: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion?

Mise aux voix

Cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

n(11 h 30)n

La Vice-Présidente: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. Je vous signale que les députés qui doivent quitter cette Chambre doivent le faire en silence. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Oui, Mme la Présidente. J'avise donc cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 68, Loi abrogeant la Loi sur la Société de développement de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que le Commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 60, Loi sur la Société de financement des infrastructures locales du Québec et modifiant le Code de la sécurité routière, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

La Vice-Présidente: Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'aménagement du territoire se réunira en séance de travail demain, mercredi 1er décembre 2004, de 8 h 45 à 9 h 15, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement, afin de préparer l'audition de la Commission municipale du Québec.

Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes.

Alors, Mmes, MM. les députés, je vais donc suspendre les travaux afin de réunir les leaders pour procéder à la répartition du temps de parole pour la tenue du débat d'urgence concernant la crise de la vache folle qui secoue actuellement le monde agricole, demandé par la leader de l'opposition officielle et députée de Bourget.

Alors, je suspends.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

 

(Reprise à 11 h 40)

Affaires du jour

Débat d'urgence sur la crise
de la maladie de la vache folle

La Vice-Présidente: Alors, mesdames, messieurs, je vous rappelle que, puisque nous sommes en période de travaux intensifs, conformément à l'article 92 du règlement, le débat d'urgence doit prendre fin trois heures après l'heure fixée pour l'ouverture de la séance, soit à 13 heures.

À la suite de la réunion avec les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établi pour la durée du débat: cinq minutes sont accordées à l'ensemble des députés indépendants; 20 minutes au chef de l'opposition officielle, à titre de représentant de son groupe parlementaire; 20 minutes aux représentants du gouvernement. Le reste du temps sera réparti également entre les deux groupes parlementaires. Le temps qui ne sera pas utilisé par l'un des groupes sera transféré à l'autre groupe, et le temps non utilisé par les députés indépendants sera réparti également entre les autres... les deux groupes. Alors, je vous signale que tous les autres intervenants sont limités à 10 minutes. Alors, je suis prête à entendre le chef de l'opposition officielle et député de Verchères. Monsieur.

M. Bernard Landry

M. Landry: Mme la Présidente, si l'opposition officielle a demandé ce débat d'urgence ? et nous sommes très heureux que la présidence ait décidé d'acquiescer à notre demande ? c'est d'abord par désir de solidarité avec le monde agricole largement, le monde rural qui vit une crise sans précédent. Et souvent certains sont portés à oublier que l'agriculture a été, est toujours et sera un élément essentiel non seulement de la vie économique d'une nation, mais de la vie d'une nation, puisqu'il s'agit de l'alimentation.

Et notre agriculture, qui est aujourd'hui dans le désarroi... Et, ayant suivi les questions agricoles depuis très longtemps, étant issu moi-même d'un milieu agricole, j'ai rarement vu une crise aux aspects aussi dramatiques. Quand on pense qu'un très grand nombre d'agriculteurs sont déjà acculés à la faillite, c'est-à-dire à voir disparaître le rêve de leur vie, leurs actifs réduits à néant, emportés par des passifs excédentaires, quand on pense que certains d'entre eux tellement cruellement touchés ont déjà, un peu comme on avait vu le faire l'univers capitaliste dans la crise de 1929, hélas! mis fin à leurs jours, ça justifie un débat d'urgence.

Donc, notre première motivation: la solidarité avec les hommes et les femmes qui cultivent la terre et l'ont fait avec un succès extraordinaire au cours des dernières années. Nous avons tous connu une période, qui n'est pas si éloignée, où le Québec était un importateur net de produits alimentaires. Malgré notre tradition agricole, nous achetions plus de denrées à l'extérieur que nous n'en produisions. Un certain nombre d'années plus tard, grâce aux politiques du gouvernement du Québec et largement, sinon presque exclusivement d'ailleurs, aux politiques que notre gouvernement avait mises de l'avant alors que nous étions au pouvoir, nous avons réussi à boucler nos comptes alimentaires et par la suite à devenir exportateurs nets.

Alors, c'est pour ça que je suis debout, aujourd'hui, parce que les agriculteurs ont été notre fierté, ont contribué à notre économie au niveau primaire comme au niveau secondaire de transformation, deuxième et troisième, que je me lève, aujourd'hui, pour réclamer qu'on les défende et qu'on s'occupe d'eux, et j'espère que ce sentiment est partagé par l'ensemble de la population. J'entends des gens s'émerveiller par le fait qu'on a 300 sortes de fromages, mais, pour avoir 300 sortes de fromages, il faut avoir une agriculture drôlement développée alors que la France a le même nombre mais avec 60 millions d'habitants.

Deuxième raison pour laquelle il faut se lever aujourd'hui, c'est parce qu'agriculture et libéralisme ne sont pas compatibles. En effet, l'économie agricole est la partie la plus complexe de toute la science économique et de toute l'activité économique. Évidemment, quand on est face à autant de variables, c'est sûr que ça va être compliqué. Aucune industrie, par exemple, n'est affectée par la température, à toutes fins pratiques, par l'ensoleillement ou le taux de pluviosité; les agriculteurs doivent vivre ça.

Donc, tous les États avancés, même ceux qui se disent les plus libéraux, sont intervenus en agriculture. Alors, les États-Unis d'Amérique, capitale soi-disant du libéralisme, depuis toujours ont des interventions agricoles, des fois plus ou moins pertinentes, plus ou moins exagérées, on n'est pas là pour les juger, mais ils interviennent. Le gouvernement du Québec a fait la même chose, évidemment, et ça remonte aux années cinquante et avant. L'Union nationale s'était illustrée en établissant le Crédit agricole dont La Financière agricole, que nous avons mise sur pied nous-mêmes, il y a quelques années, a pris le relais.

Plus, une attitude exemplaire du Québec qui a établi la gestion de l'offre, les fameux plans conjoints. Nulle part ailleurs dans le monde, la gestion de l'offre n'a été mieux conçue et mieux appliquée dans l'intérêt des producteurs et des consommateurs. Quand on regarde nos prix agricoles, dans les domaines de gestion de l'offre, on se rend compte que nous sommes très avantagés comme consommateurs par rapport aux Américains et par rapport même aux Européens. En parlant d'Européens, d'ailleurs, évidemment, l'Europe intervient lourdement en agriculture à travers la fameuse Politique agricole commune.

Tout ça pour dire, et je le dis particulièrement au gouvernement qui est un gouvernement libéral et qui s'accroche souvent de façon fanatique à des conceptions idéologiques de la vie économique, qu'agriculture moderne et libéralisme ne sont pas compatibles ni à moyen ni à long terme, et ce dont on va parler aujourd'hui, évidemment c'est du court terme.

Il y a une chose avec laquelle l'agriculture n'est pas compatible non plus: l'agriculture québécoise n'est pas compatible avec le fédéralisme canadien. Ça tombe mal, on a un gouvernement ultralibéral et ultrafédéraliste. Le chef conservateur, Stephen Harper, est venu dire, il y a quelques jours, ici, que le premier ministre du Québec est un fédéraliste pur et dur, et ça, tout le monde s'était rendu compte de ça. C'est le premier ministre le plus fédéraliste, donc le gouvernement le plus fédéraliste, qu'on a eu depuis probablement Adélard Godbout. Je repasse tous les autres dans ma tête, là, il n'y en a jamais un qui a été aussi servile vis-à-vis le gouvernement du Canada que le premier ministre actuel. Alors, mauvais enlignement d'astres pour les cultivateurs, les agriculteurs et agricultrices: un gouvernement libéral, un gouvernement ultrafédéraliste.

Pourquoi est-ce que l'agriculture québécoise n'est pas compatible avec le fédéralisme canadien? Parce qu'il s'agit de deux univers de production complètement différents. L'agriculture du Canada est dominée par l'Ouest du Canada, et l'Ouest du Canada pratique une agriculture respectable mais tellement différente de la nôtre. Ils se servent de grandes surfaces, avec un climat assez ingrat, qui leur donnent des rendements assez médiocres si on compare à des régions vraiment douées pour l'agriculture dans le monde, mais les surfaces sont assez grandes qu'ils ont pu créer une sorte de puissance agricole, dans l'Ouest, qui s'est fait d'ailleurs largement à cause des interventions du gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada n'a pas été libéral en matière agricole. Depuis toujours, Commission canadienne du blé... il y avait même un tarif de transport, là, Crow's Nest Pass, on se souvient, qui était fait pour favoriser l'agriculture des prairies et des plaines.

Qu'ils fassent ça, très bien, on n'a rien contre ça, c'est leur affaire, sauf qu'ici ce n'est pas ça. Il ne s'agit pas d'avoir des rendements médiocres sur des grandes surfaces, il s'agit d'avoir des rendements les plus poussés sur une surface relativement petite. L'espace agricole au Québec est très limité par rapport à la surface totale du Québec. Et fort heureusement, à cause de la loi de zonage agricole, on a pu en préserver beaucoup plus que le libéralisme l'aurait fait. Si c'était la spéculation immobilière et foncière qui dominait pour décider de l'usage des terres, on en aurait déjà perdu la moitié. Alors, intervention supplémentaire, dont nous sommes d'ailleurs très fiers, puis c'est notre parti qui l'a réalisée, de zonage agricole pour préserver de la surface.

n(11 h 50)n

Mais, cela dit, ce n'est pas sur les grandes surfaces, nous, qu'on fait nos rendements, c'est sur notre technologie, notre ardeur au travail, notre productivité. Or, depuis un an et demi... et ça, le gouvernement n'a pas l'excuse de ne pas avoir eu le préavis, là, tout ça était prévisible dès lors que les Américains ont dit qu'une bête était atteinte d'encéphalite, ce qu'on appelle communément la maladie de la vache folle.

D'ailleurs, notre premier ministre, à ce moment-là, a eu un curieux réflexe, qui confirme les nôtres d'ailleurs. Il a dit: Le Québec devrait être mis à part, le Québec ne devrait pas être concerné par cette affaire de la vache folle. Il avait raison parce qu'on a un système de traçabilité exemplaire, et que nos vaches n'étaient pas malades. Mais, ce disant, ça veut dire qu'il réclamait l'indépendance pour les vaches puis il la refusait pour l'ensemble du Québec. Chose un peu paradoxale là-dedans, là.

Si le Québec était souverain, ce problème premièrement n'existerait pas, et si d'autres types de problèmes existaient, la ministre de l'Agriculture aurait tous les moyens pour les régler, tous les moyens juridiques. Elle le sait, elle est juriste elle-même. Si le Québec était souverain, il y aurait 100 % des moyens juridiques de toutes les lois, de tous les règlements pour gérer convenablement l'agriculture québécoise.

Mais il y aurait plus que ça, l'indépendance n'est pas qu'une question juridique, elle aurait en plus les moyens, elle aurait le budget. On paie les deux tiers de nos impôts à Ottawa. Et il les gère, il les gère dans l'intérêt du Canada. Et, dans le cas de l'agriculture, bien il les gère dans l'intérêt de l'agriculture majoritaire: l'agriculture de l'Ouest du Canada.

Heureusement, si le gouvernement n'est pas très rapide, notre principal syndicat, notre syndicat national de l'agriculture, l'Union des producteurs agricoles, est une puissante machine à tous égards, y compris sur le plan intellectuel, sur le plan des diagnostics du problème ? qu'ils ont vu bien avant que le gouvernement ne se réveille; c'est eux qui sont les éveilleurs du gouvernement ? et sur le plan des solutions. Ils n'ont pas fait que crier et hurler. Et ils avaient le droit de crier et hurler.

Une des raisons, c'est que, imaginez-vous, le prix à la ferme s'effondre puis le prix aux consommateurs est stable. Les acheteurs de viande bovine paient le même prix qu'avant la crise, et les prix aux producteurs sont effondrés. Cherchez l'erreur! Je comprends que les agriculteurs soient révoltés par le libéralisme. Seule une société ultralibérale peut permettre une telle aberration. Alors que les producteurs qui sont à l'origine de l'activité agricole se font ruiner, les transformateurs et distributeurs qui sont l'étape importante mais très secondaire par rapport aux producteurs font des superprofits. Comment ne pas hurler?

Quiconque, dans n'importe quel métier, se ferait faire une pareille chose serait déchaîné, plus encore que les agriculteurs ne le sont. Malgré que, quand ils se déchaînent, ils sont difficiles à battre là-dessus, parce que leur métier est difficile, parce que les problèmes sont complexes. Donc, ils ont crié et hurlé, on les a supportés, on les a secondés, on les seconde encore, nous sommes solidaires d'eux et d'elles.

Mais ils ont fait plus que ça, ils ont conçu une solution. Et la solution, c'est le fameux prix plancher: 0,42 $ la livre à l'abattoir. Mais c'est très bien trouvé, ça, comme solution. Ça prend maintenant du courage, ça prend maintenant un gouvernement qui veut utiliser le pouvoir de l'Assemblée nationale par une loi et qui veut poser le geste d'un exécutif responsable de nous présenter une loi qui a été conçue par l'Union des producteurs agricoles elle-même. Nous avons assuré l'UPA, comme nous avons assuré le gouvernement, on l'a dit déjà depuis plusieurs jours, que, si une loi nous est présentée cet après-midi même, même si on aurait le droit, à cause de la procédure, de s'opposer, nous allons renoncer évidemment à tout moyen que l'opposition pourrait utiliser pour empêcher que la loi soit adoptée. Nous coopérerons totalement avec le gouvernement.

Mais notre analyse, si pertinente soit-elle, notre détermination à aider les agriculteurs, si profonde soit-elle, ne compensera jamais un manque de courage et de lucidité du gouvernement. Et jusqu'à maintenant c'est ça qui est arrivé. C'est beau de dire: Je les ai vus hier soir, puis je vais peut-être les voir après-midi, ça fait un an et demi qu'on peut voir venir ça. N'importe quel économiste agricole diplômé du mois dernier aurait pu voir venir la chose. C'est entendu que, si notre principal client ferme les frontières, et c'est entendu que, quand on connaît un peu la structure de l'agriculture québécoise qui est essentiellement laitière et non pas bovine, mais dont les producteurs laitiers vont chercher une partie essentielle de leurs revenus par la vache de réforme, bien c'est sûr que, le jour où il y a un effondrement de prix de la vache de réforme, de plein fouet, les bovins qui ont été frappés mais aussi les agriculteurs spécialisés dans l'élevage bovin sont frappés, mais notre industrie laitière, qui est le coeur de notre économie agricole.

Comment se fait-il qu'après un an et demi d'avertissement on n'ait pas eu de gestes déterminants du gouvernement autres que les jérémiades habituelles vis-à-vis du gouvernement fédéral? Et, s'il y a des gens qui sont fatigués de dire: C'est la faute du fédéral, c'est bien nous. Nous, on a hâte de dire ? c'est notre conviction politique la plus profonde ? que ce qui arrive au Québec, c'est la faute du Québec, le bien comme le moins bien.

Alors, je respecte les fédéralistes, là, il y en a en masse, là. Il y avait la moitié du monde qui l'était en 1995, là, malgré les manoeuvres du gouvernement fédéral qui font qu'il y avait probablement plus de monde qui ne l'était pas que de monde qui l'était, mais en tout cas. En tout respect pour les fédéralistes, là, il est temps de mettre fin aux jérémiades, le temps de l'action est venu. Notre Assemblée nationale ? et elle ne s'appelle pas Assemblée nationale pour rien ? a les moyens d'agir, et je demande formellement, comme je l'ai demandé au premier ministre, ce matin, au gouvernement d'agir avec courage et lucidité et venir au secours le plus rapidement des agriculteurs et agricultrices du Québec qui ont besoin de notre intervention.

La Vice-Présidente: Alors, je remercie le chef de l'opposition officielle. Comme prochain intervenant, je reconnaîtrais la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et députée de Jonquière, en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole de 20 minutes. À vous, Mme la ministre.

Mme Françoise Gauthier

Mme Gauthier: Bien, je vous remercie, Mme la Présidente. Mme la Présidente, simplement vous rappeler qu'être titulaire du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est une responsabilité importante, Mme la Présidente, et j'en saisis toute la dimension, Mme la Présidente, depuis que j'occupe ces fonctions. S'il y avait un ministère que j'aurais souhaité avoir ? et je peux en témoigner, et le député de Chicoutimi peut me corroborer dans ces propos ? s'il y avait un ministère que j'aurais souhaité avoir, je le dis avec beaucoup d'humilité, c'est bien le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce que j'ai toujours pensé, j'ai toujours cru que ce ministère-là avait une dimension horizontale, qu'il touchait le quotidien de tous les Québécois, de toutes les Québécoises tant au niveau de notre santé, au niveau de notre éducation, au niveau de notre développement économique des régions, Mme la Présidente, au niveau de notre identité québécoise et au niveau de notre sécurité. Bien évidemment, je parle de sécurité alimentaire.

Manifestement, Mme la Présidente, le ministère et les agriculteurs vivent ? surtout les agriculteurs ? vivent des moments difficiles. Mais j'aimerais certainement vous rappeler ? et j'entendais le député... le chef de l'opposition officielle parler de la crise des producteurs ? je voudrais juste faire un petit rappel historique, parce que j'ose espérer que l'agriculture sera un sujet qui intéressera tout autant l'opposition officielle le 3 décembre prochain, Mme la Présidente. J'ose l'espérer parce que je veux vous rappeler qu'en 2002, Mme la Présidente, ça a été le pire moment où le revenu net agricole au Québec a subi sa plus forte baisse: plus de la moitié par rapport à son niveau total de 2001 où il a atteint un sommet de 848 millions, en 2001. À 400 millions en 2002, il y a eu une baisse du revenu net, en 2002, Mme la Présidente, je le rappelle, de plus de la moitié.

Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement du Parti québécois à cette époque pour soulager les producteurs agricoles? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Quel a été son empathie pour les producteurs agricoles? C'est de revoir le programme de remboursement de taxes, Mme la Présidente. Le programme de remboursement de taxes ? et le député des Îles-de-la-Madeleine était ministre de l'Agriculture à l'époque ? a eu comme conséquence de transférer directement sur le fardeau fiscal des producteurs une somme additionnelle de 9 millions de dollars. Ça a été ça, la grande empathie, la grande sensibilité du gouvernement du Parti québécois pour aider, pour supporter les producteurs agricoles qui vivaient, je le répète, en 2002, la pire crise de revenus que nos producteurs avaient connue. Ça a été ça, leur réponse, Mme la Présidente.

n(12 heures)n

Alors, quand je les entends se lever puis réclamer, puis réclamer de la sympathie, puis réclamer des actions, Mme la Présidente, si le passé est garant du futur, alors leurs actions passées me laissent sincèrement croire et laissent croire aussi aux producteurs qu'ils ne sont pas des gens pour trouver des solutions pour aider nos producteurs. Au-delà du discours, Mme la Présidente, il faut agir.

Vous savez, lorsqu'en 2003, le 20 mai, nous avons appris que le gouvernement américain mettait un embargo sur la production bovine au Canada eu égard au fait qu'on avait découvert en Alberta une vache affectée d'ESB, ça a eu des conséquences dramatiques pour nos producteurs canadiens et nos producteurs québécois, québécoises, j'en conviens. Dès le début... Je veux juste vous rappeler que, dès le mois de juillet 2003, nous avions négocié, nous avons été la première province au Canada à signer avec le gouvernement fédéral une entente pour avoir un programme de soutien de revenu pour les producteurs affectés par la crise.

Je voudrais aussi vous rappeler, Mme la Présidente, que, tout au long des mois que dure cette crise... Parce qu'il y a eu des résorbations partielles de la crise. On se rappellera qu'il y a eu une levée partielle de l'embargo, en septembre dernier, pour la viande de bouvillons âgés de 30 mois et moins, en septembre dernier. Mais, tout au long de cette crise, à chaque fois que le gouvernement canadien a annoncé un programme, le gouvernement du Québec a répondu présent, Mme la Présidente. Le gouvernement du Québec a répondu présent et notre gouvernement, via la Financière agricole, a performé.

Je voudrais juste vous rappeler, je veux juste rappeler à l'opposition aussi que le cheptel québécois représente, dans l'ensemble du cheptel canadien, 9 %. Nonobstant cela, avec l'aide des gens à la Financière agricole, parce que nous avons répondu présent, parce que nous avons adhéré au programme, que nous avons bonifié les programmes, nous sommes allés... 11 % de l'enveloppe totale des programmes canadiens, alors que notre cheptel, je le répète, ne représente que 9 % de l'ensemble du cheptel canadien.

Quand j'entends l'opposition officielle nous dire qu'on n'a rien fait, sincèrement, c'est teinté de mauvaise foi ou encore on n'entend pas ça, on ne lit pas, Mme la...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je vous demanderais d'être simplement prudente dans vos propos, Mme la ministre.

Mme Gauthier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je vais faire attention, effectivement. Mais, manifestement, manifestement, quand on se lève en cette Chambre, alors que, pendant la pire crise du revenu agricole des producteurs alors qu'ils formaient le gouvernement, ils ont alourdi le fardeau fiscal des producteurs, alors quand ils se lèvent en cette Chambre, Mme la Présidente, pour défendre supposément les intérêts des producteurs, alors que, nous, comme gouvernement, nous sommes allés chercher 165 millions de dollars pour nos producteurs, manifestement il y a quelqu'un qui ne comprend pas les choses comme nous les comprenons. Sincèrement. Non seulement, non seulement, Mme la Présidente, nous avons répondu présent pour nos producteurs qui sont victimes... qui subissent la crise de l'ESB et l'embargo, mais nous avons été là pour les autres producteurs.

Rappeler aussi qu'il y a d'autres producteurs qui ont vécu des moments difficiles. J'ai en tête, entre autres, les producteurs de tabac, pour lesquels notre gouvernement a mis en place un programme, demandé par les producteurs de tabac, de 11 millions de dollars, Mme la Présidente. Je veux juste aussi rappeler, juste rappeler aussi que les producteurs, les producteurs... les apiculteurs du Québec avaient des difficultés, on se rappellera, l'été passé. Nous avons mis avec eux un programme pour les soutenir.

Notre gouvernement, nonobstant les difficultés financières dans lesquelles on s'est retrouvé quand on a pris l'héritage de l'opposition officielle, on a répondu toujours présent pour les producteurs agricoles et on va toujours le faire. On va toujours le faire, parce que, s'il y a un gouvernement qui est conscient de l'importance de l'agriculture pour le peuple du Québec, c'est bien notre gouvernement.

Vous rappeler aussi, parce que j'entendais le député de Verchères, le chef de l'opposition officielle, parler du fédéralisme et des difficultés qu'on avait à vivre dans le système fédéral, juste rappeler que le cadre stratégique agricole que nous avons hérité a été initié par le gouvernement du Parti québécois. C'est eux, Mme la Présidente, à Yellowknife, en 2000, qui avaient signé l'entente-cadre du cadre stratégique, Mme la Présidente. C'est eux qui nous ont embarqués dans cette négociation-là. C'est eux qui savaient aussi qu'à partir du moment où ils adhéraient aux principes d'un cadre stratégique agricole les programmes d'aide du gouvernement canadien prenaient fin en mars 2003.

Sachant cela, Mme la Présidente, sachant effectivement que les programmes d'aide prenaient fin en mars 2003, quand nous avons pris le pouvoir, quand le premier ministre m'a fait l'honneur de me nommer à ces fonctions, j'ai constaté qu'il n'y avait eu aucune négociation pour faire en sorte que le cadre stratégique agricole canadien ait la flexibilité nécessaire pour répondre aux mécanismes, aux structures du gouvernement du Québec, des producteurs du Québec.

Mme la Présidente, lorsque nous sommes arrivés, lorsque j'ai pris ce ministère, on y avait une oeuvre inachevée. On avait un cadre stratégique, et il n'y avait personne qui avait continué les négociations, et les producteurs, qui étaient en période de crise de revenu, on se le rappelle, depuis 2002, on les laissait en plan, on ne signait pas le cadre stratégique, on souhaitait que ça se règle par magie. Alors, nous, on a pris nos responsabilités encore une fois, on a négocié avec le fédéral. Et juste, juste vous rappeler que, pour le volet gestion des risques, c'est un milliard de dollars d'argent neuf que nous sommes allés chercher pour les producteurs agricoles du Québec. Ça, Mme la Présidente, dans mon livre à moi, c'est prendre nos responsabilités.

Malheureusement, la crise de l'ESB perdure, et on le sait. Lorsque les programmes ont été annoncés, tout au long de 2003, 2004, nous avions espoir et tout le monde croyait effectivement qu'à moyen et à court termes le gouvernement américain ouvrirait les frontières, eu égard au fait que les enquêtes avaient été faites avec la participation des enquêteurs du gouvernement américain. Tous convenaient effectivement qu'il s'agissait d'un cas, un cas isolé qui ne s'était pas retrouvé dans la chaîne alimentaire. Et tous convenaient aussi que les mesures prises tant par le gouvernement canadien que par l'ensemble des gouvernements des provinces faisaient en sorte d'assurer la sécurité alimentaire des consommateurs tant canadiens, québécois qu'américains. Tous convenaient de ça.

Malheureusement, la frontière n'a pas été ouverte. C'est pour cela que ça nous a amenés au 10 septembre 2004 pour un nouveau programme. Le programme, tel que dessiné, avait plusieurs objectifs, le premier étant évidemment de faire en sorte de remettre, de reprendre les discussions avec le gouvernement américain pour la réouverture prochaine des frontières. Mais, en attendant cela, force était de constater qu'il fallait aider l'industrie à se restructurer. Il nous fallait faire en sorte que notre industrie canadienne, québécoise ne soit plus tributaire d'une décision d'un autre palier de gouvernement pour sa croissance, son développement économique.

Pour ce faire, Mme la Présidente, ça passait par accroître la capacité d'abattage, de transformation, sur le territoire canadien et québécois, de la production bovine; donc, ça passait par ça. Et ça, je pense que ça a été acheté par l'ensemble des intervenants, tant au niveau, au niveau des provinces, tant au niveau des représentants des fédérations de producteurs. Tout le monde conviennent effectivement qu'il faut restructurer notre industrie, la rendre indépendante et l'organiser pour qu'elle puisse mieux, sur le territoire, transformer la production bovine.

Mais, en attendant évidemment d'accroître la capacité d'abattage et de transformation, il fallait des mesures d'aide. Alors, il y avait une proposition, une mesure qui avait été annoncée pour les producteurs de bouvillons d'abattage, les bouvillons d'engraissement. Ce programme manifestement ne convenait pas aux producteurs du Québec. Alors, on n'est pas... on n'a pas crié, on n'a pas dit... On s'est dit: On va aller négocier avec le fédéral pour adapter le programme à la réalité du Québec. Nous avons réussi pour ce secteur-là.

Concernant la vache de réforme, concernant la vache de réforme, dans le programme qui a été annoncé, le 10 septembre, par le gouvernement fédéral, Mme la Présidente, au niveau de la vache de réforme, la catégorie de vache qui est visée par le programme de soutien ne correspond pas à la réalité du Québec, dans le sens, Mme la Présidente, que le programme touche des vaches de... on dit les vaches, des D4, des vaches qui sont moribondes, qui sont non ambulatoires, enfin, une vache qu'on ne retrouve à peu près pas dans le cheptel des producteurs québécois.

n(12 h 10)n

Il faut aussi, et je pense que c'est tout à notre honneur, dire que les producteurs laitiers ont développé, au fil des années, une capacité et bien évidemment... une avancée extraordinaire au niveau de la génétique de l'industrie laitière, de sorte que notre cheptel laitier, au Québec, est un cheptel qui, je pense, est chef de file à travers le monde entier. Je pense que ce n'est pas exagéré de le dire. Or donc, évidemment, le programme, tel que dessiné, ne répondait pas.

Et aussi il faut voir, Mme la Présidente, que, cet été, il y a eu des études qui ont été déposées, et tous en conviennent, pour savoir... Pendant la crise, manifestement, les producteurs ont vu leurs prix à l'abattage baisser; manifestement, les consommateurs n'ont pas vu le prix à la consommation diminuer. Qu'est-ce qui s'est passé? Des études ont été faites. Même la Vérificatrice générale de l'Alberta a repris à son compte des études qui ont été faites. Évidemment, l'argent est allé dans le système, Mme la Présidente. Il y a des abattoirs qui contrôlent évidemment le marché au niveau des bouvillons et de la vache de réforme. Il y en a un au Québec, il y en a un dans l'Ouest du Canada. Il y a deux gros abattoirs qui contrôlent presque l'entièreté de tout l'abattage de bouvillons et vaches de réforme pour l'ensemble du Canada. Juste vous rappeler qu'ici, au Québec, l'abattoir contrôle près de 90 % de tout l'abattage des bouvillons et vaches de réforme sur le territoire du Québec.

Or, notre prétention, c'est de dire au gouvernement fédéral, en toute équité pour l'ensemble des consommateurs aussi, c'est: Il faut trouver une mesure qui va faire en sorte qu'on puisse établir un prix, un prix plancher. Je n'ai pas attendu la semaine passée pour parler de ça. Je n'ai pas attendu un éventuel congrès de l'UPA pour parler de ça, Mme la Présidente. Dès le 11 septembre, alors que j'étais en Conférence fédérale-provinciale-territoriale... je dis le 11 septembre, mais c'est davantage le 21 septembre, j'ai interpellé mon vis-à-vis, M. Mitchell, pour lui parler de l'opportunité qu'on étudie ensemble l'établissement d'un prix plancher, lui expliquant, à tout le moins, l'état de la situation, lui expliquant évidemment que je trouvais particulièrement difficile de demander aux contribuables québécois, à mon gouvernement d'aller dans un nouveau programme aide, alors qu'on sait très bien qu'il faut résorber le problème à sa source.

Lors de cette Conférence fédérale-provinciale-territoriale, la discussion a été reprise par d'autres ministres de l'Agriculture. Au mois d'octobre, Mme la Présidente, et entre-temps, il y a eu des échanges téléphoniques qui se sont faits régulièrement avec nos vis-à-vis, au mois d'octobre, on a repris la même discussion, la même discussion. Manifestement, en toute équité pour tous les participants, toute la chaîne de l'industrie, je suis d'avis que cela passe par un prix plancher pancanadien. Je pense que les gens de l'industrie le comprennent, les gens de l'UPA le comprennent aussi. Mais évidemment je n'ai pas le pouvoir, je n'ai pas l'autorité, au Québec, pour faire en sorte de faire appliquer un prix plancher qui serait pancanadien.

Alors, on a dit au fédéral: Vous ne voulez pas le faire? Mais il y a une loi, il y a une loi qui vous permettrait peut-être de nous céder ce pouvoir-là, ça s'appelle la Loi sur la commercialisation des produits agricoles, à son article 2. On dit au gouvernement fédéral: L'article 2... Et je vais le lire. Ça se lit comme suit: «Le gouverneur en conseil peut, par décret, étendre aux marchés interprovincial et international les pouvoirs de tout office ou organisme habilité par la législation d'une province à réglementer la commercialisation d'un produit agricole donné dans la province.» Alors, forts de cet article-là, on dit au gouvernement canadien: Au moins, cédez-nous ce pouvoir-là, et, nous, on va le faire.

Bon. Au moment où on se parle, Mme la Présidente, au moment où on se parle, la réponse est négative. Le gouvernement fédéral semble vouloir davantage se diriger vers un nouveau programme d'aide, un programme de soutien aux producteurs agricoles. Ce que, nous, on dit, c'est que ce n'est pas la bonne solution. Nous, on dit, et ce que j'ai toujours prétendu, ce que j'ai toujours dit... Ce que je disais au mois de septembre, je le disais au mois d'octobre, je le dis au mois de novembre et je vais le dire parce que je suis certaine, Mme la Présidente, que c'est la solution la plus adaptée: Un prix plancher qui serait appliqué à travers le Canada, Mme la Présidente.

Or, je n'ai pas le contrôle sur l'application de cette loi. Or, ce qui est prévu, c'est que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles du Québec prévoit effectivement... Et la Régie de la mise en marché a rendu une décision, au mois de juin, disant aux producteurs québécois: Vous pouvez fixer le prix plancher. C'est ce qu'ils ont fait, ils ont fixé un prix plancher qui est applicable à partir du 29 novembre, le prix plancher étant 0,42 $ la livre, vif. Sauf que, dans la loi, on ne peut pas y rattacher un volume d'achat. C'est donc dire ? et c'est d'ailleurs la position de l'abattoir au Québec ? que l'abattoir peut dire: Bref, vous établissez un prix plancher pour les bovins en provenance du Québec à 0,42 $ la livre, «so what», moi, je vais aller m'approvisionner ailleurs. Parce qu'on sait qu'il y a de la production de vache de réforme en Ontario, où ils s'approvisionnent. Selon mes informations, Mme la Présidente, selon ce qu'on me donne comme information, on s'approvisionne jusqu'à la hauteur de 80 % du cheptel ontarien. On peut aller s'approvisionner dans l'Est du Canada et voire même jusqu'au Manitoba.

Or donc, si tant est qu'on ne peut pas y attribuer de volume d'achat, il faut trouver des solutions. Nous avons indiqué ? c'est ce que je répondais à la période de questions, ce matin, Mme la Présidente, et ce que le premier ministre a dit ? tant aux représentants des fédérations des producteurs de lait, de bovins et de l'UPA que des représentants de l'industrie de l'Abattoir Levinoff, nous avons indiqué où nous logions. Nous souhaitons évidemment ? et je sais que les parties se parlent au moment où on se parle ? que les parties en arrivent à un règlement qui fixerait un prix minimum qui serait convenu, qui permettrait un achat. Nous le souhaitons, c'est la solution privilégiée par mon gouvernement. Cependant, si tant est qu'il n'y a pas de règlement, les parties savent très bien où nous logeons. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Alors, merci, Mme la ministre. Comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député de Beauce-Nord. À vous la parole, en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole de cinq minutes, M. le député.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Merci, Mme la Présidente. Alors, ayant vécu moi-même dans le milieu agricole, je peux vous dire, aujourd'hui, que les agriculteurs, rendus où ils sont rendus présentement, ils sont, comme on dit, ils sont au bord de la ligne rouge. Parce que ces gens-là, là, pour avoir vécu là-dedans, ce n'est pas des gens violents, ce n'est pas des gens... c'est des gens qui sont patients, c'est des gens qui sont honnêtes, parce que, pour vivre en agriculture, il faut être honnête, il faut être honnête avec la terre, il faut être honnête avec les animaux, il faut être patient avec les animaux aussi. Alors, ce ne sont pas des gens qui sont portés sur... Qu'est-ce qui se passe présentement, ils sont rendus au bord du gouffre.

Et puis il faut penser que la crise de la vache folle, elle ne concerne pas juste... On parle des vaches de réforme, mais qu'est-ce qui met beaucoup de pression sur la vache de réforme, c'est que cette crise-là a apporté un autre problème. C'est que, le Québec, on était un gros exportateur de génisses pour les autres pays, on était un gros exportateur aussi d'embryons pour les autres pays, et puis la crise a fermé complètement les frontières de tous ces animaux et tous ces embryons-là. Alors, automatiquement, ça a créé une pression sur la vache de réforme, ça a porté les agriculteurs à réformer plus de vaches. Et, vu qu'au Québec nous avons 40 % de la production de lait, c'est bien normal qu'on ait aussi au moins 40 % à 50 % de la vache de réforme, qu'on réforme aussi au Québec. C'est normal, la vache de réforme provient des fermes laitières en grosse majorité.

Et puis bien sûr, quand on regarde l'importance... Là où on est rendu présentement, c'est que les agriculteurs ont été capables de passer une année, une année difficile, mais ils étaient capables de passer au travers en jouant avec leurs marges de crédit. Plusieurs se sont refinancés, puis c'était... Il n'y avait pas personne qui avait du fun avec ça, là, mais ils ont passé au travers. Mais ils ne peuvent passer au travers d'une deuxième année. Il va y avoir beaucoup de fermes, des fermes familiales, après deux années, deux générations, trois générations, qui vont peut-être faire faillite, qui vont disparaître.

n(12 h 20)n

Et le problème que l'on vit, on le vit, là, avec un abattoir qui contrôle à peu près, comme Mme la ministre le disait, 90 % du marché. On va vivre... On s'en va vers encore une autre création de monopole dans l'industrie, dans les fermes. Parce que vous savez qu'il y a toujours des gens qui profitent de la situation, et c'est normal, c'est l'argent qui mène. Alors, il va y avoir beaucoup de fermes qui vont faire faillite, vont être achetées encore par un autre monopole qui va se créer, puis, dans quelques années, bien on vivra la même situation dans d'autres choses.

