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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 24 mai 1983 - Vol. 27 N° 64

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 3 - Loi sur les archives


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente des affaires culturelles se réunit aujourd'hui pour entreprendre l'étude du projet de loi no 3, Loi sur les archives.

Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Leduc (Fabre), Champagne (Mille-Îles), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dupré (Saint-Hyacinthe), Hains (Saint-Henri), Proulx (Saint-Jean), Richard (Montmorency), Ryan (Argenteuil), Saintonge (Laprairie).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blouin (Rousseau), Dauphin (Marquette), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM^ Leduc (Saint-Laurent), Rochefort (Gouin), Vallières (Richmond) remplacé par Marx (D'Arcy McGee).

M. Marx: De toute façon, l'accent n'était pas tout à fait français, mais j'accepte.

M. Proulx: C'est toute une acquisition.

Le Président (M. Brouillet): Excusez, M. Marx dont le comté est D'Arcy McGee. C'est bien cela.

Il conviendrait maintenant de se désigner un rapporteur. Est-ce que vous avez un nom à me suggérer, M. le ministre?

M. de Bellefeuille: M. le Président, je propose M. Jean-Paul Champagne.

M. Proulx: J'appuie cette proposition. M. Marx: Étant donné son expérience...

Le Président (M. Brouillet): Le rapporteur de la commission sera M. Champagne (Mille-Îles).

Voici l'ordre du jour. Je vais tout d'abord vous faire l'énumération des mémoires pour dépôt seulement. Après, je vous indiquerai la liste des personnes qui vont se faire entendre aujourd'hui.

Voici la liste des mémoires pour dépôt seulement: La section d'histoire de l'Université du Québec à Trois-Rivières, M. Grégoire Rioux; la ville de Forestville, M. Gaston Fallu; la Société de l'histoire des familles du Québec; le Conseil de bande des Naskapee de Schefferville; la Société historique du centre du Québec inc, M. Claude Lessard, archiviste; la Bibliothèque centrale de prêt de la Côte-Nord; la Société historique du golfe inc, Sept-Îles; la Société d'histoire de Val-D'Or, MM Réal Boucher et Guy Perreault; le Conseil régional de la culture, Mauricie-Bois-Francs Centre-du-Québec; le département des techniques de la documentation du cégep de Trois-Rivières; le séminaire de Nicolet; la Commission de développement culturel des Îles-de-la-Madeleine et Municipalité régionale de comté des Îles-de-la-Madeleine; la Société historique et généalogique de Trois-Pistoles inc; le Centre de traduction montagnaise; la bibliothèque municipale de Sept-îles; la Société historique de Havre-Saint-Pierre; le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa; M. Gaston Kirouac; la Société historique de Stanstead; la Société historique de Gatineau; le Conseil de la culture de l'Abitibi-Témiscamingue; la ville de Port-Cartier et la Commission professionnelle des secrétaires généraux.

Maintenant, voici la liste des organismes qui se feront entendre aujourd'hui.

L'Association des archivistes du Québec inc; l'Institut d'histoire de l'Amérique française; le Centre d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill...

M. de Bellefeuille: À quel numéro?

Le Président (M. Brouillet): C'est le troisième groupe qui se fera entrendre aujourd'hui.

Centre d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill; la Commission scolaire de Saint-Jérôme; la Communauté urbaine de Montréal; la ville de Montréal; la ville de Québec; le Service des archives du séminaire de Sherbrooke inc; le séminaire de Québec; M. Mario Audet, archiviste; l'Association des photographes professionnels du Québec Inc; la Fédération des Sociétés d'histoire du Québec; la Société généalogique canadienne-française; le Conseil de la culture de l'Estrie; l'Association des anglophones de l'Estrie; M. Armand Gagné, archiviste, archidiocèse de Québec; M. Paul-Émile Guy et M. Mario Mimeault.

Tous ces groupes devraient être présentés ici, aujourd'hui. Comme vous le voyez, nous avons du travail sur la table.

M. Champagne: M. le Président. Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Champagne: C'est simplement à titre d'information, est-ce que le numéro 4, sur la feuille, vous l'avez bien cité?

Le Président (M. Brouillet): Je l'ai mentionné parmi les documents pour dépôt seulement.

M. Champagne: Parfait, la Commission professionnelle des secrétaires généraux.

Le Président (M. Brouillet): C'est cela, pour dépôt seulement.

M. Champagne: C'est remplacé par...

Le Président (M. Brouillet): En troisième, il est remplacé par le Centre d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill.

J'inviterais maintenant le premier groupe, les représentants de l'Association des archivistes du Québec.

M. Richard: M. le Président, il y a des déclarations préliminaires de la part du critique de l'Opposition et du ministre des Affaires culturelles.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. J'inviterais M. le ministre des Affaires culturelles à nous faire part de ses commentaires. Après, nous entendrons le représentant officiel de l'Opposition.

M. le ministre.

Remarques préléminaires M. Clément Richard

M. Richard: M. le Président, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire, ces audiences publiques de la commission permanente des affaires culturelles constituent pour moi les dernières consultations avant que le Québec ne dispose, enfin, d'une loi sur ses archives. Ce ne sera pas trop tôt si l'on songe qu'il aura fallu plus de 20 années de réflexions, de consultations, de discussions et de travaux préparatoires pour que naisse un projet de loi sur les archives québécoises.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous faire part de mes commentaires à la suite de différents articles de journaux parus récemment et de certains mémoires qui seront présentés devant les membres de cette commission. Il me semble, en effet, important - je m'adresse également au critique officiel de l'Opposition, le député de Saint-Henri - de préciser que le projet de loi sur les archives ne vise nullement à réduire le rôle joué actuellement par les Archives nationales du Québec ou encore à éliminer cet organisme du champ de la gestion du patrimoine archivistique québécois.

Par ailleurs, il faut que nous sachions que les Archives nationales, tout comme les autres institutions nationales rattachées au ministère des Affaires culturelles, n'ont pas, en vertu des lois qui les régissent, de statut juridique propre. Elles sont des directions générales et, à ce titre, elles exercent des pouvoirs qui leur sont délégués par le ministre tuteur. À côté du droit, il y a le vécu qui, au cours des décennies précédentes, a amené mes prédécesseurs au Secrétariat de la province d'abord et au ministère des Affaires culturelles ensuite à laisser se développer et à s'affirmer les institutions nationales. À telle enseigne qu'elles sont devenues aux yeux du public des institutions nommément identifiées et jouissant dans les faits de la marge d'autonomie nécessaire à l'exécution de leur mandat. Cette réalité qui a permis aux Archives nationales de devenir ce qu'elles sont, il ne saurait être question de la remettre en cause.

Cela dit, le sujet qui nous occupe, contrairement à ce qu'on pourrait croire à première vue, est complexe et soulève de nombreux problèmes d'application. Pensons simplement, en première analyse, aux difficultés que pose la définition du concept de la notion d'archives. Dans le langage courant, on attribue au mot "archives" trois significations différentes. Ainsi, lorsqu'on parle d'archives, on fait parfois référence aux documents conservés par des institutions ou des individus. En d'autres temps, le même mot est utilisé pour désigner le lieu où sont entreposés ces documents. Enfin, il n'est pas rare que nous utilisions le mot "archives" pour dénommer une institution dont le mandat est d'assurer la garde et l'exploitation des documents. Par ailleurs, les archives - entendons ici les documents -résultent par essence de la production documentaire courante et constituent un bien culturel difficile à isoler.

Ainsi, nous ne saurions envisager la protection et la gestion des archives sans égard aux politiques et pratiques de ceux qui les créent, non pas - il faut le signaler -dans une optique culturelle, mais bel et bien, cela va de soi, dans une perspective de fonctionnement opérationnel. Malgré tout, plusieurs facteurs nous incitent présentement à agir et à doter le Québec d'une loi sur les archives qui soit à la fois efficace et cohérente.

Au premier chef, il faut mentionner l'indéniable hausse de l'intérêt pour la recherche en archives ainsi qu'en témoigne la mise sur pied, au cours des dernières années, de nombreuses sociétés d'histoire et de généalogie et la place de plus en plus

importante occupée par l'enseignement de l'histoire et des sciences humaines dans les écoles secondaires, les collèges et les universités. En second lieu, il faut signaler la croissance dans certains cas vraiment exponentielle des masses documentaires et la multiplication des supports dont la gestion, la conservation et l'exploitation posent de plus en plus de problèmes et exigent l'allocation de ressources de plus en plus considérables. (10 h 30)

Le troisième facteur qui appelle à l'action, les nombreux constats d'irréparables pertes d'information précieuse pour la connaissance de la société québécoise. Ici, M. le Président, les exemples foisonnent. Je me contenterai simplement d'évoquer la sortie vers les États-Unis puis le rachat par le gouvernement canadien au coût de 500 000 $ de documents portant, entre autres, sur la période 1759-1774 et sur les événements de 1837 et 1838. Par ailleurs, alors que des efforts viennent d'être consentis pour encadrer la gestion de l'information gouvernementale - je me réfère à l'adoption récente de la loi 65 - nous ne saurions laisser sans protection législative et réglementaire cette source d'information essentielle et destinée à la conservation permanente que sont les archives.

Enfin, dernier facteur, alors que la plupart des pays du monde disposent d'outils législatifs et réglementaires leur permettant d'assurer une saine gestion de leur patrimoine archivistique - je pense ici à la loi française de 1979, modifiant celle de 1973 en l'adaptant aux besoins de notre temps; je pense également aux lois adoptées par les provinces canadiennes et par la plupart des pays en voie de développement au cours des 20 dernières années - il est donc urgent que le Québec prenne à son tour les mesures nécessaires pour assurer la préservation, mais aussi pour faciliter l'exploitation de cette portion non négligeable de son héritage que sont les archives.

Le projet de loi soumis aujourd'hui pour étude aux membres de notre commission et au sujet duquel des intervenants des milieux directement concernés auront l'occasion de faire entendre leur point de vue a pour objet l'ensemble des archives québécoises. À ce titre, il est d'abord important de garder à l'esprit qu'il porte sur tous les supports de la documentation archivistique, d'une part, sur les documents qualifiés de traditionnels, qu'il s'agisse de manuscrits, de textes dactylographiés, de photographies et de films ou encore de cartes et de plans, mais également sur les supports de facture récente issus de la révolution technologique, comme les bandes magnétiques et magnétoscopiques. Par ailleurs, il faut aussi prendre en considération le fait que ce projet de loi sur les archives ne touche que les documents qui n'ont pas été soumis au processus d'édition et qui n'ont pas fait l'objet d'une distribution commerciale. C'est d'ailleurs là une des caractéristiques qui distinguent les archives du livre ou du disque et qui en font un produit unique.

Enfin, autre trait distinctif dont il faut tenir compte. Les archives dont il est question dans ce projet de loi sont, pour une large part, des documents inactifs produits ou reçus par un organisme public, par un individu ou par une institution privée ayant perdu leur raison d'être première, mais présentant néanmoins un intérêt historique qui justifie leur conservation à long terme. La notion d'archives, telle qu'entendue dans ce projet de loi, recouvre également certaines catégories de documents publics actifs et semi-actifs, toujours utiles et utilisables pour des fins administratives et juridiques, mais dont le contenu, tels les lois, les plans cadastraux ou les ententes intergouvernementales revêtent un intérêt indéniable pour la connaissance de l'évolution de notre société. Le projet de loi sur les archives - on l'aura compris - ne couvre donc qu'une partie de la masse documentaire produite ou accumulée par les diverses composantes de notre société dans le cours de leurs activités courantes. Il n'intéresse que la portion évaluée par les spécialistes à 5% ou 10% de l'ensemble susceptible d'apporter un éclairage significatif sur notre histoire.

S'agissant de définir les objectifs du présent projet de loi, je dirai d'abord qu'il a pour but premier de doter les organismes publics et les détenteurs d'archives privées d'un outil qui leur permette de gérer efficacement leurs archives et qu'il vise ultérieurement à protéger les archives québécoises actuelles et à venir en faciliter l'accès et l'utilisation.

Pour atteindre ce double objectif, des mesures ont été prévues à quatre paliers différents d'intervention. D'abord, au niveau de l'appareil d'État lui-même; ensuite à celui des organismes publics décentralisés, puis en regard des services d'archives privés et enfin, de certains aspects de la gestion des documents d'archives eux-mêmes.

Une première série de dispositions concerne exclusivement les archives publiques produites ou reçues par le gouvernement ou l'Assemblée nationale, les tribunaux et les organismes en relevant. Dans la foulée des principes déjà annoncés dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, obligation leur est faite de préparer et de faire approuver un calendrier de conservation, outil reconnu de nos jours essentiel pour la gestion des stocks documentaires, notamment, pour en déterminer la durée de vie en phase active et semi-active et pour en prévoir le sort en

phase inactive.

À brève échéance, cette mesure, à première vue contraignante, aura des retombées positives en ce qu'elle assurera la préservation de l'information pertinente et en ce qu'elle réduira de façon appréciable les coûts de recherche des renseignements et d'emmagasinage de documents inutiles. De plus, la majorité de ces organismes publics seront amenés, en vertu du chapitre III du projet de loi, à confier la garde de leurs archives, par voie de remise ou de dépôt, à une institution unique rattachée au ministère des Affaires culturelles, les Archives nationales du Québec.

Cette centralisation des responsabilités au sein d'une institution, disposant de l'expertise nécessaire et déjà en contact avec les clientèles utilisatrices, nous semble devoir offrir trois avantages marquants. D'une part, elle permettra le regroupement d'archives, et son corollaire: l'élagage de documents inactifs et inutiles, actuellement dispersés, souvent conservés dans des conditions inadéquates et virtuellement inaccessibles; d'autre part, elle fournira des garanties certaines quant à la conservation sécuritaire et ordonnée des biens culturels de nature archivistique; enfin, elle offrira aux citoyens des conditions plus avantageuses d'exercice de leur droit d'accès à l'information publique.

Le second volet d'intervention s'adresse aux organismes publics décentralisés, c'est-à-dire les corps municipaux, locaux et régionaux, les communautés urbaines, les commissions scolaires, les maisons d'enseignement publiques ou reconnues comme telles, ainsi que les établissements constitués en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Tout comme dans le cas des organismes publics centralisés, le projet de loi no 3 demande à ces institutions publiques de dresser et de faire approuver leur calendrier de conservation. Elle ne leur fait cependant pas obligation de remettre ou de déposer leurs archives à une institution gouvernementale centralisée. En fait, il m'apparaît que ces organismes doivent assurer eux-mêmes la garde de leurs archives et en garantir l'accès. D'abord, parce que - j'en suis convaincu - ils comptent au nombre de leurs responsabilités sociales celle de participer activement à la préservation du patrimoine culturel de notre collectivité; ensuite, parce que proches des milieux qui ont contribué à créer les archives qu'ils détiennent, ils sont généralement seuls en mesure de mettre à la disposition . de ceux qu'ils servent ou représentent l'héritage documentaire communautaire; enfin, parce que la conservation de leurs archives leur garantit l'autonomie dont ils ont besoin dans leur rapport de force avec les autres institutions publiques ou privées.

Le troisième secteur d'activité touche les archives privées et les services qui en assurent la garde et la diffusion. Ici, vous l'aurez noté, l'approche est différente de celle adoptée à l'égard des organismes publics. La démarche procède, en fait, des mêmes principes qui ont guidé le processus de régionalisation enclenché au ministère des Affaires culturelles. Elle vise en quelque sorte à laisser aux intervenants du milieu la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour satisfaire aux exigences de leur mandat, mais également à leur apporter le support nécessaire à l'atteinte de leurs objectifs. Elle tend, à certains égards, à favoriser la mise en place de véritables réseaux de centres privés d'archives capables d'offrir à leur clientèle des services de qualité. Elle conduit, enfin, le ministre des Affaires culturelles et son institution désignée, les Archives nationales du Québec, à s'associer des partenaires et à collaborer avec eux à la promotion de la conservation et de l'accessibilité des archives privées.

C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la notion d'agrément mentionnée une première fois à l'article 14 et développée à la section 1 du chapitre VI du projet de loi. Le concept, il faut le rappeler, n'est pas nouveau. Il est connu depuis un certain nombre d'années déjà dans les milieux des librairies et des musées. Essentiellement, l'agrément confère à son détenteur un statut spécial qui atteste d'un certain niveau de développement et qui le classe au nombre des services d'archives dont le fonctionnement est conforme aux exigences scientifiques de l'archivistique. Les avant-projets de règlements présentement à l'étude prévoient, en effet, que l'admissibilité à l'agrément sera fonction de la qualité des équipements et méthodes de conservation, des conditions d'accessibilité et de diffusion et de la compétence des personnes affectées aux diverses opérations du service demandeur. Ces critères de base sont d'autant plus nécessaires que, dans une perspective de régionalisation et d'actions concertées en vue de laisser les archives dans leur milieu naturel, nous envisageons de pouvoir confier, après analyse des besoins des clientèles, à ces services d'archives, des lots d'archives publiques susceptibles d'enrichir les mémoires collectives locales ou régionales.

Au chapitre des archives privées, de façon plus générale, le projet de loi prévoit pour le ministère des Affaires culturelles, un triple rôle de support, collaboration et suppléance. C'est ainsi que le ministère, par le biais des Archives nationales, pourra continuer d'apporter aux gardiens d'archives privées, une aide technique ou financière: c'est ainsi qu'il collabore lui-même à la garde d'archives privées et qu'il entend, à cette fin, participer à l'élaboration de plans d'actions concertées visant à partager le

mandat global et à définir le plus clairement possible les champs d'intervention des partenaires impliqués. C'est ainsi, enfin, qu'il compte pouvoir lui-même assumer le mandat de services en difficultés et de mieux favoriser l'engagement de nouveaux partenaires aptes à prendre la relève.

Enfin, le dernier champ couvert par le projet de loi no 3 porte sur les normes et conditions de gestion des documents eux-mêmes. Ici, les dispositions, sans affecter toutes les opérations de mise en valeur des archives, sont variées.

Les unes prévoient certains délais pour l'élaboration des calendriers de conservation et pour la préparation des listes de versement de documents publics anciens. D'autres concernent l'élimination des archives publiques, voire de documents actifs et semi-actifs et stipulent qu'elles ne sauraient se faire sans l'approbation du ministre des Affaires culturelles.

Des mesures sont également prévues pour rendre accessibles des archives publiques dans le respect du droit des citoyens à la protection des renseignements personnels. Ainsi, des documents non accessibles en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pourront l'être, mais seulement 100 ans après leur date de production ou, dans le cas de ceux comportant des renseignements nominatifs, 30 ans après la date du décès de la personne concernée. Ces délais sont à l'évidence amplement suffisants pour garantir le droit à la confidentialité de tout citoyen.

Par ailleurs, dans le but d'améliorer l'efficacité de la gestion globale du patrimoine archivistique québécois et de minimiser les dangers de perte de documents riches d'information, précieux ou anciens, des dispositions prévoient que les archives reconnues ou classées biens culturels soient inventoriées et que copie de l'inventaire soit obligatoirement remise au ministre. Dans le même esprit, des interdictions sont faites quant au fractionnement des fonds d'archives, une pratique commerciale qui nous a jusqu'ici fait perdre d'inestimables corpus documentaires.

C'est également dans une perspective de contrôle plus étanche de notre héritage archivistique qu'ont été préparés les articles relatifs aux documents anciens. Ils visent à une meilleure gestion de la circulation hors Québec de documents datant de plus de 100 ans et à empêcher la sortie au profit d'institutions étrangères des pièces les plus précieuses pour notre histoire. Ils tendent, par ailleurs, à permettre à l'État de récupérer ses propres archives créées à même les deniers publics et à mettre un terme à cette malheureuse pratique du rachat, souvent à prix fort, des documents anciens qui faute d'une saine gestion des archives, ont échappé au contrôle de leur propriétaire.

(10 h 45)

Enfin, outre les clauses modifiant certaines lois existantes en fonction des principes énoncés dans la future loi sur les archives, le gouvernement se réserve, ainsi que le veut la pratique, le pouvoir de réglementer l'application de la loi. À cet égard, des avant-projets de règlements sont présentement à l'étude et font l'objet de consultation auprès des principaux intéressés. Ils fournissent à ceux qui auront à appliquer cette loi les indications précises sur les normes de compilation, de rédaction et d'approbation des calendriers de conservation. Ils indiquent les procédures à suivre dans les cas de remise, de dépôt, d'élimination et de conservation d'archives publiques. Eu égard, aux services privés d'archives agréés, ils précisent la marche à suivre pour la demande d'agrément, les conditions d'éligibilité et les exigences opérationnelles pour le maintien du statut.

Ce ne sont là, je tiens à le répéter, que des avant-projets. Le cas échéant, ils seront adaptés en fonction des résultats des discussions qui auront cours tout au long du cheminement de ce projet de loi à l'Assemblée nationale.

Voilà donc l'essentiel de ce projet de loi no 3 sur les archives, une première dans l'histoire législative du Québec. Après bientôt quatre siècles de présence continue de notre collectivité sur cette portion du continent nord-américain, le temps est venu d'agir, d'investir des énergies dans la garde et la diffusion de ces archives qui témoignent de notre vécu et expliquent ce que nous sommes devenus. À première vue, les efforts à consentir peuvent apparaître importants. Pourtant, à y regarder de plus près, ils rapporteront gros et non seulement du seul point de vue de la préservation de notre héritage documentaire. Ils permettront en effet aux détenteurs d'archives et particulièrement aux gardiens d'archives publiques de mettre de l'ordre dans leur stock documentaire, de dégager le mort-terrain qui, présentement, cache les filons d'archives et partant, de rationaliser l'allocation de leurs ressources.

Par ailleurs, alors que l'ordinateur a déjà commencé à bouleverser singulièrement notre gestion des écritures et de l'information, il devient urgent de consolider l'acquis avant qu'il ne soit trop tard et d'appréhender le futur. Ici, le défi sera d'autant plus facile à surmonter que nous aurons prévu de bons outils de gestion de l'information d'intérêt historique à venir. Nous serions d'autant plus impardonnables de ne rien faire face à nos archives que le public québécois est en droit d'exiger le libre accès à l'information qui le concerne et que ceux qui ont pour loisir ou métier de

comprendre les fondements de notre société doivent avoir enfin en main des données justes qui nous renvoient une image fidèle de ce que nous sommes devenus.

La présentation de ce projet de loi démontre concrètement que le ministère des Affaires culturelles entend assumer tous les volets de sa mission. Après avoir présenté au public il y a quelques jours un programme d'action axé sur la création, je soumets aujourd'hui à votre discussion un document sur la conservation.

Le lien entre ces deux aspects de la vie culturelle est très étroit. En effet, nos créateurs méritent tout le crédit pour leur vitalité et leur originalité, mais il est permis de croire que s'ils sont si différents des autres artistes nord-américains, c'est d'abord parce qu'ils sont issus d'un peuple dont l'histoire particulière est connue par ses archives.

Enfin, je voudrais remercier à l'avance tous les individus, tous les groupes ou associations qui ont déposé des mémoires et qui viendront dans bon nombre de cas les présenter devant cette commission.. Je puis les assurer que toute mon attention leur est acquise et que nous sommes disposés à bonifier ce projet de loi. Déjà les mémoires soumis m'ont convaincu, M. le Président, que nous devrions y apporter des modifications importantes, notamment en ce qui a trait aux définitions.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.

La parole est au représentant de l'Opposition. Vous applaudirez à la fin quand nous aurons suspendu les travaux.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, M. le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs. Nous sommes vraiment heureux de vous recevoir à cette commission parlementaire qui étudiera le projet de loi no 3, portant sur les archives. Les échos des médias d'information nous ont révélé la joie d'avoir enfin un projet de loi sur les archives, mais aussi la frustration de plusieurs de vos organismes de même que vos attentes et vos espoirs.

C'est avec attention et sympathie que nous, de l'Opposition, écouterons vos nombreuses représentations et vos remarques judicieuses. Vous êtes d'un milieu érudit, voué avec respect, et même avec une certaine tendresse, au patrimoine de chez nous et aux mémoires de notre histoire.

Le nombre imposant de vos dossiers -plus d'une soixantaine - nous dit mieux que toute autre preuve votre intérêt et votre attachement à ce riche héritage du passé et à ce trésor de l'avenir. Soyez-en félicité et soyez assuré de rencontrer chez nous une oreille et un esprit attentifs.

Puis-je d'abord vous donner un raccourci de l'historique qui nous a menés aujourd'hui au projet de loi no 3 sur les archives? Depuis les années de la révolution tranquille, plusieurs gouvernements ont, au Québec, posé certains jalons en vue de l'adoption d'une loi sur les archives. Dès 1965, Pierre Laporte, alors ministre des Affaires culturelles, posait dans un livre blanc, un livre qui n'a jamais vu le jour, les grands postulats d'une politique culturelle québécoise.

La recommandation 49 avait précisément pour but la création d'une loi sur les archives. Malheureusement, le changement de gouvernement qui survint en 1966 relégua le texte de M. Laporte aux archives!

Reconnaissant l'apport inestimable des archives au patrimoine québécois, l'Union Nationale créait les Archives nationales du Québec ainsi que le poste de conservateur des Archives nationales. Par ces changements, on voulait, dans un premier temps, rapatrier sous le seul chapeau du ministère des Affaires culturelles, les activités de conservation des archives pour des raisons apparentes d'économie. On voulait également adapter ces activités de conservation à une définition plus moderne de l'archivistique.

Ce fut donc au ministre des Affaires culturelles, via le conservateur des ANQ, qu'incomba la responsabilité de mettre de l'ordre dans ce système.

Je vais en sauter quelques-unes...

Une voix: Ah! dommage.

M. Hains: Dommage? Cela vous intéresse? Je ne voudrais pas être trop long, je ne voudrais pas dépasser le temps de M. le ministre.

Une voix: On a toujours de beaux textes de votre part et on les apprécie.

M. Hains: II ne devait pas cependant suivre une législation ayant pour objet direct les archives, législation qui aurait permis d'asseoir de façon légale les intentions du gouvernement de l'époque.

Le développement des archives, de leur conservation et de leur mise en valeur était tributaire, malheureusement, des maigres ressources du MAC.

En 1975, le ministre des Affaires culturelles de l'époque, M. Jean-Paul L'Allier, reprenant le constat maintes fois répété de la faiblesse des structures et des ressources allouées pour la protection et la mise sur pied d'une politique des archives, se proposait de changer la situation. La création de la Commission de la bibliothèque et des Archives nationales était annoncée. Par

l'entremise de cette commission, le Québec allait être en mesure de se donner de véritables politiques en matière d'archivistique, couplées à des objectifs précis en bibliothéconomie.

Malgré la noble vision que possédait le ministre des archives de ce temps, M. Jean-Paul L'Allier, ni la commission ni la loi sur les archives ne virent le jour. On assiste cependant en la même année 1975, par le Conseil du trésor, à l'émission de directives communes visant l'établissement de calendriers de conservation des documents administratifs ainsi qu'à une procédure de disposition des documents inutiles. Du même coup, on lançait une entreprise de régionalisation des ANQ en vue de doter chaque région administrative du Québec d'un centre voué à jouer le rôle décrit plus haut.

Ces centres sont aujourd'hui implantés, bien qu'il faille encore considérer certains ajustements par rapport à des exigences géographiques dont les régions administratives ne tiennent pas suffisamment compte. On pense, notamment, aux ANQ de Rimouski qui doivent couvrir toute la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et dont les habitants de cette dernière région s'opposent au transfert des archives de Gaspé vers Rimouski, problème qui fait d'ailleurs l'objet de plus d'un mémoire qui seront présentés ces jours-ci. Trois ans plus tard, en 1978, le gouvernement du Parti québécois constatait à son tour, dans un livre blanc intitulé "La politique québécoise du développement culturel" la nécessité de légiférer dans le domaine des archives. On nous apprenait à ce moment-là que le ministre des Affaires culturelles en était à la rédaction d'un projet de loi en ce sens et qu'il devait être présenté sous peu. Il aura donc fallu attendre cinq ans avant qu'un tel projet de loi sur les archives ne vienne à être présenté à l'Assemblée nationale, et c'est la loi no 3. La gestation, M. le ministre, a été longue et pénible. L'accouchement semble avoir été douloureux, car le bébé se présente, paraît-il, un peu mal et semble porter des marques nombreuses de malformation.

M. Marx: Pas viable.

M. Hains: Projet de loi no 3. J'en saute un peu. Les notes explicatives de ce projet de loi sur les archives nous apprennent que le ministre des Affaires culturelles entend se donner les moyens de conserver, de mettre en valeur et de diffuser les archives publiques, qu'il entend aider financièrement et techniquement les services d'archives privées ainsi que la possibilité d'agréer un tel service conformément à la loi. On y présente également l'obligation pour les organismes publics d'établir un calendrier de conservation. De plus, le projet de loi prévoit le contrôle de la sortie du Québec des documents présentant une valeur historique. L'analyse du projet de loi découlera de ces objectifs, de même qu'une approche reliée à la vision moderne de l'archivistique.

Problèmes de définition. Dès le premier abord, le projet de loi no 3 présente certains défauts quant à la précision des termes employés qui nuisent grandement à la compréhension et à l'interprétation du texte législatif. La définition du terme "archives publiques" qui nous est proposée en vertu des articles 2, 7, 16 et 19 ne correspondrait qu'à des documents dits historiques. Si on s'en réfère à ce qui est généralement entendu comme archives dans le milieu des archivistes, il faudrait plutôt se référer à la notion des trois âges d'un document. C'est pour cette raison qu'un humoriste a dit que c'était un peu une loi pour l'âge d'or des archives ou du troisième âge.

M. Richard: Vous avez raison, cela va devenir l'âge d'or des archives.

M. Hains: Espérons, mais pas le troisième âge. Chaque document passe par une période active où il est d'un usage courant pour l'organisme qui l'a produit ou reçu. Vient ensuite la phase semi-active où le document n'est utilisé que sporadiquement et, en tout dernier lieu, vient la phase inactive où se retrouvent les documents d'intérêt historique. Il va sans dire que le passage d'une étape à l'autre implique un tri et l'élimination d'un certain nombre de documents. Le rôle de l'archiviste consiste judicieusement à déterminer, en fonction de ces trois âges, les besoins et les contraintes imposées à l'organisme sur un plan de conservation. Il est donc important, dans cette optique, de suivre un document dès sa création jusqu'à son élimination ou sa conservation. (Il heures)

Le projet de loi ne traduit pas explicitement cette réalité. Par exemple, à l'article 5, on définit ce que sont les documents actifs et semi-actifs sans pour autant définir ce qu'est un document inactif. Ce n'est qu'en se référant aux articles 2, 7, 16 et 19, et l'on finit par comprendre que documents inactifs égalent archives publiques. Toujours, selon l'article 2, tout ce qui ne correspond pas à des archives publiques doit être compris comme archives privées. Ainsi, les documents actifs et semi-inactifs d'un ministère, à titre d'exemple, doivent être entendus comme des archives privées. Il y a aussi beaucoup d'accrocs dans ces textes, à la terminologie archivistique et une définition très limitative que sont les archives publiques.

L'autorité du ministre des Affaires culturelles. Une politique archivistique telle qu'instaurée selon les normes de la profession

nécessite une action hautement concertée à défaut de faire référence à une seule autorité. Dans le cas qui nous occupe, le ministre s'est virtuellement arrogé tout pouvoir dans le projet de loi sur les archives. Pour commencer, le ministre est responsable de l'approbation des calendriers de conservation que lui soumettront des organismes publics ainsi que toute autre modification ultérieure. L'imprécision des termes du ministre le porte à quelques écarts vraiment prosaïques. On dit, à l'article 38, que, dans le cadre d'une politique de gestion des archives publiques, donc, des documents inactifs, le ministre est chargé de conseiller des organismes publics sous la gestion de leurs documents actifs et semi-actifs. Le ministre a peut-être oublié ici l'article 8 où il approuve les calendriers de conservation et, forcément, un calendrier de conservation et des prévisions à l'endroit des documents actifs et semi-actifs. Autrement, comment ces organismes pourraient-ils transmettre leurs documents inactifs au ministre des Affaires culturelles à l'expiration de la période de conservation?

Le ministre détermine aussi beaucoup d'autres choses. À l'article 14, il peut, aux conditions qu'il détermine, déposer des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées agréé. Le ministre peut ainsi décider de la redistribution des archives publiques aux conditions qu'il détermine dans n'importe quel service agréé ou organisme public sans que le service ou l'organisme visé n'ait son mot à dire d'après la loi. Il y a fort à parier qu'un tel impondérable découragera bien des services d'archives privées à demander d'être agréés. Dans la loi 9 sur le cinéma et la vidéo, j'avais parlé de l'omniprésence de M. le ministre. Ici, on peut parler un peu aussi de son omnipotence. Il y a encore une loi avec tous ces "omni". Comme je vous le disais, M. le ministre, vous allez certainement entrer au musée de la renommée que se propose le ministère de Québec.

À l'article 21, le ministre peut également autoriser l'élimination d'archives publiques dont il estime que la conservation ne présente plus d'intérêt historique. Alors, qu'il interdit cette procédure à travers toute la province, le ministre se réserve, sur la loi de son seul jugement, d'éliminer des archives ne présentant pas d'intérêt historique. L'article 24 confirme, quant à lui, le droit du ministre d'agréer aux conditions qu'il détermine un service d'archives privées. Encore une fois, ceci se fait sans aucune référence ou aucun règlement à venir. Une telle disposition ne pourra qu'encourager la politisation et le patronage des archives au Québec. Non content des dispositions de l'article 21 qui donne un pouvoir absolu, le ministre se donne un semblant de consultation à l'article 41, alinéa 6, au sujet de l'aliénation des archives publiques. Pourquoi le ministre ne se donnerait-il pas la peine d'avoir un avis favorable de la Commission des biens culturels pour aliéner les archives publiques, alors qu'il peut paisiblement les éliminer en vertu de l'article 21?

Une telle centralisation des activités de conservation, de mise en valeur et de diffusion, dans les mains du seul ministre est vraiment difficile à accepter. Le projet de loi prévoit également, à l'article 67 - et j'arrive à votre petite remarque de tout à l'heure, M. le ministre - l'abrogation de la section 5 de la loi actuelle sur les affaires culturelles d'aujourd'hui, l'abolition, par conséquent, des Archives nationales du Québec. Tout le personnel et le réseau des ANQ seront intégrés au ministère même. À proprement parler, il n'existera plus, sur l'empire de la loi 3 sur les archives, que des antennes du ministère des Affaires culturelles sur le coup immédiat des décisions du ministre. Pourtant, il ne semble pas que les ANQ aient joué un rôle aussi mauvais. Si tel était le cas, ce serait à cause du gouvernement, faute d'allouer souvent des ressources suffisantes. Comment justifier une telle décision d'éliminer de la loi les ANQ pour probablement les reléguer à la Gazette officielle du Québec, le tout sans véritable débat public?

La coordination harmonieuse d'une politique de gestion des archives au plan administratif et gouvernemental aurait peut-être nécessité une commission indépendante sur le modèle proposé dans le livre vert de 1975 ou, encore, sur le droit à l'information ou, enfin, sur toute autre formulation quelconque.

Une telle commission assurerait aux yeux du public, des chercheurs et des éventuels donateurs, ainsi que chez les services d'archives privées une certaine distance par rapport aux influences politiques partisanes qui gravitent malheureusement toujours autour d'un ministre issu d'une formation politique. Si, pour des restrictions budgétaires, il était impossible à ce gouvernement actuel de légiférer, dans ce domaine dans des conditions plus propices, une aide véritable et rationnelle, il aurait peut-être été mieux d'attendre plutôt que de légiférer ainsi.

Je passe à un autre point: Les avis de la Commission des biens culturels. Notamment, pour les articles 8, 24 et 41, le ministre peut prendre avis de la Commission des biens culturels. Pour certains, cette mesure étonne, mais s'explique par le fait qu'il faut trouver remplaçant aux défuntes ANQ qui, d'une certaine façon, auraient été à la fois juge et partie. Cependant, en vertu de l'article 62, il ne s'agit pas, à proprement parler, de la commission qui donne avis au

ministre, mais bien d'un groupe de trois personnes désignées par la commission, chargées d'intervenir au nom de la commission. Il n'est pas fait mention que ces trois personnes - je parle toujours de l'article 62 - devront répondre devant la commission ou le ministre de quoi que ce soit, pas plus qu'on ne précise que ce seront obligatoirement des gens de la commission, de l'extérieur ou de l'une des deux parties. Aucune mention n'est faite non plus de la durée des mandats qui seront conférés. Des précisions à ce chapitre se doivent vraiment d'être fournies par M. le ministre.

Articles 10 et 19: Ces deux articles dispensent les personnes élues, notamment les parlementaires, de verser les documents concernant l'exercice de leurs fonctions. Cette dispense est d'autant plus étrange que l'on oblige les employés des organismes publics à remettre de tels documents. Hors de tout doute que de tels documents des personnes élues peuvent représenter un intérêt historique de première importance et que de laisser à leur seule discrétion le soin de remettre lesdits documents risque de prolonger une tradition de silence de la part des élus québécois. Des règles d'accessibilité pourraient offrir des garanties de confidentialité suffisantes pour permettre que les élus soient obligés de remettre leurs archives.

Article 17: Étrangement, les documents visés aux alinéas 1 à 5 de l'article 16, malgré qu'ils sont reconnus comme archives publiques, ne font pas l'objet d'une obligation de remise au ministre. Ils ne peuvent qu'être disposés, c'est-à-dire que si jamais l'un des organismes visés décide de déposer les documents désignant l'article 16, il en est toujours le propriétaire, car, selon l'article 4, un dépôt ne transfère pas la propriété.

Des dispositions pourraient être prises à tout le moins pour qu'une copie certifiée desdits documents soit dirigée vers le MAC si, par exemple, l'Assemblée nationale tient absolument à conserver les originaux des lois. Autrement, on ne fera que maintenir une dispersion de certaines archives reconnues publiques, alors que les objectifs décelables du projet de loi consistent en une centralisation des activités reliées aux archives publiques.

Article 33. Cet article pose de sérieux problèmes d'interprétation que le ministre se devrait de résoudre. On y mentionne qu'il est interdit à des fins commerciales de fractionner un fonds d'archivé reçu ou produit par une personne dans l'exercice de ses fonctions. Doit-on comprendre ici, comme fonction, les seuls emplois des organismes publics mentionnés à l'annexe du projet de loi ou toute autre activité que l'on peut retrouver dans la société en général? Il faudrait également parler de ce qu'est un fonds d'archivé. Doit-on comprendre que c'est un ensemble de documents produits par une personne qui, selon ses fonctions ou ses activités, peuvent être regroupés en autant de fonds ou bien si toute l'oeuvre et les possessions d'un individu ne consiste qu'en un seul et unique fonds.

Cette dernière disposition qui est, en principe, excellente en ce sens qu'elle met fin à un fractionnement des archives, peut quand même tomber dans un extrême regrettable. Si on devait comprendre par fonds la production entière d'une personne, il pourrait arriver des situations où un chercheur universitaire, par exemple, se verrait obligé de laisser en un bloc les fruits de sa recherche en microbiologie, ses poèmes, étant donné qu'il peut très bien être poète, écrivain, compositeur et graphiste. Le problème se poserait également pour un architecte écrivain ou pour toute autre personne exerçant séparément et simultanément plus d'une profession ou d'une activité. D'ailleurs, les mémoires pullulent de ces cas typiques comme ceux-ci.

Article 34. Le ministre s'arroge ici le droit de se faire remettre, par toute personne, des documents produits ou détenus par un organisme public antérieurement au 1er juillet 1967 et qui seraient en sa possession. Cette disposition risque d'avoir un effet contraire aux objectifs de diffusion des archives publiques à la base du projet de loi. Des gens qui, faute des préoccupations de l'État, auraient entrepris de conserver soigneusement ce type de document, se verront frustrés d'un droit acquis sans aucune compensation.

Il se peut d'ailleurs que des documents aient été dûment achetés des autorités à un moment ou un autre de leur vie. Ces gens auront vraisemblablement le réflexe de cacher ces documents privant ainsi des chercheurs et le public des renseignements qu'ils pourraient révéler, et ceci serait la faute du présent article.

Cet article devrait plutôt avoir un caractère incitatif et inviter des gens à faire connaître ces documents et le ministre pourrait en faire tenir l'inventaire. Si c'est la question d'accessibilité ou de conservation dans les conditions idéales qui le préoccupe, il pourra très bien en faire faire des copies ou les acquérir s'ils ne sont pas conservés dans des conditions valables. Ces pouvoirs lui sont conférés par l'article 41. Autrement, les documents devront rester en possession de ceux qui en ont assuré la garde jusqu'à ce jour.

Article 35. Cet article est la parfaite continuité du précédent. Personne ne pourra transporter, hors du Québec, un document de plus de 100 ans sans avoir l'autorisation du ministre. Pour ce, toute personne doit en transmettre avis au ministre dans les 60 jours précédant son départ. Il s'agit ici de tout document ancien, sans distinction entre

les documents familiaux d'un groupe ou d'une famille d'immigrés ou des textes écrits de la main de Georges-Étienne Cartier. À tout le moins le ministre aurait pu restreindre ses intentions au document d'intérêt historique pour le Québec et non de tout document ancien qui se trouverait sur le territoire québécois. Cet article aura également pour effet de voir des gens dissimuler des documents de peur de devoir un jour les abandonner aux mains du ministre, surtout selon une défénition aussi arbitraire. (Il h 15)

Dans le cas des articles 33, 34 et 35, surtout pour ces deux derniers, les interventions proposées par le ministre se posent en une véritable police des archives qu'il n'a certainement pas les moyens de mettre sur pied. S'il veut faire fonctionner le tout il ne pourra que compter sur la délation, ce qui n'est certainement pas le moyen le plus honorable d'enrichir un patrimoine archivistique.

Article 40. Les notes explicatives du projet de loi disent que le ministre est chargé d'apporter au service d'archives privées une aide technique et financière. Cet objectif est cependant contredit par l'article 40. Dans le premier paragraphe le ministre nous dit qu'il est chargé de la promotion, de la conservation et de l'accessibilité des archives privées. Mais il dit dans le second paragraphe que seuls les services agréés pourront avoir une aide technique.

Compte tenu des conditions de dépendance qui sont liées à la reconnaissance d'un service d'archives privé il est fort probable que beaucoup d'entre eux voudront rester entièrement privés. Cependant le ministre joue ici de la carotte et du bâton en disant que les services privés seront aidés s'ils sont agréés. Cette tactique est inadmissible et si le ministre veut vraiment aider des services privés, qu'il le fasse vraiment aussi ouvertement et sans entourloupettes.

Article 60. Vous me trouvez sévère, M. le ministre?

L'article 60 traite des délais d'application de la loi. Il prévoit que les organismes publics devront transmettre leur calendrier de conservation - pour approbation du ministre - dans l'année qui suivra la date d'entrée en vigueur de la loi. Ce qui signifie qu'environ 5000 calendriers se retrouveront sur le bureau du ministre dans le temps de le dire.

Il est cependant fort probable que ce seront plutôt des demandes de rapport de date qui arriveront. Une seule année sera certainement insuffisante à de trop nombreux organismes pour préparer de tels calendriers, qui exigent que tous les différents services soient concertés pour identifier des besoins et des périodes de conservation, et d'en prévoir les modalités ou, le cas échéant, d'en ajuster les diverses composantes aux exigences du ministre dans ce domaine.

Ces dispositions auraient pu tenir compte de la mise en vigueur de la loi 65 sur l'accès à l'information qui impose des changements considérables à la façon de fonctionner de ces organismes.

De plus, il sera interdit à tout organisme de détruire tout document avant que ne soit approuvé le calendrier de conservation, ce qui, pour de gros organismes comme la CUM, certaines commissions scolaires ou des commissions de transport qui fonctionnent avec déjà certaines règles de conservation, posera de sérieux problèmes d'entreposage. Et, compte tenu du nombre important de calendriers approuvés par le ministre, les délais d'acceptation risquent aussi d'être très longs. Le ministre devrait prévoir pour ces organismes déjà dotés de calendriers de conservation qu'ils pourront fonctionner sous ces règles jusqu'à l'approbation des nouvelles. Pour éviter des délais inutiles et des corrections fastidieuses pour nombre de fonctionnaires et d'organismes le ministre pourrait aussi proposer des calendriers types pour certaines catégories d'organismes reliés tant par leur sphère d'activités que par leur importance en termes de volumes de documents. Ces dispositions permettraient certainement d'éviter bien des désagréments et des dépenses d'énergie inutiles. Une approche rationnelle pour implanter de tels calendriers pourrait également comporter une approche par étapes, soit par types d'organismes ou par volumes de documents à traiter. Il ne sert à rien de précipiter tout le monde dans le même bain en même temps alors que l'on pourrait économiser du temps et de l'argent à bien coordonner une telle entreprise. Il est peut-être important d'implanter des calendriers de conservation, mais certainement pas en catastrophe. Souvent, la précipitation est l'ennemie de la perfection.

Ces remarques, M. le Président et M. le ministre, et combien d'autres vous seront reprises et commentées par les groupes qui défileront à notre commission durant les prochains jours. Puis-je vous dire, M. le ministre, que j'ai trouvé dans les mémoires soumis des demandes d'amendement à 48 articles sur les 79 que renferme cette loi no 3, soit une moyenne de 60% d'insatisfaction sur un ou plusieurs points à la fois.

Vous n'aurez pas devant vous aujourd'hui, je crois, un groupe de "fans" qui, lors de l'étude du projet de loi sur le cinéma, ne cessaient de vous applaudir, de vous séduire et de vous minauder. Comme vous le savez, j'ai été heureux et accueillant envers ces gens du milieu du cinéma. Aujourd'hui, c'est un autre auditoire. Ce sont aussi des gens heureux d'avoir enfin un projet de loi sur les archives, mais qui pleurent encore une fois sur le bébé difforme

et dystrophique que vous leur avez présenté.

Dans presque tous les mémoires, vous avez dû trouver, comme moi, cette offre de collaboration et presque cette peur de déplaire, mais aussi ce profond et sincère désir d'avoir enfin une loi qui réponde au besoin du milieu et aux exigences de la profession.

Pourquoi ne pas avoir consulté ces experts du métier? Pourquoi ne pas vous être entouré de ces chercheurs professionnels qui oeuvrent dans le plus grand respect des archives, ces mémoires de notre histoire? Aucun blâme pour les fonctionnaires qui ont vraiment bâti ce projet de loi, mais pourquoi cette absence remarquée du conservateur des archives, alors que le président de l'Institut du cinéma faisait la roue et la proue lors de la loi 109? La roue et la proue, M. Proulx. Mais c'est "e" à la place de "x". Voilà.

Pourquoi la commission préparatoire de Guy Fournier et son livre, son projet sur l'excellence et la survie du cinéma et ici rien sur la consultation préparatoire à cette loi no 3? Pourtant, tous ces honnêtes travailleurs ne demandaient qu'à vous aider et à collaborer pour sortir et engendrer un bijou de loi, digne de ce monde érudit, consciencieux et progressif. C'est un projet pour le "troisième âge", c'est bien, mais qui oublie les périodes actives et ne se penche que sur les parchemins.

Vous avez manqué, M. le ministre. Avec vous, nous écouterons les doléances de ces gens et leurs regrets, mais aussi leur désir de coopération et leur rêve à eux aussi de l'excellence. Comme moi, vous arriverez peut-être à la même conclusion: il faut retirer cette loi, la remodeler, l'amender, la revitaliser. Les pontages et rafistolages seraient trop nombreux et dangereux. Il faut vraiment un coeur neuf. Ces gens qui vous entourent témoignent de leur intérêt et de leur sympathie. Avec vous, ils veulent rédiger et bâtir un projet de loi qui fera le bonheur de leur milieu et l'envie des connaisseurs archivistes. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Saint-Henri. Maintenant quelques minutes, M. le ministre, avant de passer à l'audition des mémoires.

M. Clément Richard (réplique)

M. Richard: M. le Président, j'ai pris bonne note de certaines observations faites par le député de Saint-Henri qui semble subir la mauvaise influence de ses collègues de l'Opposition depuis quelque temps et qui devient un tantinet partisan, ce qu'on doit regretter.

M. Hains: On laissera la parole...

M. Richard: ...ceci étant dit, M. le Président, je voudrais juste signaler des omissions très sérieuses du député de Saint-Henri, d'abord, quand il parle de consultation. Il a oublié justement qu'il y a eu 20 ans de consultation. Il a oublié que j'ai fait une tournée au cours de laquelle j'ai reçu 22 mémoires portant sur les archives. Il a aussi oublié - cela est encore plus impardonnable - que nous sommes précisément à consulter les principaux intéressés pour bonifier le projet de loi.

Plus grave encore, M. le Président, et cela est vraiment impardonnable de la part d'un député critique officiel de l'Opposition en matières culturelles, le député de Saint-Henri a affirmé que nous abolissions les Archives nationales du Québec.

On peut accepter une pareille erreur émanant d'un citoyen non familier avec les institutions à caractère public mais je voudrais lui demander sur quoi il se base, en vertu de quelles dispositions législatives on fait disparaître les Archives nationales du Québec dont on a créé toutes les succursales au cours des dernières années. Je lui rappellerai que c'est à partir de 1977 jusqu'en 1979 qu'on a créé des archives nationales à Chicoutimi, à Hull, à Sherbrooke, à Rimouski, à Rouyn-Noranda et à Sept-Îles. Je pose cette simple question au député de Saint-Henri. Sur quoi vous basez-vous, M. le député de Saint-Henri? Et ignoriez-vous par hasard que les Archives nationales n'ont jamais vécu en vertu d'un loi constitutive, qu'il n'y a jamais eu de loi constitutive des Archives nationales, que les Archives nationales n'ont jamais constitué une entité juridique propre et que même la Loi sur le ministère des Affaires culturelles ne prévoyait pas la création comme entité juridique propre des Archives nationales. Les Archives nationales ont toujours été et elles continueront de l'être mais avec, je pense, un élan nouveau compte tenu qu'il y aura cette loi; elles ont toujours été un service, une direction générale du ministère des Affaires culturelles. Une direction générale, bien sûr, qui a pris de l'ampleur au cours des dernières années, notamment avec les succursales des Archives nationales du Québec un peu partout, la régionalisation des archives sur les territoires québécois. Mais il est important que le député de Saint-Henri retire cette phrase malheureuse qui peut induire tellement de nos concitoyens et concitoyennes en erreur en affirmant qu'on voulait abolir les Archives nationales. Il n'en a jamais été question, au contraire. C'est encore plus impardonnable parce que je prenais la peine de rectifier cette erreur qui a été répandue dès le début de mon texte.

Alors, M. le député de Saint-Henri, je regrette de vous dire que cela c'est une omission très importante que vous avez commise. Je ne voudrais pas que nos concitoyens et concitoyennes soient induits

en erreur à partir de cette affirmation qui n'avait pas été, c'est le moins qu'on puisse dire, vérifiée avant.

Voilà, j'ai hâte qu'on entende les principaux intéressés qui ont des observations à faire sur le projet de loi. Et encore une fois, nous sommes là pour le bonifier ce projet de loi. C'est ce que nous nous apprêtons a faire en entendant les principaux intéressés.

