L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 13 avril 2005 - Vol. 38 N° 137

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Allocution de la députée de La Pinière, Mme Fatima Houda-Pepin,
à la suite du décès de son mari

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Cusano): On va se recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Affaires du jour

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée
exige une réorientation majeure
des politiques du gouvernement

Aux affaires du jour. Affaires inscrites par les députés de l'opposition. À l'article 28 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition en vertu de l'article 97 du règlement, M. le chef de l'opposition officielle et député de Verchères présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exige une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral.»

Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, la motion que nous présentons: «Que l'Assemblée nationale du Québec exige une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral», serait, je crois, si elle était soumise à un référendum, approuvée par 95 % des Québécois. D'abord parce qu'une majorité historique est totalement insatisfaite du gouvernement, et puis même un bon libéral, qui a le sens de la conservation et l'esprit de durée, il veut que le gouvernement change ses politiques. Ils savent bien où ça s'en va. Un capitaine dans la tempête peut se comporter en capitaine courageux puis dire: Gardons le cap. Plusieurs grands capitaines ont fait ça. Mais un capitaine qui fonce directement sur un récif, et quand on entend déjà les cailloux et le sable gratter la coque du navire, puis le capitaine dit: Gardons le cap, ce n'est pas un capitaine courageux, ça, c'est un capitaine irresponsable.

Et c'est, hélas, par cette image que je commence mes remarques au soutien de cette motion, parce que, même avec de l'expérience de la politique québécoise ? ce qui est mon cas, évidemment ? c'est difficile d'analyser la présente situation. Elle est sans précédent, sans précédent à cause de tout ce qu'a fait ce gouvernement et ce qu'il n'a pas fait, sans précédent aussi à cause de l'arrogance. Le premier ministre a dit, et je le cite ? j'espère que toute la population du Québec, là, réfléchit à, entre guillemets, la lucidité du premier ministre quant à son bilan ? il dit: «Je suis fier de notre bilan. De toute l'histoire du Québec, je ne connais pas beaucoup de gouvernements qui en auront fait autant en l'espace de deux ans... franchement.» Bien, il n'a pas tout à fait tort, en ce sens qu'il n'y a pas beaucoup de gouvernements qui auront fait autant de mal en l'espace de deux ans, franchement. Mais, s'il la prend positive, c'est évidemment une preuve d'arrogance.

Et on peut dire: Dans certaines situations, la meilleure défense, c'est l'attaque. Oui, mais, dans une situation grave et désastreuse comme celle qu'on vit aujourd'hui, l'arrogance complique les choses. Il y a des Québécois et des Québécoises angoissés aujourd'hui qui veulent que le gouvernement fasse ce que notre motion demande, réorientation majeure, parce qu'ils sont angoissés de la situation présente. Mais, si, en plus, le gouvernement dit: Non, je ne change pas, gardons le cap, bien là le niveau d'angoisse monte dans toutes les sphères de la société, surtout qu'avant même qu'on constate les résultats catastrophiques des politiques du présent gouvernement, le fait qu'il ait violé systématiquement ses promesses a déjà rendu la population méfiante et suspecte. La phrase Nous sommes prêts, M. le Président, est devenue dans les cégeps du Québec une blague: quand une personne n'est pas prête, pour le dire aux autres, elle dit: Je suis prête. Tout le monde a compris que c'est le modèle libéral de l'inversement du sens des phrases.

Et cette blague d'étudiants de cégep spirituelle recouvre par ailleurs une réalité profonde qui, elle, n'est pas une blague. Dans toutes les sphères importantes de notre vie collective, la population est outrée: en santé, il y a 62 % des gens qui pensent que le gouvernement a échoué; en économie et emploi, 59 %; en éducation, 76 % ? évidemment, le plus vaste mouvement de protestation de l'histoire du système d'éducation au Québec; et cette série de décisions improvisées qui a également alerté la population.

On dit: On va faire la centrale du Suroît. On fonce, on garde le cap, puis on prend peur. En fait, on revient au bon sens, parce que, moi, je l'avais annulé, le projet de centrale du Suroît, après la «Paix des Braves», parce que j'avais bien compris, et mes collègues ici, que, quand on peut faire du courant électrique avec de l'hydroélectricité, on n'en fait pas avec du gaz. Mais ça, l'actuel gouvernement n'a pas compris ça, sauf après des protestations qui ont fait dire aux Québécois: Ils changent d'idée, mais pourquoi se sont-ils engagés avec autant d'ardeur et d'arrogance sur une mauvaise voie pour en changer ensuite?

Même chose sur le financement des écoles privées juives. Et ça, c'est ingrat pour l'ensemble de la population du Québec, d'abord pour la communauté juive. Pensez-vous que les progressistes de la communauté juive et que la communauté juive dans son ensemble était contente de voir que ses écoles privées auraient été subventionnées à 100 %, ce qui a mis hors d'elle-même l'ensemble de la population, y compris les membres de la communauté juive? Comment peut-on faire une chose aussi incroyablement mal calculée à tous égards, culturel, économique et social, puis le faire en cachette? On l'a su après. Sans compter les facteurs qui auraient pu influencer la décision, qui ne sont pas non plus à la gloire du gouvernement.

Pour les cégeps, des mois et des mois d'incertitude quant à l'avenir même des cégeps. Écoutez, le métier d'éducateur ou de gestionnaire du système d'enseignement actuellement ? ça a été comme ça pendant des générations ? c'est le métier le plus utile à la société. Je dirais, le plus beau métier, c'est celui d'enseignant ou de responsable de l'éducation en général. Bien, pendant plus d'un an, les enseignants ont vu peser sur eux et sur elles des menaces farfelues. Le ministre de l'Éducation voulait leur imposer, à nos enseignants, enseignantes, un ordre professionnel qu'ils rejetaient à neuf sur 10. Mais d'où peut venir une telle idée farfelue? On veut réglementer la profession la plus importante dans notre vie nationale et puis on le fait en braquant neuf sur 10 des hommes et des femmes qui pratiquent cette profession. Et l'avenir des institutions, évidemment ça a fini par ne rien faire du tout. On menace de bouleverser la vie des cégeps, on ne fait rien du tout.

n(10 h 10)n

Puis vint cette affaire de bourses aux étudiants. Encore une fois, j'ai dit que le métier d'enseignant est le plus important des métiers au Québec et ailleurs. Si c'est le plus important, c'est parce que la formation des étudiants est la chose la plus importante d'une société. Et, au Québec, c'est plus important qu'ailleurs à cause du vieillissement de la population et des gains de productivité que nous devrons faire en devenant plus que jamais une économie du savoir. Il faut que le savoir, la science, la technologie, l'éducation, la formation professionnelle deviennent au Québec ce qu'était la religion catholique il y a 75 ans. Il faut que ça devienne une chose déterminante, notre avenir en dépend. Le gouvernement va révolter l'ensemble des étudiants en faisant passer, du montant des bourses, 103 millions aux prêts, c'est-à-dire à l'endettement.

Évidemment, ils sont rentrés, les étudiants. Ils sont rentrés après des milliers d'heures de cours perdues, des absences dans les laboratoires, et ils sont rentrés amers parce que le gouvernement a tenté de réparer son erreur, une chose qu'il n'aurait jamais dû faire, puis il l'a réparée non pas entièrement. Et puis, en plus, il n'aurait jamais dû toucher à ça. Et, quand il y a touché et qu'il a vu que ça ne marchait pas, et que toute la société protestait... Pourquoi ils ont attendu que 500 000 étudiants descendent dans la rue? Ils avaient juste à changer et puis à dire: On s'est trompés. Ils ne sont pas capables de dire: On s'est trompés. C'est une notion qui leur échappe. Est-ce qu'ils font semblant ou pas? Je n'en sais rien. Quand le premier ministre pense que, comme je l'ai dit hier et je l'ai recité aujourd'hui, qu'il est fier de son bilan: «De toute l'histoire du Québec, je ne connais pas beaucoup de gouvernements qui [aient] fait autant en l'espace de deux ans», bien, c'est à se demander si ceux et celles qui sont dans son parti pensent la même chose que lui. S'il est un cas isolé, j'espère que les libéraux vont se ressaisir, mais, hier, ce n'était pas ça. Quand j'ai dit cette phrase que je citais de La Presse, que son gouvernement est un des meilleurs de l'histoire du Québec, toute la députation libérale a applaudi durant ma question; ça veut dire qu'ils pensaient que c'était vrai, ce n'est pas rassurant.

En économie, le premier ministre, hier aussi, a plastronné d'une façon dangereuse, et puis certains de ses députés, je regarde, là, ont fait la même erreur, il les a entraînés dans l'erreur. Je donne un exemple. Pour gagner l'élection, celui qui était chef de l'opposition n'a pas hésité à salir toutes les institutions québécoises à sa portée pour essayer de prendre le pouvoir. Et, une des meilleures institutions québécoises, Révolution tranquille, etc., c'est la Caisse de dépôt et placement du Québec, et ils ont crié, je ne sais pas combien de fois...

Encore dernièrement, là, j'entendais une députée libérale dans cette Chambre qui disait: La Caisse de dépôt a perdu 15 «milliords» ? elle disait ça comme ça ? puis, après qu'on est allés au pouvoir, elle l'a regagné. Mais ça, je veux être indulgent, M. le Président, mais c'est une sottise. Les Bourses occidentales et de l'Est, le Nikkei au Japon, comme New York, ont baissé à cause de l'éclatement de la bulle technologique et d'autres facteurs. Les actions de la Caisse de dépôt ont baissé. Pendant que le premier ministre actuel insultait la Caisse de dépôt: Ils ont percé notre bas de laine, puis ils ont perdu 15 «milliords», Standard & Poor's, qui est pas mal plus objective que le Parti libéral du Québec sur ces questions, donnait la plus haute cote qu'une institution puisse recevoir: AAA.

Alors, la logique libérale, ce serait la suivante: la Caisse de dépôt a vu ses actions baisser de 15 milliards parce qu'elle était mal gérée, c'est ça qu'il laisse entendre. Alors, il aurait fallu, si une personne physique, un citoyen ordinaire, avait été dans la même situation, dire: On a perdu 15 milliards, on jette nos actions dans la poubelle. Là ils auraient perdu 15 «milliords». Sauf que n'importe quel citoyen qui possède pour 55 $ d'actions d'une compagnie, puis que les actions ont passé à 12,50 $, puis il les a gardées, puis ça vaut 75 $ aujourd'hui, est-ce qu'il dit: J'ai été un mauvais administrateur? Alors, il y a des députés libéraux dans cette salle, là... N'insultez plus jamais la Caisse de dépôt et placement parce que, quand la Bourse baisse, elle baisse pour tout le monde; elle baisse à Tokyo, elle baisse à Londres puis elle baisse à Montréal. Vous ne me ferez jamais croire que c'est parce qu'on a élu le plus mauvais gouvernement de notre histoire, il y a deux ans, que les Bourses occidentales se sont mises à remonter.

Alors, s'il vous plaît, M. le Président, que les gens d'en face, qui sont pris dans un pétrin invraisemblable, je les comprends, n'insultent pas les institutions québécoises ni leurs gestionnaires pour essayer de sauver leur peau politique, ce qui de toute façon est une opération désespérée. Alors, la caisse...

Les emplois maintenant. On a entendu le premier ministre, hier, il plastronnait sur les emplois. Bien, je vais lui en parler, d'emploi. Ça fait deux ans qu'ils sont là. En deux ans, ils n'ont pas créé le même nombre d'emplois qui s'est créé en 2002. Vive les libéraux! Nous sommes bons! Oh! Oh! Hier, il se réjouissait de sa performance en emploi, qui n'est pas la moitié de ce qu'elle était en 2002. Oui, mais il pourrait dire: C'est le Canada, c'est l'Amérique, puis c'est l'univers, excepté moi. Mais ce n'est pas ça. En 2002, le Québec créait 35 % des emplois du Canada, et puis, durant les deux années de ce gouvernement, il s'en est créé 18 %, deux fois moins. Il est donc facile à comprendre que ce n'est pas ce que les économistes appellent la conjoncture qui a affecté l'efficacité de l'économie québécoise, c'est ce gouvernement, puisqu'avant ce gouvernement on créait 35 % des emplois du Canada puis, là, on en crée la moitié.

Et puis les régions écopent. Bonjour, les dégâts, hein! Je sais que, les régions, ce n'est pas une préoccupation en face. Ils ont saboté à peu près tout ce qu'il y avait de structures pour supporter les régions, tous les programmes particuliers pour supporter les régions. Ils lésinaient encore sur le budget de fonctionnement de la vallée de l'aluminium au Saguenay?Lac-Saint-Jean. S'il y a une région qui doit aller à fond dans la deuxième et troisième transformation de l'aluminium, c'est bien le Saguenay?Lac-Saint-Jean, et cette région en a besoin à plusieurs égards à cause d'autres facteurs que vous connaissez très bien, M. le Président. On lésinait encore, je pense que c'est pour 150 000 $. J'espère que c'est réglé depuis parce que c'était une honte insupportable. Alors, les régions ont payé de 22 000 emplois l'arrivée au pouvoir du Parti libéral. Il y a 22 000 emplois de moins dans les régions.

Les jeunes, qui sont, je crois, les plus révoltés contre le gouvernement actuel, malgré que, là, la révolte n'a pas de discrimination par l'âge. J'ai entendu des vieux libéraux aussi outrés que les jeunes péquistes ou que des jeunes libéraux. Alors, ça transcende les partis politiques. Mais, les jeunes, ils ont, en termes d'emplois, après avoir connu une création d'emplois de 35 300 emplois chez les 18-24 en 2002, ils ont perdu 14 000 emplois depuis l'arrivée des libéraux. Vous rendez-vous compte, M. le Président, qu'ils en ont perdu trois fois plus depuis que les libéraux sont arrivés qu'on en avait créé en une seule année, celle de 2002?

Le premier ministre s'est trouvé aussi une nouvelle marotte: le revenu personnel. Il en a parlé hier. Mais, quand le premier ministre déclare que, selon le Conference Board, le revenu personnel disponible du Québec augmentera plus rapidement que celui du Canada, ce qu'il ne dit pas ou ne sait pas, c'est que ça ne date pas d'hier et que le revenu personnel disponible par habitant au Québec augmente plus rapidement que celui du Canada parce qu'on a fait une révolution économique, à toutes fins pratiques, puis qu'on est passé d'une économie beaucoup moins sophistiquée que celle qu'on a aujourd'hui, haute technologie, etc., à cause des interventions d'un État qui ne croit pas au libéralisme.

n(10 h 20)n

Moi, je ne crois pas au libéralisme, mon parti non plus. C'est une doctrine dépassée, pernicieuse, dangereuse, qui avait été résumée d'ailleurs par celui qui est le ministre des Finances, aujourd'hui, en disant: Quand une usine ferme en système capitaliste, elle ouvrira ailleurs. Bien, je lui conseille de faire ce que j'ai fait moi-même la semaine dernière. Je suis allé sur les bords de la rivière Châteauguay, une des plus belles rivières du Québec, dans une des plus belles régions du Québec, sauf que j'y ai vu une des choses les plus laides que je n'ai jamais vue dans toute mon expérience économique: 70 % de la population active de la ville de Huntingdon est en chômage. C'est ça, l'ultralibéralisme. Quand une usine ferme, elle ouvrira ailleurs. Où est le plan du gouvernement pour venir en aide à ces travailleurs et à ces travailleuses, sur le plan social et sur le plan économique, pour qu'ils se retrouvent des emplois?

Toujours au chapitre des fanfaronnades de notre ministre sur l'économie, en 2002, la croissance économique du Québec était supérieure à celle du Canada. Depuis l'arrivée de ce gouvernement, c'est l'inverse. Mais pire que ça, hier, le premier ministre a parlé des investissements privés. Il n'a pas fait la distinction essentielle que tous les économistes font entre les investissements privés non résidentiels et les investissements privés. Investissements privés résidentiels, on sait ce que c'est, le monde s'achète des maisons puis c'est parfait, puis c'est très bien, puis c'est des grands cycles. Puis là malheureusement le cycle est en train de s'amoindrir, mais on a eu des périodes absolument extraordinaires, depuis trois ou quatre ans, en termes de construction.

Mais ce que le premier ministre a fait semblant de ne pas savoir, enfin j'espère qu'il ne le sait pas, parce que j'aime mieux le voir non connaissant que de mauvaise foi, il a oublié de dire que le Québec obtiendra cette année ? écoutez ça, M. le Président ? la plus petite part jamais enregistrée des investissements privés non résidentiels au Canada, la plus petite part jamais enregistrée. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire qu'on n'investit plus dans les usines, dans la machinerie, dans l'équipement. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, même quand ce gouvernement sera parti du pouvoir, et ça pourrait arriver dans peu de temps, on souffrira encore parce que l'investissement s'est effondré. On ne peut pas se mettre en deux semaines à reconstruire des usines partout, quand on a déprimé tout le monde puis qu'on a coupé les programmes qui stimulaient l'économie. Alors, j'espère qu'il n'y a plus personne ici, là, puis là maintenant je parle avec plus de vigueur qu'il y a cinq minutes, je le redis, parce que la composition de cette Assemblée a changé depuis 15 minutes, j'espère qu'il n'y a plus personne, ici, qui va dire: La Caisse de dépôt a perdu 15 milliards. La Caisse de dépôt, comme toutes les Bourses du monde, a vu ses actifs diminuer, puis, quand les Bourses sont reparties, la Caisse de dépôt s'est refaite puis est repassée. Vous discriminez la Caisse de dépôt, vous insultez ses gestionnaires quand vous dites ce que vous avez dit il y a quelques jours: La Caisse de dépôt a perdu 15 milliards.

Si vous avez des actions, vous, M. le Président, et qu'elles baissent, est-ce que vous les mettez à la poubelle ou vous attendez que ça remonte? C'est ça que la caisse a fait. Alors, arrêtez, ne dites plus jamais cet argument. Je comprends que ce n'est pas tellement de votre faute. M. le Président, ce n'est pas tellement la faute de la députée qui a dit ça, son chef lui donne le mauvais exemple. Il ne connaît pas l'économie, je pense, il ne sait pas que les Bourses descendent puis les Bourses remontent en économie. Alors, s'il vous plaît, plus jamais.

Alors, M. le Président, il me reste quelques minutes, et quelques heures ne suffiraient pas pour décrire le sentiment de la population du Québec. Pour la première fois depuis que je suis la politique québécoise, la population du Québec est angoissée, se sent mal gouvernée, sent que ceux qui la gouvernent aussi mal n'ont pas la moindre humilité de reconnaître leurs fautes et leurs erreurs et continuent, quand on s'en va droit sur un récif, à garder le cap. Mais ça, ça a des conséquences, hein? Quand un pétrolier mal orienté, avec un mauvais capitaine, garde le cap sur un récif, bonjour la pollution pour les années qui vont suivre.

Alors, c'est ça, le sens de notre motion. Le sens de notre motion, c'est de demander au gouvernement, comme le dit le texte, une réorientation majeure de ses politiques. Je le dis au nom de l'intérêt public, je le dis au nom du bien commun. C'est ça, le rôle de l'opposition, servir l'intérêt public et le bien commun. Et j'espère que le premier ministre et ceux et celles qui l'applaudissent à chaque fois qu'il fait ses fanfaronnades vont comprendre. Si vous voulez rendre service à votre premier ministre, arrêtez de l'applaudir quand il dit des choses qui n'ont aucun sens sur le plan de l'économie, allez plutôt lui dire: M. le premier ministre, ça va très mal, le navire est mal barré, on s'en va vers la catastrophe. S'il vous plaît, reconnaissez que, quand on a pris une mauvaise direction, la sagesse, c'est l'humilité de changer de cap et non pas l'arrogance de vouloir garder un mauvais cap.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le chef de l'opposition.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant. Il y a eu un petit oubli de ma part, c'est de vous faire part que, à la suite d'une réunion tenue avec les leaders parlementaires afin de répartir le temps de parole pour le déroulement de ce débat, le partage a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes; 10 minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre les deux groupes parlementaires. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes pourra être utilisé par l'autre groupe tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants sera redistribué également entre les deux groupes parlementaires. Et les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre de vous demander une suspension de quelques minutes simplement pour permettre au prochain intervenant de se présenter et de faire son discours. On peut interrompre...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui. Il est souvent de coutume justement de permettre une suspension très courte pour permettre au prochain intervenant de bien prendre sa place. Alors, je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 27)

 

(Reprise à 10 h 30)

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons le débat sur la motion présentée par le chef de l'opposition officielle. Je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant. Oui, Mme la leader de l'opposition.

Mme Lemieux: M. le Président, par fair-play, nous avons consenti à suspendre quelques minutes, le temps que l'intervenant suivant puisse s'adresser à l'Assemblée. Vous allez comprendre que c'est tout de même la motion de l'opposition officielle, et je comprends implicitement qu'il y aurait un consentement à poursuivre de quelques minutes après l'heure de midi pour permettre d'utiliser l'enveloppe de temps destinée à cette motion.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, Mme la leader de l'opposition officielle, on me fait signe qu'effectivement il y aura consentement s'il y a nécessité de dépassement.

Alors, je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant. M. le premier ministre.

M. Charest: Merci, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le leader adjoint de l'opposition officielle, votre question de règlement.

M. Bédard: Vous le savez, le Parti libéral a empli les galeries de gens très liés à leur gouvernement...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant! Un instant! Voulez-vous bien préciser, préciser votre question de règlement, s'il vous plaît?

M. Bédard: Ma question de règlement, c'est qu'ils ont vidé effectivement les bureaux, j'imagine, ministériels pour venir applaudir, mais je souhaiterais de votre part, parce que j'ai entendu des applaudissements provenant de ces militants...

Des voix: ...

M. Bédard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Cusano): Non, non. Mais, écoutez, là, c'est que ce n'est pas une question de règlement, là.

Des voix: ...

M. Bédard: Wo! Article 32, voilà. Alors, est-ce que vous êtes pressé que je la fasse? Alors, M. le Président, ce que je vous dis, c'est que ces gens, liés au Parti libéral et employés de bureau, ont applaudi lors de l'intervention, lorsque le premier ministre s'est levé, et vous savez qu'ils n'ont aucun droit, puis je vous inviterais à les rappeler à l'ordre.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous ai compris. Je vous ai compris, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. Question de règlement, M. le leader de l'opposition...

M. Dupuis: Sur la question de règlement, M. le Président, on n'a jamais pensé, nous, de vouloir empêcher le personnel politique de l'opposition officielle de venir écouter leur chef, d'une part... d'une part, d'une part, d'une part. D'autre part, je m'engage envers vous à ce que les gens qui sont dans les galeries, qui sont effectivement du personnel des cabinets libéraux, refrènent leur enthousiasme, mais ça va être difficile.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, à ce moment-ci, là, à ce moment-ci...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): À ce moment-ci, pour le bon fonctionnement des nos travaux, j'aimerais bien rappeler à toutes les personnes qui sont dans les galeries qu'il est interdit d'applaudir. Alors, je cède maintenant la parole au premier ministre. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, permettez-moi de vous dire que nous accueillons favorablement cette occasion de parler justement du bilan du gouvernement parce que nous sommes presque à la mi-mandat. Le mandat d'un gouvernement, c'est de quatre à cinq ans, et, depuis le mois d'avril 2003, il s'est fait beaucoup de choses, et c'est important qu'on puisse prendre le temps aujourd'hui de parler du chemin parcouru, où nous sommes rendus et où nous allons aller dans les prochains mois et les prochaines années, parce que c'est la population du Québec qui est concernée par les décisions du gouvernement.

Mais, pour comprendre le chemin parcouru, M. le Président, il faut d'abord comprendre ce qui est arrivé au Québec depuis les 10 dernières années. Et, pour se situer comme il faut, rappelons-nous que le gouvernement précédent avait choisi un mode très interventionniste dans notre économie, que le gouvernement précédent avait pris un certain nombre de décisions avec lesquelles on doit vivre aujourd'hui. Puis, quand je dis «on», je ne parle pas uniquement du gouvernement actuel, je parle de tous les citoyens du Québec qui doivent, eux, vivre avec les conséquences des décisions prises par le gouvernement du Parti québécois.

Le résultat net de tout ça, c'est quoi? Au moment de notre élection, l'ancien Vérificateur général du Québec, M. Breton, a été mandaté pour faire le point sur les finances publiques au Québec. Il a produit un rapport où il nous annonçait, contrairement à ce que le gouvernement du Parti québécois avait laissé entendre dans son budget du mois de mars 2003, qu'il y avait un déficit, au Québec, de l'ordre de 4,3 milliards de dollars. De quoi était composé ce déficit? D'abord, parce que le gouvernement précédent avait laissé entendre qu'il allait avoir des revenus qui venaient du fédéral, qui n'étaient pas au rendez-vous. C'était faux, ce n'était pas le cas. Le gouvernement précédent avait annoncé un certain nombre de projets qui n'étaient pas provisionnés. «Provisionnés», ça veut dire quoi? C'est-à-dire qu'il annonçait des choses, mais il n'y avait pas d'argent dans le budget pour pouvoir les financer. Parce que le gouvernement précédent aussi avait annoncé qu'il allait faire un certain nombre de coupures ou d'économies, et il n'avait aucune idée de la façon dont ils allaient le faire. Le rapport Breton a même relevé, M. le Président, que le gouvernement précédent, dans son budget du mois de mars, avait prévu augmenter des tarifs, avait augmenté des droits d'immatriculation, entre autres, sans l'annoncer à la population du Québec.

Mais il y a plus que ça. On s'est retrouvé dans une situation où la SGF, par exemple, a connu deux années consécutives de déficit, pour un montant total de 700 millions de dollars de perdus. Et ça, ça venait d'un gouvernement puis d'un chef de l'opposition qui, lorsqu'il était premier ministre et ministre des Finances, disait à la population du Québec, se vantait qu'il empruntait de l'argent pour financer la SGF pour qu'ils interviennent dans l'économie, et qu'il empruntait à cinq mais que le retour allait être à 15. Ce qu'il avait oublié de dire, c'est que ça allait être à moins 15, pas 15, mais moins 15, de telle sorte que la SGF nous a laissé ce déficit monstrueux, de l'ordre de 700 millions de dollars.

La Caisse de dépôt et placement, pendant la période où le gouvernement précédent était au gouvernement, a perdu, sur deux années, 13 milliards de dollars. Il y a une partie de ça, oui, qui est attribuable au fait que le marché a changé, mais il y a une partie de ça qui était attribuable à la gouvernance de la Caisse de dépôt. Et, moi, je me rappelle très bien quand la députée du comté de Marguerite-Bourgeoys, aujourd'hui présidente du Conseil du trésor, de l'autre côté de l'Assemblée, interpellait le gouvernement pour leur demander de changer la gouvernance de la Caisse de dépôt et placement.

Pourquoi? Parce que, de toute évidence, il y avait des problèmes très importants. Puis, la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est quoi? C'est votre bas de laine à vous, Québécois et Québécoises, c'est l'argent de vos pensions, c'est l'argent que vous avez durement gagné, que vous confiez à la Caisse de dépôt et placement qui agit au nom de l'État québécois puis en votre nom personnel pour préserver vos acquis de pension lorsque vous serez rendus à un moment dans votre vie où vous pourrez le retirer. Puis, une pension, ce n'est pas un cadeau, c'est un salaire différé, c'est de l'argent que vous avez gagné. Perdre 13 milliards de dollars de votre argent, là, c'est lourd à porter. Mais il y a plus que ça.

La Caisse de dépôt s'est mise à intervenir pour des projets comme Montréal Mode, où ils ont perdu 30 millions de dollars; ils ont construit un siège social fastueux. Il a fallu intervenir à l'Assemblée pour demander à la Vérificatrice générale du Québec d'intervenir pour aller creuser ça. Je vais juste vous donner un exemple, à quel point ça allait loin.

Le gouvernement précédent, via la Caisse de dépôt et placement, avait un projet d'acheter une cave à vins, une cave à vins... d'un monsieur ? je ne veux pas nommer son nom, parce qu'il est de bonne foi là-dedans ? il allait acheter une cave à vins. Ça sort publiquement; évidemment, ils ont arrêté le projet. Mais ça vous dit à quel point, à quel point c'était allé loin.

Via la SGF, ils ont financé des projets comme Métaforia, où ils ont perdu une trentaine de millions de dollars. Puis là, bien il y a le métro de Laval; ça a été 800 millions de pertes. Mais, rappelez-vous, le métro de Laval, après l'élection, on apprend qu'il y a une petite erreur: on a oublié de calculer 1 km dans le métro pour se rendre jusqu'à la sortie. Alors, c'est simple pas mal, cette affaire-là, hein? Bien il faudrait... il aurait fallu arrêter le tunnel là, si on voulait respecter le budget, puis il était déjà en dépassement.

Mesdames et messieurs, on voit bien l'absurdité de tout ça, là, jusqu'où c'était allé. Le projet de la Gaspésia, qui a fait l'objet d'une enquête ? et le rapport sera livré prochainement ? un autre dépassement de coûts très important. Et tout ça, ça fait partie du bilan, des choses que, nous, on a hérité.

Le résultat net de tout ça, je ne sais pas si c'est à dessein, c'était presque comme si le gouvernement précédent avait eu une politique de terre brûlée, hein? Une politique de terre brûlée, c'est quoi? On brûle tous les ponts derrière nous, on s'assure que ceux qui nous suivent n'aient plus rien devant eux ou presque pas. Puis, nous, bien, on s'est retrouvés devant une situation où on avait... déjà, la situation financière du Québec est difficile, mais où il y a ce déficit et ce legs que doivent porter tous les citoyens et citoyennes du Québec.

n(10 h 40)n

Je veux vous rappeler une des premières décisions qu'on a prises, qui est une décision importante. Parce que, devant ce déficit de 4,3 milliards, on aurait pu faire comme d'autres gouvernements avant puis dire: Bien ça, c'est le déficit du Parti québécois, puis ils vont l'assumer, puis on le place là, puis vous allez vivre avec ça. On a choisi une autre voie, une voie qui, je pense, annonçait justement la façon dont ce gouvernement allait gérer les affaires publiques, on a choisi, à la place, de prendre le taureau par les cornes et de faire en sorte qu'on équilibre le budget et, dès le 12 juin 2003, on a pris des décisions très difficiles pour qu'on puisse équilibrer le budget. Pourquoi on l'a fait? Parce que c'était plus important de servir les intérêts de la population du Québec que d'essayer d'envoyer ça sur les épaules du gouvernement précédent, qui de toute évidence va l'assumer aux yeux de l'histoire, et on l'a fait parce que la situation financière du Québec est telle qu'on n'a plus de marge de manoeuvre.

D'ailleurs, il faut le dire puis il faut le redire c'est quoi, le portrait actuellement de la situation financière après les années de gouvernance du Parti québécois. On est parmi les plus endettés, on sait qu'on est les plus taxés, on est... oui, on a beaucoup de programmes sociaux, puis on a un gouvernement qui dépensait de façon... gaspillait les fonds publics d'une façon qu'on n'aurait jamais vue auparavant, que, moi, je n'ai pas vue ailleurs en Amérique du Nord. Et ça a été ça, le legs. Alors, on est dans une situation où ils ont augmenté, par exemple, la dette. Ils disaient équilibrer le budget, mais ils ont augmenté la dette d'à peu près 40 % entre 1997 puis 2003. Puis, nous, bien, comme citoyens du Québec, on doit composer avec tout ça aujourd'hui.

Rappelez-vous que le gouvernement précédent avait des programmes de crédits d'impôt puis de subventions tous azimuts, là, qui visaient, là, tous les secteurs de l'économie. On est un des seuls endroits au monde qui subventionnaient la compagnie IBM; IBM était subventionnée à Montréal. Puis j'aime IBM, c'est une bonne compagnie, c'est une multinationale. Mais le député de Chicoutimi n'a pas l'air à savoir qu'IBM a un budget annuel plus gros que celui de l'État québécois, ils ont un chiffre d'affaires d'à peu près, quoi, 160 milliards de dollars. Nous autres, on a un chiffre d'affaires, si on le mettait dans ces termes-là, dans l'État québécois, d'à peu près 55 milliards de dollars, si on inclut les paiements sur la dette, puis on subventionne IBM. Pourquoi on subventionne IBM? Pour prendre des emplois sur un coin de rue, changer puis de mettre à l'autre coin de rue. Ouf! J'ai-tu besoin de vous dire qu'on part de loin, si vous êtes un nouveau gouvernement, pour composer avec ces choses-là?

Puis il n'y avait pas de limites. Rappelez-vous un épisode de la campagne électorale: le gouvernement, à ce moment-là, du Parti québécois proposait de subventionner, de vous donner des crédits d'impôt, comme citoyens, pour vos vacances. C'était rendu à ce point-là. Le seul député qui était content, c'était celui des Îles-de-la-Madeleine, qui voyait là-dedans un projet...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Connaissez-vous un autre endroit au monde où on propose de donner des crédits d'impôt pour partir en vacances? Non, probablement pas. Puis, les Québécois se sont dit: Nous autres, on ne connaît pas ça, puis on ne connaîtra pas ça non plus, parce qu'on va changer de gouvernement.

Je vous amène sur cette question-là pour faire le pont pour la suite des choses, la raison suivante. Une des premières décisions qu'on a prises, dans le budget du 12 juin 2003, ça a été justement de réduire les dépenses dans les crédits d'impôt puis les subventions aux entreprises. Ah! C'est important, M. le Président. Savez-vous pourquoi? Il y a encore des gens, aujourd'hui, qui critiquent le gouvernement, qui lui donnent toutes sortes de qualificatifs, comme étant très à droite puis néolibéral, qui ont peut-être oublié que la première décision... parmi les premières décisions que nous avons prises, nous, ça a été de réduire justement les crédits d'impôt puis les subventions qui vont aux entreprises. Jamais, jamais on n'a cherché à faire des économies sur le dos des plus démunis. Au contraire, on a commencé là, on a réduit de l'ordre de 1 milliard de dollars les dépenses qui se faisaient à ce niveau-là, puis on avait drôlement raison de le faire.

Rappelez-vous qu'on s'est fait annoncer par l'opposition officielle, à ce moment-là, que ça allait être le désastre sur le plan économique au Québec. Ah! ça allait être terrible, puis, dans les régions, ça allait être terrible, alors que, j'en reparlerai dans quelques minutes avec plaisir, sur le plan économique, le Québec tire bien son épingle du jeu actuellement. Alors, ça n'a pas été... Au contraire, au contraire, on a pris la bonne décision.

Mais, sur cette question-là des crédits d'impôt, juste pour revenir sur le legs, on en a encore pour 11 milliards de dollars à payer puis on est encore les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord. C'est ça, le legs. Moi, je ne peux pas, aujourd'hui, vous dire qu'on va arrêter de payer ça, là, il faut respecter un certain nombre des engagements qui ont été pris. Il y a là-dedans l'engagement pris par l'État québécois, via un autre gouvernement, qu'on doit respecter.

M. le Président, on avait dit à la population du Québec qu'on allait faire une chose. Dans le fond, je veux revenir au coeur de notre mandat, qu'est-ce qui anime le gouvernement actuel, c'est quoi, la différence entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel.