C'est là que, moi, je pense, on peut toujours regarder ce qui s'est fait dans le passé, mais là on est rendu là aujourd'hui, puis je pense qu'il faut trouver une solution, il faut trouver la solution, puis ça presse. Le prix plancher serait une bonne solution, il s'agit de l'appliquer et de trouver la méthode de l'appliquer. Et puis, si le gouvernement a la possibilité par une loi, dites-vous que l'opposition a offert son support ce matin et nous, ici, à l'Action démocratique, c'est sûr qu'on va supporter parce que ça ne peut plus fonctionner comme ça. Alors, moi, je vais être bref pour laisser un petit peu de temps à ma consoeur. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Alors, je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député de Saint-Hyacinthe. À vous la parole, M. le député, en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, c'est avec tristesse que je prends la parole sur cette question-là, ce matin. Parce que, moi, je visite mes producteurs agricoles, je suis souvent avec eux et je sais ce qu'ils vivent présentement. Regardez ce que nous rapporte aujourd'hui Le Journal de Montréal: «On n'a jamais vu un avenir si noir...» Alors, on ne peut pas être content quand les producteurs eux-mêmes voient un avenir si noir.

Et pourtant, Mme la ministre... Mme la Présidente... Moi, je visite beaucoup les gens, mais je visite aussi les régions du Québec. Encore l'été dernier, j'ai fait les paroisses dans mon comté, dans la Montérégie, je suis allé dans les Cantons-de-l'Est, je suis descendu jusqu'à Victoriaville et, ensuite de ça, j'ai fait le long du fleuve jusque dans le Bas-du-Fleuve. Des belles terres, Mme la Présidente, des fermes merveilleuses, des endroits magnifiques, et ça prend ça pour retenir les gens sur les fermes, parce que, Mme la Présidente, vivre sur une ferme, c'est extrêmement exigeant. Les gens sur les fermes, là, ils ne se battent pas pour obtenir le 32 heures et demie par semaine, pas pour obtenir 35 heures et demie par semaine, pas pour obtenir un maximum de 40 heures par semaine, ils travaillent plus de 80 heures par semaine, les producteurs agricoles. Alors, pour pouvoir faire ça, il faut vraiment aimer son métier, il faut avoir un environnement positif et avoir un environnement qui soit agréable, et c'est pour ça que nos belles campagnes sont si belles. Je n'en ai pas vu de plus belles nulle part ailleurs dans le monde, Mme la Présidente. Mais là ces belles campagnes là sont menacées parce que l'économie agricole est très menacée. «On n'a jamais vu un avenir si noir», voilà ce que disent les producteurs agricoles. C'est très difficile.

Vous savez, Mme la Présidente, que l'industrie laitière, ça a été la base du développement de notre agriculture au Québec. Il y a 50 ans, tout le monde faisait du lait. Avec le temps, bien entendu, certaines régions se sont spécialisées dans d'autres choses, et alors que l'industrie laitière a eu tendance à se spécialiser dans certaines régions comme Victoriaville. Mais, dans ma région, il y en a encore beaucoup qui produisent du lait, et parmi les meilleurs au Québec. Alors, évidemment, c'est quelque chose de très important pour nous, et on ne peut pas laisser aller les choses comme elles vont présentement sans se poser de graves questions, surtout quand on voit, à tout bout de champ, annoncer que tel producteur agricole... Je le mentionne avec une grande tristesse, Mme la Présidente, parce qu'on évite de rappeler ces choses-là. C'est tellement horrible, des producteurs agricoles qui se suicident dans leur étable. Ce n'est pas drôle de penser à ça. Et, s'ils sont rendus là, c'est parce que la situation est désespérée. Et nous en entendons parler toutes les semaines.

Alors, quand il y a un problème grave comme celui-là, et que la situation est désespérée, et puis qu'on dit: Bien, je vais en parler, je vais discuter, je vais négocier, on va essayer de trouver une solution, bien, pendant ce temps-là, le compte arrive, l'angoisse augmente, il y en a qui se découragent, Mme la Présidente. On ne peut pas laisser les choses comme ça. C'est pour ça, moi, c'est un appel pressant que je lance à la ministre, aujourd'hui, pour agir tout de suite, pas dire: Bien, on va négocier, puis on va essayer de faire des choses, puis... Il faut agir d'urgence, Mme la Présidente.

Vous voyez, actuellement, l'été dernier, au début de l'été, Mme la ministre a donné un contrat à un ami pour qu'il lui fasse une recherche sur la situation dans l'industrie bovine: Est-ce qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir là-dedans? Et puis, pour arriver à la conclusion, elle a dit: Bien, non, il semblerait, pour ce qui est des animaux de réforme, et tout ça, que la situation est à peu près normale. Alors, évidemment, Mme la Présidente, ça ne nous a pas avancés beaucoup.

Alors, dans l'agriculture, Mme la Présidente, ce qui se passe: tout augmente. Le prix des semences augmente; le prix des moulées augmente; le prix des tracteurs augmente; et, nous le savons tous, le prix de l'essence et du diesel augmente. Tous les prix augmentent, alors que le prix du lait ne suit pas. Alors, les producteurs sont de plus en plus restreints, leur marge de manoeuvre est de plus en plus restreinte, ce qui fait que la vache de réforme devient pour eux comme une planche de salut, parce qu'ils vont chercher là un revenu qui n'est pas si considérable que ça, mais au moins qui leur permet d'avoir un revenu supplémentaire qui leur permet d'arriver.

Alors, Mme la ministre... Mme la Présidente, à partir du moment... Vous voyez, hein, ce n'est pas la première fois, c'est la troisième fois ce matin, et, je vous dis, il y a quelque chose là. Bon. Mais revenons à notre sujet. Alors, pour le producteur agricole, le producteur laitier, la vache de réforme, c'est important. On le sait comment ça se passe. La vache, elle va donner du lait deux ans, trois ans au maximum, parfois quatre ans, mais généralement c'est plutôt trois ans. Parfois, on la garde quatre ans, mais rendu à cinq ans, c'est trop vieux, la vache n'est plus capable d'être rentable, et ce qui fait qu'on la réforme, on l'envoie à l'abattoir. Ça fait un revenu pour le producteur agricole, ça lui permet de survivre. Mais là il n'y en a plus, de revenus, il y a des pertes. Le producteur paie 70 % de son revenu, alors que l'abattoir a des augmentations de revenus de 200 %. Ce n'est pas raisonnable, ça, Mme la Présidente. Ce n'est pas correct, ça. Alors, comment voulez-vous que ça fonctionne?

Nous, on a eu le problème de la vache folle, bon, l'encéphalopathie spongiforme bovine. Ça vient d'où, ça? Ça vient d'une vache malade, en Alberta. Si on avait eu nos frontières à nous, il n'y aurait pas eu de mesures de rétorsion contre le Québec, parce qu'on aurait une juridiction différente. Or, on n'a pas juste une juridiction différente, on a un système de traçabilité exemplaire qui est en place depuis plusieurs années parce qu'on l'a mis en place quand on était au pouvoir. On aurait pu protéger nos producteurs, on n'a pas pu les protéger. Alors, maintenant, qui est-ce qui en profite? L'abattoir. Et les consommateurs, eux, leur viande n'est pas moins cher.

Alors, dans cette situation-là, moi... L'an dernier, il y avait un programme du fédéral, à peu près à la même époque que cette année, un programme pour aider les producteurs, pour essayer de les aider à rencontrer une partie de leurs dépenses, et il y a eu une certaine mise de fonds du provincial aussi, du Québec là-dessus. Bon. Alors, évidemment, moi, j'étais très inquiet parce que je voyais qu'il n'y avait à peu près rien pour la vache de réforme.

Alors, j'ai posé une question à Mme la ministre, elle m'a dit que je ne connaissais pas ça, mais j'ai posé une deuxième question. La deuxième question, bien je vais vous la lire, je vais vous lire telle quelle, Mme la Présidente: «La ministre de l'Agriculture se rend-elle compte qu'en parlant comme elle vient de le faire elle exclut l'industrie laitière et les vaches de réforme?» Il s'agissait du programme de compensation pour les animaux qu'on envoie à l'abattoir. «Vous savez ça, quand une vache ne donne plus de lait, il faut la réformer. Alors, c'est exclu du programme fédéral.» Le fédéral a fait un programme pour les éleveurs de bovins, mais il regardait l'Ouest, il a oublié de regarder le Québec. Alors, il a fait ça pour l'Ouest, il n'y avait rien pour le Québec. Alors, je continue la lecture de la question que j'ai posée à la ministre: «Alors, puisque vous êtes satisfaite de ce programme et que vous n'insisterez pas auprès du fédéral pour qu'il corrige son injustice, pouvez-vous au moins vous engager, dans le cadre du prochain budget, à aider les producteurs laitiers du Québec ? on était au mois de mars dernier ? aux prises avec les conséquences désastreuses de cette crise ouest-canadienne?»

Alors, qu'est-ce que la ministre m'a répondu? La ministre m'a répondu: «...je pense que le député en a manqué un petit bout...» Il manquait un grand bout. Le grand bout que j'ai manqué, c'est l'argent qui ne vient pas du fédéral pour le Québec. Mais je continue la lecture de ce qu'elle m'a répondu: «...en a manqué un petit bout, parce qu'il y a trois semaines le gouvernement canadien a évidemment émis un programme ? écoutez bien, Mme la ministre, un programme ? pour aider tout le secteur de la vache laitière, de la vache de réforme, M. le Président.» Elle parlait à M. le Président, à ce moment-là. «Alors, oui, il y a trois semaines, M. Speller ? ministre de l'Agriculture du fédéral ? a annoncé un programme de plus de 500 millions pour aider la vache de réforme.»

n(12 h 30)n

Je ne croyais pas que ce soit vrai, mais on ne peut pas dire que ce que la ministre dit n'est pas vrai. Alors, j'ai interrogé les gens de l'agriculture, les gens de l'UPA, tout ça: Elle dit qu'il y a 500 millions, avez-vous vu ça? Non. Parce que ce n'est pas vrai. Mme la Présidente, Mme la ministre venait de tous nous induire en erreur et de tromper la population. C'est ça qui s'est produit. Alors...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, là, M. le député. Je m'excuse, M. le député. Alors, M. le député, vous n'êtes pas sans savoir qu'ici les mots que vous venez de prononcer sont antiparlementaires, ont été reconnus maintes fois par d'autres présidents que moi. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, de retirer vos paroles.

M. Dion: Je veux bien les retirer, Mme la Présidente. Et ce que j'aimerais ne pas retirer, c'est un peu de confiance qui pourrait rester des producteurs envers la ministre. Pourquoi est-ce qu'elle détruit la confiance des gens envers elle? Ils ont besoin d'elle. S'ils n'ont pas confiance en elle, comment voulez-vous qu'ils espèrent puis qu'ils continuent à lutter pour arriver? Alors, je lui demande de recréer la confiance en réglant ce problème-là. Ce n'est pas compliqué, ça, Mme la Présidente, ce n'est pas une demande exorbitante. Mme la ministre, réglez-le, le problème, donnez-leur le prix plancher, vous avez ce qu'il faut pour le faire. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député de Portneuf, en vous rappelant, à vous aussi, que vous jouissez d'un temps de parole de 10 minutes. À vous la parole.

M. Jean-Pierre Soucy

M. Soucy: Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi, ce matin, bien, ça me fait plaisir d'intervenir dans le dossier de la crise qui touche évidemment les agriculteurs, Mme la Présidente. Vous savez, le comté de Portneuf, c'est un comté agricole, je vous dirais, presque à 75 %. Dans mon comté, la semaine dernière, la Caravane de la dernière chance s'est présentée à deux reprises, une fois dans le secteur ouest du comté... Le comté est tellement grand, Mme la Présidente, qu'il y a eu deux... j'ai eu droit à deux caravanes. La première était dans l'ouest du comté, dans le secteur de Deschambault, et la deuxième, dans le secteur de Pont-Rouge.

Et évidemment j'ai profité de ces deux occasions-là pour discuter avec les agriculteurs qui étaient présents. Et je dois vous dire, Mme la Présidente, que la crise de la vache folle n'est pas nécessairement la cause de l'ensemble de la problématique agricole au Québec, aujourd'hui, les problèmes ont commencé il y a fort longtemps, et c'est des problèmes qui s'accumulent d'année en année. Puis je pourrai en reparler un petit peu plus tard d'une façon plus précise. Mais néanmoins la crise de la vache folle vient comme mettre un terme sur un long processus où l'ensemble des producteurs agricoles du Québec s'enfoncent.

Alors, le cri du coeur qu'on doit comprendre de la Caravane de la dernière chance, c'est bien évidemment pour nous donner un signal qu'il faut vraiment agir, agir dans les plus brefs délais. Et on n'a pas attendu, comme disait la ministre un petit peu plus tôt, Mme la Présidente, on n'a pas attendu dans les dernières minutes pour faire le travail, ça fait longtemps que le travail est commencé. Mais la tâche est extrêmement complexe. Alors, à des problèmes complexes, on ne peut arriver avec des solutions trop simples, il faut vraiment s'assurer, quand on prend une orientation, que les orientations qu'on va prendre seront cohérentes et conformes à l'ensemble de la problématique.

Vous me permettrez, Mme la Présidente, de revenir un petit peu sur les propos qu'a tenus le chef de l'opposition, il y a quelques instants, en faisant état évidemment... Il a relié l'ensemble de la problématique agricole au fait que, si le Québec était souverain ou indépendant, tous les problèmes seraient réglés. Mme la Présidente, je pense qu'on ne comprend pas tellement bien tout le travail de l'économie mondiale pour entendre des propos comme ceux-là. Puis, d'un autre côté, Mme la Présidente, le chef de l'opposition a félicité les États-Unis pour leur intervention au niveau de l'agriculture. Donc, il y a des modèles probablement à l'extérieur qui sont intéressants. Il a vanté aussi la gestion de l'offre sur le continent européen. Donc, encore là, on comprendra qu'en Europe il y a une multitude de pays et qu'on s'est entendus ensemble parce qu'il y avait des problématiques qui débordent nos frontières.

Alors, il a fait un parallèle aussi entre l'agriculture puis le fédéralisme canadien. Bien, s'il y a un endroit justement où le fédéralisme canadien peut jouer un rôle important, c'est en matière d'agriculture, Mme la Présidente. Alors, si, dans l'Ouest, il y avait des... On a parlé beaucoup d'asymétrie, dans les dernières semaines. Si, dans l'Ouest, on avait besoin de solutions adaptées à la réalité agricole de l'Ouest, tant mieux si on en a trouvé.

On a maintenant une problématique qui touche l'Est du Canada, non pas seulement le Québec. Ceux qui pensent qu'il y a seulement le Québec qui est touché par la crise de la vache folle, là, je pense que tout le secteur est de l'Ontario est très semblable à ce qu'on vit nous-mêmes ici, au Québec. Donc, c'est plutôt l'Est du Canada qui est touché par une autre dynamique agricole, soit celle de la crise de la vache folle.

Alors, on a parlé aussi de... on a vanté la loi sur le zonage agricole qui a quand même fait ses preuves jusqu'à un certain point. Mais, après un certain temps, comme n'importe quelle loi, on comprendra qu'il y a peut-être des petits ajustements à lui apporter pour améliorer l'avenir. Mais enfin.

Tout ça pour vous dire, Mme la Présidente, que, si on veut aider l'agriculture, il va falloir adresser plusieurs problématiques. Et, si on pense qu'on peut régler ça tout seuls, regarde, il y a tellement de dossiers qui sont interreliés, entre autres avec nos voisins américains... On comprendra que, ces jours-ci, même aujourd'hui même, Mme la Présidente, je pense que le président des États-Unis est attablé avec le premier ministre du Canada et d'autres intervenants évidemment pour regarder certains problèmes qu'on a en commun, et il y en a plus d'un. On n'a qu'à penser au bois d'oeuvre, d'autres, Mme la Présidente ? j'ai pris quelques notes ? alors, problème de bois d'oeuvre, problème de blé, de porc, de bouclier antimissiles, le Protocole de Kyoto, la vache folle, la guerre en Irak. Enfin, vous voyez que l'agenda de la rencontre entre le premier ministre du Canada et le président des États-Unis est fort important.

Mais, en ce qui concerne la vache folle, moi, Mme la Présidente, ce que je veux lancer comme message aux producteurs agricoles du Québec, c'est un message d'espoir. Ce n'est pas vrai qu'après avoir été le modèle entrepreneurial du Québec l'agriculture va, je vous dirais, se désagréger comme ça. Il faut soutenir l'agriculture parce que, oui, Mme la Présidente, nos agriculteurs, nos producteurs agricoles ont été le modèle d'entrepreneurship partout dans nos régions, ça a été les premiers à développer une agriculture forte, et c'est grâce à leur travail et à leur labeur.

Alors, si je reprends, ce matin, Mme la Présidente, dans La Presse, on dit qu'entre autres par rapport à la vache folle «les frontières américaines ne sont pas complètement rouvertes au boeuf canadien depuis qu'un cas isolé de vache folle a été décelé dans une ferme de l'Alberta en mai 2003. L'embargo qui frappe le boeuf canadien a fait perdre quelque 2 milliards de dollars en exportations aux États-Unis.» Alors, on comprendra que, oui, c'est un enjeu fort important. Et alors vous comprendrez que toute la solution à cette problématique de la crise agricole ne touche pas seulement que le Québec. Ce n'est pas en se refermant sur nous-mêmes qu'on va régler les problèmes de ceux-là.

Certains collègues nous disent: Ah oui, mais l'argent est à Ottawa. Mme la Présidente, au Québec, on est la province la plus endettée du Canada, et, s'il fallait, s'il fallait, Mme la Présidente, que malheureusement l'opposition officielle en venait qu'à faire l'indépendance un jour, imaginez-vous, on est déjà la province la plus endettée et là on ramasserait notre quote-part de la dette fédérale qui est autour de 150 milliards, imaginez-vous comment on serait dans le trouble. Alors, Mme la Présidente, c'est important qu'on règle les dossiers et qu'on collabore avec nos voisins.

Un autre élément important qui touche l'agriculture, le Protocole de Kyoto. Alors, on a des problèmes environnementaux à régler, et c'est avec nos voisins qu'il faut collaborer pour les régler.

Donc, ce qui me chagrine un petit peu, ce matin, c'est de voir certains titres de journaux, Mme la Présidente, qui font état d'un point de rupture inévitable qui s'en vient. Alors, moi, je ne pense pas que ce soit la solution, à ce moment-ci, Mme la Présidente. On a vu des manifestations très pacifiques, et ça, je dois le dire. Dans mon comté particulièrement et ici, devant l'Assemblée nationale, hier, les gens ont manifesté de façon, je vous dirais, très correcte et dans le plus grand respect, et c'est ce dont on s'attend des agriculteurs, qui, tous les jours de leur vie, sont en respect puis en harmonie avec la terre qu'ils cultivent et les animaux dont ils prennent soin.

Alors, je comprends que le congrès de l'UPA qui s'ouvre, il s'ouvre sur un fond de crise bovine. Mais, au-delà de la crise bovine, il y a bien d'autres problématiques qui sont, je vous dirais, à l'enjeu dans le monde de l'agriculture.

On a parlé de crise de revenu net. Évidemment, quand on parle de crise de revenu net, on comprendra que c'est après avoir fait les additions, hein, des revenus et des dépenses. Alors, la crise de revenu, oui, mais à cause de quoi? Il y a plusieurs problématiques qui peuvent être relevées. Qu'on ne parle que de taxation municipale. Et, quand on parle de taxation municipale, on ne peut pas faire autrement que de parler, Mme la Présidente, aussi du volet zonage parce que zonage et taxation, ça va aussi de pair. Alors, au niveau de la taxation municipale, on sait qu'il y a eu une augmentation importante de la richesse foncière des propriétés agricoles. Alors là, on comprend qu'il y a un transfert fiscal qui s'est effectué au fil du temps dans nos petites municipalités agricoles et même dans nos grandes municipalités agricoles, qui a fait en sorte que la charge fiscale s'est déplacée vers les agriculteurs. Et le budget que contenait le ministère de l'Agriculture pour payer une partie de ces taxes municipales là est fortement handicapé à ce moment-ci.

n(12 h 40)n

Un autre problème qui touche l'agriculture, c'est la provenance des aliments de l'étranger et les exigences gouvernementales en matière d'environnement. Bon. On comprend qu'on a pris une certaine tendance, à un moment donné. On voulait faire de l'agriculture un modèle économique d'exportation, alors on a exporté particulièrement une production animale, dans le porc, et, ce faisant, on a créé des impacts dans nos municipalités, parce qu'il fallait étendre le purin et, pour étendre le purin, il fallait se trouver des surfaces, et on a coupé la forêt, on a trop coupé. Enfin, vous voyez toute la problématique.

Alors, la crise de la vache folle, je vous dirais que c'est la pointe de l'iceberg, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on est rendu à un point où il faut prendre les décisions, il faut prendre des décisions courageuses. Mais il ne faudrait pas prendre des décisions trop précipitées qui nous feraient peut-être manquer les objectifs principaux. Alors, mon message, aujourd'hui, à l'agriculture, aux agriculteurs: Attention, faites attention pour ne pas prendre de prises de position trop radicales. Parce que, quand on titre, dans les journaux comme Le Quotidien, Les producteurs ne reculeront pas, je peux comprendre qu'ils ne reculeront pas, mais, à un moment donné...

La Vice-Présidente: En conclusion.

M. Soucy: Oui, Mme la Présidente, alors je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, comme prochain intervenant... Je signale qu'il reste aux députés indépendants 1 min 18 s. Alors, je vous cède la parole, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Alors, je vais sauter le préambule, Mme la Présidente. Ce que je vais vous dire, à la suite de ce que mon collègue a dit ? parce qu'il a résumé la question: Il est temps qu'on s'occupe vraiment de l'agriculture. La vache folle, c'est le symptôme du problème de l'agriculture, mais il ne fallait pas y penser aujourd'hui, il fallait y penser en période électorale. Qu'est-ce qu'il y avait en période électorale? Il n'y en avait que pour la santé, que pour l'éducation.

L'agriculture, là, ça lui prend un vision d'avenir si on veut que ça réussisse. Les agriculteurs sont prêts à mettre la main à la pâte. Ils ont prouvé par le passé qu'ils sont compétents. Ils sont prêts à devenir des partenaires du gouvernement, mais il faut qu'on leur en donne un peu, qu'on sache où on veut les envoyer, qu'il y ait une vision. Je suis convaincue, parce que je les côtoie régulièrement, qu'ils seront les partenaires du gouvernement. Mais qu'on leur explique où on s'en va. Ils ne comprennent pas, ils n'ont plus aucun espoir, et c'est un cri du coeur, c'est vraiment la dernière limite qu'ils ont atteinte. Je vous demande, Mme la Présidente, de bien faire attention à les écouter parce que c'est vraiment rendu, là, à la dernière limite pour les producteurs.

La Vice-Présidente: Alors, je vous remercie, Mme la députée. Comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture, pêcheries et alimentation. À vous la parole, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je vais commencer par saluer cette décision importante et sage du président de l'Assemblée nationale, ce matin, d'avoir reconnu la situation d'urgence et de permettre ce débat d'urgence pour faire en sorte que...

Une voix: ...

M. Arseneau: ... ? à la demande de l'opposition officielle, justement ? les agriculteurs et les agricultrices du Québec puissent entendre parler de leur problématique et aussi surtout des solutions à apporter aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Donc, il y a urgence, ça a été reconnu par le président de l'Assemblée nationale, il y a urgence d'agir. Et surtout, Mme la Présidente, il est important de reconnaître ceci. Cette Assemblée, le gouvernement du Québec a la responsabilité de répondre aux préoccupations et aux demandes du monde agricole, du Québec agricole aujourd'hui. Nous avons les pouvoirs.

Et je veux rappeler ceci, Mme la Présidente. Puisque l'agriculture, c'est vrai, c'est un pouvoir partagé entre le gouvernement fédéral et le Québec, donc le Québec a toute la légitimité, a tout le pouvoir pour agir en fonction du bien commun, de l'intérêt général du Québec. Et, vous savez, Mme la Présidente, les agriculteurs se tournent avec raison vers le gouvernement du Québec, vers la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, vers leur gouvernement, vers leur Assemblée nationale, et c'est d'eux, c'est de nous, et c'est du gouvernement qu'ils attendent les signaux pour redonner espoir à la classe agricole.

Donc, Mme la Présidente, je suis très étonné d'entendre le député de Portneuf parler d'un Québec endetté, de faire la leçon à l'opposition, de parler de toutes sortes de choses au lieu de parler de la situation actuelle, alors que la crise, elle est dans le monde agricole, elle attend des solutions de nous. De faire de la petite politique et d'avoir un discours comme celui-là, je trouve ça tout à fait déshonorant pour cette Assemblée nationale, Mme la Présidente.

Il y a une crise de la vache folle. Déjà, il y a eu des exemples dans le monde, Mme la Présidente. L'Europe, l'Angleterre, mais l'Europe essentiellement a été frappée il y a déjà quelques années par une crise de la vache folle. Donc, nous savions, nous, en Amérique, que c'était possible chez nous. Et cette crise nous a effectivement frappés il y a 18 mois. Malheureusement, le Québec n'avait pas eu le temps de mettre en place toutes les balises, toutes les assurances qui auraient permis de protéger notre agriculture contre l'avènement d'une crise comme celle-là dans le Canada.

C'est une réalité, Mme la Présidente, que nous faisons partie du Canada. Ce que le chef de l'opposition a dit, c'est que, si nous avions été dans un pays souverain totalement, en ce qui concerne l'agriculture, grâce à notre système de traçabilité mis de l'avant par le gouvernement précédent, sur lequel nous avions mis 21 millions en quatre ans, qui fait que nous avons le système de traçabilité le plus avancé en Amérique, Mme la Présidente, et il est très facile de détecter, avec des boucles informatisées, le cheminement qu'ont poursuivi toutes les vaches du Québec... C'est comme ça, la réalité, Mme la Présidente. Mais malheureusement l'hécatombe a frappé l'industrie bovine canadienne et, par le fait même, l'industrie québécoise.

Les réalités agricoles canadiennes, Mme la Présidente, sont très différentes et variées. L'Ouest: la Colombie-Britannique a une agriculture tout à fait différente de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. L'Ontario a une agriculture qui ressemble un peu à l'agriculture québécoise. Et l'Est a une agriculture tout à fait différente de celle du Québec. La particularité de l'agriculture québécoise, c'est d'être une agriculture équilibrée, variée, mais aussi interreliée entre les différentes productions animales, les productions végétales, qui fait en sorte que, quand un secteur du monde agricole québécois est frappé, bien il y a des dommages collatéraux, Mme la Présidente, vis-à-vis des autres productions.

C'est ça qui se produit dans le cas de la vache de réforme. Parce que les producteurs bovins du Québec sont touchés par la crise de la vache folle, mais ils ont des programmes de stabilisation du revenu avec l'aide des gouvernements. Ils réussissent, mais ça leur coûte un bras, Mme la Présidente, 240 millions qu'ils ont perdus. Mais les dommages collatéraux vont aussi à la vache de réforme, Ça, se sont nos producteurs laitiers. Dans les vaches, à bout de cycle, eux, ils envoient leurs vaches à l'abattoir, ils ont un prix très respectable. Mais là ce prix a chuté de 70 %. Et les programmes fédéraux, les programmes canadiens ne s'adressent pas à la vache de réforme, zéro, enfin... zéro, ce qui a forcé le gouvernement du Québec, le gouvernement national des Québécois à répondre aux agriculteurs du Québec.

Mais ce que je dis, c'est que l'agriculture canadienne est très variée. Donc, comme c'est un pouvoir partagé, il ne faut pas attendre toutes les solutions d'Ottawa parce que le gouvernement fédéral est lié et l'agriculture est différente. Alors, nous avons déjà ici, au Québec, donné l'exemple d'aller de l'avant, de prendre les devants pour protéger nos agriculteurs. Nous avons ? et je ne veux pas faire une longue liste parce que ce serait nommer le gouvernement précédent à chaque fois ? donné des outils au monde agricole, exceptionnels et particuliers.

Parlez-en aux députés de Saint-Hyacinthe, de Nicolet-Yamaska, vous allez voir, la Financière agricole, tout le monde agricole canadien est jaloux lorsqu'il regarde la Financière agricole québécoise pour la gestion des programmes d'assurance de stabilisation de revenu. Mais, si on fragilise trop la Financière agricole... Et c'est ça le danger, avec cette crise. Nous avons aussi été dans la traçabilité, dans les normes HACCP, dans le biologique, nous avons donné des moyens. Maintenant, ces moyens-là sont fragilisés parce que la crise est considérable. Donc, cette crise dure depuis trop longtemps, Mme la Présidente.

Et on peut discuter de la décision du gouvernement américain. Est-ce que c'est une décision uniquement politique? Est-ce que c'est du protectionnisme économique? Est-ce que c'est pour protéger la santé des citoyens américains? Le résultat net est qu'ils ne sont pas pressés de lever l'embargo puis que, quand on regarde dans l'avenir, c'est au minimum six mois encore. Alors, imaginez l'agriculteur du Québec, le producteur laitier qui n'est pas dans le secteur bovin, lui, il est dans le lait, mais il avait un revenu net entre 16 000 $ et 20 000 $, 15 000 $ ? ça dépend, là ? par année que lui rapportait sa vache de réforme: fermé, ça.

n(12 h 50)n

Fermé, pourquoi? Parce qu'il y a un monopole au Québec dans l'abattage. Il y a 90 %... en fin de compte, c'est un monopole. Et le propriétaire de l'abattoir, il dit: Écoute, c'est la loi du marché. Je peux avoir des vaches pareilles comme la tienne, des Holsteins, qui font la réputation du Québec dans le monde agricole, à 0,08 $, 0,09 $ ? ils nous l'ont démontré sur les pelouses de l'Assemblée nationale, hier ? 0,09 $, alors pourquoi je donnerais 0,40 $ ou 0,42 $? C'est pour ça, Mme la Présidente, qu'il faut agir maintenant, parce que les producteurs laitiers et aussi les producteurs bovins... La vache de réforme, ça touche aussi le producteur bovin qui a des vaches qui reproduisent des veaux qu'il vendait aux États-Unis; eux aussi avaient des vaches qu'il fallait réformer à la fin. Donc, les producteurs bovins ont des programmes de soutien, ça leur coûte un bras, mais les producteurs laitiers sont aussi extrêmement touchés à cause des dommages collatéraux. Et là il y a une baisse de revenus de 70 % puis on est face à un monopole.

Qu'est-ce qu'on fait? Pendant deux, trois semaines, la ministre nous a parlé de la solution comme étant un prix plancher pancanadien. Bien, c'est vrai que ça aurait été la solution idéale. Mais, à cause de tout ce que je viens d'expliquer, Mme la Présidente, cette solution est irréaliste. Elle est souhaitable, mais elle est irréaliste. Et là on se rend compte, depuis avant-hier ou hier, que la ministre a comme abandonné sur la question du prix plancher pancanadien. Elle découvre les vertus...

La Vice-Présidente: ...

M. Arseneau: ... ? merci, Mme la Présidente ? elle découvre les vertus peut-être d'un programme ou d'autre chose, mais là elle ne parle plus du prix plancher pancanadien. Mais là il commence à être tard, là. Comment voulez-vous rassurer les producteurs agricoles du Québec dans cette crise?

Alors, moi, ce que je dis, je dis: Ce qu'il faut, c'est agir maintenant, avec les moyens peut-être imparfaits, mais agir maintenant pour lancer un signal que, oui, au Québec, on a ce qu'il faut pour adopter des mesures qui permettront à nos producteurs laitiers d'écouler leurs vaches de réforme en ayant un prix réaliste, un prix adéquat qui va leur permettre de passer au travers de la crise. Si on veut garder notre agriculture, c'est ça qu'il faut faire, éviter à tout prix de fragiliser l'agriculture québécoise, Mme la Présidente, éviter à tout prix de fragiliser l'industrie laitière québécoise. C'est la perle de l'agriculture au Québec, ça a tout le temps été, les fermes laitières. Et malheureusement il y a d'autres problématiques dont on pourrait parler qui sont liées au développement de l'industrie agricole qui font en sorte que, dans nos belles campagnes, il y en a moins. Mais éviter de fragiliser l'industrie laitière québécoise, éviter de fragiliser La Financière agricole.

Parce qu'on pourrait fouiller dans les détails, Mme la Présidente, quant à l'argent réel qu'a mis le gouvernement du Québec dans la crise, 160 millions. Le premier ministre avait changé son discours ce matin: ce n'est pas le Québec qui avait mis ça, c'est l'ensemble canadien. Peut-être 60 millions québécois; puis, des 60 millions québécois, peut-être 40 millions de La Financière agricole; puis, du reste, du budget de la ministre, ça commence à être des miettes, sur deux ans, ça fait 10 millions par année, ça, Mme la Présidente, pour soutenir. Donc, évitons de fragiliser La Financière agricole du Québec, qui est l'outil des agriculteurs québécois parce que le cadre stratégique agricole canadien vient mettre des barrières à l'existence de nos propres... En conclusion, Mme la Présidente ? j'ai terminé ? il faut agir maintenant. Merci.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le député. Comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le député de Frontenac, en vous signalant qu'il reste à votre formation politique 5 min 55 s.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Alors, merci, Mme la Présidente. Je suis content d'intervenir sur le problème qui nous occasionne... pour lequel nous discutons aujourd'hui, le problème de la vache folle. Évidemment, le comté de Frontenac, ce n'est pas seulement le dossier de l'amiante au Québec, et on n'intervient pas seulement quand il y a des fermetures d'emplois ou on n'en parle pas seulement quand ça arrive, on en parle tout au long de l'année. Évidemment, le problème de la vache folle, ça nous a permis de concevoir, au Québec et au Canada, que, sur la traçabilité d'une vache qui est passée aux États-Unis, on a pu la retracer en Alberta, et avec les problèmes que ça a occasionné, la fermeture des frontières. Évidemment, cette fermeture de frontières là a occasionné les problèmes que nous vivons aujourd'hui.

Récemment, la Caravane de la dernière chance s'est présentée à mon bureau, parce que le comté de Frontenac compte d'excellentes fermes de production bovine et de vaches laitières. D'ailleurs, le président de la Fédération des producteurs laitiers du Québec est un résident de Thetford Mines, est un fier producteur, M. Guy Couture, président du Syndicat de l'UPA de Thetford Mines, qui était à mes bureaux pour dénoncer la situation et demander d'imposer un prix plancher obligatoire et d'imposer aussi des volumes d'achat, se préoccupait du revenu net disponible des agriculteurs.

À ça, M. Couture ? vous m'écoutez sûrement ? le chef de l'opposition répond par une solution simpliste à votre solution de revenus disponibles, il répond que ça passe par la souveraineté du Québec. Dans un débat d'urgence convoqué à ceux qui crient à l'endettement actuellement, à des marges de crédit qui sont en train... ils passent plus de temps chez le banquier à négocier, bien le chef de l'opposition répond que ça passe par un Québec indépendant. À toutes les productrices agricoles du Québec, à ceux de mon comté qui ont une augmentation significative de leurs inventaires due au fait que nous avons une réduction de la capacité de production... d'abattage, excusez-moi, le chef de l'opposition répond que ça passe par l'indépendance du Québec, que ça passe par des référendums.

À des questions d'augmentation, donc de manger... ? on est en train de manger l'équité du Québec actuellement ? on envoie un signal, donc les producteurs nous disent qu'actuellement on a de la difficulté, on retarde des paiements, on retarde de payer des fournisseurs, ça veut dire qu'on retarde d'acheter de l'équipement stratégique, le chef de l'opposition, député de Verchères, répond que ça passe par l'indépendance, la souveraineté du Québec. Eh bien, je crois qu'il faut être complètement déconnecté de la réalité de ceux qui nous interpellent aujourd'hui.

Dans le journal Le Soleil, qui titrait le 27 novembre: La pire crise agricole des 20 dernières années, le député de Verchères et chef du Parti québécois répond que l'agriculture québécoise n'est pas compatible avec le fédéralisme, répond qu'il faut retourner faire des référendums, qu'il faut renégocier des ententes avec nos vis-à-vis. Pendant que l'UPA impose un blocus, pendant que 400 producteurs empêcheront un abattoir de se procurer d'autres bêtes de d'autres provinces, des bêtes de d'autres provinces, le chef de l'opposition répond que ça passera par des référendums et l'indépendance du Québec. Pendant que l'UPA vient nous sensibiliser, à l'Assemblée nationale, parlant au nom de 815 000 producteurs, productrices du Québec, c'est 800 fermes, pendant qu'on se préoccupe pour le bouvillon d'abattage ? et il faut vraiment les respecter parce que c'est quand même 800 fermes au Québec, dont 200 spécialisées ? pendant qu'on parle de tous ces producteurs qui en arrachent, eh bien, le chef de l'opposition répond d'une seule voix que ça passe par la souveraineté du Québec.

Eh bien, moi ? et, si vous m'écoutez, M. Guy Couture, président du Syndicat de l'UPA de Thetford Mines ? j'aime mieux suivre le scénario que nous propose la ministre de l'Agriculture, j'aime mieux qu'on suive le travail que fait notre ministre auprès du gouvernement fédéral, auprès de notre caucus, auprès de notre propre gouvernement, qui a proposé, entre autres, des mesures avec des mesures financières qui totalisent plus 165 millions de dollars.

