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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 25 mars 2015 - Vol. 44 N° 68

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner l'inspiration qu'une jeune Crie de Whapmagoostui, Mme Jocelyne Dufresne, a tirée
de sa visite à l'Assemblée nationale

M. Jean Boucher

Féliciter Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie inc. pour
l'obtention de la certification MSC pour la pêche au homard

M. Sylvain Roy

Rendre hommage au Dr Gilles Morin à l'occasion de son départ à la retraite

Mme Karine Vallières

Souligner le 100e anniversaire des Cercles de fermières du Québec

M. André Spénard

Souligner le Mois de la jonquille

M. Jean Rousselle

Souligner la Semaine des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux du Québec

M. Jean-François Lisée

Rendre hommage à Mme Thérèse Lecomte pour son apport dans le développement
culturel de l'Estrie et offrir des condoléances à ses proches

M. Luc Fortin

Souligner le succès des Jeux provinciaux d'hiver d'Olympiques spéciaux Québec tenus à Lévis

M. Marc Picard

Souligner le 100e anniversaire des Chevaliers de Colomb du conseil de Lachine no : 1776

M. François Ouimet

Rendre Hommage à Mme Josée Bédard, lauréate du prix Engagement social Fernand-Dufour

M. Patrick Huot

Présence de l'ambassadeur des États-Unis du Mexique, M. Francisco Suárez Dávila, et du
consul général à Montréal, M. Francisco Eduardo Del Río López


Dépôt de documents

Entente en matière de sécurité sociale entre les gouvernements du Québec et de la Roumanie,
et note explicative

Motion proposant d'approuver l'entente

Réponses à des pétitions et à des questions inscrites au feuilleton

Lettre de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Ottawa et déclaration officielle du ministère
saoudien des Affaires étrangères au sujet de M. Raif Badawi


Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 32 Loi modifiant la Loi concernant des
mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou
hydrique afin d'en prolonger l'application


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège

Réponse de la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé
publique au sujet de l'entente Canada-Québec sur l'itinérance

Décision de la présidence sur la recevabilité

Questions et réponses orales

Accès aux services d'interruption volontaire de grossesse

M. Stéphane Bédard

M. Philippe Couillard

M. Stéphane Bédard

M. Philippe Couillard

M. Stéphane Bédard

M. Philippe Couillard

M. Stéphane Bédard

M. Philippe Couillard

Impact des décisions du gouvernement sur les conditions de vie des femmes

Mme Diane Lamarre

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Gaétan Barrette

Mme Carole Poirier

Mme Stéphanie Vallée

Écart de richesse entre le Québec et ses voisins

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

Accès à l'avortement

M. François Paradis

M. Gaétan Barrette

M. François Paradis

M. Gaétan Barrette

M. François Paradis

M. Gaétan Barrette

Respect du droit à l'éducation pour les étudiants des collèges et des universités

M. Jean-François Roberge

M. François Blais

M. Jean-François Roberge

M. François Blais

M. Jean-François Roberge

M. François Blais

Libération par erreur du détenu Francis Boucher

M. Pascal Bérubé

Mme Lise Thériault

M. Pascal Bérubé

Mme Lise Thériault

Avenir de la Cinémathèque québécoise

Mme Véronique Hivon

Mme Hélène David

Mme Véronique Hivon

Mme Hélène David

Document déposé

Mme Véronique Hivon

Mme Hélène David

Mesures pour inciter les entreprises à rester au Québec

M. André Lamontagne

M. Laurent Lessard

M. André Lamontagne

M. Laurent Lessard

M. André Lamontagne

M. Laurent Lessard

Motions sans préavis

Souligner le 140e anniversaire du Y des femmes de Montréal et du YMCA de Québec

Mise aux voix

Remercier les groupes participant aux consultations sur le Plan d'action gouvernemental
2008-2013 en matière d'agression sexuelle et demander au gouvernement de poursuivre
son engagement à enrayer ce fléau

Mme Manon Massé

Mme Carole Poirier

Mme Nathalie Roy

Mme Stéphanie Vallée

Mise aux voix

Procéder à une consultation générale sur le document intitulé Orientations gouvernementales
pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la
protection des renseignements personnels


Avis touchant les travaux des commissions

Motions sans préavis

Procéder à une consultation générale sur le document intitulé Orientations gouvernementales
pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la
protection des renseignements personnels
(suite)

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 19 Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives

Adoption

M. Jacques Daoust

Mme Carole Poirier

Mme Sylvie Roy

Mise aux voix

Projet de loi n° 37           Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal
maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-DanielGascons au
seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement

Adoption du principe

Reprise du débat sur la motion de report

M. Simon Jolin-Barrette (suite)

Mise aux voix

Poursuite du débat sur l'adoption du principe

M. André Lamontagne

M. Mathieu Lemay

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée exprime ses inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51
sur la sécurité nationale et exige du gouvernement qu'il transmette ses observations et
demandes d'amendement au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de
la Chambre des communes

M. Stéphane Bergeron

Mme Stéphanie Vallée

Mme Sylvie Roy

Mme Véronique Hivon

Mme Françoise David

Mme Lise Thériault

M. Gilles Ouimet

M. Pascal Bérubé

M. Stéphane Bergeron (réplique)

Mise aux voix

Projet de loi n° 37           Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal
maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-DanielGascons au
seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Mathieu Lemay (suite)

Mme Claire Samson

Mme Lise Lavallée

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, veuillez vous asseoir. On vous souhaite un bon mercredi.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Nous allons procéder à la rubrique Déclarations de députés, et je suis prêt à entendre la première déclaration. Il s'agit de M. le député d'Ungava, qui fait sa déclaration du jour. M. le député, à vous la parole.

Souligner l'inspiration qu'une jeune Crie de
Whapmagoostui, Mme Jocelyne Dufresne
,
a tirée de sa visite à l'Assemblée nationale

M. Jean Boucher

M. Boucher : Merci, M. le Président. Bienvenue, chers membres de l'Assemblée. En novembre dernier, la jeune Jocelyne Dufresne de Whapmagoostui, une petite communauté crie près de Kuujjuarapik au Nunavik, prenait part à un échange culturel à Montréal. Elle a mérité ce voyage grâce à son implication au sein du programme Pivallianiq, un programme qui prône l'assainissement des milieux de vie au Nunavik et dans les maisons.

Jocelyne, along with seven other young Inuits and three guides, got invited by me to meet us here. It was important to me to show them that they have someone here working for their interest, et aussi de leur faire savoir que, dans quelques années, ça pourrait être l'un d'eux qui pourrait s'asseoir dans le siège, ici, du député d'Ungava. Ils ont assisté à la période des questions, ont visité le parlement avec un grand étonnement et beaucoup d'intérêt.

Recently, a member of my team was traveling to Whapmagoostui to meet the young girl. Lors de sa visite, on a constaté qu'elle portait fièrement sa «pin» de l'Assemblée nationale. On lui a demandé : Est-ce que tu la portes souvent? Elle a répondu spontanément : Oui, tous les jours, avec une grande fierté, expliquant que sa visite l'avait marquée et elle...

Le Vice-Président (M. Gendron) : I have a big problem. C'est «one» minute. Merci de votre déclaration, en s'excusant, mais, sérieusement, il faut essayer d'arriver dans une minute, parce que, si on fait 1 min 10 s, 1 min 12 s, 1 min 15 s, ça manque d'équité par rapport aux autres.

Alors, M. le député de Bonaventure, pour la déclaration d'aujourd'hui, en sachant qu'on a une minute pour la faire.

Féliciter Le Regroupement des pêcheurs professionnels
du sud de la Gaspésie inc. pour l'obtention de la
certification MSC pour la pêche au homard

M. Sylvain Roy

M. Roy : Merci, M. le Président. Je tiens, aujourd'hui, à féliciter Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie pour l'obtention de la certification MSC, reconnaissance internationale qui certifie que la pêche au homard gaspésien est durable et bien gérée. Avec cette certification, la pêcherie de homard gaspésienne fait preuve d'un grand leadership afin de se positionner avantageusement dans le marché. En plus de protéger la ressource, cette distinction fait rayonner la Gaspésie partout à travers le monde. En 2013, les pêcheurs ont capturé 1 370 tonnes de homard, ce qui représente environ le tiers du homard au Québec. Le homard gaspésien est vendu sous différentes formes, mais le principal produit est le homard vivant vendu surtout au Québec, mais aussi sur les marchés canadiens et américains.

M. le Président, je vous invite, ainsi que l'ensemble des citoyens du Québec, à surveiller l'écolabel bleu MSC sur le homard cette année. J'en profite aussi pour vous informer qu'il est bien meilleur lorsqu'on le mange sur place, en Gaspésie.

Des voix : ...

M. Roy : Félicitations à M. Onil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Félicitations, mais...

Des voix : ...

• (9 h 50) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : ...j'avais le même problème, mais en français. Alors, c'est une minute, la déclaration. Et merci pour votre déclaration. Mme la députée de Richmond, pour votre déclaration.

Rendre hommage au Dr Gilles Morin
à l'occasion de son départ à la retraite

Mme Karine Vallières

Mme Vallières : Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez tout comme moi que la passion de son travail, c'est se plonger coeur et âme, c'est donner le meilleur de soi. Aujourd'hui, je vous invite, collègues de l'Assemblée nationale, à souligner avec moi le dévouement d'un homme qui a consacré près de 50 ans au service d'autrui en tant que médecin. Je tiens à souligner toutes ces années de service du Dr Gilles Morin auprès de la population de la région des Sources. Dr Morin prendra sa retraite de la médecine cet été et, au nom de ses patients actuels et anciens, je tiens à le remercier. Merci, Gilles, de votre disponibilité, de votre écoute, de votre empathie. Merci de votre expertise et votre appui également à la région, entre autres dans le dossier du chrysotile. Permettez-moi de vous souhaiter une agréable retraite dans cette communauté que vous avez tant soignée, que vous aimez tant, mais surtout qui vous apprécie tout autant.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci pour votre déclaration, Mme la députée, et je cède maintenant la parole à M. le député de Beauce-Nord pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.

Souligner le 100e anniversaire des
Cercles de fermières du Québec

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, M. le Président... expérimenté. Les Cercles des fermières du Québec fêtent, en cette année 2015, leur 100e anniversaire et sont plus présents que jamais, notamment dans le comté de Beauce-Nord. Leur riche histoire s'est construite au fil d'une constante évolution qui n'a jamais renié le passé, dans un heureux mélange d'ouverture d'esprit et de valeurs sûres. Étant la plus grande association de femmes de la province, elle compte aujourd'hui quelque 34 000 membres. Elles sont actives, impliquées dans leurs communautés et modernes. Cependant, elles demeurent les gardiennes du patrimoine, les porteuses de tradition, qu'elles transmettent généreusement par leurs livres de recettes, leurs volumes d'artisanat, leurs programmes d'artisanat jeunesse, leurs cours de base et de perfectionnement, et j'en passe.

Dans mon comté, nous retrouvons pas moins de 16 Cercles des fermières, et je peux vous assurer que ces femmes sont très actives. C'est toujours un plaisir pour moi de les visiter lors de leurs différentes activités. Je salue le magnifique travail des fermières réalisé dans nos communautés depuis 100 ans et leur souhaite un autre 100 ans. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Beauce-Nord, de votre déclaration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Vimont pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.

Souligner le Mois de la jonquille

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Merci, M. le Président. À l'aube du mois d'avril, Mois de la jonquille, la Société canadienne du cancer vendra, du 26 au 29 mars prochains, une petite fleur pour une grande cause : la jonquille, symbole de la vie et de l'espoir. Je suis fier, M. le Président, de m'associer à la Société canadienne du cancer pour une troisième année consécutive. C'est en effet l'organisme québécois qui investit le plus dans la lutte contre le cancer et qui a la possibilité de sauver encore plus de vies.

Je ne peux passer sous le silence le magnifique travail de Mme Patricia Labelle, agente de développement pour le Québec, ainsi que celui d'Annick Ouellette, coordonnatrice de Laval. Je veux les remercier pour tous leurs efforts qu'ils réalisent au sein de la société et remercier les bénévoles dévoués, qui dégagent une énergie et une vitalité contagieuses.

N'oubliez pas d'acheter les jonquilles du 26 au 29 mars. Ça fait une grosse différence pour la vie. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci pour votre déclaration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Rosemont pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.

Souligner la Semaine des travailleuses sociales
et des travailleurs sociaux du Québec

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci, M. le Président. Je suis heureux de souligner aujourd'hui la semaine des travailleurs sociaux, qui se déroule du 22 au 28 mars. C'est l'occasion de reconnaître le travail remarquable des 12 000 travailleurs sociaux du Québec. Agissant à titre de thérapeutes, de consultants ou de personnes-ressources, ils aident les personnes à améliorer leurs conditions de vie et accompagnent les communautés qui veulent se mobiliser pour des défis collectifs. Les travailleurs sociaux sont bien sûr présents dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais également dans le réseau de l'éducation, le milieu carcéral et plusieurs autres. Ils interviennent auprès de toutes les clientèles, des enfants aux personnes âgées, en passant par les ados et les parents.

Je saisis l'occasion pour souligner la campagne Faire un pas, encourageant les gens à raconter leur histoire et aller chercher de l'aide lorsque nécessaire, campagne lancée par l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je remercie les travailleuses et travailleurs sociaux du Québec, qui réalisent un travail essentiel méritant d'être souligné, applaudi et valorisé. Profitons de cette semaine pour saluer leur contribution et leur engagement.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci, M. le député de Rosemont. Je cède maintenant la parole à M. le député de Sherbrooke pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous.

Rendre hommage à Mme Thérèse Lecomte pour son
apport dans le développement culturel de l'Estrie
et offrir des condoléances à ses proches

M. Luc Fortin

M. Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. Permettez-moi aujourd'hui de rendre hommage à une Sherbrookoise d'exception, Mme Thérèse Lecomte, décédée le 3 mars dernier à l'âge de 98 ans.

Passionnée de culture, Mme Lecomte s'engage dès 1940 pour la diffusion des arts à Sherbrooke. Au fil des années, de très nombreux jeunes Sherbrookois ont fréquenté son atelier pour y apprendre la peinture, la sculpture et le dessin. Mme Lecomte participe en 1960 à la création de l'Association pour l'avancement des arts et, plus tard, en 1964, à la fondation d'une galerie d'art mieux connue aujourd'hui sous le nom de Centre culturel de l'Université de Sherbrooke. Sans Mme Lecomte, l'espace culturel de Sherbrooke ne serait pas aussi dynamique et accessible qu'il ne l'est aujourd'hui, c'est pourquoi je tiens à saluer son dévouement pour la culture de notre région.

En terminant, M. le Président, j'aimerais également profiter de ce moment pour offrir toutes mes condoléances à ses proches. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci pour votre déclaration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière pour sa déclaration. Allez, M. le député.

Souligner le succès des Jeux provinciaux d'hiver
d'Olympiques spéciaux Québec tenus à Lévis

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, M. le Président. La ville de Lévis a accueilli, du 6 au 8 mars derniers, les Jeux provinciaux d'hiver des Olympiques spéciaux Québec. Plus de 500 athlètes vivant avec une déficience intellectuelle et provenant de plusieurs régions du Québec ont participé à différentes disciplines qui mettent en évidence leur savoir-faire, leur courage et leur détermination. Cet événement sportif a pour objectif de mettre en valeur le sport et l'activité physique dans une optique d'inclusion et de valorisation des personnes avec une déficience intellectuelle. Aussi, ces jeux représentent, pour plusieurs athlètes, un tremplin vers d'autres compétitions d'envergure nationale et internationale.

Un tel événement est rendu possible grâce au travail exceptionnel des organisateurs, à la générosité des partenaires et au dévouement des bénévoles. À cet égard, je tiens à remercier la ville de Lévis ainsi que M. Jacques Tanguay, président de la corporation responsable de l'organisation des jeux, d'avoir mis tout en oeuvre pour que ces jeux soient une expérience sportive mémorable pour tous les participants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : On vous remercie pour votre déclaration. Je cède maintenant la parole à M. le député de Marquette pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, allez pour votre déclaration.

Souligner le 100e anniversaire des Chevaliers de
Colomb du conseil de Lachine no : 1776

M. François Ouimet

M. Ouimet (Marquette) : Alors, merci, M. le Président. Samedi dernier, plus de 300 personnes étaient rassemblées pour célébrer le 100e anniversaire de fondation du conseil Lachine 1776 de l'ordre des Chevaliers de Colomb. J'y étais. J'étais fier, comme député, d'entendre les témoignages d'appréciation pour l'oeuvre colossale accomplie depuis sa fondation en 1915.

Cet organisme, dont la mission est axée sur la charité et la fraternité, compte aujourd'hui plus de 600 membres. Le conseil poursuit toujours les mêmes objectifs : d'apporter secours en cas de désastre, de diriger et de promouvoir des oeuvres éducatives, charitables et sociales. Il y a plus de 90 000 membres au Québec, et beaucoup d'entre eux sont prêts à mettre la main à la pâte pour aider leur prochain.

Au nom de tous les citoyens et citoyennes de Lachine, je souhaite remercier tous ceux et celles qui, année après année, depuis 100 ans, poursuivent leur engagement dans la mission des Chevaliers de Colomb. Longue vie au conseil Lachine 1776!

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Marquette. Je cède maintenant la parole à M. le député de Vanier-Les Rivières pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.

Rendre Hommage à Mme Josée Bédard, lauréate
du prix Engagement social Fernand-Dufour

M. Patrick Huot

M. Huot : Merci, M. le Président. Je prends la parole, aujourd'hui, pour rendre hommage à Mme Josée Bédard, lauréate du prix Engagement social Fernand-Dufour 2015, le prix de la circonscription de Vanier-Les Rivières. Mme Bédard est une preuve vivante de la grandeur d'âme de certaines personnes dans notre société. Ayant elle-même vécu à travers des difficultés physiques dans son enfance, étant elle-même une proche aidante pour deux membres de sa famille immédiate, elle réussit à trouver, à travers ses épreuves personnelles, beaucoup de temps pour aider les autres.

Elle fait du bénévolat depuis 1990 auprès de différents organismes, bénévole à La Résidence des Nobles auprès des personnes âgées, à l'IRDPQ auprès des personnes accidentées, à La Butineuse de Vanier auprès des enfants, à la Fraternité Ste-Marie, aux Petits Frères et au Centre de parrainage civique de Québec. C'est d'ailleurs un jury indépendant de personnalités de Vanier-Les Rivières qui lui a accordé cette distinction. J'ai ainsi remis à Mme Bédard le prix Engagement social Fernand-Dufour 2015 le 25 février dernier, lors d'une soirée qui a rassemblé, dans ma circonscription, à l'école Notre-Dame-du-Canada de Vanier, plus de 300 personnes liées à quelque 70 organismes. Félicitations, donc, à Mme Bédard! Vous représentez, en tous points, l'amour et le don de soi. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, on vous remercie, M. le député, pour votre déclaration.

Et cette dernière déclaration met fin à la rubrique Déclarations de députés. Et les travaux sont suspendus pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 59)

(Reprise à 10 h 16)

Le Président : Mesdames messieurs, nous allons nous recueillir quelques instants.

Présence de l'ambassadeur des États-Unis du Mexique,
M. Francisco Suárez Dávila, et du consul général à
Montréal, M. Francisco Eduardo Del Río López

Merci, veuillez vous asseoir, ou presque, car j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur des États-Unis du Mexique, M. Francisco Suárez Dávila. M. Suárez Dávila est ici à l'occasion de sa visite officielle. M. l'ambassadeur est accompagné du consul général de Montréal, M. Francisco Eduardo Del Río López. Messieurs, vous aurez constaté que votre drapeau flotte sur les mâts de l'Assemblée nationale.

Nous poursuivons les affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre des Relations internationales et de la Francophonie.

Entente en matière de sécurité sociale entre les gouvernements
du Québec et de la Roumanie, et note explicative

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. En vertu de l'article 22.2 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, je dépose, à titre de document, l'engagement international important suivant ainsi qu'une note explicative sur le contenu et les effets de l'engagement : L'Entente en matière de sécurité sociale entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la Roumanie, signée à Québec le 19 novembre 2013.

Le Président : Alors, je vous avise qu'en vertu de l'article 22.3 de la Loi du ministère des Relations internationales la motion est présentée, mais ne pourra être débattue avant 10 jours.

Dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.

Une voix : ...

Le Président : Vous avez une motion, je pense, hein? Vous avez une motion. Vous avez une motion. Vous avez raison.

Une voix : ...

Le Président : Tout à fait. Alors, Mme la ministre, je vais écouter votre motion.

Motion proposant d'approuver l'entente

Mme St-Pierre : M. le Président, en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur le ministère des Relations internationales, je fais motion pour que l'Assemblée nationale étudie, dans le délai prescrit par la loi et en vue de son approbation, l'engagement international important que je viens de déposer, à savoir l'Entente en matière de sécurité sociale entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la Roumanie, signée à Québec, le 19 novembre 2013.

Le Président : Adoptée?

Une voix : ...

Le Président : Alors, M. le leader du gouvernement, au dépôt de documents.

Réponses à des pétitions et à des
questions inscrites au feuilleton

M. Fournier : Il me fait plaisir de déposer les réponses du gouvernement aux pétitions présentées par le député de Marie-Victorin le 11 février 2015, par la députée de Joliette le 19 février 2015, de même que les réponses du gouvernement aux questions inscrites au feuilleton, le 24 février 2015, par le député de Chauveau et adressées à la ministre de la Sécurité publique; le 17 mars 2015, par la députée de Taschereau et adressée au premier ministre.

Lettre de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Ottawa et
déclaration officielle du ministère saoudien des Affaires
étrangères au sujet de M. Raif Badawi

Le Président : Ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose une lettre que m'a adressée l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Ottawa, accompagnée de la déclaration officielle du ministère saoudien des Affaires étrangères au sujet de l'affaire Raif Badawi.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission des transports et de l'environnement et député d'Orford.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 32

M. Reid : Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des transports et de l'environnement qui, les 23 et 24 mars 2015, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique afin d'en prolonger l'application.

• (10 h 20) •

Le Président : Alors, le rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni de réponses orales aux pétitions

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège

Réponse de la ministre déléguée à la Réadaptation, à la
Protection de la jeunesse et à la Santé publique au
sujet de l'entente Canada-Québec sur l'itinérance

À la rubrique Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel, j'ai reçu ici... Je vous avise que j'ai reçu dans les délais prescrits une demande d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège de M. le député de Rosemont.

Dans son avis, le député allègue que la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique aurait commis un outrage au Parlement, et il soutient que la ministre aurait induit sciemment la Chambre en erreur relativement à une réponse qu'elle a donnée lors de la période de questions et de réponses orales du 18 mars dernier concernant l'entente Canada-Québec sur l'itinérance.

Le député de Rosemont indique dans son avis que l'entente Canada-Québec sur l'itinérance prévoit des pourcentages de sommes qui doivent être dépensées pour des projets s'inscrivant dans le Logement d'abord. Lorsque la ministre a répondu à la question qui lui a été posée sur ce sujet le 18 mars dernier, elle a répondu qu'il n'y avait aucun pourcentage dans l'entente. Selon lui, cela constituerait un outrage au Parlement.

Le député de Rosemont réfère également dans son avis à la jurisprudence élaborée à la Chambre des communes concernant le fait d'avoir fait des déclarations contradictoires devant l'Assemblée, ce qui pourrait également donner ouverture à une question de violation de droit ou de privilège fondée à première vue.

Décision de la présidence sur la recevabilité

Je suis prêt à rendre ma décision à ce sujet immédiatement. Comme vous le savez, en matière d'outrage au Parlement, dans un cas où on soutient qu'un député a induit sciemment la Chambre en erreur — et je l'ai déjà indiqué dans une décision rendue en septembre 2011, et je cite... bien, je me cite — «il faut démontrer le caractère intentionnel de l'acte pour que la présidence puisse conclure qu'un député a sciemment induit la Chambre en erreur. La jurisprudence parlementaire a toujours rappelé le principe fondamental prévu au paragraphe 6° de l'article 35 de notre règlement selon lequel on doit toujours accepter la parole d'un député. Cette présomption en faveur d'un député ne peut être renversée que si celui-ci, lors d'une intervention, induit l'Assemblée en erreur et, par la suite, reconnaît l'avoir délibérément trompée, commettant ainsi un outrage au Parlement.» Fin de la citation.

À ce sujet, le député de Rosemont allègue que la ministre aurait induit sciemment la Chambre en erreur, car la réponse qu'elle a donnée ne concorderait pas avec le contenu de l'entente Canada-Québec sur l'itinérance rendue publique le 19 mars. Elle aurait, selon lui, donné deux versions contradictoires des mêmes faits. Or, dans le cas qui m'est soumis ce matin, rien ne permet de conclure que la ministre a reconnu avoir délibérément induit la Chambre en erreur par une déclaration à l'Assemblée. De plus, même en s'inspirant de l'interprétation donnée par la présidence de la Chambre des communes, rien ne permettrait de conclure que la ministre a donné deux versions contradictoires des mêmes faits.

Il faut bien comprendre que, lorsque la présidence analyse la recevabilité d'une question d'outrage au Parlement, les faits qui lui sont soumis doivent être probants à leur face même. Lorsqu'il est question de versions contradictoires, il faut que le même député qui s'exprime sur un sujet en soit arrivé à donner deux versions qui se contredisent, alors qu'ici il s'agit plutôt d'une interprétation différente d'une situation qui est donnée par deux députés. Je déclare donc la demande irrecevable. M. le député de Rosemont.

M. Lisée : M. le Président, j'accepte votre décision. Bien sûr, elle est finale, et je comprends de la jurisprudence que vous citez que, pour que la demande d'outrage soit recevable, il aurait fallu que la ministre admette avoir erré dans sa déclaration précédente et que donc, si devant cette Assemblée on admet une erreur, on se rend vulnérable à une procédure en outrage, ce qui est un peu bizarre. Je ne remets pas le règlement en question, mais je me dis que, si un député, un ministre, a l'attitude respectueuse de dire : J'ai erré, je corrige le tir, ça devrait terminer la discussion. Mais ce n'est pas le cas. Je comprends cette jurisprudence. Et ce que vous nous dites, c'est que, si elle a dit blanc en Chambre et si un document qu'elle dépose dit noir, ce n'est pas suffisant pour dire qu'elle s'est contredite.

Alors, M. le Président, ce que j'offre aujourd'hui à la ministre, c'est, si elle accepte, de son siège, de corriger le tir et de donner une nouvelle lumière à sa déclaration, l'opposition officielle ne déposera pas de nouvelle procédure en outrage et va accepter la parole de la ministre.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Fournier : Vous aurez remarqué que j'ai laissé notre collègue revenir sur la décision. Il a dit qu'il ne la remettait pas en question, mais il en a discuté, et je ne lui enlève pas le droit de discuter et de contextualiser les décisions prises par la présidence. J'anticipe que l'opposition assurera toujours le même traitement lorsque ce sera la réaction de la partie gouvernementale. J'ai noté la semaine dernière que ce fut un traitement différent.

Ceci étant, M. le Président, je constate de ce qu'a dit notre collègue qu'il reprend ou reformule votre décision, veut conserver une interprétation qui ne colle pas à l'interprétation et même aux mots prononcés par la collègue. Il a eu l'occasion hier de le soulever à la période de questions, il peut le resoulever. Ce n'est pas en nous annonçant que, si on n'est pas satisfait, du côté de l'opposition, on va considérer ça comme un outrage que nous allons donc nous conformer à une conduite qu'il souhaite. Nous allons continuer, M. le Président, d'écouter les questions, nous allons espérer qu'ils écoutent les réponses et nous allons nous comporter de manière à ce que les Québécois aient le gouvernement le plus transparent et le plus attardé à ce que le Québec progresse bien pour les Québécois.

Le Président : Je vous remercie, tout le monde, là, mais... Je vous remercie, tout le monde, sauf que la décision que je viens de rendre est une décision qui est basée sur l'état actuel de notre jurisprudence. Et, ceci étant dit, elle est claire, vous pourrez toujours la relire. Vous allez avoir du temps en masse pour la lire dans les journées qui viennent.

Questions et réponses orales

Mais, en ce qui me concerne, nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales. Et je cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.

Accès aux services d'interruption volontaire de grossesse

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : M. le Président, nous connaissions la propension du ministre de la Santé à s'ingérer en tout en santé. Il s'est mis au centre du système en tassant le patient, évidemment. Il intervient même, vous le savez, au niveau des chefs de département de certains établissements.

Dans ce cas-ci, il a fait tout un faux pas, M. le Président : il a décidé de s'ingérer dans les avortements en imposant des quotas dans un projet de règlement, ce que lui a appelé un document de travail, M. le Président, et qui émane du ministère, un simple document de travail, évidemment, du ministère. Et quelle réaction il a eue ce matin, suite à cette... à la dénonciation des différents groupes? Il a dit tout d'abord que l'article était faux, du Devoir, c'est ce que j'ai entendu, ce n'était pas vrai; que la dame, Mme Anne-Marie Messier, était simplement une directrice de centre qui ne faisait que défendre sa clinique, pas les patients, pas les femmes du Québec. Lui défend les patients, mais pas cette dame.

La proposition du ministère, elle est grave. Elle attaque le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes, un droit qui a été acquis de longue lutte. Ce qu'on s'attend du premier ministre aujourd'hui, c'est qu'il fasse ce qu'il n'a pas fait dans une première étape, c'est consulter ces gens-là. Pas deux, trois personnes que le ministre connaît, là, des gens qui ont passé leur vie justement à s'occuper et à travailler avec les femmes au niveau du planning.

Ce que je demande au premier ministre, c'est de faire un bon pas, de dire qu'il va retirer toute mention de quota ou de maximum pour les médecins, qu'il va revoir le travail du ministre de la Santé pour s'assurer que le droit des femmes ne soit pas attaqué, M. le Président.

Le Président : M. le ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je remercie mon collègue pour sa question puis je voudrais affirmer très clairement qu'il est hors de question de reculer sur ce grand consensus québécois qui vise à donner aux femmes un accès non seulement gratuit, mais le plus libre possible, bien sûr, à l'interruption de grossesse. Il n'est pas question de changer ça. On n'a absolument aucune modification, de notre côté en tout cas, dans cette question très, très importante.

Cependant, je trouve qu'il pousse l'interprétation un peu trop loin. Notre collègue aura l'occasion de préciser les éléments du règlement et ceux qui ont été discutés pour leur véritable sens. Il s'agit non pas de limiter, mais, au contraire, d'augmenter l'accès aux services, ce qui inclut les services d'interruption de grossesse. Alors, le gouvernement n'a aucune intention, directement ou indirectement, de restreindre l'accès libre et gratuit des femmes à l'interruption de grossesse.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : Moi, je crois le premier ministre. Le problème c'est que tout le monde ne le croit pas, ne croit pas son ministre. J'ai une lettre signée par des dizaines de femmes et d'hommes qui travaillent soit dans les cliniques ou dans le planning, dans l'avortement, et ils constatent que le projet de règlement va avoir un impact direct sur l'accès des femmes à l'avortement.

Donc, ce que je demande seulement au premier ministre, c'est de refaire le travail, qu'il prenne l'engagement de revoir le règlement à la lumière des recommandations des femmes et des hommes qui travaillent dans le domaine...

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, bien sûr, ce règlement fera l'objet de dépôt, de consultations, les gens auront l'occasion de faire des remarques. Mais je veux quand même répéter ce que je viens de dire, et je pense qu'il faut que ça soit bien compris, qu'il n'est absolument pas question de limiter de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, l'accès des femmes du Québec à l'interruption de grossesse. Il a eu raison de dire que c'est le résultat de longues batailles, c'est un acquis de notre société sur lequel nous n'entendons absolument pas revenir.

Maintenant, encore une fois, je pense qu'il prend quelques raccourcis en ce qui a trait au règlement lui-même et sa véritable implication sur l'accès aux services. Je rappelle que ce règlement se trouve dans le contexte plus large d'une loi qui vise précisément à augmenter l'accès aux services médicaux des Québécois et des Québécoises.

• (10 h 30) •

Le Président : En terminant. Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : Le premier ministre ne peut pas dire cela, le projet de règlement n'a pas cet effet-là. C'est des dizaines de femmes qui sont dans le domaine, qui ont des cliniques, qui disent qu'il va arriver exactement le contraire. Alors, le constat, c'est que le projet de règlement, le document de travail va à l'encontre du droit des femmes. Donc, à partir de là, on fait un constat, il y a le ministre de la Santé qui dit une chose et il y a toutes ces femmes et hommes qui travaillent dans le milieu qui disent le contraire.

Ce qu'on demande, tout simplement, c'est qu'on retire les quotas, qu'il dise spécifiquement qu'il va retirer toute référence à des quotas sur les avortements au Québec, M. le Président.

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, est-ce qu'il faut vraiment que je répète pour une troisième fois que le gouvernement n'a aucune intention, directement ou indirectement, de limiter l'accès aux services d'interruption de grossesse? Je pense avoir été très clair.

Maintenant, il s'agit, comme il dit, d'un projet de règlement. Il y aura dépôt éventuel après l'adoption éventuelle de cette loi, M. le Président — je suis prudent — on pourra, bien sûr, avoir des échanges là-dessus. Mais ce qu'on veut faire, M. le Président, c'est faire en sorte que les médecins qui ont déjà des pratiques — les médecins omnipraticiens — des pratiques spécialisées dans des domaines comme l'interruption de grossesse ou les soins de fin de vie continuent de le faire de façon non obstruée et non interrompue, bien sûr, et qu'il est, bien sûr, normal que les médecins en pratique également voient des patients, et les suivent, et donnent accès à leurs services. Il n'est pas question, M. le Président, encore une fois, de limiter l'accès à l'interruption de grossesse.

Le Président : Troisième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard : Je pense que les gens ont compris que, parfois, le gouvernement est spécialiste dans l'art de dire une chose et faire son contraire. Dans ce cas-ci, le premier ministre semble plus préoccupé par l'idée de sauver la face de son ministre que de s'occuper du droit des femmes à un accès libre à l'avortement. Ce qu'on souhaite... Et je ne suis pas seul, il y a des dizaines de femmes et d'hommes au Québec qui demandent la même chose et qui n'ont pas été consultés, pas dans une réflexion du ministre, dans un document émanant du ministère de la Santé...

Je demande l'engagement du premier ministre d'enlever toute référence à des quotas dans le projet...

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, on demeure déterminés à faire en sorte que les Québécois et Québécoises aient un meilleur accès aux soins médicaux, notamment aux soins de médecins de famille. Il y a des données qui montrent clairement qu'on a de la capacité de services médicaux qui est non utilisée.

Mais je vais répéter une quatrième ou une cinquième fois, M. le Président, que le gouvernement n'a aucune intention, directement ou indirectement, de limiter l'accès aux services d'interruption de grossesse.

Le Président : Principale, Mme la députée de Taillon.

Impact des décisions du gouvernement
sur les conditions de vie des femmes

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : M. le Président, le ministre a reculé, il a reconnu que c'était déraisonnable de rendre illégale la fécondation in vitro chez les femmes de plus de 42 ans. Il s'est rendu à nos arguments et à ceux des experts, mais il a aussi choisi d'imposer trois ans de relations sexuelles préalables au lieu d'un an ou deux ans, comme d'autres experts le disent. Et aujourd'hui, dans l'interruption volontaire de grossesse, il doit faire des acrobaties pour clarifier le contraire de ce que ses règlements annoncent. En plus de retirer la FIV du panier de services couvert par la RAMQ, le ministre limite l'accès au crédit d'impôt qu'il met en place pour soutenir les couples infertiles. Il exige que les couples n'aient aucun enfant pour pouvoir simplement avoir accès à un crédit d'impôt. Par exemple, si un des membres du couple a eu un enfant d'une union précédente, son nouveau couple est exclusivement et automatiquement exclu.

Le ministre va-t-il reculer sur cette mesure et donner accès à un soutien financier aux couples infertiles qui souhaitent avoir un deuxième enfant?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, je vois qu'il y a une parenté entre le Parti québécois et ceux qui écrivent des articles en première page du Devoir, pour ce qui est de l'imprécision des informations. Je n'ai, évidemment, jamais annoncé que je reculais sur quoi que ce soit et j'ai dit ici, en Chambre, M. le Président, qu'il y avait des commissions parlementaires qui servaient à entendre les experts nous faire des recommandations, et que les recommandations seraient entendues, et que, s'il devait y avoir des amendements, ces amendements-là seraient proposés, débattus et éventuellement adoptés. Alors, il est faux, M. le Président, de dire que j'ai reculé sur quoi que ce soit. J'écoute, je réfléchis et j'agis après.

