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Question avec débat
Le livre blanc sur la
souveraineté-association
(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Richard): À l'ordre,
messieurs!
La commission permanente des affaires intergouvernementales se
réunit aujourd'hui, le vendredi 9 novembre, pour discuter la question
avec débat du député d'Outremont au ministre des Affaires
intergouvernementales sur le sujet suivant: Le livre blanc sur la
souveraineté-association.
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense que les
procédures, dans une question avec débat, sont assez flexibles.
Je voudrais, compte tenu de l'importance du débat, faire une
présentation un peu plus longue au départ qu'il est l'habitude de
faire. Je voudrais également vous demander si je peux faire distribuer
un certain nombre de documents. Je voudrais vous demander si vous envisageriez,
lorsque vous les aurez vus, de les faire reproduire en annexe au journal des
Débats, s'il y a lieu. Ce sont des documents que je voudrais voir
distribués ce matin et sûrement en donner une copie au ministre en
particulier, pour qu'il suive de plus près l'argumentation que je vais
présenter. Mais ce sont essentiellement des documents d'appui ou de
documentation. Je voudrais voir cela un peu comme des preuves documentaires
d'un certain nombre d'affirmations que je voudrais faire ce matin à
propos du livre blanc.
Le Président (M. Richard): M. le député
d'Outremont, si vous le permettez, je n'ai pas la moindre objection à ce
que vous remettiez ce matin des copies de documents, mais je dois vous signaler
qu'en commission parlementaire, comme nous le sommes présentement, il
n'est pas possible de déposer de document. Il vous sera toutefois
loisible de le faire à l'Assemblée nationale elle-même. Et
il sera encore plus difficile de reproduire en annexe au journal des
Débats les documents dont vous parlez.
Ce que je vous suggère, c'est qu'après en avoir fait
prendre connaissance ce matin aux membres de la commission, vous pourriez
toujours solliciter le consentement ou les déposer tout simplement
à l'Assemblée nationale.
M. Raynauld: M. le Président, je me range à votre
avis. Bien sûr, dans les travaux des commissions, habituellement, on ne
peut pas déposer des documents. Mais je pense qu'il est de tradition
qu'on peut en distribuer.
Le Président (M. Richard): C'est cela. M. Raynauld:
C'est cela.
Le Président (M. Richard): Je n'ai pas la moindre
objection à cela.
Exposé du sujet M. André
Raynauld
M. Raynauld: Très bien. M. le Président, je
voudrais, ce matin, faire porter le débat sur deux grands points du
livre blanc sur la souveraineté-association. Le premier point sera sur
l'analyse elle-même du livre blanc et le deuxième, sur le contenu
de l'association qui est proposée.
Pour ce qui concerne le premier point, je voudrais aller assez
rapidement, passer à travers le livre blanc au moins dans les quelque 30
pages qui portent sur l'expérience du fédéralisme et
essayer de montrer encore une fois, avec les preuves à l'appui, que le
livre blanc, pour ce qui concerne cette analyse, est un livre blanc de
qualité médiocre, qui manque de rigueur intellectuelle, qui
contient des affirmations partiales, souvent fausses et parfois même
mensongères. (10 h 15)
Je trouve que, comme document de fond, il s'agit là d'un document
qui ne passerait sûrement pas la rampe dans une université et je
suis surpris que le ministre des Affaires intergouvernementales, qui a une
grande réputation d'universitaire, dont c'est également la
profession, ait pu accepter un document comme celui-là.
Première affirmation ou premier point pour ce qui concerne la
page 11 et la politique nationale. Il est dit à la page 11 que "le
gouvernement fédéral ne fait rien au tournant du siècle
pour améliorer la situation économique de centaines de milliers
de Québécois" qui doivent émigrer vers la
Nouvelle-Angleterre. Cette affirmation-là, à mon avis, est
fausse. En fait, la politique nationale, dans la mesure où il y a eu une
politique tarifaire associée à cette politique nationale, a
créé des emplois au Québec, a diminué l'immigration
et a favorisé l'industrialisation du Québec.
À cette fin, j'ai deux citations du professeur Roma Dauphin, qui
affirme exactement ce que je viens de vous dire. Le professeur Dauphin est
professeur à l'Université de Sherbrooke. C'est un
spécialiste en commerce international. J'ai justement fait circuler ces
deux citations. J'en citerai seulement une et seulement une partie. La
politique protectionniste de 1880, suivant le professeur Dauphin, en amenant au
Québec des industries qui utilisent beaucoup de main-d'oeuvre, allait
obturer la brèche de l'émigration des Québécois
vers la Nouvelle-Angleterre.
Dans le deuxième extrait, il est dit que grâce à
l'existence du tarif, des milliers de jeunes travailleurs
québécois pouvaient se procurer de l'emploi dans leur province
où des liens culturels très forts les attachaient. Donc, je
prétends qu'affirmer que le gouvernement fédéral n'a rien
fait pour empêcher l'émigration des Canadiens français, en
particulier vers la Nouvelle-Angleterre, est une erreur historique.
La deuxième preuve de ce que j'avance, c'est le tableau de la
page 2 où j'indique que dès 1890, les transferts
interrégionaux dus aux tarifs ont été favorables au
Québec et ont été favorables, bien sûr, à
l'Ontario, mais en pourcentage du revenu personnel, cet avantage retiré
du tarif par les Québécois a été continuellement
supérieur à l'avantage perçu par l'Ontario. Il s'agit ici
d'un tableau tiré d'une étude faite pour le compte du Conseil
économique du Canada par le professeur Pinchin. Voilà pour cette
citation sur la page 11.
Deuxième point. À la page 16, dans le document, on parle
de la poussée centralisatrice et de la soi-disant centralisation. C'est
un cliché qui a été répandu depuis de nombreuses
années au Québec, mais qui n'a jamais trouvé de fondement
en dehors, si on veut, de l'observation qui allait de soi, j'allais dire, en ce
qui concerne la constitution, parce que la constitution n'a pas
été changée. En ce qui concerne les ressources
utilisées, je présente à la page 3 un tableau qui montre
qu'il y a eu un transfert massif des ressources en faveur des provinces et des
municipalités depuis 1955. À la page 3, on montre en effet qu'en
proportion des dépenses fédérales, les dépenses des
provinces et des municipalités ont passé de 72% à 148%.
Elles ont presque doublé. Donc, transfert massif des ressources. Je
pense qu'il aurait fallu le mentionner lorsqu'on affirme qu'il y a eu une
centralisation au Canada.
Troisième point. À la page 19, on parle des impôts
directs et indirects qui ont empêché ou qui ont permis au
gouvernement central d'augmenter ses pouvoirs grâce à des
ressources fiscales. Là-dessus, je n'ai pas de document, parce que ce
n'est pas nécessaire d'en avoir, mais le passage est faux, parce que les
interprétations des coûts ont contourné la
difficulté qui pouvait se trouver dans la constitution. La preuve est
très simple. La preuve en est que le Québec, à l'heure
actuelle, a accès à toutes les sources d'impôts, à
l'exception des droits de douane. Donc, ce passage est également
faux.
À la page 22, on fait allusion ici à la nationalisation du
gaz et du pétrole et on considère qu'il s'agit là d'une
intrusion extrêmement dangereuse pour le Québec. Cette affirmation
est, pour le moins, simpliste et sûrement incomplète. Je vais
simplement montrer j'ai cela ici, aux pages 4, 5 et 6 comment le
Québec a bénéficié justement de cette
nationalisation du gaz et du pétrole depuis la crise de l'énergie
en 1973. Je montre, dans le premier tableau, que le Québec a reçu
en subventions fédérales, grâce à la
péréquation des prix du pétrole, $3 500 000 000. Le
Québec, au tableau de la page 5, a reçu $1 800 000 000 sous forme
de subventions indirectes compte tenu du fait que les Québécois
paient moins cher pour le pétrole qu'ils importent de l'Alberta. Enfin,
dans le troisième tableau de la page 6, je montre que le Québec,
à l'heure actuelle, s'approvisionne auprès des provinces de
l'Ouest pour 61% du pétrole qu'il consomme. Je trouve très
naïf que le livre blanc puisse affirmer que, d'ici quelques années,
on va tout simplement revenir à la situation ex ante et qu'on pourra,
à ce moment-là, encore acheter notre pétrole sur les
marchés internationaux sans beaucoup d'égard à la
situation au Canada.
En ce qui concerne la page 25 c'est mon cinquième point
on parle des chevauchements fédéraux-provinciaux. Je
voudrais simplement mentionner là-dessus qu'il s'agit là d'une
affirmation gratuite lorsqu'on dit que les chevauchements sont "fort
coûteux, il va sans dire". À la page 7, je soumets une citation
qui est tirée d'une étude de l'ENAP. C'est la seule étude
qui existe à ma connaissance; elle montre justement qu'on n'a pas
étudié les coûts et que, par conséquent, le livre
blanc ne peut pas faire une affirmation comme celle qui est là sans
pouvoir l'étayer.
Sixième point, page 27. Là, on parle des chemins de fer.
On dit que le Québec n'a que 12% du réseau ferroviaire canadien
en territoire québécois et que, par conséquent, bien
sûr, le Québec est victime de discrimination de la part du
gouvernement fédéral. Je voudrais dire là-dessus que cette
affirmation est absolument risible. Je vais montrer, premièrement, que
les 12% de voies ferrées ne dépendent pas d'une politique
fédérale discriminatoire à l'endroit du Québec.
C'est fondé sur la géographie et, la meilleure preuve, c'est
qu'à la page 8 j'ai fait préparer un tableau pour montrer que les
routes et les rues construites par le gouvernement du Québec à
travers le Québec, représentent 12,9% des routes et des rues de
l'ensemble du Canada. On voit également que, si on prend le nombre de
milles de routes par 1000 habitants, on a à peu près le
même niveau au Québec et en Ontario, ce qui montre bien que c'est
la géographie qui détermine ça et que c'est plus
élevé qu'ailleurs.
Je voulais mentionner, en deuxième lieu, que pour le demi-million
qui a été dépensé pour préparer le livre
blanc, on aurait au moins pu corriger les erreurs de fait et les erreurs de
calcul qui sont présentées dans le livre blanc.
À la page 27, lorsqu'on dit qu'il y a 0,9 de mille de voie
ferrée par habitant, c'est une erreur grossière, et si n'importe
quel ministre s'y était arrêté une ou deux secondes, il
aurait vu qu'il y avait une erreur dans les chiffres qui sont là, parce
qu'il y a 6 millions d'habitants. S'il y a neuf dixièmes de mille de
voie ferrée par habitant, cela veut dire qu'il y aurait 6 millions de
milles de voie ferrée au Québec. C'est complètement
ridicule; on en aurait assez pour faire le tour du monde. C'est absolument
ridicule. La vérité c'est que c'est neuf dixièmes de mille
de voie ferrée par 1000 habitants. C'est cela, parce qu'on a fait des
calculs. Ce sont des erreurs de calcul, des erreurs élémentaires
et quand on dit que c'est un livre médiocre sur le plan du fond, bien,
c'en est un bon exemple.
Ensuite, je voudrais passer au septième point. J'ai donné
un autre tableau aussi sur les immobilisations portuaires, en passant, pour
montrer que si on a 12% pour les voies ferrées, dans le cas des
immobilisations portuaires, on a 52% des immobilisations totales au Canada,
simplement comme preuve supplémentaire.
Aux pages 28 et 29, ce sont des pages où je m'oppose à peu
près à chacune des affirmations
qu'il y a dans ces pages. Ligne à ligne, paragraphe à
paragraphe, je n'ai pas le temps de tout relever. Je vais relever seulement
quelques points.
Au premier paragraphe de la page 28, on parle du développement
industriel au Québec et en Ontario. Concernant le développement
industriel, il y aurait un déplacement massif de l'activité
industrielle vers l'Ontario. C'est faux. Je montre un tableau de la page 10.
C'est une étude que j'ai faite moi-même en 1960, que de 1870
à 1955 dans le secteur manufacturier, le taux de croissance de la
production au Québec et en Ontario a été le même.
Depuis la confédération, le taux de croissance dans le secteur
manufacturier a été le même au Québec et en Ontario.
Il n'y a pas eu de déplacement massif vers l'Ontario. Ce n'est pas
La deuxième preuve que je présente c'est que de 1961
à 1976, une étude du ministère des Finances, qui, je
pense, n'est pas rendue publique encore, affirme ici que, de 1961 à
1976, il y a eu un léger déplacement de l'activité, un
léger ralentissement de l'activité au Québec, mais que les
tests statistiques ne prouvent pas encore qu'il y a une brisure dans la
tendance séculaire ou la tendance historique. Par conséquent, il
n'y a pas eu de déplacement.
Au deuxième paragraphe de la page 28 c'est mon
huitième point on trouve le pacte de l'automobile. On dit que le
pacte de l'automobile a permis de concentrer l'activité en Ontario.
C'est également une fausseté, une fausseté
évidente.