Évidemment, il reste encore beaucoup de travail à faire. Et récemment, le 19 novembre dernier, elle proposait, vu que l'inventaire, au Québec, est en augmentation du fait que le prix d'achat ou le prix de disposition pour les producteurs était à environ 0,19 $, 0,20 $ la livre... donc, elle déposait donc un plan, avec son homologue fédéral, sur le retrait de bovins engraissés, donc ça touche environ 40 000 bovins, et le retrait des veaux d'engraissement, soit 66 300 veaux. Donc, la solution, c'est de les retarder avant de les envoyer à l'abattoir et donc ça permettra donc une mesure compensatoire. C'est donc plusieurs éléments qui, mis ensemble, arriveront à trouver un apaisement, le temps qu'on trouve une solution définitive.

La Vice-Présidente: En conclusion, M. le député.

M. Lessard: En conclusion, et le premier ministre l'a rappelé aujourd'hui, donc je vais me permettre, là-dessus, donc...

La Vice-Présidente: Malheureusement, je dois vous arrêter, M. le député, votre temps est épuisé.

Alors, ceci termine le débat d'urgence concernant la crise de la vache folle qui secoue actuellement le monde agricole. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, veuillez vous asseoir, chers collègues. M. le leader du gouvernement, pour nous indiquer les travaux de cet après-midi. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: J'apprécierais, M. le Président, que vous nous référiez à l'article 3 du feuilleton.

Projet de loi n° 61

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, à l'article 3 du feuilleton d'aujourd'hui, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 26 novembre 2004, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Et nous avions commencé une intervention, c'était la députée de Taschereau, et je lui indique qu'il lui reste 11 minutes pour son intervention. Alors, Mme la députée, si vous voulez poursuivre votre intervention débutée sur le principe du projet de loi. À vous.

Mme Agnès Maltais (suite)

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Je reprendrai donc mon intervention sur l'adoption de principe du projet de loi n° 61, loi qui crée l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Je venais, cette nuit où j'ai terminé mon intervention, de renoter le fait que les quatre chiens de garde du gouvernement, les quatre personnes qui représentent les institutions qui sont garantes de l'imputabilité, de la transparence, qui sont garantes de la reddition des comptes, de cet argent qui est l'argent qui est pris dans nos taxes et nos impôts, de cet argent public, ces quatre chiens de garde sont venus en commission parlementaire dire que ce projet de loi, la création de cette agence leur empêcherait de dévoiler aux parlementaires comment était utilisé notre argent public. C'est quelque chose de très sérieux, M. le Président, d'autant que ces quatre personnes sont des personnes qui sont nommées non pas de façon partisane, mais qui sont nommées aux deux tiers des parlementaires réunis au salon bleu. Donc, ce sont des gens qui, au-delà de toute partisanerie, ont allumé une lumière rouge sur ce projet de loi. Ce n'est pas une lumière jaune, je pense, c'est une lumière rouge. Les quatre à la fois, ça devient une lumière rouge.

Je me permettrai aussi, ici, de faire un parallèle entre les grands mouvements de la mondialisation. Je pense au fonds mondial d'investissement, au FMI, à la Banque mondiale, à l'OMC, toutes des tables qui gèrent les grands flux mondiaux du commerce loin des sociétés civiles et bien loin de notre Parlement. La même mouvance peut atteindre le Québec. L'argent public serait géré et dépensé loin des regards des membres de l'Assemblée nationale. C'est ça, c'est de ça qu'on avise la population. Je trouve cela très grave et je me permets aujourd'hui, M. le Président, de dénoncer cette approche. Sans débat sur le fond, le gouvernement accouche de la forme, un projet de loi qui engagera, inexorablement et pour un très long terme, le Québec dans une mouvance qui, pour moi, est néolibérale et nord-américaine. Ma formation politique refuse cela, M. le Président, les gens n'ont pas voté pour ça.

Et pourtant, et pourtant, M. le Président, déjà la machine est mise en marche: 13 firmes ont travaillé et ont concocté des PPP. La meilleure façon que j'aurais d'exprimer l'image que ça me donne, cette approche de demander à 13 firmes privées de concocter des PPP sur lesquels en fait ils vont pouvoir faire des appels d'offres, je dirais qu'on a demandé au renard de faire les plans du poulailler. Il ne s'agit pas seulement d'introduire le renard dans le poulailler, mais c'est le renard lui-même qui a décidé quelles portes et quelles cloisons il y aurait dans le poulailler. C'est absolument... Je dirais que ce n'est pas seulement inacceptable, ça, c'est quelque chose que je n'ai jamais vu dans le type d'institutions qu'a bâties l'Assemblée nationale du Québec. Ce n'est pas le genre de choses auxquelles on est habitués au Québec. Les notions de transparence, d'éthique, d'imputabilité, de reddition de comptes ont toujours été fondamentales. Ici, on a demandé au renard de faire les plans du poulailler. Je trouve cela incroyable.

Au début de mon allocution, M. le Président, j'ai parlé de cette thématique de Réinventer le Québec, qui était la thématique du Parti libéral lors de l'élection. Je dirais qu'effectivement ce qu'on nous disait, c'est qu'on voudrait refaire les choses en couvrant d'une zone d'ombre l'argent public, nos taxes et nos impôts, qui seront dépensés sans que les parlementaires puissent y voir. Si c'est ça, réinventer le Québec, M. le Président, je pense qu'on pourrait s'en passer. Il y a des réinventions, il y a des réingénieries qui ne sont pas dans les usages du Parlement, de l'Assemblée nationale.

Je parle de transparence et de démocratie. Évidemment, dans l'administration publique, le droit du public à l'information est sacré, alors que, dans le secteur privé, les nécessités de la concurrence encouragent bien sûr une culture du secret. Alors, avec les PPP, c'est la culture de la transparence et de la démocratie qui est perdante, les ententes restant bien sûr confidentielles, puisque le privé est mêlé à ces ententes. Je sais que, sur l'autoroute à péage, la 407 ? c'est un projet qui a été développé, c'est un PPP qui a été développé en Ontario ? même les membres de l'Assemblée législative de l'Ontario n'ont pas pu avoir accès aux documents au terme du contrat concernant l'entente sur l'autoroute à péage. C'est le genre de chose qui pourrait se produire au Québec. Je trouve cela inacceptable, M. le Président.

Il n'y a pas que nous qui trouvons ça inacceptable. Il n'y a pas seulement au Canada que ça se passe. Je sais que la présidente du Conseil du trésor est allée voir des exemples à l'étranger. J'ai parlé tout à l'heure de ces grandes institutions internationales que sont le FMI et la Banque mondiale, qui ont ce genre de pratique. Alors, je le disais: «Contrairement au financement public, le financement privé n'apparaît pas aux comptes publics, même si, dans les faits, [les gouvernements vont rembourser ces dépenses].» Alors, il s'agit expressément d'engagements financiers qui seront assumés, un jour ou l'autre, par les contribuables. «La discussion sur l'obligation des gouvernements d'inscrire aux livres ces engagements bat son plein [actuellement] au sein même du Fonds monétaire international. En effet, l'économiste Anne Krueger, première directrice générale adjointe du FMI ? on ne parle pas de n'importe quoi, là, en cette matière ? a récemment affirmé, en avril dernier, que lorsqu'un gouvernement prend des risques financiers, il s'agit d'activité publique et que rien ne justifierait que cela soit traité comme quelque chose d'étranger au budget.» Même au FMI on se questionne sur ce genre de pratique, alors que nous, là, le gouvernement actuel nous propose de foncer tête baissée là-dedans. «En camouflant ainsi le véritable niveau d'endettement ? parce que c'est ça qu'on tente de faire ? les gouvernements peuvent donner l'apparence de se conformer aux règles fiscales limitant le niveau d'emprunt et des déficits.»

n(15 h 10)n

Ce que ça veut dire, c'est que, quand les gouvernements choisissent de faire des PPP actuellement, ce qu'ils font, c'est qu'ils utilisent une convention qui permet de reporter à plus tard ? à plus tard ? les intérêts et la dette qui vont apparaître aux comptes publics. C'est reporté à plus tard. Ça leur permet donc de dépenser actuellement sans que les gens aient l'impression qu'ils dépensent trop et sans que les parlementaires puissent aviser qu'il est en train de se passer trop d'engagements. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on reporte sur les générations futures, M. le Président, les engagements qu'on prend maintenant. Moi, je suis contre le fait qu'on ne sache pas quand on est en train de charger aux générations futures les gestes qu'on pose aujourd'hui. Je pense qu'un Parlement doit être transparent et doit assumer ses responsabilités et assumer ses décisions.

Quand on dit que ça coûte cher, des PPP, et que c'est une facture qui peut aller en gonflant et qui peut être chargée à l'avenir, le Vérificateur général adjoint du Canada a examiné les coûts de financement de 161 millions de dollars du pont de la Confédération par l'entreprise privée. L'entreprise privée ? c'est un PPP, le pont de la Confédération ? a dû emprunter 161 millions de dollars. Or, le Vérificateur général adjoint du Canada a démontré que ceux-ci auraient pu être inférieurs d'environ 45 millions de dollars si le gouvernement s'était procuré l'argent en ayant recours à son propre programme d'emprunt. Donc, en faisant ce PPP pour le pont de la Confédération, M. le Président, ça a coûté 45 millions de dollars de plus aux contribuables canadiens, dont nous sommes, M. le Président, contribuables dont nous sommes. 45 millions sur 161 millions de dollars, c'est 25 % à peu près que ça a coûté de plus cher. Alors, ce que ça veut dire, c'est que l'entreprise privée a emprunté 161 millions de dollars. Elle paie... Finalement, elle dit: Je vais assumer le risque de l'emprunt, sauf qu'aux contribuables québécois et canadiens, ce risque que l'entreprise est supposée assumer, il nous coûte 45 millions de dollars. Voici l'exemple de choses qu'il ne faut pas faire et l'exemple de choses qui fait qu'on se méfie des PPP dans cette salle. Notre parti se méfie des PPP, M. le Président.

La politique-cadre qui a été présentée par la présidente du Conseil du trésor parle aussi de l'obligation des organismes publics de rendre des comptes, mais à cet égard, et je cite, «ils doivent tenir compte des droits des partenaires privés en matière de protection de l'information préjudiciable à leur situation concurrentielle». Donc, quand on connaît comment on travaille dans l'entreprise privée, on est en droit de se préoccuper des précédents que pourrait invoquer une entreprise privée en PPP pour opposer à la transparence nécessitée par l'utilisation des fonds publics le secret ou le voile corporatif qui est invoqué en matière d'entreprises privées et de concurrence. Alors, on peut présumer que le champ des informations préjudiciables, le champ des informations qu'on ne veut pas dévoiler sera d'une envergure telle qu'il ne laissera pas beaucoup de place à la transparence. En Grande-Bretagne, l'exemple souvent invoqué par la ministre, faut-il le rappeler, il y a eu des batailles quasi épiques qui ont été menées pour rendre publics de tels contrats, et pourtant ces contrats en général engagent des gouvernements pour 25 à 30 ans, M. le Président.

Les gouvernements qui favorisent les PPP le font aussi parce que ça facilite la diminution du nombre d'employés du secteur public. Alors, les PPP sont censés faire épargner de l'argent à l'État, et la réduction du personnel et des salaires est un moyen privilégié, plusieurs exemples le démontrent. Au Nouveau-Brunswick, ici, la réorganisation du système d'aide sociale a fait que les travailleurs et travailleuses ayant conservé leur emploi à ce service se sont vu imposer une directive: ne consacrer que 4,5 minutes par citoyen, l'accessibilité aux membres du personnel de l'aide sociale se trouvant ainsi réduite. Coûts additionnels pour les générations à venir, réduction des conditions de travail, réduction du service, voilà, voilà les impacts que nous avons vu arriver dans les exemples précédents des PPP.

Les quatre chiens de garde de l'Assemblée nationale, des parlementaires ont dit, et c'est d'une évidence très claire dans leurs propos, qu'ils ne pourraient pas appliquer aux PPP les règles d'éthique et de transparence que nous avons au salon bleu de l'Assemblée nationale. M. le Président, je pense que l'appel que nous faisons et au gouvernement et à la population, c'est de revoir entièrement ce projet de loi, M. le Président. Il est, dans sa forme actuelle, inacceptable.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Taschereau. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant Mme la députée de Taillon, toujours sur l'adoption du projet de loi n° 61, sur le principe. Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je veux effectivement intervenir à mon tour sur la loi créant l'Agence des partenariats publics et privés du Québec. Je vais commencer par deux citations, M. le Président, si vous permettez. J'ai pris la peine de relire les propos de la ministre au moment de son discours ici, à l'Assemblée, à l'occasion de l'adoption de principe. Je vais donc citer à quelques reprises la ministre et commencer d'abord cependant par une citation de M. Christian Rouillard, de l'Université d'Ottawa, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance et gestion publique, et il dit ceci: L'approche du gouvernement est «une pensée managériale qui est à la fois simpliste, passéiste et manichéenne». Ça commence bien, hein? Ça, c'est M. Rouillard, qui a quand même étudié de façon assez sérieuse et même très sérieuse le projet de loi qui est devant nous et qui a pris la peine de faire un certain nombre de réflexions sur ce projet. Par ailleurs, la ministre elle-même, au moment de son intervention, le mercredi 17 novembre dernier, dit ceci: «Les partenariats public-privé ne sont ni une panacée ni une solution magique.»

Alors, à partir de là, M. le Président, j'ai entendu ici une chose et son contraire dite par les mêmes personnes, mais en particulier par les porte-parole du gouvernement et de la ministre. D'abord, la ministre a voulu nous dire que nous avions l'air de démoniser le fait que le secteur public... le secteur privé, pardon, puisse s'impliquer dans la gestion des choses de l'État. Absolument pas, M. le Président, ça n'a jamais été notre propos. Par ailleurs, elle semble a contrario porter aux nues l'intervention du privé, qui, parce que l'on confierait de la planification, de la gestion d'institutions ou d'investissements au secteur privé, donnerait des résultats absolument miraculeux, M. le Président. Ce n'est pas le cas. D'ailleurs, pour prouver qu'elle dit une chose et son contraire justement, elle dit: Ce n'est ni une panacée ni une solution magique. Et d'autres disent que c'est carrément non souhaitable à ce moment-ci.

Bon. Alors, moi, je veux revenir sur un certain nombre d'éléments qui concernent les partenariats privé-public, en commençant par le rôle de l'État, l'efficacité. Parce qu'on nous dit que ça va être le miracle, hein, ça va être très, très efficace parce que c'est le privé qui va s'en occuper. Ensuite, on va partager les profits et les bénéfices, les profits et les... c'est-à-dire les profits et les bénéfices, mais aussi les risques. Bon. Alors ça, c'est intéressant, on va aller voir ce que ça peut signifier. On nous dit qu'on va économiser. Alors, ce sera intéressant aussi de voir comment arrivera-t-on à réellement économiser. Et on respectera bien sûr, nous dit-on, les conditions de travail.

Alors, je commence par un premier élément sur lequel je veux pouvoir partager avec vous quelques réflexions. Moi, je pense qu'il y a des responsabilités qui appartiennent en propre à un État, à un gouvernement. Quand la santé, la sécurité des personnes est en cause, il me semble que l'État devrait assumer pleinement sa responsabilité. Quand il s'agit d'un bien commun tellement essentiel que l'État doive s'en préoccuper, pensons à l'éducation en particulier, je crois que cela doit relever, tant dans sa planification que dans sa gestion que dans son contrôle, de moyens collectifs sous la responsabilité de l'État.

n(15 h 20)n

Et c'est un peu ce qui est embêtant, je trouve, dans l'étude du projet de loi qui est devant nous, c'est qu'on ne fait pas justement ces distinctions et ces différences entre le rôle et la responsabilité de l'État, avec des moyens qui lui sont propres bien sûr, versus les rôles, les façons de fonctionner et les moyens qui sont propres à une entreprise privée, dont l'objectif est fort différent de l'objectif poursuivi par un gouvernement. L'objectif poursuivi par un gouvernement, c'est quoi? C'est de s'assurer que l'intérêt commun va être préservé, c'est de s'assurer que les ressources disponibles mises au service de la population pour s'assurer d'une meilleure justice sociale, d'une meilleure réponse aux besoins en matière d'éducation, en matière de santé vont être... vont... ces investissements en matière de... pardon, cette responsabilité en matière de biens publics doit être assumée par le gouvernement, qui va préserver l'intérêt commun sans chercher à satisfaire un intérêt privé et personnel, alors que l'entreprise privée, elle, a comme objectif bien sûr d'aller faire des profits, d'aller chercher un rendement sur l'investissement. Et on peut comprendre ça, et c'est tout à fait légitime qu'il en soit ainsi. Et c'est donc dans ce sens-là, M. le Président, qu'on ne peut pas démoniser l'action du secteur privé dont la philosophie est essentiellement de rapporter un bénéfice à ses membres ou aux propriétaires de l'entreprise ou aux actionnaires de l'entreprise.

Alors donc, dans le cas présent, je trouve que la ministre et le gouvernement auraient dû faire une meilleure distinction à cet égard-là et s'assurer qu'on nous indique bien, selon ce qui m'apparaît devoir être préservé, comment le gouvernement, pourquoi le gouvernement doit rester responsable de certaines activités, de certains services à rendre et comment il pourrait dans certains cas, soit en sous-traitance, par gestion déléguée ou oui, effectivement, en privatisant certaines activités du gouvernement qui sont actuellement sous la responsabilité du gouvernement mais pour lesquelles le gouvernement n'a pas nécessairement à prime abord à... c'est-à-dire dans lesquelles le gouvernement n'a pas nécessairement et à prime abord à investir parce que cela peut être fort bien pris en charge par le secteur privé. Je vous donne un exemple de ça.

Un exemple de ça, c'est la vente d'alcool. En fait, normalement, ça devrait appartenir au secteur privé. L'État n'a pas à nécessairement s'occuper de vente d'alcool. Mais, cependant, dans le cas du Québec, l'histoire a fait en sorte que nous avons, pour toutes sortes de raisons morales, philosophiques et autres, investi dans ce secteur, nous l'avons contrôlé, nous l'avons géré, et maintenant il rapporte des sommes considérables à l'État québécois et il offre un service de qualité sur l'ensemble du territoire québécois et a atteint donc un certain niveau d'efficacité. Et, même si logiquement le gouvernement ne devrait pas être là, je crois que ce n'est pas une bonne idée pour le gouvernement, à ce moment-ci, de s'en retirer; au contraire, il doit continuer à pouvoir faire en sorte qu'il tire le meilleur parti possible de ce qui est le résultat de notre histoire. Ça, c'est une chose, M. le Président.

Mais, quand on décide d'adopter une nouvelle loi et une nouvelle façon de procéder et de partager autrement les responsabilités de l'État entre le public et le privé pour toutes les nouvelles activités qui arrivent, on doit se poser la question: Est-ce que c'est l'État qui doit assumer cela ou est-ce que c'est le secteur privé qui pourrait le faire mieux, à moindre coût, etc., mais en autant évidemment qu'on se sera d'abord posé la question: Comme État, j'ai une responsabilité de m'assurer de protéger l'intérêt commun, et, lorsque la situation... pardon, la santé et la sécurité des personnes est en cause, je crois que l'État doit conserver le plein contrôle? Bon. Alors donc, ça, c'est une question qu'à mon point de vue on a mal posée ou qu'on n'a pas posée tout simplement et que... débat que l'on devrait avoir avant de s'engager dans cette question des partenariats public-privé.

Le deuxième élément, M. le Président, et la ministre y revient souvent en nous disant: Ah! mais votre propre gouvernement souhaitait aller et souhaitait intervenir par cette nouvelle stratégie que nous proposons en identifiant des partenariats public-privé, et donc pourquoi tout d'un coup avez-vous changé d'avis?

Effectivement, en décembre 2000, notre gouvernement a fait adopter un projet de loi ? 164 ? qui concernait les partenariats en matière d'infrastructures de transport. Ce n'était pas un partenariat public-privé générique ou général, c'était très précis. Et non seulement c'était précis, nous avions identifié une portée... en fait la loi avait identifié des projets particuliers, donc la loi avait une portée restreinte et visait essentiellement la construction des autoroutes 25 et 30. Donc, venir maintenant comparer le projet de loi n° 164 au projet de loi n° 61, moi, je pense que c'est une comparaison qui est complètement inadéquate dans les circonstances.

Et d'ailleurs il me semble qu'au lieu de se lancer tous azimuts et ouvrir un nouveau champ, un champ d'activité ou un champ dans lequel on veut s'investir, on devrait d'abord évaluer ce qu'on a fait, ce que cela a donné comme résultat; aller au bout d'une première démarche et tirer des leçons de cela avant de choisir de s'engager dans une autre avenue. Alors, ça aussi, c'est un peu dommage parce qu'on constate bien que ça n'a pas été fait et qu'on n'est d'abord, un, pas allés au bout de la démarche, de un; et deux, on n'a pas pu ainsi procéder à l'évaluation. Bon.

Je reviens maintenant à des citations de la ministre, qui nous dit: Bien, ça va être extraordinaire parce que l'État, qui n'a plus les moyens de se payer un certain nombre de services, va maintenant, par les partenariats privé-public, économiser et donc faire en sorte que nous ayons autant de services en ayant les mêmes investissements ou en utilisant les mêmes ressources que nous confient les citoyens par leurs taxes et impôts.

Elle le dit d'ailleurs, ici, assez bien. Toujours le 17 novembre dernier, elle dit: «Avec les moyens actuels, l'État doit trop souvent se résoudre à rogner sur la qualité.» Alors, et donc elle dit: «Comme nous n'avons pas les moyens d'investir, nous allons confier le tout à l'entreprise privée qui, elle, pourra faire des miracles là où nous ne pouvons pas en faire.»

Mais est-ce que ça va vouloir dire, M. le Président, qu'on va établir une tarification? Parce que l'entreprise privée, elle ne fera pas ça pour nos beaux yeux puis elle ne fera pas ça pour les beaux yeux du gouvernement. L'entreprise privée va investir si elle y trouve son profit. Si elle y trouve son profit, elle va charger en conséquence le bénéfice qu'elle veut aller en retirer. Alors donc, l'État, lui, qui ne cherche pas à retirer un profit sur l'investissement autre que d'améliorer le service public, ne recherche pas le même objectif.

Donc, est-ce que par déduction l'État va imposer des tarifications pour pouvoir se permettre un investissement, que ce soit dans une autoroute, que ce soit dans un hôpital, que ce soit dans une école ou que ce soit dans une infrastructure municipale liée à l'assainissement des eaux ou au traitement... autre type de traitement dans le domaine de l'environnement, M. le Président? Parce que rien ne se perd et rien ne se crée. Et je ne vois pas comment tout d'un coup, parce qu'on aurait un partenariat public-privé, on aurait plus de services à... ça coûterait moins cher, puis, en même temps, l'entreprise ferait son profit. Il y a quelque chose que j'ai de la difficulté à comprendre dans les propos de la ministre. Alors, ça, c'est un des premiers arguments qu'elle expliquait aux membres de l'Assemblée le 17 novembre dernier.

Ensuite, elle disait... bon, elle dit: Avec les moyens actuels, l'État doit trop souvent se résoudre à rogner sur la qualité. Et elle ajoutait que l'État avait de la difficulté à planifier, et donc on décidait d'investir sans pour autant nécessairement entretenir l'équipement dans lequel on investissait. Pourquoi l'État serait moins capable de prévoir les sommes nécessaires pour l'entretien des infrastructures dans lesquelles on investit? Pourquoi l'État serait moins capable de le faire et l'entreprise privée serait davantage capable de le faire, entendu que l'État a une pérennité que l'entreprise privée n'a pas? L'entreprise privée connaît parfois des situations difficiles compte tenu de la conjoncture, à ce moment-là, doit se retirer de certaines activités, peut déposer le bilan, faire faillite, alors que ce n'est pas le cas de l'État. Comment se fait-il que tout d'un coup l'entreprise privée serait mieux capable de planifier que l'État? C'est, à mon point de vue, complètement l'inverse.

n(15 h 30)n

Mais, cependant, c'est sûr que l'État doit agir de façon responsable. Le gouvernement et ses représentants doivent agir de façon responsable en identifiant, au moment où on prend une décision, quel est le coût du capital qu'on aura à assumer tout au long de la vie utile de l'oeuvre. Qu'il s'agisse d'une autoroute, d'un hôpital ou d'un édifice gouvernemental, l'État doit aussi être capable d'imaginer quelles sont les sommes qui devront être rendues disponibles pour s'assurer de l'entretien adéquat de cet édifice, de telle sorte qu'il garde sa valeur bien sûr, et qu'on le lègue aux générations qui nous suivent en bonne santé, et qu'il reste de qualité. Pourquoi tout d'un coup l'entreprise privée serait plus à même de faire cela qu'un État? Elle dit: Bien, parce que dans le fond l'entreprise privée, voulant s'assurer qu'elle va conserver son profit, va se préoccuper de ça. Mais, si elle veut conserver son profit, si elle pense qu'elle prend un risque, évidemment, plus le risque est élevé, plus elle va demander que son capital soit mieux rémunéré. Alors, ce que la ministre croit gagner d'un côté, moi, je pense qu'elle risque de le perdre de l'autre.

Et par ailleurs ? et ça, je pense que c'est un argument qui est venu souvent ? on s'illusionne quand on pense que, parce que l'entreprise va emprunter et que ça n'apparaîtra pas aux livres du gouvernement, on n'aura pas la dette en conséquence. Mais, si l'entreprise emprunte, elle a sûrement une capacité d'emprunt qui est moins grande que celle d'un gouvernement, qui, à cause du grand volume d'emprunts auxquels on procède, nous permet d'avoir accès à des taux beaucoup plus avantageux et beaucoup plus intéressants que n'importe laquelle, soit-elle la plus grande entreprise privée. Et donc, en ce sens-là, je vois un peu difficilement où se trouve l'économie, d'une part, l'efficacité, d'autre part, la planification, par ailleurs. Alors, je trouve qu'à cet égard les propos du Pr Rouillard viennent bien traduire qu'il y a une illusion et que c'est, jusqu'à un certain point, simpliste ce qui nous est proposé à cet égard.

Alors donc, si on n'économise pas, parce que l'entreprise va faire plus de profits, un gouvernement ne cherchant pas le profit autre que le profit collectif, c'est-à-dire des services meilleurs, des infrastructures de meilleure qualité, si ça nous coûte moins cher en termes d'intérêts sur la dette, où l'entreprise va-t-elle finir par économiser? Les matériaux achetés vont être de même valeur que pour l'entreprise d'à côté ou que pour le gouvernement. Alors, le risque que l'on a, M. le Président, c'est qu'on rogne sur les conditions de travail des personnels concernés, c'est qu'on rogne sur la rémunération du personnel qui gérera l'infrastructure, qui la construira ou qui agira pour l'entreprise à titre d'employé ou de travailleur et de travailleuse.

Ce sont toutes ces questions, M. le Président, que le projet qui est devant nous soulève, en plus des questions d'éthique, des questions de transparence. Mais, moi, je voulais plutôt m'attarder sur la question de la rentabilité, de l'avantage que nous allions tirer, de l'intérêt que nous avions à procéder ainsi. Et je ne suis pas sûre que la ministre soit capable et que son gouvernement soit capable de répondre à ces questions ou du moins que la réponse à laquelle ils arriveront, ou elle arrivera, sera celle que l'on imagine.

Alors, moi, je souhaite, M. le Président, que, dans le débat actuel, nous prenions le temps de réfléchir plus en profondeur, que nous allions plus loin dans l'évaluation des avantages et des inconvénients, que l'on redéfinisse aussi exactement en quoi cela pourrait consister que ce fameux partenariat, qu'on le distingue bien de sous-traitance, de délégation, aussi qu'on le distingue bien de contrats donnés par appels d'offres, avec toutes les règles et la rigueur qu'on doit apporter évidemment dans ces cas-là avant de prendre une décision.

Alors, M. le Président, j'inviterais le gouvernement et la présidente du Conseil du trésor à de la prudence et surtout je les inviterais à refaire leurs devoirs, à revoir exactement les avantages, à requestionner les avantages et les inconvénients, à creuser un certain nombre de ces questions, à être attentifs au Vérificateur général, aux représentants de la Commission d'accès à l'information, aux responsables... au Commissaire au lobbying. Il y a, chez ces représentants des différentes institutions, des inquiétudes très grandes. Si quatre institutions se présentent en commission parlementaire pour indiquer ces inquiétudes, je crois que cela mérite que l'on se penche sur le tout et qu'on ne prenne pas de décision de façon improvisée. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Taillon, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur le principe du projet de loi des partenariats privé et public, je reconnais maintenant Mme la députée de Duplessis. À vous la parole pour votre intervention.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard: Merci, M. le Président. Permettez-moi de débuter mon intervention par une citation concernant le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec. Je cite: «Une chose est claire, c'est que ce n'est pas clair.» Cette phrase, M. le Président, n'a pas été prononcée par la Protectrice du citoyen, ni par la Commission d'accès à l'information, ni par le Commissaire au lobbyisme, ni par le Vérificateur général, qui ont tous pourtant soulevé de très importantes interrogations face à ce projet de loi en commission parlementaire. Non, cette phrase ? et je la cite de nouveau: «Une chose est claire, c'est que ce n'est pas clair» ? est attribuable à la présidente du Conseil du trésor, celle-là même qui présente ce projet de loi. Partant de là, mes concitoyens et concitoyennes de Duplessis ne m'ont pas élue pour que je vote un projet de loi qui n'est pas clair, pour un projet de loi qui soulève beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes, qui n'apporte que très peu de solutions. Mon collègue, porte-parole de ce dossier, l'a dit et redit.

Les organismes dont j'ai fait mention en débutant mon intervention ont allumé des lumières rouges au sujet de ce projet de loi. J'ajouterais qu'on est sur une intersection où les lumières rouges sont doublées de quatre arrêts obligatoires, M. le Président. Avec ce projet de loi, le gouvernement du Parti libéral a carrément mis la charrue avant les boeufs. On nous demande de voter sur un projet de loi qui crée une agence avec d'incroyables pouvoirs, alors que le principe même des partenariats public-privé n'a pas fait l'objet de débats. Personne n'a encore eu l'opportunité de se prononcer sur le fond du dossier. Les intervenants ont donc profité de leur présence en commission parlementaire, sur le projet de loi n° 61, pour soulever un débat plus vaste sur toute la question des PPP. La population veut savoir: C'est quoi, un partenariat public-privé? Ça s'adresse à qui? Comment? Pourquoi? Ça coûte combien? Ça rapporte quoi? Ça améliore quoi? Quelles sont les conséquences? Ce qui est clair, c'est que ce n'est pas clair.

Ce n'est pas clair, M. le Président, parce que ce n'est pas défini, ce n'est pas balisé. On ouvre très, très grande la porte à l'arrivée du secteur privé dans tous les domaines. La Protectrice du citoyen a constaté tout comme nous que le projet de loi avait une portée extrêmement large et elle s'en est inquiétée. On pourrait comprendre que ce sont presque toutes les fonctions de l'État qui, potentiellement, pourraient être, à la limite, déléguées, compte tenu de la portée très large des dispositions de l'article 13, et je crois nécessaire d'en revoir la formulation afin d'en limiter son application. En effet, le projet de loi stipule que non seulement les projets de loi d'immobilisations seront admissibles aux PPP, mais aussi les services publics, et ce, sans aucune restriction. Tout pourrait donc être l'objet de partenariats public-privé. J'ai de très sérieux problèmes avec ça, de très grands questionnements, tout comme mes collègues.

D'abord, au niveau des immobilisations et des infrastructures, le gouvernement libéral voit l'arrivée du privé dans les secteurs d'intervention de l'État comme une panacée, comme la solution miracle à son manque de liquidités et au problème d'endettement public. Les besoins du Québec au niveau municipal, éducation, santé sont énormes; ça, on le sait. Nous avons besoin de routes, d'écoles, d'hôpitaux. Or, certaines personnes laissent sous-entendre qu'avec les partenariats public-privé on va construire tout ça sans s'endetter. Je ne suis ni économiste ni comptable, mais je sais une chose: il faut que je comptabilise le coût de mon loyer dans mon bilan financier. Un engagement à long terme, comme le serait la location, par le gouvernement, d'un hôpital construit par le privé, par exemple, c'est une dette, ni plus ni moins. Il y a aussi la possibilité ? la grande ouverture, comme je le disais tantôt ? que ce projet de loi permette la dispensation des services. Peut-on vraiment croire que l'entreprise privée peut livrer des services de qualité à moindre coût?

n(15 h 40)n

La recherche de profits, on ne se le cachera pas, c'est ça, le but premier d'une entreprise privée. Ce n'est pas, d'abord et avant tout, la qualité des services. En confiant la dispensation de services au privé, on prend un risque énorme. En jumelant dispensation des services publics et recherche de profit, on entraîne une augmentation des coûts pour le citoyen. L'entreprise privée, ce n'est pas un organisme dirigé par des philanthropes qui sont soucieux du mieux-être et du mieux-vivre de leurs citoyens et citoyennes, qui cherchent par tous les moyens à améliorer le sort de leurs voisins. L'entreprise privée, c'est: Je te donne, et tu me donnes avec profit. Malgré le respect que j'ai pour nos entreprises québécoises, qui sont innovatrices, performantes, il demeure que le profit reste le premier but.

Le gouvernement n'est pas une entreprise privée. Donc, en confiant la livraison de services à des partenariats public-privé, le gouvernement du Québec court le risque énorme ? et je le répète ? que le coût des emprunts du privé, en passant à l'entreprise privée, ne... Ils ne pourront jamais, là, bénéficier de taux d'intérêt dont bénéficie le gouvernement. Donc, le coût des emprunts, leur recherche du profit obligeront l'introduction de tarifs pour les citoyens. Encore une autre augmentation pour ceux-ci, et le citoyen du Québec, M. le Président, a suffisamment subi d'augmentations de coûts depuis les 18 derniers mois: frais de garde, facture d'électricité, Société de l'assurance automobile du Québec, et j'en passe.

M. le Président, comme mon accent en témoigne, je viens d'une région qu'on dit périphérique. C'est la façon polie de dire que je viens d'une région éloignée, de la Côte-Nord. J'ai une certaine expérience dans deux domaines puis je crois qu'ils sont très importants au Québec, soit la santé, puisque j'ai travaillé dans un centre de santé, le Centre de santé de la Minganie, pendant près de 25 ans, et j'ai été, durant de longues années, au niveau de l'éducation, étant présidente de la Commission scolaire Moyenne-Côte-Nord, et j'ai siégé à la Fédération des commissions scolaires du Québec. Ces expériences-là m'amènent à être absolument convaincue que l'intrusion du privé dans ces secteurs, surtout dans la dispensation de services, qu'ils soient en partenariat public ou non, sera néfaste pour nos gens. Le privé ne peut faire mieux à moindre coût que l'État chez nous. Ça, c'est certain. Et, si le privé, par quelque tour de passe-passe, arrivait à offrir des services de même qualité à moindre coût, c'est sûr qu'il y aurait une baisse dans la qualité des emplois qui seraient associés à ce service. Le privé ayant sans doute recours à une main-d'oeuvre à bas prix, pour les travailleurs et travailleuses du Québec, il n'y a aucune protection contre les baisses de salaire et la diminution des conditions de travail. Est-ce que le gouvernement du Québec peut non seulement accepter ça, mais le promouvoir?

Ces secteurs névralgiques ont même dit ? on peut même dire ces secteurs vitaux: La santé et l'éducation doivent demeurer sous l'égide du gouvernement. Il est de notre devoir, à nous les élus, de s'assurer que nos citoyens et citoyennes, partout au Québec, aient le droit aux mêmes services de qualité. L'introduction des PPP dans les services de santé et d'éducation, ça voudrait dire, à plus ou moins long terme, un Québec morcelé, divisé, différent, qu'on soit à Montréal, Havre-Saint-Pierre, Sept-Îles. Ça, M. le Président, c'est inacceptable.

Le monde de la santé présente d'ailleurs certaines, je vous dirais, craintes, puis avec raison. Il rejette totalement ce projet de loi. J'ai pris connaissance de quelques-uns de leurs commentaires. La Fédération des médecins spécialistes du Québec et Fédération des médecins résidents du Québec: «Le secteur privé base ses actions sur la notion de profit, ce qui peut être contraire à une approche qui favorise le bien commun. C'est le cas de la gestion et de la prestation des services médicaux, qui ne peuvent faire l'objet d'un PPP.»

La Coalition des médecins pour la justice sociale: «...le partenariat du public et du privé ne présente donc aucun avantage pour le système de santé public, tout en faisant en sorte d'augmenter les coûts pour des services autrement diminués.» La Fédération des infirmières et infirmiers du Québec: «...le projet de loi n° 61 sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec vise à mettre les institutions publiques au service du secteur privé pour leur seul profit.» La fédération poursuit en faisant les recommandations suivantes:

«Que le gouvernement libéral retire le projet de loi n° 61[...], dont la portée est tellement large qu'elle n'épargne rien ni personne;

«Que le gouvernement libéral abandonne ses intentions de transformer l'État du Québec en un État marchand au service du capitalisme mondial.»

