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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 25 mai 1983 - Vol. 27 N° 66

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 3 - Loi sur les archives


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des affaires culturelles reprend ses travaux sur l'étude du projet de loi no 3, Loi sur les archives.

Les membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Leduc (Fabre), M. Champagne (Mille-Îles), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Ryan (Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blouin (Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Rochefort (Gouin), M. Vallières (Richmond).

Voici l'ordre du jour. Tout d'abord, il y a des mémoires pour dépôt seulement: le mémoire de la Société d'histoire des Cantons de l'Est; la Société d'histoire des six cantons; le mémoire de M. Réal Bélanger. Et nous devons ajouter aussi, pour dépôt, le mémoire qui apparaît à l'article 7, le Centre de recherches des Cantons de l'Est.

Nous entendrons les représentants suivants: MM. Denys Chouinard, Carol Couture et Jean-Yves Rousseau; l'Université McGill; MM. Gilbert Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et Mme Carole Saulnier; l'Université du Québec à Rimouski; le Comité des chercheurs des Archives nationales du Québec; M. G. Bélisle; la Société historique du comté de Richmond; la Société historique du comté de Brome et Société d'histoire de Missisquoi; la Société historique du Saguenay; la Société historique de la Gaspésie.

Alors, j'inviterais MM. Denys Chouinard, Carol Couture et Jean-Yves Rousseau à prendre place. Vous savez que ce matin, nous avons terminé assez tard dans la nuit, vers 1 heure. Je demanderais aux personnes d'essayer - si leur mémoire est un peu volumineux - de le synthétiser et de nous faire part des points essentiels pour pouvoir disposer d'un temps raisonnable pour chaque groupe. Normalement, nous devons travailler de 10 h 15 jusqu'à 12 h 30. Nous allons reprendre après la période de questions, autour de 16 h 15 jusqu'à 18 heures. Nous espérons pouvoir terminer pour 18 heures les auditions des groupes à l'ordre du jour.

Je demanderais au représentant du groupe de s'identifier et de nous présenter son mémoire.

MM. Denys Chouinard, Jean-Yves Rousseau et Carol Couture

M. Couture (Carol): Mon nom est Carol Couture, représentant du groupe Denys Chouinard, Jean-Yves Rousseau et Carol Couture.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, chers collègues, qui, du domaine des archives, du simple intéressé au spécialiste, n'a pas entendu parler de la loi sur les archives? Tous savaient pour se l'être laissé dire, d'une façon ou d'une autre, que cette fameuse loi était en préparation, qu'elle en était à sa énième version, que l'on n'en finissait pas de la voir, de la revoir, de la faire, de la refaire, et quoi encore. Malheureusement, tout ce temps n'a pas permis de combler les attentes.

Le problème majeur que présente ce projet de loi réside dans le fait qu'il privilégie une vision limitative des archives qui est pour le moins peu probante tant du point de vue chronologique que géographique. En effet, alors que depuis les années cinquante un peu partout à travers le monde s'est installée et a été avantageusement expérimentée une approche globale des archives qu'on définit comme étant tous les documents produits ou reçus par une administration dans l'exercice de ses activités et ce, indépendamment de leur âge, le gouvernement du Québec se prépare à adopter une loi rétrograde en ce qu'elle considère les archives comme n'étant constituées que de documents inactifs.

Il faut bien se rendre compte qu'en faisant cela le gouvernement ne ferait que risquer de propager dans d'autres organismes le problème de structure qu'il a eus et qu'il a toujours avec la question des archives qu'il ne sait pas où situer depuis l'abolition du Secrétariat d'État, en 1969. À l'encontre de toute logique, de l'évolution de la discipline qu'est l'archivistique, des expériences concrètes vécues par d'autres pays tels que les États-Unis, l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne, à d'autres niveaux de gouvernement - tel que le gouvernement canadien - et dans beaucoup d'autres institutions publiques et privées, faut-il

croire que le gouvernement du Québec adopterait pour sa toute première loi sur les archives un texte législatif qui n'aurait pour effet que de le placer loin derrière en ce domaine?

Pour faire connaître notre opposition à ce projet de loi et pour bien justifier les positions que nous défendons, nous présentons ce mémoire, dont la première partie sera consacrée à l'étude du projet de loi comme tel, première partie dans laquelle nous ferons état de considérations d'ordre général et de remarques particulières à certains articles. Toutefois, il est évident, selon nous, que même avec les corrections proposées en première partie, le projet de loi sur les archives, par l'approche de l'archivistique qu'il sous-tend, ne saura jamais permettre l'établissement d'une véritable politique de traitement des archives du gouvernement, et là est le drame.

Nous nous permettrons donc, dans une deuxième partie, de présenter rapidement ce qu'aurait pu être, avec un tout autre projet de loi, une politique de traitement des archives. On pourrait être tenté de voir cette seconde partie comme étant consacrée à une approche théorique n'ayant que peu de liens avec la réalité. Attention, cependant; une véritable politique de traitement des archives n'est pas un être de raison, c'est bel et bien un outil administratif dont l'efficacité et la rentabilité ont déjà été démontrées. Il serait hasardeux d'en repousser du revers de la main les composantes et les articulations.

En ce qui concerne les considérations générales on pourra résumer assez rapidement ainsi qu'en ce qui a trait à l'ensemble de la première partie, c'est-à-dire les remarques particulières à certains articles parce qu'en gros beaucoup de choses ont été dites sur cela, hier, mais on se permettra tout de même d'insister un peu sur certains points.

D'abord le manque de rigueur terminologique. Je pense qu'on n'a pas de temps à perdre là-dessus. D'ailleurs M. le ministre nous a annoncé hier, et on en a pris bonne note, qu'il y aurait des efforts de faits de ce côté.

Qu'on nous permette malgré tout de citer en exemple les termes comme "archives publiques", "archives privées" qu'on ne définit pas. Surtout le terme "archives" qui n'est pas défini.

Le souci de préciser ce que sont les documents actifs et semi-actifs au chapitre II du projet de loi vient voiler quelque peu la réalité qu'on croyait découvrir au fur et à mesure qu'on faisait une lecture de cette loi.

En effet, tout au long du projet de loi on sent bien que le législateur ne veut pas, par une loi sur les archives, s'impliquer dans le traitement des mêmes documents pendant qu'ils ont une valeur administrative, c'est-à- dire pendant qu'ils sont actifs ou semi-actifs.

Par ailleurs, il a très bien compris que les archives auxquelles il pense seront justement composées d'une partie des documents actifs et semi-actifs et qu'il doit se préoccuper de ces derniers s'il veut se laisser quelque chance de constituer sérieusement lesdites archives.

Il fallait donc dans un même texte trouver le moyen de voir à la constitution d'un quelque chose dont on ne voulait pas ou dont on ne pouvait pas confier la charge au ministère des Affaires culturelles. D'où la difficulté de suivre la logique d'un projet de loi sur les archives, qui, dès son second chapitre traite de ce qu'on n'a pas voulu définir comme étant des archives. On constate que l'absence de définition des archives pose un problème plus académique quand elle mène à parler sans pouvoir le faire des documents qui tôt ou tard constitueront ces archives. Le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est pas par la logique qu'on aura évité l'écueil politique que pose au Québec une définition globale des archives et qu'une définition restrictive de ces archives soulève aussi de sérieuses difficultés puisqu'elle n'est pas apte à délimiter tout le champ d'activité qu'on souhaite occuper.

Une deuxième remarque générale en ce qui concerne le projet de loi. On le titre: Intervention dispersée plutôt que concentrée. Je crois que ce qui est important de retenir de cette partie c'est le fait qu'on oublie ou on semble oublier que le rôle premier que le gouvernement doit se donner dans le traitement des archives, son premier mandat ou sa première priorité doit être les documents produits par l'organisme gouvernemental.

Il faut déplorer qu'en ce qui touche les documents du gouvernement, le législateur ait limité l'intervention de la loi sur les archives aux documents inactifs et à des catégories bien précises et par trop limitées les documents énumérés à l'article 16.

Certes, a-t-on prévu que des calendriers de conservation devraient être approuvés par le ministère des Affaires culturelles et c'est encore heureux.

Toutefois on se rend vite compte qu'en ce qui a trait aux documents du gouvernement on ne fait ici que confirmer une pratique déjà établie et que l'examen que le ministère des Affaires culturelles fera de ces calendriers s'inscrit dans le cadre d'une loi qui, dans son essence même, ne veut tenir compte que des documents inactifs. Par ailleurs, par le calendrier de conservation le législateur a voulu quand même étendre son intervention à l'ensemble des organismes publics définis comme étant organismes publics aux termes de la loi 65, soit environ 5000 organismes.

Il faut applaudir à l'effort ainsi fait

pour tenter de rationaliser la conservation des documents de ces organismes. Toutefois on reste sceptique face à cette dispersion des efforts devant le peu de volonté que le législateur semble vouloir mettre à la rationalisation du traitement complet des documents gouvernementaux.

La troisième et dernière remarque qui touche l'ensemble de la loi touche les calendriers de conservation. Il est heureux de constater que le calendrier de conservation, cet outil administratif qu'on pourrait appeler la dynamique de la théorie des trois âges dont on a souvent parlé depuis hier, c'est-à-dire les documents actifs, semi-actifs et inactifs, le but du calendrier de conservation c'est exactement de rendre dynamique cette vision qui peut être statique jusqu'à un certain point quand on définit le document comme étant actif, semi-actif et inactif. Donc, le calendrier est un outil qui va permettre de dynamiser cette théorie. Ce que nous prévoyons c'est que par l'utilisation qu'on va faire du calendrier de conservation, de par la loi qui ne touche que le traitement des documents inactifs, on va sous-utiliser cet instrument.

On pourrait comparer cela, si vous voulez, à l'effort qui a été fait dans la loi française quand on parle de "liste d'éliminables". Dans la loi française on a pris les calendriers et on a extrait de ces calendriers les documents qui pourront être éliminés. Naturellement, ceux qui restent sont les documents qui devront être conservés. C'est ce qu'on veut faire avec les calendriers, alors que lorsqu'on parle de calendriers dans la loi on pourrait être appelé à croire qu'on va traiter les documents actifs, semi-actifs et inactifs, ce qui n'est pas le cas.

Tout ce qu'on fera, c'est qu'on identifiera des séries de documents qui seront des archives publiques à l'expiration des périodes d'activité, de semi-activité, tel qu'on le précise d'ailleurs à l'article 7.

Considérations d'ordre particulier. Naturellement, il y a le fameux article 2 où tout ce qu'on peut dire c'est d'ajouter avec les autres qu'on aurait souhaité une définition très précise des archives. En fait, la définition ou le manque de définition peut mener à des interprétations qui peuvent paraître extrêmement farfelues mais qui peuvent quand même se présenter. On a un exemple que je ne perdrai pas de temps à donner ici mais qui démontre qu'en vertu d'une... Si on parle d'une définition qui est celle de l'UNESCO, qui a déjà été mentionnée, on pourrait être appelé à démontrer que les documents actifs et semi-actifs d'un ministère, par exemple, sont les archives privées alors que les documents inactifs sont les archives publiques puisqu'on dit: Les archives privées c'est tout ce qui n'est pas public.

Remarques sur l'article 8. D'une part, il est prévu selon cet article que les organismes publics devront soumettre leur calendrier de conservation respectif à l'approbation du ministre des Affaires culturelles. Sachant qu'une telle opération ne pourra être très rapide si tous arrivent en même temps et connaissant, par ailleurs, les problèmes d'espaces consacrés à la conservation de documents périmés que pourrait causer un tel embouteillage, nous soumettons l'idée d'établir un échéancier précis pour l'approbation des calendriers de conservation, de sorte qu'avant la date prévue d'adoption de leurs calendriers respectifs les organismes puissent continuer à traiter leurs documents.

D'autre part, des questions se posent. Est-ce que l'approbation du ministère des Affaires culturelles, telle que décrite à l'article 8, évitera d'avoir à se munir de la permission d'autres ministères pour éliminer des documents ou cela ne sera-t-il en définitive qu'une étape supplémentaire? Par exemple, est-ce qu'il faudra, dans le cas de documents financiers, s'assurer d'avoir la permission du ministère du Revenu, comme c'est le cas présentement, ou si l'approbation du calendrier par le ministère des Affaires culturelles évitera cette démarche? Si tel n'était pas le cas, serait-il possible de faire en sorte que le ministère des Affaires culturelles devienne l'interlocuteur unique pour les organismes publics et qu'il se charge de s'assurer auprès des autres ministères qu'ils sont eux aussi d'accord avec les calendriers proposés?

On s'en rend bien compte, ceci éviterait aux organismes publics une foule de démarches longues et onéreuses et s'inscrirait bien dans les efforts déjà entrepris à d'autres niveaux par le gouvernement pour réduire les complexités administratives.

Article 10. Je me permets de revenir sur l'article 10 malgré tout ce qu'on a pu en dire. On doit relier le contenu de cet article, comme cela a déjà été démontré, à l'article 19 et, selon nous, c'est un non-sens des plus flagrants. On peut comprendre l'intérêt qu'ont les personnes élues à voir de tels articles apparaître dans un texte de loi, mais il est inacceptable pour les chercheurs et pour les citoyens en général que leurs élus puissent se défiler aussi facilement une fois leur mandat venu à échéance.

On pourrait entreprendre une longue argumentation où on démontrerait l'importance du témoignage que fournissent les documents dont il est question ici. Qu'il suffise de constater l'aberration d'une situation résultant du fait que les documents de ceux qui sont les décideurs politiques ne sont reconnus d'intérêt public que si ceux-ci le jugent à propos. Se rend-on compte que cela peut signifier qu'en vertu du projet de loi no 3 sur les archives, le premier

ministre, un ministre, le président de la Communauté urbaine de Montréal, le président d'une commission scolaire, le président d'un conseil d'hôpital pourraient quitter leur poste et partir avec tous les documents qu'ils ont produits ou reçus en cette qualité, et ce en toute légalité? C'est impensable, irresponsable. (10 h 30)

Si on n'a pas le courage politique d'affirmer une propriété sur de tels documents, qu'on ait au moins le soin de ne pas traiter ce point en supprimant tout simplement le deuxième paragraphe de l'article 10 et l'article 19, de façon à ne pas consacrer implicitement un droit de propriété qui, pour la postérité, aurait avantage à demeure flou. À ce niveau-là, je voudrais attirer l'attention sur une ambiguïté qui est revenue à plusieurs reprises hier - encore là, n'ayant pas de définition d'archives publiques, on comprend cette ambiguïté - mais où on disait souvent: Peut-être que 5% à 10% des documents des députés sont des documents qui peuvent être confidentiels, qu'il peut être embêtant de rendre communicables. Des archives publiques ne sont pas nécessairement des archives communicables. On peut conserver des archives publiques qui peuvent être communiquées très loin dans le temps. C'est par des règles de "communicabilité" qu'on va établir justement, à partir de quand certains documents pourront être consultés dans certaines catégories de documents. Il ne faut pas faire de lien nécessaire entre archives publiques et documents communicables au public.

À l'article 13, je veux simplement mentionner que le terme "conservation" employé à cet article pose des problèmes parce qu'en archivistique, le terme "conservation" a un sens qui est relativement précis alors qu'ici on ne sait pas trop si c'est juste la conservation physique ou si c'est l'ensemble de la conservation qui peut aller du traitement jusqu'à la conservation.

Article 14. À la lecture de cet article qui n'aura d'autre résultat qu'une décentralisation, on peut se demander quel sera le rôle imparti aux Archives nationales du Québec. Certes, cette institution continuera d'assurer la conservation et le traitement de ce dont elle a la garde mais qu'en sera-t-il des documents qui deviendront inactifs à compter de l'adoption de la loi sur les archives? De plus, à quoi auront servi les efforts de régionalisation que les Archives nationales du Québec ont faits depuis 1975 si on les met en concurrence avec d'autres organismes publics et privés?

En ce qui concerne l'article 16, c'est simplement pour faire part de notre étonnement. Alors qu'ailleurs dans le projet de loi on traite toujours des documents inactifs, comment se fait-il qu'ici on ne retrouve plus cette limite? Serait-ce qu'on reconnaît pour ce type de documents le fait qu'ils constituent des archives dès leur création? Si oui, comment expliquer logiquement qu'il en soit autrement pour tous les autres documents?

Article 17. Étant donné l'importance des types de documents que touche cet article, c'est-à-dire ceux mentionnés aux paragraphes 1 à 5 de l'article 16, il eut été préférable de faire une obligation de déposer en remplaçant le mot "peuvent" par "doivent".

En ce qui concerne le chapitre IV. On passe rapidement. Si on se reporte aux notes explicatives qui apparaissent au début du projet de loi, le but de ce chapitre est - je cite les objectifs - "d'apporter aux services d'archives privées une aide technique et financière." Le moyen pour y arriver réside dans le fait que les services d'archives privées devront prendre l'initiative de se faire agréer selon l'article 24. Il est à prévoir que l'objectif est quelque peu illusoire étant donné le peu d'empressement que les archives privées mettront à se faire agréer de façon à pouvoir conserver le plus d'autonomie possible, même si cela devait impliquer l'absence de subvention.

Article 30. Il aurait fallu étendre la portée de cet article aux organismes publics puisque plusieurs d'entre eux font des acquisitions d'archives privées et participent ainsi activement à la conservation et au traitement du patrimoine archivistique. D'ailleurs, ce fait est reconnu et déjà agréé par les Archives nationales du Québec si on considère que plusieurs services d'archives de la région montréalaise, dont les Archives nationales du Québec, région de Montréal étudient justement depuis quelques mois déjà les possibilités de concertation dans le domaine de l'acquisition. Il faudrait donc reconnaître ce fait et ajouter après le mot "ministre" les mots suivants "ou d'un organisme public".

Article 35. Il faut insister sur le caractère on ne peut plus tatillon d'un tel article qui, si on le compare au laxisme des articles 10, paragraphes 2 et 19, peut nous mener à conclure au fait qu'il y a là deux poids deux mesures.

Il nous apparaît que l'élément le plus important pour ces documents qu'on peut retrouver un peu partout, c'est de les connaître, de savoir qui les possède, où ils se trouvent. Or, il est loin d'être certain que le contenu de l'article 35 va encourager les détenteurs de tels documents à les signaler. L'effet sera probablement contraire. Nous proposons donc de faire disparaître cet article.

Article 38. Nous ne comprenons pas comment, dans le cadre d'une politique de gestion des archives publiques composées principalement des documents inactifs, un ministre peut, avec une certaine crédibilité,

fournir une expertise sur des documents actifs qui ne sont justement pas des archives publiques. Nous rappelons que pour ce faire, il eut fallu donner une définition beaucoup plus large des archives du type de celles mentionnées à la page 6. Cet article est une autre preuve qui démontre qu'on ne peut logiquement établir une véritable politique de traitement des archives en se basant sur une définition limitative.

Deuxième partie du mémoire intitulée: Une politique de traitement des archives du gouvernement: ne pas confondre avec le projet de loi no 3 sur les archives. Tel que nous l'avons annoncé en introduction, cette partie sera essentiellement consacrée à présenter la situation qu'on se serait attendu que produise une loi sur les archives en ce qui a trait principalement aux archives du gouvernement. Nous insistons sur cette restriction importante. En effet, qui d'autre que le gouvernement peut et doit voir à la rationalisation du traitement des archives qu'il produit? Certes, ne faut-il pas dénier l'importance du rôle qu'il a à jouer dans le traitement des archives des organismes publics et même dans le traitement des archives privées. Toutefois, sa première priorité doit demeurer à tout prix les archives institutionnelles, c'est-à-dire celles produites par les ministères et organismes gouvernementaux. Ignorer ce fait ne peut qu'engendrer un état de confusion peu souhaitable. En définitive, l'État pourra jouer son rôle, en ce qui touche le traitement des archives des organismes publics et privés, d'autant mieux et avec d'autant plus de crédibilité qu'il aura su assurer d'abord une véritable rationalisation dans son propre champ d'activité. Or, à notre humble avis, la loi sur les archives telle qu'elle existera, selon le projet qui nous est soumis, ne saura respecter cette priorité.

Comme on l'a déjà mentionné précédemment, le projet de loi sur les archives présente ces dernières comme n'étant constituées que de documents inactifs, c'est-à-dire des documents n'ayant plus d'utilité pour l'administration qui les a produits, sauf les quelques exceptions prévues à l'article 16. Il faut s'en rendre compte, cette approche est tentante en ce qu'elle permet, du moins en ce qui concerne l'appareil gouvernemental du Québec, d'ajuster la théorie à la pratique puisqu'il est de notoriété publique qu'au Québec les ministères et organismes gouvernementaux ne veulent sous aucun prétexte voir s'ingérer le ministère des Affaires culturelles dans le traitement de leurs documents pendant que ces derniers ont une valeur administrative. Ainsi, adopter une loi qui limite l'action dudit ministère aux documents inactifs aurait sans doute l'heur de plaire à plusieurs. On pourrait presque parler d'une politisation de l'archivistique.

Toutefois, la réalité archivistique ainsi que la réalité administrative pure et simple sont tout autres et on pourrait être pour le moins surpris de constater que le gouvernement du Québec tente de privilégier une approche aussi limitative, d'autant plus que la pratique autant que la théorie démontrent clairement que cette vision de l'archivistique et du traitement des archives est nettement dépassée. On ne peut inopinément vouloir transposer sur le plan théorique les problèmes pratiques que pose la question du traitement des archives au Québec et forcer ainsi la théorie à reconnaître une pratique dont l'approche est faussée.

Présentement, au gouvernement du Québec, le partage des tâches en ce qui a trait aux archives est le suivant: chaque unité est autonome et responsable de ses documents actifs. Les semi-actifs, quand les unités le désirent, sont pris en dépôt par le ministère des Travaux publics et les inactifs (archives ayant acquis une valeur historique) quand les unités respectent les calendriers de conservation, tombent sous la responsabilité des Archives nationales du Québec. Un partage des tâches est certes nécessaire et personne ne peut nier ce fait. Toutefois, il est aussi évident que partager des tâches ne nie pas la nécessité d'une concertation minimale pour que, sans en arriver à la grande standardisation, il demeure possible d'établir des priorités et qu'une relative unité d'approche et d'intervention puisse être réalisable, ce qui est hautement souhaitable tant en ce qui concerne le traitement des documents qu'en tout autre domaine. Autant il apparaîtrait anachronique de laisser à chaque unité entière autonomie sur la gestion du personnel ou sur la gestion des espaces, autant il serait hasardeux de le faire pour les archives.

Il faut donc reconnaître que le traitement des documents existe au Québec et, d'ailleurs, la plupart des ministères et organismes gouvernementaux s'occupent de leurs documents. Toutefois, toutes ces actions pourraient profiter au centuple si elles étaient chapeautées par une unité ayant un mandat de coordination. Or, personne ne semble s'entendre sur cette dernière. Le projet de loi qu'on propose, par l'approche qu'il privilégie, ne fait que reproduire ce fait et tente de faire reconnaître et d'officialiser une situation aberrante où le traitement de l'ensemble des documents, produits dans le cadre des activités du gouvernement, relève de tellement de monde qu'il ne relève en définitive de personne, personne n'ayant de mandat précis dans ce domaine. À vouloir trop déléguer un pouvoir, il en devient tellement délayé qu'il est inexistant.

Il nous apparaît important, avant de choisir définitivement cette voie pour le moins obscure et limitative, de le faire en toute connaissance de cause en sachant

pertinemment que, pour toutes sortes de bonnes raisons, économiques, politiques ou autres, on est prêt à se refuser un certain nombre d'avantages qu'aurait pu offir l'établissement d'une véritable politique de traitement des archives. Ainsi le législateur prendra-t-il une décision éclairée et saura-t-il, par la suite, en assumer toutes les conséquences?