Une dernière observation, le député de Saint-Henri, encore une fois a souvent lu l'article 24 en omettant une partie essentielle de cet article. M. le Président, je vous réfère au texte du député de Saint-Henri. Chaque fois qu'il a lu l'article 24 il a pris bien soin d'oublier une partie de phrase qui dit: "Après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels..." Toute l'interprétation du député de Saint-Henri est faite en omettant cette partie de phrase. Le député de Saint-Henri est coupable ce matin de plusieurs omissions dont il aura peine à se faire pardonner. Mais je suis sûr qu'il reviendra à de meilleurs sentiments au fur et à mesure qu'il entendra les parties intéressées.

Voilà M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre a posé une question au député de Saint-Henri. J'aimerais que le député s'en tienne uniquement au coeur de la réponse à cette question parce que certainement cela pourra revenir dans le débat par la suite.

M. Richard: Oui.

Le Président (M. Brouillet): Pour que nous puissions passer le plus tôt possible à l'audition des personnes qui sont ici.

Brièvement, si vous voulez.

M. Hains: Une petite remarque très courte. Premièrement ce n'est pas du tout une question de partisanerie dans tout ce que j'ai dit. C'est une étude très objective du projet de loi. Vous connaissez, je crois, assez mon sens de la collaboration pour retirer peut-être vous aussi ce mot-là de m'être laissé dire que je me suis laissé aller à la partisanerie dans cette critique.

Deuxièmement, si on regarde l'article dont je faisais mention, l'article 67, M. le ministre - c'est là que vous m'avez posé surtout votre question - à l'article 67 on dit ceci: "La section V de la loi est abrogée." La section V de la loi c'est justement la section qui parle des ANQ. (Il h 30)

M. Richard: Oui, mais c'est là...

M. Hains: Et vous y revenez ensuite, M. le ministre aux articles 57 et 58. Ce que j'ai voulu affirmer...

M. Richard: Demandez à votre collègue de gauche, il vous expliquera que les Archives nationales du Québec, en vertu de la section V de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles, telles que définies dans la loi ne constituent pas une entité juridique propre.

M. Hains: Je suis d'accord avec vous. M. Richard: Bon!

M. Hains: Mais vous dites à l'article 57: "Le conservateur des Archives nationales ainsi que les fonctionnaires (...) deviennent, sans autre formalité, des fonctionnaires et employés du ministère des Affaires culturelles". Cela veut dire qu'ils perdent quand même... Ils ne perdent peut-être pas ce que vous dites... Je n'ai pas parlé de destruction ou, enfin, de la disparition des ANQ...

M. Richard: D'abolition. C'est le terme que vous avez utilisé, c'est encore pire.

M. Hains: J'ai parlé de leur identité propre parce qu'ils passent actuellement sous votre juridiction et par le fait même on leur enlève - veut, veut pas - une certaine indépendance qu'ils avaient précédemment.

M. Richard: M. le Président, encore une fois, en dehors de toute partisanerie, pour faire plaisir au député...

M. Hains: Voilà! Merci.

M. Richard: ...de Saint-Henri, ils ne passent pas sous la juridiction du ministre des Affaires culturelles. J'invite le député de Saint-Henri à lire la section V: "Les Archives nationales - c'est pourquoi cela est abrogé, parce que c'est devenu bien plus qu'un regroupement de documents - sont des documents." C'est tellement plus que cela maintenant, à partir du vécu des Archives nationales, qu'il était important de n'induire personne en erreur et de ne pas dire qu'il ne s'agissait que de documents. C'est une institution qui n'est pas une entité juridique puisque cela a toujours été une direction générale du ministère des Affaires culturelles.

Si le député de Saint-Henri acceptait mon invitation de venir au ministère des Affaires culturelles...

M. Hains: Un de ces jours.

M. Richard: ...invitation que je lui ai formulée si souvent, il comprendrait que les Archives nationales, c'est une direction générale qui a pris beaucoup d'importance au cours des dernières années. Donc, on ne pouvait plus parler des archives comme

n'étant que des documents. C'est à cela que le député de Saint-Henri se réfère. Il faut corriger cela dès le départ parce qu'on commettra la même erreur durant deux jours, tout le temps qu'on entendra les intervenants. Ce n'est pas une entité juridique, cela ne l'a jamais été, mais c'est devenu une institution véritablement nationale surtout depuis qu'on l'a régionalisée et depuis qu'il y en a dans neuf régions du Québec. On n'abolit pas les Archives nationales, bien au contraire, et je suis sûr que maintenant le député de Saint-Henri a bien saisi.

M. Hains: J'aimerais bien poursuivre.

Le Président (M. Brouillet): II faudrait...

M. Hains: Je pense d'ailleurs que cela reviendra dans certains mémoires et on pourra en parler plus longuement. Quant à mon mea culpa, je ne le fais pas encore, j'attends d'être plus certain d'être coupable.

Le Président (M. Brouillet): Merci, messieurs. Nous demandons maintenant au premier groupe, l'Association des archivistes du Québec, de bien vouloir prendre place à la table qui leur est réservée.

J'invite le ou la porte-parole à s'identifier et à nous présenter la personne qui l'accompagne.

Auditions

Association des archivistes du Québec

Mme Larouche-McClemens (Monique): Mon nom est Monique Larouche-McClemens, présidente de l'Association des archivistes du Québec Inc. J'aimerais vous présenter M. Guy Dinel, qui est un ancien président de l'association aussi.

M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, MM. les députés ministériels et MM. les députés de l'Opposition, mesdames et messieurs, il nous fait plaisir de vous présenter notre mémoire.

L'Association des archivistes du Québec compte 500 membres, représentant les secteurs public, para-public et privé de la province. Cette association professsionnelle qui existe depuis quinze ans est le seul regroupement ayant pour objet l'archivistique, terme englobant deux spécialités de la science des archives, soit la gestion des documents administratifs et la gestion des documents historiques.

Depuis plusieurs années, l'Association des archivistes du Québec attendait avec enthousiasme la venue d'une loi essentielle, loi devant couvrir les secteurs d'activités professionnelles de ses membres. Le projet de loi no 3, intitulé Loi sur les archives, certes démontre la clairvoyance du législateur. Ce projet constitue un pas en avant. Cependant, le texte du projet de loi doit subir de profondes modifications pour qu'il se conforme aux théories et pratiques du milieu professionnel.

La présentation de notre mémoire s'inscrit, d'une part, dans le cadre d'une volonté de notre association de mettre le Québec au diapason de la scène internationale dans le domaine de l'archivistique et, d'autre part, dans le but d'assurer la gestion, la conservation et la protection efficaces du patrimoine documentaire québécois.

Le mémoire est en deux parties: neuf commentaires généraux et des commentaires spécifiques.

Commentaires généraux. 1- Considérations d'ordre termilogi-que:

L'absence de définitions claires et précises et les nombreuses contradictions qui en découlent tout au long du texte de loi empêchent l'élaboration d'une politique archivistique globale adaptée, d'une part, aux besoins du Québec et, d'autre part, conforme aux pratiques archivistiques à l'échelle internationale.

Entre autres, la définition du terme "archives publiques" telle qu'énumérée à l'article 2 constitue une définition extrêmement limitative compte tenu de la portée de la définition du terme "archives" telle qu'appliquée par le milieu professionnel ainsi que celle communément acceptée sur le plan international. La définition que l'UNESCO donne des archives est la suivante: "L'ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature, réunis (élaborés ou reçus) par une personne physique ou morale (publique ou privée) pour les besoins de son existence et l'exercice de ses tâches, conservé d'abord pour servir de preuve et pour ses besoins administratifs, conservé ensuite pour leur valeur d'information générale."

En bref, le terme "archives" regroupe trois phases successives d'activités dans la vie d'un ou des documents, soit des périodes active, semi-active et inactive. Ce qui devient problématique dans le texte du projet de loi intitulé Loi sur les archives, c'est qu'on semble attribuer au terme "archives" une notion de documents inactifs uniquement. Les documents inactifs constituent environ 5% à 10% de la masse documentaire d'une entité quelconque, que ce soit du gouvernement ou d'une compagnie quelconque.

Il serait, à notre avis, préférable d'éviter toute ambiguïté en précisant les définitions appropriées. Dans l'éventualité où cette solution ne serait pas retenue, il serait préférable de changer le titre du projet de loi pour le rendre conforme à son contenu.

En effet, pourquoi parler d'une loi sur les archives dont la portée ne touche qu'une mince partie de leur nature. Il serait beaucoup plus adéquat de parler d'une loi sur les documents historiques si l'on ne procède pas à des modifications profondes du texte actuel. 2- Scission de la sphère d'activité de l'archiviste:

Conformément à ce qui précède, l'adoption de cette loi viendra créer de nombreux problèmes sur le plan professionnel. L'archivistique est la science des archives. Un archiviste est le professionnel de la science des archives. L'Association des archivistes du Québec regroupe ces professionnels de l'archivistique qui, dans certains cas, deviennent spécialisés pour le traitement soit des documents actifs, semi-actifs, inactifs ou pour l'ensemble des trois.

Si le projet de loi est adopté, il serait dorénavant consacré, de par ce texte de loi, qu'un archiviste, ou professionnel de la science des archives, est un spécialiste du traitement des documents inactifs dits historiques. Qu'advient-il des archivistes du milieu qui sont spécialistes des trois périodes d'activité des documents ou spécialistes des deux autres périodes d'activité: active et semi-active? Est-ce que ces derniers devront changer le titre de leur profession et même de leur association pour s'adapter à la portée d'une loi non conforme au milieu québécois et international?

L'Association des archivistes a récemment participé activement à la mise en place de cours et de certificats en archivistique dans plusieurs universités québécoises. Ces cours couvrent les trois phases de la vie des documents. Afin d'éviter les ambiguïtés qui pourraient découler de cette loi, deux solutions s'offrent: soit que la portée de la loi s'étende à toutes les périodes de la vie d'un document, soit que l'on rende son titre conforme à son contenu, c'est-à-dire qu'on se limite au traitement et à l'identification des documents inactifs dits historiques.

Troisième commentaire général: La délégation des nombreux pouvoirs du ministre. Il serait préférable et nécessaire, croyons-nous, pour le bon fonctionnement de l'application de la loi que les pouvoirs du ministre soient le plus possible délégués, en particulier pour les modalités reliées aux calendriers de conservation, aux responsables des organismes parapublics - dans l'annexe, ce sont les éléments 4 à 7 - et, dans les autres cas, au conservateur des Archives nationales du Québec.

Autre commentaire, le législateur et l'application de la loi. L'existence des articles 10 et 19 crée, à notre avis, une situation pour le moins bizarre à savoir qu'ils viennent permettre au législateur de se dégager, en quelque sorte, de l'application de la loi. Des commentaires précis à cet effet ont été émis dans la partie du mémoire qui traite de plusieurs articles séparément.

Autre commentaire: Projet de loi conçu au départ pour les organismes gouvernementaux centralisés. Il nous apparaît évident qu'au départ ce projet de loi avait été conçu et préparé pour ne porter que sur les organismes gouvernementaux centralisés, soit ceux visés aux articles 1 à 3 de l'annexe. Il semble que l'on ait par la suite décidé d'étendre sa portée aux organismes parapublics (donc, 4 a 7) sans avoir changé ou modifié le contenu de certains articles du projet de loi, comme les articles 10 et 16.

Commentaire sur les règlements. Plusieurs articles du projet de loi se réfèrent à une réglementation qui n'est pas encore connue. Cette réglementation intimement liée à la mise en application de la loi pourrait se révéler très contraignante pour les milieux impliqués. Exemple: les articles 13, 14, 26 et 44.

Autre commentaire: Une loi ayant une portée très limitative sur l'ensemble de la masse documentaire du gouvernement québécois. Dans le cadre d'une loi sur les archives, le gouvernement aurait dû accorder plus d'importance aux trois phases de la vie des documents gouvernementaux. Il est ici bien clair que l'on vise à protéger le patrimoine québécois. Il aurait été certainement plus efficace d'éviter la dispersion des documents en adoptant une législation permettant un rôle majeur au niveau de la vie active et semi-active des documents. La sélection et le traitement des documents inactifs n'en auraient été que facilités. Bien qu'il soit toujours difficile d'établir des comparaisons, nous croyons que la structure mise en place aux gouvernements canadien et américain devrait nous servir de modèle de fonctionnement. Incidemment, le gouvernement fédéral, par une Loi sur les archives, s'apprête à officialiser cette structure administrative en intégrant archives historiques et gestion de documents dans un même texte de loi.

Autre commentaire: Le rôle des Archives nationales du Québec: Au cours des dernières années, les Archives nationales du Québec, ou ANQ, ont établi à grands frais un réseau provincial de centres régionaux d'archives. Les Archives nationales du Québec jouent un rôle de chef de file dans le domaine de l'archivistique en se spécialisant dans le traitement des documents inactifs dits historiques. Non seulement on aurait pu prévoir un rôle accru des Archives nationales du Québec dans le traitement et la conservation des documents actifs et inactifs, mais, en plus de ne rien apporter à cet égard, le rôle des Archives nationales du Québec se voit légalement diminué, pour ne pas dire inexistant car laissé au bon vouloir du ministre de décider de la participation ou

non des Archives nationales du Québec dans les modalités de l'application de la loi. Il semble que la Commission des biens culturels viendra remplacer les Archives nationales du Québec dans le rôle que l'on aurait pu s'attendre que les Archives nationales du Québec jouent, compte tenu de leur expertise établie depuis longtemps. (Il h 45)

J'aimerais citer en référence le règlement d'application du 21 mai 1980 pour l'article 89 de la Loi sur les cités et villes où, par exemple, le rôle du conservateur des Archives nationales était clairement identifié. Ce projet de loi no 3 abroge l'article 89 de la Loi sur les cités et villes et ne prévoit aucune modalité pour la réapparition du rôle du conservateur des Archives nationales en ce sens.

Dernier commentaire général. Inversion du processus de direction. Il aurait été souhaitable que le texte du projet de loi amène l'énoncé d'une véritable politique archivistique pour l'ensemble des documents de l'État québécois. Au lieu de demander aux quelque 5000 organismes ou institutions touchés par la loi de préparer et transmettre pour approbation un calendrier de conservation des documents, divers groupes de travail spécialisés devraient être mis en place. Ces groupes de travail auraient pour mandat d'élaborer des calendriers types de conservation de documents qui seraient, par la suite, transmis pour application moyennant une certaine marge de manoeuvre relativement à l'ajout ou au retrait de règles de conservation.

L'archivistique, dans son sens global, professionnel, se verra scindée pour les documents du gouvernement du Québec entre divers organismes sans aucune coordination, que ce soit administré par le biais des directives émises par le Conseil du trésor, par le ministère des Affaires culturelles et par les instances responsables de la loi 65 sur l'accès à l'information.

Commentaires spécifiques sur certains articles du projet de loi. Article 2. L'absence d'une définition claire et précise de certains termes: archives, archives privées, archives publiques, documents actifs, semi-actifs et inactifs et traitement et conservation de documents, est à la source de nombreux problèmes d'interprétation et d'application aux termes de la loi. La communauté internationale des archivistes semble d'accord pour définir comme archives l'ensemble des documents actifs, semi-actifs et inactifs d'un organisme. Faute d'une définition globale, le texte de l'article 2 amène l'énoncé suivant: Si, par l'interprétation de cet article, ne sont archives publiques que les documents inactifs, nous serions portés à croire que les archives semi-actives et actives d'une entité gouvernementale sont des archives privées, donc plus ou moins touchées par la loi.

Ambiguïté certaine qui n'existerait pas si des définitions claires avaient été établies. Une autre contradiction, à titre d'exemple, peut être soulevée sur les notions d'archives publiques telles que mentionnées aux articles 2 et 38. À titre de suggestion, nous suggérons le texte suivant: Sont archives publiques les documents détenus par un organisme public - excusez, c'est parce que je prends la loi 65, l'article 1 - dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Cela s'applique, quelle que soit la forme de ces documents, écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autres.

Article 4. Il aurait été préférable de parler de versement en lieu et place de remise de documents, versement étant le terme consacré dans le milieu professionnel pour le transfert de propriété d'un document inactif.

Le chapitre II du texte de projet de loi présente certaines ambiguïtés, si on se réfère à la définition limitative mentionnée à l'article 2. En fait, on se demande comment il se fait que la portée de la loi vienne toucher une certaine facette - soit le calendrier de conservation des documents -des documents actifs et semi-actifs sans toucher le reste et en plus sans qu'il n'en soit fait mention dans ce qui devrait être une définition un peu plus large à l'article 2.

Articles 6, 7 et 8. Comment le ministère des Affaires culturelles peut-il juger du bien-fondé des décisions relatives aux périodes d'activité ou de semi-activité des documents qu'il ne connaîtrait que par le biais d'un calendrier de conservation établi loin des prémisses du même ministère? Certes, aura-t-il sans doute une expertise importante à fournir quant à décider de ce qui pourra être éliminé ou de ce qui devra être conservé. Bref, l'intervention du ministre à ce niveau viendra alourdir le processus décisionnel d'approbation et de révision des calendriers. Nous croyons qu'il sera difficile de trouver au ministère des Affaires culturelles et à la Commission des biens culturels "l'expertise en archivistique" nécessaire à l'approbation des calendriers qui, dans bien des cas, seront très spécifiques.

Nous suggérons que le ministre délègue son pouvoir d'approbation aux personnes responsables dans chacun des organismes énumérés à l'annexe aux nos 4 à 7. Le ministre pourrait demander le dépôt des calendriers à titre informatif. Il est de plus utile de souligner que des programmes de subventions temporaires ne pourraient aider compte tenu de l'obligation pour les personnes de connaître l'environnement de l'organisme et le cheminement de l'information interne qui circule. De plus, il serait préférable dans plusieurs cas que des groupes de travail soient mandatés pour

préparer dans les divers domaines d'intervention, par exemple municipal et scolaire, des calendriers types qui seraient par la suite transmis aux institutions, ceci ayant pour conséquence majeure des économies de temps et d'argent.

Article 9: Pourquoi un fichier informatisé? Pourquoi ne pas parler de fichier en général, terme plus large et par le fait même plus global?

Suggestion: enlever le terme "informatisé" de l'article.

Article 10: Nous croyons normal qu'un employé laisse sous la garde de l'organisme qui l'engageait les documents reçus ou produits en cette qualité. Il est certainement positif de le rappeler. Par ailleurs, on s'aperçoit que les sources d'information les plus intéressantes pour la recherche, notamment les bureaux des ministres, peuvent être exclues de cette obligation. Bref, l'article 10 vient consacrer une pratique qui va à l'encontre du patrimoine, soit la conservation par une personne de documents de nature publique, présente et/ou future. Qu'arrive-t-il aux documents d'une personne élue titulaire d'un poste électif, par exemple, un recteur d'université, un maire, etc?

Suggestion: Toute personne qui cesse d'être titulaire d'une fonction élective - on doit ajouter ici "ou non-élective" - au sein d'un organisme public, doit laisser sous la garde de cet organisme les documents qu'elle a reçus ou produits en cette qualité. On ajouterait un deuxième paragraphe qui se lirait comme suit: Des règles d'accessibilité aux documents confidentiels devraient être établies, incluant des prescriptions, en tenant compte de la nature de l'information contenue dans ces documents.

Article 13. Dans le milieu professionnel, le terme "conservation" réfère à la garde, au traitement et à la mise en valeur de l'information contenue dans les documents. Si tel est le cas pour le texte de loi, nous devrions donc lire cet article avec l'article 44. D'où nos nombreuses inquiétudes pour ce qui pourrait ressembler à une loi-cadre ayant un impact majeur par la réglementation à venir.

Article 14. Ce texte amène une "contrainte majeure possible" pour un service d'archives privées agréé ou un organisme public. En fait, on parle ici d'une obligation d'acquérir, aux conditions du ministre, un fonds d'archives publiques. L'impact de cet article se fera nécessairement sentir au moment où un service d'archives songera à être agréé. Cet article verra certainement à limiter ce type de demande (service agréé). Ce texte pourrait être plus acceptable formulé ainsi.

Suggestion: Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels et après entente avec un organisme public ou un service d'archives privées agréé, déposer auprès de ces derniers des archives publiques en vertu de la présente loi. Le deuxième paragraphe demeurerait.

Article 16. La série des documents énumérés à l'article 16 vient en contradiction avec la définition limitative telle que mentionnée à l'article 2. En fait, on ne parle plus à l'article 16 de documents inactifs, mais bien plutôt de documents passant par les phases successives de documents actifs, semi-actifs et inactifs. Une autre notion est sous-entendue à l'intérieur de cet article 16. Il s'agit des documents officiels du gouvernement, documents ayant un impact juridique. De plus, il faudrait ajouter les documents officiels des organismes parapublics. Citons, à titre d'exemple, les statuts, les chartes, les procès-verbaux des municipalités, commissions scolaires, règlements divers, etc. À titre de suggestion, sont réputés archives publiques, les documents officiels des organismes compris dans l'annexe. Citons à titre d'exemple: ...(en ayant soin d'en ajouter quelques-uns).

J'aimerais apporter une remarque ici. Un protonotaire de Montréal me faisait remarquer la semaine dernière qu'il y a une erreur dans la formulation juridique de cet article. Je n'ai pas d'autre détail, mais il faudrait remplacer le mot "par" par le mot "aux", d'après ce qu'on me dit. D'accord? Je voulais seulement passer le message.

Article 17. Il semble plus ou moins adéquat que les documents d'une valeur aussi importante que les documents officiels mentionnés à l'article 16 ne seront que déposés auprès du ministre. Dans le milieu professionnel, un dépôt constitue une notion de propriété faisant que la propriété des documents demeure à l'organisme qui les a produits. Il faudrait alors remplacer "déposées" par "versées", pour assurer la notion d'un transfert de propriété.

De plus on peut présumer qu'un des objectifs du projet de loi est de faire des Archives nationales du Québec l'endroit unique pour la conservation des archives gouvernementales. Or, encore une fois, cet article vient consacrer des pratiques allant à l'encontre de l'esprit de la loi, soit une dispersion des documents officiels du gouvernement au sein des différentes agences gouvernementales.

Suggestion: Les archives publiques visées aux paragraphes 1 à 5 dans l'article 16 devraient être remises (ou versées) au ministre. Divers articles de loi devraient alors être modifiés.

Article 19. Cet article confirme que les documents produits ou reçus d'un membre de l'Assemblée nationale sont des archives privées, alors qu'à notre point de vue cette personne exerce une fonction publique payée à même les deniers publics, au même titre que n'importe quelle fonction. Dans

l'éventualité où ces documents seraient perçus comme archives publiques, l'incitation à remettre les documents au départ de la personne devrait être plus forte.

Suggestion: II faudrait, à tout le moins, enlever du texte l'expression "qui juge à propos". Maintenir l'article 19 dans sa forme actuelle va à l'opposé de ce qui est écrit dans les notes explicatives du projet de loi, à savoir: assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques.

Article 21. Suggestion: II faudrait ajouter au texte: "Le ministre décidera après avoir reçu l'avis de la Commission des biens culturels".

Articles 22 et 23. Nous sommes favorables au contenu de ces articles car ils favorisent une accessibilité accrue aux chercheurs tout en éliminant la rectification possible des archives publiques après le décès de la personne concernée.

Articles 24 et 25. Selon les termes de ces articles, le ministre peut aider financièrement les services d'archives privées qu'il aurait agréés. Ces articles amènent plusieurs interrogations. Entre autre, on peut percevoir une incitation, par le biais d'une subvention, à devenir agréé. Mais qu'en est-il pour les services qui ne sont pas intéressés à se faire agréer? Cet article ne va-t-il pas à l'encontre de l'intention du législateur tel que défini à l'article 40?

Article 27. Tel que mentionné précédemment, le terme "conservation" réfère autant à la garde qu'au traitement des documents et à sa mise en valeur. Il serait aussi intéressant de connaître l'intention du législateur. Il faudrait, sur ce point, référer aux éléments des articles 13 et 44 pour apporter un peu plus de lumière. Encore une fois, les problèmes viennent de l'absence de définition claire et précise des termes.

Article 28. L'obligation reliée au paragraphe 3, qui consiste à permettre l'accès aux archives pour fins de recherche, peut aller à l'encontre des priorités des dépôts ou centres d'archives. Dans le cas où les dépôts ne comptent qu'un seul ou deux employés, il peut être difficile de se soumettre à cette modalité.

Articles 30, 31 et 32. Les modalités d'application de ces articles devraient être élargies aux organismes parapublics, tels que cités aux annexes 4 à 7. En conséquence, les pouvoirs du ministre devraient être transmis conformément.

Article 33. Cet article réfère à un principe bien connu de l'archivistique, soit le "respect des fonds". Par contre, on va ici à l'encontre des libertés individuelles dans certains cas d'applications, par exemple: les peintures, gravures, pièces des auteurs-compositeurs, etc. On va même jusqu'à empêcher la vente possible de certaines collections de peintures, par exemple, en pièces détachées. Afin de prévenir certains abus, il y aurait lieu de préciser ce qu'on entend par "document".

Article 34. Pour demeurer conforme aux éléments mentionnés précédemment, le terme "verser" devrait être inséré en lieu et place du terme "remettre". (12 heures)

Article 35. Cet article ne dit pas ce qu'on semble vouloir dire. Enfin, pour demeurer logique, cet article devrait être appliqué avec le gros bon sens. Il semble ridicule de songer qu'une famille décidant de déménager, par exemple, en Ontario ne puisse partir avec ses documents familiaux, de style photographies de famille, transmis de génération en génération sans avoir au préalable à demander une autorisation écrite au ministre. Qu'en est-il au sujet des archives imprimées? Notre suggestion est qu'il faudrait remplacer les termes "d'un document ancien, quelle qu'en soit la forme" par "d'un document d'intérêt historique pour le patrimoine québécois".

Article 38. Comment, dans le cadre d'une politique de gestion des archives publiques composées principalement de documents inactifs, un ministre peut-il proposer des interventions sur des documents qui ne sont justement pas des archives publiques telles que définies à l'article 2. Pour se conformer à la pensée du législateur et éviter ainsi les contradictions, le deuxième paragraphe devrait être rayé.

Article 40. On mentionne que le ministre est chargé de promouvoir la conservation et l'accessibilité des archives privées. Pour ce faire, le ministre fournirait l'aide technique à tout service d'archives privées agréé. Compte tenu du but que le ministre s'est fixé, soit la promotion des archives privées, pourquoi l'aide technique ne sera-t-elle pas fournie aux organismes qui n'auront pas décidé de se faire agréer? Notre suggestion est de modifier le deuxième paragraphe ainsi: À cette fin, il doit fournir l'aide technique à tout service d'archives privées ou publiques ayant comme fonction la garde, le traitement et la mise en valeur d'archives privées.

Article 43. Il faudrait que le ministre délègue l'ensemble des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi aux personnes responsables dans tous les organismes publics, principalement dans les organismes parapublics. Les pouvoirs du ministre pourraient, dans les autres cas, être délégués au conservateur des Archives nationales du Québec qui possède l'expertise nécessaire.

Si nos commentaires ne sont pas acceptés, nous suggérons la modification suivante: Le ministre peut déléguer uniquement au conservateur des Archives nationales du Québec les pouvoirs que lui confère la présente loi.

Article 44. La portée de ces règlements

futurs sur l'ensemble des fonctions archivistiques peut, sans contredit, devenir déterminante pour ne pas dire extrêmement contraignante pour les organismes assujettis à la loi. Jusqu'où ira la réglementation? Personne ne peut le dire. Il semble ici que l'on ait prévu d'aller chercher, par voie de règlement, des pouvoirs qui pourraient très largement dépasser les termes de base. De plus, les distinctions terminologiques doivent s'établir entre, par exemple, "catégories d'organismes publics ou de documents inactifs ou d'archives publiques".

Il y a une question qu'on voudrait poser: Est-ce qu'il est possible de connaître aujourd'hui le texte des règlements?

M. Richard: On en a, mais ils ne sont pas tous prêts.

Mme Larouche-McClemens: Ils ne sont pas tous prêts, d'accord.

Articles 49, 50 et 51. La répartition des sommes relatives aux amendes payables à la suite d'infractions n'est pas proportionnelle au degré d'importance des infractions. Il devient ainsi surprenant de constater que l'amende relative à l'établissement d'un calendrier de conservation soit moins élevée, 500 $, que les éléments mentionnés à l'article Il relativement à la destruction d'un document actif ou semi-actif avant l'expiration de la date prévue audit calendrier de conservation, soit 3000 $.

Article 60. Le délai d'un an mentionné pour l'application est minime. La majorité des 5000 organismes touchés par la loi devra demander une extension, compte tenu des difficultés toujours inhérentes à la préparation d'un calendrier de conservation. Nous croyons qu'il serait ici préférable de parler d'un délai maximal de trois ans en lieu et place de celui d'un an, compte tenu du fait que les organismes publics en sont encore aux modalités d'application de la loi 65, Loi sur l'accès à l'information.

Mon intervention se terminera sur une question et la lecture d'une résolution de notre conseil d'administration. La question est la suivante: Ne serait-il pas intéressant de prévoir ici ce que le ministre des Communications, M. Bertrand, a appelé une clause crépusculaire, soit des modalités permettant d'ajuster le texte de loi en fonction des réalités d'application, modalités qui pourraient être prises d'ici à cinq ans? C'était ma question.

La résolution du conseil de... J'aimerais vous lire le texte suivant. "Extrait du procès-verbal de la 45e réunion du conseil d'administration qui s'est tenue à Québec le 20 mai 1983. Il est proposé par Nicole Sauvé-Leblanc, appuyé par Marie-France Fortier, que le conseil d'administration dûment mandaté par l'assemblée générale tenue le 20 mai 1983 entérine le mémoire préparé au nom de l'association et qui sera présenté lors de la commission parlementaire des affaires culturelles du 24 mai 1983 relativement au projet de loi no 3 intitulé "Loi sur les archives". Cette résolution a été adoptée à l'unanimité."

En guise de conclusion, nous tenons à affirmer l'adhésion de l'Association des archivistes du Québec aux principes qui sous-tendent le projet de loi no 3 portant sur les archives. Cependant, afin de faciliter sa mise en application, nous croyons que des modifications importantes doivent être apportées à ce projet de loi avant son adoption par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci, madame. Je dois vous rappeler que nous allons ajourner à 12 h 30. Il reste quelque 20 ou 25 minutes. Je demanderais d'abord à M. le ministre d'intervenir par des questions, je suppose, et des commentaires et après, le représentant de l'Opposition.

M. Richard: M. le Président, je vous remercie et je voudrais remercier Mme Larouche-McClemens d'une contribution extrêmement constructive et intéressante visant à bonifier le projet de loi qui est soumis. Je veux immédiatement assurer l'Association des archivistes que plusieurs des suggestions contenues dans le mémoire de l'association seront retenues dans le projet de loi final.

J'ai maintenant quelques questions à vous poser. Vous affirmez également que le pouvoir juridique - si j'ai bien saisi votre affirmation - des Archives nationales se trouve diminué par le projet de loi. Je voudrais savoir sur quoi vous vous basez pour faire une pareille affirmation.

Mme Larouche-McClemens: On ne parle pas vraiment de pouvoir juridique. On parle du pouvoir de l'expertise reconnue dans le milieu. J'ai ici le texte de l'arrêté ministériel du 21 mai 1980, comme j'en ai fait mention tantôt, relativement à l'article 89 de la Loi sur les cités et villes. Dans ce texte, il y a plusieurs mentions du rôle du conservateur des Archives nationales. Dans le texte de loi devant lequel on se retrouve, le projet de loi no 3, il n'y a plus de mention du rôle du conservateur des Archives nationales.

M. Richard: Mais non, forcément - il faudrait tout de suite dissiper tout malentendu - parce que même dans la loi française, par exemple, c'est dans les règlements qu'on parle du conservateur et des Archives nationales. Il en sera de même pour le présent projet de loi. Non seulement il n'est pas diminué, mais j'ai plutôt le sentiment qu'avec le projet de loi, il sera accru parce que les Archives nationales -

encore une fois, j'insiste là-dessus - n'ont jamais constitué une entité juridique propre et le seul texte législatif qui en parle -puisqu'il y a des règlements qui parlent des Archives nationales - est un texte tellement flasque et tellement mou qu'à mon avis, il fallait l'abroger, parce que, autrement, cela n'aurait pas indiqué la réalité du vécu des Archives nationales. On disait dans la Loi sur le ministère des Affaires culturelles que les Archives nationales, c'étaient des documents. Comme c'est beaucoup plus que cela maintenant et que c'est véritablement devenu une institution qui fait partie intégrante - il est vrai - du ministère des Affaires culturelles, c'est ainsi qu'on retrouve tout le temps le ministre tuteur comme responsable puisque comme les Archives nationales font partie intégrante du ministère, le ministre tuteur est toujours responsable. Non seulement cela n'exclut pas la délégation de pouvoir, mais...

Mme Larouche-McClemens: D'accord. Pour nous...

M. Richard: ...elle est carrément implicite.

Mme Larouche-McClemens: Excusez-moi. Pour nous, elle n'était pas si claire que cela. On est bien content de savoir que la réglementation viendra préciser que le conservateur des Archives nationales se voit déléguer des pouvoirs directement, parce qu'on avait des inquiétudes au plan... D'après ce que dit le ministre, on peut être porté à croire que celui-ci pourrait déléguer des pouvoirs à gauche, à droite, selon son bon vouloir.

M. Richard: Cela ne peut pas être comme cela dans là réalité.

Mme Larouche-McClemens: Tant mieux.

M. Richard: Cela ne le sera pas en vertu des règlements qui seront adoptés. D'autre part, je vous rappelle encore une fois qu'en ce qui a trait aux définitions, je trouve que vous avez parfaitement raison. Il va falloir être beaucoup plus clair en ce qui a trait aux définitions.

J'ai une autre question à vous poser.

Le Président (M. Brouillet): Excusez, peut-être que sur ce point-là, monsieur aimerait peut-être revenir.

M. Dinel (Guy): En fait, c'est juste pour nous faire part de notre réticence sur cet article. Cela ne touche pas vraiment le pouvoir légal des Archives nationales. Plusieurs articles du projet de loi déterminent une limite d'intervention du ministre des Affaires culturelles. Ce que je veux dire par là, c'est que par exemple, pour la gestion des documents administratifs dans les ministères, peut-être que, actuellement dans la pratique...

M. Richard: ...c'est comme cela.

M. Dinel: Oui, c'est peut-être comme cela dans la pratique, sauf que cela n'est pas indiqué dans le projet de loi. Le projet de loi limite l'intervention des Archives nationales au niveau des documents actifs et semi-actifs, en premier lieu.

Deuxièmement, le projet de loi précise et rend légales certaines pratiques, notamment la conservation de certains documents officiels dans des unités ou dans des organismes qui sont autres que les Archives nationales. Je pense aux paragraphes 1 et 5, je pense à l'article 16 où on dit que certains types de documents peuvent être conservés aux bureaux d'enregistrement par exemple og encore à l'Assemblée nationale. Le projet de loi, en l'officialisant, en le légalisant, légalise ces pratiques, donc automatiquement, à notre point de vue, peut diminuer le rôle des archives ou l'intervention du ministre des Affaires culturelles à ce niveau, en le légalisant, ce qui n'était pas le cas auparavant.

M. Richard: II y a deux façons de régler le problème: soit par une intervention législative où on dit que c'est le ministre qui est responsable de la gestion de tous les documents actifs, semi-actifs et inactifs ou alors, la loi nous permettant de conclure des accords avec, entre autres, le Conseil du trésor qui a déjà une politique de gestion des documents ou avec l'Assemblée nationale. Je peux vous dire que cela va être l'une ou l'autre des deux solutions qui sera retenue. Je pense qu'avec l'Assemblée nationale, ce sera probablement plus facile de conclure un accord autorisé en vertu de la loi. C'est plus simple et cela respecte le principe de l'autonomie de l'Assemblée nationale par rapport au pouvoir exécutif. Je pense que cela est plus simple. J'ai déjà abordé la question d'ailleurs avec le président de l'Assemblée nationale qui, non seulement n'est pas réticent, mais est tout à fait d'accord pour conclure une entente avec le ministre des Affaires culturelles dans le cadre de la loi sur les archives.

Encore une fois, vous affirmez dans votre mémoire que la Commission des biens culturels viendra remplacer les Archives nationales. Je ne vois rien dans le projet de loi qui permet de faire une pareille affirmation. Là-dessus, M. le député de Saint-Henri, si je peux me permettre, a très bien saisi le fait que chaque fois qu'on fait appel à la Commission des biens culturels, c'est pour éviter que le ministre soit juge et

partie, puisque les Archives nationales sont partie intégrante du ministère des Affaires culturelles; donc le ministre se trouverait juge et partie et en conflit d'intérêts s'il avait à prendre seul toutes les décisions. De là l'importance de faire appel à un organisme qui va donner son avis au ministre des Affaires culturelles. Jamais dans mon esprit - je ne l'ai pas retrouvé - il n'a été de notre intention de remplacer les Archives nationales par la Commission des biens culturels.

Mme Larouche-McClemens: Notre commentaire allait en vertu des articles 6, 7 et 8. En fait, on sait que la Commission des biens culturels existe mais dans le sens des propos que j'ai lus tout à l'heure, l'expertise en archivistique, nous ne croyons pas qu'elle existe actuellement à la Commission des biens culturels. Il y a beaucoup de spécialistes, bien entendu, mais je pense qu'il n'y a pas de spécialistes en archivistique. C'était dans ce sens-là qu'on faisait nos remarques. (12 h 15)

Dans plusieurs cas vous prendrez l'avis de la Commission des biens culturels et comme il n'y a pas d'archiviste ou d'expert en archivistique au sein de la Commission des biens culturels, on disait que c'est peut-être le rôle des ANQ qui en prend encore.

M. Richard: Là-dessus je peux vous rassurer. D'abord, il est bien indiqué que le rôle de la Commission des biens culturels est toujours consultatif. Ce n'est pas un organisme décisionnel.

D'autre part, il est bien entendu qu'on fera en sorte que la composition de la Commission des biens culturels soit modifiée pour y inclure une expertise dans le domaine. Cela va de soi. Je peux vous rassurer là-dessus. Je pense même que les prochaines nominations tiendront compte du nouveau rôle consultatif qui sera attribué à la Commission des biens culturels.

Mme Larouche-McClemens: D'accord. Pour répondre...

M. Richard: En plus, à l'article 62: "Les fonctions attribuées à la commission par la Loi sur les archives - en parlant de la Commission des biens culturels - sont exercées en son nom par un comité constitué de trois personnes désignées par la commission."

Mme Larouche-McClemens: Mais elles ne sont pas encore nommées.

M. Richard: Non, mais on peut imaginer que ces trois personnes auront quand même l'expertise dans le domaine...

Mme Larouche-McClemens: D'accord.

M. Richard: II s'agissait en somme d'éviter de créer, encore une fois, un nouvel organisme...

Mme Larouche-McClemens: D'accord.

M. Richard: ...uniquement pour répondre aux besoins de la Loi sur les archives et d'utiliser un organisme qui a bien fait son travail dans d'autres secteurs et qui a déjà une partie du mandat puisque la commission avait déjà le mandat de s'occuper des documents historiques.

Mme Larouche-McClemens: D'accord. Je dois vous donner raison sur la question posée. La dernière phrase du paragraphe h) prête peut-être à confusion dans le sens où vous l'avez interprétée. On vient d'expliquer ce que l'on voulait dire.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, est-ce que vous préférez...

M. Richard: Ce ne sera pas très long.

Mme Larouche-McClemens: La dernière phrase qui se lit comme suit: "II semble que la Commission des biens culturels viendra remplacer les Archives nationales du Québec dans le rôle que l'on aurait pu s'attendre que les Archives nationales jouent, compte tenu de leur expertise établie depuis longtemps." C'est la formulation qui prête peut-être à confusion mais l'esprit était correct.

M. Richard: Quant à l'article 14, il est pour nous très important, Mme Larouche-McClemens, parce qu'il ne s'agit pas d'obliger encore une fois quiconque à se faire agréer, mais tout ce qu'on veut, c'est d'être sûr que les archives seront confiées à des organismes capables de s'en occuper. La formulation que vous proposez, à mon avis, c'est blanc bonnet bonnet blanc par rapport à celle qui existe là. "Aux conditions qu'il détermine" veut dire après entente. Vous remplacez "aux conditions qu'il détermine"...

Mme Larouche-McClemens: Non.

M. Dinel: On n'a pas la même interprétation de certains mots. Aux conditions qu'il détermine - que le ministre détermine - ne sous-entend pas nécessairement qu'il y ait entente préalable, à mon point de vue.

M. Richard: Non, mais c'est évident qu'on se réserve le droit de déterminer si un organisme quelconque est en mesure d'assurer, sur des bases scientifiques...

M. Dinel: D'accord.

M. Richard: ...la conservation des archives. Il y aura un règlement, après consultation, qui prévoira les conditions pour ne pas confier les archives à n'importe qui.

M. Dinel: C'est la formulation même de l'article qui porte à confusion.

M. Richard: C'est-à-dire que la formulation qui est là est celle que l'on retrouve dans toutes les lois, ou à peu près, du Québec, quand cela sera suivi d'.un règlement. "Aux conditions qu'il détermine" veut dire...

M. Dinel: C'est parce qu'on peut laisser voir que finalement le ministre peut, aux conditions qu'il détermine... L'interprétation qu'on pouvait donner à cela, c'est qu'il peut, à sa discrétion, déposer les archives publiques dans un organisme public ou service d'archives privées. "Peut" ne laisse aucune place, à notre avis, à la négociation ou à une entente possible.

M. Richard: C'est-à-dire que la place à la négociation est là, sauf qu'on ne veut pas être obligé...

M. Dinel: D'accord.

M. Richard: Vous le comprendrez, on ne veut pas être obligé de déposer des archives auprès d'un organisme qui n'est pas en mesure d'en assurer la conservation.

M. Dinel: Pour autant que l'organisme -je pense à une institution du genre université - ne soit pas obligé d'accepter un fonds d'archives que le ministre veut lui donner.

M. Richard: Ah mais non! II n'y a absolument rien là-dedans qui permet de conclure que l'organisme sera obligé d'accepter un fonds d'archives parce qu'on n'agrée personne de force.

M. Dinel: Non mais un organisme, par exemple une université, fait partie des organismes publics au sens de la loi. À ce moment, comme il n'est pas question d'entente préalable, on pourrait, je pense que, selon le texte de l'article 14 de la loi...

M. Richard: Écoutez, pour vous satisfaire, après "aux conditions qu'il détermine" - vous comprenez le pourquoi de cela - on peut ajouter "et après entente", ce qui réapparaissait implicite.

M. Dinel: C'est uniquement ce qu'on demande.

M. Richard: Mais, après entente. Est-ce que cela irait?

M. Dinel: Oui.

M. Richard: Le dernier problème que je voudrais aborder - avant-dernier, j'en aurai un petit dernier après - c'est: À qui délégueriez-vous les pouvoirs en ce qui a trait aux organismes qui n'ont pas d'archivistes?

Mme Larouche-McClemens: Pour les organismes qui ont des archivistes, on leur demande de déléguer les pouvoirs au responsable de services d'archives. Pour ceux qui n'en ont pas, on les laisserait au conservateur des Archives nationales.

M. Richard: Alors, au conservateur des Archives nationales, c'est déjà dans la loi. On est obligé de mettre, encore une fois, le ministre tuteur. C'est uniquement la mécanique.

Mme Larouche-McClemens: C'est sous-entendu dans les règlements.

M. Richard: Cela va de soi que c'est le conservateur des Archives nationales. Cela a été implicite.

Mme Larouche-McClemens: Oui, mais pour ceux-là qui ont un archiviste, ce serait aux archivistes directement ou au responsable des services et pour les autres, au conservateur.

M. Richard: II est bien entendu qu'il y a 5000 organismes. Ce n'est pas le ministre qui, de facto, va approuver tous les calendriers de conservation. Il va de soi que ce sont les Archives nationales, en vertu de pouvoirs délégués par le ministre.

M. Dinel: Est-ce que je peux pousser juste un petit peu plus loin dans ce sens?

M. Richard: Bien sûr.

M. Dinel: Pourquoi n'a-t-on pas adopté une façon de procéder qu'on retrouve dans la loi 65, à savoir de désigner une personne dans un organisme? Je vise surtout les organismes de 4 à 7 de l'annexe, à savoir les organismes parapublics ou les organismes publics décentralisés. Pourquoi n'a-t-on pas adopté une pratique, en fait, qui a été adoptée dans la loi 65, à savoir de désigner une personne dans un organisme comme étant responsable de l'application de la Loi sur les archives dans cet organisme? Cette personne pourrait désigner, déléguer son pouvoir à une autre. C'est le cas, par exemple, dans les universités; c'est le recteur qui détient le pouvoir d'application de la loi 65 et délègue son pouvoir à une autre personne.

M. Richard: Cela a été envisagé, sauf

que c'est un travail tellement spécialisé qu'on peut difficilement prévoir à qui pourrait être confiée la tâche. On se rend bien compte qu'il y a peut-être des précisions à apporter en ce qui a trait à ce chapitre. Dernière question ou, plutôt, une observation en ce qui a trait aux archives des députés. Le problème est certain - et d'ailleurs des mémoires l'ont très bien saisi -c'est que les documents déposés auprès de députés, pas toujours, je dirais même assez rarement sont parfois des documents dont le député est saisi dans une fonction qui est en quelque sorte liée, en tout cas, de facto, sinon légalement, au secret professionnel. Je ne sais pas trop comment concilier cela. Comme il est parfois difficile de dissocier la fonction ministérielle de la fonction de député, cela nous a posé un problème considérable et j'avoue que nous sommes réceptifs à toutes les suggestions à cet égard parce qu'il est certain que parfois un électeur - c'est le suffrage universel, ce n'est pas un travail uniquement administratif - s'adresse à son député en étant bien conscient que le député est lié en quelque sorte par un secret qui participe de la nature du secret professionnel. Donc, aller remettre, verser ou déposer de pareils documents, je pense que ce serait manquer à ce secret.

Je ne sais pas trop comment concilier cela et je reconnais que l'article est un peu boiteux a cause de cela.

Mme Larouche-McClemens: Les ententes qui se produisent dans le milieu, par exemple, les universités qui acquièrent des fonds d'archives privées le font très souvent par voie de contrat, de la même manière que les Archives nationales ont acquis le fonds de M. Bertrand par la voie de Mme Bertrand. Je pense que ce serait une modalité d'application, bien entendu, qui tiendrait compte de toutes sortes de prescriptions sur la consultation possible aussi, l'émission de prescriptions.

M. Richard: C'est-à-dire que ce qu'on souhaiterait, c'est un article très incitatif qui...

Mme Larouche-McClemens: En disant qu'on va négocier un contrat.

M. Richard: ...ne peut pas être trop contraignant et qui ne peut pas surtout atteindre des objectifs contraires, parce que le danger, c'est que les hommes et les femmes politiques se mettent à jeter des documents pour ne pas être obligés de...

Mme Larouche-McClemens: Oui, mais là, le petit "qui le juge à propos" fait penser aux gens qu'ils peuvent ne pas le faire. Non? Quand on dit à quelqu'un: Tu peux faire cela... "Qui le juge à propos", on suggère l'idée qu'on peut ne pas juger à propos de le faire.

M. Richard: Oui, mais c'est parce que... Je sais bien que c'est très difficile à concilier. D'autre part, les députés m'ont fait valoir: Tel document, je ne veux pas le remettre. Donc, ne m'obligez pas à le remettre.

M. Dinel: Je suis d'accord qu'il y a des documents personnels ou des documents privés dans les archives d'un député. Le problème, c'est qu'il y a aussi, à mon point de vue, des documents publics dans les archives des députés. Il faudrait penser...

M. Richard: Peut-être faire cette distinction entre le caractère privé et le caractère public. Je ne sais pas si on peut la faire, la distinction.

M. Dinel: Soit faire une distinction ou tout simplement penser à utiliser des règles qui existent déjà. Quand on fait l'acquisition d'un fonds d'archives, on négocie avec la personne des règles d'accessibilité. Même s'il y a des documents privés dans un fonds public, les documents peuvent être rendus accessibles uniquement après un certain nombre d'années, par exemple.

M. Richard: Autant que je sache, personne à l'Assemblée nationale n'est opposé à cela. L'objection qui existe et qui est formelle, c'est de nous dire, par exemple: Vous ne nous forcerez pas...

M. Dinel: Oui, oui, c'est cela.

M. Richard: ...à remettre ou à verser tel document. C'est d'essayer de trouver un compromis entre l'obligation de conserver certains documents confidentiels et l'incitation à remettre les documents qui ne sont pas purement confidentiels. C'est pour cette raison que ce n'est pas très facile.

M. Dinel: Je pense que seulement en...

M. Richard: Je pense qu'il faut que cela demeure plus incitatif que c'est là. Là-dessus, je serais porté à vous rejoindre, mais cela ne peut pas être autre chose que très incitatif.

M. Dinel: C'est cela. Si l'article se lisait simplement comme suit: Sont également réputées être des archives publiques les documents remis au ministre par tout membre de l'Assemblée nationale après avoir cessé d'exercer ses fonctions...

M. Richard: Oui, mais c'est trop large. Cela couvre des documents qui sont

confidentiels.

M. Dinel: Oui.

Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.

Mme Larouche-McClemens: D'accord. Peut-on changer de sujet?

M. Richard: Oui, j'ai terminé.

Le Président (M. Brouillet): Avant de changer de sujet - parce que nous devrons suspendre la séance dans quelques minutes -je crois que M. le député de Trois-Rivières aurait un mot à dire sur cette question.

M. Vaugeois: Oui. Je ne voudrais pas dire tout ce que j'ai à dire sur la loi à ce moment-ci, mais seulement sur ce point, puisque c'est celui dont vous discutez. C'est un point de vue sur lequel on a déjà échangé, M. Richard et moi. Il y a des choses qu'on pense personnellement mais qu'on ne peut pas imposer, et ce que vous allez exprimer sur ce point précis est également très important. Il va peut-être nous aider à amener nos collègues à reconsidérer cette question. On n'a pas de position comme telle dans notre caucus. Je ne pense pas que le caucus libéral en ait non plus et, selon l'intérêt que nos documents peuvent présenter pour les professionnels, on va être obligé de prendre position. Il y a des positions individuelles qui ont déjà été prises. Je pense que M. Richard aura tendance à faire comme moi quand il quittera. Vous savez sans doute qu'en ce qui me concerne un des premières choses que j'ai faites quand M. Lévesque m'a invité à quitter a été de demander que tous mes documents, autant de député que de ministre, de membre du Conseil du trésor, de membre du Conseil des ministres et de ministre de deux ministères, a été de m'assurer qu'aucun document n'allait disparaître. J'ai exigé que les gens de mon cabinet renoncent à revoir même ce qu'ils avaient pu mettre dedans pour qu'ils soient livrés aux archives dans l'état où ils se trouvaient ce jour-là. Je ne crois pas à autre chose pour l'homme politique ou pour le fonctionnaire. Comme j'ai été un peu historien, je pense que c'est dans l'intérêt même de l'homme politique de ne pas chercher à tricher là-dessus, parce que les historiens sont vicieux, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah!

(12 h 30)

M. Vaugeois: Ils imaginent ce qu'ils ne peuvent pas retracer et j'imagine mal faire une biographie d'un homme politique alors qu'on s'intéresserait seulement à sa vie publique. Il n'y a personne qui fait de biographie comme cela. D'ailleurs, on cherche toujours derrière l'artiste, derrière le peintre, derrière l'homme politique, à trouver l'homme et à trouver la femme. Si l'on veut épurer les documents pour cacher l'homme ou cacher la femme ou cacher la personne humaine, il y a des gens qui fabriqueront une personne. La fabrication des inventeurs, des sorciers, qui sont les historiens est toujours bien moins intéressante que la vérité.