Premièrement, avant le pacte de l'automobile, toutes nos
industries automobiles étaient en Ontario. Donc, ce n'est pas le pacte
de l'automobile qui a pu déplacer l'industrie en Ontario. C'est une
évidence. Deuxième chose, je présente ici un tableau de la
page 12, un de mes documents, qui montre que la concentration
géographique de l'industrie automobile est exactement identique aux
Etats-Unis et au Canada. On a à peu près 80% de l'industrie
automobile aux Etats-Unis qui sont situés dans les Etats du "Middle
West". En Ontario il y en a 78%. Dans les Etats de l'Est américain on a
6,9% il y a une erreur ici au tableau de la page 12, ce n'est pas
69% la proportion de la côte est des Etats-Unis c'est 6,9% à
comparer au Québec, 9,1%. Donc, la concentration géographique de
l'industrie automobile dépend des relations entre filiales et maison
mère d'un côté ou de l'autre de la frontière, cela
ne dépend pas du gouvernement fédéral ni de la politique
du pacte de l'automobile.
Le neuvième point à la page 28 toujours, la protection des
secteurs mous, c'est le troisième paragraphe. Ce passage sur les
secteurs mous est un passage qui est également biaisé.
Premièrement, il n'est pas vrai que le gouvernement
fédéral a suivi une politique systématique d'abaissement
des tarifs sur les secteurs mous. C'est une fausseté. La page 13 vous
donne les tarifs en 1970 où l'on montre que les tarifs sur les secteurs
mous au Canada sont pratiquement le double des tarifs moyens du secteur
manufacturier. Donc, ce n'est pas vrai d'affirmer que le fédéral
a abaissé les tarifs dans les secteurs mous.
Deuxièmement, on laisse entendre que si le Québec
participait à ce genre de négociation du GATT, on trouve cela
à la page 98, le Québec aurait une politique différente.
Je présente à la page 14 une déclaration du ministre
Parizeau pour dire que le ministre Parizeau prétend tout simplement, en
ce qui concerne les secteurs mous, qu'il voulait une protection spéciale
pour quatre ans. C'est ce que le gouvernement fédéral a
donné, une protection supplémentaire et importante pendant quatre
ans, et le ministre Parizeau termine son paragraphe là-dessus en disant:
Une fois la période de protection exceptionnelle terminée, tant
pis pour les canards boiteux. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que
le Québec ne veut pas de protection indéfinie et illimitée
pour les secteurs mous. Ce n'est pas dit dans le livre blanc non plus.
Aux pages 28 et 29, encore, les dépenses fédérales
au Québec et en Ontario. C'est mon dixième point. Je donne ici
trois tableaux. Evidemment, cela fait appel aux comptes économiques. Un
tableau comme celui qui est présenté à la page 29,
où on dit simplement que les dépenses fédérales
créatrices d'emplois représentent 20,6% au Québec et 40%
en Ontario. Je dis que c'est malhonnête de présenter un tableau
comme celui-là. Malhonnête pourquoi? Parce qu'en ce qui concerne
l'ensemble des dépenses fédérales au Québec nous
avons retiré $7 milliards de 1972 à 1977; c'est le document de la
page 15. Je montre, au document de la page 16, que les impôts
payés par le Québec ont baissé de 1972 à 1977 de
26% à 21,4% et, en revanche, les dépenses totales ont
augmenté de 22% à 24%. Par conséquent, le Québec a
bénéficié dans ses transactions avec le gouvernement
fédéral.
Enfin, en ce qui concerne l'Ontario à 40%, ce qui n'est pas dit
ici c'est pour ça que c'est malhonnête c'est que
l'Ontario, pour recevoir 40% des dépenses fédérales, a
payé c'est le tableau de la page 17 - 5% des impôts
fédéraux. L'Ontario paie 45% des impôts
fédéraux. Je pense qu'elle est en droit de recevoir 40% des
dépenses dites créatrices d'emplois. C'est une affirmation tout
simplement malhonnête.
Le paragraphe suivant, à la page 29, c'est mon onzième
point, touche l'agriculture. Je ne voudrais pas en parler longuement, mais je
voudrais simplement montrer un petit tableau. On a dit que les dépenses
fédérales en agriculture étaient d'à peu
près 13%. Je voulais montrer que l'agriculture, au Québec,
représente 13% de l'agriculture canadienne; par conséquent, il
n'y a pas de discrimination à cet égard. (10 h 30)
Mon douzième point, la population. On dit évidemment qu'on
se minorise pages 30 et 31 et on fait appel, pour montrer
jusqu'à quel point diminue la population, à une statistique de
1851, où on était 36%. Le pays n'était même pas
constitué. On aurait pu remonter à 1760, on aurait pu montrer que
le Québec représentait 100% de la population du Canada à
ce moment-là. Cela aurait été 100%.
Si on regarde le tableau que j'ai donné à la page 19, on
s'aperçoit qu'il n'y a pas de tendance historique uniforme, mais de
grandes vagues de population. La preuve, c'est qu'en 1921, il n'y avait pas
plus de population au Québec, par rapport au Canada, qu'il y en a en
1976, c'est-à-dire 27%. C'était mon douzième point.
Le treizième point, c'est celui de la page 99. Je mentionne
seulement qu'on continue à raconter des bobards sur la Voie maritime du
Saint-Laurent. Je présente un paragraphe que j'avais écrit et
publié pour montrer que la Voie maritime du Saint-Laurent a
été favorable au Québec, jusqu'à concurrence de $79
millions pour l'année 1976, alors que l'Ontario a gagné $14
millions avec la Voix maritime du Saint-Laurent.
Voilà quelques-unes des affirmations que je voulais relever,
comme point de départ à ce débat, parce que je pense que
dans un livre blanc comme celui-ci, la première condition qu'on devrait
avoir, c'est d'obtenir la vérité historique et d'obtenir
également des faits exacts qui ne sont pas contestables. Je ne parle pas
de tous ces silences aussi éloquents que les affirmations qu'on y
trouve. J'espère avoir l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
M. le Président, je pense que j'ai employé suffisamment de
mon temps d'ouverture, je vais arrêter ici.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Mégantic-Compton.
Autre intervention M. Fernand Grenier
M. Grenier: M. le Président, en lisant le livre blanc sur
la souveraineté-association, deux choses me paraissent évidentes
en ce qui concerne la viabilité de l'option constitutionnelle que le
gouvernement Lévesque entend soumettre à la population par voie
de référendum.
Dans un premier temps, j'estime que le gouvernement n'a pas
réussi à faire la preuve qu'il est possible de réaliser
l'indépendance politique du Québec et l'association
économique avec le reste du Canada sans rupture et concurremment, tel
que le déclarait solennellement le premier ministre Lévesque, le
10 octobre 1978, à l'Assemblée nationale. Et, dans un
deuxième temps, je demeure persuadé que le gouvernement n'a pas
réussi à offrir des garanties réelles qu'il pourra
conserver intact l'espace économique canadien dans cette association
nouvelle à définir entre le Québec et le reste du
Canada.
Jusqu'à ce jour, les seuls arguments de poids invoqués par
le gouvernement pour convaincre ses adversaires, ainsi que les citoyens
indécis que son option peut se réaliser sans brisure brutale,
c'est-à-dire sans déclaration unilatérale
d'indépendance et baisse du niveau de vie des citoyens, ont
été des raisons de nécessité économique; en
fait, la théorie des vases communicants, ou encore un acte de foi dans
la tradition démocratique qui caractérise le "fair play" de nos
compatriotes cana- diens. Evidemment, ces arguments ont impressionné peu
de gens.
Nous étions en droit d'espérer que le gouvernement puisse
nous fournir de nouvelles justifications dans le livre blanc dans le but
d'atténuer considérablement l'impact de ces obstacles majeurs qui
compromettent, à l'heure actuelle, le succès de toute
l'opération péquiste. Or, force nous est de constater que nous
restons sur notre appétit, car on nous a servi encore une fois les
mêmes clichés habituels.
J'aimerais que le ministre nous explique davantage comment, en toute
logique, l'indépendance politique et l'association économique
peuvent se négocier sans rupture et concurremment et cela, à
l'intérieur du cadre fédéral actuel, car le livre blanc
dit bien, à la page 84: "Un vote affirma-tif des Québécois
sera donc, dans les faits, un mandat confié au gouvernement du
Québec de réaliser, par le moyen de négociations, cette
nouvelle entente (...) Il ne saurait donc être question de proclamer
unilatéralement la souveraineté au lendemain du
référendum."
Quant à la question de l'intégrité de l'espace
économique canadien, le livre blanc est loin d'être très
clair. Ainsi, dans le domaine du transport, on laisse planer une cogestion
possible d'Air Canada et du Canadien national. Comment est-ce que cela
fonctionnera en pratique, cette cogestion? Sera-t-elle paritaire? On peut en
douter, car, dans le fonctionnement de l'union monétaire, on annonce
l'existence de deux banques centrales placées sous une autorité
monétaire dont le nombre de sièges alloués au
Québec, au conseil d'administration, serait proportionnel à
l'importance relative de son économie par rapport à celle du
Canada. Par conséquent, pas de parité à ce niveau
important. Est-ce cela, vivre d'égal à égal?
Dans le domaine agricole où la libre circulation des marchandises
revêt une importance particulière, on se contente de dire
laconiquement que la protection et l'exploitation de la production agricole
font l'objet d'ententes spéciales. D'ailleurs, cette dernière
expression revient constamment à tous les deux ou trois paragraphes.
C'est nettement insuffisant. Quand on est mal pris et qu'on ne sait trop quoi
dire, on a recours aux ententes spéciales, aux règles
particulières, aux ententes spécifiques à être
conclues dans le but de contourner la question. Ce procédé est
certes ex-péditif, mais il a l'inconvénient de laisser planer des
doutes sérieux sur la viabilité de la thèse
péquiste advenant un refus du reste du Canada de négocier une
telle entente.
Je voudrais, à ce stade-ci, poser certaines questions très
précises que le chef de l'Union Nationale avait posées au
ministre, lors d'une question avec débat dans cette même salle,
sur l'association économique, soit le 2 décembre 1977, et qui
n'ont pu obtenir de réponse dans le livre blanc. On disait à ce
moment: Précisez donc comment vous prévoyez l'entente avec le
Canada sur la répartition des avoirs et des dettes et sur la
propriété des biens publics, plus particulièrement des
biens d'ordre culturel qui, en certaines matières,
appartiennent à la fois au patrimoine québécois et
au patrimoine canadien. Exemple: Radio-Canada.
Le livre blanc dit ce qui suit: "Quant au partage de l'actif et des
dettes du Canada et du Québec, il faudra en arrêter les principes
généraux, quitte à reporter l'exécution
détaillée à une phase ultérieure." Serait-il
possible d'être plus précis?
Parlons maintenant du marché commun ou de l'union
douanière. Sur le sujet de l'union douanière, encore des
questions qui vous avaient été posées par le chef de
l'Union Nationale, au mois de décembre 1977: Quelles sont vos
prévisions, à ce stade-ci, de l'effet sur le niveau de vie des
Québécois d'une union douanière entre le Canada et un
Québec indépendant? Le Québec ne souffrirait-il pas d'une
modification de la protection tarifaire actuelle à cause du
caractère peu compétitif de son industrie manufacturière
dont en particulier celle du textile? C'est la question que soulevait le
professeur H.C. Eastman, économiste à l'Université de
Toronto, dans une conférence organisée par les Hautes Etudes
commerciales sur la dimension économique du projet d'indépendance
au mois de mai 1978.
Cet article de l'Université de Toronto a été repris
par la Presse, le 17 mai 1978: "Le Québec sera en effet incapable de
conclure une entente avec le reste du Canada, à cause des pressions
protectionnistes qui se feront sentir à l'intérieur du
Québec et de la force des intérêts libre-échangistes
hors du Québec."
M. Eastman faisait notamment allusion aux provinces de l'Ouest qui,
contrairement à l'Ontario, dépendante du Québec,
n'auraient aucun intérêt à supporter les tarifs qui leur
feront payer leurs vêtements plus cher dans le seul but de
protéger l'industrie québécoise. Bien sûr que c'est
la même chose pour le pétrole et le gaz naturel.
Quelles seraient les implications, du moins à court terme, de la
perte, il va de soi, du système de péréquation, du retrait
des subventions d'Ottawa accordées présentement au Québec
par la stabilisation du prix du pétrole importé? Et que dire des
prix de faveur pour le gaz naturel et le gazoduc qui doit se construire d'ici
peu de Montréal à Québec pour aboutir aux Maritimes si,
après la séparation du Québec ou l'indépendance,
nous allions vivre un échec de négociations de votre thèse
d'association, s'il n'y avait aucun marché commun? Le reste du Canada
serait-il tenté d'acheter du Québec des chaussures, du textile,
des meubles, des produits finis en plastique, des équipements de sport
ou de loisir, des produits pharmaceutiques ou pétrochimiques, ou des
produits finis de la richesse naturelle qu'est le bois qu'il peut obtenir
à un prix à peu près égal ou moins
élevé en Corée, au Taïwan ou encore aux
Etats-Unis?