Qu'est-ce qu'une politique de traitement des archives? C'est un façon concertée et réfléchie de mettre sur pied les moyens qui permettent le traitement efficace et rentable de tous les documents produits ou reçus par une administration. La politique de traitement des archives doit avoir pour but la planification, la mise en place et le soutien de tous moyens, c'est-à-dire réglementation, structure, programme, qui rendent possible un contrôle rationnel, efficace et rentable de la création, de l'utilisation, du repérage et de la conservation à plus ou moins long terme des documents que cette administration produit ou reçoit dans l'exercice de ses activités.

Il va sans dire que toute cette politique s'appuie sur une logique administrative selon laquelle l'ampleur de toute solution à quelque problème doit être à la mesure de l'importance du problème concerné. Ainsi, une politique de traitement des archives n'est pas du prêt-à-porter. Elle peut et doit être adaptée à l'entité qu'elle veut desservir, dans le cas présent, l'appareil gouvernemental québécois. Pour être opérationnelle, la politique de traitement des archives doit être tissée sur le canevas fourni par la théorie des trois âges dont on a déjà longuement parlé ici.

Quelles seraient les justifications? Pourquoi le gouvernement devrait être justifié de se doter d'une politique de traitement des archives? Au gouvernement du Québec, comme ailleurs, plusieurs raisons expliquent l'émergence des besoins de se doter d'une politique de traitement des archives. On peut mieux comprendre cette émergence quand on établit une comparaison entre ce secteur d'activité qu'est le traitement des archives et d'autres secteurs d'activité telle la gestion du personnel, la gestion des espaces, etc. Force nous est de constater alors que, en ce domaine comme en d'autres, l'augmentation des besoins traditionnels, jumelée à l'apparition de nouveaux besoins, fait que l'administration concernée doit se donner les moyens nécessaires et proportionnels à solutionner les problèmes existants, suivant ainsi l'évolution des besoins.

Pour ne pas allonger indûment le contenu de ce mémoire, nous nous contenterons ici de signaler ces besoins qui ont été plus longuement analysés dans un volume récemment paru et titré "Les archives au XXe siècle". Ces besoins sont l'augmentation phénoménale du support de l'information que sont les documents, le caractère éphémère de cette information, le ralentissement de l'augmentation des espaces disponibles pour le stockage de l'information, l'augmentation de la rapidité du repérage de l'information, l'obligation légale de conserver de plus en plus de documents pour des périodes de temps relativement longues, l'obligation de conserver des documents en permanence pour fins d'études rétrospectives. Tous ces besoins existent dans l'ensemble des administrations où on a une émergence du besoin de traitement de documents.

Il est clair que la réponse à ces besoins ne peut résider dans une intervention ne se rapportant qu'à un de ces éléments. On pourrait, par exemple, tenter de réduire l'information. Toufefois, la complexité administrative et surtout les services plus abondants dont elle découle n'y survivraient pas. Par ailleurs, ce serait peine perdue et partie remise que de tout conserver et d'augmenter en conséquence les espaces de stockage, puisqu'ils sont de plus en plus rares et dispendieux et que, de toute façon, ce ne serait que reporter la solution à un problème existant. Quelle serait l'utilité, par exemple, de mettre sur pied des systèmes permettant, par le microfilm, la miniaturisation de documents qui, pour la plupart, tel qu'on l'a dit, ont un caractère de plus en plus éphémère.

Serait-il possible que de telles solutions ne régleraient que partiellement le problème? Seule une action concertée et réfléchie, dont les efforts porteraient sur chacun des éléments pourrait fournir une alternative intéressante. Cette action concertée et réfléchie réside précisément en une politique de traitement des archives telle que nous l'avons définie précédemment.

De quoi est composée cette politique de traitement des archives? D'abord, d'une législation; premier élément, élément législation ou réglementation. Il faut entendre par législation ou réglementation toute disposition officielle - loi, règlement, directive - que se fournit l'organisation en ce qui a trait au traitement de ces documents. Cette loi ou réglementation doit être un élément facilitant l'application des solutions proposées par le programme de traitement. Elle définit, entre autres, le mandat et les modalités d'intervention de la structure ou du service qui doit voir à l'application du programme, ce sur quoi porte le programme, supports d'information visés, ressources, tâches à accomplir, etc., et les moyens de contrôle permettant d'en vérifier l'application. Enfin, selon l'organisme, la législation ou réglementation peut prévoir des sanctions pour les contrevenants. (10 h 45)

Deuxième élément, une structure. Le type de structure dont il est question ici

comprend d'abord l'ensemble des ressources humaines, c'est-à-dire un personnel suffisant en quantité et en qualité qui, dans une organisation donnée, a pour tâche de voir à l'application de la réglementation, à la mise en place ainsi qu'à la bonne tenue des différents éléments du programme de traitement des documents. Par ailleurs, des ressources physiques, c'est-à-dire tous les locaux et équipement nécessaires à l'accomplissement de ces tâches, et des ressources financières sont tout aussi nécessaires pour épauler ces ressources humaines.

Autre facteur important, et peut-être plus au niveau gouvernemental qu'ailleurs, cette structure doit prendre place dans l'organisation, pouvoir compter sur des appuis et bénéficier d'une situation dans l'organigramme général qui lui permette d'établir des relations d'égal à égal avec toutes les autres composantes de l'organisation.

Dans le cas qui nous intéresse, la structure est personnalisée par les Archives nationales du Québec qui relèvent du ministère des Affaires culturelles. Dans le contexte actuel et dans celui que créerait le projet de loi no 3, il importe de souligner qu'en plus, il faut tenir compte de toutes les ressources qui, en dehors du ministère des Affaires culturelles, ont comme mandat de voir au traitement des documents. De fait, la plupart des ministères et organismes gouvernementaux y consacrent un certain nombre de ressources. Malheureusement, même sous le régime du projet de loi no 3, on ne pourrait parler de structure au sens où on l'entend ici car il n'y aurait pas la concertation nécessaire à ce que tous les efforts puissent s'inscrire dans le cadre d'une véritable politique de traitement. Ce sont, en définitive, plusieurs efforts qui demeureraient isolés tant et aussi longtemps qu'une concertation ne sera pas devenue possible grâce à l'action d'une unité qui aurait pour mandat, entre autres choses, de produire cette concertation.

Troisième élément de notre politique, le programme. Conçu et appliqué par la structure en fonction de la législation ou de la réglementation, il doit comprendre tous les éléments nécessaires au traitement complet, efficace et rentable des documents de l'organisation. Ces éléments doivent porter sur tous les documents produits par l'organisation dans l'exercice de ses activités, et ce, de leur création jusqu'à leur élémination ou tout au long de leur conservation permanente, quand c'est le cas.

Il faut distinguer les éléments constitutifs, qui forment le corps du programme, des éléments de soutien dont l'appui est indispensable à l'existence et au bon fonctionnement des premiers. Dans les ministères et organismes gouvernementaux, certains de ces éléments sont appliqués mais le manque de coordination ne permet pas de profiter des avantages qu'offrent les mêmes éléments inscrits dans un programme. L'application du projet de loi no 3 ne viendra pas améliorer cette situation.

Pour ne pas allonger indûment le contenu du mémoire, nous nous contenterons ici de signaler ces éléments qui sont d'ailleurs mentionnés aussi dans le volume Les archives au XXe siècle. Il y a donc la rationalisation de la création, de la diffusion et de la réception des documents, la rationalisation du traitement des documents actifs, du traitement des documents semi-actifs, du traitement des documents inactifs, du traitement des documents essentiels, pour terminer avec deux éléments qui viennent appuyer les premiers: l'inventaire des documents et le fameux calendrier de conservation.

Ainsi peuvent être résumés les éléments qui composent la politique de traitement des archives et des documents qui les constituent. Il ressort de tout ceci que tel qu'il existe présentement, le projet de loi no 3 n'est que l'élément législation d'une politique de traitement qui fixe un mandat restreint à la structure que sont les Archives nationales du Québec, en ce sens qu'il limite leur champ d'activité au traitement des documents inactifs qui n'est, comme on l'a vu, qu'un élément parmi tant d'autres d'un programme de traitement d'archives.

Si le législateur veut, par son projet de loi no 3, restreindre l'action gouvernementale en matière d'archives au traitement des seuls documents inactifs, qu'il le fasse en changeant le titre de la loi pour "Loi sur les archives historiques", reconnaissant ainsi les limites de son action et ne laissant pas croire qu'il prétend proposer une politique de traitement des archives dont l'approche est, répétons-le, beaucoup plus globale que la seule préoccupation des documents inactifs.

En conclusion, à première vue et pour l'oeil non averti, le projet de loi sur les archives paraît intéressant en ce qu'il se donne pour objectif de mettre sur pied une politique de traitement des archives en obligeant les organismes publics à conserver leurs archives et en encourageant les institutions privées à en faire autant. Cependant un examen plus approfondi du projet mène à des conclusions fort différentes et laisse bien voir que de s'établir un objectif est une chose et de se donner des moyens pour l'atteindre en est une autre.

Les nombreuses imprécisions terminologiques, le manque de rigueur logique, la faiblesse de volonté politique en ce qui concerne le traitement complet et efficace des documents gouvernementaux, le peu d'éléments neufs que ce projet apporte quand on le compare avec les lois qui

antérieurement touchaient les archives, Loi sur le ministère des Affaires culturelles, Loi sur les biens culturels, nous amènent à douter de l'efficacité du projet de loi et déçoivent ceux qui attendaient naïvement une loi plus novatrice. Tout au plus confirme-t-on des pratiques existantes et regroupe-t-on dans cette loi des éléments antérieurement dispersés. Enfin, il pourrait apparaître inquiétant qu'on profite justement de la préparation d'une loi sur les archives pour rayer de tout le système législatif l'institution nationale d'archives, soit les Archives nationales du Québec.

Il faut déplorer, en définitive, qu'on ait mis autant de temps et de soin à bâtir quelque chose de si peu probant qui éloigne l'État du leadership archivistique. Trop tard se rendra-t-on peut-être compte qu'il eût été infiniment souhaitable qu'une loi sur les archives soit le produit d'un consensus qui aurait pu facilement être atteint n'eût été du trop grand secret dans lequel s'est concocté ce projet. À moins qu'elles ne soient faussement perçues, les archives n'ont rien pour constituer un champ de bataille politique et on en a une preuve. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Couture. Je dois vous rappeler que je ne peux accorder plus de 7 à 8 minutes pour la période d'échange de questions, parce que l'exposé a déjà duré 35 minutes. Il va falloir, à l'avenir, essayer d'abréger les exposés. Alors, je ne puis accorder que 5 minutes à chacune des parties pour aller à l'essentiel des questions ou commentaires.

M. Richard: M. le Président, je voudrais remercier M. Couture et lui dire qu'il nous a signalé des lacunes importantes auxquelles on essaiera de remédier dans le projet de loi final, puisque c'est un projet de loi précisément soumis à la consultation afin de percevoir le type de lacunes qui nous ont été signalées par M. Couture.

J'aurais toutefois deux questions à lui poser. En ce qui a trait aux archives, aux documents des députés, je trouve que vous évacuez rapidement le problème que cela peut poser. Je pense que vous étiez là hier quand j'ai abordé le problème ayant trait aux... Penons mon exemple pour ne pas me servir de l'exemple d'un autre: Très souvent, j'ai des électeurs ou électrices qui m'apportent des documents en sachant fort bien qu'ils viennent consulter à la fois le député, mais surtout l'avocat. Vous dites qu'il y a peut-être moyen de régler ce problème-là avec le principe de l'incommunicabilité pour un certain temps. Qui déciderait de l'incommunicabilité, selon vous?

M. Couture: Dans un tel cas, c'est le donateur des archives, c'est-à-dire vous- même.

M. Richard: Alors, vous vous réconcilieriez avec un article qui dirait: À moins que le député ou l'élu ne juge qu'il s'agit d'un document qui lui a été remis sous le sceau de la confidentialité.

M. Couture: Oui, après examen avec l'unité qui sera responsable de la cueillette de ces archives. En fait, on pourrait traiter ces documents de la même façon qu'on traite les fonds qu'on appelle les fonds privés d'archives.

M. Richard: Je peux me rallier facilement à une vue comme celle-là. Cela ne me pose pas de problème...

M. Couture: C'est que...

M. Richard: ...sauf que, encore une fois, évidemment, le donateur serait tenu d'exhiber son document à d'autres personnes.

M. Couture: Oui, mais qui sont quand même...

M. Richard: N'oubliez pas qu'en ce qui a trait, par exemple, à l'avocat, parfois c'est de nature hautement confidentielle. C'est périlleux.

M. Couture: Oui, mais dans un cas comme cela, je pense qu'il faut au moins accepter que l'archiviste, les gens responsables de la cueillette, puissent regarder ces documents et qu'on compte, non pas sur le secret professionnel, mais sur leur éthique professionnelle. Tout cela, en fin de compte, pour éviter que pour une petite partie, une mince partie des documents, on doive traiter l'ensemble comme ne pouvant jamais être consulté.

M. Richard: Prenons un cas, pas forcément typique, mais en tout cas qui peut se présenter - peut-être un cas extrême, toutefois - d'un document qui nous révèle la commission d'un crime remis au député, mais un peu à titre d'avocat aussi, par un électeur. Vous laisseriez quelqu'un prendre connaissance de ce document-là pour juger de l'incommunicabilité?

M. Couture: Quelqu'un qui peut le faire selon la fonction qu'il occupe, oui.

M. Richard: Oui, mais il n'est pas lié par le secret professionnel.

M. Couture: Non, mais qui est lié quand même...

M. Richard: ...lié par des règles de morale ou par des règles d'éthique, mais pas

lié par le secret professionnel. En tout cas, je pense que vous percevez un peu le...

M. Couture: Oui. À ce moment-là, je pense que si on ne peut résoudre ce problème, c'est que, au mieux, on pourrait dire que la personne concernée, le donateur des documents jugera lui-même ce qui peut être communicable de ce qui ne l'est pas. Mais c'est bien sûr qu'on revient au fait que la personne pourrait dire qu'il n'y a rien de communicable là-dedans. On ne règle pas la difficulté. C'est pour cela que, devant ce problème, peut-être que la solution la plus sage est de retirer un article semblable en ce sens que, au moins, on ne reconnaît pas de fait la propriété sur ces documents et qu'on compte, là, sur une certaine sagesse administrative qui, espérons-le, va s'instaurer.

M. Richard: Là-dessus, j'aurais tendance à vous donner raison. Il y a un élément... Ce qu'on cherchait à faire par le projet de loi c'est d'être au moins incitateur ou, au moins, pédagogique pour amener l'ensemble des parlementaires, surtout - on songeait, bien sûr, aux parlementaires d'abord - à remettre leurs documents et à ne pas se les approprier. L'ennui - c'est l'élément de frustration - ce n'est que dans un cas peut-être sur 1000 qu'on ne peut pas remettre. Donc, on ne peut pas avoir une règle générale pour dire: vous devez tout remettre. C'est le problème. C'est un cas sur 1000. Il y en a très très peu.

M. Couture: Mais si je peux me permettre, M. le ministre, d'après l'exemple que vous me donnez, c'est un fait que cela peut être embêtant pour quelqu'un...

M. Richard: Je vous donne un exemple que j'ai vécu dans mon propre bureau de comté.

M. Couture: ...de montrer ces documents-là, d'accord. Mais je pense qu'il faut compter, comme vous le disiez tout à l'heure, sur l'éthique professionnelle des gens qui vont regarder ces documents. En fin de compte, ils sont quand même là, non pas pour le plaisir de la chose, mais justement pour évaluer ces documents, et dans tous les cas afin d'aider le donateur à établir des règles de communicabilité sur ses documents. Très souvent, c'est l'inverse qui se produit. On dit au donateur: Peut-être que pour tel type de documents, il faudrait penser à amener une restriction alors que les gens n'y avaient pas pensé. Souvent, on est même plus conservateur que le donateur. Je pense, dans ce domaine, que l'expertise archivistique peut jouer un rôle extrêmement important.

M. Richard: En tout cas, il y aurait à consulter le barreau parce que je ne suis pas sûr que ce ne serait pas une dérogation aux règles du barreau. D'après le notaire Leduc, député de Saint-Laurent, qui était présent hier, cela s'applique également aux notaires. Cela peut s'appliquer également aux médecins qui sont liés par le secret professionnel.

M. Couture: Oui, mais je regarde dans toutes les administrations où on traite ces documents. Ce n'est pas parce que ces documents ont été créés sous le sceau d'un secret professionnel qu'on ne peut pas les traiter. Les spécialistes dans le traitement des documents traitent ces documents de la même façon et avec la même bonne volonté que les autres documents. Sauf que, à ce moment-là, bien sûr, il faut prendre des précautions supplémentaires. Je pense que pour le petit pourcentage de documents qui peuvent être touchés c'est vraiment embêtant de rayer tout le reste de la carte.

M. Richard: Là-dessus, vous avez raison. Maintenant, une dernière question.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, on doit faire vite.

M. Richard: On a longuement parlé hier du statut des Archives nationales. Je comprends que votre mémoire a été rédigé avant les interventions d'hier. Je ne pense pas qu'aujourd'hui vous soutiendriez qu'on fait disparaître le statut législatif des Archives nationales, comme...

M. Couture: D'ailleurs, ce n'est pas ce que j'ai affirmé. J'ai bien mentionné qu'on rayait du système législatif les Archives nationales, sans diminuer pour autant leur statut.

M. Richard: Parce qu'elles ne sont pas rayées du système législatif. Elles n'existaient pas là-dedans.

M. Couture: Je sais bien. Mais on en parlait quelque part à un moment donné, et ce quelque part n'existe plus.

M. Richard: Oui, mais ce dont on parlait...

M. Couture: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que cela ne diminue pas le rôle.

M. Richard: Oui. Bon.

M. Couture: Sauf que, dans mon esprit - et je suis sûr de ce que j'avance - c'était bien mentionné dans les lois que c'était là. Maintenant, dans la loi, on dit qu'on enlève ces articles. De cette façon, on raye du système législatif.

M. Richard: Oui, mais, encore une fois, ce qui était mentionné...

M. Couture: ...n'aurait pas dû l'être.

M. Richard: ...et ce qui était décrit n'était pas l'institution. C'était le regroupement de documents. Ce qui donnait une trop faible portée, si je peux m'exprimer ainsi, aux Archives nationales. Une des raisons pour lesquelles on n'a pas retenu la description de l'article 20 c'est que les Archives nationales étaient décrites, dans l'article 20 de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles, comme un regroupement de documents, alors que c'est devenu, avec le temps - cela est bien reconnu dans votre document - beaucoup plus qu'un regroupement de documents. Je vous remercie, M. Couture.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le député de Saint-Henri. (Il heures)

M. Hains: M. Couture, ce matin vous y allez vraiment de main de maître. La main de fer est là mais le velours n'est pas tellement épais. C'est pour cela que vous rejoignez vraiment mes appréhensions et mes critiques; je ne sais pas si vous étiez là lors de l'ouverture hier. Votre mémoire est vraiment un des plus constructifs et des plus articulés qu'on ait eu jusqu'ici sans vouloir diminuer le mérite des autres. Le ministre pourrait fort bien s'en inspirer comme il indiquait, par ailleurs hier, qu'il s'inspirerait beaucoup des documents qui lui seraient présentés. Maintenant sur deux points qui sont tout à la fin de votre mémoire, je reviens sur votre opinion. Il importe, compte tenu de l'importance et du nombre des critiques, de qualifier le point de vue de consultation préalable au dépôt. Je pourrais parler longtemps là-dessus mais je vais raccourcir. Est-ce que vraiment vous avez été vous-mêmes consulté avant ce dépôt de loi sur le contenu du projet?

M. Couture: D'aucune façon.

M. Hains: D'aucune façon, parce que M. le ministre nous dit toujours qu'il a fait des tournées de consultations. Mais, dans la chose expresse du dépôt est-ce que vraiment vous avez été consulté?

M. Couture: Non.

M. Hains: Non, d'ailleurs vous dites vous-même que cela a été concocté un petit peu dans leur secret. Merci.

Maintenant, quant à la réglementation, c'est encore la même chose. J'espère qu'elle sera le fruit d'une consultation. On semblait dire aussi, M. le ministre, que cela semblait déjà commencé. Est-ce que je me trompe,

M. le ministre? Au sujet de la réglementation, est-ce que la consultation...

M. Richard: Vous ne vous trompez pas. J'ai dit qu'elle serait déposée en même temps que la commission parlementaire qui ferait l'étude article par article.

M. Hains: Non, mais le point sur lequel j'insiste, est-ce que, actuellement, il se fait de la consultation auprès de ces gens qui nous entourent, qui viennent ici pour témoigner? Est-ce qu'ils ont été consultés ou est-ce qu'ils seront consultés?

M. Richard: Ils seront consultés. M. Hains: ...futur M. Richard: Oui.

M. Hains: Oui, merci. Maintenant, je pense bien que je n'insisterai pas beaucoup sur l'autre point. Je voulais revenir...

M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je voudrais vous signaler une chose. La consultation, pour être efficace, doit partir d'un document. On ne peut pas consulter dans le vide. On rédige les règlements et on consultera après avoir un projet de règlement qu'on amendera. On ne consultera pas dans le vide pour dire aux gens: Qu'est-ce que vous voulez avoir comme règlement? Encore faut-il concevoir un premier jet de règlement à partir duquel on va consulter. C'est exactement la même chose qu'on fait aujourd'hui avec un projet de loi qui a été soumis à une commission parlementaire après une première lecture, précisément pour consulter l'ensemble des intervenants, l'ensemble des intéressés, exactement comme on l'avait fait, on a rédigé un projet de loi à partir des interventions soumises au cours de ma tournée. Il y a 22 mémoires qui ont été soumis sur les archives au cours de ma tournée. Cela s'appelle, M. le député de Saint-Henri, de la consultation. Je ne sais pas comment vous appelez cela.

Mme Bacon: Est-ce que vous vous êtes inspiré de ces mémoires pour préparer votre projet de loi?

M. Richard: Évidemment. Une des raisons pour lesquelles on est venu assez rapidement avec ce projet de loi, c'est que les 22 mémoires parlaient de l'urgence d'adopter un projet de loi sur les archives.

M. Hains: M. le ministre, quand j'étais professeur et que mes élèves faisaient des devoirs, des rédactions, des compositions, je me donnais toujours la peine de les corriger avant de les mettre au propre. Alors, c'est

cela que je veux dire. Vous avez quand même fait un brouillon de ce projet de loi. Cela n'a pas été imprimé du jour au lendemain comme cela. Moi, j'aurais aimé, en tout cas...

M. Richard: II y a eu 29 brouillons, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Oui, depuis 5 ans que vous en faites, je le sais.

M. Richard: Pas moins que depuis 5 ans.

M. Hains: Je veux dire ceci: quand même si ces gens-là, disons M. Couture et les autres, qui sont passés précédemment avaient été consultés avant d'aller se briser les dents inutilement contre des obstacles rendus presque impossibles et qui font que ce matin, moi, encore une fois, je suis prêt à demander de retirer la loi parce que il y a trop d'amendements. Je vous ai dit hier qu'il y avait 60% des articles sur lesquels on demandait des amendements. Alors, cela va être un cataplasme, qui ne sera vraiment pas plaisant, de toutes les corrections possibles et imaginables. C'est cela que je veux dire, c'est ce que j'entends par consultation. C'est cela que j'aurais aimé. Il me semble que c'est tellement normal que quand on s'apprête à lancer quelque chose comme cela, qui a beaucoup d'importance, que les gens du milieu attendent depuis si longtemps, surtout sur des points - ce n'est peut-être pas une consultation générale mais sur certains points plus précis - dont il me semble qu'une consultation rapide et expresse...

M. Richard: M. le député de Saint-Henri, comment appelez-vous ce qu'on est en train de faire ce matin?

M. Hains: C'est de la consultation, je suis d'accord mais le projet est quand même là.

M. Richard: Bon, je vous réfère au livre de règlement, aux techniques parlementaires. Vous allez deviner que cela ne sera pas des cataplasmes.