On le voit, on le constate, le projet de loi n° 61, M. le Président, c'est un projet de loi important, important et dangereux. Dangereux parce que PPP et privatisation sont des cousins germains. Malgré l'affirmation de la ministre voulant que les PPP soient un rempart contre la privatisation, je demeure inquiète. Lorsqu'une activité incombe au secteur public et que nous en confions la confection au secteur privé, le financement au secteur privé, la réalisation au secteur privé, la gestion au secteur privé, et tout ça pour 25, 30 et même 40 ans, on est très loin d'un rempart contre la privatisation.

Ce projet de loi est dangereux aussi parce qu'il confère à l'agence qu'il crée des pouvoirs très étendus et que le concept même des partenariats public-privé n'a pas été débattu, parce que l'expérience internationale dans ce domaine nous appelle à la plus grande prudence, parce que la présidente du Conseil du trésor n'y inclut pas les balises nécessaires à une prise de décision éclairée et qu'elle reporte à plus tard la divulgation des dispositions assurant la transparence et l'éthique au lieu de les intégrer immédiatement au projet de loi. C'est inquiétant, très inquiétant.

La présidente du Conseil du trésor a elle-même admis que rien dans ce projet de loi ne garantit l'intégrité, l'éthique, la transparence dans le fonctionnement de l'agence, questions qui ont été pertinemment soulevées par la Commission d'accès à l'information et par la Protectrice du citoyen. On le sait, l'entreprise privée est généralement avare de renseignements, n'étant pas tenue à les divulguer. Or, dans le cadre des PPP, la Commission d'accès à l'information s'interroge, et je cite: «Si l'entreprise privée doit contribuer davantage à la mission publique, [ne devrait-elle pas s'attendre à de nouvelles obligations de transparence?]» Il me semble, M. le Président, que cela va de soi.

Cela va de soi pour tout le monde, sauf pour la présidente du Conseil du trésor, semble-t-il. Aurait-elle oublié ? pourtant, mes collègues de l'opposition le lui ont rappelé, et je vais le faire aussi ? les propos tenus par son patron lors du discours inaugural? «Les Québécois ont le droit de savoir ce que fait le gouvernement de chaque dollar qu'il perçoit.» Si le premier ministre veut honorer sa parole, le principe de transparence doit être inclus et expliqué dans le projet de loi n° 61.

Ce qui va de soi aussi, c'est le commentaire de la Protectrice du citoyen qui, pour l'heure du moins, n'a pas de compétence reconnue par l'agence, puisque son statut n'en fait pas un organisme soumis à sa juridiction. Ce commentaire de la Protectrice fait état de l'absence, dans le projet de loi n° 61, de dispositions qui assurent le respect de cinq principes fondamentaux: ce sont les valeurs de transparence, d'équité, de qualité de services, d'imputabilité et de protection de l'intérêt public.

Et, nous, on nous demande, M. le Président, d'entériner un projet de loi silencieux sur ces valeurs fondamentales? La présidente du Conseil du trésor nous demande de lui signer un chèque en blanc: Signez tout de suite, puis je vous donnerai les détails plus tard. Des milliards de dollars qui viennent de la poche des contribuables seraient distribués à des firmes privées sans qu'ils soient assurés que les règles d'éthique soient préservées dans l'exercice des activités de l'agence. Ça n'a aucune allure.

Dans sa forme actuelle, c'est une véritable boîte de Pandore. Une canne de vers, comme on dit par chez nous, dont l'ouverture entraînerait beaucoup plus de problèmes puis beaucoup aussi d'effets négatifs sur notre économie que de solutions. C'est d'ailleurs pourquoi mon collègue porte-parole du dossier et député de Richelieu, au nom de notre formation politique, a demandé le retrait pur et simple de ce projet de loi. Il faut retourner à la table à dessin. Il faut remodeler ce projet de loi, en réduire la portée. Il faut que le gouvernement libéral fasse siennes des recommandations de quatre grands organismes que sont la Commission d'accès à l'information, la Protectrice du citoyen, le Commissaire au lobbyisme et le Vérificateur général. Il faut que le gouvernement prenne en compte les inquiétudes de ces groupes et organismes.

Pour nous, il faut que les PPP soient explicitement limités à la réalisation de quelques grands projets d'infrastructures et à l'acquisition et à l'entretien de certains équipements spécialisés. Il faut que les PPP soient nommément exclus de la livraison directe de services publics. Il faut que le recours obligatoire aux services de l'agence soit retiré, principalement pour les organismes dirigés par des élus ou des conseils d'administration autonomes. Il faut que les mesures de transparence, d'éthique et d'imputabilité soient incluses au projet de loi. Il faut que le projet de loi fasse mention des règles comptables et garantisse que les sommes engagées dans le cadre des PPP apparaissent aux comptes publics. Il faut des précisions quant aux critères de sélection des membres du conseil d'administration de l'agence.

n(15 h 50)n

M. le Président, plusieurs, plusieurs projets de loi sont passés sous le bâillon, l'an dernier, on s'en souvient. Puis je ne serais pas surprise que le projet de loi n° 61 sur le partenariat public-privé passe aussi sous le bâillon. C'est le retrait de l'État des services publics. Peut-on accepter ça? Ils nous disent: Nous, on est transparents. Les gens ont voté pour nous, ils ont confiance en notre gouvernement. Le projet de loi n° 61 est-il transparent? Faut-il avoir confiance en ce gouvernement et lui faire un chèque en blanc? Non et non. Le prix à payer va être cher, trop cher. Après des années au pouvoir du gouvernement libéral, on s'en reparlera.

Je ne veux pas être alarmiste, M. le Président, mais j'ai peur de ce qui nous attend. L'opposition officielle s'oppose à ce projet de loi, comme le font plusieurs groupes également, mais ce gouvernement répète qu'ils font ce pour quoi ils ont été élus. Ils n'écoutent pas les gens, et ça, on l'a constaté à plusieurs reprises. Je crains qu'ils ne m'écoutent pas plus aujourd'hui, pas plus moi que les autres, mais j'utilise mon droit de parole, M. le Président, parce que j'ai toujours cru qu'il faut se faire entendre, qu'il faut réagir, qu'il faut dénoncer quand le bien commun est menacé, comme c'est le cas avec le projet de loi n° 61.

Chez nous, dans Duplessis, les effets des PPP pourraient se faire sentir rapidement et brutalement dans toutes ces municipalités aux prises avec des problèmes d'alimentation en eau potable. Mon collègue des Affaires municipales est bien au fait de l'étendue des problèmes, puisqu'il a dû intervenir, au cours de la dernière année, dans des dossiers à Saint-Augustin et à Longue-Pointe de Mingan. Ces municipalités bénéficient déjà d'une mesure exceptionnelle, limitant leur participation à 5 % des coûts de réalisation des projets d'infrastructures. Sans une telle mesure, la plupart ne réussiraient jamais à réaliser quelque projet que ce soit. Toutes les études tendent à prouver que les PPP entraînent une hausse des coûts. Pour des municipalités sur mon territoire comme Saint-Augustin et Longue-Pointe de Mingan, l'imposition d'un PPP, c'est les précipiter vers la faillite. Un PPP, c'est leur dire non à des investissements sanitaires qui rencontrent les normes environnementales de santé publique.

Les PPP vont s'étendre à plusieurs secteurs d'activité. Dans ma région, où ça prend souvent des incitatifs pour amener des entreprises à s'établir chez nous plutôt que dans des grands centres où on a tout à la portée de la main, en développement touristique, M. le Président, un promoteur choisira-t-il la Basse-Côte-Nord, où il reste encore beaucoup à faire, ou le Mont-Tremblant ou le Mont-Sainte-Anne, où ils ont toutes les infrastructures nécessaires: aqueduc, égouts et les routes?

Soyons réalistes, M. le Président. Nous nous sommes dotés de services publics au cours des dernières années. Certains services doivent être améliorés, mais, passer au privé, M. le Président, ce n'est pas la solution.

Je vais voter contre l'adoption du principe du projet de loi n° 61...

Des voix: Ah, ah, ah, ah!

Mme Richard: J'espère que vous n'en doutiez pas. Au projet des 3P de la présidente du Conseil du trésor, je vais répondre par mes propres 3P: son projet n'est pas pertinent. Et je vais conclure, M. le Président, en citant une phrase célèbre de Jean Lesage: Maîtres chez nous. Le serons-nous vraiment? J'en doute. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Duplessis, et je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Alors, M. le chef de l'opposition officielle, pour votre intervention sur le principe du projet de loi n° 61. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, si le climat social au Québec a été à ce point perturbé depuis près de deux ans, c'est largement à cause d'un déploiement d'un zèle antiétatique, presque fanatique dans certains cas, de la part d'un gouvernement qui, sous l'étiquette libérale en fait, est un des plus conservateurs qu'on ait eus depuis la Révolution tranquille.

Et la population du Québec a très bien senti ça, même les milieux les plus modérés. C'est comme si un chef d'entreprise privée ? ils sont supposés être des grands admirateurs de l'entreprise privée ? disait: Il faut que j'augmente mon niveau de productivité ? dans une entreprise par ailleurs qui va plutôt bien ? et, pour ce faire, déclare la guerre au syndicat. Avant de faire quelque proposition que ce soit, avant de mettre de l'avant quelque projet concret, insulte le syndicat comme il faut, puis il dit: On va les mettre à leur place. Résultat: jamais aucun effort de productivité accrue ou de réorganisation d'entreprise ne sera possible; au contraire, la situation sera pire qu'avant.

Alors, pour des raisons idéologiques, pour des raisons de libéralisme poussé à l'extrême, le gouvernement du Québec a créé une rupture de climat social comme on n'en a pas vue depuis des décennies. Même les patrons se sont inquiétés, et nous en avons des témoignages quotidiens, par ces agissements qui vont carrément à l'encontre de ce qu'il y a de mieux dans les traditions québécoises et ce qu'il y a de mieux dans le modèle québécois.

Des changements sont nécessaires dans notre société, c'est évident. À quelques occasions historiques tout à fait particulières, des révolutions sont nécessaires ? en général, elles font des dommages par ailleurs qui durent des décennies ? mais la façon sage, pour une société, c'est d'évoluer. Et le modèle québécois, et l'État québécois, qui a connu sa modernité sous le Parti libéral de Jean Lesage mais aussi celui de René Lévesque, de Georges-Émile Lapalme, de Pierre Laporte et d'autres, a connu des transformations très considérables depuis les années soixante mais les a connues généralement d'une manière progressive, discutée, concertée, pour employer un mot propre au modèle québécois.

Car en fait le modèle québécois, ça se résume à deux piliers de base: la prise en charge par l'État québécois d'une partie du destin national et la concertation de l'aménagement de ce destin avec divers groupes représentatifs de la société, les agents socioéconomiques, que ce soient les syndicats, les patrons et les groupes populaires, les municipalités, les commissions scolaires, ce qui a permis de faire passer notre société d'un niveau d'éducation médiocre en 1960 à un des plus élevés du monde aujourd'hui, d'un niveau d'activité économique basée largement sur l'industrie primaire à une économie extrêmement sophistiquée aujourd'hui, en fait beaucoup plus sophistiquée que celle du Canada parce que les produits à haute valeur ajoutée technologique produits au Québec font à peu près la moitié de qui est produit au Canada, alors qu'on est 25 % de la population. Et tout ça s'est fait dans un contexte de respect mutuel des divers agents, dans un contexte de respect du rythme de croissance et avec des réalisations absolument spectaculaires.

Normalement, le gouvernement qui nous a succédé aurait dû prendre acte de cet héritage, faire de son mieux pour l'améliorer, et comprendre les subtilités du modèle, et ne pas, dès les premières semaines, se lancer dans le massacre d'harmonie sociale qui a été notre lot depuis des mois et des mois, et ce n'est pas fini. Qu'est-ce qui aurait été plus simple, quand la crise de la vache folle s'est décrétée? Il aurait fallu faire une analyse en profondeur, mobiliser les fonctionnaires, la partie étatique, mobiliser une institution qui est celle de La Financière agricole et qui est un beau geste de concertation entre les agriculteurs et l'État, s'adresser à l'Union des producteurs agricoles dans un dialogue perpétuel depuis le début de la crise et produire des solutions bien avant qu'on soit rendus à l'extrême aujourd'hui.

Il s'agit que ce gouvernement se mette en action pour qu'une crise sociale éclate, quand ils ont des délais comme quand ils n'en ont pas. Et toute cette question de PPP relève de cette philosophie. Et, pour la réaliser, ils ont employé une méthode connue de la droite, qui consiste à discréditer tout ce qui est secteur public et tout ce qui est étatique, et à ne jamais faire allusion au moindre succès du secteur public, et surtout ne jamais faire allusion aux grandes catastrophes du secteur privé. Qu'est-ce qui a caractérisé hélas le secteur privé nord-américain au cours des 10 dernières années? C'est pénible à dire, mais c'est la fraude, le manque d'éthique, l'imposture des «junk bonds», les profits gagnés par un groupe de cadres limité contre l'intérêt des actionnaires.

n(16 heures)n

C'est quoi, cette magnification du secteur privé et cette sanctification de l'ultralibéralisme, alors que le capitalisme continental nord-américain n'a jamais été dans un aussi mauvais état de toute l'histoire économique du continent? Les capitalistes puritains nord-américains de l'époque de la révolution industrielle, voire du début du siècle, pour l'immense majorité d'entre eux, je ne veux pas dire que c'étaient des philanthropes dans leurs entreprises, mais avaient quand même un niveau d'éthique relié à leurs convictions religieuses, dans bien des cas, mais où on n'a pas connu ce qu'on a connu depuis 10 ans.

Même dans des entreprises qui avaient suscité au Canada certaines admirations, je pense à l'empire de Conrad Black par exemple, qu'est-ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années? Qu'est-ce qui s'est passé dans Intel, Nortel, Enron? Même des grands bureaux privés de comptables agréés ont été complices de ça, et des empires se sont effondrés parce qu'ils avaient manqué d'éthique. Est-ce qu'il y a un gouvernement, à part le scandale des commandites à Ottawa, qui a donné un spectacle aussi désolant qu'une quinzaine de grandes entreprises privées nord-américaines ou occidentales?

Et, le scandale des commandites, justement il fait l'exception. N'est-ce pas un exemple du partenariat privé-public par excellence? C'est-à-dire qu'un gouvernement, au lieu de s'occuper lui-même des tâches qui sont les siennes, des tâches étatiques, des tâches régaliennes... et, dans ce cas-là, il faut dire qu'il y avait une corruption au départ parce que l'intention même était mauvaise, il s'agissait de manipuler l'opinion publique québécoise. Mais il se peut qu'un gouvernement ait, en tout bien tout honneur, à faire de la publicité. Au lieu de confier ça à des fonctionnaires payés pour le faire, ils ont fait un partenariat public-privé. Ils ont confié des tâches régaliennes de l'État, des tâches que l'État, pour des raisons traditionnelles que l'histoire a bien démontrées, assume lui-même, il les ont confiées à des agences qui se sont servies, et pas à peu près.

Je comprends que l'exemple est assez inusité, on n'avait jamais vu une telle chose dans l'histoire du Canada. Mais, si on regarde les caractéristiques de l'opération, c'est ce à quoi s'expose un État qui, au lieu de s'occuper consciencieusement et courageusement de ses affaires, pense que des solutions liées au secteur privé vont créer une magie administrative qui va faire que les choses vont être mieux gérées. C'est faux, M. le Président. L'État doit assumer ses responsabilités.

Est-ce que ça veut dire qu'il ne doit pas faire affaire avec le secteur privé? Mais non. Il doit faire affaire avec le secteur privé à la manière d'un client, comme les entreprises privées le font entre elles. Une entreprise privée qui est dans la fabrication de produits laitiers, qui a un entrepôt à construire, ne va pas construire elle-même, ne va pas demander à ses fromagers d'aller faire du béton, va s'adresser à une entreprise spécialisée. C'est ce que fait l'État québécois depuis toujours; ce n'est pas les fonctionnaires qui construisent des routes, ce n'est pas les fonctionnaires qui construisent les édifices, il fait affaire avec le secteur privé. Et c'est bien comme ça. On ne peut pas être spécialiste en tout. Cependant, on fait affaire par soumission publique, on fait affaire en toute transparence, et, s'il y a erreur de transparence, c'est répandu dans tous les journaux, et fort heureusement, dès que l'erreur est connue. Et les cas sont quand même marginaux où il y a eu des erreurs vraiment nuisibles au bien collectif où ? encore plus marginaux ? où il y aurait eu des actes criminels ou des choses répréhensibles en termes d'éthique. C'est ça qu'il faut reconnaître, c'est ça qu'il faut reconnaître.

Il y a des exemples plus spectaculaires encore, quand on compare l'action du public et du privé dans un domaine qui aurait dû à première vue être laissé au privé: l'assurance automobile. D'abord, où est née l'assurance automobile sur le plan conceptuel? Elle est née à la CSN. Ce sont des permanents de la CSN, dont un certain André L'Heureux, qui est décédé il y a quelque temps et qui était un collègue de Michel Bourdon, qui a pensé à ce projet et qui l'a fait valoir dans diverses instances sociétales, dont notre parti qui l'a réalisé quelques années plus tard.

Résultat? Il n'y a pas dans notre continent, qui est supposé être le continent par excellence du capitalisme et de l'efficacité, un système d'assurance automobile aussi performant, aussi bon marché et aussi juste que celui que nous a donné notre Société de l'assurance automobile du Québec, alors que le secteur privé ? privé, privé, privé ? partout a donné lieu à des hausses de taux extraordinaires, des absences de couverture, des non-compensations de dommages. Il faut parler de ça.

Il faut parler d'Hydro-Québec. Hydro-Québec, ce n'est pas un PPP. Hydro-Québec, c'est une entreprise publique possédée à 100 % par l'État national du Québec. C'est probablement l'entreprise la plus forte de sa catégorie au monde. C'est vrai que l'abondance des ressources naturelles hydrauliques a aidé l'entreprise, mais elle les a gérées d'une façon exceptionnelle, a rapporté des profits au gouvernement, oui, mais des profits sociétaux extraordinaires, qu'on a juste à regarder nos tarifs de courant électrique, qu'on a juste à regarder la couverture globale pour l'ensemble du territoire. On a juste à se souvenir que, dans la région que vous représentez, M. le Président, l'électricité était à 40 cycles au lieu de 60, les ampoules scintillaient. C'est une société purement privée... purement publique, 100 % publique, possédée par le gouvernement du Québec qui a fait ça. Et, quand elle a eu de la construction à faire, elle a eu recours à des contracteurs du secteur privé qui étaient spécialisés dans telle ou telle installation ou de telle ou telle construction.

Alors, pourquoi cette révolution, cette soi-disant révolution qui nous est présentée aujourd'hui et qui a pour base de discréditer l'État québécois? La plupart des discours pour les PPP, c'est que le public n'est pas capable de se gérer convenablement. Mais la réalité, c'est bien différent.

La taille de la fonction publique québécoise, M. le Président, malgré les problèmes de plus en plus complexes, malgré des fonctions assumées par l'État aujourd'hui et qui l'étaient par le privé autrefois ou ne l'étaient pas du tout, a considérablement diminué. La taille de l'État québécois a considérablement diminué, en particulier au cours des 10 dernières années: de 1994-1995 à 2002-2003, le poids des dépenses de programme dans l'économie est passé de 21,7 à 18,2. Le poids de notre État, qui est discrédité par les gens d'en face et qui le présentent comme monstrueusement obèse, a diminué. Si on exclut les dépenses de santé et des services sociaux, le poids des dépenses de programmes par rapport au PIB s'établissait à 10,8 %, en 2002-2003, alors qu'il était de 14 %, en 1994-1995.

Est-ce que, pour faire ça, on a mis tous les syndicats en furie? Est-ce qu'on a alerté tous les secteurs de l'opinion publique puis est-ce qu'on a discrédité l'État? On a simplement bien géré au jour le jour, faisant les ajustements qui devaient être faits, de concert avec les intéressés, les clientèles, les syndicats qui les représentent. C'est ça, la façon de procéder.

Et ça a été bien étudié par Louis Côté, qui est le directeur de l'Observatoire de l'administration publique à l'ENA, notre école d'administration publique, c'est son métier d'observer ces choses. Il dit: «La proportion des fonctionnaires québécois qui besognent dans les tours à bureaux n'est que de 14 %. Le reste du personnel est sur le terrain au service du public.» Je le cite au texte: «Du superflu dans l'appareil gouvernemental, je n'en connais pas. J'ai même l'impression du contraire quand je vois les fonctionnaires travailler d'arrache-pied comme ils le font depuis plusieurs années.»

Et, quand j'ai vu ce texte de M. Côté, ça m'a rappelé la longue expérience que j'ai quand même de la fonction publique. J'ai été fonctionnaire moi-même, puis ensuite j'ai été au service public à peu près toute ma vie. J'ai été un salarié, avec une période intermédiaire où j'étais aussi un salarié du secteur public, mais indirectement puisque j'étais professeur d'université.

n(16 h 10)n

C'est fabuleux, ce que la motivation du travail bien fait et le service de l'État peut déclencher comme effort chez les fonctionnaires. Quand j'entends parler des fonctionnaires en termes négatifs, comme des gens qui travaillent moins que dans le secteur privé, des gens qui sont gâtés, ça me hérisse, parce que je connais bien le secteur privé aussi, à cause des fonctions que j'ai occupées puis à cause de l'enseignement que j'ai fait, puis à cause des demandes de consultation qui m'ont été faites par plusieurs boîtes de l'entreprise privée. Je vous affirme que des gaspillages, des faveurs non méritées, dans le secteur privé, il y en a pas mal plus que dans le secteur public, parce que le secteur public est sous l'oeil constant des journalistes, et tant mieux, d'ailleurs. Il est sous l'oeil constant de l'Assemblée nationale, où on peut poser des questions. On ne se gêne pas. Quand eux étaient à l'opposition, ils ne se gênaient pas pour en poser non plus.

Est-ce qu'une entreprise privée, moyenne ou grande, est examinée tous les jours par les journalistes? Est-ce que son président est supposé répondre à des questions? Non. S'il veut employer son gendre et puis s'il veut employer trois, quatre de ses copains, la famille au complet, il n'y a personne qui va lui poser la moindre question. En d'autres termes, s'il a fait dans le secteur privé ce qu'André Ouellet faisait dans le secteur public, il peut le faire tant qu'il veut puis personne ne l'embêtera jamais. Mais Ouellet, il s'est fait prendre. Il s'est fait prendre, et tant mieux, d'ailleurs.

Et c'est ça, la vertu du secteur public: la population a le droit de regard et ne s'en prive pas. Mais là, ce qu'on veut faire, on veut nous en priver, de ce regard. Et on veut nous en priver d'une façon extrêmement injuste, parce que c'est ce regard qui a fait dire à M. Louis Côté ce qu'il a dit et ce qu'il a vu confirmé par l'Institut Fraser, qui n'a pas de tendance à gauche, là, je vous l'assure: «Toutes proportions gardées, l'effort de dégraissage effectué au Québec est même supérieur à la moyenne canadienne.» Un gouvernement social-démocrate au Québec qui respecte la fonction publique l'a géré étape par étape et sans révolution, d'une façon plus efficace que la moyenne du Canada. Claude Picher, dans La Presse du 9 octobre 2003, écrivait: «À l'heure où il [...] est question [...] de la réingénierie de l'État québécois, il serait peut-être bon de rappeler que le Québec, depuis 10 ans et principalement sous l'administration péquiste, a considérablement réduit la taille de sa fonction publique.» C'est ça, la réalité.

Mais, pour gagner des élections, le Parti libéral a discrédité systématiquement toutes les institutions publiques du Québec. Celui qui est devenu premier ministre aujourd'hui a attaqué la Caisse de dépôt comme ce n'est pas permis. Parce que la Caisse de dépôt, comme tout le monde, avait eu une mauvaise année boursière, il a prétendu qu'elle était mal gérée, que notre bas de laine était vidé, etc. Puis, ce qui est arrivé par après? Les actions ont remonté. Les actions ont remonté puis la caisse a retrouvé la rentabilité, comme cela est nécessaire. Plus que bien des entreprises privées, pas des PPP, des privées, privées, privées ? trois fois le même mot ? n'ont pas eu le rendement de la Société de l'assurance automobile du Québec, ni de la Caisse de dépôt et de placement, ni d'Hydro-Québec.

Alors, qu'est-ce qu'il y a au fond de tout ça? On le sait, qu'est-ce qu'il y a au fond de tout ça, puis c'est gênant pour le gouvernement. C'est grave pour la société.

Concluons d'une façon très simple sur les PPP. Les PPP, c'est permettre à des entreprises privées d'aller chercher du profit. Et puis une entreprise privée qui fait moins de 15 % de profit par année, son intérêt est limité, donc elle n'ira pas. Ça veut dire déjà 15 % que le contribuable va avoir à payer pour le profit. Ça veut dire, deuxièmement, un taux d'intérêt supérieur, car le secteur privé paie un taux d'intérêt supérieur à ce que paie le public. Alors, résultat, la seule façon de faire de l'argent avec ça, c'est de diminuer les salaires. Ça veut dire: des gens qui gagnent aujourd'hui 15 $ de l'heure vont en gagner 12 $, vont en gagner 11 $. Ils vont payer moins d'impôts, ils vont avoir des maisons moins grosses, ils vont sortir moins. Leur vie va être moins agréable, puis le gouvernement va collecter moins d'argent.

Une voix: Vous devez conclure.

M. Landry: Alors, qu'est-ce que c'est que cette loi absurde? C'est pour ça qu'avec enthousiasme nous allons voter contre.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le chef de l'opposition officielle. Pour la poursuite du débat sur le principe de ce projet de loi, je reconnais maintenant Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'assister à quelques séances de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi n° 61, à l'initiative de mon collègue responsable de ce dossier, et j'y ai constaté de drôles de contradictions, M. le Président. Bon. Évidemment, je pense qu'un concert unanime a fait valoir le manque flagrant de transparence que recèle le projet de loi n° 61. Non seulement les intervenants nombreux qui ont déposé des mémoires, tels le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, le Vérificateur général, ont fait écho à l'absence d'imputabilité, de reddition de comptes, de transparence que recelait le projet de loi n° 61... J'ai quelques déclarations à cet effet, notamment, je pense, de la Protectrice des citoyens, Mme Champoux-Lesage, qui a été d'une très grande éloquence et qui disait: «Le projet de loi apparaît silencieux pour ce qui est des valeurs de transparence, d'équité, de qualité de services, d'imputabilité et de protection de l'intérêt public.»

Alors, on peut comprendre qu'à ce moment-ci de nos travaux, à deux semaines et demie, trois semaines de la fin de la session parlementaire, il n'y ait eu encore aucun écho de la part de la ministre et présidente du Conseil du trésor à savoir comment entendait-elle introduire dans ce projet de loi les dispositions nécessaires pour assurer des valeurs de transparence, d'équité, de qualité des services, d'imputabilité et de protection de l'intérêt public. On voit, M. le Président, qu'à ce moment-ci le gouvernement s'entête à aller de l'avant malgré le désaveu quasi unanime qu'il a enregistré en commission parlementaire.

Moi, ce qui m'a beaucoup surprise également lors des séances auxquelles j'ai pu assister, c'est à quel point la présidente du Conseil du trésor semblait cacher ses intentions réelles en les confondant, à tort, avec la seule législation adoptée par le gouvernement précédent, le gouvernement du Parti québécois, une législation très circonscrite et qui ne portait que sur la construction d'infrastructures routières. Et la présidente du Conseil du trésor, en réponse aux diverses interventions qui étaient faites par la présentation des mémoires en commission, reprenait comme un leitmotiv, reprenait le fait que le gouvernement précédent avait fait adopter également une loi dans le partenariat public-privé. Et c'était en fait la seule loi, celle des infrastructures routières, qu'elle pouvait brandir, alors que le projet de loi qui est à l'étude présentement, c'est un projet de loi qui a une portée telle que c'est devenu le parcours obligé. C'est-à-dire qu'avant de construire une école, avant de construire un CLSC, avant de construire quelque service public... Et je ne parle pas que de la construction, bien évidemment, puisque la construction, vous le savez, M. le Président, dans les établissements du réseau, que ce soit en éducation ou en santé, la construction a toujours été finalement, après les soumissions et les appels d'offres, réalisée par des entreprises du privé.

Mais là on parle plus encore, dans ce projet de loi où on retrouve, à l'article 8, la définition suivante: «Un organisme public ? ça comprend tous les organismes publics, qu'une telle définition ? doit recourir aux services de l'agence pour l'évaluation de la faisabilité en mode de partenariat public-privé de ses projets d'infrastructures, d'équipements ou de prestation de services ? ça peut aller jusqu'à la gestion, la gestion des services; donc équipements, infrastructures, prestations de services ? publics, pour le choix de ses partenaires», pour la négociation, la conclusion des contrats.

Alors, vous vous rendez compte, M. le Président, que, contrairement à tous les efforts d'atténuation que durant toute la commission parlementaire a pu faire la présidente du Conseil du trésor, c'est finalement un projet de loi qui impose un parcours obligé par l'Agence de partenariats public-privé. Ça veut donc dire que, plutôt que d'y recourir quand c'est... si c'est nécessaire, c'est un recours qui est imposé, un passage absolument obligé. Et ça, je dois dire que bon nombre de nos concitoyens hésitent encore à considérer qu'un projet de loi peut contenir de telles dispositions.

n(16 h 20)n

Dernièrement, j'abordais la question avec des responsables élus au niveau scolaire et qui me disaient être rassurés pour s'être fait dire verbalement par les gens concernés au Trésor qu'il n'était pas question d'utiliser cette Agence de partenariats public-privé lors de la construction d'écoles, par exemple, ou d'équipements ou autres.

Mais, M. le Président, les textes que nous adoptons dans cette Assemblée ont préséance sur les interprétations qu'en font des fonctionnaires et même sur l'interprétation qu'en fait la présidente du Conseil du trésor. Tel que libellé, tel que rédigé, ce sont tous les services publics à qui on impose le parcours à l'Agence de partenariats public-privé, à qui on impose de faire une démonstration contraire, c'est-à-dire qu'il faut qu'ils démontrent qu'ils peuvent se faire autrement que partenariat public-privé, sinon c'est le partenariat public-privé qui leur est imposé. Alors, c'est donc dire qu'il y a là une sorte de foi naïve, je trouve, moi, du gouvernement et de la présidente du Conseil du trésor à l'égard du public-privé.

Et qu'est-ce que ça a donné jusqu'à maintenant? Prenons, M. le Président, quelques exemples tirés de nos voisins ontariens. J'ai eu l'occasion de le présenter lors de la commission parlementaire, mais je souhaiterais le faire à nouveau durant l'étude ici même, à l'Assemblée. Alors, le Toronto Star a dévoilé une étude, qui a été réalisée en Ontario, sur le projet de partenariat public-privé qui avait été conclu par le gouvernement conservateur précédent. En fait, il s'agit de la construction d'un hôpital, à Brampton, sous le mode PPP, partenariat public-privé, sous le mode PPP. Et l'étude réalisée récemment, puisque ça date d'il y a huit semaines maintenant ? 4 octobre 2004, dans le Toronto Star ? l'étude révèle que finalement le coût de réalisation a été supérieur de 175 millions de dollars à celui prévu. Et pourtant c'était dans le cadre du PPP.

C'est donc dire qu'il n'y a pas... dans ces domaines, M. le Président, il n'y a pas de garantie ou de certitude absolue, comme la foi naïve de la présidente du Conseil du trésor semble manifester dès lors que l'on introduit du privé, puisque des exemples nombreux... J'ai pris délibérément cet exemple dans le secteur hospitalier. Évidemment, bien d'autres pourraient corroborer cela. Mais il n'y a pas... Ça ne donne pas de garantie. Il n'y en a pas, de certitude ou de garantie que parce que c'est dans le cadre du public-privé, qu'automatiquement, comme le prétend la présidente du Conseil du trésor, il ne peut pas y avoir augmentation de coûts en cours de réalisation de projet. Alors, cet exemple récent de l'hôpital William Osler Health Centre est un exemple assez éloquent d'un projet qui, selon les études reprises dans le Toronto Star, à coûté 175 millions de plus que prévu, pour un total d'un peu plus d'un demi-milliard, du fait donc... pas du fait, mais ce projet qui a coûté plus cher l'a été dans le cadre du partenariat public-privé.

Et entre-temps, cependant, entre-temps, comme le gouvernement poursuit ce qui m'apparaît être une chimère... Honnêtement, là, ça m'apparaît être une chimère, mais la poursuite de cette chimère l'amène aveuglément à délaisser les projets qui doivent, de manière plus urgente, se réaliser. Je vous donne quelques exemples.

À l'occasion de l'étude en commission parlementaire de l'administration publique, j'interrogeais le sous-ministre en titre au ministère de la Santé sur le plan triennal d'immobilisations dans le secteur de la santé et des services sociaux. On sait, M. le Président, que le plan triennal d'immobilisations, qu'on appelle communément le PTI ? hein, qu'on peut utiliser ici ? alors, le PTI, c'est un plan de trois ans, et il est échu depuis 2004. Or, nous sommes quasi à la fin de l'année 2004. C'est un plan triennal qui est présenté à tous les trois ans; il le fut en 2001 jusqu'en 2004. Eh bien, à la fin de la présente année, je dois vous dire, M. le Président, comme d'ailleurs l'a confirmé le sous-ministre au ministère de la Santé en commission, M. Iglesias... et je le cite, M. Iglesias dit: «On n'a pas de plan triennal actuellement, vous avez bien raison.» Il répondait à une de mes questions. «Il est tard dans l'année, mais on ne l'a pas.» Fin de la citation.

Alors, vous vous rendez compte? L'année 2004 est terminée, le plan triennal est échu depuis l'an dernier, et il n'y a pas, il n'y a pas de décisions, le gouvernement ne vit que sur les décisions... le gouvernement libéral ne vit que sur les décisions du gouvernement précédent, uniquement les décisions du gouvernement précédent. Et la preuve de cela? Lorsque, aux crédits, nous demandions les initiatives qui étaient autorisées dans le secteur de la santé et des services sociaux, de même que les enveloppes récurrentes... Les enveloppes récurrentes, c'est: depuis des années, à chaque année il y a un montant qui est consacré au maintien de nos édifices, de nos bâtiments. Contrairement à ce que prétend... Encore aujourd'hui, en réponse à une question que lui posait mon collègue, la présidente du Conseil du trésor faisait mine de laisser croire qu'on n'avait pas entretenu nos immobilisations. En tout cas, dans le secteur de la santé et des services sociaux, aussi loin qu'on puisse reculer, c'est toujours un même montant de 169 millions consacré de manière récurrente à une enveloppe autorisée aux crédits pour entretenir nos acquis dans le secteur de la santé et des services sociaux. Or, cette année, ce fut zéro.

Il y a eu finalement, pendant l'été, un montant annoncé de 35 millions seulement, et ce montant, c'était pour parer au plus pressé, là. C'était rendu dangereux, c'était une question de sécurité. Mais c'est bien peu quand on y pense, M. le Président, en regard des montants récurrents qui étaient autorisés, et je parle simplement des enveloppes pour le maintien de nos infrastructures, de nos équipements dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Mais, comme nouvelles initiatives, lorsque nous demandons au ministère de nous informer des initiatives autorisées dans le secteur de la santé et des services sociaux, ce qu'on nous répond, c'est qu'on nous renvoie les initiatives autorisées en 2003-2004 par un C.T. ? c'est ce qu'on appelle une décision du Conseil du trésor ? qui est daté du 10 mars 2003. En fait, on nous renvoie aux décisions prises par le gouvernement précédent et on nous renvoie aux crédits autorisés en 2003-2004, de l'ordre de 679 millions de dollars, crédits autorisés. Et là j'ai la liste de tous les projets autorisés, de l'Hôpital de Mont-Joli au Centre hospitalier régional de Rimouski, et ainsi de suite. Alors, cette liste aura permis, durant l'année qui vient de s'écouler, au gouvernement, au ministre de la Santé et des Services sociaux, au premier ministre, à la présidente du Conseil du trésor de faire des annonces, mais en fait c'est sur les décisions passées, puisqu'il n'y en a eu à date aucune pour 2004, ni enveloppe de maintien des infrastructures, des immobilisations, ni projets nouveaux, et c'était confirmé, le 21 octobre dernier, par le sous-ministre à la Santé qui disait, et je le répète à nouveau: «On n'a pas de plan triennal actuellement, vous avez bien raison. Il est tard dans l'année, mais on ne l'a pas.»

Alors, M. le Président, pourquoi? En partie, certainement parce qu'à la poursuite, là, de cette chimère ? en fait, je ne peux pas utiliser un autre mot ? mais, à la poursuite de la chimère, on a mis de côté tous les projets à réaliser en se disant: Eh bien, ils passeront obligatoirement par l'agence, n'est-ce pas? Alors, entre-temps, on a retardé ce qui aurait dû être investi dans l'année 2004 en matière de services à la population en santé et services sociaux.