Si nous croyons comprendre que, dans votre thèse, il n'est pas
question de frontière ni de poste de douane entre le Québec et le
reste du Canada, nous voudrions également comprendre ce que vous voyez
comme communication entre le Québec et le reste du Canada, le Canada
à l'est du Québec et le Canada à l'ouest du Québec.
En d'autres termes, parlez-nous donc de votre point de vue sur la
négociation de corridors aériens, ferroviaires et terrestres. Au
nom de quel intérêt, si le Canada n'existe plus politiquement, les
provinces de l'Ouest voudraient-elles maintenir des échanges
privilégiés qui leur coûtent présentement un
déficit annuel de près de $1 milliard au seul chapitre des
produits manufacturiers?
Le premier ministre de la Saskatchewan, M. Blakeney, de passage à
Montréal en avril 1977, déplorait les prix élevés
que les provinces de l'Ouest doivent verser pour s'approvisionner dans les
provinces industrielles du centre du pays en produits manufacturés,
alors qu'elles pourraient se les procurer, disait-il, à meilleur compte
à l'extérieur du pays. Le ministre actuel des Finances aime bien
parler de marché commun, d'une libre circulation des biens, des capitaux
et des personnes, mais est-on conscient des difficultés d'application
qu'auraient le Québec et le reste du Canada dans le contrôle de
l'immigration, peut-être aussi de la migration de main-d'oeuvre et,
surtout, est-ce qu'on est conscient que la souveraineté sur les
structures des taux d'intérêt au Québec serait
sérieusement hypothéquée par les contraintes propres au
marché commun auquel il adhérerait?
D'autres questions avaient été posées. Je fais
allusion à une question que M. Biron posait en Chambre, il n'y a pas si
longtemps. Je la reprends: Dans sa formule de souveraineté-association,
le gouvernement a indiqué dans son livre blanc, sur la question
monétaire, que le nombre de sièges alloués à chacun
des partenaires au conseil d'administration de l'Autorité
monétaire, c'est-à-dire le Québec, d'une part, et le
Canada tout entier, d'autre part, serait proportionnel à l'importance
relative des deux économies, sans avancer d'évaluation sur cette
importance relative du Québec par rapport à celle des neuf autres
provinces. C'est sûrement le point le plus discutable de la position
gouvernementale qui veut laisser croire à la population que sa formule
nous permettra afin d'exister et de vivre d'égal à égal,
disait M. Biron. Il continuait: Je voudrais savoir du premier ministre comment
il concilie cette contradiction et s'il peut nous définir ce que son
gouvernement entend par l'expression "proportionnel à l'importance
relative des deux économies". En passant, je demanderais au premier
ministre d'éviter de me répondre qu'il s'agit là de
plomberie, car ce serait carrément inacceptable. C'est beaucoup plus que
de la plomberie. C'est quelque chose de fondamental, disait M. Biron.
Deuxième question qu'il posait la même journée: Au
cours de sa conférence de presse, à la suite du
dépôt du livre blanc, le premier ministre aurait affirmé
qu'un délai de deux ans lui apparaissait raisonnable, du moins en ce qui
a trait à l'essentiel des questions à régler. Je
présume que l'union monétaire est partie de ce qu'il
considère essentiel. En plus de cela, quel est au juste l'essentiel des
questions à régler en ce qui concerne l'association
économique avec le reste du Canada?
Le Devoir, le 8 novembre dernier, faisait dire au président de la
Chambre de commerce, M. Marcel Baril: Les propositions économiques qu'il
contient sont basées sur les scénarios irréalistes et tout
particulièrement invraisemblables sur la question de la monnaie qui
pourrait avoir cours dans un Québec politique souverain,
déclarait M. Baril. Il reprenait un peu plus loin: Le livre blanc fait
l'hypothèse qu'il sera possible d'en arriver à une monnaie
commune. Or, dans le contexte décrit dans ce document gouvernemental, la
seule issue est une monnaie québécoise séparée.
D'ailleurs, c'est ce qu'a démontré magistralement le ministre des
Finances du Québec, M. Parizeau, dans une allocution prononcée
devant des centaines d'hommes d'affaires de l'Ecole des Hautes Etudes
commerciales à Montréal, le 16 mai 1978. C'est ce que le livre
blanc devrait avoir le courage de dire aux citoyens. Il continue: Les
conséquences pour le Québec d'un tel bouleversement
monétaire seraient très graves pour nous, poursuit-il. On se
rappelle ici que M. Parizeau était au colloque des Hautes Etudes
commerciales à Montréal, en date du 17 mai 1978, et c'est assez
étrange de constater cette contradiction avec le livre blanc. On dit: M.
Parizeau estime toutefois peu probable que le Canada et un Québec
indépendant puissent s'entendre sur l'établissement d'une monnaie
commune à cause de la lourdeur que cela impose à la politique
monétaire commune aux deux pays. M. Parizeau de continuer: Je ne crois
pas que cela soit une pièce centrale du mécanisme d'association,
a-t-il précisé. Il continue: La question d'une monnaie commune
devrait être discutée mais il est probable que cela sera
abandonné parce que les partenaires n'accepteraient pas les contraintes
que cela impose.
Il serait peut-être intéressant de connaître du
ministre quelles sont ces contraintes à la souveraineté dont nous
parle M. Parizeau. Le chef de l'Union Nationale avait raison l'autre jour:
Malgré une belle rhétorique où l'émotivité
et la sentimentalité l'emportent sur la rationalité et le
réalisme, le livre blanc confirme le caractère essentiellement
aventureux et imprécis du projet péquiste. (10 h 45)
Le gouvernement a le droit de faire le procès du
fédéralisme. C'est de bonne guerre. Je trouve surprenant,
cependant, qu'un tel exercice prenne plus de 50 pages de son livre blanc sur
118, alors que le but du livre blanc n'est pas d'expliquer le
fédéralisme canadien, mais d'abord de nous décrire
l'option de la souveraineté-association.
Dans cette partie du livre blanc, le gouvernement n'a fait que
dénigrer le système fédéral actuel. Pourquoi,
dès le début du livre, le gouvernement sent-il le besoin de
déclarer, en parlant de l'histoire du Québec peu après la
conquête de 1760 c'est à la page 3 que "tôt ou
tard, cette société eût secoué le joug colonial et
acquis son indépendance, comme ce fut le cas, en 1776, pour les
Etats-Unis d'Amérique"?
Ce genre de remarque n'a qu'un seul but, manipuler l'esprit du lecteur
pour lui faire croire que la souveraineté constitue, comme on
l'écrit plus loin, l'expression contemporaine de la continuité
québécoise. On retrouve également, à plusieurs
reprises, des commentaires dans le sens qu'il est illusoire de penser
renouveler le fédéralisme de façon à contenter
à la fois le Québec et le reste du Canada, ou encore que
l'histoire récente prouve l'impossibilité de renouveler le
fédéralisme canadien de façon qu'il réponde
à la fois aux besoins du Québec et à ceux du Canada.
On a même jusqu'à posé un jugement très
sévère à l'endroit du gouvernement Clark, avant même
que ce dernier ait eu la chance de faire ses preuves. On feint alors d'ignorer
le fait que ce nouveau gouvernement central véhicule une philosophie
constitutionnelle diamétralement opposée à celle de son
prédécesseur. C'est sans doute sans importance pour un
gouvernement qui cherche l'indépendance politique du Québec, car
s'il y a un point qui m'apparaît de plus en plus clair maintenant,
même si le gouvernement se refuse de le dire expressément et
préfère jouer un peu à cache-cache sur le but ultime de sa
stratégie, c'est que l'option péquiste de
souveraineté-association, c'est essentiellement la même chose que
l'indépendance politique tout court.
Les Québécois ne pourront plus se méprendre, comme
l'a démontré le dernier sondage CROP, sur la perception des
problèmes constitutionnels par la population du Québec. La
souveraineté-association, c'est la fin, la négociation même
du fédéralisme. Pas de gouvernement central. Pas de
députés à Ottawa. Il y a lieu de croire que lorsque les
Québécois auront pris conscience de cette réalité
fondamentale de la thèse péquiste, le grand nombre d'entre eux
qui l'ignoraient toujours, selon ce même sondage CROP, environ 46%,
s'opposeront à ce que leur gouvernement provincial brise le lien
fédéral pour se lancer, pieds et mains liés, dans le vide,
sans aucune garantie qu'il sera possible de protéger le niveau de vie
actuel des citoyens québécois.
Il faut signaler également que, tant dans sa critique du
fédéralisme canadien que dans sa description de la
souveraineté-association, le gouvernement se sert très
subtilement de la notion d'autonomie, sachant très bien que les
Québécois demeurent attachés à celle-ci. C'est sans
aucune hésitation que le livre blanc fait une équation entre le
désir traditionnel d'autonomie manifesté à maintes
reprises par les Québécois et le désir du gouvernement
Lévesque d'en arriver à la souveraineté ou à
l'indépendance politique du Québec. C'est ainsi qu'il ose
définir le concept de souveraineté-association comme suit: Une
nouvelle entente Québec-Canada capable d'allier l'autonomie politique
avec l'interdépendance économique. Depuis quand, dans l'esprit
des Québécois, l'autonomie est-elle synonyme
d'indépendance, sinon dans le seul esprit des péquistes qui
jouent indistinctement sur les mots?
En guise de conclusion, M. le Président, je reprends ce que
disait M. Biron le 2 décembre 1977, à savoir que la nature ne
fait pas de bonds. Au total, je suis fort conscient d'avoir soulevé
quantité de questions, mais pour me rendre comp-
te que le gouvernement a besoin de beaucoup de temps encore avant de
pouvoir parler à l'avenir avec assurance de sa thèse
d'association.
À moins que le ministre, pour des motifs stratégiques, ne
veuille pas nous dire tout ce qu'il sait, lui qui, le 19 mars 1977,
déclarait dans le Soleil: "Je suis plus avancé que je vous le
dis". Si tel est le cas, je dis qu'il fait injure à l'Assemblée
nationale, à la presse écrite et parlée et au grand
public. Sinon, je dis qu'il fait du bluff.
Sous toutes ces réserves, j'ai le goût de dire aujourd'hui
que la thèse du PQ est essentiellement une thèse de
souveraineté et d'indépendance, l'accommodement de cette
idée d'association étant davantage stratégique
qu'idéologique.
Le cas échéant, je dis que les gens en face manquent de
courage et qu'ils feraient bien mieux de parler tout simplement de
souveraineté ou d'indépendance puisque, de toute façon,
toutes ces questions d'association commerciale, d'association douanière
et d'association monétaire existent déjà et ne demandent
qu'à être ajustées de façon à ce que chacune
des régions du pays actuel, le Québec en particulier, comme foyer
principal des Canadiens d'expression française, puisse y avoir vraiment
son mot à dire. Parler ainsi, c'est parler de fédéralisme
renouvelé et en profondeur. C'est parler d'égalité des
deux peuples fondateurs du Canada et de ceux qui les prolongent dans le pays et
dans le temps.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. M. le ministre des Affaires
intergouvernementales, vous avez maintenant la parole.
Réponse du ministre M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Ce
qui aurait été commode, cela aurait été de
disposer, avant l'instant même où cela a été lu, des
remarques des deux orateurs qui ont précédé. J'ai
tenté, en les écoutant, systématiquement de prendre note
de ce qu'ils avançaient pour y revenir. C'était physiquement
impossible parce qu'ils ont parlé peut-être, je ne sais pas, une
quarantaine de minutes et que leurs textes, je pense, sont assez denses, et que
les deux font allusion à des parties différentes du livre blanc
et ont un cheminement différent.
Par conséquent, cela m'est impossible de reprendre une à
une les affirmations qui ont été faites. Ce que je voudrais
faire, si vous êtes d'accord, ce serait donner quelques réponses
maintenant avec ce que j'ai pu retenir et présenter aussi le livre blanc
dans l'optique où nous nous sommes situés, quitte, plus tard au
cours de la conversation, à revenir sur des points que j'aurais pu
oublier.
Je voudrais aussi signaler une autre chose. Lorsqu'il s'agit de
questions qui font état de diverses statistiques j'en ai une ici
que je vais utiliser dans une seconde il faudrait quand même se
souvenir que, pour y répondre adéquate- ment, il faudrait
disposer ici même dans cette salle de tous les renseignements et de tous
les documents historiques qui sont nécessaires, ce qui n'est pas, non
plus, physiquement possible. Je pense que tout le monde comprendra cela.
Je voudrais commencer en citant une phrase très sage cela
s'adresse au premier intervenant, le député d'Outremont de
l'auteur britannique très connu, qui s'appelle George Bernard Shaw. Cela
tombe bien ce matin, parce qu'ici même à côté de moi,
il y a deux économistes et j'en suis un moi-même. Le
député d'Outremont en est un lui aussi. George Bernard Shaw
disait: "Alignez tous les économistes du monde l'un à
côté de l'autre et ils n'arriveront à la longueur d'une
conclusion".