D'abord, on va dire les choses comme elles sont, le gouvernement précédent gouvernait en fonction d'un objectif, celui de séparer le Québec du Canada, de faire la souveraineté. Ses décisions, ses actions étaient en fonction de cela. Et je vois le député de Chicoutimi qui hoche de la tête parce qu'il est d'accord avec moi. Je suis heureux que vous l'admettiez, parce qu'il faut se dire les choses qui sont vraies, il faut que la population du Québec le sache. Alors, le député de Chicoutimi, du Parti québécois, dit: Oui, vous avez raison. Ils fonctionnaient et ils gouvernaient en fonction de ce seul objectif, d'où l'intervention dans l'économie, hein, pour attirer des investissements, pour convaincre les Québécois qu'ils étaient capables d'attirer des investissements, même si c'était fait artificiellement, d'où les dépenses de la SGF, d'où le budget du mois de mars 2003, d'où les relations fédérales-provinciales acrimonieuses, hein, des conflits constants avec l'État fédéral. Pourquoi? Parce qu'il fallait faire la démonstration que la séparation, c'était l'objectif ultime. La différence...

Une voix: ...

M. Charest: Oui. On me dit: Oui, ils ont travaillé très près avec des leaders syndicaux, qui dans certains cas ? il faut dire les choses ? ne se cachent pas du fait qu'ils sont souverainistes puis qu'ils militent pour la souveraineté. Donc, ils ont travaillé avec eux.

Notre gouvernement à nous s'est fixé comme objectif de remettre l'État au service des citoyens. C'est quand même inusité qu'on soit obligé de le dire, je le reconnais d'emblée, parce que normalement, peu importe que vous soyez au niveau municipal, au niveau de l'Assemblée nationale, que vous soyez au niveau fédéral, peu importe là où vous êtes, si vous choisissez une vie publique, vous êtes au service des citoyens. Mais non, ce gouvernement-là ne l'était pas, il était au service d'une cause. Alors, c'est important de le rappeler, de le dire, et je suis heureux qu'eux-mêmes l'admettent d'emblée.

Quand on a pris cet engagement-là, bien là on a fixé nos priorités. Je vous souligne, M. le Président, que le plan et le projet qu'on a présentés à la population du Québec n'étaient pas le fruit du hasard. Ça a fait l'objet de plusieurs années de travail dans les instances de notre parti, et j'en suis très fier. Le Parti libéral du Québec, on le sait, de tous les temps, est une formidable institution au service de la population du Québec, et les instances du Parti libéral du Québec, dans les conseils généraux, dans les congrès des membres, dans les colloques, ont planché pendant cinq ans et, entre autres, dans les régions du Québec, parce que, dès le lendemain de l'élection générale de 1998, j'avais pris l'engagement, au nom de mon parti, mes militants, mes militantes, mes collègues, d'aller travailler et de faire du Parti libéral du Québec le parti des régions. Puis j'aurai l'occasion d'en reparler, parce que c'est un engagement qu'on a respecté, hein, c'est une chose sur laquelle on a livré et qu'on va continuer à livrer pendant le mandat actuel du gouvernement. Et donc on a travaillé très fort pour présenter ce projet.

Ce projet, c'est quoi? D'abord, il y a une première priorité, c'est celui de la santé et c'est celui de l'éducation. Et on a dit clairement à la population du Québec: Ça va être nos deux premières priorités. Il y aura des réinvestissements, et, à l'intérieur de l'enveloppe totale des budgets des autres ministères, on va maintenir le niveau de dépenses, mais il n'y aura pas d'augmentation substantielle. Et à l'intérieur, bien on fera des choix, parce que politiquement on doit choisir aussi, là; ce n'est pas vrai que tout est linéaire. Au ministère des Transports, au ministère de la Culture, par exemple, il y a des choix à faire et on sera appelé à faire ces choix.

Ça, c'est ce qu'on a proposé bien avant l'élection générale. On a dit à la population du Québec qu'on allait rétablir, remettre sur pied le système de soins de santé. Pourquoi? Parce que le gouvernement précédent, ayant un seul objectif en tête, celui de la souveraineté, celui de la séparation, comme le dit le député de Chicoutimi, avait décidé que même le système de soins de santé allait être mis à contribution.

Et il y a une décision qui a été prise ici, au Québec, qui a été prise nulle part ailleurs au monde. Je ne connais pas... Si vous en connaissez un, endroit, où ça a été fait, dites-moi-le. Bien, en tout cas, certainement pas dans les mêmes proportions. Il a pu y avoir des mises à la retraite, mais pas dans les proportions qu'on a vues ici: 1 500 médecins payés en moyenne 300 000 $ pour arrêter de soigner; 4 000 à 5 000 infirmières payées pour arrêter de soigner. Et ça... Là, ensuite, ça a été les coupures dans le réseau de la santé pour équilibrer le budget. C'est une décision, je vais vous dire, M. le Président...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Excusez-moi, M. le premier ministre. M. le député de Berthier, je vous rappelle à l'ordre, s'il vous plaît.

Des voix: ...

n(10 h 50)n

Le Vice-Président (M. Cusano): Non, non, un instant! Je vous rappelle à l'ordre.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous rappelle à l'ordre. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Je vais vous demander de faire respecter l'article 32.

Le Vice-Président (M. Cusano): En vertu de l'article 32, chaque député doit être assis au siège assigné.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le premier ministre.

M. Charest: Merci, M. le Président. Alors, je veux... Pour vous situer sur l'ampleur de cette décision-là, un éditorial a été écrit récemment dans le journal Le Devoir, et qui décrivait cette décision prise par le gouvernement du Parti québécois comme étant la pire décision. Je crois qu'il disait, je paraphrase, la plus grave erreur ou la pire erreur faite par un gouvernement moderne au Québec. Ce n'est pas peu dire, là. Et là j'entends toute la rhétorique sur l'évaluation puis l'appréciation qu'on fait des gouvernements, mais ça, ça ne vient pas de nous, ça vient du journal, d'un éditorialiste du journal Le Devoir, qui, au cas où vous n'étiez pas informés, qui ne sont pas fédéralistes. Le saviez-vous? Au Devoir, ce n'est pas des libéraux, en tout cas je ne l'ai pas remarqué, et eux-mêmes l'écrivent.

On a retrouvé notre système de soins de santé en lambeaux, et là on s'est remis au travail parce que c'est la première priorité. Et là, bien, justement on a mis au travail quelqu'un qui a une expérience du système de soins de santé et qui, je tiens à le souligner, M. le Président, fait un travail brillant au nom de la population du Québec, le ministre de la Santé actuel. Et, M. le Président, on voit les résultats, là, on commence, la tendance a été renversée. Il faut faire attention, la santé, c'est 42 % des dépenses de programmes de l'État québécois. Et, aux citoyens qui nous écoutent aujourd'hui, je vous rappelle que ce 42 % là, il s'en va en augmentant, là. C'est vrai chez nous, c'est vrai partout au Canada. C'est un de nos grands défis. C'est comment faire en sorte qu'on puisse répondre aux besoins du système de soins de santé, du réseau des services sociaux également, parce que ce n'est pas juste la santé, c'est les services sociaux. La députée de Jean-Talon est également dans ce ministère. C'est les centres jeunesse, c'est tout ce qu'on doit faire, entre autres, pour aider les gens, les centres de réadaptation, mais les dépenses augmentent de façon substantielle.

Mais on a pris le taureau par les cornes puis on a pris une première décision, des premières décisions qui sont ? je n'hésite pas à le dire puis je le dis même avec fierté: On a pris une décision courageuse. On est le premier gouvernement, depuis très longtemps, à avoir pris le taureau par les cornes pour redonner de la souplesse à l'intérieur du réseau de la santé, pour qu'on puisse mieux servir les gens qui, eux, ont besoin de services.

Et on a fait quoi? On a réduit le nombre d'unités d'accréditation d'à peu près 75 %. C'est quoi, ça? C'étaient des conventions collectives en nombre multiple à l'intérieur des établissements de santé, les hôpitaux, les CHSLD, qui ne servaient les intérêts de personne dans le fond, parce que quelqu'un qui dirigeait un établissement était pris à gérer des conventions collectives au lieu de s'appliquer justement à mieux servir les gens qui étaient là. Alors, on a pris cette décision-là.

Ça explique pourquoi ? parce que je veux parler franchement aujourd'hui ? ça explique en partie pourquoi on s'est retrouvés avec des gens qui contestaient les décisions du gouvernement. L'impact de cette décision, ça a été d'enlever environ 45 millions de dollars à ceux qui faisaient de la bureaucratie syndicale au Québec. C'est qui, ces gens-là? Bien, c'étaient des représentants syndicaux qui étaient payés à même les fonds publics pour faire du travail syndical. Bien, si on réduit le nombre d'unités d'accréditation puis on ramène ça à quatre par établissement, il y en a moins. Et, quand ce sera mis en vigueur ? parce que je veux le préciser, là ? quand ce sera fait ? on est en train de faire ça en ce moment ? c'est 45 millions de dollars qui va revenir au réseau de la santé, qui ne sera pas payé en bureaucratie syndicale.

Est-ce que vous pensez, M. le Président, que ça a fait plaisir à la CSN puis aux dirigeants syndicaux de perdre 45 millions de dollars? Non, ça ne leur a pas fait plaisir, puis évidemment ils l'ont exprimé, puis ils ne sont pas contents. Est-ce que c'était la bonne décision à prendre? Oui, c'était la bonne décision à prendre.

On a des choix dans la vie, hein? On a des choix quand on est au gouvernement. On peut gouverner... bonnes décisions pour les citoyens, mais je constate que, de l'autre côté, ces décisions-là, on les verra au jour le jour, là. Il y aura des négociations. Est-ce qu'ils vont parler au nom des leaders syndicaux ou est-ce que, au Parti québécois, ils vont parler au nom des citoyens? Est-ce qu'on aura un discours de citoyens ou ce sera un discours de corporatisme?

Et, M. le Président, je tiens à préciser que mon gouvernement reconnaît d'emblée le rôle important que jouent les syndicats dans notre société. On s'en réjouit, les relations, on a de bonnes relations. On a des points de désaccord, on a des convictions profondes, mais nos relations sont bonnes, et je veux travailler en étroite collaboration avec les leaders syndicaux. Mais, s'il vous plaît, entendons-nous sur les intérêts des uns et des autres, puis il faut aussi pouvoir se parler franchement.

Mais le travail dans le réseau de la santé, ce n'était pas juste ça. La loi n° 30 nous permettait aussi de décentraliser la négociation, de faire en sorte que les établissements retrouvent leur marge de manoeuvre, comme ils doivent retrouver leur marge de manoeuvre. Une personne qui dirige un établissement de santé, que ce soit un hôpital, ou un CHSLD, ou un CLSC, doit avoir l'autorité nécessaire pour pouvoir faire fonctionner son établissement. Et rappelez-vous qu'à venir jusqu'à tout récemment, dans beaucoup de cas, on disait qu'un bon directeur général d'établissement, c'était quelqu'un qui s'entendait bien avec le président du syndicat. Puis je veux bien, c'est une bonne idée, ça, mais il faudrait que ce soit aussi plus que ça, il faudrait que ce soit quelqu'un qui a aussi la capacité, l'autorité, les outils nécessaires pour pouvoir faire bien fonctionner son établissement.

On a aussi réduit le nombre d'établissements publics, on a fait des fusions, on a fait des regroupements. Donc, les établissements sont passés de 339 à 195, une réduction de 42 %. On a créé 95 centres de santé et de services sociaux adaptés à la réalité de chaque territoire. On a réduit le nombre de postes de directeur général de 115, une réduction de 38 %. On a aussi procédé à la création de ce réseau universitaire d'enseignement. Ça a été une des premières décisions qu'on a prises. On a rendu des décisions pour le CUSM, hein, le Centre hospitalier universitaire de l'Université McGill, pour le CHUM, qui a fait beaucoup de bruit, hein? On a été témoins de ce grand débat pendant le mois de janvier.

Puis là permettez-moi de faire une parenthèse là-dessus pour bien situer la décision dans le cas du CHUM. D'abord, le gouvernement précédent, sur une période de neuf ans, n'a jamais été capable de livrer une décision. Il n'y en a pas eu, de décision. Puis d'ailleurs le chef de l'opposition officielle a trouvé le moyen, dans l'espace de 38 jours ? je les ai comptés ? d'appuyer le site du 6000 Saint-Denis, du centre-ville puis Outremont. Dans l'espace de 38 jours, trois sites différents. L'Université de Montréal a présenté un projet qui était nouveau au mois de décembre. Ils ont fait une tentative sincère mais aussi louable pour présenter un grand projet. Le gouvernement l'a évalué puis a conclu que la meilleure décision, c'était d'aller vers le centre-ville. Et tout ce débat sur la technopole, il va en rester quelque chose, va continuer, parce qu'il y a là-dedans une idée qui vaut la peine d'être poursuivie. L'Université de Montréal, je pense, va vouloir poursuivre sur cette voie-là.

Mais on a réglé, nous, dans la première moitié de notre mandat, ce que le gouvernement précédent a été incapable de régler pendant neuf ans. Et il n'y a pas eu de tergiversations, ce n'est pas vrai. Puis on a parlé d'études qui ont été faites. Je serais très heureux de comparer les investissements qu'on a faits pour arriver à une décision avec ce que le gouvernement précédent a fait. On a dépensé, nous autres, 1,5 million de dollars en études, bien justifiées, à comparer de presque 60 millions de dollars pour une décision qui n'est jamais arrivée, au Parti québécois. C'est presque symbolique, 60 millions de dollars pour ne pas avoir de décision sur neuf ans. Ça fait partie de notre bilan au niveau de la santé.

Et je tiens à dire qu'on a aussi créé des agences de développement à la place des régies régionales. On va créer un poste de Commissaire à la santé. On est en train de renverser la tendance de l'allongement des délais d'attente, M. le Président. Ce n'est pas... Je veux être clair avec les citoyens qui nous écoutent aujourd'hui, là, le système de soins de santé au Québec, c'est 20 milliards. C'est le plus gros ministère et c'est très gros. Puis on ne retourne pas ça sur un dix sous, mais on est en train de le revirer de bord. Et les délais d'attente ont été... en tout cas, dans beaucoup de cas, on a pu les réduire, les délais d'attente; dans d'autres cas, ça a pu allonger. Mais je tiens à vous souligner une chose, c'est parce qu'il y a plus de gens qui demandent des services, en anticipation aux investissements qu'on a faits, entre autres.

Alors, là-dessus, M. le Président, là je veux juste vous énumérer quelques investissements qu'on a refaits dans le système: l'aide aux femmes victimes de violence, entre autres, c'est un engagement qu'on avait pris pendant la campagne électorale, c'est 15 millions récurrents de plus; services aux jeunes en difficulté et à leurs familles, 22 millions de dollars que nous avons investis; à l'urgence, 25 millions de dollars récurrents. D'ailleurs, on me disait qu'à TVA, hier soir, il y avait un reportage qui nous annonçait qu'effectivement ça va mieux. Puis on ne le tient pas pour acquis. Je tiens à vous le dire, on ne tient pas pour acquis que ça va être comme ça à tous les jours. C'est une lutte qu'on fait à chaque jour de faire en sorte qu'on puisse livrer les services. Mais, en tout cas, une chose est claire, on sait quelles priorités on a. Il n'y a pas de confusion chez nous. Ce n'est pas la souveraineté, quand on se lève le matin, c'est les services aux citoyens. C'est ça, la différence entre...

Des voix: ...

M. Charest: On a réinvesti 2,2 milliards de dollars, c'est plus de 12 % de réinvestissement, et on va continuer, M. le Président, à persévérer.

n(11 heures)n

J'ouvre une parenthèse ici pour dire qu'il y a un autre dossier qui est parallèle à celui-là et dont on est très fiers aussi, et c'est l'entente qu'on a conclue dans le domaine de la santé avec le gouvernement fédéral, une négociation qui a été beaucoup attendue, qui a fait l'objet d'une soigneuse préparation de la part du gouvernement du Québec, du ministère de la Santé, du ministre des Affaires intergouvernementales également. Et je veux souligner sa contribution exceptionnelle au bilan...

Quand les gens me demandent s'il y a une chose dont je suis le plus fier, s'il y a une affaire que je relève de la première moitié de notre premier mandat, je leur dis toujours que je pense que l'entente sur la santé est probablement la chose dont je suis le plus fier. Je vais vous dire pourquoi: parce que c'est d'abord la première priorité des citoyens québécois parce que c'est des services qui les touchent de très près, c'est leur vie, hein? C'est les gens qui sont en situation difficile, ils sont vulnérables, ils sont malades. Je suis heureux quand on peut réussir des choses pour ces gens-là. Ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, c'est qu'on a réussi à mettre à contribution la création d'un Conseil de la fédération qu'on avait proposée bien avant l'élection générale, ça a fait partie de notre préparation. On l'a créé, on l'a proposé, ça a été adopté, ça marche. Ça a permis de réussir la négociation au nom de ceux et celles qui ont besoin de services de soins de santé, pas juste pour le Québec mais partout au Canada. Parce qu'aussi on a réussi à faire reconnaître pour la première fois dans l'histoire du Canada le principe du fédéralisme asymétrique, M. le Président; ça ne s'était jamais fait. Et ça, ça reflète les intérêts réels du Québec, ce reflète notre volonté de pouvoir se distinguer, ça reflète notre volonté à nous de vouloir être des leaders à l'intérieur de la fédération canadienne. Et ça a été reconnu pour la première fois de notre histoire grâce au travail de leadership du Québec, du député effectivement et du ministre des Affaires intergouvernementales et de toute l'équipe chez nous. Alors, vous avez là un exemple très solide de la cohérence du gouvernement qui permet de mieux servir les intérêts des citoyens québécois.

M. le Président, la deuxième priorité, c'était l'éducation. Puis, dans le domaine de l'éducation, rappelons-nous une chose, le gouvernement précédent avait coupé à la hauteur de 1,8 milliard de dollars. Le chef du Parti québécois, aujourd'hui chef de l'opposition officielle, déclarait, dans un document qu'il rendait public au mois de novembre, au mois de novembre 2004, aux pages 20, 21 et 22 ? c'est drôle, comment se fait-il que je m'en rappelle si bien, hein? ? il déclarait qu'«à l'instar du diplôme d'études secondaires, l'évolution au cours des dernières années du taux d'obtention d'un diplôme d'études universitaires au Québec est inquiétante. Le taux d'obtention d'un baccalauréat a régressé depuis le milieu des années quatre-vingt-dix...» Au milieu des années quatre-vingt-dix, qui s'est fait élire?

Des voix: ...

M. Charest: Ah, en 1994? Ah oui? O.K. «...[au] milieu des années quatre-vingt-dix, passant de 29,3 % en 1996 à 27 % en 2002. L'avis ? là, c'est intéressant de lire ça ? du Conseil de la science et de la technologie à ce sujet est sans équivoque ? et là c'est M. Landry qui cite lui-même, c'est son document à lui: "Si une telle situation perdure, le Québec perdra donc l'avance que les efforts des 25 ou 30 dernières années lui ont permis d'acquérir au chapitre de la scolarisation universitaire de sa population."» Ce que le chef de l'opposition officielle a affirmé, c'est qu'il a mis en péril les acquis des 25 ou 30 dernières années au niveau de la scolarisation universitaire. Ça, c'est à la page 21 de son propre document. M. le Président, c'est des aveux.

Dans le même document, je pense, à la page 35 ? parce que ce n'est pas un document que je connais très bien, là... oui, c'est à la page 35 ? il affirme qu'aucun autre gouvernement dans l'OCDE, peut-être deux ont fait des coupures aussi importantes dans l'éducation que son gouvernement.

Alors, au net, après le bilan, après le mandat du gouvernement du Parti québécois, ils ont réinvesti 600 millions de dollars. Nous, on avait dit à la population du Québec que ça allait être une priorité, santé, éducation, c'était très clair. On a réinvesti, depuis l'élection du gouvernement, 709 millions de dollars après deux ans de gouvernement. Et là, ça, c'est probablement... c'est ce qu'il y a de plus tangible, de plus réel en termes de résultats.

On a commencé à mettre en place ce très bon Programme d'aide aux devoirs. C'est une dizaine de millions de dollars qu'on a mis là-dedans depuis l'élection du gouvernement. On a eu un débat, il faut le dire, hein, un bon débat, sur toute la question de l'aide aux études. Encore là, faut-il rappeler que le gouvernement précédent avait coupé dans les prêts et bourses, là, à hauteur de 107 millions de dollars. Et récemment le ministre de l'Éducation a conclu une très bonne entente où ? encore là, il y a quelque chose de symbolique là-dedans, il y a quelque chose de symbolique là-dedans ? on est allé cherché de l'argent du gouvernement fédéral, de l'argent qui, en passant, a été collecté à même les fonds des... les poches des contribuables québécois, là. Que les bourses du millénaire investissent davantage dans le Programme de prêts et bourses et que le gouvernement fédéral le fasse, c'est ce qui doit être fait, ils en ont les moyens. Nos finances à nous sont très, très serrées. Alors, l'entente qu'a conclue le ministre de l'Éducation, je tiens à le féliciter parce que c'est une bonne entente pour les étudiants puis c'est une bonne entente pour les citoyens du Québec. Alors, M. le Président, on a donc commencé le travail de reconstruction qui s'imposait suite aux décisions du Parti québécois.

Je veux parler maintenant de nos politiques sociales parce que c'est peut-être là où on a eu plus de critiques, hein? Les gens disent: Ah, le gouvernement, c'est un gouvernement néolibéral, puis il va couper, puis... C'est quoi, le résultat net, là, après la mi-mandat? Il y avait une loi sur... la loi antipauvreté qui a été votée à l'unanimité à la Chambre. On a agi dès l'élection puis le premier puis le deuxième budget pour respecter les paramètres de la loi. On a mis en place un programme de soutien aux familles qui est novateur, qui est novateur, avec un programme de prime au travail. On a retourné aux familles québécoises, là, des centaines de millions de dollars et on a priorisé, on a ciblé les familles à bas revenus avec des enfants. Le résultat net de ça, c'est quoi? Et c'est ça qui est intéressant, parce que, s'il y a une chose qu'on doit espérer faire dans notre société ? j'ai même entendu le chef de l'opposition officielle le dire ? c'est améliorer la qualité de vie de nos citoyens, augmenter le revenu disponible, faire en sorte qu'on soit plus prospères, basé sur un principe fort simple: pour partager la richesse, il faut d'abord la créer. Une chose à laquelle nous croyons profondément au Parti libéral du Québec, nous voulons créer de la richesse.

Alors, le résultat de nos politiques, c'est quoi? Le Conference Board du Canada a publié un rapport, récemment, où il nous annonce que le revenu disponible ? c'est-à-dire l'argent qui va vous rester dans les poches comme citoyens après que vous ayez payé vos impôts, vos taxes et toutes vos autres obligations ? va augmenter plus rapidement au Québec qu'au Canada et en Ontario, que le revenu disponible des citoyens du Québec va augmenter de 3,2 % pendant les deux prochaines années. Ça, c'est le résultat net. Et il nous en donne une partie du crédit. Dans la même étude, ils reconnaissent que c'est en partie attribuable aux politiques du gouvernement actuel. Bien, voilà, voilà quelque chose de tangible et de réel dans la vie des gens.

En même temps, M. le Président, on a mis en place un programme de prime au travail. Pourquoi? Parce que, dans nos valeurs à nous, Québécois et Québécoises, il est clair qu'on doit toujours favoriser le travail, que ça doit être plus payant de travailler que de pouvoir recevoir un programme de soutien au revenu, qu'on doit créer un environnement où on encourage les hommes et les femmes à participer dans le marché du travail, basé sur un principe fort simple: c'est lorsque nous travaillons que nous participons à la société comme citoyens et citoyennes. Et ce programme de prime au travail a été reconnu, j'ai vu des études, des gens qui disent: Vous, au Québec, vous êtes parmi les premiers à reconnaître ce phénomène et à le mettre en place. Et je tiens à souligner le travail qui a été fait par le ministre de la Solidarité et de l'Emploi qui, aujourd'hui, assume de nouvelles responsabilités, qui d'ailleurs est succédé par une députée brillante et qui ont tous les deux travaillé en étroite collaboration pour que le Québec puisse continuer à innover et faire en sorte que nos citoyens en soient gagnants.

M. le Président, on a eu un long débat sur les services de garde, les services de garde, alors qu'on a un programme, ici, au Québec, qui est très avancé et ça ne se compare pas à.... on ne retrouve pas un programme similaire ailleurs. Sauf que le problème qu'on avait au moment de notre élection, c'est qu'il n'y avait pas de places en garderie. C'était ça, le problème. Le gouvernement précédent s'était enfermé dans une logique où seul le public pouvait livrer les services, alors que, dans notre cas à nous, si on peut faire avec des services de garde en milieu familial, pourquoi ne pas le faire?

Et pourquoi le faire? Je veux juste vous rappeler pourquoi c'est important de s'attaquer à ce dossier-là. Parce que trop de parents au Québec payaient des impôts pour appuyer des services de garde mais devaient, en l'absence de places, payer 30 $ à 40 $ par jour pour faire garder leurs enfants. C'est le comble de l'absurde. Ces parents-là méritaient au minimum que le gouvernement se mette au travail pour créer des places en services de garde. On a pris l'engagement de le faire. On a près de 30 000 places de créées en mi-mandat du gouvernement actuel pour les parents du Québec. Je veux souligner le travail exceptionnel fait par la ministre déléguée, à ce moment-là, à la Famille et qui aujourd'hui a un ministère qui inclut également la condition féminine et les aînés, et c'est grâce à sa persévérance qu'on est arrivés à livrer ces services aux parents du Québec.

n(11 h 10)n

M. le Président, je veux passer aux aveux, à ce moment-ci de mon discours, vous dire qu'il y a un engagement qu'on avait pris qu'on n'a pas respecté. On avait dit qu'on créerait 13 000 logements sociaux. D'ailleurs, je veux souligner le travail fait par la députée du comté de La Pinière, qui, avant l'élection générale, avait travaillé en étroite collaboration avec les milieux communautaires pour préparer une politique libérale. Elle avait fait un travail de très haut niveau, comme elle le fait dans tous les dossiers où elle a l'occasion de contribuer. Alors, on a préparé soigneusement une politique. On s'était engagés à en créer 13 000, on n'a pas respecté notre engagement, on en a créé 16 000, à la place, pour 329 millions. Voilà des exemples, M. le Président, de ce qu'on a fait qui respectent les engagements, le projet qu'on a présenté, mais qui ont aussi un impact sur la vie des gens.

Permettez-moi maintenant de parler d'économie puis le rôle de l'État québécois dans l'économie. Le gouvernement précédent... Et le Parti québécois et nous là-dessus, là, on a deux visions totalement différentes du rôle de l'État. Ça, il faut le dire, là, il faut dire les choses comme elles sont. Le chef de l'opposition officielle, sa formation politique sont unanimes sur le fait qu'il doit y avoir plus d'interventions dans l'économie par l'État, que les citoyens doivent payer des impôts et des taxes pour intervenir tous azimuts dans l'État. C'est ce qu'ils ont fait. On connaît le résultat, malheureusement. Mais c'est ce qu'ils ont choisi de faire, puis ils continuent à perpétuer puis à encourager l'intervention de l'État.

Nous croyons, nous, que le moteur du développement économique, c'est effectivement l'investissement privé, qu'on ne peut pas se substituer au privé dans la création d'emplois, dans la création de richesse, que l'État a un rôle à jouer mais un rôle d'accompagnateur. Ce n'est pas à nous à prendre les risques à la place des investisseurs. On doit créer un environnement qui leur permet d'investir, et c'est ce que nous avons choisi de faire. On s'est mis à la tâche pour faire le ménage justement dans ces programmes-là.

Je vous rappelais, au début de mon intervention, qu'on a fait le ménage dans les crédits d'impôt puis les subventions. C'est 1 milliard de dollars qu'on est allés couper là, puis on avait raison de le faire. Puis on va suivre ça à la lettre, en passant, là. Ce n'est pas parce qu'on l'a fait une première fois qu'on arrête soudainement de faire ces choses-là. Puis ce n'est pas parce qu'on choisit de faire le ménage là-dedans que nous arrêtons d'intervenir au besoin, je tiens à le préciser. Il n'y a pas un État, surtout pas nous qui allons nous priver de l'occasion, si nous le croyons nécessaire ? il faut vraiment que ce soit la dernière alternative, pas la première ? d'intervenir. Je reviendrai là-dessus. Parce qu'il y a des places puis il y a des endroits où justement on est intervenus puis on avait raison de le faire. Alors, on va être au rendez-vous. On va le faire non pas en fonction d'un objectif de souveraineté, mais de services aux citoyens puis de services aux régions du Québec.

Alors, on a fait quoi? On a revu le mandat de la SGF, on a changé ça substantiellement. Il y a moins de gens qui travaillent à la SGF aujourd'hui. Ils ont commencé à faire des profits là où ils avaient perdu de l'argent. Rappelez-vous le rapport qui a été fait par la Vérificatrice générale sur l'administration de la SGF sous le gouvernement du Parti québécois, il y a des passages là-dedans qui ne sont pas très éloquents pour l'administration publique sur la façon dont ils conduisaient leurs affaires à l'interne, M. le Président. Des primes, des primes au boni pour avoir perdu de l'argent, là, fallait le faire. Fallait le faire. Ils donnaient des primes, eux, aux administrateurs parce qu'ils perdaient de l'argent. Ils avaient un système assez unique où plus ils dépensaient de l'argent, plus leurs primes étaient élevées. C'est pour vous dire à quel point ça peut être à l'envers dans la logique des gouvernements.

Mesdames et messieurs, si vous êtes citoyens du Québec, là, demandez-vous pas pourquoi la situation financière du Québec est aussi lourde, quand le gouvernement précédent payait du monde pour dépenser de l'argent. Vous savez, c'est assez unique dans l'histoire, là, des gouvernements, ça. Et surprenez-vous pas si après ça l'État fait des pertes puis des déficits. Si on vous paie... si on dit à du monde: Écoutez, je vais te donner beaucoup d'argent si tu dépenses de l'argent, peu importe ce qui arrive, hein, il arrive des déficits de cet ordre-là.

On a revu le mandat d'Investissement Québec. On a revu le mandat évidemment de la Caisse de dépôt et de placement, on a eu un bon débat là-dessus. Le député de Rousseau, lui, il voulait qu'on continue à donner un mandat à la Caisse de dépôt pour intervenir dans l'économie, avec l'économie, avec le bas de laine des Québécois. On a dit non à ça. On a dit non, puis on avait raison de dire non. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à le penser. Jean Campeau, qui a siégé avec le Parti québécois, nous a donné raison de dire non à ce que le député de Rousseau proposait. Heureusement. Heureusement. Et là la Caisse de dépôt a recommencé à se placer en peloton de tête parmi les grandes institutions financières qui gèrent les biens publics, et ça, c'est le reflet des priorités du gouvernement actuel.

On a privatisé Innovatech Montréal. C'est une firme de l'extérieur qui l'a achetée, qui est maintenant présente à Montréal. On a changé tout le système des capitaux de risque également et ce travail-là. On a créé les fonds FIER dans les régions, et là on est en train de les mettre en place progressivement, de telle sorte qu'il y ait des outils de développement économique dans chacune des régions du Québec.

Je vois le député de Gaspé qui me fait des signaux, de l'autre côté, ça me fait plaisir parce que j'avais presque oublié le dossier des éoliens. Et j'aurais aimé vous voir à l'annonce qu'on a faite, alors que le gouvernement actuel a fait le plus gros appel d'offres de l'Amérique du Nord pour de l'énergie, hein, de l'énergie verte, éolienne, et que les régions de la Gaspésie et Bas-Saint-Laurent vont être les premiers bénéficiaires de ça, grâce au travail, entre autres, de la députée de Matane, de la députée de Bonaventure ? M. le Président, le temps file très rapidement.

On a changé le fonctionnement de l'État, on s'est recentrés sur nos priorités. Permettez-moi de vous parler un peu du résultat sur le plan économique. Ça a donné quoi, pour nous? Bien, il s'est créé plus de 100 000 emplois, depuis l'élection de notre gouvernement. Dans 10 régions sur 16... dans 10 régions sur 16, le taux de chômage a baissé. L'écart du taux de chômage entre le Québec et le Canada, qui est historiquement à 2 %, est rendu à 1,3 %. Les investissements privés ont augmenté. Les investissements privés ont augmenté, mais ce qui me fait, entre autres, plaisir, c'est qu'il y a plus de 12 000 personnes de moins qui sont sur l'assistance-emploi au Québec, qui ont retrouvé la dignité d'un emploi, qui sont retournées dans le marché du travail. C'est ça, l'effet net des politiques de notre gouvernement. La croissance économique est au rendez-vous également pour la consommation. Et les exportations ont repris pour la première fois depuis 2000, même si le dollar canadien a connu une très forte croissance sur la monnaie américaine, M. le Président. Ça, c'est le résultat de nos politiques.

La grande question qu'on doit se poser est la suivante, en terminant, M. le Président. Si je suis citoyen du Québec, moi, je me poserais une question, il y en a une qui est importante: Est-ce que le Québec va mieux aujourd'hui qu'il allait sous le gouvernement du Parti québécois? La réponse est sans équivoque, c'est oui. Oui.

En conclusion, M. le Président, je suis très conscient que nous sommes en train de mettre en place des changements qui sont profonds, qui, pour certains, peuvent déranger, mais je tiens à vous dire notre détermination à continuer, au nom des citoyens et citoyennes du Québec, et à vous dire toute notre détermination à mieux servir nos concitoyens et concitoyennes, à faire en sorte que notre système de santé soit au rendez-vous; que notre système d'éducation reflète nos valeurs profondes; que, sur le plan social, nous puissions agir avec compassion mais aussi en respectant l'égalité des chances; que nous puissions donner à chaque citoyen du Québec l'occasion de s'épanouir, d'être heureux aussi, de pouvoir vivre une vie en sachant qu'il a ici l'occasion, l'opportunité de construire et de continuer à faire partie d'une société exceptionnelle qui rayonne dans le monde entier. M. le Président, mon gouvernement est déterminé à faire réussir le Québec.

(Applaudissements)

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie. Je vous remercie, M. le premier ministre. Je vous remercie. J'aimerais rappeler aux gens dans les galeries qu'il est interdit d'applaudir.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, j'interviens donc à ce moment-ci de cette motion et, avant d'aller dans le coeur du sujet, je me permettrai de faire deux remarques. Les gens qui suivent nos travaux savent qu'en général le mercredi l'opposition officielle dépose une motion qui concerne l'ensemble des Québécois. Et, ce matin, la motion que nous avons déposée et que nous débattons se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exige une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral.»

Or, elle est bien connue, M. le Président, elle est bien connue, la procédure, les us et coutumes à l'occasion de cette motion. Et il est bien connu qu'un premier intervenant...

n(11 h 20)n

Des voix: ...

Mme Lemieux: M. le Président, on voit que ça chahute, puisque nous venons d'assister à un discours d'un motivateur jovialiste, M. le Président, et que là son public en délire quitte l'Assemblée...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'ordre! S'il vous plaît!

M. Dupuis: Question de règlement. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: La leader de l'opposition officielle devrait ? et je sais qu'elle le connaît, le règlement ? devrait se rappeler qu'il y a un article important du règlement qui lui défend de faire ce qu'elle vient de faire, ce que nous n'avons pas fait.

Des voix: ...

M. Dupuis: Un instant! M. le Président, M. le Président, le...

Mme Lemieux: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement. Quel article? Quel article?

M. Dupuis: M. le Président, si le règlement permettait...

Mme Lemieux: M. le Président, le leader... M. le Président...

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dupuis: Si le règlement permettait ce que la leader de l'opposition officielle vient de faire, nous aurions eu le droit de dire qu'il n'y avait que 18 députés pour entendre le chef de l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors là, ça va.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je demande la collaboration de tous, là, hein. Et j'ai accordé la parole à la leader de l'opposition officielle. Vous pouvez continuer, madame.