À ce sujet, je pense qu'on pourrait plaider, à l'intérieur de notre caucus, pour que les hommes politiques cessent de faire comme autrefois. Ce que j'ai toujours trouvé de plus horrible, le jour où un ministre quitte son ministère ou un homme politique quitte son gouvernement, c'est la photographie dans le journal qui nous le montre emportant ses dossiers. Il y a même là d'ailleurs, pour l'administration publique, un problème majeur. Quand je me rappelle la photo de Raymond Garneau qui partait avec ses dossiers comme ministre des Finances, cela veut dire que le nouveau ministre des Finances se retrouve sans dossier de son prédécesseur. Il est obligé de se tourner vers les dossiers de l'administration. On sait très bien qu'il peut y avoir des choses qui se traitent dans un cabinet de ministre sur un plan politique qui n'ont pas leur pendant sur le plan administratif. Même pour la continuité de l'administration publique, il peut y avoir un problème grave. Il y a également une question de prescription. On peut mettre une prescription sur les dossiers de l'homme politique, cela, tout le monde le comprendra.

Encore là, j'ai été partisan d'une accessibilité immédiate pour tout ce que j'ai remis aux archives, mais il y a d'autres contraintes. Comme dans mes documents, il y a des documents qui ne m'appartiennent pas personnellement, je ne peux donc pas décider pour les autres. Ceux qui ont traité avec moi ont le droit d'être protégés s'ils le demandent. Je tiens à ce que la vérité sorte le plus vite possible, mais il y a des gens qui ne sont pas intéressés. Il y a des gens qui mettront une prescription et c'est aussi leurs documents. J'ai été membre du Conseil du trésor, celui-ci a droit d'avoir ses prescriptions sur les documents que je tenais du Conseil du trésor et ainsi de suite. Donc, on peut jouer sur la prescription.

Mais permettre à l'homme politique de partir avec ses dossiers - je termine là-dessus - détruire des dossiers et ainsi de suite ou les faire remettre par ses héritiers 30 ans plus tard une fois qu'ils ont été nettoyés - on sait ce que c'est, nous, les gens de Trois-Rivières, on a comme cela des dossiers politiques qui ont été bien des fois nettoyés - je crois que c'est une mauvaise avenue. Mais c'est à vous à le dire, de la même façon que vous avez à vous exprimer sur les définitions.

J'arrête ici. Je reviendrai sur ces

questions, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous devons suspendre nos travaux jusqu'après la période de questions, vers 15 h 15 ou 15 h 30. Nous reviendrons avec le même groupe pour permettre aux membres de l'Opposition de poser quelques questions. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise de la séance à 15 h 41)

Le Président (M. Brouillet): Mesdames, messieurs, la commission parlementaire des affaires culturelles reprend ses travaux. Nous en étions à entendre le mémoire de l'Association des archivistes du Québec. Nous avons déjà consacré 25 minutes à une période de questions et d'échanges. Si vous êtes d'accord avec moi, nous allons peut-être y consacrer encore un maximum de 15 minutes pour passer ensuite à d'autres mémoires. Nous en avons encore plusieurs devant nous.

M. Vaugeois: M. le Président. Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Vaugeois: Pourriez-vous confirmer que j'ai régularisé ma situation comme membre de la commission?

Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. Vaugeois. Vous faites bien de me le rappeler. Je voulais justement signaler que M. Charbonneau (Verchères) est remplacé par M. Vaugeois (Trois-Rivières).

M. Richard: Mon collègue n'est plus irrégulier!

Le Président (M. Brouillet): Alors, nous allons laisser la parole au député de Saint-Henri.

M. Hains: Juste un petit mot à l'endroit de Mme Larouche-McClemens - si on le prononce à la française, c'est cela? J'ai admiré, Mme Larouche, votre brillante intervention de ce matin ainsi que celle des membres de votre comité. Avec une délicatesse vraiment féminine, vous avez insisté sur de nombreux points que j'avais moi-même soulevés, mais vous, vous avez eu la grâce de ne pas attaquer trop difficilement ou de choquer...

M. Richard: Elle avait la grâce, tout court, M. le Président.

M. Hains: La grâce, tout court, et la grâce de ne pas choquer M. le ministre.

Quant à moi, j'ai juste une petite question très simple. Est-ce que vous avez été consultée vraiment de façon expresse sur le projet de loi no 3 sur les archives?

Mme Larouche-McClemens: Vous voulez dire avant que...

M. Hains: Oui, disons juste avant?

Mme Larouche-McClemens: Non, l'association des archivistes n'a pas été consultée.

M. Hains: Merci.

Avant de céder la parole, M. le Président, est-ce que je pourrais faire une mise au point sur l'incident de ce matin relativement aux ANQ? Cela va?

Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Hains: Alors, il est important quand même que j'apporte ici quelques clarifications aux propos tenus ce matin à l'endroit des Archives nationales du Québec. Il est entendu que le projet de loi no 3, qui est présentement à l'étude, n'abolit pas les ANQ en tant que service du réseau, et qu'il n'a jamais été question de voir dans les ANQ une entité juridique indépendante du ministère des Affaires culturelles. Voilà un des points. Le lien de responsabilité du ministre en cette matière est clairement établi au sens de la loi. Cependant, les dispositions prévues aux articles 62, 56 et 57, qui abrogent la section V de la Loi du ministère des Affaires culturelles et qui, par le fait même, raient du texte de la loi le poste de conservateur des Archives nationales, sans toutefois rien modifier à la réalité des activités de conservation des archives publiques, font que le texte de loi ne reconnaît plus officiellement la délégation de pouvoirs du ministre en matière de conservation envers le conservateur. Cela va jusque là?

M. Richard: Continuez.

M. Hains: Ce qu'il faut maintenant comprendre, c'est que cette délégation se fera par voie réglementaire. Nous jugerions préférable que les dispositions législatives indiquent bien la nature du rôle du conservateur et des ANQ plutôt que de laisser ces mesures aux aléas de la réglementation à venir. À ce chapitre, plutôt que d'abroger la section V, le ministre aurait très bien pu rendre conforme la définition des Archives nationales du Québec qui y est donnée au rôle actuel du réseau des ANQ, sans pour autant en faire une institution juridique. Il aurait ainsi inscrit dans la loi -ce qu'il fera probablement dans la réglementation - la nature de la délégation

des pouvoirs qu'il entend opérer à l'intérieur de son ministère en ce qui concerne l'application de la politique archivistique du gouvernement. C'est donc dans ce sens qu'il faut comprendre la nature de mon opposition à l'abrogation de la section V et il n'est nullement question de prétendre que le ministre procédera par le biais du projet de loi no 3 à une cessation des activités du réseau des ANQ. Voilà. C'était une mise au point que je voulais faire.

M. Richard: M. le Président. Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Richard: Je veux applaudir à ces propos de mon collègue, à ces nouvelles observations marquées au coin de l'honnêteté, de la sérénité et de la non-partisanerie.

M. Hains: Voilà, merci.

Le Président (M. Brouillet): Que c'est beau! Que c'est beau! Alors, continuons sur cette lancée. Maintenant, je crois que le député de Saint-Laurent aurait une période de questions à entreprendre.

M. Leduc (Saint-Laurent): Voici: Dans vos remarques, vous dites que la loi ne retient, dans les définitions d'archives, que le terme "documents inactifs". Comment auriez-vous vu un projet de loi qui aurait été conforme à votre vue d'ensemble en ce qui concerne les archives? Vous dites qu'il aurait peut-être fallu retenir également les termes "documents actifs et semi-actifs". Comment auriez-vous vu le fonctionnement de cette loi ou l'organisation de la loi? Est-ce que ce ne serait pas un coût exorbitant, s'il fallait qu'on retienne également les documents actifs et semi-actifs?

Mme Larouche-McClemens: Premièrement, l'article 2 définit les archives publiques en partant des documents inactifs. À ce sujet, disons que j'ai expliqué précédemment pourquoi la définition "documents inactifs" n'était pas conforme à ce qui était écrit là, de par la vision globale de notre profession, etc. Des coûts exorbitants, non, parce que les modalités qui touchent l'actif et le semi-actif relèvent déjà d'autres autorités du gouvernement du Québec, que ce soit le Conseil du trésor, la Commission d'accès à l'information, les Travaux publics pour la gestion du semi-actif et j'en oublie peut-être. Mais, ce qu'on dit, nous, ce serait de rapatrier sous une même couverture, une même autorité, une politique globale de gestion du patrimoine archivistique. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'il aurait fallu inclure également les documents actifs et semi-actifs. Comment les auriez-vous traités dans l'intervalle?

Mme Larouche-McClemens: Je ne comprends pas tellement votre question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'il ne faudrait pas qu'on s'attache seulement aux documents inactifs.

Mme Larouche-McClemens: Oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bon. Vous dites qu'il faudrait également retenir les termes "documents actifs et semi-actifs".

Mme Larouche-McClemens: Comment on traiterait l'actif et le semi-actif? Qu'est-ce qu'il faudrait établir?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

Mme Larouche-McClemens: D'accord. Dans un premier temps, on établit une mainmise sur les règles de conservation qui touchent à l'ensemble des trois âges, si on peut dire, des documents. Mais il y a différents systèmes, différentes façons, différentes méthodes qui s'appliquent au traitement des documents actifs, que ce soit par le biais de l'élaboration de systèmes de classement, que ce soit, pour le semi-actif, des modalités de pré-archivage ou l'identification, par exemple, des documents essentiels d'un ministère ou d'une agence gouvernementale qui, dans l'éventualité d'une situation d'urgence, serait requise pour assurer le recouvrement légal de certains documents ainsi que la reprise d'activités. Il y a différentes modalités de notre profession qui touchent l'actif, le semi-actif et l'inactif. Les modalités sont dans ce sens-là: Comment traiter, comment établir un système de classement, etc? Il est évident que cela ne devrait pas faire partie du texte de loi. C'est le concept. Ce qu'on souligne, c'est qu'on aurait dû inclure, peut-être, dans ce texte de loi, enfin, regrouper ce qui est éparpillé dans différents ministères du gouvernement.

M. Dinel: Je peux peut-être ajouter une chose à ce sujet-là. Il ne faut pas oublier que les documents d'archives ou les documents inactifs, dont on parle, représentent à peu près 8% à 10% de la masse totale. Si on n'intervient pas au niveau des documents actifs et semi-actifs, il y a de très fortes chances - c'est le cas et c'est la réalité depuis plusieurs années -qu'une partie de ce qui devrait être du patrimoine culturel disparaisse ou soit mal conservée, pas nécessairement par mauvaise volonté, et finalement, n'aboutisse pas aux Archives nationales du Québec. Pourquoi?

Parce qu'on n'est pas intervenu, on ne les a pas identifiés dès le départ.

En intervenant dans un programme de gestion de documents, comme on l'appelle, ou un programme de gestion de documents administratifs, cela rend service à l'administration tout en assurant finalement une conservation adéquate des documents qui ont une valeur historique.

Mme Larouche-McClemens: Cela nous permet de sélectionner, à travers les phases actives et semi-actives, des documents qui, éventuellement, pourront aboutir. Cela permet une meilleure vision de l'ensemble.

M. Dinel: Quant au coût, on peut dire, si on prend l'exemple américain ou si on prend l'exemple de plusieurs grosses compagnies, que c'est peut-être l'élément qui pourrait même être rentable pour l'entreprise qu'on pourrait appeler le gouvernement. Alors que l'aspect culturel est toujours très difficile à rentabiliser en termes de coût monétaire, c'est peut-être là vraiment que cela peut devenir rentable, ainsi que dans l'efficacité également.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on ne risque pas d'avoir un certain braquage vis-à-vis des organismes, dont surtout ceux mentionnés dans l'annexe, aux alinéas 4 à 7? Déjà, certaines municipalités ont indiqué que le coût du calendrier leur semblait peut-être inacceptable. On demande déjà des subventions au ministre. Évidemment, en ce qui concerne les organismes mentionnés aux trois premiers alinéas de l'annexe, cela peut peut-être aller, mais en ce qui concerne les organismes des alinéas 4 à 7, vous risquez d'avoir des problèmes avec eux parce qu'ils manifestent déjà de grandes réticences.

Mme Larouche-McClemens: Oui mais, si vous permettez, les organismes mentionnés aux alinéas 4 à 7 sont déjà régis par la Loi sur l'accès à l'information, la loi 65, qui les oblige à organiser, à structurer l'information pour pouvoir fournir au public des renseignements sur les documents d'intérêt public. Alors, les calendriers de conservation sont quelque chose qui vient s'ajouter. On avait certaines réticences relativement, peut-être, aux modalités dans lesquelles cela doit être développé. Les coûts qui sont soulignés sont des coûts... parce que cela part à la source. Dans notre mémoire, on a souligné que les calendriers devraient être établis en haut et descendre, en termes de calendrier type, de calendrier modèle.

De toute façon, les municipalités, par exemple, sont déjà prises avec la loi 65. C'est une autre loi qui s'ajoute, mais c'est pour l'ensemble du patrimoine, éventuellement, et de l'accès aux documents publics.

M. Dinel: Je pense qu'on dit bien dans le mémoire, à deux ou à trois reprises, que le projet de loi, à notre avis, a d'abord été conçu pour les organismes prévus aux alinéas 1 à 3 de l'annexe. Quand on veut appliquer ce projet de loi aux organismes parapublics ou aux organismes publics décentralisés, effectivement, il y a beaucoup de corrections ou plusieurs points à améliorer pour le rendre conforme.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est peut-être pas à vous mais plutôt au ministre que je devrais demander ce qu'il pense de la demande de ces organismes, surtout à la suite de l'article 13. Plusieurs mentionnent qu'ils voudraient peut-être avoir certaines subventions pour se conformer à la réquisition de l'article 13.

M. Richard: M. le Président, si je peux me permettre la petite explication suivante, je dirais à mon collègue que d'abord nous envisageons de prolonger le délai qui est prévu et que, normalement, déjà, les organismes qui ont des archives importantes ont à leur emploi des archivistes et qu'il y a déjà un calendrier. C'est pour les petits organismes que cela peut poser le plus de problèmes mais, avec un calendrier commun et l'aide technique du ministère, je ne pense pas que ce soit insoluble.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais les commissions scolaires n'ont sûrement pas d'archivistes.

M. Richard: Les commissions scolaires ont déjà souvent des calendriers de conservation et là-dessus, Mme la présidente ou Mme le président a raison parce que, normalement, même le gouvernement, par le biais du Conseil du trésor, a une politique de conservation des documents actifs et semi-actifs. Ce qui manque peut-être au projet de loi, c'est l'arrimage entre la politique du Conseil du trésor et celle du ministère des Affaires culturelles. Nous en sommes conscients; on nous l'a rappelé dans plusieurs mémoires, notamment dans celui de l'Association des archivistes et on verra à corriger cette lacune.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites donc que l'application de cette loi n'entraînera pas de coûts...

M. Richard: Non, non, parce que c'est essentiellement une tâche administrative. Cela n'entraînera pas des coûts prohibitifs.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce que cela veut dire "prohibitifs"?

M. Richard: Non, non. Ce n'est jamais coûteux de mettre de l'ordre dans ces

choses, M. le député.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai certains doutes.

M. Richard: C'est le désordre qui coûte plus cher.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que la modalité - je reviens à madame - du calendrier de conservation vous semble satisfaisante? Est-ce que c'est une modalité qui devrait être adéquate?

Mme Larouche-McClemens: C'est extrêmement intéressant d'avoir des calendriers de conservation, c'est même nécessaire. La modalité dont vous faites mention, est-ce que c'est celle de l'adoption et de la révision des règles de conservation qu'il faut acheminer en haut?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

Mme Larouche-McClemens: Oui, cela nous crée un problème. C'est pour cela que dans notre mémoire, on demande que les pouvoirs du ministre relativement à l'adoption de calendriers de conservation soient délégués pour éviter la paralysie peut-être du fonctionnement, de paralyser le fonctionnement pour 5000 organismes. On demande de descendre cela au niveau des organismes parapublics pour ce qui était des quatre à sept et, pour les autres, de descendre ces pouvoirs au niveau du conservateur des archives nationales.

Le Président (M. Brouillet): C'est très bien.

M. Richard: M. le Président, je voudrais seulement ajouter, pour mon collègue, le député de Saint-Laurent...

Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Richard: ...qu'une bonne gestion administrative des documents - je le dis très sérieusement - est source d'économies très importantes pour le repérage et le stockage des documents, parce que si on en stocke trop, il est bien sûr qu'il y a des coûts rattachés à cela. Je pense que je n'aurai pas à convaincre un notaire de l'importance de mettre de l'ordre dans les documents.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'y avez peut-être pas objection mais cela dépend du coût, n'est-ce-pas? Il y a le coût-avantages ici.

Le Président (M. Brouillet): Savez-vous, pour terminer avec ce groupe, ce mémoire, il y a M. le député de Deux-Montagnes qui avait demandé la parole tantôt. Nous allons terminer avec une question du député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je vais peut-être vous décevoir. Il s'agit peut-être plus de quelques petites remarques modestes que d'une question. Je voudrais revenir à la page A du mémoire, le paragraphe h) sur le rôle des Archives nationales du Québec. À mon tour je retiens les précisions que le député de Saint-Henri a apportées.

Je dois ajouter qu'il y a à ces questions un aspect qui, à mon avis, demeure préoccupant. C'est par rapport à l'évolution de nos institutions parlementaires. Il y a effectivement une évolution de nos institutions parlementaires qui fait que nous assistons à une érosion des pouvoirs législatifs à l'avantage du pouvoir exécutif. C'est une des raisons pour lesquelles il y a en cette enceinte une réforme parlementaire qui est en gestation; un des principaux phénomènes auxquels nous nous heurtons comme parlementaires, c'est précisément celui de cette érosion de nos pouvoirs, érosion qui se fait principalement au moyen de ce que nous appelons la législation déléguée ou la réglementation. (16 heures)

L'Exécutif réclame de plus en plus de pouvoirs délégués, de pouvoirs exercés par réglementation, de pouvoirs qui échappent par conséquent, à partir de ce moment, au contrôle parlementaire. Une des réponses que nous tentons d'apporter à ce problème, c'est d'assurer un contrôle parlementaire sur la législation déléguée. C'est une nouveauté puisque, dans l'état actuel des choses, il n'existe pas de contrôle parlementaire une fois que le pouvoir a été attribué, une fois que le pouvoir de réglementation a été délégué.

Je m'aventure sur un terrain que notre collègue, le député de Trois-Rivières, connaît beaucoup mieux que moi, mais je le fais pour rappeler l'importance des travaux auxquels il se consacre à l'heure actuelle. C'est peut-être moins gênant pour moi de le dire que pour lui. À l'heure actuelle, le député de Trois-Rivières dirige justement les travaux d'une commission parlementaire qui étudie la législation déléguée et dont l'hypothèse de travail est précisément que les parlementaires pourront assurer ou exercer un certain contrôle sur cette législation déléguée. C'est une réponse apportée à ce problème de l'érosion du pouvoir parlementaire. Je signale la chose parce que je pense qu'elle est importante. Ce ne sont pas seulement des joujoux de parlementaires, je pense que c'est important pour l'opinion publique et pour les groupes qui existent dans notre société de s'assurer que cette masse croissante de pouvoirs délégués, de pouvoirs de réglementation qui

est confiée à l'Exécutif, c'est important pour l'opinion publique de savoir que les parlementaires se préoccupent de reprendre un certain contrôle de la chose, puisque ce sont les parlementaires qui représentent la population, qui représentent le public.

En somme, la question est de savoir que la main droite, dans ce Parlement, sait ce que fait la main gauche. Nous sommes, aujourd'hui, en train d'étudier une loi qui diminue le pouvoir proprement législatif et qui ajoute au pouvoir réglementaire. Il faut le faire en sachant très bien que cette même institution, le Parlement, se préoccupe de reprendre un certain contrôle sur la législation déléguée. Il est important que l'opinion publique appuie ce mouvement. Il est important que l'opinion publique sache que cela est en train de se faire. Il ne faut pas que cela se déroule en vase clos parce que la population dans son ensemble est très touchée par ce genre de problème. Il peut arriver à partir du moment où le pouvoir est délégué, à partir du moment où il devient pouvoir de réglementation, qu'il soit exercé à l'insu de l'opinion publique, dans l'état actuel des choses. C'est pour cela que j'insiste sur l'importance d'assurer un certain contrôle parlementaire puisque c'est nous qui sommes chargés de voir à ce que cela ne se fasse pas à l'insu de l'opinion publique, de voir à ce que cela ne se fasse pas en cachette, en catimini, mais de faire en sorte que les parlementaires puissent, à un moment donné, exercer un contrôle réel sur ce pouvoir délégué.

En deuxième lieu, M. le Président, je voudrais dire un mot sur la question des documents, de quelque âge des documents qu'il s'agisse, des députés. La première chose qui me frappe - bien sûr, je reconnais qu'il y a là un élément de secret professionnel qui pourrait exiger un certain délai avant que ces documents deviennent accessibles - c'est qu'en cette matière nous sommes juge et partie. J'en conclus qu'il est particulièrement important que des groupes autres que les parlementaires se prononcent sur cette question pour nous guider. Comme nous sommes juge et partie, je doute qu'il nous soit possible de mobiliser toute la sagesse voulue. Il est à craindre, comme nous sommes juge et partie, que le jugement que nous portons là-dessus comme juge soit coloré par le fait que nous sommes impliqués comme partie. Par conséquent, je suis heureux de noter les observations qu'on nous fait là-dessus. J'espère que les autres intervenants devant nous nous diront aussi ce qu'ils pensent de cette question. Quant à moi, je n'éprouve pas les pudeurs que j'ai pu constater chez certains de mes collègues. Je considère que mes paperasses, pour le peu d'intérêt qu'elles puissent avoir, devraient être livrées aux gens dont c'est le métier de décider si oui ou non cela a de l'intérêt pour d'éventuels chercheurs. Je ne veux pas me substituer à ces gens. J'entends bien que mes paperasses soient livrées aux archives pour être acheminées, soit au panier, soit ailleurs, selon l'opinion des experts. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le député. Pour terminer, je laisse la parole à Mme la présidente, si elle a un mot à ajouter.

Mme Larouche-McClemens: Pour terminer, j'aimerais rappeler que l'Association des archivistes du Québec est favorable au projet de loi, mais demande que certaines modifications soient faites avant son adoption.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien.

M. Richard: Souhaitez-vous une adoption rapide?

Mme Larouche-McClemens: Bien sûr!

Le Président (M. Brouillet): L'Opposition semble d'accord.

Une voix: Certainement.

M. Hains: Pour autant que la loi va être bonifiée.

Le Président (M. Brouillet): Très bien; alors, nous remercions les représentants de l'Association des archivistes du Québec.

Nous allons entendre maintenant le deuxième groupe, les représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique française. Si vous voulez prendre place à la table.

J'inviterais le porte-parole du groupe à se présenter, à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Institut d'histoire de l'Amérique française

M. Mathieu (Jacques): Mon nom est

Jacques Mathieu. Je suis président de l'Institut d'histoire de l'Amérique française. Mes collègues sont: à ma gauche, M. Marcel Caya, aussi membre de l'exécutif et à ma droite, M. John A. Dickinson, également membre de l'exécutif.

M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, chers collègues, MM. les députés, en préliminaire, je voudrais tout d'abord remercier le ministre de nous donner la possibilité de réagir sur le projet de loi. Les remerciements n'allant pas sans leur corollaire, il me faut exprimer quelques regrets quant au délai pour réagir, d'où le fait que la position qui est adoptée et qui est présentée aujourd'hui est davantage celle de l'exécutif que celle de l'ensemble de

l'association que nous n'avons pas pu consulter de façon élargie, regret aussi de ne pas avoir été consultés au moment de l'élaboration de la loi. C'est un défaut de consultation qui fait de ce projet, une loi un peu repliée sur elle-même.

Qu'est-elle, en définitive, cette loi? Elle est à notre avis une loi de fonctionnaire, en ce sens qu'elle révèle fort peu de préoccupations de nature gouvernementale et qu'elle n'en a pas la largeur de vue attendue. À ce point de vue, elle ne soutient, à notre avis, sous aucun rapport, la comparaison avec la loi d'accès à l'information. Elle est aussi une loi préparée, je dirais, par un petit service d'un petit ministère. Elle n'est pas cette loi de l'institution que sont les Archives nationales du Québec. Je corrigerai en disant loi d'une direction générale, mais d'une direction générale dont l'action reste limitée par son orientation culturelle, son faible poids politique, ses maigres ressources financières et ses ressources humaines déjà trop dispersées.

M. le ministre, en l'absence d'entité juridique, on a une direction générale. Je pense qu'il faut reconnaître malgré tout que, pour les gens de ce côté-ci de la clôture, les Archives nationales du Québec, restent cette institution supérieure que la société reconnaît comme compétente pour gérer ses documents et préserver la mémoire de la nation. Autrement dit, pour la société, les Archives nationales gardent toujours leurs majuscules.

Elle est aussi une loi de fonctionnaires en quête de pouvoirs qui se traduit - je donnerai deux exemples - par une différence de ton entre les chapitres III et IV. Face aux organismes publics, on protège toutes les chasses gardées. Dans le chapitre IV, on se réserve tous les droits, sans limite et sans reconnaissance de ce qui s'y fait. Une quête de pouvoir qui se traduit même dans le choix des mots. Pourquoi, par exemple, parler de service d'archives agréé, que l'on agrée, évidemment, plutôt que de service d'archives associé? À partir de là, M. le ministre, il me semble qu'il n'y a pas de quoi se scandaliser et nous n'avons surtout pas l'intention de jouer aux purs et de vouloir être plus purs que les autres. Par contre, les archivistes ont fait leur travail en fonction de leurs fonctions et de leurs responsabilités. Il nous semble maintenant qu'il revient aux hommes d'État d'épurer un peu le projet et d'en élargir la portée.

Dans quel sens, dirions-nous? Il n'est pas de notre intention de dicter le travail et les réflexions des représentants de la population, mais il nous semble que quelques grands axes peuvent être signalés. Nous croyons, d'une part, qu'il faille reconnaître une institution d'archives consacrée à la mémoire de la nation et à la gestion de la documentation gouvernementale. Nous croyons qu'il faut aussi une meilleure reconnaissance des pouvoirs, des compétences et des réalisations des organismes visés à l'annexe 4 à 7 du projet de loi. Il nous semble également que cet élargissement devrait comprendre l'instauration d'un pouvoir effectif de responsabilité sur l'ensemble de la conservation des archives publiques. Enfin, le recours à une commission responsable et compétente aux fins d'approbation de calendriers de conservation, de sélection et d'élimination, et la reconnaissance du rôle joué par les institutions privées d'archives; à ce titre, comme premier élément, la clarification de la place des fonds privés dans les archives publiques.

À partir de ces données contextuelles, une prise de position pour situer notre intervention. En principe, dans ses grandes lignes, sur la base de départ qui nous est fournie et compte tenu de l'apport que les hommes d'État peuvent ajouter à l'amélioration de la loi, nous l'appuyons. Nous l'appuyons pour plusieurs raisons. C'est d'abord un besoin qui est ressenti depuis longtemps. Cette loi, ce projet constitue aussi un énoncé général sur lequel on pourra s'appuyer pour savoir quelle attitude prendre. Il constitue également un premier pas vers la gestion des documents par l'approbation des calendriers de conservation. Il favorise l'instauration de pratiques archivistiques dans les organismes gouvernementaux décentralisés et, à tout le moins, par défaut, il respecte les dépôts d'archives privées. On conviendra, malgré tout, qu'il s'agit de bien petits pas. C'est pourquoi des améliorations précises, concrètes, nous semblent souhaitables.

Au départ, il y aurait de sérieuses omissions à corriger: la première, l'absence d'une autorité responsable et collective en matière de conservation des archives publiques et d'une autorité unique; la seconde, l'absence de rôles vraiment importants dans le domaine archivistique pour les Archives nationales.

En effet, il faut dégager un constat qui traduit une question de principe et un problème de perception. Telles que présentées ici, les Archives nationales sont ramenées au rang d'un simple service logé à l'intérieur d'un ministère. Prenons l'exemple de l'énumération de l'article 16, un article qui ne doit pas tromper, car, comme l'indique l'article suivant, il s'agit de cas d'exception. Ces archives, dont la valeur est reconnue comme d'intérêt historique dès le moment de leur création, échappent à la juridiction des ANQ, puisqu'elles peuvent être remises. Ainsi, les documents majeurs de l'État, lois, décrets, arrêtés, rapports de commissions d'enquête, cadastres, etc., ne sont pas confiés à la garde des Archives nationales. Il nous semble que c'est tronquer par le haut le mandat et la responsabilité

des Archives nationales. (16 h 15)

Dans la structure actuelle de l'appareil gouvernemental et de l'administration publique, la localisation des Archives nationales à l'intérieur d'un ministère comporte-t-elle de si graves entraves à l'exercice de son mandat? Nous comprenons mal qu'elles doivent être réduites à ce rôle de service. Si tel est le cas cependant, il faudrait envisager sérieusement la possibilité d'en faire un organisme libéré d'attaches ministérielles et relevant directement de l'Assemblée nationale. À tout le moins, la proposition d'une commission semblable à celle existant en vertu de la loi d'accès à l'information saurait-elle donner au gouvernement ou à l'État un moyen d'atteindre ses finalités en matière d'archives au Québec? D'où une première proposition générale de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, celle de créer une commission des archives sur le modèle de la commission chargée de l'application de la loi d'accès à l'information.

Le projet de loi comporte d'autres faiblesses, qui nous apparaissent importantes. Nous n'avons pas l'intention de les énumérer toutes, mais de nous en tenir à l'essentiel et chacun de nous, selon ses compétences particulières, traitera de ces questions, chapitre par chapitre. M. Marcel Caya.

M. Caya (Marcel): Je m'en voudrais, en abordant les deux premiers chapitres, de répéter des choses qui ont déjà fait l'objet d'agréments et de concessions de la part du ministre, à savoir la question des définitions. Je ne veux pas ajouter ici la critique; c'est un peu évident. Je voudrais quand même dire ce que nous, on souhaiterait voir dans la définition du terme "archives". Nous sommes d'accord pour dire que l'utilisation du terme "inactif" ne renvoie pas à l'essentiel de la définition d'archives, mais plutôt à une périodicité et à un traitement. Nous voudrions quand même retrouver, dans le sens de la définition du terme "archives", le renvoi à la notion de document de valeur permanente, valeur permanente qui peut être confirmée dès la création du document dans certains cas, et qui est acquise par le contexte dans lequel les documents sont utilisés dans d'autres cas.

La définition d'archives ne doit pas faire référence à la fréquence d'utilisation du document. Elle ne doit pas non plus être confinée à l'utilisation possible du document. Vous noterez que, dans la définition actuelle, on définit les archives comme étant des documents de valeur historique qui devraient comporter une seule utilisation possible, une utilisation qui est complétée par bien d'autres, comme par exemple la valeur de preuve pour l'existence des droits des citoyens qui, à mon avis, serait probablement l'une des principales valeurs que les citoyens du Québec devraient réclamer. Également, dans les définitions, on aimerait retrouver le fait que les archives recoupent l'ensemble des documents reçus et produits par un organisme et cette notion de l'ensemble est très importante pour préserver le contexte dans lequel les documents sont créés, contexte qui fait l'objet des observations de nature historique par les chercheurs qui, éventuellement, consulteront les documents.

Au chapitre premier, si je peux y consacrer quelques autres paroles, je voudrais formuler le souhait qu'on y ajoute de façon très systématique un certain nombre de définitions. À titre de suggestion, il me semble qu'on devrait définir clairement le terme "archives publiques", comme document de l'État englobant à la fois les archives du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. On pourrait également, pour clarifier les choses, fournir une définition au moins des termes "conservateur des Archives nationales" ou "Archives nationales" comme institution, parce que le terme "archives" comme tel étant utilisé, comme vous l'avez bien dit ce matin, M. le ministre, souvent à trois sauces différentes, cela prête souvent à confusion lorsqu'il est utilisé dans le texte même.

On a souligné déjà que le terme "remise" devrait être remplacé par le terme "versement". Il faudrait également définir dès le début l'utilisation du terme "dépôt" et définir dans cette section, "documents actifs, semi-actifs et inactifs". Finalement, il me semble qu'il faudrait définir le calendrier de conservation pour ce qu'il est vraiment et non pas tenter d'en faire un calendrier de traitement en y ajoutant les prescriptions de la loi 65 en même temps.

Au chapitre II, notre proposition principale, comme l'a dit le président de l'institut, est la création d'une commission des archives, faisant rapport annuellement à l'Assemblée nationale. Elle aurait pour mission principale de superviser le processus de préparation et d'approbation des calendriers et surtout leur application. Parce que la situation budgétaire actuelle est difficile, nous comprendrons que, dans un premier temps, on veuille s'en tenir à un organisme qui se révélerait peut-être moins lourd administrativement, sinon budgé-tairement. On voudrait à tout le moins qu'un organisme ou qu'un comité, semblable au comité d'archéologie de la Commission des biens culturels, puisse commencer à faire le travail de façon experte et de façon compétente. Mais le ministre a déjà, jusqu'à un certain point, donné son avis sur cette question et nous sommes encouragés par ses prises de position.

La nomination de membres d'un comité - nous voulons le souligner - implique la nomination d'experts à l'extérieur du gouver-

nement et surtout d'experts compétents à juger de la valeur permanente des documents soumis.

Le chapitre II, comme tel, traite des documents semi-actifs et actifs. Nous ne voulons pas ici demander que les Archives nationales aient nécessairement un rôle d'intervention qui brimerait les administrateurs qui sont les premiers créateurs de ces documents, dans leur utilisation de ces documents. Nous voulons quand même rappeler que les Archives nationales sont le seul organisme gouvernemental présentement habilité à superviser et à conseiller les ministères dans les fonctions de gestion des documents. Ceci n'empêche pas la collaboration éventuelle du Conseil du trésor. À cet égard, je voudrais souligner l'expérience du gouvernement fédéral qui, depuis déjà 1954, a confié aux Archives publiques du Canada la double fonction de conseiller et de superviser dans tout le domaine des documents semi-actifs et même, d'intervenir à l'occasion lorsque les documents n'avaient pas atteint la période semi-active mais en étaient encore à leur période active.

Ce système qui confère à l'archiviste fédéral, donc, le directeur des Archives publiques du Canada, le statut de sous-ministre, lui donne l'autorité nécessaire pour intervenir comme le gardien des documents publics dans tous les ministères. Ce système a fait l'objet de l'approbation internationale. Ce système est aussi utilisé dans un grand nombre d'organismes mentionnés dans les paragraphes 4 à 7 de l'annexe, nommément un certain nombre d'universités, des municipalités et même un certain nombre de commissions scolaires.

Donc, en résumé, l'institut propose que le contrôle de l'approbation des calendriers et de l'application soit rendu unique en ce sens que ce soit confié à un seul organisme qui devra répondre de ses décisions et nous croyons que le meilleur mécanisme pour réaliser cette fonction serait la création d'une commission responsable du traitement des documents publics devant l'Assemblée nationale.

Je termine sur ces mots et je laisse la parole à M. Jacques Mathieu, pour l'analyse du chapitre III.

M. Mathieu (Jacques): Quant au chapitre III nous proposons de supprimer certains articles, en particulier l'article 14, qui prévoit la possibilité de confier la garde d'archives à des organismes privés. C'est un article dont la formulation pose de graves problèmes et il nous semble - même si nous ignorons les pouvoirs complets du ministre -que cela relève de ses pouvoirs discrétionnaires que cette possibilité de confier la garde de documents à d'autres.

Le problème de fond de l'inscription de cette mesure dans la loi tient à une perspective de décentralisation qui risque d'être tout à fait exagérée, un émiettement néfaste des coûts incontrôlables, une incohérence de gestion et des pressions terribles auxquelles il serait difficile pour le ministre de résister.

Imaginons un instant - vous allez dire que l'exemple est pris au hasard mais il n'est peut-être pas farfelu - que l'on veuille confier au Musée de Gaspé des archives du ministère de la Justice. Il faudra bientôt envisager des solutions semblables pour la Beauce, Joliette, Charlevoix, Château-Richer, Montmagny, etc. Quel serait le coût final d'une telle dispersion? Est-ce que les archives seraient suffisamment protégées? Est-ce qu'elles seraient suffisamment bien traitées par un personnel compétent et suffisant en nombre? Quels seraient les effets pour la recherche? Je pense que le ministre, avant de se prononcer dans chaque cas, devrait en faire une étude très sérieuse et peut-être réserver à son pouvoir discrétionnaire cette possibilité.

Les articles 16, 17 et 18, à notre avis, pourraient également être supprimés. Au départ, il s'agit de documents ayant valeur permanente et qui devraient être sous la responsabilité supérieure de l'institution d'archives. Si le ministre estime important que ces documents qui ont une valeur historique dès le moment de la création doivent être protégés, deux autres moyens sont à sa disposition: soit de reporter l'énumération dans l'article 2 qui les définit, soit de leur accorder une place de choix dans les calendriers de conservation.

Au reste, si le législateur souhaite maintenir cette définition on ne voit pas pourquoi il ne l'étendrait pas aux archives des organismes identifiés aux paragraphes 4 à 7 de l'annexe.

Un mot de l'article 19 qui concerne les archives des députés. C'est là, je pense, où l'on voit qu'un défaut de consultation préalable nous laisse un peu dans les difficultés, dans le vague. Il n'en reste pas moins que notre prise de position peut entrer en ligne de compte et elle se traduit par un appui sans équivoque à l'article tel que formulé, à tout le moins dans ses composantes majeures.

J'explicite un peu notre prise de position. Plusieurs personnes estiment que les députés, parce qu'ils sont rémunérés par l'État, devraient remettre à l'État les documents accumulés dans l'exercice de leurs fonctions. À ce point de vue, l'article pourrait même laisser l'impression que les représentants élus du gouvernement se placent au-dessus de la loi qu'ils officialisent. D'autres suggèrent aussi de distinguer les archives du bureau de comté et celles du bureau du Parlement. (16 h 30)

Des raisons d'ordre théorique et pratique et très immédiates, conjoncturelles, nous incitent plutôt à appuyer le principe de cet article dans sa formulation. Nous sommes bien conscients que traiter des documents versés aux ANQ plutôt que des documents accumulés par les députés a pour effet de considérer comme archives privées les documents produits ou reçus par les députés dans l'exercice de leurs fonctions. Il nous semble que le député n'est pas d'abord un employé de l'État, qu'il n'a pas le statut d'employé de l'État; c'est un représentant élu de la population. Dans son rôle de représentant du peuple, le député, comme d'autres élus, est appelé à traiter de matières et de situations qui peuvent concerner les droits de la personne. À ce titre et sans détenir de mandat de ses commettants, il peut estimer préférable de ne pas divulguer ou rendre ultérieurement accessible le contenu de ses documents ou d'une partie de ses documents. Il peut juger aussi que la connaissance de ses archives est utile au devenir collectif de ses citoyens et en léguer la teneur au profit de la postérité.

De façon très réaliste, nous sommes persuadés qu'une telle définition est encore à l'heure actuelle indispensable à l'acceptation d'une loi sur les archives. Nous préférons laisser à la conscience individuelle ce choix de verser les documents des députés à l'Assemblée nationale. Dieu merci si, collectivement, les députés décidaient de remettre aux Archives nationales leurs documents, mais il me semble qu'actuellement il est convenable que cela puisse être au niveau individuel. Je pense qu'il faut davantage inciter les élus à garder et à classer leurs documents, à les verser éventuellement aux ANQ, aux conditions de consultation qu'ils estiment souhaitables et obtenir en retour un juste crédit d'impôt. Le ministre devrait s'engager dans les pratiques incitatives, à la suite de son prédécesseur peut-être, à faire une intervention, à ouvrir la voie, à créer des orientations nouvelles pour inciter ses collègues à verser leurs documentations aux Archives nationales.

Quant à la section sur l'élimination, il nous semble que toute cette section doit être faite de façon publique avec un comité d'évaluation, un comité d'étude et faire l'objet d'un rapport officiel. Je ne crois pas qu'on puisse invoquer des prétextes de retard pour faire des éliminations rapides sur la seule volonté du ministre. Il me semble qu'il faut avoir obligatoirement recours à un comité d'experts pour procéder à cette élimination.

Le chapitre IV sera traité par mon collègue, M. Dickinson.

M. Dickinson (John A): Pour commencer, quelque chose que nous n'avons pas inclus dans le mémoire; nous y avons pensé par la suite. Dans ce projet de loi, nulle part on ne parle du statut des fonds privés qui sont déposés dans les archives publiques, que ce soit dans les Archives nationales ou dans les archives d'institutions publiques comme les universités. Nous pensons qu'il y aurait lieu de clarifier le statut de ces fonds privés quant à leur accessibilité, leur mode de traitement et de conservation.

En ce qui concerne les archives privées, le ministre dans ce chapitre se réserve vraiment tous les droits significatifs, contrairement au chapitre sur les archives publiques, par le biais de l'agrément et des subventions et, dès lors, il peut imposer ses conditions. Cependant, l'absence de normes et de règlements ne nous permet pas de juger facilement des volontés et des moyens que le gouvernement entend se donner dans la réalité concrète. D'après ce que le ministre nous a dit ce matin et tout à l'heure, on peut croire que plusieurs réticences seraient levées par ces règlements quand on les aura. Malheureusement, on ne les a pas vus encore et on ne connaît pas la teneur des règlements; c'est peut-être un défaut. Si je peux exprimer un voeu pour d'autres problèmes semblables, je pense qu'on pourrait éviter une certaine frustration de la part des intervenants de ce côté-ci, si le public connaissait les règlements avant d'être obligé de préparer des mémoires à une commission parlementaire. Cela éviterait certaines incompréhensions, certaines ambiguïtés, et certainement cela lèverait certaines réticences surtout en ce qui concerne le chapitre VI sur la gestion.

L'autre problème soulevé tout à l'heure par un député est de savoir si on doit agir par voie de règlement ou par voie législative. C'est à l'Assemblée nationale à débattre cette question et non pas à nous.

En ce qui concerne les archives privées reconnues ou classées en vertu de la Loi sur les biens culturels, les alinéas de cet article posent quelques problèmes avec les pratiques de mise en application de la Loi sur les biens culturels et des programmes de subventions. Jusqu'à un certain point, il est possible que l'application de ces articles risque de bouleverser les priorités d'un dépôt d'archives qui fonctionne déjà et qui peut être un peu embarrassé par une nouvelle réglementation qui lui tombe dessus. Probablement qu'ici, il faudrait donc que la loi ait un caractère incitatif bien plus que coercitif pour que ces règlements soient respectés en fin de compte.

En ce qui concerne l'article 33, l'Association des archivistes du Québec est déjà intervenue. Nous souscrivons aussi en principe à cet article que les fonds ne devraient pas être fractionnés. Cependant, il faudrait mieux définir ce qui constitue une fraction. Il nous semble que le problème de

fonds ici constitue la concurrence entre différents dépôts pour l'acquisition de fonds d'archives. Cet article ne règle pas vraiment ce problème de fonds. Il y aura toujours concurrence. Ce n'est pas par cette loi qu'on pourra éliminer les Archives publiques du Canada, par exemple, et cela peut être inapplicable ou difficilement applicable pour certaines personnes exerçant deux ou trois différentes fonctions en même temps.

Le chapitre V pose un problème très sérieux dans la mesure où il donne à la loi une portée rétroactive. L'article 34, par exemple, fait fi du fait que certains documents, que nous considérons aujourd'hui du domaine public, étaient considérés à l'époque du domaine privé. On n'a qu'à noter que les greffes des notaires sous le régime français, c'était une propriété privée, non pas une propriété publique. Encore, aujourd'hui, les notaires tant que leurs greffes sont actifs, les conservent et peuvent conserver les greffes d'autres avant eux. Donc, nous pensons que le devoir du ministre est de déclarer des documents publics anciens et de les rendre incitatifs, au lieu de faire de ces gens des criminels s'ils se trouvent en possession de documents qu'ils auraient peut-être loyalement acquis et dont on voudrait peut-être les déposséder par la suite.

Nous proposons de modifier complètement l'article 35 pour le rendre incitatif plus que punitif. C'est l'article qui comporte l'une des peines les plus graves. On comprend et, je pense tout le monde voit la nécessité de protéger le patrimoine culturel du Québec en s'assurant que des tranches majeures portant sur l'histoire du Québec ne sortent pas du Québec et soient conservées ici. Cependant, de la manière que c'est formulé, cela a l'air un peu tatillon, surtout pour des gens de communautés culturelles d'origines diverses. Leurs grands-parents habitaient en Italie ou en Grèce, ils ont des papiers, des photos, des documents de famille, de leurs parents, on les force à déclarer ces papiers quand ils veulent déménager. Je pense que la suggestion de l'Association des archivistes du Québec sur tout document ayant un intérêt historique pour le Québec améliorerait du moins cet article.

Cet article me semble aussi inapplicable, puisque ce serait très difficile et avoir une loi qui incite presque les citoyens à ne pas le respecter, je ne pense pas que c'est quelque chose qu'on devrait rechercher. Ce serait impossible de contrôler les frontières entre le Québec et l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick pour vérifier que personne ne sorte une photo de famille qui date de plus de cent ans ou une lettre de son grand-père. Donc, ce de point de vue là, cela rend un peu inefficace cet article.

En ce qui concerne la gestion, il semble bien que la réglementation accordera un rôle beaucoup plus important aux Archives nationales du Québec, au conservateur des Archives nationales du Québec. C'est ce que nous souhaitons. Nous aimerions bien être consultés sur la réglementation, du moins un peu plus, pour savoir un peu ce qui se passera avant que les règlements ne soient publiés dans la Gazette officielle et prennent effet. Je pense qu'à défaut d'avoir été consultés ailleurs, peut-être, à cette étape, on s'offre un peu de concertation là-dessus.

En ce qui concerne les autres parties, il est évidemment difficile de juger de ce qui concerne la gestion sans avoir vu les règlements. Il y a seulement le sixième alinéa de l'article 41 que nous proposons de supprimer. Les archives publiques, dans leur ensemble, font partie du patrimoine collectif des Québécois et ne devraient en aucun cas être aliénées. D'ailleurs, d'après la définition des archives publiques, ce sont des documents qui présentent un intérêt historique. Si ces documents présentent un intérêt historique, c'est qu'ils devraient être conservés ici. On ne devrait pas permettre au gouvernement d'aliéner des documents quand on défend aux particuliers d'aliéner des documents. C'est encore le problème du gouvernement qui se met au-dessus de la loi. Je ne sais pas si le ministre veut aliéner des archives, mais je ne vois pas vraiment l'utilité de cet alinéa.

Au chapitre VII, en ce qui concerne les sanctions, nous n'avons vraiment rien à dire.

Au chapitre VIII, il y a surtout une question qu'on voudrait vous poser au sujet de l'article 61: "Un organisme public visé au paragraphe 1° de l'annexe qui le ..., détient des documents inactifs doit en transmettre la liste au ministre avant le ... et les lui remettre sur demande". À l'annexe, donc, ceci comprend le gouvernement: Conseil exécutif, etc. Est-ce qu'il y a une raison pour éliminer les organismes aux alinéas deux et trois de l'annexe I? Nous pensons surtout aux documents des cours de la justice qui sont conservés par des protonotaires. Je pense qu'il faudrait peut-être aussi inclure ces documents dans l'énumération pour préserver...

M. Richard: Je peux vous répondre immédiatement, si vous voulez.

M. Dickinson: Oui.

M. Richard: Le problème que cela pose - on l'a évoqué ce matin - c'est que le lieutenant-gouverneur et l'Assemblée nationale... C'est le principe de la séparation des pouvoirs. Il faut donc intervenir par ententes et non pas imposer par des lois. Mon collègue, Pierre de Bellefeuille, tout à l'heure, parlait justement de l'érosion des

pouvoirs législatifs. C'est un peu, en quelque sorte, pour ménager le pouvoir législatif. Mais, en même temps, je ne peux pas imposer quelque chose à l'Assemblée nationale, contre son gré. C'est le pouvoir exécutif qui applique la loi par la suite. Alors il faut intervenir, mais par ententes avec, entre autres, le lieutenant-gouverneur et l'Assemblée nationale et surtout, le pouvoir judiciaire, pour qui c'est la même chose.

M. Dickinson: Donc, cela répond, c'est qu'on est un peu inquiet que...

M. Richard: La distinction... Non, en tout cas, on espère qu'on n'aura pas à être inquiet, puisqu'il y aura des ententes qui seront conclues dans le cadre de cette loi. Mais je ne peux pas imposer des contraintes au pouvoir judiciaire - à moins qu'il n'y consente - ou à l'Assemblée nationale. Mais je sais, en ce qui a trait à l'Assemblée nationale, que le président m'a dit qu'il était tout disposé à conclure des accords qui atteindront, finalement, exactement les mêmes fins.

M. Dickinson: Pour conclure, Jacques Mathieu.

M. Mathieu (Jacques): Voilà, M. le Président, qui clôt l'essentiel de notre analyse et de notre perception du projet de loi, un projet qui, s'il était adopté avec les modications que nous avons suggérées, nous semblerait pouvoir doter le Québec d'une instrumentation législative susceptible de protéger efficacement son patrimoine archivistique.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien. Avant de laisser la parole au ministre, j'inviterais les parlementaires, dans la mesure du possible, à se limiter à environ une demi-heure...

M. Richard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): ...pour les échanges, questions et discussions. (16 h 45)

M. Richard: Je serai très bref puisqu'il me semble que déjà un certain nombre de problèmes ont été évacués ce matin. J'aurais toutefois une question à poser aux intervenants que je voudrais également remercier. Des observations extrêmement pertinentes ont été formulées par M. Mathieu, M. Caya, M. Dickinson et je veux leur dire qu'on tiendra compte de plusieurs de ces observations et que les règlements seront prêts à être déposés au moment de l'étude, article par article, en commission parlementaire.

Il y a une chose toutefois que j'arrive mal à saisir, ce sont les réticences à l'égard de l'article 14, dont, je le reconnais, j'étais plutôt fier, puisque cela nous permet d'utiliser parfois les compétences et l'expertise d'archives privées et je vois mal pourquoi on devrait s'interdire cela dans certains cas. Je vois mal comment cela rendrait les archives moins accessibles. Au contraire, c'est dans un objectif d'accessibilité, de plus grande accessibilité que l'article 14 a été conçu, et, remarquez, après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels au sein de laquelle siégera un comité d'archives. Il ne faudrait pas l'oublier, au sein de la Commission des biens culturels, il y aura, comme pour l'archéologie, un comité d'archives de trois membres et la composition de la Commission des biens culturels va être modifiée en conséquence. Il y a tellement de garde-fous là-dedans qu'il me semble qu'on n'aurait pas intérêt à vouloir éliminer, supprimer l'article 14 pour pouvoir compter sur toutes les compétences qui existent au Québec.