Ceci dit, M. le Président, la députée de Taillon revient encore aujourd'hui sur les délais d'attente avant d'avoir accès à la procédure lorsqu'il y a une démonstration qu'il n'y a pas de problèmes médicaux. Encore hier, la députée de Taillon n'a pas entendu le centre de procréation médicalement assistée qui a la plus grande histoire au Québec, presque 30 ans, McGill, qui est venu nous expliquer que c'était nécessaire d'avoir cette balise-là, M. le Président, et, encore aujourd'hui, dans son intervention, elle en fait fi.

Est-ce que c'est la caractéristique du Parti québécois de nier les évidences? Probablement que c'est oui.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : M. le Président, le Québec a besoin d'enfants, et aujourd'hui les couples sont prêts à avoir des enfants beaucoup plus tard dans leur vie. Et ça aussi, les experts nous le démontrent avec des tableaux très éloquents, ils sont moins fertiles après ces années-là. Il y a quand même 2,7 % des enfants qui naissent au Québec et qui proviennent de la fécondation in vitro. 2,7 %, c'est significatif. On voulait des balises, mais pas de l'obstruction.

Le ministre peut-il s'engager aujourd'hui à reculer sur cette barrière et permettre aux couples qui souhaitent un deuxième enfant d'y avoir accès?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, je vais répéter ce que je viens de dire, alors... Et, je l'ai déjà dit dans une autre période de questions, ici, c'est le salon bleu, où on a des débats, mais la commission parlementaire doit faire son travail, et ce travail-là ne peut pas se faire simultanément ici et en commission... Ce n'est pas une question de reddition de comptes, M. le Président, c'est une question de procédure. Je le sais que les procédures, c'est un terme qui est difficile à comprendre pour certaines organisations politiques, M. le Président, mais il n'en reste pas moins que... D'ailleurs, il y a quelques instants, M. le Président, un député faisait référence à de l'outrage au tribunal, et ça, c'était une question de respect de procédure. Je vois que c'est à géométrie variable au PQ, M. le Président.

Le Président : Complémentaire, Mme la députée de Maisonneuve... Hochelaga.

Mme Carole Poirier

Mme Poirier : Y a-t-il une ministre responsable de la Condition féminine au Conseil des ministres? Moins de places en CPE, augmentation des tarifs, sous-financement des groupes communautaires pour les femmes victimes de violence, immigrantes, itinérantes, coupes dans les programmes favorisant l'égalité, dans les mesures contre l'exploitation sexuelle, dans le système de santé, retrait des sages-femmes des CISSS, restriction de la procréation assistée et maintenant restrictions dans l'IVG et le planning.

Quelle est la prochaine attaque envers les femmes que vous allez laisser passer, Mme la ministre?

Le Président : M. le leader du gouvernement, je...

M. Fournier : Je vais laisser... Il y aura une réponse, évidemment, mais juste une... Est-ce que c'est une question principale? Je ne vous ai pas entendu le dire, mais ce n'est certainement pas une complémentaire, il n'y a pas de lien avec la première question.

Le Président : Je me suis informé sur la question que vous venez de me poser et je me suis fait dire que c'était une question complémentaire. Et je pense que le fil qui retient ce débat-là est sur... Enfin, entre vous et moi, là, on élargit beaucoup le sujet, mais je vais l'accepter et je vais demander à quelqu'un d'y répondre. Oui, M. le leader.

M. Fournier : En tout respect pour la décision que vous venez de prendre, vous acceptez qu'elle soit élargie, mais que... Est-ce que ce sera une ligne de conduite pour l'avenir, que les additionnelles pourront toujours être beaucoup plus longues? Je cherche juste à avoir des précisions sur...

Le Président : Oui, je comprends. Je vais essayer de ne pas étirer la sauce moi-même et permettre à quelqu'un de pouvoir y répondre. Ceci étant dit, évidemment, la volonté générale, là, nos questions complémentaires doivent être complémentaires à la question initiale.

Maintenant, est-ce que quelqu'un veut y répondre? Mme la ministre responsable de la Condition féminine.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : M. le Président, je tiens à rassurer ma collègue, il y a une ministre responsable de la Condition féminine dans ce gouvernement, et, justement, c'est un gouvernement responsable, qui veille à la bonne santé des finances publiques afin de pouvoir continuer de soutenir les mesures...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît! La question a été bien posée. J'ai même avisé qu'elle était un peu élargie. Au moins, ayez la décence de bien écouter la réponse. Madame.

Mme Vallée : Un gouvernement responsable, M. le Président, c'est ce que nous sommes, et équilibrer les finances publiques est nécessaire pour pouvoir maintenir le filet social qui est cher aux Québécois et aux Québécoises. Et, M. le Président, je prends mes responsabilités à coeur, et la collègue n'a pas de leçons à me faire.

• (10 h 40) •

Le Président : Principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

Écart de richesse entre le Québec et ses voisins

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, depuis le départ de Robert Bourassa du Parti libéral, on n'a pas connu de chef au Parti libéral qui se passionne pour le développement économique. Se passionner pour le développement économique, M. le Président, ce n'est pas seulement un slogan pendant une campagne électorale. Se passionner pour le développement économique, c'est de faire une obsession, d'être capable de se dire à chaque mois : Combien j'ai eu d'investissements privés? Combien j'ai eu d'emplois de qualité? Se passionner pour l'économie du Québec, M. le Président, c'est de refuser que le Québec continue de recevoir 9,5 milliards de péréquation parce que le Québec est plus pauvre que les autres provinces, qu'il est de plus en plus dépendant de cette péréquation. M. le Président, hier, le premier ministre a été incapable trois fois de répondre à ma question : Quel est son objectif d'ici 2018 pour réduire l'écart de richesse de 15 % entre le Québec et l'Ontario? Pas de plan, même pas d'objectif. Aujourd'hui, je vais essayer. Peut-être que le premier ministre n'est pas bon avec les écarts, peut-être qu'il est meilleur avec les classements.

Donc, aujourd'hui, je vais lui dire, quand on regarde les 10 provinces canadiennes, les 50 États américains, le Québec est 57e sur 60 États pour son PIB par habitant. Que vise-t-il pour 2018?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je suis toujours à la recherche de la première idée de notre collègue en ce qui a trait au développement économique et à la création d'emplois. Tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, c'est des prises de position qui visent à fermer les régions du Québec. Nous, on n'est pas dans cette direction-là, on intervient sur tout le territoire du Québec.

Je vais lui redire ce que je lui ai dit hier. Oui, bien sûr, on va faire en sorte que ces écarts se réduisent, mais en y allant de façon méthodique, de façon rationnelle. Puis je pense que les citoyens et les citoyennes comprennent très bien que cette question-là a plusieurs aspects. Il faut parler de démographie, il faut parler de formation, il faut parler de productivité, il faut parler de fiscalité, il faut parler de fardeaux réglementaire et fiscal, d'où l'importance de débattre du rapport de la commission Godbout. Alors, oui, M. le Président, on est dans cette direction-là et on va y arriver. D'ailleurs, il y a des signes encourageants, quand même 50 000 emplois... près de 52 000 emplois au net créés depuis notre arrivée au gouvernement. Je sais bien que ce n'est pas important pour le collègue, mais ça me semble être un bon signe, de même que les chiffres de croissance économique qui sont révisés à la hausse par beaucoup d'institutions financières, de même que les livraisons manufacturières qui augmentent au Québec, alors qu'elles diminuent ailleurs, de même que la longue liste d'annonces de création d'emplois qu'on a faite en région, M. le Président. Alors, je lui suggère de bien écouter, de bien lire, de bien regarder. Et je lui demande, encore une fois, de nous présenter une idée.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, on a un premier ministre qui se satisfait de peu. Il est content de dire qu'on n'a créé aucun emploi à temps plein depuis qu'il est là, il est content de nous dire que le Québec marche, alors que nos voisins courent.

Je répète ma question. Actuellement, le Québec est 57e sur 60 États pour son PIB par habitant. Que vise-t-il pour 2018? Est-ce qu'il vise à ce qu'on reste 57e? Sinon, quel rang vise-t-il?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je répète qu'on va faire en sorte que cet écart se réduise à chaque année. Et d'ailleurs je lui ai remis un graphique l'autre jour qu'il a oublié, perdu, égaré, pas lu, qui montre qu'en fait par rapport à l'Ontario la croissance du PIB par habitant est plus élevée depuis quelques années au Québec qu'en Ontario. Il le sait très bien, mais il oublie de le rappeler à la population.

D'autre part, lorsqu'il parle des emplois à temps partiel qui ont été créés, on veut, bien sûr, qu'il y ait des emplois à temps plein qui s'ajoutent, il dit aux personnes qui nous écoutent : Si vous avez de l'emploi... à temps plein souvent par votre propre choix, bien, vous n'êtes pas bons. Votre emploi, il n'est pas de qualité. Vous ne valez même pas la peine d'être comptés. Nous, on dit, M. le Président : Un emploi qui existe, c'est un bon emploi. On va continuer à créer de l'emploi. On veut qu'il y ait plus d'emplois à temps plein, puis on veut qu'il y en ait en région, notamment en Gaspésie. Puis il n'aime pas les Gaspésiens, on le sait, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, la Banque Royale vient de sortir une étude pour dire que cette année, en 2015, la croissance économique va être de 3,3 % en Ontario, seulement 2 % au Québec. C'est l'avenir des jeunes, M. le Président. Est-ce que nos jeunes vont avoir des défis au Québec? Est-ce qu'ils vont pouvoir faire leur vie professionnelle ici, au Québec?

Je repose ma question. On est 57e sur 60. C'est quoi, son objectif pour 2018? Quand va-t-il avoir de l'ambition?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, quand notre seule ambition exprimée en cette Chambre, c'est de fermer les régions, on ne devrait pas donner de leçons sur l'ambition, M. le Président.

Le Président : M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : M. le Président, question de règlement. Le premier ministre prête des intentions. Si c'est ça, faire de la politique autrement, d'être mesquin comme il le fait depuis quelques semaines...

Des voix : ...

Le Président : M. le leader du...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le leader du deuxième groupe d'opposition, je vais vous demander de retirer les propos que vous avez... À tout le moins...

Une voix : ...

Le Président : Oui, oui, oui, absolument.

Une voix : ...

Le Président : Bien, parfait. M. le premier ministre.

Une voix : ...

Le Président : Pardon? Merci. M. le premier ministre.

M. Couillard : Alors, M. le Président, nous, on va continuer à faire en sorte que les finances soient équilibrées à long terme, que la croissance économique se rétablisse. On a plusieurs gestes concrets qui sont en cours et qui seront bientôt annoncés dans le budget. Je l'invite à écouter le budget. Si je me souviens bien, lui-même disait, il n'y a pas si longtemps, que c'est des finances publiques équilibrées que ça prend pour relancer l'économie du Québec. Bien sûr, maintenant que ça arrive, ce n'est plus important. Mais on va le répéter qu'on est très fiers, M. le Président, d'amener le Québec aux portes de finances publiques équilibrées...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...d'une prospérité partout, dans toutes les régions du Québec.

Le Président : Principale, M. le député de Lévis.

Accès à l'avortement

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, jeudi dernier, le ministre de la Santé a finalement déposé la grille de pondération du travail des médecins, qui est au coeur du projet de loi n° 20. Après analyse par plusieurs, cette grille va engendrer une bureaucratie monstre et des coûts majeurs pour l'État. Elle est aussi difficilement applicable, ingérable et inéquitable.

Par exemple, si un médecin veut pratiquer plus de 504 avortements par année, il pourra le faire, mais il sera pénalisé, son choix sera limité. C'est écrit juste ici. Le ministre impose donc un quota qui aura des effets directs. Or, le ministre de la Santé se défend ce matin en disant que son intention n'est pas de limiter les avortements, que ce n'est pas son objectif. C'est vrai, mais ce qu'il ne considère pas, par contre, c'est que les effets d'un tel quota vont se traduire par une limitation de l'accès à l'avortement pour les femmes.

Est-ce que le ministre de la Santé est conscient que les effets d'imposer des quotas d'avortements aux médecins vont se traduire par une limitation de l'accès? Prend-il au sérieux les inquiétudes de groupes de femmes manifestées ce matin?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, je rappelle au député de Lévis que cet article-là, c'est écrit sans consultation de qui que ce soit au ministère, mais ça va me faire plaisir de donner quelques éclaircissements au député et aux trois oppositions de notre gouvernement.

Le projet de loi n° 20, M. le Président, c'est un projet de loi qui augmente la capacité de services à la population — je répète, augmente — et, dans cette augmentation-là, M. le Président, il y a une configuration qui inclut un volume d'IVG et de soins de planification des naissances. L'augmentation par rapport à aujourd'hui, M. le Président, exige un accès qui soit plus grand par définition, augmentation. En plus, M. le Président, quand on prend la peine de lire le règlement et qu'on se rend à l'article 6 — je ne sais pas si c'est possible — on constate, M. le Président, que le projet de loi a prévu dans son règlement que la direction régionale de médecine générale puisse reconnaître et laisser continuer les gens qui en font leur spécialité, ce qui signifie que la majorité des activités qui se font actuellement en clinique de planning familial vont continuer telles quelles parce que, dans notre gouvernement, nous ne reculerons jamais sur le droit des femmes à avoir accès...

Le Président : En terminant.

M. Barrette : ...aux avortements, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Lévis.

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, si la volonté du ministre de la Santé, en haussant le ton, est de vraiment garantir l'accès aux avortements — pas le droit, l'accès aux avortements — il doit simplement retirer la limite de 504 avortements imposée injustement aux médecins, ceux qui veulent pratiquer à temps plein peuvent pouvoir le faire librement et sans contrainte, sinon le résultat va être une limitation de l'accès à l'avortement.

Le ministre s'engage-t-il maintenant à retirer ce quota d'avortements du projet de loi n° 20? Ce n'est pas compliqué, ça peut se faire.

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, les anglophones et les Chinois, lorsqu'ils parlent du français, ils disent : C'est une langue complexe, et, manifestement, c'est le cas. Alors, M. le Président, le projet de règlement, il est très clair. La loi, M. le Président, augmente l'activité, l'accès, le volume, ça le fait. Et, dans cette augmentation-là, M. le Président, il y a une proportion qui est prévue pour ces activités de planification familiale. En plus, M. le Président, la majorité de ces activités-là se font dans des cliniques de planning familial, où actuellement, encore une fois, la majorité se fait, et pour lesquels on a prévu dans le règlement actuel, si on s'en donne la peine, de le lire...

Le Président : En terminant.

M. Barrette : ...qu'il y aura une exemption, à toutes fins utiles, de l'application de la loi. Ce n'est pas...

• (10 h 50) •

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Lévis.

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, le ministre de la Santé parle d'exemption. Ce matin, il en a parlé, mais il parle au conditionnel. On lui demande d'être concret et de parler au présent. Ce n'est pas compliqué, c'est aussi ça, la langue française.

Le ministre semble être le seul à comprendre ses orientations. Les quotas d'avortements ne sont pas la première décision du ministre de la Santé qui va affecter les femmes et les jeunes couples, il va aussi interdire la fécondation in vitro pour les femmes de 42 ans et plus et mettre fin au programme public de procréation assistée.

Les intentions du ministre ne sont pas limitées à l'avortement, il nous le dit, mais les conséquences pourraient être réelles si le ministre refuse de retirer cette limitation. Va-t-il la retirer?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, je suis content de donner raison, pour une fois, au député de Lévis, ce n'est pas la seule chose dans le projet de loi n° 20 qui va toucher les jeunes femmes et les jeunes couples. Il a raison, c'est tout le projet de loi n° 20. Le projet de loi n° 20, c'est pour donner accès, justement, à ceux qui attendent, ceux que j'ai déjà dit qu'ils attendent à moins 20° l'hiver pour avoir un rendez-vous chez le médecin de famille et qui n'ont pas... C'est les femmes... Ceux qui ont été évoqués, M. le Président, par le Conseil du statut de la femme, les ai-dan-tes naturelles de tous âges, c'est elles, c'est pour elles que le projet de loi a été mis en place, M. le Président. Nous défendons l'intérêt des femmes du Québec, définitivement, et en toutes circonstances.

Le Président : M. le député de Chambly, en principale.

Respect du droit à l'éducation pour les
étudiants des collèges et des universités

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, hier, j'ai demandé au ministre de l'Enseignement supérieur de s'assurer à ce que le droit à l'éducation soit respecté au Québec parce qu'en ce moment, sur nos campus, ce droit, il est brimé. Malgré les beaux discours théoriques, le ministre a été incapable, hier, de s'engager à émettre une consigne écrite et claire. Ce matin, bien, on voit le résultat : l'Université Laval, plutôt que de prendre ses responsabilités, lance des invitations cordiales, elle invite les étudiants qui manifestent à respecter le choix de ceux qui veulent assister à leurs cours. Elle invite aussi bien cordialement les enseignants à déterminer s'ils peuvent, oui ou non, donner leurs cours.

Mais où est le leadership? Le ministre prendra-t-il ses responsabilités et donnera-t-il par écrit la consigne aux directions de sanctionner les étudiants perturbateurs et de s'assurer, de s'assurer que les cours soient donnés dans de bonnes conditions?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. François Blais

M. Blais : Alors, merci pour la question. Tout d'abord, ce n'est pas le ministre qui sanctionne les étudiants perturbateurs. Je n'ai pas d'étudiants, là, sous ma responsabilité directe. Bien sûr, ce sont les établissements d'enseignement, on va en convenir là-dessus.

J'ai lu l'article, comme vous, ce matin. Effectivement, si ce qui est rapporté est vrai, je suis assez perplexe parce que, je le répète, hein, les établissements ont la capacité, ils ont les moyens. Il faut qu'ils aient la volonté, hein, mais... Et c'est ça qui était mis en cause dans l'article ce matin, il faut qu'ils aient la volonté d'agir. Ils n'ont aucune raison pour ne pas le faire, le faire de façon lucide, en prenant les bons moyens. Le ministre n'a pas à ajouter quelque moyen dans les mains des établissements. Je le dis encore aujourd'hui, ils peuvent et ils doivent le faire.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Chambly.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, on est devant la perplexité et la mollesse. Et le ministre a été ferme une seule fois, c'est quand il a menacé les étudiants d'annuler leur session. Là, il a été ferme. Mais, en faisant ça, il a fait le contraire de son devoir de ministre de l'Enseignement supérieur, qui est de garantir le droit à l'éducation. Il devient, à ce moment-là, l'ennemi des étudiants qui veulent étudier. Or, il doit les défendre.

Le ministre peut-il se rétracter et dire qu'il n'est pas question d'annuler la session pour les étudiants qui veulent étudier?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. François Blais

M. Blais : Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas entendu la dernière phrase. Il n'est pas question de... Voulez-vous m'aider? Il n'est pas question de...

Une voix : ...

Le Président : ...deuxième complémentaire. M. le ministre.

M. Blais : Je m'excuse, hein, c'est l'âge, M. le Président. C'est certainement l'âge. Donc, je n'ai pas dit qu'il n'est pas question d'annuler ou... ce que j'ai dit précisément, c'est que, compte tenu des ressources limitées que nous avons à notre disposition, compte tenu des efforts que tout le monde fait ici, en Chambre, notamment, bien sûr, mes collègues ministres, des efforts importants, il n'est pas question — voilà la bonne citation — il n'est pas question que je prenne de l'argent au niveau de l'enseignement primaire ou au niveau de l'enseignement secondaire pour prendre cet argent et aller la déposer du côté de reprise éventuelle, et j'ai voulu...

Le Président : M. le député de Chambly, en deuxième complémentaire.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci, M. le Président. Pourtant, là, il y a une évidence, mais je vais quand même la rappeler au ministre et à son gouvernement. Dans un système d'éducation qui fonctionne normalement, là, les dirigeants dirigent, les professeurs enseignent et les étudiants qui veulent étudier, bien, ils ont accès aux cours et ils peuvent étudier.

Le ministre prendra-t-il ses responsabilités et donnera-t-il par écrit, clairement, une consigne aux directions de sanctionner les étudiants perturbateurs et de prendre les moyens pour que les cours soient donnés?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. François Blais

M. Blais : Alors, très bien, j'ai compris la fin de la question, M. le Président, cette fois-ci. Donc, encore une fois, hein, les établissements sont responsables, hein, des règlements de vie à l'intérieur, hein, des lieux, là, qui sont occupés en ce moment par les étudiants. Pour l'essentiel, il faut rappeler qu'à peu près, aujourd'hui, 95 % des étudiants, là, ont accès librement, sans aucune difficulté, à leurs cours. Pour les quatre ou cinq, hein, qui sont en difficulté, je le répète, les établissements peuvent agir, ils peuvent utiliser le règlement de vie, ils peuvent sanctionner à la pièce complètement les étudiants pour les actions qui sont posées, ils n'ont aucunement besoin...

Le Président : En terminant.

M. Blais : ...d'une directive pour cela. C'est l'évidence.

Le Président : Principale, M. le député de Matapédia-Matane.

Libération par erreur du détenu Francis Boucher

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, dans l'affaire Francis Boucher, lundi soir, la ministre émet un communiqué disant — et je cite — qu'aucun détail ne sera divulgué, étant donné les enquêtes en cours. Or, son ministère fait exactement le contraire. Une porte-parole dit d'abord aux médias qu'il s'agissait d'une erreur administrative. Un autre responsable du même ministère disait plutôt que c'était un stratagème. Hier, la ministre ajoute qu'on envisageait maintenant de contrôler les entrées et les sorties des prisons. On va lui enlever 50 % de la tâche, on va se concentrer sur les sorties.

Est-ce que la ministre de la Sécurité publique peut seulement nous expliquer pourquoi, si elle a mis des mesures en place suite aux évasions d'Orsainville pour renforcer la sécurité dans les prisons, Francis Boucher, un criminel avec un lourd dossier, est présentement en cavale et peut-être même nous écoute, M. le Président?

Le Président : Je ne sais pas ce qu'il écoute, mais on va entendre Mme la ministre de la Sécurité publique.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault : Vous savez, M. le Président, je pense que le sujet dont il est question est un sujet qui est extrêmement sérieux. Et je comprends que le député fait un peu d'humour avec ça, par contre, M. le Président, je pense qu'il faut être clair, là, ce que j'ai dit hier, c'est qu'on ne pouvait pas faire avec des «peut-être», mais que ça nous prenait des réponses à nos questions, et c'est la raison pour laquelle il y a des enquêtes qui sont en cours : une, de la Sûreté du Québec, et une autre, administrative. Mais, puisque le député me parle des sorties, je vais juste lui répéter que, dans nos centres de détention, O.K., je pense qu'une personne libérée par erreur, c'est une personne de trop. C'est la position que n'importe quel ministre de la Sécurité publique doit avoir, M. le Président. Je l'ai dit hier, je le répète aujourd'hui.

Ceci étant dit, M. le Président, je n'ai pas attendu que M. Boucher soit en cavale — je vais le dire comme ça, M. le Président — pour poser des actions concrètes concernant les libérations par erreur qui se produisent et qui se sont produites également sous un gouvernement du Parti québécois, M. le Président, là. Ce n'est pas nouveau, ça a toujours existé. Une, c'est une de trop.

Le Président : En terminant.

Mme Thériault : M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir puis je compléterai la réponse à la question du député.

Le Président : On va souhaiter que notre auditeur conserve l'attention de l'audition...

M. Bérubé : M. le Président...

Le Président : M. le député de Matapédia-Matane, c'est à vous, en complémentaire.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, vous remarquez que la ministre refuse systématiquement d'utiliser le terme «évasion» pour parler de la fugue de Francis Boucher. Alors, résumons. Le prisonnier n'est plus en prison. La police est à ses trousses. Son avocat lui dit de se rendre. La ministre dit d'appeler le 9-1-1 si on le voit. C'est une évasion, M. le Président. Et ce n'est pas n'importe quel prisonnier, condamné à 10 ans pour gangstérisme, intimidation sur les policiers, et combien d'autres. Alors, est-ce qu'elle va enfin nous dire que c'est une évasion puis que c'est problématique...

• (11 heures) •

Le Président : Mme la ministre de la Sécurité publique.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault : M. le Président, je pense que, peu importe l'hypothèse qui sera retenue, ce qui est important, c'est que les policiers, présentement, sont à la recherche de M. Boucher. Et, oui, je ne me gênerai pas de dire aux Québécois de faire le 9-1-1 et d'appeler la police. Je ne me gênerai pas de le faire parce que je crois sincèrement que, M. Boucher, sa place est dans nos centres de détention. Et, à chaque fois que la sécurité du public sera compromise, je pourrai dire, M. le Président, de faire le 9-1-1 et d'informer les policiers, parce que je pense qu'on doit compter sur la collaboration du public à partir du moment où il y a des gens qui sont en liberté et qui ne devraient pas l'être, M. le Président. C'est ça, le rôle de la ministre de la Sécurité publique, et je vais continuer à le faire, n'en déplaise au député de Matane...

Le Président : En terminant.

Mme Thériault : ...M. le Président.

Le Président : Complémentaire? Principale? Principale, Mme la députée de Joliette.

Avenir de la Cinémathèque québécoise

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Ce matin, en conférence de presse, les gens de la Cinémathèque québécoise lancent un cri d'alarme à la ministre de la Culture afin d'éviter que la cinémathèque ne disparaisse dans une fusion forcée appréhendée avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Ça fait suite à un autre cri du coeur lancé au début du mois par des producteurs et réalisateurs bien en vue comme Rock Demers, Denys Arcand, Claude Fournier, Marie-José Raymond, Micheline Lanctôt, Gabriel Pelletier, face à la crainte d'assister à ce mariage forcé.

La Cinémathèque québécoise est la seule au Canada, une des plus importantes dans le monde, M. le Président. Sa mission est essentielle pour préserver, diffuser, promouvoir notre patrimoine audiovisuel et cinématographique. Ce qu'on souhaite, ce n'est pas une fusion, c'est un meilleur soutien de notre institution québécoise du cinéma. La ministre de la Culture doit dès maintenant mettre un terme à l'incertitude et être claire dans ses intentions pour rassurer tout le milieu.

Est-ce qu'elle va, oui ou non, abandonner ce projet inacceptable de fusion forcée?

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Je suis vraiment contente d'avoir l'occasion de mettre les points sur les i et d'être très claire, M. le Président. C'est assez incroyable d'avoir des propos comme ça quand on sait que cette demande et cette réflexion que la cinémathèque fait... parce qu'elle est en difficultés financières et elle l'était sous le Parti québécois, elle l'était très sérieusement sous le Parti québécois.

Et donc la cinémathèque est en difficultés financières. Le gouvernement finance à hauteur de 80 %. C'est un financement important. Nous supportons la cinémathèque à tel point, M. le Président, que le président du conseil d'administration... Et, si ma collègue avait fait ses devoirs comme il faut, peut-être qu'elle aurait parlé au conseil d'administration et à son président. Une des solutions qui ont été proposées au C.A. consiste, en effet, à intégrer la cinémathèque à la BANQ. C'est une hypothèse qui est explorée au même titre que d'autres solutions actuellement sous étude. Il est important de préciser qu'en aucun moment il n'y a eu de pression exercée par le gouvernement ou le ministère de la Culture et des Communications pour forcer un mariage ou pour consommer une union non désirée. Au contraire, les hauts fonctionnaires nous accompagnent de façon respectueuse et proactive...

Le Président : En terminant.

Mme David (Outremont) : ...dans l'ensemble des démarches entreprises. Si ça, c'est un mariage forcé, si ça, c'est de mettre à mal et de mettre à mort une...

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : M. le Président, j'ai le sentiment de rejouer dans le film des conservatoires. On nous disait comment c'était formidable, le conseil d'administration était d'accord. Mais il a fallu... Parce que ni...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Il n'y a rien qu'une personne, ici, qui a le droit de parole, c'est Mme la députée de Joliette.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! La ministre va répondre à la question qui va lui être posée. Mais je voudrais l'entendre, la question, avant de...

Mme Hivon : On nous disait comment c'était formidable, que ça provenait de l'institution elle-même. C'est drôle, après que le milieu se soit mobilisé, recul total.

Aujourd'hui, je veux juste informer que... la ministre, après qu'il y ait eu une sortie excessivement importante des producteurs et réalisateurs du Québec, c'est tous les employés, c'est la cinémathèque elle-même qui se mobilise, avec des appuis de partout dans le milieu. Est-ce que la ministre peut nous dire qu'elle va abandonner le projet de fusion?

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Alors, la lettre date du 6 mars 2015, elle a été envoyée aux journaux, qui n'ont pas nécessairement pris la décision de la publier. Ça va me faire un immense plaisir de déposer cette lettre, M. le Président.

Et ce que je peux dire, c'est que la... La députée a fait référence aux conservatoires. Ça aussi, revenons-y, à cette question-là. Est-ce que l'apanage de la défense de la culture et de la protection de la promotion de la culture est l'apanage d'un parti souverainiste, d'un parti qui dit : Ah! la culture, c'est très important? Depuis 40 ans, M. le Président, c'est le gouvernement libéral qui a le plus aidé la culture pour le développement du Québec.

Document déposé

Le Président : Consentement pour le dépôt de la lettre de Mme la ministre? Consentement. Deuxième complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : J'espère profondément, M. le Président, que ce n'est pas l'apanage du Parti québécois. J'aimerais justement sentir que tous les partis sont préoccupés, et au premier chef le gouvernement. Et comment la ministre pourrait nous montrer ça? Après avoir tergiversé sur les conservatoires, après avoir abandonné la politique sur le livre, comment elle pouvait nous démontrer ça? C'est qu'elle écoute le milieu et que, non, elle dit non à la fusion forcée de la cinémathèque.

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Alors, écoutez, je peux l'aider à lire la lettre, si elle veut, elle va l'avoir en main propre : «...en aucun moment — et ça date du 6 mars — il n'y a eu de pression exercée par le gouvernement.» Pas de pression, mais des réunions, par exemple!

Oui, on est au travail puis, oui, on est au travail pour sauver un fleuron qui est important, la mission de la cinémathèque, et nous allons-y travailler, nous y travaillons très sérieusement, la gouvernance, le contenu et le contenant. Je sais que la réponse ne l'intéresse pas, mais je lui parle quand même.

Alors donc, la culture, pour le gouvernement libéral, est une priorité. Je pense que nous en avons fait maintes fois la preuve depuis que nous sommes au pouvoir.

Le Président : Principale, M. le député de Johnson.

Mesures pour inciter les entreprises à rester au Québec

M. André Lamontagne

M. Lamontagne : M. le Président, pendant que nos régions se sentent abandonnées et que les pertes d'emploi se multiplient, on apprenait récemment que l'entreprise Résolu au Saguenay a investi 105 millions dans une usine au Tennessee. Pourtant, il y a quelques semaines à peine, Résolu annonçait la fermeture progressive de l'une de ses machines à papier. Résultat : 85 travailleurs seront mis à la porte sous peu.

Plutôt que de miser sur le Québec, Résolu semble préférer plier bagage vers les États-Unis. M. le Président, on sait que les entreprises de chez nous peuvent être l'objet d'offensives très agressives de la part d'autres États pour les attirer sur leurs territoires. Puis, dans ce contexte aussi, on comprend que le ministre a confirmé sa politique de laisser-faire. Mais, pendant ce temps-là, nos entreprises ferment, puis les travailleurs perdent leurs emplois. M. le Président, l'exemple de Résolu est symptomatique de l'absence de stratégie de ce gouvernement pour concurrencer efficacement d'autres États qui veulent nous ravir nos entreprises.

Concrètement, quelles mesures le ministre de l'Économie va-t-il mettre en place pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise dans le futur?

Le Président : M. le ministre des Forêts.

M. Laurent Lessard

M. Lessard : M. le Président, on travaille très fort avec les entreprises de transformation, que ce soient les papetières, principalement au Québec. Je tiens à rappeler qu'actuellement, du côté de Tembec, hein, la bioraffinerie, il y a un plan d'investissement de plus de 200 millions de dollars qui leur permet aujourd'hui d'avoir des revenus, de donner des bons emplois au Témiscamingue. Je tiens à rappeler que... du côté de Kruger, la première entreprise de filaments cellulosiques au monde, qui est actuellement en démonstration puis en production, qui donne de bons emplois dans la région de Trois-Rivières. Du côté de Domtar, au Québec, la première entreprise de stature mondiale à faire de la nanocellulose cristalline, qui permet donc d'accéder à de nouveaux marchés qui étaient non encore exploités encore au Québec. L'ensemble Cascades, qu'on va inaugurer prochainement à Cabano, mon collègue, une entreprise d'hémicellulose, donc la fibre de bois au service, donc, des produits de transformation, que ça soit dans le carton, dans le papier tissu, donc dans la demande mondiale, dans la fabrication de couches, partout. Quatre entreprises sur cinq bénéficient déjà de ces investissements majeurs pour toutes les régions du Québec.

On a invité Résolu à faire une demande officielle pour convertir les machines à papier pour rester dans un marché qui est en progression et pour que, tranquillement pas vite, pour le papier journal...

Le Président : En terminant.

M. Lessard : ...qui est en diminution sur la planète, puisse continuer de donner des bons emplois au Lac-Saint-Jean...

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Johnson.

M. André Lamontagne

M. Lamontagne : M. le Président, je remercie le ministre pour sa réponse, mais ma question porte sur l'absence de plan de ce gouvernement pour contrer les offensives qui viennent de d'autres juridictions pour prendre des entreprises chez nous. Alors, le ministre le sait très bien, la réalité, c'est que la compétition, elle est vive et elle sera toujours de plus en plus vive.

Sachant cela, qu'est-ce que ce gouvernement-là a fait depuis son élection pour faire en sorte que des Electrolux puis des Résolu, ça ne se produise plus?

Le Président : M. le ministre des Forêts.

M. Laurent Lessard

M. Lessard : La stratégie de diversification des entreprises du Québec : Tembec, bioraffinage; Kruger, filaments cellulosiques, première mondiale; Domtar, première mondiale, nanocellulose cristalline; Cascades... Quatre des cinq entreprises du Québec, quatre des cinq bénéficient de l'aide gouvernementale dans une stratégie de diversification économique sans comparable, que ce soit dans d'autres provinces... Première mondiale deux fois sur trois au Québec. Alors, on va continuer d'aider l'industrie à se diversifier, à transformer, à investir au Québec pour que ce soit à partir du Québec qu'on puisse faire nos stratégies pour envahir les marchés mondiaux...

 (11 h 10)

Le Président : En terminant.

M. Lessard : ...et non pas de subir la concurrence.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Johnson.

M. André Lamontagne

M. Lamontagne : Parlant de Cascades, ça a été bien triste, là, il n'y a pas si longtemps, quand Cascades a décidé d'aller investir pour ouvrir une usine aux États-Unis plutôt que d'en d'ouvrir une autre ici, au Québec.

Mais ma question, elle revient toujours à la même chose, O.K.? C'est que ça prend un plan pour faire face aux offensives qui viennent de l'extérieur. Il n'y a pas longtemps, à la La Presse canadienne, le ministre de l'Économie a parlé de son plan, qui est le laisser-faire. Alors, nous, ce qu'on demande, c'est : Quelles sont les mesures concrètes que le ministre entend prendre pour rassurer les Québécois que leurs entreprises puis leurs emplois ne disparaîtront pas à chaque offensive...

Le Président : M. le ministre des Forêts.

M. Laurent Lessard

M. Lessard : Si tous ces investissements se sont faits, M. le Président, c'est parce que le Parti libéral du Québec a eu une approche de développement sur la chimie verte. On est encore avec des mesures d'investissement, au Québec, dans un plan de Raymond Bachand, qui était ministre des Finances à ce moment-là. Et la prochaine entreprise qu'on va aller inaugurer à Cabano, prochainement, qui ont concrétisé ces investissements-là pour donner de l'emploi, faire un positionnement stratégique, pour être très compétitifs à partir du Québec, pour le Québec, mais pour donner des services aussi à l'étranger, dans nos produits d'exportation...

Le Président : Alors, ça met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, nous en sommes à la rubrique des motions sans préavis, et je reconnais un membre du groupe formant l'opposition officielle. Mme la...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît, là! Non, mais ça peut se faire dans le silence, une sortie nécessaire. Alors, je laisse la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve parce que j'aimerais ça entendre sa motion. Mme la députée.