Mme Lemieux: M. le Président, je disais simplement que nous avons assisté, il y a quelques minutes, à un discours d'un motivateur jovialiste. C'est une fonction, dans la société, qui est fort honorable. Il y a des fois des gens qui cherchent un sens et il y a des gens qui exercent cette fonction. Ce n'est pas ce à quoi s'attendent les Québécois. Les Québécois veulent un premier ministre. Un motivateur jovialiste, c'est une autre business et c'est un autre métier, et c'est ce à quoi on a assisté ce matin.

Et je disais donc, M. le Président, qu'il est de coutume... Cette motion du mercredi est rodée depuis 107 ans, M. le Président. On le sait qu'en général le premier intervenant fait une intervention de 15, 20 minutes, et là, par alternance, il y a une intervention de l'autre côté. Et là qu'est-ce qui se passe, M. le Président, ce matin? Bien, le leader nous demande de suspendre quelques minutes parce que l'intervenant du côté libéral n'est pas présent. On réalise que c'est le premier ministre qui n'était pas prêt, M. le Président, le premier ministre qui n'est même pas capable d'être à l'heure, M. le Président, qui n'est même pas capable de suivre les règles, les us et coutumes de cette Assemblée. On a dû suspendre quelques minutes parce que le premier ministre n'était pas prêt, M. le Président. C'est tout ce que je voulais signaler au leader. Je comprends que ça ne lui fasse pas plaisir.

Je voudrais également dire, M. le Président ? parce qu'il y a beaucoup d'éléments dans les propos qu'a tenus le premier ministre en réaction à notre motion à l'effet d'exiger une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral ? je voudrais signaler un certain nombre de choses, M. le Président, parce que cette motion, nous y avons songé, nous avons pesé chaque mot.

D'abord, le premier ministre conclut en se posant une question à voix haute. Il dit: Est-ce que la population du Québec est mieux, est dans un meilleur état après deux ans de gouvernement libéral qu'après un gouvernement du Parti québécois? M. le Président, en toute humilité, ce n'est pas à nous à répondre à cette question-là, certainement pas le premier ministre. Et le premier ministre devrait savoir que la population, elle porte un jugement et elle a des éléments de réponse. C'est la population actuellement qui nous dit que le Québec n'est pas mieux après deux ans de gouvernance du gouvernement libéral, elle nous le dit de mille manières.

On pourrait abondamment parler des sondages, ce n'est pas tellement dans mes habitudes, mais les sondages sont tout de même une photographie de cette impression forte de la population québécoise, du jugement sévère que la population exerce à l'endroit du gouvernement libéral. Mais il y a bien d'autres indices. Quand on sait, M. le Président, que les premières sessions parlementaires que nous avons faites ici, à l'Assemblée nationale, sous la gouverne du gouvernement libéral ont fait en sorte que l'Assemblée a été entourée de manifestants, ça ne faisait même pas six mois qu'il était au pouvoir, ça parle, ça, M. le Président, ça nous donne des indices sur le jugement sévère que portent les Québécois envers le gouvernement libéral.

Par ailleurs, M. le Président, le premier ministre tente de rendre un peu plus rose son bilan en nous parlant d'économie. Et j'ai été frappée, M. le Président, à quel point le premier ministre actuel tente de faire des liens entre des résultats économiques et sa gouvernance. Alors, il veut faire des liens, M. le Président, entre des résultats économiques et la gouvernance? On va les faire, mais on va les faire au complet. Parce que je vous ferai remarquer, M. le Président, que le premier ministre omet un certain nombre d'informations. Et, s'il avait le courage d'aller jusqu'au bout de ces liens à faire entre la situation économique du Québec et sa gouvernance, on aurait des petites surprises. Je me permets de donner quelques exemples, M. le Président.

Le premier ministre dit: C'est formidable, il y a 10 régions au Québec sur 16 dont le taux de chômage est plus bas. Bien oui, M. le Président, il a oublié de dire qu'il y a eu 22 000 emplois qui ont été perdus dans des régions ressources, M. le Président. Ça, il ne veut pas faire le lien entre sa gouvernance et des résultats économiques.

Il nous dit: C'est formidable, il y a beaucoup de nouveaux emplois. Ah bien, c'est curieux, les jeunes ont perdu... 14 000 jeunes ont perdu leur emploi depuis que les libéraux sont au pouvoir.

Il nous dit: C'est formidable, M. le Président, on a des investissements à la tonne, on ne sait plus quoi en faire, M. le Président. Ah, il omet, il omet de dire que Statistique Canada, Statistique Canada, organisme officiel, dit: «Le Québec obtiendra, cette année, la plus petite part jamais enregistrée des investissements privés non résidentiels au Canada.» Statistique Canada nous dit que... pas les résidences, là, nous dit que tout ce qui est non résidentiel, donc tout ce qui est projet à moyen terme, à long terme, tout ce qui est investissement dans les entreprises, modernisation de l'équipement, on en a moins qu'on n'en a jamais eu au Québec. Il omet de dire ça, M. le Président. Il ne veut pas les faire, les liens entre sa gouvernance et ses résultats catastrophiques.

Également, il nous a parlé abondamment de syndicats et de relations de travail, il omet de nous dire que le nombre de jours perdus pour cause de grève et de lock-out a atteint un sommet en 2003 qui est égalé en 2004. M. le Président, la moyenne du nombre de jours perdus pour grève et lock-out, dans la dernière décennie, annuellement, c'est 390 000 jours. Savez-vous qu'en 2003 on était à plus de 600 000 jours? Savez-vous qu'en 2004 on était pas loin de 500 000 jours de grève et de lock-out, donc de journées perdues de travail? Il omet de dire qu'il y a un lien également entre sa gouvernance et l'état des relations de travail au Québec. Alors, je crois que c'est important de le signaler.

Si le premier ministre veut s'attribuer des résultats économiques, il va prendre tout le bateau, M. le Président, il va prendre tous les résultats et il devra en assumer les responsabilités, M. le Président.

Alors, je veux aussi souligner un certain nombre d'éléments de ce bilan du gouvernement libéral. On vient de glisser un mot sur l'économie. Je me permettrai également de souligner à quel point le gouvernement libéral est insensible à des secteurs économiques qui sont fragiles, qui sont vulnérables pour toutes sortes de raisons, à quel point il est insensible.

Prenons le secteur de l'industrie du textile, M. le Président. On n'a pas besoin d'un doctorat en économie pour savoir que ce secteur de notre économie, qui embauche des milliers de personnes à petits salaires d'ailleurs, à très petits salaires, est fragilisé à cause des règles du marché qui sont profondément bouleversées. Eh bien, ce gouvernement a été insensible à ces changements. Il a été incapable de proposer un minimum d'alternatives pour repositionner ces emplois, repositionner cette industrie.

Même chose, M. le Président, dans le secteur forestier. On sait qu'il y a des décisions difficiles à prendre, qui doivent être prises, qui seront prises pour mieux gérer la forêt publique québécoise, M. le Président, et on en convient. Mais on ne peut pas tirer la plug sans coeur, comme le fait le gouvernement actuel. On ne peut pas dire, au nom d'une philosophie quelconque: On tire la plug, au diable les emplois, le plus important, c'est ceci et cela. C'est ce qu'ils font, M. le Président, dans le secteur des forêts.

n(11 h 30)n

Un autre secteur aussi qui est en profond bouleversement, le secteur de l'agriculture. Ce gouvernement a été insensible. Il a fait croire aux agriculteurs pas mal de choses que les agriculteurs malheureusement ont cru. Mais heureusement que maintenant ils ont les yeux clairs. Ils ont promis des ententes avec le fédéral pour les soutenir, ces ententes ne sont jamais venues, M. le Président.

Dans d'autres secteurs, comme le domaine de la famille, le premier ministre semble se réjouir d'un certain nombre de réalisations au sujet de la famille. Je veux bien, M. le Président, mais, au lieu de soutenir le développement de nos centres à la petite enfance, qui sont devenus un réseau dont les Québécois sont fiers et qui répondent à des besoins quotidiens des gens, qu'est-ce qu'ils ont fait? Première décision, première décision en cette matière, ils ont augmenté de 2 $ le prix, chaque jour, que les parents doivent verser. C'est 520 $ par année dans les poches des Québécois et des familles qui ont besoin de ces services. M. le Président, on pourrait dire: Augmenter de 2 $, ce n'est pas tant que ça, c'est raisonnable, etc. Ça représente 102 millions de dollars que le gouvernement a récupérés en termes de revenus dans ses coffres pour gérer les services à la petite enfance. Mais qu'est-ce qu'il a fait? Il a récupéré 102, il va en couper 60, M. le Président. Ils vont couper 60 millions dans les services de garde. Et notre collègue de Vachon commence clairement à faire l'illustration à quel point ces coupes sont dommageables. Et ce sont les familles les plus démunies qui, en bout de ligne, vont de moins en moins inscrire et placer leurs enfants dans les centres à la petite enfance. C'est ça, les résultats de cette politique, de cette politique familiale.

Et puis le premier ministre omet de dire que, parmi ses grandes promesses, par exemple, sur la conciliation travail-famille ? il était question d'une politique largement réclamée ? au sujet de la conciliation travail-famille, bien on attend toujours, M. le Président. Ils ont fait bien du millage avec ce sujet-là, on attend toujours cette politique de conciliation travail-famille.

M. le Président, ce gouvernement n'a pas raison non plus de se réjouir dans le domaine, par exemple, de la santé, puisque rappelons-nous, rappelons-nous que le premier ministre du Québec, dans les jours qui précédaient la période électorale, a dit, a dit que, dans les jours, voire dans les heures qui suivaient la venue au gouvernement d'un gouvernement libéral, il n'y aurait plus de listes d'attente. Bien, M. le Président, on se retrouve aujourd'hui avec 43 000 personnes qui sont en attente d'une chirurgie hors délai. On se retrouve avec plus de 115 000 Québécois qui sont en attente d'une intervention chirurgicale. M. le Président, j'ai déjà entendu le premier ministre du Québec, chef de l'opposition à l'époque, accuser, blâmer, rendre personnellement responsable le premier ministre de l'époque, qui est maintenant chef de l'opposition, des listes d'attente au Québec. Il est responsable de quoi, M. le Président?

Alors, en terminant, parce qu'il y aurait beaucoup d'éléments à dire et il y a d'autres de mes collègues qui tiennent à intervenir sur cette motion, je terminerais sur la gouvernance générale de ce gouvernement. Ils ont dit qu'ils géreraient. Qu'est-ce qu'ils ont fait, M. le Président? Qu'est-ce que c'est, ça, gouverner? Gouverner, c'est donner une direction, hein? On peut convenir que, lorsqu'on dit haut et fort: Je garde le cap, comme le premier ministre le dit actuellement, alors que tous les éléments démontrent à quel point ce gouvernement est déboussolé, qu'il ne comprend pas et qu'il ne pose pas les gestes sains et auxquels on s'attend d'un gouvernement... Gouverner, c'est prendre acte de certaines réalités, c'est repérer les meilleures solutions, c'est prendre les meilleures décisions, c'est voir plus loin. Qu'est-ce qu'a fait ce gouvernement? Il n'a pas gouverné, M. le Président.

Et, si je prends à témoin ce qui se passe dans cette Assemblée nationale, on n'a jamais été autant gouvernés par bâillon, et les gens le savent. Les gens le savent que cette tradition de suspendre les règles habituelles de la Chambre pour pouvoir passer en bloc et rapidement une série de projets de loi ne fait plus partie des standards auxquels on doit s'attendre de nos parlementaires. Mais ils sont devenus spécialistes, et là ils en ont ajouté, M. le Président. Rappelons-nous, ça ne faisait pas deux semaines que nous siégions à cette session-ci parlementaire que nous avons été bâillonnés une autre fois. Il faut quand même souligner à quel point cela témoigne de problèmes de gestion au quotidien. Quand on est obligé de déposer un bâillon deux semaines après le début de la session, il y a quelque chose qui ne va pas.

On le sait, par exemple, on sait que ce gouvernement n'a pas été capable de déposer l'ensemble des dépenses d'un gouvernement pour l'année complète au moment où il est convenu de déposer ces dépenses. Alors, ce gouvernement ne gouverne pas. Et il n'a pas non plus eu les résultats auxquels on pourrait s'attendre d'un gouvernement fédéraliste quant à ses relations avec Ottawa. Je remarque à quel point le gouvernement libéral est plutôt discret sur la dernière entente au sujet des congés parentaux. Je les comprends, M. le Président, c'est une entente à rabais. Le gouvernement devra décaisser 250 millions de dollars parce qu'ils n'ont pas pu négocier ces montants avec le fédéral. C'est dur de se vanter d'une entente à rabais.

Alors, M. le Président, si nous avons déposé cette motion, c'est que nous souhaitons, au nom des Québécois qui le disent de mille manières, nous souhaitons exprimer au gouvernement actuel qu'il ne doit pas changer de cap... qu'il ne doit pas maintenir, pardon, le cap, qu'il doit changer de cap. La direction que ce gouvernement donne au Québec, non seulement elle ne plaît pas aux Québécois, mais elle est en collision frontale avec les manières de voir, les manières de faire, les valeurs fondamentales des Québécois, et c'est pour cette raison qu'il y a autant de réactions. Nous ne nous réjouissons pas de la situation, nous la déplorons et nous sommes inquiets des effets à court terme, à moyen terme et à long terme pour le Québec. Nous implorons le premier ministre, il doit changer de cap. C'est ce que les Québécois lui disent et lui demandent. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la leader de l'opposition officielle. Je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant. Alors, oui, M. le député de Marguerite-D'Youville, en vous rappelant qu'on m'informe que vous disposez de cinq minutes.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Je vous remercie de l'information, M. le Président, et j'essaierai même de partager ce cinq minutes avec mes collègues, étant donné que la motion qui est présentée par l'opposition, ce matin, nous donne l'occasion effectivement de rappeler aux gens, de rappeler à la population qui nous écoute les réalisations du gouvernement. Et très sincèrement, M. le Président, c'est avec beaucoup d'humilité que je prends la parole sur la motion parce qu'on a entendu avec quelle éloquence le premier ministre a su rappeler aux Québécoises et aux Québécois et aux membres de cette Assemblée les réalisations que nous avons faites en deux ans de mandat.

Et je ferai écho ici à une suggestion ou plutôt à une phrase que donnait la leader de l'opposition officielle lors de sa précédente intervention, où elle disait: Écoutez, si le gouvernement veut s'attribuer les bons résultats, il va prendre tout le bateau. Je sais que la leader de l'opposition était ici lorsque le chef de l'opposition a fait son intervention et je répondrai à cet argument-là par une phrase prononcée par le chef de l'opposition lui-même, où il dit: On ne peut pas se remettre en deux semaines des dégâts qui ont été faits sur plusieurs années. Et c'est exactement la situation dans laquelle se trouve le gouvernement actuel, parce qu'il faut voir dans quel état le gouvernement a dû prendre l'État au moment où il a été élu, en 2003, et dans quel état le gouvernement précédent nous avait laissé la situation.

Et, M. le Président, tout le monde sait, tous ceux qui nous écoutent savent exactement que, dans cette salle, il y a des opinions politiques et qu'en politique il est normal de faire une loyale opposition et qu'il peut y avoir des discours qui ont une tendance à embellir les choses. Mais, lorsque le constat que nous faisons à l'effet que l'État qui nous a été laissé était déplorable, autant en santé qu'en éducation, je vais prendre un observateur qu'on ne peut pas croire pour tendancieux et favorable aux libéraux, je vais prendre la parole du député de Rousseau qui, dans un document intitulé Le courage de changer ? Un projet de pays pour le Québec, daté d'octobre 2004, écrit ceci, M. le Président, à la page 7. Le député de Rousseau écrit, et là il fait le bilan sous Les leçons de la dernière élection. C'est ce que le député de Rousseau tire comme leçons de la dernière élection, et je le cite. Il nous dit: «Il faut reconnaître sans détour que la mise à la retraite de milliers d'infirmières et de médecins, de même que le départ d'un millier d'orthopédagogues et d'orthophonistes qui s'occupaient de nos élèves les plus vulnérables, ont été des erreurs que nous devons pleinement assumer.» C'est le député de Rousseau qui parle. Or, quand la leader de l'opposition dit qu'on doit prendre le bateau au complet, moi, je pense qu'il y a une couple de chaloupes de sauvetage qui doivent rester du côté du bilan du gouvernement précédent, et c'est le député de Rousseau lui-même qui le suggère. Alors, peut-être qu'elle devrait faire la lecture de ce document-là.

n(11 h 40)n

Et lorsqu'on parle des orthophonistes et des orthopédagogues, lorsque le député de Rousseau nous parle des orthophonistes et des orthopédagogues, pas plus tard qu'hier au bulletin de nouvelles, on voyait la présidente du Syndicat des enseignants qui était interviewée et qui disait effectivement qu'une des revendications principales qu'ils ont à l'heure actuelle, c'est d'augmenter le nombre d'orthopédagogues et d'orthophonistes.

Or, on ne peut pas réparer en quelques mois ce que ces gens-là ont détruit en neuf ans de pouvoir, avec une reconnaissance qui est la sanction des dernières élections. Alors, dans la vie, il ne faut pas être dupe et il faut prendre les choses pour ce qu'elles sont et reconnaître le courage ici du député de Rousseau qui nous dit qu'ils nous ont laissé en fait, tant en santé qu'en éducation, des dossiers déplorables.

Ce que le premier ministre a fait, M. le Président, ce matin avec éloquence, c'est qu'il a fait le bilan de nos actions au cours des deux dernières années. Et il a rappelé aux Québécois et aux Québécoises ce que nous avons accompli. Et il a pris l'engagement de continuer dans le sens du mandat que nous avons reçu.

Quel est-il, ce mandat-là? Les Québécois nous ont demandé de changer l'État; c'est le mandat que nous avons reçu. M. le Président, c'est le mandat que nous allons exécuter. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Je reconnais maintenant le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis très heureux de pouvoir intervenir à mon tour sur cette importante motion présentée par le chef de l'opposition officielle. Il faut bien comprendre que cette motion est tellement importante qu'elle a arrêté le gouvernement de fonctionner pendant 50 minutes. Il faut bien que les gens comprennent que cette motion, qui demande au gouvernement de réorienter son action, a forcé le gouvernement à arrêter de marcher pendant 50 minutes. On a attendu le premier ministre et le Conseil des ministres qui sont descendus. Mais je dois expliquer aux gens d'en face que, si les députés qui n'étaient pas là votent avec les proposeurs de la motion, on devrait être bons pour la gagner, cette motion-là. Mais, M. le Président, pendant que le gouvernement a arrêté de fonctionner pendant 50 minutes, pendant ce temps-là, le Québec est sur le bord de la crise sociale, M. le Président.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant! Oui, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: ...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant! Un instant! Un instant! Oui, M. le député de Marguerite-D'Youville, j'aimerais bien vous entendre.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Question de règlement. Alors, le député qui a la parole vient de contrevenir à une règle fondamentale, c'est-à-dire celle qui nous interdit de signaler l'absence de députés en cette Chambre. Et je pense que vous devriez...

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député. Merci, M. le député. En ce qui concerne la présidence, il n'a pas été mentionné le nom d'un député en particulier, une question qu'un député soit absent. Alors, vous pouvez continuer, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Le député qui vient de parler n'a aucune chance de se retrouver leader adjoint. M. le Président, pendant ce temps-là, le Québec est proche de la crise sociale. Seule la maturité et le haut degré de conscientisation politique et sociale des Québécois et des Québécoises permettent encore de préserver la paix sociale au Québec. Je pense à toutes les manifestations, à tout ce qu'on a eu de manifestations de la part de la population du Québec envers ce gouvernement-là. Je pense à la manifestation, démonstration étudiante, je pense aux gens qui sont à l'extérieur actuellement pour manifester. Le gouvernement, M. le Président, est directement responsable de cette situation. Voilà pourquoi il doit réorienter ses politiques, M. le Président.

Nous sommes, c'est vrai, à quelques heures d'un triste anniversaire; deux années du gouvernement libéral, c'est suffisant pour tracer un bilan. Pas pour entendre le bilan du gouvernement précédent. Le gouvernement précédent, il a été sanctionné. On n'était pas parfaits, c'est vrai, attendez de l'être. Deux ans d'action du gouvernement libéral, c'est là qu'il est, le bilan. Et nous sommes prêts, qu'ils disaient, et, dans les heures, ça devait permettre au Québec de briller parmi les meilleurs. M. le Président, tout le monde reconnaît que les promesses n'ont pas été respectées et constituaient dans certains cas des impostures. Ce que la population dit, c'est non seulement: Vous, le gouvernement libéral, vous n'avez pas brillé, mais vous avez plutôt bafouillé, cafouillé parmi les erreurs.

M. le Président, il est de notoriété publique que, sur les grands dossiers nationaux, le gouvernement libéral n'a pas tenu ses engagements ni en santé, ni en éducation, ni en économie, ni en famille, parce que vous n'avez même pas assumé l'augmentation du coût normal de fonctionnement des dépenses dans ces ministères-là, et vous aviez dit que vous alliez réinvestir, ce que nous avions déjà commencé à faire, M. le Président.

Et ce que je veux parler dans les quelques minutes que j'ai, c'est essentiellement des politiques du gouvernement libéral des secteurs de la vie quotidienne de Québécois et de Québécoises qui souffrent des politiques et qui démontrent à quel point il faut une réorientation majeure des actions de ce gouvernement. En fait, M. le Président, tout tourne autour d'une approche des libéraux, d'une approche qui est inadéquate, d'une approche qui est inappropriée pour beaucoup de secteurs de la société québécoise, pour toutes les régions du Québec. M. le Président, cette approche, c'est celle du laisser-faire, de la non-intervention de l'État, je dirais même plus, du désengagement de l'État québécois. Et ça, M. le Président, le désengagement de l'État québécois, ça, là, ce n'est pas bon pour les régions ressources. Ça, là, ce n'est pas bon pour l'agriculture, au Québec. Ça, M. le Président, cette attitude et cette approche, elle n'est pas bonne.

Tout ce que ce gouvernement a fait, ça a été de brasser les structures. Au niveau de régies régionales de la santé, on a créé des conférences, ce n'est pas la même chose. On n'a rien que brassé la structure. On a brassé des structures pour mettre en place de belles CRE, libérales, si possible, le plus possible. Résultat: on a sorti la société civile et en grande partie les femmes qu'on retrouvait dans ces structures de développement économique et social.

Et, oui, M. le Président, le développement social, c'est du développement économique. Et, oui, ces gens-là ont le droit de dire comment ils voient le développement de leurs régions et du Québec. Résultat, M. le Président: effondrement de la création d'emplois. Ça a été démontré par la leader de l'opposition officielle, par le chef de l'opposition officielle aussi, ce matin: 22 000 emplois de perdus dans les régions du Québec. C'est l'effondrement de la création d'emplois dans les régions du Québec, rien n'est plus en chantier. Résultat, M. le Président, de cette approche dans des secteurs comme l'agriculture, un secteur que j'affectionne particulièrement, vous le savez, M. le Président, résultat de cette approche libérale: désorganisation, incapacité d'agir.

Non, le gouvernement ne doit pas intervenir dans l'économie, le gouvernement ne doit pas soutenir non plus les agriculteurs, le gouvernement ne doit pas être présent pour les aider. C'est ça, l'approche. Mais résultat dans le dossier de la vache folle: improvisation totale, M. le Président, improvisation, je dirais, cow-boy. Le gouvernement a complètement échoué. Les agriculteurs du Québec, qui ont la vache de réforme, attendent toujours le prix plancher. Les agricultrices et les agriculteurs attendent toujours les sous qu'on leur a promis dans des engagements.

M. le Président, je pourrais parler de nombreux dossiers agricoles. Dans les OGM, ça témoigne aussi de cette attitude et de cette approche. Promesses, reculs, improvisation. Dans l'industrie porcine, c'est incroyable, M. le Président. Le moratoire devait être levé en décembre, on apprend qu'avant juin, peut-être avant un an encore... C'est tout un pan de l'agriculture québécoise qui est en attente, qui retient son souffle, alors que les agriculteurs et agricultrices du Québec étaient dans les meilleurs, les leaders mondiaux en production. On attend. On attend.

M. le Président, il est temps que le gouvernement se place en soutien, que le gouvernement assume ses responsabilités. Comme dans le développement économique, il doit assumer du leadership, M. le Président. Les régions, les régions ressources étouffent. Je pense à la mise en place des Fonds d'investissement économique régionaux. En Gaspésie, le premier ministre...

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le député, je ne veux pas vous interrompre, seulement pour vous dire que le temps non usé par les députés indépendants, vous avez un droit de parole du côté ministériel ? avant que je cède la parole au chef de l'opposition ? de cinq minutes, et, considérant...

M. Arseneau: Encore cinq minutes.

Le Vice-Président (M. Cusano): ...considérant qu'il y a consentement de dépasser midi, alors je ne reviendrai pas.

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Quel geste généreux! Je remercie les gens, les députés indépendants de ce geste qui me permettra d'aller plus loin.

En Gaspésie, j'entendais le premier ministre s'adresser au député de Gaspé, il y a quelques instants. Le fonds... le FIER ou le FIR, il n'est pas encore, deux ans après son annonce, M. le Président, en opération. Résultat de l'action économique du nouveau gouvernement en Gaspésie: zéro. Rien. Et ça, M. le Président, c'est le cas dans d'autres régions du Québec.

n(11 h 50)n

Au début de l'année, un journaliste du Soleil qui a dit à Radio-Canada... Donc, je peux nommer ces organismes de presse là, disait: «Tout ce qui a été fait ? il parlait du bilan pour la Gaspésie puis de ce qui s'en venait, de l'année à venir ? tout ce qui a été fait à date par ce gouvernement, dans les deux dernières années, avait été initié sous l'ancien gouvernement.» Et il ajoutait: «On attend encore de connaître le plan des libéraux pour les régions.» Ils étaient prêts, ces libéraux, hein, ils étaient prêts. Alors, je demande aux députés de cette Assemblée nationale, tous les députés, d'appuyer cette motion du chef de l'opposition. Je demande au gouvernement de modifier son approche.

Les libéraux disaient aussi: Fini le mur-à-mur, fini le mur-à-mur. Or, je pourrais, M. le Président... Je ne peux pas prendre ces quelques minutes sans parler 30 secondes des Îles-de-la-Madeleine. Fini le mur-à-mur. Je pourrais parler du dossier, par exemple, des défusions municipales alors que ce gouvernement s'apprête à poser un geste irréparable aux Îles-de-la-Madeleine, et je supplie, je demande... je supplie la ministre responsable des Affaires municipales et de la région Gaspésie?Les Îles, qui rencontre le conseil municipal des Îles-de-la-Madeleine aujourd'hui, de reconnaître la spécificité, l'unicité, la particularité des Îles-de-la-Madeleine et de ne pas se camper derrière la loi n° 9. Je la supplie de le faire, M. le Président, au nom des Madelinots.

Je veux parler, M. le Président, de cette approche et de l'improvisation du gouvernement sur un autre secteur, un secteur tout aussi vital pour le Québec et pour ses régions, c'est la question de la forêt. M. le Président, soyons clairs, soyons clairs et précis: de ce côté-ci ? et ma collègue la députée de Matapédia l'a abondamment illustré et démontré au cours des derniers jours et des dernières heures ? de ce côté-ci, nous avons appuyé les recommandations du rapport Coulombe. Il faut, c'est vrai, assurer la pérennité de la forêt québécoise. Il s'agit donc d'un virage majeur dans la gestion de la forêt que le Québec doit opérer, on s'entend là-dessus. Le gouvernement donc aurait dû impliquer la population, asseoir les partenaires, comme on l'a fait dans des dossiers majeurs, par exemple le déficit zéro, pour expliquer, convaincre, aller chercher évidemment l'appui, le soutien, la compréhension de la population face à un virage aussi important.

Qu'a fait le gouvernement? Au contraire, il a agi en catimini, en bâillon, en déposant des opérations, en voulant se montrer plus pur probablement, plus fin que l'autre gouvernement, hein? Il a avec une approche qui dit... C'est sa nouvelle approche, là, du libre marché, du laisser-faire, il dit dans le fond aux régions: Organisez-vous. C'est ça, là, qu'il dit aux régions. Ils appliquent une coupe incompréhensible qui risque de rayer de la carte 110 villages du Québec dont la seule raison, la seule réalité économique est l'industrie qui découle du bois, et voilà qu'on dit à ces gens-là: Organisez-vous. Aucun programme, aucune mesure concrète. On a vu le lendemain quatre ministres se présenter pour élaborer un plan, pas un sou de plus pour soutenir les régions, les entreprises, les populations, les travailleurs qui seront affectés en Abitibi, qui seront affectés au Saguenay? Lac-Saint-Jean, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, en Mauricie, dans les Laurentides. Qu'est-ce qu'on dit à cette population? Organisez-vous. Organisez-vous.

M. le Président, il me reste très peu de temps. Je veux dire en conclusion que les gens ont raison d'être inquiets. La population est inquiète avec raison, M. le Président. C'est à se demander si ce gouvernement a encore la légitimité morale pour gouverner le Québec, et la destinée, et si la population du Québec va continuer à les appuyer. Après avoir dit: On est prêts, après avoir dit: On a un mandat... Je l'ai encore entendu il n'y a pas très longtemps. Je dis: Les libéraux se trompent. Je dis: Les libéraux et le gouvernement se trompent s'ils pensent que la population ne comprend pas ce qu'ils ont fait. Et c'est pour ça que je demande à tous les députés de cette Assemblée nationale d'appuyer cette importante motion du chef de l'opposition officielle qui demande au gouvernement de modifier son orientation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Je vais céder maintenant la parole au chef de l'opposition officielle pour son droit de réplique de 10 minutes. Et je veux encore rappeler à tous ici qu'il y a eu consentement pour pouvoir dépasser midi pour que le chef puisse faire son intervention. M. le chef de l'opposition.

M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: M. le Président, j'ai écouté attentivement le premier ministre, et est survenu exactement ce que je redoutais. Le but de cette motion, c'est de dire au gouvernement, dans l'intérêt de la population du Québec mais même dans l'intérêt du gouvernement à la limite, qu'il court directement vers le désastre, ce qui est une conséquence. Un désastre politique du Parti libéral, c'est une conséquence. Ça, c'est déjà acquis. Mais ce n'est pas ça qui est le plus grave: ils conduisent le Québec à la régression économique, sociale et nationale. Et je pensais que le premier ministre, après tous les avertissements qu'il a eus, ça fait des mois et des mois et des mois que la population du Québec est en colère et a perdu toute confiance envers eux, mais il n'a pas compris. Il a continué à plastronner. Il a continué avec son style de campagne électorale où, pour le pouvoir, ils ont sali les institutions québécoises, ils ont dit n'importe quoi au sujet de la Caisse de dépôt et de placement, puis il l'a encore redit ce matin.

Moi, j'ai toujours dit, M. le Président, qu'en démocratie le peuple ne se trompe jamais. Mais j'ai ajouté depuis deux ans ? et je vois hélas que j'avais raison: Mais il peut être trompé. Et normalement un premier ministre, devant l'état actuel de notre société, il doit faire un examen de conscience, il doit être modeste, il doit être réaliste. Il fait le contraire, et depuis 24 heures en particulier.

On peut, en politique, argumenter vigoureusement. On peut essayer de mettre l'adversaire au pied du mur, mais on ne doit jamais mettre la nation qu'on a la charge de représenter en difficulté par ses propos. Je l'avais dit à une de ses députés, et je vois bien que ce n'est pas absolument de sa faute. Dénigrer la Caisse de dépôt et de placement comme il l'a fait, c'est dénigrer le Québec, puis après ça pour aller grappiller quelques votes. Mais, une fois qu'il a eu pris le pouvoir et qu'il a créé le désastre que l'on sait, est-ce qu'il a réparé l'image de la Caisse de dépôt et de placement? Il essaie encore de semer la panique chez les retraités en disant que cette société n'a pas été bien gérée, alors que, je l'ai dit, elle a la plus haute cote qu'une société puisse avoir.

Conjoncture économique, même chose. Un gouvernement responsable, quand il voit que l'économie vacille et peut être menacée, et est menacée, met une série de politiques de l'avant. Nous l'avons fait, nous, à une haute échelle. Même après le 11 septembre, parce qu'on redoutait des conséquences économiques néfastes, on s'est déchaînés pour que ça n'arrive pas. Puis non seulement ce n'est pas arrivé, mais le Québec a battu le Canada sur tous les grands indices économiques, après cette date fatidique, parce qu'on n'a pas fait comme eux autres, là. Quand on a vu que l'économie vacillait, nous avons agi. Eux, ce n'est pas rien que l'économie qui vacille, c'est la société québécoise tout entière qui vacille, et, eux, ils font les fanfarons, en particulier depuis 24 heures, d'une manière qu'on n'a pas vue souvent.

Il y a des explications à ça, et elles tournent largement autour de la philosophie du premier ministre, et de ce qu'il est lui-même, et il nous en a donné un bel exemple. Il a dit que nous étions obsédés par la souveraineté. Il a dit ça. Premièrement, il n'a pas tort, et il faut qu'il sache, le premier ministre du Québec, que partager l'obsession du grand René Lévesque, le plus grand premier ministre de notre histoire, ce n'est pas une faute, et vouloir que sa nation soit libre et non pas l'égale d'autres provinces respectables, mais qui ne sont que des provinces, ce n'est pas une faute. Je suis très fier d'être souverainiste. Et, quand il a dit ça, j'espère que certains de ses députés ont tressailli. Il y a 80 comtés et plus, y compris plusieurs comtés représentés par des gens d'en face, qui ont voté oui à la souveraineté du Québec en 1995. J'espère que le député de Marguerite-D'Youville, dont la circonscription est un bastion souverainiste, voisine de ma circonscription, s'est trouvé insulté par les propos du premier ministre.

n(12 heures)n

Le premier ministre ? ce n'est pas croyable ? a opposé santé et souveraineté. Sauf pour la souveraineté, il ne s'occupe pas de la santé. Ça veut dire que le grand René Lévesque, les millions de Québécois et de Québécoises qui sont souverainistes, y compris la majorité dans son comté et la majorité dans 80 comtés, sont des gens qui opposent la santé à l'indépendance nationale. C'est pour ça, M. le Président, qu'ils sont dans ces difficultés. On peut ne pas être pour la souveraineté, parfait, mais je comprends, lui, pourquoi il ne l'est pas: il n'a pas compris que la meilleure façon de s'occuper de santé et d'éducation, de transferts sociaux et d'économie, c'est d'avoir tous les pouvoirs. Je comprends maintenant pourquoi ils se sont effondrés sur le déséquilibre fiscal, je comprends pourquoi ils ont mis maintenant le député d'Outremont dehors du poste de ministre des Finances, c'est parce qu'ils n'ont pas fait ce lien simple: que le Québec a besoin de tous ses moyens pour s'occuper de santé et d'éducation. Opposer souveraineté et santé est une absurdité, et, actuellement, le premier ministre fait cela.

Mais il s'est déjà illustré aussi d'une autre façon. Il était vice-président du comité du Non, lors de la dernière campagne référendaire; vous vous souvenez, M. le Président, cette campagne où le camp du Non a eu 10 fois plus d'argent que le Oui. C'est ça, l'éthique politique canadienne.

Une nation cherchant son indépendance, ce qui est normal, comme l'Italie l'a fait en s'unissant avec Garibaldi et siégeant aux Nations unies depuis la fondation des Nations unies, comme 30 nations l'ont fait au cours des 15 dernières années... Est-ce qu'il y a quelqu'un en République slovaque qui oserait se lever et dire à son peuple: Choisir l'indépendance, c'est contre le système de santé? Est-ce que le député de Marguerite-D'Youville, M. le Président, a pensé à ça?