Et il est difficile de suivre, vous savez qu'il est très difficile de suivre, il faut presque être à la trace pour comprendre où s'en va le gouvernement. Je donne l'exemple des deux hôpitaux universitaires, des deux futurs hôpitaux universitaires, soit le Centre hospitalier universitaire de McGill et celui de Montréal. Donc, il y a à peine quelques semaines ? c'était le 8 octobre ? tous les médias ? pas un seul, parce qu'on pourrait ne pas s'y fier, mais tous les médias, la Gazette et La Presse et tous les autres ? titraient: Les superhôpitaux seront des projets public-privé.

n(16 h 30)n

Alors, c'était une annonce qui était faite par la présidente du Conseil du trésor à l'effet que les deux nouveaux hôpitaux universitaires seront construits dans le cadre du partenariat public-privé, et cela était... avait été préalablement d'ailleurs annoncé par le premier ministre, repris par la présidente du Conseil du trésor, et cela a fait en fait toutes les manchettes que vous pouvez imaginer, notamment celles du Devoir: Les superhôpitaux seraient gérés par le privé.

Alors, interrogée aujourd'hui, la présidente du Conseil du trésor semble reculer. C'était il y a quelques semaines, là, je ne vous parle pas de quelques années. Puis son projet de loi est en discussion puis il n'est même pas encore adopté, et déjà ce qui avait été annoncé comme une évidence semblait plus incertain à la période de questions, ce matin. En fait, on verra. C'était: peut-être que oui, peut-être que non. C'était une chose et son contraire. Elle a... C'est donc dire que cette espèce d'idéologie qu'a poursuivie le gouvernement depuis 18 mois, à l'effet que tout allait se régler par le public-privé, par le partenariat public-privé finalement, se trouve hypothéquée, puisque j'imagine qu'en quelques semaines, si les choses ne sont plus aussi certaines, c'est parce qu'il y a eu quelques obstacles, là, qui ont dû se présenter.

Parmi les obstacles, un qui est certainement important, c'est qu'il ne doit pas y avoir tant de partenaires privés qui pensent pouvoir faire mieux que le public, qui pensent pouvoir faire mieux que le gouvernement, pour les raisons que le chef de l'opposition officielle a bien démontrées. Le loyer de l'argent, M. le Président, bien, le loyer de l'argent, celui qui paie le moins pour l'emprunter, ça reste le gouvernement. Alors, à défaut... Le loyer de l'argent qui est plus élevé, avec toutes les conséquences que ça a, ça entraîne quoi? Une gestion plus difficile avec des conflits éventuels avec la main-d'oeuvre, avec les personnels. Alors, il n'est pas du tout évident ? ça semble en tout cas être démontré ? qu'il y a foule dans les projets de partenariat public-privé. On voit le peu d'empressement que semblent démontrer ceux à qui un appel est lancé par le gouvernement.

Moi, M. le Président, ce que je trouve déplorable, et je termine là-dessus, ce que je trouve déplorable dans tout cela, c'est le discrédit du secteur public, le discrédit en fait... Et quelle autre explication peut-on trouver que celle de penser que le gouvernement, en voulant baisser les impôts, en annonçant... en s'engageant à les baisser, en s'engageant en campagne électorale et en reconnaissant la difficulté que ça représente, veut maintenant pouvoir tarifer les services publics?

Alors, je ne sais à combien de reprises le premier ministre a répété ? il l'a fait, au Forum des générations, un nombre incalculable de fois ? que ça n'avait pas de bon sens que 14 % des contribuables québécois paient 60 % de l'impôt. Il n'ajoutait pas ? mais je suis certaine qu'il le pensait aussi ? que 40 % n'en paient pas. Le 40 % qui n'en paie pas, vous le savez bien, c'est qu'il est en dessous du seuil de pauvreté, parce qu'on a fixé la barre plus haute que tous nos voisins parce qu'on a mis la barre de l'impôt sous l'influence de la solidarité sociale.

Alors, un gouvernement qui promet de baisser les impôts et qui se trouve coincé, bien, préfère, à ce moment-là, augmenter les tarifs: tarifs d'Hydro-Québec, tarifs du transport en commun, et tous les autres tarifs, ceux des services de garde. Et on sait que les services publics tarifés, ce serait... déclencheraient une protestation véhémente. Alors, quelle autre idée, n'est-ce pas, déconnectée, ça, je le constate, de la réalité québécoise, mais quelle autre idée que celle d'introduire du privé pour qu'ils puissent tarifer à la place du gouvernement?

Alors, pour toutes ces raisons, c'est certain qu'on vote contre ce projet de loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. C'est le député de René-Lévesque. Vous avez la parole, M. le député.

M. Marjolain Dufour

M. Dufour: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je profite de cette tribune pour souligner le courage et la ténacité d'une personne qui a été soulignée ce matin, lors des travaux en cette Chambre, M. Michel Bourdon. Je tiens à souligner que M. Bourdon a été conseiller syndical à la CSN, peut-être deux décennies avant moi. Mais la première fois que j'ai rencontré M. Bourdon, c'était ici, en commission parlementaire, au parlement. Et j'ai été reçu par lui en commission parlementaire pour mettre au monde le Fondaction CSN. Alors, je tiens à rendre hommage à madame... et à souligner mes sympathies à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, les proches, Catherine, sa fille, ses petits-enfants ainsi qu'à tous ses amis.

Alors, en ce qui a trait, M. le Président, au projet de loi n° 61, alors je désire intervenir comme étant porte-parole officiel en matière de travail et faire le lien un peu entre ce qui s'est passé l'automne dernier et le projet de loi n° 61.

Alors, si on revient à l'automne dernier, en matière de travail, parce que le projet de loi n° 61 va déranger les relations de travail au Québec, pour ceux et celles qui ont été en commission parlementaire ? puis je vais en faire la nomenclature dans mon discours ? c'est qu'il y en a plusieurs qui sont contre et qui font le lien entre ce qui s'est passé l'automne dernier et le projet de loi n° 61. Alors, bien entendu, je parle des projets de loi qui faisaient en sorte... qui touchaient directement le travail: donc le projet de loi n° 7, le projet de loi n° 8, le projet de loi n° 30 et le projet de loi n° 31.

 En ce qui a trait aux projets de loi nos 7 et 8 ? je vais les conjuguer tous les deux ? qui étaient la non-syndicalisation des travailleurs de type atypique, autonome ou de travail intermédiaire... Alors, je profite de l'occasion en cette Chambre pour signifier qu'il y avait un rapport, qui était le rapport Bernier, et dont il y avait eu des consultations avec les organisations et les groupes avant concernant la syndicalisation de ces groupes de travailleuses et de travailleurs. Je vais faire la lecture de la conclusion du rapport.

Alors: «La lecture [...] de ce rapport aura permis de constater et de décrire l'écart qui existe entre [...] divers régimes de protection sociale existant au Québec et les besoins [des personnes vivant une situation de travail non traditionnel]. Elle aura permis également de prendre conscience du fait que certains États, qui s'y sont mis bien avant nous, ont pu, sur une période d'environ 10 ans, adopter et mettre en oeuvre des mesures visant à éliminer les disparités de traitement en fonction du statut d'emploi, à favoriser l'accès à des emplois de qualité pour ceux et celles qui le désirent, et à commencer de mettre un frein au développement de la précarité de l'emploi.» On sait que les articles 7 et 8 faisaient en sorte que... Fondamentalement, c'était de mettre fin aux droits de liberté d'expression et aux droits de liberté d'association.

«C'est pourquoi le comité [propose] ? et il y a 53 propositions là-dessus ? que soient entreprises sans délai des séances de consultation avec les représentants des acteurs sociaux en vue d'en arriver dans la mesure du possible à une concertation sur les [...] moyens d'atteindre les objectifs» découlant des 53 recommandations.

Alors, bien entendu, j'invite le ministre du Travail à faire refaire surface à ce projet de loi, à ce rapport, le rapport Bernier, suite au projet de loi qui a été adopté dans le bâillon, le 7 et le 8 décembre dernier.

En ce qui a trait au projet de loi n° 30, le projet de loi n° 30... Je dois dire que c'était la semaine du Souvenir, la semaine dernière, et je pense que le Parti libéral du Québec, à leur congrès, ils ont eu la visite de quelques contestataires. Et, moi, je peux vous dire que j'ai eu du monde à mon bureau qui sont venus faire la démonstration et la nomenclature des projets de loi qui ont été adoptés dans le bâillon l'année passée, et le projet de loi n° 30 est un projet de loi extrêmement controversé.

Alors, le projet de loi n° 30, c'est bien entendu la fusion des accréditations. On sait que le monde syndical est encarcané présentement, dans le secteur public, au niveau des fusions d'accréditation. Et je reprends ce que j'ai déjà dit ici, en cette Chambre: À la fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, il y avait ce qu'on appelait les grandes unités syndicales dans des établissements donnés. Certains groupes de travail, comme les ergothérapeutes, les inhalothérapeutes, ont fait en sorte d'aller fractionner les grandes unités syndicales dont... Ils allaient devant le Bureau du Commissaire général du travail et... les décisions étant prises de fractionner les grandes unités sans pour autant faire en sorte que les employeurs, à ce moment-là, n'allaient pas contester le fait que ces grandes unités là étaient fractionnées.

n(16 h 40)n

On arrive à la fin des années quatre-vingt-dix, début 2000, on arrive avec le projet de loi n° 30 qui fait en sorte qu'on crie au loup dans la bergerie. Il y a trop d'unités syndicales dans les établissements du secteur public. Je vous dirais à prime abord, M. le Président, que les organisations syndicales avaient déjà fait des démarches effectivement de réorganisation dans les établissements, au niveau des accréditations syndicales, mais il a fallu que ce projet de loi là fasse l'effet du bâillon en décembre 2003.

Là où est-ce que le bât blesse, M. le Président, par rapport à ce projet de loi, c'est le fait qu'il y a la décentralisation locale de certains pans de la négociation, en gros à peu près 26 grands pans de décentralisation locale. Mais ce qui fait mal et ce qui m'a été dit, la semaine dernière, ce n'est pas compliqué, c'est que, du fait que tu aies reçu ton accréditation, un coup que tu es accrédité, tu as 12 mois pour en venir à une entente avec l'employeur, en ce qui a trait aux 26 clauses qui ont été décentralisées au milieu du local et qui fait effet de la négociation. Je vous dirais que là où est-ce que ça va faire mal, puis ça va être un peu comme le prochain projet de loi que je vais vous faire la nomenclature, c'est qu'advenant le cas où l'employeur va être trop en demande sur les clauses de convention collective versus ce qui a été décentralisé au niveau local il va y avoir un médiateur arbitre qui va être nommé dans le dossier, donc, là aussi, ça va effriter le climat de travail dans les établissements. Il n'y a rien pour faire en sorte de régler les situations données.

Il y a eu aussi, dans le projet de loi, M. le Président ? ça, c'en est un qui est extrêmement important, dans les projets de loi qui ont été adoptés l'année dernière ? la réouverture du projet de loi n° 31 sur la réouverture de l'article 45 du code. Je vous dirais que l'article 45 du code... Bon, il y avait le Bureau du Commissaire général du travail, le BCGT, qui est devenu en 2001 ? parce qu'il y a eu réouverture du Code du travail par rapport à l'article 45 ? qui était devenu la Commission des relations du travail. J'étais présent en commission parlementaire là-dessus et je vous dirais qu'un bon ensemble d'intervenants étaient contre l'ouverture de l'article 45, vous comprendrez bien, et je me rappelle qu'on donnait beaucoup comme exemples deux grands dossiers qui étaient Sept-Îles et Ivanhoé. J'ai dit en cette Chambre, et je le redis aujourd'hui, je l'ai dit en commission, c'est qu'il aurait fallu remettre à sa juste valeur le courant jurisprudentiel de l'article 45 du code et ne pas prendre une pelle pour écraser une mouche.

À une question d'un journaliste, la semaine dernière, qui m'a appelé pour émettre des commentaires sur l'article 45, un dénommé M. Denis Lessard... Alors, il se demandait s'il était... il disait que la sous-traitance, un an plus tard, la catastrophe n'a pas eu lieu. Alors, il y a même eu une intervention de M. Henri Massé. Henri Massé répondait: «"On a eu plusieurs négociations, quelques dizaines, où les employeurs se sont essayés, mais on a réussi à se protéger grâce à nos conventions collectives", explique M. Massé.» Et, bien entendu, M. Lessard faisait mention que le porte-parole du Parti québécois en matière de relations de travail, Marjolain Dufour, n'a pas voulu prendre position sur les conséquences des changements apportés l'an dernier. Je savais, aujourd'hui, que j'allais intervenir en cette Chambre, alors je réponds aujourd'hui à Denis Lessard, concernant l'article 45 et ce qu'aurait normalement... n'a pas eu lieu.

Alors, je vous dirais que, quand on ressort les statistiques du travail, en date du 14 juillet, au niveau du bilan de l'année 2003, alors il est dit qu'il s'est perdu 268 198 jours de travail, les jours perdus. Nonobstant le fait que, sur la scène fédérale, il y a eu 153 000 jours perdus, grosso modo, au Québec, il y a eu 115 198 jours de travail perdus. Quand on regarde les causes des conflits de travail, ils disent que: «Par ailleurs, au chapitre des points en litige [...] ? et c'est là que c'est important de le comprendre ? l'augmentation générale des salaires a occasionné le plus grand nombre de conflits, soit 49.» Mais ils soulignent bien: «Par ailleurs, il faut souligner que la sous-traitance constitue le point en litige qui a entraîné la perte d'un plus grand nombre de jours de travail.» Alors, déjà en 2003, quand on savait la vision du gouvernement par rapport à l'ouverture de l'article 45, le monde syndical a voulu se prémunir, dans la convention collective, d'articles de sous-traitance pour parer justement à l'ouverture de l'article 45.

Mais là où ça fait mal aussi, M. le Président, de par ce que je viens de dire sur l'article 7, l'article 8, l'article 30, l'article 31, c'est dans un article de La Presse, mardi le 24 janvier 2004. À Londres: «Relancé jusqu'en Angleterre sur les tensions sociales au Québec et sur la chute de popularité spectaculaire de son gouvernement, le premier ministre [...] a expliqué, hier, à Londres, [...] sa stratégie [étant] d'appliquer rapidement les décisions les plus controversées. De son expérience politique de 20 ans, [le premier ministre] affirme avoir retenu une leçon: Appliquer des changements dans la première année d'un mandat [assure] la clé du succès. "Quiconque a observé un gouvernement qui met en place de véritables changements sait que celui-ci doit gérer son temps", [a-t-il expliqué et souligné] de façon beaucoup plus explicite que dans ses entretiens avec des médias québécois.»

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, quand on entend notre... le premier ministre, à Londres, faire des déclarations comme ça, c'est que, malgré qu'il y a eu un bâillon l'année dernière, malgré que tous les projets de loi ont été contestés, on maintient quand même le cap sur des projets de loi qui font mal à l'ensemble de la société québécoise. Et, par rapport à l'article 45, même si ça n'a pas été catastrophique au moment où on se parle, c'est un article de loi qui va voir son applicabilité faire mal au fur et à mesure que les négociations vont avancer et que les échéances de conventions collectives vont avancer.

Pourquoi j'ai parlé du bâillon? Ce n'est pas compliqué, M. le Président, c'est qu'à mon idée à moi on ne peut pas avoir vécu le bâillon qu'on a vécu l'automne passé sans avoir une piste d'atterrissage bien prescrite, et la piste d'atterrissage, M. le Président, c'est bien le projet de loi n° 61, qui est la Loi sur l'Agence des partenariats public-privé. C'était effectivement la piste d'atterrissage du gouvernement. Et, je vous ferais remarquer, dans la première année et demie de mandat, on entendait souvent de la part de nos collègues d'en face: On avait eu le mandat le 14 avril, alors on dirait qu'on a moins le réflexe de souligner qu'on a eu ce vrai mandat là le 14 avril.

En commission élargie, quand on a reçu des groupes, je lis quelques articles de mémoires qui ont été déposés par certains groupes, dont la CSN entre autres, sur le projet de loi n° 61, et ils font justement rapport de ce que je viens de mentionner.

«L'article 36 du projet de loi prévoit les conditions de travail des employé-es de la fonction publique dont les emplois seront transférés à l'Agence de partenariats public-privé du Québec. Toutefois, il n'en va pas de même pour les travailleuses et les travailleurs des réseaux et des services publics qui verront leurs emplois touchés par un projet mené en mode PPP. En effet, le projet de loi n° 61 ne contient aucun mécanisme de protection quant à l'emploi et aux conditions de travail de ces travailleuses et de ces travailleurs. Il faut se référer à la politique-cadre pour apprendre que ceux-ci devraient avoir droit à un "traitement juste et équitable" et que c'est à leur employeur de s'en assurer. Quelques remarques s'imposent.

«En premier lieu, parler d'acceptation de travailler pour un partenaire privé revêt un caractère purement académique. De quel choix parle-t-on au juste pour une personne dont l'emploi, suite au transfert, risque de disparaître? De quel choix parle-t-on pour les milliers de travailleuses et de travailleurs à statut précaire qui n'ont aucune sécurité d'emploi? De quel choix parle-t-on pour les employé-es des services publics qui habitent des régions à taux de chômage élevé? Et de quel choix parle-t-on pour les travailleuses et les travailleurs vieillissants qui ne pourront s'adapter à leur nouvel employeur?

«Deuxièmement, qu'en sera-t-il de la durée du maintien des conditions équivalentes? ? à toutes fins pratiques, de la convention collective, bien entendu ? et du maintien de l'accréditation syndicale?

«Évidemment, ces deux questions n'ont pas été abordées dans la politique-cadre, car il aurait fallu reconnaître explicitement qu'il existe un lien étroit entre le projet de loi n° 61 et la loi n° 31 qui, en décembre 2003, est venue modifier l'article 45 du Code du travail. Dans l'état actuel des choses, la porte est grande ouverte à la sous-traitance des services, puisque, selon l'article 6 du projet de loi, un contrat conclu en mode PPP peut avoir pour objet la prestation d'un service public.»

n(16 h 50)n

M. le Président, quel sera le sort réservé aux travailleuses et aux travailleurs? On se souviendra que la modification apportée au Code du travail a rendu son application difficile en cas de concession partielle. Ainsi, dans l'éventualité où la sous-traitance d'un service public serait qualifiée de concession partielle au sens du Code du travail, ce sont les nouvelles dispositions qui s'appliqueront. Cela signifie que l'accréditation ne sera transmise au sous-traitant que si le donneur d'ouvrage lui transfère aussi la plupart des éléments caractéristiques pour faire le travail, exemples: équipements, outils, matériel, personnel, permis, expertise. Ces cas risquent de s'avérer très rares, on le comprendra en effet: les sous-traitants fournissent généralement eux-mêmes plusieurs de ces éléments à l'entreprise.

En outre, la recette pour éviter le transfert de l'accréditation syndicale est bien simple: il suffit à l'organisme public de ne rien transférer d'autre que le travail. Vu sous cet angle, Mme la ministre aura beau dire que les projets de partenariat public-privé ne constituent pas une privatisation des services publics, il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas de telles distinctions en droit du travail et qu'il s'agit bel et bien d'une offensive musclée en faveur de la sous-traitance massive des services publics.

Compte tenu, M. le Président, du large éventail des services qui peuvent faire l'objet d'un contrat de partenariat public-privé ainsi que des amendements apportés à l'article 45, il est clair que le projet de loi facilite grandement la privatisation des services publics. Il annonce une érosion certaine, à plus ou moins longue échéance, des conditions de travail et du droit d'association des salariés. L'absence notée de véritables mécanismes de protection est injustifiable. Elle traduit un mépris certain pour les employés, en grande majorité des femmes, qui dispensent quotidiennement les services publics.

Le projet de loi n° 61 s'inscrit dans la foulée des autres législations adoptées par le gouvernement et constitue une nouvelle attaque contre les travailleuses et les travailleurs et les organisations syndicales. L'appauvrissement des salariés du secteur public est socialement inacceptable.

Je fais la lecture d'une deuxième citation que notre premier ministre a dit à Londres: «On a les yeux sur la balle, on sait où on [s'en] va et on est déterminé à faire en sorte que les [Québécoises] améliorent leur niveau de vie.»

M. le Président, les Québécoises et les Québécois vont améliorer leur niveau de vie: hausse des frais de garderie de 5 $ à 7 $; transport en commun, loteries, SAQ, Hydro-Québec: commande de 600 millions à Hydro-Québec; hausse de tarifs d'électricité de 4,4 % l'année dernière; demande de hausse de tarifs d'électricité de 2,7 %. Ça a fait achopper, M. le Président, un gros dossier dans ma région, à Baie-Comeau, le dossier Alcoa, qui fait en sorte que, par rapport à des hausses prévisibles de tarifs d'électricité, sans assurance tarifaire, Alcoa a mis fin à la négociation.

Je vous dirais, M. le Président, que les Québécoises et les Québécois, les Nord-Côtiers et les Nord-Côtières vont se rappeler longtemps de ce gouvernement. Et, d'emblée de jeu, je porte ma voix à ceux et celles qui ont intervenu en cette Chambre et je demande le retrait immédiat, pur et simple, de ce projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de René-Lévesque. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir à mon tour de vous entretenir, pendant les prochaines minutes, d'un important projet de loi, il faut le dire, qui est au coeur de la stratégie gouvernementale, du moins de celle qui avait été déclarée lors des élections et tout de suite après, qui est celle... Si je me souviens, à l'époque, c'était ? et là je ne suis pas sûr ? c'est entre On est prêts et Briller parmi les meilleurs, et la réingénierie, là. Alors, à travers ces trois slogans, il y a eu une période dans laquelle on a dit alors: Ce qui démontre cette réingénierie de l'État était les partenariats privé-public.

D'abord, une première chose ? et le chef de l'opposition l'a bien mentionné ? il existe, depuis que l'État contemporain existe, mais je vous dirais même antérieurement, des liens qui gouvernent et qui... qui gouvernent, plutôt, les relations entre le privé et l'État. Et effectivement l'État ne peut être spécialiste en tout, même lorsqu'on a affaire à l'État-providence, donc à l'État qui a une mainmise plus grande sur les ensembles... sur plutôt plusieurs missions ou plusieurs responsabilités. Il existe encore là des responsabilités qui sont partagées avec le secteur privé. Le plus bel exemple, et le chef de l'opposition le donnait, c'était, bon, la construction des routes qui, vous le savez, relèvent en grande partie du secteur privé dans sa construction et même dans son élaboration. Mais, quant au choix et aussi quant à, je vous dirais, au suivi des travaux, ces responsabilités, l'État décide de ne pas s'en départir et plutôt de s'assurer un suivi de ces différents contrats qui sont donnés au secteur privé. Donc, tout ça pour dire que cette relation qui doit exister entre l'État et le secteur privé existe, a toujours existé, peu importent les gouvernements.

Dans ce cas-ci, on va plus loin. On va plus loin parce que cela semble répondre, M. le Président, à une des lubies, un des slogans qui avait été invoqué lors de l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral et qui, vous le savez... Et d'ailleurs, en préparant mon petit laïus, M. le Président, j'ai fait un petit décompte de ces différents leitmotiv, là, qui animent le gouvernement ? et auparavant l'opposition ? dans ses interventions, dans sa vision du Québec. Vous allez voir rapidement, là... Et ça a commencé, souvenez-vous, quand le chef du gouvernement actuel, le premier ministre, avait, lors de l'élection de 1998, lancé le slogan... et là je ne me souvenais plus du terme exact, vous pourriez peut-être me renseigner, mais c'était du type: Rupture avec la Révolution tranquille. Souvenez-vous de cela. Et, quelques semaines ou quelques mois avant la campagne de 1998, on était dans un congrès libéral, et le premier ministre a une idée ? à l'époque chef de l'opposition: Oui, ce matin, là, j'ai le goût de créer une bonne rupture avec la Révolution tranquille. Ça a duré quelques jours finalement, tout le monde a dit: Wo! Wo! Wo! il y a des bons acquis, il ne faut pas tout mettre à la poubelle. Finalement, tout cela a été évacué.

Mais on n'était pas en manque de slogans, donc on est revenu, à différentes époques, avec de nouveaux slogans qui tentaient, j'imagine, d'animer ou de symboliser l'action de l'opposition de l'époque et maintenant du gouvernement actuel. Et je vous en cite quelques-uns, là, en série, et je vais sûrement en oublier, là, mais seulement, je vous dirais, dans les deux dernières années et demie, là, on est arrivé avec Le parti des régions, tout d'un coup, après un caucus ou après une réunion, avant, là, une session. Le gouvernement a dit: Oui, on a des gains à faire en région, donc il faut se présenter comme le parti des régions. Alors, on a sorti le slogan Le parti des régions, les tee-shirts, les casquettes: On est le parti des régions. Les tournées, on disait à tout le monde, hein: Nous sommes le parti des régions. On disait: Bien, c'est quoi, être le parti des régions? Bien, c'est le parti des régions. C'est un peu tautologique, mais tout le monde semblait s'en satisfaire.

Et l'idée finalement, c'était de tenter de représenter auprès de la population cette idée qu'on va défendre les intérêts des régions. Quand on demandait comment, bien là c'était pas mal moins clair. Et c'était tellement moins clair, M. le Président, qu'actuellement le ministre du Développement économique est, vous le savez, très peu touché par la question des régions. Et, je vous dirais, plus personnellement, depuis qu'il est là, vous connaissez toutes les mauvaises nouvelles qui ont tombé sur notre région, bien, on n'a même pas eu l'occasion encore de le voir. Il vient nous dire: Bonjour, comment ça va? Avez-vous des solutions? Non, il préfère se terrer dans sa tour d'ivoire. Et, pour quelqu'un qui doit symboliser l'action du gouvernement en matière de développement régional, bien, je peux vous dire qu'en termes de résultats c'est plutôt pauvre et, je vous dirais même, c'est totalement absent en termes de volonté et même encore plus en termes de sensibilité. Alors, quand un gouvernement n'a même pas de sensibilité envers ceux et celles qui vivent des épreuves, bien, on peut se poser des questions. Tout ça pour dire: À l'époque, on était le parti des régions. C'est pour ça qu'il faut se méfier des slogans, M. le Président.

n(17 heures)n

Après ça, on est arrivé avec, un peu avant la campagne, ou après, et là je ne suis pas sûr, c'était Réinventer le Québec. Alors, on réinvente le... Non, c'était avant la campagne, à l'automne, je me souviens encore. Encore là, après, il y avait eu un grand caucus: Réinventer le Québec. On avait refait... on avait sorti les vieux tee-shirts, on les avait finalement refaits, et là le slogan c'était Réinventer le Québec, les calottes.... Et finalement, je me souviens encore d'un député, là, que j'aime bien d'ailleurs, à qui on avait posé la question: C'est quoi, réinventer le Québec? Je me souviens de la réponse, je me souviens plutôt du long silence qui avait suivi la question, et finalement: Bien, vous savez, c'est un slogan sur un tee-shirt. Ça avait ressemblé à ça. Et le slogan s'était un peu éteint par lui-même. À cause de cet événement malheureux et du peu de substance autour duquel on aurait dû retrouver des éléments, bien il s'est un peu éteint par lui-même. Et on a rappelé nos firmes en communication, on a dit: Bien, Réinventer le Québec, c'était bon. Le slogan était bon, on avait peu de matière, mais il faudrait continuer à chercher. Alors là, on est arrivé avec On est prêts pendant la campagne, On est prêts, et ça, ça a été oublié quand même assez vite parce que ça s'est retourné rapidement contre le gouvernement. Souvenez-vous, On n'a pas voté pour ça, il y a eu tous les mouvements et... Bon, on l'a évacué, là, On est prêts.

On est arrivé aussi avec La réingénierie, et là, pendant des semaines, M. le Président, les tee-shirts... Et là c'était plus... Là, on était au gouvernement, donc c'était plus dans les documents ministériels. On fait de la réingénierie, terme au départ qui n'apparaissait pas dans le dictionnaire mais qui s'est retrouvé dans à peu près tous les discours: Réingénions, réingénions en tout et en rien. Et encore là c'est devenu rapidement péjoratif, le terme «réingénierie», tellement qu'aujourd'hui, vous voyez, dans les derniers mois, la dernière année, le terme «réingénierie» a été banni, et même par l'Ordre des ingénieurs ? et, je me souviens, c'était plein d'utilisations du terme «réingénierie» ? parce que ça leur portait préjudice et que ça n'avait rien à voir, eux, avec leur conception de l'ingénierie. Alors, ce terme a été évacué encore une fois, il est disparu.

Mais on a dit aux firmes de communication: C'est un beau partenariat privé-public. Puis là on a dit: Bien, ça nous prend un autre slogan pour nous pousser encore un petit peu plus loin. Alors là, on a dit: Briller parmi les meilleurs. Souvenez-vous, ça ne fait pas tellement longtemps encore, Brillons parmi les meilleurs. Et là on l'a retrouvé d'ailleurs... C'est d'ailleurs ce qui fait le... sur lequel se retrouve la Politique-cadre des partenariats privé-public. C'était, à l'époque, Briller parmi les meilleurs. Mais encore là Briller parmi les meilleurs a eu une vie un peu plus longue que les autres mais pas très longue non plus, parce que tranquillement il a été utilisé de différentes façons. Je me souviens de «Rutiler parmi les meilleurs», et c'était notre collègue de Drummondville qui l'avait employé. Et plusieurs autres intervenants se sont mis à dire: Bien, briller parmi les meilleurs, briller, qui va briller, finalement? Et on a trouvé que ce n'était peut-être pas la bonne chose. Alors, on est revenu, on a appelé encore nos firmes de communication, on a dit: Bien, ça nous prend un autre leitmotiv pour quelques mois encore.

Et là on est venu sur le thème de la démographie, toute la problématique de la démographie. Souvenez-vous, on était en pleine crise. Le gouvernement était à 70 %, dans les taux d'insatisfaction ? c'était presque un record ? après un an. Alors, on a dit: O.K., démographie, c'est important, les gens vieillissent. Ça fait, quoi, 10 ans qu'on en entend parler, de cette problématique-là, et qu'on tente de prévoir ses effets. Vous savez, ça fait seulement six ans que je suis au Parlement, et nous avons eu plusieurs discussions, animations autour même de modifications de projets de loi qui concernaient toute cette problématique du vieillissement de la population et de l'importance de renouveler cette population et en même temps du fardeau qui sera légué aux générations futures. Et le premier ministre Bouchard, à l'époque, vous vous souvenez, c'était un de ses dadas. Il a agi en cette matière parce qu'il ne souhaitait pas et surtout pas faire peser sur les générations futures le poids des décisions et, entre autres, des dettes de la génération actuelle.

Alors, démographie, on a dit: On parle de démographie, on fait un sommet. Il y a eu des tournées régionales, et, vous l'avez vu, la firme de communication, c'était bien comme choix, La démographie. C'est bon, on est capable d'en parler, on est capable de fabriquer un discours. Le processus a été un petit peu plus difficile. On était en Chambre avec la ministre de la Culture, qui a été nommée, un peu in extremis, responsable de toute cette consultation, et, encore un mois après le choix du slogan, elle ne savait pas encore à quel moment se faisaient les consultations, par où on allait commencer puis à quoi ça allait aboutir. Mais on a fini par aboutir à un sommet dont on attend encore les résultats concrets. Mais du moins ce qu'on peut être sûrs tous les deux, M. le Président, c'est que, la démographie, on n'en entend plus parler, et les actions du gouvernement en cette matière non plus. Alors, on a eu un beau show, un beau spectacle. La firme de communication a dû être remerciée sûrement pour ça. Bon choix, c'est vendeur, La démographie, comme l'a été Briller parmi les meilleurs, La réingénierie, Réinventer le Québec, mais, en termes de contenu, ce n'était pas... Alors, on l'a évacué.

On a dit: Il faut se trouver un autre slogan. Mais, lui, il a peu résisté aussi, c'était... Et là je n'ai pas les termes exacts, mais c'était du type «Travaillons ensemble». Travaillons... Et là les ministres se sont mis à répondre: On travaille ensemble. Après le sommet, c'était: On doit travailler ensemble, puis les ministres se levaient... Je me souviens d'avoir vu la ministre de l'Agriculture se...

Une voix: ...

M. Bédard:Travaillons en équipe. Voilà. Travaillons en équipe. Et là, à quelques occasions, on se levait en Chambre. Vous savez, nous, on finissait la période des questions comme ça, là, il y en a un qui se levait: Nous, on travaille en équipe, comme si, avant le sommet, avant ce grand rendez-vous, ces gens-là ne travaillaient pas en équipe. C'était assez inquiétant, M. le Président. La seule retombée de ce sommet, c'est le fait de travailler en équipe. C'est quand même assez inquiétant, M. le Président. Mais ce que j'ai compris, c'est que ces gens travaillaient depuis...

Une voix: ...

M. Bédard: Mais je peux donner mon droit de parole à qui que ce soit, M. le Président. C'est parce que j'entends parler... Je veux seulement être sûr.

Une voix: ...

M. Bédard: J'aimerais ça... Ah! bien, peut-être. On ne l'entend pas souvent, la députée de Sainte-Marie... de Saint-Jacques, oui, Sainte-Marie?Saint-Jacques. On l'entendait beaucoup à l'époque de l'opposition, mais on l'entend très peu, aujourd'hui qu'elle est au pouvoir, très, très peu. On aurait peut-être avantage à l'entendre plus, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député de Chicoutimi, vous savez que vous devez vous adresser à la présidence.

M. Bédard: ...exactement. M. le Président, je m'adresse à vous, la députée effectivement qu'on entendait souvent à l'époque de l'opposition pour dénoncer les actions gouvernementales. Elle était située plus aile gauche du gouvernement. Malheureusement, maintenant, comme la pensée gouvernementale rejoint moins les paroles qu'elle prononçait à l'époque, ses convictions, je ne le sais pas, mais du moins ses paroles, eh bien, on l'entend beaucoup moins maintenant. On aurait avantage, je pense, à l'entendre plus. Peut-être qu'elle peut prendre d'ailleurs les moments qui lui sont donnés ? chacun a le droit de parole, vous le savez, lorsqu'on parle de projets de loi ? pour intervenir, faire valoir sa position et peut-être même accéder au sacro-saint Conseil des ministres, parce qu'on sait que se prépare actuellement... On entend diverses rumeurs. Alors, c'est peut-être le moment pour la députée de se faire valoir, et d'en même temps, je vous dirais, passer à la pratique, et de faire en sorte que les paroles qu'elle a prononcées, que j'entendais de ce côté-ci de la Chambre, se répercutent en action du côté du gouvernement. Alors, je l'invite d'ailleurs à prendre la parole après moi. Ça nous fera plaisir de lui accorder le 20 minutes auquel elle a droit et pour l'entendre nous parler...

Le Vice-Président (M. Cusano): ...

M. Bédard: ... ? oui, M. le Président, je m'adresse à vous ? de l'entendre nous entretenir sur l'importance de la solidarité, de l'entraide, des valeurs de solidarité, du soutien aux groupes communautaires. J'ai hâte, M. le Président, j'ai hâte et je l'invite à le faire après moi, et ça me fera un plaisir de l'entendre.

Tout ça pour dire que Travaillons en équipe a resté quelques jours, hein, ça n'a pas été très long, parce qu'on s'est rendu compte que c'était un peu fou, finalement. En termes de communication, ça passe bien, Travaillons en équipe, ça fait chouette, mais dans les faits c'est qu'un gouvernement doit travailler en équipe. Et les ministres qui, peut-être à l'époque, travaillaient en vase clos se sont rendu compte que de le dire, qu'on travaillait en vase clos, ce n'était peut-être pas bon. Alors, Travaillons en équipe, vous savez, ça a duré quelques jours, je pense, quatre ou cinq périodes des questions. On a dit: Oups! on l'évacue. Et on a rappelé peut-être la même firme de communication. Je ne sais pas c'est laquelle, mais elle doit être, elle... C'est sûrement l'agence qui a le plus de retombées, parce qu'au nombre de slogans que j'ai vus il y a sûrement quelqu'un qui bénéficie de toutes ces demandes.

Alors, on est arrivé... Là, c'est dernièrement. J'en oublie peut-être un entre les deux, mais il y a eu le développement durable. Et là, un bon matin, on s'est levé: Développement durable. C'est beau, ça flashe, c'est jeune, c'est coloré, hein? On va animer des gens autour du développement durable. Mais le seul problème, c'est que, comme on a beaucoup improvisé là-dedans, bien, quand le premier ministre est venu faire son discours, il n'a pas beaucoup entretenu les délégués du développement durable, du vrai développement durable. Ce qu'il a parlé, c'est strictement du développement hydroélectrique.