Mme Poirier : Alors, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Lévis et la députée de Gouin, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale réitère le droit de toute femme de disposer de son corps et de services d'avortement gratuits et accessibles;

«Qu'elle exige du gouvernement le retrait de toute mesure liée au projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, limitant de quelque façon que ce soit ces droits.»

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Il n'y a pas consentement. Non, il n'y a pas de consentement, puis on ne peut pas débattre du non-consentement. Un membre du deuxième groupe d'opposition...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui? Oui, Mme la leader?

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, un instant. Non, non, mais un instant! Oui, je la vois debout, mais, pour qu'elle soit debout, il faut que ce soit autre chose que le consentement.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Ah! parfait. Alors, je veux vous entendre.

Mme Maltais : Alors, je comprends qu'il n'y a pas consentement, mais, si on...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Non, non, mais j'ai compris. Alors, comme ce n'est pas là-dessus, j'aimerais... Sur quoi?

Mme Maltais : ...sur les droits des femmes, la motion à l'avortement. Alors, pendant qu'on fait des quolibets, de l'autre côté, et qu'on rigole...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Attendez un peu, attendez un peu, attendez un peu. Moi, je veux juste...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant! Je veux juste vous entendre, puisque vous avez dit — s'il vous plaît! — que ça ne portait pas là-dessus. Attends un peu! Si ça ne porte pas là-dessus, ne parlez pas de ce qui vient de se passer. Et là je vais vous entendre.

Mme Maltais : On veut savoir quelle est la partie qu'il rejette, pour que nous puissions...

Des voix : ...

Mme Maltais : ...pour que nous puissions...

Des voix : ...

Mme Maltais : ...comme il est d'usage, s'il peut y avoir des discussions qui nous amènent à une motion unanime, on aimerait y travailler.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Un instant!

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, vous voyez ce que ça...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Les deux côtés. Alors, vous voyez ce que ça fait, là, quand on ne veut pas s'entendre. Je veux juste expliquer qu'on ne peut pas faire indirectement ce qui a été décidé. Alors, vous aurez... La vie ne s'arrête pas aujourd'hui, là, donc il pourra y avoir d'autres discussions.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, mais un instant! Il pourra y avoir d'autres discussions entre les leaders, puis il n'y a rien qui empêche... À ce que je sache, il y a une journée de Chambre demain, donc vous aurez les discussions qui vous regardent, puis, si, effectivement, cette motion peut revenir là, elle reviendra.

Alors, je reconnais maintenant un membre du deuxième groupe de l'opposition.

M. Bonnardel : M. le Président, je demande le consentement pour déposer la motion suivante conjointement avec le député de Rousseau et le député de Mercier :

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec d'amorcer des discussions avec le gouvernement fédéral afin de rapatrier au Québec l'ensemble des opérations entourant la production des rapports d'impôt et de mettre en place un rapport d'impôt unique.»

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Y a-t-il consentement de débattre de cette motion? Il n'y a pas consentement.

Nous en sommes maintenant...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Non, non, mais moi... Vous n'entendez pas, je viens de vous dire qu'il n'y a pas consentement.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Bien, je n'ai pas inventé ça, moi, là, il n'y a pas consentement. Un membre du groupe formant le gouvernement. Mme la ministre de la Justice, à vous.

Souligner le 140e anniversaire du
Y des femmes de
Montréal et
du YMCA de Québec

Mme Vallée : M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la députée de Montarville et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques :

«Que l'Assemblée nationale souligne le 140e anniversaire du Y des femmes [de] Montréal et de la YWCA [de] Québec;

«Qu'elle souligne l'importance de la mission de ces organismes qui contribuent à contrer la violence et la discrimination envers les femmes et les filles;

«Qu'elle réitère que, malgré les avancées importantes, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent et que l'apport des organismes comme [le] YWCA contribue à l'atteinte des objectifs en matière d'égalité;

«Qu'enfin, l'Assemblée nationale félicite et remercie toutes les femmes et les hommes qui oeuvrent et qui ont oeuvré au sein de ces organismes et reconnaisse le travail essentiel qu'ils ont accompli.»

Le Vice-Président (M. Gendron) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Sklavounos : ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, la motion est adoptée. Je reconnais Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour la présentation de sa motion sans préavis. Mme la députée, à vous.

Remercier les groupes participant aux consultations sur
le Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière
d'agression sexuelle et demander au gouvernement
de poursuivre son engagement à enrayer ce fléau

Mme Massé : Merci, M. le Président. Je demande le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante conjointement avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et la députée de Montarville.

«Que l'Assemblée nationale remercie chaleureusement tous les groupes participant aux consultations particulières sur le Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle;

«Qu'elle affirme [en] vue d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, cet enjeu est une priorité;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que les consultations se poursuivront dans le cadre du forum itinérant comme le proposait la motion votée à l'unanimité le 25 novembre 2014;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'urgence d'agir et demande au gouvernement de poursuivre son engagement visant à enrayer ce fléau dont trop de femmes, d'enfants et d'hommes sont victimes.»

Le Vice-Président (M. Gendron) : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Sklavounos : Oui, M. le Président, il y a consentement. Nous proposons des interventions d'une durée de deux minutes par intervenant, dans l'ordre suivant : commencer par la députée de Gouin, la députée d'Hochelaga... la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques — désolé, M. le Président — la députée d'Hochelaga-Maisonneuve par la suite, la députée de Montarville et finalement notre ministre de la Justice et ministre responsable de la Condition féminine.

• (11 h 20) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le leader adjoint. On s'est entendus, des interventions de deux minutes, et on va le faire dans l'ordre indiqué. Je cède à nouveau la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour son intervention de deux minutes. À vous.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse qu'on reconnaisse collectivement qu'il y a quelque chose qui se passe actuellement dans la société québécoise, à laquelle, encore une fois, l'Assemblée nationale dit : C'est assez, il faut mettre fin à ça. Nous tenions, par cette motion, aussi à remercier les groupes qui étaient présents en commission parlementaire, qui ont contribué à nous aider à comprendre cette réalité et à mieux saisir comment on pourrait agir pour mettre fin à ce fléau.

Alors, je pense que les groupes sont venus... les groupes qui travaillaient tant en prévention, au niveau de l'intervention sont venus nous dire l'importance de faire en sorte de tout mettre en oeuvre pour changer les mentalités. C'est là qu'on en est rendus, M. le Président. C'est-à-dire que, si on veut que toutes les formes de violence faite aux femmes cessent, il faut de façon claire, de façon continue dire qu'au Québec c'est inacceptable. L'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas une vue de l'esprit, n'est pas un objectif sur papier, c'est quelque chose que nous voulons toutes et tous atteindre. Nous voulons que ça s'arrête et, pour ça, on est prêts à mettre tous et toutes l'épaule à la roue.

Les groupes sont venus, de façon assez claire, nous dire toutes sortes de choses mais essentiellement, à mon sens, deux éléments. Ça prend la volonté politique. Et je peux vous dire, M. le Président, qu'à la commission on le sent, tout le monde là, tout le monde qui est autour de la table travaille ensemble pour faire en sorte de trouver les différents éléments qui vont faire en sorte que ça s'arrête. Et bien sûr il faut, en plus de la volonté politique, que les fonds nécessaires viennent s'y joindre. Alors, poursuivons le travail, et je sais que nous allons réussir à atteindre nos objectifs. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et, toujours sur cette même motion, je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour son intervention. À vous, madame.

Mme Carole Poirier

Mme Poirier : Merci, M. le Président. Eh bien, effectivement, les consultations auprès des groupes... auprès de quelques groupes ont été faites dans les quatre dernières séances. Ça nous a permis, effectivement, d'entendre l'importance, l'importance du problème qu'est la violence sexuelle faite aux femmes, mais aussi faite aux enfants et aux hommes, l'importance de changer nos mentalités, je reprends l'expression de ma collègue, parce qu'encore durant nos travaux, pendant nos travaux, une jeune femme qui est à la direction d'une association étudiante a été menacée de viol parce qu'elle prend la parole. C'est inacceptable qu'on utilise le viol pour menacer. Parce que c'est une menace qui ne peut s'adresser qu'aux femmes, M. le Président. Et il faut dénoncer fortement, fortement que l'utilisation de cette violence qui s'adresse aux femmes exclusivement, elle est une menace à l'intégrité de la personne.

Alors, M. le Président, ce changement de mentalité, je souhaite qu'il commence ici, en nos murs, dans un premier temps, qu'il s'étende et que l'on devienne tous et chacun... chacun des membres de cette Assemblée devienne un porte-étendard de l'égalité hommes-femmes et surtout de toute cette menace qu'il y a sur ce qu'on appelle la culture au viol et la culture à la pornographie.

Alors, M. le Président, nous avons étudié le bilan de la ministre en matière d'agression sexuelle. Nous aurons des forums qui vont se poursuivre. Nous aurons un débat dès ce midi pour conclure sur ce qu'on a entendu dans un premier temps. Mais je rappellerai, M. le Président, qu'encore aujourd'hui, encore cette semaine, dans mon journal local, on annonce les superhéros et les superprincesses comme camp de jour dans Hochelaga-Maisonneuve, c'est inacceptable, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci, Mme la députée, de votre intervention. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville pour son intervention. C'est à vous.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Alors, c'est avec grand plaisir, tout comme mes collègues, et surtout grand intérêt que j'ai assisté aux auditions des groupes dans le cadre des consultations particulières sur le Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle.

Soulignons que les personnes qui ont été agressées sexuellement se dirigent souvent vers les services d'aide offerts par des organismes, des centres communautaires et des maisons d'hébergement. Nous les avons entendues. Les témoignages que nous avons reçus dans le cadre de ces consultations ont été fort intéressants mais surtout percutants. Les groupes entendus nous ont décrit des réalités qui parfois nous dépassent mais qui pourtant reflètent la souffrance des personnes qui les vivent.

Par ailleurs, j'aimerais souligner la grande qualité des mémoires soumis par les organismes qui ont travaillé d'arrache-pied pour effectuer ce bilan. Ces auditions et mémoires sont essentiels pour la suite des choses et doivent absolument être considérés dans l'élaboration du nouveau plan gouvernemental. J'aimerais particulièrement... J'ai particulièrement apprécié, pardon, le fait que ces consultations aient été non partisanes, faut-il le souligner. Peu importe notre allégeance politique, la question des agressions sexuelles est un phénomène de société extrêmement préoccupant qui nous interpelle tous, puisque ces gestes inacceptables bouleversent la vie de trop de Québécoises et de Québécois, enfants, femmes et hommes.

Aussi, je ne peux terminer sans évoquer le double fardeau subi par les femmes handicapées, les femmes immigrantes, les femmes autochtones. Ces dernières sont confrontées à des réalités différentes qu'il nous faut absolument inclure et considérer lorsque l'on aborde la problématique des agressions sexuelles. Par ailleurs, les hommes agressés sexuellement ne sont pas à laisser pour compte. Il est de notre devoir d'examiner la situation à laquelle ils font face, une problématique trop souvent passée sous silence.

Alors, tous ensemble, nous allons réexaminer ces documents, et nous devons travailler pour trouver une solution inclusive. Il faut que ça arrête. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, on vous remercie, Mme la députée de Montarville, pour votre intervention. Je cède la parole maintenant à Mme la ministre de la Justice pour son intervention.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Il est important de se rappeler un peu le contexte dans lequel nous avons abordé cette commission parlementaire. Rappelons-nous, en novembre dernier, le mouvement qui secouait le Québec, le mouvement des agressions non dénoncées, qui avait fait boule de neige sur les médias sociaux, un mouvement par lequel des femmes, des femmes connues, des femmes publiques, indiquaient haut et fort qu'un jour, dans leur vie, elles avaient été victimes d'agression sexuelle. Il n'était pas question, dans ce mouvement-là, de pointer du doigt, mais tout simplement de sensibiliser la population du Québec à ce fléau que demeurent les agressions sexuelles.

Nous avons choisi ici, à cette Assemblée, de prendre le dossier et de profiter de l'échéance du plan d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle pour fouiller, pour approfondir la question afin de voir de quelle façon nous pourrions, ultimement, éventuellement, aborder cet enjeu-là. Parce que, malgré tout ce qui a été fait, malgré toutes les avancées... Et, on doit le dire, le plan d'action comportait 100 mesures. 100 mesures. Le plan d'action rassemblait plus de 10 ministères. Il y a eu énormément d'énergie, beaucoup d'investissements financiers qui ont été dirigés vers la lutte aux agressions sexuelles. Malgré tous ces efforts, les statistiques demeurent quand même troublantes. Certains diront : Il y a plus de dénonciations, les gens dénoncent davantage, les statistiques augmentent. C'est vrai, mais chaque agression demeure une agression de trop.

Alors, nous avons, lors des derniers jours, eu la chance d'entendre de nombreux groupes qui oeuvrent, de près ou d'un petit peu plus loin, auprès des victimes, auprès des femmes, auprès des hommes et auprès des agresseurs. Ces groupes-là ont soumis un certain nombre d'observations dont nous prendrons note. Maintenant, le débat demeure, et nous avons les forums, et nous entendons participer activement à la suite des choses. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, on vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Et il y a également une autre motion sans préavis.

Des voix : ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron) : Est-ce que... Oui, excusez! Est-ce que cette motion est adoptée, celle qu'on vient de débattre, là?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Bon, on m'avait indiqué qu'il y a une autre motion sans préavis qui a été présentée par le groupe parlementaire formant le gouvernement. Est-ce que c'est exact? Alors, comme c'est... Qui doit la présenter?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, comme il s'agit d'une deuxième motion, il faudrait avoir le consentement. Y a-t-il consentement pour la présentation de cette motion sans préavis?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui?

M. Sklavounos : ...le leader adjoint. Il s'agit d'une motion touchant les travaux de la Commission des institutions sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit...

• (11 h 30) •

Le Vice-Président (M. Gendron) : Exact, mais il n'y a pas de problème, il y a consentement. Allez, présentez votre motion.

Procéder à une consultation générale sur le document intitulé
Orientations
gouvernementales pour un gouvernement plus
transparent, dans le respect du droit à la vie privée et
la protection des
renseignements personnels

M. Sklavounos : Merci. Alors, je fais motion, M. le Président, pour :

«Que la Commission des institutions procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du mardi 1er septembre 2015 sur le document intitulé Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels, déposé à l'Assemblée nationale le 17 mars 2015 par le ministre [...] de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques;

«Que les mémoires et les demandes d'interventions soient reçues au Secrétariat des commissions au plus tard le vendredi 14 août 2015; et

«Que le ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci. Nous avons terminé les motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. Je cède à nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour la présentation de ses avis des commissions. M. le leader.

M. Sklavounos : Merci, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission de la santé et des services sociaux poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, dès maintenant pour une durée de deux heures et complétera lesdites auditions de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

La Commission de l'économie et du travail, quant à elle, poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 34, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite relativement au financement et à la restructuration de certains régimes de retraite interentreprises, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Merci.

Motions sans préavis

Procéder à une consultation générale sur le document intitulé
Orientations
gouvernementales pour un gouvernement plus
transparent, dans le respect du droit à la vie privée et
la protection des
renseignements personnels (suite)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron) : Merci. Excusez, là. Je veux avoir votre attention. J'aurais dû demander, quand il a présenté la motion précédente sans préavis sur la commission, demander si la motion était adoptée. Alors, moi, j'ai compris qu'elle était adoptée, mais j'ai oublié de le faire.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui en séance de travail, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May, afin de préparer l'audition du Centre de services partagés du Québec afin d'examiner le chapitre 3 du rapport du Vérificateur général, printemps 2014, intitulé Acquisitions de biens et de services; en séance publique, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin d'entendre le Centre de services partagés; et en séance de travail, de 18 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, afin de statuer sur les observations, les conclusions et les recommandations à la suite de cette audition.

Je vous avise également que la Commission des relations avec les citoyens se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 12 h 15 à 13 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de la séance est de déterminer les observations, les conclusions ou recommandations de la commission suite aux consultations particulières et les auditions publiques sur le Plan d'action gouvernemental 2008‑2013 en matière d'agression sexuelle.

Y a-t-il des renseignements sur les travaux? Je n'en vois pas, de demande.

Affaires du jour

Alors, nous en sommes à la période des affaires courantes. Les affaires courantes étant terminées, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Et je cède à nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour les affaires du jour. À vous.

M. Sklavounos : Oui. M. le Président, auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 10 de notre feuilleton?

Projet de loi n° 19

Adoption

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui, on va appeler l'article 10 du feuilleton d'aujourd'hui. C'est M. le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations qui propose l'adoption du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives, et je suis prêt à entendre les interventions s'il y en a. M. le ministre? Alors, M. le ministre, je vous reconnais pour votre intervention, à vous la parole.

M. Jacques Daoust

M. Daoust : Merci, M. le Président. Fondamentalement, comme son titre l'indique, le projet de loi vise à modifier la Loi sur les coopératives, laquelle régit les coopératives non financières du Québec, dans le but de résoudre certains problèmes d'application et d'interprétation et de répondre à des attentes du mouvement coopératif.

Le projet de loi permet d'introduire de nouvelles dispositions applicables à toutes les coopératives d'habitation dont un immeuble a été construit, acquis, restauré ou rénové dans le cadre de programmes gouvernementaux québécois ou canadiens d'aide à l'habitation. Afin de préserver le patrimoine coopératif de ces entreprises, la vente de ces immeubles ou leur changement d'affectation seraient désormais assujettis à une demande d'autorisation déposée auprès du ministre chargé de l'application de la loi. Cette formalité additionnelle devrait contrer l'augmentation des tentatives de démutualisation de ces entreprises au profit d'intérêts privés et assurer la vocation durable de leurs actifs. Il est d'intérêt public de protéger le patrimoine collectif des coopératives d'habitation afin de préserver ces unités de logements sociaux ou communautaires pour d'autres générations.

Le projet de loi détermine de plus les personnes habilitées à imposer certaines mesures administratives ou disciplinaires aux membres et aux membres auxiliaires d'une coopérative qui compte des membres travailleurs. Cette classification des règles simplifiera la gestion des ressources humaines de ces entreprises et réduira ainsi les coûts y afférents, permettra à ces coopératives d'exercer leur pouvoir de gestion dans les délais requis pour préserver l'efficience de leurs entreprises.

Afin de simplifier les exigences administratives et les formulaires requis lors du dépôt des statuts et des requêtes de coopératives auprès du ministre, le projet de loi habilite le ministre responsable de la loi à déterminer les modalités de transmission et de signature des documents technologiques. Le tout assure la mise à niveau des services offerts aux coopératives avec ceux déjà proposés par le registraire des entreprises du Québec. La disponibilité de services transactionnels sécurisés permettra l'accélération du traitement des actes légaux relatifs aux coopératives et la réduction des coûts qui y sont associés. Il s'agit de simplifications et d'allégements réglementaires en conformité avec les objectifs poursuivis par le gouvernement du Québec en ces matières.

D'autre part, le projet de loi propose de faciliter l'adhésion d'une coopérative à une fédération, car il s'agit d'un facteur qui contribue à l'excellent taux de survie des entreprises coopératives. Dans le cadre du projet de loi, le concept de l'impartageabilité de la réserve est réaffirmé par l'introduction d'une précision, à savoir que toute somme dévolue à une coopérative doit être affectée à sa réserve et que cette réserve ne peut être entamée de quelque manière.

Enfin, le projet de loi introduit diverses autres clarifications et certaines modifications de concordance rédactionnelle.

J'invite donc tous les membres de cette Assemblée à voter en faveur de l'adoption du projet de loi n° 19 pour que nous puissions démontrer que le gouvernement du Québec est dédié au développement des entreprises coopératives, à l'amélioration du cadre légal les régissant et à la protection du patrimoine fort important pour notre société, soit le parc immobilier des coopératives d'habitation. Ce projet de loi rassembleur mérite l'assentiment de notre Assemblée législative. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le ministre, de votre intervention sur l'adoption du projet de loi. C'est l'étape finale. Je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en cette matière. À vous la parole, Mme la députée.

Mme Carole Poirier

Mme Poirier : Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir à la fin de cet épisode législatif en lien avec le projet de loi n° 19, le projet de loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives.

Le projet de loi n° 19 et les consultations qui ont permis d'accueillir la Confédération québécoise des coops d'habitation, la Coop fédérée, la Société d'habitation du Québec, la Fédération des coopératives d'habitation intermunicipale du Montréal métropolitain, communément appelée la FECHIMM, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité... M. le Président, on doit se le dire, ce projet de loi fait l'unanimité, et il faut le souligner, il faut le souligner en cette Chambre. Bien des fois, ce que l'on voit dans les médias, c'est beaucoup plus ce qui se passe à la période de questions, mais, ce qui se passe actuellement, probablement qu'aucun média ne va le transmettre parce qu'on n'est pas en train de se crêper le chignon. Bien au contraire, dans cette commission, nous avons travaillé de façon collégiale à faire en sorte de préserver notre patrimoine immobilier collectif, qui est important, qui est un acquis social pour tous les Québécois et qui fait en sorte de donner des conditions d'habitation, je dirais, avantageuses à une clientèle qui en a bien besoin.

Vous le savez, M. le Président, le parc de coops, au Québec, de coopératives d'habitation, est né dans les années 70 et s'est développé au fil des ans à partir de budgets tant fédéraux que québécois et a permis à, principalement, des familles d'avoir accès à un logement de qualité, d'avoir accès à un logement aussi avec les moyens qu'ils ont pour consacrer une part de leurs revenus à leur loyer. Et c'est fondamentalement ce que réclament bien des groupes aujourd'hui au Québec, c'est de pouvoir avoir accès à un logement en fonction de ses revenus, et la norme sociale nous dit que ça devrait être 30 %, mais bien de nos familles, au Québec, paient largement au-dessus de 30 % la part consacrée à leur loyer.

• (11 h 40) •

Alors, nos coops d'habitation, il faut les préserver, il faut s'assurer que la loi qui les régit ne permette pas que la coop soit dilapidée ou soit transférée vers d'autres actifs ou d'autres propriétaires, et c'est ce que le projet de loi a permis de faire. Je vous rappellerai aussi que le projet de loi nous a permis de venir faire en sorte, par un amendement qui a été fait de façon collégiale... vient faire en sorte de fermer la porte à toute possibilité qu'une coopérative puisse se voir achetée ou tout simplement reprise par une finance, par un tiers qui ne serait pas communautaire ou collectif. Et ça, je dois remercier le ministre de sa compréhension et de sa collaboration. Et je pense qu'il est dans notre intention à tous de protéger et je pense que c'est le mot qu'on doit retenir dans ce projet de loi, c'est qu'on est venus «protéger», on est venus fermer la porte à toute tentative de reprise de notre parc locatif collectif dans les coops d'habitation par des tiers ou même par les coopérants eux-mêmes qui, à la fin d'une convention, pouvaient avoir l'idée de devenir eux-mêmes propriétaires de leur propre coop. Alors, on est venus fermer cette porte et, fort heureusement, on l'a fait, je pense, de façon fort efficace.

Aussi, M. le Président, je ne peux pas passer sous silence... et je le répète à chaque fois, il y a une menace actuellement, une autre menace sur le parc de logements coopératifs, c'est la fin des conventions avec le gouvernement fédéral. Je réitère au ministre l'importance de cette négociation avec le fédéral, de venir protéger ce qu'on appelle le soutien à la personne. Dans notre parc de logements coopératifs, il y a des personnes qui reçoivent de l'aide à la personne, qui fait en sorte de venir abaisser leurs coûts de logement en bas du coût médian, ce qui leur permet, finalement... parce que ce sont des personnes à très, très, très faibles revenus, et ça leur permet de rester, de demeurer dans une coop mais dans un cadre d'une mixité, parce que c'est ce qu'on veut au Québec, qu'il y ait une mixité dans le logement.

Alors, à l'intérieur d'un ensemble immobilier, il y a des gens plus démunis, il y a des gens de classe moyenne, et ça permet justement cette complémentarité dans le mouvement coop. Et, si le mouvement que l'on voit, qui est déjà démarré, malheureusement, et... si on voit ce mouvement-là se poursuivre, bien il n'y aura plus de gens démunis dans nos coops parce qu'ils n'auront tout simplement plus les moyens d'y demeurer avec le retrait du fédéral à partir de la fin des conventions. Alors, je réitère ce message au ministre, à son gouvernement : Il faut trouver une solution pour maintenir la mixité dans nos coops. C'est fondamental, c'est important. Ça touche 20 000 personnes au Québec. C'est 20 000 personnes qui ont droit actuellement à cette aide au logement, mais, malheureusement, ces gens-là la perdent de mois en mois parce que les conventions s'éteignent. Et on en a jusqu'en 2025 comme ça, mais actuellement, 2015‑2020, ce sont les années les plus importantes en nombre de personnes. Et, si rien n'est fait, bien ce sont des gens démunis qui vont perdre le soutien à la personne qu'ils ont présentement grâce à l'hypothèque qu'ils ont avec la SCHL mais qu'ils vont perdre parce que la fin de la convention arrive à échéance. Alors, je renouvelle le message, il faut absolument une intervention du gouvernement du Québec versus le gouvernement fédéral pour mettre fin, mettre fin à cette offensive du fédéral, qui vient fragiliser les personnes démunies en logement. Je pense que tous ici, on est d'accord que tous ont droit à un logement, mais il faut qu'ils soient au moins capables de se le payer.

Alors, M. le Président, ce projet de loi n° 19 vient fermer la porte à la dilapidation de notre parc collectif au niveau des coops d'habitation et d'autres modalités, mais nous avons donné notre collaboration durant tout le projet de loi et nous allons continuer à le faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Je vous remercie, Mme la députée, de votre intervention sur ce projet de loi à l'étape finale. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Arthabaska pour son intervention sur le même projet de loi. À vous la parole.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy (Arthabaska) : Ça me fait également plaisir, M. le Président, de prendre la parole aujourd'hui et de réitérer notre consentement, le consentement de la Coalition avenir Québec, au projet de loi n° 19, intitulé Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives. Avant toute chose, je tiens à saluer mes collègues du gouvernement, le ministre de l'Économie et de l'Innovation, la députée d'Hochelaga, sans oublier les membres de la commission et le personnel de la commission.

C'est avec grand intérêt que j'y ai participé et que j'ai suivi ce projet de loi. Les changements que nous avons apportés à la loi étaient demandés par les acteurs du milieu. Les coopératives d'habitation existent depuis très longtemps, et en effet il était urgent de répondre à leurs inquiétudes et d'introduire des mesures de protection du patrimoine des coopératives d'habitation. Il faut préserver ce caractère coopératif et éviter que ces biens, qui étaient un peu l'acquis de notre société, deviennent seulement des objets de spéculation, rappelons-le, dans le cadre d'un programme... Parce que c'est dans le cadre d'un programme gouvernemental d'aide à l'habitation. C'est pour ça que la coalition appuie ce projet. Comme nous l'avons appris lors des commissions, il existe au Québec environ 1 300 coopérations d'habitation. Elles sont propriétaires de 2 500 immeubles qui offrent plus de 3 000 logements abordables dans lesquels vivent 60 000 personnes. Cela représente un actif de 1,5 milliard.

Donc, ce projet de loi là a aujourd'hui plusieurs aspects : il apporte une modification en ce qui a trait aux exigences requises pour le dépôt de requêtes ou de statuts de coopératives, il apporte également des modifications techniques et des modifications de concordance, mais surtout, les deux éléments centraux, on précise que les sommes dévolues à une coopérative doivent être affectées à sa réserve et qu'elles ne peuvent être entamées de quelque façon que ce soit. On introduit également une deuxième mesure de protection du patrimoine des coopératives d'habitation dont un immeuble a été construit, acquis, rénové ou restauré dans le cadre d'un programme d'aide à l'habitation, en obligeant la coopérative à préserver l'affectation sociale ou communautaire de l'immeuble, en assujettissant l'aliénation d'un tel immeuble ou la modification de son affectation à l'autorisation préalable du ministre et également dans le cas de liquidation de la coopérative. Nous avons tenté de bonifier le projet de loi et d'éviter que ces coopératives deviennent... et de préserver ce patrimoine coopératif. Ces gestes ont été demandés parce que les coops d'habitations ont, pour la plupart, reçu d'importantes sommes des programmes gouvernementaux.

• (11 h 50) •

Jusqu'à récemment, ce patrimoine était protégé par des conventions liant les coopératives aux bailleurs de fonds gouvernementaux. Ces coopératives ont commencé à arriver à terme, et la plupart des ententes viendront à échéance au cours des prochaines années. En effet, on estime que, d'ici 2024, ce sont 700 conventions qui arrivent à terme. Or, en l'absence d'un cadre juridique défini qui se substituera aux modalités des ententes arrivant à échéance, le patrimoine immobilier coopératif deviendrait vulnérable à des pressions externes et à la spéculation. Les exemples du passé nous démontrent que, dans certains cas, des individus ou corporations peuvent chercher à s'approprier une partie de ce patrimoine en les acquérant à des conditions plus que favorables, ainsi que leurs bâtiments. On peut associer cela à un potentiel de détournement d'actif en faveur de membres ou de tiers.

L'urgence d'agir était là. Et nous voulions éviter une certaine dilapidation de ces patrimoines. Le projet de loi vient freiner les pratiques encadrant ces dérives potentielles pour protéger ce parc de logements, constitué avec d'importants fonds publics.

Je tiens à remercier le ministre de l'Économie pour son ouverture et sa volonté de faire de ce projet de loi un dialogue constructif entre les partis politiques. Je salue également les interventions et les commentaires constructifs apportés par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Ensemble, nous avons été en mesure de réaliser des amendements précieux, et ce sont les coopératives d'habitation qui sortent grandes gagnantes de notre collaboration constructive.

Je souhaite donc, en terminant, réitérer l'appui de la Coalition avenir Québec à ce projet de loi important. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, Mme la députée d'Arthabaska. Je ne vois pas d'autre intervenant ou intervenante. Est-ce à dire que le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Adopté. Je retourne voir M. le leader adjoint du gouvernement pour la poursuite de nos travaux.

M. Sklavounos : Oui, M. le Président. Je vous demande d'appeler l'article 5 de notre feuilleton.

Projet de loi n° 37

Adoption du principe

Reprise du débat sur la motion de report

Le Vice-Président (M. Gendron) : À l'article 5 du feuilleton d'aujourd'hui, c'est : l'Assemblée reprendrait le débat, ajourné le 24 mars 2015, sur la motion de report présentée par Mme la députée de Mirabel dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Lors de l'ajournement de nos travaux, la parole était à M. le député de Borduas. Il lui reste 15 minutes environ pour compléter son intervention. Et je lui cède la parole pour qu'il complète son intervention. Allez, M. le député de Borduas.

M. Simon Jolin-Barrette (suite)

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Eh bien, vous l'avez mentionné, mon intervention fait suite à mon intervention d'hier soir sur la motion de report présentée par la députée de Mirabel. Et je vous entretenais, M. le Président, hier soir, de la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion de report, la raison fondamentale, qui vise notamment à reporter l'adoption de principe de sorte que nous puissions permettre au gouvernement, au leader du gouvernement de convoquer les groupes que nous avons soumis et les groupes que le parti gouvernemental pourrait vouloir entendre, ainsi que la première opposition, ainsi que le troisième groupe d'opposition.

Donc, la motion de report vise véritablement à s'assurer de pouvoir consulter l'ensemble de ces intervenants, l'ensemble de ces individus, qui pourraient apporter un éclairage sur la nécessité d'adopter ce projet de loi n° 37, notamment qui vise à empêcher les tribunaux de statuer sur l'État du droit et surtout d'empêcher qu'une évaluation environnementale indépendante soit appliquée au projet de cimenterie de Port-Daniel. Parce que, vous le savez, M. le Président, le projet de loi n° 37, c'est la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le titre en soi résume assez bien l'ensemble du projet de loi, et j'en ai fait part hier soir sur le contenu du projet de loi. Mais ce qu'il faut vous rappeler, M. le Président, c'est que ce projet est le projet industriel le plus polluant de l'histoire du Québec. Les efforts qui ont été faits pour lutter contre les gaz à effet de serre seront mis de côté. L'économie de la Gaspésie ne bénéficiera pas, à juste titre, de toutes les retombées économiques qu'un investissement de 450 millions investi d'une autre façon aurait pu amener en Gaspésie. Et, à cet effet-là, M. le Président, mon collègue de Johnson tout à l'heure a posé une question au ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation, et c'est finalement le ministre des Forêts, Faune et Parcs qui a répondu à la question, en lien avec le développement économique régional, notamment sur l'entreprise Résolu, au niveau des emplois au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Et on considère que c'est important de développer des emplois de qualité mais qu'il y ait une retombée régionale notamment au niveau des petites et moyennes entreprises. C'est important que le modèle d'affaires soit revu au niveau de l'investissement. Dans ce cas-ci, ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a laissé tomber le Saguenay—Lac-Saint-Jean et l'usine de Résolu, l'usine de papier. Et je pense que c'est important de s'y attarder parce que, lorsqu'on a un intérêt pour les régions, c'est important, dans toutes les régions, de développer l'économie, de développer un modèle économique qui sera durable et que le gouvernement soit à l'écoute.

Et d'ailleurs, M. le Président, je tiens à vous citer, en lien avec la motion de report, un article de journal qui a été écrit par Mme Sonia Lévesque le jeudi 19 mars 2015 et qui cite la présidente-directrice générale du Groupe maritime Verreault, Denise Verreault. Et, en citation, M. le Président, Mme Verreault dit : «Personne ne voudra investir ici s'il croit qu'on est voués à la pauvreté.» Et l'article se dit ainsi, donc — le lieu de rédaction, M. le Président, c'est Mont-Joli : «Selon la présidente du Groupe maritime Verreault, de Les Méchins, et je cite, "l'essor de nos régions ne va pas se régler par décret d'Ottawa ou de Québec. La prospérité de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, c'est quelque chose que l'on va devoir se donner nous-mêmes."»

Concrètement, M. le Président, ce que Mme Verreault nous dit, c'est que ce n'est pas en investissant uniquement 450 millions par un prêt, par du capital-actions du gouvernement, de la façon dont c'est fait actuellement par le gouvernement, en utilisant un modèle de développement économique tel que proposé par le gouvernement, qu'on va réussir à développer les régions. Il faut favoriser l'entrepreneuriat local, M. le Président. Il faut favoriser les petites et moyennes entreprises d'une façon qui va diversifier l'économie, tout en prenant en considération les principes de développement durable dans l'implantation de projets qui vont être porteurs pour l'ensemble des régions, l'ensemble des Québécois et particulièrement pour les Gaspésiens.

Je pourrais poursuivre, M. le Président, en lien avec cet article : «Et cette prospérité passe par les entrepreneurs, a poursuivi Denise Verreault, qui était la conférencière invitée de la Société d'aide au développement de la collectivité de La Mitis, mercredi, à la faveur de son souper et échange cartes d'affaires, qui a réuni quelque 150 personnes au Centre Le Colombien de Mont-Joli.» Et Mme Verreault dit : «"Nous avons tous le devoir de dépister les entrepreneurs parmi nous, chez les jeunes particulièrement. Au Québec, on fait plus d'efforts pour dépister et encadrer les bons joueurs de hockey que les futurs Armand Bombardier. Je n'ai rien contre les joueurs de hockey, mais ce ne sont pas eux qui vont assurer la prospérité de nos régions", soulignait la conférencière pour qui les occasions d'affaires ne manquent pas en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent.»

Concrètement, M. le Président, il faut revoir le modèle d'affaires. Le projet de cimenterie, au niveau économique, est un mauvais projet. Investir 450 millions d'argent public dans un seul projet avec, et le ministre l'a dit, avec une famille qui détient les moyens d'investir... Concrètement, la politique du gouvernement devrait être plutôt de viser une diversification de l'économie, d'autant plus que, si jamais il y a des difficultés dans l'industrie du ciment à quelconque moment, éventuellement, bien, ça va faire en sorte qu'on va se retrouver, avec les 200 emplois qui sont créés par le gouvernement, en difficultés économiques. Et le taux de chômage, M. le Président, ne diminuera pas en Gaspésie mais va plutôt demeurer stable si jamais il y avait des difficultés qui étaient rencontrées. L'importance de diversifier l'économie, l'importance de favoriser les petites et moyennes entreprises, l'importance de créer des emplois de qualité, d'assurer une diversification, ça devrait être ce à quoi le gouvernement doit s'atteler, doit développer, doit concentrer ses énergies. Parce que vous savez, M. le Président, que, si ce n'est pas fait, encore une fois il va s'agir d'un seul projet pour la Gaspésie, et par la suite on va se fermer les yeux, on va passer à autre chose, on va se diriger vers Montréal ou Québec, et puis on va négliger encore une fois les régions, on va négliger la Gaspésie, et ce n'est pas ce qui doit être fait. Il ne s'agit pas d'un unique projet qui doit être mis en branle, mais on doit concentrer l'économie, on doit concentrer nos efforts sur une diversification de l'économie notamment, et puis tout à l'heure j'y faisais référence avec l'intervention du député de Johnson sur la papetière Résolu.