M. Hains: En tout cas, comme je le disais hier, le bébé vient très mal au monde et c'est très douloureux pour tout le monde. Voilà, je ne reviendrai pas non plus sur les archives. Je suis du même avis que monsieur. Je crois que, veut, veut pas - j'en parlais hier avec M. le conservateur - dans la loi qui s'en vient, on leur enlève leur prestige, qui faisait un peu la fierté de tous les archivistes. C'est sur ce point que j'ai insisté auprès de M. le conservateur hier, lui disant que lui acceptait la chose, mais que moi, je faisais cela pour le prestige des archives, pour son propre prestige personnel, malgré que je ne le connaissais pas, parce que c'est un titre quand même qui est très grand parmi nous. Quand on dit le conservateur des archives...

M. Richard: Éminemment prestigieux, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je ne vois pas pourquoi on veut un peu le mettre dans le placard et laisser le socle vide. Voilà. J'ai terminé. Merci, M. Couture.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.

Université McGill

On va entendre maintenant le représentant de l'Université McGill. Je dois rappeler qu'il ne faudrait pas que l'exposé dépasse quinze minutes par mémoire pour accorder dix minutes de questions.

M. Caya (Marcel): Merci. M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, MM. les députés...

Le Président (M. Brouillet): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît!

M. Caya: Marcel Caya, directeur du service des archives de l'Université McGill. Je parle au nom de l'institution qui est l'Université McGill.

M. Richard: C'est votre chapeau de McGill aujourd'hui.

M. Caya: C'est mon chapeau de McGill. Cela ne vous fait rien que je le fasse en français?

M. Richard: Est-ce que McGill est une université anglophone?

M. Caya: On le dit. Les archives sont souvent comparées à la mémoire de la nation. C'est commode, c'est facile. La mémoire, généralement, ne coûte rien et ne dépense pas d'énergie. Pour un gestionnaire des archives, quand même, c'est un peu différent. Si on voulait comparer - encore là vous me concéderez que toute comparaison est un peu boîteuse - le rôle des archives dans l'administration d'une institution ou d'un gouvernement, on pourrait facilement le comparer à celui du réfrigérateur de la famille. Le réfrigérateur dans la famille n'est jamais le centre d'attraction, mais il est essentiel à la vie de toute famille, du moins en Amérique du Nord, parce que cela touche les besoins de tous. On discute très rarement du rôle du réfrigérateur dans la

famille. On n'en discute que lorsque le réfrigérateur fonctionne mal ou lorsqu'on veut en changer. Contrairement à la mémoire, le réfrigérateur requiert un minimum de ressources, un minimum d'énergie et un minimum d'investissements pour remplir le rôle qui lui est dévolu. Également, le réfrigérateur, pour bien jouer son rôle, doit être bien géré, même si ce n'est que de façon implicite. La grosseur et le type de réfrigérateur doivent surtout être adaptés aux besoins de la famille. Il doit être ni trop gros ni trop petit.

C'est là que j'en viens à mon rôle de gestionnaire du service des archives de l'Université McGill. Je décris, dans le mémoire, un peu en guise d'introduction, ce que nous sommes. Les archives sont contrôlées par l'Université McGill, pour l'Université McGill. Elles sont adaptées au type de gestion décentralisée de l'Université McGill et, jusqu'à un certain point, l'université souhaiterait que cela continue de cette façon. En résumant, de façon très succincte, le mémoire pour passer à la discussion, je décris, en guise d'introduction, les coordonnés essentielles du service fondé en 1962. Donc, il est relativement jeune, mais c'est quand même le doyen des services d'archives universitaires au Québec.

Sur le plan quantitatif, le service des archives assure la garde de 8000 pieds cubes de documents de valeur permanente et de 5000 pieds de documents semi-actifs. Puisque l'université est avant tout un centre d'enseignement et de recherche, les archives ne jouent pas un rôle strictement administratif mais contribuent également à améliorer les programmes de recherche et d'enseignement de l'université. À cet égard, les fonds d'archives administratives sont enrichis par un certain nombre de fonds d'archives privées susceptibles d'aider à la recherche académique. Ainsi, l'université assume depuis quelques années la conservation de fonds d'archives comme celui de la Bourse de Montréal et de certains organismes maintenant disparus du Québec anglophone comme le Montreal Council for Social Agencies, les Espaces verts de Henry Morgan ainsi qu'un certain nombre d'autres. Le service des archives en plus conserve, en vertu d'un agrément de dépôts, les archives de la conférence Montréal-Ottawa de l'Église Unie du Canada.

Je passe rapidement sur des commentaires qui ont déjà été faits relativement aux définitions. Je tiens quand même à souligner ici que la loi ne dit absolument rien sur les effets extraterritoriaux en ce qui a trait à l'Université McGill qui possède, aux dernières nouvelles, deux centres de recherche à l'extérieur de la province. J'aimerais savoir si éventuellement le matériel créé par ces unités est couvert par la loi.

Quant aux calendriers de conservation -et là j'en viens aux positions officielles - il est difficile de voir comment, dans notre cas précis, le recours à l'approbation ministérielle pour les calendriers de conservation va améliorer la désignation et la conservation des documents d'archives publiques. Il serait, à notre avis, beaucoup plus pratique et économique que le gouvernement, comme il est mentionné à l'article 44, exempte automatiquement toutes les institutions publiques possédant déjà un service d'archives professionnel de l'obligation de soumettre ces calendriers de conservation pour approbation par le ministère des Affaires culturelles. Tout au plus, il serait acceptable que l'on reconnaisse de façon plus directe dans cette loi le rôle potentiel des Archives nationales en tant que véritables archives de l'État dans tout ce processus et qu'on leur accorde sous cet article un droit d'inspection exerçable périodiquement comme les vérificateurs gouvernementaux le font quant à l'administration des fonds publics par les universités.

Au sujet de la compilation du calendrier de conservation, nous voudrions ainsi insister sur le besoin de maintenir toute la flexibilité nécessaire dans la rédaction. Je parle dans le mémoire un peu de la cuisine et d'un certain nombre de coûts qui ont été évalués d'après des études qui ont été faites. Je souligne que s'il y a des obligations qui sont faites aux organismes publics de présenter des calendriers de conservation, rien n'est dit au sujet des délais maximaux que le ministère ou le ministre devrait utiliser comme limite pour donner une réponse quant à l'approbation ou la désapprobation du calendrier de conservation. Il me semble que si l'obligation est faite dans la loi de présenter les calendriers de conservation, l'obligation du ministère devrait également être aussi dans la loi et non pas simplement attendre de faire l'objet d'un règlement.

Un problème qui a été soulevé par un certain nombre de professeurs à l'université puisque dans le cadre de leurs activités normales, ils produisent un certain nombre de documents, ils sont engagés pour produire ces documents de recherche et d'enseignement, ils sont payés pour le faire. Selon la logique de la loi, tel que les définitions sont précisées, on devrait s'attendre que l'on demande de soumettre des calendriers de conversation pour le matériel de recherche et d'enseignement des professeurs. Jusqu'ici, je dois vous faire part de l'attitude peut-être laxiste des archives de l'Université McGill qui ont toujours considéré ce matériel comme étant la propriété des individus qui le créent et qui considèrent qu'il est plus pratique d'agir ainsi. (Il h 15)

En continuant de considérer ce matériel comme étant des archives privées, on augmente nos chances que le bon matériel nous soit, éventuellement, retourné ou donné par les professeurs, à titre individuel, peut-être un peu comme on s'attend que les députés vont le faire parce que c'est l'endroit logique ici pour le faire. On s'attend, parce qu'ils ne sont pas obligés de garder dans leurs archives un certain nombre précis de documents découlant de leurs fonctions, que les professeurs vont être portés à en garder beaucoup plus, à garder les brouillons, à garder, également, les copies de rapports annotés qui, pour l'historien, seront des sources encore beaucoup plus riches quant à l'évolution du travail d'un individu ou de sa recherche.

Les commentaires généraux. Je me dois ici de transmettre une note légale sur laquelle nos conseillers juridiques ont voulu insister. Il s'agit, en fin de compte, de s'assurer que les personnes qui seront tenues de verser des documents aux Archives nationales ou à tout autre dépôt d'archives pour conservation de matériel soient compensées adéquatement. Le projet de loi dit très peu de choses, mais le ministre nous a assurés, hier, que cela serait précisé dans les règlements.

Finalement - je vais conclure sur ce point, le service des archives de l'université est présentement l'instrument par lequel elle exerce toute sa liberté de disposition de ses documents comme elle le juge approprié et cela, en vertu des avis de professionnels dont l'université a retenu les services. En particulier, dans un grand nombre de cas, des séries de correspondance font l'objet d'un échantillonnage que contrôle le service des archives. L'article 21, qui défend d'une façon stricte l'élimination et la modification de toutes les archives publiques, complique sérieusement ce processus normal d'échantillonnage que pratiquent tous les services d'archives professionnels.

Je voudrais également faire référence à la pratique renouvelée de ce processus de réexamen du matériel de valeur permanente. Ce n'est pas parce qu'en 1982, par exemple, du matériel a été versé aux archives, parce que jugé de valeur permanente, que dans 20 ans les archivistes ne voudront pas réexaminer ce matériel à la lumière de tous les autres dépôts d'archives et qu'ils ne voudront pas juger que ce matériel est maintenant constitué d'un double ou d'une source moins riche qui fait double effet par rapport à du matériel acquis un petit peu plus tard.

À l'intérieur d'un service d'archives professionnel, ces choses peuvent se faire facilement. En faisant intervenir toute la machine gouvernementale, il me semble que le processus va être alourdi indûment. Il me semble qu'il faudrait dans le cas où des services se dotent de professionnels, leur laisser toute la latitude possible, en comparant un petit peu le service que l'archiviste rend à son institution au service que le médecin rend à son patient. Malgré toutes les prescriptions que le Collège des médecins ou que le ministère des Affaires sociales peut vouloir émettre, le médecin doit quand même rester maître de sa pratique professionnelle.

Je termine sur cela. Merci.

M. Richard: Je vous remercie, M. Caya, de cette contribution extrêmement valable et positive aux travaux de la commission. Je voudrais répondre immédiatement à une question que vous avez soulevée à savoir si la loi s'appliquerait aux sections d'archives de l'université McGill qui sont en dehors du Québec. Ma réponse, c'est non. La loi n'a pas de portée extraterritoriale. Je prends bonne note des lacunes que vous nous avez signalées et qui vont nous permettre de bonifier le projet de loi.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Caya, je vous félicite et je vous remercie de votre mémoire. Il est court mais vous posez des questions qui sont très valables. M. le ministre vient de répondre à la première de vos questions sur le sujet des extraterritoriaux.

Une chose m'a impressionné et c'est la première fois qu'on en parle, c'est à la page 7 de votre mémoire où vous dites: "Nous ne voyons dans le projet de loi aucune application de la Charte des droits et libertés de la personne dans la province de Québec. Spécifiquement l'article 6 qui prévoit la jouissance paisible et la libre disposition des biens de chaque personne." Est-ce que vous voyez vraiment dans la loi une contravention à ce grand principe de la loi?

M. Caya: Je n'y vois aucune contravention. Ce qu'on désire exprimer ici c'est qu'on n'en voit pas d'application. Vous me pardonnerez de ne pouvoir détailler beaucoup plus cette question. Ce sont vraiment des questions juridiques qui concernent beaucoup plus les avocats soucieux de protéger les droits. Dans notre cas, il s'agit de s'assurer que les gens soient compensés adéquatement pour les montants qu'ils ont dépensés à conserver un certain matériel durant un certain nombre d'années très souvent.

M. Hains: On pourrait poser la question à M. le ministre.

À la page 7 vers la fin on se réfère à l'article 41. J'ai fait aussi mention aux articles 33, 34, et 35 par exemple, où M.

Caya nous dit que nous ne voyons dans leur projet de loi aucune application de la Charte des droits et libertés de la personne dans la province de Québec qui prévoit la jouissance paisible et libre des dispositions des biens de chaque personne. Pensez-vous qu'il n'y a pas un conflit dans cette question de vouloir s'emparer des biens ou empêcher qu'ils soient sortis de la province de Québec?

M. Richard: Non. Ce serait, par exemple, la même chose pour remettre en cause plusieurs des dispositions de la Loi sur les biens culturels. Que je sache, jamais personne n'a contesté la légalité des dispositions de la Loi sur les biens culturels.

M. Hains: Je vais me fier... M. Richard: En tout cas...

M. Hains: Oui, c'est cela. Cela pourrait devenir tout de même un sujet de contestation, non?

M. Richard: C'est davantage une réponse d'avocat que de député.

M. Hains: Pardon?

M. Richard: ...une réponse d'avocat que de député. Mais à première vue je ne vois pas...

M. Hains: Non, je vous le demande bien sincèrement.

M. Richard: ...mais on va l'analyser toutefois.

M. Hains: Une autre question aussi que vous pose M. Caya. C'est en haut de la page 7. Le problème de la propriété des archives créé par les professeurs.

M. Richard: Oui.

M. Hains: On semble un peu dire ceci: Que la loi devrait contenir une précision concernant ce matériel de sorte que les chercheurs et les créateurs des universités ne soient pas inquiétés outre mesure.

M. Richard: Les publications des professeurs sont toujours leur propriété.

M. Hains: Je vous demande cela parce que vous n'aviez pas répondu à l'inquiétude de M. Caya sur ce sujet. Il en faisait un article au début de la page 7.

M. Caya: C'est qu'avant d'en arriver aux publications les professeurs créent un matériel de recherche assez important dans le cadre de leurs fonctions normales. On pourrait, dans une application tatillonne qui n'est pas votre intention, je suis certain, obliger à faire des calendriers de conservation pour ce matériel et également obliger ces personnes à verser le matériel aux archives. C'est simplement le vocabulaire...

M. Richard: Cela ne m'inquiète pas puisque ce sont les archivistes des universités qui auront à faire appliquer la loi.

M. Caya: À ce moment-là, si les archivistes des universités les appliquent en contravention avec la loi, est-ce qu'ils risquent l'amende ou la prison? Vous leur laissez la porte ouverte pour m'emprisonner facilement.

M. Richard: II n'y a plus de place dans les prisons, M. Caya.

M. Caya: Vous me rassurez.

M. Hains: Une minute. Madame, juste un instant.

Le Président (M. Brouillet): Mme la député de Chomedey.

Mme Bacon: Juste une petite question,

M. Caya. À la page 5, il est question du calendrier de conservation. Est-ce que votre inquiétude s'applique strictement à votre université ou, suivant les informations que vous nous donnez, est-ce qu'on pourrait la voir s'appliquer à d'autres?

M. Caya: On a essayé d'adopter une position assez générale pour se demander quelle serait la façon la plus pratique et la plus économique de rejoindre les objectifs -parce qu'on convient que beaucoup de nos budgets proviennent du gouvernement - tout en n'ajoutant pas aux coûts et aux délais. La solution qu'on propose ici c'est quelque chose qui se rapproche un petit peu de la proposition d'agrément de services privés. C'est que, possiblement, un certain nombre de services d'institutions publiques, déjà dotés de tous les instruments pourraient être exemptés, au moins pour une période de début assez longue, de tout ce processus. À l'Université McGill cela pose un certain nombre de problèmes parce que le système de gestion est tellement décentralisé que tout le processus de création première des calendriers de conservation, s'il est fait de façon trop rapide, va nous donner des heures de centralisateur, ce qui va nous nuire dans un programme de gestion des documents qu'on voudrait appliquer trop rapidement. On a un programme de gestion des documents. On voudrait l'appliquer en tant que service et non pas en tant qu'application d'une loi. Nous croyons que c'est la meilleure manière de le faire. Mais cela va prendre du temps.

Mme Bacon: En fait, M. Caya, ce que vous suggérez comme correction serait sur ce droit d'inspection qui pourrait être exercé périodiquement, par exemple. Est-ce que vous iriez aussi loin qu'indiquer les périodes?

M. Caya: En fin de compte, si un service d'archives agissait comme il le devait, les gens pourraient venir inspecter n'importe quand. On pourrait leur ouvrir nos livres comme on ouvre nos livres comptables.

Mme Bacon: Vous n'iriez pas aussi loin qu'indiquer la période, dans la réglementation, par exemple?

M. Caya: Je ne pense pas que ce serait nécessairement utile. Je pense que leur personnel a beaucoup d'autres chats à fouetter. S'ils veulent venir vérifier comment cela se fait, bien ou mal, ils sont libres de venir le faire.

Mme Bacon: Merci.

M. Hains: Juste une petite remarque pour terminer. Je m'excuse, M. Caya, je vous appelais M. Caza, peut-être parce que vous avez l'air d'un monseigneur, Mgr Caza. Je vous remercie de votre mémoire.

M. Caya: C'est la première fois que j'entends cela.

Mme Bacon: Ce n'est pas la même religion.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Caya.

MM. Gilbert Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et Mme Carole Saulnier

J'invite maintenant les représentants du groupe de MM. Gilbert Caron, Guy Dinel, Gérard Goyer et Mme Carole Saulnier, archivistes. Avant de demander au porte-parole de s'identifier, j'ai regardé un peu votre texte et pour entrer dans les limites de quinze minutes, il faudra soit accélérer un peu le débit ou en résumer certaines parties. Je vous laisse le choix. Si vous voulez vous identifier et nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Dinel (Guy): Mon nom est Guy Dinel, à ma gauche, M. Gérard Goyer, à ma droite Mme Carole Saulnier et M. Gilbert Caron.

M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, sans être les représentants officiels de l'institution qui nous emploie, je tiens à préciser au départ que le présent mémoire a été principalement étudié en fonction de l'application du présent projet à un organisme décrit aux paragraphes 4 à 7 de l'annexe. Les archivistes et les autres personnes intéressées à la protection et à la mise en valeur du patrimoine archivistique québécois attendent depuis fort longtemps une législation portant spécifiquement sur les archives. Une telle législation n'a jamais été adoptée au Québec et cette lacune s'est fait sentir à plusieurs reprises au cours des dernières années. Parce que les archives constituent une partie importante du patrimoine culturel québécois, il importe de leur accorder une attention particulière.

Le projet de loi sur les archives est annoncé depuis déjà quelques années mais sa préparation était entourée d'un mystère qu'on qualifie d'impénétrable. Cette préparation sans consultation préalable a semé le doute et même l'inquiétude dans l'esprit de plusieurs personnes. Ceci est malheureux car la mise en place d'une telle législation nécessitera la collaboration de tous les intervenants.

La préparation du projet de loi 3 sur les archives a nécessité plusieurs années de réflexion au sein de l'appareil gouvernemental et il est malheureux que les personnes et les organismes intéressés par ce projet de loi ne puissent disposer que de quelques jours pour l'analyser et le commenter. À notre avis, un délai plus long aurait été justifié compte tenu de l'absence de consultation préalable et du fait que le projet de loi s'adresse à toute une variété d'organismes tant publics que privés.

Je vais essayer de vous présenter rapidement des commentaires généraux et encore plus rapidement passer à des commentaires spécifiques article par article.

Nul ne peut s'élever contre la vertu et c'est pourquoi nous adhérons aux principes généraux qui sous-tendent le projet de loi 3. Assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques et encourager les détenteurs d'archives privées à en prendre soin sont autant d'éléments qui doivent effectivement servir de base à une loi sur les archives au Québec. Ces objectifs témoignent de la volonté réelle du gouvernement de préserver cette partie importante du patrimoine national. Pourtant tout en étant d'accord avec les principes de base du projet de loi, nous croyons que, dans sa forme actuelle, le texte présenté ne permettra pas d'atteindre tous les objectifs fixés.

Je vais essayer de faire assez rapidement quelques commentaires généraux. Le premier, la portée du projet de loi. Dans sa forme actuelle, le projet de loi no 3 est conçu pour être appliqué d'abord et avant tout aux organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de l'annexe.

La formulation de certains articles, notamment les articles 10, 16, 19, 29, 30, 31, 32, 33 et 34 laissent croire que le

législateur a parfois oublié d'adapter le texte de loi à la réalité des différents types d'organismes touchés par la loi.

D'une part, par exemple, les catégories de documents décrits à l'article 16 ont leur pendant dans les universités et dans les municipalités.

D'autre part, les articles 29, 30 et 31 laissent croire que toutes les archives privées sont remises au ministre alors que dans les faits certaines institutions publiques, par exemple, les universités, en font déjà l'acquisition directement.

À notre avis, dans sa forme actuelle, le projet de loi no 3 ne devrait pas être appliqué aux organismes décrits aux paragraphes 4 à 7 de l'annexe. Il ne tient pas compte de la réalité de leur fonctionnement, cette lacune s'expliquant principalement par le manque de consultations préalables.

Dans un premier temps, le gouvernement devrait limiter son action aux archives des organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de l'annexe.

Je passe sur la question de la terminologie en insistant juste sur un mot qui m'apparaît important, le mot "conservation", qu'on utilise à toutes les sauces. On n'en a pas parlé beaucoup hier; il faudrait préciser ce terme "conservation". Il peut avoir un sens très restrictif ou un sens très large.

Les pouvoirs du ministre. Limite du mandat. Il est souhaitable que la loi sur les archives fournisse au ministre des Affaires culturelles des moyens efficaces d'intervention sur tous les documents produits par l'État et ce, indépendamment que ces documents soient actifs, semi-actifs ou inactifs.

La gestion des documents administratifs actifs et semi-actifs a une influence directe sur la constitution des archives proprement dites d'où la nécessité d'une action concertée. À cet égard, il y a donc lieu de déplorer que le projet de loi 3 limite à un timide rôle de conseiller, à l'article 38, l'intervention du ministre des Affaires culturelles dans le domaine de la gestion des documents actifs et semi-actifs et restreigne son action aux documents inactifs et aux documents énumérés à l'article 16.

À notre avis, l'intervention prévue au niveau des calendriers de conservation est nettement insuffisante. On a parlé hier des modèles de fonctionnement en vigueur aux Archives publiques du Canada et au National Archives and Records Service aux États-Unis. En plus de limiter l'action du ministre des Affaires culturelles aux seuls documents inactifs, le projet de loi no 3 contient diverses dispositions qui restreignent également l'intervention du ministre auprès de certaines personnes et de certains organismes. C'est notamment le cas pour les élus titulaires d'une fonction non élective (article 10), pour les membres de l'Assemblée nationale (article 19 ) et pour les organismes publics qui détiennent les archives décrites aux paragraphes 1 à 5 de l'article 16. Ainsi donc, contrairement aux attentes, le projet de loi ne désigne pas une autorité unique qui serait responsable de la conservation des archives publiques au niveau gouvernemental.

Pouvoirs discrétionnaires. Tels que formulés, certains articles du projet de loi laissent entendre que le ministre peut agir de façon unilatérale dans le domaine des archives. Ce pouvoir n'aura certes pas pour effet de rétablir le climat de confiance souhaité vis-à-vis de la loi sur les archives dont la préparation a déjà semé l'inquiétude. Par exemple, selon l'article 14, le ministre peut déposer à ses propres conditions des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées agréé. Cet article ne laisse donc aucune place à la négociation, faisant fi de toute entente préalable. Je me fie au texte exact de la loi.