M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'il y a - et je ne peux qu'y revenir de cette façon - un risque d'émiettement considérable selon lequel chaque dépôt, chaque société pourrait vouloir conserver des archives publiques à l'occasion. Il y a aussi le fait que cela se fait par le biais d'un article législatif, celui qui crée un service d'archives privées agréé, qui risque d'introduire deux poids, deux mesures. Il faut bien voir, par exemple, que, par l'article 40, l'aide technique n'est fournie qu'aux services d'archives privées agréés, ce qui est déjà bien différent des services d'archives privées ordinaires ou réguliers, dont on ne tient pas compte. Et là, il me semble qu'il y a deux poids, deux mesures pour les partenaires.

Troisièmement, vous revenez sur le comité d'archivistes de la CBC. La CBC, bien sûr, n'est qu'une commission consultative et on dit en plus "que le ministre peut" et non "que le ministre doit". Quelle est la compétence, finalement, d'un tel comité pour juger à la fois de ces pratiques de décentralisation et des autres pratiques de calendriers de conservation, d'échantillonnage, de sélection? Il me semble qu'il faut un organisme avec des pouvoirs plus étendus, notamment un pouvoir de consultation élargi, qui puisse rendre publiques ses décisions bien plus rapidement que ce comité de la CBC.

M. Richard: Mon Dieu, je pense que la Commission des biens culturels peut rendre publics ses avis très rapidement. Non seulement elle peut les rendre publics, mais vous savez que maintenant elle peut même les rendre publics sans demander la moindre permission au ministre. Donc, en ce qui a trait à ce que vous appelez l'émiettement, le

comité, il me semble, en serait un peu conscient.

Deuxièmement, le ministre aussi - on l'espère, en tout cas - serait un peu conscient de ce problème. Alors, vous avez un double garde-fou qui m'apparaît important, nécessaire. Juste un détail, le ministre peut, après avoir pris l'avis de la commission; il doit donc prendre l'avis de la commission. Je voudrais dissiper la confusion: Vous avez dit: Le ministre peut, il ne doit pas. Il doit prendre l'avis de la commission, mais il peut, après avoir pris cet avis . qui est obligatoire, confier la garde à des archives privées.

En ce qui a trait à l'agrément maintenant, personne ne sera obligé de soumettre sa candidature, si je peux m'exprimer ainsi, à l'agrément. Mais l'agrément me paraît absolument essentiel, puisqu'on ne peut pas confier les archives à n'importe qui. Quiconque pense avoir l'expertise et quiconque pense pouvoir conserver les archives dans des conditions reconnues pourra demander un agrément. À ce moment-là, on pourra le faire. L'agrément existe pour les musées. L'agrément existe même pour les librairies. Personne n'est obligé de demander l'agrément, mais c'est pour nous permettre d'avoir des critères. Si on n'avait pas mis d'agrément, vous auriez pu nous le reprocher à bon droit: Mon Dieu! vous voulez confier les archives à n'importe qui! Mais on a dit: Non, on ne veut pas les confier à n'importe qui, on veut les confier à des gens qui ont l'expertise, qui connaissent cela et qui sont capables d'assurer les conditions permettant la conservation des archives. Donc, il y aura des critères. La somme de ces critères est l'agrément.

M. Dickinson: Pourquoi "privatiser" le domaine public?

M. Richard: Pardon?

M. Dickinson: Pourquoi "privatiser" le domaine public? Au Québec, depuis 20 ans, on se bat pour rendre publiques des choses privées comme l'éducation. Maintenant, dans cette loi, on va à contre-courant, on veut "privatiser" les choses qui étaient auparavant publiques.

M. Richard: Je vais répondre à cela. Dans le domaine culturel, il est extrêmement important - je le vis tous les jours - de faire appel aux ressources des différents milieux. L'État n'est pas obligé d'être omniprésent. L'État ne contrôle pas les grandes troupes de théâtre. L'État ne contrôle pas les orchestres symphoniques. L'État ne veut rien contrôler en matière culturelle. Je pense que cela pourrait être extrêmement nocif. Faire appel aux ressources des milieux, à leur compétence et à leur expertise, en tout cas, c'est vers cela que je m'achemine tous les jours pour ne pas nous priver, enfin, nous n'avons pas les moyens de nous priver de toute cette expertise et de toute cette compétence. Pourquoi tout rassembler dans les mains de l'État? Il me semble que ce serait asphyxiant pour le développement culturel du Québec. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M. le député de Saint-Henri, vous avez la parole.

M. Hains: M. Mathieu, j'ai vraiment admiré la verdeur de vos opinions et de vos paroles, surtout dans votre introduction. C'était pour moi aussi revigorant que la verdure du printemps. Dès le début de votre mémoire, vous soulignez deux omissions sérieuses à la page 1. La première omission est l'absence d'une autorité unique. Pourtant, j'y vois partout le ministre des Affaires culturelles. La deuxième omission est l'absence de tout rôle important pour les Archives nationales. Vous dites, à la page 1: "Les Archives nationales auraient dû être considérées comme l'institution supérieure que l'État s'est donnée pour assurer la sauvegarde et la mémoire de la nation".

Rapidement, comment verriez-vous le rôle des Archives nationales?

M. Mathieu (Jacques): Je vais laisser M. Marcel Caya répondre à cela, si vous le permettez.

M. Caya: Les Archives nationales devraient, pour autant que nous concevons leur rôle idéalement, être des archives de l'État, chargées juridiquement de superviser l'application des calendriers de conservation et de superviser également le respect de tout le processus archivistique qui veut que, à partir d'un ensemble de documents actifs, on en arrive à juger lesquels d'entre eux ont une valeur permanente pour les fonctions de l'État.

Lorsque je dis "archives de l'État", cela fait référence à une notion différente qui semble être celle qui a été adoptée dans la loi actuelle, qui est celle de "archives gouvernementales" et qui doit s'inspirer constamment des politiques ponctuelles et changeantes à mesure que l'évolution de l'histoire du Québec se produit. Les archives de l'État devraient avoir, sur l'information et sur les documents de l'État, les mêmes pouvoirs que le Vérificateur général a sur les finances du gouvernement et ce pouvoir de voir à la saine administration et à la bonne gestion des documents ne devrait pas être l'objet d'une politique mais être plus précisément le mandat, la mission d'un service indépendant.

M. Mathieu (Jacques): Si vous permettez, je compléterai pour répondre à la première partie de votre question: En quoi le ministre n'est-il pas l'autorité unique? Il n'est pas l'autorité unique parce que cette autorité est limitée premièrement aux documents inactifs, deuxièmement aux documents qui présentent un intérêt historique et troisièmement, il n'est pas autorité unique non plus dans la mesure où il y a toute une énumération de séries documentaires extrêmement importantes qui ne relèvent pas du ministre et ce sont celles qui sont énumérées à l'article 16.

M. Richard: M. le Président, avec la permission de mon collègue que je ne veux pas interrompre. Je voudrais seulement relever ceci qui est probablement la source de toute l'ambiguïté. L'article 38 dit exactement, M. Caya, ce que vous venez de nous dire, remplacez "Affaires culturelles" par "Archives nationales": Le ministre des Archives nationales élabore et propose au gouvernement une politique de gestion des archives publiques; il coordonne la mise en oeuvre de cette politique et en surveille l'application.

Le ministre des Affaires culturelles est à la fois le ministre des Archives nationales qui sont partie intégrante des affaires culturelles. Alors, la description que vous venez de nous faire, et fort à propos d'ailleurs, correspond exactement à l'article 38.

M. Dickinson: Pas tout à fait, puisqu'il est question des archives publiques et, dans la définition des archives publiques, cela limite et nous voudrions que ce soit étendu.

M. Richard: Oui. Alors là, l'observation de M. Mathieu, toutefois, était pertinente parce qu'il reste au moins à inclure l'arrimage avec le Conseil du trésor par une disposition législative ou par une entente.

M. Caya: M. le ministre, je conviens des difficultés présentes de réaliser notre rêve de ce que devrait être... Je tiens simplement à préciser que dans notre conception, la distinction essentielle, c'est que les archives de l'État auraient automatiquement contrôle de la gestion non seulement de l'exécutif mais également du législatif et du judiciaire alors que tant qu'on utilise le pouvoir du ministre ici et lorsqu'on prend les contraintes qui se posent, on doit forcément s'en tenir à légiférer strictement à ce qui est l'exécutif et recourir à des ententes pour le reste.

J'aimerais beaucoup avoir une vision du futur d'ici deux ans, trois ans, pour voir où on en sera rendu dans ces ententes. Je sais qu'il y a toutes sortes de difficultés à traiter avec le judiciaire; je suis content de voir que les difficultés sont aplanies avec l'Assemblée nationale non seulement quant à la conservation de ses propres archives mais également, j'espère, quant à la conservation possible de fonds privés d'anciens députés.

M. Richard: Je peux même vous dire que le président de l'Assemblée nationale m'a dit que, quant à lui, il était tout à fait disposé à ce que les archives de l'Assemblée nationale soient déposées aux Archives nationales, mais en respectant sa souveraineté.

M. Caya: Parfaitement d'accord. Quant à nous, il y a un aspect ici qui est sous-jacent lorsqu'on réclame un rôle accru, un rôle plus centralisé, un contrôle meilleur de la part des Archives nationales ou même de la part du comité de la CBC. C'est qu'il s'agit en fin de compte, dans un organisme gouvernemental quand même restreint, de réunir autant que possible toutes les compétences disponibles pour réussir à faire le travail et déjà, au nombre d'archivistes encore relativement petit qu'il y a au Québec, si on regarde tout ce que la loi veut réaliser, vous conviendrez avec moi qu'il y a une tâche ici pour 26 heures par jour de la part d'à peu près tout le monde. (17 heures)

Le Président (M. Blouin): Merci monsieur. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous faites référence au fait qu'une commission établie sur le modèle de la Commission des biens culturels serait la meilleure formule pour gérer la politique archivistique de l'État et qu'au pire une commission restreinte serait adéquate, c'est-à-dire sur le modèle de la Commission d'accès à l'information. Vous faites d'ailleurs référence à un livre vert qui aurait proposé une telle commission ressemblant à la Commission des biens culturels. Est-ce que vous faites référence à ce moment-là au rapport de 1975 de M. L'Allier?

M. Mathieu (Jacques): De 1976, oui.

M. Dauphin: De 1976. J'aimerais que vous nous précisiez plus amplement les avantages qu'il y aurait pour chacune des formes de commission par rapport à la situation centralisée dans les mains du ministre qui nous est proposée.

M. Mathieu (Jacques): Je tenterai de l'expliquer seulement par un exemple. C'est la difficulté de savoir ce qui demain sera utile à la recherche. Vous convenez avec moi que ce ne sont surtout pas les historiens qui sont prophètes, pas plus que les archivistes, ni personne. Une commission élargie sur le

modèle de la Commission des biens culturels aurait pu réunir un certain nombre de compétences qui auraient pu juger des documents qui, demain, pourraient être utiles à la recherche. Il faut surtout envisager un mécanisme absolument indispensable, celui de l'échantillonnage et de l'échantillonnage scientifique.

C'est pour cela que le comité de la Commission des biens culturels ne nous paraît pas suffisamment doté de pouvoirs de consultation élargis pour pratiquer une technique ou un échantillonnage satisfaisant selon l'éventail, la gamme des types de documents qui sont offerts. Alors qu'une commission sur le modèle de la Commission d'accès à l'information pourrait faire venir devant elle, selon le cas, des experts venant de divers horizons en fonction des documents dont on étudierait le problème de conservation: évidemment, le conservateur en chef des Archives nationales; bien sûr, des administrateurs; évidemment, je le pense bien, des historiens, mais aussi à l'occasion des sociologues, des démographes, des psychologues. Donc, des gens qui, sur l'étude des dossiers, pourraient fournir à cette commission une expertise qui est longue, qui est extrêmement difficile à faire parce que la technique d'échantillonnage est fonction de principes scientifiques, d'une part, mais elle est fonction également de la documentation qui est accumulée.

Je pense que les gens dans le domaine de l'histoire accepteront bien que l'échantillon le plus satisfaisant, c'est celui par la lettre B. L'échantillon par la lettre B n'est pas possible dans des documents qui sont conservés dans des registres au jour le jour. Comment, à ce moment-là, contrer cette difficulté? Qu'est-ce qu'on accepte de perdre et de ne pas perdre? Il nous semble que c'est un travail à temps complet que de procéder à cette étude surtout en vue des calendriers de conservation et compte tenu de l'éventail extrêmement large des types de dossiers qu'on sera amené à consulter et à étudier.

M. Dauphin: J'aurais seulement une autre question, M. le Président, si vous me le permettez. C'est en rapport avec l'article 33 qui semble poser un problème d'interprétation en raison de l'absence de définition du terme "fonds d'archives" - on y a fait référence un peu tantôt - ainsi que de l'imprécision qui est rattachée au terme "fonction", dont on ne sait pas s'il se rattache à une fonction exercée dans un organisme public ou toute autre activité. J'aimerais vous demander quelle serait la définition que vous donneriez au terme "fonds d'archives", car votre mémoire n'en fait pas mention. Procéderiez-vous à des regroupements selon les diverses activités pratiquées ou les oeuvres réalisées par une personne?

M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'il existe dans les manuels d'archivistique et dans la discipline scientifique qu'est l'archivistique des définitions qu'on pourrait regarder et à partir desquelles on pourrait préciser quelque chose de sensé. Je ne me risquerais certainement pas à proposer une définition comme cela.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Marquette. M. le ministre.

M. Richard: Juste une dernière observation. La Commission des biens culturels que vous connaissez bien a tous les pouvoirs que vous exigez de l'autre commission et on fait l'économie d'une commission. Elle a le pouvoir de tenir des audiences publiques, le pouvoir d'engager des experts, le pouvoir de consulter qui elle veut. Alors, pourquoi devrions-nous faire double emploi et ne pas faire l'économie d'une commission, d'autant plus qu'elle va être encore plus polyvalente et plus sensible à la conservation de l'ensemble des biens culturels au Québec? L'expertise des autres va être un apport extrêmement intéressant pour les archives du Québec, il me semble, au lieu d'être en cercle fermé. Il y aura toute l'expertise de ceux qui sont des experts en muséologie ou de ceux qui sont des experts en histoire. Mon Dieu! il me semble que l'on doit pour une fois faire l'économie d'une commission.

M. Mathieu (Jacques): Je pense qu'à dépenses égales ou à frais égaux, il serait préférable d'avoir une commission restreinte indépendante, d'une part, et, d'autre part, ce comité sera appelé... Rappelez-vous les termes de la loi, l'étude des calendriers de conservation et cela veut dire pour chacune des séries documentaires produites, les techniques d'échantillonnage qui seront maintenues. Je ne crois pas que des gens qui se réuniraient deux jours par mois, même sur proposition des personnes qui viennent exposer des dossiers, puissent arriver à faire une sélection qui soit acceptable. C'est extrêmement important au contraire d'autres documents, parce que les archives, c'est le document inédit et unique. Un document détruit est un document perdu et qu'on ne peut pas retrouver. Voilà.

M. Richard: Je crois plutôt je me permets de diverger d'opinion avec vous là-dessus - qu'il est important que les archivistes soient en contact quotidien avec les autres qui s'occupent de la conservation des biens culturels au Québec et inversement.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Alors, M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Merci, M. le Président. J'aurai quatre commentaires que je ferai rapidement, compte tenu de l'heure, mais qui appelleront des commentaires éventuellement de nos collègues devant nous. D'abord, cela tourne autour des articles 33, 34 et 35. Dans votre mémoire, vous faites allusion à des crédits d'impôt possibles pour des parlementaires qui remettraient leur fonds. Par ailleurs, l'article 34 ferait obligation à toute personne qui aurait des documents de les remettre. Il y a une espèce de négation de la propriété. Vous avez relevé cela, mais peut-être qu'à la lumière de l'article 33 et de l'article 35, vous pourriez ajouter autre chose. Mon commentaire serait que vous êtes assez gentils et assez réalistes vis-à-vis des parlementaires que vous ne voulez pas qu'ils s'obligent par une loi à remettre leurs documents. Je prends acte de cela. Vous faites une distinction entre un ministre qui est un fonctionnaire et un député. Votre distinction est très juste. Est-ce que c'est faire preuve de réalisme que de laisser aux parlementaires le soin de décider s'ils s'obligeront par une loi ou pas? On verra bien par les débats qui vont suivre. On aura l'occasion de discuter de tout cela en commission parlementaire et d'en discuter entre nous. Je dirai seulement un chose à ce moment, c'est que je trouve un peu regrettable que, chez les parlementaires québécois qui veulent passer à l'histoire, alors que chacun des partis politiques veut prendre le pouvoir pour transformer le Québec et faire des grandes choses, on soit aussi méfiant sur les traces qu'on va laisser de gestes absolument éclatants et qu'on se demande si vraiment on ne devrait pas s'obliger à laisser des traces et faire en sorte que ces traces soient conservées et scrutées par d'autres qui viendront après nous.

La loi d'accès à l'information protège les personnes et protège l'information sur les personnes. Mon point de vue, c'est qu'on peut assurer cette protection la vie durant, pour deux générations à venir ou plus, mais il devrait arriver un moment où on devrait récupérer l'accès à l'information à ces documents. On peut faire des prescriptions et on peut prévoir cela dans nos lois, mais là, vous êtes généreux, vous glissez le crédit d'impôt, est-ce une façon d'essayer de soudoyer les parlementaires? En tout cas, le résultat est qu'on n'a pas eu de loi pour les obliger et on m'informait qu'il y a à peu près 5% des hommes politiques qui sont passés au Québec et dont des documents sont conservés aux archives. Il y a 5% à peu près sur tous les parlementaires qui sont passés qui ont laissé une trace qu'on retrouve aux archives. Chez les premiers ministres qui sont ici, à part la photo, il y en a à peu près 25, il y en a quatre ou cinq sur lesquels les archives conservent quelque chose de significatif. Alors, pour des gens qui ont donné leur vie à la chose publique et qui ont voulu passer à la postérité et changer le Québec, à part la photo, on n'a pas grand-chose. Il me semble qu'il faudra reparler de cela.

Deuxième point. M. le ministre nous dit avec fierté et à juste titre - pour la fierté -qu'un projet de règlement est prêt et que nous l'aurons quand on pourra étudier le projet de loi. C'est une chose importante. On pourra faire un débat public également autour du projet de règlement. Mais vous aviez raison, vous autres, ceux qui vous ont précédés et ceux qui vous suivront, de vous inquiéter quand même de tout ce qu'il y a dans les règlements, parce qu'aussi longtemps que ce Parlement n'aura pas assuré un contrôle parlementaire de la réglementation, le premier règlement pourra faire l'objet d'un débat public si le ministre le veut bien, mais rien n'oblige le ministre à soutenir le débat public. Après, cela devient l'affaire de l'administration. Comme vous l'avez souligné, ce projet de loi se ressent déjà un peu de la marque de l'administration publique, des administrateurs publics. On peut prévoir qu'ils vont se retrouver entre eux et à loisir dans la réglementation; si ce n'est pas dans la première, ce sera dans les subséquentes. Je crois que là-dessus on peut être vigilant à moins que nos travaux en cours sur la réglementation n'assurent un contrôle parlementaire, donc, un débat public, pour chaque étape non seulement de la première, mais des modifications à venir.

Troisièmement, vous avancez une préoccupation que tout historien ne peut manquer d'avoir devant les Archives nationales. Le ministre a bien expliqué la question et cela a été, je pense, nuancé par l'Opposition. Mais il reste quand même que, pour ceux qui sont habitués à voir les archives précéder même dans le temps le ministre des Affaires culturelles - ce sont des institutions comme celles-là qui ont un jour donné l'idée au législateur de créer un ministère des Affaires culturelles aujourd'hui, on voit ces institutions récupérées et réintégrées quelque part dans le ministère et devenir un service dans le ministère.

Il y a une logique à cela, le ministre l'a expliquée et peut la réexpliquer. Mais il reste quand même que les institutions ne sont pas sclérosées, qu'elles vivent. Je souhaiterais qu'avec les années cette institution, grâce au milieu, d'ailleurs, et grâce à sa qualité propre, puisse se réaffirmer comme quelque chose qui puisse se situer au-dessus de la mêlée, parce que je pense que, tôt ou tard, les archives publiques redeviendront maîtresses de plus que de ce qu'on leur concède, dans un premier temps,

ici. Le Conseil du trésor, un jour ou l'autre, à mon avis, va sauter avant les archives du Québec. Ce jour-là, peut-être que les archives du Québec pourront redevenir maîtresses d'une politique générale de la gestion documentaire. Les archivistes l'ont bien fait ressortir, ils ne sont pas là que pour les affaires à caractère historique, ils sont aussi là pour les documents actifs et les documents inactifs.

J'aimerais qu'on ait un jour une institution qui se situe au-dessus de la mêlée et qui nous assure que les politiciens, les hommes politiques ne pourront pas faire le ménage dans les documents, que les hauts fonctionnaires ne pourront pas faire le ménage et qu'il y a quelqu'un qui surveillera cela. On s'est donné un organisme de contrôle pour l'accès à l'information. Il me semble qu'on devrait aussi s'assurer, par l'intermédiaire d'un organisme qui est au-dessus de la mêlée, que les documents ne seront pas détruits. Parce que toute notre législation actuelle rendra les gens beaucoup plus méfiants, on va courir le risque plus qu'auparavant que des choses ne s'écrivent plus ou que des choses soient détruites au fur et à mesure.

M. le ministre, je vais dévoiler un secret de ministre aujourd'hui: Dans les bureaux de ministres - il est bon que vous sachiez cela - il existe généralement un appareil pour détruire les documents. Cela ne date pas du gouvernement actuel. D'ailleurs...

M. Marx: C'est la faute du fédéral.

M. Vaugeois: ...les ministres actuels, en général, sont tellement respectueux et tellement préoccupés de faire passer le Québec sur un autre plan qu'ils seraient bien malvenus de détruire des documents. Mais ce genre d'appareil existe. Je crois qu'un organisme... Je comprends, d'ailleurs, M. le président Mathieu, que ce soit une de vos préoccupations quand vous voulez qu'une commission ou qu'un groupe surveille cela de façon propre au-delà même de la Commission des biens culturels. Le point de vue du ministre là-dessus peut faire en sorte que vous puissiez vous réconcilier. La préoccupation, à mon avis, est là. Un jour ou l'autre, je me prends à rêver d'une institution d'archives qui soit au-dessus et qui donne le ton à toutes les institutions d'archives qui se trouvent dans le secteur privé ou public. Autrement, M. le ministre, je vais vous faire une prédiction - je suis historien, mais ces temps-ci je suis plutôt prophète; c'est notre métier de législateur qui fait de nous des prophètes - c'est que, si on adopte le projet de loi à peu près comme il est là, on va avoir beaucoup d'ordre, beaucoup de méthode pour les documents inactifs. Les historiens ne s'en plaindront pas trop, pour ceux qui sont là, parce que, pour le travail qu'ils peuvent faire, ce sont ces documents qui les intéressent, mais pour ceux qui les suivront et pour l'administration publique, il y aura un problème, parce qu'on va en venir, avec ce genre de loi... Je pense qu'on l'améliorera encore, mais, de toute façon, cela m'étonnerait qu'on puisse venir à bout de la résistance totale du Conseil du trésor. S'il restait...

M. Richard: Je suis plus optimiste. (17 h 15)

M. Vaugeois: Très bien. S'il restait une différence trop importante entre les documents actifs et semi-actifs, responsabilité de tel groupe, et les documents inactifs, responsabilité des archives des archivistes, à mon avis, on aurait plus de facilité dans l'administration publique à retrouver des documents du XVIIIe et du XIXe siècle. Ceux-là, on les retrouverait comme cela. On pourrait en tout cas les faire parler, etc., et on continuerait à chercher désespérément les documents de l'année en cours, les documents de l'année passée et les documents des dix dernières années. C'est cela, le drame de l'administration publique. C'est que, comme on n'a pas de solide politique de gestion documentaire, comme on n'a pas de solides règles de gestion documentaire, comme on a fait toutes les grandes réformes dans cet État québécois sauf la réforme de la gestion documentaire, c'est cela qui coûte cher, M. le député. Cela coûte les yeux de la tête, parce que les entrepôts débordent de documents qui sont tout croches, mal classés. Et, à un moment donné, on fait le ménage là-dedans au nom d'un seul principe, celui de l'espace dont on a besoin, l'espace qu'on veut récupérer. On brûle des choses qui ont de la valeur et on conserve des choses qui n'en ont pas. Et cela, ça coûte les yeux de la tête.

L'administration qui nous a précédés, comme celle qui est en place, a des cauchemars quotidiens avec des documents importants qui viennent d'être reçus, qui viennent d'être traités, dont on a à nouveau besoin et qu'on ne retrouve pas. Et je suis d'ailleurs assez inquiet pour les historiens qui vont suivre, parce que comme la masse documentaire est toujours plus grande, comme les règles de gestion documentaire sont de plus en plus floues et qu'il y a des chapelles un peu partout, je pense que vous n'insisterez jamais assez sur l'économie à réaliser et sur l'importance qu'il y a, au-delà de ce qui est matière historique, à faire en sorte que ce Québec - pourquoi pas par le biais de ce projet de loi - se donne une politique de gestion documentaire qui touche l'ensemble des documents. Cela ne veut pas dire que les archivistes vont vouloir rentrer dans le bureau du sous-ministre et gérer quotidiennement ses documents, mais il y a

des règles de gestion documentaire qui seraient fort utiles à l'État québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Trois-Rivières, de cet exposé. Je donne maintenant la parole à M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): On parle beaucoup de calendrier de conservation. Or, je présume qu'on devrait s'en remettre, à un moment donné, à un calendrier type. Je ne pense pas que tous les organismes aient les moyens de se bâtir un calendrier propre. Je voudrais savoir - cela m'intéresse, mais je ne sais pas au juste ce qu'on peut avoir - ce qu'est au juste et ce que cela comporterait, selon vous, un calendrier de conservation type. Il serait peut-être temps qu'on le sache. Pour moi, en tout cas. Je ne sais pas si les autres le savent.

M. Caya: Je vous avoue d'abord ma réticence devant le concept de calendrier de conservation type parce que toutes les administrations et tous les services, je l'espère, ont des fonctions différentes et, en conséquence, ils créent forcément des documents qui sont différents. Le modèle de calendrier de conservation s'inspire d'abord d'une liste des séries, des types différents de documents conservés par un service ou l'autre et statue, au moment où les documents sont à leur période active, sur leur période de conservation précisant combien de temps telle série de dossiers -par exemple, des lettres des citoyens relatives à la préparation du budget 1982 -sera conservée. Il statue sur la période de temps pendant laquelle ce matériel sera d'utilité courante, active, sur la préparation du budget qui est l'activité principale visée. Il statue également sur la période de temps pendant laquelle le matériel devrait être conservé durant la période semi-active, c'est-à-dire sur la durée de la période pendant laquelle ce matériel conserve une certaine valeur légale, fiscale, ou autre, ou simplement une valeur de référence, pour savoir, par exemple, si tel président de telle chambre de commerce répète le même mémoire depuis cinq ans, ou différentes choses comme cela. Et, finalement, on décide d'un moment où le document ou la série de documents devrait être, soit détruite, soit envoyée de façon permanente à un dépôt qui sera le dépôt des Archives nationales pour être conservée de façon permanente, si la série de documents a une valeur permanente. Il s'agit, en fin de compte, à partir d'une série de descriptions de ce que sont les dossiers, descriptions de leur contenu, de leur caractère, de décider à l'avance de ce qui va arriver plutôt que d'avoir à inspecter, une fois les entrepôts ou les classeurs remplis, tout le matériel et à décider de façon très rapide, parce que les espaces sont remplis, ce qu'on devrait faire des documents. Et, parce que la plupart des organismes conservent les mêmes fonctions et offrent les mêmes services de façon continue, il devient très facile de fixer ces calendriers de conservation, car les mêmes types de documents sont constamment créés, et même si les documents ne sont pas semblables, ils conservent des qualités qui sont semblables. C'est un petit peu dans tout ce processus d'analyse des documents qui est fait de façon régulière que des sommes d'énergie et d'argent importantes sont réalisées parce que, une fois que le calendrier de conservation est fait, il est habituellement fait pour une très longue période de temps. On n'a pas à réexaminer chacun des dossiers un par un. On peut les traiter par de grands ensembles. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. Merci à vous, monsieur. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions de la part des députés, je remercie les représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique française.

J'invite maintenant les représentants de la Commission professionnelle des secrétaires généraux. Non, ce n'est pas cela? Auparavant, nous entendrons les représentants du Centre d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill. Je m'excuse. Je les invite à prendre place à la table des invités. Je demande au représentant du Centre d'études canadiennes-françaises de l'Université McGill de bien vouloir s'identifier pour les fins du journal des Débats et ensuite de nous présenter le plus succinctement possible son exposé. Par la suite, nous inviterons les députés qui ont des renseignements supplémentaires à vous demander de bien vouloir le faire.

Centre d'études canadiennes-françaises

de l'Université McGill

M. Lamonde (Yvan): Mon nom est Yvan Lamonde. Je suis professeur d'histoire à l'Université McGill et directeur du Centre d'études canadiennes-françaises. Le mémoire que je soumets a reçu aussi l'appui du département d'histoire de l'Université McGill.

M. Richard: Seriez-vous assez gentil de vous déplacer un peu plus vers le centre?

M. Lamonde: Voilà.

M. Richard: Le député de Saint-Laurent trouve que vous étiez pas mal à gauche.

Moi, je trouvais que vous étiez à droite.

M. Lamonde: M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de l'Opposition, mesdames et messieurs les députés. Insistons, dès le début, pour reconnaître l'intérêt au double titre de simple citoyen et de professionnel de la présentation d'un tel projet de loi. Mon mémoire est relativement bref. J'aborderai quatre points, dont deux avec plus d'emphase.

Voyons d'abord, les effets de l'article 57 sur ce que, moi aussi, je considère le nouveau statut ou la nouvelle présence juridique des Archives nationales du Québec et, conséquemment, le nouveau pouvoir du ministre. Ensuite, je discuterai de la philosophie du chapitre IV sur les services agréés d'archives privées. Enfin, je poserai quelques questions à propos de la non-définition du terme "document" et à propos de la responsabilité en matière de documents semi-actifs et actifs. Les deux derniers points me paraissant plus secondaires, j'insisterai sur les deux premiers.

Les articles 57 et 58 me semblent avoir des conséquences décisives. À les lire, il me semble que ces articles amenuisent la présence juridique des Archives nationales et reconnaissent mal s'ils ne la disqualifient pas, une institution qui personnifie - cela me semble crucial - l'expertise professionnelle par excellence au niveau de l'État et du Québec. Je me demande pourquoi, si j'ai bien saisi à la lecture, on minimiserait des ressources qui sont là et une expertise qui vient à peine d'atteindre sa maturité.

L'article 57 me semble paradoxal parce que, l'an passé, une autre loi, la loi 65, créait, elle, une nouvelle institution. Or, on a l'impression que les Archives nationales du Québec en prennent un certain coup, si vous me permettez l'expression. Il me semble qu'il y a une diminution potentielle des responsabilités et des pouvoirs des ANQ et du conservateur qui me semble s'opérer au profit du ministre. Je suis conscient que le ministre est l'élu responsable devant l'Assemblée nationale, mais je crois que les Archives nationales devraient être une institution d'État et non de gouvernement.

Évidemment, en conséquence, et là je donne suite aussi au mémoire de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, il me semble que les Archives nationales du Québec devraient - un peu comme le donnent à entendre les propos de M. Vaugeois, le député de Trois-Rivières - garder toute la distance possible à l'égard du pouvoir politique. Tous les ministres des Affaires culturelles ne seront peut-être pas aussi exemplaires que l'actuel ministre.

Conséquemment, il faut mesurer les implications d'un tel service qui tombe plus manifestement, il me semble, sous la responsabilité du ministre.

Évidemment, la situation est un peu... Notre présence ici est modifiée à partir du moment où nous n'avons pas la réglementation et où nous apprenons que tout ce qui est implicite dans la loi va devenir magiquement explicite dans la réglementation. Nous nous permettons - en tout respect, soyez-en certains, M. le président et M. le ministre - de vouloir des garanties explicites quant à cette question de la délégation du pouvoir du ministre des Affaires culturelles vers le conservateur.

Notre impression, après avoir lu et relu le projet de loi, nous fait voir une perte de pouvoirs des Archives nationales au profit du ministre. Dans le cas des Archives nationales, dans le cas de documents d'information publique, il nous semble même risqué que cette délégation de pouvoirs ne soit pas accompagnée de clauses très claires montrant bien la non-tentation et la non-possibilité d'intervention du ministre dans le processus d'élimination ou de conservation des archives.

Il y a d'autres effets possibles. Alors, je veux donc vous dire que nous sommes devenus en position minoritaire parce que nous nous faisons dire depuis le début que nous avons tous mal lu le projet de loi; mais nous croyons tous - peut-être que ceux qui vont suivre aussi vont avoir le même sentiment - qu'il y a une perte de pouvoirs quelque part et on se fait dire: Ahl Non, non, ce n'est pas le cas, vous verrez.

La situation est un peu pipée. Nous lisons tous mal et nous devrions relire éventuellement la réglementation, s'il y a un tel débat public. Néanmoins, le plus positivement possible, cette question de distance des Archives nationales, cette mesure pour les situer au-dessus de la mêlée nous semble importante et le Québec pourrait donner l'exemple là-dessus et se doter d'Archives nationales au-dessus de la mêlée politique et sans possibilité d'intervention d'un ministre des Affaires culturelles qui disons, ne serait pas exemplaire.

D'autres effets inquiétants aux articles 56 et 58 me semblent déjà perceptibles dans le projet de loi lui-même. C'est qu'à aucun moment il ne semble que cette différence ou cette négligence face aux Archives nationales soit perceptible dans le projet de loi, car, partout - vous l'aurez noté - dans le texte du projet de loi, chaque fois que le ministre va chercher un avis - mais peut-être que cela encore est tellement implicite qu'il ne faut pas insister - il va le chercher, à notre connaissance, en dehors de l'expertise traditionnelle reconnue au Québec et ailleurs, il va la chercher à la Commission des biens culturels. (17 h 30)

Pourquoi le réflexe ne serait-il pas que, quand le ministre veut avoir un avis ou

quelque personne, il ait ce bon réflexe naturel de se souvenir que l'expertise, depuis maintenant plus de 60 ans, est aux Archives nationales et non à la Commission des biens culturels? J'aimerais bien savoir si c'est implicite, ce recours spontané, que le futur ministre exemplaire aura. J'aimerais avoir des garanties que ce processus implicite de délégation de pouvoirs sera effectivement là. Est-ce trop demander? J'espère que non.

En ce qui concerne le chapitre sur la régionalisation, c'est-à-dire l'agrément des services d'archives privées, le nouveau pouvoir du ministre, si tel est le cas, apparaît clairement en ce qui concerne les services agréés d'archives privées qui sont agréés par le ministre qui peut y faire déposer des archives publiques et qui les subventionne. Comprenez bien, notre seul souci, au-delà des gouvernements, est de minimiser au maximum, sinon d'empêcher que des corrélations se fassent entre le fait qu'on puisse subventionner et le fait de faire déposer des documents dans des services privés. Nous croyons que la philosophie du chapitre IV sur les archives privées devrait être explicitée par le ministre ou par le conservateur actuel. Nous y voyons pour notre part une volonté d'accessibilité maximale aux archives publiques et ce qui paraît être un complément à l'actuelle régionalisation des Archives nationales du Québec.

Sur cette volonté d'accessibilité, M. le ministre, nous voulons vous suivre et vous soutenir. Nous sommes sensibles à une accessibilité publique plus grande, à la consultation accrue et vraisemblablement à la cueillette plus dynamique d'archives grâce à ce processus de décentralisation. À titre d'exemple, certaines archives publiques du ministère des Pêcheries produites à Gaspé sont effectivement susceptibles de consultation dans la région; le seraient-elles au centre de Rimouski des Archives nationales ou dans un service agréé d'archives privées à Gaspé? Cette décentralisation plus forte soulève néanmoins des questions: celle de l'expertise, celle du financement. Comment la réglementation d'agrément - non encore connue au moment où j'écrivais, mais dont vous nous avez donné les trois critères oralement ce matin -garantira-t-elle - vous y avez fait allusion, je le reconnais - une expertise égale à celle des Archives nationales? Quels seront aussi les coûts de cette expertise, de l'aménagement sécuritaire de ces lieux privés de conservation publique? Le ministre qui peut octroyer des subventions à des services agréés d'archives privées espère sans doute une augmentation de son budget à ce poste. Mais nous formulons néanmoins une appréhension: cette fragmentation possible n'entravera-t-elle pas le financement des Archives nationales du Québec? Comment le ministre conçoit-il le futur budget des Archives nationales dans ce nouveau contexte où les enfants se multiplient? Nous nous demandons si c'est nécessaire de multiplier, au rythme où semble le laisser entendre le projet de loi, les services privés agréés. Il nous semble que dans l'état actuel des choses, les Archives nationales du Québec viennent à peine de compléter un processus de régionalisation avec l'ouverture du centre régional de Sept-Îles, il y a un an ou deux. La question que nous posons, c'est: est-ce que l'actuelle et nouvelle régionalisation est objectivement, noir sur blanc, discutable? Est-elle objectivement insatisfaisante? Et tout complément par des services agréés serait-il objectivement plus économique et plus fonctionnel? Il nous semble que les réponses à ces questions, si elles sont connues, devraient être facilement communiquées et nous convaincre de la pertinence de multiplier ces services agréés. Mais si les réponses ne sont pas connues - à savoir l'expérience de décentralisation est-elle assez vieille pour qu'on en fasse une évaluation valable? - si les réponses ne sont pas connues et si on rie peut pas dire très clairement que ce serait plus économique et plus fonctionnel de procéder avec une régionalisation poussée, qu'en est-il d'un projet de loi de cette sorte dans l'éventualité où on n'a pas les réponses à ces questions?

Alors, sur la définition des documents, je vous laisse lire le document, je ne veux pas éterniser le débat. C'est la même chose sur la question du semi-actif et de l'actif où je noterai tout simplement que l'expérience des Archives publiques du Canada donne à penser que la responsabilité des documents semi-actifs par les Archives nationales risquerait d'être tout aussi économique, sinon plus fonctionnelle et pourrait constituer un geste de confiance peut-être minimal à l'égard d'archives que l'on prétend et veut qualifier de nationales.

Quant à la question de l'expertise de la Commission des biens culturels pour laquelle j'ai beaucoup de respect dans son pouvoir de consultation, pourquoi les Archives nationales, elles-mêmes, ne seraient-elles pas cet organisme que le ministre consulterait spontanément plutôt que de créer une nouvelle commission - elle est déjà là la Commission des biens culturels - d'engager trois archivistes qui iront à la Commission des biens culturels, alors que les fameux leviers de commande sont déjà là? Pourquoi ne pas les prendre là où ils sont, c'est-à-dire aux Archives nationales du Québec? Bref, notre souci aura été d'obtenir les garanties les plus claires d'une démarcation entre le pouvoir politique et les Archives nationales, une reconnaissance du rôle des archives et du conservateur et aussi de poser la question de l'économie et de l'efficacité d'une

régionalisation plus poussée comme veut le faire le présent projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup.

M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie, M. Lamonde. Je pense que c'est une contribution importante, mais je voudrais encore une fois revenir sur le grand malentendu et vous référer à l'article 20 de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles, pas le projet de loi.

C'est le moment où on parle d'Archives nationales jusqu'à maintenant dans nos lois. C'est à l'article 20 qui est la loi constitutive du ministère des Affaires culturelles. Quand j'ai pris connaissance de cet article 20, je me suis rendu compte assez facilement que cela ne correspondait pas à la réalité des choses. L'article 20 dit: Les Archives nationales du Québec comprennent les documents de nature publique ou privée ainsi que les documents historiques que le conservateur acquiert ou qui sont confiés à sa garde, conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements adoptés en vertu de la présente section par le gouvernement. Ce n'est pas la description, je pense que vous allez le reconnaître, d'une institution qu'on fait là. On décrit les Archives nationales comme un regroupement de documents. Depuis lors, bien sûr que les Archives nationales, dans leur vécu, sont devenues de véritables institutions au point qu'elles ont pignon sur rue et que, finalement, tout le monde a été en quelque sorte induit en erreur au fil des ans. Le projet de loi dans l'article 57 que vous contestez, ce qu'il veut, c'est reconnaître enfin dans une loi que les fonctionnaires -c'est un article transitoire - sont des fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles. Alors on peut dire: Oui, il faut que ce soit au-dessus de la mêlée, comme le dit le député de Trois-Rivières, mais encore faudra-t-il toujours qu'il y ait une autorité compétente émanant de l'État puisque ce sera toujours, qu'on le veuille ou non, un organisme d'État. Si c'est un organisme d'Etat, il faut bien que cela soit rattaché à quelque ministère quelque part. À partir de là, quand on parle du ministre des Affaires culturelles, il faut toujours comprendre les Archives nationales. Ce sont précisément les Archives nationales qui vont aller consulter la Commission des biens culturels. C'est cela qu'il faut comprendre. Mais il faut toujours une autorité. On ne peut pas suspendre dans le vide l'institution qui est maintenant sous la forme d'une direction générale. La seule autre solution, j'y ai songé - d'ailleurs, encore là, il y aurait un ministre responsable, un ministre tuteur - cela aurait été de constituer un conseil d'administration, de former véritablement une corporation au sens du Code civil avec tous les droits... Oui, avec une régie, l'équivalent, par exemple, de la Place des Arts ou l'équivalent, par exemple, de ce qu'on veut faire avec les musées.

L'obstacle pour cette solution remarquez que je vais le proposer avec les musées qui deviennent des corporations autonomes relevant toujours, bien sûr, quand même, d'un ministre tuteur qui n'intervient pas dans le quotidien - en ce qui a trait aux archives et la raison pour laquelle je me suis arrêté dans cette voie, c'est que les archives sont appelées à intervenir dans l'ensemble des ministères; c'est le rôle même des Archives nationales de s'immiscer, en quelque sorte, dans l'ensemble et dans chacun des ministères. Je croyais que ce n'était pas la bonne solution d'avoir une corporation autonome qui se serait fait fermer les portes constamment dans les autres ministères. C'est pourquoi il n'y avait pas moyen d'envisager la possibilité d'avoir une corporation au sens du Code civil.

Ce qu'on fait, dans le projet de loi, c'est qu'on reconnaît enfin les Archives nationales. Chaque fois que vous voyez "le ministre", bien sûr, il a une responsabilité politique ultime, mais vous devez lire "les Archives nationales". Qui va aller consulter la Commission des biens culturels? Il est bien évident que cela ne sera pas le ministre qui ira consulter chaque fois la Commission des biens culturels, ce sont les Archives nationales, qui relèvent, bien sûr, ultimement, d'un ministre tuteur.

M. Lamonde: M. le ministre, peut-être avons-nous été gâtés par une situation idéale. Tout en comprenant qu'il faut bien qu'une institution de l'État relève, à quelque part dans l'organigramme, de l'État, nous avions été habitués à une réalité et a une perception d'un conservateur des Archives nationales à propos duquel il n'y avait aucune ambiguïté quant aux possibilités d'interférence politique. Il ne faut pas attacher le grelot démesurément, mais je pense qu'il est légitime de se garantir, en ce qui concerne la conservation de documents publics d'information, contre l'élimination de documents qui peut être potentiellement faite par le ministre; c'est important dans la vie démocratique. Pour nous, le conservateur, même s'il relevait dans l'organigramme du ministre, avait ce statut d'un homme indépendant du politique et, conséquemment, nous garantissant qu'il n'y aura pas d'élimination quelconque...

M. Richard: Mais, M. Lamonde, c'est là la confusion. Cela ne change rien, mais rien au statut du conservateur. Il demeure le directeur général d'une direction générale du

ministère, comme il l'a toujours été. Mais, que je sache, le ministre ne s'est jamais immiscé là-dedans. La preuve, d'ailleurs, vous la fournissez de façon on ne peut plus éloquente, vous dites: II n'y avait pas d'ambiguïté. Il n'y a pas davantage d'ambiguïté aujourd'hui, cela ne change rien. C'est une situation de fait, tout simplement, qu'on transpose dans la loi.

M. Lamonde: Mais comment...

M. Richard: Le directeur général des archives est un fonctionnaire. Il a toujours été un fonctionnaire du ministère des Affaires culturelles. La seule distinction est qu'il était nommé sous le grand sceau, mais les deux derniers n'ont pas été, m'a-t-on dit, nommés sous le grand sceau.

M. Marx: Est-ce que je pourrais poser seulement une petite question au ministre? Quelle serait la difficulté, par exemple, d'intégrer la section V, les Archives nationales, de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles, dans la loi actuelle, en faisant tous les changements nécessaires pour que cela soit intégré dans la nouvelle loi? Cela va de soi que le ministre aurait la responsabilité administrative comme il l'a aujourd'hui. Pourquoi pas... (17 h 45)

M. Richard: La seule chose, c'est que c'est moins conforme à la réalité, puisque les deux derniers conservateurs, me dit-on, n'ont pas été nommés sous le grand sceau.

M. Marx: On va les nommer sous le grand sceau et on va faire cela rétroactivement pour les deux, pour s'assurer qu'ils n'ont pas posé d'actes illégaux.

M. Richard: II y en a un qui est parti.

M. Marx: Pourquoi ne pas intégrer la section V de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles dans le nouveau projet de loi et faire les concordances nécessaires et tout le monde serait heureux?

M. Richard: Oui, mais cela donnerait quoi au juste?

M. Marx: Cela donnerait qu'on aurait un conservateur qui aurait des pouvoirs définis dans la loi, premièrement. Dans la section V, on définit un certain nombre des pouvoirs du conservateur. On parle, comme vous l'avez déjà dit aussi, implicitement d'une institution, les Archives nationales, et ainsi de suite. Et, si cela ne donne rien, donc cela ne va pas changer vos intentions...

M. Richard: Voilà, je vais ajouter des choses à des fins purement didactiques ou pédagogiques dans la loi. Le problème, c'est avec le comité de législation. Vous qui êtes juriste, vous savez que les juristes et que les légistes, surtout, n'aiment pas les choses inutiles dans les projets de loi.

M. Marx: Mais vous êtes le seul qui voit que cela ne change rien.

M. Richard: Je vais même convaincre...

M. Marx: Tout le monde pense qu'il y a quelque chose d'important. Vous êtes le seul à dire: On n'a rien changé dans le nouveau projet de loi. Et tout le monde voit qu'il y a quelque chose de changé.

M. Richard: Bien sûr, parce que... M. Marx: Vous êtes le seul à dire...

M. Richard: Bien sûr qu'il y a des choses qui ont changé. Il y a une reconnaissance des Archives nationales qui n'étaient pas reconnues autrement que par l'article 20. Regardez l'article 20 et vous allez voir que ce n'est pas la description d'une institution et encore moins d'une corporation au sens du Code civil.

M. Vaugeois: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: J'aurais une suggestion pour créer un emploi. Ce serait peut-être intéressant que M. le ministre commande une petite note - peut-être que lui, n'en aurait pas besoin, mais cela pourrait nous éclairer ainsi que certaines personnes qui se trouvent dans cette salle - une petite note pour retracer la naissance de ce service des archives, son évolution au cours des dernières années. Je ne suis pas sûr, mais je sais que, quand on a créé le ministère des Affaires culturelles, c'est un historien, Guy Frégault, qui a joué un rôle de premier plan dans cette création. Et cela a été le grand drame de Guy Frégault, comme un peu le mien d'ailleurs, de ne jamais avoir pu aboutir à une loi des archives. Or, Frégault, quand il a travaillé à la loi du ministère, avait la volonté, avec son ministre, d'aller rapidement à une loi des archives. Et j'aimerais cela -je ne veux pas m'avancer plus parce que le terrain est glissant - que quelqu'un dans vos effectifs, un historien en chômage s'il s'en trouve, ait cette commande pour nous éclairer sur ce qui s'est passé avant la création du ministère - parce que les archives ont presque un demi-siècle d'existence juridique avant l'existence du ministère - et depuis que le ministère existe. L'affaire qui a traîné le plus longtemps dans ce ministère, c'est très certainement un projet de loi des archives. Et là-dessus, M.

le ministre, je change de place et je me joins aux gens de cette salle pour vous encenser à l'infini de ce que, enfin, vous pouvez mettre sur cette table un projet des archives. Mais, maintenant que le projet est public, on va vous aider à lui donner cette saveur que vos collègues ne vous ont pas laissé le loisir d'y mettre. Ce qui pourrait nous éclairer, ce serait une note qui retracerait ce qui s'est passé.

M. Richard: C'était un service du Secrétariat de la province qui est devenu, au moment de la création du ministère des Affaires culturelles, un service du ministère des Affaires culturelles. À l'origine, encore une fois, c'était un service du Secrétariat de la province. Et là, M. le député de Trois-Rivières, on n'invente rien. Ce qu'on fait là, c'est exactement ce qui existe, par exemple, en France. J'en ai discuté longuement d'ailleurs avec l'archiviste qui avait été l'invité au congrès de l'Association des archivistes - l'archiviste français qui était inspecteur général, je crois. C'est exactement la même chose qu'ils ont en France, les Archives nationales étant un service du ministère de la Culture en France.

M. Vaugeois: M. le Président, je ne veux pas faire de débat...

M. Richard: Si vous voulez avoir un historique plus précis, je n'ai pas d'objection...

M. Vaugeois: C'est cela.

M. Richard: ...à demander aux Archives nationales de vérifier dans leurs archives pour voir si elles n'ont pas l'histoire complète des Archives nationales.

M. Marx: M. le ministre. M. Richard: Oui.

M. Marx: Dans la section V de la loi actuelle, on définit les pouvoirs du conservateur aux articles 19 à 26 ou à 27. Dans le projet de loi, les pouvoirs ne sont pas définis. C'est le ministre qui va les définir par la suite dans un règlement ou dans une directive ministérielle.

M. Richard: Bien oui. Bien sûr. Il y a un projet de règlement, mais je vous signale tout de suite l'article 21 qui est peut-être le plus important de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles. "Le conservateur peut, avec l'autorisation du ministre, acquérir à titre gratuit ou onéreux l'original ou la copie de tout document qui, à son avis, devrait être conservé". Vous voyez, c'est avec l'autorisation du ministre. Cela ne change rien. C'est toujours là.

M. Marx: Mais je pense que l'un des changements est le suivant: dans la loi actuelle, à la section V, les pouvoirs du conservateur, dans un certain sens, se trouvent définis; en vertu du projet de loi, ils seront délégués...

M. Richard: II va se retrouver dans...

M. Marx: ...par le ministre. Donc, une délégation qui pourrait changer sans passer par le biais de l'Assemblée nationale. Dans la section V de la loi actuelle, c'est inscrit. Le ministre ne peut pas, bien sûr, adopter un règlement pour modifier ce qu'il y a dans la loi. Je pense que c'est le fond de l'affaire. Ce qu'on demande, c'est que ce soit plutôt dans la loi que dans les règlements. Je pense que le ministre pourrait aménager son projet de loi pour incorporer cette idée.

Le Président (M. Blouin): Vous aviez un...

M. Richard: On va regarder cela attentivement.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Vous aviez un bref commentaire à ajouter?