Donc, M. le Président, vous savez qu'on a discuté de plusieurs éléments en lien avec le projet de loi. Notamment, le ministre hier a fait référence aux propos des groupes environnementaux qui se sont désistés, qui ont décidé de participer à... bien, en fait, dans le cas d'un groupe environnemental, le Centre québécois du droit de l'environnement, qui a décidé de participer à un comité de... je pourrais dire, de mitigation avec la cimenterie McInnis et qui s'est désisté de sa procédure judiciaire en cours, considérant que la cimenterie était déjà en marche, était déjà en phase de construction et que le gouvernement n'avait pas attendu et n'avait pas soumis cette cimenterie à une évaluation environnementale du BAPE.

Dans le fond, ce qu'on a fait, M. le Président, du côté du gouvernement, c'est qu'on n'a pas pris en considération l'aspect environnemental du projet et on a dit : Parfait, construisez, puis on verra plus tard. Et donc vous savez que les justiciables qui ont porté l'affaire en cause, l'affaire devant la cour, ce sont eux qui ont eu le fardeau de défendre l'intérêt public sur le plan environnemental, et, M. le Président, je pourrais dire, ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens qu'ils avaient.

Et je tiens à vous référer, M. le Président, à un blogue qui a été écrit par Me Michel Bélanger, l'avocat du Centre québécois du droit de l'environnement. Avant de faire cela, M. le Président, je tiens à vous rappeler que, pour Environnement Vert-Plus, le deuxième groupe environnemental qui était partie au processus judiciaire, partie à la poursuite... eh bien, ce groupe s'est désisté mais n'a pas décidé de participer au processus, considérant que les garanties qui étaient offertes par la cimenterie en lien avec ce comité n'étaient pas suffisantes et n'atteignaient pas les objectifs qui avaient été demandés par ces groupes environnementaux. Mais revenons au blogue de Me Michel Bélanger, avocat, et qui était l'avocat principal au dossier pour le Centre québécois du droit de l'environnement. Donc, ses propos vont en ce sens : «La cimenterie McInnis à Port-Daniel a fait l'objet d'une attention soutenue en février. Notre participation au processus judiciaire étant chose du passé, nous souhaitons revenir sur l'intervention des organismes Environnement Vert-Plus et Centre québécois du droit de l'environnement dans ce dossier qui n'avait rien d'ordinaire. J'y étais aux premières loges en tant que procureur des groupes environnementaux. [...]Le gouvernement du Québec a déposé, le 19 février dernier, une loi visant à confirmer sa décision de ne pas assujettir ce projet à une audience du BAPE, rendant ainsi caduque la poursuite judiciaire entamée en août 2014.»

M. le Président, ça, c'est le noeud du problème avec le projet de loi du gouvernement. Le projet de loi du gouvernement en fait le place dans une position de juge et partie.

• (12 heures) •

On a le gouvernement, par le biais de ses procureurs, qui... Je vous l'ai mentionné hier, M. le Président, le ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques est un défendeur dans cette instance en sa qualité de ministre de l'Environnement et est représenté par les avocats, les procureurs de la Procureur général du Québec, soit. Mais donc il est partie défenderesse à ce processus judiciaire. Et, le 19 février, M. le Président, c'est véritablement une intervention de l'exécutif qui vient déposer, à l'intérieur de cette Chambre, une loi qui vise à complètement soustraire le débat juridique qui avait cours ou qui aurait lieu dans... en fait, durant les semaines du 3 et du 10 mars, un débat de deux semaines qui devait être entendu par la Cour supérieure du district de Québec.

Donc, M. le Président, cette intervention-là de l'exécutif, en déposant une loi, a fait dérailler... en fait, vous savez qu'il y a une... les procureurs de la Procureur général du Québec ont déposé une demande remise sine die, le 19 février dernier, parce qu'il y avait une intervention directe du gouvernement dans cette question de droit qui devait être soumise. Parce que la question est de savoir, M. le Président : Est-ce qu'il était nécessaire que la cimenterie de Port-Daniel soit soumise à une évaluation environnementale? C'était la prétention des demandeurs dans ce dossier. Et surtout on ne comprend pas pourquoi le gouvernement refuse d'assujettir cette entreprise, ce projet, à une évaluation environnementale. Ça sera toujours, M. le Président, deux poids, deux mesures, si, à tout moment où il y a une contestation judiciaire qui est présentée, une requête en révision judiciaire pour valider est-ce que le ministre de l'Environnement a émis le certificat d'autorisation prévu en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, est-ce qu'il a été émis en fonction des règles applicables, est-ce qu'il a été émis en fonction de la loi applicable, selon les critères...

Donc, est-ce que toutes les demandes de révision judiciaire auxquelles fait face le ministre de l'Environnement, il va y avoir une loi particulière qui va être adoptée par cette Assemblée et qui va être présentée? Est-ce que toutes les entreprises... Parce que vous savez que, présentement, il y a 5 000 certificats d'autorisation qui sont émis par année par le ministère de l'Environnement. Le ministre de l'Environnement a d'ailleurs annoncé, en février dernier, qu'il visait une refonte de la Loi sur la qualité de l'environnement avec la présentation d'un livre vert, dont nous avons très hâte de consulter et de travailler en collaboration avec le ministre à ce sujet-là, parce que c'est une loi qui existe depuis désormais, je crois, 37 ans, et qui n'a pas fait l'objet de révision fondamentale. Vous savez qu'on a ajouté certaines parties à la loi, mais, cependant, il va y avoir un exercice important à faire.

Et ça revient à l'exercice de la Loi sur la qualité de l'environnement et à l'exercice dont on est saisis aujourd'hui. Est-ce que, dans tous les cas où il y a contestation, le gouvernement va intervenir, dans le cadre de l'ensemble des projets économiques, pour les gens qui voudraient développer un projet et qui serait assujetti au chapitre IV.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, soit de tenir une évaluation indépendante par le Bureau d'audiences publiques en l'environnement?

Donc, je reviens, M. le Président, à ce que Me Bélanger disait, dans ses propos, sur son blogue : «Quelques jours auparavant, Environnement Vert-Plus et le Centre québécois de l'environnement s'étaient désistés de la poursuite, ignorant que le gouvernement allait présenter une telle loi.»

La question à se poser, c'est : Est-ce qu'ils se seraient désistés de ce processus judiciaire s'ils avaient su que le gouvernement allait déposer une telle loi?

«En se retirant, le Centre québécois du droit de l'environnement a négocié avec Ciment McInnis la mise en place d'un processus de médiation qui permettra de jeter les bases d'un nouveau comité de suivi environnemental. Environnement Vert-Plus s'est retiré de la poursuite sans s'engager à participer à ce processus. En rétrospective, on constate que les groupes environnementaux que je représentais auront été les seuls à faire un gain environnemental, la loi spéciale emportant toutes autres perspectives de gains au plan juridique.»

Concrètement, M. le Président, on vient couper l'herbe sous le pied du tribunal, on vient écrire le jugement à sa place. On ne laisse pas la latitude au pouvoir judiciaire d'interpréter les règles applicables, ce qui est son fardeau, ce qui est sa responsabilité d'interpréter les règles qui font l'objet d'une contestation.

Donc, vous savez, M. le Président, qu'il s'agit d'un dossier extrêmement important, et je crois que vous me donnerez l'occasion d'en reparler. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Borduas, pour votre intervention.

Et votre intervention met fin au débat restreint de deux heures sur la motion de report présentée par Mme la députée de Mirabel dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 37.

Donc, je mets maintenant aux voix la motion de report présentée par Mme la députée de Mirabel dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

«Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant [les mots] "maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots : "dans deux semaines".»

Est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader du deuxième groupe.

M. Bonnardel : M. le Président, je demande le vote nominal pour la motion de report, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, le vote nominal est demandé. M. le leader adjoint du gouvernement? Alors, quand le vote nominal est demandé, que l'on appelle les députés.

Alors, les travaux sont suspendus quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 12 h 18)

Le Vice-Président (M. Gendron) : À vos places, s'il vous plaît.

Mise aux voix

Alors, ce que nous mettons aux voix, c'est la motion de report de la collègue de Mirabel. Alors, pas besoin de la relire. Si vous dites que oui, je vais la relire. C'est la motion de report sur le projet de loi n° 37 que nous mettons aux voix.

Alors, est-ce que cette motion est adoptée? On va faire l'appel du vote. Allez.

La Secrétaire adjointe : M. Bonnardel (Granby), M. Deltell (Chauveau), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Roberge (Chambly), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), Mme D'Amours (Mirabel), M. Laframboise (Blainville), Mme Lavallée (Repentigny), M. Lamontagne (Johnson), M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Surprenant (Groulx), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Arthabaska), M. Lemay (Masson).

M. Khadir (Mercier), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Coiteux (Nelligan), M. Moreau (Châteauguay), Mme David (Outremont), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Daoust (Verdun), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallée (Gatineau), M. Billette (Huntingdon), M. Blais (Charlesbourg), Mme St-Pierre (Acadie), M. Reid (Orford), Mme Vallières (Richmond), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Ménard (Laporte), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), M. Girard (Trois-Rivières), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Simard (Dubuc), M. Tanguay (LaFontaine), M. Bolduc (Mégantic), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Iracà (Papineau), M. Ouimet (Fabre), M. Fortin (Sherbrooke), M. Fortin (Pontiac), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Boucher (Ungava), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Auger (Champlain), M. Rousselle (Vimont), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil).

M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), M. Marceau (Rousseau), Mme Hivon (Joliette), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kotto (Bourget), M. Gaudreault (Jonquière), M. Therrien (Sanguinet), M. Bergeron (Verchères), M. Dufour (René-Lévesque), M. Drainville (Marie-Victorin), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Lisée (Rosemont), M. Traversy (Terrebonne), M. Cousineau (Bertrand), M. Rochon (Richelieu), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Péladeau (Saint-Jérôme), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Pagé (Labelle), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure).

• (12 h 20) •

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : S'il vous plaît! Y a-t-il des abstentions? Il n'y en a pas. Alors, Mme la secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour :         23

                     Contre :           90

                     Abstentions :    0

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, la motion est rejetée... Alors, s'il vous plaît, nous, on veut poursuivre, là. On sort dans le silence.

Poursuite du débat sur l'adoption du principe

Alors, puisque la motion a été rejetée, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et je suis prêt à reconnaître les interventions, s'il y en a d'autres. Et je reconnais M. le député pour son intervention. À vous la parole.

M. André Lamontagne

M. Lamontagne : Député de Johnson, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui. Oui, M. le député de Johnson.

M. Lamontagne : Alors, merci. Je suis vraiment heureux d'intervenir sur le projet de loi n° 37 que mon collègue de Borduas a si vaillamment et si bien piloté depuis le début de notre travail.

Pour se le rappeler, le projet de loi n° 37, c'est une loi qui confirme l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, grosso modo, si on veut résumer ça, ce que ça dit, c'est qu'il y a des gens qui disent que ce projet-là aurait dû être soumis à une certaine démarche au point de vue environnemental, puis ce projet de loi là vient vouloir confirmer que, dans le fond, ce projet-là n'a pas à être soumis à cette démarche environnementale là.

Alors, d'intervenir, aujourd'hui, ça va me permettre de dresser un peu le portrait de c'est quoi, le projet, mais aussi dans quel cadre ça a été autorisé, parce que, au-delà de nous rappeler que le Parti libéral et le Parti québécois ont pu dénigrer la Coalition avenir Québec parce qu'on s'est opposés à ce projet-là, il est important de rappeler qu'on s'est opposés à ce projet-là parce qu'il y avait des raisons très légitimes de le faire. Puis ces raisons-là puisent leur raison d'être dans un certain nombre de points.

Un premier point, c'est qu'en termes d'engagement financier, c'est-à-dire de combien d'argent ce projet-là va mobiliser, là, des argents du Québec — même ce n'est même pas les argents du Québec, c'est de l'argent qu'on emprunte pour prêter à ce projet-là — c'est un désastre en termes de... Les millions par emploi, là, c'est du jamais-vu.

Après ça aussi, on s'aperçoit que... Selon les études qu'on a, c'est qu'ultimement, bien, ça va devenir le projet le plus polluant, au niveau industriel, de l'histoire du Québec, au Québec.

Après ça aussi, c'est un désastre au niveau du message qu'on envoie aux autres joueurs de l'industrie, à qui on dit : Ça fait 25 ans, 50 ans, 75 ans que vous êtes chez nous, que vous investissez, que vous faites travailler des gens, puis, si vous êtes encore ici aujourd'hui, c'est parce que vous avez du succès, vous faites des profits, donc vous payez des impôts. Là, on va prendre ces impôts-là ou le levier que ces impôts-là nous donnent pour faire des emprunts puis on va aller emprunter de l'argent où on va subventionner ou aider un projet qui va venir les concurrencer directement mais d'une façon vraiment pas banale, M. le Président.

Puis c'est un désastre aussi en termes de controverses que ça a créé, parce qu'il faut se souvenir qu'on est en face d'une solution, là, où, d'un côté, le gouvernement nous dit : Non, non, ce projet-là n'est pas assujetti à une analyse environnementale parce que c'est un vieux projet qui date... Là, je n'ai pas la date, mais, mettons, de... Ça a été autorisé en quelle année? 1995, telle date. Alors, il n'a pas à être assujetti à une étude environnementale formelle du BAPE. Par contre, c'est considéré comme un nouveau projet en fonction des incitatifs que le gouvernement donne pour des grands projets, des nouveaux grands projets au Québec, un incitatif au point de vue des concessions au point de vue des crédits à l'emploi, au point de vue... un crédit en termes des émissions dans le cadre du marché du carbone, d'avoir un tarif ultracompétitif au niveau de l'électricité, d'avoir un crédit d'impôt à payer pour les 10 prochaines années. Alors, ça, c'est un nouveau projet. Mais, quand c'est le temps de regarder le volet environnemental de ce projet-là, bien là ce n'est plus un nouveau projet, c'est un vieux projet. Alors, essayez donc de réconcilier ça, M. le Président. Chez nous, on n'y est pas arrivés encore. Allez comprendre, hein?

Alors, d'abord, si on regarde l'historique, là, au départ, ce projet-là, en 1995, ça devait être un projet d'une capacité, là de... créer un investissement pour créer une cimenterie à Port-Daniel—Gascons qui prévoyait une capacité annuelle d'un million de tonnes métriques de ciment. Et puis, en 2013, le projet qui a commencé à être évalué puis regardé, on ne parle plus de 1 million de tonnes métriques de ciment, M. le Président, mais on parle de 2,2 millions de tonnes métriques de ciment, 2,2 millions de tonnes métriques avec une capacité additionnelle, si requise, de 15 %, ce qui pourrait nous monter au-delà de 2,5 millions de tonnes métriques qui seraient produites par année.

Alors, quand on regarde tout ça, qu'initialement, s'il y a un avis qui avait été donné sur ce projet-là, M. le Président, c'était sur la base que c'était un projet qui allait faire 1 million de tonnes puis qui allait avoir des émissions puis des conséquences environnementales autour du million de tonnes qu'il allait émettre, mais, si on regarde maintenant le projet auquel on fait face, on ne parle plus de 1 million de tonnes, on parle de deux fois, peut-être de deux fois et demie, originalement, à ce qui avait prévu. Ça fait qu'on s'entend que nous, on a de la misère à concilier un gouvernement qui va avoir toutes sortes de lignes pour nous parler de son approche globale, générale, intégrée, et tout ça, puis de ses études environnementales stratégiques, et tout ça, puis il s'en fait l'apôtre de la bonne garde d'investissements durables et environnementalement sains au Québec puis de regarder que ce projet-là, à la première... le gouvernement, à la première occasion, a sauté à pieds joints dans ce projet-là. Ça fait que nous, on a beaucoup de misère à accepter ça.

Puis, si on regarde d'un point de vue financier, bon, on comprend qu'au départ, quand le nouveau ministre de l'Économie a été confirmé dans ses fonctions, tout de suite, il a émis un bémol, une réserve par rapport à ce projet-là en disant qu'il n'était pas sûr que c'était une bonne affaire pour le Québec. Puis là on ne sait pas qu'est-ce qui s'est passé, mais, en dedans de 36 heures, subitement, ça avait été ficelé de la bonne façon, les changements qui avaient été apportés avaient été faits, et tout ça, finalement, c'était un bon projet pour le Québec, hein?

Mais il reste qu'au départ qu'est-ce qu'on a comme projet, là? On a un projet, à l'origine, on dit que c'est un investissement d'à peu près 450 millions de dollars. Sur 450 millions de dollars, il y a 100 millions qui vient d'Investissement Québec, il y a 100 millions qui vient de la Caisse de dépôt et placement du Québec et il y a un prêt de 250 millions de dollars. Alors, sur les 450 millions qui sont là, là, il y a 100 millions, oui, qui vient de la Caisse de dépôt, qui fait partie du bas de laine des Québécois, puis c'est un investissement comme tel, mais l'autre 350 millions, là, à la lumière des affaires financières du Québec d'aujourd'hui, là, nous, on l'emprunte, cet argent-là. On prend 350 millions puis on dit : On l'investit dans ce projet-là. Ça fait qu'on parle de 450 millions, mais là-dessus il y a un 350 millions qu'on emprunte, puis, sur le bout qu'on emprunte, il y a un bout qu'on investit, puis, l'autre, on le prête à quelqu'un d'autre.

• (12 h 30) •

Puis ultimement, ce qu'on entend, les plus optimistes, une fois que c'est bâti, on nous parle d'à peu près 200 emplois. Puis, s'il y en a qui grattent puis qui creusent un petit peu, ils disent : Bien, une fois que l'usine va vraiment avoir pris son envol, là, puis que tout va être efficace puis va bien fonctionner, bien, c'est peut-être plus proche de 150 que de 200.

Puis l'autre chose aussi qu'on peut regarder à travers ça, c'est que, des emplois qui vont rester puis qui vont être des emplois permanents dans l'usine, là, il y en a une partie importante qui ne pourront pas venir de la Gaspésie parce que les compétences pour ces emplois-là, présentement, ne sont pas disponibles. Alors, c'est probablement des gens qui vont partir de Montréal, qui vont partir de Sherbrooke, de Québec ou d'autres endroits au Québec, qui ont les compétences x pour aller opérer telle machine, là, qui vont avoir à se déplacer puis à s'en aller en Gaspésie pour pouvoir y travailler.

Ça fait que, si on regarde l'impact pour les Gaspésiens d'un investissement de cet ordre-là, on s'aperçoit que c'est vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de millions pour pas beaucoup, beaucoup, beaucoup d'emplois, M. le Président, hein? Mais on s'entend, chaque emploi... J'ai déjà entendu le député de Bonaventure en entrevue, avec le député de Rousseau, ils expliquaient que les gens de la Gaspésie avaient faim puis que ça, ça allait aider. Ça, je comprends ça, puis, je veux dire, on est très, très sensibles à ça. S'il y en a que sont sensibles à ça, ça commence avec nous parce que les premières personnes dont on veut s'occuper, c'est les gens de la classe moyenne qui sont égorgés, puis qu'on veut certainement contribuer à ce qu'ils soient moins égorgés.

Ça fait que, quand on entend que c'est difficile dans certaines régions au niveau de l'emploi, on est certainement sensibles à ça. On pose des questions sur l'emploi à peu près quatre fois par semaine au premier ministre de la province. Ça fait qu'ils ne viennent pas nous dire qu'on n'est pas concernés par ça. On est très concernés par ça. Où on est concernés, M. le Président, c'est qu'on prenne 450 millions de dollars pour investir dans un projet qui va donner un nombre limité d'emplois puis, comme bonus, qui va être le roi de la pollution au Québec. Ça va être un désastre environnemental. Ça, M. le Président, pour nous, ça pose un problème, hein? Le coût par emploi créé est stratosphérique, on parle d'à peu près 2 millions de dollars par emploi. Puis ça, ça exclut toutes les subventions pour les rabais électriques qu'ils vont avoir. Ça, c'est des dizaines et des dizaines de millions. Ça exclut, pendant, je pense, c'est trois ans ou cinq ans, le crédit pour la bourse du carbone. Encore là, c'est des millions de dollars. Ça exclut les crédits au niveau de la masse salariale. Encore là, ça va être des centaines de milliers de dollars. Puis ça exclut le fait que, sur 10 ans — on espère que ces gens-là vont avoir un projet qui est profitable — bien, si le projet est profitable puis qu'il y aurait de l'impôt à payer, ils n'en paieront pas pendant 10 ans.

Ça fait que, là, on ne parle plus de 450 millions, M. le Président. Je ne mettrai pas de chiffres parce que je ne peux pas les donner, mais on parle de centaines de millions de dollars de plus que 450 millions. Puis on ramène toujours ça à notre fameux entre 150 puis 200 emplois.

Nous autres, quand on s'assoit puis qu'on jase, on dit : Écoute, on aurait pris une fraction de ça, puis ça, ça aurait été, comme carburant en arrière de ça, une vision puis ça aurait été un plan. Imaginez ce qui aurait pu être fait pour la Gaspésie, quelle sorte de projets mobilisateurs qu'on aurait pu faire pour la Gaspésie en mettant à contribution toute la communauté entrepreneuriale de la Gaspésie. En plus d'avoir des emplois, ça aurait eu un effet de mobilisation pour toute la péninsule. Là, on se ramasse, c'est dans un petit coin, il va y avoir 150 emplois puis on a mobilisé toutes ces ressources-là. Mais ça, ça fait leur affaire parce qu'en bout de ligne : On aime les régions, voici comment qu'on leur manifeste qu'on aime les régions, finalement on a fait notre job. Bien, ça, M. le Président, là, nous, on n'est pas certains que c'est la bonne chose à faire, puis c'est pour ça qu'aujourd'hui on se lève puis qu'on remet en question le fait qu'on donne un passe-droit environnemental à ce projet-là, hein?

Alors, qu'est-ce qu'on voit avec le projet de loi n° 37, là, c'est que, oui, c'est le Parti libéral, le gouvernement qui fait la proposition de ça, mais en même temps on a le silence du gouvernement précédent, qui, lui, a fait la promotion de ce projet-là, hein? Ça fait qu'on a une espèce de cohérence entre les deux, mais qui est manifestement une absence de cohérence parce qu'encore là, si on écoute l'opposition officielle, le Parti québécois, combien il se drape, je veux dire, dans leur discours environnemental, et puis, à la première occasion où ça aurait pris deux choses, du courage puis de la vision, puis après ça de l'action, ils ont failli aux trois endroits, M. le Président. Puis la recette facile, là, quand, après avoir eu un mandat catastrophique pendant 18 mois, où on s'est ramassés où on devait finalement équilibrer nos finances, puis on avait des milliards de déficit qui étaient pelletés, des budgets présentés sans crédits, une caravane électorale qui est partie à l'automne 2013 puis qui a culminé au printemps 2014 par des annonces pour à peu près 2 milliards... Puis la cerise sur le sundae, ça a été cette espèce de conférence là en Gaspésie pour annoncer que, là, il allait y avoir la cimenterie à Port-Daniel. Écoutez, ça, ça a été... hein?

Ça fait que, quand on regarde tout ça, là, on s'aperçoit que l'ancien gouvernement, l'opposition officielle, là, zéro cohérence par rapport à ce projet-là, hein? Ce qu'ils ont cherché à faire, là, c'est faire la promotion de leur agenda puis d'aller chercher des votes. Puis les dernières personnes qu'ils avaient, là, à l'esprit à vouloir aider, là, c'est bien les citoyens puis les gens de la Gaspésie. Ça fait qu'on n'a pas de leçons à recevoir de ces gens-là, hein?

Parlons maintenant du gouvernement qui est en place, le gouvernement libéral. Encore ce matin, le premier ministre, là, trois fois ou quatre fois, a parlé comment il aimait les régions puis comment, nous, ça n'avait pas de bon sens, la Coalition avenir Québec, comment qu'on n'aimait pas les régions. Bien, parlons-en, comment ils aimaient les régions. Si on avait eu un gouvernement, vraiment, qui aimait les régions, quand ils seraient arrivés au pouvoir, ils auraient eu une vision puis ils auraient eu un plan par rapport aux régions. Ils ont fait deux choses. D'un côté, ils ont dit : On vous aime tellement qu'on vous confirme le projet de la cimenterie Port-Daniel—Gascons. Ça fait que, là, les gens ont applaudi. Mais, en même temps, on vous aime tellement, là, que voici comment on va tout détruire puis démolir ce qui a été fait, depuis 15, 20 ans, en matière de développement régional puis de concertation régionale au Québec.

Alors, dans leur profession d'amour aux régions, qu'est-ce qu'ils ont fait, M. le Président? Je vais vous en donner quelques lignes, O.K.? On a aboli la conférence régionale des élus. On a coupé 50 % dans le Fonds du développement régional. On a fait une réduction de 300 millions des transferts versés aux municipalités, avec l'impact qu'on connaît pour la ruralité puis les régions, hein? On a vu les baisses des crédits d'impôt visant les entreprises, des compressions des budgets dans les centres locaux de développement. On a vu une problématique au niveau du partage de la taxe d'hébergement dont les revenus sont habituellement versés aux associations touristiques régionales; que, maintenant, le gouvernement veut revoir ça puis prendre ça, centraliser ça. On a vu l'abolition du programme d'entretien de la route verte, hein? On a vu la suppression des 11 directions régionales du ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports. On a parlé, là, de l'espèce de projet «cacaphonique» qu'ils ont mis en place au niveau des commissions scolaires. On a parlé des fusions d'agences de santé puis l'impact que ça a en région. On a parlé des fusions des directions régionales du ministère de la Culture et des Communications. Recul dans la lutte à la pauvreté dans les régions; les personnes âgées en perte d'autonomie vont voir leurs tarifs pour les repas puis les transports adaptés augmenter. Et je continue, je continue, je continue, M. le Président.

Ça, dans les faits, c'est comme ça qu'ils ont montré aux gens des régions comment ils les aimaient, hein? Ça fait que moi, je vais vous dire bien honnêtement, M. le Président, si on parle de cohérence, encore là il y a une absence totale de cohérence de la part de ce gouvernement-là. D'autoriser le projet de Port-Daniel, encore là, là, c'est la même chose que nos amis du gouvernement précédent, c'est une absence totale de courage. C'est certain qu'une fois élus, là, d'arriver puis de dire aux gens de la Gaspésie : Écoutez, ce n'est pas un bon projet, ça ne fait aucun sens d'aller investir 500 millions, 600 millions là-dedans, des deniers publics, en plus que ce sera un projet ultrapolluant... Ça ne fait pas de sens pour 150, 200 jobs. Je ne sais pas si ça en aurait fait pour 2 000 jobs, mais c'est certain que, pour 150, 200 emplois, ça ne faisait pas de sens. Mais ils ne pouvaient pas leur dire ça parce qu'ils n'avaient rien d'autre à leur proposer. Ils n'avaient pas réfléchi, ils ont fait une campagne électorale puis, à un moment donné, ils se sont aperçus qu'ils allaient être élus puis ils n'avaient rien préparé. La seule chose qu'ils ont réalisée aussi, c'est que les finances publiques n'étaient pas en bon état. Il faut qu'on coupe, il faut qu'on s'organise pour balancer tout ça. Bien, je veux dire, ils se sont mis à passer la hache là-dedans, puis regardez ce que ça a donné. La semaine passée, les gens de la coalition Touche pas à mes régions! étaient ici, la présentation qu'ils ont pu faire de l'impact de toutes ces décisions-là du gouvernement...

On ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait de rationalisation, qu'il ne faut pas améliorer les façons de faire, mais aujourd'hui, on voit, ils font des annonces. Le gouvernement fait des annonces puis il explique qu'ils s'en vont faire des grandes tournées, des grands sommets régionaux pour écouter leurs partenaires, pour définir des politiques à venir. Bien, s'ils avaient eu le moindrement de vision puis ils avaient eu un petit plan, avant de tout démolir, ils les auraient faites leurs consultations. Après ça, tu invites les gens à changer, tu dis : Maintenant, on est là, ça pointe vers là, je vous accompagne, puis on s'en va là. Là, ce n'est pas ça, c'est que, là, ils ont mis la hache là-dedans, ils ont à peu près tout défait, puis là ils disent : «By the way», on s'en vient, on aimerait ça savoir comment vous pensez que ça devrait fonctionner. M. le Président, ça ne fait pas de sens, O.K.? Pardon, ma femme me dirait : Ça n'a pas de sens. O.K.?

• (12 h 40) •

Alors, leur discours environnemental, que ce soit le Parti québécois ou le Parti libéral, ça ne rime à rien dans ce dossier-là, et puis on s'aperçoit que c'est vraiment un manque de vision, puis c'est vraiment un manque de courage, puis avoir à peu près zéro plan, O.K.? On ne nie pas l'importance d'avoir des projets structurants, M. le Président. Quand on parle de projets structurants, c'est quand on arrive en région, puis, à un moment donné, là, bang! il y a un gros investissement qui, oui, vient donner de l'emploi, mais, en même temps, vient créer toute une horde de petites entreprises qui va faire vivre des centaines de personnes pendant des années. Mais ça, on n'improvise pas ça, M. le Président.

Puis là ce qu'on a été témoin, là, c'est que l'opposition officielle, là, dans une quête d'aller chercher sa majorité, s'est dit : Écoute, je vais essayer d'acheter la Gaspésie. Puis après ça on a le Parti libéral qui prend le pouvoir, ils arrivent là, ils n'ont pas de plan, ils n'ont aucune idée de ce qu'ils vont faire, mais la dernière chose à faire, c'est de mettre le monde de mauvaise humeur en Gaspésie, ça fait qu'on va laisser ça aller comme ça. Ce n'est pas de même que ça marche, M. le Président.

Puis, à la Coalition avenir Québec, ce qu'il faut faire avec les régions, ce qu'on pense, ce qu'on dit qu'il faut faire avec les régions, première des choses, là, il faut s'asseoir avec eux puis il faut les écouter, parce qu'il y a deux choses : les gouvernements passent, les politiques passent, et tout ça, mais, à tous les jours sur le terrain, il y a des gens qui sont mobilisés pour faire progresser leurs communautés, puis, la plupart du temps, le gouvernement se met dans leurs jambes pour les empêcher de progresser.

Ça fait que, la première des choses, il faut s'asseoir avec eux, là, puis leur demander : Quelle sorte d'accompagnement, qu'est-ce qui vous serait utile pour vous permettre de libérer le potentiel de vos communautés, pour vous permettre de libérer le potentiel de vos entrepreneurs? Qu'est-ce qui vous serait utile? C'est la première chose qui pourrait être faite, M. le Président, c'est de s'asseoir avec eux, oui, pour aider à les mobiliser. Ça fait que, nous, ce qu'on aurait fait, là, quand je parle aux gens de la Gaspésie, puis quand je fais des entrevues, puis je leur parle aux médias là-bas, c'est-ce que je leur dis. Tu sais, au mois de novembre, l'an passé, il y a 50 entrepreneurs de la Gaspésie qui se sont réunis pour voir comment ils pouvaient dynamiser toute la péninsule au complet par les affaires. Bien, nous, on se serait assis avec eux, on aurait dit : Écoute, on a un projet à faire, il s'appelle Gaspésie 2015, on va mettre 50, 75, 100 millions là-dedans. On a 500 000 emplois à créer. On se donne cinq ans pour faire ça, 10 ans pour faire ça. Qu'est-ce qu'on fait? Le feu aurait pris sur la péninsule gaspésienne, M. le Président, mais ce n'est pas ça qui est arrivé. Alors, dans un contexte comme ça, on regarde ce qui a été fait, ce qu'ils sont en train de faire puis ce qu'ils ne font pas, qu'ils devraient faire, c'est certain qu'on ne peut pas appuyer le projet de loi n° 37, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Johnson, de votre intervention. Et j'attends le prochain intervenant. Et je reconnais maintenant M. le député de Masson pour son intervention sur le principe du projet de loi. À vous la parole, M. le député.

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Merci, M. le Président. Je suis très heureux, aujourd'hui, de prendre la parole sur le projet de loi n° 37. On le sait, le projet de loi n° 37, c'est la Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le Président, un projet de loi fort simple qui ne comporte que trois articles et... C'est quoi, le but, là, l'objectif de ce projet de loi, M. le Président? C'est d'éviter un BAPE. C'est simple, là, il faut se le dire. Mais nous, là, à la Coalition avenir Québec, on est contre ce projet de loi parce que ce n'est pas un bon projet de loi. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Ce n'est pas un bon projet de loi pour la Gaspésie. La Gaspésie, tout le monde aime la Gaspésie. C'est un projet de loi... Là, on dit qu'en Gaspésie le projet de cimenterie à Port-Daniel, c'est le seul projet économique qui peut voir le jour, là, incessamment, là. C'est ça qu'on envoie comme message, puis c'est pour ça que c'est très important, là, qu'on fasse un projet de loi, là, pour dire que... pas besoin de faire un BAPE, parce que, sinon, on va perdre ce projet. Non, ce n'est pas bon pour la Gaspésie. Ce n'est pas bon non plus pour l'ensemble des Québécois. Pourquoi ce n'est pas bon pour l'ensemble des Québécois? Parce que c'est tous les Québécois qui vont donner, au total, 450 millions pour créer 200 emplois. Ça, ça aussi, ça n'a pas d'allure. Ce n'est pas bon pour l'économie. On ne donne pas 2 millions par emploi, là. Ça, c'est le pire projet de l'histoire du Québec, là. Écoutez, avec 450 millions, pensez au nombre d'emplois qui pourraient être créés si on investissait ça dans plusieurs projets. On pourrait créer bien plus que 200 emplois. Ce n'est pas bon non plus pour l'environnement. Pourquoi? Parce qu'on le sait, les études le disent, M. le Président, c'est le projet le plus polluant de l'histoire du Québec moderne. On ne veut pas d'une cimenterie en Gaspésie, qui va être le projet le plus polluant de l'histoire du Québec moderne. Donc, pour toutes ces raisons-là, on va voter contre le projet de loi n° 37.

M. le Président, mon collègue député de Borduas, il l'a si bien dit dans son allocution, le ministre, lui, ce qu'il veut par le projet de loi n° 37, c'est réaffirmer l'état du droit, mais, si la loi, elle existe déjà, pourquoi créer une loi pour dire que c'est la loi qui existe qui est en vigueur? Non, ça ne fait pas de sens. Ça ne sert à rien. C'est déjà une loi. Ça fait que, moi, ce que je pense, c'est que le projet de loi n° 37, hein, quand qu'on veut réaffirmer une loi existante, bien, c'est parce qu'il y a quelqu'un qui a peur, là, que, le projet, il soit soumis à un BAPE, là. Ça fait qu'ils veulent s'en assurer. On va faire une loi spéciale, il n'y aura pas de BAPE. On passe une loi puis : Allez-y, cimenterie McInnis, à Port-Daniel, faites votre projet.

Je trouve ça spécial aussi, là, que le leader du gouvernement, il a décidé, lui, qu'il n'y aurait pas de consultations particulières. On regarde, là, qu'est-ce qui s'est passé, là, récemment, là, à date, là, c'est la première fois, là, de tous les projets de loi qui ont été déposés dans la 41e législature, que... aucunes consultations particulières. Pourquoi est-ce qu'il y a un empressement pour faire du projet de loi n° 37, là, qu'il soit adopté le plus rapidement possible pour que le projet de cimenterie McInnis voie le jour en Gaspésie? C'est incompréhensible. Si le projet de cimenterie, il est si bon pour l'environnement, parce qu'il y a des études internes faites par l'entreprise que c'est un projet d'environnement, là, extraordinaire, là, ça va être la cimenterie qui va polluer le moins parmi toutes les cimenteries parce qu'on va mettre des... Mais non, ce n'est pas ça pantoute, là. Moi, je ne comprends pas pourquoi qu'on aurait besoin du projet de loi n° 37. Bien, c'est simple, la seule raison que j'ai, là, c'est parce que, le gouvernement, il veut éviter d'assujettir le projet de loi au BAPE, hein? Un plus un égale deux. Ça ne prend pas un bac en génie mécanique pour comprendre ça, là.