Mais, quand on lui a dit simplement, en termes de développement durable, que d'avoir la volonté de développer le secteur de l'énergie, plus particulièrement le secteur de l'hydroénergie, était bon, par contre celui de strictement avoir la volonté de l'exporter ne rentrait pas dans la case du développement durable et que ce développement durable, lorsqu'on créait justement ces possibilités énergétiques, c'était pour la consommation interne au Québec et que cela n'entrait pas vraiment dans le concept beaucoup plus large, vous le savez, de développement durable, et que le ministre du Développement économique, tout de suite après, est venu nous dire, en réaction à cette nouvelle prise de position, qu'Investissement Québec, lui, n'était pas touché par cette question de développement durable, bien là, depuis ce temps-là d'ailleurs, on parle peu.

n(17 h 10)n

Le ministre de l'Environnement, lui, intervient avec beaucoup de vigueur dans la promotion de cette valeur qui est le développement durable, M. le Président. Mais je crois encore une fois, malheureusement, je vous dirais, que ce slogan, qui n'est qu'un slogan pour le gouvernement, n'aura pas une vie beaucoup plus longue que Le parti des régions, Réinventer le Québec, La réingénierie, On est prêts, Briller parmi les meilleurs, La démographie, et Travaillons en équipe, et j'en passe, M. le Président. Alors, ce n'est pas à coups de slogans qu'on mène un parti ou qu'on mène un gouvernement et surtout qu'on mène une nation, M. le Président; c'est avec des choses, des valeurs et des directions beaucoup plus importantes, beaucoup plus soutenues que celle simplement de vouloir trouver le slogan du jour qui va nous faire étinceler dans l'actualité, d'autant plus que, malgré tous ces slogans, encore une fois le gouvernement, au moment où on se parle, M. le Président, a un taux d'insatisfaction qui frise le 60 %. On était à 62 %, 63 % d'insatisfaction, M. le Président, ce qui est assez particulier dans l'histoire du Québec, et ça, je le reconnais, ce record-là, celui de maintenir avec autant d'acharnement ce taux d'insatisfaction.

Et ce que j'ai vu, dans le domaine de l'éducation, de la part de notre ministre de l'Éducation qui a décidé d'endetter les étudiants de 103 millions de plus... Et j'ai écouté la Soirée des Gémeaux ? vous l'avez sûrement écoutée aussi, M. le Président ? l'intervention des jeunes en art dramatique qui sont venus dénoncer ce geste du gouvernement qui est odieux et qui est encore odieux. Ils l'ont fait d'une très belle façon, M. le Président, et j'ai bien peur que ce taux d'insatisfaction... Mais c'est un record que ? on aspire à bien des choses ? qui va avoir tendance, M. le Président, à vouloir se maintenir, et c'est à se demander d'ailleurs si ce n'est pas le souhait du gouvernement actuel de maintenir cette insatisfaction et espérer une bonne étoile qui va venir d'ailleurs.

Bon. Alors, je n'en étais qu'aux slogans, M. le Président, mais ça démontre à quel point le fond n'y est pas, et c'est ce qui m'étonne, d'ailleurs, que le projet de loi actuel... Et, vous avez vu, il y a un lien, là. Par rapport à toutes les choses que je vous ai mentionnées, il n'est resté presque rien, tous les slogans. En termes d'action, il est resté peu. Dans Briller parmi les meilleurs, il en est resté un, et c'est le projet de loi actuel, M. le Président. Il y en a eu d'autres, d'autres actions navrantes qui sont demeurées. Souvenez-vous d'ailleurs par rapport à l'article 45 du Code du travail. Mais, dans le slogan pur, là, il y avait toute cette notion des PPP. On pensait d'ailleurs qu'ils allaient l'évacuer, parce que, comme le slogan est disparu, La réingénierie, bon, écoute, tout ça va être évacué. Non, malheureusement, ça dure, malgré ? et ça, mes collègues l'ont dit ? malgré les avis du Vérificateur, de la Commission d'accès à l'information, de la Protectrice du citoyen, du Commissaire au lobbyisme. Le sujet demeure, le projet de loi demeure, et c'est bien malheureux, M. le Président, de ne pas tenir compte d'avis aussi importants de gens apolitiques qui n'ont d'autre fonction que de protéger le public, qui ont des fonctions, vous le savez... qui sont nommés aux deux tiers de cette Assemblée, et qui n'ont de comptes à rendre qu'à cette Assemblée, d'ailleurs, et qui ne sont pas liés au gouvernement.

Eh bien, malheureusement, le gouvernement a improvisé encore en cette matière, dans un domaine qui normalement... Et, avec toute la préparation qu'il avait, je me serais attendu à beaucoup mieux. Malheureusement, il a eu la brique puis le fanal en même temps, soit les quatre avis ensemble, là, les trois mousquetaires, avec d'Artagnan, qui lui ont dit: Non, non, non, s'il vous plaît, vous n'êtes pas dans le bon chemin. Mais le gouvernement continue à s'acharner à vouloir dire que le secteur public gère mal, que les administrateurs publics sont des mauvais gestionnaires, M. le Président. Que c'est malheureux! Quel discrédit est-il en train de faire auprès de cette fonction publique! Et, je me souviens, j'étais, souvenez-vous, à l'époque, responsable du renouvellement de la fonction publique, et le mandat qu'on avait à l'époque, c'était justement de revaloriser cette fonction publique. En quelques mois à peine, le gouvernement a complètement sapé dans ce travail et a décidé de jeter le discrédit.

Alors, souhaitons ? et je le souhaite sincèrement, M. le Président ? que la présidente du Trésor, comme les autres slogans que j'ai mentionnés avant... que ce projet de loi tombe aux oubliettes avec le reste des slogans. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle. Je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Johnson, la parole est à vous.

M. Claude Boucher

M. Boucher: M. le Président, je suis très heureux d'avoir l'opportunité de prendre la parole sur le projet de loi n° 61 qui doit créer une agence de partenariats privé-public. J'aurais souhaité par contre que des députés ministériels prennent la parole aussi parce que je suis persuadé qu'un bon nombre d'entre eux sont en désaccord avec ce projet-là. En tout cas, si je me fie aux propos de plusieurs d'entre eux et d'entre elles lorsqu'ils étaient dans l'opposition, ils auraient déchiré leurs chemises pour dénoncer ce projet de loi là. Maintenant, ils se taisent. Évidemment, ils se taisent pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent, probablement parce qu'ils attendent un coup de fil du premier ministre qui se prépare à un remaniement ministériel, probablement parce que c'est un parti très pragmatique, le Parti libéral, qui n'est pas idéologique, selon la ministre responsable du projet de loi, donc un parti qui s'ajuste aux réalités et des députés qui s'enlignent derrière leur chef et qui ne disent plus rien.

C'est triste parce que le Québec, lui, est en désaccord avec ce projet de loi là. C'est un projet de loi absurde, un projet de loi inacceptable, un projet de loi qui est dénoncé partout. Alors, M. le Président, j'aurais souhaité donc que des collègues de l'Assemblée nationale, ici, du parti ministériel prennent la parole comme ils le faisaient si bien, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, face à des politiques de notre gouvernement. Mais non, rien. Alors, mon collègue le député de Chicoutimi y a fait référence à plusieurs reprises. Je le félicite, d'ailleurs, il a bien amené le sujet. Et je souhaite... Ce n'est pas terminé. Comme il le disait si bien, ils pourraient prendre la parole. Ils ont le droit à 20 minutes chacun et ils pourraient prendre la parole et venir dire ce qu'ils pensent vraiment, là, du fond du coeur, au-delà des images, ils pourraient dire ce qu'ils pensent. Mais ils ne viendront visiblement pas, M. le Président, parce qu'ils ont eu la consigne de ne plus parler. Alors, c'est la loi du silence, évidemment, et nous allons évidemment respecter cette décision.

M. le Président, lorsque la présidente du Conseil du trésor a présenté son projet de loi, elle a dit un certain nombre de choses qui sont incroyables. Elle a dit: Nous mettons de l'avant ce projet de loi là pour trouver des solutions à long terme en vue de développer les infrastructures. Par contre, elle a dit: Il n'y aura pas de multiplication des PPP; quelques-uns, entre autres dans le domaine des transports. Elle a dit aussi que c'était dans l'intérêt du Québec et des Québécois et elle a même dénoncé le fait que nous avions enfanté un enfant, le projet de loi n° 164, adopté par notre gouvernement, par l'Assemblée nationale, ici, et que c'était l'enfant qui avait grandi avec le projet de loi n° 61. Elle a dit une chose qui est tout à fait absurde et contraire à la réalité.

Et enfin la présidente du Conseil du trésor a dit quelque chose que j'aimerais citer, M. le Président: «Qu'est-ce que nous allons y gagner? Il y a trois bénéfices directs qui découleront du recours aux PPP. Le premier, je l'ai déjà évoqué, c'est celui de mettre au service du bien public le savoir-faire des grandes entreprises que nous avons contribué à développer.» Comme si ça ne se faisait pas constamment et régulièrement, de faire appel à l'expertise des grandes entreprises qui se sont développées et que nous avons contribué à développer grâce à nos politiques économiques, notamment les politiques économiques mises de l'avant par le premier ministre du temps, le ministre des Finances, le député de Verchères.

«Le deuxième, c'est l'amélioration de la qualité des infrastructures. Avec les moyens actuels, l'État doit trop souvent se résoudre à rogner sur la qualité.» Je reviendrai sur ça, M. le Président. Ayant moi-même piloté une mission en France sur l'étude justement des partenariats public-privé au niveau des infrastructures d'aqueduc et d'égout, je reviendrai sur ça, M. le Président.

«Si une entreprise doit par contre entretenir un ouvrage pendant 30 ans, on peut avoir l'assurance que la construction sera faite de manière à limiter les coûts d'entretien.» Elle a aussi dit ça, une chose incroyable.

«Enfin, le troisième bénéfice, c'est la prévention des dépassements de coûts et la prévention des retards. En d'autres mots, c'est le respect de l'argent des contribuables québécois.» Et, sur ce point, elle a dit qu'elle élaborerait davantage. Elle ne l'a pas fait, d'ailleurs, mais elle a dit qu'elle le ferait.

n(17 h 20)n

M. le Président, ce projet de loi n° 61 se situe dans la continuité d'une idéologie qui est claire. La présidente du Conseil du trésor a dit: «Nous ne sommes pas des gens d'idéologie, nous sommes des gens pragmatiques.» Alors, je suis allé voir, dans le dictionnaire Le Petit Robert, qu'est-ce que signifiait le mot «idéologie». «Idéologie», ça veut dire «un ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque, à une société, à une classe». M. le Président, à part les gens qui oublient de se regarder et de faire l'évaluation de ce qu'ils font et de ce qu'ils sont, le parti d'en face est totalement idéologique. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, il a une vision bien claire de l'objectif qu'il poursuit. Le parti au pouvoir actuellement veut dégraisser l'État, dégraisser l'État, et vous connaissez les conséquences de cette volonté de dégraisser l'État qui a été initiée par une série de projets de loi. Notre collègue du comté de Saguenay... de René-Lévesque plutôt nous en a fait part tout à l'heure, tous les projets de loi qui ont été adoptés dans le bâillon à la même époque, l'année passée, dont une modification de l'article 45, tout ça fait dans le but de dégraisser l'État.

Le parti ministériel, le chef de l'opposition en a fait référence dans son allocution tout à l'heure, a réduit la taille de l'État sensiblement mais sans qu'il y ait ces multiples journées de grève, ces manifestations au parlement. Tout ça s'est fait dans la concertation avec les syndicats, tout ça s'est fait dans la concertation et la mise à contribution de nos fonctionnaires qui connaissent bien leurs ministères et qui nous ont aidés, pendant ces 10 années là, à dégraisser justement l'État, à réduire la taille de l'État, mais pas à la réduire à tout prix, comme un objectif totalement idéologique, un objectif de classe, un objectif de parti. On l'a fait de façon pragmatique, on l'a fait pour améliorer la qualité des services, et ça a été reconnu que ce que nous avons fait est passé correctement au niveau des syndicats, est passé correctement dans la population et a contribué à améliorer l'ensemble des services de l'État.

M. le Président, le parti que nous avons en face de nous et qui dirige le Québec n'est pas, d'abord et avant tout, un parti pragmatique, c'est un parti d'une idéologie néolibérale de droite, et je suis convaincu que beaucoup de gens, beaucoup de députés qui siègent du côté du pouvoir actuellement sont malheureux de cette situation-là, sont très malheureux, mais ils n'oseront pas le dire, évidemment, je le disais tout à l'heure, c'est la loi du silence. Ils n'oseront pas le dire, mais ils sont malheureux. Ils sont tellement malheureux qu'ils ne parlent pas. Ils ne disent rien. Personne ici, là, ne nous dit véritablement ce qu'il pense de toute la suite de projets de loi, et de décisions, et de gestes posés par ce gouvernement-là qui ont suscité la colère des Québécois et un taux de satisfaction jamais vu. Jamais on n'a vu un gouvernement prendre le pouvoir en disant qu'il était prêt, prendre le pouvoir et en quelques mois atteindre un taux d'insatisfaction à ce niveau et le maintenir.

Le taux de satisfaction du gouvernement a augmenté légèrement avec la visite du premier ministre, à Ottawa, sur la santé, un beau show bien orchestré où le premier ministre signe une entente qu'on n'avait jamais signée, et il revient avec moins d'argent qu'on l'avait fait, nous, sans avoir rien signé, dans le même domaine. Un beau show. Mais la population n'est pas dupe, M. le Président. La population a un gros bon sens et a vite vu la manoeuvre, et le taux de satisfaction est remonté au même niveau d'avant le gros show sur la santé à Ottawa. Donc, ce gouvernement actuel, les Québécois en sont déjà totalement insatisfaits, et il ne sert en réalité ? et le projet de loi n° 61 l'illustre très bien ? le gouvernement ne sert que des intérêts de classe, et c'est ça, une idéologie, des intérêts de classe: l'entreprise privée à tout prix. Et le ministre du Développement économique, lui, en a fait son cheval de bataille. On sait où est-ce qu'il a oeuvré au préalable avant de devenir député, M. le Président. Lui veut absolument que l'entreprise privée gère un peu partout, entre dans tous les domaines et prenne des responsabilités qui étaient jusqu'à ce moment dédiées à l'État, et c'est dangereux, M. le Président, c'est très dangereux.

Une voix: ...

M. Boucher: Je m'excuse, M. le Président, mais le député de Shefford parle beaucoup, lui qui a déjà eu un projet PP d'autoroute dont il ne parle plus. Mais là il me dérange un petit peu. Si vous vouliez... J'invoque l'article 32.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je m'excuse, là. Est-ce que vous pouvez reprendre votre phrase, M. le député?

M. Boucher: Ma phrase, c'est que j'ai été dérangé par un député qui n'est pas à son siège.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, vous invoquez l'article 32, M. le député? Alors, je demande au député de bien s'asseoir au siège qui a été désigné par la présidence.

M. le député de Johnson, vous avez la parole.

M. Boucher: M. le Président, je remercie le député de Shefford de me permettre de continuer mon intervention et je vous remercie de l'avoir rappelé à l'ordre. Mais il est justement, lui, un député qui dans sa région a souhaité, du temps que nous étions au pouvoir, faire la promotion d'une autoroute, là, qui allait de quelque chose comme Bromont jusqu'à la 20, en passant dans mon comté, d'ailleurs, mais un projet qui finalement ne peut tenir la route, c'est le cas de le dire, parce que les partenariats privé-public se font dans la mesure où ils sont rentables pour l'entreprise privée qui en devient partenaire, sinon ils ne peuvent se faire de cette façon-là. Alors, M. le Président, on n'entend plus parler de ce projet-là comme on n'entendra plus jamais parler du CHUM-PPP, comme on n'entendra jamais parler de projets qui ne peuvent pas être rentables pour l'entreprise privée, et c'est ça, encore là, l'aberration du projet de loi n° 61, M. le Président.

Notre collègue ministre, présidente du Conseil du trésor, a dit qu'il n'y aurait pas ? je l'ai dit tout à l'heure ? il n'y aurait pas de multiplication des PPP. Il y en aurait quelques-uns dans le domaine des transports. Mais pourquoi, s'il ne s'agit que de quelques projets bien ciblés, le projet de loi qui devrait donner lieu à ces projets de loi là contient 76 articles? 76 articles, M. le Président, pour un projet qui est élaboré pour quelques projets de partenariat dans les autoroutes, c'est beaucoup, beaucoup d'articles, M. le Président, beaucoup d'articles. Mais je pense que la ministre n'avait pas lu son projet de loi. Elle ne l'avait visiblement pas lu, parce que le projet de loi concerne tous les ministères; pas juste le ministère des Transports, tous les ministères.

«Les personnes, les organismes, les entreprises du gouvernement visés à l'article 2 de la Loi sur l'administration financière», ça fait pas mal de monde. Ça vise un collège d'enseignement général ? on appelle ça un cégep, au Québec ? régi par la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, une commission scolaire et le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, et j'en passe, un établissement universitaire, un établissement public. Le projet de loi vise l'État québécois. Voilà ce que vise le projet de loi. Pas quelques petits projets comme la présidente du Conseil du trésor a dit pour cacher la réalité du projet de loi. Elle sait bien que l'ensemble des Québécois n'ont pas lu et ne liront pas le projet de loi. Elle le sait très bien. Alors, elle dit: Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas grave, ça va juste nous aider à financer à long terme les infrastructures qui sont plus lourdes à supporter par l'État, etc.

M. le Président, les gens ne seront pas dupes de sa manoeuvre. Ce projet de loi met en tutelle l'État québécois en associant et en obligeant l'ensemble des intervenants des ministères et organismes publics à regarder des projets PPP, et les Québécois sont inquiets.

n(17 h 30)n

M. le Président, je rencontrais, pas plus tard qu'hier, une responsable de services en milieu scolaire dans une petite école, dans mon comté, et je lui ai dit: Est-ce que tu es au courant que, dans un an ou deux, toi qui as été soumise à des coupures qui rendent fragile ton service de garde, toi qui es déjà en difficulté et qui dois couper les heures d'une de tes intervenantes parce que le gouvernement libéral a coupé 40 % des subventions aux services de garde en milieu scolaire déjà et parce que le gouvernement s'enligne pour confier ces services-là en partie à l'entreprise privée... Es-tu au courant de ça? Elle n'avait jamais entendu parler de ça, évidemment, comme 95 % de la population du Québec. Personne n'a jamais entendu parler de ce projet de loi là, hein?

Mais, quand je lui ai dit: Peut-être que, dans deux ans, là, tu vas être obligée de devenir un service de garde public-privé. Comment tu vas gérer ça? Parce que le gouvernement a coupé les subventions... Parce que l'entreprise privée, là, elle va venir, M. le Président, l'entreprise privée va venir puis elle va dire à cette responsable de services de garde: Bon, écoute, on va s'associer; on a eu la permission de la présidente du Conseil du trésor, à Québec, qui va se mêler de tout ça d'ailleurs, et du Conseil des ministres, qui va nommer les membres de l'agence, évidemment. Et, comme on est habitués de nominations partisanes, qui se multiplient, d'amis du régime, d'anciens députés... Même, vous savez, la nomination de Louis-René Scott, qui a eu lieu récemment, là, à la Commission de protection du territoire agricole, un gars, M. le Président, qui faisait dézoner des territoires et qui s'était impliqué à l'île de Laval, qui a été nommé là. Alors, toutes ces nominations qui préparent justement la privatisation et la multiplication des PPP au Québec.

Alors, M. le Président, je lui ai demandé: Comment tu vas faire ça? Elle m'a dit: Bien, là, c'est clair que, si je dois répondre à des critères de rentabilité, donc de profit sur le capital investi, je vais être obligée d'augmenter les coûts. Déjà qu'elle a perdu des élèves quand c'est passé de 5 $ à 7 $, M. le Président, déjà qu'elle a perdu des élèves et déjà que son service est fragilisé actuellement, et là elle me dit: Mais je vais être obligée d'augmenter les coûts si je veux réussir à garder mon service de garde et à payer mes employés. En plus, bien, là, qu'est-ce que tu veux, je vais être obligée de réduire le personnel. Je vais être obligée de réduire le personnel parce que je ne pourrai pas arriver, parce que la personne de l'entreprise privée va exiger une rentabilité de 12 %, 13 % à 15 % sur le capital. Elle, elle n'exige pas ça. En plus, elle, actuellement, cette responsable-là, multiplie les heures supplémentaires non payées parce qu'elle a à coeur son service de garde, parce qu'elle aime les enfants. Elle est là, présente, elle travaille très fort.

Alors, M. le Président, voilà un bel exemple de ce à quoi va conduire ce projet de loi là à terme et comment on procède, de cette façon-là, à la destruction de nos services publics. Parce que la conclusion finalement de la discussion que j'ai eue avec elle sur son service de garde en milieu scolaire, la conclusion, c'est qu'il n'y aura plus de services de garde en milieu scolaire, M. le Président, il n'y en aura plus, que déjà on en perd un peu partout au Québec, des services de garde dans les écoles, parce que le gouvernement a coupé, on en perd, mais là il n'y en aura plus, de services de garde en milieu scolaire à Saint-Nazaire-d'Acton, M. le Président. Il n'y en aura plus. Déjà que c'est difficile.

Alors, voilà à quoi conduit une idéologie de classes, une idéologie de droite où on met en valeur l'entreprise privée à tout prix. M. le Président, c'est triste, c'est triste de mettre de l'avant ce type de projets de loi là qui n'ont de conséquence que la destruction progressive des services que le Québec s'est donnés depuis la Révolution tranquille. C'est triste, c'est profondément triste. Et le gouvernement qui est en face de nous va payer très cher un jour cette application d'une idéologie qui est néolibérale, qui est dépassée. Et les pays comme la France ? et je vous ai dit que j'avais fait une visite, une mission en France ? qui ont bâti des infrastructures partenariats public-privé, aujourd'hui, après 30 ans, commencent à regretter parce que les coûts augmentent sensiblement.

Donc, M. le Président, je voterai évidemment contre un projet de loi qui n'est pas un projet de loi partenariat public-privé mais qui est un projet de loi qui est prêt pour le patronage, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Johnson. Sur ce, je suis prêt à reconnaître un prochain...

M. Bédard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: ...en vertu de l'article 213, j'aurais une question à poser à mon collègue le député de Johnson, s'il accepte évidemment.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, en vertu de l'article 213, M. le député de Johnson, il y a un collègue qui désire vous poser une question. Est-ce que vous acceptez une brève question et une brève réponse?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Alors, M. le Président, ça va être très court, comme le permet notre règlement. Le député de Johnson nous a entretenus de l'impact de la coupure de 40 % dans les services de garderie en milieu scolaire. J'aimerais savoir de sa part quel a été selon lui l'impact qu'a eu cette coupure, mais aussi la hausse des tarifs de 5 $ à 7 $, auprès des familles défavorisées, donc des familles qui, vous le savez, ont peu de montants pour boucler leur budget en fin de mois, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député de Johnson, vous acceptez de... Oui. Alors, la parole est à vous, brièvement.

M. Boucher: M. le Président, c'est un cas très concret. À Saint-Nazaire-d'Acton, dans mon comté, il y a un potentiel de 30 enfants pour fréquenter le service de garde, il y en avait 25 qui le fréquentaient. Avec la coupure, c'est réduit à 20, à la limite. Et en plus, là, actuellement, l'an prochain, déjà c'est tellement fragilisé qu'elle pense peut-être, parce qu'il y a déjà un service de garde qui a été fermé dans le village voisin, elle pense que peut-être on devra le fermer. C'est très grave, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Johnson. Et je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant. Alors, je m'aperçois que c'est le député du Lac-Saint-Jean. M. le député, la parole est à vous.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, je ne commencerai pas, comme les autres, à dire que ça me fait un grand plaisir de prendre la parole sur ce sujet, puisque j'ai beaucoup d'inquiétudes, mais je vais le faire puisque c'est mon travail.

La loi, aujourd'hui, que nous débattons découle du plan de modernisation de l'État rendu public en mai dernier et concrétise l'intention du gouvernement d'améliorer les façons de faire en recourant davantage aux ententes de partenariats public-privé. Telle que définie par la loi, la mission de l'agence sera en effet de contribuer au renouvellement des infrastructures publiques et à l'amélioration de la qualité des services aux citoyens par la mise en oeuvre de partenariats public-privé. Son mandat consistera non seulement à jouer un rôle conseil auprès du gouvernement sur toute question relative à ce mode de réalisation de projets, mais aussi à en faire la promotion, à standardiser les processus et à encadrer les ministères et organismes dans la réalisation de leurs projets de partenariats public-privé.

Alors, M. le Président, j'ai certaines inquiétudes par rapport à ce projet de loi, d'autant plus que l'ampleur que pourraient prendre les conséquences de cette pratique peut être inquiétante. Et peut-être qu'à la maison des gens nous écoutent et se disent: Bon, c'est quoi, la différence entre le public et le privé? Je crois qu'il faut redire qu'est-ce que le public. Hein, le public, c'est ce que nous nous sommes dotés collectivement, les services collectifs que nous nous sommes dotés comme nation, comme collectivité. Lorsqu'on parle d'une route publique, de services publics, d'écoles publiques, de soins de santé publics, où on s'est dit que collectivement nous allions solidairement nous doter d'infrastructures sociales ou routières, ou peu importe, et qui seront à l'usage de tous et chacun.

Or, le privé, quant à lui, le privé, on le sait, l'objectif du privé, c'est de faire du profit. Et je ne suis pas contre ça, mais au moins il faut en être conscient, que le privé, son objectif, c'est le rendement aux actionnaires, c'est le profit. Donc, dans quelle mesure les objectifs gouvernementaux, aujourd'hui, de vouloir accroître la qualité des services aux citoyens par la mise en oeuvre de partenariats public-privé pourront vraiment se concrétiser? Je me pose plusieurs questions.

Nous avons au Québec, et nous sommes souvent cités en modèle à travers le Canada ou même ailleurs dans le monde, des organismes qui sont publics et qui nous donnent le droit de chialer contre ces organisations. Je n'ai qu'à penser à Hydro-Québec, la Société des alcools du Québec, la loterie, ce sont des choses chez nous qui sont publiques, et qui sont sous le contrôle de l'État, et qui... quand ils font des profits, ils sont retournés à l'État. Donc, c'est la notion de collectivité, du public. Or, dans bien d'autres endroits dans le monde, ce genre d'organisations sont privées, et les profits vont au privé. Donc, où est-ce que le gouvernement... jusqu'où, plutôt, ça va nous amener à améliorer les services, à améliorer les infrastructures que nous avons? Mais, également, quel est le danger de faire disparaître un degré de transparence que nous avons au Québec? Et je pense que nous pouvons être fiers.

Et à cet égard, dans la commission parlementaire qui a précédé le dépôt de ce projet de loi, certains sont venus témoigner de leurs inquiétudes, et ce n'est pas les moindres. J'ai ici le mémoire du Protecteur du citoyen, qui cite, en écrivant à la ministre: «Bien qu'il s'agisse d'un projet de loi qui vise essentiellement à instituer un nouvel organisme, certains de ses aspects auront des impacts directs sur les citoyens et suscitent des questions dont j'aimerais vous faire part. Mes interrogations portent aussi sur d'autres aspects, notamment l'étendue des pouvoirs conférés à l'agence et les mécanismes de surveillance auxquels elle sera assujettie.

n(17 h 40)n

«[Pour les citoyens, cinq principes] m'apparaissent primordiaux. Ce sont les valeurs de transparence, d'équité, de qualité de services, d'imputabilité et de protection de l'intérêt public, à propos duquel le projet de loi me paraît silencieux.

«Puisque la politique-cadre en reconnaît l'importance, pourquoi ne pas les rappeler dans le projet de loi, que ce soit en préambule ou dans une déclaration de principes?

«Au chapitre de la transparence, pourquoi ne pas prévoir que tout projet de partenariat public-privé devra faire l'objet d'une période d'accès pour le public, que ce soit par l'inscription des projets dans un registre ou par le dépôt à l'Assemblée nationale? De même en ce qui touche l'imputabilité, pourquoi ne pas rappeler dans le texte de la loi que les organismes publics parties à des ententes de partenariat resteront responsables de la reddition de comptes, ce principe étant par ailleurs clairement énoncé dans la politique-cadre?»

Les connaissances du Protecteur du citoyen. Donc, ici le Protecteur du citoyen s'interroge: «[Comme l'agence] ne constituera pas un ministère et que ses employés ne seront pas nommés en vertu de la Loi de la fonction publique, elle ne sera pas un organisme public au sens de l'article 14 de la Loi du Protecteur du citoyen à l'égard duquel [elle] peut intervenir en vertu de l'article 13 de la même loi.

«J'estime que, comme on l'a fait lors de la création de l'Agence nationale d'encadrement des services financiers, le projet de loi devrait spécifier que le Protecteur du citoyen conserve [ses compétences].

«En fait, qu'il s'agisse de prestation de services en matière de détention ou en toute autre matière relevant de son champ d'intervention, il importe que la compétence du Protecteur du citoyen sur l'agence soit préservée afin qu'il puisse intervenir, le cas échéant, en amont du processus d'évaluation des projets.»

Une autre inquiétude du Protecteur du citoyen est à l'égard de la délégation de fonctions ou de pouvoirs. «Compte tenu de la portée très large des dispositions de l'article 13, je crois nécessaire d'en revoir la formulation afin de limiter son application, par exemple en excluant nommément certaines fonctions de ce pouvoir de délégation.» Et je continue. Au niveau des fonctions de l'agence, le Protecteur du citoyen cite: «Comme dans plusieurs lois instituant des organismes publics, celle-ci contient une clause prévoyant que l'Agence pourra être appelée à exercer "toute autre fonction que lui attribue le gouvernement."» Le Protecteur cite: «Je comprends qu'il s'agit là d'une clause usuelle visant à laisser à l'agence une marge de manoeuvre lui permettant [d']adapter à l'évolution des dossiers. Tel que formulé cependant [à] l'article 19, [cela] semble trop général.» Donc, comme vous pouvez le voir, M. le Président, le Protecteur du citoyen termine en disant: «Puisque tous les projets de partenariats devront passer au crible de l'agence, je crois essentiel que cette dernière soit assujettie à certains mécanismes de surveillance. Il faudrait aussi s'assurer que ses pouvoirs [n'outrepassent] pas sa mission. Après tout, comme l'indique clairement le projet de loi, ce sont [...] seulement les infrastructures publiques, mais aussi les services aux citoyens qui sont susceptibles de faire l'objet d'ententes de partenariat public-privé.» Alors, on voit ici une certaine lumière jaune qui est allumée de la part du Protecteur du citoyen.

Autre organisme public, la Commission d'accès à l'information, hein, qui a déposé en commission parlementaire certaines inquiétudes également à l'égard de ce projet de loi. «Adoptée il y a plus de vingt ans, la [loi d'accès à l'information] consacre la reconnaissance de deux droits fondamentaux [...] protégés par la Charte des droits et libertés[...]: [soit] le droit à l'information et le droit à la vie privée. Ainsi, sous réserve des exceptions énoncées à la loi, toute personne qui en fait la demande a droit d'obtenir les documents détenus par un organisme public. Ces mêmes organismes doivent toutefois assurer la confidentialité des renseignements personnels que leur confient les citoyens.

«Ayant subi peu de modifications fondamentales depuis [l']entrée en vigueur [de cette loi], la loi [...] énonce des règles de transparence et de confidentialité qui tiennent compte du mode traditionnel [d'organisme] de l'administration publique. Or, il y a vingt ans, peu de place était faite aux partenariats public-privé.» Et ainsi la Commission d'accès à l'information conclut: «L'approche des partenariats public-privé [engendre] une révision majeure des modes de fonctionnement de l'État. Cette modernisation de l'État doit pouvoir se réaliser tout en respectant certaines valeurs bien ancrées dans la société québécoise.» Donc, encore ici, et je ne lirai pas toute la conclusion, mais que ce soit au niveau du Protecteur du citoyen ou de la Commission d'accès à l'information, il y a une lumière jaune qui s'allume.

Un autre. Le Vérificateur général du Québec. «Je crois opportun de rappeler que cet accès ne permet pas nécessairement une vérification complète. Si elles le désirent, l'agence et ses filiales pourront fort probablement m'empêcher de mener les travaux de vérification de l'optimisation des ressources ? c'est-à-dire la vérification de gestion ? que je [juge] nécessaires[...]. L'agence sera vraisemblablement une entreprise du gouvernement au sens du paragraphe 1° de l'article 5 [...] statut [qui] découle de deux dispositions du projet de loi[...]. Même si le projet de loi me confie la vérification des livres et comptes de l'agence, je ne pourrai procéder à une vérification de gestion qu'après entente avec le conseil d'administration. Malheureusement, il arrive que cette dernière disposition soit utilisée pour m'empêcher de mener une vérification de gestion d'une entreprise de gestion du gouvernement.

«Il m'est donc apparu approprié de vous communiquer ces informations afin que vous ne gardiez pas une fausse impression de sécurité en pensant que le Vérificateur général pouvait toujours, de sa propre initiative, examiner et commenter la gestion des activités des entreprises du gouvernement comme l'agence et ses filiales.»

Finalement, une autre organisation québécoise qui vise à assurer une transparence et une confiance à l'égard des citoyens, c'est-à-dire le Commissaire au lobbyisme, qui recommande que soit modifiée la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme afin d'assimiler les représentants des entreprises privées qui oeuvrent dans le cadre des partenariats public-privé. En conclusion, dans un contexte où on envisage de privilégier le recours aux partenariats public-privé, il apparaît impérieux de bien évaluer l'importance d'intégrer à cette démarche les valeurs qui lui conféreront la crédibilité nécessaire pour en assurer le succès.

Donc, M. le Président, l'État québécois, pour assurer une dose de confiance à l'égard de ses citoyens, s'est doté d'organismes de surveillance tels que la loi... comme le Vérificateur général, le Commissaire au lobbyisme, le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information. Et, aujourd'hui, en déposant ce projet de loi, ce que le gouvernement fait, c'est qu'il va un peu à sens contraire, c'est qu'il, au dire même de ces organisations, sème le doute à l'égard de la transparence. Et transparence, la transparence, n'est-ce pas notamment un principe fondamental du développement durable qui avance que, lorsque le public est bien informé, lorsque le public sait où le gouvernement s'en va, eh bien, c'est la méfiance qui diminue? Or, avec ce qu'on nous amène aujourd'hui, il y a possibilité justement qu'il y ait des éléments de distorsion à l'égard de la recherche du profit, qui occasionneront des... justement des distorsions... et qui ne pourra pas être surveillée par les organismes que le Québec s'est donnés.

Mais, justement, on parle... Le gouvernement avance que par ce projet de loi il tentera d'augmenter l'efficacité et la bonne gestion de certains services publics. Les raisons évoquées: le privé est plus efficace et efficient que le public, il pourrait rendre de meilleurs services à la population. Je vais vous donner un exemple qui, en tant que porte-parole en matière d'environnement, sonne l'alarme. En fait, ce n'est pas le gouvernement, ici, qui est le premier à amener ce concept de partenariat public-privé. Cela fait pratiquement partie d'une tendance internationale à faire en sorte de réduire la taille de l'État sous prétexte que justement l'État est inefficace, l'État est lourd.

n(17 h 50)n

Bien entendu, je suis de ceux qui pensent que l'État peut être amélioré, peut être rendu davantage efficace, et je souscris à ce concept. Mais il y a des dangers à, plutôt que de prendre du gras et de vouloir en faire du muscle, à couper tout simplement et qu'il n'y ait plus de possibilité de faire du muscle, si vous me permettez l'expression. Simplement sur le plan de la gestion des connaissances, prenez, par exemple, sur la gestion de l'eau potable. Actuellement, dans les municipalités, nous avons des fonctionnaires qui s'occupent de la qualité de l'eau potable, et ces connaissances qui s'accumulent au fil des ans demeurent publiques. Or, si, à un moment donné, on transfère la gestion de l'eau potable ou tout autre service au privé et que plus tard on décide de revenir au public puisqu'on s'aperçoit que l'efficacité ne sera pas au rendez-vous, eh bien, ce sera tout un bagage de connaissances qui sera susceptible de disparaître par le fait que des fonctionnaires, éventuellement, soit qu'ils perdront leur emploi, et c'est leur bagage de connaissances qui du même coup disparaîtra.

Et, comme je le disais, il y a des tests qui ont été faits, notamment en Angleterre, où on a vu, au niveau de la gestion de l'eau potable, des expériences. L'idée voulant que les entreprises privées soient plus efficaces et efficientes que les administrations publiques est loin d'être vérifiée. La théorie qui veut que la compétitivité entre les entreprises force ces dernières à être performantes nous prouve que les entreprises de... les entreprises de distribution d'eau, pardonnez-moi, de par leur nature, des entreprises monolithiques... Les incitations à la performance sont donc absentes, puisque l'eau est un produit qui ne peut pas être substitué par un autre, et les gens sont obligés d'en consommer, ce qui assure aux vendeurs des ventes constantes. Les consommateurs sont captifs et ne peuvent changer de distributeur. Les entreprises qui vendent de l'eau n'ont donc pas à offrir de bons services et des prix compétitifs pour s'attirer plus de clients.