M. Lamonde: Oui. Enfin, je vois que le message s'est bien rendu et qu'il semble y avoir une volonté de tenir compte de ce souci de garantir l'étanchéité, non pas des pouvoirs mais des interventions possibles du ministre dans la Loi sur les archives et de donner toute son ampleur impartiale et non partisane au conservateur des Archives nationales.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Lamonde, je suis vraiment heureux de vous avoir encore entendu parler des Archives nationales parce que je crois que, pour tout le monde - et c'est vrai -cela nous cause vraiment un choc de voir une institution de prestige comme celle-là devenir une simple officine du Parlement et du ministère.

Une voix: Du Parlement?

M. Hains: Du ministère. Excusez-moi. C'est presque lui faire un peu le même sort qu'on avait fait autrefois à la statue de Duplessis, qu'on avait mise dans un placard. Pour moi c'est le contraire, car j'aurais aimé, dans ce projet, qu'on mette vraiment nos Archives nationales sur un piédestal prestigieux et même sur la colline parlementaire. Ici, je m'adresse à M. Garon, qui est ici et qui est notre conservateur, je

crois. C'est cela. Je ne m'abuse pas. Il est assis là silencieusement et humblement. J'aurais vraiment aimé avoir ses commentaires sur ce sujet, étant donné que nous avons eu déjà, lors de la commission sur le cinéma, une longue intervention du président de l'Institut du cinéma. Quant à moi, je vous félicite, M. Lamonde, de votre brève intervention qui a soulevé de très longues interventions de la part du ministre, et avec raison. Je crois que cela demeure un point très important du projet de loi no 3. Je vous remercie au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Au nom de tous les membres de cette commission, je remercie M. Lamonde, le représentant du Centre d'études canadiennes-françaises de l'université McGill. Sur ce, la commission élue permanente des affaires culturelles suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise de la séance à 20 h 23)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaîti

La commission permanente des affaires culturelles reprend ses travaux. Il y a une petite modification à l'ordre du jour. Le Service des archives du séminaire de Sherbrooke a dû quitter et son mémoire sera déposé seulement. Il en sera ainsi du Conseil de la culture de l'Estrie, mémoire pour dépôt seulement.

Nous allons entendre tout d'abord la Commission scolaire Saint-Jérôme. Il y a quelques petites modifications qui ont été négociées dans l'ordre des autres intervenants. Il y aura la ville de Montréal, l'Association des anglophones de l'Estrie, la Communauté urbaine de Montréal puis nous reprenons la suite, la ville de Québec et tous les autres dans l'ordre.

Je demanderais au porte-parole de la Commission scolaire Saint-Jérôme de s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Commission scolaire Saint-Jérôme

M. Cyr (Raymond): Mon nom est

Raymond Cyr, président du conseil; m'accompagnent Mme Louise Paradis, biblio-technicienne à la commission scolaire et M. Raymond Courtemanche, le secrétaire général de la commission.

Le Président (M. Brouillet): Avant que vous poursuiviez, j'aimerais peut-être rappeler certaines lignes de conduite que nous allons nous imposer, étant donné le temps relativement restreint qui nous reste et le nombre de mémoires que nous aimerions entendre ce soir. Je demanderais au porte-parole d'essayer de synthétiser le plus possible vu que chacun a pris connaissance du texte dans son intégralité. Je demanderais aussi aux membres de la commission d'être sobres et brefs dans leurs questions et commentaires. M. Cyr.

M. Cyr: Merci, M. le Président, M. le ministre, M. le responsable de l'Opposition, MM. les députés. Je vais vous lire l'introduction, par la suite on référera aux articles.

Pour nous, la nécessité de la loi 3, la Loi sur les archives, ne fait pas de doute. Cette loi va obliger chaque organisme à mettre en valeur son patrimoine, parce que les archives révèlent une partie importante de la vie culturelle et sociale de ceux et celles qui nous ont précédés.

Cette loi va permettre la protection des archives publiques et privées; elle va permettre de sauver du temps et de l'argent aux organismes parce que les documents actifs et semi-actifs seront bien classés et codifiés, rendant plus facile leur accès. Cette loi va permettra de réduire les espaces occupés par les documents; elle sera aussi un appui pour les gestionnaires travaillant en gestion documentaire. Nous suggérons, cependant, plusieurs corrections ou modifications à ce projet de loi.

Nous croyons que la loi devrait établir de façon claire et formelle qui est le propriétaire des documents actifs, semi-actifs et les archives. Est-ce le ministre? Est-ce l'organisme public?

Nous croyons que la notion de propriété des documents apporte une vision totalement différente dans la conception de la loi selon que la propriété des documents revient au ministre ou à la Commission scolaire Saint-Jérôme, dans le cas présent.

Voici les suggestions que nous vous faisons pour améliorer le projet de loi no 3, intitulé Loi sur les archives, présenté par M. le ministre Clément Richard. On va juste référer aux articles et on va le faire conjointement avec M. Courtemanche.

Au sens de la présente loi, chapitre II article 5, les suggestions qu'on veut vous faire sont...

M. Courtemanche (Raymond): Les deux définitions que le projet de loi comporte nous semblent trop vagues et nous suggérons les trois définitions suivantes. Les trois définitions ont été axées autour des mots "actif" "semi-actif" "inactif". C'est donc la fréquence de consultation qui est le thème des trois définitions.

Pour nous, un document actif est un document nécessaire à l'administration courante de l'entreprise dont la fréquence de consultation justifie sa conservation au

bureau (plus d'une fois par mois).

Un document semi-actif est un document utile à l'administration dont la fréquence de consultation ne justifie pas sa conservation dans les bureaux (moins d'une fois par mois ou occasionnelle). Pour nous, cela est dans un local spécial avec accès deux fois par jour.

Un document inactif est un document ne présentant plus un intérêt administratif immédiat mais dont la valeur secondaire, soit historique, soit administrative, justifie sa conservation. Il est peu ou pas consulté.

M. Cyr: Au chapitre II, article 6, la question qu'on se pose est: Est-ce que les documents produits par le service audiovisuel (photos, posters, diapositives, rubans, films) pour l'enseignement sont compris dans cet article?

M. Courtemanche: Sur ce point, on attire votre attention M. le Président car si c'est le cas - et probablement que ce sera le cas - tous les documents produits par les écoles constituent une masse importante de documents. Inévitablement la conservation des archives va exiger des locaux et ces locaux doivent répondre à certains standards: un local ignifuge avec une température et une humidité contrôlées. A-t-on prévu dans les règlements un budget pour le coût de ces installations?

M. Cyr: Chapitre II, article 8. Pourquoi soumettre à l'approbation du ministre le calendrier de conservation et chacune des modifications? N'est-ce pas un contrôle inutile? N'est-ce pas inutilement trop lourd? Le ministre a-t-il un délai précis pour répondre?

M. Courtemanche: Nous suggérons que le ministre s'en tienne à l'article 6 qui dit: "tout organisme doit établir et tenir à jour un calendrier de conservation...". Tout au plus, nous pensons que le ministre pourrait exiger de l'organisme une lettre certifiant que le calendrier est établi et tenu à jour. Si l'article est maintenu tel quel, nous suggérons que le ministre s'oblige à donner une réponse dans un délai fixé, par exemple 30 jours, sinon le calendrier est considéré comme étant approuvé parce que sans cela il faudrait garder trop de documents en attente et attendre trop de décisions administratives.

Les organismes ont un an pour établir leur calendrier si on réfère à l'article 60. Nous pensons que ce délai est trop court. Il serait raisonnable d'accorder un délai plus long, par exemple trois ans, quatre ans ou cinq ans. Il s'agirait d'aller dans le sens de l'échéancier proposé pour l'application de la loi 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. Cyr: Au chapitre II, article 10, premier paragraphe. Comment contrôler l'application de cet article lorsqu'une personne démissionne? Est-ce l'individu qui fractionne le fonds des archives ou la commission scolaire qui est passible d'amende de 300 $ à 3000 $?

Au chapitre III, article 13. La commission scolaire a organisé ses archives de 1864 à 1971. Actuellement, elle organise le classement uniforme de documents actifs. Les règles qu'entend publier le ministre vont-elles bouleverser ces organisations? Nous pensons que les futures règles devraient s'appliquer aux organismes qui n'ont pas encore commencé à organiser leurs archives. (20 h 30)

Au chapitre III de l'article 14, la question qui se pose: Est-ce que ces archives seront organisées avec leur dépôt auprès de l'organisme public ou est-ce l'organisme public qui devra organiser ces archives et qui en paiera les coûts?

Le chapitre III à l'article 21, pourquoi faut-il demander l'autorisation du ministre pour éliminer des archives publiques que l'organisme estime irrémédiablement détériorées?

M. Courtemanche: M. le Président, nous pensons que la Commission scolaire Saint-Jérôme a des gens suffisamment compétents et responsables et qui ont assez de jugement pour procéder sans autorisation du ministre. Nous pensons que le ministre pourrait jouer un rôle de consultant sur la restauration en cas de désastre. En fait, cet article ne pose-t-il pas la question de savoir qui est propriétaire des archives? La suggestion que nous voulons faire au ministre, est que nous pensons que le ministre doit indiquer très clairement à qui appartiennent les archives publiques d'un organisme. Nous croyons que les archives publiques de la Commission scolaire Saint-Jérôme appartiennent à la Commission scolaire Saint-Jérôme. C'est la commission scolaire qui a créé ces archives ou qui en a hérité. Ce sont les diverses administrations qui les ont accumulées et qui les ont conversées jusqu'à nos jours. C'est l'administration actuelle qui les a protégées, restaurées, classifiées, codifiées, indexées et rendues accessibles. C'est grâce au sens des responsabilités de la Commission scolaire Saint-Jérôme si les archives sont dans l'état actuel d'accessibilité. La motivation des commissaires et de ses employés à garder et à prendre soin de ces archives est très forte. Il faut continuer à maintenir cette motivation. Nous croyons que cela ne serait plus le cas si ces archives devenaient les archives du ministre des Affaires culturelles.

Nous croyons que le ministre a intérêt à développer et à maintenir le sentiment d'appartenance des organismes à l'égard des archives publiques. Cela constituerait un bon

placement pour lui en ressources humaines, matérielles et financières.

M. Cyr: Pourquoi faut-il obtenir la permission du ministre pour éliminer les archives publiques dont la conservation ne présente plus d'intérêt historique? C'est une référence au deuxième paragraphe.

M. Courtemanche: Nous croyons que cette question pourrait être réglée par les articles 6 et 7 du chapitre II qui dit que l'organisme public doit établir un calendrier de conservation des documents actifs, semi-actifs et des archives. Rendu à la date d'expiration indiquée au calendrier, un document est détruit.

M. Cyr: Chapitre III, article 22. Est-ce à l'organisme à faire des recherches pour savoir si une personne est morte avant de divulguer des renseignements la concernant?

M. Courtemanche: Nous croyons que c'est au demandeur de faire la preuve qu'une personne est morte pour avoir accès à des documents contenant des renseignements nominatifs relatifs à cette personne.

M. Cyr: En plus de faire une loi, le ministre des Affaires culturelles veut élaborer une politique de gestion des archives publiques. Il veut coordonner la mise en oeuvre de cette politique et en surveiller l'application. Nous croyons que le ministre se donne un pouvoir excessif. La Commission scolaire Saint-Jérôme deviendrait un exécutant du ministère des Affaires culturelles. Nous croyons que le ministre devrait plutôt exiger que les organismes publics se donnent une politique de gestion des archives publiques, des règles et des procédures.

Nous croyons que le ministre devrait plutôt faire appel au sens des responsabilités des organismes publics et à la motivation des organismes publics pour la conservation de leurs archives et de leur patrimoine. À la limite, dans le cas d'un organisme qui ne se dote pas d'une politique de gestion documentaire, le ministre pourrait maintenir le texte de l'article 38, paragraphe 1.

Nous croyons que le ministre devrait plutôt s'attacher à créer un réseau de partenaires entre lui et les organismes publics, qu'il devrait plutôt exercer avec ardeur et dynamisme le rôle qu'il se donne au paragraphe 2 de l'article 38.

Chapitre VI, section I, article 41, paragraphe 1. Ne faudrait-il pas que la loi indique que l'organisme se nomme un répondant?

M. Courtemanche: Nous suggérons que l'organisme se nomme un répondant par règlement de délégation de pouvoirs.

M. Cyr: Au chapitre VI, section I, article 41, paragraphes 4 et 5. La loi ne devrait-elle pas indiquer que c'est aux frais du ministre? Il faut se poser la question: "Le ministre peut acquérir des archives, ou des copies, ou reproduire des archives", la question ne devrait-elle pas indiquer que c'est aux frais du ministre? À qui ces frais vont-ils incomber?

Le chapitre VI, section I, article 43, s'agit-il d'une personne ou d'un titulaire d'un emploi dans l'organisme?

M. Courtemanche: Si oui, nous suggérons d'ajouter les mots "dans l'organisme" après le mot "emploi". Le ministre a ici l'occasion d'avoir un répondant par organisme ou de voir à ce que l'organisme se nomme un répondant par règlement de délégation de pouvoir.

M. Cyn On se pose la question à savoir s'il s'agit d'un enquêteur.

M. Courtemanche: Nous suggérons que le texte indique que, dans les cas spéciaux, le ministre nomme un enquêteur qui a tel pouvoir délégué par le ministre que lui confère la présente loi.

M. Cyr: En conclusion, nous désirons vous rappeler notre accord à la nécessité de cette loi. Il est fondamental, cependant, que le ministre modifie la loi en partant des quatre paramètres suivants: Du principe que les documents actifs, semi-actifs et les archives appartiennent aux organismes publics, en l'occurrence, à la commission scolaire. Seulement dans le cas particulier d'exception, le ministre est propriétaire; deuxièmement, de la motivation des organismes publics à garder, prendre soin et mettre en valeur leurs archives; dans un troisième temps, d'un rôle d'aide et de conseil de la part du ministre à l'égard des organismes; quatrièmement, du désir du ministre de créer un réseau de partenaires avec les organismes publics - en l'occurence, la Commission scolaire Saint-Jérôme - qui sont des entités autonomes, responsables, dotées de personnels compétents et soucieux de bien administrer leurs documents et de mettre en valeur leur patrimoine.

On a essayé de le faire le plus rapidement possible, M. le Président. Vous nous permettrez, quelquefois... Cela s'enchaîne mal, mais compte tenu que vous aviez déjà pris connaissance du dossier.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais remercier madame et messieurs de leur intervention qui a été, je pense, à certains égards, très pertinente. Je voudrais leur dire qu'on

tiendra bonne note de ces observations au moment de la rédaction finale du projet de loi.

Il y a une chose au sujet de laquelle je voudrais les rassurer immédiatement, c'est que quand les Archives nationales vont acquérir des archives, ce sera aux frais du ministère, pas du ministre personnellement, toutefois.

M. Cyr: M. le Président, il faut comprendre que notre document est peut-être moins technique, mais qu'il est beaucoup plus pratique. Une commission scolaire de l'ordre de la Commission scolaire Saint-Jérôme, avec 12 000 élèves, a jusqu'à maintenant consacré 600 000 $ aux archives. On ne les a pas traitées jusqu'à maintenant. On est seulement rendu en 1971 avec nos archives. Vous comprendrez que dans une projet de loi de cette importance, on est soucieux de savoir si on aura des fonds pour nous supporter dans la continuation et dans les exigences de la future loi.

M. Richard: M. le Président, je voudrais rassurer les intervenants sur deux choses. D'abord, nous estimons que la loi, une fois adoptée, aura pour effet de faire économiser des sommes importantes aux commissions scolaires. Deuxièmement, en ce qui a trait à la propriété des archives, il me semble que la loi est très claire là-dessus: elles demeurent la propriété des organismes parapublics. Il n'a jamais été dans l'intention du législateur de devenir propriétaire des archives qui appartiennent à des organismes tels que les municipalités ou les commissions scolaires. Là-dessus, vous n'avez pas à entretenir ou à nourrir d'inquiétudes.

Encore une fois - j'insiste là-dessus -c'est que nous pensons que, à tort ou à raison, ce projet de loi aura pour effet de faire économiser à moyen terme des sommes importantes à l'ensemble des administrations publiques et parapubliques.

Le Président (M. Brouillet): M. Courte-manche.

M. Courtemanche: M. le Président, ce que je voudrais signaler, c'est qu'il est exact que, une fois qu'on a mis de l'ordre dans nos archives, qu'on s'est donné un système de gestion documentaire bien organisé, c'est très juste et très exact de dire que c'est économique pour une administration publique d'avoir accès à ces documents et de répondre rapidement aux besoins de l'administration. Sauf que, pour faire cela, cela coûte cher et c'est très long. Nous, on a un vécu là-dessus. En fait, cela fait six ans qu'on fait de la gestion documentaire sur le bras de la commission scolaire. On a mis deux employés à temps plein dans ce dossier. Deuxièmement, on a demandé de l'aide à notre gouvernement, sans possibilité pour le moment. C'est grâce à trois subventions du fédéral de 250 000 $ qu'on a pu indexer nos archives, classifier et nettoyer tout cela, de 1864 à 1972. Ce que je veux dire, c'est que cela a coûté cher, que cela a été long, laborieux. Cela n'est pas facile. Aujourd'hui, on est fiers. Tous les organismes qui vont avoir à faire ce cheminement devront vivre le même genre de problèmes que nous. Et ce que je voulais signaler au ministre dans cet article-là, c'est que cela va coûter cher. Une fois que c'est fait, cela va bien, mais pour s'y rendre, c'est une autre paire de manches.

M. Richard: M. le Président, nous n'avons plus qu'à nous féliciter de constater que le travail a été fait et que, pour une fois, le gouvernement fédéral aura été éminemment utile à la communauté de Saint-Jérôme. Je suis le premier à m'en féliciter.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Oui. M. Cyr, j'ai vraiment bien aimé votre présentation. Après un copieux souper comme celui qu'on vient de prendre, vous nous avez ramené au dessert du jour, les archives. On voit que vous côtoyez des professeurs qui ont le sens de la pédagogie et, en même temps, un sens pratique. Je suis tout heureux de voir que, pour avoir du secours, vous avez frappé à la bonne porte. Votre dialogue avec M. Courte-manche...

M. Richard: Vous aussi, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je suis ce que je suis et je m'en félicite. Votre dialogue avec M. Courtemanche nous a vivement intéressés. Je vous félicite vraiment pour votre mémoire qui est succinct et pour votre belle présentation. Quant aux questions, je vais laisser la parole, si M. le Président le permet, à mon collègue de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voulais revenir sur la question de propriété. Je me suis posé la question à savoir qui était propriétaire de ces archives? Évidemment, l'article 12, à mon sens, est très clair. Les organismes qui sont régis par l'article 12, je pense que quand on dit "remettre", cela veut dire qu'à ce moment-là, on est sûr que le ministère va être propriétaire. On s'entend là-dessus pour l'article 12, "remettre au ministre les documents". À l'article 4, on dit: Dans la présente loi, la remise d'un document en transfère la propriété.

En ce qui concerne l'article 13, on n'en parle pas. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, pour éviter toute ambiguïté, qu'on établisse très clairement, en ce qui concerne les

organismes mentionnés aux paragraphes 4 à 7, qu'ils vont retenir la propriété, en fait? Ce n'est pas dit, évidemment. Ils ont des obligations...

M. Richard: M. le Président, cela me paraît assez évident, mais je n'ai pas la moindre objection à l'ajouter, si cela doit avoir pour effet de rendre le texte plus clair.

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci. À l'article 12, on dit bien "remettre au ministre", alors qu'à l'article 13, on n'en fait pas état parce qu'on dit "conserve".

M. Richard: C'est parce qu'on tient pour acquis qu'on n'exproprie pas. L'expropriation étant toujours une mesure d'exception, elle doit être mentionnée de façon très expresse, très explicite. Et comme on n'exproprie pas, on n'a pas songé à l'indiquer.

Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions.

M. Richard: Merci, madame et messieurs.

M. Cyr: On vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter un mémoire.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

Nous allons entendre maintenant les représentants de la ville de Montréal. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. (20 h 45)

Ville de Montréal

M. Lorange (Pierre): Mon nom est Pierre Lorange. Je suis vice-président du comité exécutif de la ville de Montréal. À ma droite immédiate, M. Henri Gérin-Lajoie, l'administrateur de l'information administrative et des dossiers; à ma gauche immédiate, Me Neuville Lacroix, assistant-directeur du contentieux de la ville de Montréal; à sa gauche immédiate, Me Richard Verdon, du contentieux; à la gauche de Me Verdon, M. Jacques Panneton, qui est au Service des activités culturelles de la ville de Montréal.

Avant de vous adresser quelques mots, j'ai ici des copies. Si le président veut les distribuer. Il s'agit de quelques notes d'introduction du mémoire de la ville de Montréal.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire. Par le projet de loi no 3 soumis à l'étude de cette commission on invite entre autres les organismes publics, dont la ville de Montréal, à prendre les moyens appropriés pour assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques. Si nous souscrivons d'emblée à de tels objectifs nous émettons toutefois certaines réserves à l'égard des mécanismes envisagés par le projet de loi pour assurer la réalisation de la fin visée par le législateur.

Tout au long de ce projet de loi on semble confondre la nature d'un document avec son utilisation; l'emploi des expressions "documents actifs", "semi-actifs" et "inactifs" réfère davantage à un système de gestion de documents qui relève de la régie interne d'un organisme plutôt que de la conservation d'un document représentant un certain intérêt historique.

Nous ne croyons pas nécessaire de mettre en oeuvre un système administratif complexe et coûteux pour atteindre les objectifs envisagés par le gouvernement.

Ou bien un document a un caractère historique ou bien il n'en a pas. Le fait qu'il soit actif, semi-actif ou inactif n'a aucune pertinence avec la nature du document. C'est pourquoi nous soumettons qu'il n'est pas utile de procéder à l'établissement d'un calendrier de conservation de documents actifs, semi-actifs ou inactifs. Ce qui importe c'est de s'assurer qu'un document qui représente selon nous un intérêt historique puisse être conservé soit dans son état original, soit par un procédé de reproduction approprié. Comme le mot "document" n'est aucunement défini dans la loi et qu'il n'existe aucun paramètre permettant de préciser ce qu'est un document inactif présentant un caractère historique, il nous semble indispensable que le ministre énonce des critères à cet égard par voie réglementaire.

L'autre moyen envisagé que nous avons indiqué dans notre mémoire serait de demander aux organismes publics de soumettre au ministre, dans un délai d'un an sujet à extension, la liste de leurs critères. Une fois cet exercice accompli la loi pourrait prévoir que les organismes fournissent dans un délai de cinq ans la liste de leurs documents présentant un intérêt historique, le ministre pouvant toujours, après entente, accorder un délai additionnel.

Pourquoi une telle période? Parce qu'à notre avis il faut éviter que ces mesures n'engendrent un nouveau fardeau fiscal pour le contribuable.

De plus, suite à l'inventaire des documents qui représente un travail important face à la masse des dossiers entreposés à la ville, l'évaluation de ces derniers nous oblige à recourir au service d'un personnel expérimenté et qualifié qui n'est pas toujours disponible.

Il ne faut pas oublier que dans cette période de crise économique l'action

prioritaire des gouvernements est d'abord orientée vers la relance économique et les énergies du personnel en place sont canalisées vers la réalisation d'un tel objectif. Ceci ne signifie pas pour autant que l'on ne doive pas se soucier de la protection du patrimoine historique. À ce sujet, rien ne s'oppose à ce que l'on étale davantage dans le temps la mise en oeuvre du processus de conservation, de mise en valeur et de diffusion des archives publiques. Bien au contraire, on pourra éviter ainsi de créer des remous au niveau des structures administratives, des coûts et du personnel requis.

En mars 1982, la ville de Montréal a établi une politique de gestion des documents échelonnée sur une période de cinq ans en vue, premièrement, de rationaliser les espaces dans le domaine de l'occupation des bâtiments; deuxièmement, de réduire la masse des documents et, troisièmement, d'accélérer le repérage d'informations administratives par une manutention réduite de documents. Or l'établissement du calendrier de conservation que veut imposer le projet de loi peut avoir pour effet de retarder indûment cette politique en obligeant les 26 services et organismes de la ville à se concentrer sur le repérage et l'évaluation des documents représentant un intérêt historique et ce, dans un délai très court. Qu'il suffise de mentionner, pour se rendre compte de l'ampleur du problème, que les 26 services et organismes municipaux ont produit au cours de l'année 1981 les documents suivants: En photocopies, au-delà de 15 000 000 de feuilles; en impressions de toutes sortes, 32 500 000 feuilles; aux ateliers, travaux publics, 5 000 000 de feuilles; dans les rapports, service d'informatique, 30 000 000 de feuilles et dans les ateliers, les plans, aux travaux publics, 263 000.

Le projet de loi tel que soumis non seulement semble une intervention injustifiée dans la gestion des documents d'un organisme administratif mais encore il peut avoir pour effet de paralyser l'implantation d'une politique de gestion de documents par l'organisme administratif; surtout que le gouvernement peut, par règlement, déterminer les normes et conditions de gestion, de conservation, d'élimination de documents ou d'archives, lesquelles pourraient se révéler incompatibles avec celles de l'organisme public. Il pourrait en résulter la création de deux systèmes de gestion de documents fonctionnant en parallèle. Nous sommes tout à fait disposés, en collaboration avec le ministre et les membres de cette commission, à rechercher des avenues qui, tout en respectant l'objectif légitime du gouvernement, n'aient pas pour effet de pénaliser en coût, en matériel et en personnel les organismes administratifs.

Dans le cadre de l'entente du Vieux-Montréal entre le ministre et la ville de Montréal, nous avons déjà obtenu des résultats tangibles grâce à la coopération des deux gouvernements. Ce que nous visons principalement à obtenir c'est que le projet de loi établisse des mécanismes souples, qu'il précise davantage la portée et la nature des documents à conserver et qu'il permette l'élimination de documents tout en assurant leur reproduction; qu'il prévoie dans les plus brefs délais la mise en place d'une réglementation respectant ces objectifs et qu'il n'impose pas de contraintes inutiles aux organismes publics.

Nous avons exposé dans notre mémoire certains éléments de solution et certains correctifs à apporter au projet de loi. Nous n'entendons pas les reprendre un à un ici mais nous devons de nouveau attirer l'attention de la commission sur les conséquences néfastes de l'article 34 du projet de loi.

Nous vous remercions, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, de votre bienveillante attention et nous sommes disponibles pour répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, monsieur. Alors la parole est au ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Lorange et ses collaborateurs pour avoir tenu à se déplacer pour faire entendre leur point de vue. Ceci étant dit j'aurais quand même quelques questions à poser à M. Lorange.

M. Lorange, est-ce que la ville de Montréal n'a pas déjà ses trois catégories de documents, c'est-à-dire documents inactifs, semi-actifs et actifs?

M. Lorange: Si vous voulez, je vais demander à M. Henri Lajoie, qui a la charge de la documentation et du centre des archives, de vous donner la réponse exacte.

M. Gérin-Lajoie (Henri): II est évident que dans tout organisme on possède toujours des documents actifs, semi-actifs et inactifs. Mais la forme que la ville a choisie, dans ses interventions depuis 1966, cela a été de répondre aux demandes des différents services. Le greffier de la ville a la conservation des documents officiels. Le fonds d'archives de la ville va jusqu'à 1796 au niveau des procès-verbaux, jusqu'à 1833 au niveau des règlements. Tous les documents inhérents aux décisions du conseil, des diverses commissions sont conservés par la division des archives.

Les interventions de la ville se sont dirigées vers les besoins des services pour leurs documents administratifs depuis 1966. En 1981 on a proposé un énoncé de politique

pour la gestion, c'est-à-dire une étape suivante où on aura l'inventaire et l'évaluation des autres documents. Cela ressemble beaucoup à ce qui est mentionné dans la loi mais comme on le disait, c'est conforme au rythme de la ville. On ne connaît pas évidemment la réglementation prévue par le projet de loi qui pourrait être compatible, mais qui pourrait aussi être différente.

M. Richard: M. le Président, c'est ce que je voulais indiquer par ma question. Finalement, les catégories proposées par le projet de loi sont des catégories universelles qu'on retrouve même au sein de l'administration de la ville de Montréal. On ne bouscule donc pas - si je peux me permettre l'expression - l'administration de la ville de Montréal puisque déjà, elle retient les mêmes catégories. Quant au délai pour le calendrier, sans doute a-t-on involontairement oublié les dispositions de l'article 60 qui permettent justement de prolonger le délai. Dans ces conditions, je vois mal pourquoi la ville de Montréal qui doit et est un modèle à cet égard devrait s'opposer à ce que tout le monde réclame, tous ceux qui s'y connaissent en la matière réclament, c'est-à-dire d'avoir ces trois catégories de documents: actifs, semi-actifs et inactifs.

Puisqu'il y a une extension du délai qui est prévue par l'article 60, cela répond tout à fait au desiderata de la ville de Montréal qui demande d'avoir une politique souple.

M. Lorange: Tout dépend, M. le ministre, de l'interprétation que vous ferez et que la ville de Montréal fera également des documents actifs, inactifs ou semi-actifs. C'est là où il peut se produire une situation où la ville serait appelée à accumuler des tas de documents absolument inutilement dans ses espaces de rangement. Quant à l'article 60, je demanderais peut-être à mon collègue de gauche d'en faire une évaluation. Selon notre évaluation, il s'agit ici d'un article qui dépend de la bonne volonté du ministre. Nous savons qu'il est réceptif aux bonnes négociations, mais il me semble que l'article est clair et qu'il donne un an à un organisme "ou à une date postérieure fixée par entente avec le ministre".

M. Lacroix (Neuville): Si vous me le permettez, M. le ministre, d'ajouter à ce que M. Lorange a dit, c'est que dans votre projet de loi vous énoncez à l'article 2 ce qui est censé être une définition. Vous dites: "Sont des archives publiques:" et là vous commencez en disant: "les documents inactifs présentant un intérêt historique..." À l'esprit du projet de loi, il nous apparaît que l'intention du ministre est d'assurer la conservation de documents qui ont un caractère historique ou potentiellement historique. Vous incluez par la suite dans le projet de loi des notions qui ne nous semblent pas conformes à ce qui doit être la conservation ou la préservation de documents historiques. Le fait qu'on qualifie, au niveau d'une administration, d'actif, semi-actif ou inactif pour des fins purement administratives n'a pas de rapport en soi avec le fait que le document présente un caractère historique ou non. Il peut représenter ou ne pas représenter; qu'il soit actif, semi-actif ou inactif n'a aucune importance en soi. L'importance est qu'il ait un intérêt historique. (21 heures)

J'attire l'attention du ministre particulièrement sur l'article 7. Quand vous dites qu'on a déjà une politique de gestion de documents, c'est exact, mais à l'intérieur du cadre de l'article 7, vous imposez d'identifier les séries de documents qui seront des archives publiques parmi tous les documents actifs, inactifs et semi-actifs que vous définissez dans votre projet de loi. C'est cela qui nous apparaît imposer aux organismes publics en somme dans un délai qui est très court, un an, de faire cet exercice, de classifier d'abord des documents actifs, semi-actifs ou inactifs à l'intérieur pour les fins de l'administration qui sont celles de la ville de Montréal. Cela peut être une autre fin pour un autre organisme, mais ce qui est important, c'est de déterminer l'intention du législateur, c'est de conserver le patrimoine. Pour conserver le patrimoine, il faut identifier les documents anciens. Je suis d'accord qu'on fasse le repérage et qu'on établisse la liste, mais ce qu'on veut savoir, pour les fins du Québec, c'est où, dans les organismes publics, se trouvent des documents qui représentent un intérêt historique et qu'on puisse les conserver pour la postérité. C'est cela l'exercice, finalement.

Qu'on fasse des distinctions actives, semi-actives ou inactives, je pense qu'on se livre à des exercices qui sont un peu éphémères ou inutiles, parce que le document est actif à un moment donné, il devient semi-actif, il est inactif et redevient actif. Alors, dans la définition que vous donnez, le document inactif, s'il redevient actif, ce n'est plus une archive publique. Enfin, ce sont toutes ces notions-là qu'on trouve et qui n'ont pas de nécessité dans le projet de loi.

M. Richard: M. le Président, je voudrais tout de même préciser que le projet de loi ne vise pas à obliger les organismes ou quiconque à garder des documents que j'appellerais, pour les fins de mon propos, inutiles. C'est exactement le contraire, puisque par le calendrier proposé, on veut justement permettre de favoriser l'élimination de documents en fonction des dates qui sont inscrites au calendrier.

Comme l'article 60 donne toute la souplesse voulue pour l'établissement ou la confection du calendrier, je pense que les problèmes que vous soulevez ne se rencontreront pas dans la réalité des faits.

M. Lorange: Si une autre personne que vous était ministre, M. Richard...

M. Richard: Vous savez fort bien par définition, M. Lorange que tous les ministres des Affaires culturelles sont affables, souples et progressistes.

M. Lorange: Mais j'apprécierais tout de même...

M. Proulx: Et non partisans.

M. Lorange: ...cette précision dans l'article 60 qui prévoirait une période de cinq ans pour le dépôt de la liste des documents.

Mme Lavoie-Roux: Deux autres ministres durant cinq ans.

M. de Bellefeuille: Selon la moyenne, oui.

M. Lacroix: M. le ministre, permettez-moi d'ajouter un commentaire.

M. Richard: Je suis déjà au-dessus de la moyenne

M. Lacroix: On se demande quelle est la nécessité de ce calendrier. Au fond, le calendrier, c'est pour permettre au gouvernement et aux organismes de déterminer si un document représente ou pas un intérêt historique. Il va falloir le conserver s'il en représente un. Vous ajoutez des notions d'actif ou de semi-actif après; c'est là qu'on doit avoir un calendrier parce que vous ajoutez ces notions dans votre projet de loi.

M. Richard: M. le Président, je ne sais pas si les intervenants ont entendu ceux qui les ont précédés à la barre, mais ceux-ci accordaient beaucoup d'importance au calendrier. On ne peut pas, il me semble, concevoir de loi sur les archives sans en même temps prévoir des calendriers de conservation.

Ces calendriers ont deux objectifs: le premier est d'assurer la conservation des documents à valeur historique et le second, qui n'est pas sans importance pour une institution aussi importante que la ville de Montréal, c'est de permettre l'élimination des documents inutiles. Alors, il me semble que vous devriez assez naturellement épouser ces deux objectifs.

M. Lacroix: Remarquez bien que nous épousons les objectifs du ministre, mais c'est dans la façon de faire que nous demandons s'il y a nécessité d'établir... J'ai entendu les intervenants et je comprends que pour des fins d'archives, c'est évident qu'on doive conserver un document. Je peux conserver un document. S'il a un caractère historique, on devrait normalement toujours le conserver. Ce qui est important, c'est de le conserver...

M. Richard: Oui, mais qui va décider?

M. Lacroix: C'est la question qui se pose lorsqu'on regarde l'article 7. C'est nous qui devons décider, d'abord, dans ces documents actifs et semi-actifs, lesquels ont un intérêt historique. Si c'est nous qui décidons, à partir du moment où on va décider, si le ministre nous impose de les conserver, qu'on fasse les calendriers que l'on voudra, on sera obligé de les conserver.

M. Richard: Oui, sauf que vous pourrez procéder à l'élimination de ceux qui...

M. Lacroix: On pourra peut-être procéder plus rapidement, aussi, s'ils sont identifiés immédiatement.

M. Richard: Voilà. Montréal fait parfois cette erreur de considérer que toutes les villes au Québec sont de l'importance de Montréal, M. le Président. Je voudrais rappeler à M. Lorange que Montréal est la grande ville au Québec et qu'une loi...

M. Lorange: Nous nous en rendons compte de temps en temps.

M. Richard: Voilà, tant mieux! Une loi doit tenir compte...

Une voix: Ce n'est plus comme avant.

M. Richard: ...de l'ensemble du Québec et pas seulement de Montréal, quelle qu'en soit l'importance.

M. Lorange: Mais vous comprendrez notre appréhension et nos craintes.

M. Richard: Mais s'il y a une ville, M. Lorange, si vous me le permettez, à qui cette loi ne posera pas de problèmes, c'est bien la ville de Montréal.

M. Lacroix: Peut-être que le ministre pourra nous exempter des dispositions de la loi comme il en a le pouvoir.

M. Richard: Encore que non, M. le Président.

M. Marx: J'ai une question sur le... M.

le ministre.

M. Richard: On ne sait jamais, on n'aura pas toujours le même exécutif, on n'aura pas toujours le même maire. On ne sait jamais à qui on a affaire.

M. Lorange: Voulez-vous dire à Québec ou à Montréal?

M. Richard: À Montréal, M. le Président.

M. Marx: M. le Président, j'aurais seulement une question pour enchaîner avec ce que le ministre a dit. Il n'y a pas si longtemps, on adoptait la loi 67 qui concerne le non-emprisonnement pour des amendes impayées. Le ministre n'a pas appliqué cette loi à toutes les municipalités. En fait, il a dit qu'il n'appliquerait pas cette loi à la ville de Montréal avant qu'il n'ait le temps et la possibilité de prendre des engagements et de discuter de cela avec la ville de Montréal. Mais je ne vois pas la différence entre la loi 67 où le ministre dit qu'il exemptera la ville de Montréal tant qu'il n'aura pas la possibilité de discuter de cette question et du projet de loi sous étude avec la ville. On pourrait peut-être faire la même chose, je crois que c'est ce qui est demandé, si j'ai bien compris, par la ville de Montréal?

M. Lorange: C'est-à-dire que...

M. Marx: C'est-à-dire de dire que toute loi qui est appliquée à la ville de Montréal, à tout le monde, de la même façon; ce n'est pas vrai.

M. Lorange: Nous sommes d'accord en principe, nous l'avons dit et nous le disons également dans le mémoire que nous avons déposé il y a quelques jours à la commission. Là où se situent nos appréhensions - nous l'avons dit depuis le début - est sur la définition des mots. D'abord, nulle part dans la loi on ne définit correctement ce que signifie le mot "document". Nulle part, également, dans la loi, on ne précise le terme de cinq ans pour le dépôt de cette liste que nous pensons être important pour la ville de Montréal. On vous l'a donné en chiffres dans nos notes, ici. Par exemple, à la page 4, on retrouve la quantité de documents que la ville de Montréal produit dans un an, ces documents se chiffrent à environ 85 000 000 de pièces. Vous vous imaginez, si chaque pièce devait être conservée et apportée à Québec, cela pourrait faire quelque chose comme 85 camions chargés de 1 000 000 de pièces de documents. C'est évident que c'est un exemple peut-être un peu trop simplifié.

Mais il n'en demeure pas moins que lorsque l'on considère le coût de l'espace pris par des rangements de documents, cela peut devenir extrêmement onéreux. C'est la raison pour laquelle nous attachons beaucoup d'importance sur la signification des mots "actif, semi-actif et inactif, historique" et également au mécanisme de mise en place de la loi.

M. Richard: M. le Président, tout le monde aurait pu noter comme moi que le député de D'Arcy McGee est un méchant séparatiste montréalais. Mais je voudrais dire...

M. Marx: De Montréal-Ouest.

M. Richard: Je voudrais rappeler que la ville de Montréal a proposé déjà, avant même la loi, un plan quinquennal, que cela nous sied parfaitement dans le cadre de l'article 60, et que le projet de loi ne vise pas à imposer des contraintes inacceptables aux municipalités, bien au contraire. Il vise à assurer une collaboration entre les municipalités et le ministère des Affaires culturelles et, compte tenu du fait qu'il y a déjà un plan quinquennal de conservation à la ville de Montréal, il n'y a pas beaucoup de problèmes à l'horizon quant à nous.

M. Lorange: Est-ce que je peux vous demander si vos propos sont enregistrés?

M. Richard: Mes propos sont enregistrés, y compris les premiers que j'ai tenus, M. Lorange.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y aurait quelque autre question?

M. de BeUefeuille: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri et après, le député de Deux-Montagnes.

M. Hains: M. Lorange, très brièvement. Comme toujours, on peut dire que la ville de Montréal porte le drapeau en avant et bien haut dans les archives comme dans les autres domaines. C'est déjà un immense travail, je m'amuse un peu, parce que je veux agrémenter un peu enfin ces sujets qui sont tellement arides, mais je dis quand même ce que je veux dire.

M. Richard: Comment, c'est aride?

M. Hains: Déjà un immense travail est effectué dans ce projet de loi et M. le ministre doit être vraiment fier des progrès déjà obtenus. Ce qui m'étonne, c'est que le volume de feuilles, de pièces, est de 80 000 000, soit exactement 100 fois le nombre de feuilles qu'il y avait dans les

derniers décrets du Parlement.

C'est un mémoire vraiment condensé et nul doute que le calendrier qu'on veut vous imposer aura pour vous une extension de 60 mois par année. Je passe maintenant la parole à mon confrère, à mon collègue.

M. Lorange: Est-ce à dire qu'on travaille dix fois plus à Montréal qu'à Québec?

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Hains: M. le ministre pourrait peut-être vous répondre mais je sais que vous travaillez fort bien et que je vous admire toujours avec beaucoup d'intensité. Merci.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'ai écouté l'échange qu'il y a eu dans le texte que vous nous avez présenté, au bas de la page 1 et au haut de la page 2, où il est question de documents à caractère historique. Au haut de la page 2, vous dites: "Ce qui importe, c'est de s'assurer qu'un document qui présente un intérêt historique puisse être conservé soit dans son état original, soit par un procédé de reproduction approprié."

J'ai l'impression que cela nous indique qu'il y a peut-être une légère ambiguïté ou une légère équivoque quant au sens de l'expression "document à caractère historique". Cela peut vouloir dire deux choses. Cela peut vouloir dire un document de nature à être utilisé par des chercheurs en histoire ou bien cela peut vouloir dire un document qui en lui-même a un intérêt historique et doit être conservé à ce titre parce que, en lui-même, il a un intérêt historique. C'est comme la différence entre le rapport Malouf, qui est de nature à être utilise par des chercheurs en histoire, et l'exemplaire du rapport Malouf annoté manuscritement par le maire Drapeau. Cela est une pièce qui mérite de figurer elle-même dans les archives, et même je dirais d'être tenue à l'écart des chercheurs dans la mesure où on a trouvé des chercheurs qui découpaient les documents avec une lame de rasoir pour...

M. Lorange: Pourrais-je vous poser une question?

M. de Bellefeuille: Je vous en prie, M. Lorange.

M. Lorange: Est-ce que le rapport de la Baie-James constitue également un document historique?

M. de Bellefeuille: Cela se peut fort bien.

M. Lorange: C'est tout.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, si j'ai bien compris, vous dites: C'est une loi dont on pourrait se passer, mais on veut bien l'accepter.

M. Richard: Ah! Ah! Ah!

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que cela va représenter un coût. Est-ce que vous avez évalué ce coût-là, parce qu'on m'a dit cet après-midi qu'apparemment il n'y avait pas de coût car cette loi-là n'entraînait pas de coût et que c'était finalement une économie? Vous prétendez le contraire, si j'ai bien compris. Je voudrais peut-être savoir ce que cela pourrait représenter comme coût pour la ville de Montréal. Est-ce que vous avez fait des estimations?

M. Lorange: On pourrait peut-être demander à M. Gérin-Lajoie, qui est beaucoup plus familier avec ce domaine-là de faire une perspective. (21 h 15)

M. Gérin-Lajoie: Évidemment, en dollars, c'est assez difficile de calculer le coût. Ce qu'on calcule surtout, c'est que cela canalise le temps d'un personnel qualifié. C'est généralement un personnel de commande, pour évaluer le document. On peut procéder aux inventaires avec du personnel d'exécution. Mais lorsque arrive la question d'évaluer, pour faire ressortir les documents à portée historique ou pour déterminer le nombre de mois susceptibles d'être utiles au niveau administratif, il y a aussi l'aspect juridique qu'il faut faire ressortir. À ce moment-là, on a souvent recours à notre contentieux. Il y a aussi l'aspect de la recherche qui est à relever par des personnes qui sont directement reliées aux utilisateurs. Ce n'est pas facile de regarder dans la typologie de nos documents un type qui est en demande ou qui pourrait éventuellement être en demande chez des chercheurs. Dans ce cas, évidemment, cela relève du personnel de commande. Le personnel de commande, chez nous, est nolisé à toutes sortes de choses. La loi 65 exige beaucoup de choses aussi. On est en train d'organiser un système informatisé pour les index à travers les services. Alors, si on arrête ces travaux-là pour faire l'évaluation des documents, cela nécessite des coûts additionnels, non en termes de dollars, mais de temps.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais il est

certain que c'est une charge pour la ville de Montréal?

M. Gérin-Lajoie: À court terme, c'est une charge, c'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir également en quoi l'article 34 peut être néfaste. Vous parlez des conséquences néfastes de l'article 34 du projet de loi. En quoi peut-il être néfaste pour la ville de Montréal?

M. Gérin-Lajoie: M. Panneton a des commentaires à faire à ce sujet-là. Il est peut-être plus familier avec des problèmes de ce genre, et je pense qu'il pourrait répondre à votre question.

M. Panneton (Jacques): Notre observation a été relevée avant le fait ce matin par M. le ministre Clément Richard lorsqu'il a précisé que le projet de loi no 3 visait des documents n'ayant pas fait l'objet de publication. Je pense qu'il serait très important que ces précisions soient apportées dans la loi, parce que l'article 34, tel que rédigé, pourrait amener les bibliothèques québécoises à vider au profit du ministre des Affaires culturelles leurs collections de publications officielles émises par les gouvernements du Québec avant 1867. Nous avons établi une liste de 28 groupes génériques de ces publications que la ville de Montréal possède dans les collections de sa bibliothèque. Mais, de façon générale, il y a toujours au moins une demi-douzaine à une douzaine de bibliothèques québécoises qui possèdent également ces documents-là. Il n'est évidemment pas, je pense, dans l'esprit du législateur, de faire le plein de multiples copies. Mais, tel que rédigé, l'article 34 pose cette difficulté.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, en réponse à cette observation?

M. Richard: Oui, M. le Président, très brièvement. D'abord, quand on parle de 85 000 000 de documents, je pense que, manifestement, on fait état de toutes les copies et photocopies. Ce n'est pas ce qui est exigé évidemment. Il faut oublier le chiffre de 85 000 000, parce que ce qui intéresse les archives, c'est l'original ou une copie et non pas 85 000 000 de documents. Donc, il ne faut pas se laisser induire en erreur par ce chiffre de 85 000 000.

D'autre part - j'insiste là-dessus, notamment au bénéfice de M. le député de Saint-Laurent, si on accepte le plan quinquennal proposé par la ville de Montréal - et je viens de dire que ce plan, quant à nous, nous sied - on entre dans les coûts administratifs normaux de la ville de Montréal. On n'ajoute donc strictement rien aux coûts administratifs normaux de la ville de Montréal, puisqu'elle a déjà un plan quinquennal de gestion de ces documents. Encore là, il ne faudrait pas induire les citoyens et les citoyennes en erreur en disant que cela va ajouter aux coûts de la ville de Montréal, dans la mesure où on accepte son plan quinquennal. Bien sûr, si on lui dit: Ce que vous deviez faire en cinq ans, vous allez le faire en trois ans, on va ajouter à ses coûts. Mais j'ai pris la peine de dire que le plan quinquennal nous sied et, quant à nous, en tout cas, on espère qu'il sera déposé par la ville de Montréal. Donc, on n'ajoute absolument rien aux coûts administratifs, qui sont des coûts normaux et qui ont pour effet, comme on l'a évoqué tout à l'heure finalement, de représenter des économies importantes puisque c'est mettre de l'ordre dans la gestion des documents.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes d'accord avec cet énoncé?

M. Lorange: En partie oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous adoptez un plan quinquennal, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que cela n'occasionnera pas de frais additionnels?

M. Lorange: Actuellement, l'administration de la ville de Montréal a demandé une étude pour la gestion de ses documents, une étude qui pourrait mener à un plan quinquennal de gestion de toute la documentation de la ville de Montréal. Selon la considération que l'on donne aux termes prévus dans la loi, cela pourra vouloir dire un système de gestion parallèle à celui de la ville. C'est là que cela peut ajouter des coûts. Si, évidemment, la loi ne vient que préciser certaines actions que la ville posera pour la gestion de ces documents, c'est une autre chose. Mais nous pensons que, dans leur interprétation, les termes de la loi sont tellement peu clairs que cela peut porter à confusion, c'est-à-dire l'interprétation donnée par le ministère et l'interprétation donnée par la ville de Montréal.

M. Leduc (Saint-Laurent): En fait, vous dites que c'est la réglementation qui pourrait être coûteuse.

M, Lorange: Bien sûr.

M. Richard: M. le Président, je voudrais éclaircir une chose. M. Lorange vient nous dire: On a commencé une étude sur la confection d'un plan de gestion de nos documents alors que, dans votre mémoire, M. Lorange, vous dites: En mars 1982, la ville de Montréal a établi une politique de gestion des documents échelonnée sur une période de cinq ans.

M. Lorange: Oui, bien sûr. M. Richard: Alors, c'est fait?

M. Lorange: C'est fait, mais, à travers ce plan quinquennal, évidemment, toutes les études ne sont pas déjà faites, sauf que c'est en marche actuellement.

M. Richard: C'est déjà établi sur cinq ans.

M. Lorange: Oui, exactement.

M. Richard: Très bien. Merci, M. le Président.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'aimerais vous entendre préciser votre opinion sur l'article 34, quant au point de vue de la ville de Montréal. Je pense que c'est très pertinent. .

M. Richard: M. le député de Saint-Laurent, je pense qu'avec raison l'intervenant a signalé que j'avais dit ce matin, que j'avais pris la peine ce matin de préciser que le problème soulevé par M. l'intervenant serait réglé.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de L'Acadie, vous avez une question?

Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président. C'est simplement une demande d'information aux porte-parole de la ville de Montréal. Dans le passé, quelle a été votre politique quant à la conservation des documents appartenant aux différentes municipalités qui ont été annexées?

M. Gérin-Lajoie: Les documents des municipalités annexées sont conservés aux archives de la ville par le greffier; ce sont les mêmes politiques que si c'étaient des documents municipaux. On a tous les procès-verbaux de toutes les municipalités et on a tous les documents inhérents qui nous été remis par les municipalités, qu'on parle de Pointe-aux-Trembles, de Saint-Michel, de Saraguay, de Sainte-Cunégonde, de Saint-Henri, de Rivière-des-Prairies. De 1882 à aujourd'hui, tous les documents sont aux archives de la ville et ils sont soumis aux mêmes règles que les documents municipaux. Tous les documents officiels sont conservés par le greffier. On a même des requêtes qui pourraient être jugées, comme disait Me Lacroix, sans portée historique, mais ils sont conservés aux archives de la ville.

Mme Lavoie-Roux: Tous les documents qui étaient la propriété de ces municipalités, mis à part les procès-verbaux, mais qu'elles avaient pu acquérir au cours des années, par exemple Maisonneuve, tout cela est conservé dans les archives de la ville de Montréal.

Le Président (M. Brouillet): Pour terminer, M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci. M. Lorange, vous avez certaines appréhensions, vous dites cela à la page 2 du document: un travail important face à la masse des dossiers entreposés à la ville. Vous parliez tout à l'heure de chiffres exorbitants, de 80 000 000 de feuilles. Je pense qu'il y a à cataloguer cela, qu'il y a un tri à faire, mais vous avez aussi des techniques modernes, vous avez aujourd'hui des microfilm que vous pouvez employer; peut-être que la ville l'emploie actuellement. C'est une question que je pose.