Si on regarde le volet économique, là, versus le volet environnemental, le président de Ciment McInnis, là, Christian Gagnon, lui-même, il a mentionné à plusieurs reprises que son projet, là, ça représente une référence environnementale. Bien, si le projet, là, ça fait une telle référence environnementale, là, bien pourquoi, d'abord, que le ministre refuse d'y voir un projet environnemental? Pourquoi que c'est le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations qui présente le projet? Parce qu'on veut nous dire que c'est un projet économique, là. Bien là, si, là, c'est juste un projet économique puis que le président de la cimenterie McInnis, M. Gagnon, dit que c'est une référence environnementale, pourquoi qu'on refuserait un BAPE? C'est la même chose quand il y a un policier qui vient rencontrer quelqu'un dans une enquête puis il dit : Écoutez, là, on a des forts doutes que vous avez commis un crime grave, là, puis on voudrait vous soumettre à un polygraphe, puis là la personne, elle dit : Non, pas de polygraphe. Bien là, pourquoi, d'abord, que tu refuserais un test de polygraphe si tu n'as rien à te reprocher? C'est la même chose. Pourquoi qu'on refuse un BAPE si on n'a rien à se reprocher? Bon.

Ça me choque, M. le Président. Moi, là, j'aime la Gaspésie, O.K.? Le député de Gaspésie, là, il... Je le comprends, qu'il aime sa région, là. La Gaspésie, là, c'est une belle région. Tout le monde aime la Gaspésie. Tous les Québécois aiment la Gaspésie. Je ne connais pas personne qui m'a déjà dit : Ah! la Gaspésie, écoute, là, ça ne sert à rien, là. Non. C'est une région touristique, là, il y a de l'économie touristique en Gaspésie. Écoute, ma belle-famille vit en Gaspésie. Je vais en Gaspésie à tous les ans. Je participe à l'économie de la Gaspésie moi-même.

On fait juste penser, là, au parc national de la Gaspésie avec le mont Albert, là, c'est extraordinaire comme endroit. Le rocher Percé, là, puis le parc Forillon, là, le parc national de Forillon, y a-tu... Vous êtes déjà tous allés là-bas, là, c'est beau comme endroit, là. On peut apprendre tout plein de choses, là. Écoute, moi, là, je fais de la pêche au saumon en Gaspésie, je veux dire... Est-ce que vous saviez qu'il y avait une réserve faunique à Port-Daniel? On va en parler rien qu'un peu de qu'est-ce qu'il arrive avec la réserve faunique, hein? On l'a dit, là, la Gaspésie, c'est tout plein de splendeurs naturelles. Sa renommée est internationale. Il y a des gens, là, qui viennent de l'international. Pour venir où? En Gaspésie. Bien là, à Port-Daniel, il se trouve qu'il y a un petit joyau, hein? C'est la réserve faunique de Port-Daniel.

• (12 h 50) •

Bon, vous allez me dire : Ah! c'est très peu connu. Bien, c'est quand même 57 kilomètres carrés. Il y a 25 lacs à truite. Il y a une rivière à saumon à faire rêver. Écoute, j'ai le goût d'aller pêcher là. Je ne suis pas allé encore, je pense que je vais y aller cet été. La diversité de sa faune y est étonnante, hein? Si on va dans cette région-là, on va rencontrer une série de baies, là, qui dessinent le paysage puis qui tracent la route, puis ça vaut son pesant d'or. Mais, écoute, on accède à cette réserve-là sans trop s'éloigner de la mer puis de la municipalité de Port-Daniel, un véritable petit coin de paradis pour les vacances, la pêche et la chasse.

Écoutez, là, si les richesses naturelles de l'endroit contribuent à l'économie de l'endroit, pourquoi est-ce qu'on voudrait faire en sorte qu'à proximité de la réserve faunique de Port-Daniel... Là, quand on parle de proximité, on parle seulement de huit kilomètres du site qu'il y aurait la cimenterie, O.K.? Moi, je... On a des sérieuses questions à se poser, M. le Président. Est-ce que les émanations gazeuses de l'usine de cimenterie McInnis à Port-Daniel pourraient avoir un impact sur les habitats puis la richesse de l'endroit? C'est une question qu'on doit se poser, M. le Président, là.

Vous savez, je suis porte-parole de la région de Lanaudière, puis, dans Lanaudière, il se trouve une ville qui s'appelle Joliette. Dans la ville de Joliette, il y a une cimenterie, hein, c'est la cimenterie Holcim. Bien, qu'est-ce qu'il y a à la cimenterie Holcim, là, c'est des emplois. Il y a justement ça, 200 emplois, à la cimenterie de Holcim à Joliette. Mais pas plus tard, là, que le 26 mars, là, Caroline Morneau, du journal L'Action, qui a été repris par Les Affaires, elle nous le mentionnait, là — tout le monde sait ça déjà, là — que, Holcim, il y a un projet d'investissement, O.K., dans leur usine de Joliette qui est suspendu en raison de l'instabilité économique que pourrait occasionner l'ouverture de la nouvelle usine à Port-Daniel en Gaspésie. Pourquoi est-ce qu'ils investiraient 250 millions? Ce n'est pas bien, bien compliqué. Les cimenteries au Québec, là, présentement, elles roulent à 60 % de leur capacité. Le marché du ciment en Amérique du Nord est en difficulté, puis on prévoit que ça va aller juste en 2021 avant qu'il y ait une pleine reprise économique dans le marché du ciment. Mais là eux autres, ils se disent : Si on ne fait rien dans nos installations, on va passer à côté puis on ne sera plus compétitifs sur le marché actuel, on va être obligés de fermer nos portes. Ça fait qu'on va investir 250 millions pour moderniser nos équipements puis on va faire en sorte qu'on va avoir un beau projet puis on va pouvoir consolider nos opérations. Mais non, c'est mis sur la glace. Pourquoi? Parce qu'il y a un nouveau projet d'une nouvelle cimenterie qui viendrait faire en sorte que...

Combien de pourcentages de ventes qu'ils vont perdre à Joliette? À Joliette, ils ont estimé que l'ouverture de la cimenterie à Port-Daniel, ce serait 40 % d'impact. Est-ce que ça, ça touche l'économie locale de la région de Lanaudière? Oui, M. le Président, c'est certain. M. Godin, là, qui est le D.G., là, de Holcim à Joliette, il le dit lui-même, là, que c'est sûr qu'il va y avoir des impacts directs sur les emplois à son usine quand il va y avoir l'ouverture de la cimenterie McInnis à Port-Daniel. Bien, ça, c'est choquant, là. Je ne sais pas si vous le savez, là, mais on perd des emplois dans des usines existantes pour en créer dans le projet le plus polluant de l'histoire du Québec moderne en Gaspésie. Selon moi, là, c'est un transfert d'emplois d'une région à une autre.

Écoutez, quand on parle, là, que le ciment ne va pas bien, là, ce n'est pas juste au Québec, c'est tout en Amérique du Nord. Puis, quand on dit qu'on veut investir 1,1 milliard de dollars pour faire la cimenterie McInnis à Port-Daniel, bien ça, là, ce n'est pas juste nous autres, au Québec, qui craint ça, là, les Américains, l'industrie nord-américaine au complet, ils trouvent tous ça, que c'est inacceptable qu'on doive composer avec une si grande offre, O.K., de ciment sur le marché, d'autant plus, là, que le Québec offre un soutien financier à une usine quand son produit va être exporté aux États-Unis. C'est clair, là, c'est ça qu'ils disent. Ah! non, non, ça ne touche pas l'économie locale, là, c'est pour de l'exportation. Bien là, là, quand on dit qu'on va exporter aux États-Unis, là, bien ça soulève des doutes, là, quant au respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce. Ça, là, c'est l'OMC, ce n'est pas rien, là. Puis là il y a des membres du congrès des États, des États de New York, de l'Ohio, du Maryland, du Michigan, ils ont tous demandé au gouvernement fédéral américain d'évaluer si le soutien financier accordé à McInnis par notre propre gouvernement, là... si ça violait les règles de l'OMC. Bien, moi, je suis inquiet, là, face à ça, là.

Quand on accorde un prêt avec des conditions plus avantageuses que celles offertes sur le marché, alors, hein, forcément, on fait plus qu'être un investisseur, là. Ça, c'est... Je ne comprends pas que le ministre de l'Économie, là, il dise qu'on est juste des investisseurs. Non, non. En plus d'être un investisseur, là, comme il dirait, là, on va reprendre ses propos, là, bien on va changer les règles du jeu. Bien oui! Pourquoi qu'on va changer les règles du jeu? Parce que nous, là, le gouvernement du Québec, là, on va dire : On va légiférer, là, dans un projet de loi qu'on est nous-mêmes actionnaires. Vous me voyez venir, là, hein, M. le Président. Moi, là, je dis que ça, c'est un conflit d'intérêts, O.K.? On détourne l'intérêt public à des fins politiques et électoralistes. Moi, je ne peux pas vivre avec ça.

Là, vous allez me dire que le promoteur a fait ses devoirs, il a fait ses études, hein, il a dit... Tu sais, nous, là, si le ministre de l'Environnement, il juge, là, que ça n'a pas à être soumis à un BAPE, là, c'est simple. Bien oui, le promoteur a fait une étude qui dit que son projet, là, il est acceptable, pas besoin de BAPE, bien oui. Écoute, le promoteur a tellement fait ses devoirs, là, il a fait des devoirs théoriques, M. le Président. Je peux vous le dire, là. Moi, je suis habitué, là, de voir ce genre d'étude là, là. C'est ça que je faisais avant, là, avant d'être député, là, je conduisais de telles études, O.K.? Je ne dis pas... Dans ma vie professionnelle, j'étais appelé à commenter puis même participer à l'élaboration de telles études. Bien là, lui, le promoteur, il dresse une liste de toutes les actions puis les mesures d'atténuation, hein, qu'il prévoit faire pour faire diminuer le risque à tous les niveaux, puis là il a tout pensé, là. Il a pensé, là, au plan de la santé, au plan de l'environnement, du bruit, des tremblements. Il a même pensé à la pollution visuelle, hein? C'est quelque chose, ça, là, là. Puis là il détaille ça en trois phases, à part de ça, là, pendant la construction, pendant la vie utile de l'usine puis après que l'usine soit fermée, qu'est-ce qu'on va faire, bon, il a tout pensé. Mais c'est théorique, là, M. le Président. C'est même hypothétique, là, tu sais. Lui, là, le promoteur, il n'est même pas encore sûr de l'utilisation qu'il va faire de certains de ces procédés, bien là... puis en plus pour combien de temps qu'il va les utiliser, là.

Bien là, par exemple, là, vous le savez tous, là, ce qui est prévu originalement au projet dans la première année, du moins, là, c'est ce que le ministre de l'Environnement nous dit, c'est qu'il vont utiliser le coke de pétrole. Ça, le coke de pétrole, là, ça vient d'où? Ça vient, là, des sables bitumineux, là, qui s'en viennent, là, O.K., dans le pipeline, là, puis là, justement, là, on dirait que... je ne sais pas si c'est une coïncidence, là, mais là il va y avoir comme des résidus, là, puis il faut s'en débarrasser. Ça fait que, là, qu'est-ce qu'on va faire? On va prendre les résidus puis on va l'envoyer dans la cimenterie, puis là on va les brûler parce que ça prend de l'énergie pour faire du ciment, c'est des hautes températures, tu sais, c'est des milliers de degrés Celsius, là, ce n'est pas rien, là, tu sais. Ça fait qu'on va prendre le coke du pétrole, ça adonne bien, ce n'est pas cher, là, il y en a de disponible proche, là, puis on va brûler ça, puis l'usine va être profitable de même.

Mais là, après ça, ils nous disent : Bien, on prévoit aussi regarder pour faire des énergies de biomasse, là, des énergies alternatives. Bien là, l'énergie de biomasse, on s'entend-u que c'est moins accessible, c'est moins énergétique, ça fait que c'est moins rentable, tu sais? Ça va nous en prendre plus pour atteindre le même degré que si on prenait le coke du pétrole. Selon vous, là, pensez-vous vraiment qu'ils vont faire de la biomasse, là, quand ça va leur représenter des coûts supplémentaires? Non. McInnis, là, ils sont là pour faire de l'argent, puis le gouvernement du Québec, quand ils investissent, là, pour être un partenaire, là...

Le Vice-Président (M. Gendron) : ...

M. Lemay : Monsieur... Vous dites qu'il reste une minute? Ah! O.K., pas de problème.

Le Vice-Président (M. Gendron) : ...mais il reste une minute avant qu'il soit... voyons, 1 heure, et, en conséquence, vous pourrez poursuivre après. Alors, je fais juste vous dire que vous avez une minute, puis vous poursuivrez après. Alors, finissez la minute, là, que l'heure nous demande. C'est ça que je vous indique.

M. Lemay : Merci. Donc, écoutez, là, ce qu'on croit, nous autres, à la Coalition avenir Québec, là, ce n'est pas compliqué, c'est que, sans une étude du BAPE, on se prive d'opinions externes, on se fie juste à une étude faite par le promoteur. Ça, là, ce n'est pas acceptable. Il me semble que, quand tu vas en appel d'offres de contrats, n'importe quoi, déjà là, tu vas aller chercher plusieurs contrats. Bien, pourquoi d'abord se fier juste à une étude du promoteur puis qu'on ne serait pas capables de le soumettre à un BAPE?

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, merci, M. le député de Masson, il vous restera trois minutes à votre intervention.

Et, compte tenu de l'heure, afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition, le présent débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 37 est ajourné. Donc, les débats sont ajournés.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, bon après-midi, chers collègues. Veuillez vous asseoir.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée exprime ses inquiétudes quant au projet
de loi fédéral C-51 sur la sécurité nationale et exige du gouvernement
qu'il transmette ses observations et demandes d'amendement
au Comité permanent de la sécurité publique et
nationale de la Chambre des communes

Nous en sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, et, à l'article 29 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de Verchères présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale exprime ses plus vives inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des Québécois;

«Que l'Assemblée nationale partage les inquiétudes de plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation majeur apporté au SCRS;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse la démarche entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec dans leur lettre du 17 mars 2015;

«Que l'Assemblée nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin de l'étude parlementaire du projet de loi;

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il dépose ses observations et demandes d'amendements à l'Assemblée nationale avant de les transmettre au comité permanent.»

Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur cette motion s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, environ 52 minutes sont allouées aux membres parlementaires formant le gouvernement, environ 30 minutes sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, environ deux minutes sont allouées... 22 minutes sont allouées au deuxième groupe d'opposition, six minutes sont réservées aux députés indépendants. Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Enfin, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Donc, je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Verchères, auteur de la motion. M. le député.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron : Merci, M. le Président. Il arrive fréquemment en cette Chambre que nous ayons des débats enflammés qui font intervenir des valeurs profondes de part et d'autre, qui peuvent être diamétralement opposées, qui peuvent nous amener à nous camper dans des positions contraires et faire en sorte que le président soit appelé à intervenir à plusieurs reprises pour calmer les esprits. Sur cette question, M. le Président, mon sentiment, et peut-être suis-je dans l'erreur, mon sentiment est que nous sommes, toutes et tous, d'accord.

Bon, bien sûr, je sais que le gouvernement a tenté d'amener une motion, que le deuxième groupe d'opposition avait des propositions d'amendement, que l'opposition officielle avait des propositions d'amendement, que nous n'avons pas réussi à nous entendre sur un libellé, puisqu'il y a, malgré tout, de légères nuances, de part et d'autre, qui font que, d'un point de vue partisan, nous n'avons pas encore réussi à trouver ce libellé sur lequel nous pourrions, toutes et tous, nous entendre. Mais, sur le fond, M. le Président, j'ai la prétention de dire que nous sommes, tous et toutes, d'accord.

C'est une question fondamentale puisqu'elle fait intervenir les droits, les libertés de nos concitoyennes et concitoyens. C'est de cela, fondamentalement, dont il est question aujourd'hui, M. le Président. Et, en tant que représentants élus de nos concitoyennes et concitoyens, nous sommes les gardiens, les gardiennes de ces droits et libertés de nos concitoyennes et concitoyens.

Donc, je suis convaincu que, sur le fond, nous sommes d'accord.

Nous avons commis une proposition de libellé, M. le Président. Peut-être ne parviendrons-nous pas, aujourd'hui encore, à nous entendre sur cette proposition de libellé, mais je crois qu'il était important que nous prenions du temps, en cette Assemblée, pour échanger, et ce, de la façon la plus sereine, la plus responsable et la plus digne possible, sur le fond de la question, de telle sorte, éventuellement, de pouvoir chercher et éventuellement trouver des pistes sur lesquelles nous pourrions nous entendre toutes et tous. Car il m'apparaît important, voire vital, M. le Président, que l'Assemblée nationale puisse, sur cette question fondamentale, s'exprimer d'une seule voix. Et il est dommage que nous n'y soyons pas encore parvenus, puis je ne veux pas en rejeter la faute sur qui que ce soit, puisqu'évidemment, sur des points de détail, nous n'avons pas réussi à trouver ce terrain d'entente, mais je suis convaincu que nous avons le devoir, je dis bien le devoir, M. le Président, d'y parvenir.

Alors, je disais que nous avons commis une proposition de libellé, proposition de libellé qui peut-être ne réussira pas, encore une fois, à recueillir l'assentiment de la majorité, voire de la totalité des membres de cette Chambre, mais j'interpelle la ministre, je lui ouvre la porte à ce que ce débat que nous entreprenons à l'instant même nous donne l'opportunité de trouver ces terrains d'entente qui nous permettraient éventuellement d'en arriver à un libellé commun, de telle sorte que notre Assemblée puisse puissamment — n'en déplaise à un ministre fédéral — puisse puissamment faire entendre sa voix sur cette question fondamentale, M. le Président.

Alors, je ne veux pas reprendre ce que vous avez fait de façon totalement éloquente, M. le Président, c'est-à-dire le libellé de la motion, mais reprenons à tout le moins l'esprit de chacun des paragraphes.

Premier paragraphe, M. le Président, vise simplement à ce que cette Assemblée exprime ses vives inquiétudes à l'égard du projet de loi C-51, qui pourrait porter atteintes aux droits et libertés des Québécoises et Québécois.

Deuxième paragraphe, M. le Président, que nous partagions les inquiétudes — et je vais y revenir dans quelques instants — les inquiétudes qui ont été exprimées par des gens fort honorables, des sommités, des gens desquels on n'est pas en droit de nous attendre... ou du moins de mettre en doute la sincérité, puisque ça transcende les lignes partisanes, M. le Président. Quand je disais, M. le Président, que je crois que nous sommes toutes et tous d'accord, bien, bien que nous n'ayons pas encore réussi à nous entendre avec le gouvernement, le gouvernement s'est exprimé, M. le Président, à travers une lettre signée par trois membres du cabinet du gouvernement du Québec, et, sur l'essentiel, nous sommes d'accord avec les prises de position de nos trois collègues ministériels. Donc, M. le Président, il y a tout lieu de penser que nous sommes d'accord sur le fond. Maintenant, il reste à trouver le libellé qui nous permettrait effectivement de traduire cet accord sur le fond.

• (15 h 10) •

Le paragraphe suivant, M. le Président, où on dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral, ce n'est pas normal que, sur une question comme celle-là, le gouvernement du Québec n'ait pas du tout été consulté par le gouvernement fédéral. Est-ce que «dénonce», c'est trop fort dans l'esprit de gens qui croient à l'appartenance du Québec à la fédération canadienne? Soit. On peut discuter de la teneur des mots, mais l'idée derrière ce paragraphe, c'est celle-ci.

Paragraphe suivant, M. le Président, nous souhaitons que les ministres qui ont signé la lettre fassent valoir leur point de vue devant le comité pertinent, à la Chambre des communes, qui étudie présentement ce projet de loi. Et là vous allez nous dire que, de la part d'un parti souverainiste, c'est quand même quelque chose que nous demandions à des membres de notre gouvernement de daigner comparaître devant un comité de la Chambre des communes pour faire valoir le point de vue du Québec, mais pas simplement le faire valoir en termes de «bien, notre position, c'est ça», mais de faire des propositions d'amendement qui traduiraient les préoccupations des Québécoises et Québécois et que nous puissions...

Et c'est l'esprit du dernier paragraphe, et je présume qu'il y aura des objections du côté gouvernemental, mais l'esprit du dernier paragraphe, M. le Président, c'est de dire que nous souhaitons pouvoir nous entendre, comme Assemblée, sur ce que nous voudrions voir comme modifications, ce que nous voudrions voir être apporté comme modifications au projet de loi C-51 qui est à l'étude présentement à la Chambre des communes et qui, comme je le disais, aura des incidences potentiellement dramatiques, mais à tout le moins importantes, sur les droits et libertés des Québécoises et Québécois.

M. le Président, il faut comprendre le contexte d'où émane cette initiative fédérale, c'est dans la foulée des attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu, du Parlement fédéral. Et il y a souvent une tentation, lorsque surviennent des événements comme celui-là, de resserrer les règles. Mais jusqu'où, M. le Président, devons-nous resserrer les règles sans nous-mêmes, ce faisant, mettre en péril les valeurs, les droits et libertés de nos concitoyennes et concitoyens qu'on dit vouloir protéger par cette législation qu'on propose? Et là je dirais que les analyses sont à l'effet que ce projet de loi risque effectivement de faire davantage de tort... peut-être pas davantage, M. le Président, mais peut-être donner raison aux terroristes qui veulent justement s'en prendre à nos valeurs, s'en prendre à nos droits et libertés, leur donner raison en les limitant à travers un projet de législation comme celui-là.

Évidemment, là encore, M. le Président, il y a des désaccords entre nous. Nous aurions souhaité que le gouvernement du Québec ne s'en remette pas au gouvernement fédéral pour tenter d'éviter la radicalisation sur le territoire du Québec. Jusqu'à présent, on entend le gouvernement du Québec se prononcer sur le projet de loi C-51, se prononcer sur l'opportunité ou non d'étendre et de prolonger la mission miliaire du Canada contre le groupe armé État islamique, mais, quant à savoir qu'est-ce qui pourrait être fait au Québec, dans nos institutions d'enseignement, M. le Président, entre autres... Parce qu'on sait qu'il y a de nos jeunes qui se sont radicalisés, qui ont été embrigadés, qui sont partis combattre en Irak ou en Syrie, on ne le sait pas trop. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? Mais, à défaut d'avoir de la part du gouvernement une politique, des orientations sur la question de la radicalisation ici même, sur le territoire du Québec, encore faut-il s'entendre, et je crois qu'on est capables de s'entendre sur ce qui se passe à Ottawa présentement.

Alors, M. le Président, il faut faire en sorte d'éviter... Et là je vais revenir sur les éventuelles dérives ou les potentielles dérives qui peuvent émaner ou découler de ce projet de loi. Et là j'aimerais peut-être rapidement énoncer les personnalités, les experts qui ont manifesté leurs inquiétudes, jusqu'à présent, leurs réserves. Je pense à quatre anciens premiers ministres du Canada, tant libéraux que conservateurs; d'anciens juges de la Cour suprême, dont Louise Arbour, Claire L'Heureux-Dubé; d'anciens ministres de la Justice, dont Marc Lalonde, Irwin Cotler; d'anciens membres du comité de surveillance du SCRS, dont les anciens premiers ministres provinciaux Bob Rae, Roy Romanow; des groupes, des organismes voués à la protection de l'Environnement, Équiterre, Greenpeace, le Centre québécois du droit de l'environnement; des leaders autochtones du Manitoba, de la Colombie-Britannique; de nombreux juristes, experts du monde universitaire, le Barreau du Québec. M. le Président, alors, il y a de nombreuses personnalités, jusqu'à présent, qui se sont prononcées contre ce projet de loi ou du moins qui ont exprimé des réserves sérieuses par rapport aux potentiels dérapages qui pourraient découler de ce projet de loi.

Alors, M. le Président, nous le savons pertinemment, puisque nous avons connu ici, au Québec, ce type de dérapage lorsqu'on utilise les forces de l'ordre à des fins politiques, qu'on pense à la Loi des mesures de guerre, aux actions illicites posées par la GRC, notamment le vol de listes des membres du Parti québécois, l'incendie criminel d'une grange, la loi du cadenas de Duplessis pour casser les syndicats. Nous avons ces souvenirs en tête, M. le Président, et il faut éviter que ce qu'on a tenté de corriger avec la création du Service canadien du renseignement de sécurité puisse de nouveau se produire.

Il y a des inquiétudes qui sont manifestées à l'effet qu'éventuellement, M. le Président, ce projet de loi pourrait permettre au SCRS, qui n'avait qu'une fonction de surveillance, de pouvoir éventuellement poser des gestes. L'échange d'information entre la GRC et le SCRS, cette fluidité alors qu'on a voulu faire un mur de Chine, si je peux me permettre l'expression, une muraille entre le SCRS, mission de surveillance, et la GRC, intervention, là, tout d'un coup, on permettrait au SCRS, dis-je, de faire des interventions, de communiquer de l'information à la GRC, et vice versa. Ça peut être extrêmement préoccupant, comme on l'a vu de la part de ces personnalités qui se sont prononcées jusqu'à présent.

Alors, M. le Président, il y a une première préoccupation, de notre côté, où on dit, bien sûr, que ce projet de loi permettrait à l'agence de déjouer les complots terroristes, mais on ajoute : Toute autre menace qui pourrait porter atteinte à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada. Alors, c'est une définition extrêmement large qui pourrait laisser entendre, M. le Président, qu'on pourrait s'en prendre à des opposants politiques : Idle No More, des groupes autochtones, des groupes environnementaux, M. le Président, le mouvement souverainiste au Québec et ailleurs au Canada, M. le Président. Est-ce qu'on veut effectivement se donner les moyens, à Ottawa, pour utiliser à nouveau les forces de l'ordre à des fins politiques? La question se pose. Et, quand la question est posée par un homme comme Jean Chrétien, M. le Président, il y a lieu de s'interroger, il y a lieu de se poser des questions, là. Ça transcende véritablement les lignes partisanes. C'est vraiment une préoccupation transpartisane qui est exprimée actuellement.

L'autre préoccupation, M. le Président, c'est les pouvoirs d'intervention qui sont accordés au SCRS, et ce, sans contrepartie, en termes de surveillance. Comment est-ce que... Puis là on parle de gens qui se sont exprimés, M. le Président, d'anciens membres du comité de surveillance du SCRS qui disent : Bien, si on doit accroître les pouvoirs du SCRS, il faut également accroître les mécanismes de surveillance pour s'assurer effectivement qu'il n'y ait pas de dérapage, pour s'assurer qu'il y ait respect des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, M. le Président. Or, il n'y a pas de nouveau mécanisme de surveillance, il n'y a pas ce «checks and balances», si vous me permettez le terme, M. le Président, dans le projet de loi C-51, et c'est ce qui est également extrêmement préoccupant, M. le Président.

Alors, faire état de nos inquiétudes, de nos préoccupations, c'est une chose, mais il faut, de façon plus précise, exprimer, formuler très clairement quelles seraient les modifications que nous souhaiterions voir apporter à ce projet de loi. Et c'est un des éléments qu'on retrouve dans la motion d'aujourd'hui, M. le Président : celui de présenter des amendements au comité parlementaire et que nous puissions travailler en collaboration à cet effet, M. le Président.

Alors, encore une fois, M. le Président, j'interpelle la ministre de la Justice, j'interpelle le ministre des Affaires intergouvernementales, la ministre de la Sécurité publique, je leur offre notre collaboration pour que nous puissions travailler ensemble, au-delà de nos divergences politiques, et elles sont réelles, je ne cherche pas à les minimiser, mais il faut être conscient du fait que, sur le fond, il y a lieu, comme Assemblée nationale, de défendre, c'est notre responsabilité comme élus de la population, les droits et libertés de ces gens que nous représentons, M. le Président.

• (15 h 20) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Verchères, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à Mme la ministre de la Justice. À vous la parole.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Vous savez, M. le Président, comme le disait le premier ministre, dans un dossier comme le dossier du projet de loi C-51, le gouvernement doit jouer son rôle, tout son rôle. Il faut soutenir les actions de sécurité en préservant la règle de droit. C'est la prémisse qui nous anime, M. le Président.

Le 17 mars dernier, ma collègue de la Sécurité publique, mon collègue des Affaires intergouvernementales canadiennes et moi avons, tous les trois, signé une missive à nos homologues fédéraux. La missive, elle est très claire quant aux préoccupations qui nous animaient et qui nous animent toujours.

Dans un premier temps, M. le Président, il est important de mentionner que nous vivons actuellement dans une société où les impératifs de sécurité doivent évidemment être pondérés au regard des protections constitutionnelles dont bénéficient tous les citoyens, tous les citoyens du Québec. Et évidemment nous sommes préoccupés par la nécessité, à l'égard des Québécoises, des Québécois respectueux des lois, de protéger adéquatement les renseignements personnels qui les concernent, et nous sommes, en conséquence, inquiets quant à la portée de certaines dispositions que comporte le projet de loi C-51 et du partage de ces informations-là que permet, dans sa forme actuelle, le projet de loi.

Évidemment, il est de notre responsabilité, à titre de parlementaires, à titre d'élus, à titre de membres du gouvernement, d'agir avec sagesse lorsqu'on choisit de restreindre la portée des droits et libertés fondamentaux, qui furent acquis de haute lutte. Ça, M. le Président, c'est un élément qui est fondamental. Alors, peu importe qu'il s'agisse du gouvernement fédéral, du gouvernement de cette Assemblée nationale, lorsqu'il est question de légiférer, lorsqu'il est question d'apporter des mesures visant à contrer une problématique, quelle que soit la problématique, il faut s'assurer que les mesures législatives proposées ne limiteront pas ou limiteront d'une façon très particulière, très limitée, ces droits et libertés là.

Évidemment, dans le débat qui nous occupe actuellement, nous sommes dans le débat de la lutte au terrorisme, et ce débat-là interpelle chacun et chacune d'entre nous d'autant, comme le faisait mention notre collègue de Verchères, les événements que nous avons vécus au cours de la dernière année ici même, au Québec. Des événements dont nous n'aurions jamais pu envisager la portée, la teneur il y a à peine un an, les événements qui ont été vécus par nos collègues à la Chambre des communes d'Ottawa, par des amis, des membres de la famille de certains membres de cette Assemblée.

Évidemment, ce contexte-là est important parce que ce contexte-là anime les parlementaires et anime les citoyens d'une volonté de vouloir contrer ces attaques terroristes, d'éviter que d'autres attaquent puissent survenir sur le territoire. Et évidemment ça amène parfois à penser... ou à mettre de l'avant un certain nombre de règles.

Mais maintenant, lorsque vient le temps de poser des gestes législatifs qui vont, dans un objectif de protéger la communauté, protéger les droits, protéger les citoyens, indirectement porter atteinte aux droits de ces mêmes citoyens là, il faut travailler avec prudence. Et nous avons, à titre de gouvernement, la responsabilité aussi de travailler en collaboration. Parce que nous sommes dans une fédération, il est important de travailler en collaboration avec les autres provinces, avec les autres territoires, qui ont certainement des opinions, qui ont certainement des préoccupations à partager.

Alors, évidemment, et on ne le cache pas, il aurait été souhaitable que le travail de collaboration, de consultation quant à l'élaboration des mesures contenues au projet de loi C-51 fasse l'objet de consultations préalables. Pourquoi? Bien, il existe déjà des mécanismes qui permettent cette consultation-là. Il existe notamment un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la lutte au terrorisme. Ce groupe relève d'un comité de coordination des hauts fonctionnaires de la justice pénale. Ce comité-là aurait pu être mis à contribution dans le cadre du projet qui nous occupe. Et nous avons, dans la correspondance que nous avons signée, mes collègues et moi, le 17 mars dernier, souligné cet état de fait à nos homologues fédéraux, puisque ce comité-là est, à notre avis, le comité qui aurait dû être saisi des enjeux, saisi du projet de loi et qui aurait pu formuler bon nombre de recommandations, ayant en tête l'esprit et le travail qui se fait.

Je veux informer cette Assemblée, M. le Président, et je tiens à informer mon collègue de Verchères que j'ai demandé à mon équipe que toutes les démarches soient faites et soient entreprises pour que le comité puisse rapidement être convoqué et pour que le Québec soit autour de la table pour discuter du sujet qui est préoccupant. Alors, nous sommes à... il y a actuellement des échanges qui ont lieu entre les responsables de ce comité.

Donc, suite à la lettre, je sens qu'il y a quand même une ouverture de ce côté-là pour mettre à profit l'expertise, l'expertise fine développée par les hauts fonctionnaires responsables de la justice pénale au Canada, qui seraient disposés à mettre à profit leur expertise.

Le projet de loi C-51 prévoit aussi des pouvoirs exceptionnels, et il est impératif que ces pouvoirs exceptionnels là puissent être utilisés pour les fins visées par le projet de loi, et non pour des fins autres. Et, je comprends, le collègue de Verchères a illustré certaines préoccupations qui ont été abordées par différents groupes, et il faut s'assurer que les pouvoirs exceptionnels accordés à une loi exceptionnelle ne soient pas redirigés à d'autres fins que les fins prévues et... que les fins prévues, et il faut aussi permettre un certain nombre de recours pour protéger cette situation-là.

Vous savez, M. le Président, la lutte au terrorisme, c'est une lutte de tous les instants et c'est une lutte qui doit évoluer en fonction des nouvelles menaces. Je comprends qu'il y a une série de menaces, notamment sur la toile, dans le Web, avec les nouvelles technologies, et ça nous appelle... Évidemment, ça amène les gouvernements à se questionner et à tenter de trouver, de colmater les failles ou les brèches qui existent et qui permettent malheureusement à des esprits malveillants, mal intentionnés, de porter atteinte aux droits et libertés des citoyens, de porter atteinte à la sécurité des droits et des citoyens. Et ça, il faut colmater ces brèches-là, mais il faut le faire en respectant les droits protégés par nos chartes.

Nous sommes favorables, M. le Président, à ces mesures qui vont permettre d'améliorer la sécurité du public. Ça, c'est certain et c'est sans contredit. Alors, notre objectif, dans l'approche que nous avons apportée, est de tendre la main pour collaborer avec le gouvernement fédéral. L'objectif, de ce côté-ci de la Chambre, est d'utiliser les outils mis à notre disposition, le comité des hauts fonctionnaires de la justice pénale. Ma collègue de la Sécurité publique pourra, dans quelques instants, aussi vous indiquer les mesures qu'elle a relancées afin aussi de mettre à profit la collaboration et les différentes instances permettant la collaboration.

• (15 h 30) •

Notre objectif n'est pas d'utiliser le projet de loi C-51 pour attiser les braises d'une chicane entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial; ça, c'est clair, M. le Président. Ce n'est pas la façon dont nous souhaitons aborder cette question-là, parce que la question derrière le projet de loi C-51, elle est trop importante. La sécurité des citoyens, c'est un enjeu avec lequel on ne peut pas lésiner. Mais je dois vous avouer, M. le Président, que... j'écoutais le député de Verchères, je l'écoutais parler avec son coeur sur ses préoccupations quant au respect des droits des citoyens et de cette... et j'entendais... ses propos faisaient écho aux miens, d'une certaine façon, puisqu'on est... nous sommes, nous semblons être habités par cette même volonté de respect des droits. Mais, honnêtement, c'est un petit peu surréaliste d'entendre les propos d'une formation politique qui a porté atteinte, dans le passé, il y a à peu près un mois, d'une façon inimaginable, aux droits protégés par la charte, ces mêmes collègues parlementaires qui, l'an dernier, à pareille date, défendaient toujours un projet de charte des valeurs québécoises qui attaquait, comme jamais, jamais, jamais n'avaient été attaqués les Québécois et les Québécoises.

Rappelons-nous, M. le Président, les propos de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui concluait, à propos des orientations gouvernementales en matière d'encadrement des demandes d'accommodement présentées pas l'opposition. La commission disait ceci : «Les orientations gouvernementales ne s'inscrivent pas dans l'esprit et la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne. Elles sont plutôt en rupture avec ce texte quasi constitutionnel adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale au milieu des années 1970.

«[...]une loi qui interdirait le port de signes religieux par les employés des organismes publics serait manifestement en violation des dispositions de la charte québécoise.

«[...]la mise en oeuvre des orientations proposées pourrait mener à de plus grandes incertitudes au détriment, notamment, des droits des personnes concernées et de l'objectif d'assurer une plus grande sécurité juridique au sein des organisations.»