Je vais parler directement de la délégation. Le projet de loi no 3 confère des pouvoirs étendus au ministre des Affaires culturelles. Certes, bien que cela n'apparaisse pas explicitement dans le texte du projet de loi, il va de soi que le ministre déléguera au conservateur des Archives nationales du Québec la plus grande partie de ses pouvoirs en ce domaine. Or, compte tenu de l'ampleur de la tâche à accomplir, nous croyons que cette délégation sera insuffisante, surtout en ce qui concerne les articles touchant les organismes publics décentralisés. L'article 43 prévoit une disposition à cet effet, mais nous croyons qu'il devrait être précisé. À certaines conditions, le ministre devrait désigner un responsable de l'application de la loi sur les archives dans un organisme public décentralisé. Dotée de toute l'autorité nécessaire, cette personne pourrait intervenir à tous les niveaux de l'organisme et négocier toutes les ententes relatives aux archives avec le ministre des Affaires culturelles. Cette délégation de pouvoir a pour but de réduire les coûts d'application de la loi sur les archives, d'en améliorer l'efficacité concernant l'application tout en respectant les principes fondamentaux contenus dans le projet de loi. À ce sujet, il y aurait peut-être lieu de s'inspirer de certains articles de la loi 65.

Légalisation de certaines pratiques non conformes à la protection du patrimoine archivistique québécois. En fait, je pense que je n'insisterai pas sur cette question. Cela touche, finalement, les espèces de privilèges, qu'on semble percevoir, accordés au législateur. Autrement dit, la loi est très contraignante pour la plupart des organismes publics et privés et même pour des individus, tandis que les articles 10 et 19 laissent voir

qu'il y aurait peut-être deux poids, deux mesures.

La réglementation. Il importe maintenant de bien distinguer ce qui peut faire l'objet de la loi et ce qui devrait plutôt être réservé aux règlements. Cette pratique, généralement acceptée, a été respectée dans le cadre de l'élaboration du projet de loi no 3, ce qui empêche de bien saisir le véritable sens de certains articles et leurs réelles implications. En effet, le projet de loi sur les archives comprend quatre articles (13, 14, 18 et 26) dont la signification est intimement liée aux règlements. Dans le cas de ces articles, dont certains sont fondamentaux, c'est la réglementation qui précisera leur véritable portée. Il va de soi que cette situation empêche toute discussion sur les articles en question.

Quant aux commentaires particuliers, j'y vais très rapidement.

Les articles 2 et 3. Je veux tout simplement apporter mon appui à un témoignage qui est venu hier de la part du Séminaire de Québec voulant que - je pense que le ministre n'a pas répondu à toutes ces questions - les organismes qui ont une charte, les organismes anciens du genre du Séminaire de Québec, qui disposent de documents anciens et qui sont, si on s'en fie à la description de l'annexe, subventionnés seulement depuis 1969-1970... Dans les mêmes archives on peut retrouver des archives publiques au sens de la loi et des archives privées. Je pense qu'il y aurait lieu de... C'est tout simplement un appui à une intervention d'hier.

En ce qui concerne les articles 6, 7 et 8, on peut dire que les principaux problèmes anticipés à ce chapitre sont liés, à notre avis, à la nécessité pour les organismes de soumettre leur calendrier de conservation à l'approbation du ministre des Affaires culturelles. Le nombre d'organismes touchés par la loi, près de 5000, et la diversité des champs d'activité des commissions scolaires, des maisons d'enseignement, des municipalités nuiront à l'application de l'article 8. À notre avis, le ministre des Affaires culturelles ainsi que la Commission des biens culturels ne possèdent pas actuellement l'expertise nécessaire à l'évaluation des calendriers de conservation de tous les organismes visés par la loi.

Il y a danger que l'application de cet article 8 retarde indûment la procédure d'élaboration et de mise en oeuvre des calendriers de conservation. Le ministre devrait restreindre son action à cet égard aux organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de l'annexe. En ce qui concerne les organismes publics décentralisés il devrait, à certaines conditions, déléguer cette responsabilité à une personne possédant l'expertise nécessaire au sein de l'organisme ou d'un ensemble d'organismes.

Je passe rapidement, je m'excuse. À l'article 38, le deuxième paragraphe laisse entendre que la politique de gestion des archives publiques implique une intervention du ministre des Affaires culturelles en ce qui a trait aux documents actifs et semi-actifs. Il serait déplorable que le ministre des Affaires culturelles agisse uniquement à titre de conseiller en cette matière. En effet, une action concertée en ce qui concerne les documents actifs et semi-actifs est nécessaire et vitale pour assurer une gestion efficace des archives publiques.

Aux articles 49, 50 et 51, les amendes prévues ne semblent pas toujours proportionnelles à la gravité de l'offense, à notre point de vue. Ainsi, le fait de ne pas avoir préparé un calendrier de conservation ou de ne pas l'avoir fait approuver n'est passible que d'une amende mineure, de 50 $ à 500 $, tandis que la personne qui déménage des documents anciens - c'est peut-être souvent un individu, une personne physique - si elle n'a pas averti le ministre, est passible d'une amende qui peut s'élever jusqu'à 25 000 $. Cette différence est importante à notre point de vue, compte tenu du fait que le calendrier de conservation constitue un point majeur du présent projet de loi.

En conclusion, les principes généraux qui sous-tendent le projet de loi 3 sont louables parce qu'ils visent à mettre en place pour la première fois au Québec une politique nationale de gestion des archives. En obligeant les organismes publics à conserver et à mettre en valeur leurs archives et en encourageant les services d'archives privées à en faire autant, le législateur manifeste sa ferme intention de protéger spécifiquement cette partie du patrimoine culturel québécois.

Malgré le consensus qui semble se dessiner en faveur des objectifs généraux visés par le projet de loi, l'analyse des articles nous amène à des conclusions passablement différentes car les moyens mis de l'avant pour atteindre ces objectifs sont insuffisants, à notre avis. L'absence d'une autorité unique qui serait responsable de la gestion des archives publiques, la timide intervention du ministre des Affaires culturelles dans la gestion des documents actifs et semi-actifs, et la protection de certaines chasses gardées ne sont que quelques exemples de lacunes constatées au cours de notre analyse. À la rigueur, moyennant des modifications importantes, ce projet de loi est acceptable si sa portée est restreinte aux organismes publics décrits aux paragraphes 1 à 3 de l'annexe.

Si le législateur maintient son intention d'intervenir auprès de tous les organismes publics et auprès des archives privées, le projet de loi devrait tout simplement être

retiré et réexaminé dans son entier après avoir fait l'objet d'une consultation beaucoup plus large.

Je tiens cependant à préciser qu'il faudrait quand même que ce délai de consultation se fasse dans une période relativement courte.

Merci.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci.

Est-ce que M. le ministre aurait quelques commentaires?

M. Richard: Oui, je voudrais remercier M. Dinel et dire, en ce qui a trait aux universités et à la question qu'il posait, à savoir la distinction à faire entre les archives privées et les archives publiques, que quand il s'agit des universités, en vertu de l'annexe, tel que proposé dans le projet, les universités sont des institutions publiques au sens de la loi.

M. Dinel: Le seul problème, à mon point de vue, ce serait pour les fonds privés qui sont déjà détenus par les universités. Ce sont des fonds privés qui sont acquis au moyen de contrats. (Il h 45)

M. Richard: Ce serait la même règle qui s'appliquerait pour nous en ce qui a trait à l'acquisition des fonds privés. D'autre part, M. Dinel fait remarquer que l'exercice auquel on procède présentement est peut-être l'exercice de consultation le plus transparent, le plus utile et le plus démocratique. Compte tenu des 53 mémoires qui auront été déposés, vous ne me suggérez tout de même pas de recommencer après.

M. Dinel: Non. J'ai bien...

M. Richard: J'imagine que vous me suggérez de tenir compte des recommandations et des suggestions qui ont été formulées, mais vous ne me suggérez pas de revenir en commission parlementaire avec le projet de loi tel qu'amendé.

M. Dinel: Non. La seule chose que je déplore, en fait... Je pense que j'ai insisté là-dessus, j'ai parlé souvent de consultation préalable. Je pense qu'il y aurait eu lieu de faire une consultation peut-être moins démocratique auprès des représentants de certains types d'organismes touchés par le projet de loi et je pense surtout aux organismes publics décentralisés.

M. Richard: Depuis que j'ai effectué cette grande tournée dans le Québec, j'ai nettement un préjugé à l'égard des consultations très ouvertes et très transparentes.

M. Dinel: Je ne pense pas que ce soit à l'occasion de consultations publiques de ce type qu'on puisse avoir des résultats concrets dans la préparation du projet de loi.

M. Richard: Parce que autrement, on aurait pu m'accuser d'avoir concocté cela en catimini avec quelques intervenants. Là, tous les intéressés pouvaient se présenter et formuler leurs recommandations. Je me sens bien plus en mesure maintenant de bonifier le projet de loi que je ne l'aurais fait en consultant deux ou trois groupes ou quatre ou cinq individus. C'est la consultation la plus large possible qui est celle de la consultation après la première lecture.

M. Dinel: II ne faut pas oublier, M. le ministre, que votre tournée, si je me souviens bien, s'inscrivait dans le cadre d'une tournée très générale, basée sur la régionalisation du ministère des Affaires culturelles. À ce moment-là...

M. Richard: C'est vrai. Il y a eu 22 mémoires, toutefois, sur les archives, mais là, plus 53, je commence à appeler cela de la consultation.

M. Dinel: D'accord.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri aurait-il un mot à nous dire?

M. Hains: Seulement un petit mot. Vous voyez, M. Dinel, que M. le ministre a vraiment l'estomac délicat et qu'il a vraiment de la misère à digérer certaines pilules, surtout celle que vous lui offrez à la fin de votre mémoire où vous dites: "Si le législateur maintient son intention d'intervenir auprès de tous les organismes publics..."

M. Richard: M. le Président, je vous l'ai rappelé hier matin, c'est le matin que le député de Saint-Henri devient partisan.

Des voix: Ah! Ah!

M. Hains: Je suis très heureux de voir que ma partisanerie est partagée par presque tous ceux qui présentent des mémoires. En tout cas... Il faudrait retirer ce projet de loi, le réexaminer en entier après avoir fait l'objet d'une consultation beaucoup plus large. Voilà la conclusion qu'apportait M. Dinel. C'était seulement pour taquiner un peu M. le ministre.

M. Richard: Pourriez-vous lui poser une question pour moi? Qu'entend-il par "une consultation plus large"? Là, il y a 53 mémoires. Doit-on...

M. Hains: II vient justement de le dire.

M. Dinel: En fait, c'est une consultation plus étendue dans le temps, dans le sens que... Je parle pour les organismes publics décentralisés. Parfois, c'est seulement changer un mot ou deux à certains articles du projet de loi. Or, la préparation du présent mémoire - je vous le dis franchement - cela s'est fait à la course. Cela s'est fait rapidement, compte tenu des délais. Il ne nous a pas été possible de faire une analyse très méticuleuse de chacun des articles et leur portée réelle, parce que certains articles portent à interprétation. Je tiens bien, par exemple, à rappeler au porte-parole de l'Opposition que nous adhérons au principe du projet de loi et nous tenons à ce qu'un projet de loi sur les archives soit adopté dans les meilleurs délais, sauf qu'en ce qui concerne les organismes publics décentralisés, je pense qu'il y aurait moyen de...

M. Hains: Moi aussi, M. Dinel. Je suis vraiment d'accord avec vous là-dessus, parce que comme vous le dites, on ne peut pas être contre la vertu et comme je suis un homme vertueux, j'accepte, moi aussi, les grands principes qui sous-tendent ce projet de loi. Mais comme vous aussi, j'ai beaucoup d'appréhension quant à la façon dont c'est présenté.

M. Richard: Cela vous arrive d'être contre la vertu!

M. Hains: Seulement une petite question avant de terminer. À la page 6 de votre mémoire, vous dites ceci: "Le ministre devrait désigner un responsable de l'application de la loi des archives dans un organisme public décentralisé." Avez-vous une idée, quand même... Qui pourrait être cette personne?

M. Dinel: Oui. En fait, on en a parlé hier. Cela peut prendre la forme, par exemple, dans les municipalités... Je dis bien, par exemple, à certaines conditions. Il faudrait qu'elle remplisse certaines conditions préalables, autrement dit, être reconnue comme ayant une certaine expertise dans le domaine des archives. Ce pourrait être, par exemple, dans le cas d'une municipalité, le greffier ou l'archiviste. Dans le cas des universités, ce pourrait être le secrétaire général de l'institution qui, par son mandat, a déjà la responsabilité de s'occuper des archives de l'institution.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais poser une question concernant les pouvoirs discrétionnaires et revenir là-dessus, parce que le ministre, de temps à autre, pense qu'il en a trop et, d'autres fois, qu'il n'en a pas assez. Je ne voudrais pas qu'il s'en plaigne. Vous indiquez qu'à l'article 14, le ministre peut déposer, à ses propres conditions, des archives publiques auprès d'un organisme public ou d'un service d'archives privées agréé. Cet article ne laisse donc aucune place à la négociation faisant fi de toute entente préalable. Est-ce que vous avez préparé un article que vous aimeriez voir à la place de l'article 14 ou si vous attendez qu'il y ait des corrections de faites?

M. Dinel: Non, c'est parce qu'il en a été question hier et je pense qu'il s'agirait tout simplement d'ajouter quelques chose après "entente préalable".

Mme Bacon: Et cela satisferait, d'après vous, l'ensemble des groupes qui viennent ici.

M. Dinel: Oui. Cela s'applique à différents autres articles aussi. Il s'agirait simplement d'ajouter un mot ou deux. Cela nous satisferait.

Mme Bacon: Parce que le ministre va certainement en prendre bonne note.

Une voix: Certainement.

M. Richard: C'est déjà fait, Mme la députée de Chomedey. Cela a été fait hier soir.

Une voix: C'est un ministre intelligent.

Mme Bacon: Mon autre question s'adresse au ministre. À la page 9 du mémoire, on indique que le Séminaire de Québec et le monastère des Ursulines constituent deux bons exemples à cet égard. En conséquence, les archives de ces organismes sont-elles toutes publiques, à la fois publiques et privées ou privées? Le projet de loi devra être clarifié à ce sujet.

M. Richard: C'est privé cela, hein?

Mme Bacon: Je pense que ce serait au ministre de répondre.

M. Richard: Les archives de l'enseignement sont publiques et les archives de la communauté sont privées.

Mme Bacon: Est-ce que cela répond à votre question?

M. Dinel: À partir de quelle date? Les archives de l'enseignement au Séminaire de Québec peuvent remonter à 1670, 1680. Le Séminaire de Québec est un organisme

subventionné seulement depuis 1969.

M. Richard: À partir du moment où elles sont reconnues d'intérêt public.

M. Dinel: D'accord.

Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup.

M. Richard: Merci, M. Dinel, à vous et à vos collègues.

Le Président (M. Brouillet): Nous allons entendre maintenant des représentants de l'Université du Québec à Rimouski. Je demanderais à la représentante de s'identifier, s'il vous plaît!

Professeurs d'histoire de l'UQAR

Mme Thivierge (Nicole): Je suis Nicole Thivierge. Je parle au nom des professeurs d'histoire du département des lettres et sciences humaines de l'Université du Québec à Rimouski.

C'est en tant qu'utilisateurs et utilisatrices d'archives que nous venons nous exprimer ici et non pas comme archivistes. C'est un mémoire très court peut-être à cause de l'esprit de synthèse légendaire des historiens. C'est un mémoire peut-être plus intuitif dans le sens que nous ne connaissons pas tous les mécanismes de la profession d'archiviste. Mais cela laissera plus de place aux questions des membres.

M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission, les archives constituent la mémoire d'un peuple. Toute action entreprise afin de veiller à leur conservation et à leur diffusion se révèle profitable à sa quête d'identité, à sa prise de conscience nationale et à son épanouissement.

Les historiens et historiennes du département des lettres et sciences humaines de l'Université du Québec à Rimouski ne peuvent qu'approuver le principe d'un projet de loi qui prévoit assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques et semi-publiques, même en incitant les détenteurs d'archives privées à les rendre accessibles et en tentant de contrôler le transport des documents historiques hors du Québec.

Permettez-nous, cependant, d'exprimer certaines réserves quant à son application. En effet, un aspect important de ce projet de loi nous laisse perplexe à cause des dangers qu'il contient. Il s'agit du contrôle total que l'on semble octroyer au ministre. Je comprends qu'on va parler de délégation de pouvoirs, mais, à un moment donné, tel que présenté présentement, cela nous paraît dangereux, et non seulement dans cette loi, mais aussi dans toutes les autres lois concernant les archives, tel que précisé aux articles 56, 57, 58 du chapitre VIII.

Nous comprenons ici que les Archives nationales du Québec ainsi que leur conservateur et les autres fonctionnaires n'existent plus légalement, qu'ils deviennent "la chose" du ministre. Nous croyons urgent de nous interroger sur les risques que présente un tel phénomène qui laisserait tout le contrôle de la conservation - et surtout de l'élimination - des documents à l'arbitraire politique, alors que ce contrôle devrait se trouver entre les mains de fonctionnaires compétents, formés pour cette tâche et, en principe, neutres.

Prenons l'exemple de l'article 21 de la section II du chapitre III du projet de loi qui dit: "...le ministre peut autoriser l'élimination d'archives publiques qu'il estime irrémédiablement détériorées. Il peut également autoriser l'élimination d'archives publiques dont il estime que la conservation ne présente plus d'intérêt historique". Comment un ministre, un politicien peut-il se targuer de posséder la compétence voulue pour juger de l'état d'un document ou de sa pertinence historique? Nous le verrions plus apte à estimer sa pertinence politique... Jusqu'à quel point ne risque-t-il pas lui-même d'être tiraillé par certains conflits d'intérêts?

Nous avons déjà souligné l'importance de cette loi en regard de son incitation à la conservation des archives privées. Compte tenu de l'importance de certaines de ces archives - je pense aux archives des communautés religieuses, d'évêchés, de fabriques et j'en passe - n'y aurait-il pas lieu de donner un peu plus de mordant à cette loi? On sait que certains de ces documents regorgent de données très riches sur notre passé lointain, 100 ans et plus, et dans certains cas, ces mêmes données sont uniques. Quant au contrôle sur l'exode des documents à l'étranger, on y a vu seulement dans le moment une espèce de contrôle d'inventaire. C'est-à-dire qu'on garde un contrôle de ce qui part, mais on n'empêche pas les documents de partir. Cela nous semble une bonne idée, mais ça ne va peut-être pas assez loin.

On a donc voulu présenter un mémoire très succinct afin de ne pas perdre de vue l'essentiel. Si ce projet de loi est rempli de promesses - on est pour le principe du projet de loi - il ouvre aussi la porte à une pratique dangereuse où risquerait de trôner un arbitraire politique menaçant notre histoire. Un peuple sans histoire n'a pas de conscience, et sans conscience, il ne peut accéder à son autonomie. Je termine ici.

M. Richard: Je vous remercie, Mme Thivierge. J'ai une question à vous poser.

Mme Thivierge: Oui.

M. Richard: Le conservateur, de qui voulez-vous qu'il relève?

Mme Thivierge: Je comprends qu'il peut relever d'un ministère. Quand je parle du conservateur, je parle de l'institution, du poste. En aucune façon son rôle ou sa tâche n'est soulignée dans le projet de loi. Quand on pense conservateur, on pense ministre. C'est toujours le ministre. Pour moi, un conservateur ou tout haut fonctionnaire qui s'occupe de la gestion de documents historiques ou non, c'est un fonctionnaire, ce n'est pas un politicien. Il me semble que sa place doit être soulignée, de même que pour les archives. Je n'étais pas là hier, pour les séances de la journée, peut-être que ces cas ont été réglés.

M. Richard: Mais il faut bien que le conservateur relève d'une autorité ultime.

Mme Thivierge: Oui.

M. Richard: Cette autorité ultime, ce n'est qu'une technique législative, mais à laquelle on est forcément assujetti. Il faut bien inscrire le ministre, mais pensez-vous que c'est le ministre qui, quotidiennement...

Mme Thivierge: Absolument pas.

M. Richard: ...va régler les problèmes des Archives nationales?

Mme Thivierge: Absolument pas. M. Richard: C'est le conservateur.

Mme Thivierge: Mais tel que le projet de loi est rédigé, on ne sent pas ces pouvoirs. Il peut faire ceci, il peut faire cela.

M. Richard: Je vais vous donner un exemple: La loi dit que c'est le ministre de la Justice qui poursuit dans les millions de causes qu'il y a au Québec. Inutile de vous dire que le ministre de la Justice n'en prend pas une, n'en plaide pas une.

Mme Thivierge: Non, non.

M. Richard: Elle dit même que c'est lui qui plaide pour la couronne, mais ce sont les procureurs de la couronne.

Mme Thivierge: Mais pourquoi, alors?

M. Richard: II faut que ce soit rattaché à une autorité ultime. On ne peut laisser dans le vide juridique, si je peux m'exprimer ainsi, le conservateur et les Archives nationales.

Mme Thivierge: Je comprends, mais pourquoi le conservateur et les Archives nationales ne paraissent-ils pas dans la loi?

M. Richard: Parce que dans toutes les lois à travers le monde où il est question d'Archives nationales et de conservateur, c'est dans les règlements que cela paraît, parce que les Archives nationales sont une direction générale du ministère des Affaires culturelles. Le directeur général des Archives nationales est le conservateur. (12 heures)

Mme Thivierge: Dans cette loi-ci, le ministre peut faire ceci ou peut faire cela.

M. Richard: Oui, mais c'est toujours comme cela.

Mme Thivierge: Après avoir consulté une commission, disons, ou les fonctionnaires compétents, mais il peut ou ne peut pas ou, enfin, ne doit pas. Je comprends que c'est une institution et que ce sont des termes. Par contre, je ne vois pas pourquoi dans la loi que n'apparaîtrait...

M. Richard: Jamais on ne voit apparaître l'organigramme d'un ministère dans une loi.

Mme Thivierge: Non, sans parler de l'organigramme. Là, c'est un peu exagéré.

M. Richard: Bon. Alors, si je parlais, par exemple, des Archives nationales, qui est une direction générale du ministère, cela m'amènerait peut-être aussi à parler de la Direction générale du patrimoine et des autres directions générales du ministère ou de celle des arts et des lettres.

Mme Thivierge: Comment se fait-il que dans les autres lois les mots "Archives nationales" apparaissaient?

M. Richard: Non. Les mots "Archives nationales" apparaissaient une fois, je le répète, à l'article 20...

Mme Thivierge: Oui, c'est cela. Je n'étais pas là.

M. Richard: ...de la Loi sur le ministère des Affaires culturelles parce que les Archives nationales, avant la création du ministère des Affaires culturelles, étaient un service du Secrétariat de la province. On a voulu dire par là que ce service relevait du ministère des Affaires culturelles, et la définition qui apparaît signifie uniquement un regroupement de documents et non pas une institution ou une entité juridique.

Mme Thivierge: II est sûr que dans tout ce jargon juridique, on peut discuter longtemps. Cela nous paraissait, tel

qu'exprimé, dangereux. On se sentait pris. Comme c'est important pour nous, non seulement comme métier mais aussi comme les documents anciens sont très importants et, sans parler du présent gouvernement, une loi est faite pour...

M. Richard: Non, cela veut dire qu'à ce moment-là c'est le ministre qui, ultimement, prend la décision.

Mme Thivierge: C'est cela.

M. Richard: Mais c'est une décision des Archives nationales qu'il ratifie.

Mme Thivierge: Oui, mais il peut prendre des décisions sans passer par les Archives nationales. Je veux dire qu'un ministère peut brûler des documents à un moment donné dans son histoire. Enfin, juridiquement.

M. Richard: C'est assez impensable.

Mme Thivierge: Oui, mais il peut le faire.

M. Richard: Oui, mais le ministre des Affaires culturelles ne resterait pas là longtemps, s'il faisait cela. Il faut raccrocher cela à une autorité quelconque.

Mme Thivierge: Oui.

M. Richard: II ne faut pas que ce soit dans le vide. Quand vous lisez "le ministre des Affaires culturelles...", transposez par "le conservateur" et cela va vous donner exactement la réalité du vécu.