On peut être contre la souveraineté, on peut être pour aussi, puis il y a des gens qui sont dans des partis qui ne sont pas souverainistes puis qui sont pour la souveraineté, on sait tout ça, mais pas laisser votre chef dire des absurdités pareilles. Dans les 30 pays, là, est-ce que le président de la République italienne dirait: On est indépendants, ce n'est pas bon pour la santé? Voyons! Voyons!

Alors, un des plus grands scandales qui est révélé de jour en jour, là, c'est les manoeuvres du gouvernement fédéral pour violer la conscience nationale du Québec par la propagande. Mais, durant la dernière campagne référendaire, le vice-président du comité du Non, notre premier ministre actuel, n'a pas fait une chose scandaleuse, il a fait une chose absurde. Il se promenait avec un passeport canadien, c'était son argument. Bien, il oppose santé et souveraineté, erreur monstrueuse; avec son passeport, il opposait souveraineté et dignité.

Ce qu'on veut, de ce côté-ci, est qu'il ne dise plus jamais que ce n'est pas notre objectif. Ce qu'on veut, de ce côté-ci, c'est avoir un passeport québécois. Une de ses caractéristiques superficielles, ce sera qu'il n'aura pas la couronne du roi d'Angleterre sur la première page, il aura probablement une fleur de lis, et ça, ce n'est pas aller contre les intérêts nationaux du Québec.

Faire une campagne contre l'indépendance de la nation québécoise en prétendant qu'elle n'est pas capable d'avoir un passeport digne et honorable, c'est une très grosse erreur, et j'espère que le député de Marguerite-D'Youville, comme le député de Sherbrooke, un jour, aura l'honneur, comme moi, d'arriver dans une aérogare internationale et présenter avec fierté un passeport du Québec. Et ça ne s'opposera pas ni à la santé, ni à l'éducation, ni aux transferts sociaux, ça va être en même temps la dignité et la santé.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci. Je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exige une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral.»

Cette motion est-elle adoptée?

Mme Lemieux: M. le Président, vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Cusano): Vote par appel nominal. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: En vertu de l'article 223 de notre règlement, je vais vous demander de le reporter après la période des affaires courantes.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, conformément à la demande du leader du gouvernement, le vote sur la motion du chef de l'opposition officielle sera tenu à la période des affaires courantes d'aujourd'hui.

Je suspends donc les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président: Bon après-midi, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Chers collègues, permettez-moi de porter à votre attention le fait qu'aujourd'hui même trois députés entreprennent leur 25e année de vie politique à titre de membres de l'Assemblée nationale. Il s'agit de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, du député de Viau et vice-président de l'Assemblée, et, je remarque également, du député de Jeanne-Mance?Viger.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je vous remercie.

Des voix: ...

Le Président: C'est parce que je regardais plutôt au centre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière qui veut s'adresser aux membres de notre Assemblée. Mme la députée de La Pinière.

Allocution de la députée de La Pinière,
Mme Fatima Houda-Pepin,
à la suite du décès de son mari

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 15 mars dernier, le destin a fait que mon compagnon de vie, mon mari, Paul Pepin, nous a quittés soudainement suite à un accident cérébrovasculaire aigu. Vous-même, M. le Président, le premier ministre du Québec, le chef de l'opposition officielle et le chef de l'Action démocratique du Québec, vous avez pris la peine, devant cette Assemblée, de m'exprimer, ainsi qu'à mes filles, Anoual et Tamy, et à tous les membres de la famille Houda-Pepin, vos sympathies et vos marques d'affection.

Je voudrais, aujourd'hui, vous dire, ainsi qu'à tous les collègues députés, tous partis politiques confondus, merci. Merci pour votre présence en si grand nombre à la cérémonie oecuménique organisée lors des funérailles de Paul, le 19 mars dernier. Merci au secrétaire général de l'Assemblée nationale, M. François Côté, merci aux membres du personnel politique et administratif pour votre présence à mes côtés dans ces moments difficiles. Merci pour vos messages d'encouragement, vos dons et vos pensées affectueuses. Sachez qu'en partageant ma douleur vous m'aidez grandement à la vivre.

n(14 h 10)n

Comme l'a si bien dit Victor Hugo: «Ceux que nous aurons aimés et qui nous quittent ne sont plus là où ils étaient, mais ils sont partout où nous sommes.» Merci.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, nous sommes avec vous.

Affaires courantes

Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Nous en sommes au dépôt de documents. Mme la présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l'Administration gouvernementale.

Plan stratégique 2005-2007
du Secrétariat du Conseil du trésor

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le plan stratégique 2005-2007 du Secrétariat du Conseil du trésor.

Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Ce document est déposé. Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la Commission des transports et de l'environnement et députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Examen des orientations, des activités et
de la gestion de l'Agence métropolitaine
de transport et étude de ses rapports annuels
et de ses états financiers 2002 et 2003

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 23 mars 2005 afin de procéder à l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Agence métropolitaine de transport ainsi qu'à l'étude de ses rapports annuels et de ses états financiers 2002 et 2003. La commission s'est également réunie en séance de travail, concernant ce mandat, les 18 mars, 18 novembre et 23 mars 2005.

Le Président: Merci, Mme la députée. Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Rousseau.

Augmenter les budgets des programmes
gouvernementaux d'habitation et
financer le développement
de logements sociaux

M. Legault: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 175 pétitionnaires. La désignation: citoyennes et citoyens du comté de Rousseau.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que près de 33 000 ménages lanaudois consacrent plus de 30 % de leurs revenus pour se loger et, parmi eux, près de 16 000 ménages consentent un effort dépassant 50 %;

«Attendu que la proportion de ménages locataires de Lanaudière dont le taux d'effort dépasse 30 % est un des plus élevés au Québec;

«Attendu que les ménages propriétaires à faibles revenus de la région font face à une détérioration importante de leurs résidences, sans ressources pour y pallier, faisant face ainsi à un accroissement des risques pour la santé;

«Attendu que la région de Lanaudière se situe au dernier rang des régions du Québec si on compare le ratio entre les pourcentages de population du Québec qui y réside et la proportion des programmes d'aide gouvernementale à l'habitation qui y est apportée;

«Attendu la rareté des logements locatifs disponibles ? un taux d'inoccupation des logements locatifs en bas de 1 % ? dans les trois agglomérations plus urbanisées situées dans les MRC de Joliette, Les Moulins et L'Assomption;

«Attendu la demande élevée de logements sociaux caractérisée par de longues listes d'attente et la stabilité des résidents actuels;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale d'augmenter les budgets accordés aux différents programmes gouvernementaux d'habitation dans notre région, en particulier AccèsLogis et Logement abordable, volet social et communautaire, RénoVillage, le Programme d'adaptation de domicile et les unités de supplément au loyer privé.

«Nous demandons aussi d'adapter les programmes gouvernementaux d'aide à la réalisation de logements sociaux aux réalités rurales et semi-urbaines de notre région particulièrement en établissant la contribution du milieu requise en fonction des capacités en milieu et en appliquant des normes de financement qui tiennent compte des coûts réels de réalisation.

«Nous demandons aussi d'élargir les conditions d'admission de l'Allocation-logement permettant l'accessibilité des personnes seules âgées de moins de 55 ans.

«Et finalement nous demandons de tenir rapidement des négociations avec le gouvernement fédéral afin d'obtenir une plus grande contribution dans le financement du logement social et communautaire au Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Pontiac.

Assurer des conditions de vie adéquates
aux personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer dans les centres d'hébergement

Mme L'Écuyer: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 662 pétitionnaires. Désignation: citoyens et citoyennes de la grande région de l'Outaouais.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que, selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. En outre, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

«Attendu que, selon la même charte, nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite;

«Attendu qu'il est aussi statué dans la charte que toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu;

«Attendu que, depuis quelque temps, des propos de plus en plus inquiétants sur les traitements infligés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mentionnés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Par cette pétition, nous, soussignés, voulons que la façon de traiter ces personnes soit revue et corrigée, et ce, dans tous les centres d'hébergement privés et publics du Québec.

«Nous demandons donc à l'Assemblée nationale qu'elle assure des conditions de vie adéquates afin que les personnes affectées par cette maladie soient respectées dans leur dignité morale et physique. Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit mandater le ministère de la Santé et des Services sociaux pour mettre en place un véritable plan d'action pour cesser l'utilisation abusive des contentions chimiques et physiques et que celui-ci intègre la philosophie et l'approche préconisées par le Mouvement Alzheimer du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Paquet: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 958 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que, selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. En outre, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

«Attendu que, selon la même charte, nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite;

«Attendu qu'il est aussi statué dans la charte que toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu;

«Attendu que, depuis quelques temps, des propos de plus en plus inquiétants sur les traitements infligés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mentionnés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons donc à l'Assemblée nationale qu'elle assure des conditions de vie adéquates afin que les personnes affectées par cette maladie soient respectées dans leur dignité morale et physique. Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit mandater le ministre de la Santé et des Services sociaux pour mettre en place un véritable plan d'action pour cesser l'utilisation abusive des contentions chimiques et physiques et que celui-ci intègre la philosophie et l'approche préconisées par le Mouvement Alzheimer du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: M. le député, cette pétition est déposée. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Rimouski.

Effectuer des travaux de réfection sur le
chemin Duchénier, à Saint-Narcisse-de-Rimouski

Mme Charest (Rimouski): Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 500 pétitionnaires. Désignation: les citoyennes et citoyens de Saint-Narcisse-de-Rimouski et des environs.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant l'urgence d'agir face à la détérioration de nos chemins municipaux;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons au gouvernement du Québec et au ministère des Transports d'octroyer les montants nécessaires pour 2005 en vue de la réalisation des travaux dont les projets ont déjà été soumis aux instances compétentes depuis plusieurs années, à savoir la réfection du chemin Duchénier, secteur est, la réfection du chemin Duchénier, secteur ouest.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? Consentement. M. le député de Gaspé.

Assurer des conditions de vie adéquates
aux personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer dans les centres d'hébergement

M. Lelièvre: Alors, je dépose, M. le Président, l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 5 231 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du comté de Gaspé.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que, selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. En outre, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

n(14 h 20)n

«Attendu que, selon la même charte, nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite;

«Attendu qu'il est aussi statué dans la charte que toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu;

«Attendu que, depuis quelque temps, des propos de plus en plus inquiétants sur les traitements infligés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mentionnés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons donc à l'Assemblée nationale qu'elle assure des conditions de vie adéquates afin que les personnes affectées par cette maladie soient respectées dans leur dignité morale et physique. Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit mandater le ministère de la Santé et des Services sociaux pour mettre en place un véritable plan d'action pour cesser l'utilisation abusive des contentions chimiques et physiques et que celui-ci intègre la philosophie et l'approche préconisée par le Mouvement Alzheimer du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, M. le député. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Maskinongé.

Empêcher la fusion du Centre de la
petite enfance Le Fou Rire, de La Tuque,
avec d'autres services de garde

Mme Gaudet: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 240 citoyens et citoyennes de La Tuque.

«Attendu que le Centre de la petite enfance Le Fou Rire est opposé à une fusion avec d'autres services de garde;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de respecter le choix du CPE en lui donnant une dérogation si nécessaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Maskinongé.

Éviter une hausse des tarifs d'électricité

Mme Gaudet: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 2 594 citoyens et citoyennes de la Mauricie.

«Il n'y a pas de faits invoqués;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, nous opposons à la hausse de nos tarifs d'électricité.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion du chef de l'opposition officielle et député de Verchères débattue ce matin, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période des questions et réponses orales, et je reconnais Mme la leader de l'opposition officielle.

Présence d'attachés politiques
du gouvernement dans les tribunes
au cours des affaires inscrites
par les députés de l'opposition

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, ce matin, on a assisté à une scène presque surréaliste. Pour entendre le premier ministre faire son discours en réplique au discours du chef de l'opposition, quelqu'un a eu l'idée de génie d'ordonner aux attachés politiques de se déplacer pour venir applaudir le chef. On comprend qu'avec le taux de satisfaction actuel du gouvernement ça prend les attachés politiques pour paqueter les galeries du salon bleu. Un décompte rapide nous indique qu'il y avait au moins 98 personnes, ce matin, dans les galeries, 98 personnes sur 160 attachés politiques des cabinets.

Alors, M. le Président, ma question au premier ministre est simple: Compte tenu de l'état lamentable de la gestion des affaires de l'État, compte tenu que les citoyens sont en droit d'exiger...

Des voix: ...

Mme Lemieux: Ils s'amusent, M. le Président. Ils s'amusent.

Le Président: M. le ministre... M. le ministre du Développement économique, je vous demande votre collaboration. Mme la leader.

Mme Lemieux: Compte tenu de l'état lamentable des gestions des affaires de l'État du Québec, compte tenu que les citoyens sont en droit d'exiger que son gouvernement fasse mieux, est-ce que ces 98 personnes n'avaient pas d'autre chose à faire de mieux, ce matin, que de venir applaudir le premier ministre aux frais des contribuables?

Des voix: ...

Le Président: Je vous demande votre collaboration. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, juste pour situer les gens qui nous écoutent actuellement sur ce qui s'est passé ce matin, ce matin, c'était l'occasion pour nous de parler du bilan du gouvernement à la mi-mandat, donc de parler des changements en profondeur que nous sommes en train de mettre en oeuvre au Québec. Je pense, entre autres, au niveau de la santé où on a réduit le nombre d'unités d'accréditation de 75 % pour assouplir l'organisation du travail, pour mieux servir les patients, réduire le nombre d'établissements, le nombre de directeurs généraux, encore une fois pour mieux servir les patients. Sur le plan économique, on a fait des changements au niveau de la SGF qui avait perdu 700 millions de dollars sous le gouvernement précédent, rappelons-nous, dans les deux dernières années. On a changé la gouvernance de la Caisse de dépôt et de placement qui avait perdu 13 milliards de dollars sur une période de deux ans et qui avait des problèmes graves de gouvernance, qui ont été dénoncés par la Vérificatrice générale du Québec, malgré le fait qu'on avait interpellé le gouvernement et son inertie dans le cas du dossier de la Caisse de dépôt et de placement.

Ce matin, ce dont on a parlé, là, c'est des 100 000 emplois créés depuis que le gouvernement a été élu, du fait que le taux de chômage est à 8,2 % ? il était à 9,1 % au mois de mars 2003 ? le fait que 10 régions sur 16 ont un taux de chômage moins élevé depuis l'élection de notre gouvernement, le fait qu'il y a plus de 12 000 personnes de moins à l'aide sociale depuis l'élection de notre gouvernement, le fait qu'on s'est engagés à créer 16 000 nouveaux logements sociaux, alors qu'on avait dit 13 000. On n'a pas respecté notre engagement, M. le Président, parce qu'on va en faire plus. On a parlé du fait qu'on va créer 25 000 places en service de garde parce que le gouvernement précédent avait laissé ça en lambeaux. On a parlé du fait qu'on a remis de l'argent dans les... on a remis, M. le Président, on a remis de l'ordre dans les finances publiques, on a coupé les crédits d'impôt et les subventions aux entreprises.

M. le Président, on a un des meilleurs bilans de mi-mandat certainement des 30 dernières années au Québec. J'en suis très fier, M. le Président. J'en suis très fier et j'espère que le chef de l'opposition officielle va se lever de son siège pour me poser d'autres questions sur mon bilan parce que je n'ai pas fini de lui dire tout ce qu'on a fait.

Le Président: En question...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! En question complémentaire, Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: Principale, M. le Président.

Le Président: En question principale.

Coût estimé de la présence
d'attachés politiques du gouvernement
dans les tribunes au cours des affaires
inscrites par les députés de l'opposition

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, est-ce que je comprends que le premier ministre est tellement désespéré et a tellement besoin d'un soutien pathétique qu'il a dû convoquer 98 attachés politiques pour entendre le discours que nous venons d'entendre, que ces attachés politiques sont payés entre 40 000 $ et 50 000 $, qu'ils l'ont entendu pendant 50 minutes, que ces gens ont dû retourner à leurs bureaux? Est-ce que le premier ministre peut nous dire combien ça a coûté aux Québécois pour qu'il se paie une ridicule démonstration de solidarité et que, rappelons-lui, peut-être que ces attachés politiques ont...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Il y en a seulement une qui a le droit de parole à ce moment-ci.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: En terminant, M. le Président, peut-être avait-il besoin des applaudissements de ses attachés politiques, mais, pendant ce temps, la population du Québec n'applaudit pas. Ça a coûté combien par applaudissement, cette manoeuvre de génie, ce matin?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, il est vrai que, quand le chef de l'opposition officielle a pris la parole, les galeries étaient vides, et c'est vrai qu'en ce sens-là il y avait un reflet fidèle de la présence à l'étage du bas, ici, pour ne pas aller plus loin. Mais c'est vrai que, dans les 45 minutes qui m'étaient allouées, je n'ai pas eu le temps de parler du fait qu'on a entamé une décentralisation beaucoup attendue dans les régions du Québec, qu'on est en train de mettre en oeuvre, que, depuis 30 ans, on attend, dans les régions du Québec, de redonner aux citoyens les outils pour qu'ils puissent assumer leur propre développement. C'est vrai que je n'ai pas eu beaucoup le temps de parler non plus de l'aide aux familles. On a retourné 1 milliard de dollars aux familles québécoises, surtout les familles à faibles revenus avec...

n(14 h 30)n

J'ai parlé, M. le Président, du fait que le revenu disponible des citoyens du Québec va augmenter. J'ai parlé aussi du fait qu'on a hérité d'une situation très grave parce que, sur le plan financier, encore faut-il rappeler des faits, là, réels, pas juste des niaiseries, mais parlons de 700 millions de dollars de perdus à la SGF, 13 milliards de dollars de perdus à la Caisse de dépôt et de placement, le métro de Laval avec 800 millions de dollars, M. le Président, Métaforia, Montréal Mode, il y a aussi le dossier de la Gaspésia, tous des dossiers dont le gouvernement précédent est directement responsable. Il porte ce lourd héritage, et la population du Québec n'est pas à la veille d'oublier ce que vous avez laissé aux citoyens du Québec.

La bonne nouvelle, c'est que, nous, on est déterminés à changer la façon dont l'État fonctionne pour le mettre au service des citoyens. Pas la souveraineté, service des citoyens.

Le Président: En question complémentaire?

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: ...M. le Président. M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il est premier ministre et qu'il a besoin d'ordonner à des attachés politiques de venir applaudir dans les tribunes du salon bleu? Est-ce qu'il peut reconnaître, à tout le moins...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Il y a juste une personne qui a la parole. Je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît. Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: M. le Président, un premier ministre qui ordonne à des attachés de politiques d'être dans les galeries pour l'applaudir, c'est pathétique, M. le Président.

Est-ce que le premier ministre va demander aux services des ressources humaines de tous les ministères de retrancher au moins une heure de paie à tous les attachés politiques? M. le Président, ils badinent. Ils badinent. C'est à ça que les Québécois réagissent.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, si je devais demander au personnel politique qui travaille de ce côté-ci de la Chambre de retrancher une heure de travail par jour, ça voudrait dire qu'ils travailleraient 11 heures par jour, en moyenne, au lieu de travailler 12 heures. Et, là-dessus, je n'ai pas besoin de vous faire de grands dessins, vous savez très bien à quel point ces gens-là sont dévoués pour nous et à quel point...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, M. le premier ministre s'est assis. Quand il s'assoit...

Des voix: ...

Le Président: Non, je me suis levé après que vous vous êtes assis. En tout cas, je vais vous donner le temps. M. le premier ministre.

M. Charest: Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, il faut surveiller pour voir si je me lève.

M. Charest: Merci, M. le Président. On s'entend bien, on s'entend bien. Puis on s'entend sur le fait, parce que vous le savez, vous aussi, que les hommes et les femmes qui travaillent pour nous travaillent beaucoup plus que huit heures par jour, puis ils le font sept jours par semaine. Et je vois la leader hocher de la tête de l'autre côté, alors sa question est réglée, hein? On a répondu à sa question.

Mais là je vais continuer à répondre à sa question, parce qu'il y a une chose dont je suis extrêmement fier, c'est que, contrairement au gouvernement qui nous a précédés, qui a gaspillé, dilapidé des fonds publics comme vous avez fait dans le cas de la forêt, le gouvernement actuel s'est donné comme mission de remettre de l'ordre dans les finances publiques pour les services aux citoyens. On est déterminés à continuer...

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.

M. Charest: Et la conclusion, M. le Président, c'est qu'on va continuer à être aussi déterminés pour tout le mandat qu'on l'a été dans la première partie.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.

Stratégie en matière d'investissements privés

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, dans le concert surréaliste de louanges que s'adresse le premier ministre depuis quelques heures ? et je comprends qu'il y mette beaucoup d'ardeur, puisqu'il est le seul à le faire au Québec ? il a aussi inclus l'économie. Et c'est extrêmement inquiétant. Les statistiques qu'il a données sur l'investissement, je présume que c'est parce qu'il ne le comprend pas, parce que je n'ose pas dire qu'il l'a fait de mauvaise foi.

L'investissement des entreprises au Québec au cours de la dernière année ? et ça, c'est d'une extrême gravité parce que ça touche l'avenir, là, des jeunes diplômés d'université puis des gens qui vont sortir des écoles techniques ? est à son plus bas niveau jamais enregistré par les statistiques: 15 %. Vous pouvez rigoler, mais les enfants qui n'auront pas de job, ils ne rigoleront pas. Vous êtes au plus bas niveau de l'histoire de ces statistiques, 15 %.

M. le Président, alors que le dollar canadien monte et nuit aux entreprises, alors que la concurrence asiatique est plus féroce que jamais et que le taux d'investissement relatif s'effondre, à part de se faire des louanges et de rigoler de ses propres blagues, qu'est-ce que le premier ministre a à dire pour rassurer les Québécois et les Québécoises quant à sa stratégie économique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: On retient que plus le chef de l'opposition officielle crie, plus il essaie de combler un vide au niveau des arguments, et je veux lui en faire la démonstration.

L'année 2004, M. le Président, fut une excellente année pour l'investissement privé, ça a augmenté de 13,7 %, la plus forte croissance des 17 dernières années. En termes des investissements canadiens, c'est la meilleure performance des 12 dernières années. Sauf que le chef de l'opposition officielle, l'astuce qu'il s'emploie à utiliser, c'est d'exclure des chiffres la construction résidentielle. Pourquoi? Parce que l'année 2004 a été une des meilleures années qu'on a eues: il y a eu 58 000 mises en chantier. Et, comme le pourcentage des mises en chantier résidentielles a grossi, ça fait diminuer en pourcentage, pas en termes absolus, les investissements privés, d'où l'argument.

Mais la réalité, c'est quoi? Dans les deux dernières années de son gouvernement, la croissance des investissements non résidentiels, des entreprises, a baissé de 8,8 % en 2001 et 2002, et, en 2004, ça a augmenté de 8 %, M. le Président. Ça, c'est votre performance, votre dossier à vous, en dessous de la ligne, en dessous de la moyenne, moins que ce que les Québécois avaient le droit d'attendre. Au-dessus de la ligne, en termes d'amélioration de l'économie, ça reflète exactement toute la première moitié de mandat de notre gouvernement, c'est-à-dire: Est-ce qu'on est mieux aujourd'hui qu'on l'était le 13, 14 avril dernier? Oui, le Québec va mieux, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: J'avais dit, dans ma question, M. le Président, que je présumais que le premier ministre n'avait pas compris les chiffres, et ça me rassure de voir qu'il ne les avait pas compris. Autrement, ce serait une mauvaise foi évidente. Je lui ai parlé des investissements...

M. Dupuis: M. le Président. M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition, j'ai... Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Il n'y a pas de...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Berthier, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Je vous demanderais, M. le député de Berthier, avec gentilhommerie, votre savoir... vous le faites toujours bien.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je n'ai pas reconnu la question de règlement, mais je vous ai entendu. Alors, je vous demanderais de retirer les propos que vous avez utilisés.

M. Bourdeau: Je les retire, M. le Président, mais qu'il respecte mon chef.

Le Président: J'ai eu la réponse. Quelle est votre question de règlement?

M. Dupuis: M. le Président, il n'y a aucun problème de respect de ma part à l'endroit du chef de l'opposition officielle. Si lui-même respecte le règlement, je ne me lèverai pas. Mais il ne respecte pas le règlement.

Le Président: ...règlement?

M. Dupuis: Il impute des motifs indignes. L'article 35 du règlement, M. le Président. Qu'il respecte le règlement...

Le Président: Alors, M. le chef de l'opposition, si vous voulez poursuivre en question complémentaire.

n(14 h 40)n

M. Landry: Alors, justement, le problème, M. le Président, c'est que les investissements industriels, ceux qui créent de l'emploi, ceux qui vont assurer l'avenir sont en chute libre par rapport au pourcentage dans l'ensemble canadien, et le premier ministre ou ne comprend pas ou rigole avec cette chose extrêmement grave.

Il est vrai qu'à cause des cycles de la construction résidentielle cette statistique tragique a été masquée, sauf que la construction résidentielle commence à ralentir, elle aussi. Mais c'est un sujet à part. Ce dont je lui parle, c'est d'une chose extrêmement grave, puis il me répond par des blagues et des fantaisies.

Qu'est-ce que vous avez comme stratégie pour faire que le niveau des investissements industriels, qui est à son plus bas historique dans l'ensemble canadien, remonte au niveau où il était du temps de la vraie prospérité?

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, permettez-moi de parler de la réalité telle qu'elle se présente objectivement. Si les choses, pour employer le mot du chef de l'opposition officielle, sont aussi graves que lui le décrit puis le voit, comment se fait-il qu'il s'est créé plus de 100 000 emplois depuis l'élection de notre gouvernement? Comment se fait-il que le taux de chômage actuellement est de 8,2 %, alors qu'il était de 9,1 %, au mois de mars 2003?

Une voix: ...

M. Charest: Comment se fait-il ? c'est le plus bas, oui, le niveau le plus bas, depuis une trentaine d'années ? comment se fait-il que l'écart du taux de chômage entre le Québec et le Canada, qui est un taux historique de 2 %, est rendu à 1,3 %? Comment se fait-il qu'il y a plus de 12 000 personnes qui ne sont plus à l'assistance-emploi? Comment se fait-il que les investissements privés, qui sont précurseurs de création d'emplois, sont à leur niveau historique depuis une dizaine... 17 années et qu'on a 12 % de la part canadienne? Comment se fait-il, M. le Président, que, dans 10 régions sur 16 au Québec, le taux de chômage a diminué?

Pourquoi le chef de l'opposition officielle n'est pas capable de reconnaître cette réalité? C'est-u parce que c'est des trop bonnes nouvelles pour lui, alors que c'est des bonnes nouvelles pour les citoyens du Québec? Et, de toute évidence, si nos politiques produisent ces résultats, on va continuer dans le sens qu'on a déjà inscrit: on va continuer à changer le rôle de l'État, d'arrêter de gaspiller des fonds publics et d'investir au Québec.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

Bilan et perspectives en matière
de création d'emplois

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, le premier ministre, dont la RevueCommerce dit qu'il est admirable quand il s'agit d'esquiver tous les problèmes, vient, par sa réponse, de démontrer qu'il ne connaît pas plus les questions d'emploi et de taux de chômage que les questions d'investissement. Ne sachant pas la différence entre les investissements totaux et les investissements privés résidentiels, il ne sait pas non plus comment interpréter les chiffres de chômage.

En 2002... en 2002, M. le Président, le Québec créait 35 % des emplois au Canada, alors que, durant les deux années du gouvernement libéral, il s'en est créé seulement 18 %, deux fois moins. Puis, en plus, pour justifier les taux de chômage, qu'il n'a pas l'air à comprendre, le taux d'activité a baissé. Est-ce qu'il sait ce que ça veut dire, le taux d'activité? Alors, M. le Président, au lieu d'esquiver les questions puis de garder le cap vers une direction catastrophique... Un capitaine qui garde le cap vers un récif, ce n'est pas un bon capitaine.

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire qu'est-ce qu'il va faire pour rétablir la confiance des entreprises pour que de nouveau elles se mettent à investir à des niveaux comparables au passé et qu'elles se mettent à créer des emplois, et non pas en proportion deux fois moindre maintenant que ce n'était il y a deux ans?

Le Président: C'était une question principale. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, je m'attendais à ce que le chef de l'opposition officielle revienne à 2002, parce que c'est son habitude de le faire, il aime bien... Il vient de dire que, nous, on citait des cycles économiques, alors qu'en 2002 il est vrai que ça a été une année où il s'est créé beaucoup d'emplois. Mais je vais le citer, lui. Il a publié un document au mois de novembre 2004, et dans ce document il y a un tableau où il cite l'année 2002, au niveau de l'emploi, puis il dit qu'il s'est créé plus de 100 000 emplois. Ce qu'il ne mentionne pas, c'est qu'en 2001 il s'est créé, sous son gouvernement, 36 000 emplois, un des niveaux les plus bas des 10 dernières années.

Mais je vais vous citer vous-même pour répondre à votre propre question. À la page 14 de votre document, le chef de l'opposition officielle, au mois de novembre, il y a quelques mois, disait ceci: «Le dynamisme de l'économie québécoise profite à l'ensemble des régions du Québec. À Montréal, la situation du marché du travail est particulièrement spectaculaire en 2002 ? parce que ça a été une année différente des autres ? puisque la métropole a créé plus d'emplois qu'à Toronto. Cela ne s'était pas vu depuis 1994.» Et là vous continuez en disant ceci: «Cependant, il apparaît qu'au cours de la période 1994-2003 ? les années où vous étiez au gouvernement ? le rythme de croissance de l'emploi a été largement supérieur à Toronto, 32,8 %, comparativement à Montréal.»

Dans notre cas à nous, c'est le contraire, on a une performance qui à bien des égards est au-delà de ce qui se fait ailleurs au Canada et en Ontario. Pour l'investissement privé, la croissance est supérieure. On a créé 100 000 emplois depuis notre élection. Puis, si vous n'êtes pas capables d'accepter les bonnes nouvelles, j'ai justement autre chose à vous offrir: des citoyens québécois qui, eux, sont capables d'accepter la prospérité économique qu'on est capable de leur offrir.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Stratégie en matière de
développement économique

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, j'incite le premier ministre à lire régulièrement, comme il l'a fait, et en profondeur mon dernier ouvrage, ça va lui apprendre peut-être, à la longue, à bien interpréter les statistiques d'investissement et de chômage.

Mais, en attendant, là, vous avez vu son attitude triomphaliste, là, que tout va bien puis... alors que l'indice...

Des voix: ...

M. Landry: Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que vous avez dit?

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Ceux qui veulent... ils devront se lever quand ils voudront parler. Vous avez la parole, M. le chef de l'opposition.

M. Landry: Les décisions d'investissements privés, dont j'ai dit qu'ils étaient à leur plus bas niveau historique ? ce qui fait rigoler des gens d'en face; ils n'ont pas l'air à savoir que c'est des emplois qui vont découler de ça ou n'en pas découler ? ce n'est pas eux qui prennent les décisions, ce n'est pas le discours jovialiste qu'on vient d'entendre, c'est des patrons d'entreprise et des entrepreneurs. Or, l'indice de confiance des entreprises du Conseil du patronat ? ce n'est pas le triomphalisme libéral, ça, dans la catastrophe ambiante, c'est ceux qui vont décider d'entreprendre ou non ? cet indice est à son plus bas. Et, en plus, le premier ministre rigole et se vante, alors que la revue des entrepreneurs, la Revue Commerce, lui donne le prix citron pour le plus mauvais gestionnaire au Québec.

Qu'il réponde à ma question, au lieu d'essayer de s'autolouanger avec des chiffres qui annoncent des problèmes graves à notre économie: Qu'est-ce qu'il a comme stratégie économique pour empêcher que le taux d'occupation diminue, que les investissements privés, créateurs d'emplois, ne s'effondrent, que le Conseil du patronat perde confiance et que notre premier ministre soit considéré comme le plus mauvais gestionnaire au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, d'abord, j'ai en appui à nos arguments, certainement à notre politique, les résultats. Là-dessus, je pense que le chef de l'opposition officielle est obligé de nous le concéder objectivement. Quand on fait le tour des résultats, l'investissement privé, création d'emplois, quand on fait le bilan, je pense, M. le Président, que tout citoyen raisonnable reconnaît qu'en tout cas les résultats sont en appui à nos arguments.

Il y a une chose sur laquelle, lui et moi, on ne s'entend pas: lui, il veut une intervention à tous crins de l'État. La SGF, on le sait, vous disiez ici, à l'Assemblée nationale, que vous empruntiez à 5 %, vous avez endetté à 5 %, et là vous aviez du 10 %; vous n'aviez pas dit que c'était moins 10 %, c'était ça que vous aviez oublié de mentionner. Vous le reconnaissez, que vous avez laissé 700 millions de dollars, hein, de déficit à la SGF, dans les deux dernières années, cumulé, que vous aviez une formule où vous alliez actuellement payer des gens pour dépenser l'argent des contribuables, que la Caisse de dépôt et placement avait des problèmes de gouvernance, qu'on a réparés depuis ce temps-là.

On a pris une approche différente, moins interventionniste, axée davantage sur l'investissement privé. On a réduit la taxe sur le capital pour 75 % des entreprises au Québec, M. le Président. On a mis en place le programme FIER pour les régions du Québec. On est en train de décentraliser pour redonner des outils de développement aux régions du Québec, M. le Président. On a mis en place des politiques au niveau des capitaux de risque qui ont fait en sorte que la part du privé dans les capitaux de risque a augmenté, au lieu de mettre en péril l'argent des contribuables.

Aujourd'hui, le Québec va mieux depuis le mois d'avril 2003, va mieux pourquoi? Parce qu'il y a un gouvernement qui a arrêté de gouverner en fonction d'une seule obsession: la souveraineté. On gouverne en fonction des intérêts des citoyens du Québec.

n(14 h 50)n

Le Président: En question principale, Mme la députée de Taillon.

Enseignement de l'anglais
au premier cycle du primaire

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il y a un seul problème cependant à ce que dit le premier ministre, c'est que la population québécoise n'en a pas senti les effets, à ce que l'on peut constater, quant à leur opinion sur son gouvernement.

Hier, le Conseil supérieur de l'éducation, un organisme crédible et sérieux qui est d'ailleurs chargé de conseiller le ministre de l'Éducation, qualifiait de prématurée l'intention d'introduire l'enseignement de l'anglais en première année. Mais il faut savoir, M. le Président, que l'opinion du Conseil supérieur de l'éducation s'ajoute à celle des commissions scolaires, à celle du Mouvement national des Québécois, à celle des enseignants, à celle des parents et des comités de parents, M. le Président. Par ailleurs, le ministre semble vouloir garder le cap, et cela, en dépit de toutes les mises en garde qui lui sont faites, et cela, sans même s'appuyer sur des études ou des analyses sérieuses.

Je voudrais savoir du ministre de l'Éducation s'il peut se comporter en véritable ministre responsable de l'avenir de nos enfants, cesser de s'entêter et de bafouer les avis du Conseil supérieur de l'éducation: Va-t-il accepter de surseoir à sa décision et enfin décider de tenir un débat sérieux sur cette question, comme le lui recommande le Conseil supérieur de l'éducation?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, vous me permettrez, puisque la députée de Taillon a fait le tour de certains intervenants, peut-être de vous citer aussi d'autres intervenants, les enseignants qui en ce moment sont à mettre sur pied des expériences pilotes et à enseigner en ce moment à des élèves au premier cycle. Dans un article pris dans La Presse ? c'est le 7 avril ? sous le titre Ça marche!: «L'expérience de l'enseignement de l'anglais au premier cycle du primaire fonctionne fort bien dans plusieurs régions du Québec.» les auteurs disent ceci, et je prends quelques extraits: «Le programme d'anglais destiné au premier cycle du primaire est actuellement en expérimentation dans cinq régions du Québec. [...]Le programme d'anglais du premier cycle du primaire a été élaboré en tenant compte du fait que les enfants en sont à leurs premiers apprentissages de l'écrit en français. Par conséquent, il n'y a pas d'attentes en lecture ni en écriture dans le programme d'anglais. [...]Les enfants se font l'oreille à la langue. [...]Après sept mois d'expérimentation, nous sommes renversés par la motivation et la capacité d'apprendre des élèves de cet âge. Ce qui nous vient à l'esprit en observant nos jeunes élèves en action dans la classe, c'est: "Comment a-t-on pu priver les enfants de ce bonheur-là si longtemps?".»