C'était ça, la réalité, il y a un an, M. le Président. Et là, aujourd'hui, je comprends, je comprends que l'on soit préoccupés par le projet de loi C-51, nous le sommes; nous le sommes, mais gardons-nous une petite gêne lorsque vient le temps de déchirer notre chemise, sur la place publique, pour le respect des droits et libertés. C'est un virage à 180 degrés par rapport aux positions qui étaient défendues il y a à peine un an, mais on n'est pas dupes, évidemment, M. le Président. Je l'ai mentionné, ce que l'on cherche, du côté de l'opposition officielle, évidemment, c'est un motif qui permettra de créer un clivage entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois, c'est une chicane Québec-Ottawa. Ce n'est pas du tout l'angle que nous apportons.

Certes, certes, il y a des désaccords, certes, il y a des préoccupations, mais nous entendons aborder ces préoccupations d'une manière tout à fait sérieuse, dans un esprit de collaboration, afin, nous l'espérons, de voir un projet de loi qui sera respectueux et afin de garantir une réelle protection des droits et libertés des citoyens, et afin, évidemment, de garantir la sécurité de ceux et celles qui sont sur notre territoire.

Alors, M. le Président, lorsque l'on tient vraiment au meilleur intérêt de la population, on fait un travail constructif et on travaille en collaboration avec nos homologues, avec les partenaires de cette fédération, et nous le faisons en abordant les dossiers de façon constructive. Et c'est l'approche que nous avons mise de l'avant dans la correspondance déposée la semaine dernière, c'est l'approche que nous entendons maintenir. Nous y travaillons au quotidien et avec intérêt, M. le Président. Alors, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la ministre de la Justice, pour cette intervention. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy (Arthabaska) : Merci, M. le Président. Je vais trahir mon âge en vous parlant de ça. Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit, le premier bureau dans lequel je suis rentrée, il n'y avait même pas de fax. Donc, le fax est arrivé pas longtemps après, là, je vous rassure. La pratique n'était pas la même. Les crimes que l'on voyait, au palais de justice, sont restés à peu près les mêmes; mais les crimes de terrorisme, on n'en voyait pas, à cette époque-là. On n'avait pas le Net, on n'avait pas les «mails», on n'avait pas non plus la télé en continu. Puis, si je vous parle de la télé en continu, c'est parce que, premièrement, on s'est ouverts sur le monde; deuxièmement, on voit des drames partout, comme Charlie, comme ce qui est arrivé en Tunisie, ce qui est arrivé ici, au Québec ou à Ottawa. Ça exacerbe, ça exacerbe certaines personnes, et puis ça rend la situation extrêmement différente.

La charte, on l'avait, on l'a toujours, mais la beauté de la charte, c'est de laisser aux juges apprécier chacune des situations pour évaluer dans le contexte que nous sommes maintenant par rapport à un contexte qui était peut-être différent et qui donne une certaine latitude. Mais, depuis plusieurs semaines, de nombreuses voix, incluant celles d'anciens premiers ministres, d'anciens juges de la Cour suprême, d'experts, ont mis en garde contre les abus auxquels pourrait potentiellement mener le projet de loi, bien que certaines dispositions du projet de loi présenté le 30 janvier 2015 par le ministre fédéral de la Sécurité publique méritent d'être précisées, d'autres bonifiées afin de s'assurer que les mesures de surveillance adéquates soient mises en place pour éviter des décisions arbitraires, notamment en ce qui a trait à l'échange d'information et aux communications interministérielles.

La Coalition avenir Québec est favorable, comme le gouvernement libéral dans sa lettre du 17 mars, à ce que soient édictées de nouvelles mesures qui permettent d'améliorer la sécurité du public, notamment en dotant nos corps policiers d'outils visant à contrer et prévenir l'extrémisme violent. En effet, les attentats de Saint-Jean-sur-le-Richelieu ou Ottawa nous forcent à reconnaître le sérieux des menaces que pose le radicalisme religieux pour la sécurité et le bien-être des Québécois, par le fait même, la nécessité de renforcer nos moyens de détection et de répression face à cette menace. Les mots «détection» et «répression» sont souvent utilisés à propos du projet de loi C-51, mais je suis fondamentalement convaincue qu'il y a des outils de prévention qui doivent être mis, des outils, aussi, d'éducation pour que nous vivions dans un environnement plus sécuritaire.

En février dernier, nous apprenions que le grand responsable des enquêtes criminelles et de la sécurité intérieure de la Sûreté du Québec redoutait encore d'autres actes extrémistes dans la province, et je le cite : «Il est probable qu'il arrive d'autres événements... Est-ce que ce seront des événements à saveur extrémiste islamique ou contre une minorité ethnique, je ne le sais pas, mais il va certainement arriver autre chose.» Je ne veux pas être alarmiste, mais je me dis que, si on entend des choses comme ça, on a le devoir d'écouter et de prendre des dispositions de prévention et de répression pour renforcer notre système. C'est d'ailleurs ce que visent les propositions que nous avons mises de l'avant pour contrer l'intégrisme religieux au Québec, une source démontrée de comportements violents et d'attentats terroristes.

Les libertés précieuses, les libertés individuelles dont nous jouissons et chérissons ne sauraient exister sans notre sécurité collective. Comme, cependant, l'ensemble des membres de cette Assemblée, nous sommes d'avis qu'il est primordial de maintenir un juste équilibre entre la nécessité d'assurer la sécurité de la population et de protéger les libertés. Or, nous sommes également d'avis que cet équilibre ne doit pas seulement prévaloir dans les rapports entre la sécurité et les droits et libertés, mais aussi dans le discours tenu par les politiciens qui s'insère dans ce débat sensible. Force est toutefois de constater que ces discours sont souvent parsemés d'exagérations qui amplifient les craintes et les préoccupations de toutes parts et qui antagonisent souvent une société qui se voudrait harmonieuse et respectueuse. D'un côté, on utilise la peur et des références aux pires atrocités connues dans l'histoire de l'humanité pour justifier un tel projet de loi et, de l'autre, on présente, en cette enceinte parlementaire... on se dit défenseurs des droits et libertés des Québécois quand l'objectif et la crainte réelle des membres du Parti québécois est de voir le projet souverainiste menacé par ce projet de loi.

• (15 h 40) •

Le projet de loi n'est évidemment pas parfait, loin de moi cette idée. Il est crucial que les parlementaires qui siègent à Ottawa ne réduisent pas nos libertés personnelles de façon injustifiée en tentant de nous protéger contre des menaces non identifiées ou pas assez identifiées. Mais reste-t-il qu'aujourd'hui la menace est, justement, difficile à identifier, car elle provient de l'intérieur de chez nous, des paroles et des mains des Canadiens ordinaires à première vue, mais combien violents et radicalisés. C'est pourquoi une amélioration des échanges au sein de l'administration publique fédérale, l'information susceptible de nuire à la sécurité nationale et un accroissement de la surveillance de certaines données nous apparaissent justifiés dans le contexte actuel.

Trois principes soulèvent des préoccupations : la définition de sécurité nationale plus englobante, les pouvoirs accrus du Service canadien de renseignement de sécurité, les échanges d'information privée entre les ministères et organismes fédéraux. Selon le projet de loi, la nouvelle définition de menace à la sécurité du Canada inclurait toute activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada, notamment entraîner un changement de gouvernement et entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles. Il y a certaines définitions qui devraient peut-être être un petit peu plus précises lorsqu'on lit ça. Les activités pouvant porter atteinte à la sécurité du Canada en entraînant un changement de gouvernement au Canada ou influer indûment sur un tel gouvernement par l'emploi de la force et des moyens illégaux sont donc proscrits par la loi.

L'article 2 du projet de loi spécifie toutefois qu'il est entendu... sont exclues les activités illicites de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'une expression artistique... sont exclues les activités licites. Je m'excuse, je n'arrivais pas à comprendre, là. Donc, tous les Canadiens qui le souhaitent pourront continuer de manifester, en toute légalité, leur désaccord à l'endroit des politiques environnementales, économiques ou autres du gouvernement sans être reconnus comme posant une menace à la sécurité nationale.

Bien, si ces personnes s'adonneraient à des activités illicites qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale, je pense qu'on convient tous ici, toutes et tous, qu'on doit intervenir. Nous comprenons que, premièrement, les Québécois ont fait clairement comprendre, lors de la dernière élection générale, qu'ils ne veulent pas du projet de loi souverainiste, et deuxièmement qu'il s'agit d'un mécanisme. Par contre, c'est un mécanisme référendaire légitime, et je crois qu'il n'y aura pas de souci à ce sujet.

Le mandat plus large de la société canadienne de renseignement accorde définitivement plus de pouvoirs à ce service. Celui-ci se voit accorder le mandat de perturber les menaces à la sécurité du pays, au Canada et à l'étranger. Actuellement, son mandat se limite à la collecte de renseignements qu'elle doit communiquer à d'autres organismes comme la GRC. Le Service canadien du renseignement de sécurité pourrait maintenant passer lui-même à l'action en empêchant des déplacements potentiels, entre autres en interceptant des déplacements d'armes ou en bloquant des communications incitant au terrorisme. Ainsi, pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada et contrer une menace terroriste qui pourrait se concrétiser, cette société pourra dorénavant adopter des mesures qui contreviennent aux chartes des droits et libertés, mais il devra obligatoirement obtenir un mandat du juge fédéral. En effet, à la suite d'une audience à huis clos — c'est bien sûr — dans laquelle seules les forces de l'ordre sont représentées, un juge de la Cour fédérale pourrait alors autoriser toute mesure juste et adaptée aux circonstances pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada.

Le projet de loi ne décrit pas toutes les mesures qui pourraient être utilisées, mais impose des limites comme celles de ne pas causer des lésions corporelles ou la mort d'un individu. Ainsi, il s'agirait de mesures justes et adaptées que le juge aurait estimées raisonnables et justifiables de mettre en oeuvre dans le cadre de notre société démocratique. Il s'agit d'une mesure de supervision judiciaire unique au monde qui nous rassure quant à la capacité d'intervention dont bénéficiera le service de renseignement canadien.

À titre de comparaison, le groupe d'actions opérationnelles de la Direction centrale du renseignement intérieur en France a également des pouvoirs d'intervention, mais une autorisation judiciaire n'est pas requise. Pour rassurer davantage mes collègues, je crois qu'il convient de lire la disposition prévue aux articles 12.1 et 12.2 du projet de loi :

«S'il existe des motifs raisonnables [...] qu'une activité donnée constitue une menace envers la sécurité du Canada, le Service peut prendre des mesures, même à l'extérieur du Canada, pour réduire la menace.

«Les mesures doivent être justes et adaptées aux circonstances, compte tenu de la nature de la menace et des mesures, ainsi que des solutions de rechange acceptables pour réduire la menace.»

Le mandat. «La prise par le Service [des] mesures pour réduire une menace envers la sécurité du Canada est subordonnée à l'obtention d'un mandat au titre de l'article 21.1 s'il s'agit de mesures qui porteront atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés [et] qui seront contraires à d'autres règles du droit canadien.»

Interdictions. «Dans le cadre des mesures qu'il prend pour réduire une menace envers la sécurité du Canada, le Service ne peut :

«a) causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à un individu ou la mort de celui-ci;

«b) tenter volontairement de quelque manière d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice;

«c) porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu.»

Le Parlement d'Ottawa a déjà conféré au Service canadien du renseignement le pouvoir extraordinaire de s'ingérer dans la vie privée de particuliers. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, dont le premier ministre a déjà été membre, veille à ce que le pouvoir soit exercé judicieusement et dans le respect de la loi afin de protéger les droits et libertés du Canada. À cette fin, il examine les opérations passées du service et il enquête sur les plaintes. Il a le pouvoir absolu d'examiner toute information qui a trait aux activités du service de renseignement, si délicate soit-elle, quel qu'en soit le niveau de classification. Son rapport annuel au Parlement résume les résultats de ces travaux, qui sont expurgés afin de protéger la sécurité nationale et la vie privée des intéressés.

Donc, l'intervention du service de renseignement sera précédée de l'obtention d'un mandat auprès d'un juge fédéral et sera suivie par une surveillance de la part du comité pour s'assurer qu'il n'y ait pas de dérapage et qu'il respecte l'esprit de la loi qui vise explicitement à réduire les menaces terroristes latentes et avérées sur le territoire canadien.

La Cour suprême continue de jouer un rôle essentiel et pourra donc être appelée à statuer sur la constitutionnalité de cette loi. Il s'agit de contrôle judiciaire supplémentaire qui vient limiter les risques de décisions arbitraires ou brimant injustement les droits et libertés des Canadiens.

Il est également à noter que le gouvernement fédéral n'a pas jugé nécessaire de faire appel à la clause «nonobstant» — dérogatoire — pour appliquer les dispositions qui permettraient de porter une atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés afin de réduire les risques de menaces à la sécurité. Des avis juridiques appuient nécessairement cette décision.

        Le plus important : la sécurité de tous se verra accrue. La meilleure communication — le troisième point : le projet C-51 vise également une meilleure communication entre 17 agences et ministères fédéraux pour permettre de communiquer entre elles et de manière proactive certaines informations susceptibles de nuire à la sécurité nationale. Cependant, je l'ai dit d'entrée de jeu, une surveillance doit être assurée afin que le droit à la vie privée ne soit pas brimé par un profilage arbitraire auquel pourraient s'adonner des fonctionnaires chargés de partager ces informations.

L'article 5 du projet de loi prévoit qu'«une institution fédérale peut, de sa propre initiative ou sur demande, communiquer de l'information au responsable d'une institution fédérale destinataire [...] à l'égard d'activités portant atteinte de la sécurité du Canada, notamment en ce qui touche la détection, l'identification, l'analyse, la prévention ou la perturbation de ces activités ou une enquête sur celles-ci». L'information partagée doit donc obligatoirement concerner des activités qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale, par exemple pour interrompre des transactions bancaires ou pour contrer des projets de voyage.

À ces mesures s'ajoutent d'autres dispositions bien encadrées et, pour la plupart, judiciarisées, c'est-à-dire encadrées par la décision d'un juge.

Criminalisation de la préconisation ou de la fomentation d'actes de terrorisme. Un emprisonnement maximal de cinq ans est prévu pour ces nouvelles infractions, qui vise l'incitation d'actes terroristes comme l'incitation à mener des attaques contre le Canada.

La saisie de propagande terroriste. Actuellement, la loi permet la saisie de documents haineux ou de pornographie juvénile. Cette mesure créerait deux nouveaux mandats pour empêcher des individus ou des groupes d'encourager la perpétration d'actes terroristes. Ainsi, un juge convaincu par une dénonciation sous serment qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une publication dont les exemplaires sont gardés aux fins de vente ou de distribution dans un local du ressort du tribunal... que ces documents ou ces publications constituent de la propagande terroriste, il peut décerner... il pourrait, plutôt, décerner un mandat autorisant la saisie de ces exemplaires.

Ce projet de loi permet aussi de faciliter l'arrestation et la prévention. Le projet de loi fait par ailleurs passer la détention préventive de trois à sept jours, ce qui donne une plus grande latitude aux forces de l'ordre pour amasser des éléments de preuve.

La protection des passagers. Le projet vise à élargir l'interdiction d'embarquer dans un avion aux personnes qui posent une menace terroriste et qui se déplacent pour participer à des activités terroristes. Pour l'instant, la «no-fly list», comme on l'appelle en latin, vise surtout les voyageurs qui posent une menace à la sécurité aérienne et ne vise pas les personnes qui posent une menace terroriste ou qui se déplacent pour aller participer à des activités terroristes. Et je peux vous dire, M. le Président, qu'on a entendu beaucoup parler, ces derniers temps, de jeunes femmes et de jeunes hommes qui partaient pour s'engager, pour aller s'entraîner dans les camps qui vont les inciter au terrorisme, puis je pense que c'est approprié.

• (15 h 50) •

En conclusion, maintenant, si nous jugeons que certaines précisions pourraient être apportées, nous rappelons que des audiences ont commencé, que l'étude du projet de loi n'est pas terminée, que les parlementaires de chacun des partis représentés pourront faire valoir leurs propositions d'amendement. Autrement dit, le débat n'est pas fermé, la mouture actuelle n'est pas la version finale. Laissons les parlementaires et la démarche démocratique faire son chemin.

Le projet de loi C-51 n'est pas le PATRIOT Act des États-Unis, et c'est tant mieux. Il contient par ailleurs des dispositions moins draconiennes que celles contenues dans la loi antiterroriste adoptée en France en novembre dernier, qui ne prévoit aucun mécanisme d'appel concernant la décision du gouvernement d'interdire à des citoyens français de quitter le territoire national lorsqu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'ils prévoient se rendre à l'étranger dans le but de participer à des activités terroristes, à des crimes de guerre ou à des crimes contre l'humanité. En effet, le projet de loi C‑51 prévoit un processus de recours administratif pour les personnes inscrites qui ont fait l'objet d'un refus de transport au titre d'une directive du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ainsi qu'un processus d'appel pour les personnes touchées par cette décision et pour toute mesure prise au titre de celle-ci.

Nous comprenons les préoccupations soulevées de part et d'autre dans la société civile et ici même, à l'Assemblée nationale, mais il est, premièrement, essentiel de faire la part des choses, et de bien lire ce projet de loi, et de bien comprendre les mesures de surveillance qui y sont prévues.

Deuxièmement, il faut comprendre qu'au total 48 témoins seront entendus par les députés à Ottawa et que des aménagements y seront forcément apportés afin de dissiper ces ambiguïtés et ces inquiétudes, je l'espère.

Cela dit, nous dénonçons, au même titre que le Parti québécois et le gouvernement libéral, la démarche unilatérale du gouvernement fédéral. Comme les ministres de la Justice, de la Sécurité publique et des Affaires gouvernementales l'ont déjà dit dans leur lettre acheminée au gouvernement fédéral, la question du terrorisme touche l'ensemble de la population canadienne, et il est important qu'il y ait un dialogue ouvert entre les provinces et le gouvernement central lorsqu'il s'agit d'un enjeu et des solutions à apporter et, j'ajouterais, M. le Président, lorsqu'il s'agit d'un enjeu aussi sensible.

Nous sommes aussi d'avis qu'il aurait été souhaitable, dans un esprit de fédéralisme corporatif, que le projet de loi C‑51 fasse l'objet de consultations préalables auprès des provinces et que des discussions soient entamées au sein du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la lutte contre le terrorisme. Pour cette raison, nous sommes également favorables à ce que le gouvernement du Québec transmette ses observations, ses demandes d'amendement à cette Assemblée pour ensuite les transmettre au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes du Canada.

Enfin, d'ici la fin de l'étude parlementaire du projet de loi, nous voterons cependant contre cette motion, puisque, bien que nous partagions certaines inquiétudes quant à la nécessité de préciser davantage les dispositions les plus controversées du projet, d'assurer une surveillance adéquate et un juste équilibre entre la protection des droits et libertés consacrée dans nos chartes et de nécessité d'assurer notre sécurité physique, nous ne partageons pas l'interprétation qu'en fait le Parti québécois ni chacune de ses préoccupations qu'il soulève, qui d'ailleurs ne sont pas suffisamment explicites dans le libellé de la motion. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée d'Arthabaska, pour cette intervention. Mme la députée de Joliette, je vous cède la parole.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis heureuse à mon tour de prendre la parole sur cette importante motion portant sur le projet de loi fédéral C-51. Je pense qu'il y a des moments où il faut travailler de la manière la plus collégiale possible. Ça nous arrive. Les gens le sous-estiment, ne le savent pas beaucoup parce que ce n'est pas souvent ce qu'on voit dans les médias, mais ça nous arrive, comme parlementaires, d'être capables de s'élever au-dessus de la partisanerie, notamment lorsqu'il y a des enjeux qui concernent tous les Québécois et où on veut faire part d'un point de vue québécois au gouvernement fédéral.

Le passé regorge d'exemples très probants où on a réussi à s'élever au-dessus de la partisanerie pour le bien commun de l'ensemble des Québécois, aussi du respect, je vous dirais, M. le Président, de notre institution, de l'Assemblée nationale qui, lorsqu'il y a des projets de loi, comme C-51, d'une telle importance, doit pouvoir faire entendre sa voix. C'est essentiel. Donc, dans ce contexte-ci, évidemment ce qu'on souhaite aujourd'hui, c'est être capable de voter sur cette motion d'une manière unanime pour envoyer un message fort au gouvernement fédéral, et, avec respect pour ma collègue de la deuxième opposition, je pense avoir entendu ses propos qu'il y a tout à fait la place dans le libellé de la motion pour qu'elle puisse se joindre, ainsi que son groupe, à appuyer, donc, cette motion.

Mais je voudrais dire une chose. Je pense que, quand on aborde des enjeux aussi importants et que, justement, on espère s'élever et pouvoir envoyer un signal clair comme Assemblée nationale, il ne faut pas non plus essayer de chercher, je dirais, des problèmes ou des frictions là où il n'y en a pas. Alors, c'est certain que j'ai été surprise quand même d'entendre la ministre de la Justice parler que, de ce côté-ci de la Chambre, on voulait attiser des chicanes, on voulait attiser des conflits, quand je pense que mon collègue de Verchères a parlé de la manière la plus respectueuse possible, que la motion, elle est très respectueuse aussi, mais que, bien sûr, elle fait part d'un certain nombre d'enjeux par rapport au projet de loi, qu'elle fait part du fait que, bien sûr, nous dénonçons l'unilatéralisme, comme ma collègue de la deuxième opposition aussi le dénonce, dans la démarche du gouvernement fédéral. Donc, je pense que c'est important aussi d'être capable de se respecter et de s'élever au-dessus de la mêlée.

Je veux aussi rappeler que les propres collègues de la ministre de la Justice et de la ministre de la Sécurité publique, je pense à l'actuel leader du gouvernement, ont fait des démarches dans le passé auprès de gouvernement fédéral. Je pense au projet de loi C-10 sur la justice criminelle, je pense aussi au projet de loi qui concernait la justice pénale pour les adolescents. Il y a eu de ces démarches non partisanes qui ont mené à, donc, des comparutions devant un comité parlementaire fédéral et où on a été capables de, oui, travailler ensemble et pas de dire qu'on est en train d'attiser des chicanes ou de se renvoyer des épithètes d'un côté comme de l'autre de la Chambre, mais plutôt de se dire qu'on était face à un moment important et que, donc, il nous fallait travailler pour parler d'une seule voix et faire ces démarches auprès du gouvernement fédéral. Dans le dossier du registre des armes à feu, c'est un autre bel exemple où il y avait eu une sortie conjointe de tous les partis lorsque mon collègue, encore une fois, le député de Verchères avait déposé, donc, la démarche québécoise en lien avec la préservation du registre des armes à feu. Alors, je pense qu'il faut faire attention quand on aborde des enjeux aussi importants.

Ceci dit, M. le Président, le problème avec C-51, c'est le problème qui est souvent le nôtre quand on voit des législations qui pourraient poursuivre de bons objectifs, mais qui mettent de l'avant des moyens totalement disproportionnés. L'autre problème, c'est qu'aussi on voit parfois une certaine instrumentalisation de réalités, de problèmes, non pas fictifs, très, très réels, et je vais y revenir, comme ceux que l'on vit présentement en lien avec le terrorisme, et que ces situations-là amènent le gouvernement fédéral à vouloir en faire énormément et, en quelque sorte, à complètement, je vous dirais, dénaturer le besoin qui s'exprime en lien avec ces situations-là, pour aller beaucoup trop loin. Et c'est ce à quoi on fait face, malheureusement, avec le projet de loi C-51.

• (16 heures) •

Donc, dans ce temps-là, ce n'est pas simple. Il faut faire les nuances qui s'imposent. Ce n'est pas d'être contre la lutte au terrorisme, contre des mesures vigoureuses de lutte au terrorisme que de dire que le projet de loi C-51 ne tient pas la route, qu'il doit être amendé minimalement de manière significative, à défaut de quoi il devra être abandonné, si on veut qu'il puisse produire des résultats convenables, les résultats recherchés, sans avoir des effets complètement inverses, qui vont aller à l'encontre des objectifs qu'on devrait poursuivre de protéger les droits et libertés des citoyens. Parce que c'est de ça dont il s'agit quand on parle de lutte au terrorisme. C'est qu'on veut que les droits soient protégés. Or, si on n'est pas dans la bonne mesure et que le résultat... et qu'on va complètement même à l'encontre d'un tel principe, parce que les mesures sont complètement disproportionnées, bien, on ne sera pas plus avancés. Et malheureusement c'est dans une situation comme celle-là qu'on se retrouve en ce moment.

Donc, je dis que ce n'est pas simple parce que, bien entendu, je pense que tous les Québécois, toute la société a été fortement ébranlée par ce qui s'est passé à Saint-Jean-sur-Richelieu, par les attentats, bien sûr par ce qui s'est passé, par la suite, au Parlement fédéral. On est très préoccupés de voir des jeunes Québécois qui sont en train de s'en aller en Syrie pour combattre avec l'État islamique. Donc, c'est autant de préoccupations, comme le soulignait ma collègue de la deuxième opposition, qu'on ne vivait pas avec une telle intensité il y a encore quelques années, et, oui, c'est très, très préoccupant. Et c'est pourquoi il faut travailler fort, il faut mettre de l'avant les bonnes mesures de lutte au terrorisme. Mais, justement, il faut mettre de l'avant les bonnes mesures, il ne faut pas mettre de l'avant des mesures disproportionnées.

Donc, je pense que, oui, il faut tous être engagés. D'ailleurs, au Parti québécois, nous avons fait des propositions pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Je pense que la société québécoise est en pleine réflexion sur ça aussi. Mais, quand on fait face à un tel projet de loi, bien, je pense que notre responsabilité, c'est de dire que des nuances s'imposent et qu'il faut faire le débat comme il se doit pour ne pas verser dans les mesures extrêmes.

Donc, ce qu'on souhaite aujourd'hui par cette motion que mon collègue a relue et a expliquée à chacun des paragraphes, l'esprit de chacun des paragraphes, c'est bien sûr de demander au gouvernement du Québec de continuer sur la voie qu'il a amorcée par cet envoi d'une lettre au gouvernement fédéral par les trois ministres concernés signataires, mais d'aller plus loin et de permettre à l'Assemblée nationale, donc, d'avoir une position dans laquelle elle pourra parler d'une seule voix et faire valoir des amendements qui nous apparaissent très importants.

Et, bien sûr, je veux dire que ce n'est pas un combat souverainistes-fédéralistes. Nous avons, oui, de part et d'autre de cette Chambre, une position fondamentale, politique très, très différente, qui colore beaucoup de choses dans la vie politique québécoise. Nous sommes, oui, profondément souverainistes. Je pense que, jusqu'à preuve du contraire, les collègues d'en face sont profondément fédéralistes. On est toujours ouverts au dialogue et à accueillir toute personne qui pourrait avoir des doutes et qui pourrait se rendre à l'idée que, oui, la souveraineté est une voie intéressante pour l'épanouissement du peuple québécois, mais ce n'est pas aujourd'hui que je vais entrer dans ce débat.

Mais l'idée, c'est juste de se dire que, malgré cette divergence fondamentale qui enrichit beaucoup notre débat démocratique, nous sommes capables de nous entendre. Et ce n'est pas, en ce moment, un combat souverainistes contre fédéralistes. Et la preuve en est qu'il y a une tonne d'organisations... et je pense qu'on aurait du mal à les qualifier d'indépendantistes, comme on aurait du mal, peut-être, à qualifier certains anciens premiers ministres comme Jean Chrétien, Joe Clark, Paul Martin, John Turner d'indépendantistes, à moins qu'il y ait quelque chose qui m'ait échappé récemment.

Donc, je pense que le mouvement de contestation du projet de loi C-51 est très large, et il devrait nous alerter quant aux dangers de dérapage de ce projet de loi. Donc, plusieurs, vous le savez, mon collègue en a fait part tout à l'heure, mais plusieurs groupes l'ont mentionné : des anciens premiers ministres, des anciens juges de la Cour suprême, un nombre important de groupes de la société civile qui se sentent particulièrement à risque — on pense aux communautés autochtones, on pense aux groupes environnementaux — beaucoup de juristes, beaucoup d'experts. Et, oui, c'est vrai, comme indépendantistes, nous sommes aussi inquiets, porteurs de certaines inquiétudes, parce que nous avons vu dans le passé qu'avec des pouvoirs élargis il y avait eu des gestes posés qui étaient inacceptables et très intrusifs à l'endroit des indépendantistes québécois.

Donc, énormément de gens qui se sont manifestés depuis la présentation de ce projet de loi là et beaucoup d'inquiétude au Québec aussi, notamment à la lumière des dérapages qu'on a pu vivre dans le passé. Donc, oui, nous sommes convaincus que non seulement il faut parler d'une seule voix, mais qu'il faut dire haut et fort qu'il y a des choses, des éléments absolument inacceptables dans ce projet de loi C-51 et donc qu'il faut des amendements. Minimalement, il y a des amendements qui sont incontournables. Donc, la nouvelle définition d'activité portant atteinte à la sécurité du Canada, vraiment, c'est une définition qui est excessivement large et arbitraire. Et, comme à chaque fois qu'on est dans ces matières de droits et libertés, il faut faire attention à l'arbitraire. Donc, en soi, c'est un motif important de demande d'amendement.

Même chose pour les nouveaux pouvoirs d'intervention qui sont confiés au SCRS. Bien sûr qu'ils doivent s'accompagner de mesures de contrôle archiefficaces, parce que c'est un pouvoir sans précédent qui est confié au SCRS, qui n'aurait plus qu'un pouvoir de surveillance, mais un pouvoir beaucoup plus large de collecte d'information, d'intervention directe et aussi, bien entendu, de grandes préoccupations par rapport à toute la question de l'échange des renseignements, la protection de la vie privée. Et c'est autant de motifs qui nous amènent, je crois... qui devraient tous nous amener à conclure que nous devons parler d'une voix unie, d'une voix forte, dans un premier temps, pour dénoncer, bien sûr, qu'une loi d'une telle envergure ait pu être déposée d'une manière aussi précipitée, sans aucune consultation préalable ni des groupes concernés mais ni du Parlement québécois, alors que les impacts sont majeurs, et bien sûr aussi pour être dans l'action, pour présenter des amendements, parce que je rappellerais à ma collègue de la Justice qu'un comité de travail, c'est formidable, mais là il est pas mal minuit moins cinq pour parler de comité de travail quand les auditions ont lieu à la Chambre de communes et que le travail législatif est amorcé.

Donc, je pense qu'il faut passer à la prochaine étape et je nous invite tous à le faire haut et fort, d'une voix unie en adoptant aujourd'hui cette motion qui permettra au Québec de s'inscrire dans ce débat qui est fondamental pour notre avenir à tous, qui est fondamental pour la préservation de nos droits et libertés et pour lutter efficacement mais correctement contre le terrorisme. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Joliette, pour cette intervention. Je cède la parole maintenant à Mme la députée de Gouin.

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Alors, je veux donc expliquer brièvement qu'à Québec solidaire nous allons appuyer la motion de l'opposition officielle et nous allons le faire sans réserve, mais je veux expliquer pourquoi, par exemple.

D'abord, le projet de loi C‑51 est beaucoup trop large, vise ou peut viser, de la façon dont il est écrit, des mouvements, des personnes qui n'ont absolument rien à voir avec le terrorisme. Et, sous le couvert de la lutte au terrorisme, ce projet de loi peut couvrir, par exemple, ou peut sanctionner des militantes et militants qui appartiennent à des mouvements de protestation sociale, et on peut penser aux groupes écologistes, autochtones, anticapitalistes, on peut penser à des comités de citoyennes et citoyens travaillant contre des changements climatiques, etc. On peut penser à toute une panoplie de personnes et de groupes. Et donc vraiment le projet de loi, qui est vague et trop vaste, peut s'appliquer à ces groupes et à ces personnes.

Il y a des articles du projet de loi, par exemple, qui vont définir certaines activités comme l'entrave au fonctionnement d'infrastructures essentielles. Oui, mais on parle de quoi? Est-ce qu'on parle de pipelines, par exemple? Alors, si des personnes vont empêcher un bulldozer de venir construire un trou pour mettre un pipeline dedans, est-ce qu'on va qualifier ces personnes comme étant problématiques au plan de la sécurité du Canada? Ce qui me paraîtrait absolument abusif, mais n'empêche que ça pourrait être ça. Ou est-ce que, si des personnes se mobilisent contre une mesure, une politique inscrite par le gouvernement canadien, on va dire : Ah! ce sont des personnes qui travaillent contre la sécurité du Canada? Est-ce qu'une manifestation interdite en vertu d'une réglementation municipale comme P-6, par exemple, est-ce qu'un sit-in, est-ce que de la désobéissance civile pacifique, pacifique, peuvent être considérés, à cause de ce projet de loi — ou une grève — comme s'inscrivant dans la foulée de gestes terroristes qui sont contraires aux besoins de sécurité au Canada? Beaucoup de personnes et d'organismes l'ont dit bien avant moi à la Chambre des communes, c'est un projet de loi beaucoup trop vaste, qui donne beaucoup trop de pouvoir à la police.

• (16 h 10) •

On parle aussi d'atteintes très nombreuses à la vie privée. Mise en place d'un vaste système de collecte et d'échange d'information au sein de l'appareil gouvernemental. On fait table rase des règles actuelles en matière de protection des renseignements personnels. Il y a absence de mécanisme de surveillance adéquat de ces activités de renseignement et pas de recours non plus pour les personnes qui vont en faire l'objet. Toutes des raisons qui font que c'est dangereux, ce projet de loi là, et que ça peut vraiment porter atteinte à la liberté d'expression.

Un autre problème : l'atteinte aux droits fondamentaux. Le projet de loi élargit démesurément les circonstances qui permettent la détention préventive. Il affaiblit le degré de preuve nécessaire, allonge la durée possible de la détention, qui passe de 72 heures à sept jours, durcit les conditions de libération, et le tout sans inculpation pour activité criminelle. Mais dans quelle sorte de société est-ce qu'on va vivre avec ce projet de loi là?

Et donc toutes ces dispositions peuvent miner la liberté d'expression en ayant un effet d'autocensure évident sur les individus.

Pouvoirs démesurés octroyés au SCRS. Le SCRS, jusqu'à présent, avait des activités de renseignement. Dorénavant, il pourra prendre des mesures pour réduire, entre guillemets, une menace à la sécurité du Canada, et la définition est tellement large que ça peut inclure toutes sortes d'activités menées par des mouvements sociaux. Il peut, sous réserve d'obtenir un mandat judiciaire, agir illégalement et même prendre des mesures qui vont porter atteinte aux droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Ça va extrêmement loin. La procédure d'octroi de mandat se déroule à huis clos et donc ne permet pas la protection des droits protégés par la charte.

Ce qu'on craint réellement, c'est, dans le fond, la création d'une véritable police politique et l'accroissement des pratiques de profilage politique. Plusieurs ont souligné aussi que les mesures de surveillance de cette police politique étaient à peu près inexistantes et que ça pouvait apporter des dérives importantes comme ce qui a été vécu et qui se vit encore, dans une certaine mesure, aux États-Unis, où on a pu voir la CIA, depuis 10 ans, 15 ans, s'adonner à des pratiques répressives et même à la torture sans que personne ne surveille vraiment ce type d'activités. Je suis certaine que ce n'est pas dans ce genre de société que quiconque au Québec veut vivre. Et, pour toutes ces raisons, M. le Président, et parce que le gouvernement fédéral s'adonne à une consultation bidon dont, visiblement, il ne tiendra pas compte, je pense que nous devons appuyer unanimement la motion de l'opposition officielle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, Mme la députée de Gouin, pour cette intervention. Mme la vice-première ministre et ministre responsable de la Sécurité publique, je vous cède la parole.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault : Merci, M. le Président. Évidemment, M. le Président, vous comprendrez qu'à titre de signataire de la lettre qui a été envoyée au gouvernement fédéral je ne pouvais faire autrement que de prendre la parole aujourd'hui sur la motion qui a été déposée par notre collègue le député de Verchères.

M. le Président, quelques petites remarques avant d'aller sur le fond de la question. J'ai entendu, évidemment, tout ce qui s'est dit ici, en Chambre. Vous savez, je suis très respectueuse des différents points de vue, des différentes opinions qui sont exprimées par les députés. Évidemment, c'est la nature même de la démocratie, c'est le rôle que doit jouer notre Parlement où les opinions de tous et chacun... on a du temps pour faire valoir nos points de vue.