M. Gérin-Lajoie: Depuis 1947.

M. Champagne: Tout à l'heure, vous parliez d'une énormité de documents; on peut aussi les cataloguer sur microfilm ou grâce à d'autres techniques modernes. Il ne s'agirait peut-être pas d'exagérer, parce que vous dites aussi "soit par un procédé de reproduction approprié". Le ministère des Affaires culturelles a justement son édifice des Archives nationales de biais avec l'hôtel de ville. Vous avez l'ancien palais de justice sur la rue Notre-Dame, mais nos Archives nationales sont en partie là et, dans le sous-sol, vous avez des centaines de caisses de documents, des actes notariés entre autres, qui seront éventuellement mis sur microfilm. J'ai eu la chance de visiter les Archives nationales sur la rue Notre-Dame et je profite de l'occasion pour rendre un hommage à tous les notaires du Québec, du passé surtout, et le député de Saint-Laurent est de cette classe, parce qu'on...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas encore rendu là.

M. Richard: II est du passé?

M. Champagne: Quand même, le conservateur de nos archives, sur la rue Notre-Dame, m'expliquait que c'était exceptionnel ici au Québec, considérant que les notaires, depuis le début de la colonie, ont fait un travail de bénédictin. On a quand même là une richesse incalculable.

M. Vaugeois: Les curés aussi. Les curés...

M. Champagne: Oui. Les notaires, les curés. On va les mettre sur le même pied peut-être, M. le député de Saint-Laurent?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui. Les notaires, les curés.

M. Champagne: Enfin, est un hommage que je veux rendre aux notaires, parce qu'ils ont fait un travail patient. Il s'agit de cataloguer cette richesse culturelle. Je pense que les techniques modernes sont bienvenues dans tout ce débat.

M. Richard: Une toute petite...

Le Président (M. Brouillet): Oui, monsieur...

M. Verdon (Richard): Verdon.

Le Président (M. Brouillet): M. Gagnon voudrait...

M. Verdon: M. Verdon. En rapport avec ce que M. le député vient de dire des techniques modernes de reproduction de documents, nous nous demandons s'il ne serait pas opportun de spécifier dans la loi que l'obligation de la conservation d'un document - surtout que le terme "document", de l'avis de tout le monde, semble-t-il, n'est pas défini et manque de consistance - est-ce qu'il ne serait pas approprié, dis-je, et même nécessaire de spécifier que l'obligation de conservation peut être remplie du moment que l'organisme public reproduit ces documents sur microfilm - enfin, on pourrait énumérer toutes les techniques admissibles -et qu'il peut disposer du papier ou le détruire, faire ce qu'il veut du papier lui-même, une fois que cette reproduction a été accomplie? Autrement, on ne sait pas si l'obligation porte sur l'original, sur une photocopie, sur un microfilm, un microdisque ou...

Le Président (M. Brouillet): Nous allons laisser le ministre répondre et dire le mot de la fin parce que nous...

M. Richard: M. le Président, on voit tout de suite l'importance des calendriers parce que justement, dans les calendriers, on va indiquer ce qu'on peut conserver comme originaux ou avec un support technique différent. On voit tout de suite l'importance des calendriers.

D'autre part, j'ai une dernière question - mais très brève celle-là - à poser à M. Lorange. Est-ce que les archives de Montréal sont accessibles au public?

M. Lorange: En principe, oui.

M. Richard: Oh! Que je n'aime pas votre réponse.

M. Lorange: Bien oui...

M. Richard: C'est quoi le principe?

M. Lorange: Cela dépend de la considération que vous donnez à un document: public et non public. Tous les documents publics sont accessibles à la population, c'est-à-dire que tous les documents qui sont en dépôt chez le greffier de la ville peuvent être consultés ou même acquis.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Une petite courte, M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Je ne sais pas si cela a été souligné, M. le Président, mais, puisqu'on vient de parler de support documentaire, si cela n'a pas été souligné, je tiens à le préciser, de toute façon le support documentaire habituel que nous utilisons, c'est-à-dire le papier, appelle un autre support documentaire, parce que le papier que nous utilisons dans l'administration actuelle est un papier acide qui est lui-même une matière périssable.

De toute façon, il faut envisager de passer à un autre support documentaire et, quand on passe à un autre support documentaire, on va généralement à la microfiche ou au disque, au vidéodisque, et on peut loger des centaines de milliers de documents sur un même support documentaire qui ne prend pas de place. De toute façon, ce transfert doit être fait.

Je pense que c'est important de l'avoir en mémoire, car, parfois, on pense que les documents vont se conserver parce qu'ils sont bien rangés. C'était vrai pour les documents du XIXe siècle, mais ce n'est plus vrai, momentanément, pour les documents actuels que nous manipulons. Consolation pour les gens de l'Opposition, ce que nous faisons actuellement au pouvoir, c'est quelque chose de périssable.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous remercions tous les représentants de la ville de Montréal.

M. Lorange: Merci, M. le ministre. Merci, MM. les membres et madame, de votre accueil si chaleureux.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Nous allons entendre maintenant des représentants de l'Association des anglophones de l'Estrie.

Si vous le voulez, nous allons suspendre pour deux minutes. M. le ministre a dû nous quitter. Il reviendra très bientôt.

(Suspension de la séance à 21 h 31)

(Reprise de la séance à 21 h 36)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre! Nous allons entendre les représentants de l'Association des anglophones de l'Estrie. Je demanderais à la porte-parole de s'identifier

et de nous présenter les personnnes qui l'accompagnent.

Association des anglophones de l'Estrie

Mme Goodfellow (Marjorie): Merci, M. le Président. Je suis Marjorie Goodfellow, présidente de l'Association des anglophones de l'Estrie. Mes collègues sont Mme Andrée Turgeon qui est membre du bureau de notre association et Mme Gail Klinck qui est animatrice au sein de notre association.

Tout d'abord, je veux féliciter le ministre pour avoir abordé ce sujet. Cela était dû et depuis longtemps. Au cours des années, nous avons remarqué la regrettable perte de plusieurs pièces de notre patrimoine dont des documents publics et des documents privés. La plupart du temps, cette perte était causée par l'ignorance en ce qui concerne la valeur intellectuelle, sinon fiscale de ces documents ou vieilles choses. Il s'agit aussi des priorités des organismes publics. Je donne un exemple - je ne lis pas le mémoire, c'est une présentation - le corps d'un livre relié en cuir contenant les procès-verbaux des réunions du conseil d'une ville située dans les Cantons de l'Est. Le secrétaire a entreposé ce dossier à l'intérieur de son garage personnel. Il s'agissait là de très mauvaises conditions pour la préservation d'un document ancien. Si une loi semblable à ce projet est adoptée, j'ose espérer que cette histoire ne se répétera pas et si le ministre réussit cela, je l'en félicite sincèrement.

Nous éprouvons des inquiétudes quant au manque de sensibilisation au sein de la population concernant les archives et les documents concernés. À cause de ce manque de sensibilisation et même avec des prévisions dans le projet de loi, les buts ne seront pas atteints. Il faut informer la population sur: premièrement, ce qu'est un document en termes d'archives; deuxièmement, comment le conserver et en assurer la garde; troisièmement, comment trouver le bon endroit pour sa mise en valeur et pour permettre sa disponibilité pour fins de consultations. Il faut souligner que nous sommes ici comme représentantes de l'Association des citoyens. À ce titre, nous traitons dans notre mémoire des préoccupations majeures de quelques-uns de nos membres. Voici quelques extraits. Mme Turgeon.

Mme Turgeon (Andrée): Le premier point porte sur les archives publiques. L'article 15 pose un problème majeur pour les sociétés d'histoire et les musées. Dans le cas où le ministre désire déposer des archives auprès d'archives agréées, ces archives auront-elles le droit de refuser de garder ce matériel? Un tel refus serait-il contraire aux statuts et aux règlements auxquels les archives agréées devront se soumettre? Ou, un tel dépôt entraîne des frais supplémentaires pour les services d'archives privées agréées, le ministre endossera-t-il ces coûts?

Au sujet de l'élimination d'archives publiques, au chapitre III, à l'article 21, nous espérons que le ministre, avant de disposer arbitrairement de toutes archives publiques qu'il considère sans intérêt historique, consultera largement la localité d'origine concernée par ces documents, recueillera les opinions des sociétés d'histoire ou, s'il n'en existe pas, celles des experts locaux afin de déterminer si oui ou non ce document constitue un intérêt historique pour cette communauté. Ce qui est intéressant pour les populations locales ne sera peut-être pas nécessairement intéressant pour le ministre.

Au sujet des archives privées, nous sommes particulièrement préoccupés par le chapitre IV, article 27, qui stipule que si un service d'archives privées agréé cesse ses activités ou ne se conforme pas à la loi ou aux règlements applicables, les archives privées de cette institution perdront leur droit existant de déterminer de l'avenir de sa propriété. Ce qui, nous présumons, signifie la perte de son accréditation. Cet article pose les problèmes suivants: la tradition de conservation et de préservation des archives dans les Cantons de l'Est est issue d'une grande confiance qu'ont accordée les différentes communautés aux sociétés d'histoire et aux musées qui veillent sur la protection de leurs archives et de leurs objets anciens. Nous craignons que le travail dévoué et inlassable des sociétés d'histoire et des musées soit menacé par ce qui pourrait être perçu comme un contrôle centralisé et sans garantie sur les archives par un corps gouvernemental lointain et quelque peu désintéressé.

Nous croyons qu'un tel règlement pourrait effrayer les donateurs éventuels de déposer ou de permettre l'utilisation de leurs documents ou collections par les musées locaux dans la crainte que le ministre décide d'assumer le contrôle sur leur collection et de la relocaliser ailleurs. De même, les individus qui possèdent actuellement des archives déposées dans des musées locaux peuvent choisir de retirer leurs collections plutôt que de risquer de perdre leur droit de propriété. Ces réactions possibles peuvent être au détriment du travail de recherche futur et de la préservation de documents historiques, spécialement ceux qui ne sont pas encore documents anciens.

L'article sous-entend que les règlements non encore définis peuvent imposer des charges financières aux sociétés d'histoire et aux musées pour se conformer aux standards de conservation qui pourront être établis par le ministère des Affaires culturelles. Pour cette raison, les règlements spécifiques de

l'article 27 auraient dû être inclus dans le texte du projet de loi. Le ministre ne doit pas s'attendre que la population accepte sur parole toute une série de règlements qui pourraient entraîner une charge financière sérieuse ou, résulter en une perte complète de ses archives.

L'article présente d'autres difficultés pour les sociétés d'histoire et les musées en termes de problèmes de catalogage et de classification des archives. Le ministre reconnaîtra-t-il les milliers d'heures-hommes consacrées à l'organisation des systèmes de classification universellement acceptés, tout comme ceux qui sont faits sur mesure pour répondre à des besoins spécifiques et aux désirs de la population locale?

Nous sommes en désaccord avec l'article 28 qui oblige tout propriétaire de documents reconnus ou classifiés d'adhérer aux conditions ministérielles qui peuvent imposer une contrainte ou même empiéter sur la vie privée. Même si les intentions de l'article sont bonnes, les droits et libertés individuels doivent être protégés plutôt que d'être soumis au contrôle de l'État.

Nous encouragerions le ministre à créer des programmes pour augmenter la prise de conscience sociale à l'égard de ce qui constitue des documents historiques significatifs et la responsabilité des citoyens de les conserver et de les préserver.

Nous recommandons que l'intervention de l'État soit un dernier ressort appliqué uniquement lorsque l'éducation du public et la persuasion individuelle n'ont pas donné de résultat.

Au sujet des documents anciens, le principe décrit dans le chapitre V nous plaît. Cependant, la définition de ce qui constitue un document ancien doit être clarifiée. Les droits individuels, tel que mentionné auparavant en rapport avec l'article 28, sont aussi à prendre en considération ici.

L'article 37 est l'équivalent de l'expropriation et, comme tel, est inacceptable. (21 h 45)

En conclusion, M. le ministre, nous aimerions inciter le ministère des Affaires culturelles à poursuivre son effort de clarification du projet de loi. La période de temps allouée pour l'étude, la rédaction et la présentation des mémoires a été très courte. Nous recommandons que plus de temps soit accordé pour permettre un examen en profondeur et une plus ample consultation qui résultera en un document législatif qui répondra aux besoins de la société du Québec.

Puisque la conservation et la préservation des archives a été et reste encore la préoccupation de bien des groupes et des individus dans les Cantons de l'Est, nous remercions le ministère, M. le ministre, de nous accorder la possibilité de comparaître devant cette commission.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, madame. Les commentaires de M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais remercier Mme Goodfellow et ses collègues de cette intervention. Je voudrais engager le dialogue aux fins de les rassurer sur deux points. D'abord, quant à l'article 27, je voudrais rappeler qu'uniquement dans le cas d'un service d'archives privées agréé - et personne n'est obligé de se faire agréer - si les archives sont menacées de perdition, mais seulement à cette condition, le ministre peut prendre les mesures pour en assurer la conservation. L'article 27, entre nous, ne va pas très très loin. D'abord, il y a une première condition, il faut que ce soit un service drarchives agréé, personne n'étant obligé de se faire agréer. S'il y a agrément, cela signifie qu'il y a eu une entente entre le service d'archives et le ministère. Le ministre ne peut intervenir, au fond, que si l'entente n'est pas respectée de telle sorte qu'il m'apparaît que la méfiance que vous exprimez en ce qui a trait à l'application de l'article 27 ne serait pas tout à fait justifiée.

En ce qui a trait à l'article 28, je voudrais vous rappeler que c'est uniquement dans le cas d'archives privées reconnues ou classées en vertu de la Loi sur les biens culturels, ce qui est extrêmement rare. Il n'y a au Québec présentement que douze fonds d'archives reconnues ou classées et, dans chacun de ces fonds, le ministère n'est intervenu pour subventionner les propriétaires afin d'en assurer la conservation. Encore là, il m'apparaît qu'il s'agit d'une méfiance un peu excessive puisqu'il n'y a, dans tout le Québec, que douze fonds d'archives reconnues ou classées et qu'à chaque fois, si le passé est garant de l'avenir, le ministère n'est intervenu pour aider les propriétaires à en assurer la conservation.

Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.

Mme Goodfellow: Nos craintes sont peut-être mal fondées, mais nous avons plusieurs points d'interrogation puisque nous ne savons pas le contenu des règlements. Je pense que les archives privées qui demandent à être agréées pourront perdre leur accréditation pour une raison ou une autre. Je n'en connais pas les raisons. Alors, à la suite de cela, qu'est-ce qui va arriver?

L'autre question concerne une personne qui a un fonds de documents à classer plus tard, dans l'avenir, parce que le projet de loi prévoit une accumulation de ces documents, je suppose. Étant donné ce fait, supposons que j'aie un document à classer. Je ne veux

pas être obligée de recevoir le public ou les chercheurs dans ma maison, je ne veux pas les laisser entrer. Alors, ce sont deux exemples de questions auxquelles nous n'avons pas de réponse jusqu'à maintenant.

M. Richard: Encore une fois, je vous explique que le classement, en ce qui a trait aux documents, est extrêmement rare, pour ne pas dire rarissime. Et quand il existe le classement, au sujet d'un document, ce sont un peu les mêmes règles qui s'appliquent que quand il s'agit d'un bien immobilier. Dans le cas d'un bien immobilier, il y a des règles auxquelles un propriétaire est assujetti; c'est la même chose. Mais, en ce qui a trait aux biens immobiliers, c'est fréquent, c'est très fréquent. Il y a des centaines de maisons dans ma propre circonscription électorale, à l'île d'Orléans, qui sont des monuments classés, et les propriétaires sont assujettis aux règles de la Loi sur les biens culturels. La même chose pour un document et, encore une fois, c'est tellement rare en ce qui a trait aux documents. Il y a douze fonds d'archives au Québec...

Mme Goodfellow: Nommez-les.

M. Richard: ...jusqu'à maintenant. Mon prédécesseur pourrait nommer cela de mémoire, j'en ai la conviction.

Le Président (M. Brouillet): Les fonds d'archives à Trois-Rivières et les monuments historiques à l'île d'Orléans.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Vaugeois: Le premier fonds classé, c'était le fonds Hart qui permet de retracer l'histoire des Juifs en Amérique. On ne peut pas nous le reprocher. Et c'est nous qui avions conservé cela modestement, dans le hameau trifluvien.

Mme Lavoie-Roux: Et l'autre, c'est l'île d'Orléans.

M. Vaugeois: Non, c'est la famille Boucher.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y aurait encore des questions?

M. Richard: La députée de L'Acadie est classée dans son intégralité.

Mme Lavoie-Roux: Elle a été un peu gâtée, mais...

M. Richard: Oui, avant que mon prédécesseur n'arrive au ministère des Affaires culturelles.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est l'autre avant qui n'était pas bon.

M. Richard: C'est l'hommage que je dois lui rendre.

M. Vaugeois: Un de plus.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a encore des questions de la part des membres de la commission? M. le député de Saint-Henri.

M. Vaugeois: Moi, c'est seulement lié à la dernière question. C'est très bref.

Le Président (M. Brouillet): Ah bon!

Réglons cela.

M. Vaugeois: Je voudrais clarifier avec Mme Goodfellow la question qu'elle pose. Disons que, par hypothèse, elle a des documents à la maison qui sont classés. Avec son accord, est-ce que, immédiatement, cela lui donne l'obligation de les ouvrir aux chercheurs? C'était la question et la réponse du ministre, c'est non. Moi, comme historien, je vous suggérerais, si vous avez des documents, de les confier à des archives accessibles.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si, chez moi, j'ai des documents et que je suis agréé, je veux cesser mes activités, je dois obtenir ou je dois les offrir pour obtenir le consentement du ministre pour les céder?

M. Richard: Si on vous a confié des documents, M. le député...

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, et je veux les céder.

M. Richard: Si on vous a confié des documents...

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, non, c'est l'article 27.

M. Richard: Non, non, pour les autres, vous gardez vos documents sauf ceux qu'on vous a confiés, dont on vous a confié la garde.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, je veux les céder. Disons que je ne suis plus intéressé à les garder, je veux les céder.

M. Richard: Vous avez le droit de les céder.

M. Leduc (Saint-Laurent): Sans consentement?

M. Richard: Vous avez le droit de les céder sans consentement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas ce que vous avez dit tantôt. Vous avez dit qu'on était soumis à peu près aux mêmes règles que celles qui prévalent pour les biens culturels.

M. Richard: M. le député de Saint-Laurent, je parlais de documents classés ou reconnus en vertu de la Loi sur les biens culturels. Il n'y en a que douze.

M. Vaugeois: Vous n'avez aucune chance d'en avoir.

M. Richard: Attention, tu ne connais pas sa fortune.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut donc dire que c'est ce que Madame mentionnait tantôt quand elle évoquait la possibilité de pouvoir en disposer et elle devra obtenir le consentement.

M. Richard: Non, non, ce n'est pas cela qu'évoquait madame. Sous toute réserve, je pense que le député de Trois-Rivières a très bien saisi ce qu'elle évoquait dans le cas des documents classés ou reconnus. En vertu de la Loi sur les biens culturels, il y a certains biens culturels classés ou reconnus. Et, ces biens culturels classés ou reconnus, sont assujettis à certaines contraintes comme faisant partie du patrimoine national. Dans le cas des documents, c'est très rare. Autant c'est fréquent dans le domaine des biens immobiliers, autant c'est rare dans le domaine des documents, puisqu'il n'y a que douze fonds d'archives classés au Québec. Et je suppose, sous toute réserve, que la plupart de ces douze appartiennent déjà à l'État.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez dire que l'article no 27... En fait, il n'y pas d'application pour l'article no 27?

M. Richard: Oui, il y en a une, mais elle est rare, très rare.

M. Leduc (Saint-Laurent): Sauf pour les douze.

M. Richard: Pour les douze et s'il y en a un autre par année. Je n'en ai pas vécu depuis que je suis là. Cela fait deux ans que je suis au ministère des Affaires culturelles, je ne pense pas en avoir vécu. Je n'ai pas eu à classer un document ou à reconnaître un document en deux ans. C'est très rare. Ceux qui ont été découverts, le sont déjà. Alors, on peut prévoir qu'il n'y en aura pas beaucoup et pour être classé, cela prend l'avis de la Commission des biens culturels.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ensuite, cela prendrait, bien sûr, la permission...

M. Richard: Oui, cela serait un document d'une telle valeur qu'il ferait partie du patrimoine national à ce moment-là.

Le Président (M. Brouillet): Y aurait-il d'autres questions?

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je pense que je vais laisser le mot de la fin dans un instant au député de Saint-Henri qui fera cela admirablement. Je voulais seulement poser une question à Mme Goodfellow. J'essaie de comprendre à la page 3 de votre texte, au haut de la page, le point 1 qui se termine par cette phrase-ci: "Nous avons très peur que l'intérêt acquis des sociétés historiques et des musées soit menacé par ce qui pourrait être perçu comme un contrôle centralisé et sans garantie sur les archives par un corps gouvernemental lointain et quelque peu désintéressé." Cela m'étonne un peu, madame, parce que je crois comprendre que les Archives nationales sont déconcentrées et régionalisées. Vous faites, je suppose, affaires avec les archives à Sherbrooke; par conséquent, ce n'est pas lointain. Il devrait être évident que ce service est très intéressé à ce que vos communautés ont fait, les sociétés historiques, les musées qui existent chez vous.

Mme Goodfellow: Nous recevons un très bon service des archives régionales à Sherbrooke, mais nous ne savons pas où sont les administrateurs. Excusez-moi, mais des fois, je pense que les personnes qui travaillent à Québec sont un peu loin de nous.

M. de Bellefeuille: II serait peut-être utile de noter que ce n'est pas du tout un des effets de la loi de centraliser les pouvoirs. N'est-ce pas, M. le ministre?

M. Richard: Pas du tout, au contraire, on nous a reproché d'ailleurs - si vous étiez là cet après-midi et ce matin - de permettre ce que certains ont appelé l'émiettement des archives.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, je veux remercier l'Association des anglophones de l'Estrie. Cela me fait un peu drôle d'entendre les anglophones de l'Estrie et non pas les anglophones des Cantons de l'Est.

Mme Goodfellow: C'est pourquoi je dis toujours l'Association des "Townshippers", mais c'est notre nom juridique.

Mme Lavoie-Roux: C'est votre nom juridique. Au nom de la légalité, on fait bien des choses.

Mme Goodfellow: Je ne néglige jamais.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, non seulement je pense, mais je suis convaincue qu'à l'égard de la conservation et de l'histoire des archives, vous avez été un exemple au Québec particulièrement au point de vue des petites agglomérations, alors que cela a été un souci qui est arrivé dans les Cantons de l'Est bien avant que l'on retrouve le même intérêt dans d'autres petites villes du Québec; cela a été un peu la même chose pour le développement des bibliothèques, par exemple, dans des petites localités comme Beebe, ou Eaton Corner. C'est assez intéressant.

Tout à l'heure, le ministre a fait allusion aux archives régionales. Il y a aussi des conseils régionaux de la culture. J'aimerais vous demander si la communauté anglophone est représentée dans le Conseil régional de la culture dans les Cantons de l'Est.

Mme Goodfellow: Oui, nous avons deux membres du comité sur le patrimoine qui travaillent au Conseil régional de la culture de l'Estrie.

Mme Lavoie-Roux: Depuis combien de temps avez-vous ces membres-là?

Mme Goodfellow: Depuis le début de notre association, environ 1980. (22 heures)

Mme Lavoie-Roux: 1980. Et quand ont été créés les conseils régionaux de la culture?

M. Richard: Vers 1978. Je me permettrai d'ajouter que les anglophones de l'Estrie sont même représentés au sein de la Commission des biens culturels par une éminente personnalité de cette région, qui s'intéresse beaucoup en particulier aux biens culturels et aux archives, Mme Anne MacLaren.

Mme Lavoie-Roux: Je m'en réjouis, parce que cela a commencé en 1978 et, finalement, en 1980, on a jugé bon de nommer des représentants de la communauté anglophone dans les Cantons de l'Est. Je sais fort bien que, au point de départ, on avait intentionnellement - je ne dis pas que c'est de la part du ministère, du moins, pas à Québec - exclu les anglophones du Conseil régional de la culture dans les Cantons de l'Est. C'est pour cela que votre nomination remonte à 1980. On a corrigé une lacune qui, à mon point de vue, était tout à fait inacceptable.

Est-ce que, dans les fonds d'archives que vous avez, ce sont surtout des prêts ou des dons? C'est parce que vous faites allusion au fait que des membres de la communauté pourraient vouloir reprendre des documents qui leur appartiennent. Quelles sont vos règles relativement aux archives que vous conservez? Parce que, souvent, vos archives sont reliées à vos sociétés d'histoire, aussi.

Mme Goodfellow: Oui, comme association, nous n'avons pas d'archives, sauf celles que nous créons pendant notre existence. Mais, au sein des musées et des sociétés historiques, il s'agit des deux catégories: les dons et les prêts. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez les deux? Mme Goodfellow: Les deux.

Mme Lavoie-Roux: Quels sont vos règlements? Est-ce que vous avez des règlements généraux ou si chaque société fait ses propres règlements? Y a-t-il un modèle particulier? Comment procédez-vous?

Mme Goodfellow: II y a des contrats qui varient d'un endroit à un autre, d'une société à une autre. Mais peut-être que Mme Turgeon pourrait répondre plus précisément.

Mme Turgeon: Comme les sociétés d'histoire sont chacune gérées par des gens de la communauté, il y a différents contrats qui ont été pensés et faits au cours des années. Ce sont des conditions que les deux parties acceptent. Une entente quant à ce qu'on peut faire, de la façon dont on peut garder les documents, qui peut les consulter, le droit de les photocopier, de les apporter pour consultation ou de les consulter sur place. Chaque société d'histoire, musée ou bibliothèque a de telles ententes qu'elle fait avec la personne qui fait un dépôt, soit un prêt ou un don.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je comprends votre inquiétude à certains égards. Je pense que le ministre vous a donné des assurances sérieuses quant à ses intentions réelles. Mais, en lisant le projet de loi, on constate qu'il y a beaucoup de pouvoirs qui reviennent au ministre et il y a beaucoup de place pour des règlements. Je n'y étais pas ce matin, j'étais retenue ailleurs, mais j'imagine que ce ne sont pas les premiers qui expriment des inquiétudes quant à la multitude de règlements qui sont prévus dans le projet de loi. Je comprends qu'il y en a

peut-être une partie qui sont indispensables et qu'il faut procéder ainsi. Mais, il me paraît y en avoir à beaucoup d'endroits. Dans ce sens, même si les gens en face de nous n'aiment pas se le faire rappeler, on sait que vous êtes très forts sur les règlements et sur les...

M. de Bellefeuille: On a été les premiers à le dire ce matin, madame.

Mme Lavoie-Roux: Oui? C'est cela...

M. Vaugeois: II a amorti la déréglementation.

Mme Lavoie-Roux: Vous trouviez qu'il y en avait beaucoup, vous aussi?

M. Vaugeois: On s'en est rendu compte. Mme Lavoie-Roux: C'est drôle... M. Richard: Moi aussi.

Mme Lavoie-Roux: ...je pensais que tout cela était d'abord discuté au cabinet des ministres et au cabinet du ministre, malgré tout, c'est arrivé jusqu'à cette table-ci?

M. Vaugeois: On a même créé une commission d'étude là-dessus, madame.

M. de Bellefeuille: C'est pour cela que le Parlement existe, madame.

Mme Lavoie-Roux: Heureusement. Je veux vous remercier.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.

M. Hains: Pour terminer...

Le Président (M. Brouillet): Un mot du député de Saint-Henri.

M. Hains: Nous sommes très heureux de vous avoir reçues parmi nous. Vous formez un comité féminin qui apporte parmi nous la grâce et la jeunesse. Vous êtes vraiment agréées parmi nous, surtout que votre mémoire porte sur des points très intéressants malgré qu'il recèle de temps en temps beaucoup d'inquiétude et non sans raison, je crois. Espérons que les amendements que nous allons apporter au projet de loi no 3 pourront calmer votre méfiance et votre inquiétude. Soyez assurées que nous de l'Opposition appuierons vos demandes qui sont légitimes et bien placées. On vous remercie de votre collaboration.

M. Richard: M. le Président, avant d'ajouter aux grâces du député de Saint-Henri, j'aurais une question a poser à Mme la députée de L'Acadie qui vient de m'apprendre quelque chose...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Richard: ...que j'ignorais.

Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'un ministre savait tout.

M. Richard: Oui. Ce n'est pas sans importance. Vous avez dit tout à l'heure que le Conseil régional de la culture de l'Estrie avait déjà refusé d'admettre les anglophones. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Lavoie-Roux: J'ai dit que pendant un certain temps - et c'est ce que j'ai voulu vérifier - il n'y avait pas de représentation anglophone au Conseil régional de la culture de l'Estrie. Cela a été confirmé par les dates qui nous ont été données de part et d'autre, tant de votre part que de la part de l'association.

M. Richard: II n'y a pas eu de...

Mme Lavoie-Roux: Au comité provisoire - parce qu'il y a eu un comité provisoire avant la formation officielle du Conseil régional de la culture de l'Estrie - j'avais appris de sources sûres que les gens s'opposaient à la nomination de représentants de la communauté anglophone. C'est pourquoi je me réjouis du fait qu'aujourd'hui il y en ait, comme vous l'avez signalé. Ce qui me paraissait une anomalie a été corrigée. Je pense qu'on peut s'en réjouir.

M. Richard: Vous me rassurez. Je ne tolérerais jamais...

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais vous donner mes sources, si vous le voulez.

M. Richard: ...qu'une telle discrimination existe.

Le Président (M. Brouillet): Mme

Goodfellow, vous avez...

Mme Goodfellow: Je peux dire que nous sommes chez nous à Sherbrooke et dans les Cantons de l'Est, et que nous travaillons très bien avec nos collègues d'expression française. Nous sommes très bien acceptés, je peux vous l'assurer.

M. Richard: Je voudrais vous remercier, Mme Goodfellow, ainsi que vos deux collègues.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, mesdames.

Mme Goodfellow: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Nous allons maintenant passer à l'audition d'un autre mémoire, celui de la Communauté urbaine de Montréal. J'inviterais la porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Communauté urbaine de Montréal

Mme Rivard (Louise): Louise Rivard, avocate au contentieux de la Communauté urbaine de Montréal. À ma droite, M. Michel Marsan, section gestion des documents.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, à titre d'organisme public visé au paragraphe 5 de l'annexe du projet de loi no 3, la Communauté urbaine de Montréal devra voir à l'application de ladite loi et devra entre autres se conformer aux articles 6, 7 et 8 dudit projet de loi.

Ces articles l'obligeront à établir, à tenir à jour un calendrier de conservation des documents actifs et semi-actifs, à y indiquer leur période de conservation respective et à identifier lesquels de ces documents seront des archives publiques à l'expiration de ces périodes.

Jusqu'à présent, la Communauté urbaine de Montréal, par une résolution de son comité exécutif datée du 25 novembre 1982, a autorisé la mise en application d'un programme de gestion des documents. Elle s'est dotée également d'un comité permanent de gestion des documents qui a pour mandat de recommander à son comité exécutif les règles de conservation et de destruction desdits documents pour l'ensemble de la communauté.

Ce comité permanent a déjà amorcé son travail. Cependant, permettez-nous de vous soumettre, par la présente, les quelques questions soulevées par les membres dudit comité, lors de la lecture du projet de loi no 3.

Relativement à l'obligation de produire le calendrier de conservation selon l'article 8 du projet de loi, vous comprendrez que la Communauté urbaine de Montréal, composée d'une quinzaine de services, ne pourra établir son calendrier de conservation et le soumettre en son entier à l'intérieur du délai prescrit par l'article 60, soit un an après l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

À cet effet, nous prenons bonne note des remarques que M. le ministre a faites préalablement aujourd'hui relativement à l'article 60. Également, la Communauté urbaine de Montréal pourrait-elle sectionner son calendrier de façon qu'il soit approuvé par étapes?

À l'expiration de la période de conservation prévue au calendrier, en tant qu'organisme public, la Communauté urbaine de Montréal devra assumer la conservation des archives publiques, conformément aux règles prescrites par règlement suivant l'article 13 du projet de loi.

La Communauté urbaine de Montréal peut-elle espérer, aux fins de l'application de l'article 13 et peut-être même de l'article 14, se voir octroyer une subvention aux mêmes termes prévus à l'article 25 relativement à un service d'archives privées agréé?

M. le ministre, ces questions vous sont posées, comme vous pouvez le voir, dans la courte lettre que nous vous avions adressée le 17 mai 1983, parce que la Communauté urbaine de Montréal est en voie d'organisation relativement aux archives et nous ne voulons pas faire de faux pas, parce que tout faux pas entraînerait des dépenses énormes.

M. Richard: M. le Président, in absentia.

Le Président (M. Brouillet): Je reviens. On voulait nous couper le courant. Je tiens à dire présentement que nous devions terminer à 22 heures, mais il y a eu un consentement des parties pour poursuivre au moins jusqu'à 23 heures. Nous pourrons reconsidérer notre décision à 23 heures, à savoir si on poursuit jusqu'à minuit. Une minute, s'il vous plaît!

Alors, ils vont y voir demain.

M. Richard: M. le Président, je remercie Mme Rivard et son collègue de la communauté urbaine. Je voudrais répondre très brièvement aux deux questions qu'ils nous formulent. Je vais inverser l'ordre des réponses par rapport aux questions. La Communauté urbaine de Montréal ne sera pas subventionnée pour mettre de l'ordre dans la gestion de ses documents.

Quant à l'autre question, la Communauté urbaine de Montréal pourrait-elle sectionner son calendrier de façon qu'il soit approuvé par étapes? Je réponds avec empressement, oui.

Mme Rivard: Si je peux me permettre... M. Richard: II y a un non et un oui.

Mme Rivard: Je sais que ce sectionnement fera sûrement partie de l'entente prévue à l'article 60.

M. Richard: Voilà: (22 h 15)

Mme Rivard: Pour ce qui est de mes collègues de la ville de Montréal, vous avez parlé d'un plan quinquennal. Est-ce qu'on peut entrevoir une période même qui pourrait aller au-delà de cinq ans? Comme je vous ai expliqué, nous sommes en période d'organisation à tout niveau. Nous avions maintenant pris de l'avance. Comme vous le voyez, notre résolution voulant commencer à mettre de l'ordre dans nos choses date du 25

novembre 1982. Comme nous sommes encore dans un état embryonnaire, nous ne voulons pas faire de faux pas et tout simplement collaborer.

M. Richard: Je dois vous signaler que c'est quand on est à l'époque embryonnaire qu'il est le plus facile de mettre de l'ordre dans la gestion des documents. C'est beaucoup plus facile que quand on a de l'âge et qu'il faut repérer tous les documents. Encore là, les Archives nationales et leur conservateur seront, je n'en doute pas, très souples à cet égard.

Mme Rivard: Ils seront à l'écoute.

M. Richard: Ils seront à l'écoute de la communauté urbaine comme des autres organismes.

Mme Rivard: Alors, je vais retourner à Montréal avec ces bonnes paroles. Merci beaucoup.

M. Richard: Je vous remercie. Mon collègue, le député de Trois-Rivières a...

M. Vaugeois: Je ne veux pas avoir préséance.

M. Hains: Allez-y, allez-y.

M. Vaugeois: Ce sont vos questions qui me suggèrent des questions au ministre et je pense que c'est le moment de les poser. Comme il y a certaines obligations de faites à des organismes, M. le ministre, on a l'article 78 qui nous dit que: La présente loi a effet à compter du" ...là sera la date du dépôt du présent projet de loi; donc dans quelques jours, quelque part en mai 1983. La loi aura effet à partir de mai 1983.

Par ailleurs, l'article 79 nous dit: "La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction." Je voudrais vous demander qu'elles sont vos intentions à cet égard? Est-ce que vous souhaitez tout de suite provoquer la sanction du projet de loi dès le mois de juin si possible, et avant que les règlements eux-mêmes puissent entrer en vigueur, ou si vous prévoyez une période de délai assez longue pour la mise au point des règlements?

Je comprends que vous nous avez déjà dit que les projets de règlement seraient prêts au moment où nous étudierons le projet de loi. On sait que ce sont des projets de règlement et que cela fait l'objet d'ajustements. Or l'expérience nous démontre que cela prend facilement un an avant que les projets de règlement soient prêts, approuvés, parce qu'il y a toute la procédure de la Gazette officielle, il y a déjà des délais légaux pour que les règlements entrent en vigueur. Qu'est-ce qui va compter pour la communauté urbaine? Est-ce que c'est le dépôt de la loi, l'entrée en vigueur ou si cela va être la mise au point avec l'entrée en vigueur des règlements?

M. Richard: Nous tenons, M. le député de Trois-Rivières, à ne pas précipiter indûment les choses et à faire en sorte que les règlements soient connus au moment de la mise en vigueur de la loi.

M. Vaugeois: Dans le cas de la communauté urbaine, elle sera régie par quoi? La date de dépôt du projet de loi, l'entrée en vigueur de la loi ou l'entrée en vigueur des règlements?

M. Richard: Elle doit tenir compte de la date du dépôt de la loi qui est le 31 mars mais, forcément, tant que la loi n'est pas en vigueur, tant qu'elle n'a pas été sanctionnée, elle n'a pas d'effet.

M. Vaugeois: M. le Président, vous me permettrez un commentaire d'après une expérience de parlementaire. Vous avez du temps devant vous, parce que, entre l'entrée en vigueur de la loi, malgré la meilleure bonne volonté du ministre, et la mise au point des règlements, il y a un processus très long. Cela fait l'objet d'une négociation dans l'administration et généralement d'ailleurs l'administration revérifie auprès des organismes concernés ce qui est réaliste. Donc, on peut dire sans moquerie qu'il y a des délais inévitables devant vous. La vérité, c'est que même si le ministre accepte d'évaluer cela par étapes, de l'approuver par étapes, il reste que c'est bon de le savoir tout de suite.

Mme Rivard: Nous serons toujours tenus au contenu du règlement. Ce que nous voulions par notre intervention, c'est de faire part au ministre de l'état dans lequel nous nous trouvions, soit embryonnaire, et s'entendre. Je pense qu'à l'article 60, comme l'a mentionné plus tôt aujourd'hui, M. le ministre, tout pourra faire l'objet d'une entente et même les dates, car il n'y a pas lieu de mentionner de date parce que c'est l'entente qui prévaudra surtout. Si j'ai bien compris ce qu'on a dit aujourd'hui.

M. Richard: Vous avez très bien compris.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Hains: Ce n'est pas une question, c'est une conclusion.

Le Président (M. Brouillet): Conclusion, très bien.

M. Hains: Je vais passer pour un

homme très léger si cela continue. Mme Rivard, M. le ministre m'a coupé vraiment les deux questions que je voulais vous poser, par ses réponses. Il m'a coupé en même temps le souffle. Je n'ose pas dire que c'est votre présence qui m'a coupé le souffle. Je vous remercie de votre gracieuse collaboration ainsi que celle de M. Marsan. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon retour à Montréal, notre belle ville à nous deux.

M. de Bellefeuille: Cela, M. le Président, c'est le mot de la fin et le fin du mot.

M. Hains: Merci.

Une voix: Merci, bonsoir.

Le Président (M. Brouillet): Bonsoir et merci.

Nous entendrons maintenant le représentant de la ville de Québec. Je demanderai au porte-parole de s'identifier et de nous présenter ses collaborateurs.

Ville de Québec

M. Gagnon (Gilles): Merci, M. le Président. Je m'appelle Gilles Gagnon, je suis conseiller exécutif de la ville de Québec. À ma droite, Mme Ginette Noël, chef de la division des archives, et, à ma gauche, Me Antoine Carrier, greffier de la ville de Québec.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mesdames, messieurs, je vais lire brièvement le document, sauf la dernière partie dans les modifications à apporter à la forme puisque nous aurons traité du contenu de chacun des articles en passant. Je vais tâcher de lire assez rapidement.

À cause de l'importance qu'elle accorde à son patrimoine archivistique, la ville de Québec tient à présenter son point de vue sur le projet de loi no 3 concernant les archives. Les observations qui suivent ne prétendent pas à l'exhaustivité, mais suggèrent des éléments de réflexion à prendre en considération pour modifier le projet actuel dans l'intérêt des archives municipales.

Ce projet de loi constitue un premier pas vers une politique d'action dans le domaine des archives au Québec. Il témoigne de la volonté du gouvernement d'identifier et de préserver les archives historiques du Québec et d'encourager les détenteurs à en prendre soin.

Dans le domaine de la terminologie, non seulement il n'existe pas suffisamment de définitions dans le projet, on en découvre quelques-unes par déduction à la lecture du document, mais celles qui sont utilisées ne correspondent pas nécessairement aux normes internationalement admises par l'ensemble des archivistes. Par exemple, la définition d'archives publiques, article no 2, est très limitative si on la compare à celle employée par l'UNESCO qui se lit comme suit: "L'ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature, réunis, élaborés ou reçus par une personne physique ou morale, pour les besoins de son existence et l'exercice de ses tâches, conservés d'abord pour servir de preuve et pour ses besoins administratifs, et conservés ensuite pour leur valeur d'information générale..." Il aurait été plus conforme aux pratiques archivistiques reconnues d'utiliser le terme "versement" au lieu de "remise". Je pense que cela a déjà été mentionné au cours de la journée.

Délégation. Dans le projet no 3, tel qu'il se présente actuellement, le ministre des Affaires culturelles a beaucoup de pouvoirs. Il peut seul, ou après avoir reçu un avis de la Commission des biens culturels, remettre en question des décisions internes émanant d'une municipalité. On peut sérieusement se demander si malgré toute leur bonne volonté, le ministre des Affaires culturelles et la Commission des biens culturels possèdent la connaissance suffisante des dossiers municipaux pour renverser des décisions que le milieu croyait justifiées. Nous sommes en conséquence partisans de l'insertion dans le projet de loi sur les archives de la notion de personne désignée. Le ministre des Affaires culturelles pourrait s'inspirer, pour ce faire, de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Réglementation. L'application de cette loi aura un impact sur l'établissement des priorités dans les municipalités. Les effets de cette loi sur les activités archivistiques sont actuellement impossibles à évaluer parce qu'ils dépendent trop d'une réglementation qu'on ne connaît pas encore, les articles nos 13 et 44, entre autres. Il faudrait que le ministère divulgue dans le texte de loi les grandes orientations qu'il entend prendre dans le domaine de la conservation des documents puisque c'est là que réside le plus grand impact de la loi sur nos opérations. Il ne faut pas oublier que la conservation dans un sens large inclut aussi le traitement. On peut donc penser à des interventions dans l'élaboration d'instruments de recherche et autres.

Nous croyons que l'ajout de spécifications est possible car si les articles 13 et 44 ne sont pas assez précis, d'autres par contre le sont peut-être trop et ressemblent davantage à des règlements. Par exemple, l'article no 7 décrit dans le détail les éléments qu'on devrait retrouver dans un calendrier de conservation et l'article no 36 énumère tout ce qui doit se retrouver sur un

avis de transport de documents hors du Québec.

L'article 45 prévoit un mécanisme permettant aux organismes touchés de se prononcer sur un règlement concernant la Loi sur les archives. Cependant, nous sommes d'avis qu'il faudrait consulter les municipalités au moment de l'élaboration de tout règlement pouvant avoir une incidence sur la conservation et le traitement des archives municipales.

De toute évidence, cette loi semble avoir été rédigée par rapport aux documents gouvernementaux. La meilleure preuve à l'appui de cette affirmation, c'est qu'il n'y pas eu de consultation à ce sujet dans les autres milieux. Le ministère veut simplement transposer des politiques, mais à plusieurs égards la loi ne répond pas aux besoins spécifiques des municipalités. On y revient dans les articles 16, 19, 30 et 34 plus loin.

Certains documents municipaux déjà réputés archives historiques, les procès-verbaux et règlements entre autres ne figurent pas dans la loi comme étant des archives historiques, l'article 16. D'autre part, des mesures de protection et des prérogatives applicables aux documents gouvernementaux ne le sont pas aux documents municipaux, dans les articles 30 à 32, par exemple.

Si le ministère des Affaires culturelles veut que la Loi sur les archives atteigne les objectifs d'identification et de préservation de toutes les archives historiques du Québec qu'il s'est fixés il devra lui apporter un certain nombre de modifications.

Le chapitre suivant présente en détail les corrections que la ville de Québec juge souhaitables d'apporter à la Loi sur les archives pour qu'elle s'applique de manière uniforme à toutes les archives du Québec qu'elles qu'en soient leur origine, gouvernementale, municipale ou autres.

Modifications: Ajouter un article permettant de déléguer des pouvoirs ou des responsabilités aux municipalités et prévoir un mécanisme pour désigner la ou les personnes responsables.

L'article 8 portant sur l'approbation par le ministre des calendriers de conservation. Le ministre pourra-t-il réellement approuver les calendriers de conservation de près de 5000 organismes en plus des organismes gouvernementaux, dans les prochaines années?

Nous proposons de limiter l'obligation des organismes publics à déposer auprès du ministre leur calendrier respectif et ce, dans des délais raisonnables.

L'article 10 portant sur l'obligation faite aux fonctionnaires et l'exception prévue pour les élus de laisser les documents qu'ils ont produits ou reçus dans l'exercice de leur fonction au sein d'un organisme public. Retirer le deuxième paragraphe de cet article. Quel principe invoquer pour justifier qu'un élu ne soit pas tenu de laisser des documents qu'il a produits ou reçus dans le cadre d'une fonction au sein d'un organisme public?

L'article 13 portant sur les règles de conservation des archives publiques. Trop général malgré les nombreuses implications qu'il sous-tend, cet article mériterait d'être précisé. Il faudrait y retrouver les orientations des règles de conservation.

L'article 16 portant sur un certain nombre de documents réputés archives publiques. Compléter la liste en y ajoutant les documents municipaux de même type car, à l'instar du gouvernement, les municipalités détiennent un certain nombre de documents immédiatement de valeur historique ou actifs pendant une très longue période.

L'article 19 portant sur des documents les membres de l'Assemblée nationale. Cette mesure incitatrice prévue pour les membres de l'Assemblée nationale devrait avoir un pendant pour les municipalités puisqu'on y retrouve là également les élus.

L'article 21 portant sur l'élimination de certains documents. Cet article est le seul où le ministre peut décider sans prendre aucun avis. Pourtant on parle de destruction. On peut imaginer un néophyte demandant au ministre l'autorisation de détruire des documents importants. Ce dernier serait-il en mesure de décider du bien-fondé de la demande? Le ministre devrait au moins obtenir un avis favorable de la Commission des biens culturels avant d'autoriser l'élimination de tout document.

Dans les articles 30 à 32 portant sur les archives privées déposées auprès du ministre. Cette possibilité de soustraire certains documents à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pourrait constituer un avantage pour les municipalités comme pour le gouvernement et l'histoire en général y retrouverait son bénéfice.

L'article 34 portant sur une mesure permettant de prendre possession de documents anciens. On pourrait le compléter d'un alinéa supplémentaire qui permettrait aux municipalités de récupérer les documents importants pour son histoire qui sont encore éparpillés.

L'article 38 portant sur l'élaboration d'une politique de gestion des archives publiques. Comment se fait-il que l'on parle ici de documents actifs ou semi-actifs alors que la loi, si on se réfère à l'article 2, se confine aux documents inactifs. Il y a là matière à confusion.

L'article 44 sur les règlements à venir. Notre remarque de l'article 13 s'applique aussi dans ce cas-ci. (22 h 30)

Pour les modifications à apporter à la forme, comme je le mentionnais tout à

l'heure c'est une question d'organisation et je pense que je n'insisterai pas sur les éléments qui sont là-dedans, vous les avez entre les mains. Espérons, M. le Président et M. le ministre, que ces différentes suggestions seront prises en considération pour parfaire encore un peu le projet de loi qui, nous le savons tous, a déjà subi plusieurs polissages. Nous sommes conscients qu'une loi sur les archives a son importance; aussi croyons-nous qu'il ne faut rien négliger pour la rendre conforme le plus possible à la réalité archivistique québécoise.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Gagnon. M. le ministre.

M. Richard: À mon tour, M. le Président, je voudrais remercier M. Gagnon et ses collègues et poser une question et faire une observation. La question est: Qui, selon vous, doit être la personne désignée à laquelle seraient délégués les pouvoirs?

M. Gagnon (Gilles): M. le ministre, j'ai une bonne idée de cette personne qui pourrait être désignée mais je vais laisser l'occasion à ma collègue, Mme Ginette Noël qui est chef des archives de la ville depuis déjà quelques années.

M. Richard: Vous avez de nouveaux locaux.

M. Gagnon (Gilles): Je pense qu'elle a de bonnes idées là-dessus. On a des...

M. Richard: Vous avez de nouveaux locaux et c'est accessible au public.

M. Gagnon (Gilles): Certainement.

M. Richard: Voilà.

Le Président (M. Brouillet): Madame.

Mme Noël (Ginette): Comme on l'a dit dans le document cela pourrait être, comme dans la loi 65, une haute autorité dans la ville, soit le maire ou le gérant ou autre qui, lui, verrait à ce que ses fonctionnaires établissent des politiques en matière de gestion des archives.

M. Richard: Je voudrais maintenant faire une observation. C'est que l'article 16... Si nous avons conçu l'article 16 - je pense que vous l'aviez un peu deviné mais -c'est qu'au gouvernement ce sont des ministères différents qui gèrent les documents aux trois stades: actifs, semi-actifs et inactifs. Il n'en est pas nécessairement ainsi ailleurs. Par exemple, à la ville de Québec, qui gère les documents aux trois stades?

Mme Noël: Je suis d'accord avec vous. Excusez. Est-ce que vous me permettez de répondre?

Le Président (M. Brouillet): Allez, allez.

Mme Noël: Je suis d'accord avec vous mais si on se réfère à la définition d'"archives publiques" dans le projet de loi actuel ou à l'article 2, à la ville de Québec, ne seraient archives publiques que des documents inactifs présentant un intérêt historique reçus ou produits par un organisme public dans l'exercice de ses activités. Or nous avons à la ville des documents qui sont encore actifs et qui sont réputés archives historisques tels vos règlements et... À l'article 16 vous parlez de projet de loi, original d'une loi, original d'un décret ou d'un arrêté. Nous avons à la ville de Québec le pendant, c'est-à-dire des règlements et autres documents qui ne sont pas inactifs. Vous n'entendez pas ce que je dis? Oui?

C'est dans ce sens que nous aimerions que nos documents historiques soient tous compris dans votre projet de loi parce que si on le lit comme il est il n'y a que les documents inactifs qui seraient archives historiques, ce qui n'est pas le cas, comme au gouvernement.

M. Gagnon (Gilles): II faudrait peut-être ajouter, M. le ministre, qu'avant la loi 65 la personne qui est désignée pour être responsable de l'accessibilité aux documents est la plus haute autorité de la ville. Il n'y aurait rien qui s'oppose à ce que, dans ce cas-ci, ce soit la même personne qui soit désignée que dans le cas de la loi 65 qui, par la suite, pourrait elle-même désigner quelqu'un qui serait chargé plus particulièrement de cet aspect.

M. Richard: Dernière observation, M. le Président. Avec votre permission je voudrais signaler à M. Gagnon et ses collègues que le ministre des Affaires culturelles n'a pas l'intention de se substituer aux Archives nationales pour approuver les calendriers de conservation.

Mme Noël: Vous avez dit aux Archives nationales?