M. le Président, à la députée de Taillon, je vais simplement dire ceci: Allez-vous être du côté de ceux qui veulent priver les enfants de ce bonheur et de cette capacité d'avancer?

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Est-ce que le ministre peut réaliser que nous poursuivons essentiellement les mêmes objectifs, de faire en sorte que nos enfants maîtrisent non pas une, mais même deux ou trois langues, M. le Président? Cependant, au lieu de s'appuyer sur une expérience trop brève de quelques mois ou sur l'avis de quelques personnes, est-ce qu'il ne devrait pas avoir la sagesse d'écouter les avis de milliers de parents, d'enseignants, du très sérieux et crédible Conseil supérieur de l'éducation? Je lui demande, s'il est si convaincu de sa décision, qu'il dépose les avis, les études que lui a faits au ministère de l'Éducation et prouvant que sa décision est valable et crédible, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Je vais référer la députée de Taillon à ce Conseil supérieur de l'éducation dont elle reconnaît la crédibilité, dans son rapport d'octobre 1986, qui parlait de l'enseignement de l'anglais au premier cycle.

Une voix: ...

M. Fournier: Oui, mais ça existe quand même, vous pouvez le lire. Je vais vous en citer un passage.

Le Président: S'il vous plaît, vous adresser à la présidence.

M. Fournier: Donc, c'est sur l'enseignement de l'anglais au premier cycle, M. le Président: «C'est là un moyen éprouvé ? celui de l'apprentissage plus précoce ? car, par-delà les nuances et les réserves de certains experts, la recherche et l'expérience courante désignent comme moyen efficace[...]. Les exemples abondent de ces individus qui arrivent à maîtriser des langues secondes parce qu'ils ont été mis en contact avec elles dès le jeune âge. L'oreille s'est faite aux sons propres d'autres langues.» Et le Conseil supérieur continuait, continuait de dire, M. le Président, que c'était une voie qu'on devait prendre. D'ailleurs, il signalait qu'en 1978 deux tiers des Québécois souhaitaient que l'on commence à la première année, ce que d'ailleurs les gens du Parti québécois reconnaissaient. Le 25 novembre 1996, les délégués...

Le Président: En conclusion.

M. Fournier: ...je termine là-dessus, M. le Président, les délégués du Parti québécois se sont prononcés en faveur de l'enseignement de l'anglais à tous les niveaux du primaire, du secondaire et du collégial. Ça se passait en novembre 1996. Ce que je veux dire...

Le Président: En question principale, M. le député de Saint-Hyacinthe.

Modulation de critères concernant
l'admissibilité à l'enseignement en anglais

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. La Cour suprême du Canada a rendu, il y a deux semaines, un important jugement concernant l'accès à l'école anglaise. La cour a alors remplacé des critères clairs, objectifs et précis pour décider du droit d'accès à l'école anglaise par des termes flous dont l'application pourrait être laissée à la discrétion des fonctionnaires du ministère de l'Éducation.

Le même jour, le ministre des Affaires intergouvernementales s'est engagé à donner des balises claires au ministère de l'Éducation afin de respecter le jugement, tout en empêchant que soit fait indirectement ce qui n'est pas directement permis par la Charte de la langue française. Quelles balises le ministre a-t-il données au ministère de l'Éducation?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Saint-Hyacinthe de sa question. Rappelons que ce jugement a confirmé la validité de nos lois linguistiques au Québec, et on doit tous ensemble s'en féliciter.

Deuxièmement, ce jugement n'oblige en rien le gouvernement québécois à apporter quelque modification que ce soit à sa législation, ce qui nous confirme que nous avons une législation forte, solide, dont on peut être fiers.

Maintenant, le jugement nous demande effectivement de moduler les critères en fonction des personnes qui proviennent des autres provinces canadiennes. Nos légistes sont en train d'approfondir l'analyse juridique de ce jugement, et bien sûr nos experts du ministère de l'Éducation mais également du Secrétariat à la politique linguistique feront très prochainement les recommandations nécessaires, qui seront soumises à notre analyse. Dès que ce sera prêt, ça me fera plaisir de vous les communiquer.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: Oui. M. le Président, est-ce que la ministre, qui reconnaît que la Cour suprême a ouvert une porte, une porte qui pourrait s'avérer trop grande et donner lieu à des interprétations subjectives et arbitraires, est-ce qu'elle va se hâter de trouver des solutions à ça et quand est-ce qu'elle entend faire connaître les directives qu'elle va donner au ministère de l'Éducation?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: M. le Président, juste indiquer ceci, rappeler au député de Saint-Hyacinthe que, du côté du Parlement fédéral, même le porte-parole du Bloc québécois s'est réjoui du jugement de la Cour suprême. Donc, il ne s'agit pas ici d'épouvanter en quoi que ce soit les Québécois, il s'agit de reconnaître plutôt que ce jugement a confirmé la validité de nos lois linguistiques.

Maintenant, il faut faire le travail sérieusement et efficacement. Je vous dis que... je vous dis que nos légistes sont en train de faire les analyses nécessaires et que nos experts, à la fois du ministère de l'Éducation, à la fois du Secrétariat à la politique linguistique, vont nous faire des recommandations prochainement, que nous allons étudier. Bien sûr, tout sera fait avec le plus de diligence possible.

Le Président: En question principale, M. le député de Richelieu.

Négociations avec les employés du secteur public

M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Pendant que les contribuables payaient une centaine d'attachés politiques libéraux pour venir applaudir le premier ministre, plusieurs milliers de fonctionnaires étaient dans la rue et avaient pris congé, et ce n'était pas pour applaudir le premier ministre.

Malheureusement, si des personnes ne sont pas rentrées au travail ce matin, c'est le résultat de deux années perdues où la présidente du Conseil du trésor s'est enferrée dans un dialogue de sourds et dans une stratégie qui mène nécessairement à la confrontation. Maintenant que les moyens de pression s'accentuent et que le temps presse, quels gestes d'ouverture va poser la présidente du Conseil du trésor pour amorcer de réelles négociations?

Le Président: Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Je veux rassurer le député de Richelieu, que je... nous allons mettre tout en oeuvre pour justement amorcer ces négociations de façon diligente, M. le Président.

n(15 heures)n

Mais je voudrais citer un éditorial de Jean-Robert Sansfaçon, M. le Président, qu'il a signé le 5 novembre 2003, simplement pour rafraîchir au député de Richelieu que les propositions que nous faisons sont des propositions raisonnables: «Évidemment, dit-il, nous ne sommes qu'au début du processus. Mais quel que soit le règlement final dont on peut prévoir qu'il avoisinera 1 % ou 2 % par année, ce dernier [devrait] inclure le salaire, le régime de retraite, le règlement sur l'équité et toute autre concession susceptible de générer des dépenses supplémentaires pour l'État.»

Nous pensons, M. le Président, que 3,2 milliards de dollars sur six ans, c'est beaucoup d'argent, de l'argent des contribuables, et nous estimons que cette offre est tout à fait raisonnable. C'est la raison pour laquelle j'invite les centrales syndicales à venir s'asseoir à la table de négociation. C'est là que ça va se passer, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Joliette.

Avantages obtenus du Groupe Everest
par le Parti libéral du Québec et
M. Michel Guitard pendant
la campagne électorale de 1998

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, la preuve présentée à la commission Gomery a démontré qu'il existe réellement un chèque de 50 000 $ de Groupaction, daté du 13 novembre 1998 et encaissé le 16 novembre 1998 par Groupe Everest, le compétiteur de Groupaction. Sur ces faits, M. Jean Brault a témoigné à l'effet, et je le cite: «C'est une contribution politique qui était destinée au Parti libéral du Québec, qui devait être prise à même mes bénéfices d'exploitation et transmise au Groupe Everest, qui avait une proximité avec le Parti libéral du Québec.» Selon M. Brault, ce chèque aurait été fait pour ne pas laisser de trace et à la demande d'un tiers. Malheureusement, M. le Président, le nom du tiers, je ne peux pas le dévoiler en vertu de l'ordonnance de non-publication.

Mais ma question est bien simple, et c'est au premier ministre: Peut-il nous confirmer que d'aucune manière le Parti libéral n'a reçu d'avantages directs ou indirects par le Groupe Everest pendant la campagne de 1998?

Le Président: M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, puisque le député de Joliette renvoie au témoignage de M. Brault devant la commission Gomery, j'aimerais également, donc, lui lire une transcription du témoignage de M. Brault du 5 avril dernier.

Alors, Me Mitchell dit: «Vous avez camouflé des dons politiques au Parti québécois...»

M. Brault: «C'est une demande que j'avais reçue de façon précise.»

Me Mitchell: «Quand et de qui?»

M. Brault: «De Mme Ginette Boivin, à la permanence, au financement[...]. Et on m'a suggéré de procéder de cette façon-là puisqu'il semblerait que c'est une façon assez commune au niveau des services professionnels.»

Et le témoignage se poursuit où M. Brault raconte qu'il a rencontré Lucien Bouchard en compagnie de Mme Ginette Boivin, responsable du financement au PQ, et M. Brault poursuit, et je cite: «En fait, j'ai eu un cours [de] contribution 101, qui m'a été donné par un collègue de Mme Boivin[...], qui était un contracteur.»

Il me semble que, quand on a ça dans son dossier, on ne pointe pas le doigt sur le Parti libéral du Québec.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Est-ce que, M. le Président, est-ce que le premier ministre, qui refuse de se lever puis de répondre à la question qui est pourtant très claire, peut nous dire, et je la repose, je l'ai posée hier, je repose cette question-là aujourd'hui... On peut bien dire ce qu'on veut de l'autre côté, mais il y a une question qui est posée...

Le Président: Question.

M. Valois: ...est-ce qu'on peut nous confirmer que d'aucune manière le Parti libéral du Québec n'a reçu d'avantages directs ou indirects du 50 000 $ d'Everest en 1998?

Le Président: M. le ministre à la Réforme des institutions démocratiques.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, toutes les enquêtes, tant internes que faites par le Directeur général des élections en 1998, parce qu'il a fait une enquête évidemment sur les comptes des formations politiques, ont révélé qu'il n'y a pas eu d'irrégularité. S'il s'avérait qu'il y en ait eu, ce qui est nié jusqu'à présent, évidemment le Parti libéral du Québec assumera ses responsabilités. Mais je veux répéter au député de Joliette que, quand on habite une maison de verre, on ne lance pas des roches à ses voisins.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, est-ce que le premier ministre ? je vais être beaucoup plus concret, là ? est-ce que le premier ministre peut nous dire si M. Michel Guitard, vice-président à l'époque, en 1998, de Groupe Everest, a été rémunéré par le Parti libéral du Québec, puisqu'il travaillait pour la campagne électorale du Parti libéral?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, le premier ministre a répondu à ces questions-là sur les questions précises que pose le député de Joliette. À plusieurs reprises, il a répondu au Québec, il a répondu pendant qu'il était à l'étranger, il a répondu à la question. Mais il y a une chose qui est certaine et qui est inéluctable, c'est que le contrôleur financier de Groupaction, Bernard Michaud, lui, il confirme qu'il a donné des contributions au Parti québécois; lui, il confirme ça. Ça, c'est de la preuve, et ça, c'est clair, bien plus que les allégations tendancieuses du député de Joliette.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, est-ce que le premier ministre s'est informé auprès de M. Guitard pour savoir si ce dernier avait reçu subséquemment des compensations de Groupe Everest pour ses activités électorales de 1998?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, d'abord je regrette que le jeune député du comté de Joliette...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Charest: M. le Président, je regrette pour lui qu'il accepte de jouer ce jeu des insinuations parce que ce n'est pas en son honneur, et il aura à décider de quelle sorte de carrière politique il veut faire. Ça, c'est son affaire. Et, s'il veut jouer ce jeu-là, ça le regarde, mais je peux lui dire une chose, ça ne l'honore pas de jouer le jeu des insinuations puis des associations comme il le fait.

Je peux lui dire... D'abord, sur la première question qu'il pose depuis hier, j'ai répondu à cette question-là à plusieurs reprises. Il sait très bien que j'ai répondu, qu'on a fait les vérifications puis on n'a pas trouvé de trace, on n'a pas trouvé d'indication qu'il y aurait eu des choses ou des contributions qui auraient été reçues, contrairement à son parti qui aurait admis, si j'ai bien compris, qu'ils auraient reçu des contributions qu'ils n'avaient pas le droit de recevoir, premièrement.

Deuxièmement, dans le cas de M. Guitard... deux...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. Alors, en conclusion, M. le premier ministre.

M. Charest: Deuxièmement, deuxièmement, M. Guitard a travaillé avec nous et avec moi, pendant la campagne de 1998, et, à ce moment-là, il n'était pas rémunéré par le Groupe Everest, il n'était pas non plus rémunéré par le Parti libéral du Québec, il l'a fait sans solde.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Joliette.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Alors, ma question revient donc au premier ministre, M. le Président, qui se lève enfin: Est-ce qu'il peut nous confirmer que d'aucune manière le Parti libéral n'a reçu de Groupe Everest d'avantages directs ou indirects? Étant donné que nous savons qu'un chèque a réellement transité, un chèque de 50 000 $ qui a transité de Groupaction à Groupe Everest, est-ce qu'il a vérifié auprès et de son parti mais aussi d'anciens dirigeants du Groupe Everest pour s'assurer que tout est conforme de ce côté-là?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: Ce que le député de Joliette fait actuellement, là, c'est prendre exemple sur le chef de l'opposition officielle. Et je répète, M. le Président, dans l'affaire Le Hir, quand le gouvernement du Parti québécois a été pris dans des questions de conflits d'intérêts ? souvenez-vous des études Le Hir, souvenez-vous de Claude Lafrance, souvenez-vous de ça ? ce qu'ils ont fait, quand ils ont été pris la main dans le sac, ils ont déposé une loi à l'Assemblée nationale, c'est ça qu'ils ont fait.

Ensuite, quand le chef de l'opposition officielle, alors qu'il avait la responsabilité du ministère du Revenu, s'est fait prendre dans une question de fuite de renseignements...

Le Président: En conclusion.

M. Dupuis: ...il est venu à l'Assemblée nationale puis il a modifié la loi pour s'absoudre après coup.

Le Président: En conclusion.

M. Dupuis: Quand ce gouvernement-là a été pris...

Le Président: En conclusion.

M. Dupuis: ...dans le scandale d'Oxygène 9...

Des voix: ...

Le Président: La question a été dans les délais, et vous étiez rendu à 50 secondes, donc... Est-ce qu'il y a consentement? Pas de consentement.

Or, ceci met...

Des voix: ...

Le Président: Il n'y a pas de... Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: ...

Le Président: Question de règlement?

M. Dupuis: M. le Président, je vous soumets respectueusement qu'il n'y a pas de consentement à obtenir de l'opposition. Ma réponse n'est pas terminée, et je veux terminer...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Sur la question de règlement.

Mme Lemieux: M. le Président, M. le Président, je vois... D'abord, c'était une question complémentaire. La question était extrêmement courte; vous avez l'habitude d'être juste, de mesurer, de minuter chacune des secondes. Il n'a pas voulu répondre, il a voulu nous parler de la pluie et du beau temps, c'est son problème.

n(15 h 10)n

Le Président: Alors, sur les questions de règlement, la présidence essaie toujours d'avoir un équilibre et, l'équilibre, vous le savez: la question principale, quand elle est une minute, la réponse est de 1 min 15 s; quand la question principale est en bas de 30 secondes, si elle est de 20 secondes, c'est 45 secondes. Dans ce cas-ci, la question complémentaire était en deçà de 30 secondes. À ce moment-là, vous étiez rendu à 48 secondes, je vous ai demandé la conclusion deux fois. Alors, c'est le rôle que je fais ici pour équilibrer les débats.

Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Votes reportés

Motion proposant que l'Assemblée
exige une réorientation majeure
des politiques du gouvernement

Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion du chef de l'opposition officielle et député de Verchères, débattue ce matin aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exige une réorientation majeure des politiques du gouvernement libéral.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Landry (Verchères), Mme Lemieux (Bourget), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Marois (Taillon), M. Legault (Rousseau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Létourneau (Ungava), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Caron (Terrebonne), M. Pagé (Labelle), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Cousineau (Bertrand), M. Valois (Joliette), M. Bouchard (Vachon), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Bédard (Chicoutimi), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Richelieu), M. Legendre (Blainville), M. Deslières (Beauharnois), Mme Charest (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Bourdeau (Berthier), M. Turp (Mercier), M. Côté (Dubuc), Mme Maltais (Taschereau), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Papineau (Prévost), M. Thériault (Masson), M. Tremblay (Lac-Saint-Jean), Mme Champagne (Champlain), M. Girard (Gouin), Mme Lefebvre (Laurier-Dorion).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Légaré (Vanier).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Audet (Laporte), M. Després (Jean-Lesage), Mme Courchesne (Fabre), M. Couillard (Mont-Royal), M. Fournier (Châteauguay), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Thériault (Anjou), M. Hamad (Louis-Hébert), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Boulet (Laviolette), M. Pelletier (Chapleau), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Marsan (Robert-Baldwin), Mme Gauthier (Jonquière), M. Corbeil (Abitibi-Est), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lessard (Frontenac), M. Gautrin (Verdun), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Cholette (Hull), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Bordeleau (Acadie), M. Whissell (Argenteuil), Mme Théberge (Lévis), M. Reid (Orford), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Brodeur (Shefford), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Auclair (Vimont), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernier (Montmorency), M. Blackburn (Roberval), Mme Charest (Matane), Mme Charlebois (Soulanges), M. Gabias (Trois-Rivières), Mme Hamel (La Peltrie), Mme Gaudet (Maskinongé), M. Dubuc (La Prairie), M. Descoteaux (Groulx), M. Clermont (Mille-Îles), M. Lafrenière (Gatineau), Mme L'Écuyer (Pontiac), Mme Legault (Chambly), M. Mercier (Charlesbourg), M. Moreau (Marguerite-D'Youville), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. Paquin (Saint-Jean), M. Tomassi (LaFontaine), M. Rioux (Iberville), Mme Perreault (Chauveau), Mme Vien (Bellechasse), Mme James (Nelligan).

M. Bouchard (Mégantic-Compton).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions? Aucune abstention. M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 41

Contre: 63

Abstentions: 0

Le Président: Alors, cette motion est rejetée.

Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Oui. M. le Président, permettez-moi d'aviser l'Assemblée que la Commission des affaires sociales poursuivra les auditions publiques dans le cadre du document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes aujourd'hui, de 15 h 30 à 17 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux députés qui ont d'autres travaux à faire, s'il vous plaît, de le faire en silence.

M. le leader du gouvernement, vous pouvez poursuivre.

M. Dupuis: Oui, je vais poursuivre. Que la Commission des finances publiques poursuivra et complétera les auditions publiques dans le cadre du projet de loi n° 85, Loi sur le Centre de services administratifs, demain, jeudi le 14 avril, de 9 h 30 à 12 h 15, à la salle du Conseil législatif;

Que la Commission de l'aménagement du territoire entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi sur les compétences municipales, demain, jeudi le 14 avril, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le leader du gouvernement. À la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: J'apprécierais que vous nous référiez à l'article 3 du feuilleton.

Projet de loi n° 83

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 3 du feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Donc, le projet de loi dont l'adoption est sollicitée aujourd'hui des membres de cette Assemblée s'inscrit dans la foulée de la sanction, en décembre de l'année dernière, de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, également connue sous le nom de loi n° 25. Cette loi avait pour but, on s'en souvient, de mettre en place une organisation de services de santé et de services sociaux intégrés, visant à rapprocher les services de la population et à faciliter le cheminement des personnes ou des usagers dans le réseau sociosanitaire.

Le projet de loi n° 25 transférait, pour une période de transition, les fonctions et les responsabilités des anciennes régies régionales aux nouvelles agences. Les agences ainsi créées devaient définir et proposer un modèle d'organisation basé sur un ou plusieurs réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. La loi prévoyait la création de nouvelles instances locales, devenues depuis les centres de santé et de services sociaux, issus de la fusion entre un centre local de services communautaires, un centre d'hébergement et de soins de longue durée et, le cas échéant, un centre hospitalier.

Jusqu'à l'adoption des nouvelles règles soumises à l'adoption des députés par le présent projet de loi, le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est vu confier la responsabilité de nommer les 16 membres du conseil d'administration de l'agence, de même que les 15 personnes agissant à titre de membres provisoires du conseil d'administration des centres de santé et de services sociaux pour une période de deux ans.

Le 23 juin 2004, 95 réseaux locaux de services ont, dans ce contexte, été créés par le gouvernement à la suite d'une consultation publique réalisée dans chacune des régions sur la base de propositions formulées par les agences dans chaque région.

Au coeur du réseau local de services, le centre de santé et de services sociaux est la nouvelle catégorie d'établissements mandatés pour agir à titre de palier local de gestion comme établissements dispensateurs de services et en tant que centres de coordination du réseau local de services. Au cours de cette démarche, M. le Président, le réseau québécois de la santé et des services sociaux est ainsi passé de 337 à 199 établissements publics, confirmant que notre gouvernement accorde plus d'attention aux services qu'aux structures, M. le Président.

Donc, nous sommes dans la foulée de cette loi, cette loi importante dans l'histoire de notre réseau de santé et de services sociaux, dont le fil conducteur peut être résumé par quatre éléments: l'harmonisation donc des dispositions de la gouverne de notre réseau de la santé et des services sociaux, par rapport à la nouvelle réalité apportée par l'adoption de la loi n° 25, et également le maintien et le développement de services de santé et de services sociaux basés sur l'accessibilité, la continuité ainsi que la qualité.

n(15 h 20)n

C'est pour cette raison et au cours de ce fil conducteur que nous avons développé les quatre chapitres, si l'on veut, du projet de loi dont il est question aujourd'hui: celui qui traite d'abord de la gouverne de notre réseau de santé et de services sociaux; par la suite, celui qui s'applique au traitement des plaintes; par la suite, également, la certification des résidences privées pour personnes âgées; et enfin les dispositions traitant de la circulation de l'information dans le réseau.

La commission parlementaire que nous avons tenue, M. le Président, a été extrêmement productive. Nous avons entendu de nombreux groupes et individus, et je tiens ici à remercier tous les intervenants qui se sont présentés devant nous, de même que les collègues de l'Assemblée nationale qui ont participé aux travaux. Au cours de ces présentations, nous avons reçu plusieurs idées très intéressantes qui nous amèneront, M. le Président, à présenter des bonifications à ce projet de loi dans l'optique de ce qui nous a été suggéré au cours des consultations.

D'abord, pour ce qui est de la gouverne du réseau, le projet de loi aborde la clarification des responsabilités de chacun des paliers de gestion dans notre système de santé et de services sociaux: le palier local, où se trouve le centre de santé et de services sociaux; le palier régional, où se trouve l'agence; et, effectivement et de façon similaire, le palier ministériel.

Le niveau local ? et c'est un signe de l'importance que nous voulons donner aux organisations de proximité offrant des services de base et de première ligne ? donc le niveau local est chargé de développer le projet clinique et organisationnel de façon exclusive, tel que mentionné dans le projet de loi. Mais on nous a suggéré de diminuer un peu la façon dont nous nous exprimons pour, par exemple, parler de responsabilité première, et d'insister plus sur le rôle de collaboration et d'engagement des autres partenaires qui viendront, par entente de services, concrétiser le réseau local et les relations entre le niveau local et les établissements spécialisés. On nous a également suggéré de clarifier davantage le rôle d'arbitrage et de maintien de cohérence dévolu au palier régional.

Sur le plan des conseils d'administration, M. le Président, on a salué le fait que nous diminuions le nombre de catégories de conseils d'administration dans le réseau de la santé et des services sociaux. Mais nous retenons quelques suggestions qui font l'objet actuellement de travaux au ministère dans le but d'apporter éventuellement des bonifications. C'est d'abord la question de la représentation des sages-femmes, lorsqu'il existe un conseil des sages-femmes localement, et également la représentation des fondations, puisque celles-ci nous font remarquer à juste titre qu'elles jouent un rôle important, quotidien et fondamental dans la vie de nos établissements de santé.

Nous avons décidé, malgré ce qui nous a été parfois présenté en commission, de maintenir la représentation élective de représentants de la population au conseil d'administration du centre de santé et de services sociaux. Bien sûr, la faible participation des électeurs à ce type d'élections a été évoquée, mais nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'une raison valide pour nous éloigner de ce mode de représentation qui nous apparaît tout à fait superposable à la philosophie de cette nouvelle organisation de soins de santé qui est basée sur la responsabilité populationnelle. De la même façon, nous avons augmenté le nombre de représentants des usagers, et ceci a été bien accueilli.

Saluons également au passage la création du comité pharmacologique régional, qui assure un lien, nous l'espérons, de plus en plus concret entre les pharmaciens d'établissement et ceux travaillant dans la communauté, ce qu'on appelle les pharmacies privées ou les officines.

Nous avons également concrétisé de façon légale la naissance des RUIS, des réseaux universitaires intégrés de santé, qui ont un rôle à la fois académique de coordination de l'enseignement et de la recherche, de la formation médicale et des sciences de la santé sur le territoire de desserte qui leur est confié, mais également un rôle aviseur dans l'organisation des services, la dispersion des technologies et de plus que... et également, pardon, le soutien professionnel aux établissements des régions de desserte dans ce contexte actuel que nous connaissons, qui est celui d'une pénurie de personnel et, parfois, malheureusement, de rupture de services.

Le deuxième élément du projet de loi, M. le Président, est l'amélioration du traitement des plaintes, qui a été rendue nécessaire par, il faut le dire, malheureusement, les événements dont nous avons été témoins dans quelques établissements de notre réseau, qui ont mis en évidence que la réforme précédente du système de traitement des plaintes était incomplète, puisque les plaintes étaient techniquement bien traitées mais qu'il n'y avait pas de communication réelle et formelle entre le système de traitement des plaintes et le conseil d'administration et surtout relativement peu de mécanismes assurant la transition de la plainte vers une démarche d'amélioration de la qualité, ce qui est la raison essentielle pour laquelle les usagers portent plainte dans notre réseau de la santé et des services sociaux, non pas par désir de vengeance, non pas par désir d'accusation ou de rétribution, mais avec cette préoccupation tout à fait légitime et honorable qui est la suivante: Je ne veux pas que ce qui m'est arrivé et ce qui est arrivé aux membres de ma famille se produise pour un autre citoyen, et, par ma plainte, j'espère participer à l'amélioration des services dans cet établissement.

Nous avons donc entendu les représentations qui nous suggèrent de réintroduire la notion de qualité dans la dénomination du commissaire local, que nous voulons cependant rendre indépendant avec la fonction la plus exclusive possible, et quelques accommodements nous ont été apportés de ce côté-là, nous allons y réfléchir.

Création du comité de vigilance, dépendant du conseil d'administration, qui assurera donc le lien entre le traitement des plaintes et le conseil d'administration de même que les mécanismes d'amélioration de la qualité.

Le transfert de la Protectrice des usagers sous l'ombrelle de la Protectrice des citoyens, donc un organisme dépendant de notre Assemblée, a été généralement très bien accueilli, et nous pensons qu'il s'agit ici également d'un gage d'indépendance et d'impartialité pour le dernier niveau de recours lorsque les citoyens choisissent de déposer une plainte pour des services qui leur ont été donnés dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Le troisième élément du projet de loi, M. le Président, c'est cette question très importante, on le sait, de la certification des résidences privées, qui traduit un geste majeur, de la part de notre gouvernement, de préoccupation envers les gens les plus vulnérables de notre société. On sait que le précédent gouvernement, et c'était un premier pas, avait légiféré pour mettre en place un registre des résidences privées, mais il est apparu qu'il était nécessaire d'aller plus loin et nous engager dans une démarche de certification véritable des résidences privées offrant des services aux personnes âgées en perte d'autonomie.

Dans la version déposée du projet de loi, nous avons choisi de limiter en quelque sorte cette certification aux résidences privées recevant des références ou des personnes référées par le réseau de la santé et des services sociaux. On nous a fait cependant observer, avec, je crois, justesse, que des situations parfois déplorables peuvent se situer également en dehors de ce contexte et qu'il fallait réfléchir très sérieusement à la possibilité de nous doter d'un mécanisme de certification qui s'étend à d'autres résidences que celles qui reçoivent uniquement des références de notre réseau. Je dois dire que c'est une représentation qui est importante; il s'agit de faire le mieux possible avec ce projet de loi, et nous allons y apporter une très grande attention.

On nous a également suggéré d'étendre la certification des résidences privées à l'ensemble donc des autres clientèles vulnérables, notamment celles recevant des soins pour des problèmes de santé mentale, de toxicomanie ou de déficience intellectuelle. Et ceci également est bien accueilli et fait l'objet de réflexions qui, nous le croyons, pourront mener à des bonifications du projet de loi.

Il faut mentionner que, dans tout ce domaine de la certification des résidences privées, que ce soit pour les personnes âgées ou pour les clientèles vulnérables, le ministère de la Santé et des Services sociaux n'est pas le seul acteur qui entre en jeu lorsqu'il s'agit de garantir la qualité des services et des milieux de vie des personnes. D'autres partenaires doivent absolument exercer leurs responsabilités, et je pense particulièrement ici à des partenaires comme le monde municipal ou la sécurité publique par rapport au contrôle des incendies. Et nous allons nous assurer qu'il y a un lien mieux établi et une coordination entre l'ensemble de ces intervenants.

Nous avons particulièrement apprécié les présentations, en commission, d'intervenants terrains. On a eu beaucoup de témoignages des gens du terrain qui nous ont beaucoup éclairés à ce sujet. Je retiens, par exemple, la présentation de personnes du réseau de Granby, qui nous ont expliqué comment sur place ils avaient réussi à monter littéralement, par leur propre énergie et leur propre initiative, un système de certification des résidences privées qui s'adressait à l'ensemble des résidences inscrites au registre, en... bien sûr la coopération attendue entre le réseau de la santé et de services sociaux et le monde municipal, chacun exerçant les responsabilités qui lui sont propres: le réseau de la santé, via un intervenant du CLSC, statuant sur la qualité des services prodigués aux personnes, et le monde municipal, sur des aspects tels que les installations immobilières, la sécurité des incendies, etc., le tout étant lié dans un certificat qui est public et facilement accessible par la population.

Le dernier élément du projet de loi, M. le Président, est celui qui touche la plus libre circulation de l'information dans un réseau de la santé dont le cadre législatif a été élaboré à l'époque papier, si vous me permettez l'expression, à l'époque où l'ensemble de l'information et des dossiers étaient sur une base de documents écrits, donc où ces problèmes que les nouvelles technologies nous apportent n'existaient pas. Je dis «ces problèmes», mais également ces grandes occasions de diffuser plus rapidement l'information entre les professionnels et les intervenants de la santé et des services sociaux, et partant d'améliorer la qualité et la continuité des services. L'ensemble des intervenants, M. le Président, s'entendent pour nous dire qu'il est temps que le Québec rejoigne les autres États d'Amérique du Nord et d'ailleurs qui ont déjà fait le pas d'inscrire, dans leurs cadres législatifs, des dispositions permettant la circulation de l'information sur une base numérisée.

n(15 h 30)n

Et je tiens à dire qu'on entend, avec raison, les citoyens s'inquiéter de l'aspect de sécurité et de confidentialité, et c'est un aspect sur lequel nous ne voulons faire aucune... aucun, pardon, aucun compromis. Mais il faut se souvenir que le système actuel de dossier papier n'est pas en soi un gage de sécurité maximale, loin de là, et qu'au contraire un système de transmission de l'information numérique bien organisé, bien protégé, offre probablement des garanties de sécurité et de confidentialité supérieures à l'état actuel des choses.

On sait qu'il y a déjà eu dans cette Assemblée, au cours des dernières années, un débat très étendu et très large sur la question, à travers le projet de carte santé qui avait été déposé par le précédent gouvernement. Ce projet n'a malheureusement pas pu aboutir essentiellement, malgré ses qualités, les qualités qu'il présentait, pour la raison qu'il a été perçu par la population comme étant essentiellement un outil administratif de contrôle plutôt qu'un outil de soins cliniques. On s'est également inquiétés de la constitution de cette grande banque de données centralisées, et, bien sûr, à juste titre, comme c'est toujours le cas lorsqu'on discute de ces questions, des aspects de sécurité et de confidentialité.

Nous sommes donc allés dans un domaine ou dans une logique différente, celle où nous constatons et nous affirmons qu'il s'agit avant tout d'un outil clinique mis à la disposition des professionnels et des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, de façon à ce que, lorsque la personne se présente devant eux ou devant elles, l'information soit présente, maximisant ainsi l'efficacité de ces gens, empêchant les gens, des patients et des usagers des services sociaux, d'avoir à se présenter à plusieurs reprises pour obtenir des résultats d'examens ou des rapports de consultations, alors que ceci peut maintenant, grâce aux progrès de la technologie, être beaucoup plus accessible.

Nous avons donc conçu, dans le projet de loi tel que formulé, des banques régionales de données dans lesquelles on retrouvera des données telles que bien sûr les données nominales d'identification, les résultats de laboratoire, de radiologie, de même que le profil pharmacologique des personnes, des éléments qui sont essentiels, surtout le dernier, le profil pharmacologique, pour améliorer non seulement la qualité et la continuité des services, mais surtout la sécurité, M. le Président, parce qu'on sait qu'un grand nombre d'hospitalisations, chaque année, sont dues à des interactions médicamenteuses, secondaires elles-mêmes à des prescriptions inappropriées par manque d'information. On ne sait pas ce que le malade prenait comme médicament, surtout les personnes âgées; on en ajoute un autre, sans le savoir, et on se retrouve avec une circonstance pathologique qui amène une hospitalisation. Et on connaît toutes les conséquences possibles une fois qu'on est entrés dans ce cycle, pour la personne âgée particulièrement, celle qui est déjà affaiblie par les maladies systémiques.

Donc, ces banques régionales sont accompagnées d'un consentement explicite, à durée fixe, et révocable en tout temps par l'usager, consentement qui est conservé sur papier à l'établissement qui l'a émis et également de façon électronique dans une banque située à la Régie de l'assurance maladie du Québec. Le dossier informatisé ainsi créé dans nos banques régionales, M. le Président, il est important de le rappeler et de le signaler à nos concitoyens et concitoyennes qui nous écoutent, ne contient pas de diagnostic ou d'histoire de cas ou de considération psychosociale. Il ne s'agit que d'information factuelle. Encore une fois, je répète: résultats de laboratoire, résultats d'examens radiologiques et profil pharmacologique.

Le point qui a fait difficulté dans la discussion en commission parlementaire ? et nous convenons de la justesse des arguments qui nous ont été présentés par des organismes tels que le Barreau ou la Commission d'accès à l'information ? est la question de la circulation de l'information entre l'instance locale, le centre de santé et de services sociaux et le partenaire de cette instance à l'intérieur du réseau de services, soit par exemple l'organisme communautaire ou l'entreprise d'économie sociale ou un autre professionnel dans une ressource privée.