Mme Thivierge: Oui, j'ai bien vu. D'accord. Mais l'inverse peut aussi se transposer. Cela veut dire que cela laisse la place à l'inverse aussi. Chaque fois qu'on pense que ce peut être les fonctionnaires compétents qui font telle ou telle élimination de dossiers ou telle conservation, on peut lire aussi "le politicien".

M. Richard: Oui. Vous semblez ne pas avoir plus d'estime qu'il n'en faut pour les hommes et les femmes politiques.

Mme Thivierge: Non. Je suis peut-être réaliste. Je pense, comme historienne, qu'en regardant le passé, je regarde aussi beaucoup l'avenir. Je pense aussi à tous les gouvernements qui vont se succéder...

M. Richard: Vous savez, je suis un ancien professeur d'histoire qui a mal tourné.

Mme Thivierge: Oui.

M. Richard: Mon collègue également est un ancien professeur d'histoire, voyez-vous. M. Hains: On le sait.

Une voix: ...du Collège royal de Saint-Jean.

M. Hains: ...et de poésie.

M. Richard: Je vous remercie encore une fois, Mme Thivierge.

M. Hains: Mme Thivierge, votre mémoire est vraiment court mais rempli de belles phrases qui cachent, cependant, des inquiétudes. J'espère que cette confession que vous venez de faire, qui est légitime, va vraiment vous apporter la paix. À se confesser, paraît-il que cela fait du bien.

Vous dites, à la fin: "Si ce projet de loi est rempli de promesses, il ouvre aussi la porte à une pratique dangereuse où trônera un arbitraire politique menaçant notre histoire". Vous écoutez. Ce n'est pas moi qui ai dit cela, c'est madame. "Un peuple sans histoire n'a pas de conscience..."

M. Richard: Elle ne l'a pas dit sur le même ton, par contre.

M. Hains: "Sans conscience, il ne peut espérer accéder à son autonomie". J'espère que vous ne voulez pas dire autre chose que ce que vous dites là, n'est-ce pas? D'accord.

Mme Thivierge: J'ai l'habitude de...

M. Hains: Maintenant, une seule petite question, Mme Thivierge. À un moment donné, à la page 2, vous dites ceci: "Compte tenu de l'importance de certaines de ces archives, les archives de communautés religieuses, d'évêchés et de fabriques, n'y aurait-il pas lieu de donner plus de mordant à cette loi?" J'aimerais savoir ce que vous voulez qu'on morde de plus là-dedans?

Mme Thivierge: Cela revient un peu à ce qui a été dit tout à l'heure. On parlait du Séminaire de Québec, des Ursulines qui regorgent de documents très précieux et très riches. Je conçois que ce sont des archives privées et que cela leur appartient. N'y-aurait-il pas des moyens d'incitation un peu plus forts pour permettre que certaines parties de ces documents qui ne regardent pas la communauté, les choses privées de la communauté, soient un peu plus faciles d'accès? Dans le cas de ces vieilles institutions religieuses, souvent ce sont les seuls documents qu'on a sur un sujet donné. Je pense aussi aux archevêchés. On a un peu répondu à cela. La partie publique de leurs activités, comme l'enseignement subventionné, sera à l'avenir ouverte.

M. Hains: Je vous remercie.

Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup, madame. Nous allons entendre maintenant les représentants du Comité des chercheurs des Archives nationales du Québec.

Comité des chercheurs des Archives nationales du Québec

M. Robert (Jean-Claude): Jean-Claude Robert, historien. Je représente le Comité des chercheurs des Archives nationales du Québec, comité qui regroupe des chercheurs de nombreuses disciplines. Il y a des historiens, des généalogistes, des étudiants en histoire, des historiens amateurs. Le mémoire qu'on vous a soumis représente le fruit des discussions de ce comité. C'est donc du point de vue des chercheurs que nous nous sommes résolument placés. Je ne vous énumérerai pas l'ensemble du mémoire. Je pense que le temps file et aussi qu'on peut être désavantagé, étant le dernier intervenant avant le dîner, ce qui est toujours embêtant. J'aimerais plutôt soulever trois questions de principe qui nous apparaissent importantes dans ce projet de loi et ensuite soulever un certain nombre d'interrogations par rapport aux 25 propositions de modification que nous avons faites.

Tout d'abord, le comité des chercheurs s'estime d'accord avec le principe d'une loi. On a vu avec plaisir arriver ce projet de loi qui était attendu - je pourrais citer Deschamps - "attendu comme le Messie". Néanmoins, la lecture du projet nous a laissés sur notre appétit et nous laisse très inquiets. Les trois principes, les voici.

Le premier - on me dit qu'il a été soulevé hier, vous m'excuserez de revenir là-dessus - c'est la nécessité d'une meilleure définition des archives. En bonne méthodologie, il faut commencer par là parce que tout ce dont on va discuter, si on ne s'est pas entendu sur une définition commune des archives, cela revirera à un dialogue de sourds. Quand j'ai vu le projet de loi, je me suis précipité sur mon Littré, le vieux Littré, et j'ai regardé la définition des archives. On dit que cela vient du grec -vous le saviez sans doute comme moi - et que, à proprement parler, c'était la demeure des magistrats supérieurs puis le dépôt des pièces officielles. C'est comme cela que je conçois les archives. C'est-à-dire que parmi les pièces officielles, il y en a qui deviendront historiques, d'autres qui ne le seront peut-être pas, mais leur principe intégrateur c'est d'être des pièces officielles. J'ai l'impression que le projet de loi a fonctionne un peu a l'envers pour définir les archives. C'est un peu comme si un zoologiste voulait définir les poissons par le filet en disant: Je fais un filet, je le fous à l'eau et ce qui va ressortir c'est du poisson. Voilà le concept de poisson que je vais imposer. Je pense qu'il est extrêmement dangereux de fonctionner comme cela et, pour nous, il apparaît important qu'on revienne là-dessus et qu'on remette ce projet-là sur de bonnes bases.

Deuxième principe, qui découle du premier d'ailleurs. Il y a une nécessité évidente que la loi crée un responsable unique ayant préséance sur tout pour la conservation des archives. Je m'explique. C'est bien entendu que dans le projet de loi on voit apparaître le ministre régulièrement, d'un article à l'autre. Je n'ai rien contre cela sauf que je sais aussi - on me détrompera si j'erre - qu'il existe des domaines où le ministre n'a pas de responsabilité: par exemple, dans le cas des documents conservés dans les bureaux d'enregistrement. On me dit que cela relève d'une loi différente de celle des archives. Je dis que nous avons un besoin essentiel d'un responsable unique qui ait les mêmes pouvoirs que le Vérificateur général, quelqu'un qui puisse aller fouiner. Allez-y, je vous le recommande, et vous reviendrez vert de rage comme moi. Il y en a qui prennent d'autres couleurs, moi je verdis. Vous allez voir les conditions de conservation de certains documents historiques. Par exemple, je pense à des livres de renvoi anciens, à des documents notariés. Je pense aussi à d'autres types de documents. Pensons à toutes les archives judiciaires de Montréal qui sont dans une espèce de "no man's land". D'ailleurs, j'y reviendrai tantôt. Ce projet de loi permet de faire disparaître cela d'un coup de plume. Alors, on a donc un besoin important d'avoir une autorité qui soit capable d'intervenir partout où des documents officiels sont conservés et pourraient être susceptibles d'être mal conservés.

Troisième principe. Pour appuyer ce responsable unique, il est absolument fondamental qu'il y ait une institution reconnue par la loi et dotée d'une stature qui en fasse autre chose qu'une officine d'un ministère pour lui permettre d'être le réservoir de l'expertise nécessaire à la mise en application de la loi. Je m'explique. Dans notre esprit au comité, il reviendrait à une institution - et, bien sûr, cela pourrait être les Archives nationales du Québec - d'être identifiée comme telle et d'avoir, non seulement la garde des vieux documents, mais d'avoir la responsabilité de l'exécution des fonctions d'élagage des documents semi-actifs et inactifs. Un exemple qui me vient à l'esprit: on parlait ce matin de confidentialité, mais prenez le cas des dossiers individuels des militaires canadiens: ils sont conservés et sont la propriété du ministère de la Défense nationale. Vous savez comme moi que ces gens-là n'ont pas

l'humour frivole. Alors ils veulent absolument que personne ne mette son nez là-dedans, sauf que ce sont les archivistes qui en ont la gestion. Les archivistes font la gérance de ces documents pour le compte du ministère de la Défense nationale du Canada. C'est à quelque chose comme cela que je pense lorsque j'évoque l'importance d'une institution qui soit dotée d'une stature suffisante pour imposer le respect et, aussi, avoir les moyens d'exécuter ces tâches.

Quant aux 25 projets de modification que j'ai déposés, je ne voudrais pas les passer sous réserve. Je voudrais peut-être soulever un certain nombre d'interrogations avant de me taire. La question des calendriers est absolument fondamentale si on lit entre les lignes et autour des paragraphes. Bien sûr, un calendrier signifie que c'est par là qu'on va déterminer le droit de "vie ou de mort" entre guillemets, des documents. Il m'apparaît important que la juridiction sur ces calendriers soit bien définie par la loi, beaucoup plus qu'elle ne l'est maintenant. Autre chose, il m'apparaît également important que dans la réglementation sur les calendriers ou la définition des calendriers, on donne les possibilités aux responsables des archives de retourner dans un organisme public et d'interpeller le calendrier pour en proposer des modifications. Vous savez, les questions que les historiens posent changent avec les générations et il est fort possible qu'un document, qui est tout à fait intéressant pour nous, maintenant, soit considéré comme absolument inutile dans 75 ans, ou alors, que par excès de zèle, un archiviste ou un préposé quelconque ait décidé de conserver tel ou tel mémorandum téléphonique ad vitam aeternam. Alors, il est important que l'on puisse revenir là-dessus. Un exemple à ce propos: il y a un certain nombre d'accidents dans l'histoire où des documents, qui n'avaient aucune valeur, en ont acquis beaucoup plus tard que lors de leur préparation. Je pense ici aux documents des baptêmes, des mariages et des sépultures. Ils étaient faits pour répondre à des préceptes religieux et, bien entendu, très rapidement les gens les ont utilisés pour des fins généalogiques. Mais il a fallu attendre 1946, 1950 pour qu'on imagine d'utiliser ces sources pour faire la reconstitution de familles. Une nouvelle discipline est née, c'était la démographie historique. À l'Université de Montréal, il y a l'immense projet de M. Hubert Charbonneau, qui est en train, grâce à ces documents, de tout reconstituer les familles. C'est un exemple pour vous montrer à quel point il faut faire attention dans des calendriers pour ne pas détruire et, en même temps, pour laisser une certaine souplesse aux utilisations futures. (12 h 15)

Autre question. Le fameux article 10, le deuxième alinéa mérite et si je peux citer Achille Talon ici "Cela me donne même des petits boutons"... Je ne vois pas pourquoi les archives des ministres ne seraient pas considérées comme faisant partie des documents publics; et j'aurais une question là-dessus: où s'arrêtent les archives personnelles du ministre et celles de son ministère puisque la loi dit bien: "dans l'exercice de ses fonctions."

Alors, est-ce qu'un malin ministre -parce qu'il y a peut-être des ministres malins - pourrait vouloir prendre une définition très extensible et sortir avec toute sa documentation? Est-ce que, techniquement, la loi, telle que je la lis - à moins que je ne sache pas lire, cela se peut - permet cela? J'aimerais bien qu'on me réponde là-dessus.

Autre problème. C'est la question du délai d'application de la loi, toute la question des dispositions transitoires. Je suis extrêmement inquiet des grands trous que je vois dans cette loi. Par bouts, cela me fait penser à un gruyère. Par exemple, à l'article 61, parce qu'on ne nomme pas les archives judiciaires, si j'ai bien compris, à un moment donné les archives judiciaires pourraient simplement, d'un coup de plume, détruire toutes leurs archives parce qu'elles ne sont pas là-dedans. Je pense qu'il faudrait que toutes la question des dispositions transitoires soit revue et que l'on fasse bien attention.

Autre chose aussi. Je parlais avec des collègues historiens et archivistes qui travaillent dans les municipalités et dans les corps parapublics. Si on adopte une loi qui est extrêmement contraignante en termes financiers pour ces corps, j'aurais grand peur que pour éviter cela, profitant de l'espèce de flottement, on décide de bazarder tous les documents et qu'on puisse répondre de bonne foi au ministre: Nous n'avons aucun document inactif ancien. Cela existe déjà ailleurs. Il y a des municipalités - je ne vous les nommerai pas - qui disent que toutes leurs archives avant telle date sont disparues providentiellement dans l'incendie de l'hôtel de ville alors qu'on sait que ces archives existent. Ma crainte serait justement que, profitant de cette loi, les archivistes ou les maires décident de faire disparaître de grands pans parce qu'ils n'auraient pas les moyens de les traiter.

J'aurais pu parler plus longuement mais je voudrais arrêter ici pour qu'on discute peut-être un peu des questions que j'ai soulevées. Ah! Une dernière également pour dire que je trouve les articles 34 et 35 absolument incroyables. Ceux qui font l'obligation de remettre un document au ministre c'est de faire fi des lois et des pratiques administratives antérieures à la Confédération. Par exemple, quand M. Jacques Viger était inspecteur des routes et des chemins dans la ville de Montréal, vers

1820, les documents qu'il produisait étaient sa propriété. Or maintenant, c'est considéré comme un document officiel. Je pense que ces articles ont une espèce de saveur rétro qui m'inquiète énormément et j'aimerais que l'on renverse complètement la vapeur sur ces articles et qu'on les rende plutôt incitatifs pour faire en sorte que les gens qui possèdent ces documents se fassent connaître. Déjà cela, ce serait extraordinaire. Autrement je craindrais que ces documents, suivant les principes bien connus, soient chassés hors du territoire très rapidement.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Robert. M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie, M. Robert. C'est fort intéressant mais je trouve que vous avez évacué certains problèmes un peu rapidement. Le premier qui me vient à l'esprit est le problème de la séparation des pouvoirs. Je comprends qu'il y a les objectifs poursuivis par une loi sur les archives mais je pense que vous allez reconnaître d'emblée que ces objectifs ne peuvent venir en contradiction avec les principes fondamentaux de notre régime politique.

Il y a un principe dans notre régime politique qui est celui de la séparation des pouvoirs. Pourquoi vous ne retrouvez pas les archives judiciaires? C'est que je ne peux pas. Pourquoi vous ne retrouvez pas les archives de l'Assemblée nationale? Pour la même raison. C'est une loi de l'exécutif votée par l'Assemblée nationale mais qui doit respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'indépendance de l'Assemblée nationale.

Ce qu'on peut faire par la suite - et je l'ai expliqué hier - c'est de conclure des accords, mais en respectant l'indépendance de ces deux pouvoirs. Je comprends que cela peut nous empêcher d'atteindre aussi parfaitement qu'on le souhaiterait les objectifs d'une loi sur les archives, mais je ne peux tout de même pas bousculer l'ordre des choses.

M. Robert: Si vous me le permettez, M. le ministre, j'apprécie votre respect pour l'indépendance, mais n'y a-t-il pas des précédents? Je pense ici à la loi sur la protection des documents personnels, c'est-à-dire une loi ou une commission qui relève de l'Assemblée nationale et qui, elle, a juridiction partout?

M. Richard: Oui, mais elle n'a pas du tout les pouvoirs qu'on veut donner quand même dans la loi sur les archives. C'est essentiellement différent.

M. Robert: Je m'excuse, mais les seuls pouvoirs que notre mémoire propose c'est au niveau de la conservation.

M. Richard: Non, non, mais vous avez trois ou quatre institutions qui relèvent non pas de l'exécutif mais de l'Assemblée nationale elle-même, et pour cause. On comprend facilement pourquoi quand on voit le type d'institutions. Vous avez l'Ombudsman qui relève de l'Assemblée nationale, pour en assurer l'indépendance complète. Le Directeur général des élections et du financement des partis politiques, et c'est la formule qu'on a trouvé pour la Loi sur l'accès à l'information, qui n'est qu'une loi sur l'accès à l'information. Il n'y a pas de gestion là-dedans. C'est très différent. On ne pourrait pas concevoir une loi sur les archives, en tout cas on serait les seuls à l'avoir fait, relevant de l'Assemblée nationale, qui ne peut pas, par exemple, subventionner. Cela suppose l'indépendance complète et totale: qui ne peut pas subventionner, qui ne peut pas faire de projet de développement et qui ne relèverait pas du Conseil du trésor.

M. Robert: Vous me permettrez de rester sceptique. Je pense que vous êtes sûrement capable...

M. Richard: Je vous permets de rester sceptique, mais je suis sûr que quand vous pousserez un petit peu plus loin votre analyse vous allez dire: Oui, cela a du bon sens parce qu'il ne peut pas en être autrement. Ce sont les règles de l'exercice démocratique.

M. Robert: Si vous le voulez, M. le ministre, posons le problème autrement. La seule chose qui m'intéresse c'est que les documents officiels soient conservés dans des conditions adéquates. Je me dis que si, ici, dans cette province, il y a des élus qui sont là pour voir à la bonne marche de ces choses, je resterais tout à fait comme deux ronds de flan si on me disait que c'est impossible parce qu'il y a des chevauchements. Je me dis que cela n'a pas de sens. Je pense qu'il y a un problème énorme, aigu, qu'on ne voit pas parce qu'il se déroule dans les caves. Je le sais car j'y travaille régulièrement.

Il y a une détérioration constante des archives qui sont sous la garde des autres instances. On peut peut-être faire de jolies discussions académiques sur la séparation des pouvoirs, mais quand allons-nous intervenir pour empêcher la dégradation constante, inexorable et inéluctable de ce patrimoine?

M. Richard: Vous, il n'y a qu'une chose qui vous intéresse, c'est ce que vous avez dit. Moi, il y en a deux. La conservation de nos archives, bien sûr, c'est une chose et, deuxièmement, le respect de l'ordre constitutionnel, qui est une valeur tout aussi importante. Je ne pourrais pas, en vertu

d'une loi... Jamais les juges n'accepteraient que l'exécutif s'immisce dans la gestion et leur impose ce type de contrainte, de même le président de l'Assemblée nationale. Mais ce qu'il est possible de faire, toutefois, tout en respectant l'ordre des choses, c'est d'aboutir à des accords, d'aboutir à des ententes qui nous permettent d'atteindre les mêmes objectifs, mais en respectant l'ordre des choses et en respectant l'exercice démocratique tel qu'on le pratique au Québec.

M. Robert: Je ne les vois pas dans votre loi.

M. Richard: D'autre part, il y a un autre problème que vous avez traité un peu rapidement. Assez curieusement, vous saisissez bien la problématique mais, en même temps que vous saisissez la problématique, vous ne voyez pas la difficulté d'application. En ce qui a trait à l'article 10, vous saisissez la problématique parce que vous nous dites: Oui, comment faire la distinction entre un document qui est, de nature, purement personnel, parfois strictement confidentiel, et un document qui est reçu ou produit dans l'exercice d'une fonction?

Comment faire la distinction, ce n'est pas tout à fait facile. D'autre part, je reprends votre argument, l'argument que vous avez utilisé pour les municipalités: être trop contraignant, est-ce que ce ne serait pas inciter à la disparition des documents?

M. Robert: II y a deux points là-dessus...

M. Richard: Et, entre guillemets, à la "non-production de documents" aussi.

M. Robert: II y a deux points à considérer. Ce serait être naïf de croire que dans une loi sur les archives, il ne doit pas y avoir de provision pour soustraire certains documents jugés confidentiels pour des raisons X, Y ou Z, au regard des chercheurs. En principe, je pense que dans toute loi des archives, il y a des archives qui seront communiquées et d'autres qui ne seront pas communiquées. Ce à quoi je m'oppose c'est à l'apparition du deuxième alinéa qui en fait maintenant une règle générale. Je préférerais qu'on supprime ce deuxième alinéa, de manière qu'il puisse y avoir un modus vivendi qui s'installe. Je sais que...

M. Richard: Là-dessus, on est d'accord.

M. Robert: II faudrait...

M. Richard: Là-dessus, on est d'accord.

M. Robert: Pour l'enlever?

M. Richard: On est tout à fait d'accord, à moins de trouver une formulation qui serait beaucoup plus incitatrice et moins générale que celle-là.

M. Robert: Eh bien, vous me rassurez sur ce point.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Henri, est-ce que vous aimeriez ajouter quelque chose?

M. Hains: Juste un petit mot, M. Robert. J'ai bien aimé votre discours. C'est à la fois imagé et sérieux. Mais, quand vous vous choquez, vous nous avez dit que cela vous fait verdir. J'aimerais mieux vous voir rougir. Surtout, tâchez de ne pas bleuir parce que cela annonce toujours une crise qui est très grave.

Vous nous dites aussi que vous aimez beaucoup les formules incitatrices, que vous aimez la négociation, l'information. Cela a toujours été mon idéal aussi. La contrainte, la violence, les amendes et toutes ces choses-là, c'est pour moi une gaine qui me fait toujours souffrir.

Dans votre mémoire, à la page 1, vous dites que vous aimeriez avoir quelqu'un qui serait vraiment responsable des archives. Vous parlez d'archiviste en chef et, tout de suite après, de la banalisation des Archives nationales du Québec. Je pense que là-dessus, on se rejoint énormément. Est-ce que vous pourriez quand même nous dire plus expressément ce que vous attendez de ces deux points-là?

M. Robert: Je pense que je l'ai un peu évoqué tantôt. Je peux peut-être y revenir plus longuement.

M. Hains: Oui, c'est cela.

M. Robert: Pour moi, c'est évident, pour le comité des chercheurs, c'est évident qu'on doit à tout prix identifier une institution majeure dans les officines gouvernementales qui aura la charge d'appliquer cette loi. Pour nous, c'est évident que cela revient aux Archives nationales parce qu'elles ont l'expertise pour le faire. Ce que j'appelle l'expertise, c'est que moi, on pourrait bien m'appeler en consultation pour me demander d'évaluer le degré de détérioration d'un vieux papier. Mais, là-dessus, je m'excuse, tout historien que je sois, je suis un peu comme un primitif décontracté. Je peux voir si le papier est magané, pas très magané, ou en bon état. Ce sont à peu près mes critères. Alors, je pense que, quand on est rendu à ce niveau-là, on a besoin d'un réservoir d'expertises qui est très coûteux à constituer. Je pense que le Québec s'est doté depuis bien des années de ce réservoir-là. Il est encore loin d'être

parfait, mais les améliorations sont constantes. Alors, je me dis qu'il ne faut pas arrêter là. Il faut aller plus loin et en faire l'institution première de gestion des archives, puisque c'est là qu'autrement, comme on dirait en anglais, on fait des fous de nous autres mêmes, parce qu'on a des archivistes et on ne les consulte pas. Ils ne sont même pas interpellés nommément dans la loi sur des questions de conservation. Il y a un article où, je pense, on fait même allusion à un comité des biens culturels pour des archives. Si c'est pour la question de détérioration, je m'excuse, ils ne sont pas nécessairement plus compétents que je ne le suis. C'est un peu cela le sens de notre intervention. On aimerait que les archives soient dotées d'une stature importante qui en fasse l'institution responsable de la gestion des archives, des documents publics.

M. Hains: Merci beaucoup.

M. Richard: Juste un détail, M. Robert. J'ai signalé que la composition de la Commission des biens culturels serait modifiée en conséquence pour ne pas, justement, que les Archives nationales qui relèvent du ministre des Affaires culturelles soient, en quelque sorte, juge et partie.

M. Robert: D'accord. Vous excuserez un historien de travailler sur pièce exclusivement. Ce n'était pas dans le projet de loi.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous remercions M. Robert. Il est maintenant 12 h 30.

M. Richard: Est-ce que nous pourrons finir? Il en reste cinq.

Le Président (M. Brouillet): II nous reste encore cinq mémoires.

M. Richard: II nous faut finir avant 18 heures absolument.

Le Président (M. Brouillet): Je ne sais pas si...