M. Richard: Oui. Pour approuver les calendriers de conservation il faut bien mettre, exactement comme vous me le suggérez, pour désigner le maire et ce n'est certainement pas le maire, ce sera plutôt vous, Mme Noël, n'est-ce-pas? J'en suis persuadé. De même que vous me suggérez le maire comme personne désignée, de même la loi retient un nom qui, en l'occurrence, est l'autorité ultime, c'est-à-dire le ministre..

Mme Noël: Les Archives nationales, il

nous apparaît difficile qu'elles puissent approuver des calendriers de conservation en provenance de cinq mille organismes dans peu de temps.

M. Richard: Oui, sauf qu'elles sont réparties un peu partout sur le territoire du Québec. Il y a neuf succursales - si je peux me permettre l'expression - qui pourraient se partager la tâche. Cela ne doit pas être plus pénible que pour le maire d'approuver le calendrier pour une municipalité.

Mme Noël: C'est plus pénible car il connaît quand même les documents municipaux. Je ne pense pas que les archivistes des Archives nationales du Québec, malgré qu'ils puissent avoir une certaine connaissance, en aient autant que ceux du milieu concerné.

M. Richard: Pas pour les documents municipaux, mais ils sont réputés connaître ce que sont des archives.

M. Carrier (Antoine): Ne pourrait-on pas prévoir une disposition dans le cas des corporations municipales? Vous êtes le ministre responsable pour les organismes gouvernementaux. Si on ajoutait un paragraphe ou un article après l'article 43 qui dirait que dans le cas des municipalités, c'est la personne qui détient la plus haute autorité dans ces corporations...

M. Richard: Cela serait un peu risqué dans certains cas, Me Carrier, puisque justement on doit avoir une loi pour inciter à la conservation des archives.

Le Président (M. Brouillet): Le député de Saint-Laurent a une question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites à la page 4 de votre mémoire que de toute évidence cette loi a été rédigée en fonction des documents gouvernementaux. Vous dites qu'il y a sûrement une différence entre la gestion de documents - enfin, c'est ce qu'on peut déduire - gouvernementaux et les archives municipales, les documents municipaux. Est-ce qu'on pourrait savoir quelle sorte d'ajustements vous voudriez prévoir dans la loi de façon qu'on ait une gestion adéquate pour ces documents des municipalités ou d'autres organismes?

Mme Noël: Nous avons, dans les différents articles où c'était approprié, mentionné les modifications qu'il y aurait lieu d'apporter à la loi. Aux pages 5 et suivantes, à tous les articles où cela nous apparaissait nécessaire on ajoutait une précision pour les archives des organismes publics décentralisés.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas de différence spécifique entre les deux types. Vous ne pouvez pas mentionner certaines différences entre les deux types de gestion?

Mme Noël: C'est qu'il n'y a pas de différence dans la gestion comme telle. On aimerait que certaines des prérogatives de la loi qui s'appliquent aux documents gouvernementaux s'appliquent aussi pour les organismes décentralisés.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites à la page 5: "Nous proposons de limiter l'obligation des organismes publics à déposer auprès du ministre leurs calendriers respectifs et ce dans des délais raisonnables." Je veux bien comprendre les "délais raisonnables", mais lorsque vous parlez de limiter l'obligation quant au dépôt des calendriers, je ne comprends pas comment vous pouvez limiter cela.

Mme Noël: À l'article 8 on demande de porter nos calendriers de conservation à l'approbation du ministre. Nous, on préférerait simplement avoir à déposer les calendriers de conservation déjà approuvés par les autorités en place dans les municipalités.

M. Gagnon (Gilles): II ne faut peut-être pas trop attacher d'importance au mot "limiter". On voulait se limiter à un dépôt de calendriers déjà approuvés par le conseil ou l'exécutif de la ville sans être obligé de les faire approuver par le ministre par la suite. On pensait qu'un calendrier qui était bien bâti au départ par la ville et approuvé comme tel pouvait avoir toutes les garanties d'un calendrier efficace et qu'on ne serait pas tenu d'attendre son approbation pour le rendre opérationnel.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que vous n'avez pas été consultés, que les municipalités n'ont pas été consultées avant la rédaction du projet de loi. Je vais poser la question au ministre: M. le ministre, vous proposez-vous de consulter les municipalités avant de rédiger les règlements? Enfin, vous êtes en train de les rédiger.

M. Richard: M. le Président, je n'ai aucune objection à consulter les municipalités sur les règlements puisqu'elles ont été consultées en ce qui a trait à la loi sur les archives, pas spécifiquement, mais au moment de ma tournée où, encore une fois, je le répète, plusieurs mémoires - il y en a eu 22 - ont porté spécifiquement sur les archives. C'est à partir des demandes formulées dans les mémoires qui m'ont été présentés au cours de ma tournée à travers le Québec que j'ai jugé urgent de présenter

cette loi sur les archives.

Bien sûr, toutes les municipalités, n'ont pas été nommément consultées.

Le Président (M. Brouillet): Oui. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais vous dire, M. Gagnon, Mme Noël et M. Carrier, que vous répondez à une de mes attentes parce que si vous étiez là ce matin, vous vous rappellerez peut-être que j'avais exprimé le désir que les groupes qui se présentent devant nous nous éclairent sur la question des paperasses des députés, parce que les députés sont évidemment, par rapport à leurs archives personnelles, aux documents qu'ils accumulent, dans une situation où ils sont à la fois juge et partie. Or, dans votre mémoire, si je comprends bien, vous êtes en faveur du versement aux archives des documents des élus. Vous ne vous intéressez pas seulement aux documents des députés, vous vous intéressez aux documents des élus municipaux. J'imagine que vous avez raison en ce qui me concerne. Mais je voudrais vous demander comment vous répondez à une des objections que l'on formule à ce sujet. Quand on dit que les papiers des députés devraient être versés aux archives, on fait une analogie avec le secret professionnel. On signale que les papiers des députés contiennent des renseignements personnels sur des tiers et que, par conséquent, dans l'esprit d'une loi que nous avons adoptée récemment, la loi 65, qui protège les particuliers contre la divulgation de renseignements personnels, il pourrait être mal indiqué de divulguer des renseignements contenus dans les documents accumulés par les députés. Comment répondez-vous à cette objection?

M. Gagnon (Gilles): Je ne ferai que référence à l'article 19. Bien sûr, on demande aux membres de l'Assemblée nationale, et par voie de conséquence, aux élus municipaux de faire le dépôt quand on juge à propos de le faire. Au moment où le député pourrait être appelé à déposer ses documents pour répondre à la partie que vous mentionnez sur la question des documents qui sont absolument personnels ou qui contiennent des informations sous le couvert de la confidentialité, quand on juge à propos de remettre des documents je pense bien qu'on peut faire un premier tri de certains documents. Même si on avait toujours fait ce tri, on n'aurait peut-être pas l'observation que le député de Trois-Rivières faisait cet après-midi, qu'on avait à peine 5% des documents des élus qui sont passés au Québec depuis 1967... Je ne peux pas croire que les autres 95% étaient des documents strictement confidentiels. C'est qu'on a probablement négligé de les remettre pour toutes sortes de raisons qu'on n'a pas à identifier. En tout cas, je verrais un premier tri. D'abord, je retire les documents qui contiennent des informations strictement sous le couvert confidentiel ou qu'on ne voudrait pas divulguer. Si pour le reste, on ne voit pas d'objection à remettre les documents, pour quelle raison ne les remettrait-on pas?

M. de Bellefeuille: Votre réponse m'inquiète. Qu'est-ce que cela veut dire de retirer les documents qui contiennent les renseignements personnels ou confidentiels? Cela veut dire qu'ils ne sont plus disponibles pour l'archivage. Il me semble qu'il faut trouver un autre moyen parce que ces renseignements peuvent être de toute première importance pour les chercheurs. (22 h 45)

M. Gagnon (Gilles): Entre ne rien avoir, M. le député, et avoir toute la documentation d'un élu, à laquelle il a soustrait un certain nombre de dossiers qu'il jugeait trop pertinents à des problèmes de confidentialité ou de secret professionnel, entre ne rien avoir et avoir tout le reste, il me semble que c'est déjà une très grosse amélioration. En tout cas, j'ai l'impression que le pourcentage de M. le député de Trois-Rivières, pour les historiens, serait certainement grandement amélioré. Je ne peux pas croire que tous les documents d'un élu ont un caractère confidentiel à ce point qu'il va les retirer tous.

M. de Bellefeuille: Vu la nature humaine, ce que je constate, c'est que, quand c'est important, il y a des gens qui sont un peu maniaques de la confidentialité. Dès que c'est important, vite, c'est secret. C'est gênant, puisque si c'est important, les chercheurs en auront besoin. Est-ce qu'il n'y a pas un autre mécanisme? Qu'est-ce que vous pensez d'un autre mécanisme... D'abord, le tri, en ce qui me concerne, je préférerais que ce ne soit pas moi qui le fasse. Il y a des professionnels dans ce domaine à qui je ferais confiance. Il y a un autre mécanisme qui consiste à fixer un délai dans le temps. Le professionnel dirait: C'est un renseignement de nature personnelle, on le gèle pour 20 ans ou... Je ne sais pas quelle est la période de temps magique. Est-ce que vous seriez favorable à un mécanisme de ce genre, selon lequel les renseignements jugés personnels demeureraient confidentiels pendant une période de temps X, après quoi, les chercheurs y auraient accès?

Mme Noël: Je crois, M. le ministre, que ce matin, l'Association des archivistes a présenté une motion de modification à cet égard et nous sommes favorables à cette même modification. D'ailleurs, ce que nous voulions souligner dans cet article, c'est qu'il

n'y avait pas de pendant pour les élus municipaux. On voulait insister sur le fait que les élus municipaux soient aussi incités à déposer leurs archives dans les dépôts, où il y en a, dans les municipalités ou ailleurs, mais qu'il y ait une mesure incitatrice pour ce type d'élus, qui existe dans notre société.

M. de Bellefeuille: II reste à savoir, madame, si les mesures incitatrices sont suffisantes. Je serais plutôt enclin...

Mme Noël: ...si le projet de loi était modifié...

M. de Bellefeuille: ...à envisager une forme ou une autre de contrainte.

Mme Noël: On serait favorable, nous aussi, si le projet...

Le Président (M. Brouillet): Me Carrier aurait un mot à ajouter.

M. Carrier: M. le député, vous avez dit tantôt que vous hésitiez à faire vous-même le tri et le confier à des spécialistes. Il reste quand même, à ce moment-là, le problème de la confidentialité du document ou encore, de l'information; le spécialiste ne pourra pas dire si c'est confidentiel ou non. Il sera là en tant que technicien pour dire...

M. de Bellefeuille: À cet égard, j'accepte volontiers l'idée d'un tri qui a été mentionnée par M. Gagnon. Mais le tri, à ce moment-là, vise à noter, à indiquer que tel document est de nature confidentielle pour telle raison plutôt qu'à retirer le document.

M. Carrier: Absolument; d'ailleurs, vous avez certaines dispositions dans le projet de loi no 65 sur la confidentialité de certaines informations. On pourrait peut-être faire une analogie dans les deux lois et arriver à une espèce de consensus là-dessus.

M. Richard: M. le Président, je pense que Me Carrier a très bien saisi l'ampleur du problème. Je pense que 99,9% des documents de députés peuvent être versés aux archives publiques et ne causent pas de problèmes quand il s'agit de l'administration publique, quelle que soit l'importance des documents. Mais il y a des cas, de temps en temps - je pense en particulier à des documents de députés - où un électeur ou une électrice vient trouver son député et lui confie un document de nature vraiment très confidentielle. Souvent, en plus, il y a confusion, surtout dans le cas de ceux qui sont avocats: beaucoup d'électeurs et d'électrices viennent les consulter à la fois comme avocat et comme député. À ce moment-là, c'est tout à fait assimilable - ou le notaire - au secret professionnel.

Je ne voudrais même pas, quant à moi, tout disposé que je suis, à verser certains documents aux archives. C'est là la difficulté. Je suis tout à fait favorable à cela, mais je ne voudrais pas manquer au secret professionnel qui, manifestement, me lie quand plusieurs des électeurs et électrices viennent me trouver et remettre leurs documents aux archives même avec une prescription. Je pense que vous avez saisi l'ampleur du problème. Ce qui est dommage, c'est que ce n'est pas vrai pour 99,9% des cas où on pourrait verser. J'ai en mémoire des cas même tout récents où des gens m'ont véritablement confié des documents d'une nature tout à fait confidentielle qu'ils ne m'auraient jamais confiés d'ailleurs s'ils avaient su qu'un jour je les verserais à des archives.

C'est peut-être la même chose pour le notaire. C'est pour cela que j'ai de la difficulté, et je le reconnais d'emblée, à rédiger cet article. Je suis tout à fait d'accord avec le député de Trois-Rivières et mon collègue pour dire qu'il faudrait en verser le plus possible. Mais comment rédiger la règle qui nous permettrait de verser ces documents?

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Juste une petite question pour faire sérieux. Vous demandez en page 5... Je veux dire de ma part, je parle de moi. Vous demandez en page 5 que soit incluses à l'article 13 les orientations que le ministre entend donner aux règles de conservation. Très brièvement, est-ce que vous pourriez quand même me donner une petite idée de ce que pourraient être ces orientations que vous demandez?

Mme Noël: On en a parlé beaucoup au niveau de la réglementation. C'est notre désir aussi de voir exactement dans quelle voie s'engagent les Archives nationales au niveau des obligations qui seront faites aux organismes de décentraliser pour conserver leurs archives.

M. Hains: C'est compliqué. Nos remerciements à vous trois, surtout à M. Gagnon. Je vous dis en terminant que vous avez vraiment le franc-parler des Québécois et que vous n'hésitez pas à affirmer, malgré toutes les assertions de M. le ministre, qu'il y a peut-être eu un manque de consultation vis-à-vis des municipalités. J'espère que M. le ministre saura consulter les autorités municipales avant de mettre la dernière touche à la loi et surtout, peut-être, aux règlements qui viendront compléter cette loi.

M. Richard: M. le Président, je ne peux

pas m' empêcher de répondre à cette affirmation.

M. Hains: C'était dans le texte à plusieurs endroits...

M. Richard: J'ai noté que le député de Saint-Henri est partisan le matin et en fin de soirée.

M. Hains: ...de la consultation.

M. Richard: Entre les deux, cela va.

M. Hains: Non, mais si cela venait de moi...

M. Richard: Le matin, c'est parce qu'il n'est pas réveillé et en fin de soirée c'est parce qu'il s'endort.

M. Hains: Je suis très alerte, mais je crois que M. Gagnon l'a maintes fois répété, il s'est plaint d'un manque de consultation dans son mémoire. Alors, ce n'est pas moi qui ai dormi pendant ce temps.

M. Richard: M. le Président, y a-t-il meilleur exercice démocratique et meilleur exercice de consultation que ce qu'on est en train de faire présentement?

M. Hains: J'accepte cela et c'est ce que j'ai dit, que j'espère que vous en tiendrez compte dans les retouches à la loi et surtout dans la réglementation.

M. Richard: Vous le verrez, M. le Président.

M. Hains: Merci. C'est cela que j'attends de vous.

Le Président (M. Brouillet): Je crois que le député de Trois-Rivières aurait aussi son petit mot à dire.

M. Vaugeois: C'est-à-dire que le député de Deux-Montagnes a relevé l'essentiel de ce que je voulais relever, mais, comme on a rapelé des choses que j'avais dites ce matin et que je les ai dites un peu rapidement, je voudrais les préciser. Il y a à peu près 5% des hommes politiques qui ont été élus au Québec, ici, au Parlement, depuis 1792 qui ont laissé des traces aux archives. Quant aux premiers ministres, il y en a quatre ou cinq qui ont des documents significatifs. Je pense bien que j'ai été un peu catégorique. On a quelques documents sur chacun d'eux qui viennent de différentes sources. Des documents en importance un peu significative, il y en a pour quatre ou cinq premiers ministres.

Je voudrais revenir sur le point soulevé par le député de Deux-Montagnes et également sur ce que le ministre a rappelé encore une fois. On diffère un petit peu d'opinions. Ce sont des opinions qui n'ont pas été tranchées dans le programme du parti et on a le droit d'avoir des opinions là-dessus. Je comprends que...

M. Richard: C'est tranché dans le programme du parti, M. le Président. Le député de Trois-Rivières se permet d'avoir des opinions.

M. Vaugeois: Est-ce que c'est un compliment que vous me faites, M. le ministre?

M. Richard: Un compliment, M. le Président.

M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que c'est inscrit? Je comprends qu'il s'agit du mémoire de la ville de Québec. Je vais vous demander de réagir à cela. Est-ce que les élus de votre conseil, maire en tête, ont eu l'occasion de considérer tous les aspects du mémoire et ceux qui les concernent d'abord? Pour moi, c'est assez important. Cela signifierait que des élus pour lesquels j'ai beaucoup d'estime, d'admiration et d'amitié ont pris une position que nous ici, n'avons pas encore prise. Cela pourrait nous servir de point de référence. Cela est dit de façon très claire dans le mémoire - M. le ministre, je me permets d'attirer votre attention là-dessus - en page 5: La ville de Québec nous invite à retirer le deuxième paragraphe de l'article no 10. Je pense que c'est très clair. Ce sont des élus qui s'expriment et qui disent: Nous, on ne veut pas de faveur, quand un élu occupe une fonction non élective. Soit dit en passant, j'aimerais que vous me donniez des exemples. Peut-être que cela ne se produit pas à la ville de Québec étant donné l'importance de la municipalité, mais votre expérience du niveau municipal pourrait peut-être nous fournir des exemples qui feraient que l'article 10 permettrait à des gens dans une petite municipalité de partir avec pas mal de documents parce qu'un élu a occupé une fonction qui normalement est occupée par un non-élu. Si cela avait été le cas, lui, il aurait dû remettre les documents. Mais, comme la fonction était occupée par un élu, il n'est pas tenu de rapporter les documents. Des élus nous incitent donc à faire sauter le deuxième paragraphe de l'article 10. Je trouve cela intéressant. Mais cela ne touche pas et je pense que cela ne peut jamais toucher les élus de l'Assemblée nationale. Encore là, M. le ministre, je vous inviterais à nous donner des exemples, à savoir si cela était possible de s'appliquer pour un élu de l'Assemblée nationale, le deuxième paragraphe de l'article 10.

À la page 6, la ville de Québec nous

dit: On aimerait cela qu'il y ait une mesure incitatrice pour les élus des municipalités, pour les inciter à remettre leurs documents. Et vous revenez à la charge, d'ailleurs - ce n'est pas une distraction de votre part - en page 9, en disant: À l'article 19, on voudrait mettre davantage l'accent sur la mesure incitatrice que sur le fait que ce type de documents devienne des archives publiques. Je pense que votre position est très claire. J'aimerais que vous me disiez clairement que c'est la position de la ville et donc, également, des élus de l'administration de la ville de Québec.

Je me permets un commentaire avant de m'arrêter. Même si je respecte profondément ce que vient de dire le ministre et que je ne doute pas qu'il ait raison sur 0,1% des cas, il reste que je crois, moi, que les archivistes sont tout à fait aptes à juger du caractère des documents qu'on leur confie parce que la loi 65 établit déjà le caractère des documents des hôpitaux qui traitent de choses très intimes. Des gens ne sont pas détruits parce qu'on touche des questions intimes. Des documents des tribunaux, des documents d'enquêtes policières, etc., peuvent pénétrer dans la vie personnelle des gens. On n'a pas décidé de détruire tout ce qui touchait la vie personnelle des gens. Ce qu'on a décidé, à mon avis, c'est de protéger la vie privée des gens et cela veut dire une prescription très longue. Cela peut être une prescription de 100 ans.

Je prendrai comme exemple les Européens qui, pour des moments extrêmement douloureux de leur histoire, des moments de guerre, des moments d'actes absolument odieux, n'ont pas décidé de détruire les papiers compromettants, mais d'établir des prescriptions. Et, après un certain nombre d'années, la vérité retrouve ses droits et les gens ont le droit de savoir ce que les générations précédentes ont vécu comme problèmes, comme situations douloureuses et ainsi de suite. Si le Vatican ouvre ses archives, si les pays qui ont été en guerre s'ouvrent mutuellement leurs archives, il me semble que, nous, on pourrait, à la limite, avoir des prescriptions très longues -et les archivistes sont compétents pour cela - mais cela ne devrait pas autoriser l'élu à faire le ménage dans ses documents. Je partage l'avis de mon collègue de Deux-Montagnes et je pense que le ministre serait également d'accord sur l'essentiel: Quand un homme politique commence à faire le ménage, il y a des risques qu'il le fasse dans l'intérêt de ce qu'il veut laisser comme image. Moi, je préfère faire confiance aux archivistes là-dessus: qu'ils fassent le ménage, qu'ils établissent les prescriptions. Et je pense que les archivistes sont prudents. Ils protégeront la vie privée des gens et, en cas de doute, ils mettront une prescription plus longue que pas assez. Mais, il me semble que c'est vers cela qu'on devrait aller.

Maintenant, je voudrais vous entendre me dire quelle a été très clairement la position des élus de la ville de Québec dans la rédaction de ce mémoire.

M. Gagnon (Gilles): Me Carrier.

M. Carrier: Je peux vous répondre à ce sujet, M. le député de Trois-Rivières, en disant que si, effectivement, nous sommes ici en tant que représentants de la ville de Québec, c'est que cela reflète l'idéologie et la pensée des membres du comité exécutif et des membres du conseil de la ville de Québec. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

M. Vaugeois: Est-ce que vous me permettez de dire, M. le Président, que moi, cela m'impressionne beaucoup? Je trouve cela admirable parce que ce n'est pas courant.

M. Carrier: Quant à votre deuxième question sur le premier paragraphe de l'article 10, ce pourrait être, par exemple, le cas d'un greffier de n'importe quelle ville. On dit: "Toute personne qui cesse d'être titulaire d'une fonction non élective au sein d'un organisme public - donc un greffier, un fonctionnaire, dans un organisme public -doit nécessairement laisser à l'organisme dont elle fait partie ses documents". Et au deuxième paragraphe, on dit: "Le premier alinéa ne s'applique pas à une personne élue, titulaire d'une fonction non élective au sein d'un organisme public". Prenons, par exemple, le maire de la ville de Québec, qui siégerait comme représentant de la ville au sein d'un organisme qui s'appellerait la CTCUQ. Vous avez le cas patent au deuxième paragraphe. Nous pensons que cela devrait s'appliquer quand même. (23 heures)

M. Vaugeois: M. le ministre, avez-vous des exemples où un membre élu de l'Assemblée nationale pourrait occuper une fonction non élective et, à ce titre, ne pas être tenu de remettre les documents de la fonction non élective?

M. Richard: Un adjoint parlementaire. Pour faire la distinction, prenons un autre exemple, le chef de l'Opposition.

M. Vaugeois: D'accord.

M. Gagnon (Gilles): Est-ce qu'on peut dire qu'un ministre occupe une fonction élective?

M. Richard: Non, il n'occupe pas une fonction élective.

M. Gagnon (Gilles): Mais il n'a pas été élu ministre, il a été nommé.

M. Richard: Non, mais la difficulté est de faire la distinction très nette dans un projet de loi entre les documents qu'il reçoit comme député...

M. Gagnon (Gilles): C'est cela.

M. Richard: ...et les documents qu'il reçoit comme ministre.

M. Gagnon (Gilles): Exactement.

M. Richard: Là-dessus, en tout cas, je ne veux pas éterniser la discussion mais je ne partage pas l'avis de mon collègue, le député de Trois-Rivières. Je n'accepterai jamais, nonobstant un projet de loi, de déposer, de verser des documents qui m'auront été remis à titre confidentiel, à la fois comme député et comme avocat. Je me sens lié par le secret professionnel et je ne vois pas, si on ne peut pas obliger un membre du barreau à verser des documents, ou un membre de la Chambre des notaires -ici, nous sommes deux qui, je pense, percevons bien le problème et je pense que Me Carrier l'a saisi aussi - je n'accepterai pas que ce soit un tiers, un arbitre, qui juge de la question, qui tranche la question à savoir si un document qui m'a été remis à titre confidentiel l'a été ou non.

Le Président (M. Brouillet): Pour terminer sur cette question, Me Carrier.

M. Carrier: J'aurais une suggestion à faire là-dessus. Dans la mesure où ce serait possible, ce serait d'envisager deux possibilités: premièrement, d'être relevé de son secret professionnel par le barreau; deuxièmement, d'avoir le consentement de la personne qui a fait la confidentialité de se faire relever de cela. Ce seraient les deux seuls cas où on pourrait atteindre l'objectif qu'on veut. À ce moment-là, on couperait peut-être les 0,5% en deux et on atteindrait peut-être les 99,75%.

M. Vaugeois: M. le Président, on connaît l'estime que je porte au ministre et je respecte bien l'intervention très catégorique qu'il vient d'avoir. J'aimerais quand même que la question reste un petit peu ouverte parce qu'on a des exemples - je les ai évoqués rapidement tout à l'heure - de gens en autorité à la tête d'États souverains. On a des gens à la tête d'organismes aussi conservateurs que le Vatican. J'ai répété tout à l'heure des exemples d'archives de guerre, etc. Je comprends son point de vue. Il y a l'aspect professionnel mais, en pratique, je peux dire que j'ai consacré plusieurs années de ma vie à travailler dans le fonds Hart et • ce fonds Hart a été conservé parce que des hommes de loi, notaires et avocats, qui avaient traité les papiers de cette famille pendant plusieurs générations, n'ont pas détruit les papiers de la famille. Aujourd'hui, ils se retrouvent conservés dans des archives et c'est la source la plus importante pour l'étude des Juifs en Amérique du Nord.

Là-dedans, il se trouve des documents qui ont un caractère personnel et intime. Ils ont été conservés et je pense que c'est aux archivistes et aux historiens de traiter cette documentation de façon respectueuse. À choisir entre détruire et conserver, je pense que je préfère la conservation et je préfère faire confiance un peu aux générations qui suivent. Je comprends cependant qu'il y ait des problèmes professionnels qui se posent. Je voudrais qu'on chemine là-dedans et qu'on prenne le temps de regarder cela un petit peu plus avant et de respecter les problèmes que les uns et les autres peuvent avoir. Quant à moi, la destruction, au nom du caractère privé, c'est de couper un peu court.

Le Président (M. Brouillet): Je pense que nous allons clore le débat là-dessus. Pourtant, je pense bien que le débat n'est pas clos pour autant, mais, au moins, pour ce soir. Il est 23 h 05. Je vous fais part que nous avons maintenant entendu huit groupes sur un ordre du jour qui en comprenait seize, une fois qu'on en a enlevé deux dont les mémoires étaient pour dépôt seulement.

Pour demain, on a un ordre du jour établi pour entendre quinze organismes qui sont déjà convoqués. Je vous demande si nous poursuivons l'audition des groupes qui sont ici ce soir. Est-ce que les groupes sont tous présents: le Séminaire de Québec? M. Mario Audet? L'Association des photographes professionnels? Oui. La Fédération des sociétés d'histoire du Québec? La Société généalogique canadienne-française? M.

Armand Gagné? Oui. M. Paul-Émile Guy? M. Mario Mimeault? Bon.

Alors, il y en a trois qui ne sont pas présents ce soir. Parmi les huit qui restent, il y en aurait cinq. Ceux qui ne sont pas là et qui ne peuvent pas revenir, leur mémoire serait déposé tout simplement, comme certains qui ont dû quitter avant. Il y a un ordre du jour pour demain qui comporte encore quinze groupes. Si vous voulez qu'on poursuive, c'est à vous de décider.

M. Vaugeois: Moi, je vais me discipliner, M. le Président, je vous promets cela.

Le Président (M. Brouillet): Si chacun se discipline... On a brassé plusieurs questions à venir jusqu'à maintenant. Il s'agit de voir les questions qui n'ont pas encore

été abordées dans les mémoires qui seront présentés.

M. Hains: Si je peux être relevé de mon obligation...

Le Président (M. Brouillet): Alors, nous poursuivons jusqu'à minuit. Merci, messieurs. Nous allons entendre le représentant du Séminaire de Québec. J'inviterais donc le porte-parole à s'identifier et à nous présenter la personne qui l'accompagne.

Séminaire de Québec

M. Lépine (Louis-Joseph): Je suis l'abbé Lépine, supérieur général du Séminaire de Québec. À ma gauche se trouve l'archiviste du séminaire, M. Georges-Henri Drouin.

Pour donner l'exemple, je vais essayer d'aller rapidement. J'élimine toute l'introduction pour me limiter à ce qui concerne plus spécifiquement les dépôts d'archives privées ou les institutions d'enseignement.

On a reproché plusieurs fois ce matin au projet de loi de manquer de définitions à certains termes, mais j'ai remarqué en plus -ce qui n'a pas été souligné - qu'on a employé au moins un terme dans une acception qui semble un peu étendue et peut-être un peu ambiguë. Dans le chapitre I, à l'article 3, on dit que les organismes publics visés dans la présente loi sont énumérés à l'annexe, et le titre de l'annexe est simplement "Organismes publics". Si je comprends bien cet article-là, on nous dit que, parmi tous les organismes publics qui existent, seuls sont visés dans la loi ceux qui sont énumérés dans l'annexe. Par conséquent, les organismes cités dans l'annexe sont à toutes fins utiles des organismes publics et pas seulement aux fins de la loi, et c'est un peu surprenant de voir, au paragraphe 6 , dans ces organismes publics, les institutions déclarées d'intérêt public ou reconnues à des fins de subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé. Je remarque aussi que ce sont des termes - je ne sais pas s'ils sont définis quelque part - qui ont une acception très spéciale quand on parle d'un organisme public, parapublic ou privé. Je remarquais ce matin Mme Noël employer, je pense, de façon instinctive le terme "organisme parapublic" à plusieurs reprises dans son texte. Même M. le ministre tout à l'heure a employé le terme "organisme parapublic", lorsque les représentants de la ville de Montréal se sont présentés. Je me demande s'il n'y a pas là une ambiguïté qui pourrait à l'avenir poser des problèmes, si, par hasard, le ministre ou le gouvernement adoptait un projet de loi et parlait d'organismes publics dans un sens très strict, alors qu'il ne veut pas introduire dans cette loi les organismes parapublics ou privés.

Mais, comme déjà, il y a un précédent de créé dans ce projet de loi et dans la loi 65, je crois, cela pourrait causer des problèmes. Pour cela, je suggère qu'on corrige l'article 3. Je ne veux pas dire que l'on doit être exclu de la loi, mais c'est une question de terminologie. On devrait peut-être lire l'article 3 ainsi: "Les organismes publics, parapublics et privés, visés dans la présente loi, sont énumérés dans l'annexe," et comme corollaire, changer le titre de l'annexe: "Organismes publics, parapublics et privés, visés dans la présente loi". Si c'est accepté, il faudra aussi vérifier beaucoup d'autres articles de la loi où on emploie tout simplement les mots "organismes publics", afin de bien les préciser.

Je me demande aussi, par rapport au paragraphe 6 de l'annexe, qui spécifie que les institutions déclarées d'intérêt public ou reconnues à des fins de subventions, en vertu de la Loi sur l'enseignement privé, sont soumises à la présente loi, quelle est la portée exacte de cet article. Je crois comprendre, dans le contexte, que c'est parce que ces institutions émargent au budget de l'État, par les subventions qu'elles reçoivent, qu'elles sont soumises à cette loi. Est-ce à dire que seuls sont considérés comme archives publiques, au sens de l'article 2, les documents produits ou reçus par ces institutions, depuis qu'elles ont été déclarées d'intérêt public? Ou encore, est-ce que tous les documents produits ou reçus depuis le début de leur existence sont déclarés d'intérêt public en vertu de la Loi sur l'enseignement privé?

La question peut paraître oiseuse mais elle a son importance. Je vais essayer de le démontrer en me limitant au cas du Petit Séminaire de Québec. J'imagine que la même situation prévaut dans beaucoup d'autres institutions d'enseignement. Pour bien comprendre le problème - je ne veux tout de même pas remonter au déluge - il faut quand même expliquer que le séminaire a été fondé en 1663 par une charte royale de Louis XIV et que le Petit Séminaire de Québec - il faudrait distinguer les deux, le Séminaire de Québec et le Petit Séminaire de Québec - qui est une des oeuvres de cette communauté de prêtres, a été fondé cinq ans plus tard, en 1668. Mais le Petit Séminaire de Québec, la maison d'enseignement, depuis 1969 seulement, a sa propre charte comme filiale du Séminaire de Québec.

Évidemment, depuis cette époque, depuis ce temps, la communauté du Séminaire de Québec a accumulé de très nombreux documents. Il a organisé un service d'archives qui est, au sens du projet de loi, un service d'archives privées mais que nous avons mis à la disposition des chercheurs depuis de nombreuses années.

Parallèlement, maintenant, la

succursale, la filiale du Petit Séminaire de Québec, maison d'enseignement, a produit et produit encore des documents, lesquels, à la fin de notre période d'activité, nous versons au service des archives du séminaire, qui est le service d'archives historiques privées de ce que l'on pourrait appeler la maison mère.

Si nous nous en tenons à l'article 13, le Petit Séminaire, maison d'enseignement, devrait assumer lui-même la conservation de ses archives historiques. Il devrait, par conséquent, organiser son propre service d'archives historiques à côté du service qui existe déjà mais qui relève de la communauté du Séminaire de Québec et non pas de l'institution d'enseignement, soit le Petit Séminaire.

Pour revenir à la question posée plus haut, si tous les documents produits ou reçus par le Petit Séminaire depuis la fondation, en 1668, sont des archives publiques au sens de la loi, il nous faudrait alors enlever tous ces documents du service existant des archives privées de la communauté du Séminaire de Québec pour les remettre au nouveau service d'archives du Petit Séminaire. Sinon, le ministre pourrait se prévaloir de son droit de revendiquer des archives publiques possédées sans droit, dont on parle à l'article 41, 2e paragraphe.

Il semble qu'il y a là une anomalie, probablement facile à régler, mais c'est peut-être mieux de la régler à l'occasion du projet de loi plutôt que de la régler à la pièce avec chacune des institutions qui peuvent exister dans la province.

Quelques modifications légères à l'article 28. On énumère les obligations imposées à une personne qui a la garde ou la propriété d'archives privées reconnues ou classées en vertu de la Loi sur les biens culturels. Au paragraphe 2, on spécifie que cette personne doit permettre au ministre de procéder à la reproduction de ces archives. Il serait peut-être convenable d'ajouter "après entente ou autorisation", car cette personne pourrait avoir des raisons valables de ne pas permettre la reproduction d'un document privé. (23 h 15)

Au paragraphe 5 du même article, on précise que cette personne doit aviser le ministre au moins 30 jours avant le transport de ces archives dans un autre lieu au Québec. Je ne sais pas si c'est un terme juridique, mais on indique uniquement le transport de propriété. Si c'est un transport physique, j'imagine que le ministre n'exige pas d'être avisé chaque fois que l'on prête un document d'archives pour une exposition dans la province de Québec, mais qu'il tient à l'être si le document change de dépôt. Si tel est le cas, ce serait peut-être préférable d'employer le terme relocalisation au lieu de transport. Une petite question en passant; Est-ce que le terme "personne" désigne uniquement une personne physique ou est-ce aussi une personne morale dans cet article?

Enfin, à l'article 40, on dit que le ministre peut fournir de l'aide technique à tout service d'archives privées agréé. J'ose recommander que l'on ajoute "et pécuniaire" après "aide technique". Je sais que la chose est indiquée à l'article 25, mais cela ne fait pas de tort de donner un deuxième coup de marteau sur le clou.

En terminant, je me permets deux remarques aux articles 6, 7 et 8. On stipule que chaque organisme doit établir lui-même son calendrier de conservation et le soumettre au ministre pour approbation. Je ne voudrais pas revenir sur tout ce qui a été dit là-dessus, mais, peut-être que pour les organismes d'enseignement qui produisent tous des documents du même genre, il serait plus facile et plus efficace qu'un groupe soit chargé de prévoir un projet type de calendrier à distribuer à ces organismes qui pourraient le modifier, selon les conditions locales, très rapidement et le remettre ensuite à qui de droit. Ce serait peut-être un service à rendre, ce serait plus efficace. Je ne me prononce pas pour les autres genres d'organismes.

Enfin, l'article 45. Il est dit qu'un projet de règlement sera publié à la Gazette officielle. Quelques-uns en ont parlé et ce serait vraiment intéressant si on pouvait aussi avoir une consultation sur les règlements. Je me limite à cela et je vous remercie, M. le Président, de nous avoir permis de présenter ces remarques.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien. M. le ministre.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier à mon tour M. Lépine du Petit Séminaire de Québec de même que le Séminaire de Québec. Je vois que vous êtes organisés à peu près comme une multinationale. Cette blague étant faite, je voudrais faire deux mises au point. En ce qui a trait, M. Lépine, à l'ajout de parapublic, je n'ai pas la moindre objection. C'est tout à fait conforme à l'esprit, comme vous l'avez bien saisi d'ailleurs, de la loi.

En ce qui a trait à l'autre ambiguïté, à savoir si c'est au Séminaire ou au Petit Séminaire que la loi va s'appliquer, les règles d'interprétation stipulent que, lorsqu'il y a ambiguïté comme celle que vous soulevez, c'est toujours l'interprétation la plus restrictive qui s'applique. En conséquence, dans l'état actuel de la disposition, la règle ne s'appliquerait qu'au Petit Séminaire de Québec et donc pas au Séminaire de Québec.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que...

M. Lépine: C'est là qu'est le problème,

M. le ministre.

M. Richard: Votre collègue de gauche, M. le député de Saint-Henri, va vous confirmer cela.

Le Président (M. Brouillet): Auriez-vous un commentaire à la suite de cela?

M. Lépine: Oui, M. le ministre, justement, cela s'applique au Petit Séminaire comme maison d'enseignement. Est-ce que cela veut dire que le Petit Séminaire, maison d'enseignement, sera obligé d'établir son propre dépôt d'archives historiques publiques à côté du service d'archives que nous avons déjà et qui appartient à la communauté, et non pas au Petit Séminaire? C'est là le problème.

M. Richard: Non, on peut les confier au Séminaire.

M. Lépine: Sans que ce soit contraire à la loi.

M. Richard: Sans que ce soit contraire à la loi. Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre dit qu'il n'y a pas de problème? On verra.

M. Richard: On ne verra pas, il n'y a pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): II n'y en a pas. Cela va.

M. Hains: D'ailleurs, cela sera écrit dans le journal des Débats et vous pourrez prendre cela comme preuve à l'appui que vous pouvez y aller en toute liberté. C'est cela.

M. Vaugeois: M. le Président, ce n'est pas la meilleure garantie parce que ce que dit le ministre en commission n'a pas valeur de loi. C'est la loi qui fait force de loi. Je pense quand même qu'il y a des avis...

M. Hains: C'est le meilleur interprète quand même.

M. Vaugeois: ...et qu'il y a une interprétation raisonnable de faite. Il n'y a pas d'inquiétude.

M. Hains: C'est cela, je pense bien.

M. Vaugeois: Je ne sais pas si le ministre l'a fait mais je tiens à rappeler que, de toute façon, le comportement du Séminaire concernant ses archives, quelles que soient les nuances qu'on puisse faire, est absolument exemplaire et remarquable.

Comme chercheur, j'ai pu profiter de l'excellence de vos gens et de votre organisation. C'est presque unique au Québec. Il y a d'autres institutions qui conservent bien leurs archives mais vous l'avez fait de façon absolument remarquable. Alors, la loi n'est pas pour commencer à vous faire des chinoiseries.

M. Richard: C'est pourquoi on espère, le député de Trois-Rivières et moi-même, j'en suis sûr, de même que les députés de Saint-Henri et de Saint-Laurent, voir plusieurs de ces archives exhibées, au moment de l'ouverture du nouveau musée du Séminaire.

Le Président (M. Brouillet): Nous y serons.

M. Lépine: II faut souligner que, évidemment, dans le nouveau musée du Séminaire, il y aura un étage réservé aux archives avec toutes les garanties de conservation et de protection, etc., grâce au ministre et aux subventions gouvernementales.

M. Richard: Alors, il n'y aura pas trop de problème avec...

M. Vaugeois: Aux ministres, au pluriel. M. Lépine: Aux ministres, oui.

Le Président (M. Brouillet): Je crois que c'est complet. Nous remercions beaucoup les représentants du Séminaire. Maintenant, nous entendrons M. Mario Audet. Est-ce que M. Audet est ici? Je ne crois pas. Non. Nous entendrons alors l'Association des photographes professionnels du Québec. S'il vous plaît, veuillez vous identifier et présenter la personne qui vous accompagne.

Association des photographes professionnels

M. Amyot (André): Merci. Mon nom est André Amyot. Je suis le président provincial de l'Association des photographes professionnels du Québec. À ma droite, il y a M. Alain Michon, qui est l'ancien président provincial et aussi propriétaire des Studios O. Allard photographes Inc., de Montréal, et aussi détenteur d'un dépôt d'archives.

M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de l'Opposition, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire. À titre de président de l'Association des photographes professionnels du Québec, je me fais le porte-parole de ceux et celles qui, depuis plusieurs générations, sont les témoins visuels des événements qui ont marqué notre patrimoine.

Nous sommes en contact avec plus de

1200 photographes et nous représentons officiellement au-delà de 300 créateurs d'images qui ont sur pellicule le développement et la progression des régions du Québec.

Nous aimerions, par ce mémoire, vous sensibiliser sur les archives photographiques et sur les problèmes auxquels font face les photographes professionnels du Québec.

À la suite du dépôt du projet de loi sur les archives et des réunions d'information tenues à Montréal, il nous fait plaisir de vous soumettre les observations se rapportant aux différents articles qui concernent notre profession. Par ce mémoire, l'association et ses membres espèrent contribuer positivement à la conservation du patrimoine photographique au Québec.

Nos remarques portent sur les archives photographiques qui, à première vue, semblent ignorées et, plus particulièrement, sur les fonds d'archives photographiques privées.

M. Michon (Alain): Nous laissons les archives publiques des ministères au soin des spécialistes. Nous nous occupons des petits dépôts photographiques, des archives des artisans ou de compagnies qui ont des archives photographiques en leur possession.

M. Amyot: Voici quelques raisons qui motivent l'association à participer à ce débat public. Premièrement, le peu d'activité des Archives nationales dans le domaine des archives photographiques. Par exemple, on a un manque d'animation et aussi il y a de faibles acquisitions de dépôts photographiques qui font partie des Archives nationales. Deuxièmement, une plus grande manifestation d'intérêt de la part d'institutions et d'organismes publics ou privés, extérieurs au Québec comme, par exemple, Ottawa, Toronto et les États-Unis. Troisièmement, la destruction d'archives photographiques pour des motifs économiques et financiers. En premier lieu, il y a le manque d'espace et l'augmentation des frais de loyer. En deuxième lieu, il y a la récupération et les ventes des sels d'argent et des acétates. En troisième lieu, il y a la destruction des négatifs au nitrate, qui sont un risque d'incendie.

M. Michon: Le problème que rencontrent les photographes, c'est qu'on jette les négatifs jusqu'aux cinq dernières années, les raisons étant le faible taux de nouvelles commandes ou l'intérêt porté aux négatifs et aux anciens dossiers; le patrimoine sur les épaules d'un simple photographe à ses frais et sans aide lui apporte des problèmes financiers.

Du côté des archives, si on avait de l'aide quant aux méthodes de reproduction, des cours sur les meilleures méthodes de conservation, plus de facilité pour obtenir de l'aide pour maintenir nos archives et nos dossiers dans l'ordre, ce serait... On rencontre de plus en plus de compagnies des États-Unis et de Toronto qui offrent d'acheter nos négatifs pour les faire fondre et ainsi récupérer les sels d'argent et le nitrate. Cela vient de New York, cela vient de Toronto, puisque les personnes les ont laissés partir pour avoir des fonds directement dans leur commerce plutôt que de voir cela dormir.

Un autre problème, ce sont les frais d'entreposage, l'augmentation du loyer. Les personnes ne savent plus quoi faire avec cela. Alors elles s'en débarrassent et gardent simplement les documents photographiques des cinq dernières années pour fins de commandes par leurs clients.

On ne met pas en cause ici le personnel des archives, qui est très dévoué et qui collabore en ce sens, on ne met pas le personnel en doute aux archives.

M. Amyot: L'association désire rappeler aux membres de la commission le potentiel et l'importance de la variété des documents photographiques produits par ses membres et les photographes qu'elle rejoint dans des domaines aussi variés que le portrait, la photographie commerciale, industrielle, journalistique, architecturale et d'autres. D'ailleurs, on n'a qu'à regarder dans cette salle pour avoir la preuve de cette allégation.

L'association recommande qu'à l'article 2, les documents d'archives photographiques à caractère public ou privé soient nommément désignés au chapitre du champ d'application de la loi. Cette précision apporterait un élément à d'éventuelles définitions qui, présentement, font défaut au projet de loi.

À l'article 6 - nous proposons d'ajouter à la dernière phrase le mot "photographique" pour la lire comme suit: "Que ces documents soient sous forme écrite, graphique, sonore, photographique, visuelle, informatisée ou autre."

M. Michon: Je crois qu'il est important pour notre interprétation d'avoir le terme "photographique", compte tenu des archives figurées aux termes de loi. On vise aussi le caractère public et privé des compagnies et des individus et on laisse le soin aux spécialistes de définir tous les termes qui vont aller dans le texte de loi en ce qui concerne le manque d'information.

M. Amyot: En ce qui concerne le chapitre IV, l'aide accordée par le ministre ne devrait pas être réservée exclusivement à un service d'archives agréé. Dans les notes explicatives, il est mentionné que ce projet de loi a pour objet entre autres choses d'apporter au service d'archives privées une

aide technique et financière.

L'association souhaite que cet objectif se traduise plus clairement par les articles dans le texte de la loi afin que les dépôts d'archives photographiques privées et surtout les petits dépôts connaissent mieux les possibilités réelles qui sont prévues.

Il faut encourager les photographes actuels et la relève à bien conserver les valeurs du patrimoine qu'ils bâtissent et à s'y intéresser.

M. Michon: De là la nécessité pour les Archives nationales d'informer les photographes de tous les mécanismes et des occasions de se recycler et de maintenir à jour et en bonne condition leurs archives. Et, en plus, par les règlements qu'on attend, on pourra définir les conditions d'agréer et ensuite les articles que l'on pourra définir pour les petits dépôts. On prévoit que cela ne soit pas exclusivement pour des archives agréées et les conditions aussi pour agréer par règlement.

M. Amyot: À l'article 24, les conditions d'agrément ne doivent pas être accessibles uniquement aux dépôts les plus riches et les plus connus. (23 h 30)

M. Michon: Lorsque des artisans photographes ont des sujets de photographie ou ont des dépôts d'archives et qu'on en fait la demande, on se demande: Qu'est-ce qu'on a chez nous ou qu'est-ce qui peut être intéressant? Maintenant, lorsque ce sont des archives connues comme la fondation McDonald ou Bronfman, ce sont des noms connus, ils ont déjà des comités, les fonds sont là, cela va bien pour faire des demandes, pour faire des modifications mais, lorsque ce sont des archives qui sont en voie de création, qui s'accumulent de la troisième à la quatrième génération, il est important que, même si elles ne sont pas connues, elles puissent avoir de l'appui; ce sont celles qui, plus tard, seront consultées par les Archives nationales.

M. Amyot: À l'article 25, outre les subventions aux services d'archives privées agréés, nous recommandons que le gouvernement favorise la conservation d'archives photographiques privées au moyen de crédits d'impôt accordés aux propriétaires d'archives non agréés qui en font la demande lorsque ces archives sont accessibles et jugées d'intérêt historique et culturel.

M. Michon: Une des suggestions qu'on fait, c'est le crédit d'impôt pour ceux qui sont non agréés ou qui en font la demande. Si ce sont des archives qui sont consultées par des historiens, des archives qui sont référées par des départements d'archives et qui sont utilisées ou qui sont susceptibles d'être intéressantes, une façon de les encourager serait un crédit d'impôt. Cela maintiendrait les archives opérationnelles, ce qui permettrait d'avoir un appui financier ou au moins moral des archives pour cette aide à la conservation. Ou il pourrait y avoir une allocation d'aide à la conservation sous forme de papier antiacide, de boîtes, d'étagères, tout le support. Qu'on ait au moins une allocation ou des crédits d'impôt et aussi les règlements qui vont régir cela pour qu'on sache à quoi s'en tenir à cet effet.

M. Amyot: À l'article 26, les règlements prévus pour la conservation des archives doivent être réalistes et tenir compte du contexte économique et des implications financières face aux propriétaires de petits dépôts. Dans les notes explicatives de la page 2, troisième paragraphe, dernière phrase, nous lisons: "Un tel service devra conserver ses archives conformément à la loi et les rendre accessibles au public." À l'article 26, il est mentionné: "les rendre accessibles"; les mots "au public" ne figurent plus à ce niveau.

Nous aimerions nous assurer que l'accessibilité ne soit pas synonyme de gratuité, car le processus de consultation des archives est délicat pour les documents et demande un temps de recherche souvent long et précieux. Les membres de l'association ne visent pas à une surexploitation commerciale des archives photographiques en leur possession. Toutefois, ils ne peuvent assumer à eux seuls les frais de ce patrimoine d'archives au détriment de leurs activités professionnelles courantes.

M. Michon: Mettre un dépôt d'archives ouvert au public ou aux personnes concernées... Aux personnes concernées, cela va, au public passe encore, mais on ne peut ouvrir tous les dossiers de négatifs au public sans savoir si on sait les manipuler. On peut mettre des fichiers - mais, encore là, ce n'est pas informatisé - de cartes pour l'accessibilité aux dossiers. Si le personnel est réduit ou si on n'a pas tout le personnel, comme on l'a mentionné ce matin, deux ou trois personnes pour couvrir toute l'étendue, si on demande l'accessibilité au public, il faudra encore prévoir un autre mécanisme de fichiers ou d'autres personnes pour travailler à ce dépôt d'archives. Encore là, l'accessibilité ne devrait pas... Lorsqu'on demande des réimpressions au tarif des Archives nationales ou au tarif des Archives publiques à Ottawa - les deux sont similaires - cela doit être aux frais de la personne qui utilise les archives.

M. Amyot: L'article 27. Nous sommes en désaccord avec cet article qui donne au ministre le pouvoir de prendre toute mesure

nécessaire pour assurer la conservation des archives d'un service privé agréé. La portée de cet article semble beaucoup trop grande pour l'objectif poursuivi et peut porter à l'excès. Si, après une expérience de X nombre d'années d'agrément, un propriétaire souhaite se désister ou annuler l'agrément, il devrait pouvoir le faire sans pénalité ou perte et sans être assujetti à une mesure répressive. Il pourra continuer d'en assurer la garde et la conservation tout comme auparavant et, de plus, conserver tous ses droits de propriété.

M. Michon: II avait été mentionné une loi incitatrice. Ce terme avait été bien aimé et cet après-midi il y a quelqu'un qui a parlé d'une prise de conscience. Cet article peut porter sur une prise de conscience. Maintenant, on peut concevoir que M. le ministre ou les archives craignent qu'un dépôt d'archives se détériore, que les gens s'en occupent moins, mais vous ne voulez pas perdre d'archives. Nous pensons que si un dépôt d'archives est agréé et qu'après X années d'expérience, on s'aperçoit qu'être agréé est un "paquet de troubles", entre guillemets, et qu'on désire se désister, qu'arrive-t-il du dépôt d'archives? Est-ce que vous désirez le reprendre ou si le propriétaire peut en conserver la garde et continuer comme avant de gérer son dépôt d'archives? Je présume que ce sera dans les règlements, qu'il ne doit pas le perdre ou perdre les droits qu'il avait auparavant.