La version initiale du projet de loi indiquait que, lors de l'établissement d'un plan de services individualisé, il y avait consentement explicite à la transmission de l'information pertinente sur la base du critère de nécessité appliqué par le professionnel transmettant l'information, mais ceci, avec justesse, je crois et je le reconnais, n'a pas été considéré par l'ensemble ou, je dirais, la très grande majorité des intervenants comme étant suffisant. Nous allons donc, M. le Président, amener une bonification dans ce projet de loi, de façon à ce que, lors de la conclusion et de la communication à la personne d'un plan de services individualisé, il y ait également communication et consentement explicite de la personne à la circulation de l'information qui est pertinente à l'exécution de ce plan de services. Et je crois que ceci devrait répondre aux inquiétudes fort légitimes qui ont été exprimées alors par le Barreau et la Commission d'accès à l'information.

La Régie de l'assurance maladie du Québec conserve un rôle. Il est important de le mentionner et de clarifier quel est ce rôle. Il s'agit bien sûr de maintenir un registre des consentements, un registre des profils d'accès et des intervenants, de même que les banques de données pharmacologiques, puisque l'ensemble des pharmacies du Québec ont déjà un lien électronique avec la Régie de l'assurance maladie du Québec, ce qui est beaucoup plus efficace que la constitution de 16 ou 17 liens différents pour chaque pharmacie, ce qui alourdirait considérablement le système.

On nous a présenté l'argument que la Régie de l'assurance maladie du Québec aurait ainsi accès à des informations pharmacologiques sur des personnes qui ne sont pas des «assurés» ? ouvrez les guillemets, fermez les guillemets. À ceci, nous répondons, comme l'avait d'ailleurs fait, je crois, le gouvernement précédent, lorsqu'il était question de leur projet de banque de données centralisée, que la Régie de l'assurance maladie du Québec n'est pas un assureur comme les autres, n'est pas un assureur privé. La Régie de l'assurance maladie du Québec ne pratique pas la gestion des risques. Lorsque vous avez votre carte d'assurance maladie, M. le Président, ou toute autre personne qui nous écoute, la Régie de l'assurance maladie du Québec ne décide pas si vous y avez droit ou pas selon les facteurs de risque que vous présentez; elle couvre l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec sur la base des lois et des règlements qui sont adoptés par cette Assemblée et par le gouvernement en exercice, de sorte que je crois, M. le Président, que, pour cette question du profil pharmacologique, il demeure beaucoup plus efficace et préférable que nous utilisions les infrastructures déjà en place à la Régie de l'assurance maladie du Québec, le tout également sujet bien sûr à l'ensemble des dispositions assurant la sécurité et la confidentialité et sachant que cette banque de données pharmacologiques peut être versée aux banques régionales de façon à ce qu'on puisse y avoir accès rapidement.

La Régie de l'assurance maladie du Québec a également le rôle d'agent localisateur, si vous me permettez l'expression. Je m'explique. Vous êtes, par exemple, citoyen de Montréal. Votre dossier médical informatisé est donc conservé à la banque régionale de Montréal. Vous vous déplacez en Gaspésie pour des vacances, y avez malheureusement un accident ou un problème de santé. Le médecin qui vous reçoit peut consulter votre banque de données régionale de Montréal en se faisant dire par la Régie de l'assurance maladie du Québec: Le dossier de ce citoyen se trouve dans cette banque régionale, donc facilite et accélère le fait de retrouver les informations pertinentes lorsqu'on se déplace à l'extérieur de notre région d'attache.

Donc, en définitive, M. le Président, on nous a indiqué à plusieurs reprises qu'il s'agit d'un projet de loi important. C'est vrai, c'est un projet de loi important, assez volumineux, j'en conviens. Il y a eu d'autres projets de loi, dans l'histoire de cette Assemblée, qui étaient également volumineux, avec un grand nombre d'articles. Je ne les citerai pas, mais on sait desquels il s'agit, ce n'est pas une première. Il y a un fil conducteur, dans ce projet de loi, qui est très net, et il y a des éléments communs à chacun des quatre éléments que j'ai mentionnés. C'est d'abord le souci d'assurer l'harmonisation de l'organisation de notre réseau de santé avec la survenue des centres de santé et de services sociaux et d'assurer également des soins accessibles, continus et de qualité. Chacun des éléments, des quatre éléments du projet de loi peut se rattacher à un de ces éléments, M. le Président. C'est pour ça que je crois... c'est pour cette raison que je crois fermement qu'il y a une logique d'ensemble, dans ce projet de loi, qui nécessite le fait de regrouper l'ensemble de ces articles dans un seul travail législatif.

Je suis donc très heureux de présenter ce projet de loi pour approbation de principe à cette Assemblée, fier que notre gouvernement ait pu progresser dans l'organisation du réseau de santé et de services sociaux, et je compte bien sur la collaboration de l'ensemble des collègues de cette Assemblée, comme nous l'avons d'ailleurs observée au cours de la commission parlementaire, pour que les travaux d'étude détaillée du projet de loi, sur l'étude article par article, puissent commencer de façon rigoureuse, méthodique et que nous adoptions enfin ce projet de loi pour le plus grand bénéfice de la population qui nous écoute, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je reconnais maintenant la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je crois, M. le Président ? nous avons d'ailleurs souligné ce fait ici même, à l'ouverture de la période de questions, aujourd'hui ? que vous et moi siégeons dans cette Assemblée depuis 24 ans aujourd'hui et que nous entamons notre 25e année. Alors, M. le Président, je crois que c'est la première fois, depuis toutes ces années, que je vois le ministre de la Santé et des Services sociaux déposer ce qu'on appelle dans le jargon parlementaire un bill omnibus, c'est-à-dire un projet de loi dans lequel on retrouve des sujets qui sont complètement différents et qui concernent des préoccupations qui n'ont pas à voir les unes avec les autres.

M. le Président, vous savez que le bill omnibus est, de tradition, en particulier, seulement dans le milieu municipal, puisqu'il est possible, dans le langage familier, n'est-ce pas, de concevoir que c'est l'équivalent d'un autobus dans lequel on met toutes sortes de choses disparates et éparpillées, mais qui ne peuvent pas justifier, pour chacune des ces dispositions disparates, et éparpillées, et différentes, une législation spécifique.

n(15 h 40)n

Alors, c'est la première fois que je vois, dans le domaine de la santé et services sociaux, un projet de loi, qu'on appelle omnibus, dans lequel on retrouve à la fois des modifications majeures en matière de traitement des plaintes des usagers dans le réseau de la santé et des services sociaux et on retrouve également des modifications majeures à l'égard de la certification des résidences privées pour personnes âgées. On y retrouve aussi ? vous allez me dire: Qu'est-ce que ça a à voir avec les deux premiers sujets que je viens de mentionner? ? on y retrouve aussi, M. le Président, un droit nouveau, des dispositions complètement nouvelles en matière d'informatisation, de circulation du dossier informatique et de conservation du dossier informatique sur le dossier patient, le dossier clinique et le dossier pharmacologique. Vous voyez, M. le Président, ce sont là des sujets complètement différents.

Et s'ajoutent à cela également un grand nombre de dispositions qui traitent des responsabilités au sein du réseau de la santé et des services sociaux, de la manière dont les regroupements d'établissements vont dorénavant travailler avec les agences régionales, de la manière dont les agences régionales travailleront ou pas avec les centres de développement, les centres d'adaptation dans la déficience physique, dans la déficience intellectuelle, la manière dont les réseaux universitaires intégrés de services, qui représentent en fait les facultés de médecine dans les universités, vont travailler ou pas avec les agences, avec les réseaux locaux.

Alors, tout ça, M. le Président, nous donne un total de 282 articles et modifie 44 lois dans les diverses manières que je... matières, plutôt, que je viens de mentionner, notamment l'hébergement, le traitement des plaintes des usagers, la certification facultative des résidences privées, la participation des citoyens ? qui dans le fond est une réduction de la participation des citoyens ? au conseil d'administration des établissements, de même que le partage des responsabilités et la gouvernance dans le réseau, et puis cette question d'informatisation, de transmission et de conservation du dossier clinique et pharmacologique des patients.

M. le Président, c'est ce qu'on peut appeler une loi omnibus, et pourtant elle introduit des changements majeurs et substantiels en regard de la santé et des services sociaux, et tout cela, suite à l'adoption sous bâillon des lois sur la santé présentées par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux. Il y a définitivement une sorte d'indulgence, là, qui prévaut encore en faveur du ministre de la Santé et des Services sociaux, parce que comment, M. le Président, ne pas constater qu'aucune loi que le ministre... l'actuel ministre a présentée dans le secteur de la santé, aucune ne l'a été autrement que sous bâillon, après un examen expéditif et sommaire?

Je rappellerai que la loi qui modifiait les établissements existants dans le secteur de la santé et des services sociaux, cette loi a été adoptée après qu'on ait eu maximum deux heures d'examen de la loi, article par article, en commission parlementaire, alors que la loi qui bouleversait et bouleverse toujours ? ce n'est pas terminé ? tout le monde des employés qui donnent les services dans les établissements, loi qui porte sur les accréditations syndicales et qui est toujours en cours d'application, eh bien, elle a été adoptée, je dirais, sous bâillon, évidemment après, comme toutes les autres, un examen sommaire et expéditif qui n'aurait duré même pas une heure et demie, je pense, en commission parlementaire. Alors, c'est bien évident que la crainte s'exprime à l'effet qu'encore une fois le ministre de la Santé et des Services sociaux et son gouvernement prétendraient procéder à l'examen article par article, en quelques heures seulement, puis à l'adoption sous bâillon de la loi qui est à l'étude devant nous, cet après-midi, en deuxième lecture.

Je ne crois pas, M. le Président, à part quelques exceptions, des 87 ou 88 mémoires que nous avons entendus en commission parlementaire, depuis le 9 février dernier, je ne crois pas que ? sauf quelques-uns ? tous n'ont pas débuté leurs présentations en se plaignant du peu de temps qui leur avait été accordé pour compléter l'étude du projet de loi n° 83. Ce sont pratiquement tous les organismes qui ont été entendus en commission parlementaire qui ont débuté leur présentation en mentionnant avoir manqué de temps pour compléter l'étude du projet de loi n° 83, même le Barreau, même le Barreau du Québec, ce qui n'est pas peu, M. le Président, parce que le Barreau est pourtant considéré comme un spécialiste de la rédaction et de l'étude des lois.

Alors, les porte-parole du Barreau en commission parlementaire sont venus déclarer, et je les cite, «ne pas avoir eu la chance de faire une analyse exhaustive et détaillée». Les représentants ajoutaient même, et je cite encore: «La période de réflexion accordée aux organismes pour fournir leurs commentaires sur un projet de loi fort volumineux nous laisse perplexes sur la véritable intention du gouvernement de recueillir des opinions, des commentaires sur le projet de loi.» Alors, M. le Président, quand le Barreau du Québec considère avoir manqué de temps, lui qui est pourtant un spécialiste, qui peut mettre en branle tout un travail de réflexion au sein d'un comité de légistes et de juristes, alors vous comprenez bien que ce sont à peu près tous les représentants de tous les organismes qui se sont présentés devant la commission et qui ont fait le même reproche au ministre et au gouvernement.

Alors, ce reproche a été repris à maintes occasions, mais je voudrais simplement peut-être citer entre autres, entre autres, par exemple, la Fédération des travailleurs du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec qui disait: «Ce projet de loi, amendant une loi déjà fort complexe et volumineuse, a été présenté à la veille de la période des fêtes, et peu de temps nous a été accordé pour en effectuer l'analyse et pour procéder aux consultations d'usage auprès de nos membres. La FTQ avait demandé un délai supplémentaire minimal d'un mois pour procéder à ce travail.»

Puis vous vous rendez compte que la fédération, c'est une centrale syndicale qui peut compter cependant sur un service de recherche et sur des permanents. Alors, la FTQ ajoute: «Au vu et au su du projet de loi, nous aurions pu sans aucun doute en demander davantage; le ministre nous a accordé tout au plus une semaine. Dans ce contexte, la FTQ a considéré qu'elle n'avait ni le temps ni les énergies nécessaires pour produire une étude exhaustive et achevée du projet de loi.»

Alors, vous comprenez, quand une centrale syndicale québécoise de l'importance de la FTQ nous dit: Écoutez, on n'a pas eu le temps nécessaire pour produire une étude achevée du projet de loi, alors vous vous imaginez combien souvent nous avons entendu des récriminations au fait que le projet de loi, ayant été présenté à quelques semaines de la période de Noël et du jour de l'An, et les mémoires des organismes, ayant été requis à quelques jours à peine des Fêtes, combien souvent le reproche a été fait au ministre et au gouvernement d'avoir laissé trop peu de temps.

Par exemple, la CSN disait ceci: «Nous tenons à redire notre indignation devant les délais inacceptables que le gouvernement impose pour examiner le projet de loi n° 83.» Et évidemment la Coalition, la très vaste Coalition Solidarité Santé, qui regroupe plus de un millier d'organismes, de communautés religieuses, de groupes de réflexion à travers tout le Québec, alors la Coalition Solidarité Santé a beaucoup reproché le fait de... a beaucoup reproché au gouvernement le fait de ne pas lui avoir laissé le temps d'analyser en profondeur le projet de loi.

n(15 h 50)n

Pourquoi, M. le Président, avons-nous entendu ces reproches? Je pense que la question est importante parce que dans le fond elle nous explique l'importance que revêtent ces modifications qui sont introduites dans le projet de loi n° 83, puisque ce sont des modifications qui transforment en profondeur la loi générale, la loi fondatrice, si vous voulez, en matière de santé et des services sociaux.

Il faut rappeler, M. le Président, que cette loi a été modifiée en profondeur il y a de ça bientôt une quinzaine d'années. C'était au moment où Marc-Yvan Côté était ministre libéral du gouvernement de M. Bourassa, et c'était à la suite du rapport de la commission Rochon, qui portait donc le nom du ministre... de Jean Rochon, qui deviendra par la suite ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement de M. Parizeau et, successivement, de M. Bouchard. En 1990, en janvier 1990, il y a 15 ans, lorsque Marc-Yvan Côté, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, dépose le projet de loi... un avant-projet de loi... Il dépose d'abord un avant-projet de loi. Je dois vous dire d'abord qu'il y avait eu la commission Rochon, et puis il y a eu un avant-projet de loi sur lequel il y a eu la plus longue consultation de l'histoire parlementaire de l'Assemblée nationale. Et cet avant-projet de loi, déposé en janvier 1990, ne sera finalement adopté qu'un an plus tard, au printemps 1991.

Et M. Rochon avait... M. Rochon... M. Marc-Yvan Côté ? avec lequel M. Rochon avait travaillé d'ailleurs ? avait eu le souci de faire partager aux citoyens québécois les orientations nouvelles introduites dans le projet de loi de santé et de services sociaux et il l'avait fait sous le vocable général d'une loi... enfin la formule ? attendez, je l'ai à quelque part ? une réforme, disait-il, une réforme axée sur le citoyen. C'était là la marque de commerce, l'engagement que Marc-Yvan Côté souhaitait associer à sa réforme: réforme axée sur le citoyen, alors que plusieurs mémoires qui nous ont été présentés en commission parlementaire ont plutôt souligné qu'il s'agissait cette fois-ci d'une réforme qui se faisait en l'absence du citoyen, et certains ont même parlé d'une réforme qui excluait les citoyens.

Je pense, M. le Président, qu'il y a là une inquiétude légitime qui a été exprimée en commission parlementaire. Cette inquiétude légitime, si je peux la résumer, consiste à craindre qu'il y ait mise à l'écart, en fait que soient laissées dans l'ombre les missions sociales et de prévention au profit de missions strictement médico-hospitalières. M. le Président, ça signifie des choses très concrètes pour les citoyens. Ça signifie notamment que le projet de loi qui est à l'étude, devant nous, aujourd'hui, par exemple, fait disparaître la référence à la Politique de santé et de bien-être. Cette Politique santé, bien-être, qui a été adoptée par le prédécesseur du ministre actuel, justement par le ministre Marc-Yvan Côté, cette référence à la Politique de santé, bien-être était le phare à partir duquel l'ensemble des plans d'action qui étaient élaborés en matière de santé et services sociaux, dans les régions ou encore dans les établissements, devaient donc être élaborés en prenant en compte la réalisation, l'accomplissement de la Politique santé, bien-être. Alors là, M. le Président, la crainte légitime, c'est que ce projet de loi, introduisant la disparition de la référence à la Politique de santé, bien-être, laisse dans l'ombre les missions sociale et de prévention au profit des missions strictement médicale, hospitalière, et cette inquiétude est d'autant plus vive que le ministre en titre au ministère de la Santé et des Services sociaux a une vision qui est une vision extrêmement médicale, qui s'adresse d'abord à des personnes usagères du service plutôt que de s'adresser à des citoyennes et des citoyens qui ont à s'approprier, si vous voulez, le secteur de la santé.

Parce que, M. le Président, c'est toute la différence entre la santé et la maladie. La santé, c'est l'affaire de tous. La maladie, c'est peut-être l'affaire de ceux qui nous soignent, mais, la santé, il faut qu'un gouvernement ait en tête, si vous voulez, de mobiliser les citoyens dans les dossiers de santé et de services sociaux, c'est fondamental. La santé, on ne peut pas laisser qu'au médecin le soin... ou aux hôpitaux, ou en fait aux établissements qui soignent, là, la responsabilité de s'en occuper. Alors ça, je dois dire que ça a été une des premières inquiétudes qui a été exprimée, en commission parlementaire, sur cette question, la deuxième étant bien évidemment, puisque ça a été souvent repris, cette idée que le projet de loi qui est devant nous contient des dispositions qui resteront très théoriques si les établissements n'ont pas les moyens d'appliquer la loi.

Et combien de dizaines de fois est-ce qu'on a entendu, en commission parlementaire, ces: Oui, mais est-ce qu'on aura les moyens d'appliquer la loi? Ça, M. le Président, on le verra au moment du dépôt du livre des crédits et au moment du dépôt du budget. Et, lors de l'examen en commission parlementaire des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux, on verra si les intentions du ministre vont rester sur le papier sur lequel elles sont écrites ou si elles vont pouvoir s'incarner dans un réseau d'établissements, au niveau local, régional, au niveau universitaire et aussi au niveau spécialisé et ultraspécialisé, si elles vont pouvoir s'incarner, compte tenu des moyens qui seront mis à la disposition de l'ensemble du réseau. Ça, je dois vous dire qu'il y a une très vive inquiétude qui s'est manifestée, à l'occasion des travaux de la commission parlementaire, sur cette question.

Alors, il y avait donc quatre axes. Le ministre lui-même en a parlé lors de la présentation, il y a quelques minutes, du projet de loi. Je les rappelle brièvement: harmonisation, disons, de la gouverne ou, si vous voulez, du partage des responsabilités au sein du réseau; traitement des plaintes des usagers; certification des résidences privées pour personnes âgées; et puis circulation, conservation, transmission des renseignements cliniques et pharmacologiques.

Alors, si on aborde le premier axe, sur l'harmonisation de la gouverne, il faut dire que le projet de loi n° 83 à cet égard introduit dans la loi générale les deux lois qui ont été imposées sous bâillon, qui portaient les numéros 25 et 30, qui sont les loi obligeant les fusions d'établissements et celle obligeant les fusions d'accréditations syndicales. Alors, sur ces questions, je dois vous dire qu'en entrée de jeu, très souvent, le ministre s'est fait rappeler la nécessité d'introduire, à l'occasion de ce projet de loi là, majeur en fait, 300 articles, il s'est fait rappeler la nécessité d'introduire les principes, tels le caractère public de notre système de santé et de services sociaux, son caractère universel, gratuit, et il s'est fait rappeler ces principes de manière à introduire dans la loi québécoise les principes que l'on retrouve actuellement dans la loi fédérale. Il n'y a aucune raison pour que le ministre et son gouvernement se satisfassent que ces principes se trouvent déjà dans la loi fédérale, d'autant plus qu'une élection générale anticipée, au niveau fédéral, semble être sur le point, en fait... ou plutôt prochainement être annoncée, ce qui signifie qu'on ne peut pas rester à la merci d'un gouvernement conservateur qui, on le sait, à Ottawa, pourrait venir biffer ces principes de gratuité, d'accessibilité, d'universalité des soins dans le secteur de la santé.

n(16 heures)n

Alors, il est évident qu'à maintes reprises des représentations ont été faites à l'occasion de nos travaux en commission parlementaire, des représentations ont été faites pour convaincre le ministre qu'il devait inscrire dans le cadre législatif québécois, donc dans la loi à portée générale santé et services sociaux qui est celle que nous étudions, qu'il devait inscrire cet engagement à l'égard d'une gestion publique du régime de santé et de services sociaux, de son intégralité, de son universalité et de son accessibilité. Alors, je pense que, M. le Président, nous allons revenir certainement sur cette question fondamentale, lors de l'étude article par article du projet de loi, qui devrait suivre son examen et son adoption en deuxième lecture.

D'autant plus que l'introduction du mode de partenariat public-privé a aussi suscité une inquiétude qui a été exprimée en commission parlementaire. Plusieurs ont fait valoir qu'il pouvait y avoir une sorte de réduction déguisée du panier de services en matière de santé et des services sociaux ? expression «panier de services» pour signifier les services offerts à la population dans le domaine de la santé et dans celui des services sociaux ? et il pouvait donc y avoir une sorte de réduction déguisée, et qu'il fallait donc contrer cette espèce de glissement vers le mode PPP... Et non pas de partenariat public-privé; on en parle, M. le Président, pas tant dans la construction, puisque ça a toujours été sous appel d'offres, avec des soumissions, que, quelque établissement que cela fut, les travaux, quels qu'ils soient, matériels, ont toujours été assurés par le secteur privé de la construction. Mais là on parle de services, donc de services aux personnes, de services à domicile, on parle de services qui seraient possiblement, qui sont présentement assurés par le secteur public mais qui pourraient, s'il n'y a pas de balises dans la loi qui indiquent clairement des orientations contraires, eh bien, il pourrait y avoir un glissement imperceptible vers les bases d'un réseau dont le financement resterait public mais dont l'ensemble des soins et des services aux personnes seraient de plus en plus privatisés.

Cela fut également une inquiétude, là, qui a été exprimée en commission parlementaire, et je pense que c'est là un aspect important qui a été rappelé par divers intervenants, notamment la Centrale des syndicats du Québec, qui représente les enseignants et enseignantes du Québec, et qui ont rappelé qu'il fallait introduire dans la loi québécoise l'application des principes tels ceux que je mentionnais de gestion publique, d'accessibilité, d'universalité de service et donc également des interdictions de surfacturation ou d'imposition de frais modérateurs, de manière à ce que cela s'applique dans l'ensemble des établissements qui, du fait du projet de loi n° 83, se trouvent en fait à recevoir une autonomie beaucoup plus grande que dans le domaine de l'administration et de la gestion des services.

Voyez, par exemple, la Fédération des médecins omnipraticiens, à propos du projet de loi n° 83, faisait part aussi de son inquiétude, et je la cite: «La FMOQ constate que le projet de loi n° 83 [confirme] ses appréhensions dont elle avait fait part aux membres de [la] commission parlementaire au moment des audiences relativement à l'adoption du projet de loi n° 25. Avec [le] projet de loi n° 83, le gouvernement va bien au-delà d'une simple harmonisation et boucle la boucle d'une refonte majeure du système de santé québécois. Une fois de plus, cette réforme s'intéresse aux structures, sans assurer aux intervenants du réseau les moyens nécessaires pour la réaliser.» Fin de la citation. C'est donc un extrait du mémoire de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Ça, c'était un peu la trame de fond de la commission parlementaire. Bonnes intentions mais finalement aucun moyen qui permettrait de passer de la parole aux actes. Et donc des moyens qui vont s'avérer essentiels pour incarner, si vous voulez, ces bonnes intentions. Alors, je pense que, M. le Président, ce sont là... c'est là, plutôt, un rappel des points de vue exprimés en commission parlementaire.

Et, sur ce sujet, je termine par l'intervention de la Coalition Solidarité Santé qui déclarait ceci, et je cite: «Les changements proposés dans le projet de loi n° 83 viennent faciliter la privatisation, le transfert des responsabilités et des services vers le privé, vers les entreprises [...] que l'on veut utiliser comme des sous-traitants à rabais.» Et la coalition ajoutait: «La coalition demande que les principes de la loi canadienne ? ceux que j'énumérais tantôt ? soient inscrits dans la loi québécoise de la santé et des services sociaux afin de garantir à la population l'égalité et le droit à la santé, et ce, sans aucune discrimination.» Alors, ce sont là des propos que je tenais à rappeler parce qu'ils ont été à maintes reprises évoqués en commission parlementaire, lors des travaux du projet de loi n° 83.

Également, M. le Président, une autre inquiétude mentionnée le fut à l'égard du droit de l'usager de choisir le professionnel et l'établissement duquel il voulait recevoir des services; cela a été à maintes reprises mentionné. Dans les termes savants, ça s'appelle la factorisation, mais, en fait, en termes pratiques, ce que ça signifie, c'est que, dorénavant, le centre local de santé et de services sociaux aura l'exclusivité d'élaborer le projet, si vous voulez, le plan d'action, appelons-le comme ça ? c'est en fait le projet clinique ? sur son territoire. Et l'inquiétude d'un bon nombre d'intervenants, c'est que, dorénavant, les services soient dispensés simplement en fonction, si vous voulez, des budgets qui sont alloués, et donc les usagers ne soient plus en mesure de choisir véritablement le professionnel ou l'établissement de son choix.

Alors, le ministre a assuré que la loi n'était pas changée à cet effet, que le même dispositif, tel qu'il existait depuis toujours quant au choix du médecin ou de l'établissement, demeurait, mais l'inquiétude est demeurée, du fait que les budgets alloués peuvent en fait diriger indirectement en imposant, dans la réalité des choses, un type d'établissement ou des soins dispensés par des professionnels qui seraient en fait désignés à cet effet. Alors, je pense que ce sont là des considérations importantes qui ont été portées à l'attention des membres de la commission parlementaire et qui méritaient donc d'être rappelées à l'occasion de l'étude du projet de loi, cet après-midi.

n(16 h 10)n

Également, M. le Président, sur toujours cette question d'harmonisation de la gouverne, comme l'appelle le ministre, là, mais en fait c'est la question du partage des responsabilités au sein du réseau de la santé et des services sociaux, suite à l'adoption sous bâillon des projets de loi nos 25 et 30, là je dois vous dire qu'il y a eu beaucoup de confusions qui ont été identifiées dans le partage des responsabilités. Et je voudrais faire juste quelques extraits, là, des différents mémoires entendus, mais, s'il y a une section du projet de loi qui a été pointée comme portant à confusion, c'est, je pense, justement celle du partage des responsabilités et de la gouverne. Après lecture et relecture du projet de loi, beaucoup d'intervenants disaient toujours ne pas savoir qui était responsable de quoi. Par exemple, dans les mémoires présentés, les commentaires négatifs pleuvaient. J'en cite quelques-uns, là: «confusion», «manque de clarté», «coercition», «disparités intrarégionales», «vision médico-hospitalière», «réduction du panier de services», «privatisation».

Et plusieurs ajoutaient que le projet de loi illustrait le penchant du ministre, de l'actuel ministre pour des réformes de structures. Il est bien certain, M. le Président, que nous sortons de l'examen général du projet de loi avec toujours des questions en tête sur cet aspect particulier. Par exemple, entre les instances locales qu'ils ont regroupées en fusionnant des établissements, quel est le lien entre les instances locales et le niveau régional? Par exemple, les centres de réadaptation en déficience physique et les centres de réadaptation en déficience intellectuelle ? je suis certaine que ma collègue la députée de Rimouski aura l'occasion d'en parler ? sont venus exprimer leurs craintes que dorénavant ils ne soient plus des partenaires, ils ne soient plus appelés à collaborer à part entière, qu'ils soient mis devant le fait accompli des projets qui seront établis dorénavant par les instances locales.

Notamment, quels seront les liens entre ce qu'on appelle les RUIS, les réseaux universitaires intégrés de services, quels seront les liens entre les RUIS, qui regroupent quatre, finalement, universités où il y a des facultés de médecine ? Laval, Sherbrooke, McGill et Montréal ? et qui doivent dorénavant assurer non seulement l'enseignement et la recherche, mais aussi la dispensation de services en garantissant le fait qu'il n'y ait pas de rupture de services dans leurs corridors de services ? excellente idée, là, je vous rappelle que les RUIS ont été envisagés par le gouvernement précédent, et le Dr Carignan a été chargé d'un rapport les concernant, qu'on appelle d'ailleurs le rapport Carignan. Le ministre ajoute une dimension qui est celle de s'assurer qu'il n'y ait pas de rupture de services à la dimension enseignement et recherche; je l'en félicite, M. le Président, je crois que c'était là un aspect important. Cependant, les RUIS sont venus en commission parlementaire, leurs porte-parole en fait sont venus témoigner de la confusion qui pourrait régner, suite à la lecture du projet de loi tel que rédigé, entre eux et les agences régionales, et puis entre les facultés universitaires en fait, les facultés de médecine, dans les universités, et les agences régionales.

Toute la grande question, c'est que même l'Association des hôpitaux du Québec, l'AHQ, est venue parler de confusion dans le partage des responsabilités, en signalant que la loi manquait de clarté. La conférence, d'ailleurs, des centres hospitaliers universitaires est venue aussi témoigner du fait que la loi manquait résolument de clarté quand on voulait voir les responsabilités et les mandats dévolus aux uns et aux autres, entre les instances locales ? je rappelle que ce terme-là maintenant signifie la fusion de tous les établissements d'un territoire ? donc entre les instances locales, les agences régionales, les tables des chefs de département de médecine spécialisée, entre eux et finalement les centres de réadaptation, qui sont maintenant des centres régionaux de réadaptation en déficience intellectuelle, en déficience physique. Alors, il y avait lieu de se questionner sur la ligne d'autorité et de décision entre toutes ces instances.

Et je dois dire que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, que je citais sur un autre sujet tantôt, sont venus exprimer leurs craintes de la «totale imprécision» ? c'était leur expression ? des liens unissant l'instance locale à l'agence, l'instance locale qui devient beaucoup plus juge et partie. Alors, à cet effet, le ministre, à la clôture de la commission parlementaire... des travaux, plutôt, de la commission parlementaire, avait annoncé qu'il pourrait y avoir des modifications. On croyait qu'elles pourraient nous être connues à l'occasion des travaux d'aujourd'hui, ça ne semble pas avoir été le cas. Alors, je pense que ça va être important, là... Je ne pourrais pas imaginer que le projet de loi reste dans l'état où il est présentement sans que l'on vienne répondre aux craintes qui ont été exprimées en commission parlementaire.

L'objectif recherché est intéressant, là, indéniablement: le fait de confier à l'instance locale, le fait donc, dorénavant, de confier au niveau local la coordination des activités et des services offerts sur son territoire et de manière exclusive ? en fait, c'est la responsabilité de définir un projet clinique et organisationnel pour le territoire. L'ambition est bonne, l'idéal est intéressant, mais, dans la réalité des choses, il faut que ça se fasse en complémentarité. L'instance locale doit s'assurer de la collaboration des centres de réadaptation, qui sont, eux, au niveau régional, en déficience intellectuelle, en déficience physique. Quand on sait les listes d'attente en déficience intellectuelle pour donner des services, y compris aux enfants, quand on sait l'importance que ces services peuvent avoir dans les premières années de la vie, alors il est évident qu'il doit y avoir très, très rapidement complémentarité. Cela vaut aussi en déficience physique, de même que les ententes que l'instance locale doit conclure avec les établissements membres d'un réseau universitaire.

Alors, vous voyez que, si ce n'est pas vraiment clair, la question de savoir quel est l'organigramme, quelle est la ligne d'autorité, qui va décider, ça peut introduire, M. le Président, une confusion. Si vous aviez, par exemple, entendu le point de vue des représentants des différents organismes qui sont venus en commission parlementaire, s'il n'y a pas de clarté, le problème, c'est d'abord de se piler sur les pieds, là, mais, au-delà de ça, c'est les luttes de pouvoir. Si on ne dit pas clairement comment les choses vont se passer, qui va décider puis qui va arbitrer, c'est les luttes de pouvoir qui vont s'intensifier, puis je pense que la dernière chose que le secteur de la santé et des services sociaux a besoin, c'est de cette espèce d'effervescence qui vient de changements apportés qui font qu'on ne sait plus qui va décider.

Alors, il est bien évident, M. le Président, que l'argent parle, hein? Souvent, c'est les budgets que vous octroyez qui finissent par décider quels sont les services que vous donnez. Mais ce n'est pas nécessairement... ce n'est certainement pas, pas juste nécessairement, mais ce n'est certainement pas l'idéal de juste laisser parler l'argent. Je pense qu'il faut donc savoir, en adoptant la loi qui va modifier le partage des responsabilités, il faut savoir qui finalement va avoir le dernier mot, la crainte, comme vous vous imaginez bien, étant que les services spécialisés et surspécialisés drainent l'ensemble des ressources, alors que les services sociaux ou que la prévention seraient mis à découvert. Je crois que c'est là un aspect extrêmement important qui aura besoin, à l'occasion de nos travaux en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, qui aura certainement besoin d'être approfondi.

n(16 h 20)n

Je voudrais également rappeler que les réseaux universitaires intégrés de services, qui se voient imputer, si vous voulez, la responsabilité qu'il n'y ait pas de rupture de services, sont venus dire que ça resterait un voeu pieux si les budgets pour faciliter la chose ne leur sont pas octroyés, et ça, je pense qu'il faut le répéter. On verra au moment de l'examen des crédits et du budget du gouvernement, on verra si le ministère de la Santé et des Services sociaux a ce qu'il faut pour améliorer la situation. Jusqu'à maintenant, M. le Président, c'est essentiellement l'indexation des coûts dans le système de la santé et des services sociaux. Je vous rappelle qu'ils étaient évalués, cette indexation des coûts de système était évaluée, que ce soit par l'actuel gouvernement au moment où il était dans l'opposition ou par l'opposition quand elle était au gouvernement, à un peu plus de 5 %. Ça signifie donc que, sur l'ensemble du budget de la santé et des services sociaux, quand vous ajoutez 1 milliard de dollars, bien tout ce que ça fait, c'est que ça maintient la situation sans ajouter aucun service de plus ? maintien à domicile ? ou sans réduire la liste en attente dans la déficience intellectuelle, ou sans donner un service de plus en réadaptation physique, ou encore sans diminuer la liste d'attente dans les chirurgies.

Le ministre, l'actuel ministre, il y a un an maintenant, exactement un an, lorsqu'il était interrogé sur des listes d'attente qui étaient toujours au niveau de celles qu'il avait pourtant promis d'abolir, avait dit l'année dernière: Laissez-moi deux ans, et, dans deux ans, toutes les personnes en attente hors délai médicalement acceptable, ce sera réglé. Bien, demain, c'est deux ans, M. le Président, le deux ans est arrivé, et je dois vous dire qu'il y a encore, en date de cette semaine, 43 000 de nos concitoyens et concitoyennes qui sont en attente hors délai médicalement acceptable. Je ne vous parle pas des 117 000 personnes en attente d'une chirurgie dans un cas de cancer, de cataracte, de hanche, ou autre, je vous parle des 43 000 de nos concitoyens ? chiffre du ministère de la Santé en date d'il y a quelques jours, donc 43 000 de nos concitoyens ? qui sont hors délai d'attente, hors délai médicalement acceptable. Alors, je reviendrai sur cette question-là

Mais disons tout de suite, M. le Président, que, s'il y a toujours 68 % de la population qui est mécontente de l'action du gouvernement en matière de santé et de services sociaux ? ça, c'est le dernier sondage révélé par le journal La Presse ? c'est deux sur trois Québécoises et Québécois qui ne sont pas contents de la gouverne dans le secteur de la santé et des services sociaux. Je crois surtout, M. le Président, que, s'ils sont fâchés, c'est qu'ils ont la conviction d'avoir été trompés. Ils ont la conviction d'avoir été trompés, et c'est ça qui... ? je ne sais pas si l'expression est permise ? mais qui les met en maudit. C'est ça qui les met en maudit: c'est d'avoir été trompés, on leur avait tout promis. J'aurai l'occasion d'y revenir d'ailleurs cette semaine même.