Je veux dire par là ceci: II est toujours possible, en analysant
n'importe quel phénomène humain, de le présenter dans
telle ou telle optique, d'utiliser, en toute bonne foi, des
éléments de preuve qui paraissent, disons, démontrer
l'idée qu'on peut avoir et de le faire sans du tout avoir l'intention de
tromper qui que ce soit. Je pense que c'est cela, la liberté de penser
et la liberté de parole.
En conséquence, ce que nous avons fait dans le livre blanc, c'est
que nous avons présenté une interprétation aussi
honnête que possible de ce qui pour nous est l'histoire du Québec
et du fédéralisme. J'ai été frappé de
constater tantôt que le député d'Outremont s'en est surtout
tenu aux premières pages du livre blanc. J'imagine qu'il va revenir au
reste tout à l'heure, parce que, quand même, dans le reste aussi,
il y a des éléments majeurs qui méritent d'être
discutés. À cet égard, le député de
Mégantic-Compton est allé plus loin et je lui en suis
reconnaissant.
Quand je disais qu'on peut utiliser des éléments de preuve
de diverses façons, je vais vous donner un exemple de cela.
Tantôt, le député d'Outremont a mentionné qu'au fond
il n'y avait pas de centralisation au Canada et qu'au fond ce régime
fédéral, contrairement à des assertions courantes, en
était arrivé à être tout à fait
décentralisé. Il a utilisé la proportion de
dépenses fédérales et de revenus fédéraux
je n'ai pu noter tout cela pour montrer, au fond, donc, que la
part fédérale dans ces dépenses avait diminué, de
telle sorte que, si elle a diminué, celle des provinces a
augmenté. Par conséquent, il n'y a pas de centralisation.
Pas plus tard que les 4 et 5 octobre de cette année,
c'est-à-dire il y a un peu plus d'un mois, un économiste de
l'ENAP, M. Jean-Luc Migué, que connaît certainement le
député d'Outremont un autre économiste a dit
ceci dans un document que j'ai trouvé extrêmement
intéressant où il démontre, au contraire, que la
centralisation qui est pratiquée au Canada par le gouvernement
fédéral est, comme il le dit, "un instrument de balkanisation".
Il démontre que cette centralisation, contrairement à certaines
données faciles qui peuvent être utilisées, non seulement
existe, mais s'accroît.
Je vais vous donner une preuve ici, un tableau tiré de la page 3
de son texte. Je n'ai pas pu vous le faire distribuer. Mais je ne sais pas si
je le peux;
c'est un texte qui appartient à M. Migué. Je pense qu'il a
été rendu public. Je pourrai peut-être le faire. Il dit
autre chose, bien sûr, mais je prends la partie qui traite de notre
sujet.
Voici quelques statistiques. La part du fédéral dans
l'ensemble des gouvernements au Canada, en ce qui concerne les dépenses:
en 1926, c'était 40%, en 1955, 64%. Alors, 40% en 1926, en 1955 64%,
donc, la part fédérale a considérablement augmenté.
De 1955 à 1970 elle a baissé effectivement. Elle est
passée de 64% en 1955 à 49% en 1970, donc on pourrait conclure de
cela qu'il y a effectivement, si on se fie seulement à ces
chiffres-là, une décentralisation. Mais ne voilà-t-il pas
que, de 1970 à 1977, elle est passée de 49% à 52%, ce qui
veut dire qu'on est en train de reprendre la marche vers une plus grande
centralisation, malgré les données apparentes qui ont pu
être fournies tantôt. À cet égard, il y a de nombreux
tableaux que je pourrais commenter, mais je pense que cela ennuierait tous ceux
qui nous écoutent. Ce que je veux dire, au fond, c'est, d'une part, que
si on se fie parce que je vais prendre ce point de l'argumentation du
député d'Outremont strictement à des chiffres
très secs, dégagés de la dynamique politique, qu'on trouve
dans des données statistiques fédérales ou
québécoises, il est possible, comme on l'a fait tantôt, de
montrer que la centralisation est moins grande qu'on peut le prétendre.
Mais ce n'est pas ce qu'il faut faire, je pense.
Il faut regarder l'évolution politique du Canada d'une
façon dynamique. Je vais utiliser un exemple. Il y a centralisation au
Canada qui est mesurée non pas par les volumes de dépenses,
encore que ce ne soit pas insignifiant, mais qui est mesurée par la
nature des domaines dans lesquels de plus en plus, au cours des récentes
années, le gouvernement fédéral est intervenu. C'est cela
qui est important. Quand vous dépensez, par exemple, $1 million en
routes, vous n'avez pas du tout le même effet sur une
société que quand vous dépensez $1 million en recherche
scientifique. Dans le premier cas c'est une dépense qui est
intéressante, bien sûr, mais ce n'est pas une dépense qui a
une portée sur le comportement de la société ou sur
l'orientation qu'on peut donner à une société comme c'est
le cas dans les dépenses sur la recherche, etc. Les dépenses sur
la culture ont aussi un effet différent que les dépenses
d'entretien des immeubles fédéraux ou provinciaux.
Tout cela pour dire qu'on va essayer de regarder cela au cours de
plusieurs années. C'est l'expérience que j'ai vécue
moi-même. On est en 1979, au cours des 20 dernières années,
de 1959 à 1979, quand on regarde les domaines dans lesquels le
gouvernement fédéral est intervenu et a assis sa présence,
on s'aperçoit que ce sont tous des domaines qui sont déterminants
lorsqu'ils sont contrôlés par un gouvernement pour l'avenir d'une
société. Je vous en donne quelques-uns. Je n'ai pas la liste
complète ici. Par exemple, le gouvernement fédéral est
maintenant très présent, et cela on le sait, dans le domaine des
communications. Il est très présent dans le domaine du
développement régional, dans le domaine de la recherche
scientifique dont j'ai parlé tantôt, dans le domaine de la
politique sociale, dans le domaine de l'aménagement des villes, dans le
domaine des consommateurs, dans le domaine de la publicité, dans le
domaine de la culture en général. En somme, le gouvernement
fédéral est intervenu dans des secteurs qui sont ceux qui sont
dynamiques par rapport à l'orientation d'une société. Ce
n'est pas mesuré dans les chiffres qui ont été
énoncés tantôt.
Toute l'analyse du livre blanc c'est là qu'on est en
porte-à-faux par rapport à ce que tantôt a mentionné
le député d'Outremont toute l'analyse du livre blanc veut
montrer et je pense que c'est démontré que ce qui
se passe actuellement dans le système dans lequel on est, c'est
qu'à cause de sa dynamique interne, à cause du fait qu'il y a
neuf provinces anglophones sur dix et qui ont le droit de penser comme elles
pensent, ces provinces, ce qui se passe c'est que vous avez l'émergence
au centre d'un gouvernement fédéral qui, année par
année, et constamment, même si parfois il y a des
ralentissements il y a peut-être un ralentissement
stratégique maintenant et je comprends, ici à Québec on
est à la veille d'avoir un référendum, alors le
gouvernement fédéral veut montrer patte blanche mais il y
a quand même, constamment, une prise en charge graduelle par la dynamique
du système des secteurs que nous, Québécois,
considérons, puisque nous formons une nation, comme étant
déterminants.
Ce que je dis là, je ne l'invente pas aujourd'hui. On le retrouve
textuellement et cela va intéresser le député de
Mégantic-Compton dans les positions traditionnelles de l'Union
Nationale et dans les documents de M. Daniel Johnson et de M. Jean-Jacques
Bertrand. On le retrouve dans les congrès de ce parti, de même
qu'on le retrouve aussi et j'ai été étonné
d'apprendre cela sous-jacent, dans l'exposé qui avait
été fait, en 1967 ou 1968, et qui, jusqu'à maintenant,
semble-t-il, d'après ce que disait le député de
Saint-Laurent l'autre jour, M. Forget, est encore la position officielle du
Parti libéral, dans le document de Paul Gérin-Lajoie, qui
représentait la fédération libérale. Je m'en
souviens d'autant plus qu'à l'époque j'étais plutôt
de tendance libérale; j'avais suivi cela avec grand
intérêt; c'était une sorte de mini-statut particulier qui
se dégageait. (11 heures)
Tout ce que je vous dis aujourd'hui comme dynamique du système
fédéral et comme centralisation qui est en train de se passer
dans des domaines dont le Québec a besoin de contrôler
l'application parce qu'il constitue une nation, tout ça, les partis qui
nous ont précédés s'en sont servis pour critiquer le
système fédéral et pour proposer des modifications
à ce système fédéral. Voici ce qui est
étonnant aujourd'hui et c'est peut-être là aussi le
résultat de la situation dans laquelle il y a une polarisation au
Québec concernant l'argumentation qui nous a été
présentée par le député d'Outremont tantôt.
Je reconnais
avec lui qu'il y a une faute de frappe, qui est d'ailleurs, telle
qu'elle est présentée, avantageuse pour le
fédéralisme, on va s'empresser de la corriger; il y a d'autres
fautes de frappe aussi, c'est normal dans un livre, il y aura d'autres
éditions, étant donné la grande demande; par
conséquent, on va s'en occuper. Cela étant dit, le cheminement,
et ça, c'est dangereux et, comme j'ai beaucoup d'amitié
pour lui, j'aime autant lui dire dans lequel vous êtes
engagé, dans votre attaque de la position que nous avons, droit que je
vous reconnais absolument, fait que, que vous le vouliez ou non, vous devenez
les défenseurs du statu quo.
Comment pourrez-vous vouloir modifier le régime parce que
c'est ce que vous dites que vous allez faire fédéral dans
lequel on est maintenant, parce que je pense que c'est ce que vous vouiez faire
jusqu'à preuve du contraire, comment pourrez-vous modifier ce
système et le changer substantiellement, si toute votre argumentation
est de démontrer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes?
C'est ça, la dynamique dans laquelle vous vous êtes
engagés. Je vous signale que c'est dangereux, vous êtes en train
de glisser tranquillement vers une conservation du statu quo, que vous le
vouliez ou non.
C'est un peu la même chose de l'Union Nationale d'ailleurs, encore
que, là, la critique du livre blanc qui a été faite
tantôt - je vais y revenir, j'espère que je n'oublierai pas
grand-chose me permet néanmoins de dégager, en ce qui
concerne l'Union Nationale, des motifs d'espérance un peu plus
fondés qu'en ce qui concerne le Parti libéral. Encore que...
M. Raynauld: Encore que...
M. Morin (Louis-Hébert): Je reviens donc au
député d'Outremont. Je signale en passant, c'est assez amusant
d'ailleurs, que lorsqu'il était au Conseil économique du Canada,
si je me souviens bien, c'est lui qui conseillait le gouvernement
fédéral pour qu'on laisse tomber à toutes fins utiles les
secteurs mous au Québec. Il est ce matin en train de nous prouver que le
fédéral s'en est fort bien occupé. Heureusement qu'il ne
l'a pas suivi, ce conseil, parce que ce serait tout à fait le contraire
qu'on aurait aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, on a perdu, au Québec, 20
000 emplois dans les secteurs mous, justement à cause des politiques
fédérales.
Il y a une chose que je vais clarifier ici, je ne dis pas que c'est
ça que le député d'Outremont a fait, c'est facile de
caricaturer le livre blanc, comme c'est facile de caricaturer n'importe quoi.
On n'a jamais prétendu que le système fédéral est
un système esclavagiste pour les provinces. On n'a jamais dit que
c'était un système, a priori, pourri, qu'il avait
été un drame et qu'on devrait le condamner, même pas
prononcer le mot qui s'applique au système.
Ce qu'on dit, au fond c'est ça notre raisonnement, c'est qu'il y
a eu des changements consti- tutionnels majeurs dans le Canada et au
Québec au cours des 200 dernières années et qu'au fur et
à mesure qu'on avançait un système succédait
à l'autre, soit pour améliorer la situation qui
précédait, soit pour, dans certains cas c'est
arrivé en 1840 tâcher de contrôler les Canadiens
français de l'époque, les Québécois futurs. Ce
qu'on dit, c'est que le système fédéral en 1867, on le dit
dans le livre blanc, je ne sais pas à quel endroit, a effectivement eu
un avantage, c'est qu'il a donné une sorte de mini-gouvernement aux
Québécois qui leur appartienne en propre. Parfait, très
bien, on reconnaît cet avantage, sauf qu'en 1979, au moment où on
est rendu, ça fait 20 ans que tout le monde critique le système
fédéral de façon très précise au
Québec, ça fait à peu près 100 ans que les premiers
ministres et les hommes politiques qui se sont succédé et
beaucoup de mouvements nationaux font la même chose. Ce qu'on dit
aujourd'hui, c'est qu'il faut remplacer ce système par autre chose et
nous faisons une proposition qui s'appelle la nouvelle entente
Québec-Canada, fondée sur les principes de la
souveraineté-association et le principe de l'égalité des
peuples fondateurs.