M. Amyot: Alors, à l'article 28: Conformément au voeu du ministre, nous l'avisons par la présente que les archives photographiques privées sur négatif nitrate, quoique non agréées, non reconnues ni classées, sont en voie de détérioration accélérée et avancée. Ces négatifs viennent des années vingt et trente. Il est important que les aides techniques et financières soient disponibles afin d'encourager la sauvegarde et la restauration de ce patrimoine.

M. Michon: Je pense qu'il est important de dire pour la conservation des archives que présentement, tout ce qui est au niveau des archives privées se détériore au complet. Si on désire sauver ce patrimoine-là, il faut procéder à une réimpression par contact de négatifs 8x10, de négatifs 14x17 ou de négatifs 5x7, des négatifs de verre qui, dans les boîtes ou les dossiers deviennent des cristaux aussitôt qu'on les ouvre. Il y a des risques d'incendie; donc, on perd toute la collection d'archives. Il serait important de procéder à une réimpression, ensuite de se départir des négatifs et de conserver uniquement les réimpressions. Encore là, il y a les frais qui sont occasionnés par cela. Lorsqu'on parle de milliers et de milliers de négatifs, cela peut être là. Vous êtes au moins informés que cela se détériore.

M. Amyot: À l'article 29, l'association recommande que l'article se lise comme suit: "Tout détenteur d'archives privées peut demander au ministre d'en assumer la garde à des conditions déterminées par convention entre le propriétaire et le ministre. Sous réserve des conditions déterminées par convention, le ministre peut assumer cette garde ou déposer les archives auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées agréé."

Nous croyons nécessaire qu'un certain type de convention, soit le dépôt, permette d'assumer au propriétaire l'accès rapide et l'utilisation de ses archives, ou le retrait de son fonds, lorsqu'il le juge nécessaire. Il n'est pas souhaitable dans certains cas que des archives photographiques d'une région soient déménagées par le ministre, pour quelque raison que ce soit, dans une autre région du Québec.

M. Michon: Le point important, c'est que ce soit, par convention, établi entre les personnes, que cela ne soit pas unilatéral mais après discussion, et le photographe devra pouvoir se référer à son dossier facilement. Nous avons des confrères photographes qui doivent demander accès à leurs négatifs pour satisfaire à la demande d'un client et cela peut prendre de trois semaines à un mois et même plus. Par contre, c'est pire que cela du côté d'Ottawa, c'est une consolation qu'on a.

M. Amyot: À l'article 33: Cet article tel que formulé, trop vaste et trop radical, peut porter atteinte au droit de propriété. Nous recommandons que cet article soit reformulé plus explicitement.

M. Michon: II y a un point qui peut être valable. Maintenant le désir... Il y a les photographes qui ont toujours eu leur collection en leur possession, quelques-uns l'ont cédée aux Archives nationales, aux archives publiques, d'autres veulent la transférer à un autre dépôt d'archives qui peut être en Ontario. Si l'article pouvait être mieux formulé pour qu'on puisse avoir toute la profondeur entre les lignes; sinon, on le trouve radical dans ce sens-là.

M. Amyot: L'article 35. Cet article est également trop vaste et général. Nous recommandons plutôt que les détenteurs de documents photographiques anciens qu'ils jugent d'intérêt historique et culturel soient invités à aviser le ministre de tout déménagement définitif éventuel hors du Québec.

L'article 36. À la suite de notre recommandation à l'article 35, nous ne voyons pas l'utilité de l'article 36, entendu

que le contenu de l'avis serait laissé à la discrétion des personnes concernées.

M. Michon: C'est l'aspect incitatif qu'on vise de ce côté-là. Qu'ils soient invités et non pas... Il y a des collections privées qui appartiennent à des particuliers. Au moins, qu'ils soient invités à le faire auprès du ministre.

M. Amyot: L'article 40, au deuxième alinéa. Nous recommandons que le mot agréé à la fin de la phrase soit supprimé. Cette recommandation vise l'extension de l'aide technique au plus grand nombre possible de services d'archives intéressés et intéressants. Nous recommandons aussi que les responsables du programme de l'inventaire national offrent leur collaboration à l'association et aux autres personnes intéressées, afin que soit entrepris l'inventaire des archives photographiques au Québec.

Nous recommandons que le gouvernement favorise la mise en valeur des archives photographiques, notamment au moyen d'expositions sur le territoire québécois et dans les délégations du Québec à l'étranger.

M. Michon: Sous cet aspect, nous pourrions, grâce à l'association, monter une banque d'archives photographiques par région au Québec. Avec votre inventaire et avec tous nos membres à travers la région, si vous désirez avoir un pool d'information et de recherche sur des personnalités politiques, et des événements au Québec on pourrait les retracer à travers les banques et grâce à tous les membres de l'association. Aussi, avec l'information et l'encouragement à la conservation, il serait possible aussi d'avoir de plus grandes expositions et de montrer tout le patrimoine disponible au Québec. La dernière idée qui aurait été émise, ce serait le projet d'un centre international de la photographie, comme il y a une maison du cinéma à Montréal. S'il y avait un centre, il pourrait y avoir un musée et des expositions de photographie. Alors, avec cette idée d'animation et ce projet de présenter le patrimoine photographique au Québec à travers tous les différents organismes, ce serait possible d'encourager tous les jeunes photographes et les dépôts privés à conserver leurs archives.

M. Amyot: Alors, nous tenons à remercier les membres de la commission parlementaire de l'attention que vous portez à ce dossier. Soyez assurés de notre entière collaboration et de notre désir de sauvegarder le patrimoine québécois.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie.

M. le ministre, vos commentaires.

M. Richard: M. le Président, je veux remercier les représentants de l'Association des photographes professionnels du Québec, leur dire que je suis assez conscient qu'ils soulèvent un problème très particulier et leur dire qu'on va tenter de prendre en considération les observations qu'ils ont faites. Mais je veux leur demander en même temps de réfléchir sur la portée de l'agrément. Je pense que cela a été mal perçu, et qu'ils seraient tout à fait d'accord avec les objectifs poursuivis par les dispositions de la loi en ce qui a trait à l'agrément. À mon humble avis, s'il n'y a pas d'agrément, il ne peut pas y avoir d'aide technique et financière. Ce qui justifie l'aide financière, c'est précisément les critères qui font qu'un organisme est agréé on non.

M. Amyot: Je vois surtout qu'on est un peu dans l'obscurité à ce niveau-là. On ne sait pas ce que l'agrément concerne. On ne sait pas ce que cela implique.

M. Richard: Personne ne sera obligé de se faire agréer, et l'agrément, ce sera dans le cadre d'une entente à intervenir entre un organisme quelconque, une association et le ministère des Affaires culturelles, les Archives nationales. Si l'organisme est agréé, cela lui donne droit à certaines subventions, parce qu'il remplit les conditions de conservation. Alors, je ne veux pas que les Archives nationales soutiennent financièrement un organisme qui n'est pas en mesure d'assurer la conservation. Ce sont des critères de conservation.

De même qu'aux musées, par exemple, on ne peut pas subventionner quelqu'un qui dirait: Moi, j'ai un musée, donc, subventionnez-moi. Il y a un agrément en vertu duquel on subventionne les musées qui sont accrédités.

M. Michon: On va attendre les règlements et les conditions à cette étape-là.

M. Richard: Voilà!

M. Michon: Pour autant qu'ils soient accessibles à un plus grand nombre de personnes.

M. Richard: Après, vous allez vous réconcilier avec la notion d'agrément.

M. Michon: Enfin, avec l'agrément...

Le Président (M. Brouillet): Y aurait-il d'autres questions?

Nous vous remercions beaucoup pour votre présentation. C'est très bien. C'était concis et clair.

Nous accueillons maintenant la

Fédération des Sociétés d'histoire du Québec. Je demanderais au porte-parole de s'idendifier et de nous présenter son collègue. (23 h 45)

Fédération des Sociétés d'histoire

M. Racine (Denis): Mon nom est Denis Racine, avocat, trésorier de la Fédération des Sociétés d'histoire du Québec. À ma droite, je vous présente M. Marc Beaudoin, gestionnaire de documents et l'ex-président de la fédération. Cela va?

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Racine: M. le Président, M. le ministre, MM. les parlementaires, étant donné l'heure tardive, je ne ferai pas la lecture intégrale du mémoire qui vous a été soumis, je ne vais m'en tenir qu'aux considérations principales et, notamment, aux cinq recommandations que vous trouverez à la dernière page.

En premier lieu, un aspect fort important qui touche un grand nombre de nos sociétés concerne la question des archives privées et de l'agrément. Au lieu de travailler cet aspect, nous avons préféré le laisser à la Société historique du Saguenay, qui est un gestionnaire fort important d'archives privées et qui sera devant vous demain, je crois, et vous fera part de nos recommandations.

Notre première recommandation se lit ainsi: "Que des aspects importants de la future politique de gestion et de conservation des archives soient déterminés par voie législative." Dans notre esprit, il semblait y avoir une petite ambiguïté à l'article 38, qui dit que le ministre des Affaires culturelles élabore et propose au gouvernement une politique de gestion des archives publiques et à l'article 44, qui parle de déterminer les normes et conditions de gestion et de conservation.

Dans la mesure où les règlements comprennent entièrement la politique proposée qui serait plutôt de nature administrative, à l'article 38, alors que les règlements, c'est de la législation déléguée, et dans la mesure où, effectivement, ces règlements comprennent entièrement la politique, je crois que nous pourrions être satisfaits de ce que M. le ministre a dit concernant la publication des règlements dans un proche avenir, avant la mise en vigueur de la loi. Par contre, si ce n'est pas le cas, nous demandons que la politique de gestion soit déterminée par règlement de façon qu'un débat public ait lieu et non pas que cela se fasse par voie administrative.

Notre deuxième recommandation - on en a parlé ce matin - fait l'objet de longs débats: Que les Archives nationales du

Québec obtiennent un statut d'autonomie qui leur permette de jouer un rôle actif et décisif dans la conception et l'application quotidienne de la politique de gestion. J'en parlerai rapidement, M. le ministre. Ce matin, on a parlé longuement... Nous sommes un peu déçus. Nous nous attendions à une loi sur les Archives nationales et non pas à une loi qui abolit le poste déterminé par voie législative dans votre loi constitutive du conservateur des Archives nationales et en fait un simple fonctionnaire comme tous les autres. Je crois qu'avec le temps les chercheurs se sont associés et sont fiers de ce que sont les Archives nationales et de l'autorité qu'a le conservateur. Je pense que l'autorité du conservateur... D'ailleurs, c'est la même chose au fédéral, la loi P-27 concernant les archives publiques des statuts refondus du fédéral donne au conservateur fédéral, à l'archiviste fédéral un statut législatif. Nous pensons que ce statut rend le poste de conservateur plus crédible et lui donne plus d'autorité que le poste d'un simple fonctionnaire. C'est pourquoi nous nous serions attendus à une évolution dans le sens que les Archives nationales acquièrent un statut législatif plutôt qu'un statut de service gouvernemental. Enfin, M. le ministre, je crois que, à moins que je ne me trompe, le privilège des relations interministérielles appartient au sous-ministre et au sous-ministre associé, alors que le conservateur des Archives nationales aurait un rang de directeur général.

Sur ce dernier point, je pense qu'il faut distinguer le rôle de conservation et le rôle d'acquisition des archives. Évidemment, les Archives nationales jouent un rôle important au niveau de l'acquisition. Cependant, un rôle encore plus important est celui de la conservation. À ce niveau, je pense que le conservateur ou les Archives nationales possèdent une juridiction qu'on pourrait facilement rendre indépendante des pouvoirs du ministre.

Troisième recommandation: Que les ministères des Affaires culturelles et de la Justice règlent les conflits de loi potentiels entre la Loi sur les archives, le Code civil et la Loi sur les bureaux d'enregistrement dans la perspective qu'une part importante des vieux documents conservés à l'heure actuelle dans les bureaux soit versée aux sections régionales des Archives nationales.

Nous avons constaté dans les bureaux d'enregistrement que, même si le Code civil et la Loi sur les bureaux d'enregistrement faisaient des registrateurs des gardiens d'archives, ce n'est quand même malheureusement pas, peut-être par faute de moyens, une préoccupation fort importante. Je crois que nous avons vu des dépôts d'archives conservés dans un état fort pitoyable et qu'il serait avantageux que les Archives nationales reprennent ces

documents, notamment au niveau des documents actifs.

Je crois que dans la loi, les documents des bureaux d'enregistrement, à l'article 16, paragraphe 9, sont considérés comme archives publiques mais tout ce qu'ils auraient au niveau de l'effet de la loi serait visé par les normes de conservation que le ministre édicterait en vertu de l'article 44. Nous souhaitons un versement de ce côté-là, dans les archives, en tout cas des plus vieux documents des bureaux d'enregistrement.

Quatrième recommandation: Que les moyens énoncés aux articles 35, 36 et 37 soient révisés en fonction d'une politique plus réaliste et incitatrice à la conservation de nos archives en territoire québécois et à la confection d'instruments de recherche et de connaissance adéquats. On a souligné ce matin que ces articles étaient particulièrement vagues, touchaient des archives d'ordre privé, d'ordre familial. Il en va de même des archives d'ordre corporatif à l'époque où l'on parle d'archéologie industrielle. Je crois qu'au lieu de développer des moyens restrictifs, encore que le but soit noble, des articles 34 et 35, une politique beaucoup plus incitatrice serait plus de mise.

Enfin, cinquième recommandation: Que l'on ramène à 50 ans de la date de fermeture des greffes l'obligation faite aux notaires, aux arpenteurs et aux protonotaires de verser ces greffes aux Archives nationales. À l'heure actuelle, l'obligation faite aux notaires et par voie de conséquence aux protonotaires est de verser aux archives les greffes d'arpenteurs et de notaires 100 ans après la date de fermeture des greffes. Or, 100 ans après la date de fermeture, si les greffes ont été ouverts pendant 50 ans, cela nous met en 1833.

M. le ministre, vous êtes sans doute au courant que vers 1850 - de nombreux archivistes ici pourront le confirmer - il y a eu un problème au niveau de la qualité du papier. Je crois que l'état déplorable dans lequel sont conservées ces archives dans les palais de justice nous inciterait à recommander le verserment de ces archives le plus tôt possible aux Archives nationales. Remarquez qu'on n'est pas à cheval sur les 50 ans, mais à tout le moins qu'on ramène cela à une date qui permette une protection plus efficace de ces archives.

Cela complète, M. le ministre, les principales recommandations de la fédération.

Le Président (M. Brouillet): Bien, merci.

M. Richard: Au sujet de votre dernière remarque, je voudrais simplement dire que c'est un problème qui relève essentiellement, comme vous le savez, du ministère de la Justice.

En ce qui a trait au statut d'autonomie des Archives nationales, je ne sais pas si vous avez voulu indiquer qu'il y avait un changement par rapport à la situation actuelle, mais il n'y en a pas. Je ne le répéterai jamais assez, je suppose, mais il n'y en a pas. Il y a toujours eu une autorité ultime. Je pense que vous allez reconnaître qu'on ne peut pas accrocher dans le vide une institution, fût-elle une institution d'État.

J'ajouterai à cela que vous commettez une petite erreur quand vous dites que les relations avec les autres ministères se font toujours au niveau sous-ministériel, à des fins administratives, tel n'est pas le cas. Je prendrai le premier exemple qui me vient à l'esprit qui est l'exemple du grand patron du bureau d'informatique gouvernemental qui relève du ministre des Communications mais qui est un directeur général qui intervient pour tous les ministères ou dans l'ensemble des ministères. Ce n'est pas le statut sous-ministériel qui importe, en l'occurrence.

M. Racine: M. le ministre, je ne veux pas poursuivre longtemps cette discussion. Il me semble que c'est prendre une comparaison qui... Évidemment, toute comparaison est boiteuse. Je pense que le président des élections ou le Directeur général des élections n'aurait pas la même autorité s'il était nommé par le gouvernement que s'il était nommé par l'Assemblée nationale. Par voie de similitude, je pense que le conservateur des Archives nationales n'a pas le même prestige, la même autorité et la même crédibilité vis-à-vis du public s'il est nommé sous le grand sceau en fonction d'un poste déterminé par la législation plutôt que nommé comme n'importe quel autre fonctionnaire peut l'être.

M. Richard: Je vous avoue que je ne savais même pas, avant il y a quelques semaines, que, normalement, dans le passé, le conservateur était nommé sous le grand sceau. Je ne le savais même pas et je ne suis pas sûr que mon prédécesseur aux Affaires culturelles le savait. Cette différence-là n'a jamais été faite.

M. Racine: C'est-à-dire que, effectivement, elle n'a jamais été faite. J'espère...

M. Richard: Donc, je me rends bien compte que cela a une valeur de symbole parce que plusieurs s'en rendent compte. Mais le conservateur lui-même ne s'en était jamais rendu compte.

M. Racine: J'espère, M. le ministre, qu'on n'aura pas de problèmes d'illégalité.

M. Richard: Et j'espère qu'il aura l'occasion de s'exprimer demain pour vous en faire la démonstration.

M. Racine: Je pense que les chercheurs québécois sont...

M. Richard: L'élan qui a été donné aux Archives nationales et le statut que les Archives nationales ont fini par acquérir, tout cela a été fait depuis que le conservateur n'est plus nommé sous le grand sceau.

M. Racine: C'est votre interprétation, M. le ministre.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous souhaitez qu'on maintienne son statut?

M. Racine: Non seulement qu'on maintienne son statut, mais nous aurions souhaité que les Archives nationales, en tant qu'institution, au même titre qu'on l'a fait avec les musées, soient créées par voie législative et ne soient pas simplement une institution du gouvernement. M. le ministre a exprimé des objections ce matin - ou cet après-midi, je ne me souviens pas. Je pense que ces objections peuvent être aisément surmontées dans la mesure où on sépare le rôle de conservation du rôle d'acquisition des Archives nationales. Je pense qu'au niveau de l'acquisition et de la détermination de la politique de conservation pour les organismes du gouvernement, le ministre a un rôle à jouer et, évidemment, les Archives nationales aussi au niveau consultatif. D'ailleurs, on recommande que ce rôle ressemble à celui que joue la Commission des biens culturels. Au niveau de la conservation, je pense que les Archives nationales, en tant qu'institution, au même titre que le Musée du Québec, par exemple, devraient être créées par voie législative, ce qui leur assurerait une viabilité au sein d'un organisme d'État et non pas d'un simple service gouvernemental comme tel.

M. Richard: Oui, mais, à ce moment-là, Me Racine, cela supposerait la création d'une corporation composée d'un conseil d'administration dont les membres seraient nommés par le gouvernement et qui serait responsable à un ministre tuteur.

M. Racine: Oui.

M. Richard: Bien oui, mais...

M. Racine: M. le ministre, vous l'avez fait avec le Musée.

M. Richard: Oui.

M. Racine: Bon, alors...

M. Richard: Et j'ai expliqué ce matin pourquoi on ne pourrait pas le faire avec les archives: c'est qu'à ce moment-là on ne voit pas comment les archives, avec un conseil d'administration et, supposons, un président ou un directeur général, ou un président-directeur général, interviendraient dans la gestion des documents de chacun des ministères. Cela affaiblirait considérablement les Archives nationales. C'est pour ne pas les affaiblir que je n'ai pas opté pour cette solution.

M. Racine: Mais, M. le ministre...

M. Richard: Je vois mal le Grand Théâtre, par exemple, qui est une corporation, relevant du ministre des Affaires culturelles. Il y a toujours une autorité ultime, bon. Je vois mal le Grand Théâtre se mettre à imposer ses desiderata au ministère des Finances, au Conseil du trésor, ou au ministère des Affaires sociales.

M. Racine: Mais, M. le ministre, je pense qu'il faut séparer la fonction acquisition et gestion d'archives au niveau gouvernemental et la fonction de conservation des archives dites nationales, conservées aux Archives nationales. Et, à ce niveau-là, je pense que les Archives nationales sont une institution - le mot le dit - nationale et je pense que, de toute façon, il paraît un peu prétentieux qu'un simple service du gouvernement s'intitule national au point de départ. À ce moment-là, je pense que les chercheurs - ils vous l'ont dit toute la journée - sont très attachés à ce statut d'autonomie et d'institution d'État que sont les Archives nationales. Cela n'empêche pas le ministre, sur consultation des Archives nationales, de jouer un rôle fort important dans la gestion et dans les politiques de conservation à mettre de l'avant dans les organismes du gouvernement. (Minuit)

M. Richard: Me Racine, je voudrais une fois de plus vous préciser - et je pense que le dialogue devrait être facile - qu'en vertu de la législation actuelle, les Archives nationales, ce ne sont que des documents. En vertu de l'article 20, qui décrit les Archives nationales, ce ne sont que des documents, alors que, depuis quelques années, on leur a donné pignon sur rue et on les a véritablement transformées dans leur vécu en institution. On ne modifie pas cette situation. Votre proposition est peut-être originale mais enlever la moitié de la fonction des Archives nationales, jamais je ne m'y résoudrais parce que ce serait affaiblir considérablement les Archives nationales et leur dire: Désormais, vous ne vous occuperez plus d'acquisition. Cela me paraît contradictoire avec les objectifs que vous poursuivez d'avoir un statut important pour les Archives nationales. Vous me demandez de leur enlever la moitié de leurs

fonctions. Encore une fois, c'est peut-être original comme proposition, mais je n'ai vu cela nulle part ailleurs dans le monde entier, séparer la fonction de conservation de l'acquisition. Les meilleures archives, quant à moi, pour acquérir, sont les Archives nationales parce que ce sont les meilleures pour conserver.

M. Racine: M. le Président, je me permettrais d'ajouter quelque chose.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Allez.

M. Racine: II n'y a pas si longtemps, les Archives nationales n'avaient absolument aucun mandat autre que celui de la conservation des documents des ministères. C'était le Conseil du trésor qui devait, par l'intermédiaire d'un comité interministériel, accepter les calendriers de conservation et établir les règles qui, entre autres, ont été établies vers 1975. À cette époque-là, même le Conseil du trésor, qui est quand même, au gouvernement, un organisme supposément très puissant, a eu peine à faire accepter par les ministères les délais de conservation et leur application. Pensez-vous que les Archives nationales, comme institution relevant du ministère des Affaires culturelles dans l'appareil gouvernemental, vont être en mesure de jouer le rôle que le Conseil du trésor a eu de la difficulté à remplir?

M. Richard: Oui, à la condition qu'on ne les ampute pas d'une part importante de leur mission.

M. Racine: Une nouvelle mission, M. le ministre. Puis-je vous rappeler que la proposition de M. L'Allier, en 1975, comportait la création d'une commission des archives et de la bibliothèque qui avait précisément un rôle dans l'acquisition. Je me suis peut-être mal exprimé dans la définition des râles respectifs mais il n'en reste pas moins que j'y vois une différence. Cette commission, proposée par M. L'Allier dans le temps, avait précisément ce rôle.

M. Richard: Nous faisons l'économie d'une commission en proposant que ce soit la Commission des biens culturels qui joue le rôle que M. L'Allier voulait faire jouer à la commission des archives.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, sous réserve d'un examen plus approfondi de tout cela, je pense que ce que nous propose le ministre est vivable. On peut certainement expérimenter cela. Il reste quand même que je ne voudrais pas qu'on pense avoir réglé toute la question, si jamais on se rallie à cela - je pense que cela a des chances de se produire ainsi - quand on a adopté la loi sur l'accès à l'information, le principe étant l'accès à l'information, on a placé les responsables sous l'autorité de l'Assemblée nationale. Ces gens ont une autorité sur l'ensemble de l'appareil gouvernemental et étatique.

Quand on parle de la fonction d'archiviste, il s'agit encore là d'accès à l'information, mais plus tard. Pour tout de suite, on est conscient qu'on ne peut pas, pour différentes raisons. Par exemple, les documents du Conseil du trésor, les documents du Conseil des ministres, les documents de certaines autres sortes, mais ce sera pour plus tard. C'est un aspect de ce qui nous préoccupe et c'est l'aspect majeur de la loi, car ce sont des documents inactifs pour plus tard.

Donc, on pourrait faire exactement le même raisonnement et convenir que celui et ceux qui sont responsables de cela, seront, eux aussi, comme les responsables de l'accès immédiat, ceux qui sont responsables de l'accès plus tard sont également des gens qui tiennent leur autorité de l'Assemblée nationale. Je ne dis pas que c'est la seule solution mais je dis qu'on pourrait tout à fait transposer ce qui se fait pour l'accès à l'information et la relation qu'il y a avec le Parlement pour ceux qui sont responsables de l'accès pour plus tard. C'est une première chose.

La deuxième chose, je sais ce que le directeur des archives dit au ministre actuellement, parce qu'il m'a déjà dit la même chose quand j'étais ministre. Je voudrais, là-dessus, mettre en garde l'un et l'autre. Ce que le ministre a dit tout à l'heure est vrai. Ce que dit M. Robert Garon au ministre est vrai aussi à savoir que le directeur des archives a des relations avec tout le monde, que cela va bien et tout cela et qu'on convainc, qu'on persuade et qu'on peut presque contraindre en certains cas. Encore que, s'il fallait faire l'histoire de tout cela, il faudrait admettre qu'à certains moments cela a été difficile et que les relations dans l'administration publique n'ont pas toujours été faciles. Si le projet de loi ne voit le jour que maintenant, c'est parce qu'il y a eu des luttes dans l'administration publique, il faudrait dire tout cela. D'ailleurs, si on voulait faire l'histoire de ce projet de loi, on n'y parviendrait pas parce qu'on n'a probablement pas conservé les ancêtres de ce projet de loi. Nos problèmes vont jusque là. Je mettrais au défi quelqu'un de m'amener ici tous les projets de loi qui se sont succédé avant d'arriver à celui-ci. Je mets publiquement au défi le directeur des archives de nous amener cet ensemble de documents.

Ce que je veux dire - cela va être

intéressant de toute façon - c'est que les relations entre deux directions générales, les choses nouvelles qu'on initie passent par les directeurs généraux; c'est la règle dans l'administration publique. Quand une chose est réglée, les directeurs généraux disent à leurs membres: Parlez-vous maintenant et réglez vos affaires, ne nous en parlez plus. Là, vous réglez le quotidien. Le sous-ministre est là et, avec son expérience, il me dira si cela pourrait fonctionner autrement, si les gens de deux directions générales pourraient régler les affaires à l'insu des directeurs généraux, les choses nouvelles.

De la même façon, les relations entre les ministères ne pourraient pas se faire sans que le ministre ou le sous-ministre soit mis au courant quand on franchit des étapes nouvelles, quand on fait des choses nouvelles, etc. Les sous-ministres ont besoin d'être au courant et les ministres ont besoin d'être au courant. Autrement, il n'y a pas de coordination possible et plus rien ne fonctionne. Une fois les choses réglées et la correspondance échangée, en ce qui concerne les ministres ou les sous-ministres, on dit aux directeurs généraux: Allez-y, réglez cela, le cadre est le suivant. On a établi le cadre. Évidemment, un directeur général peut avoir l'impression qu'il fait des choses nouvelles mais, s'il fait des choses nouvelles, vraiment nouvelles, il doit prendre la précaution de retourner au niveau des sous-ministres et que les choses soient clarifiées entre les sous-ministres.

Je voudrais bien qu'on s'entende sur ce sujet. C'est possible pour un directeur général des Archives nationales de traiter avec les autres ministères. Ce sera toujours dans des cadres qui auront été établis en ce qui a trait aux ministres et aux sous-ministres parce que les relations entre les ministères passent par là. C'est ma conception de l'administration publique, c'est ma conception de n'importe quelle administration. Il me semble que cela doit rester dans le décor, quand on regarde ce qu'implique le fait de demander à un directeur général d'aller au loin. Surtout que, si on élargit le cadre de la loi, si on va au-delà de la conservation, le directeur général pourrait avoir à collaborer avec le Conseil du trésor, par exemple, pour l'élaboration d'une politique de gestion documentaire. Cela lui donne un autre statut que celui d'être directeur général échangeant avec le secrétaire du Conseil du trésor, ou celui d'être sous-ministre échangeant avec le Conseil du trésor, ou celui de quelqu'un tenant son mandat du Parlement. Je vous assure que le Vérificateur général, qui a déjà des problèmes avec le secrétaire du trésor, pourrait témoigner ici que s'il n'était que directeur général dans un ministère, ses problèmes seraient encore plus considérables, et c'est normal.

Je ne conclus pas. Le cheminement du ministre à cet égard, d'ailleurs, est extrêmement significatif. On a un ministre qui s'intéresse à la chose et qui nous a enfin déposé un projet de loi. Alors, on ne chique pas la guenille, on veut avec lui bonifier ce projet de loi. On sait que c'est l'homme pour faire les batailles. Quand on s'exprime devant lui, ce n'est pas en vain; même s'il est minuit, il est capable de faire les batailles. Il les a faites afin de nous présenter ce projet de loi. Puisque nous sommes maîtres de la situation, on se dirige vers l'adoption d'une loi et il ne faudrait pas que cela nous glisse entre les doigts et, parce qu'une expérience a été rassurante, se méprendre sur la signification des bonnes relations entretenues à partir de ce qui était perçu comme une direction générale. Lorsque les vrais problèmes se poseront, là se révéleront les difficultés.

Je conclus sur cela, M. le Président. Je remercie les gens non pas nécessairement de revenir à la charge, mais de montrer des préoccupations qui, à mon avis, ont une certaine correspondance avec la réalité.

M. Richard: M. le Président, juste une observation. Il est évident, je pense, que mon collègue de Trois-Rivières n'a pas voulu indiquer qu'il suggérait que cela relève de l'Assemblée nationale parce que cela est impossible en droit et en fait. C'est absolument impossible. Je lui rappellerai que la loi sur le droit du public à l'information gouvernementale ne donne à aucun organisme, même pas à la commission, le soin de gérer des documents de l'Exécutif. C'est toute la théorie de la séparation des pouvoirs qui est remise en cause dans cela.

D'autre part, je ne sache pas qu'il existe un seul organisme relevant de l'Assemblée nationale qui aurait le droit, par exemple, de subventionner ou qui aurait un budget au même titre qu'un ministère.

M. Vaugeois: Le Directeur général des élections.

M. Richard: Un budget de développement. Il ne subventionne pas, c'est un cadre très précis.

M. Vaugeois: II nous paie.

M. Richard: Oui, et c'est l'exception à la règle parce que cela ne peut pas relever de l'Exécutif, justement. C'est par rapport à la fonction parlementaire elle-même. Or la gestion de documents de l'Exécutif ne relève pas de la fonction parlementaire et c'est absolument impossible; il y aurait contradiction dans les termes. À moins qu'on change de régime politique.

M. Vaugeois: Je ne veux pas lancer de

débat, M. le Président, mais l'acceptation des pouvoirs a subi plusieurs accrocs ces dernières années de telle façon que c'est difficile de s'y référer mais la Bibliothèque de la Législature, par une loi même qu'on a votée ici, se voulait gardienne des archives des parlementaires. Je pense d'ailleurs qu'on l'a votée comme cela. La Bibliothèque de la Législature a quand même un budget et la présidence, cela existe aussi. Et la présidence - vous connaissez cela, M. le ministre - de l'Assemblée nationale existe, gère des budgets et peut aussi en distribuer.

M. Richard: Oui. Et cela ne peut pas subventionner. Je le sais trop bien pour avoir été quatre ans président de l'Assemblée nationale.

M. Vaugeois: Et vous n'avez pas subventionné?

M. Richard: Je n'ai jamais subventionné, sauf le député de Trois-Rivières pour quelques voyages à l'étranger.

M. Vaugeois: À Ottawa.

Le Président (M. Brouillet): Messieurs, je pense que... Enfin, les débats demeurent toujours ouverts. Il serait temps peut-être de clore avec la présentation des messieurs qui sont devant nous, la Fédération des Sociétés d'histoire du Québec. Je vous remercie et je dois revenir devant les membres de cette commission pour avoir l'autorisation de poursuivre. On s'est entendus jusqu'à minuit. Il reste en présence la Société généalogique canadienne-française.

Une voix: Elle n'est pas là.

Le Président (M. Brouillet): Elle n'est pas là. Bon. M. Armand Gagné est ici. M. Paul-Émile Guy.

Une voix: II n'est pas là.

Le Président (M. Brouillet): II n'est pas là. Alors il reste présent M. Armand Gagné.

Des voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Pardon?

Une voix: M. Mario Mimeault.

Le Président (M. Brouillet): Ah oui! M. Mario Mimeault. Bon. Alors il reste... Alors vous avez eu le courage d'attendre jusqu'à cette heure. Je pense que la commission serait d'accord pour vous entendre. M. Armand Gagné, archiviste, archidiocèse de Québec et M. Mario Mimeault. Si vous voulez vous identifier.

M. Armand Gagné

M. Gagné (Armand): Oui. Mon nom est Armand Gagné, archiviste de l'archidiocèse de Québec.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez procéder.

M. Gagné: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Je préviens d'abord M. le ministre que j'ai déjà procédé à une amputation, une élimination considérable de mon mémoire sans avoir, au préalable, présenté mon catalogue de conservation. Alors je réclame son indulgence au départ.

Sur ce - je continue encore à éliminer - le deuxième point que je voulais soulever... Si j'ai bien compris, au moment où le Séminaire de Québec est venu ici à la barre, M. le ministre avait dit qu'il ne voyait pas d'objection à ce que l'annexe au projet de loi soit sous-titrée, comme l'avait indiqué le rapporteur du séminaire, organisme public, organisme parapublic et organisme privé. Mais dans sa réponse, M. le ministre a parlé d'organisme public et simplement de parapublic. Il n'a pas prononcé le mot "privé". J'aimerais bien avoir sa confirmation à savoir s'il est prêt à sous-titrer l'annexe avec ces trois expressions.

Aussi, j'ajouterais que sur ce rapport d'institution déclarée d'intérêt public, qui est une incise au sixième alinéa de l'annexe, je voudrais dire que la formulation de tout alinéa ou de tout article mettant éventuellement en cause dans ce projet de loi les institutions déclarées d'intérêt public ou reconnues etc. dignes de subvention, ne devrait laisser aucune ambiguïté sur le statut de droit privé de ces institutions. (0 h 15)

Troisième point. De même qu'il existe une disposition qui permet à un service d'archives privées d'être agréé, à l'article 24, de même doit-il en exister une qui permette au même service d'archives privées d'être désagréé à la demande du propriétaire. J'ajoute que cette lacune du projet de loi devrait être comblée par une disposition inscrite dans la loi et non dans la seule réglementation.

Cinquième point. Les articles 22 et 23 sur l'accès aux archives publiques, qui seront éventuellement consultées par une vaste clientèle de tout âge et de toute condition, doivent, dans l'actuel projet de loi, être comptés au nombre des articles les plus imparfaits. Voici rapidement pourquoi: la formulation en est fort lourde et non moins obscure; elle fait par surcroît référence à une autre loi, la loi 65, pour l'application de ses dispositions; elle n'offre aucune dérogation aux dispositions du législateur, nonobstant le lointain article 44 dont le

contenu n'est pas très en rapport avec ces deux articles 22 et 23; ni aucune disposition sur le secret professionnel qui est une responsabilité des archivistes; ni enfin aucune disposition obligeant le ministre à motiver un refus d'accès à des archives qui sont publiques.

Sixième point, dans l'article 32 relatif aux archives privées déposées auprès du ministre et dont il peut, en vertu de cet article, autoriser la consultation de la manière prévue aux articles 10 et Il de la loi 65, je propose qu'on ajoute l'article 12 de la même loi 65 qui se lit comme suit: "Le droit d'accès à un document s'exerce sous réserve des droits relatifs à la propriété intellectuelle." Je dois dire que je suis un peu surpris depuis ce matin de n'avoir pas entendu cette expression-là, ni aucune disposition qui puisse protéger les droits relatifs à la propriété intellectuelle. Il ne suffit pas qu'un chercheur puisse être autorisé à consulter un document d'archives, ni non plus à se procurer une copie par xérographie ou autrement pour qu'il puisse se dire: Bien là, j'ai le droit de tout reproduire dans une thèse ou dans un livre que je vais faire. C'est une urgence, je crois. Il y a une éducation considérable à faire ici au Québec sous ce rapport-là. C'est le temps qu'il y ait une disposition législative qui mette les choses bien au clair.

Comme dernier point, qui n'en est pas tout à fait un, je rappellerais tout simplement, pour faire suite à toutes les interventions d'aujourd'hui, combien il y a d'insistance aussi sur le nom du ministre qui intervient continuellement dans le projet de loi. Au dire de M. le ministre lui-même, le mot était indiqué parce qu'il fallait faire référence à quelque chose de légal. Les Français, pour une fois, ont fait une chose fort simple: la loi française sur les archives qui a été promulguée le 3 janvier 1979. Je remarque que dans toute cette loi on ne parle jamais du ministre ou enfin d'une autorité légale. On ne parle pas des archives nationales non plus. On a choisi un moyen terme qui me paraît judicieux, qui est "l'administration des archives". Voilà, cela revient continuellement. Il n'y a rien de légal là-dedans et la loi a été promulguée. Bien sûr, il y a beaucoup de jurisprudence qui se brasse outre-mer, mais cela porte sur d'autres points.

Je termine. Vous savez que Bossuet avait eu l'imprudence de prêcher à 1 heure du matin. Je réclame la même indulgence que ses auditeurs lui ont montrée. Il y en a un seul qui s'était plaint qu'il n'avait jamais entendu prêcher aussi tôt et aussi tard.

Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions. M. le ministre, vos commentaires.

M. Richard: Je vous remercie, M. Gagné. J'aurais un très bref commentaire en ce qui a trait à la propriété intellectuelle. Je n'ai pas tout à fait bien saisi votre remarque là-dessus puisque, quand il s'agit d'archives publiques, par définition, les droits d'auteur ne s'appliquent pas et quand il s'agit d'archives privées, au mieux ou au pire, selon le point de vue d'où on se place, c'est une loi de juridiction fédérale sur laquelle nous n'avons point d'emprise, M. Gagné.

M. Gagné: Oui, mais...

M. Richard: Je le regrette. Vous ne l'ignorez pas, mais...

M. Gagné: Je le regrette infiniment, M. le ministre, mais pourquoi... C'est justement ce qui fait l'objet de l'article 12 de la loi 65, que j'ai lu, "Le droit d'accès à un document s'exerce sous réserve des droits relatifs à la propriété intellectuelle". Cette loi 65 veut justement régir l'accès aux organismes publics.

M. Richard: Oui. Mais quand il s'agit d'archives publiques, cela ne s'applique pas.

M. Gagné: Bien, est-ce que je lis mal cet article 12 de la loi 65?

M. Richard: Oui. La loi 65 est la protection du droit du public à l'information. Là, il s'agit d'archives. C'est très différent.

M. Gagné: Oui.

M. Richard: Vous lisez très bien la loi 65, mais je ne suis pas sûr que vous lisez très bien la loi 3.

M. Gagné: Ce chapitre 2 est intitulé "Accès aux documents des organismes publics".

M. Richard: Oui, c'est cela.

M. Gagné: Alors, si ce sont des documents, c'est de juridiction provinciale et si ce sont des archives, c'est de juridiction fédérale pour les droits littéraires.

M. Richard: Non, c'est que, des archives publiques, quand c'est public, par définition, il n'y a pas de droits d'auteur qui s'appliquent.

M. Gagné: Oui, mais je ne vois vraiment pas que l'auteur d'un livre, vous le savez, puisse reproduire...

M. Richard: Ah oui! Mais pour un livre, justement, M. Gagné, cela ne s'applique pas.

M. Gagné: Même si c'est un document d'archives publiques, je ne vois vraiment pas qu'il puisse se sauver avec une copie...

M. Richard: Non, non, mais un livre ne constitue pas une archive au...

M. Gagné: Non, non, mais pour reproduire dans un livre, dont il sera éventuellement l'auteur officiellement dans les librairies, n'est-ce pas? Il va s'approprier, par photocopie ou autrement, un document d'archives publiques qu'il va reproduire comme cela sans demander l'autorisation, aux Archives nationales en l'occurrence, de reproduire ce document-là. Il me semble que c'est de l'honnêteté intellectuelle qui n'a rien à faire avec le fédéral. Peut-être vais-je trop loin en mentionnant ici les droits d'auteur ou les droits littéraires? C'est là que la notion de "publiques" accroche, d'après vous, M. le ministre, n'est-ce pas? Mais, au fond...

M. Richard: Je ne sais pas. J'allais voir...

M. Gagné: ...il y a une question d'honnêteté intellectuelle et pour laquelle il y a une éducation très considérable à faire ici, au Québec, sous ce rapport.

M. Richard: Vous avez parfaitement raison là-dessus. Je vous suis allègrement. Mais je n'avais pas à saisir la portée. On va l'analyser attentivement à partir de vos remarques et on verra s'il y a lieu de les appliquer. Je vous remercie.

M. Hains: Seulement une petite remarque, peut-être. Au troisième point, vous parlez d'archives privées qui auraient le droit d'être désagréées. Vous insistez pour que cela soit inscrit aussi dans la loi.

M. Gagné: Et non pas dans la réglementation. Cette requête serait faite de la part du propriétaire, bien sûr. S'il y a une disposition qui prévoit l'agrément, je me demande bien pourquoi il n'y en aurait pas une prévoyant aussi le "désagrément". Excusez-moi, le français accroche peut-être ici, le mot n'est pas dans les dictionnaires.

M. Hains: Est-ce que cela vous causerait un désagrément, M. le ministre, de mettre cela dans la loi? Je voudrais que vous répondiez à la question de notre auditeur.

M. Richard: Au sujet de l'agrément? M. Hains: Du "désagrément".

M. Richard: On va analyser cela très sérieusement, M. le député.

M. Hains: Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien. Nous avons maintenant avec nous M. Mario Mimeault qui a eu la vaillance d'attendre patiemment.

Une voix: C'est fatigant pour lui.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que vous pourriez vous identifier, monsieur...

M. Mario Mimeault

M. Mimeault (Mario): Mon nom est

Mario Mimeault, je suis professeur d'histoire, un des petits vicieux qu'on mentionnait ce matin.

M. Vaugeois: Est-ce que vous parlez des professeurs?

M. Mimeault (Mario): Non, des historiens, des petits historiens, donc, petits vicieux.

Maintenant, j'ai bien peur d'avorter, même pas d'accoucher, puisque je veux moi aussi couper. Je vais simplement donner la raison de mon intervention qui se rapporte à la Gaspésie et à ses archives. Le ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard, a présenté le projet de loi no 3 ou va le présenter bientôt. Par l'article 14 de ce projet de loi, chapitre III, Archives publiques, section I, remise ou dépôt: "Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels et aux conditions qu'il détermine, déposer des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées agréé en vertu de la présente loi. L'organisme ou le service assume alors la conservation de ces archives conformément aux règles prescrites par règlement."

Le ministère des Affaires culturelles, en fait, a entrepris un programme de décentralisation des Archives nationales du Québec, de régionalisation, dit-on au MAC. Or, en vertu d'une première étape, on a établi à Rimouski un centre régional des Archives nationales pour la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. On oubliait, d'une part, que la Gaspésie constitue un milieu distinct du Bas-Saint-Laurent tant par sa géographie, ses origines ethniques, ses caractéristiques culturelles que son histoire. D'autre part, on faisait fi de l'éloignement de ce centre par rapport au bassin culturel gaspésien dont on le voulait conservateur de son patrimoine et qui en rendait la fréquentation, à toutes fins utiles, impossible.

Rien ne justifierait le déménagement des archives produites en Gaspésie, même publiques. Ce projet de loi ne nous garantit pas la poursuite du programme de décentralisation du MAC, dont seule la phase

dite de sous-régionalisation nous assurerait la conservation de notre patrimoine en permettant au ministre de désigner un service d'archives privées et véritablement gaspésien.

Nous voulons que l'on remanie le projet de loi no 3, Loi sur les archives, pour qu'il engage le MAC à compléter son programme de décentralisation des Archives nationales avant que le ministre puisse déterminer les dépositaires des archives publiques.

Je vais être concret et résumer les six ou sept autres pages. Il se passe ceci: Percé se trouve à 487 kilomètres de Rimouski d'où on prendrait, à Percé, les archives pour les y amener. Je faisais déjà la remarque à M. le ministre dans sa tournée: Prenez les Archives nationales de Québec et déplacez-les - vous vous rappelez, M. le ministre? - de ...

M. Richard: 459 kilomètres.

M. Mimeault (Mario): ...459 kilomètres à l'Ouest seulement et vous savez où elles vont?

M. Richard: À Ottawa.

M. Mimeault (Mario): C'est en plein cela. C'est ce que vous faites avec nous autres, les Gaspésiens. Ce n'est pas Ottawa, c'est Rimouski et Rimouski, c'est notre Ottawa.

Demain, un de vos anciens confrères, M. Le Moignan, reprendra le problème que je développais dans cela. Je veux que cela reste à Rimouski... Pardon, c'est un lapsus linguae catastrophique! Je veux que cela reste en Gaspésie et non pas que cela s'en aille à Rimouski. En tant qu'historien, en tant que professeur, en tant que chercheur, si vous enlevez cela, moi, je suis obligé, non pas de faire 40 milles maintenant, mais 250 milles. La Société historique, Michel Le Moignan vous expliquera demain la catastrophe qui se produirait si on ne poursuit pas ce programme de décentralisation.

La conclusion. En résumé, voici les principales raisons qui militent en faveur de la création d'un tel centre à Gaspé, ce que tendait à développer notre mémoire: premièrement, conserver les documents historiques produits par la région dans la région, c'est ce que nous voulons; deuxièmement, garder les archives gaspésiennes à proximité des sociétés historiques ou à vocation patrimoniale susceptible d'y travailler - Michel Le Moignan parlera dans ce sens; troisièmement, conserver pour les chercheurs gaspésiens qui travaillent sur l'histoire régionale la disponibilité des sources de notre histoire et maintenir la facilité d'accès qu'ils en ont actuellement, ce qu'un déménagement rendrait impossible; enfin, quatrièmement, Rimouski n'est pas une ville de la Gaspésie, cela est important, mais comme elle dit elle-même la métropole du Bas-Saint-Laurent, elle s'est battue pour avoir ce titre-là, à part cela. Je m'en rappelle car je restais à Rimouski. Cette ville ne partage pas nos intérêts culturels, encore moins doit-elle abriter notre héritage culturel? Laissez-nous ce rôle. (0 h 30)

Je vous remercie de votre patience, de votre courage et je me félicite aussi du mien.

Le Président (M. Brouillet): Nous vous remercions. Les commentaires de M. le ministre.

M. Richard: M. Mimeault, je pense que c'est à nous à vous remercier de votre patience. Comme vous êtes le dernier je vais en profiter pour excuser, je pense, la commission auprès de tous les intervenants des délais qu'on peut difficilement éviter.

J'ai pu comprendre, même tardivement, que vous étiez en désaccord avec ceux qui réclamaient aujourd'hui qu'on n'acquiesce pas au projet d'émiettement de ce qu'ils appellent l'émiettement des Archives nationales. Je dois toutefois vous rappeler que la politique des Archives nationales vise à assurer la plus large diffusion possible, notamment à permettre partout où cela peut se faire d'avoir au moins les microfilms. On ne peut pas échapper aux difficultés que nous causent les distances dans ce pays du Québec; on n'échappera jamais à cela. Je sais que les distances entre la Gaspésie et Rimouski sont plus importantes que celles entre Québec et Montréal, par exemple. Il y a d'autres régions du Québec qui sont extrêmement étendues, et c'est vrai également pour la Côte-Nord, c'est vrai pour l'Abitibi. Il y a de ces immenses régions au Québec et il n'est pas toujours possible d'assurer à l'ensemble des régions du Québec les mêmes services qui sont offerts dans les régions plus populeuses là où existent d'importantes municipalités ou d'importantes villes. On essaie de le faire autant que possible, mais on n'y parvient pas toujours.

M. Mimeault: Je suis parfaitement d'accord avec vos propos concernant les microfilms. Alors, laissez-nous les documents et envoyez les microfilms à Rimouski.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Trois-Rivières aurait un mot.

M. Vaugeois: Je suis un peu responsable de la régionalisation. C'est pendant que j'étais aux Affaires culturelles qu'on a déménagé les archives sur le site du campus universitaire. On a fait la régionalisation. On a quand même rapproché un dépôt régional. On vous a soustrait quelque chose comme

200 ou 250 kilomètres par rapport à Québec. Il reste que vous posez un problème particulier. Je vous rappellerai, M. le ministre, que les premiers qui m'avaient posé un semblable problème c'étaient les Beaucerons. Bien que plus près de Québec que vous, de Rimouski, les autres sont plus loin de coeur encore que vous pouvez l'être de Rimouski. Ils ont une vitalité de recherche, de travaux sur la région qui est extrêmement éloquente. Je pense que c'est un problème que le ministre, avec ses fonctionnaires, est capable d'apprécier.

J'aimerais en profiter simplement pour dire que la situation actuelle, malgré toutes ses faiblesses et tout, a quand même permis à la Gaspésie de se donner une histoire régionale probablement la plus complète, la plus poussée. Il n'y a pas une région qui a une histoire aussi complète et aussi poussée que celle que vous avez maintenant.

M. Mimeault: Parce qu'on les avait à la main.

M. Vaugeois: Cela a été grâce à vos archives, grâce au ministère des Affaires culturelles.

M. Mimeault: Aussi, c'est exact.

M. Vaugeois: Grâce à d'excellents chercheurs et grâce à un excellent éditeur, il ne faudrait pas oublier cela non plus.

M. Richard: M. le Président, je voudrais seulement ajouter au bénéfice de tout le monde que la notion d'agrément a été conçue en songeant d'abord à Gaspé.

M. Mimeault: D'accord.

M. Richard: C'est pourquoi, j'ai refusé de renoncer à cette notion-là toute la journée, si vous avez été là toute la journée.

M. Mimeault: Oui, oui.

M. Richard: Parce que cela peut aider à régler des problèmes très particuliers comme celui de Gaspé.

M. Mimeault: Définitivement si cela part, nous, on est foutus et on le sait.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri.

Une voix: Cela ne partira pas.

M. Mimeault: On en prend bonne note, comme vous le dites souvent.

M. Hains: Je voulais ajouter un petit mot. J'ai le coeur sensible, M. Mimeault, et probablement que j'aurais fait un très mauvais avocat. Mais devant votre plaidoyer, il faut être avocat et ministre pour...

M. Richard: Voulez-vous insinuer que je n'ai pas le coeur sensible?

M. Hains: Pour vous résister, il faut être avocat et ministre en même temps.

Le Président (M. Brouillet): Sur ce, nous allons terminer nos travaux pour aujourd'hui. Je remercie tout le monde. Nous ajournons jusqu'à demain, 10 heures.

M. Richard: Moi aussi, M. le Président, je voudrais remercier tout le monde et en particulier le président qui a eu une patience absolument extraordinaire et qui a réussi à créer l'harmonie au sein de cette commission toute la journée.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, nous ajournons jusqu'à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 36)

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