Par ailleurs, les consommateurs devront payer, à l'intérieur de leur facture d'eau, les coûts administratifs de la perception des factures ainsi que les profits de l'entreprise. Une fois encore, la seule façon pour les entreprises monolithiques d'augmenter leur marge de profit sera de couper dans le processus de traitement des eaux et dans les conditions de travail des employés ou encore d'augmenter le prix. Finalement, les entreprises privées répondent à la logique du marché, n'ont pas d'intérêt à fournir des services optimums aux populations éloignées des grands centres, à cause des coûts supplémentaires que cela entraîne, et nous avons des exemples concrets.

Entre 1992 et 1996, les investissements en immobilisations des quatre premières entreprises d'eau en Angleterre ont constamment diminué, alors que les dividendes aux actionnaires augmentaient, car, comme vous le savez, en Angleterre, on a fait le test des partenariats public-privé. D'ailleurs, la ministre est allée en Angleterre voir qu'est-ce qui s'est fait et est revenue pantoise, alors que les consommateurs ont vu leur facture d'eau... les consommateurs d'eau anglais ont vu leur facture d'eau augmenter de 55 % durant les quatre années qui ont suivi la privatisation, hein. Les entreprises d'eau anglaises pratiquent une politique agressive de recouvrement. En une seule année, c'est-à-dire de 1991 à 1992, le nombre de ménages qui se sont vu interrompre le service d'eau pour non-paiement a triplé, passant de 7 200 à 21 000. La situation était si grave qu'en 1999 le gouvernement britannique a voté une loi empêchant l'interruption des services d'approvisionnement en eau potable. Les compagnies privées peuvent toujours poursuivre les consommateurs qui ne paient pas la facture d'eau.

En été 1995, les citoyens de Yorkshire, toujours en Angleterre, ont vécu une grave pénurie d'eau causée par une sécheresse. Toutefois, la compagnie Yorkshire Water continuait de rétribuer généreusement... de généreuses rétributions aux dirigeants et actionnaires plutôt que d'investir dans la réfection des aqueducs désuets du début du siècle. L'ensemble du système est si défaillant que 29 % de son eau traitée se perd entre l'usine et le consommateur. Une réfection adéquate aurait pu permettre de prévenir le problème de pénurie d'eau de 1995.

À la lumière de certaines études, il apparaît que la privatisation des réseaux de distribution de l'eau ne peut avoir que des effets néfastes pour les populations concernées. En effet, les actifs étatiques sont habituellement vendus à rabais, et les compagnies qui les acquièrent bénéficient par la suite de subventions et d'allégements fiscaux si importants que les citoyens se voient en fait toujours obligés de les financer. Malgré les privatisations, ce sont en grande partie des deniers publics qui servent à financer les dépenses en investissements immobiliers essentiels au bon maintien du réseau.

Par ailleurs, l'expérience internationale tend à démontrer que les clients de ces entreprises nouvellement privatisées voient le coût de leurs factures d'eau augmenter de façon phénoménale, tout en voyant la qualité du service diminuer. En France, de nombreux actes illégaux: corruption de politiciens et fonctionnaires, contributions occultes à des partis politiques, vente d'eau impropre à la consommation, collusion illégale entre des entreprises oligopolistiques lors d'appels d'offres, évasion fiscale... bref des exemples qui nous démontrent clairement que le genre de privatisations qui s'est vécu a eu des conséquences extrêmement négatives, et ma crainte, c'est que le Québec, par ce projet de loi, tente d'expérimenter ce même genre de pratiques, mais qui, au bout du compte, les exemples nous le démontrent, n'ont été absolument pas efficaces.

Bref, le gouvernement a échoué à nous démontrer que l'État québécois tirera des avantages à aller dans cette direction, et je persiste à croire qu'il y a de nombreuses inquiétudes qui peuvent nous démontrer que ce projet de loi ne sera pas efficace pour les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le leader adjoint de l'opposition officielle, oui?

M. Bédard: En vertu de l'article 213, M. le Président, j'aimerais poser une question au député de Lac-Saint-Jean, s'il accepte.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, en vertu de l'article 213, le député de Chicoutimi désire vous poser une question. Est-ce que vous acceptez?

M. Tremblay: Oui, c'est avec grand plaisir que j'accepterais sa question.

Le Vice-Président (M. Cusano): Avec grand plaisir? Alors, M. le député de Chicoutimi, je vous rappelle que la question doit être brève ainsi que la réponse. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: C'est ça. Vous l'avez vu tout à l'heure, M. le Président, ça a été bref et concis, alors je vais être bref et concis. Je vais profiter de l'expérience parlementaire de mon collègue pour lui poser la question suivante: Est-ce qu'il trouve acceptable, voire légitime qu'un gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, adopte un tel projet de loi sans l'accord d'institutions aussi importantes que sont, comme il l'a mentionné dans son discours, la Commission d'accès à l'information, le Commissaire au lobbyisme, le Protecteur du citoyen et la Vérificatrice générale? Donc, j'aimerais savoir de mon collègue si, moralement, si, légitimement, que le gouvernement soit de droite ou de gauche, il serait acceptable d'adopter une telle législation sans leur accord.

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député de Lac-Saint-Jean, brièvement.

M. Tremblay: Bien, écoutez, je pense que la question posée par le député de Chicoutimi est très pertinente, puisque les organisations qu'il a mentionnées sont des organisations qui créent un lien de confiance entre l'État et le citoyen en permettant une transparence étatique. Et à cet égard ceux qui ont la tâche justement de s'assurer qu'il y ait de la transparence et qu'il y ait un degré de confiance viennent nous dire en commission parlementaire qu'ils n'appuient pas ou ont de sérieuses réserves à l'égard du projet de loi. Donc, déjà, je pense que ça ne prend pas un cours magistral pour réaliser que la direction que tente de nous amener le gouvernement aujourd'hui est très...

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Alors, je reconnais le prochain intervenant...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant!

M. Bédard: Je peux faire une demande?

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui, oui.

M. Bédard: Gentleman, gentleman, je pense que ça existe encore. Alors, je demanderais simplement, de consentement... Vu l'heure tardive, il est 5 h 58, il serait peut-être... M. le Président, je pense qu'il ne serait pas correct pour mon collègue de vous présenter les éléments qu'il a et de revenir plus tard, à 8 heures. Alors, simplement lui permettre, comme on le fait régulièrement d'ailleurs, d'entreprendre son discours à partir de 8 heures.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci. Alors, il y a une demande de consentement. Est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas consentement. Alors, je reconnais le député de Gaspé.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Alors, merci, M. le Président. Je comprends que le gouvernement ne veut pas nécessairement perdre du temps, puisqu'il est embourbé depuis je ne sais pas combien de mois dans ses projets de loi. Et celui sur l'Agence des partenariats public-privé, M. le Président, j'ai eu l'occasion de siéger en commission parlementaire. Et, tout à l'heure, j'étais aussi au salon rouge avec le ministre des Finances qui, lui, est en train de présenter un projet... le projet de loi n° 60 sur le financement des infrastructures.

M. le Président, depuis que la ministre présidente du Conseil du trésor a déposé ce projet de loi, nous avons assisté à toutes sortes d'interprétations de la part de la ministre. Elle nous disait en commission parlementaire: Écoutez, ça va s'adresser uniquement aux grands projets. Par contre, tout le monde qui est venu en commission parlementaire disait, M. le Président: Mme la présidente, votre projet inclut toutes, mais toutes les formes de partenariat possibles. Alors, M. le Président, est-ce que... Je vais recommencer plus tard, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Excusez-moi. M. le député de Gaspé, je m'excuse de vous interrompre, mais, compte tenu de l'heure, nos travaux sont suspendus à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 5)

La Vice-Présidente: Alors, Mmes, MM. les députés, vous pouvez vous asseoir.

Alors, ce soir, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 26 novembre 2004 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé. Alors, à la suspension de nos travaux cet après-midi, c'est le député de Gaspé qui avait la parole. Alors, je l'invite à poursuivre pour le temps qu'il lui reste à parler sur cette motion.

M. Lelièvre: Alors, merci, Mme la Présidente. J'ai eu l'occasion d'amorcer, avec les bons services de votre leader, au moins 1 min 12 s tout à l'heure, avant notre ajournement.

Intervenir sur les PPP, c'est quand même très important. Les partenariats public-privé, Mme la Présidente, ont été présentés dans un projet de loi, le projet de loi n° 61, et la ministre responsable de ce projet de loi, la présidente du Conseil du trésor, justifie son engouement pour cette forme d'intervention avec le privé par des contraintes budgétaires qui l'obligent à aller chercher de l'argent dans le secteur privé.

Mme la Présidente, de nombreux organismes se sont présentés devant la commission parlementaire: des municipalités, des entreprises, des institutions de l'État québécois, dont le Vérificateur général, qui, à un moment donné, est venu devant la commission... qui est intervenu à la commission parlementaire donc, par une lettre que j'ai sous la main et qui lui a été adressée le 11 novembre 2004, concernant l'assujettissement de l'Agence des partenariats public-privé à la surveillance des parlementaires de cette Assemblée. Ce que nous dit le Vérificateur général: «Au cours des auditions, plusieurs participants se sont interrogés sur le rôle du Vérificateur [...] à l'égard de l'agence et de ses filiales.»

Il faut savoir qu'il y aura une agence, mais l'agence peut créer autant de filiales qu'elle veut, selon ses besoins, et ces filiales vont échapper au contrôle parlementaire. Les députés de l'aile parlementaire formant le gouvernement ne sont peut-être pas au courant de cette situation, et il y a eu des interrogations, et le Vérificateur général dit: «En réponse à ces interrogations, vous avez indiqué, avec raison, que le Vérificateur général a accès à l'agence et à [...] ses filiales. Cependant, je crois opportun de rappeler que cet accès ne permet pas nécessairement une vérification complète.» Donc, Mme la Présidente, l'agence et ses filiales pourront l'empêcher de mener des travaux de vérification de l'optimisation des ressources, vérification de gestion qu'il jugerait nécessaire.

Le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information se sont prononcés dans le même sens: la transparence. Ils veulent, ils souhaitent qu'il y ait de la transparence.

Et qu'est-ce qu'on aura avec les PPP, ou les partenariats public-privé? En se fiant et en regardant un petit peu aux alentours, à l'extérieur qu'est-ce qui s'est fait, parce qu'il y en a d'autres, pays, qui ont utilisé cette forme d'intervention pour démontrer que c'était plus rentable que faire affaire avec l'État, avec les employés de l'État. Mais, en pratique, il s'est avéré que c'était le contraire. Et pourquoi ce sera différent ici? Mme la Présidente, je ne pense pas que ce sera différent.

n(20 h 10)n

La présidente du Conseil du trésor nous présente cette loi comme une pièce majeure, et on le retrouve aussi dans la publication du Conseil du trésor, qu'elle considère aussi... Pour soutenir la modernisation de l'État, la présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l'Administration publique... l'administration gouvernementale fait des PPP son fer de lance. Alors, la présidente, Mme la Présidente, on a eu l'occasion de l'entendre en commission parlementaire et, à chaque fois qu'un organisme se présentait, sa réponse était de dire: Écoutez, ne vous inquiétez pas, cette façon d'agir, ce sera uniquement pour des grands projets, des projets majeurs, puis ce n'est pas pour des petits projets.

L'Union des municipalités est venue en commission parlementaire également. Et qu'est-ce qu'ils veulent, l'Union des municipalités? L'article 8, Mme la Présidente, qui oblige tout organisme public de «recourir aux services de l'agence pour l'évaluation de la faisabilité en mode de partenariat public-privé de ses projets d'infrastructures, d'équipements ou de prestation de services[...], pour le choix de ses partenaires, ainsi que pour la négociation et la conclusion de ses contrats de partenariats public-privé, sauf dans» certains cas qui sont énumérés au deuxième alinéa de l'article 8... Alors, qu'est-ce qu'on y retrouve? Il faut que la «prestation de services [soit financée], en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, par le gouvernement ou [...] l'un de ses [partenaires]». Alors, on va demander à toutes les municipalités du Québec, dès qu'elles auront un projet, de le soumettre à l'agence. La ministre nous dit: Écoutez, mon agence, ça ne sera pas une grosse agence, il y aura 14 personnes, 12 à 14 personnes qui vont y travailler.

Alors, qu'est-ce qu'on doit comprendre? Est-ce que la ministre va mettre les ministères au service du privé, puisqu'elle nous dit qu'il n'y aura que 12 à 14 personnes dans son agence? Et, avec le nombre de dossiers qui vont apparaître sur son bureau ou au bureau de l'agence, je doute fortement qu'elle puisse, cette agence, répondre rapidement aux municipalités. Parce que les municipalités disent: Sortez-nous de ce projet de loi. En principe, on en fait déjà, des partenariats, quand ça fait notre affaire, on n'a pas besoin du gouvernement pour nous dire quand faire un partenariat. On va le faire lorsque nous serons capables d'en faire et quand nous voudrons en faire. Mais ne venez pas nous imposer votre façon de faire les choses.

Et d'ailleurs c'est le maire de Rimouski, M. Tremblay, un ancien collègue de l'Assemblée nationale, d'ailleurs, maintenant qui est maire et qui était le porte-parole, hein, de l'UMQ, qui est venu dire ça en commission parlementaire. Alors, comment la ministre va-t-elle pouvoir justifier l'imposition de cette procédure qui va faire en sorte que dans le fond l'État, hein, tout organisme public, l'État du Québec sera soumis à une agence? Mme la Présidente, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans.

On a regardé aussi les conséquences de ce transfert de responsabilités: perte d'imputabilité. Perte d'imputabilité, ça veut dire que les élus perdent le contrôle qu'ils exercent actuellement sur ces sociétés d'État ou les organismes. Quand le ministre vient, en commission parlementaire, présenter ses engagements financiers, on lui pose des questions. Quand une société de l'État vient, en commission parlementaire, présenter son plan, son rapport annuel, on lui pose des questions. Quand elle vient déposer son plan stratégique, on lui pose des questions. D'ailleurs, les députés qui sont ici du côté gouvernemental qui étaient ici avant la dernière élection s'en souviennent, hein?

Je vois le ministre de la Sécurité publique, qui a participé à de nombreuses commissions parlementaires également. Il sait qu'en perdant cette capacité d'interroger, de discuter, de questionner sur leur gestion les dirigeants des sociétés d'État tôt ou tard il y aura un manque de transparence, un manque d'accessibilité à l'information, et éventuellement il peut y avoir du cafouillage. Mme la Présidente, le ministre peut, le ministre, qui est ici présent ce soir, peut certainement vous le confirmer parce que je l'ai vu moi-même siéger dans plusieurs commissions parlementaires quand il était député de l'opposition.

Alors, je ne comprends pas comment il se fait qu'aujourd'hui lui-même a un projet peut-être de construire une prison en partenariat public-privé. Je ne comprends pas ça. Quelles seront les règles qui vont régir ce projet au niveau de l'administration de cette institution? Et on sait que le privé, ce sont des gens qui veulent faire de l'argent, en faire rapidement et en faire beaucoup. Et on l'a vu dans le dossier de l'eau à Montréal, là. Si on regardait le dossier, il n'y a personne qui a fait de proposition. Pourquoi? Parce que ça va coûter énormément cher, et les revenus excessivement bas, peut-être inexistants.

Alors, perte d'imputabilité, manque de transparence, augmentation des risques liés à la corruption. Parce qu'il y a une compétition qui s'installe, à ce moment-là, il y a des dangers, là. Parce qu'au niveau des entrepreneurs il y a des contrats qui seront alléchants, il y a des contrats qui seront très lucratifs. Alors, là où il y a de l'homme il y a de l'hommerie. Mme la Présidente, les conflits au niveau de la mission. Parce que le secteur privé, qu'est-ce qu'il recherche? Toujours la même chose. C'est le profit qu'il recherche. Je n'ai rien contre les personnes qui font de l'argent, puis qui opèrent des entreprises, puis qui fabriquent des produits, puis ils les mettent en marché, puis ils travaillent très fort. Mais là on est en train de regarder... le gouvernement est en train de vouloir confier les services publics à l'entreprise privée. C'est ça aussi, la dimension des partenariats. Et, si nos amis, nos collègues qui forment le gouvernement...

Une voix: ...

M. Lelièvre: Si les députés qui ont des choses à dire, du côté gouvernemental, veulent prendre la parole, on peut toujours leur permettre de le faire, Mme la Présidente, les inviter à le faire. J'entends le député de... je pense que c'est de Laval-des-Rapides. Non? Alors, il semble vouloir dire des choses. Alors, Mme la Présidente, j'aimerais ça l'entendre, lui, entendre sa position concernant ces partenariats. Qu'est-ce qu'il a à dire, hein, qu'est-ce qu'il a à dire aux travailleurs du secteur public? Qu'est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a à dire aux travailleurs du secteur public? Lui qui était, à l'opposition, un député qui se battait pour les causes sociales, et, aujourd'hui, il va voter en faveur de ce projet-là.

Mme la Présidente, je suis estomaqué, estomaqué de voir la métamorphose qui s'opère chez mes collègues, dans le sens qu'à l'époque on était pour le développement des droits sociaux. Je l'ai entendu à plusieurs reprises intervenir au niveau de la santé. Mais est-ce qu'il sera d'accord, le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour qu'on privatise les hôpitaux, qu'on fasse des partenariats? Qui seront les véritables gérants des institutions? Est-ce qu'on va aller dans les établissements d'enseignement? Est-ce qu'on va devenir comme le régime américain? Il y a des réseaux d'écoles privées où les frais de scolarité, dès le primaire, sont exorbitants, inaccessibles à... Et effectivement... Et je vous invite à lire Le Monde diplomatique du mois de novembre, un dossier très, très, très éloquent sur l'organisation des réseaux à partir des écoles aux États-Unis. Donc, peut-être que mes collègues d'en face pourraient aussi en prendre connaissance.

Alors, Mme la Présidente, conflit au niveau de la mission, puisque le secteur privé...

Une voix: ...

n(20 h 20)n

M. Lelièvre: ... ? pardon? ? puisque le secteur privé vise uniquement le profit, alors que le rôle de l'État est d'assurer des services de qualité aux citoyens. C'est ça, le rôle de l'État.

Et les services n'y échapperont pas, les services n'y échapperont pas, comme la construction. La ministre nous disait, en commission parlementaire: La 407, l'autoroute 407 qui avait été construite, jamais, jamais ça n'a été un projet de partenariat... Il y a des gens qui viennent, en commission parlementaire, dire, hein... Les membres du Conseil canadien des sociétés publiques-privées ont confirmé que l'autoroute a été l'objet d'un PPP, d'un partenariat public-privé. Il y a eu des dépassements de coûts. L'entreprise privée a décidé d'augmenter les tarifs au niveau de l'autoroute. Le gouvernement ontarien s'y est opposé, et ils sont en cour présentement. Alors, est-ce que c'est à ce genre de gestion à laquelle on doit s'attendre?

Et de voir que dans le fond ce n'est pas grave, les entreprises vont s'organiser pour aller chercher quand même l'argent dans les poches des contribuables et d'autre part vont faire des bénéfices. Mais on est loin du compte, là. Lorsqu'on nous dit que les PPP seront une source de financement pour le gouvernement... Parce que le gouvernement, semble-t-il, n'a pas d'argent. Par ailleurs, on a dit que, le 500 millions qu'on est allé chercher dans la santé, on ne le mettra pas dans la santé, donc il y a au moins 500 millions de disponibles, le 103 millions de bourses qui a été transformé en 103 millions de prêts pour les étudiants, que le ministre de l'Éducation... ? 103 millions, c'est bien ça ? 103 millions que le ministre de l'Éducation a transformés également en endettement. Est-ce que c'est ce genre de services auxquels on peut s'attendre dans le futur? Est-ce que c'est à ça qu'on doit s'attendre pendant le séjour du Parti libéral au pouvoir?

Mme la Présidente, semble-t-il, dans la revue L'actualité du mois de décembre, on rapporte l'existence très secrète des marchés financiers secondaires des PPP en Europe, et des hôpitaux ou des écoles, les hôpitaux se négocient sur le marché noir. Mme la Présidente, comment le gouvernement et les députés, hein, les députés de leur formation politique pourront voter en âme et conscience pour ce projet de loi? Ils doivent demander à la ministre responsable du Conseil du trésor de s'engager personnellement qu'il n'y ait pas de ratés là-dedans. Ils doivent lui demander, là, de vous faire la description exactement de ce qui s'est passé.

Parce qu'elle a beau dire, en commission parlementaire, que nous aurons de petits projets et que les petits projets, ce sera laissé aux organismes, mais que les grands projets, ça va être laissé à ceux qui veulent faire de l'argent puis des gros projets... En commission parlementaire, elle a tenté de nous rassurer, mais son projet de loi ne dit pas ça, son projet de loi nous dit: C'est tout projet. L'article 8, là, il n'y a pas personne qui peut passer à côté. Une fois que le projet de loi sera adopté, là, c'est tous les organismes, tous les organismes qui vont devoir se soumettre au diktat de l'agence. Et l'agence, bien c'est la ministre qui va être responsable, j'imagine, de s'assurer du bon fonctionnement, parce que le président du Conseil du trésor est responsable de l'application de la loi éventuellement qui sera votée. Alors, tous les contrats, tous les engagements vont passer par le président du Conseil du trésor, tous, tous, tous.

Alors, Mme la Présidente, vous me faites signe qu'il me reste 31 quelques secondes, malheureusement. On aura l'occasion de reparler encore une fois du projet de loi avec la ministre, parce que certainement qu'elle va vouloir qu'on étudie son projet de loi en commission parlementaire article par article. Alors, je suis convaincu, Mme la Présidente, pour atteindre nos 20 minutes, que la présidente du Conseil du trésor se fera un plaisir d'échanger avec nous en commission parlementaire.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, comme prochain intervenant...

Une voix: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Une question de règlement en vertu de l'article 213, M. le député de Frontenac.

M. Lessard: Est-ce que le député accepterait une question sur le propos qu'il vient de livrer?

La Vice-Présidente: M. le député de Gaspé, accepteriez-vous de répondre, en vertu de l'article 213, à une question posée par le député de Frontenac? Alors, M. le député de Frontenac, posez votre question.

M. Lessard: Merci beaucoup. Est-ce que le député est contre la notion de profit? Et, comme il a dit, est-ce qu'il associe le profit à des malversations?

La Vice-Présidente: M. le député de Gaspé, s'il vous plaît.

M. Lelièvre: ...Mme la Présidente. Je suis en faveur du profit pour des gens qui opèrent des entreprises mais non pas bradent les services publics. Ce que l'État veut faire, la présidente du Conseil du trésor, c'est de confier à l'entreprise privée tous les services, tous les projets d'infrastructures, de créer un réseau parallèle. C'est ça qu'elle veut faire, la présidente du Conseil du trésor. Et, par la suite, qu'est-ce qui va arriver? Bien, la malversation, effectivement. Ça s'est fait ailleurs. Et, lorsqu'il y aura des dossiers, il y aura des projets où la compétition sera féroce, vous l'avez vu dans le passé au niveau des municipalités, il y a eu des débordements, et je prédis qu'il y en aura aussi, et la ministre viendra nous rendre compte en commission parlementaire, puisqu'elle sera responsable de l'agence.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Du calme, s'il vous plaît. À l'ordre, mesdames messieurs. Comme prochain intervenant, je reconnais le député de Labelle. À vous la parole.

M. Sylvain Pagé

M. Pagé: Merci. Merci, Mme la Présidente. Un peu à l'instar de mon collègue député de Gaspé, moi, je suis issu du privé, et effectivement la notion du profit, c'est important, mais là où le privé a sa place et où la notion du profit a sa place. Lorsqu'on parle de bien commun et de services publics, c'est autre chose, et je pense que tout le monde devrait le comprendre. Alors, j'interviens donc, ce soir, Mme la Présidente, à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 61 appelé Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

Il faut dire, Mme la Présidente, qu'à ce moment-ci et en vertu du projet de loi, tel qu'il est rédigé, nous, de l'opposition, bien sûr on s'oppose à ce projet de loi. Est-ce nécessaire de vous rappeler que les partenariats public-privé constituent une des pièces importantes de la réingénierie de l'État telle que proposée par ce gouvernement? Or, dans sa forme actuelle, le projet de loi ouvre tous azimuts les services publics à la privatisation, et ce, sans la moindre contrainte. Et c'est là justement, Mme la Présidente, que l'opposition officielle, tout comme la très grande majorité des intervenants en commission parlementaire, où nous disons: Non, où nous disons: Attention, où nous disons: Danger. En ce sens, ce projet de loi s'inscrit en continuité avec l'amendement de l'article 45 du Code du travail et avec le dépôt des offres patronales qui exigent plus de mobilité de la main-d'oeuvre dans le cadre de la négociation des conventions collectives des employés de l'État. Et vous vous souviendrez, tout comme moi, Mme la Présidente, que, l'automne dernier, l'article 45, quand on a ouvert l'article 45, ça a tenu lieu premièrement à un bâillon et à nombreuses contestations.

Avant d'aller sur le fond des choses, je ne peux passer sous silence la façon dont le gouvernement a mis la table à ce projet de loi. Ainsi, la présidente du Conseil du trésor a entamé le processus menant au dépôt du projet de loi n° 61 en retenant les services de 13 firmes privées afin de définir et élaborer la réingénierie de l'État. Comme par hasard, comme par hasard, la plupart sont des proches de leur parti politique. Maintenant que ce travail est terminé, plusieurs d'entre elles sont déjà sur les rangs afin d'obtenir des contrats dans le cadre des PPP. Il est clair, dans ce processus de redéfinition du rôle de l'État, les firmes-conseils furent à la fois juge et partie. D'ailleurs, comme le disait Christian Rouillard, de l'Université d'Ottawa, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance et gestion publique, et là j'ouvre les guillemets, «commander des études sur l'à-propos des PPP, comme l'a fait la présidente du Conseil du trésor, à des consultants comme SECOR et CIRANO est aussi objectif que de confier une étude sur la libération conditionnelle à Maurice Mom Boucher», fermez les guillemets.

Une voix: ...

M. Pagé: Malgré l'inscription d'une définition plutôt restreinte... Est-ce que Mme la ministre veut intervenir à ce stade-ci?

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, là...

M. Pagé: Est-ce que je suis toujours sur mon temps...

n(20 h 30)n

La Vice-Présidente: ...la seule personne qui a la parole à cette heure-ci, c'est le député de Labelle. Je vous demande votre collaboration, madame.

M. Pagé: Mme la Présidente...

Une voix: ...

Mme Lemieux: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: La remarque de la présidente du Conseil du trésor était tout à fait déplacée à l'égard du député de Labelle. Il a le droit de s'exprimer. Il est un élu. Et je ne crois pas que ce soit pertinent d'entendre ce genre de propos aujourd'hui et ce soir.

La Vice-Présidente: Je peux vous dire que les propos de la personne que vous mentionnez n'ont pas été enregistrés, je ne les ai pas entendus. Alors, je vous demanderais, M. le député de Labelle, de poursuivre. Et je vous demande à vous tous votre collaboration.

M. Pagé: En fait, Mme la Présidente, si la ministre veut traiter certains députés d'ignorants, elle peut venir dans notre circonscription, et on pourra en débattre avec plaisir. Merci, Mme la ministre.

Alors, malgré l'inscription d'une définition plutôt restreinte, le projet de loi prévoit explicitement à l'article 6 que la livraison des services publics ? j'ai bien dit «la livraison des services publics» ? est envisagée dans le cadre des partenariats public-privé. De ce fait, Mme la Présidente, j'aimerais ici vous faire part d'une préoccupation largement partagée justement par mes citoyens dans ma circonscription, parce que, chez nous, l'environnement et la qualité de l'eau, c'est excessivement important, donc une préoccupation que je partage moi-même, soit concernant le dossier de l'eau et d'éventuels partenariats public-privé.

Plusieurs personnes sont inquiètes, voire même outrées, de constater qu'une des raisons évoquées par l'actuel gouvernement afin de privatiser la gestion des aqueducs et de l'eau au privé serait celle de faire économiser de l'argent à l'État. Vous le savez tout comme moi, Mme la Présidente, et les Québécois le savent également, l'eau est l'une des principales richesses du Québec. C'est aux sociétés civiles de décider de l'usage de l'eau, pas au secteur privé. L'eau est un bien public qui doit demeurer sous contrôle public. Et ça, je le répète, l'eau est un bien public qui doit demeurer sous contrôle public. Et à cet égard je suis profondément convaincu que ce sentiment est très largement partagé par l'ensemble des citoyens et citoyennes que nous représentons ici avec beaucoup de dignité à l'Assemblée nationale.

De plus, Mme la Présidente, ce n'est pas évident que l'État économiserait, tel qu'ils veulent bien le laisser entendre. Plusieurs exemples de privatisation, d'ailleurs notamment celle des compagnies d'eau en Angleterre ? je sais qu'on en a déjà parlé, mais, comme l'eau est une préoccupation, je veux en reparler ? montrent que la vente d'actifs de l'État au secteur privé n'est pas véritablement profitable tout simplement, tout simplement parce que l'État se doit habituellement de rayer les dettes des compagnies qu'elles désirent vendre tout en transférant d'éventuelles liquidités aux nouveaux propriétaires. D'autre part, les services d'eau privatisés sont souvent sous-capitalisés, ce qui fait que les pouvoirs publics sont tenus soit d'injecter des capitaux considérables soit d'octroyer régulièrement des subventions afin de maintenir les normes et la qualité.

Le gouvernement actuel donne également comme raison que des investissements importants seront nécessaires, lors des prochaines années, afin de maintenir et d'améliorer les réseaux de distribution d'eau. Le privé, semble-t-il, serait un partenaire nécessaire afin de trouver et fournir ces investissements. Les faits, Mme la Présidente, sont que les entreprises privées sont davantage intéressées à augmenter leur marge de profit qu'à investir dans l'entretien et la réfection des réseaux de distribution d'eau. Par ailleurs, la capacité du privé à lever rapidement du capital n'est pas nécessairement plus grande que celle de l'État, qui peut facilement émettre des obligations d'épargne et qui possède des cotes avantageuses par rapport à l'entreprise privée. À cet égard, rappelons que l'État emprunte à bien meilleur taux que les compagnies privées, ce qui veut dire que l'État a déjà un avantage concurrentiel sur le privé et que celui-ci se doit d'économiser ailleurs afin de se rentabiliser et de donner des profits à ses investisseurs.

Finalement, les entreprises bénéficient d'allégements fiscaux ainsi que d'avantageux programmes de subventions de la part de l'État pour leurs investissements en infrastructures et en recherche et développement. Cela signifie donc qu'en bout de ligne les contribuables paient pour leurs investissements, pour les investissements de ces entreprises. Pour en témoigner, entre 1992 et 1996, les investissements en immobilisations des quatre premières entreprises d'eau anglaises ont constamment diminué, alors pourtant que les dividendes aux actionnaires augmentaient. Par ailleurs, l'exemple à Yorkshire, où des consommateurs ont pâti du mauvais entretien des canalisations lors de la sécheresse de 1995, nous porte à conclure que la réfection, l'amélioration et l'entretien des réseaux n'est pas la priorité des entreprises privées, puisqu'il n'y a pas de gain à court terme.

Une autre raison, Mme la Présidente, est sous-entendue à ce projet de loi. C'est que le privé est plus efficace et plus efficient que le public et pourrait rendre de meilleurs services à la population. L'idée voulant que les entreprises privées soient plus efficaces et efficientes que les administrations publiques est loin d'être vérifiée. La théorie veut que la compétition entre les entreprises force ces dernières à être performantes.

Or, les entreprises de distribution d'eau sont, de par leur nature, des entreprises monopolistiques. Les incitations à la performance sont donc absentes, pour des raisons fort simples. Premièrement, l'eau est un produit qui ne peut pas être substitué par un autre, et les gens sont obligés d'en consommer, ce qui assure au vendeur bien sûr des ventes constantes. Et, deuxièmement, les consommateurs sont captifs et ne peuvent changer de distributeur, les entreprises vendant de l'eau n'ont donc pas à offrir de bons services et des prix compétitifs afin de s'attirer plus de clients. Par ailleurs, les consommateurs devront payer, à l'intérieur de leur facture d'eau, les coûts administratifs de leur perception de facture ainsi que les profits de l'entreprise. Une fois encore, la seule façon pour les entreprises monopolistiques d'augmenter leur marge de profit sera de couper dans le processus de traitement des eaux et dans les conditions de travail des employés ou encore augmenter les prix, bien sûr.

Finalement, et c'est loin d'être négligeable, Mme la Présidente, les entreprises privées, répondant à la logique du marché, n'ont pas intérêt à fournir des services optimums aux populations éloignées des grands centres à cause des coûts supplémentaires que cela entraîne. Ainsi, les consommateurs anglais ont vu leur facture d'eau augmenter de 55 % ? 55 % ? durant les quatre années qui ont suivi la privatisation. Est-ce que c'est ça qu'on souhaite, au Québec? Pas certain. Sans oublier que ces entreprises avaient une politique de recouvrement tellement agressive qu'en 1999 le gouvernement britannique s'est vu dans l'obligation de voter une loi empêchant l'interruption des services d'approvisionnement en eau potable.

Un autre cas, Mme la Présidente. À l'été 1995, les citoyens justement de cette même municipalité ont vécu une grave pénurie d'eau causée par une sécheresse. Toutefois, la compagnie continuait à rétribuer généreusement aux dirigeants et actionnaires plutôt que d'investir dans la réfection des aqueducs désuets du début du siècle. L'ensemble du système est si défaillant que 29 % de son eau traitée se perd entre l'usine et le consommateur. En clair, une réfection adéquate aurait pu permettre de prévenir le problème grave de pénurie d'eau. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que pour nous les intérêts de la population doivent passer avant ceux de quelques actionnaires.

Quand je disais tantôt, que tout ce qui est sécurité et santé publique, il ne faut pas que ce soit soumis aux PPP, un tout petit exemple. Parce qu'un maire la semaine dernière, d'une municipalité chez moi, une petite municipalité, me faisait état justement d'un PPP, un exemple qu'ils ont vécu depuis deux hivers. Ils ont donné à une entreprise privée le contrat d'entretenir les chemins dans une municipalité, à peu près une quarantaine de kilomètres de petits chemins de campagne. Le premier hiver, parce que c'était une enveloppe fermée, les gens de la municipalité... la municipalité a reçu plusieurs plaintes. Ils ont été obligés d'appeler l'entrepreneur privé à maintes occasions pour lui demander de passer un peu plus souvent, évidemment de passer un peu plus de sel et de sable. L'année suivante, pour ne pas se faire prendre, ils l'ont mis à l'heure. Ils ont été obligés de l'appeler ensuite pour lui demander de passer moins souvent. Parce que l'intérêt de l'entreprise, c'est de faire de l'argent. Alors, quand la santé et la sécurité des citoyens est en cause, je pense qu'il faut exclure les partenariats public-privé.

n(20 h 40)n

Alors, revenons à la problématique de l'eau, parce que je veux compléter. Mme la Présidente, à la lumière des études de Gaétan Breton, Riccardo Petrella, et Léo-Paul Lauzon, et d'autres, il apparaît clairement que la privatisation des réseaux de distribution de l'eau ne peut avoir que des effets néfastes pour la population. Ça, c'est ce que les gens sont venus nous dire en commission parlementaire. De plus, malgré les privatisations, ce sont en grande partie des deniers publics qui servent à financer les dépenses en investissements essentiels au bon maintien du réseau.

Ainsi, l'expérience internationale tend à démontrer que les clients de ces entreprises nouvellement privatisées voient le coût de leurs factures d'eau augmenter de façon phénoménale, tout en voyant la qualité du service diminuer évidemment parce que les gens visent à faire du profit. En France, de nombreux actes illégaux ont par ailleurs été commis par les trois principales compagnies d'eau, et semble-t-il que c'est justement celles-là mêmes qui seraient intéressées à prendre charge de certains services publics au Québec.

Mme la Présidente, la privatisation est loin de contribuer à la création de la richesse au sein de la société. Alors qu'un des arguments des chantres de la privatisation est la possibilité pour l'ensemble de la population de se procurer des actions des compagnies nouvellement privatisées et ainsi participer à la distribution des revenus, on constate qu'en Angleterre 0,4 % des actionnaires possèdent 74 % des actions des entreprises d'eau. Bref, Mme la Présidente, la privatisation des réseaux de distribution d'eau ne présente que des désavantages pour les consommateurs mais est fort avantageuse pour les grandes entreprises privées. Pour moi, Mme la Présidente, cette chose est non pertinente, inconcevable et tout à fait inadmissible.