Alors, un autre aspect du projet de loi est celui du traitement des plaintes. En cette matière, on attend des modifications qui certainement auront à être apportées au projet de loi parce que, tel que rédigé, le projet de loi permettrait une protection moindre, réduite, une protection réduite en matière de traitement des plaintes, puisque l'actuelle Protectrice des usagers, qui devient, en vertu du projet de loi, adjointe de la Protectrice des citoyens, n'aurait plus accès, comme c'est pourtant le cas actuellement, n'aurait plus accès aux résidences privées d'hébergement et ne pourrait plus, comme elle le fait encore cette année... Au-delà d'une trentaine d'études approfondies des plaintes qui lui ont été transmises ? transmises, c'est bien ça ? au-delà d'une trentaine de ces plaintes ont fait l'objet d'un examen attentif et ont révélé des situations insupportables. Tel que rédigé, le projet de loi actuel ne permettrait pas ? c'est ce que la Protectrice des usagers et la Protectrice des citoyens sont venus dire en commission parlementaire ? ne permettrait pas de donner suite à des plaintes acheminées par des usagers ou par leurs familles ou leurs alliés pour des personnes qui sont hébergées dans le secteur privé. Or, c'est donc dire qu'il va y avoir nécessité de modifier le projet de loi, sur cet aspect.

D'autres aspects introduits dans le projet de loi sont bien accueillis. Je pense en particulier au raffermissement de la compétence et du mandat du commissaire local aux plaintes. Évidemment, je prends pour acquis qu'il y aura aussi modification à la loi, tel que réclamé en commission parlementaire par un très grand nombre d'intervenants, pour que le commissaire local soit à la fois aux plaintes mais à la qualité des services.

Ça a été très bien accueilli également que le conseil d'administration se saisisse plus régulièrement de toute cette problématique de la qualité des services mais aussi de la problématique du traitement des plaintes, et que ce soit le conseil d'administration qui, dorénavant, fasse la désignation du ou de la commissaire locale aux plaintes.

Alors, il y a un certain nombre de modifications, suite aux travaux qui ont été réalisés, qui finalement introduisent un raffermissement de l'ensemble du traitement des plaintes des usagers. Mais il faut voir, là, que, dans le passage de la Protectrice des usagers à la Protectrice des citoyens, il y a une déperdition que toutes les deux ont bien identifiée et qu'il va certainement falloir corriger dans les amendements qui viendront au projet de loi.

Il y a un aspect, M. le Président, du projet de loi qui a été extrêmement discuté en commission parlementaire, c'est l'introduction de la certification facultative des résidences privées pour personnes âgées. Alors, là, que ce soient la Commission des droits de la personne, le Barreau du Québec, encore une fois la Protectrice des citoyens, des usagers, la fondation des sociétés Alzheimer, l'AQDR, l'Association québécoise des droits des retraités et préretraités, la FADOQ, les tables régionales des aînés, mon Dieu, que ce soient le Conseil des aînés, l'association québécoise de regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, enfin, je ne pense pas qu'on ait eu un point de vue contraire au fait que tous réclamaient qu'il y ait élargissement aux personnes vulnérables ? ma collègue de Rimouski aura l'occasion certainement d'y revenir ? élargissement d'une certification en fonction de critères sociosanitaires, élargissement aux résidences privées qui hébergent des personnes vulnérables, mais également, M. le Président, qu'il y ait certification obligatoire des résidences privées qui hébergent des personnes âgées.

L'AQDR, l'association québécoise des droits des retraités, a même parlé d'un système à deux vitesses, un système d'hébergement pour personnes âgées, à deux vitesses, qu'introduit le projet de loi n° 83 qui est devant nous présentement, projet de loi qui en fait prévoit une certification facultative, c'est-à-dire que le propriétaire d'une résidence privée pourra la demander ou ne pas la demander. C'est bien certain qu'en général on peut penser que les résidences privées d'hébergement pour personnes autonomes qui se conforment vont demander la certification, puis, celles qui ne se conforment pas, bien elles ne la demanderont pas. Puis leur seul désagrément, à celles qui ne la demandent pas, c'est qu'il ne pourrait pas y avoir de référence du secteur, si vous voulez, des travailleurs sociaux ou du secteur public, il ne pourrait pas y avoir de référence vers ces résidences.

Mais, quand on connaît l'état de situation du vieillissement de la population, d'une part, d'autre part, que, depuis déjà deux ans, il n'y a pas une place de plus dans le secteur de soins de longue durée qui a été ouverte par le gouvernement, que je ne sache pas, M. le Président, là, à moins d'un avis contraire qui me réjouirait, là, mais je ne sache pas que le gouvernement n'a d'aucune façon l'intention de continuer dans la voie, là, d'ouvrir de nouvelles places d'hébergement de longue durée dans le secteur public, c'est donc dire qu'on glisse vers une augmentation de l'hébergement privé.

n(16 h 30)n

Alors, si, M. le Président, il nous faut un permis pour ouvrir un dépanneur ou si... puisqu'il nous faut ? pas si ? puisqu'il nous faut un permis, n'est-ce pas, pas un seul mais plusieurs, puisqu'on a affaire à plusieurs services différents, notamment dans la ville de Montréal, et puisqu'il nous faut des permis pour ouvrir un dépanneur, permis pour ouvrir un débit de boissons, alors comment penser que, pour des personnes âgées en perte d'autonomie... Là, on parle de personnes qui, en vertu de la loi, doivent trouver un milieu de vie substitut, c'est-à-dire des personnes qui ne peuvent plus habiter dans leur domicile parce que ce serait contraire à leur sécurité. Alors, est-ce qu'on peut accepter, comme société, que des personnes vulnérables, que des personnes âgées en perte d'autonomie, avec des problèmes cognitifs ou des problèmes Alzheimer, qui doivent trouver un milieu de vie substitut se retrouvent dans des conditions qu'on jugerait inacceptables parce qu'on ne prendrait pas nos responsabilités?

Je vous rappelle, M. le Président, que le gouvernement précédent avait fait adopter une loi qui prévoit l'application d'un registre. Toutes les résidences, quelles qu'elles soient, qui hébergent des personnes en perte d'autonomie doivent s'inscrire à ce registre régional. Il y a un problème d'application, mais il faut une volonté politique, c'est ce qu'est venu dire le Conseil des aînés, il faut une volonté politique pour appliquer les lois, alors. Et je rappelle également qu'a été mis en place un comité au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux qui prévoyait l'élaboration de critères sociosanitaires. Des critères sociosanitaires, c'est, par exemple, sur le plan de l'hygiène, quelles sont les balises à partir desquelles on dit: Ce n'est pas acceptable, on ne peut pas, comme citoyens d'une société démocratique avancée, accepter, par exemple, que des personnes vulnérables, en perte d'autonomie soient mises dans des conditions d'hygiène, d'alimentation et de sécurité telles que celles qu'on a connues grâce aux médias, là, récemment. Alors ça, c'est certain, M. le Président, que ces critères sociosanitaires...

La Vice-Présidente: ...

Mme Harel: Monsieur? Oui? Ah, Mme la Présidente. Excusez-moi, Mme la Présidente. Vous faites bien de me le rappeler. Alors, ce sont des critères de médication, d'alimentation, de soins, d'hygiène, de sécurité, ces critères que le ministre devra certainement prochainement publier dans la Gazette officielle. Il nous avait pourtant dit, en décembre dernier, au moment du dépôt du projet de loi, que ces critères nous seraient connus, ces critères sociosanitaires, au moment de l'étude du projet de loi. On les attend toujours. Mais il est évident que, lors de la publication dans la Gazette des critères sociosanitaires et de la consultation qui s'ensuivra, là, qui est réglementaire, de 45 jours, il est évident que la pression va être extrêmement forte, Mme la Présidente, parce que c'était un consensus, je pense... c'était unanime, plutôt, à la commission parlementaire, de s'assurer qu'il y ait certification des résidences privées qui font de l'hébergement de personnes âgées en perte d'autonomie ou encore de personnes vulnérables.

Il est vraiment inquiétant aussi, comme le disait l'AQDR, d'introduire un système à deux vitesses où en fait il va y avoir des résidences privées d'hébergement pour les personnes qui ont les moyens de se payer celles qui sont conformes, donc des résidences privées d'hébergement pour des riches, et des résidences privées d'hébergement pour les pauvres. Celles qui sont conformes seront donc prises d'assaut par les personnes qui ont les moyens de payer les tarifs exigés, et les autres, malheureusement, Mme la Présidente, seront laissées à elles-mêmes. Alors, il est bien évident que ça a été une des dimensions extrêmement importantes de l'étude que nous avons faite en commission parlementaire. Et nous avons l'absolue conviction que le gouvernement doit donner suite à son engagement, engagement qu'il a pris au moment où il était dans l'opposition libérale, engagement qu'il a renouvelé au moment où il était dans l'opposition libérale, ça a été un concert unanime, au moment où il était dans l'opposition ici, un concert unanime où il garantissait aux personnes en perte d'autonomie une certification obligatoire.

Alors, nous, nous disons, Mme la Présidente, qu'on ne peut pas se désengager, abandonner. Je comprends que le gouvernement n'en serait pas à un recul près, là, mais je crois qu'il serait totalement inacceptable de se désengager de cette engagement qui a été pris à l'égard des personnes âgées en perte d'autonomie de leur offrir un milieu de qualité, un milieu de vie de qualité, sécuritaire et puis à l'abri des abus.

De la même façon, ce qui serait absurde, Mme la Présidente, tel que rédigé, le projet de loi ne permettrait le traitement des plaintes que dans les résidences privées certifiées. Alors, vous vous rendez compte, il n'y a aucun pouvoir d'inspection de l'agence lorsque la résidence n'est pas certifiée, aucun pouvoir de traitement des plaintes du Protecteur des citoyens, aucune visite à l'improviste ? les visites que le ministre a mises en place, elles, ne sont pas prévues dans les résidences privées non certifiées ? et aucun pouvoir d'inspection non plus de l'agence régionale. Alors, c'est là une déresponsabilisation évidemment qui a été critiquée beaucoup pendant les travaux de la commission parlementaire, et, bien évidemment, certainement qu'il faudra y remédier dans la prochaine étape, puisque nous n'en sommes qu'à l'adoption du principe, cet après-midi.

Et puis, finalement, en quelques mots seulement, puisque nous y reviendrons, le projet de loi introduit du droit nouveau, ce droit nouveau étant celui de la constitution d'un dossier clinique et pharmacologique des patients. Je dois, à cet égard, Mme la Présidente, vous dire que ce droit nouveau exige un examen beaucoup plus attentif que celui qui a été possible dans le cadre de cette commission parlementaire. Et certainement que nous aurons l'absolue responsabilité de donner beaucoup plus de réponses à celles apportées jusqu'à maintenant à l'égard de la constitution des fichiers, du mode de conservation. D'ailleurs, le ministre, en déposant le mémoire au Conseil des ministres, faisait état des réflexions de son ministère, et ces réflexions, Mme la Présidente, étaient à l'effet qu'il fallait s'assurer que la conservation, la transmission et la circulation des renseignements personnels ne puissent jamais être détournées des objectifs premiers.

Alors, dans les quelques secondes qui me restent, je voudrais vous faire part de l'intention de l'opposition de voter contre, en deuxième lecture, du fait même de l'organisation même du projet de loi. Mme la Présidente, c'est un projet de loi fourre-tout qui... Je l'ai dit, c'est un bill omnibus dans le domaine de la santé et des services sociaux, et ce n'est pas la façon de travailler. Et nous pensons qu'il aurait été de loin préférable que le ministre accepte de dire clairement ses intentions, d'afficher clairement les orientations du gouvernement. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Maintenant, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. Mme la députée de Chambly et adjointe parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux, à vous la parole.

Mme Diane Legault

Mme Legault: Bonjour, Mme la Présidente. Si vous me le permettez, j'aimerais féliciter ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour ses 24 années de vie parlementaire. Je pense que ça rejaillit sur les femmes parlementaires, cet honneur-là.

Alors, Mme la Présidente, il me fait grand plaisir de m'exprimer aujourd'hui sur l'adoption de principe du projet de loi n° 83 qui s'inscrit dans la concrétisation d'une vision claire, d'un projet ambitieux et cohérent mais combien attendu d'une réforme de notre réseau de santé et de services sociaux. Le projet de loi n° 25, adopté en décembre 2003, a jeté les premières assises de cette réforme, créant notamment les centres locaux de services de santé et de services sociaux. Le projet de loi n° 25 assure une continuité améliorée et un processus de dispensation des services plus fluide qui contribuent très certainement au mieux-être des patients.

n(16 h 40)n

C'est dans le prolongement de ce premier projet de loi que s'inscrivent les objectifs du projet de loi n° 83 qui attire notre attention aujourd'hui. Ceci dit, Mme la Présidente, tout au cours des consultations auxquelles j'ai pris part, j'ai entendu et apprécié la rigueur et la grande qualité des réflexions et des propositions qui nous ont été soumises. J'ai d'ailleurs l'assurance que ces commentaires seront pris en compte au cours des prochaines étapes qui nous mèneront à l'adoption et à la mise en oeuvre de ce projet de loi devenu nécessaire.

Il m'apparaît important de rappeler ici les principaux objectifs qui sous-tendent le projet de loi n° 83. Comme j'ai dit plus tôt, il s'agit d'abord d'harmoniser notre loi sur la santé et les services sociaux suite à la mise en place des réseaux intégrés des instances locales et des réseaux universitaires intégrés de santé. Comme l'indiquait tout à l'heure mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux, ce sont l'accessibilité, la continuité et la qualité des services qui constituent la trame de fond à l'élaboration des quatre grands chapitres du projet de loi.

Il faut aussi souligner que le projet de loi n° 83 introduit pour la première fois des dispositions qui impriment un caractère très net à toute l'importance accordée aux missions sociales, et ce, autant à travers certains articles de loi que dans les dispositions administratives qui sont actuellement en place et qui suivront.

Ce projet de loi introduit aussi des dispositions qui viennent confirmer les assises légales des réseaux universitaires intégrés, les RUIS. Ceux-ci, jusqu'à maintenant, n'existaient que sur le plan administratif. Ce nouvel état de droit favorisera leur bon fonctionnement et leur permettra de mener à bien les responsabilités qui leur sont confiées. Rappelons qu'il appartient aux RUIS de faire émerger la concertation, la complémentarité et l'intégration des missions de soins, d'enseignement, de recherche et d'évaluation des technologies des établissements de santé qui ont une désignation universitaire dans notre réseau. Les RUIS doivent également soutenir les régions de leurs territoires de desserte dans le maintien de la compétence des professionnels qui y oeuvrent et dans la mission de services à leur population.

Le projet de loi propose aussi, Mme la Présidente, plusieurs moyens visant à améliorer la qualité des services offerts dans le réseau. En font partie l'ensemble des mesures qui permettront de faciliter le recours des usagers au régime d'examen des plaintes, de favoriser leur participation au sein des comités d'usagers et de résidents et d'accroître la vigilance autour de la qualité des services dans l'ensemble du réseau. S'ajoutent aussi à ces propositions des mesures voulant que les résidences privées constituent des milieux de vie sécuritaires et respectueux des besoins, des droits et de la dignité des personnes vulnérables qui y sont hébergées, notamment pour les personnes âgées en perte d'autonomie, mais également pour les autres clientèles vulnérables, telles les clientèles souffrant de déficience intellectuelle, de troubles de santé mentale ou de jeunes en difficulté.

Sur un autre aspect, Mme la Présidente, je crois qu'il faut convenir que le fonctionnement en réseau, qui caractérise la nouvelle organisation des services, de même que la qualité et la continuité de ce services sont, aujourd'hui, tributaires de la disponibilité et de la qualité de l'information échangée en temps opportun entre les différents intervenants et les producteurs de ces services. Tenant compte de cette réalité et du retard qu'accuse notre système de santé et de services sociaux en la matière, un nouveau cadre légal est proposé dans le projet de loi en vue de faciliter, dans le respect des règles de protection de la vie privée bien sûr, le recours aux nouvelles technologies de l'information.

Voici donc l'essentiel des objectifs qui sont inclus au projet de loi n° 83 et qui témoignent de la volonté de notre gouvernement de faire en sorte que le réseau de la santé et des services sociaux québécois dispose désormais des leviers adaptés à sa nouvelle réalité et à la synergie qui doit y prendre place pour assurer à la population l'accès à une gamme intégrée de services de santé et de services sociaux de qualité qui répondent à ses besoins.

De l'ensemble des mémoires présentés à la commission, Mme la Présidente, il m'est apparu qu'il se dégage plusieurs éléments de convergence ainsi que certaines préoccupations. D'abord, j'ai constaté que les visées du projet de loi sont comprises et qu'elles sont largement partagées par les organismes qui se sont exprimés. Les acteurs concernés comprennent très clairement que ce projet de loi n° 83 s'inscrit en continuité des choix retenus antérieurement et que, moyennant quelques modifications qui seront apportées suite aux consultations tenues, le réseau de la santé et des services sociaux disposera d'un outil à la hauteur de la tâche et des objectifs qui lui sont confiés.

En ce qui concerne les volets plus spécifiques du projet de loi, je retiens également, Mme la Présidente, que l'intention à l'effet que les mécanismes d'examen des plaintes soient plus accessibles et plus transparents pour les usagers est reçue très positivement. Un même accueil est aussi réservé à l'égard des objectifs que nous poursuivons par la mise en place de mécanismes visant l'amélioration de la qualité des services et l'exercice d'une plus grande vigilance en la matière dans tout le réseau. Il faut indiquer aussi que les moyens proposés aux fins d'assurer la qualité des services dans les résidences privées hébergeant des personnes âgées en perte d'autonomie et des clientèles vulnérables auront occupé une bonne partie des échanges. Se dégagent principalement de toute cette réflexion un large appui aux objectifs poursuivis ainsi que des pistes de travail fort intéressantes et qui seront prises en compte, j'en suis assurée, en vue d'améliorer les propositions qui sont actuellement contenues dans le projet de loi.

En ce qui concerne l'informatisation et la circulation de l'information clinique, autre sujet largement abordé lors de cette consultation, je retiens, Mme la Présidente, que l'on convient de la nécessité importante et absolue de doter le réseau sociosanitaire d'outils modernes pour soutenir le travail des intervenants et pour assurer de meilleurs services à la population. J'ajouterai cependant que, bien qu'à cet égard l'accueil ait été généralement positif, il nous faut inscrire le recours aux nouvelles technologies de l'information en assurant à la fois un juste équilibre entre les objectifs recherchés et les outils disponibles et bien sûr le respect sans compromis des droits des usagers.

Lors de la terminaison de nos travaux parlementaires, je me suis réjouie que mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux ait manifesté de l'ouverture relative à la composition des conseils d'administration notamment quant à la reconduction de la représentation des sages-femmes là où il existe un conseil de sages-femmes.

Je me réjouis également de la sensibilité exprimée par mon collègue eu égard à des demandes formulées visant à rééquilibrer la représentation des membres dans les établissements dépourvus d'un conseil de médecins, dentistes et pharmaciens ou d'un conseil des infirmières et infirmiers et celle mettant à contribution les fondations.

Enfin, sur l'important volet du projet de loi portant sur la circulation de l'information clinique, on se rappellera qu'en la matière deux principales démarches sont proposées en vue de faciliter la circulation sécuritaire des renseignements cliniques, à savoir, d'une part, la création de services régionaux de conservation de ces renseignements auxquels les intervenants habilités auront accès et, d'autre part, la communication de renseignements cliniques de l'instance locale vers les partenaires au sein des réseaux de services. J'ai la conviction que mon collègue apportera différents ajustements qui nous apparaissent nécessaires, dont celui très important du consentement explicite de l'usager dans le cadre de la transmission de renseignements le concernant lors de l'établissement d'un plan de services individualisé.

n(16 h 50)n

En conclusion, Mme la Présidente, la mise à jour de la Loi sur les services de santé et les services sociaux est un exercice important et complexe. Cela exige donc de soupeser judicieusement les choix à retenir ainsi que les impacts qui en découlent. J'ai la conviction que c'est dans cet esprit que nous poursuivrons nos travaux.

Je tiens à remercier sincèrement tous les groupes, les associations et organismes qui sont venus témoigner à la Commission des affaires sociales et qui ont apporté leur point de vue en regard de cet important projet de loi. La contribution de toutes et tous a été grandement appréciée et aura très certainement contribué à éclairer le débat ainsi que les suites qui seront données au projet de loi n° 83. Alors, Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, Mme la députée. Alors, je serais prête à reconnaître une prochaine intervenante, la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux. À vous la parole.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 83, c'est vraiment un projet de loi très important. Je vous dirais qu'il est volumineux de par le nombre de sujets abordés dans ce projet de loi là. Il y a quand même 282 articles; on modifie 44 lois. Et, pour nous, enfin, l'opposition officielle, je pense qu'on aurait pu en faire trois, quatre et peut-être même cinq projets de loi tant le nombre de sujets abordés à l'intérieur de ce projet de loi est vaste.

Je vous dirais que, les consultations étant terminées maintenant, on doit vraiment prendre le temps qu'il faut pour étudier chacun des articles parce que ça a vraiment une importance majeure pour l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Et on sait très bien que la Loi sur la santé et les services sociaux, on ne modifie pas ça à tout bout de champ. Alors, quand on le fait, il faut le faire avec beaucoup, beaucoup d'attention et avoir toujours la préoccupation que les modifications qui sont apportées à ce projet de loi là vont rejoindre et répondre aux besoins des citoyennes et des citoyens qui font appel soit au réseau de la santé soit au réseau des services sociaux pour recevoir un service comme tel.

Jusqu'à date, les lois de la santé et des services sociaux, sous le gouvernement actuel, l'ont toujours été dans un bâillon. J'espère que cette loi ne sera pas le cas et que l'on prendra le temps qu'il faut pour bien pendre en compte les commentaires, les recommandations, les discussions qui ont eu cours au cours des dernières semaines, lorsque nous avons entendu en commission parlementaire les nombreux partenaires du réseau.

Mais, pour donner une idée, aux citoyens et aux citoyennes qui nous écoutent, de la diversité des sujets abordés dans ce projet de loi, je pense qu'on pourrait jeter un coup d'oeil dans un premier temps sur quelques éléments.

Moi, je trouve que ce projet de loi a une approche médico-hospitalière beaucoup plus qu'une approche sociale et j'ai le sentiment qu'on n'a pas maintenu en tête, lorsqu'on a rédigé ce projet de loi là, la définition que l'Organisation mondiale de la santé fait de ce qu'est la santé. Et l'approche globale, holistique, qui est reconnue par tous les professionnels du secteur de la santé et des services sociaux, ne m'apparaît pas présente dans ce projet de loi là. Et je pense que là-dessus ? on pourra y revenir de façon plus élaborée tout à l'heure ? pour moi, le volet social demeure un parent pauvre à l'intérieur du projet de loi comme tel. Mais j'y reviendrai plus tard. Pour l'instant, j'aimerais qu'on regarde un petit peu tous les éléments, là, qui... Et ça va nous permettre de faire la démonstration que le volet social est un parent pauvre.

Vous savez, commençons par la confidentialité du dossier de l'usager, c'est-à-dire de la personne qui fait affaire avec le réseau de la santé et des services sociaux et également toute la question de la communication des renseignements. Dorénavant.. parce qu'une fois que le projet de loi sera adopté, les renseignements contenus au dossier d'un individu pourront être communiqués sans son consentement. Ça, là, c'est vraiment majeur comme virage. Et ce non-consentement pourra être utilisé non seulement à l'intérieur des établissements du réseau de la santé, mais également avec un organisme communautaire, une entreprise d'économie sociale, un service privé.

Moi, je pense que là-dessus c'est un dangereux virage qui, dans un projet de loi de ce type-là, nous surprend énormément et ne surprend pas juste l'opposition officielle, mais également la Commission d'accès à l'information. Vous savez, avec un article de ce type, ce que ça veut dire, c'est que la personne perd son droit de consentir à la communication de renseignements ou de données ? on appelle ça des données cliniques, hein ? des renseignements sur l'état de santé ou les différentes étapes de sa vie sociale et des éléments qui ont pu intervenir en cours de vie. Alors, il n'aura pas à donner de consentement, mais de plus il ne sera même pas informé des échanges de l'information, des échanges de renseignements qui vont se produire à son sujet. Et ça, je pense que, là-dessus, c'est extrêmement dangereux.

Et il faut se rappeler que la Commission d'accès à l'information, ce qu'elle disait, c'est... elle invitait, hein, le législateur à la plus grande prudence en ce qui concerne le partage de l'information et surtout sur la levée de l'obligation d'obtenir un consentement de l'usager avant de communiquer toute information la considérant. Et la Commission d'accès à l'information a émis un avis, et cet avis est très, très prudent. Et, au cours des débats, des discussions, ma collègue critique de l'opposition officielle en matière de santé à plusieurs reprises a réclamé que l'on puisse prendre connaissance de cet avis. Et, pour toutes sortes de raisons... Le ministre de la Santé nous l'avait promis en cours d'auditions de la commission parlementaire, mais, pour toutes sortes de raisons, on ne l'a pas encore, même une semaine après la fin des auditions des différents groupes, qui se sont exprimés avec beaucoup de prudence et de mises en garde par rapport à toute la question de la circulation des renseignements confidentiels.

Et, selon la CAI, ce que l'on sait, c'est qu'elle croit que le consentement devrait vraiment demeurer le moyen à privilégier dans les cas qui sont vraiment démontrés qu'il n'est pas nécessaire, là, d'avoir, comment je dirais... Il faut faire très attention. Et, si on transmet un renseignement sans le consentement de l'usager, ce que la CAI nous dit: il faut que ce soit absolument, mais absolument indispensable pour pouvoir offrir le service à un citoyen qui ne serait pas en mesure d'accorder son consentement. Et ça, je pense que là-dessus la CAI a été très claire, il faut tracer la frontière entre les communications qui devraient requérir le consentement et celles où ce consentement ne devrait pas être requis. Alors, je pense que là-dessus ça vous donne une idée des mises en garde qui ont pu être faites sur cet élément du projet de loi comme tel.

Il y a également tout l'élément qui s'ensuit, c'est-à-dire les services qui vont conserver ces renseignements-là auprès d'une agence, par une agence ou un établissement autorisé par le ministre. Et ça, ça veut dire que le ministre peut conserver différents renseignements, c'est-à-dire une agence ou un établissement qui est autorisé par le ministre peut conserver différents renseignements. Et ça, on va demander le consentement de l'usager, mais on va le demander pour une période de cinq ans, il pourra être annulé, hein ? parce que ça peut être révocable en tout temps ? et ça, ça semblait apporter beaucoup de problèmes aux gestionnaires du réseau qui auraient à gérer cet élément administratif de la conservation des renseignements cliniques qui auraient pu faire l'objet de transmission d'un établissement à l'autre et qui devraient être conservés au niveau soit de l'agence ou de tout autre établissement que le ministre pourrait autoriser à cet effet.

n(17 heures)n

Il a été question également, dans ce projet de loi là, de toute la question du Commissaire aux plaintes. Le Commissaire aux plaintes, vous savez, c'est un élément important dans le réseau de la santé. Lorsqu'un citoyen se sent lésé dans ses droits, dans l'exercice de ses droits, ou n'est pas satisfait de la qualité ou de l'accessibilité à un service comme tel, il y avait dans le passé, et il y aura toujours mais les modalités vont changer, la possibilité de faire une plainte, et le commissaire local aux plaintes va remplacer le commissaire à la qualité des services et va relever dorénavant, au même titre que le médecin examinateur, du conseil d'administration. Alors, là, ça aussi, ça a soulevé beaucoup d'interrogations, de recommandations et de discussions. Et ce qui est nouveau par rapport au passé, c'est que le commissaire local ne pourra intervenir de son propre chef que lorsqu'une situation qui pourrait faire l'objet d'une plainte est portée à sa connaissance et qu'il estime que les faits sont suffisamment sérieux pour en justifier l'examen.

Alors, tout en éliminant l'appellation de «commissaire local à la qualité des services» pour la remplacer par celle de «commissaire local aux plaintes», le projet de loi n° 83 restreint l'intervention du commissaire local aux seules situations où des plaintes individuelles seraient admises au sens de la loi. Le commissaire local selon nous doit pouvoir intervenir de sa propre initiative lorsque des faits sont portés à sa connaissance de manière à recommander toute mesure visant la satisfaction des usagers et le respect de leurs droits. Alors, je pense que là-dessus il y a eu énormément d'interventions et de mises en garde sur ce que devrait être le rôle du commissaire local aux plaintes et de quelle façon son travail devrait être encadré.

Il y a eu également l'ajout d'un médecin examinateur, parce que les plaintes qui concernent un médecin, un dentiste, un pharmacien... Ce médecin examinateur sera désigné par le conseil d'administration au sein de chaque établissement et ce médecin aura comme mandat de pouvoir se pencher sur les plaintes qui concernent les professionnels que je viens d'énumérer. Alors, je pense que là-dessus il y aurait beaucoup d'autres choses à dire parce que, dépendamment du type de plainte qui est portée, certaines semblent avoir un regard ou en tout cas une attention particulière. Peut-être que d'autres vont se poser la question: Est-ce que l'attention va être... ou la plainte va être traitée avec la même rigueur, la même intensité?

Et vous savez que, pour les personnes qui portent des plaintes, dorénavant le ministre va pouvoir confier à un organisme communautaire de la région le mandat d'assister et d'accompagner un usager dont la plainte a été acheminée vers le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'établissement pour étude à des fins disciplinaires par un comité formé par ce conseil. Alors, je pense que là-dessus il y aura ce mandat qui sera confié par le ministre, ce qui est quand même nouveau, je pense, parce qu'auparavant certains citoyens et citoyennes se faisaient accompagner par des organismes pour les aider à formuler et à cheminer dans le dédale administratif pour que leurs plaintes soient retenues, analysées, évaluées et avoir un retour sur ce qui a été fait pour répondre à la plainte donnée. Alors, maintenant, ce sera le ministre qui pourra confier à un organisme ce mandat d'accompagnateur.

Il y aura également d'autres éléments, là, dont il est fait question. On parle beaucoup de l'instance locale et de l'établissement comme tel, parce qu'il faut se rappeler que l'instance locale est maintenant responsable de manière exclusive de définir un projet clinique et organisationnel pour le territoire du réseau local. Le réseau local, bien, écoutez, il se voit confier la coordination des activités puis des services qui vont être offerts par les intervenants. Et je pense que là-dessus cette exclusivité de définir un projet clinique et organisationnel a été très questionnée, et, moi, j'en profite pour dire que là-dessus c'est surtout l'aspect médical qui semble primer. Il faut vraiment lire et relire pour essayer de voir concrètement tout le volet social aussi qui existe et de voir que les plans d'intervention individuels, qui requièrent une multitude de professionnels en services sociaux et qui requièrent des équipes interdisciplinaires, multidisciplinaires, on ne les sent pas nécessairement vraiment présents à l'intérieur de ce qui est prévu par rapport à cette structure et par rapport à cette définition de projet clinique et organisationnel comme tel. Et je pense que c'est un volet important qui met en lumière le déséquilibre qui existe dans ce projet de loi là entre le volet social et le volet médical. Alors, je pense que là-dessus, dans la définition des instances locales et de son rôle, on peut déjà apercevoir qu'il y a un manque évident de faire de la place et de donner de façon équitable cette place au volet social, et je pense que là-dessus on pourra y revenir tout à l'heure.

Naturellement, on parle aussi des responsabilités qui vont être assumées par l'agence, hein, les responsabilités d'une agence. On parle également de l'agrément des services. On parle du conseil d'administration d'un établissement, et, sur le conseil d'administration d'un établissement, permettez-moi de m'y attarder un peu, c'est de nouveau remanié. Les changements concernent surtout et avant tout les personnes élues par la population, qui vont passer de cinq à quatre, et ça, je pense que là-dessus la réduction de la participation des citoyens, c'est majeur, parce qu'on diminue la possibilité aux citoyens de pouvoir prendre connaissance, dans un cadre bien précis, des enjeux qui touchent le réseau de la santé et des services sociaux et de participer aux discussions et aux débats en regard des enjeux de la santé et des services sociaux. Alors, je pense que là-dessus... On parle également des plans d'organisation. Les seules modifications apportées sont que toute instance locale doit nommer un directeur des services professionnels qui doit être médecin et un directeur des soins infirmiers qui doit être infirmier. Alors, je pense que là-dessus ça existait déjà, puis il y avait peut-être des problèmes à certains endroits, mais des DSP, là, des directeurs de services professionnels, en tout cas ça existait dans les hôpitaux de soins de courte durée.

Maintenant, on parle aussi de comité de vigilance, de comité des usagers, de comité central, de comité des résidents. Dans cette loi, je veux bien croire qu'on veut améliorer la qualité des services offerts aux citoyens et aux citoyennes, mais, au nombre de comités que l'on met sur pied, j'ai de fortes craintes par rapport au cafouillage qui va s'instaurer, ou qui va s'organiser, ou qui va s'institutionnaliser, et je me dis: Mon Dieu! Tous ces gens qui vont être en comité, hein, en réunion de comité, il y en a tellement que je me demande s'il va leur rester du temps pour faire autre chose que de siéger sur ces comités-là.

Il y a également toute la question d'un plan en matière de planification de la main-d'oeuvre et du développement des ressources humaines. Je pense que ça, c'est important de le prévoir. Et tout établissement public, privé conventionné doit préparer un plan d'action triennal pour la planification de la main-d'oeuvre et le développement du personnel.

On parle aussi, dans ce projet de loi, de la certification des résidences privées pour personnes âgées. Ma collègue critique de l'opposition officielle en matière de santé vous en a parlé, je vais y revenir dans un deuxième temps.

Si je vous fais l'énumération de tous ces éléments, c'est surtout pour vous démontrer jusqu'à quel point le projet de loi comme tel aurait pu faire l'objet de nombreux autres projets de loi.

n(17 h 10)n

Comme le temps m'est compté, je veux revenir sur le volet social. Je vous dirais que le volet social demeure le parent pauvre du projet de loi parce qu'il ne traduit pas vraiment une volonté d'équilibrer et de représenter de façon équitable le domaine médical et le domaine social. Et, vous savez, un projet de loi comme celui-là, qui n'a pas de vision globale de la santé et que l'on retrouve l'aspect social comme étant négligé, c'est un précédent très dangereux. Et, vous savez, au Québec, la hiérarchisation entre le sanitaire et le social est très présente, et le projet de loi n° 83 ne traduit pas ce besoin d'équilibre, d'équité, comme tel, entre le domaine social et le domaine médical. Moi, je pense que ça aurait été l'opportunité tout à fait appropriée de redéfinir le rapport entre le social et le médical. Malheureusement, le projet de loi n° 83 ne le fait pas.