Tantôt nous en parlait, d'ailleurs, le député de
Mégantic-Compton. Il nous dit qu'il est d'accord avec le principe de
l'égalité des peuples fondateurs; nous aussi. Sauf que je n'ai
jamais entendu, de sa part en tout cas, ni récemment de la part de
l'Union Nationale, une façon de traduire dans les faits ce principe.
C'est ça qui est frappant. Je ne sais pas, je vais peut-être
oublier de vos questions, vous me les reposerez tout à l'heure, mais je
suis en train de parler d'autre chose, je vais le dire pendant que j'y pense,
on parle des réactions des autres provinces, des premiers ministes.
D'abord, ils ont réagi, la plupart d'entre eux, beaucoup d'entre eux,
physiquement, sans avoir reçu le livre blanc, c'était
évident. Je me souviens, je ne veux pas donner de nom, mais quand vous
avez les réactions le soir même de la parution du livre blanc,
alors que même dans l'Assemblée nationale, tout le monde n'a pas
reçu sa copie parce que tous n'étaient pas présents en
Chambre cette journée-là, c'est assez suspect. Laissons tomber ce
monde. Ce n'est pas tellement là-dessus que je veux intervenir.
Ce qui me frappe actuellement, je vais vous le démontrer par
trois cas. Samedi dernier, dans le Devoir, il y avait un titre qui disait: "M.
Robarts l'ancien premier ministre de l'Ontario voudrait que le
Québec comprenne qu'il n'est pas le seul à demander des
changements." Il y a une chose qui est frappante. M. Robarts ne dit pas quels
changements veulent les autres provinces. Motus là-dessus; silence. M.
Robarts n'est plus premier ministre, d'accord, il a peut-être
oublié des choses. D'accord, laissons-le.
M. Davis, lui, arrive à un summum. M. Davis, dont s'est fait ici
le défenseur le chef libéral hier, le porte-parole de l'Ontario
en Chambre, le premier ministre de l'Ontario a dit une chose il y a quelques
jours. Il condamne le livre blanc d'une
façon que je trouve absolument étroite. Il dit que c'est
une mentalité de ghetto qu'on impose aux Québécois alors
que c'est tout le contraire. Il est assez mal placé pour parler des
ghettos par rapport aux francophones. C'est un autre sujet. Sa position est
analysée d'ailleurs ce matin dans le Devoir.
Mais ce que je veux dire, c'est qu'une fois qu'il a tout dit à
quoi il s'opposait je n'ai malheureusement pas son texte il dit:
Maintenant, qu'est-ce que nous acceptons? Imaginez-vous qu'il a fait la grande
découverte du siècle. Il accepte que l'Ontario continue à
discuter pour améliorer le système. Point. Aucune proposition
précise là non plus.
Les premiers ministres de l'Ouest se réunissent, condamnent aussi
la souveraineté-association, mais ne proposent rien, eux non plus. Et
hier soir aux nouvelles, cerise sur le gâteau, on nous dit que M. Clark a
décidé de ne présenter aucune proposition; c'est fini,
aucune proposition constitutionnelle actuellement. Et celles qu'on analyse aux
conférences constitutionnelles des ministres, dont une à laquelle
j'ai assisté à Halifax il y a deux ou trois semaines, sont
simplement des reliquats de l'ancien gouvernement libéral, et
déjà, ce n'était pas des grandes découvertes des
temps modernes.
En d'autres termes qu'est-ce qu'on a devant nous pour résumer
tout ce que je veux dire? Du monde qui s'oppose à la
souveraineté-association, mais qui n'a rien à proposer pour
modifier le système. Du monde qui dit qu'il va changer tout le
système. Et c'est le même monde pas tout à fait le
même monde, parce qu'il y en a qui n'étaient pas premiers
ministres à l'époque, mais leurs prédécesseurs,
c'est la même famille de pensée politique en 1965, qui
rejetait, à toutes fins utiles, certaines conclusions importantes de
Lau-rendeau-Dunton, justement celles qui portent sur les peuples fondateurs
on n'a jamais pu savoir ce que cela aurait donné en pratique,
parce que c'est mort qui rejette aussi en n'en parlant tout simplement
pas, le rapport Pépin-Robarts. Ce monde-là, au fond, est contre
mais on ne sait pas pour quoi il est, sauf qu'il faudrait continuer à en
parler.
Pour M. Blakeney de la Saskatchewan, c'est la même chose. Il
dénonce nos positions, ce qui est son droit fondamental, c'est normal.
D'un autre côté, il vient à Québec le dire, mais ne
propose rien. Donc, devant nous du monde qui ne propose rien, mais qui est
contre la souveraineté-association.
Voici la question qu'on doit se poser: Est-ce que c'est contre la
souveraineté-association qu'ils sont? Je vais vous dire quelque chose.
Ce n'est pas contre la souveraineté-association qu'ils sont. Ils sont
contre l'indépendance, contre la souveraineté-association, contre
le statut particulier, contre le fédéralisme
décentralisé qu'ont réclamé les gouvernements
québécois. Ils sont contre tout ce qui, au fond, pourrait
conduire à une diminution, à leurs yeux, du rôle qu'ils
considèrent essentiel du gouvernement fédéral. Ce contre
quoi ils sont, c'est l'aspiration québécoise traditionnelle.
Si on avait, nous autres, comme gouvernement et on va s'amuser
deux secondes à faire de la politique-fiction proposé le
statut particulier, ils feraient la même chose. Si on avait
proposé l'indépendance complète, ils feraient la
même chose. Si on avait proposé un fédéralisme
très décentralisé, ils auraient fait la même chose,
parce qu'ils l'ont déjà fait. Les propositions de Daniel Johnson,
en 1967-1968, n'ont jamais été acceptées. La proposition,
beaucoup plus timide et modeste de M. Bourassa, de souveraineté
culturelle, n'a jamais été acceptée.
Ce monde-là, qu'est-ce qu'il veut? C'est son jeu politique et il
a droit de le faire. Mais il ne faut quand même pas être dupe. Il
veut faire deux choses: premièrement, dire aux Québécois,
pardessus notre tête nous sommes en démocratie, c'est bien
sûr qu'on laisse tout le monde parler et c'est parfaitement correct;
d'ailleurs, les communications étant ce qu'elles sont, tout se sait:
N'allez pas dire oui au référendum, parce que nous autres, on ne
vous parlera pas. Mais si le référendum portait sur le statut
particulier, ils diraient: N'allez pas dire oui, on ne vous parlera pas. S'il
portait sur le transfert des allocations familiales je vais caricaturer
ils diraient non aussi, jusqu'à ce qu'on dise oui au
référendum. C'est une première chose qu'ils veulent
démontrer.
La deuxième chose qu'ils veulent démontrer, je devrais
dire faire, car ce n'est peut-être pas une démonstration, c'est
gagner du temps. La grande technique depuis quinze ans dans cela, c'est de
gagner du temps de la part de nos partenaires ou des gens avec qui on discute
dans le reste du Canada. Je les comprends.
Là, j'arrive avec une autre considération. Le
député de Mégantic-Compton je me trouve à
répondre à sa question nous dit qu'on n'a pas
démontré l'impossibilité de renouveler le
fédéralisme. Pour l'amour du bon Dieu, on fait allusion dans le
livre blanc à tout ce que je suis en train de vous dire! Peut-être
qu'on aurait dû être plus détaillé, je ne le sais
pas. En tout cas, on ne peut pas faire des choses parfaites, mais on a fait ce
qu'on a pu.
Qu'est-ce qui se passe? Il se passe qu'on veut gagner du temps. C'est ce
qu'on a fait depuis quinze ou vingt ans. Bien sûr, on va nous dire: II y
a bien des changements. Il y a des attitudes qui changent. Ils vont nous dire:
Dans l'Ouest, ils sont aussi autonomes que vous autres. Là, M. Robarts
dit: Toutes les provinces veulent des changements. Attention et ne nous
trompons pas! Le fédéralisme renouvelé, comme les
Québécois le comprennent en majorité, cela veut dire un
fédéralisme vraiment transformé. Or, cette transformation
que les Québécois veulent apporter au fédéralisme
suppose un tel transfert de pouvoirs d'Ottawa vers Québec que cela n'est
pas acceptable au reste du Canada. Le fédéralisme, comme
système politique canadien, ne peut pas entraîner ou donner
naissance, à cause de la majorité canadienne anglaise, au
fédéralisme renouvelé que voudraient les
Québécois. C'est contraire à leur conception. Pourquoi?
Mettez-vous à leur place. Je les comprends et je ne peux pas les
obstiner.
Eux autres, ce qu'ils veulent, c'est un gouvernement central fort et des
gouvernements provinciaux forts. En d'autres termes, des choses qui peuvent
être difficilement conciliables, mais qui se défendent.
Revenons à nos provinces de l'Ouest. Quand on nous dit: L'Alberta
est aussi autonomiste que le Québec, un instant, une minute! L'Alberta
est aussi autonomiste que le Québec en ce qui concerne les richesses
naturelles, point. C'est facile, cela mêle le débat; on est en
train, dans la discussion préréférendaire actuellement, de
nous dire: II y a peut-être une notion québécoise, parce
que cela est difficile à nier, mais peut-être que cela existe, de
l'autre côté. Il y a toutes sortes d'autres notions qui existent
au Canada. L'Alberta est aussi déterminée que le Québec
à avoir une autonomie. Ce n'est pas vrai. L'Alberta critique le
gouvernement fédéral, comme la Colombie-Britannique peut le
faire, comme tout le monde le fait. C'est normal, cela se fait partout dans
n'importe quel régime fédéral démocratique. Mais ce
que l'Alberta veut, c'est essentiellement une correction à la
constitution pour lui donner l'entière responsabilité dans les
richesses naturelles sans intervention fédérale. Quand elle aura
eu cela, qu'il y ait une intervention fédérale en communications,
en éducation ou en n'importe quoi qui, pour nous, est vital, cela ne la
préoccupe pas, de sorte que, quand on équivaut Alberta et
Québec en disant: Les deux provinces veulent un même-degré
d'autonomie, on se trompe; on mêle des choux et des raves. Ce n'est pas
cela. Il faut quand même le savoir dans le débat constitutionnel
québécois.
Le fédéralisme, je suis convaincu qu'il est possible de le
retoucher, mais pas de le renouveler. Le retoucher, on peut le faire n'importe
quand. La technique habituelle, c'est d'utiliser des ententes administratives.
La caractéristique d'une entente administrative on en a eu dans
le passé; j'en ai signé moi-même comme sous-ministre et
j'ai dû en signer d'autres comme ministre aussi entre Ottawa et
Québec, c'est que, d'une part, elle ne change pas la situation
constitutionnelle. Cela peut être changé n'importe quand. Il y en
a une entente administrative qui vient d'avoir lieu en ce qui concerne les
droits miniers sous-marins entre Ottawa et Terre-Neuve. Cela ne change rien
à la constitution. Cela ne change rien à l'équilibre
politique canadien. C'est cela que le Québec traditionnellement veut
changer. Les ententes administratives ont aussi comme caractéristique, a
priori, d'être étendues à toutes les provinces dans le
même cas, de sorte qu'on est sûr qu'on ne crée pas de statut
particulier et cela a comme autre caractéristique d'être, par
essence, temporaire et d'être révocable. Ce n'est pas cela, le
fédéralisme renouvelé, à moins qu'on ne se soit pas
compris au cours des dernières années. Je ne sais plus si j'ai un
droit de parole qui continue. Il y a d'autres questions qui m'ont
été posées.
Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales, pour permettre un meilleur équilibre dans
l'exercice du droit de pa- role, je vais vous demander de tirer une conclusion
pour le moment en tout cas, à tout le moins une conclusion provisoire
pour céder la parole à M. le député
d'Outremont.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais la tirer, oui. C'est
parce que j'ai oublié des choses qu'ils m'ont demandées
tantôt et je ne veux pas me faire reprocher cela. Ah oui! J'ai une
question, justement, qui est importante de la part du député
de... À moins que je n'arrête pour continuer après.
M. Raynauld: Peut-être. On va y revenir.
M. Morin (Louis-Hébert): Là, je vais terminer en
disant seulement ceci: Etant moi-même un partisan forcené de
l'équilibre et du sens commun, je vais arrêter pour l'instant. Je
voudrais revenir à des questions que je sais que j'ai oublié de
traiter, parce que je les vois devant moi et qu'elles me sont parties de
l'idée en répondant. Allons-y et on continuera tantôt.
Le Président: M. le député d'Outremont. (11
h 15)
Discussion générale
M. Raynauld: En effet, il faudrait peut-être que le
ministre continue encore longtemps, parce que j'avais soulevé treize
points. Il a réagi sur deux. Il reste encore de la marge. Pour faire
avancer le débat un peu, je vais quand même réagir sur un
certain nombre de points que le ministre a mentionnés. D'abord, sa
blague sur les économistes, il y en a beaucoup de ces blagues. Il y en a
une autre qui est attribuée à Churchill, qui disait qu'il avait
quatre conseillers, mais qu'il avait toujours cinq réponses, parce que
parmi ces conseillers, il y avait John Maynard Keynes qui en donnait toujours
deux.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela confirme ce que je disais.