M. Richard: Je suis occupé à 18 heures. J'ai un engagement à 17 heures et je le retarde d'une heure.

Le Président (M. Brouillet): Si on pouvait avoir le consentement pour entendre un autre mémoire, cela nous donnerait plus de garantie de terminer entre 16 h 15 et...

M. Richard: Mon collègue m'a demandé de...

Le Président (M. Brouillet): Ah! M. le député de Saint-Henri a un engagement. Il y a un conseil des députés de son parti.

M. Richard: Je vais respecter la parole que je lui ai donnée.

Le Président (M. Brouillet): Nous devons suspendre et nous nous retrouverons ici à 16 heures, 16 h 15 au plus tard. Espérons que la période de questions ne sera pas trop longue. Nous essaierons de terminer à 18 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 16 h 25)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente élue des affaires culturelles reprend ses travaux sur l'étude du projet de loi sur les archives. Nous sommes rendus à la présentation du mémoire de M. Bélisle. Je demanderais à M. Bélisle de prendre place, s'il vous plaît, à la table. Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît, et de procéder.

Avant de débuter je rappelle à tous les gens que pour cet après-midi nous devons terminer à 18 heures, ce qui donne à peu près - nous avons cinq mémoires à entendre - 20 minutes par mémoire. Il ne faudrait pas que les exposés dépassent 10 minutes au maximum et il restera 10 minutes pour la période de questions.

M. Germain Bélisle

M. Bélisle (Germain): Je m'appelle G. Bélisle et suis directeur de la bibliothèque de l'Université Bishop. Je vais essayer de résumer un peu ce que j'ai ici. Ayant participé ce matin à ce qui s'est dit, il y a un certain nombre de répétitions. Je vais donc essayer d'élaguer ces choses.

Le point de vue que je présente ici est plutôt le point de vue d'une institution universitaire qui a ramassé au cours des années énormément de documentation concernant le territoire où elle se trouve. Il y a à ce moment certains problèmes particuliers. Les donateurs cherchant une certaine sécurité pour la documentation personnelle privée pourraient se sentir un peu effrayés si certaines parties du projet de loi tel que présenté étaient publiées ou acceptées de cette façon.

Le mémoire comme tel voit d'abord les objectifs du projet de loi. Premier point: la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques. Il me semble qu'il serait peut-être plus réaliste de parler d'accès facile aux documents publics que de diffusion comme telle. La diffusion représenterait pour moi beaucoup plus d'efforts et il y aurait des dépenses assez

considérables pour publier énormément de choses sur les archives, mais faciliter l'accès à la documentation serait certainement très apprécié.

L'aide technique et financière aux services d'archives privées, est aussi un programme intéressant. C'est quand même asez délicat, la façon dont cela pourrait se faire, et je vois très bien que cette chose pourrait se réaliser si c'était par contrat négocié librement entre les parties: le ministre et le secteur d'archives privées.

Le troisième élément, c'est le contrôle de la sortie hors Québec des documents anciens présentant un intérêt historique. C'est aussi assez délicat comme application. Il reste que, comme je le dis ici, c'est assez difficile d'empêcher un citoyen canadien, qui a tous les droits de se fixer où il désire au Canada avec sa famille et ses biens, de quitter le Québec et d'amener avec lui certains documents. Je vois difficilement l'application de la loi à ce moment.

Le texte de la loi comme tel m'a semblé en tout cas assez mal structuré. C'est-à-dire que pour des profanes qui doivent l'appliquer chez eux, cela devient très complexe. Avec beaucoup d'explications et d'analyses on arrive à comprendre certaines parties mais il reste que, selon les promesses du ministre, il y a beaucoup de choses qui vont être remises en place. C'est ce que nous espérons. Quant à la politique des archives - je pense que c'est là le point principal - on n'a peut-être pas suffisamment étudié jusqu'où elle devait aller, compris tout l'aspect des archives publiques ou privées et inclus dans le terme "archives" aussi, les documents actifs ou semi-actifs, parce qu'il n'existe pas vraiment de documents inactifs. Dans des archives, c'est inactif par rapport à une administration donnée, mais ça devient actif à un autre point de vue. Cela reste des définitions à préciser.

Concernant la structure actuelle, on me dit qu'on n'a pas trop à s'inquiéter quant aux Archives nationales. Leur statut légal n'est pas impliqué, on aura probablement encore les mêmes genres de services à l'intérieur des régions; ce qui est très appréciable. Nous avons constaté, avec l'ouverture des archives régionales de l'Estrie, un accroissement d'intérêt. C'est un aspect très positif qu'il faut garder, cette forme de décentralisation et de travail rapproché du milieu.

Quelques remarques maintenant sur le texte lui-même. Le premier chapitre devrait comprendre des définitions aussi complètes que possible concernant ce qui est un document privé, public, actif, semi-actif ou inactif. Il restera toujours une zone grise par laquelle un document pourrait être considéré privé sur un certain aspect et public si on prend la définition telle qu'énoncée ou, selon qu'il est déposé devant ou groupe ou organisme public, il deviendrait public, même s'il est d'origine privée.

Une autre chose qu'il faudrait probablement préciser, c'est la propriété. Qui est propriétaire de quoi? Je pense que c'est assez important pour les ententes ou les contrats qu'il y aura à passer plus tard entre le ministère ou les Archives nationales et les propriétaires. Est-ce qu'une université peut être propriétaire ou le gouvernement? Est-ce qu'une personne est réellement propriétaire ou le dépôt d'archives privées reste propriétaire? Et jusqu'à quel point... Il faudrait préciser ces points.

On pourrait aussi parler de don ou de vente de document au lieu de remise de document, à l'article 4, par exemple. Il le faudrait, parce que la remise ne précise pas sous quelle forme. Il n'y a pas de connotation avec la propriété antérieure. On remet quelque chose qui appartient déjà à l'autre, la plupart du temps. C'est lui redonner ce qui lui revient. Alors que souvent, c'est un don ou si c'est une vente de document qui pourrait se passer à ce moment-là, pour changer le propriétaire, qu'est-ce qu'on entend par dépôt de document? Calendrier de conservation? Il y a beaucoup de termes à préciser.

Au chapitre II, quant à moi, ce chapitre est mal désigné, il devrait s'intituler calendrier de conservation, ce qui est l'objet de la plupart des articles, plutôt que Documents actifs ou semi-actifs. Le sujet est plutôt le calendrier de conservation.

Au chapitre III, Archives publiques, un point semble un peu particulier. On énumère à l'article 16, neuf documents et on dit: De un à tel numéro, ça ira à tel endroit. L'article 19 dispose des paragraphes un à cinq de l'article 16. L'article 18 fait de même pour les paragraphes six à huit et, au paragraphe neuf, restent les documents des bureaux d'enregistrement. Il y a probablement une explication derrière tout cela, mais je ne l'ai pas vue. L'article 19 devrait faire l'objet d'un règlement beaucoup plus que d'un texte de loi, parce qu'il donne un surprenant pouvoir au ministre, soit de transformer automatiquement en archives publiques tout document que lui remet un ex-membre de l'Assemblée nationale, telle sa correspondance personnelle ou autre. Ce n'est pas spécifié que ce sont uniquement les documents publics que le député peut avoir. Alors, tout ce qui pourrait être remis deviendrait document public alors qu'il pourrait être aussi un document privé.

Le chapitre IV concernant les archives privées. Là aussi, j'ai trouvé que les pouvoirs du ministre sont assez illimités. Le ministre peut agréer, aux conditions qu'il détermine, il peut octroyer une subvention, par contre le service d'archives privées agréé doit conserver... N'y a-t-il pas, dans les termes utilisés, une possibilité de créer une impression que le fait d'être agréé pour un

service d'archives privées équivaut, d'une certaine façon, à céder la propriété, ou l'usage, ou l'utilisation des documents au ministre pour recevoir une certaine somme d'argent? Je suis conscient que ce n'est pas l'intention, mais la perception de plusieurs personnes qui ont lu cela, c'est qu'elles ont trouvé que cela ne permettait pas de dire: Que le ministre passe une entente avec un service d'archives privées, qu'il signe un contrat, et les deux parties ont des responsabilités et des avantages. Dans ce texte, on ne voit pas les avantages qu'une société pourrait avoir, sauf de se soumettre à une certaine surveillance et à certaines obligations, sans être sûre de rien, parce que le ministre peut octroyer une subvention, il n'est pas certain de l'octroyer.

M. Richard: M. Bélisle, avec votre permission, je vous poserai immédiatement une question, parce que ce point m'apparaît important. Quand on accrédite un musée, pour autant que je sache, on ne s'approprie pas le musée ni ses collections et, pourtant, c'est un texte parfaitement identique qui s'applique au musée accrédité. Quand on agrée une librairie privée, pour autant que je sache, on ne l'exproprie pas et on ne s'approprie pas les livres de la librairie. Pourtant, c'est un texte parfaitement identique qui s'applique aux librairies. Je ne peux pas concevoir comment vous pouvez lire ce texte pour lui faire dire autre chose que ce qu'il dit vraiment de façon tellement claire que dans d'autres lois, cela n'a jamais soulevé le moindre problème, à moins qu'on veuille vraiment s'acharner à voir un problème. Ce texte-là existe dans beaucoup d'autres lois et n'a jamais soulevé le moindre problème. Il n'y a pas un musée qui nous a dit: On ne veut pas d'accréditation. Vous allez vous approprier nos collections. Sauf que lorsqu'un musée est accrédité, c'est parce qu'il est conforme à certaines règles s'appliquant dans le domaine de la muséologie. Quand un dépôt d'archives sera agréé, c'est parce qu'il sera conforme à des règles minimales devant s'appliquer à la conservation d'archives ni plus ni moins. Quel reproche vous seriez en droit de nous adresser si on disait: N'importe qui pourra conserver les archives, quelle qu'en soit l'importance? Tout ce qu'on dit c'est qu'il faudra des conditions minimales répondant aux normes dans ce domaine. Ne faites pas dire, je vous en prie, à l'article ce qu'il n'a jamais voulu dire et, à mon humble avis, ce qu'il ne dit pas.

M. Bélisie: Si je lis le texte: "Un service d'archives privées, agréé doit conserver ses archives conformément au règlement du gouvernement et les rendre accessibles".

M. Richard: Voilà. L'objectif de la loi, c'est non seulement la conservation des archives mais leur accessibilité. Si on a des archives et qu'on paie pour cela, que l'État paie pour cela, c'est pour les rendre accessibles au public.

M. Bélisie: C'est vrai, M. le ministre.

M. Richard: C'est tout ce que l'article veut dire.

M. Bélisie: Mais l'article 25 dit: "Le ministre peut octroyer une subvention à un service d'archives privées agrée."

M. Richard: Bien sûr.

M. Bélisie: Alors, "peut"...

M. Richard: ...parce que si on veut...

M. Bélisie: ...est-ce que cela veut dire "peut" "doit" selon une convention établie entre les deux parties?

M. Richard: Évidemment.

M. Bélisie: Si c'est "doit" selon un contrat signé entre les deux parties, je n'ai aucune objection.

M. Richard: Ce n'est pas "doit". Ce n'est pas absolument nécessaire qu'on verse une subvention, mais le cas échéant, on pourra le faire.

Je vais vous donner un exemple très concret. Le musée de Gaspé est en mesure, cela est évident et reconnu par tout le monde, de conserver certaines archives et de les rendre accessibles au public. Si on souhaite qu'il le fasse pour les gens de la région de Gaspé, on peut dire aux responsables: Vous répondez aux normes minimales en la matière, on va vous donner une subvention pour que vous puissiez vous occuper de ces archives et les rendre accessibles au public.

M. Bélisie: À ce moment, vous voulez avoir un musée privé agréé pour lui confier des archives publiques.

M. Richard: C'est-à-dire que oui, cela est possible. Exactement le cas, mais c'est le musée en tant que dépôt d'archives qui sera agréé.

M. Bélisie: C'est parfait. Mais je lis le texte et ce n'est pas clair - que cela veut dire que c'est pour confier des archives publiques. Il y a un autre article plus loin ailleurs qui dit oui, le ministre peut confier des archives publiques. Le problème pour moi c'est de mettre cela ensemble et que cela devienne clair.

M. Richard: II peut être agréé sans se faire confier d'archives.

M. Bélisle: II peut être agréé sans se faire confier... Il peut vous demander l'agrément pour avoir un appui financier, ce qui serait bon.

M. Richard: Oui, voilà. La loi se veut souple précisément pour être en mesure de répondre à plusieurs problèmes qui vont se présenter et c'est ce que cela veut dire. Il ne faut pas y voir autre chose que ce que cela veut dire. Encore une fois, c'est exactement le même type de disposition qu'on retrouve dans d'autres lois et jamais les musées ne nous ont dit: Vous voulez accaparer nos musées. Pour subventionner des musées on regarde si cela correspond à des normes minimales s'appliquant dans le domaine muséologique. Quand c'est le cas, on dit: Très bien, vous êtes accrédités. Si vous êtes accrédités, on vous verse telle subvention. Je ne peux pas reconnaître et subventionner n'importe quel organisme qui s'improviserait musée.

M. Bélisle: Non, je suis d'accord. C'est la même chose pour les archives. Il y a des gens qui ont des archives. Ils ont des documents d'archives. Il n'ont pas vraiment un service d'archives, mais ils ont des documents d'archives. Ils pourraient devenir un service d'archives s'il y avait une assistance quelconque parce qu'il y a des sociétés d'histoire qui ont beaucoup de documents d'archives, mais qui ont de la difficulté à en faire un service d'archives.

M. Richard: Voilà.

M. Bélisle: Et une assistance, un contrat, une entente pourrait amener cette collection à devenir éventuellement un service d'archives agréé.

M. Richard: Voilà.

M. Bélisle: Je suis d'accord là-dessus. Mais je trouve que le texte actuel a besoin de certaines clarifications. Je ne suis pas archiviste, mais j'ai quand même certaines responsabilités d'archives et je voudrais bien que le texte que j'ai à lire, à interpréter soit compréhensible et que je n'aie pas besoin d'un conseiller juridique à tout bout de champ pour le comprendre.

M. Richard: De quelle disposition précisément parlez-vous?

M. Bélisle: De tout le chapitre IV concernant les archives privées. Il y a beaucoup de choses qu'il faudrait... (16 h 45)

M. Richard: Écoutez, M. Bélisle, il me semble que l'article no 24, qui est la clef de voûte de tout le chapitre, est limpide: "Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la Commission des biens culturels, agréer aux conditions qu'il détermine un service d'archives privées qui lui en fait la demande."

M. Bélisle: Bon.

M. Richard: "Aux conditions qu'il détermine", cela veut dire les conditions telles qu'établies par règlement.

M. Bélisle: C'est justement un des points: "Aux conditions qu'il détermine".

M. Richard: Bien sûr.

M. Bélisle: Moi, je me dis qu'un service peut agréer, après entente avec...

M. Richard: Oui, mais l'entente...

M. Bélisle: ...à des conditions que les deux s'accordent à accepter.

M. Richard: Mais, l'entente est implicite là-dedans, puisque personne n'est obligé de demander l'agrément. Comme personne n'est obligé de demander l'agrément et comme le ministère ou les archives ne sont pas obligés de l'accorder, à moins que cela réponde à ces conditions, c'est dans le cadre d'une entente.

M. Bélisle: Qu'on le dise.

M. Richard: C'est ce que cela dit. Cet article n'est pas inventé, il n'est pas nouveau, on le retrouve dans beaucoup de projets de loi. C'est presque un article passe-partout quand il s'agit de reconnaître, d'accréditer ou d'agréer.

M. Bélisle: Cela va pour une librairie, je l'admets. Pour un musée, cela ressemble plutôt à un service d'archives. La librairie, il faut qu'elle réponde à certaines normes parce qu'elle est dans le commerce. Mais dans le cas qui nous occupe, je sais que les gens butent sur cela. Maintenant, si vous pensez que c'est tellement clair, qu'il n'y a pas de problème, on va passer à autre chose.

Le Président (M. Brouillet): Je vous rappelle qu'il faudrait peut-être aller aux quelques points qui restent, à l'essentiel.

M. Bélisle: L'autre point dont je veux parler concerne les documents anciens. Là aussi, cela revient aux questions de définition. Je cite le cas d'un document que nous avons qui représente certains petits problèmes. Il concerne la nomination de René-Edouard Caron comme lieutenant-

gouverneur de la province, sous le grand sceau du Canada. Donc, il y a un intérêt très marqué pour la province. Par contre, c'est un document canadien. Alors, dans la définition des articles 35 à 37, comment classer ce document? C'est juste pour évoquer certaines complexités qui vont se présenter pour les gens qui auront à travailler avec le texte de loi.

M. Richard: Parlez-vous de l'article 35? M. Bélisle: Oui.

M. Richard: Là-dessus, vous avez peut-être un peu raison. On l'a mis dans le premier projet de loi, parce que vous savez qu'on a vécu des problèmes considérables à cause de l'absence de dispositions en la matière. Et j'avoue candidement que je ne sais pas trop comment régler le problème.

M. Bélisle: Je pense qu'il faut garder quelque chose, mais peut-être le raffiner un peu, je ne sais pas.

M. Richard: Plus incitatif. C'est très difficile d'être contraignant, je le reconnais bien volontiers, M. Bélisle.

M. Bélisle: Alors, je remercie la commission de m'avoir écouté.

Le Président (M. Brouillet): Merci bien, M. Bélisle.

M. Richard: Je vous remercie M. Bélisle, en vous rassurant et en vous disant qu'on prendra bonne note des suggestions que vous nous faites d'une manière aussi positive.

Le Président (M. Brouillet): Je demanderais au député de Saint-Henri de nous donner le mot de la fin.

M. Hains: M. Bélisle, vous avez apporté de très judicieuses remarques et j'ai pris la peine d'écrire dans le coin de votre mémoire "Très bien". C'est vraiment...

M. Richard: II a la nostalgie de l'enseignement. Vous l'avez constaté, n'est-ce pas?

M. Hains: C'est cela.

M. Proulx: Je pense qu'il va y retourner en 1985.

M. Hains: Vous allez peut-être y retourner avant moi. Faites attention.

Quelquefois, vos remarques sont assez dures. Je prends la page 2 où vous dites: "Le texte semble avoir subi la torture d'un comité. Il est mal structuré; il est difficile à comprendre..." Je suis heureux que M. le ministre me dise que c'est vrai; cela veut dire qu'il va y voir et que cela va être réparé. "...et beaucoup de choses interprétées." Un peu plus loin, au chapitre 4, à la page 4, vous nous dites: "Les pouvoirs du ministre sont presque illimités". C'est ce que je lui avais dit, mais il ne me croyait pas. Cela aidera à une meilleure compréhension.

M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je voudrais vous rappeler que, ce matin, on a dit que le ministre n'avait pas assez de pouvoir.

M. Hains: Je vais vous dire quelque chose. Je relisais...

M. Bélisle: J'ai dit que cela ne concernait que le problème des archives privées. Les archives publiques, c'est autre chose.

M. Hains: Si vous regardez dans l'administration - c'est naturel, toutefois -c'est presque comique. À l'article 38: "Le ministre des Affaires culturelles élabore...". À l'article 39: "Le ministre assure...". À l'article 40: "Le ministre est chargé de...". À l'article 41: "Le ministre peut...". À l'article 42: "Le ministre peut certifier..." À l'article 6: "Le ministre peut..." À l'article 44: "Le ministre peut..."

M. Richard: Cela veut dire que c'est un ministre qui a l'intention d'assumer ses responsabilités...

M. Hains: J'en suis tout heureux.

M. Richard: ...et de ne pas les faire porter par d'autres, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Mais c'est frappant quand même. Je comprends très bien votre petite remarque: "Les pouvoirs du ministre sont presque illimités". Mais il est capable, paraît-il, de les supporter. Voilà, c'est bon...

Le Président (M. Brouillet): C'est... M. Hains: Non, ce n'est pas terminé.

Le Président (M. Brouillet): Non? Très bien.

M. Hains: Maintenant, à la page 5, soyons sérieux, vous dites: "Je ne veux pas commenter plus avant le projet de loi, mais je crois que les exemples, les interrogations concernant les cinq premiers chapitres suffisent pour justifier une révision complète de la politique du gouvernement sur les archives, ce qui facilitera beaucoup la rédaction d'un projet de loi clair, précis et

applicable." Là-dessus, chapeau! Je pense qu'on s'en rend compte à ce moment-ci, presque tous les trois, M. le ministre, moi et vous ensemble. Je pense qu'il y aura bientôt de bonnes nouvelles à ce sujet. Merci. Je vous félicite.

Le Président (M. Brouillet): Alors, je remercie...

M. Richard: Merci, M. Bélisle.

Le Président (M. Brouillet): Nous allons inviter la Société historique du comté de Richmond. Je rappelle aux membres de la commission, ainsi qu'aux intervenants, qu'il nous reste 70 minutes. Cela fait environ 17 minutes par mémoire. Je demanderais alors aux gens de la commission de se discipliner.

Société historique du comté de Richmond

Mme Westman (Thelma): M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Westman: Oui. Nous sommes tous membres de la Société historique du comté de Richmond. Je suis Thelma Westman, vice-présidente. À ma droite, M. Donald Healy, ex-président et Mme Ester Healy, archiviste. Nous voulons, avec votre permission, vous présenter notre mémoire en anglais. Par contre, nous avons fait une traduction en français de ce que nous voulons dire, nous pouvons la distribuer si vous voulez.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, vous pouvez la distribuer.

Vous pouvez commencer, madame, si vous voulez.

Mme Westman: Je vais donner la parole à M. Healy qui parlera en anglais.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Healy (Donald): First: the Richmond County Historical Society wishes to commend the Ministère des Affaires culturelles, for his concern and interest in the preservation of archives, public or private, of Québec as outlined in bill 3. We are in accordance with the spirit of this law.

I will elaborate very briefly here, because I know we are limited for time, but we recognize that a good many valuable artifacts and a good many valuable archives have already been lost from Québec and we recognize that to some extent the law is closing the door after the horse is out.

The Society appreciates or has appreciated the assistance provided by le Ministère des Affaires Culturelles and the cooperation we have received over a period of several years. The financial assistance provided has made it possible for us to offer a level of services to the community and a level of activities beyond which we could not otherwise afford.

Richmond County Historical Society was incorporated in 1962, with a purpose of discovering, collecting and conserving the records, be they written or otherwise, which tell the History of Richmond County and vicinity. As part of the Society's Functions we operate a small museum located in Melbourne. These efforts involve the commitment and energies of a great many volunteers from the community. The people of the community have entrusted the Richmond County Historical Society with artifacts and archival material of Richmond County in the form of gifts or loans upon the reliance that the museum workers will document, care for, display, preserve and make accessible to the public all those articles. The Richmond County Historical Society would be in breach of the trust of the donors and lenders, should ownership or custody of these articles be relinguished to anyone.

We feel that Bill 3 could better serve the public interest if the bill would take into account the concerns we outline following.

We recognize the need for competent technical assistance in the preservation and protection of archival material. We trust that the Ministry shall execute the present law in such a fashion as to consider the limitations under which small community museums function. All of us here recognize that small museums operate under less than ideal conditions and I think we all recognize too that those of us who work in them do the very best we can to conserve the things that we have, but we do have limited resources, just as you have limited resources, and we work within those limits and we think we work reasonably well.

Following the guidelines set forth by the Government of Québec, a previous government, and with the help of volunteers of the community we have classified and indexed our archives. We recognize the benefits of a Universal Archival system, however, we feel that the system presently incorporated meets the needs of the community.