Finalement, la privatisation ouvre la porte à la prise de contrôle de l'industrie par des entreprises étrangères, vous le savez, Mme la Présidente. Est-ce que c'est cela que les citoyens québécois veulent? Est-ce que la société québécoise est prête à accepter la mainmise des entreprises transnationales sur une ressource à laquelle chacun devrait avoir droit? Je pense que la question est légitime et elle se pose, et la poser directement à la population, vous aurez, je pense, une réponse sans équivoque. Et M. Petrella qui disait justement au Devoir: «On ne peut pas accepter que le droit à la vie n'appartienne pas à tout le monde.» C'est un principe qui est juste, qui est noble. «On ne peut pas accepter que le droit à la vie n'appartienne pas à tout le monde.» J'espère que Mme la ministre pourra retenir cette phrase.

Je veux porter à l'attention aussi de la population et des parlementaires un autre élément extrêmement troublant et qui m'apparaît risqué à la fois. Lors des audiences tenues au cours des dernières semaines, des lumières rouges ? pas dans le sens d'un parti politique, dans le sens: arrêtez, attention, faites attention ? des lumières rouges ont notamment été allumées par plusieurs organismes relevant de l'Assemblée nationale. Et quels sont ces organismes? Le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, le Commissaire du lobbyisme et le Vérificateur général, quatre organismes gouvernementaux non partisans qui sont venus justement dire: Attention!

Ces quatre organismes demandent effectivement que le projet de loi soit ou bien retiré ou bien transformé de façon à en réduire considérablement la portée tout en assurant plus de transparence, d'éthique et d'imputabilité. Ils font également une importante mise en garde à la présidente du Conseil du trésor, qui veut confier au secteur privé une trop grande part des activités de l'État. Ils craignent que l'intérêt des grandes entreprises passe avant l'intérêt de la population, la privant du contenu de ces partenariats. D'ailleurs, je vous ferai remarquer qu'ils ne sont pas les seuls. Près de 80 % des 40 groupes s'étant présentés à la commission parlementaire dénoncent ce genre d'arrangement avec le gouvernement.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi est une véritable machine à créer des partenariats public-privé à laquelle n'échappera aucun secteur de l'État ? alors ça, c'est ce que les gens doivent comprendre, aucun secteur de l'État. Pourtant, partout dans le monde où des PPP ont été expérimentés, les premiers bilans sont extrêmement critiques. On compte de nombreux échecs dans divers secteurs et des coûts extrêmement élevés pour les gouvernements.

En terminant, il m'apparaît que la ministre, présidente du Conseil du trésor, doive refaire ses devoirs et s'assurer de répondre clairement aux interrogations qui ont été soulevées, aux problèmes jusqu'ici également mentionnés par la majorité des intervenants, notamment en commission parlementaire, aux questions très sérieuses à l'égard de la perte évidente et dangereuse de transparence. Elle doit aussi reconsidérer les partenariats public-privé lorsque ceux-ci se retrouvent dans la livraison directe des services publics.

Alors, pour des motifs que je viens de citer, Mme la Présidente, et pour tous les autres que mes collègues ont, je pense, d'une façon fort éloquente, mentionnés, vous comprendrez que je n'appuie pas le projet de loi n° 61 et qu'à plusieurs égards il est un projet de loi risqué, dangereux et doté d'un manque flagrant de transparence. J'aurais aimé, si le temps m'avait permis, de vous faire la lecture justement de la lettre que le Vérificateur général envoyait à la présidente du Conseil du trésor, où il lui mentionnait, lui aussi, que ce projet de loi manque tout à fait de transparence. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le député de Labelle. Y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi n° 61?

Mme Lemieux: Mme la Présidente, je vais demander un vote par appel nominal.

La Vice-Présidente: Un instant, avant de demander un appel par vote nominal, vous me permettrez de mettre aux voix la motion. Alors, le principe du projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, conformément à l'article... Là, vous avez demandé le vote par appel nominal?

Une voix: Bien, ils ne l'ont pas fait.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Demandez-le.

La Vice-Présidente: Non, elle ne l'a pas demandé encore. Je regrette, là. Alors, est-ce qu'il est adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Lemieux: Mme la Présidente...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Un moment, s'il vous plaît! Une personne à la fois. Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: Je demande un vote par appel nominal.

La Vice-Présidente: Vote par appel nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes du mercredi 1er décembre 2004.

Vote reporté

La Vice-Présidente: Alors, conformément à la demande de la leader adjointe du gouvernement, le vote sera reporté après la période des affaires courantes, demain, le 1er décembre. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des finances publiques pour étude détaillée.

La Vice-Présidente: Mme la leader adjointe du gouvernement, vous ne pouvez pas demander le report, puisque le vote n'a pas encore été tenu. Alors, nous allons attendre après le vote demain avant de faire cette motion, si vous voulez bien. Je suis prête à vous reconnaître immédiatement, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente, pour vos judicieux conseils. Je vous demanderais d'appeler l'article 13 de notre ordre du jour, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 80

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Merci, madame. Alors, à l'article 13 de notre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur la police. Alors, comme premier intervenant, je suis prête à reconnaître le ministre de la Sécurité publique. À vous la parole.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la Présidente, ce soir, nous étudions le principe du projet de loi n° 80. Le projet de loi n° 80 vient toucher en fait deux éléments importants dans l'organisation des services policiers.

Le premier, peut-être légèrement moins important, va faire en sorte d'éviter qu'à l'avenir le Conseil des ministres soit tenu par décret d'adopter toutes les promotions de tous les officiers de la Sûreté du Québec. Alors, dans l'avenir, nous souhaitons davantage faire en sorte que les officiers de la Sûreté du Québec soient nommés par le directeur général de la Sûreté, bien entendu, et par le ministre plutôt que par le gouvernement, ce qui fera en sorte que désormais lieutenants, capitaines, inspecteurs, inspecteurs-chefs seront nommés par le directeur général de la Sûreté du Québec et par le ministre de la Sécurité publique. Le gouvernement, quant à lui, évidemment nommera le directeur général de la Sûreté du Québec et nommera aussi évidemment les directeurs généraux adjoints qui sont des adjoints, des membres de l'état-major de la Sûreté du Québec.

n(20 h 50)n

L'autre aspect du projet de loi, qui est assez différent, est un peu percutant et un peu plus intéressant, je dirais, touchera la déontologie, vient toucher à la déontologie policière. Le Code de déontologie des policiers date, ma foi, d'il y a 16 ans. En 1988, on a adopté le Code de déontologie policière. On l'a certainement modifié quelques fois. On l'a modifié effectivement en l'an 2000, qui est peut-être l'autre date importante. Au moment où on a adopté la Loi de police, on a aussi évidemment mis sur pied la Commission de déontologie et le Comité de déontologie.

Cette étape marque un tournant dans l'histoire du développement des services déontologiques policiers au Québec. Et ces deux mesures, ces mesures évidemment font en sorte de nous assurer qu'aujourd'hui on puisse regarder, après l'expérience de quelques années, comment on peut faire pour assouplir le modèle de déontologie. L'initiative que le gouvernement propose aujourd'hui est une initiative qui repose sur des demandes, qui datent depuis plusieurs années, des associations policières qui estiment qu'elles ne sont pas traitées avec correction, qu'elles ne sont pas traitées correctement et que les difficultés que pose la non-réhabilitation des actes déontologiques entraînent des problèmes pour les policiers qui veulent assumer des fonctions supérieures puis qui veulent assumer généralement des promotions. Or, évidemment, l'octroi d'un pardon, l'octroi d'une réhabilitation doit se faire avec le plus grand soin, comme vous vous imaginez bien, madame, et doit se faire aussi avec jugement. Alors, c'est ce que l'on retrouve dans le projet de loi n° 80. Enfin, on vient baliser l'ensemble de l'organisation de ce pardon, de cette réhabilitation.

Le projet de loi prévoit un processus assez strict pour encadrer la délivrance d'une attestation de réhabilitation. Pour être admissible à la demande d'un policier ou d'une policière, il faut savoir satisfaire aux critères suivants. Et je vais vous les énumérer. Je pense que, dans le cadre de l'adoption de principe, il faut le faire, c'est le lieu pour le faire.

D'abord, les demandes sont recevables trois ans après l'exécution de la sanction, lorsque cette dernière consistait en un avertissement, une réprimande ou un blâme, et cinq ans ? non pas trois ans mais cinq ans ? après l'exécution de la sanction, lorsque cette dernière consistait en une suspension ou une rétrogradation. En deux mots, il y a un effet de levier, il y a un effet de temps qui est un peu plus grand eu égard à l'importance de la sanction. Aucune demande de réhabilitation ne sera acceptée par la suite de l'exécution d'une sanction qui consistait en une destitution. Deuxième critère, la personne ne devrait pas avoir d'antécédents judiciaires. Les policiers, là, ne devraient pas avoir d'antécédents judiciaires. Troisièmement, la personne ne devra pas faire l'objet d'une poursuite pour une infraction criminelle. Quatrièmement, la personne ne devra pas faire face à d'autres plaintes en déontologie, des plaintes qui pourraient être en cours au moment où on demanderait la réhabilitation. La personne ne devra pas être en attente d'une révision d'une décision du Commissaire à la déontologie la concernant. La personne ne devra pas faire l'objet d'une citation devant le comité. La personne ne devra pas être en attente du résultat d'un appel logé devant la Cour du Québec ou d'une décision du comité la concernant. Et finalement la personne ne devra pas être sous le coup d'une autre sanction.

C'est des éléments qui viennent encadrer cette formule de réhabilitation. C'est des éléments qui sont importants mais qui viennent encadrer la réhabilitation dont on parle, le pardon déontologique. C'est mieux de s'exprimer comme ça, parce que, même si ce n'est malheureusement pas français, c'est la façon dont le plus de gens le comprennent. Le mot français le plus clair, le mot le plus direct et le plus juste, c'est le mot «réhabilitation». Par contre, plus de gens comprennent l'expression du mot «pardon», davantage de monde comprennent l'expression du mot «pardon» que l'expression française du mot «réhabilitation», qui, en anglais, veut dire tout autre chose.

Par ailleurs, toutes les demandes devront être déposées au greffe du Comité de déontologie. Le greffier verra à ce que les demandes respectent les critères établis, les critères que je viens d'évoquer. Non seulement ces critères permettront-ils que les demandes soient traitées dans le respect des règles de justice naturelle, mais le projet de loi propose d'aller encore plus loin en mandatant le Comité de déontologie policière afin qu'il apprécie à sa juste valeur chacune des demandes de réhabilitation et qu'il octroie au mérite une attestation de réhabilitation.

Le comité pourra aussi requérir tout document, toute espèce de document qu'il jugera opportun pour la décision qu'il devra prendre. Et également il pourra aussi établir une séance afin de s'assurer du bien-fondé d'une demande, et ça, dans le respect des règles de preuve que l'on connaît, qui sont les règles de preuve de justice naturelle qu'on appelle généralement la règle audi alteram partem. Ces procédures seront élaborées par le comité et approuvées par un règlement du gouvernement.

Une fois octroyée, une attestation de réhabilitation n'aura pas pour effet évidemment d'effacer les faits passés. Elle rétablira la réputation des individus et permettra de rendre inopposables ? et c'est là l'importance ? elle permettra de rendre inopposables aux policiers et aux policières des actes dérogatoires pour lesquels ils auront obtenu une réhabilitation.

Finalement, la réhabilitation déontologique sera révocable à la demande du Commissaire à la déontologie policière s'il est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu, aurait pu justifier une décision différente. En deux mots, si on avait connu un fait qui a été caché ou enfin qui était inconnu, on pourrait éventuellement faire une révocation de cette réhabilitation. Évidemment, on parle de cas extrêmement rares.

Il faut savoir que, particulièrement depuis 1997... J'ai déposé le rapport de la déontologie policière la semaine dernière ou il y a deux semaines, Mme la Présidente, et, dans ce rapport, on constate qu'un peu plus de 85 % des cas de plaintes de citoyens à l'égard de policières ou de policiers se règlent à la Commission de déontologie qui, par le processus normal, un processus de conciliation entre le citoyen et le policier, fait en sorte que parfois le policier doit s'excuser, et le citoyen accepte les excuses d'un policier, et la chose ne va pas plus loin. Toutefois, il y a 15 % des objets des plaintes, chez la Commission de déontologie, qui doivent et qui méritent d'être étudiés. Et, parmi ces plaintes éventuellement quelques-unes se rendent au Comité de déontologie. Plusieurs des plaintes qui sont reçues ? l'autre 15 % ? plusieurs des plaintes qui sont reçues sont parfois déclarées soit frivoles, soit... et parfois elles sont déclarées tout à fait pertinentes. Et le Comité de déontologie, plus tard, va les juger.

Grosso modo, un comité de déontologie doit voir à peu près entre 70 à 80 plaintes par année de policières et de policiers au Québec. Et c'est de cela dont on parle aujourd'hui, faire en sorte de permettre à ces policières et ces policiers qui ont connu, dans l'espace de leur carrière, une faiblesse, faire en sorte que nous puissions comme société, comme nous le faisons à tous égards dans d'autres domaines, leur permettre un pardon ou, plus français ou d'une façon plus française, une réhabilitation de leur manquement déontologique. Et c'est là l'objet que cherche à corriger ce projet de loi, faire en sorte de répondre à des demandes d'associations policières et demandes de policiers et de policières qui de bonne foi ont parfois évidemment eu un écart et que cet écart leur soit pardonné de façon à ce que leur carrière ne soit pas abîmée par ce problème qu'ils ont déjà eu dans leur vie professionnelle. Voilà l'objet, madame, du projet de loi qui nous concerne. Merci.

n(21 heures)n

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le ministre. Comme prochain intervenant, je serais prête à reconnaître le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique. À vous la parole.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, comme vous et comme mes collègues qui sont ici, ce soir, et comme les gens qui sont à l'écoute, j'ai entendu le ministre présenter en fait les deux principes, les deux axes du projet de loi qui est devant nous.

Et d'entrée de jeu je peux vous dire qu'a priori c'est ce que j'ai dit au ministre quand, la première fois, il m'a parlé de ses intentions, que j'étais plutôt sympathique aux deux propositions. Parce que, dans le cas du pardon et de la réhabilitation ? mais je vais revenir tantôt, malgré tout, sur certains problèmes ? je crois que n'importe qui qui a fait une faute et qui a payé pour cette faute-là a le droit de poursuivre sa vie quand un temps raisonnable s'est écoulé entre le moment où la faute a été commise, où elle a été sanctionnée, puis par la suite où on reconnaît qu'il y a un temps suffisant qui s'est écoulé pour qu'on puisse passer à autre chose. C'est tellement vrai. Et je comprends que les policiers l'aient demandé parce que, bon, ce sont les gens qui, dans notre société, côtoient les délinquants, les criminels, ceux qui posent des gestes criminels et qui ont le droit, en vertu de la loi ? je pense, c'est la loi fédérale ? d'obtenir un pardon, un véritable pardon, c'est-à-dire que leur dossier criminel est effacé et que, dans ce contexte, ils sont en mesure de faire en sorte qu'après un temps qui a été encore là établi par la loi les gens puissent continuer ou redevenir des citoyens sans être handicapés pour le reste de leur vie avec un casier judiciaire qu'ils traînent toute leur vie.

Et, là aussi, il y a des conditions qui sont établies pour encadrer ces demandes, pour évaluer leur validité, et puis éventuellement porter un jugement sur l'à-propos ou pas d'accorder le pardon. Je suis d'accord avec le ministre sur l'utilisation du vocabulaire, mais je veux faire la distinction justement pourquoi je vais continuer à utiliser le mot «pardon» par rapport à la réhabilitation, à cause du projet de loi. C'est qu'au mois de mai dernier le ministre est allé devant le congrès ? il y a un espèce de grand congrès des syndicats policiers; ils font un espèce de sommet, c'était leur troisième au mois de mai dernier ? et le ministre, à ce moment-là, leur a dit qu'il était d'accord avec cette demande-là. Il a dit: Je vais demander à mon sous-ministre de regarder ça puis de faire en sorte que finalement les fautes graves des policiers pourraient être exclues mais qu'on puisse accéder à cette revendication-là. Et tout le monde a compris dans le milieu policier que finalement ils obtiendraient ce qu'ils avaient demandé depuis longtemps déjà, c'est-à-dire un pardon qui efface de leur dossier professionnel, comme les criminels, comme les gens qui ont commis des infractions criminelles voient effacé, voient blanchi leur casier judiciaire. Eux avaient compris que c'était en quelque part la même chose qu'ils auraient à l'égard de leur faute professionnelle. Et ils ont un peu été surpris et, bon, ils m'en ont parlé.

Je suis critique de l'opposition officielle, alors c'est ma responsabilité. Puis c'est normal qu'on parle, à ce moment-là, à l'opposition. J'imagine que peut-être le ministre a lui-même entendu parler de ces commentaires-là. Ils ont dit: Bien, pourquoi on ne nous accorde pas un vrai pardon? Dans leur esprit... Parce que ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a un certificat de réhabilitation qui est émis après le processus franchi et décrit par le ministre et avec lequel je suis d'accord. Je pense que les balises qu'on retrouve dans le projet de loi sont correctes.

La question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce qu'on accepte le fait qu'on laisse, dans le dossier, une présence des actes passés, donc certificat de réhabilitation, et ça veut dire, dans la traduction de ce que le projet de loi dit, il reste une trace? Ou est-ce qu'on veut aller jusqu'à accorder un pardon qui, dans l'esprit des gens qui demandaient ça depuis des années, c'était un pardon de la même façon que des gens qui ont commis des infractions criminelles peuvent en obtenir? Alors, bon, il y a du pour et il y a du contre. Et, moi, a priori je vais vous dire, je suis plutôt favorable. Je me dis: C'est très difficile d'expliquer à des policiers pourquoi eux verraient leur carrière handicapée, même si le ministre dit: Bon, en fait, le fait est que le certificat de réhabilitation va faire en sorte qu'on ne pourra pas invoquer la trace de leurs infractions passées pour l'avenir. Mais le fait est qu'il va rester, dans le dossier, une trace et que ce n'est pas un effacement total de la faute professionnelle, déontologique qui leur a été reprochée dans le passé et pour laquelle ils ont eu à subir une sanction qui n'est d'ailleurs pas la condamnation à mort parce que finalement la sanction majeure pour un policier, c'est le congédiement.

Et on s'entend tous que, quand quelqu'un est congédié, c'est parce que la faute est tellement grave qu'il n'a plus la capacité d'avoir la confiance non seulement des autorités, mais des citoyens pour continuer à exercer un métier aussi important dans la société que le métier de policier. Et c'est la raison pour laquelle finalement j'ai demandé au ministre... Et je reconnais qu'il l'a accepté. Je trouve que c'est comme ça qu'on devrait toujours procéder. Malheureusement, dans notre Parlement, comme dans beaucoup d'autres Parlements, on est souvent pris dans une dynamique partisane excessive qui fait en sorte qu'on n'a pas toujours gain de cause sur des demandes qui sont pourtant très simples et très normales. J'ai demandé au ministre: Écoutez, bon, il y a des réticences, il y a des objections; moi, j'aimerais comprendre plus. Et j'ai dit: Écoutez, on devrait entendre les syndicats policiers, c'est eux qui font ces demandes-là depuis plusieurs années. Et je pense que, dans un deuxième temps, je lui ai même demandé d'ajouter des organismes à la liste. Il a aussi accepté.

Donc, je pense qu'il va y avoir le Comité de déontologie, la Sûreté du Québec, et puis, je crois, également un autre organisme ? attendez ? ici, là, le Commissaire à la déontologie, puis, je pense, la Protectrice du citoyen. Alors, on va pouvoir évaluer dans le fond les raisons pour lesquelles est le bien-fondé du maintien par le ministre de cette idée de conserver, dans le dossier, une trace plutôt que d'avoir opté pour ce que les policiers demandaient, eux, c'est-à-dire un pardon, dans leur vocabulaire, qui signifiait et qui signifie pour eux un effacement de la faute professionnelle de leur dossier.

Personne n'est naïf, là, hein, dans toute cette affaire-là. Quelqu'un qui a commis une faute professionnelle qui ne mérite pas un congédiement mais qui a été suffisamment grave pour l'amener à subir une rétrogradation ou une suspension, on sait comment ça fonctionne dans notre société, il y a souvent de ces événements-là qui font l'objet d'une affaire publique. Ça devient un événement public, médiatique, et on en parle beaucoup. Et je ne pense pas qu'il n'y a personne dans le milieu policier qui s'attend à ce que... On n'effacera pas les archives, on n'effacera pas la présence médiatique et publique d'un événement passé, sauf que, pour eux, ils considèrent que le simple fait qu'on va garder cette trace dans leur dossier professionnel, ce n'est pas dans le fond remplir l'engagement qu'ils avaient compris au mois de mai dernier.

Puis, je vais vous dire, je suis content que le ministre ait accepté parce que, même de notre côté, les opinions varient. Il y en a qui finalement trouvent que le fait de garder une trace, c'est-à-dire que le certificat de réhabilitation signifie que malgré tout, dans le dossier, si on ne peut plus lui invoquer, il va y avoir malgré tout, dans le dossier, le fait qu'il y aura eu un pardon, mais en fonction de quoi, puis etc. Et de l'autre côté il y a des gens qui partagent plus mon point de vue à l'effet que, si on l'accorde à des gens qui ont commis des actes criminels, on devrait aussi l'accorder à des policiers, d'autant plus que, comme je le disais, c'est assez difficile pour des policiers qui ont à traiter avec la réalité de la délinquance dans le fond d'avoir l'impression de subir un système de deux poids, deux mesures. Et on verra, dans les rencontres, les auditions particulières publiques que nous aurons en commission parlementaire, la semaine prochaine, si finalement il y a peut-être moyen de rapprocher les opinions ou si, dans les faits, elles ne sont peut-être pas si éloignées que ça. Je ne le sais pas. Mais je vois le ministre qui donne l'impression que ce n'est pas si éloigné. Ce n'est pas les échos que j'en ai.

Puis, quand je le lis, le projet de loi, c'est clair. Et ça, ça m'a frappé avant même d'avoir les points de vue des syndicats policiers. Quand j'ai vu le projet de loi par rapport à ce que le ministre m'avait dit, je trouvais qu'il y avait quelque chose. J'ai dit: Comment se fait-il que ce n'est pas un véritable pardon? Et, dans mon esprit à moi, comme dans l'esprit des citoyens en général, quand quelqu'un qui commet un acte criminel a un pardon, je veux dire, on efface son dossier. Il n'a plus de casier judiciaire. À la limite, son dossier criminel devient vierge. Et ce n'est pas le cas pour les policiers.

Alors, on verra. Mais c'est, je crois, un des problèmes que suscite dans le fond l'adoption de ce projet de loi là. Et encore là, bien, on le verra à l'occasion des audiences publiques que nous ferons la semaine prochaine, si on peut, une fois de plus, concilier les points de vue.

n(21 h 10)n

D'autre part, il y a le deuxième principe. C'est le principe de la promotion. Et encore là, d'entrée de jeu, je l'ai dit tantôt, je suis plutôt favorable. Je participais, la semaine dernière, à la remise des prix policiers du Québec et j'avais, à ma table, le directeur de la Sûreté du Québec puis le directeur de la police de Montréal. Le directeur de la Sûreté du Québec m'expliquait que, bon, pour lui, c'est essentiellement un problème de ? la vieille expression anglaise ? «red tape», c'est-à-dire qu'on veut raccourcir les délais. Et il m'expliquait aussi qu'en fonction des réaménagements policiers il y a eu beaucoup d'intégration de services policiers municipaux, puis à chaque fois, donc, ça a amené plus d'effectifs, il y a eu des déplacements. Quand une personne quitte l'état-major ou, disons, le niveau des officiers de la Sûreté, il y a toute une chaîne ? dominos ? qui se produit, et finalement on engage un nouveau, puis il y a toute une série de promotions qui se font.

Et évidemment, si chaque promotion doit être autorisée par le Conseil des ministres plutôt que par le directeur de la Sûreté avec, disons, en fait l'autorisation finale du ministre, on soutient que c'est plus simple, plus efficace et qu'en bout de ligne... Et, bon, pour avoir été au Conseil des ministres, je peux vous dire que je n'ai pas vu souvent des grands débats sur les nominations des officiers à la Sûreté du Québec. Mais certains de mes collègues m'ont dit que malgré tout, si, dans le passé, on avait jugé bon que ce soit le cabinet plutôt que le ministre lui-même, c'est peut-être qu'il y avait une bonne raison. J'ai essayé de la chercher, et la raison que quelques-uns de mes collègues invoquent, c'est de dire: Bien, écoutez, peut-être qu'à la limite ça a été fait pour protéger même le ministre de la Sécurité publique, parce qu'à ce moment-là, quand le directeur de la Sûreté du Québec lui présente des propositions de promotion, il n'est pas seul à porter la responsabilité et à la limite l'odieux d'un refus éventuel. Il a finalement le filtre et l'appui à quelque part du Conseil des ministres.

Bon. Est-ce que c'est un argument suffisant par rapport à l'argument qui est celui que le ministre a en tête et qui m'a été présenté par le directeur de la Sûreté du Québec? Encore une fois, le fait qu'on puisse entendre le directeur de la Sûreté du Québec la semaine prochaine, bien on pourra clarifier parce que, moi, je ne pense pas non plus qu'on doive avoir des processus qui sont des processus cosmétiques. Quand on met en place une réglementation ou quand on prévoit, dans une loi, un processus, l'objectif, c'est d'avoir de l'efficacité. Si, en bout de piste, c'est juste pour donner l'impression que ça fonctionne bien mais que, dans les faits, au Conseil des ministres, jamais on ne discute de ces questions-là, bien, je veux dire, à un moment donné, dans ce cas-là, mettons les choses claires. Ce n'est pas à ce niveau-là que ça devrait se régler, c'est au niveau du directeur de la Sûreté.

Mais, à l'inverse ? et ça, ce serait intéressant de le savoir ? est-ce qu'il y a déjà eu des cas où, par exemple, le Conseil des ministres a dû intervenir? Et pour quelle raison, à ce moment-là, serait-il intervenu? Est-ce qu'à ce moment-là la position ou la proposition qui était transmise au cabinet par le ministre de la Sécurité publique n'avait pas été agréée pour des raisons qui, en bout de piste, se sont avérées importantes? Bon. Moi, je n'ai pas eu à ma connaissance de cas, mais, bon, j'ai siégé au Conseil des ministres un an. Et, pour le reste, bon, bien, ça fait très longtemps que cette disposition existe. Et, bon, un de mes anciens collègues, dont le fils siège maintenant à l'Assemblée nationale, qui a été ministre de la Justice, qui était reconnu pour son extrême prudence parfois, nous disait: Bon, bien, c'était peut-être une mesure, dans le fond, une espèce de mécanisme de sécurité extrême dans des situations exceptionnelles.

Bon, encore là, est-ce qu'il y a eu des situations exceptionnelles? Est-ce qu'on peut penser que dans le fond, dans une organisation comme une police d'État, le directeur, c'est dans les faits lui qui accorde les promotions, et même le ministre de la Sécurité publique doit avoir des sacrées bonnes raisons pour refuser une proposition qui est demandée? Parce qu'à quelque part le danger, c'est un danger d'interférence du niveau politique dans un processus d'octroi de promotions qui ne doit pas faire l'objet de considérations ? je ne dirais pas politiques, parce que la politique, c'est noble ? de considérations partisanes, de petite politique, et ça, c'est une question de principe.

Au-delà des individus qui occupent la responsabilité, il faut s'assurer qu'un système est transparent et qu'une seule personne... Parce qu'à un moment donné, tu sais, la vie étant ce qu'elle est, on est dans une société de 7,5 millions, tu sais, les réseaux puis les interréseaux entre les individus sont beaucoup plus simples, plus petits et plus connectés qu'on retrouve dans une société de 1,5 milliard comme en Chine. Alors, la réalité, c'est qu'à un moment donné il pourrait se retrouver des situations où peut-être un ministre serait, par personne interposée, amené à devoir dire non à une promotion qui est suggérée pour des raisons qui ne seraient pas acceptables. Bon. Et, dans ce contexte-là, j'imagine que c'était peut-être la raison à l'époque qui nous faisait amener à utiliser le mécanisme du conseil plutôt que d'une seule personne. Mais encore on verra la semaine prochaine.

Mais, aujourd'hui, Mme la Présidente, on ne nous demande pas d'adopter le projet de loi, on nous demande d'adopter le principe, et le principe, je pense que ce qu'il y a de plus important dans ce projet de loi là, c'est d'abord cette idée d'accorder à des policiers qui ont commis des fautes professionnelles, déontologiques dans leur carrière de pouvoir, à un moment donné, passer à autre chose et poursuivre leur carrière.

J'ai été journaliste dans ce milieu des affaires policières et criminelles. J'ai côtoyé beaucoup de policiers quand j'étais plus jeune. Ironiquement, maintenant, presque 30 ans plus tard, je suis redevenu en contact avec eux à travers la fonction de critique de l'opposition en matière de sécurité publique. Et je sais que ce métier-là est un métier difficile, et je sais qu'il n'y a pas beaucoup de métiers où on a à réagir aussi rapidement et à porter un jugement parfois aussi déterminant sur la vie des individus ou des situations délicates. Et ça, à un moment donné, il faut aussi que la société accepte que, si on accepte que des policiers doivent réagir rapidement, bien aussi il y a des fautes qui sont des fautes qui, même si elles sont graves en soi et qu'elles méritent une sanction, elles n'ont pas toujours été commises de mauvaise foi. Et souvent le feu de l'action nous oblige à agir rapidement, et c'est pour ça que je me dis: Il faut avoir une certaine indulgence.

De toute façon, si on considère qu'un policier est un ripou, je veux dire, l'idée, c'est qu'on ne le garde pas dans la police. Je veux dire, quelqu'un qui n'a pas à être dans la police, bien il doit quitter à ce moment-là. Ce n'est pas d'eux dont on parle, c'est de gens qui ont été jugés aptes à poursuivre leur carrière policière, à continuer à servir le public, à continuer d'occuper des fonctions importantes et parfois délicates. Alors, dans ce contexte-là, je crois qu'il faut avoir un sens commun de justice et d'équité. Et c'est, je crois, dans ce sens-là que le projet de loi a été amené. Et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté de répondre finalement favorablement à l'adoption de principe. On verra, la semaine prochaine, à l'égard des modalités, et des problèmes dont je viens de parler, et ce que nous diront à nous, les parlementaires, les différents représentants des syndicats policiers, et des autorités policières, et aussi du comité de déontologie, parce que je présume que le comité de déontologie a dû être consulté dans la préparation du projet.

Et encore une fois un des problèmes dans notre système politique, c'est que le Parlement est toujours sous-équipé par rapport au gouvernement, quel qu'il soit. Alors, les députés se retrouvent toujours dans une situation particulière où ils ne disposent jamais des mêmes types d'information que les ministres qui, eux, ont à leur disposition un appareil de professionnels, et qui dans le fond ont été conseillés, ce qui n'est pas le cas des députés. Et, à chaque fois qu'on peut compenser ce manque d'information par un processus qui nous amène à faire en sorte qu'on puisse entendre nous aussi puis avoir finalement les mêmes informations, les mêmes données pour pouvoir apprécier une situation, bien tant mieux.

J'espère, Mme la Présidente, en terminant, que ? et ce n'est pas le cas du ministre, ce projet de loi ci ? les autres collègues du ministre qui nous écoutent ce soir comprendront aussi le message. Et j'espère ? on est dans une période de session intensive ? que le gouvernement se rappellera des principes démocratiques qui prévalent dans ce cas-ci, qui devraient prévaloir pour l'adoption de tous les autres projets, fussent-ils plus contentieux, plus délicats. Le Parlement, ce n'est pas une machine à enregistrer des votes rapidement, c'est aussi un lieu de délibération important. Puis parfois il faut prendre le temps de le faire correctement.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, comme prochain intervenant, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le projet de loi? Vous disposez d'un droit de réplique, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Jacques Chagnon (réplique)

M. Chagnon: Il sera bref, Mme la Présidente. D'abord, je comprends que le député de Borduas nous signale qu'il est d'accord avec le principe du projet de loi. Et j'écoutais ses arguments et, tout en essayant de bien comprendre, j'ai l'impression que, lorsqu'on sera en commission parlementaire, on s'apercevra qu'enfin la curiosité à l'écoute des arguments est à l'effet que dans le fond on dit la même chose. Peut-être que ce n'est pas le cas. Si ce n'est pas le cas, on verra en commission parlementaire, à l'étude article par article, ou en questionnant les invités.

n(12 h 20)n

Mais je pense, entre autres, à l'argument du député de Borduas qui signale que, lorsqu'on a, par exemple, demandé à la Cour fédérale de faire cesser l'état de notre casier judiciaire pour reprendre non pas de la déontologie, là, mais d'un acte criminel, la réhabilitation... Parce qu'on a changé le nom du pardon, m'a-t-on dit, en réhabilitation pour être plus français dans les lois fédérales, alors on serait bien malvenus d'utiliser une expression moins française que celle utilisée dans la loi fédérale, m'apparaît-il. Et, ce débat-là, on l'aura aussi. Même le débat linguistique, on le fera en commission s'il le faut.

Mais, même dans cette loi-là, je signale, Mme la Présidente, à notre collègue le député de Borduas que, même lorsqu'on a effectivement décidé de pardonner ou de réhabiliter la sanction passée, par exemple une possession simple ou une chose comme celle-là, elle ne disparaît pas; on ne peut plus l'invoquer. Elle est inopposable au caractère vierge du casier que la personne qui l'a demandé reçoit. Et c'est exactement dans la même situation où on se retrouve.

Je vais vous donner un exemple. La Cour suprême a d'ailleurs établi là-dessus une jurisprudence qui est connue, celle sur le juge Therrien versus la Reine, où le juge Therrien avait négligé de dire aux gens qui lui avaient demandé, lorsqu'on lui a demandé pour devenir juge: Avez-vous un passé judiciaire?, il a dit: Non, je n'ai pas de passé judiciaire. Et la Cour suprême a établi le fait que: Si vous aviez eu un pardon, vous auriez dû le dire. Et c'est à partir de ce moment-là qu'il a démissionné, oui, et qu'il était susceptible d'être destitué.

Alors, c'est la même, c'est la même, finalement, c'est la même organisation, même fonctionnalité qui nous interpelle dans le projet de loi n° 80, à l'effet qu'effectivement on ne pourra jamais opposer à une policière ou à un policier qui aura obtenu cette réhabilitation le fait qu'elle ait eu ou il ait eu une action erratique à un moment donné ou à un autre. Alors, vous savez, c'est très semblable comme processus. C'est même identique comme processus.

Alors, on aura le temps d'en discuter prochainement. Et j'ajoute qu'en ce qui concerne les nominations par le cabinet à ma connaissance il n'y a aucune... Et j'ai posé la question, je peux la reposer à l'intention du député de Borduas, à savoir s'il y a déjà eu une objection sur une nomination faite par la Sûreté du Québec au cabinet. À ma connaissance, il n'y en a jamais eu, puis la réponse qu'on m'a faite, c'est qu'il n'y en a jamais eu. Mais on peut aller fouiller plus loin dans l'histoire, voir si jamais un officier de la Sûreté du Québec n'aurait pas été accepté au niveau du cabinet. Mais je suis porté à penser un peu, Mme la Présidente, comme le député de Borduas, je ne pense pas que jamais il n'y en ait eu, probablement, jamais eu de cas. Puis, s'il y en a eu, j'aimerais autant ne pas savoir les raisons pour lesquelles ça s'est fait parce que ça devait être probablement un peu malheureux sur le plan de la partisanerie.

Et, en ce qui concerne...

Des voix: ...

M. Chagnon: Pardon?

Une voix: ...

M. Chagnon: En commission? Oui, oui. J'ai des collègues qui m'écoutent, mais je pense qu'ils ont hâte de cesser de m'écouter et...

Des voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui. Mme la Présidente, je terminerai en soulignant qu'en gage... Et le député de Borduas se l'est fait dire. Pour l'efficacité de ce modèle de fonctionnement là, n'ayez pas peur quant à la protection du ministre de la Sécurité publique qui en a peut-être moins besoin qu'il n'en apparaît. Mais une chose est certaine: je pense que, ce projet de loi là, on pourra en discuter plus justement puis avec plus de profondeur lorsque nous serons en commission parlementaire, la semaine prochaine.

Alors, Mme la Présidente, M. le député de Borduas, Mmes, MM. les membres du Parlement, il me fait plaisir en tout cas de savoir que le projet de loi risque d'être adopté en principe à court terme. Et j'offre évidemment toutes les disponibilités, toutes les dispositions que le député de Borduas veut avoir, avec les fonctionnaires du ministère chez nous, pour ses questionnements qu'il pourrait avoir. Merci, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique, conformément à votre souhait, oui, l'adoption du principe de ce projet de loi devrait se faire à très court terme. Je vais mettre immédiatement aux voix la motion d'adoption. Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur la police, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Mme la leader du gouvernement... leader adjointe, pardon.

Renvoi à la Commission des institutions

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des institutions pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est également adoptée.

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Ajournement

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 1er décembre, à 10 heures.

La Vice-Présidente: Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Alors, conformément à la demande de la leader adjointe du gouvernement, les travaux sont ajournés à demain, 10 heures, 1er décembre. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 26)