Je voudrais vous parler de la certification des résidences privées pour personnes vulnérables, c'est très important pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, de déficience intellectuelle, de handicap physique et de toxicomanie, enfin toutes les personnes vulnérables. Et je pense que l'opposition officielle, en accord avec les nombreux organismes qui oeuvrent avec ces personnes vulnérables, réclame la certification obligatoire avec des critères sociosanitaires que l'on connaîtrait, parce qu'on les a demandés au ministre et, même après l'audition ? on a pu en prendre connaissance ? ils n'ont pas été déposés. Alors, Mme la Présidente, je tiens à redire que la certification des résidences privées qui hébergent des personnes vulnérables est un incontournable en termes de certification obligatoire si on veut s'assurer qu'il n'existe pas deux types, trois types de résidences privées d'hébergement pour les personnes.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, toujours sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je me fais un devoir d'intervenir sur ce projet de loi, Mme la Présidente, parce que je me souviens qu'il y a environ quatre ans, peut-être même cinq ans, nous avions tenu, à la Commission de la culture, des auditions très importantes sur toute l'application de la Loi sur le Conseil des aînés et en particulier nous avions parlé très longuement de la question des résidences pour personnes âgées. Évidemment, on a examiné l'application de toute la loi, mais la plupart des gens qui étaient venus devant nous nous avaient entretenus de cette question-là, et je me souviens qu'à cette époque-là on avait eu certains problèmes.

Évidemment, je voudrais, dès le point de départ, bien préciser les choses. J'ai visité beaucoup de résidences pour personnes âgées, de toutes sortes, des petites, des moyennes et des grandes, et de façon générale ces résidences-là fonctionnent à merveille, et les personnes âgées sont bien traitées. Il s'agit de parler avec eux et de voir la liberté avec laquelle ils s'expriment et le sourire dans leur visage pour comprendre que ces gens-là ne sont pas malheureux dans les résidences pour personnes âgées. En général, ils sont très bien, et c'est l'exception qui fait problème.

Et je me souviens qu'à un moment donné j'avais eu un cas, chez nous, malheureusement, il y en a dans tous les comtés parfois, un cas exceptionnel où je voyais que ça semblait problématique, mais on n'avait aucun moyen de vérifier ce qui se passait, on n'avait aucune juridiction pour aller voir, on n'avait aucune possibilité de savoir si vraiment les inquiétudes qu'on avait étaient fondées ou pas. Alors, à un moment donné, qu'est-ce qu'on apprend? On apprend qu'il faut fermer cette maison-là. Pourquoi? On ne trouve plus la propriétaire, elle n'est plus là, elle est disparue dans le paysage. Elle est partie avec l'argent des personnes, des aînés, des résidents, et puis les préposés qui sont là n'ont pas d'argent pour nourrir les résidents, et les aînés ont commencé à en souffrir. C'est des choses qu'on voit malheureusement et qui non seulement nous inquiètent beaucoup, inquiètent les autres personnes âgées, mais aussi c'est des choses qui éclaboussent l'ensemble des propriétaires de résidences d'accueil. Alors, c'est pour ça qu'il faut s'occuper de ces choses-là.

Bien sûr, la loi n° 83 ne parle pas seulement que de ça. Il y a plus de 282 articles, la loi modifie quelque chose comme près de 50 autres lois, qui équivaudraient peut-être à cinq projets de loi différents, et on parle de toutes sortes de choses. On parle, par exemple, de l'organisation et des responsabilités des instances locales et régionales. On parle du financement et de l'allocation des ressources. On parle du réseau universitaire intégré dans ce projet de loi là. On parle des établissements ayant une désignation universitaire. On parle de la formation médicale. On parle de comités régionaux sur les services pharmaceutiques. Et enfin on finit par parler des commissaires aux plaintes et des résidences pour personnes âgées.

Alors, vous voyez, Mme la Présidente, que la question des personnes âgées puis la question des plaintes quand on a des problèmes, ça ne semble pas préoccuper beaucoup, beaucoup notre ministre, notre ministre de la Santé. Les problèmes comme ça, qui sont des problèmes réels, du vrai monde qui ont des difficultés réelles, qui souffrent peut-être pendant des mois avant qu'on s'en rende compte, eh bien, ça, ça ne semble pas... Pourtant, ce n'est pas comme ça qu'on le connaît; on le connaît comme quelqu'un de plutôt sensible. Alors, comment il se fait, comment il se fait qu'au lieu de traiter cette question-là, qui a fait l'objet de plusieurs consultations et qui a fait l'objet de demandes instantes par toutes sortes d'instances pour faire en sorte que les personnes, les aînés qui sont en résidence d'accueil, bien, soient vraiment protégés, comment il se fait qu'on mélange ça avec 56 problèmes administratifs, qui fait qu'à la limite on accordera peu d'intérêt, peu de temps, peu d'importance aux aînés eux-mêmes qui ont les problèmes?

Alors, Mme la Présidente, moi, je voudrais... C'est pour ça que je veux m'attarder à cette question-là parce que je trouve que la loi n'en traite pas assez, la loi ne traite pas assez des aînés eux-mêmes, elle traite trop d'autres choses. Je veux bien qu'on règle tous les autres problèmes, ça, je suis d'accord avec ça. Il faut régler aussi les problèmes administratifs, mais il faut faire en sorte que les vrais problèmes des vraies personnes qui souffrent, bien, qu'on les prenne en considération. Je pense que ça, c'est important.

Alors, qu'est-ce qui se passe quant à ça? Évidemment, quand on visite les résidences, on parle avec les gens, et puis on s'intéresse évidemment aux lieux, on s'intéresse de savoir s'ils sont contents, et de façon générale les gens vivent dans des endroits où la nourriture est bonne, où les aînés ont des soins personnels, où ils peuvent être aidés pour leurs médicaments, parce que ce n'est pas simple, vous savez, quand quelqu'un est déjà âgé, a un peu moins de mémoire, a sept, ou huit, ou 10 médicaments différents à prendre, les uns avant le repas, l'autre après le repas, le matin, le soir, ils ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'aide pour ces choses-là. Et on voit, dans ces maisons-là, la plupart du temps, toutes sortes de petites attentions qui sont faites aux personnes âgées, ce qui fait que la vie est bonne pour eux. Mais, quand on tombe dans une résidence qui ne se préoccupe pas de ça, chez un propriétaire qui ne se préoccupe pas de ça, c'est vraiment dramatique. C'est vraiment dramatique. Bon.

Qu'est-ce qui se passe là-dedans? Que fait le ministre pour ça? Bien, ce qu'il fait, il dit: On va instaurer un système d'enregistrement pour que les gens, ceux qui veulent, puissent s'enregistrer de façon qu'on puisse vraiment les aider. Mais pensez-vous que les propriétaires qui veulent abuser des personnes âgées vont s'enregistrer? La réponse évidemment... il suffit de la poser pour la trouver, la réponse... Il suffit de poser la question pour trouver la réponse. Évidemment, ceux qui s'enregistrent, c'est ceux qui veulent bien faire les choses. Alors, à quoi ça sert, un système d'enregistrement facultatif? Ça ne sert pas à grand-chose. Ça ne sert pas à grand-chose. Je veux bien croire qu'on va travailler à faire des critères pour savoir qu'est-ce qui doit se passer, comment on doit donner les soins, comment les maisons doivent être équipées, tout ça, mais, Mme la Présidente, ces critères-là, ça va servir à quoi s'il n'y a pas d'obligation de s'enregistrer? S'il n'y a pas d'obligation d'enregistrer, ça veut dire que ceux qui font problème ne s'enregistreront pas et ceux qui sont la cause de la souffrance de nos aînés, bien, eux, personne ne s'en occupe. Si personne ne s'en occupe, s'il n'y a pas de critères, s'il n'y a pas d'obligation d'enregistrer, qui va avoir la juridiction pour aider ces gens-là? Qui va avoir le pouvoir légal d'intervenir dans ces résidences-là? Alors, Mme la Présidente, je pense qu'il y a là un très grave problème, il y a là un très grave problème, et il faut s'en occuper.

n(17 h 20)n

Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent dans ce domaine-là et qui méritent notre plus haute considération. J'ai, chez nous, à Saint-Damase en particulier, dans mon comté, des propriétaires de résidence pour personnes âgées qui sont venus me voir ? le Manoir Saint-Damase, pour le citer ? et qui m'ont expliqué comment est-ce qu'ils faisaient. Chez eux, évidemment, non seulement les aînés sont bien, bien traités, mais la résidence en plus assure les soins médicaux dans la résidence. Ça veut dire qu'au moins une fois par mois il y a un médecin qui vient et qui a son bureau en permanence dans cette résidence-là pour recevoir les aînés. Il les visite dans leur chambre, et, s'il arrive le moindre problème, la résidence appelle tout de suite le médecin, qui intervient personnellement ou par une infirmière, ce qui fait que les aînés... Il évalue qu'il a sauvé, dans une année, plus de 50 entrées à l'urgence de l'hôpital parce que les gens ont eu les soins sur place.

C'est beaucoup plus agréable, beaucoup plus intéressant, beaucoup moins énervant, pour les aînés, d'avoir les soins sur place que de voir arriver une ambulance, tous feux allumés, avec tout le bruit que ça fait, pour venir les chercher en toute urgence et les transporter en ambulance sur un lit. C'est des choses traumatisantes pour les aînés, ça. Et, quand ils sont déjà affaiblis par la maladie, affaiblis par l'âge, bien ce n'est pas les choses les plus intéressantes. Et imaginez tout ce que ça coûte à l'État en termes de transport d'ambulance. C'est énorme, tout ce que ça coûte. Et ensuite de ça ça occupe des lits dans les urgences inutilement. Alors, évidemment, ce manoir-là a mis en place en conséquence un service personnalisé aux aînés, avec des médecins qui viennent chez eux et avec tout un système pour faire en sorte que les aînés soient bien, soient heureux. Ils ont commencé il y a une vingtaine d'années, ils avaient sept résidents. Là, ils ont un centre assez imposant pour un village comme Saint-Damase, qui est quand même un village d'à peu près 3 000 habitants, donc ils ont près de 50 résidents, et les gens sont contents. Les aînés sont contents, et les propriétaires sont fiers de parler de leur résidence.

Et ils sont venus me voir pourquoi, s'ils sont fiers? Bien, ils sont venus me voir pour me dire: Voilà l'expérience que nous faisons chez nous, et nous souhaitons que le ministre tienne compte de ce qu'on fait chez nous et qu'il fasse en sorte de s'en inspirer pour que, sur l'ensemble du Québec, on ait un système pour protéger les personnes âgées. Alors, vous voyez, les gens non seulement sont préoccupés de bien faire leur travail, mais les gens qui sont en général responsables des résidences pour personnes âgées, ce sont des humanistes, des gens qui aiment le monde et qui veulent que nos aînés soient traités comme ils le méritent, eux qui nous ont légué cette société dans laquelle nous avons le plaisir de vivre aujourd'hui. C'est parce qu'eux ont travaillé, parce qu'eux ont bâti ce Québec-là que, nous autres, on peut en profiter aujourd'hui. Alors, je pense qu'on leur doit bien cette reconnaissance-là.

Donc, ils sont venus me voir et ils m'ont dit: Il faudrait qu'il y ait un système comme ça. Pas nécessairement exactement ce qu'on fait chez nous, peut-être autre chose, mais nous serions disposés, disponibles pour aider le ministre. S'il veut faire un comité de consultation, on est prêts gratuitement à l'aider, à collaborer, pour mettre en place un système pour protéger nos aînés. Il me semble que ce n'est pas trop demander. Je sais que nécessairement ces choses-là demandent des efforts et peuvent coûter quelque chose, mais, quand on pense qu'il s'agit de nos aînés, je pense qu'on peut investir ce qu'il faut parce que ces gens-là, c'est eux qui ont fait en sorte qu'on a une société prospère et dynamique.

Alors, quand on explique ça au ministre, qu'est-ce qu'il répond? Qu'est-ce qu'il répond, Mme la Présidente? J'ai ici une déclaration qu'il faisait devant la commission à l'occasion du passage de la Protectrice des usagers, le 15 mars dernier. Qu'est-ce qu'il dit, M. le ministre, quand on lui parle comme je vous parle là, quand on lui demande d'instaurer un système d'enregistrement obligatoire, avec des règlements adaptés, pour s'assurer que les aînés seront bien traités et puis pour donner à quelqu'un, que ce soit la régie, que ce soit le centre de santé local, que ce soit la municipalité, mais donner la juridiction à quelqu'un, le pouvoir à quelqu'un d'aller voir dans les résidences pour personnes âgées et de faire en sorte que ces critères-là et ces règlements-là soient appliqués pour la plus grande protection de nos aînés? Alors, que dit le ministre quand on lui parle dans ces termes-là? Bien, il dit ceci: «...le problème avec une certification obligatoire étendue, ça satisfait de façon immédiate à un désir d'être très vigilant et ça pourrait paraître attrayant comme méthode, mais ça ne règle en rien à mon avis le problème ? pourquoi? ? parce que, de la même façon qu'on a un registre soi-disant obligatoire, on sait qu'il y a de nombreuses résidences qui ne sont pas inscrites au registre.»

Ça, c'est surprenant. Ça, c'est surprenant comme raisonnement, Mme la Présidente. Le ministre dit: On a un registre obligatoire, mais les gens ne s'inscrivent pas. Donc, on ne mettra pas de système obligatoire pour que les gens s'enregistrent. On ne mettra pas de système obligatoire pour que les gens respectent les personnes âgées parce que les gens ne les respectent pas. Donc, on ne mettra pas de règlements de circulation sur la route parce que les gens ne les respectent pas, on ne passera plus de lois pour protéger les honnêtes gens contre les criminels parce que les gens ne les respectent pas. Ça fait curieux comme raisonnement, ça, Mme la... Je le relis, ça ne doit pas être ça qu'il a voulu dire. Je le relis, vous allez voir, peut-être que c'est différent, peut-être que j'ai mal compris, il dit: «...ça ne règle en rien à mon avis le problème, parce que, de la même façon qu'on a un registre soi-disant obligatoire, on sait qu'il y a de nombreuses résidences qui ne sont pas inscrites au registre.» Bien oui, mais...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Pourriez-vous, s'il vous plaît, constater si nous avons quorum?

La Vice-Présidente: Avec plaisir. Alors, si vous voulez sonner les cloches pour le quorum, s'il vous plaît.

n(17 h 27 ? 17 h 28)n

La Vice-Présidente: Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, comme nous avons quorum, je vous invite à poursuivre.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Alors, vous voyez, on ne peut pas dire comme ça: Bien, puisque les gens ne s'enregistrent pas, même si on a un registre obligatoire, bien on est mieux de ne pas faire de règlement. Ça n'a pas de bon sens, on ne peut pas dire ça. Il faut dire: Si on a un registre soi-disant obligatoire, il faut prendre les moyens pour qu'ils s'enregistrent. Bon. Alors, c'est ça qu'on vous demande, M. le ministre, de faire. Et ensuite on vous demande d'établir l'obligation de s'enregistrer et de donner à quelqu'un le pouvoir pour surveiller. Sans doute que ce n'est pas ça que vous vouliez dire, M. le ministre, parce que d'habitude vous êtes un homme rigoureux. Alors, là, j'ai été surpris quand j'ai vu ce passage-là, j'ai été vraiment surpris. Alors, puisque vous êtes un homme rigoureux et que vous savez que, quand on fait des règlements et quand on prend des mesures comme ça, c'est justement pour les gens qui ne se préoccupent pas de bien agir, c'est pour que les autres n'aient pas à souffrir de leur négligence, alors on vous dit: Faites un bon règlement, une bonne loi et mettez-lui des dents pour qu'elle soit bien appliquée.

n(17 h 30)n

Alors, Mme la Présidente, oui, de fait, j'aime beaucoup mieux vous parler que de parler à quelqu'un d'autre. Mais, vous savez, la tentation est parfois forte, quand on a devant nous, hein, quelqu'un, un illustre ministre qui semble se montrer sensible à ce qu'on dit, alors, là, c'est encourageant de s'adresser à lui. Et je serais tellement content, Mme la Présidente, que M. le ministre se lève et me dise: C'est une bonne idée, j'y ai repensé, et nous allons avoir un système obligatoire pour que toute personne qui veut recevoir des aînés, surtout en perte d'autonomie, soit obligée de se soumettre à des critères de fonctionnement et de construction qui assurent la sécurité des aînés et qui assurent qu'ils seront traités correctement, qu'ils seront traités avec tous les égards qu'ils méritent. Alors ça, je serais très content. J'aurais comme l'impression, Mme la Présidente, que j'aurais vraiment parlé pour quelque chose, que j'aurais fait avancer le débat, que j'aurais rendu service aux aînés de chez nous et que j'aurais donné de la sécurité aux aînés.

Tout le monde, on vieillit, hein? Il y en a qui ont commencé plus tôt que d'autres à vieillir, ils sont plus avancés. Et puis on sait qu'un jour on sera dans ce cas-là, hein, mais ceux qui souffrent de la maladie de la jeunesse, je veux quand même les rassurer, Mme la Présidente, en leur disant que c'est une maladie qui guérit bien trop vite. Et, quand on arrive à cet âge où la sagesse nous dit: J'aurais dû faire quelque chose, eh bien, je dis à M. le ministre, Mme la Présidente: Pensez-y donc maintenant. Vous avez le pouvoir de faire quelque chose, faites-le maintenant. Faites-le maintenant. Prenez soin des aînés, et vous saurez vous en féliciter, et vous serez content de vous. Vous pourrez vous dire: J'ai fait quelque chose pour nos aînés, j'ai remboursé d'une certaine façon une partie de la dette que j'ai envers les aînés. Parce que, si on vous a confié cette fonction si importante, hein, c'est parce qu'on avait confiance que vous régliez des questions comme ça et que vous étiez capable de prévenir et de prendre les moyens pour guérir des problèmes qui font souffrir nos aînés. Alors, Mme la Présidente, je pense que tout ça est très important. J'admets que les résidences qui ont des problèmes sont exceptionnelles, mais justement, parce qu'elles sont exceptionnelles et qu'il n'y a pas de moyen pour aider à faire en sorte qu'elles se comportent correctement, eh bien, il faut absolument que cette loi-là soit améliorée.

Il y a beaucoup de bonnes choses dans cette loi-là, mais je souhaiterais qu'elle soit améliorée de façon que nos aînés soient correctement protégés. Alors, je vous le demande, Mme la Présidente, faites le message à M. le ministre de revoir son projet de loi de façon à ce que nos aînés, non seulement ceux qui ont des problèmes, qu'ils voient les problèmes réglés mais que les autres voient arriver cette époque en toute sérénité, en sachant qu'ils seront bien protégés, qu'il y aura des gens autour d'eux non seulement pour les aider, mais pour les entourer et faire en sorte qu'ils aient une belle vieillesse. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, vous avez une question?

M. Couillard: Oui, Mme la Présidente. En vertu de l'article 213, je veux savoir si le député de Saint-Hyacinthe accepterait une question de ma part?

La Vice-Présidente: Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, accepteriez-vous de répondre à une question en vertu de l'article 213 du règlement? Vous acceptez. Alors, M. le ministre, posez votre question.

M. Couillard: Mme la Présidente, je remercie le député de Saint-Hyacinthe d'avoir dit qu'il y avait plusieurs bons aspects dans cette loi. Je lui demanderais de fournir à l'Assemblée la liste des articles en appui à cette déclaration que je partage tout à fait. Quels sont les articles dans la loi qui le satisfont particulièrement?

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Alors, si M. le ministre pense que je vais commencer à mémoriser des articles de loi pour répondre à un petit piège, non, je ne perdrai pas mon temps avec ça, j'ai trop confiance en sa bonne foi et à son désir de bien servir les aînés et tous les citoyens du Québec. Alors, je continue à lui faire confiance en lui demandant qu'il rende ça obligatoire. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Est-ce qu'il y d'autres interventions? Alors, oui, je reconnais immédiatement le député de Vachon. À vous la parole.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir après mon collègue de Saint-Hyacinthe, bien que je ne pense pas être comme lui, aussi captivant et intéressant.

J'ai particulièrement apprécié le fait, Mme la Présidente, que mon collègue faisait une analyse critique et constructive du projet de loi n° 83 vue sous l'angle de la qualité des environnements et de la certification quant à la qualité des environnements qu'on offre aux personnes qui doivent éventuellement recourir aux résidences pour personnes âgées. On peut rigoler, hein, on peut s'amuser tout en travaillant rigoureusement et fermement sur un sujet comme celui-là, mais on ne pourra pas ignorer, même si on s'en distrait par des blagues de l'autre côté, on ne pourra pas ignorer, Mme la Présidente, la sagesse qu'il y avait dans cette intervention du député de Saint-Hyacinthe. Les remarques qu'il nous a livrées sont le reflet de fait d'un débat, je pense, très intéressant, très structuré.

De par les témoignages qui nous étaient amenés et les mémoires qui nous étaient amenés, le message du député reflète très bien la préoccupation et les inquiétudes qui ont été, je dirais, de façon extrêmement constructive, aussi amenées, par nombre de groupes, durant cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 83, à l'effet qu'il y avait désormais tellement de personnes âgées qui confiaient la qualité de leur vie quotidienne à de très nombreuses résidences qu'il fallait, au-delà du registre qui avait été créé par notre gouvernement et du maintien de ce registre dans l'identification des institutions qui accueillent les personnes âgées... qu'on était maintenant rendus à une étape où il fallait s'inquiéter très sérieusement de la certification de ces établissements et des obligations qu'on devait imposer à ces établissements, dans le fond qui sont le prolongement de notre système de santé, notre système de soins et d'accueil dans le fond de nos concitoyennes et concitoyens qui ont besoin d'un coup de main important durant une période difficile peut-être de leur vie. Il fallait arriver à cette étape où la certification serait obligatoire et où les citoyens pourraient être rassurés que, lorsqu'ils acceptent d'aller vivre quelque temps, dans une résidence pour personnes âgées, qu'ils soient rassurés que cet établissement a effectivement fait montre des caractéristiques nécessaires pour avoir l'acquiescement du ministère de la Santé.

D'ailleurs, il y a plusieurs personnes ? et mon collègue de Saint-Hyacinthe en faisait état, je pense ? mais il y a plusieurs groupes qui sont venus proposer même des méthodes d'accréditation, des méthodologies d'examen de la qualité de ces environnements. Malheureusement, bon, en séance, le ministre nous avait dit qu'il nous déposerait, durant le cours de nos discussions, les critères sanitaires auxquels devraient répondre les établissements ? sans se prononcer sur l'obligation ou non, là ? mais les critères auxquels ils devraient être éventuellement... devraient se confronter. Mais nous n'avons jamais eu l'occasion d'être mis en présence de cette liste de critères.

Mais on sait très bien qu'il y a des procédures par des grandes associations qui ont énormément d'expertise dans le domaine de l'accréditation et de l'agrément. Aussi bien au niveau de nos amis canadiens qu'au Québec, il y a de ces sociétés, de ces organisations qui ont une très grande expérience en la matière. Alors, le problème n'est pas là, le problème est pour le gouvernement. Et ça va se poser de la même façon, là, dans la question de conciliation famille-travail. Le gouvernement a à choisir entre une législation qui a du mordant, qui quelque part donne le signal qu'on ne tolérera pas, on ne tolérera plus, dans ce pays, au Québec, aucune dérive, aucune dérogation par rapport à la sécurité et à l'environnement sociosanitaire de haute qualité pour nos personnes âgées, pour nos vieux, hein, et que cette intolérance se manifestera...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Oui. Alors, cette intolérance se manifestera à l'intérieur d'une obligation, à l'intérieur d'une loi qui obligerait ces résidences à s'y conformer. En anglais, Mme la Présidente, on dit un «blueprint». Un gouvernement peut suivre l'opinion, mais on peut aussi quelque part forger l'opinion. Il peut suivre les tendances, qui sont souvent des tendances de tolérance, etc., mais il peut aussi imprimer un mouvement et donner un signal clair. Et, dans ce cas-là, le message du député de Saint-Hyacinthe est le suivant: c'est que le gouvernement doit prendre ses responsabilités.

n(17 h 40)n

Il doit faire en sorte que le message qui sera livré à la population du Québec, autant aux enfants qui se préoccupent de leurs parents vieillissants qu'aux personnes elles-mêmes qui sont aux prises avec une perte d'autonomie ou un besoin plus grand de soins ou de soutien, il faudra que ce signal soit à ce point fort que quelque part le gouvernement, l'État québécois, se rend imputable à travers une législation et une obligation de la qualité de ces résidences. Il faut que ce lien ou cette manifestation de confiance de la part de la population du Québec à l'égard de la qualité des soins et des environnements qu'on offre aux personnes soit vraiment garanti et soit vraiment encadré, de façon extrêmement rigoureuse, par la législation.

Nous avons senti ? et, moi, je suis redevable au député de Saint-Hyacinthe à cet égard-là ? nous avons senti, durant nos discussions, une hésitation, je dirais, une timidité, de la part du ministre de la Santé, à vouloir s'en aller dans cette direction. Il a été, je dois avouer, un petit peu moins timide et beaucoup plus ouvert, par exemple, sur la question de la circulation des renseignements confidentiels et du consentement explicite qu'une personne devrait éventuellement donner avant que son dossier ne soit transmis à l'ensemble des partenaires ? puis là il n'y en a pas qu'un seul ? à l'ensemble des partenaires qui risqueraient d'intervenir dans le plan clinique de la personne ou dans ce qu'on appelle le plan d'intervention. Là, on l'a senti un peu plus ouvert, mais, dans le cas de l'obligation, je pense que le député de Saint-Hyacinthe vient d'ouvrir un dossier extrêmement important où le ministre risque d'avoir besoin d'encore plus d'arguments, plus de pressions pour qu'il puisse arriver à la conclusion que, sans cet outil dont il dispose dans le fond, d'une obligation pour les résidences à montrer et à se mettre à l'épreuve d'une certification, il reste encore du boulot à faire auprès du ministre. Nous nous y attacherons à le faire.

Je remercie donc le député de Saint-Hyacinthe d'avoir pris le relais là-dessus, parce que quelque part nous en avons assez entendu parler. Et je prends mes collègues de l'Assemblée nationale, ici, à témoin, ceux qui auront suivi les débats autour du projet de loi n° 83. On a assez entendu parler des inquiétudes et des préoccupations des citoyennes et des citoyens à cet égard-là pour qu'on prenne le temps vraiment, là, d'étudier des amendements qui feraient en sorte que, sans brimer ? parce c'est ça, l'enjeu, hein? ? sans brimer la liberté des corporations privées vis-à-vis de leur responsabilité et vis-à-vis de leur mission et de leur rôle, on exige en même temps, et sans préjuger qu'elles ne le font pas, mais pour bien établir le fait qu'elles doivent le faire toutes. Et c'est souvent les exceptions qui font que quelque part la réputation d'un ensemble d'établissements vienne qu'à en souffrir. Parce qu'on conviendra, toutes et tous sans doute, que la qualité des environnements qu'on offre à nos personnes âgées maintenant, au Québec, est sans doute, à tous égards, assez correcte, mais le «assez correcte» n'est pas suffisant quelque part.

Et d'autre part on doit éliminer la possibilité que ne se glisse, à travers ces corporations privées qui sont de bonne foi, et qui entretiennent une mission d'accueil des personnes âgées, et qui leur offrent un environnement sociosanitaire de qualité... il faudrait que l'ensemble de ces corporations se voient soudainement octroyer, de la part des citoyens, une évaluation positive au point de départ plutôt qu'une évaluation de doute à cause de certaines organisations qui n'auraient pas de certification, qui ne se sentiraient pas imputables quelque part et qui auraient échappé à l'attention du législateur.

Donc, voilà en complément, Mme la Présidente, de réflexion quant au sujet très important qu'a soulevé le député de Saint-Hyacinthe. Mme la Présidente, il y a une autre préoccupation que j'ai et que je voudrais partager avec vous, si vous en avez la patience. Bon. Alors, merci. Lorsque le ministre de la Santé et des Services sociaux a ouvert sa commission, il y a deux phénomènes qui se sont passés. Premièrement, la liste des invités était relativement courte. Et ma collègue la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a travaillé très fort à compléter cette liste, à proposer de nouvelles inscriptions pour l'audition des mémoires et à élargir donc le nombre d'invitations à des groupes pour se faire entendre devant la commission, ce que nous avons obtenu. Ce que nous n'avons pas obtenu cependant, c'est un délai supplémentaire pour faire en sorte que les groupes puissent se préparer le mieux possible à venir témoigner devant la commission. Et de nombreux groupes ont déploré cet état de fait. Je pourrais en citer de très nombreux. Je me rappelle notamment que la CSN a déploré le manque de temps et a déploré, par le fait même, le manque d'espace démocratique, ou on pourrait quasiment dire ? ce n'était pas la CSN, c'était la CSQ ? le manque de temps démocratique mis à la disposition des citoyennes et des citoyens pour s'approprier l'ensemble du projet de loi.

Alors, vous savez, Mme la Présidente, ce projet de loi, je ne sais pas si on vous l'a déjà dit, mais 282 articles extrêmement techniques qui modifient 44 lois, c'est l'équivalent dans le fond de cinq gros projets de loi, là, avec toutes les ramifications qu'on peut connaître. Alors, dans le fond, ce que les groupes ont été obligés de faire, Mme la Présidente, c'est de se centrer sur un aspect qui semblait quelque part les concerner davantage, et ils ont déploré l'incapacité qu'ils avaient d'appréhender dans son ensemble le projet de loi, de telle sorte à pouvoir juger de la cohérence du projet de loi, parce que finalement, si vous vous centrez seulement sur un aspect sans le mettre en relation avec d'autres aspects, bien la qualité de votre analyse s'en trouve un peu diminuée. Et donc ces groupes, comme la CSQ, disaient: «On ne peut passer sous silence le peu de temps qui a été accordé aux organisations pour produire leur mémoire.» Et ils complétaient: «Cela questionne la volonté réelle du gouvernement de porter attention à une démarche de consultation publique. La participation citoyenne démocratique ne peut qu'en être entachée.»

Alors, c'est sur ce concept, Mme la Présidente, de participation citoyenne démocratique que je voudrais revenir. Je prends pour prétexte le peu de temps qui a été octroyé aux groupes. C'est un prétexte qui reflète quelque part et qui témoigne d'un fait, mais qui témoigne de plus que ça, qui témoigne de l'approche de ce gouvernement dans sa gouvernance, de sa capacité à s'ouvrir à la participation des citoyens. Et le projet de loi n° 83, Mme la Présidente, est assez inquiétant à ce niveau-là. Je dirais qu'il reflète cette philosophie, du gouvernement en place, du moins de citoyens possible. On pensait que c'était le moins d'État possible, là, mais, semble-t-il que, dans un même gouvernement, on peut dire les deux choses en même temps, le moins d'État possible et le moins de citoyens possible, le moins de participation possible des simples citoyens à l'administration des choses qui les concernent, et d'une certaine façon le reflet, me semble-t-il, dans ce projet de loi qui harmonise les projets de loi n° 25 et n° 30 qui ont précédé, qui est une espèce de processus d'harmonisation. On sent qu'il y a, dans ce projet de loi là, une approche autoritaire sans qu'on puisse quelque part insérer, dans la mécanique du projet de loi, une approche d'autorégulation par les citoyens. Il n'y a pas beaucoup de place pour les citoyens là-dedans.

Ramenons-nous au projet de loi n° 25 ? et je vois le ministre qui m'écoute attentivement ? le projet de loi n° 25 qui a procédé aux fusions des CLSC, des CHSLD et des hôpitaux. Ce projet de loi a fait en sorte que disparaissent de l'écran citoyen et de l'écran démocratique de très nombreux conseils d'administration qui étaient chargés de voir à gérer les CLSC ? au-dessus de, quoi, 153, 158 conseils d'administration. On retrouvait là des hommes et des femmes de nos communautés, qui s'intéressaient à deux choses: la gestion des CLSC, donc des services qu'on offrait aux citoyens, et l'état de santé de la population, donc des programmes de prévention, etc., qu'on devait élaborer en vertu des besoins de la population.

n(17 h 50)n

Alors, le projet de loi n° 25, en fusionnant ces établissements, donnait le pouvoir à une seule instance locale dont on retrouve maintenant la composition du conseil d'administration dans le projet de loi n° 83. Je n'irai pas dans le détail de la composition du conseil d'administration, Mme la Présidente, tout simplement pour vous dire qu'on a une perte nette, là, de deux tiers de la participation de la société civile aux conseils d'administration qui régissent nos systèmes de services sociaux et de services de santé et qui en même temps sont le reflet, font la réflexion aussi au sujet des besoins et des services que devrait recevoir la population. On éloigne dans le fond la population de son système de santé, de son système de soins, de son système des services sociaux, à l'inverse de ce qu'un ministre antérieurement avait fait, un ministre libéral, Marc-Yvan Côté, qui avait souhaité que les citoyens soient au centre du service de santé et qu'ils puissent, hein, et qu'ils puissent, ces citoyennes et ces citoyens, apporter leurs perceptions, leurs visions, leurs analyses qui sont, du point de vue du consommateur de soins et de services et du point de vue d'un résident ou d'une résidente de communauté, qui sont des avis experts.

Ce n'est pas des experts en vésicule biliaire, ce n'est pas des experts en vision, mais c'est des experts en qualité de vie, de l'analyse des environnements et l'analyse du système vu du point de vue de celui ou de celle qui l'utilise et qui pense à sa voisine ou à son voisin dans l'aménagement de ces systèmes-là.

Alors, le projet de loi n° 83 consacre à mon avis et reflète une attitude autoritaire de ramener l'ensemble de la gérance autour d'un très petit noyau de personnes directement impliquées dans le système de santé, avec un nombre de personnes à ce point, Mme la Présidente... Il y a tellement peu de place pour la participation des citoyennes et des citoyens, il y a en même temps tellement peu de place tout court qu'il y a 17 ? je n'aurai pas le temps de vous les nommer ? il y a 17 groupes différents qui sont venus réclamer ? je m'excuse, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Moins de deux minutes.

M. Bouchard (Vachon): ...moins de deux minutes ? qui sont venus réclamer, Mme la Présidente, une place au conseil d'administration. Alors, j'en aurais pour une demi-heure à vous les citer parce que la liste est extrêmement longue. Mais ce que ça reflète dans le fond, c'est que quelque part, si on se bouscule tant aux portes, c'est que les gens trouvent ça important d'être assis à un conseil d'administration pour faire la gérance du système, c'est qu'aussi nous avons, au Québec, une tradition de participation de la société civile au développement de nos services et au développement de nos communautés que ce gouvernement a reniée. Ce gouvernement l'a reniée dans 83, il l'a reniée dans 25, mais il l'a reniée aussi dans la loi n° 34.

Rappelons-nous de la loi n° 34 qui a éliminé les conseils de développement régional, les conseils régionaux de développement, les CRD au profit des CRE. Mais qu'est-ce que c'est, ça? C'est une autre façon d'éloigner, d'évincer les citoyens ordinaires d'une voie dans les plateformes de décisions qui concernent leur développement économique, leur développement social, le développement de leur communauté. C'était une autre façon de les évincer sans qu'on se soit posé la question au point de départ. Et c'est la même chose avec le forum des populations. Avec la loi n° 83, on élimine le forum des populations et on va aussi éliminer le Conseil de santé et de bien-être à la faveur de la Loi sur le Commissaire à la santé, là où siégeaient des citoyens et des observateurs avertis et experts.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Alors, Mme la Présidente, j'espère que vous aurez...

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Malheureusement, votre temps est écoulé. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Avec votre permission, Mme la Présidente, compte tenu de l'heure, je fais une motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures, en vous disant toutefois que j'ai eu une conversation avec le leader de l'opposition officielle qui m'a indiqué qu'il n'y aurait que deux autres intervenants sur le projet de loi n° 83. Donc, je fais la motion d'ajournement de nos travaux à demain matin.

Ajournement

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, j'ajourne à demain, jeudi 14 avril, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 55)