It should elaborate a little bit there. It is a fact of life in our community, not by design, but by circumstances that virtually all the archival materials we have in our possession are in the English language. Not that we would not like more material in the French language. We would. We welcome them and we do receive a few things and

this will increase we hope. As a result though, it is natural that most of the people who come to us for information with respect to family history research or other areas of research, function most easily in English and therefore we are quite concerned that we maintain a system of cataloguing which makes it easy for those people to function in our museum. Now, this does not suggest in any way that we are not willing to have a bilingual cataloguing system, that would be normal and this is what we aim for. We do have limited resources, we have limited skills, we do the best we can in this respect. We would not want to see a system which would limit us, for example, to having a cataloguing system in French only because it would just make it too difficult for people to use the material that we have.

With respect to disposal of public archives as detailed in article 27 of the bill, we recommend that in the event that the Minister may consider a public archive has ceased to be of historical interest, that the Minister should consult the keepers of local archives to determine whether such items might best be deposited with them in preference to their destruction.

We are not certain, you see, from the wording of the bill, as we have studied it, exactly what he means when he says: The Minister may authorize their disposal. So, think that if there is something, in the Minister's opinion that may no longer be of historical interest it may be of historical interest at a local level and we we would like to, at least, be consulted in a case like that.

We hope that article 14, for example, will be exercised with generosity and trust.

Now in application of article 27 of the bill, we pray to recommend that the Minister consult the keepers of local archives and encourage the deposition of documents within the locality from which they originate.

With respect to ancient documents, the Richmond County Historical Society has always considered as sacred the right of ownership of our contributors. As a consequence of our respect of their trust people of the community have willingly transferred ownership to us of many precious artifacts. We feel that the best interests of the people are served when the rights of ownership are respected. In fact, we are afraid that if the rights of ownership are in any way threatened that the willingness of people to contribute to our archives or yours will drop off drastically.

In conclusion, as we are in accordance with the spirit of Bill 3 concerning archives, we hope and expect that through the continued cooperation between the Ministère des Affaires culturelles and the Richmond County Historical Society, members of the community of Richmond and vicinity will be guaranteed the services they justly deserve in the future, we pray the Ministère des Affaires culturellles will take note of the work that has already been done by our Society and will participate in aiding it to preserve its local character and nature. I have been involved with our Society long enough and recently in the rewriting of our by-laws to come to respect a very great deal, not just the quantity of work that has been done by people before me in the brief 20 year period, but the high quality of work that has been done. We are very proud of that.

It is the society's opinion that the interests of all cercerned are best served when the archives are accessible locally. So, obviously, we do not want to lose the things we have.

The Society considers that private ownership of ancient documents should be respected.

We trust that our concerns shall be seriously considered and that the law will reflect the spirit of these concerns and be applied accordingly.

Now, it says in our English brief that due to time limitations the present brief has not been translated, since that time it has been. We have a few more copies with us and if the Minister would like extra copies, we can provide a few more or we could send them at a later date too.

Thank you very much.

Le Président (M. Brouillet): Merci M. Healy.

M. Richard: I want to thank you, Mr Healy, and your colleagues for the presentation of your very constructive brief but I would like to ask you a question. It appears that in Bill 3 you see some reasons to feel for the right of property of the documents of the contributors of the Society. What modifications would you propose, because let me tell you this: we have no intention to acquire any property belonging to your archives or any private archives and let me also tell you that we have no intention to interfere with your cataloguing method.

M. Healy: Good. We are very glad to hear that. Surely one of the purposes for us being here is clarification. I hope we are not seen as being antagonistic towards the Ministère des Affaires Culturelles.

M. Richard: Not at all.

M. Healy: I hope that I have made our position fairly clear in this respect. In some areas we just do not know fully enough what the real intentions are. Now, I find your words comforting. I would like to see, in

print perhaps, if some clarification could be made, assurance that this will hold true. You see, you tell me that you have no intention of taking away our materials or of altering our system.

M. Richard: M. le Président est-ce que vous me permettez de demander à mon collègue de T rois-Rivières...

Une voix: D'enlever son cigare.

M. Richard: ...d'avoir la prospérité moins évidente.

M. Vaugeois: Est-ce que je vous nuis M. le ministre? Mon cigare n'est pas allumé.

M. de Bellefeuille: Je voudrais invoquer la loi no 20.

M. Vaugeois: ...

M. Healy: Now, if there are other questions and if people would prefer to forward questions in French Mrs Westman is prepared to handle those questions.

M. Richard: We will try to be clearer in the final bill.

M. Healy: Thank you.

Le Président (M. Brouillet): II y aurait peut-être encore une question de la part de la députée de Chomedey.

Mme Bacon: I had also detected, Mr. Healy, a kind of a fear from your part of a threat by Bill 3 on your local system as keepers of local archives and I think that the Minister has answered some of your questions and your concerns about Bill 3. Is there any specific article that you are most concerned with or are there any changes that would help you be really relieved of some concerns that you already have.

M. Healy: Yes. I will zero in on very few. Article 21 - the second paragraph concerns us - "The Minister may also authorize the disposal of public archives if he considers that their preservation has ceased to be of historical interest".

Now we would like to know whether, when he uses the word "disposal", he means destruction or perhaps placement of those articles with organizations like ours or other organizations in the community from which these things originate?

M. Richard: Cela s'applique uniquement aux archives publiques.

Mme Bacon: It applies only to public archives?

M. Healy: Yes, what I have in mind is this. The Minister may have in his possession a public archive which he considers no longer of historical interest. In that event we would like, if it should originate from our area, consideration, perhaps depositing that article with us rather than simply having it destroyed or set aside.

Mme Bacon: You mean, to keep them locally?

M. Healy: Yes because it may prove to be of interest to us when it might not be to him.

M. Richard: It is exactly what the practice has been to this day.

M. Healy: Yes, this is why...

M. Richard: We do not intend to change that practice.

M. Healy: Good that is what I wanted to hear. Article 35: "No person holding the original or an authentic copy of an ancient document - one hundred years old or more -in whatever form may validly remove it permanently from Québec unless he sends prior written notice of at least 60 days to the Minister". I would like...

M. Richard: We will change it completely. It will disappear.

M. Healy: That is comforting because you see I would not want to be made a criminal for giving my grandfather's birth certificate to my sister-in-law in Ottawa since she is the family historian. All right? Have I made it clear? Thank you very much.

Mme Bacon: Thank you.

Le Président (M. Brouillet): Merci beaucoup. Nous allons entendre maintenant la Société historique du comté de Brome et la Société d'histoire de Missisquoi. Je demanderais au porte-parole de s'identifier, nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Société historique du comté de Brome et Société d'histoire de Missisquoi

M. Turner (Peter): Je suis Peter Turner, avocat de Cowansville, je représente les deux sociétés: celle de Missisquoi et celle de Brome; Mme Mclntosh à ma droite immédiate, qui est présidente de la Société de Missisquoi et Mademoiselle Phelps, à mon extrême droite, qui est l'archiviste du comté de Brome.

Je remarque que plusieurs des points, qui nous concernent ont déjà été discutés par

d'autres personnes qui nous ont précédés, surtout Richmond, qui vient de terminer. Néanmoins, je pense que je pourrais parler un peu des articles au chapitre IV.

Je vous donnerai une brève introduction parce que c'est important qu'on fixe un peu le contexte de ces deux sociétés. Après ça, on signalera les deux inquiétudes principales - nous n'avons pas révisé la loi ligne par ligne, j'ai voulu le faire comme avocat, mais on n'a pas voulu que je fasse l'analyse détaillée pendant quatre jours...

M. Richard: Cela aurait coûté trop cher et vous avez raison.

M. Turner: On a ressorti les deux points principaux.

M. Richard: Je connais les tarifs.

M. Vaugeois: Ils sont plus élevés que ceux d'un historien.

M. Turner: Malheureusement, ils sont beaucoup moins élevés pour les membres des deux sociétés.

Ces deux sociétés existent depuis au-delà d'un siècle. Elles reçoivent des archives locales d'une origine tout à fait particulière pour au-delà d'un siècle. Vous savez, notre région a été colonisée par les Loyalistes de l'Empire uni vers le milieu ou la fin du XIXe siècle. Ces gens ont maintenu jusqu'à maintenant une société tout à fait particulière, une communauté assez bien définie, une communauté minoritaire avec un caractère bien défini.

Les deux sociétés maintiennent chacune un musée - des établissements assez évolués - et dans ces deux musées se trouvent des archives assez détaillées. Par exemple, ensemble les sociétés reçoivent au-delà de 300 demandes généalogiques par année, souvent des États-Unis ou d'autres provinces. Elles gardent des bénévoles entraînés comme archivistes et tout à fait professionnels sauf qu'ils ne sont pas payés à cause de leurs liens spéciaux à la communauté. Comme la Société de Richmond et d'autres sociétés semblables et peut-être à cause un peu de leur vocation comme gardiennes d'une culture minoritaire, elles reçoivent beaucoup de leurs documents, de leurs "artefacts" si vous voulez, comme prêts des familles originaires de la région; aussi on pourrait dire "in trust". Souvent, ce ne sont pas des dons. La façon dont on reçoit ces biens, ces archives etc. est tout à fait spéciale; c'est un peu comme si on donnait ces biens à nos voisins, à nos représentants communautaires. They are kind of like, if you will, the family historians for the entire region. Elles ne reçoivent pas toujours leurs archives d'une façon strictement contractuelle ou légale, c'est plutôt "in trust"...

M. Richard: Des dons en fiducie.

M. Turner: ...en fiducie, justement. Cela soulève une certaine responsabilité qu'on considère spéciale.

En ce qui concerne les installations des archives, cela vous intéressera de savoir qu'à Missisquoi, on a bâti, il y a deux ans, une installation pour les archives, qui est considérée comme une des meilleures petites archives au pays. C'est climatisé spécialement, c'est à l'épreuve du feu, avec toutes les techniques modernes et cela a été fait entièrement avec des fonds privés. À Brome, on a aussi des archives qui sont protégées d'une façon professionnelle, mais c'est moins élaboré.

La cueillette et la classification des archives se font selon le système "national cards", système canadien, à Brome depuis trente ans et à Missisquoi, depuis dix ans. Tout est catalogué selon ce système et je dois vous signaler que cela devient une inquiétude très sérieuse. Je suis soulagé d'avoir entendu le ministre, il y a quelques instants, déclarer qu'il n'avait pas l'intention de s'immiscer dans le système de catalogue qui existe présentement. (17 h 15)

M. Richard: Pas du tout.

M. Turner: Vous pourriez prendre des milliers d'heures pour cataloguer selon un système. Les conséquences pourraient être sérieuses car s'il fallait tout recataloguer selon un nouveau système recommandé par le ministre, nos archives deviendraient effectivement un chaos.

M. Richard: Et cela me coûterait trop cher alors.

M. Turner: Maintenant, en ce qui concerne particulièrement les craintes au chapitre IV. M. le ministre, l'article 27 devrait peut-être vous être souligné: "Si un service d'archives privées agréé cesse ses activités ou ne se conforme pas à la loi ou au règlement applicable, le ministre peut prendre toute mesure nécessaire pour assurer la conservation des archives de ce service".

Voici la crainte particulière des personnnes qui sont venues de Richmond et des autres qui sont en face de vous. On voit qu'il est important de réaliser qu'une demande doit être faite pour qu'on soit agréé. Il est effectivement loisible, sinon nécessaire, qu'on soit agréé selon les termes de la loi.

Si vous prenez en considération notre fiducie spéciale en rapport avec l'article 27, si l'un de ses musées cessait de fonctionner ou, pour une raison ou une autre, ne voulait pas suivre les règlements qui seront établis,

le ministre pourrait prendre toute mesure nécessaire pour assurer la conservation des archives de ce service. C'est donc dire que toutes ses archives privées... Le mot qui manque, M. le ministre, est le mot "publiques". Si vous voulez ajouter ce que je crois être votre intention, vous pourriez dire simplement "des archives publiques de ce service". And with that we will go home happy.

M. Richard: Your are right. A word is missing and it is important.

M. Turner: Avec ce mot vous constaterez, M. le ministre et les membres de la commission, que ces sociétés pourraient faire une demande d'accréditation, si elles décident de s'agréer, sans aucune crainte que les archives privées deviennent sous le pouvoir discrétionnaire du ministre.

M. Richard: II n'en est pas question, M. Turner, et je répète que nous n'avons surtout pas l'intention d'intervenir dans le cataloguage d'aucune manière. Ce que nous cherchons, essentiellement, c'est d'aider à la conservation des archives, même quand il s'agit d'archives privées. Je ne serais pas d'accord avec un projet de loi tatillon qui chercherait à modifier les méthodes de cataloguage en vigueur dans des dépôts d'archives privées.

Vous n'avez donc pas à nourrir d'inquiétude à cet égard.

Le Président (M. Brouillet): Le député de Saint-Henri voudrait ajouter un mot, peut-être bref?

M. Hains: Oui, très très bref. Je ne ferais que vous féliciter vraiment pour votre intérêt pour les archives ainsi que pour vos magnifiques réalisations dans ce domaine. Je regarde: Société d'histoire de Missisquoi: 600 membres; Société de Brome: 500 membres. Je trouve donc que c'est magnifique. Je me permets peut-être un petit message publicitaire, à savoir que votre député, M. Pierre Paradis, qui assiste présentement à une autre commission parlementaire, est fier de vous et vous salue.

M. Richard: Merci, M. Turner. Vous avez plaidé avec brio.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Je voudrais seulement en profiter pour poser une question parce que j'ai souvent vu votre installation - ma femme est originaire de votre région - et j'ai toujours admiré le soin jaloux avec lequel vous prenez soin de votre patrimoine et des vieux papiers. Mais, compte tenu de l'évolution des Cantons de l'Est, quelle est l'ouverture de vos archives envers les personnes qui se sont ajoutées aux populations d'origine? Dans la composition des membres qu'on vient de donner, quelle est la proportion, par exemple, je dirais, de Canadiens français ou de gens d'autres ethnies, qui se sont ajoutés à vos effectifs et dans quelle mesure prennent-ils exemple sur vous pour vous confier des documents?

M. Turner: Je vais traduire à moins que vous puissiez le demander en anglais.

M. Vaugeois: Traduisez. Cela va être mieux traduit.

Mme Mclntosh (Dorothy): Very definitely, we welcome any French documents, yes. We have not as yet had as many French documents as we would desire. We do have perhaps 25% of our members who are French and we are hoping that there will be more. We have everything in our museums and our archives which need to be translated. Naturally, we do not translate all documents. But anything which is explaining anything is translated in to French and we welcome French visitors. In fact, a majority of our visitors are French speaking and we hope this will increase.

Le Président (M Brouillet): Nous vous remercions. Thank you very much.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Nous invitons maintenant la Société historique du Saguenay à se présenter à la table.

Je vous rappelle que nous disposons d'environ 17 minutes. Je pense bien que vous pourriez faire l'exposé dans une dizaine de minutes et garder cinq ou sept minutes pour les questions.

M. Bergeron (Robert): Nous vous garantissons de nous soumettre à vos conditions, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Société historique du Saguenay

M. Bergeron: Oui, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les députés, je m'appelle Robert Bergeron. Je suis le président de la Société historique du Saguenay. À ma droite, M. Léonidas Bélanger, qui est un des anciens présidents de la société et qui a pendant 25 ans...

M. Bélanger (Léonidas): 35 ans.

M. Bergeron: ...35 ans, travaillé avec Mgr Victor Tremblay. À mon extrême gauche - je ne sais pas si c'est le mot juste pour le qualifier - M. Jean-Marie Coulombe, ancien président également de la Société historique du Saguenay et M. Roland Bélanger, l'archiviste. Je demanderais à M. Roland Bélanger de vous lire notre mémoire de onze pages.

M. Bélanger (Roland): Nous nous réjouissons de la présentation d'un projet de loi sur les archives. C'est un événement attendu depuis longtemps et qui s'imposait. Ce projet de loi a pour objectif d'assurer la conservation, la mise en valeur et la diffusion des archives publiques, d'apporter au service d'archives privées une aide technique et financière et de contrôler le transport hors du Québec des documents anciens présentant un intérêt historique.

M. le Président, nous venons vous exprimer notre point de vue sur le chapitre IV portant sur les archives privées. Nous appuyons l'idée d'agrément d'un service d'archives privées, étant une excellente manière d'assurer leur stabilité. Dans le mémoire présenté par les trois sociétés historiques de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean à M. le ministre Clément Richard, lors de sa tournée de consultation dans tout le Québec, nous affirmions que les sociétés historiques demeurent trop facilement oubliées quand il s'agit d'établir les politiques du ministère des Affaires culturelles. Elles le sont encore si on se fie au reportage publié à propos de la dernière réorganisation administrative et des nouvelles orientations des objectifs et mandats.

Pourtant, nous ne pouvons parler de la conservation de notre patrimoine immobilier naturel et archivistique sans parler des multiples initiatives émanant de nos sociétés historiques. Pourtant, d'après leur vocation, elles sont bien placées et bien préparées pour conserver notre patrimoine. Nous pouvons même affirmer sans craindre de nous tromper que nos sociétés historiques sont de véritables diffuseurs de l'histoire, que bon nombre de leurs membres les plus actifs sont de véritables fonctionnaires rendant de précieux services de recherche et d'expertise auprès de représentants du gouvernement. Pourtant, les sociétés historiques occupent une situation particulière dans leur milieu et se rendent accessibles à tous les niveaux de la population. L'essentiel de notre suggestion au ministre consistait dans le versement aux sociétés historiques reconnues selon des critères établis une subvention annuelle et statutaire de 1 $ par tête de population pour le territoire couvert par chaque société. Nous proposions certaines modalités pour fixer le montant à verser.

M. le Président, derrière l'idée d'agrément nous voyons une formule de reconnaissance. Nous croyons à ses chances de succès car elle sera sans doute structurée à l'image de celle qui prévaut dans le secteur des musées.

L'idée d'agréer un service d'archives privées va en conformité avec une opinion universellement reconnue. En effet, à la suite d'une enquête internationale portant sur la mission des archives et les tâches des archivistes, Robert-Henri Bauthier, de l'École nationale des Chartes, affirme dans son rapport publié dans les actes des Ile et 12e conférences internationales de la table ronde des archives, je cite: "Sur le plan de la stricte doctrine il y a quasi unanimité des réponses. Les archives n'ont pas normalement vocation pour fonctionner en tant qu'institution de recherche historique car il y a dans la plupart des pays des académies, des institutions dépendant des universités, des centres nationaux de recherche, des commissions d'histoire nationale ou régionale qui ont pour tâches spécifiques de prendre initiative de travaux collectifs dans le domaine historique ou de subventionner ceux-ci. Les services d'archives ne peuvent se substituer à eux".

C'est M. Guy Duboscq qui disait dans le Manuel d'archivistique que "l'Histoire s'écrit principalement à l'aide des documents officiels mais il lui manquerait beaucoup si elle ne se référait à des sources privées. Certains aspects de l'histoire économique, familiale ou sociale ne peuvent apparaître qu'en faisant appel à ce genre de sources."

Par l'agrément vous pouvez consacrer le rôle que jouent les dépôts d'archives privées tel les sociétés d'histoire en matière de conservation et de recherche historique animées par des historiens locaux qui savent souvent mieux que quiconque utiliser ces archives. La subvention émanant de l'agrément consoliderait ces organisations qui doivent constamment faire face à des difficultés financières. Cette contribution directe du gouvernement ouvre de nouvelles perspectives de consolidation et de développement pour certaines d'entre elles. Il nous semble que par ce moyen le MAC peut s'associer d'excellents partenaires dans la réalisation de ces objectifs.

La Société historique du Saguenay qui existe depuis 1934, soit 50 ans l'année prochaine, ne pourrait-elle pas en devenir un? Sa réputation dépasse nos frontières et nous pouvons certes affirmer qu'elle joue le rôle d'une véritable ambassadrice. C'est d'ailleurs une des plus importantes sociétés historiques au monde.

C'est en 1934 que Mgr Victor Tremblay s'entoure d'une équipe et fonde la Société historique du Saguenay. Il s'est donné comme mission d'assurer la conservation d'archives par nécessité. En effet, à ce moment, l'histoire de la région n'était pas écrite. Les manuels d'histoire ne parlaient pas de la

région et aucun organisme ne se consacrait à la conservation d'archives. Voulant écrire l'histoire de la région, Mgr Victor Tremblay se disait qu'il ne pouvait l'inventer et la création d'un centre de documentation devenait donc pour lui une nécessité et un moyen.

En 1934, on faisait oeuvre de pionniers et nous continuons toujours l'oeuvre de la société sur les mêmes bases. Une collaboration étroite s'est établie avec les Archives nationales du Québec, l'Université du Québec à Chicoutimi, la Bibliothèque centrale de prêts d'Alma, le Musée du Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Société historique d'Alma. Ainsi la Société historique du Saguenay n'est plus seule dans le décor mais pour chacun de ces organismes, chacun a sa place et joue un rôle reconnu comme tel. Chacun a besoin de l'autre à un moment ou l'autre.

C'est un fait admis de tous la société historique répond à un besoin et constitue un pivot majeur pour la mise en valeur de notre histoire régionale et le développement des connaissances historiques.

Voici une liste sommaire des organismes qui recourent à nos services et avec qui nous collaborons à la réalisation de certaines activités ou certains projets. Le Carnaval souvenir de Chicoutimi, les Fêtes du Saguenay, le Conseil régional de la culture, les Aménagements Maria-Chapdelaine, le Musée Louis Hémond, le Bureau régional du ministère des Affaires culturelles, la Commission de toponymie du Québec, la Commission des biens culturels, le Centre régional des ANQ à Chicoutimi, la Fédération des Sociétés d'histoire du Québec, etc.

M. le Président, vous trouverez en annexe un bref historique de la Société historique du Saguenay et le rapport annuel de l'archiviste de 1978 à 1981, ceci pour vous permettre d'en connaître davantage sur nos réalisations et d'apprécier notre travail. (17 h 30)

Tous les usagers sont unanimes dans leur témoignage. Nous retrouvons à la Société historique du Saguenay une documentation unique et les personnes ressources qui peuvent les orienter vers d'autres avenues de recherche grâce à leur vaste réseau de relations et à leur expérience. Nombreux sont les chercheurs qui se déclarent privilégiés de pouvoir consulter sur place des archives et de la documentation, des sources imprimées de tout genre, des collections de journaux locaux, une riche bibliothèque et des mémoires de vieillards; de tout sur presque tout.

La Société historique du Saguenay a fait preuve d'originalité par ses méthodes d'acquisition d'archives et d'information, par son système de consultation et par la complémentarité de tout ce que les chercheurs retrouvent à leur disposition.

La Société historique du Saguenay a posé un geste capital au moment de la mise sur pied du centre régional des ANQ à Chicoutimi en 1978 en lui prêtant le fonds d'archives Mgr Victor Tremblay. En utilisant la même méthodologie qui a si bien servi Mgr Victor, un nouveau fonds d'archives et une nouvelle documentation furent constitués. Aujourd'hui, nous pouvons vous dire que nous nous retrouvons devant un matériel documentaire tout aussi important quantitativement et d'un intérêt non négligeable. Permettez-moi de vous donner trois exemples parmi nos multiples acquisitions: Fonds Gonzague-de-Mauraige, constitué de papiers fonciers et divers papiers de famille couvrant la période s'étendant de 1597 à nos jours. Le premier document est une charte sur parchemin datée du 7 février 1597. C'est le plus ancien document provenant de France au Québec. Deuxièmement, une dame nous a confié une correspondance amoureuse fort intéressante, document inhabituellement conservé dans les dépôts d'archives.

Troisièmement, le fonds Alcan, constitué de négatifs d'anciens employés, de films et de dossiers de presse des dernières négociations avec ses employés.