M. le Président, vous savez, je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque j'ai entendu mon estimé collègue le député de Verchères lors de son éloquente allocution. Je pense que c'est important de le dire, c'est un tribun qui a beaucoup d'expérience, et je le dis avec un sourire, mais ce n'est vraiment pas méchant, M. le Président, j'avais comme l'impression qu'il était le parlementaire qui, dans une autre vie, a su prendre la parole très éloquemment dans un autre Parlement. Et ça le fait sourire, vous voyez qu'il n'y a pas de malice dans mes propos. Mais je n'ai pu m'empêcher de me dire : Bien, c'est évident que le plaidoyer que notre collègue a fait, il aurait pu le faire au Parlement fédéral s'il siégeait, évidemment, encore dans ce Parlement-là et que l'occasion pour lui s'est présentée, à titre de député du Parlement de l'Assemblée nationale, de pouvoir débattre d'une question qui, on le voit, lui tient vraiment à coeur, il l'a fait de manière très, très éloquente. Mais ça me fait toujours sourire de voir que, maintenant, on est dans un autre Parlement et qu'il y a des débats qui vont interpeller les députés de toutes formations politiques et de tous les Parlements, qu'on siège au Parlement canadien, au Parlement de l'Assemblée nationale ou dans les autres Parlements des différents provinces ou territoires du Canada, M. le Président.

M. le Président, j'ai écouté aussi avec beaucoup d'attention la députée de Joliette, qui a repris les propos de ma collègue la ministre de la Justice, où, sans vouloir lui prêter d'intentions, elle a interprété à sa manière, avec l'oeil et la condition où elle a entendu, les propos de ma collègue. Mais je pense qu'il faut aussi ne pas se leurrer, M. le Président, il y a une réalité, c'est que le parti qui est devant nous, c'est un parti qui est fondamentalement pour la séparation du Québec. Et je ne dis pas que la motion vise à créer une énorme chicane avec le gouvernement fédéral, M. le Président, mais on sait tous que plus il y aura de divergence, plus il y aura de points de vue qui seront complètement différents entre cette formation politique et le gouvernement fédéral, plus ça amènera de l'eau au moulin pour faciliter leur option ou, à tout le moins, en faire la promotion, M. le Président. Et je crois sincèrement que c'est exactement ce que la ministre de la Justice a voulu dire par ses propos lorsqu'elle a pris la parole en parlant de l'option souverainiste de nos collègues du Parti québécois.

Alors, M. le Président, j'ai aussi bien entendu la collègue... la députée d'Arthabaska et je dois dire qu'elle a, à juste titre, fait une description et une analyse du projet de loi C-51 qui était, à mon avis, fort poussée. On a vu qu'elle a fait vraiment une recherche qui est très exhaustive par rapport aux différents points qui sont touchés par le projet de loi C-51, ce qui me permet de dire, M. le Président, que c'est vraiment tout à l'honneur de la députée d'avoir fait cette recherche-là, parce qu'évidemment, lorsqu'on parle des questions de sécurité, lorsqu'on parle des questions de droits fondamentaux dans notre société, il existe plusieurs droits. Mais vous ne serez pas surpris non plus, M. le Président, de m'entendre dire, comme ministre de la Sécurité publique, que mon rôle premier, comme ministre, c'est de protéger les Québécois, mais aussi de protéger la sécurité de nos gens, de nos peuples.

M. le Président, il est évident que plus de sécurité, ça veut aussi dire protéger nos droits. Puis je m'explique quand je dis ça, M. le Président. Vous savez, le projet de loi C-51, il est vrai que nous puissions avoir des questionnements, et je pense, à juste titre, que la lettre qui est cosignée par la ministre de la Justice, par moi, par le ministre qui est responsable, également, des Affaires intergouvernementales canadiennes justifie l'objet de notre démarche, où nous voulons vraiment signifier au gouvernement fédéral qu'il y a des questionnements par rapport au projet de loi C-51, et je pense qu'il est légitime de le faire.

M. le Président, ma collègue la ministre de la Justice a dit, à juste titre, et là je vais citer le bout de la lettre qu'elle a citée, que «[les questions] du terrorisme [touchent] l'ensemble de la population canadienne et nous croyons qu'il est important de collaborer avec votre gouvernement, mais également avec les autres provinces et territoires. À cet égard, il aurait été souhaitable que le projet de loi C-51 fasse l'objet de consultations préalables auprès des provinces et des territoires. D'ailleurs, il existe déjà un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la lutte contre le terrorisme, lequel relève du Comité de coordination des hauts fonctionnaires responsables de la justice pénale. Il est malheureux que le gouvernement fédéral ait choisi de procéder unilatéralement et ainsi de se priver de l'expertise de ses partenaires fédératifs. Un fédéralisme coopératif aurait exigé que le groupe de travail soit mis à contribution.» Et c'est inclus dans la lettre. Donc, M. le Président, si nous l'avons écrit, c'est que nous le pensions vraiment.

Ce qu'il faut dire, c'est — ma collègue l'a dit, et je pense que c'est important de le redire parce que nous avons fait mention, dans la lettre, de ce comité-là — qu'il y a présentement des discussions avec nos homologues pour que le comité puisse se réunir, M. le Président. Les discussions vont bon train, et je dois dire que c'est à l'initiative de notre lettre où, présentement, il y a des discussions entre le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec.

• (16 h 20) •

Mais il faut considérer également, puisque nous vivons dans une fédération canadienne, qu'il y a aussi d'autres partenaires, M. le Président, qui se sentent interpellés par le projet de loi C-51, et j'entends, évidemment, les autres provinces canadiennes et les territoires, M. le Président. Je pense qu'il est important de comprendre que la sécurité publique, mais les droits, également, de nos concitoyens canadiens, et non pas seulement québécois, sont au coeur du projet de loi C-51. Et tous les ministres responsables de la Justice sont interpellés, mais également les ministres responsables de la Sécurité publique, M. le Président.

M. le Président, vous savez, je pense qu'il est important aussi de rappeler ce que notre premier ministre nous a dit et je pense que c'est important de reciter que, le 23 octobre dernier, suite aux événements qui sont survenus à Ottawa, notre premier ministre s'était exprimé sur le rôle que le Québec devait jouer face à la menace terroriste. Et ce qu'il disait, c'est que «le gouvernement doit jouer son rôle. Tout son rôle. Soutenir les actions de sécurité en préservant la règle de droit.» M. le Président, je pense que c'est important de le rappeler parce que c'est exactement ce que notre gouvernement fait présentement, non seulement les discussions qui ont lieu pour que le comité puisse se réunir, à l'initiative de ma collègue la ministre de la Justice... fait partie des réponses qu'on doit avoir concernant les inquiétudes qui ont été manifestées face au projet de loi C-51.

Mais je dois dire également, M. le Président, que, comme ministre de la Sécurité publique, je pense qu'il est important que les gens qui nous entendent comprennent aussi que j'ai eu le loisir de parler avec le ministre de la Sécurité publique et, M. le Président, je peux vous dire que j'ai une collaboration exceptionnelle du ministre de la Sécurité publique fédéral, M. Blaney, et que nous nous parlons régulièrement, M. le Président, et j'oserais dire au moins une fois par mois.

Mais ce que je tiens à mentionner aux gens, au-delà du fait que nous nous parlions et que nous travaillons bien ensemble, le 2 mars dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre fédéral ainsi que différents ministres des autres provinces canadiennes — le ministre de l'Ontario, le ministre du Nouveau-Brunswick et la ministre de la Nouvelle-Écosse — qui sont aussi responsables de la Sécurité publique, M. le Président. Il y avait un forum de trois jours à Ottawa où on parlait des questions de police, de sécurité, du rôle que les forces policières doivent jouer dans les communautés, les budgets qui y sont reliés, évidemment. Il y avait des conférenciers partout au Canada qui étaient là. Et, M. le Président, je dois dire que, lors de cette rencontre, j'ai eu l'opportunité de m'entretenir avec trois autres ministres qui partagent les dossiers de la Sécurité publique ainsi qu'avec le ministre fédéral et que nous avons demandé à ce qu'il puisse y avoir une rencontre des ministres de la Sécurité publique des provinces et des territoires avec le ministre fédéral, et, M. le Président, le ministre Blaney a acquiescé à cette demande. Pourquoi? Parce que les questions de terrorisme, parce que les questions de sécurité publique ne peuvent pas regarder que le gouvernement fédéral, mais doivent obligatoirement regarder également les autres provinces canadiennes, M. le Président, et les autres gouvernements.

Je pense qu'il est important de rappeler que toutes les questions de terrorisme... Depuis que l'État islamique a fait poser la menace sur le Canada que nous n'étions plus à l'abri des actes de terrorisme, c'est comme si d'un coup nous avons... on est tombés dans un mode de vigilance, de surveillance, on a élevé d'un cran, M. le Président... parce que la menace d'un acte de terrorisme devenait beaucoup plus réelle. Jusqu'à maintenant, on avait toujours vu ça de l'autre côté de l'océan, dans les pays très lointains. Nous avions l'impression d'assister à des scènes désolantes et des spectacles franchement macabres, M. le Président, où on voit que les droits des humains sont totalement bafoués, où la démocratie n'existe pas, où il y a des actes barbares, où il y a des attentats terroristes qui se posent, M. le Président. Il est évident que, lorsqu'on regardait ça, de ce côté-ci, on disait : Bien non, pas chez nous. Mais, à partir du moment où l'État islamique a fait peser cette menace-là sur le Canada... Et malheureusement nous nous sommes rendu compte assez rapidement, M. le Président, avec l'attentat qu'il y a eu face aux militaires à Saint-Jean-sur-Richelieu, avec l'attentat qu'il y a eu au Parlement d'Ottawa, que nous n'étions plus à l'abri, M. le Président.

Vous savez, M. le Président, j'ai toujours dit que, comme ministre de la Sécurité publique, toute mesure qui servira à mieux protéger les citoyens québécois et canadiens sont les bienvenues, M. le Président. On ne pourra pas dire... Si C‑51 avait été adopté avant, est-ce que ça aurait pu mettre à l'abri les deux attentats que nous avons vécus, soit celui d'Ottawa et de Saint-Jean? Peut-être, M. le Président, peut-être. On ne peut pas changer le passé, mais on peut essayer d'influencer l'avenir, M. le Président. Et je crois que, lorsque les parlementaires et lorsque les ministres déposent des lois dans leurs Parlements, que ce soit le Parlement fédéral ou le Parlement québécois, nous déposons des lois pour accomplir mieux nos missions, M. le Président. Et je crois que, le gouvernement fédéral, en déposant le projet de loi C‑51, le but qui est visé, c'est de protéger la population.

J'ai toujours dit également, M. le Président, que non seulement il fallait protéger nos concitoyens, mais il fallait trouver aussi le juste équilibre entre les droits et libertés, et la protection des gens passe aussi par la protection des droits — Mme la Présidente, puisqu'il y a eu un petit changement. Vous savez, Mme la Présidente, je crois qu'à partir du moment où on s'attaque à notre démocratie... Nous avons le droit de vivre dans une société démocratique. Oui, nous avons le droit de garder nos renseignements confidentiels, notre vie privée, je pense qu'il ne s'agit pas d'opposer les droits d'un par rapport aux autres, mais il faut quand même trouver un juste équilibre, Mme la Présidente. Et c'est la préoccupation, c'est l'objet de la lettre que nous avons fait parvenir au gouvernement fédéral.

Mme la Présidente, je pense qu'il est important aussi de mentionner que, la rencontre qui aura lieu, des ministres de la Sécurité publique, lorsque la date sera connue, on vous reviendra, mais évidemment il faut concilier, comme je l'ai dit, les agendas de plusieurs ministres, et ce n'est pas toujours évident. Mais le ministre Blaney a confirmé qu'il y aurait une rencontre, et, sans surprise aucune, je pense que tous conviennent que le projet de loi C‑51 sera à l'ordre du jour. Et je conviens que, si on peut faire de la représentation avant l'adoption du projet de loi, c'est bien, mais que je crois qu'il peut y avoir aussi de l'amélioration continue face au projet de loi.

Vous savez, Mme la Présidente, moi, je n'ai pas pour prétention de vouloir me substituer au ministre fédéral, je n'ai pas pour prétention de vouloir faire le travail des parlementaires canadiens qui siègent à Ottawa. Je pense que les parlementaires doivent faire leur travail. Je pense qu'il est légitime que, dans le Parlement canadien, les différentes étapes soient franchies, qu'on puisse, là-bas, étudier le projet de loi. Je pense qu'il est légitime également que chaque Parlement et chaque ministre puissent faire valoir leurs points de vue, puisque la question de sécurité et les questions de terrorisme sont des questions qui sont des préoccupations pour tous les gouvernements, et c'est vrai également pour le gouvernement du Québec.

Ce qui m'amène à vous dire, Mme la Présidente, qu'évidemment, pour répondre à certains questionnements de l'autre côté, de mes collègues — j'ai entendu dire qu'on espérait qu'on n'abdiquait pas nos responsabilités face à la radicalisation au gouvernement fédéral — je pense que c'est important de dire que, non, on n'abdique pas nos responsabilités, Mme la Présidente, au contraire... autant que je peux vous dire que nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral parce que les questions méritent qu'on le fasse et qu'on s'élève au-dessus de la partisanerie, j'en conviens.

• (16 h 30) •

Je conviens également que tous les gens peuvent avoir leur lorgnette et voir ça avec leur passé, avec leur expérience, avec certains événements qui sont survenus, mais moi, je fais le pari et le choix de regarder ça avec les éléments d'aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui, avec la réalité d'aujourd'hui, et je suis convaincue, Mme la Présidente, qu'on doit mieux protéger nos concitoyens, c'est vrai, au Québec. Et, à ce que je sache, le Québec fait encore partie du Canada. Et les préoccupations sont légitimes pour les Québécois comme elles le sont pour les Ontariens, comme elles le sont pour les gens qui sont en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse, Mme la Présidente, ou encore dans les Territoires du Nord-Ouest. Donc, vous comprendrez que la position de notre gouvernement, c'est de travailler en collaboration avec les ministres respectifs du gouvernement fédéral pour faire en sorte que nous puissions atteindre notre objectif. Et je vais convenir qu'il est important d'encadrer, qu'il est important de trouver le juste équilibre entre la sécurité et le respect des droits, mais que notre démocratie, c'est aussi un droit fondamental, et que, lorsqu'on parle de terrorisme, lorsqu'on parle d'attentats devant les parlements ou dans les parlements, ou à côté des parlements...

L'attentat à Tunis, la semaine passée, Mme la Présidente, on a tous compris que c'était l'État islamique, ça a été revendiqué d'ailleurs après. Le Musée Bardo, ce n'était pas choisi comme ça au hasard, c'est à côté du parlement. Le moment aussi, ce n'était pas n'importe quand, c'était au moment où il y avait l'étude d'un projet de loi pour contrer le terrorisme, Mme la Présidente. Donc, il est évident qu'il y a une corrélation à faire, et nous devons, nous, dans nos parlements respectifs, pour protéger la démocratie... Et Dieu sait qu'il y en a eu, des luttes pour que nous puissions être démocrates, on s'est battues, les femmes, pour... pas vous et moi, mais nos mères, nos grand-mères se sont battues pour avoir le droit de vote. On a gagné chèrement notre démocratie.

C'est le cas quand il y a des guerres également, Mme la Présidente. Quand nos soldats canadiens sont partis pour les grandes guerres, c'est parce qu'ils voulaient préserver la démocratie des pays, ils voulaient préserver les droits des citoyens. Je pense qu'on a la responsabilité, Mme la Présidente, de mieux protéger aussi notre démocratie.

C'est une valeur fondamentale et c'est un droit fondamental que nous devons protéger également, Mme la Présidente, et je suis convaincue que le projet de loi C-51 vise aussi cet objectif-là. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que je crois à la démocratie, je crois aussi à la sécurité et je crois au respect des droits, mais il faut trouver le juste équilibre, et je pense qu'il faut aussi faire confiance aux gens qui prennent les décisions. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup de votre intervention, Mme la vice-première ministre et ministre responsable de la Sécurité publique. Et, pour la prochaine intervention, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Fabre.

M. Gilles Ouimet

M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'il est possible de savoir de combien de temps je dispose pour mon intervention?

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, c'est mon erreur, j'aurais vous le confirmer. Vous disposez de tant de minutes... de 15 minutes, pardon.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, Mme la Présidente. C'est avec grand plaisir que je participe à mon tour à ce débat, débat très intéressant. Je vais faire du pouce un peu sur les propos de la ministre de la Sécurité publique, qui d'entrée de jeu soulignait les qualités d'orateur du député de Verchères, qui a présenté la motion, et je pense qu'effectivement le député de Verchères est parmi, sinon le meilleur, parmi les meilleurs orateurs de cette Chambre et c'est toujours un plaisir de l'écouter, très intéressant, très vivant.

Et je partage une bonne partie des propos du député de Verchères, mais, et c'est, je pense, tout le débat de cet après-midi, c'est que, si on s'entend sur les objectifs et que nous sommes tous unanimes sur l'objectif poursuivi, c'est au chapitre des moyens qu'il y a une divergence de vues. Et, malheureusement, Mme la Présidente, comme la ministre de la Justice l'a expliqué, comme la ministre de la Sécurité publique aussi l'a réitéré, du côté gouvernemental, les députés, on ne partage pas le fond de la motion quant aux moyens proposés. Et c'est ce que je vais tenter de vous démontrer au cours des prochaines minutes.

Si on résume la motion, ce que nous avons, Mme la Présidente, ce sont deux visions, deux approches qui s'affrontent. Il y a celle proposée par le gouvernement, prônée par le gouvernement, qui est celle de la collaboration, de la coopération dans le but d'atteindre un objectif. De l'autre, celui proposé par la motion, celui de la confrontation, celui de l'affrontement. Mme la Présidente, vous ne serez pas étonnée d'entendre de ma bouche que je préconise l'approche de la collaboration, de la coopération. C'est mon mode de vie. Avant que j'arrive à l'Assemblée nationale et depuis que je suis à l'Assemblée nationale, je tente de préconiser cette approche, et c'est malheureusement... et c'est presque à regret que j'en suis venu à la conclusion que malheureusement la motion ne correspondait pas à cette approche que nous préconisons, que nous favorisons, qui est celle de la collaboration.

Et, encore une fois, j'ai eu le bénéfice d'écouter la ministre de la Justice, la ministre de la Sécurité publique, qui ont éloquemment expliqué pourquoi, pourquoi nous favorisons cette approche, comment cette approche se manifeste concrètement dans le contexte du débat que nous avons, débat qui a cours présentement dans la société canadienne au niveau de C-51.

Parce que je pense qu'on entend beaucoup parler de ce projet de loi qui soulève les passions, et à juste titre parce que ça fait intervenir deux grands enjeux de notre société — et je m'arrêterai sur ces enjeux-là — c'est-à-dire d'un côté la sécurité des citoyens, et, de l'autre, la protection des droits et libertés. C'est sans doute le défi le plus grand pour une société démocratique que celui de trouver cet équilibre, ce juste équilibre entre la sécurité des concitoyens, de nos concitoyens, du public, que ce soit au Québec, dans les autres provinces ou même dans le monde... Donc, d'un côté, assurer cette sécurité, cette protection et, de l'autre, assurer le respect des droits et libertés des gens. Il ne faut pas sacrifier ni un ni l'autre lorsqu'on tente de trouver cet équilibre.

Vous me permettrez... d'ailleurs, la motion y fait référence, on parlait de la sortie médiatisée de ce groupe d'anciens premiers ministres, anciens juges de la Cour suprême, des juristes de renom qui avaient signé cette lettre qui demandait des changements au projet de loi C-51. Le député de Verchères... d'ailleurs, la motion y fait référence. Dans cette lettre, les premiers ministres, les anciens premiers ministres disaient que — et vous me permettrez de le citer — «nous convenons tous et toutes que la protection du public est une des plus importantes fonctions du gouvernement». Et il ne faut jamais perdre de vue, Mme la Présidente, cet objectif essentiel que nous devons poursuivre, c'est-à-dire d'assurer la protection de nos concitoyens.

Et vous me permettrez, dans cette recherche de l'équilibre, de citer les propos... le jugement de la Cour suprême, en 2004, qui se prononçait sur la constitutionnalité de certaines dispositions qui avaient été adoptées en 2001, suite aux attentats terroristes, donc la réaction du Parlement, en 2001, qui a été de proposer des modifications, d'adopter des mesures antiterroristes. Et la Cour suprême, en 2004, s'était prononcée sur la constitutionnalité de ces dispositions. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le débat qui n'est, de toute façon, pas pertinent pour les fins du débat en ce moment, mais, en 2004, la Cour suprême disait ceci : «Le défi que les démocraties sont appelées à relever dans la lutte contre le terrorisme n'est pas de savoir si elles doivent réagir, mais plutôt comment elles doivent le faire. Cela s'explique par l'importance que les Canadiens et les Canadiennes attachent à la vie et à la liberté de l'être humain, ainsi qu'à la protection de la société grâce au respect de la primauté du droit. En effet, l'existence même d'une démocratie repose sur la primauté du droit.» Je poursuis : «Quoiqu'il modifie nécessairement le contexte dans lequel doit s'appliquer le principe de la primauté du droit, le terrorisme ne commande pas la renonciation à ce principe. Mais en même temps, s'il est vrai que la réaction au terrorisme doit respecter la primauté du droit, il reste que la Constitution n'est pas un pacte de suicide[...].

• (16 h 40) •

«[Enfin,] par conséquent, le défi qu'un État démocratique doit relever en réagissant au terrorisme consiste à prendre des mesures qui soient à la fois efficaces et conformes aux valeurs fondamentales de la primauté du droit. Dans une démocratie, tout n'est pas permis pour contrer le terrorisme. Ce qui peut sembler être un désavantage, au premier abord, n'en est pas un en réalité. La réaction au terrorisme, qui respecte la primauté du droit, protège et renforce les libertés précieuses qui sont essentielles à une démocratie.» Je pense, Mme la Présidente, que, sur ce point, il y a effectivement une unanimité au sein de cette Assemblée, et nous parlons tous d'une même voix.

Ceci dit, vous me permettrez... Et je pense qu'il est important de revenir au texte de la motion pour expliquer en quoi le texte de la motion qui est proposée n'est pas convenable et, en ce qui nous concerne, requiert que nous nous opposions à cette motion.

En fait, les trois premiers paragraphes reviennent à cet énoncé de principe auquel nous adhérons tous, c'est-à-dire la reconnaissance, la protection des droits, la nécessité de lutter efficacement contre le terrorisme. Ces aspects-là de la motion ne posent pas de problème. Là où il y a un problème, ce sont les trois derniers paragraphes parce que, dans le fond, l'objet de la motion n'est pas d'affirmer notre attachement au respect des droits et libertés, n'est pas simplement d'énoncer nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-51; ce sont les trois premiers paragraphes qui le font.

Et d'ailleurs la motion, telle que... la motion revient à la lettre du 17 mars qui a été cosignée par le leader du gouvernement et ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, la ministre de la Justice et la ministre de la Sécurité publique. Et je pense que cette lettre, qui mérite d'être lue... Et j'espère que les gens qui nous écoutent auront pris la peine de lire cette lettre parce qu'elle me semble complète, elle me semble énoncer ces préoccupations, faire écho à ces préoccupations qui sont chères à tous et qui animent le député de Verchères dans la présentation de sa motion.

Mais le problème, Mme la Présidente, ce sont les trois derniers paragraphes, parce que — et j'en suis au quatrième paragraphe — ce que la motion demande de faire, c'est «que l'Assemblée nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral». Lorsque j'ai lu cet énoncé et que j'écoutais les propos, je vous avoue, Mme la présidente, qu'à première vue je ne comprends pas que l'Assemblée nationale dénonce un processus législatif qui est tout à fait régulier, qui est l'exercice de la juridiction, l'exercice de la compétence du gouvernement fédéral dans une matière que nous lui reconnaissons. Et on a un processus législatif au même titre que nous en avons un ici. C'est ce qui se passe présentement à Ottawa. Il y a des consultations. Et je ne ferai pas comme certains... et je pense que c'est peut-être la députée de Gouin qui mentionnait que c'était un processus de consultation bidon; je pense que c'est malheureusement manquer un peu de respect à l'égard du Parlement fédéral. Et, évidemment, je vais me dissocier de ces propos, que je dénonce du même souffle.

Alors, lorsque la motion, lorsque le député de Verchères nous propose que nous dénoncions la démarche unilatérale du gouvernement fédéral, je pense, Mme la Présidente, que ce serait inapproprié, ce serait manquer de respect à l'égard de l'institution qu'est le Parlement fédéral, de sa compétence en matière... Parce qu'il exerce sa compétence en matière de sécurité. Et donc je pense que cet aspect-là de la motion pose un grave problème.

Mais... et c'est l'autre aspect du problème de la motion, c'est que, dans le fond, contrairement à ce que nous dit la députée de Joliette, l'objet de la motion n'est pas de parler d'une seule voix, n'est pas d'affirmer l'attachement que nous avons à la poursuite d'un juste objectif entre la sécurité du public d'une part et d'autre part le respect de la protection des droits et libertés, mais c'est que, dans le fond, la motion vise à contraindre le gouvernement du Québec dans une démarche qui n'est pas conforme à la philosophie de ce gouvernement, qui est l'approche de la collaboration, comme je le mentionnais dès le départ.

Évidemment, et mes collègues l'ont fait, je vais résister à la tentation de conclure que, puisque la raison d'être de l'opposition officielle est l'indépendance du Québec et donc de briser le lien qui unit le Québec au Canada... Je n'irai pas de ce côté-là. D'autres l'ont fait, et je pense qu'ils ont un argument très intéressant de ce côté-là.

Mais, tout de même, il est clair que l'objet de la motion n'est pas que l'Assemblée nationale parle d'une voix. Ce qu'on demande, c'est qu'on exige du gouvernement d'entreprendre une démarche qui n'est pas celle qui a été préconisée par le gouvernement... et, encore une fois, la ministre de la Justice et la ministre de la Sécurité publique l'ont fait de façon éloquente, ont démontré quelle était cette approche, une approche qui est celle que, nous croyons, apportera de meilleurs résultats, c'est-à-dire de faire entendre notre voix au sein des comités qui sont des... de hauts fonctionnaires, des comités ministériels, ce qu'on appelle dans le jargon les FPT, c'est-à-dire les comités fédéral-provincial-territoriaux, qui ont pour objectif de discuter de ces sujets, pour faire entendre la voix.

Alors, oui, il y a le processus législatif au niveau du Parlement fédéral, processus que nous devons respecter, ce que ne fait malheureusement pas le quatrième paragraphe de la motion. Mais, Mme la Présidente, il y a aussi que ce que la motion vise à faire, c'est de contraindre ou d'entraîner le gouvernement dans une démarche qui n'est pas celle que nous devrions entreprendre, puisque selon nous l'approche telle que l'illustrent la lettre du 17 mars et les démarches entreprises par le gouvernement, c'est-à-dire une approche de collaboration et de coopération, vont donner de meilleurs résultats, j'en suis persuadé.

Et, pour cette raison, Mme la Présidente, je pense que nous devons refuser d'adopter cette motion, parce que ce n'est pas parler d'une même voix, ce n'est pas les moyens qui sont les meilleurs moyens pour défendre le respect des droits et libertés, qui... Oui, pour nous et pour ma part, mon engagement politique est fortement teinté par cet objectif du respect des droits et libertés. C'est ce que j'ai fait toute ma vie et ce que je vais continuer à faire, et ce n'est pas parce que je vais voter contre cette motion qu'on pourra douter de mon...

Une voix : ...

M. Ouimet (Fabre) : ...de mon engagement — je vous remercie — à la poursuite de cet objectif. Et donc, Mme la Présidente, j'encourage tous les membres de cette Assemblée à voter contre la motion du député de Verchères. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Fabre. Et maintenant je cède la parole au prochain intervenant, M. le député de Matane-Matapédia, et vous disposez d'environ une minute pour votre intervention.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Mme la Présidente, ma vis-à-vis, ministre de la Sécurité publique, a fait référence à un comité de travail avec ses homologues des autres provinces et territoires. J'aimerais qu'elle puisse déposer les documents qui ont été produits par les fonctionnaires du gouvernement du Québec à cet effet. C'est une demande formelle que je fais à travers vous.

Et je veux indiquer et rappeler que, de ce coté-ci de la Chambre, nous ne sommes pas du côté de la capitulation, et que les droits des Québécois doivent être respectés, et que cet abus odieux du projet de loi n° 51 mènera à des dérapages qu'on a déjà connus et qui seront maintenant cautionnés, notamment par le gouvernement du Québec. Et je pense à ces centaines de personnes emprisonnées lors de la crise d'Octobre, les actions illicites de la GRC, notamment le vol des listes des membres du Parti québécois en pleine nuit, un parti démocratique, ça a été exposé lors de la commission Keable, la loi du cadenas de Duplessis et combien d'autres. Alors, sur la ligne Québec du respect de notre dignité se trouve encore aujourd'hui le Parti québécois, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Et, c'est ça, concernant votre demande, est-ce qu'il y a quelqu'un, du côté du gouvernement, qui voudrait répondre à la demande de M. le député?

Mme Vallée : Mme la Présidente, je ne sais pas à quel document le collègue fait référence. J'ai pris parole avec des notes d'allocutions, des notes personnelles, des notes préparées par moi-même, pour moi-même. Donc, je suis désolée, là.

M. Bérubé : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, vous voulez répondre?

• (16 h 50) •

M. Sklavounos : Oui, Mme la Présidente. Les renseignements que j'ai, c'est que c'étaient des notes personnelles que la ministre de la Sécurité publique a utilisées.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci. Il aurait fallu intervenir au moment de l'intervention de Mme la ministre.

De toute façon, pour conclure ce débat restreint, je vais maintenant céder la parole à celui qui a présenté cette motion, M. le député de Verchères, et je vous rappelle que vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes.

M. Stéphane Bergeron (réplique)

M. Bergeron : Merci, Mme la Présidente. Je ne vous cacherai pas que je suis un peu déçu de la tournure du débat. Ceci dit, j'attendais avec impatience le discours du député de Fabre, mais je me serais attendu, à la lumière de son intervention, à ce qu'à tout le moins il présente une proposition d'amendement. Si les trois premiers paragraphes lui conviennent puis que ce sont simplement les trois derniers qui ne lui conviennent pas, pourquoi n'a-t-il pas présenté de proposition d'amendement? Alors, permettez-moi de m'interroger, Mme la Présidente, sur les raisons qui ont amené tant le gouvernement que le deuxième groupe d'opposition à ne pas présenter la moindre proposition d'amendement pour tenter de trouver un terrain d'entente.

Je me réjouis, Mme la Présidente, cependant, que nous ayons pu, à travers ce deux heures de débat, discuter, échanger sur l'opportunité de nous prononcer éventuellement d'une seule voix sur cette question extrêmement importante et délicate qu'est l'adoption éventuelle du projet de loi C-51 et de la menace que celui-ci pourrait faire peser sur les droits et libertés des Québécoises et Québécois.

La ministre nous parlait, et j'ai accueilli avec beaucoup d'attention et d'intérêt... nous disait qu'il y avait un comité de coordination de hauts fonctionnaires en justice pénale et qu'elle souhaitait la convocation de ce comité, qu'elle avait même formellement demandé la convocation de ce comité. Je suis heureux d'entendre cela, mais permettez-moi, Mme la Présidente, de vous signaler que les travaux du comité parlementaire se terminent le 31 mars. Donc, les possibilités d'intervenir pour faire entendre notre voix, pour faire modifier ce projet de loi là sont limitées, et le temps nous est compté. Alors, je n'ai pas entendu, à part la ministre de la Sécurité publique qui disait que c'est un autre Parlement puis qu'il faut les laisser travailler... mais ça n'a jamais empêché des ministres québécois d'aller comparaître devant des comités parlementaires, Mme la Présidente. Même l'ex-première ministre, Mme Marois, avait comparu devant un comité parlementaire pour la déconfessionnalisation des écoles au Québec. L'actuel ministre des Affaires intergouvernementales, lorsqu'il était ministre de la Justice, a comparu devant un comité pour dénoncer, je dis bien «dénoncer», le projet de loi C-10. Est-ce qu'il cherchait la chicane? Est-ce qu'il cherchait à attiser les braises de la chicane, Mme la Présidente? Non. Il défendait tout simplement les intérêts des Québécoises et Québécois. On n'en attend pas moins de la part de l'actuel gouvernement libéral. Comment se fait-il qu'ils ne le font pas, Mme la Présidente? Alors, ce n'est pas, je dirais, attenter aux pouvoirs du gouvernement fédéral ou s'immiscer dans les affaires du gouvernement fédéral que de comparaître à un comité pour faire valoir les points de vue du gouvernement du Québec. Ça s'est fait par le passé. Or, je n'ai pas entendu la ministre nous dire pourquoi on y allait ou on n'y allait pas. Elle a parlé de son comité de coordination, mais le problème, c'est que le temps nous manque.

Elle a dit que, mon discours, elle l'avait accueilli de façon un peu surréaliste parce que c'est notre parti, disait-elle, qui a commis un affront, une attaque sans précédent aux droits des Québécoises et Québécois avec la charte des valeurs québécoises. Mme la Présidente, tout comme pour le projet de loi 51, la charte des valeurs québécoises faisait l'objet d'une étude en commission parlementaire. Et le produit final aurait-il été le même? Je n'en sais rien. Mais une chose est certaine, c'est qu'il nous faut intervenir pour que le produit final de C-51 ne soit pas celui que nous avons sous les yeux.

Je suis obligé de dire, Mme la Présidente, que la ministre de la Justice semble avoir une vision un peu manichéenne de ce qui se passe ici, dans cette Assemblée. Il y aurait, d'un côté, ceux — nous autres évidemment — qui cherchent toujours la chicane avec le gouvernement fédéral, et ceux, de l'autre côté, qui, eux, cherchent toujours la collaboration avec le gouvernement fédéral. Mais, Mme la Présidente, le fait de chercher la collaboration ne veut pas dire qu'il ne faille pas faire preuve d'échine, à certains moments donnés, pour défendre les intérêts des Québécoises et Québécois. Je veux bien qu'on collabore. Moi, ce que je trouve surréaliste, Mme la Présidente, c'est que la ministre semble davantage disposée à collaborer avec le gouvernement fédéral et avec les autres provinces qu'avec les formations politiques présentes en cette Chambre, Mme la Présidente! Or, c'est son premier ministre qui disait qu'il serait le gouvernement de la collaboration. Je veux bien, mais collaborer avec le reste du Canada peut-être, mais peut-être qu'avec les partis représentés à l'Assemblée nationale ce ne serait pas trop mal non plus, Mme la Présidente.

Alors, on s'attend de la part de ce gouvernement à ce qu'il ne collabore pas simplement qu'avec les autres gouvernements du Canada, mais avec les partis dans cette Chambre. Et on a une occasion de collaborer non pas pour mettre la chicane avec le gouvernement fédéral, mais simplement pour faire valoir nos préoccupations. L'objectif actuellement n'est pas de chercher la chicane, comme le disait la ministre de la Justice, mais simplement de faire valoir les droits et libertés des Québécoises et des Québécois. Est-ce que c'est trop demander à la ministre de la Justice que de faire valoir haut et fort les droits des Québécoises et des Québécois ou si même ça, ça va être interprété comme une volonté de chicane?

Mme la Présidente, ce qui est pernicieux dans cette attitude de la part du gouvernement, c'est que, si d'emblée le gouvernement du Québec dit au gouvernement fédéral que, sur toute question, il va se coucher et que jamais il ne va se lever pour défendre les intérêts des Québécoises, des Québécois sous prétexte qu'il ne veut pas la chicane, sous prétexte qu'il recherche la collaboration, bien chaque fois le gouvernement fédéral va s'immiscer dans nos champs de compétence, chaque fois, le gouvernement fédéral n'hésitera pas à poser des gestes sans consulter le gouvernement du Québec. Mme la Présidente, il faut que le gouvernement du Québec fasse valoir ses droits, fasse valoir les droits des Québécoises et Québécois, sans quoi le gouvernement fédéral va passer outre, sans quoi le gouvernement fédéral va s'en foutre littéralement de ce qu'on peut penser ici, en cette Assemblée.