On est d'accord.
M. Raynauld: C'est une chose qui est facile. Je pense que cela ne
résiste pas non plus à une analyse sérieuse, ces blagues.
La preuve, c'est que le ministre a cité le professeur Migué, que
je connais bien. Je connais aussi l'article dont il a parlé. Je voudrais
lui dire qu'à la page 3 des statistiques que je lui ai fournies, je dis
exactement la même chose que M. Migué. Qu'il lise le tableau.
C'est vrai que, depuis 1970, il y a eu un ralentissement dans les transferts
des ressources aux provinces. Il n'y a pas de contradiction là. Il n'y a
aucune contradiction entre ce que M. Migué dit et la preuve documentaire
que je vous ai donnée sur le transfert des ressources. La seule
différence, c'est que je prends une perspective un peu plus longue que
la sienne, mais il n'y a pas de contradiction. Donc, je pense que la blague
n'était pas appropriée dans les circonstances.
Le deuxième point, quand le ministre affirme que nous sommes dans
une situation très difficile, nous, les fédéralistes,
parce qu'à défendre le
fédéralisme, on veut défendre le statu quo, je lui
dirai, en réponse à cela, qu'on est en bonne compagnie, parce que
le Parti québécois est exactement dans la même situation.
Le Parti québécois a pris les 31 premières pages du livre
blanc pour dire toutes les choses qui ne fonctionnaient pas dans le
fédéralisme, et tout à coup, il arrive un chapitre,
à la fin, sur le Québec, terre d'avenir. Là, on est beau,
on est jeune, on est compétent, on est fier, on est extraordinaire.
M. Morin (Louis-Hébert): Très bien, continuez.
M. Raynauld: Si on est si bon que cela, il faut peut-être
se rappeler qu'on est encore dans un régime fédéral, et
par conséquent, c'est le fédéralisme qui a aussi permis ce
genre de choses. Si on est si bon et si fin que cela, c'est peut-être
justement la preuve que le fédéralisme n'a pas été
si oppressif, que le fédéralisme n'a pas réduit nos
libertés au point de supprimer l'usage de la langue française au
Québec, au point de nous rendre tous incompétents et gagas.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit cela.
M. Raynauld: Non, mais je réponds à la question, M.
le ministre. Vous avez présenté votre point de vue. Vous nous
dites qu'on défend toujours le statu quo. Je dirai à cela que des
deux côtés, c'est de la caricature, parce que, d'une part, il est
bien évident que nous ne défendons pas le statu quo, les
fédéralistes. C'est vrai qu'on essaie de faire contrepoids
à des dossiers noirs que vous présentez continuellement sur le
fédéralisme. On n'est pas pour le statu quo et vous le savez.
Vous savez que les fédéralistes libéraux du Québec,
à l'heure actuelle, veulent un changement dans le système
fédéral. Par conséquent, il n'est pas vrai de dire que
nous sommes toujours ramenés au statu quo. C'est bien sûr que,
comme vous êtes en politique vous aussi il n'y a pas seulement
ceux des autres provinces vous aimez cela essayer de nous cantonner sur
le statu quo, mais vous savez aussi que ce n'est pas vrai.
Troisième point, je voudrais seulement faire une très
brève remarque sur la question des secteurs mous et les positions que
j'ai pu tenir sur ces sujets. Je pense qu'on essaie de répandre
l'idée, et je regrette que le ministre s'adonne à ce genre
d'insinuations, parce qu'il y en a d'autres qui le font de façon
beaucoup plus directe, dont le candidat du Parti québécois dans
la Beauce, qui fait paraître des annonces pour dire que je suis le
responsable des pertes d'emplois dans le vêtement de la Beauce. Je trouve
cela un peu fort. Que !e ministre aille appuyer ce genre de déclaration,
je pense que c'est indigne de lui.
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que j'ai droit à
des questions de privilège? Je ne connais pas trop les
règlements, mais il y a quelque chose qui n'est pas correct.
M. Raynauld: II n'y a pas de question de privilège non
plus.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'avais pas la moindre
idée de l'annonce dont vous parlez dans la Beauce. Incidemment,
avez-vous idée des annonces de votre candidat? Cela pourrait
peut-être vous intéresser. Deuxièmement, ce que j'ai dit,
c'est que quand vous étiez au Conseil économique du Canada
ce sont des documents que n'importe qui peut consulter vous avez
effectivement, à toutes fins utiles, dit à l'époque que
les secteurs mous au Québec, c'était à peu près
fini, il faudrait arrêter de soutenir cela artificiellement. Si ce n'est
pas vrai, corrigez-moi, c'est ce que j'ai dit. Je n'ai pas parlé de
Raymond Boisvert.
M. Raynauld: Je vais justement corriger ça, M. le
Président. Je n'ai jamais dit ça. Je suis en faveur d'une
politique générale de libéralisation des échanges
réciproques de la part des autres pays, autant que du nôtre.
Deuxième point: Sur les secteurs mous proprement dits, j'ai toujours
reconnu la nécessité d'attendre, pendant un certain temps, avant
de réduire tous les tarifs là-dessus, justement parce que ce sont
des secteurs mous. À cet égard, je me trouve exactement dans la
même situation et dans la même position et j'ai exactement le
même avis que le ministre des Finances du Québec, dont j'ai
cité tout à l'heure la déclaration. Je suis exactement
dans la même situation que lui. Je reconnais qu'il faille, de
façon temporaire et pour une période de quatre à cinq ans,
donner une chance. On l'a donnée, la chance, et là j'ai
hâte de voir ce que le ministre des Finances va faire. Mais on l'a
donnée, la chance. Il a demandé une protection spéciale
pour les secteurs mous pendant quatre ans. La quatrième année,
c'est 1981, je pense. Au bout de cette période, le ministre des Finaces
du Parti québécois dit: Tant pis pour les canards boiteux. Pour
ma part, je vais même plus loin que lui. Je suis plus protectionniste que
lui, parce qu'au conseil économique nous avons dit qu'on pouvait aller
au moins jusqu'à 1985.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, on est
à côté du sujet complètement.
M. Raynauld: Oui, j'ai terminé.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah bon! très bien!
M. Raynauld: J'ai terminé ce sujet. C'était
simplement pour relever une insinuation que le ministre a faite et qui est trop
répandue pour que je la laisse passer.
Le dernier point celui-là va intéresser davantage
le ministre c'est à propos de ses réflexions sur les
autres premiers ministres et les autres partenaires que nous avons au Canada.
Je voudrais simplement lui faire observer que, si nos partenaires canadiens,
à l'heure actuelle, affirment avec autant de force qu'ils ne veulent pas
négocier la souveraineté-association avec le Québec, je
pense qu'il serait élémentaire, de la part d'un gouvernement qui
veut faire avancer la collectivité que nous défendons tous, d'en
prendre acte et de voir à tirer les conclusions. Je ne pense pas que
le
gouvernement est prêt actuellement à évaluer les
conséquences. Parce que ça prouve deux choses. La
première, ça prouve que ces partenaires défendent leurs
intérêts comme nous, nous défendons nos
intérêts. Cela, c'est le premier point. Le ministre des Affaires
intergouvernementales, depuis de nombreuses années, si je regarde la
documentation du Parti québécois, a toujours pensé, a
toujours dit que nous, nous avions tellement d'actifs à défendre
et tellement d'arguments économiques qu'on était capable de faire
plier le reste du Canada pour l'amener à adopter nos points de vue et
à accepter nos propres règles du jeu. Je pense que ça,
c'était une fausseté et, là, on est en train de le voir.
Nos partenaires ne pensent pas que le Québec a tellement d'atout dans
son jeu qu'il pourra faire et imposer ses propres règles du jeu dans le
fonctionnement de l'économie canadienne. Cela, c'est le premier
point.
Le deuxième, ça prouve une deuxième chose...
M. Morin (Louis-Hébert): J'aurais une question à
poser là-dessus.
M. Raynauld: Excusez-moi. Je veux bien.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est important. Est-ce que
ça signifie, dans cette perspective, qu'en ce qui vous concerne, par
exemple, et en ce qui nous concerne, nous, on devrait, comme maximum de
demandes, se contenter du minimum que les autres acceptent? En d'autres mots,
est-ce qu'on doit partir de ce que le reste du Canada veut pour
déterminer le statut politique ou, si vous voulez, la place du
Québec dans le fédéralisme, selon votre position?
M. Raynauld: Le ministre, je pense, est plus...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais c'est important comme
question.
M. Raynauld: ... sophistiqué que ça. Je pense qu'il
est beaucoup plus sophistiqué que ça. Il sait la réponse
à la question qu'il pose. Il faut évaluer les
intérêts des uns et des autres dans une négociation. Il
faut voir quelles sont les choses auxquelles ils tiennent le plus et, compte
tenu de ça, adapter nos propres stratégies. Cela veut dire une
chose, à mon point de vue à moi, mais lui. ne l'acceptera pas.
C'est que le reste des Canadiens, en dehors du Québec, attachent une
grande importance à l'intégrité du pays et, si les
Québécois disent aux autres Canadiens: Nous voulons rester dans
un pays qui s'appelle le Canada, nous obtiendrons plus de compromis de leur
part que si on leur dit: Nous allons sortir du pays et, ensuite, on
négociera une association avec vous. C'est ça, la conclusion
politique qu'on doit tirer...
M. Morin (Louis-Hébert): Pourquoi cela n'a-t-il pas
été fait avant?
M. Raynauld: ... à mon avis...
M. Morin (Louis-Hébert): Pourquoi cela n'a-t-il pas
été fait avant, ça?
M. Raynauld: ... de la situation.
M. Morin (Louis-Hébert): Si c'est vrai, pourquoi cela
n'a-t-il pas été fait?
M. Raynauld: Cela n'a pas été fait, parce que c'est
un processus évolutif...
M. Morin (Louis-Hébert): Bien...
M. Raynauld: ... et le ministre suppose continuellement qu'il n'y
a eu aucune espèce d'évolution, qu'elle a toujours
été, en fait, contre les intérêts des
Québécois, ce que nous ne pensons pas. Nous ne pensons pas que
ça s'est fait comme ça. Au contraire, nous pensons que, par
exemple, la Loi des langues officielles à Ottawa a été un
progrès sur la situation antérieure.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne vous parle pas de cela. Je
vous parle du changement quant au système fédéral, de
révolution du fédéralisme.
M. Raynauld: Mais au fédéral, il n'y a pas eu de
changement à la constitution parce que le Québec s'y est toujours
opposé. C'est très clair.
M. Morin (Louis-Hébert): Un instant. C'était le
Parti libéral qui était au pouvoir en 1971, quand M. Bourassa a
refusé la Charte de Victoria, avec raison, d'ailleurs.
M. Raynauld: Ah oui, sur votre conseil. Je le sais.
M. Morin (Louis-Hébert): Mais à ce moment, il
fallait savoir de quoi retournait cette Charte de Victoria, qui aurait
été, au fond, la concrétisation d'un statu quo avec
quelques changements à des institutions fédérales, sans
vraiment modifier le rapport de forces entre Québec et Ottawa.
M. Raynauld: Enfin, je voudrais revenir au livre blanc, si vous
me le permettez, M. le Président. Le ministre m'a interrompu deux fois.
J'avais deux observations à faire sur les positions des partenaires du
Québec. Concernant la première, j'ai dit que ces gens
défendaient leurs intérêts et qu'il fallait, à ce
moment, avoir une stratégie qui ne conduise pas à une
rupture.
La deuxième conclusion que je tire des positions qui sont prises
à l'heure actuelle, c'est qu'une association ne marchera pas. Une
association qui est basée sur une souveraineté du Québec
ne fonctionnera pas et, par conséquent, on rêve en couleur
à l'heure actuelle, sauf dans un cas, sauf si le gouvernement du
Québec est prêt à sacrifier l'association et à faire
l'indépendance, quelles que soient les réactions de nos voisins.
C'est possible s'il y a une majorité forte de Québécois en
faveur de cela. Mais le gouvernement sait très bien que cette
majorité n'existe pas pour l'indépendance pure et simple.
C'est là l'essentiel du livre blanc, je pense. En ce qui me
concerne, c'est la première fois que le gouvernement dit clairement que
c'est l'indépendance ou la souveraineté qu'il veut, aux pages 83
et 87. C'est la première fois, à ma connaissance, que le
gouvernement dit de façon aussi claire que les négociations ne
porteront pas sur l'association, mais qu'elles vont porter sur le transfert des
pouvoirs si le référendum est favorable à la position du
gouvernement du Québec. Par conséquent, je dis, compte tenu de la
situation politique qui existe au Canada, que le gouvernement s'en va dans une
impasse. Il sait que c'est une impasse, mais cela ne lui fait rien, parce qu'il
veut vendre sa salade à la population en disant qu'il veut
l'association, mais en sachant très bien que l'association sera
refusée et, à ce moment, il obtiendra l'indépendance par
défaut.