Il existe donc toute une dynamique autour de la société historique, une confiance et un attachement indéfectibles. La Société historique du Saguenay est devenue une véritable institution qui mérite d'être maintenue et qui pourrait davantage se développer. L'agrément nous apparaît comme un moyen efficace et peu coûteux pour y contribuer. En matière d'histoire régionale et de conservation d'archives régionales, il se vit un cas exceptionnel au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui fait l'envie de toutes les régions du Québec et bien au-delà même. La région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est appelée à vivre de grands moments dans l'avenir comme attrait touristique. La Société historique du Saguenay, si on lui en donne les moyens, pourrait être un support et un outil importants. Comment peut-on imaginer un scénario de développement touristique pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, sans s'assurer la collaboration et les services d'information de la Société historique du Saguenay?

Imaginons un seul instant ce que serait la recherche sur notre région sans la contribution des Félix-Antoine Savard, Lorenzo Anger, Victor Tremblay, René Bélanger et Léonidas Bélanger, sans les multiples publications préparées par ces collaborateurs bénévoles, sans toute la documentation accumulée par ces "avides ramasseurs", pour reprendre leur propre expression.

Permettez-moi de retenir votre attention encore quelques instants avec des

observations plus particulières. Tout d'abord, l'agrément ne devrait modifier en rien nos modes de fonctionnement actuels. La subvention pourrait être établie de la même manière que pour le secteur des musées. Quant aux normes de conservation des archives et de leur accessibilité, nous travaillons continuellement dans le même sens de ces exigences. Nous interprétons l'article 28.2 de la manière suivante: la reproduction correspond à ce que nous appelons des microfilms de sécurité. Pour le reste, nous sommes d'un avis favorable.

Nous tenons à vous remercier, M. le Président, de nous avoir prêté une oreille attentive. Vous devinez bien que nous aurions souhaité avoir plus de temps pour la préparation de notre mémoire. Merci.

M. Richard: Je voudrais remercier M. Bélanger et ses collègues et vous dire que je suis assez conscient du travail indispensable que font dans tout le Québec les sociétés historiques. Occasionnellement, sur des projets qui nous sont soumis, nous n'hésitons pas au ministère à subventionner des sociétés historiques. Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que la recommandation que vous formulez, ayant pour effet d'amener le ministère des Affaires culturelles à verser 1 $ per capita, cela représenterait environ 6 250 000 $. Vous vous imaginez bien que c'est hors de portée pour le ministère des Affaires culturelles.

M. Bélanger (Roland): Si vous permettez, M. le ministre. Je n'en ai pas fait mention dans le texte que je viens de vous signaler, mais dans une référence je signale un extrait du mémoire où, en contrepartie, on dit que la subvention ne dépasserait pas le montant que la société irait chercher dans son milieu. Donc, si une société recueillait 10 000 $ dans sa localité, la subvention ne dépasserait pas 10 000 $ au lieu de 60 000 ou de 100 000 de population qui pourrait exister dans ce secteur. Il y avait des mécanismes, c'est pour cela que je parlais de modalités.

M. Richard: II y avait des tickets modérateurs.

M. Bélanger (Roland): Oui, évidemment. M. Richard: Je vous remercie.

M. Hains: Voilà: Moi aussi, franchement, je suis agréablement surpris de voir tout le soin que vous apportez à la conservation de notre patrimoine. Je vous en félicite. Cela fait du bien de voir que des gens, dans le bout du Saguenay comme partout à travers la province, savent apprécier ces trésors du passé. Je vous remercie beaucoup. J'aurais un petit mot à ajouter: On est 6 000 000, il faut se parler. Il faudrait dire aussi: II y a 6 000 000 $, il faut se les partager.

Le Président (M. Brouillet): Alors, sur ce mot, nous laissons M. le ministre réfléchir et méditer longtemps. Je crois que c'est tout. Nous vous remercions beaucoup de votre rapport.

Nous invitons maintenant la Société historique de la Gaspésie - une autre belle région du Québec - à venir nous présenter son mémoire.

Une voix: Enfin! Des bons bleus!

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. Le Moignan, si vous voulez vous identifier personnellement.

Société historique de la Gaspésie

M. Le Moignan (Michel): Pour le journal des Débats, je suis Michel Le Moignan, vice-président de la Société historique de la Gaspésie. À ma droite...

M. Richard: ...quelque part.

M. Le Moignan: Je cherche cela avidement. À ma droite, M. Jean-Marie Fallu, directeur du musée, et à ma gauche, il n'y a personne. M. le Président, nous avons éprouvé quelques moments d'anxiété, cet après-midi, mais nous sommes heureux de voir que nous avons une vingtaine de minutes à notre disposition. J'espère que vous n'oubliez pas que nous avons dû quitter Z4 heures avant tous nos amis qui sont passés ici, et que nous allons réintégrer nos demeures, nos foyers 24 heures, également, après tous les autres. C'est pour cela que je n'abuserai pas de votre patience. En vous présentant notre mémoire, nous allons nous en tenir à un aspect assez particulier, celui qui concerne le milieu de la Gaspésie avec ses archives, sa société historique et son musée.

M. le Président, en 1962, alors que le ministère des Affaires culturelles du Québec s'organisait lentement, à l'autre coin de la province, à Gaspé plus précisément, naissait la Société historique de la Gaspésie.

Gaspé fait partie de la région 01, un territoire qui s'étend de La Pocatière aux Îles-de-la-Madeleine, soit une distance de presque 500 milles. Comme la ville de Gaspé est située à l'extrême est, elle se trouve donc à 250 milles de Rimouski. Je vous demanderais de bien noter ces petits points. Cette situation géographique n'est pas étrangère aux problèmes que connaît l'Est du Québec.

Comme la lumière vient toujours de l'est... la Gaspésie n'a jamais compté sur les

initiatives de la métropole du Bas-Saint-Laurent pour passer à l'action. Dans le domaine de la recherche et de la conservation des archives, elle fut la première à lancer le cri d'alarme. Ce qui faisait dire à l'Écho du Bas-Saint-Laurent, de Rimouski, en avril 1963, et je cite: "La Gaspésie vient de nous damer le pion, il nous reste à suivre son exemple".

En septembre 1962, la Société historique de la Gaspésie voyait le jour. Un de ses premiers gestes fut de lancer un appel à la population lui demandant de conserver les "vieux papiers". Dès le premier numéro de la Revue d'histoire de la Gaspésie, le président écrivait ceci: "Tous ces documents, dès que les circonstances le permettront, seront classifiés, indexés et, de cette façon, nous serons en mesure d'organiser un centre de recherches..."

M. Claude Allard, le directeur de la revue, précisait davantage: "La différence, c'est que tout l'effort de notre société historique se traduit par l'accumulation de documents qui auront un jour leur utilité. Toute avance de notre part est un acquis et un déblaiement utiles aux générations d'historiens qui se pencheront sur nos premiers balbutiements. Et si une telle publication avait l'effet d'amplifier l'effort de préservation des documents témoins du passé, ce serait déjà digne de mention."

Ces appels furent entendus et les archives de la Société historique de la Gaspésie n'ont cessé de s'enrichir depuis lors. Nous en reparlerons d'ailleurs un peu plus loin. Il y a quelques années, les autorités des Archives nationales du Québec mettaient de l'avant une politique de décentralisation des archives. C'est ainsi que furent créés les centres régionaux d'archives, dont celui de Rimouski, qui a comme mandat de regrouper les fonds d'archives publiques et privées du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Nous sommes évidemment en faveur d'une telle régionalisation. Cette dernière, cependant, ne tient pas compte de la réalité gaspésienne tant sur les plans géographique que culturel. Pour desservir toute la région 01, le centre régional des Archives nationales du Québec à Rimouski compte sur les services d'un seul archiviste. Malgré la compétence et le bon vouloir de cette personne, elle ne peut s'occuper adéquatement des archives sur un territoire aussi vaste. Pour venir à Gaspé aller-retour, elle doit faire 500 milles. En conséquence, son action se limite donc à la région immédiate de Rimouski, soit le Bas-Saint-Laurent.

De plus, il faut tenir compte d'un autre facteur tout aussi important. Nous voulons dire le fait que les Gaspésiens ont une histoire qui leur est propre et qu'ils possèdent aussi une identité culturelle et ethnique tout à fait différente de celle des habitants du Bas-Saint-Laurent et encore des Madelinots. Le gouvernement du Québec a reconnu cette réalité spacio-culturelle à la Gaspésie par la création, en 1977, du Musée régional de Gaspé et, tout récemment, en 1982, par la venue du service Radio-Québec Gaspésie et Îles-de-la-Madeleine.

Sur le plan archivistique, les deux principaux fonds d'archives privées qui se trouvent en Gaspésie sont situés à Gaspé. Il s'agit des archives de la Société historique de la Gaspésie et celles de l'Évêché de Gaspé. Les principaux fonds d'archives gouvernementales qui nous préoccupent concernent le Palais de justice de Percé, celui de New Carlisle et celui de Sainte-Anne-des-Monts. En raison de problèmes de conservation et de manque d'espace, il est question de transporter ces archives au centre régional des Archives nationales du Québec à Rimouski, ce à quoi nous nous opposons fortement. Nous pensons que ces archives, qui témoignent du passé des Gaspésiens, doivent demeurer en Gaspésie. Pour ce faire, nous demandons que soit créé un centre régional des archives en Gaspésie même.

Au cours des 20 dernières années, la Société historique de la Gaspésie a été le principal maître d'oeuvre des archives en Gaspésie. Grâce à son action dans le milieu, elle a sauvegardé un patrimoine archivistique d'une richesse inestimable. Le fonds d'archives de la Société historique de la Gaspésie comprend 305 pieds linéaires d'archives manuscrites imprimées, iconographiques, sonores et cinématographiques portant sur des sujets relatifs à la Gaspésie: compagnies de pêche, institutions scolaires et religieuses, coopératives, municipalités, commerces, douanes, personnalités publiques, auteurs, actes notariés et le reste.

Malgré l'importante cueillette d'archives que nous avons effectuée depuis 20 ans, nous trouvons déplorable que le principal fonds d'archives témoignant de 200 ans de l'histoire gaspésienne soit rendu à l'extérieur de la Gaspésie. Cela se passait entre 1962 et 1964, à l'époque où la Société historique de la Gaspésie, qui n'avait pas de locaux appropriés mais qui désirait que ces archives soient sauvegardées, laissa partir à Ottawa les archives de la compagnie Charles Robin et Collas, une entreprise de pêche qui a maintenu un réseau d'établissements de pêche en Gaspésie de 1766 à 1964. C'était malheureusement à la même époque que les Archives nationales du Québec montraient peu d'intérêt aux archives régionales. (17 h 45)

Depuis, les choses ont évolué. En 1977, la création du musée régional de Gaspé, subventionné entièrement par le ministère des Affaires culturelles du Québec,

permettait entre autres à la Société historique de la Gaspésie d'y abriter son fonds d'archives dans les conditions les plus adéquates. Grâce à une aide financière des Archives nationales du Québec, une première phase d'inventaire de nos archives a été réalisée. Accessibles sur demande, nos archives ont permis la réalisation de nombreuses et importantes publications, notamment: l'Histoire de la Gaspésie, la première histoire régionale du Québec, un ouvrage de 808 pages publié conjointement par la Société historique de la Gaspésie, l'Institut québécois de recherche de la culture et les éditions Boréal express.

En vingt ans, nos archives ont intéressé 173 chercheurs à écrire 485 articles qui totalisent plus de 4000 pages dans les numéros publiés par la revue "Gaspésie", qui s'appelait avant 1977 "La revue d'histoire de la Gaspésie". De nombreux autres ouvrages ou études publiés par des organismes du ministère des Affaires culturelles, "Parcs Canada" etc. ou par des individus, furent alimentés par nos archives: des monographies paroissiales, des études généalogiques et beaucoup d'autres.

Grâce aux efforts soutenus de nombreux bénévoles, la Société historique de la Gaspésie détient un fonds d'archives régionales qui mériterait d'être plus accessible aux chercheurs. Présentement, aucun archiviste n'est en poste afin d'effectuer le travail archivistique que ce fonds d'archives mériterait dans le domaine des acquisitions, du catalogage, fichiers de référence, entretien mineur et le reste.

Sans compter sur l'aide gouvernementale, la Société historique de la Gaspésie a mis sur pied, en vingt ans, le principal fonds d'archives d'envergure régionale en Gaspésie. Nous attendons donc du présent projet de loi sur les archives qu'il reconnaisse de fait le contexte particulier de la Gaspésie en créant un centre régional des archives en Gaspésie.

Dans un mémoire qu'elle présentait au ministre des Affaires culturelles, lors de sa tournée de consultation, en avril 1982, la Société historique de la Gaspésie réclamait que le ministère des Affaires culturelles conserve dans le milieu les fonds d'archives propres aux Gaspésiens.

Nous nous interrogions à l'époque sur la nécessité et le danger que représente pour la Gaspésie un centre régional d'archives situé à Rimouski. "Pourquoi, disait-on, arracher du milieu gaspésien des témoins de notre histoire aussi précieux que nos archives? Pourquoi, avant de construire une boîte des archives à Rimouski, ne pas consolider des dépôts d'archives déjà existants et aussi importants que celui de la Société historique de la Gaspésie.

Heureusement que ces propos que nous tenions et que d'autres intervenants tenaient à la même occasion ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. C'est avec grande satisfaction que nous avons pu constater, à la lecture de son rapport de consultation publié en décembre 1982, que le ministre avait bien saisi le sens de nos revendications et que celles-ci étaient partagées et senties par la plupart des autres intervenants. Je vous cite simplement, à la page 235, quelques petits extraits de ce rapport: "On dit, entre autres, que les intervenants sont peu nombreux dans toutes les régions à parler d'archives à l'exception de la région Bas-Saint-Laurent - et ici, on oublie encore une fois d'indiquer Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, comme si la Gaspésie faisait partie du Bas-Saint-Laurent - et on observe une préoccupation plus marquée pour ce sujet. C'est l'étendue du territoire qui est à l'origine de cet intérêt, en ce sens que les intervenants sont venus s'opposer au transfert des archives de la Gaspésie vers Rimouski. Tous les intervenants de la région de l'Est du Québec qui ont parlé des archives ont soulevé cette question".

Ce rapport note plus loin que "c'est la régionalisation qui retient massivement l'attention des intervenants culturels", mais que, pour la région de l'Est du Québec, cette régionalisation va plus loin que de créer un centre d'archives à Rimouski, et je cite encore une fois: "Dans le Bas-Saint-Laurent -précise le rapport - plusieurs participants ont soulevé la question de la concentration des archives à Rimouski. Dans ce coin du Québec, la régionalisation ne veut pas uniquement dire la création d'un centre régional des archives dans chacune des régions, cela veut dire aussi "régionaliser dans la région". Trois intervenants culturels, la Société historique de la Gaspésie, l'Université du Québec à Rimouski et l'historien Mario Mimeault, sont venus demander au ministre, M. Clément Richard, de doter la Gaspésie d'un centre régional des archives comme il en existe un à Rimouski". Le message était donc clair. Les intervenants culturels de la Gaspésie et l'Université du Québec à Rimouski étaient unanimes à exiger que les archives des Gaspésiens soient conservées en Gaspésie. Les Gaspésiens ont vécu, il n'y a pas si longtemps, la fermeture de certains villages. Ils ont connu les déchirements d'être expropriés, soit de Forillon ou encore de l'île Bonaventure. Pourquoi faut-il en plus leur enlever leur patrimoine archivistique? Pourquoi les Gaspésiens n'ont-ils pas le droit de conserver chez eux ce qui leur appartient de plus précieux, leurs racines, c'est-à-dire leurs archives?

Finalement, nous avons quelques recommandations relatives à ce projet de loi sur les archives. La Société historique de la Gaspésie applaudit à l'action du présent gouvernement qui vise à doter l'État

québécois d'une loi sur les archives. Par ailleurs, nous constatons, à regret, que ce projet de loi ne fait mention nulle part de la préoccupation majeure des Québécois en matière d'archives, soit la régionalisation. C'est pourquoi nous vous soumettons des recommandations qui devraient, pour certaines, faire partie de la loi et, pour d'autres, servir de ligne de conduite dans l'application effective de la loi.

Considérant que le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine représentent une région trop étendue pour être desservie par un seul centre régional des archives; considérant que les Gaspésiens ont une histoire qui leur est propre et qu'ils possèdent une identité culturelle et ethnique distincte de celle des habitants du Bas-Saint-Laurent et des Îles-de-la-Madeleine; considérant que d'importants fonds d'archives publiques et privées existent en Gaspésie et qu'il est urgent qu'ils soient préservés; considérant que le patrimoine archivistique des Gaspésiens ne devrait pas être conservé ailleurs qu'en Gaspésie; considérant que les archives judiciaires provenant des palais de justice situés dans la région doivent demeurer dans le territoire gaspésien; considérant qu'à l'occasion de la tournée de consultation du ministre dans tout le Québec la "régionalisation" est l'élément qui a retenu le plus l'attention des intervenants en matière d'archives; considérant que lors de cette consultation les intervenants de la région 01 furent de toutes les régions du Québec ceux qui manifestèrent le plus d'intérêt pour ce domaine des archives; considérant encore qu'à cette occasion la plupart des intervenants de la région 01 soulevèrent la question de la concentration des archives à Rimouski et qu'ils furent unanimes à revendiquer la création d'un centre régional des archives en Gaspésie;

Nous recommandons donc, premièrement, que la Gaspésie soit dotée d'un centre régional des archives et, deuxièmement, que la création d'un centre régional des archives en Gaspésie soit inscrite dans le projet de loi no 3 sur les archives.

Ici, en terminant, on signale le rôle que la société historique a joué depuis 21 ans dans notre milieu, l'encouragement qu'elle a apporté aux travaux de recherche, les nombreuses publications - 80 numéros jusqu'à maintenant - de notre revue L'histoire de la Gaspésie, notre fonds d'archives et en même temps le fait que nous avons aussi un musée qui est très bien coté - classé musée A - parmi les quatre musées qui sont dans cette catégorie au Québec; considérant également que nous traitons nos archives selon la méthodologie en cours aux Archives nationales du Québec et qu'on dispose de locaux qui conviennent très bien à ce centre régional des archives.

Nous demandons donc, en résumé, que la Gaspésie soit dotée de ce centre régional des archives. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Le Moignan. Il nous reste cinq minutes à partager entre M. le ministre et le représentant de l'Opposition.

M. Richard: M. Le Moignan, je voudrais vous remercier et vous dire que nous sommes tous heureux de vous revoir aujourd'hui.

M. Le Moignan: Je suis content de voir que vous m'avez écouté, M. le ministre.

M. Richard: Je cède la parole au député de Saint-Henri et je vais revenir plus tard.

M. Hains: Je comprends vraiment votre brillant et chaleureux plaidoyer, M. Le Moignan, pour la création d'un centre d'archives en Gaspésie. Vous nous dites, dans votre plaidoyer, que vos demandes ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Je vous répète encore le mot de l'Évangile, parce que je suis toujours bon chrétien: N'arrêtez pas, frappez et on vous ouvrira.

M. Richard: Vous être Pharisien aussi.

M. Hains: Priez et on vous exaucera.

M. Richard: Vous êtes Pharisien un peu.

M. Hains: Soyez persistant, M. Le Moignan, et le ministre vous sera un jour clément.

M. Richard: Je suis habitué à celle-là.

Le Président (M. Brouillet): Une minute, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: II faudra peut-être que la commission consente à prolonger ses travaux de quelques instants, mais je voudrais tout simplement ne pas rater l'occasion de dire à notre ancien collègue, M. Le Moignan, ci-devant député de Gaspé, le plaisir que nous avons à le revoir. Avant que vous ne repartiez pour votre lointain Extrême-Orient, M. Le Moignan et M. Fallu, je voudrais vous dire, M. Le Moignan, que, bien que votre présence nous manque, il y a un certain type d'esprit que vous avez illustré chez nous qui est encore présent, qui est encore vivant, puisque c'est le député de Saint-Henri, comme vous avez pu le constater, qui s'en est fait l'avocat. Le député de Saint-Henri joue parmi nous un peu le rôle que vous jouiez, bien que n'étant pas, comme dit le député de Saint-Jean, un bleu, car c'est plutôt un rouge, mais il manifeste un grand attachement pour les

valeurs culturelles que vous avez défendues parmi nous.

Je tiendrai, dans les semaines qui viendront, à rappeler au ministre la demande que vous faites parce que votre mémoire a l'avantage, la qualité de ne pas "s'éjarrer" dans toutes les directions, de présenter essentiellement une demande. Je me ferai votre porte-parole auprès du ministre pour insister sur l'intérêt que présente cette demande.

M. Le Moignan: Merci, M. le député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Brouillet): II reste encore une ou deux minutes, est-ce que quelqu'un d'autre a des questions?

M. Le Moignan: Vous pouvez prolonger, car on n'est pas pressés, nous, à présent.

M. Vaugeois: II n'a pas le droit de parole.

M. Proulx: Est-ce que vous avez la nostalgie de l'Assemblée nationale, M. le curé? Est-ce que cela vous manque, à la paroisse de Barachois? L'an passé, je me promenais sur la route et je vous ai vu, seul, assis sur la galerie de votre presbytère. On s'est reconnu et on s'est envoyé la main. On a ressassé de vieux souvenirs.

M. Le Moignan: J'ai essayé de vous retenir et je n'ai pas réussi. Pour être honnête, dans les débuts, je pensais beaucoup à l'Assemblée nationale. J'aime l'Assemblée nationale et j'ai apprécié, depuis hier, l'hospitalité que j'ai retrouvée chez les anciens collègues et chez tout le personnel ici. Aujourd'hui, vous le savez, on ne peut pas faire deux choses à la fois. Je me trouve très bien à Barachois. Je travaille un peu avec M. Fallu au musée, quand j'ai une chance. C'est très consolant, surtout avec les demandes qu'on fait ici aujourd'hui. Si jamais nos demandes sont exaucées, on va être encore plus contents.

M. Proulx: Est-ce que vous vous occupez de ramasser les archives de l'Union Nationale?

M. Le Moignan: Oui, précieusement.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Richard: M. Le Moignan, vous l'avez indiqué tout à l'heure dans votre mémoire, vos paroles ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds et on fera l'impossible pour vous donner satisfaction, sachant d'avance que ce n'est pas toujours facile de donner satisfaction aux Gaspésiens en général et à la Société historique de la Gaspésie en particulier. Je pense qu'il y a des choses qui sont possibles dans l'immédiat et d'autres à moyen terme.

M. Le Moignan: Merci, M. le ministre.

M. Richard: Je tiens à reconnaître le travail absolument extraordinaire qui a été fait et qui est toujours fait par la Société historique de la Gaspésie. Je sais qu'elle s'est attelée à la tâche pour les fêtes de 1984 et que ce sera réussi comme d'habitude. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, chez vous en Gaspésie, c'est-à-dire les membres de la Société historique de la Gaspésie ainsi que ceux et celles qui s'occupent du musée. C'est assez extraordinaire de voir ce qui s'est fait de la part de ces deux institutions pour assurer le développement culturel de votre région. Je pense qu'on vous en sait tous gré. Voilà.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie toutes les personnes qui se sont présentées ici pour nous faire part de leur mémoire ainsi que tous les membres de la commission. Maintenant, je crois que le ministre aurait quelque chose à annoncer avant que l'on ajourne nos travaux.

Motion proposant la réimpression du projet de loi

M. Richard: M. le Président, conformément aux dispositions de l'article 119 de notre règlement, je voudrais proposer que, avant la deuxième lecture, le projet de loi soumis, après la première lecture, à la commission parlementaire pour entendre les mémoires, soit réimprimé. Je voudrais proposer la réimpression de ce projet de loi.

M. Hains: Ai-je le droit de vous appuyer?

M. Richard: Vous avez le droit.

M. Hains: Cela me fait grand plaisir.

M. Vaugeois: Est-ce que nous avons le droit d'applaudir, M. le Président?

Le Président (M. Brouillet): La commission est donc d'accord pour la réimpression. Je demande au rapporteur de faire le rapport de la commission le plus tôt possible. Étant donné que la commission a accompli le mandat qui lui avait été confié, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 02)

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