Alors, je comprends que Maxime Bernier a dit, la semaine dernière, qu'il en avait soupé des motions unanimes de l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas une raison, encore une fois, pour se coucher. Je pense que nous avons une obligation, et nous sommes d'accord sur le fond. Au-delà des divergences d'opinions, au-delà des divergences d'opinions, nous sommes d'accord sur le fond, Mme la Présidente.

On est capables de trouver un terrain d'entente quant au libellé, j'en suis convaincu. On n'y est pas parvenus encore aujourd'hui, pas grave : 100 fois sur le métier remets ton ouvrage. Alors, je suis un gars persistant. Je pense qu'il nous faut parler d'une seule voix. Ça va soutenir le point de vue de la ministre de la Justice, le point de vue de la ministre de la Sécurité publique, le point de vue du ministre des Affaires intergouvernementales que d'avoir derrière eux la totalité des membres de cette Assemblée nationale pour faire valoir les droits des Québécoises et Québécois, pour faire valoir les droits de cette Assemblée nationale, de ce gouvernement face au gouvernement fédéral. Ce n'est pas chercher la chicane, ça, Mme la Présidente, c'est simplement se tenir debout pour le Québec. Est-ce trop demander à ce gouvernement, de se tenir debout pour le Québec, Mme la Présidente?

Mme la Présidente, quand on assume d'emblée que tout ce que recherchent les membres, les députés du Parti québécois, c'est la chicane, c'est faire abstraction du fait, comme le soulignait, à juste titre, la députée de Joliette, que nous avons obtenu l'unanimité pour le projet de loi sur les armes à feu. Est-ce que c'était pour rechercher la chicane à l'égard du gouvernement fédéral qui veut l'abolir? Mais non! C'est parce que nous pensons qu'il est dans l'intérêt des Québécoises et Québécois que nous maintenions un registre des armes à feu. Quand la députée de Joliette, qui a parlé également, a obtenu l'unanimité pour le projet de loi sur les soins de fin de vie, est-ce que c'est parce qu'on cherchait la chicane avec quiconque? Mais non! C'est parce qu'on pensait qu'il était dans l'intérêt des Québécoises et Québécois d'aller de l'avant de ce côté-là, Mme la Présidente.

Je trouve réducteur cette vision qu'on a voulu nous présenter, comme quoi les députés du Parti québécois, là, ils seraient animés par cette volonté insidieuse — même s'ils ne le disent pas, là — de chercher la chicane à tout prix avec le gouvernement fédéral sur toutes les questions. Mme la Présidente, tant que le Québec fera partie de la fédération canadienne, il faudra que les droits des Québécoises et Québécois y soient respectés, que les Québécoises et Québécois en aient pour leur argent. C'est la moindre des choses, Mme la Présidente, c'est notre travail. La ministre de la Justice semble assumer que, pour nous, la politique du pire, c'est ce qu'on souhaite. Mais moi, je suis de ceux qui pensent que la politique du pire, Mme la Présidente, c'est la pire des politiques! Je pense qu'il y a eu des gouvernements libéraux, par le passé — je pense à Robert Bourassa, notamment — qui parlaient de l'intérêt supérieur du Québec, où on avait un chef de l'opposition, en la personne de Jacques Parizeau, qui tendait la main à son premier ministre. Pourquoi n'est-ce plus possible que les Québécoises et Québécois se tiennent debout, dans l'intérêt de notre peuple, à l'égard du gouvernement fédéral? Mais peut-être qu'il y a, de l'autre côté, des gens qui ne parviennent pas à se tenir debout.

• (17 heures) •

Alors, je tends de nouveau la main à la ministre et lui dit que, si elle cherche véritablement à trouver un terrain d'entente, elle trouvera, de notre côté, des interlocuteurs qui sont prêts à travailler dans ce sens-là.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Verchères. Et, puisque le débat est terminé, je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le député de Verchères, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale exprime ses plus vives inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du Service canadien du renseignement de sécurité et qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des Québécois;

«Que l'Assemblée nationale partage les inquiétudes de plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation majeur apporté au Service canadien du renseignement de sécurité;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse la démarche entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec dans leur lettre du 17 mars [dernier];

«Que l'Assemblée nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin de l'étude parlementaire du projet de loi;

«[Enfin] que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il dépose ses observations et demandes d'amendements à l'Assemblée nationale avant de les transmettre au comité permanent.»

Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Alors, que l'on appelle les députés.

• (17 h 2  17 h 20) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous invite à prendre place puisque nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de M. le député de Verchères, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale exprime ses plus vives inquiétudes quant au projet de loi fédéral C-51, notamment à l'égard de plusieurs dispositions qui renferment une portée vague et excessive, qui pourraient engendrer des dérapages du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des Québécois;

«Que l'Assemblée nationale partage les inquiétudes de plusieurs intervenants dans la sphère publique, dont des professeurs d'université, d'anciens juges, des avocats et d'anciens premiers ministres à l'égard du changement d'orientation majeur apporté au Service canadien du renseignement de sécurité;

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse la démarche entreprise par trois ministres du gouvernement du Québec dans leur lettre du 17 mars 2015;

«Que l'Assemblée nationale dénonce la démarche unilatérale du gouvernement fédéral;

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il transmette ses observations et demandes d'amendements au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes du Canada d'ici la fin de l'étude parlementaire du projet de loi;

«[En terminant,] que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il dépose ses observations et demandes d'amendements à l'Assemblée nationale avant de les transmettre au comité permanent.»

Et j'invite les députés en faveur de cette motion à se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), M. Marceau (Rousseau), Mme Hivon (Joliette), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), Mme Lamarre (Taillon), M. LeBel (Rimouski), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kotto (Bourget), M. Gaudreault (Jonquière), M. Therrien (Sanguinet), M. Bergeron (Verchères), M. Dufour (René-Lévesque), M. Drainville (Marie-Victorin), M. Lisée (Rosemont), M. Traversy (Terrebonne), M. Cousineau (Bertrand), M. Rochon (Richelieu), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), Mme Ouellet (Vachon), M. Péladeau (Saint-Jérôme), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Pagé (Labelle), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure).

M. Khadir (Mercier), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe : M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Coiteux (Nelligan), M. Moreau (Châteauguay), Mme David (Outremont), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Daoust (Verdun), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallée (Gatineau), M. Billette (Huntingdon), M. Blais (Charlesbourg), Mme St-Pierre (Acadie), M. Reid (Orford), Mme Vallières (Richmond), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Ménard (Laporte), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Matte (Portneuf), M. Simard (Dubuc), M. Tanguay (LaFontaine), M. Bolduc (Mégantic), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Iracà (Papineau), M. Ouimet (Fabre), M. Fortin (Sherbrooke), M. Fortin (Pontiac), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Boucher (Ungava), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Auger (Champlain), M. Rousselle (Vimont), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil).

M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Deltell (Chauveau), M. Caire (La Peltrie), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Roberge (Chambly), M. Charette (Deux-Montagnes), Mme D'Amours (Mirabel), M. Laframboise (Blainville), Mme Lavallée (Repentigny), M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Surprenant (Groulx), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Paradis (Lévis), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Arthabaska), M. Lemay (Masson).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, y a-t-il des abstentions?

Alors, pour le résultat du vote, Mme la Secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour : 30

                     Contre :           80

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est rejetée.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux gens de pouvoir quitter l'enceinte.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 26)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons reprendre nos travaux, et, pour en connaître la suite, je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 37

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 5 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi confirmant l'assujettissement des projets de cimenterie et de terminal maritime sur le territoire de la Municipalité de Port-Daniel—Gascons au seul régime d'autorisation de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Et je vais céder la parole à M. le député de Masson, qui n'avait pas terminé son intervention, en vous rappelant qu'il vous reste trois minutes.

M. Mathieu Lemay (suite)

M. Lemay : Merci, Mme la Présidente. Donc, j'étais rendu à parler des coûts d'opportunité. Donc, on s'en rappelle, investir de cette manière 450 millions dans un seul projet pour ne créer que 200 emplois, ça comporte un certain coût d'opportunité. C'est ce qu'on va regarder.

D'abord, l'investissement du gouvernement dans ce projet privé entre en concurrence avec les autres cimenteries du Québec, alors que, celles-ci, on le sait, là, il y a des études qui disent qu'ils fonctionnent entre 60 % à 65 % de leur capacité. Mais eux, là, ces usines-là, là, ils se retrouvent dans l'obligation de réviser leur planification d'investissement. C'est exactement ce qui est arrivé avec Holcim à Joliette, Mme la Présidente. Donc, l'investissement du gouvernement du Québec dans le projet a déjà coûté 250 millions d'investissement privé de chez nous, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, tout comme la construction de la cimenterie McInnis en Gaspésie, ce projet de loi, il est inacceptable. C'est une insulte envers le système judiciaire du Québec, envers l'institution dans laquelle nous débattons aujourd'hui, envers la fonction gouvernementale et envers l'ensemble des Québécois, et ce, pour trois raisons.

Premièrement...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Je suis assez flexible avec ceux qui prennent la parole, mais, de qualifier l'action gouvernementale comme étant une insulte envers le processus judiciaire ou le peuple, je pense qu'on nous prête des intentions. C'est blessant, pour le moins, et j'invite le collègue à retirer ses propos.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le député de Masson.

M. Lemay : Pas de problème. Je retire mes propos.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien.

• (17 h 30) •

M. Lemay : Alors, c'est ça. Donc, pour des raisons législatives et réglementaires en raison desquelles le nouveau projet aurait dû être assujetti au processus du BAPE dès les nouvelles démarches entreprises par McInnis en 2008, en 2012 et en 2013. Deuxièmement, pour des raisons de nature économique, notamment parce que le projet n'est pas rentable, parce que des fonds publics auraient pu être utilisés plus judicieusement puis que le marché québécois, il est déjà saturé. Puis, troisièmement, pour des raisons environnementales évidentes.

Mme la Présidente, permettez-moi de parler du marché du carbone, en conclusion. Ça va être ça, ma conclusion, là. Le projet de cimenterie, il a un impact incontestable sur le marché du carbone. En effet, il y a des experts du ministère qui ont conclu que le projet de cimenterie à Port-Daniel, il va obliger les autres entreprises qui émettent des gaz à effet de serre à fournir un effort supplémentaire afin de compenser l'ajout de cette cimenterie sur le marché. La part des droits des émissions des gaz à effet de serre qui sera accaparée par Ciment McInnis créera une pression à la hausse sur le prix de celui-ci. Donc, la conclusion évidente, on priorise un nouveau joueur...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Masson, pour votre intervention. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée d'Iberville.

Mme Claire Samson

Mme Samson : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, j'avais surnommé le projet de loi n° 28 une «all dressed pas de croûte», je m'amuse dorénavant à le baptiser, le projet de loi... celui-ci, je l'ai baptisé «abracadabra». La loi actuelle sur la qualité de l'environnement ne sert pas bien les intérêts du Parti libéral. Pas de problème, un peu de poudre de perlimpinpin, un projet de trois articles, on change la loi à notre goût, et c'est réglé. On pourra ainsi faire apparaître l'illusion qu'on est le parti des régions, que nous, on aime la Gaspésie et qu'on crée des emplois. Ça coûtera un demi-milliard de dollars, la Gaspésie deviendra la région la plus polluante du Québec, ça va affaiblir les cimenteries actuelles et créer du chômage ailleurs, mais ce n'est pas grave. Ça, Mme la Présidente, c'est de l'amour pour la Gaspésie et les régions? Eh bien, si c'est comme ça que le gouvernement libéral aime et témoigne de son affection, j'espère qu'il ne m'aimera jamais. Parce que, dans les faits, ce que le gouvernement dit aux Gaspésiens, c'est : Tassez-vous, vous ne méritez pas de BAPE, vous ne méritez pas de tout savoir sur ce projet, d'être entendus, et vous vivrez avec l'étiquette du pollueur le plus performant du Québec.

C'est bon, ça, Mme la Présidente, pour la Gaspésie et les Gaspésiens? Pourquoi ne pas demander aux Gaspésiens, aux citoyens et aux entrepreneurs, ce qu'ils pourraient faire avec 400 millions de dollars dans leur région, quelque chose qui fonctionnerait pour des décennies, qui serait porteur et créateur d'emplois, au lieu de massacrer leur sol, leur eau, la faune, la flore, le paysage et leur santé? Ils ne le font pas pour une seule et unique raison, parce qu'ils savent que le projet ne passerait pas le BAPE.

La cimenterie de Port-Daniel est une erreur environnementale, économique et sociale commise par le Parti québécois. Plusieurs des députés le savent très bien et émettent maintenant des réserves à l'endroit du projet. Je pense aux députés de Vachon, de Bonaventure, de Gaspé et de Jonquière, pour n'en nommer que quelques-uns. Le ministre actuel de l'Environnement a lui-même avoué son malaise avec le projet. Le premier ministre lui-même, pendant la campagne électorale, s'est exprimé ainsi, et je le cite : «...on veut juste s'assurer que ça ne cannibalise pas les activités des autres cimenteries québécoises.» Or, avec un marché fonctionnant à 60 % de capacité, il est probable qu'il y aura un impact certain sur les cimenteries déjà en place au Québec.

Et maintenant le ministre de l'Économie nous dit que ce n'est pas un projet environnemental, mais uniquement et seulement un projet économique. Donc, au diable l'environnement, on sort le cash des Québécois et on avance. Les libéraux, Mme la Présidente, essaient ici de nous faire la passe de l'écureuil, c'est-à-dire de maquiller et de packager un rat pour nous faire croire que le gentil écureuil est...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Un instant, Mme la députée d'Iberville. Vous voulez intervenir, M. le leader adjoint?

M. Sklavounos : Oui. Le terme utilisé — et je vais le préciser parce qu'il y a d'autres choses qui ont été dites — «maquillage», est non parlementaire, Mme la Présidente. Je suis convaincu que vous l'avez dans le lexique. De toute façon, pour le moins, même si vous ne le trouvez pas dans le lexique, ça impute des motifs indignes au gouvernement, et je vais vous demander de demander à notre collègue de retirer ce mot.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Mme la députée, puisqu'il fait partie de ce lexique de mots antiparlementaires...

Mme Samson : ...je retire le mot «maquillage».

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui.

Mme Samson : Alors, il nous fait donc la passe de l'écureuil et de nous packager un rat pour nous faire croire que le gentil écureuil est autre chose qu'une vermine. La cimenterie de Port-Daniel est nocive, alors on l'enveloppe à grands frais dans quelques emplois et dans un plan d'affaires on ne peut plus fragile. Le promoteur du groupe Beaudoin l'a reconnu lui-même auprès des médias en disant : C'est le gouvernement qui prend les risques financiers importants, et, si on soumettait le projet à un BAPE, le projet tomberait.

Les Québécois, Mme la Présidente, se sont dotés d'une loi, justement, pour nous assurer des plus hauts standards de qualité et d'exigences en matière d'environnement, et le BAPE est l'outil dont nous disposons pour nous éclairer dans nos décisions. Alors, Mme la Présidente, pourquoi bafouer la loi qui doit, justement, encadrer les activités et sauvegarder les richesses de notre société? Alors que le ministre de l'Environnement ne cesse de nous rappeler que son gouvernement observe les lois et règlements de haut standard, alors, à qui le gouvernement cherche-t-il à plaire avec ce projet de loi? Aux lobbyistes? Aux avocats? Aux promoteurs? Alors, on repassera, Mme la Présidente, avec les voeux pieux du ministre et sa crédibilité.

Mme la Présidente, Ambrose Bierce a écrit dans Le Dictionnaire du diable : Un homme de loi est une «personne habile dans le détournement de la loi». On en est certainement témoins aujourd'hui. Montesquieu, de son côté...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Mme la Présidente, avec respect pour la collègue, parce que je l'estime beaucoup — et je crois qu'elle le sait — je ne me suis pas levé à d'autres moments aussi et je ne veux pas me lever à toutes les cinq minutes. Là, on parle de détournement de la loi, je demande à la collègue de retirer ses propos. Et, parce que ça fait partie d'une suite depuis quelques secondes, je vais vous demander de lui demander d'être prudente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Alors, oui, j'ai hésité à quelques reprises avant de me lever. Mme la députée d'Iberville, je vais vous demander de choisir un peu mieux vos termes.

Mme Samson : ...je ne peux pas changer les mots de M. Bierce, mais je vais retirer la citation.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, mais vous savez qu'on ne peut pas faire indirectement ce qu'il n'est pas possible de faire directement. Alors, ici, c'est prêter des intentions, et je vous demande d'être un peu plus prudente et de faire preuve d'un peu plus d'ouverture par rapport aux propos de M. le leader adjoint du gouvernement.

Mme Samson : Alors, je vais m'en prendre à Montesquieu, Mme la Présidente, qui disait qu'une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi, mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. Et je crois que la Loi sur la qualité de l'environnement est une bonne loi et qu'elle est juste.

Mais, Mme la Présidente, il est intéressant, lorsqu'on étudie des projets de loi, de retourner un peu dans le passé et de regarder les expériences qu'on a vécues au Québec, et, naturellement, l'expérience de Port-Daniel n'est pas sans nous rappeler celle de la Gaspésia. Il existe un lien à tracer direct. D'abord, un, on peut rappeler que le projet de la Gaspésia a été annoncé en décembre 2001 par le gouvernement péquiste, et il constitue à ce jour le plus grand scandale du Québec impliquant des fonds publics. Le projet visait l'investissement de 153 millions de fonds publics et la création de 264 emplois dans un projet de papeterie. Le rapport de la commission d'enquête sur la Gaspésia met en lumière trois axes problématiques : le montage financier du projet, la gestion du travail sur le chantier et la gestion par le gouvernement des mégaprojets.

Sur les deux premiers axes, le projet de Ciment McInnis se distingue de la Gaspésia et comporte moins de risques. Sur la gestion des mégaprojets, le gouvernement a visiblement très peu appris de la Gaspésia. Le rapport dresse une liste de caractéristiques que le gouvernement doit s'assurer de respecter dans sa gestion des mégaprojets dans l'avenir afin d'éviter un autre désastre semblable à celui de la Gaspésia. Il doit éviter l'empressement dans de tels projets. Il doit respecter la concurrence dans le secteur concerné. Il doit assurer la transparence de l'information économique et financière. Il doit respecter l'environnement, éviter une idéologie trop interventionniste, éviter les décisions à caractère électoraliste et ne pas se placer en conflit d'intérêts dans cette gestion, confier à un organisme indépendant l'évaluation du projet avant l'investissement.

Le gouvernement n'a rien appris du fiasco de la Gaspésia, Mme la Présidente. À la lecture du chapitre sur la gestion des mégaprojets dans le rapport d'enquête sur la Gaspésia, on croirait lire le mode d'emploi du gouvernement libéral dans sa gestion du projet de la cimenterie McInnis. Aurons-nous droit à un Gaspésia deux? Cela va coûter combien de milliards aux contribuables avant que le gouvernement comprenne que des projets aussi importants ne doivent pas être précipités? Ce que nous garantit la Gaspésia, c'est qu'on va probablement avoir besoin d'une autre commission d'enquête pour faire entendre raison au gouvernement. Il existe un lien direct à tracer entre le rapport de la commission d'enquête sur la société de Papiers Gaspésia et le projet de la cimenterie McInnis de Port-Daniel—Gascons. En effet, alors que le montage financier et la gestion du travail sur le chantier affichent des différences suffisantes pour éviter l'échec de la Gaspésia, on ne peut pas affirmer que le gouvernement a vraiment appris du rapport en ce qui a trait avec sa gestion des grands projets d'investissement.

• (17 h 40) •

Alors, je vous rappelle quelques conclusions du rapport de la Gaspésia. Il dit : Le rôle de l'État doit être mieux défini dans ses investissements dans les mégaprojets. D'ailleurs, le sous-titre reflète bien l'ensemble du texte, et je cite : «Précipitation est mère du regret». En effet, dans ce dossier, les partis politiques se sont montrés très pressés d'agir depuis l'annonce préélectorale du projet par Mme Marois peu avant l'élection générale de 2014. Par la suite, les libéraux, après avoir jonglé avec l'idée d'annuler ou de repenser le projet ont décidé de le faire progresser. Le projet de loi n° 37 s'inscrit dans cet empressement, puisque soumettre le projet à un BAPE aurait pour effet immédiat de retarder la réalisation de celui-ci. Il s'agit donc d'un signe probant de l'empressement du gouvernement d'aller de l'avant avec ce projet, ce qui va visiblement et clairement à l'encontre de l'esprit dans lequel le rapport de la commission d'enquête sur la société Gaspésia a été produit.

Pour bien illustrer la précipitation du projet, rappelons que, selon les prévisions actuelles, les travaux de construction de l'usine prendront entre 18 et 20 mois. Également, le ministre Heurtel s'est montré confus à plusieurs reprises, notamment autour de la signature du certificat autorisant le projet. Ceci est un indice probant de toute la hâte manifestée par le gouvernement dans ce projet. Le rapport contient l'observation suivante, qui est très révélatrice : L'État a une responsabilité dans la définition et la garantie d'application des règles de jeu pour assurer : premièrement, le respect de la concurrence; deuxièmement, la transparence de l'information économique et financière, et, troisièmement, le respect de l'environnement, Mme la Présidente. Alors que le rapport prêtait au gouvernement une responsabilité au niveau du respect de la concurrence, l'action du ministre dans ce dossier va directement à l'encontre. En effet, subventionner à ce point un nouveau joueur dans un marché qui, selon les sources, fonctionne à entre 60 % et 65 % de sa capacité en raison du manque de demande pour son produit représente un geste clairement anticoncurrentiel. Non seulement le gouvernement se trouve-t-il à financer directement un projet privé dans un marché saturé, mais, en plus, il le fait au détriment d'autres joueurs québécois. Combien de pertes d'emploi résulteront du lancement de l'usine de Port-Daniel?

L'État est également, selon le rapport, garant de la transparence de l'information économique et financière. Or, même si une partie du projet est connue et transparente, l'impact environnemental n'a pu être vu qu'à travers la loupe de Genivar, le consultant engagé par la compagnie pour sa rédaction. Or, le mandat de Genivar pourrait avoir été biaisé.

Aujourd'hui, avec la bourse du carbone et l'impact de cette bourse sur les coûts d'opération des entreprises, l'impact environnemental constitue un élément intrinsèque des données économiques et financières qui doivent être rendues publiques. Il s'agit donc d'un argument de plus en faveur d'un BAPE.

Enfin, en matière de respect de l'environnement, le gouvernement utilise le projet de loi pour se défiler face à ses propres lois environnementales. Il néglige également l'impact de la bourse du carbone sur le projet en accordant un congé de cinq ans à Ciment McInnis à compter de la mise en production de l'usine. Ce faisant, pour chaque mesure censée contrôler l'impact environnemental du projet, le gouvernement intervient pour en limiter la portée et l'impact. La responsabilité du gouvernement par rapport au respect de l'environnement n'est donc pas une priorité pour le ministère.

En somme, l'action du gouvernement, du ministre de l'Environnement et du ministre de l'Économie par rapport au projet de la cimenterie de Port-Daniel va directement à l'encontre de trois des grandes responsabilités identifiées dans le rapport sur la Gaspésia. Tout ceci nous fait craindre que le projet de Port-Daniel ne soit pas fait dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises, un peu à l'instar du projet de la Gaspésia.

Aussi, le gouvernement confond ici l'intérêt général, l'intérêt électoral et l'intérêt financier. En effet, en se portant actionnaire du projet, le gouvernement se place en conflit d'intérêts. Comment le gouvernement peut-il, après cela, justifier l'exemption d'un BAPE? Il est en conflit d'intérêts. Donc, permettre à un projet d'être exempt d'un BAPE...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée, j'aimerais vous inviter une fois de plus à la prudence. Vous ne devez pas prêter des intentions au gouvernement. Alors, vous l'avez fait à deux reprises, j'aimerais vous inviter, là, à poursuivre, mais en faisant preuve de prudence et de bien choisir vos propos.

Mme Samson : Très bien, madame. Mais il y a dans ce projet bien plus qu'un enjeu de transparence, d'autant plus que le projet est spécifiquement défendu par certains partis politiques ayant des intérêts électoraux dans la région. Enfin, le gouvernement nous apparaît aveuglé par l'effort budgétaire requis afin de revenir au déficit zéro. Ce faisant, il confond l'intérêt financier du gouvernement avec les intérêts supérieurs des Québécois et des Québécoises.

Il était devenu évident dans le dossier de Papiers Gaspésia que l'État, dans sa précipitation, a agi sans se soucier de la rationalité économique. Une idéologie interventionniste et des motifs électoralistes, sans doute, ont inspiré son intervention. Autant les péquistes que les libéraux utilisent l'exemple de leur soutien à la cimenterie McInnis pour illustrer leur amour pour la Gaspésie. Les péquistes avaient utilisé leur appui au projet afin de faire élire leurs candidats dans les circonscriptions gaspésiennes. De la même façon, les libéraux critiquent souvent la CAQ comme n'aimant pas la Gaspésie sur la base de notre opposition au projet.

L'électoralisme des vieux partis par rapport à ce projet est criant. L'annonce du projet par le gouvernement péquiste constituait d'ailleurs, pour tous les observateurs, le lancement de leur campagne électorale. Une observation appuyée par la suite par l'utilisation répétée du projet comme argument exprimant un souci pour le développement des régions dans les discours et les débats. En mars, les libéraux de M. Couillard se sont réapproprié le projet pour s'en servir de la même façon, Mme la Présidente.

Au niveau de l'interventionnisme, l'octroi de financement de l'ordre de 450 millions de dollars via les organismes gouvernementaux et l'intervention législative que représente le projet de loi n° 37 en faveur de la cimenterie de Port-Daniel ne requièrent pas plus de démonstration, Mme la Présidente. Naturellement, vous aurez compris que nous n'avons pas l'intention de supporter ce projet de loi. Je vous remercie.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée d'Iberville. Et pour la prochaine intervention... Ah! je crois que Mme la députée de Repentigny va prendre la parole.

Mme Lise Lavallée

Mme Lavallée : Merci, Mme la Présidente. Nous sommes ici pour intervenir sur le projet de loi n° 37, présenté par le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Ce projet de loi s'est inscrit dans une démarche ayant pour objectif de court-circuiter le processus judiciaire qui avait cours. On y spécifie que le projet de la cimenterie suivra son cours, nonobstant toute décision d'un tribunal rendue après la date de la présentation du projet de loi, et ce, sans avoir à subir un BAPE.

Mme la Présidente, je m'interroge sur le refus que nous avons essuyé concernant notre demande d'obtenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 37. Interpellé la semaine dernière sur les raisons de ce refus, le leader du gouvernement a mentionné qu'il ne voyait pas la pertinence de passer par cette étape. Il soutenait que le projet de loi n° 37 ne faisait que confirmer l'état du droit existant. Or, pourquoi faire adopter une telle loi, si ce n'est la crainte d'avoir un jugement qui va à l'encontre de ce fameux droit actuel? On dit souvent que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Pourquoi le leader du gouvernement nous refuse-t-il ces consultations particulières?

J'aimerais maintenant revenir sur l'historique de ce projet mal ficelé. Alors que le Parti québécois était au pouvoir et formait un gouvernement minoritaire, celui-ci cherchait à créer un climat favorable à la tenue d'élections hâtives. Après toute la controverse engendrée par le débat sur la charte s'en est suivi une série d'annonces ayant pour but de faire monter les sondages favorables au gouvernement et, par la suite, déclencher une élection. Je vous rappelle que ce gouvernement, à l'époque, avait fait adopter la loi pour des élections à date fixe. Malgré l'esprit de cette loi, le gouvernement Marois se préparait à déclencher des élections hâtives. Gros malaise.

• (17 h 50) •

Quelques semaines avant le déclenchement d'élections, en mars 2014, la première ministre d'alors fait son annonce en grande pompe. Le gouvernement accordera le financement au projet de cimenterie McInnis avec l'argent de tous les contribuables du Québec, à hauteur de 450 millions de dollars. Lors de la conférence de presse organisée pour faire l'annonce du projet, la première ministre du Québec et chef du Parti québécois prononcera alors les mots suivants, et je la cite : «Le comté de Bonaventure a fait un très bon choix aux dernières élections, et vous avez aujourd'hui les résultats de ce choix.» Comment pouvait-on entendre en 2014 de tels propos? Elle venait de dire : Vous avez voté pour nous, voici la récompense. Beau message de démocratie pour les autres régions qui espéraient obtenir des faveurs du gouvernement.

Les Gaspésiens méritaient mieux, Mme la Présidente, beaucoup mieux. Cette région, qui a vu disparaître plusieurs de ses principales industries depuis les 30 dernières années, mérite qu'on lui vienne en aide. Nous aurions pu leur offrir mieux, Mme la Présidente, des projets porteurs, créateurs d'emplois durables, de l'innovation. Combien d'emplois pourrait-on créer ailleurs au Québec avec un investissement de 450 millions de dollars? Au lieu de cela, nous leur offrons le projet le plus polluant du Québec. Voilà ce que l'on risque de retenir en parlant de la Gaspésie. Je suis certaine que les Gaspésiens auraient souhaité que nous ayons pour eux un projet plus rassembleur, plus respectueux de leur environnement, plus performant en termes de création d'emplois.

Le Parti québécois s'est toujours targué d'être le plus grand défenseur de l'environnement. Paradoxalement, il encourage l'installation du projet le plus polluant au Québec. Pire, ce parti supporte maintenant la soustraction du projet à l'évaluation du BAPE. Rappelons que c'est leur propre parti qui avait fait voter la loi sur l'environnement. Le Parti québécois est-il toujours le parti de René Lévesque? Eh bien, non. René Lévesque aimait sa Gaspésie natale, aimait son Québec, aimait les gens qui y habitent et il n'aurait pas souhaité que son parti procède à ce genre de raccourci à des fins électorales. René Lévesque était un homme de principes.

La députée de Vachon, le député de Jonquière, le député de Gaspé, le député de Bonaventure, qu'ont-ils fait? Tous se sont tus. Et pourquoi? Pour éventuellement gagner des comtés. Où était leur vision alors d'un Québec vert et bleu? Ils ont été muets lors de la présentation du projet de cimenterie. Ils ont été incapables d'intervenir auprès de Mme Marois pour arrêter ce montage alambiqué. Par leur silence, ils ont entériné le projet le plus polluant au Québec imposé aux Gaspésiens sans les assurer d'une évaluation préalable du BAPE. La population en a assez des politiciens qui biaisent leur jugement et leurs convictions profondes à des fins électorales. Avoir des préoccupations environnementales, ça veut dire les avoir en tout temps, pas juste à temps partiel.

Dans un article paru dans le journal Le Devoir du 25 février dernier, le journaliste Marco Bélair-Cirino mentionnait que l'ex-ministre des Ressources naturelles, députée de Vachon et actuellement candidate à la chefferie du Parti québécois, inscrivait sa dissidence au projet. «Le gouvernement Marois a eu tort — disait-elle — de donner le feu vert au projet de cimenterie à Port-Daniel sans que celui-ci ait préalablement fait l'objet de l'examen du BAPE.» Le journaliste la cite : «Dans ce cas-là, il aurait été judicieux de faire un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.» Et elle ajoute : «On le documente et après on prend une décision en toute connaissance de cause.» Pourquoi, alors, ne pas l'avoir dit à l'époque? Pourquoi ne pas avoir voté contre le dépôt du projet de loi n° 37? Pourquoi ne pas dénoncer ce projet de loi qui soustrait la cimenterie à une évaluation du BAPE? En pleine course à la chefferie du Parti québécois, où est le leadership de la députée de Vachon?

Toujours en vertu du même article paru dans le journal Le Devoir, l'actuel député de Gaspé demande au Parti libéral de faire la démonstration claire, nette et précise de l'absolue nécessité d'adopter le projet de loi n° 37. Le député ajoute que l'évaluation du BAPE aurait permis d'amener les élus et la population à un niveau de connaissance intéressant sur le projet. N'aurait-il pas aimé que ses concitoyens et concitoyennes aient ce niveau de connaissance en ce qui concerne l'impact sur l'environnement et leur santé? Pourquoi n'ajoute-t-il pas sa voix aux nôtres pour dénoncer cette improvisation dans le but de protéger les citoyens qui l'ont élu?

Dans un texte paru dans le journal La Presse du 25 septembre 2014, le journaliste Denis Lessard met en évidence la division au sein du PQ au sujet du projet de la cimenterie. Le journaliste relate qu'une source importante, dans les discussions du côté du gouvernement Marois, disait — et je cite : «C'était un projet absurde, du pur clientélisme.» Cette personne ajoutait que Mme Zakaïb, alors ministre responsable du Développement économique et l'actuel député de Rousseau, alors ministre des Finances, étaient en désaccord, mais que personne n'osait affronter le cabinet de Pauline Marois. Le ministre Zakaïb voulait s'assurer que les emplois promis dans le projet de Port-Daniel ne seraient pas créés simplement en les déplaçant d'une région à l'autre. Elle avait demandé une étude sur cette question qu'elle n'a jamais eue. Sa demande aurait été bloquée à l'Exécutif.

Selon les paroles du président du Groupe Beaudier, qui détient 67 % de la cimenterie McInnis, le projet comportait de gros éléments de risque. Selon Le Journal de Montréal, le président de la cimenterie McInnis avait déjà admis aux médias que le conglomérat Beaudier ne serait pas intéressé au projet s'il devait passer l'étape d'un BAPE. Où étaient alors tous ces députés péquistes grands défenseurs de l'environnement pour dénoncer la situation? Ils auraient dû être choqués par de tels propos. Le Parti québécois s'est positionné contre plusieurs projets dans le passé sur la base qu'ils étaient trop polluants. On n'a qu'à penser au projet du Suroît, au port méthanier de Rabaska. Bizarre que, tout à coup, ils approuvent le projet le plus polluant au Québec, non?

Lors de la dernière campagne électorale, les travailleurs de Ciment Québec et de d'autres cimenteries ont manifesté leur grogne. Les représentants des métallos ont alors demandé au gouvernement de divulguer l'étude de marché qui prouve que le projet de plus de 1 milliard de dollars à Port-Daniel ne nuira pas aux emplois existants.

Dans un article paru dans le Courrier de Portneuf, la journaliste Denise Paquin relate que le président du syndicat de Ciment Québec, Marc Tessier, avait reçu la réponse suivante du président du Conseil du trésor de l'époque, actuel chef intérimaire du PQ et député de Chicoutimi, et je cite : Je fais le parti que ça marchera. Voilà comment ce gouvernement faisait sa gestion, en pariant avec l'argent des contribuables. Le président du syndicat d'alors dénonçait l'arrivée de nouveaux joueurs alors que les cimenteries du Québec fonctionnaient à 60 % de leur capacité. Celui-ci ajoutait, et je le cite : «Si les commandes étaient au rendez-vous, nous pourrions produire demain matin les 2 millions de tonnes supplémentaires qu'on prévoit produire à Port-Daniel.»

Le Parti québécois aurait dû retenir la leçon après sa mésaventure dans le projet de la Gaspésia. Suite à ce scandale, le rapport d'enquête sur la Gaspésia comportait une liste de précautions que le gouvernement devait prendre à l'avenir dans la gestion de mégaprojets afin d'éviter d'autres dérapages. En voici la liste : éviter l'empressement dans de tels projets, respecter la concurrence dans le secteur concerné, assurer la transparence de l'information économique et financière, respecter l'environnement, éviter une idéologie trop interventionniste, éviter les décisions à caractère électoraliste, ne pas se placer en conflit d'intérêts dans cette gestion, confier à un organisme indépendant l'évaluation du projet avant investissement.

Malgré toutes ces précautions assez claires, Mme la Présidente, les deux gouvernements qui se sont succédé ont agi dans la précipitation, ne respectent pas la concurrence et entrent en compétition avec les quatre autres cimenteries du Québec, ne respectent pas les règles de l'environnent et manquent de transparence en refusant un BAPE, interviennent à hauteur de 1 million de dollars par emploi créé, en ont fait un enjeu électoraliste en mentionnant que la population de Bonaventure avait voté du bon bord en annonçant le projet, puis en instrumentalisant le projet pour professer leur amour pour la Gaspésie. Je vous rappelle que le rapport d'enquête sur la Gaspésia a été publié en 2005.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée, compte tenu de l'heure, je dois vous interrompre. Maintenant, je dois vous demander si vous souhaitez poursuivre votre intervention lors de la reprise du débat. Alors, ce sera fait, c'est noté.

Ajournement

Et maintenant, compte tenu de l'heure, je vais ajourner les travaux au jeudi 26 mars, à 9 h 45. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 18 heures)