Ce sont les conclusions que je voudrais tirer pour l'instant. M. le
Président, je voudrais dire maintenant qu'aussitôt que ce sera
possible, j'aimerais passer à la deuxième partie, qui
intéresse encore davantage le ministre, le contenu, justement, de
l'association.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il y a
des questions qui viennent de m'être posées et là, je m'en
souviens. Alors, j'aimerais peut-être relever une couple de choses. Cela
va être très bref.
Le Président (M. Richard): Oui, mais...
M. Morin (Louis-Hébert): Ce sera très bref.
Premièrement, je pense que quand le député d'Outremont dit
que la négociation va porter sur le transfert des pouvoirs, point, il a
mal lu la page 87 où on dit: "Les négociations porteront aussi
sur la nature de l'association Québec-Canada... Quant au partage de
l'actif et des dettes..." Je pense que c'est très bien
précisé. C'était peut-être un oubli de sa part.
Mais, au contraire, on a vraiment esquissé là l'ensemble des
tables de négociation...
M. Raynauld: M. le Président, est-ce qu'il est possible
que je pose une question? Qu'est-ce que la phrase suivante veut dire: "Ces
négociations devront d'abord porter sur le rapatriement au Québec
des pouvoirs exercés par le Parlement fédéral et sur le
transfert des ressources correspondantes"?
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, je suis très content
que vous...
M. Raynauld: Est-ce qu'on charrie en disant que les
négociations vont porter sur le transfert? Parce que c'est écrit
"d'abord porter" là-dessus. Pourquoi vous nous dites que ce n'est pas
vrai?
M. Morin (Louis-Hébert): Un instant, on est en
porte-à-faux encore. Je n'ai jamais dit que cela ne porterait pas sur le
transfert; j'ai dit que cela portait aussi c'est ce que je viens dire
sur la nature de l'association et sur le partage de l'actif et du
passif. Pourquoi est-ce que cela porterait d'abord sur le rapatriement au
Québec des pouvoirs exercés par le Parlement
fédéral? Parce que c'est important, je suis content de la
question cela fait des années qu'on a des dossiers de prêts
sur les transferts de pouvoirs. Tous les gouvernements ont
négocié de ces choses. Cela n'a jamais rien donné. C'est
prêt. Cela veut dire que cela pourrait aller plus vite là-dedans,
de sorte que la négociation Québec-Ottawa, quant à cet
aspect, même si elle porte sur quelque chose de beaucoup plus
étendu, va s'y retrouver, parce qu'elle est plus familière avec
ce genre de discussion Québec-Ottawa. Je suis content de cette
précision que vous m'avez amené à apporter. Quand on dit
qu'elle doit d'abord porter sur le rapatriement, c'est plus facile de commencer
avec cela qu'avec l'actif et le passif sur lesquels la discussion va prendre
beaucoup plus de temps.
M. Raynauld: C'est plus facile de commencer... Mais, M. le
Président, je pense bien que la conséquence politique de cela,
c'est que si cela porte d'abord sur le rapatriement, cela veut dire que c'est
d'abord sur l'indépendance. "D'abord ", et l'autre mot vient
ensuite.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, ce n'est
vraiment pas correct, parce qu'on prend la peine ici de dire qu'il y aura
"trois ou quatre tables de négociation: pour le transfert des pouvoirs
et des ressources, pour l'association et les questions connexes, pour l'actif
et les dettes. Ces tables pourront siéger simultanément". C'est
écrit à la page 87. Le "d'abord" qui est là, c'est un
"d'abord" qui veut dire qu'on est plus familier avec cela et que c'est
peut-être la chose à laquelle on s'attaquera en premier. Il faudra
être très clair là-dessus. Cela ne veut pas dire qu'on fait
d'abord la souveraineté et qu'une fois qu'on a tout fait cela, quelque
temps après, on dit: Maintenant, on va négocier l'association, au
cas où cela vous intéresserait. C'est simultané et je dis
cela pour répondre au député de Mégantic-Compton
qui tantôt se demandait comment on pourrait être simultané.
C'est simultané, nous le disons là-dedans. C'est l'ensemble qu'on
va discuter, parce que la souveraineté et l'association sont
indissociables.
Le Président (M. Richard): M. le député de '
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, il y aurait certains points
qu'on pourrait relever des observations faites par le ministre, mais je m'en
tiendrai à une couple de questions plus fondamentales. Au
préalable, je me souviens que le ministre avait dit dans cette Chambre
de notre proposition de fédéralisme décentralisé
que notre parti avait eu le courage de présenter une option qui
était valable c'était le ministre qui parlait et qui
valait probablement d'être défendue. C'étaient à peu
près les propos du ministre, à ce moment-là.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aimerais que vos
collègues libéraux aient la même clarté.
M. Raynauld: Cela viendra. Ce ne sera pas long.
M. Grenier: Je dois vous avouer aussi ce matin que j'avais
été le porte-parole de ma formation politique devant la
commission Pépin-Robarts pour soumettre ce document. J'ai fait un
résumé ce matin du document qu'on avait soumis. Il y avait
quelqu'un à la commission, qu'on connaît un peu mieux maintenant
et qui s'appelle Mme Chaput-Rolland, qui disait que, pour une fois, enfin, un
parti s'était décidé à proposer une option valable
et bien défendable qui avait grand intérêt à
être davantage approfondie. Aussi, à propos de ce qu'on disait
tout à l'heure du gouvernement central, je ne veux pas, bien sûr,
entrer en profondeur, mais il est clair que le gouvernement semble ne pas tenir
suffisamment compte du changement qui est arrivé à Ottawa.
Très largement, bien sûr, sans entrer dans les détails, on
constate que l'ancien gouvernement libéral était très
centralisateur, alors avec les gestes qui ont été posés
par l'actuel gouvernement, on voit que le premier ministre, M. Clark, est un
homme diamétralement opposé à l'ancien gouvernement et
semble être capable de décentralisation. Il me semble que le
Québec devrait davantage en tenir compte dans le contexte actuel.
Dans quelques instants, je veux que le ministre réponde à
une question à laquelle il n'a pas répondu, qui apparaît
dans le livre blanc. Je disais tout à l'heure: Précisez donc
comment vous prévoyez l'entente avec le Canada sur la répartition
des avoirs et des dettes et sur la propriété des biens publics,
plus particulièrement des biens d'ordre culturel qui, en certaines
matières, appartiennent à la fois au patrimoine
québécois et au patrimoine canadien. J'ai donné l'exemple
de Radio-Canada. Le livre blanc dit ce qui suit: "Quant au partage de l'actif
et des dettes du Canada et du Québec, il faudra en arrêter les
principes généraux quitte à en reporter l'exécution
détaillée à une phase ultérieure". J'aimerais
savoir si le ministre pourrait être plus précis sur ce point et je
reviendrai ensuite avec une autre question qui m'intéresse encore
davantage que celle-là.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le
député. Effectivement, je veux revenir là-dessus parce que
je n'en ai pas assez parlé, bien que j'y aie fait allusion à
cause d'une question du député d'Outremont. Vous parlez de
Radio-Canada; vous avez parlé d'Air Canada aussi. Quand on dit, quelque
part dans le libre blanc, qu'il y a des possibilités de cogestion pour
Air Canada, je pense que cela veut dire que le Québec participe, comme
Québec, à la gestion et à l'orientation d'Air Canada qui
est quand même actuellement une propriété aussi en partie
des Québécois. Cela veut dire aussi une chose c'est
très important que les citoyens le sachent il n'y a personne qui
a envisagé une seconde ici au Québec de demander à Air
Canada de nous donner un quart des avions, de demander le
démantèlement du Canadien national pour demander un quart des
wagons. C'est beaucoup plus simple que cela.
M. Raynauld: Vous allez demander un tiers.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, merci. Si on demande quelque
chose, ce sera un tiers, selon le député. On vous prendra comme
conseiller, M. le député d'Outremont. On a besoin de tous les
talents, quels qu'ils soient.
Alors, ce qu'il est important de noter, c'est qu'on n'a pas l'intention
de briser ces institutions qui deviendront, de la façon dont nous les
envisageons, des institutions communautaires, des organismes qui appartiennent
à la communauté Québec-Canada et dans lesquels le
Québec sera représenté comme Québec.
Quel va être son poids relatif? Il est sûr, c'est important
de le dire, que le Québec ne demandera pas d'exercer un droit de veto
sur les horaires d'Air Canada. En d'autres termes, il faut être
raisonnable et je pense que, de ce côté, le principe qu'on a
élaboré en ce qui concerne la banque commune dont on a
parlé ailleurs, vaut. Cela vaut pour le Canadien national. Cela vaudra
pour d'autres sociétés fédérales, parce qu'il ne
s'agit pas de les détruire, il s'agit de transformer les
sociétés fédérales qui appartiennent au
gouvernement central en sociétés communautaires. Pour ce qui est
de Radio-Canada, c'est déjà fait. À toutes fins utiles, il
y a déjà un réseau français et un réseau
anglais, il y a déjà une association d'égal à
égal, si je peux m'exprimer dans ce domaine, ce qui prouve que c'est
hautement faisable, contrairement à ce que disait tantôt le
député d'Outremont.
À ce moment-là, le réseau français peut
très bien avoir, dans cette direction, une part
prépondérante du Québec, tandis que, pour le réseau
anglais, ça n'est pas du tout nécessaire, bien que le
Québec devra aussi être représenté, mais d'une
façon beaucoup moins massive.
Tout à l'heure, le député de
Mégantic-Compton parlait de la banque. C'est drôle, ce qui se
passe à ce sujet. On a dit, à propos de l'autorité
monétaire, que le Québec voudrait y exercer une
responsabilité et une influence qui soient correspondantes à son
poids économique. Cela nous a paru très raisonnable de mettre
ça, parce qu'on y voyait très bien, on n'est pas né de la
dernière pluie, on n'est pas tombé sur la tête non plus, on
s'est dit: C'est sûr que le Québec étant à peu
près 28% ou 30% de l'ensemble, selon le point de vue, ne peut pas
réclamer sur la politique monétaire de l'ensemble un droit de
veto. La politique monétaire, c'est important de le signaler, le
brillant économiste qu'est le député d'Outremont va
certainement confirmer ça, on s'est dit que la politique
monétaire du Canada aujourd'hui, cela a été dit hier ici
par le ministre des Finances, M. Parizeau, c'est un peu comme la chaloupe
accrochée au grand bateau américain, on suit à peu
près le même niveau.
Par conséquent, on n'a pas la latitude, en politique
monétaire, qu'on a dans d'autres domaines politiques. Si on n'a pas de
latitude dans ce domaine, comme Canada, on ne l'a pas non plus tellement comme
Québec, et ça ne dérange pas grand-chose au principe
d'égal à égal que notre représentation soit
fondée sur notre importance relative sur le plan économique. Mais
ce qui est frappant, c'est qu'alors qu'on nous reproche, d'un
côté, dans certaines attaques qu'on fait contre notre position, de
proposer une égalité d'ordre juridique entre les peuples du
Canada, entre la nation québécoise et les autres, on nous
reproche de ne pas avoir conservé cette égalité ou cette
parité en ce qui concerne la banque. De deux choses l'une, ou on est
contre la parité en question et on ne devrait pas nous reprocher de ne
pas l'avoir appliquée à la banque, ou on est pour la
parité, et, à ce moment-là, je comprends votre position.
Mais, si vous êtes pour la parité, cela a quand même des
conséquences sur les positions politiques des partis qui sont en face de
moi maintenant.
Vous parlez de l'attitude du nouveau gouvernement fédéral.
Je vais dire une chose que j'ai déjà dite publiquement, je pense
que je vais le répéter, il est beaucoup moins arrogant que son
prédécesseur et ça, vous savez, c'est quand même
rafraîchissant, quand on va à des réunions, de ne pas avoir
un certain nombre de faces de carême qu'on avait là avant et dont,
c'est important, le comportement, tel qu'il a pu être analysé, est
décrit dans un document qui vient d'être rendu public et que j'ai
ici d'ailleurs, "Interim Report and Relations between the government of Canada
and the province of Quebec". Excusez, il y avait un titre français, mais
j'ai le texte anglais. C'est le rapport sur les relations entre le gouvernement
du Canada et la province de Québec. On ne dit pas le Québec,
parce qu'à Ottawa, c'est toujours bon de dire que ce n'est qu'une
province, mais en tout cas...
On dit là-dedans, c'était dans les journaux hier et
avant-hier dans le Globe & Mail, que l'attitude des fédéraux
ça confirme pas mal des choses qu'on dit, par rapport au
Québec a été la cause d'un tas de frictions et de
chicanes. Si l'attitude du nouveau gouvernement fédéral est plus
ouverte à cet égard en ce qui concerne le respect qu'on doit aux
Québécois, parce que l'ancien gouvernement manquait de respect
envers les Québécois, il faisait preuve d'arrogance, il
considérait, a priori les gouvernements provinciaux comme des
créatures minables, dont on aurait pu se passer. Cela ne valait pas
seulement pour le Québec, ça valait pour les autres; aujourd'hui,
c'est plus rafraîchissant.
Est-ce que ça veut dire qu'on vient d'élire le
gouvernement qui serait une découverte du siècle? Non, c'est une
autre paire de manches à Ottawa et il est encore trop tôt, mais il
y a une chose qui est caractéristique de ce gouvernement, je le
comprends, il n'a pas beaucoup de représentants au Québec et, au
fond, il n'a pas de politique par rapport au Québec, la politique qu'il
a par rapport au Québec, c'est de ne pas en avoir, et ça
évite des chicanes, c'est d'essayer, autant que possible, de ne pas
avoir de prises de bec avec nous, et nous, comme on n'a pas
nécessairement envie d'en avoir avec tout le monde, pour une fois, on
n'en a pas avec eux.
Seulement, il arrive ceci. C'est une autre caractéristique, je
l'ai dit tantôt. Ce gouvernement ne propose rien quant aux changements du
système fédéral. Il n'y a pas une seule proposition qui a
été avancée par lui, depuis X mois qu'il est au
pouvoir.
Cela étant dit, c'est plus agréable de leur parler
qu'à ceux qui étaient là avant. Mais cela ne change pas le
système fédéral pour autant. Cela a même
confirmé une autre chose. Vous avez maintenant à Ottawa un
gouvernement dans lequel le Québec n'est pas représenté.
Historiquement, cela a toujours été ou à peu près
le cas. Le poids du Québec est en train de diminuer. Et là, on a
un gouvernement qui est élu par le reste du Canada. Actuellement, il
file doux, il sait qu'on s'en vient avec le référendum et il
pense le gagner en faisant le mort, ou enfin, qu'on le perde, parce que lui
ferait le mort. Il faut aussi tenir compte de cela. C'est évident dans
son comportement.
Cela étant dit, sur le plan humain, j'aime mieux cela que si
c'étaient des chicanes quotidiennes. Vous vous souvenez que sous
l'ancien gouvernement, à chaque matin, il y avait des horreurs qu'on
racontait sur nous autres. Incidemment, parlant d'horreurs, mais à
l'envers, notre bon ami, M. Chrétien, vous avez vu cela hier, lui, dit
qu'il va falloir négocier. Je n'ai pas la citation du journal, mais cela
a été mentionné en Chambre.
Quand on nous dit qu'il n'y a pas moyen de négocier, d'abord
eux-mêmes le reconnaissent, ils ne veulent pas négocier, ils le
reconnaissent aujourd'hui, ils vous le disent dans des conversations
privées. Je n'ai pas le droit de dire qui m'a dit telle chose, parce que
ce ne serait pas correct. Mais le même monde et j'ai vu cela
encore cette semaine qui dit: Jamais on ne négociera je
parle de politiciens d'autres provinces c'est ce même monde qui,
dans le particulier, nous dit: Vous autres, quand vous allez négocier
votre histoire d'association, après votre référendum, nous
autres, on veut être dans le groupe. On n'a pas envie que ce soit
seulement avec les fédéraux que vous fassiez cela. Le même
monde qui dit non, il se préoccupe du statut qu'il va avoir dans la
délégation du reste du Canada qui va nous parler. Il n'y a pas
seulement un gars qui m'a dit cela. S'il faut que je cite les noms un jour, je
le ferai, mais ce ne serait pas correct pour le moment. Il y a peut-être
quelques indices de qui m'a dit cela, parce qu'il y a un bonhomme qui s'en est
bien défendu l'autre jour...
M. Raynauld: II va finir par le dire.
M. Morin (Louis-Hébert): Pardon, je n'ai pas compris.
M. Grenier: On va finir par l'avoir.
M. Raynauld: Le ministre va finir par le dire.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aimerais bien cela le dire.
M. Raynauld: Cela a l'air à cela.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aimerais bien cela en nommer
trois ou quatre, mais c'est assez compliqué comme c'est là.
Est-ce que j'ai oublié de vos questions? Je ne voudrais vraiment
pas...
M. Grenier: Dans la question que je vous ai posée, je
pense que cela peut aller. Je ne dis pas que je suis satisfait de la
réponse, mais, en tout cas, c'est une réponse.
M. Morin (Louis-Hébert): Je serais bien
étonné de cela, mais en tout cas. Il y a des règles
politiques qui existent. On est tous poignés là-dedans. Il ne
faut jamais être contents de ce que disent les autres.
M. Grenier: Comme on est étonné d'entendre les
propos du ministre quand je faisais allusion tout à l'heure au
changement qu'il y avait à Ottawa, alors qu'on avait un gouvernement
plus centralisateur et on en a un maintenant qui y est diamétralement
opposé.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit qu'il
était moins centralisateur. J'ai dit qu'il était plus gentil.
Cela ne veut pas dire que cela ne règle rien.
M. Grenier: D'accord. C'est ce qui faisait dire au ministre tout
à l'heure, qu'avec l'ancien gouvernement, on disait: Serrez votre force
de député dans chacun des comtés, serrez votre force
humaine, votre force politique et serrez vos piastres, pour venir
écraser, avec Pro-Canada, le référendum du Québec.
Serrez cela, on n'en veut pas.
Maintenant l'autre arrive et dit: On se mêle de nos affaires. On
dit: Voici, c'est le chat qui dort. Il ne dit pas un mot, il laisse aller, avec
l'espérance de ne pas avoir de chicane avec le Québec, tenter, vu
qu'il n'est pas largement représenté au Québec, de nous
laisser dormir, nous laisser contents pendant la période
référendaire, pour ne pas se faire d'adversaires inutilement.
C'est bien difficile, bien sûr, de demander à un ministre
qui préconise la souveraineté-association d'être satisfait
d'un gouvernement central.
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai été loin
aujourd'hui, j'ai dit qu'il était plus gentil.
M. Grenier: Vous avez dit qu'il était plus gentil. Vous
avez été loin. C'est très loin pour le gouvernement
central.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est déjà une
nette amélioration.
M. Grenier: II y a une autre chose qui m'intéresse. Je
pense qu'il y a une page dans votre livre qui n'a pas nécessairement
été écrite par le ministre des Finances. C'est celle sur
l'espace économique canadien. J'aimerais cela que le ministre
réponde. J'ai posé la question tout à l'heure.
Le ministre Parizeau disait: "La question d'une monnaie commune devrait
être discutée, mais il est possible que cela sera
abandonné, parce que le partenaire n'accepterait pas les contraintes que
cela implique." Il disait cela devant le colloque des Hautes Etudes
commerciales. J'aimerais cela que le ministre nous dise comment il
prévoit réussir sa souveraineté-association sans rupture,
sans que l'espace économique canadien en soit modifié.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est une excellente question.
Vous ne m'avez pas indiqué la page. En tout cas, cela n'a pas
d'importance.
M. Grenier: Je l'ai pris en note, je peux vous la trouver. Mais
je pense que vous avez plus de monde que moi pour chercher les pages.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela va aller. C'est pour une
raison bien simple qu'il n'y aura pas de rupture. C'est une chose qu'il faut
expliquer, parce que c'est un fait. Il y a deux choses. Il y a, d'une part,
l'espace économique, on l'a d'ailleurs ici dans le document. Remarquez
que ce n'est pas pour rien que c'est dessiné comme cela. Vous voyez que,
entre le Québec et le reste du Canada, il n'y a pas de frontière.
Vous voyez que non seulement il n'y a pas de frontière,
c'est-à-dire que vous pouvez laisser circuler librement les biens, les
marchandises, les capitaux, mais il y a même une ouverture sur le monde.
Il n'y a personne qui a envie de se replier sur soi. C'est symbolique. (11 h
45)
Cependant, je veux faire une distinction importante. Il y a, d'une part,
l'espace économique. Il y a, d'autre part, les institutions
communautaires. Je dis tout de suite très honnêtement, pour ce qui
concerne les institutions communautaires on en a proposé quatre
et on a dit: II y a peut-être d'autres choses qu'on pourrait proposer
aussi ou des contre-propositions que nous ferons; d'accord on est ouvert
là-dessus que c'est vrai qu'il va y avoir des discussions
là-dessus. C'est là-dessus que la discussion va porter, sur la
qualité ou la quantité de la représentation du
Québec par rapport aux autres. On est d'accord là-dessus. On n'a
jamais dit que cela marcherait tout seul, que les gens regarderaient cela dans
le reste du Canada et diraient: Ah! c'est parfait. D'ailleurs, on sait que ce
n'est pas cela qu'ils disent politiquement. Ils disent que c'est mauvais.
Sur les structures communautaires, je suis parfaitement d'accord
je l'ai toujours dit et on le laisse entendre là-dedans il va y
avoir des discussions. Là où il ne peut pas y en avoir,
malgré tout ce qu'on dira, c'est sur la conservation de l'espace
économique canadien. Pourquoi? Premièrement, parce qu'il existe
déjà. Quand des
gens disent qu'ils ne voudront jamais l'association économique,
il faut faire une distinction. Ils vont peut-être s'obstiner avec nous
autres sur les institutions, mais ce à quoi ils tiennent le plus, c'est
justement qu'il y ait des échanges qui continuent d'être libres
entre le Québec et le Canada. L'Ontario, à cet égard, est
la province, beaucoup plus que les provinces de l'Ouest, qui peut le moins se
permettre de faire semblant qu'il n'y aura pas d'association économique
avec le Québec pour deux raisons. Je vais finir par me mêler dans
mes parenthèses. En tout cas! je reviendrai au thème
général tantôt, mais les deux raisons sont celles-ci: La
première, c'est qu'en Ontario, il y a beaucoup d'emplois qui
dépendent de son commerce avec le Québec et au Québec
aussi. Ce n'est pas un secret.
Il n'y a pas un premier ministre de l'Ontario ou un gouvernement de
l'Ontario qui va dire: Québec, c'est fini, on ne commerce plus avec lui.
Il y aurait un haut degré de mécontentement en Ontario et un
chialage massif si cela arrivait, de sorte qu'il n'est pas question que
l'Ontario cesse de commercer avec le Québec. Les hommes d'affaires de
l'Ontario qui ont des intérêts au Québec, ils ont bien
envie que cela continue. Nos alliés, d'une certaine façon,
objectifs en tout cas, cela peut être ces hommes d'affaires.
Par conséquent, sur l'association, sur la conservation de
l'espace économique, il y a ceci qui arrive: C'est que la monnaie existe
déjà. Le dollar canadien existe déjà. On va se
servir un peu d'une image simple. Pour que le reste du Canada ne veuille pas
qu'on utilise le dollar canadien, il faudrait qu'il change le dollar canadien
pour que, nous autres, nous restions pris avec lui, et qu'il le transforme, je
ne sais pas, en un bolivar canadien ou en une roupie canadienne, de sorte que
vous voyez un peu la complication. Nous partons d'une situation où il
s'agit non pas de créer un espace économique commun, mais de
conserver un espace économique qui existe déjà.
Quand on compare la construction de la communauté
Québec-Canada à la construction de la communauté
européenne, cela converge peut-être et cela part de situations
tout à fait différentes. C'est qu'au Québec et au Canada,
l'espace économique est déjà créé. Il n'y a
pas de douane, il y a la même monnaie et il y a des échanges
libres. On dit: Parfait, on garde cela. Ils devraient applaudir, dans le reste
du Canada, mais, évidemment, ils n'aiment pas la modification politique
qu'on va apporter. Je les comprends.
En Europe cela n'existait pas. En Europe, c'était des pays qui
étaient trop indépendants les uns des autres. Ils ont dit: Cela
n'a pas de bon sens. On vit dans un monde d'interdépendance. Il faut
abolir les frontières, etc. Ils ont fait un marché commun
économique. Le Québec n'est pas assez indépendant. En
somme, on part d'une situation, en Europe, où il y avait des pays trop
indépendants et, au Canada, il y a une notion qui ne l'est pas assez. On
se dit: On fait un équilibre. En Europe et au Québec, on ne part
pas du tout de mêmes points de départ. Il y a une convergence.
En Europe, ils s'en vont vers un système
confédéral, non pas fédéral.
À cet égard-là, il y a un mélange que M.
Bourassa est en train de créer. J'ai envie d'ouvrir une
parenthèse à l'intérieur des autres, parce que c'est
important quand même pour que les gens se démêlent
là-dessus. M. Robert Bourassa, ancien premier ministre du Québec,
maintenant expert en construction européenne, dit ceci. C'est cela qui
n'est pas vrai. Enfin, en exagérant légèrement, il dit:
Dans le traité de Rome, en 1956, je pense, on a établi une
structure européenne qui donnait à chaque Etat un poids relatif,
mais différent les uns des autres. Il oublie de mentionner qu'il y a eu
un compromis je l'ai ici quelque part de Luxembourg, en 1968,
dans lequel on dit c'est un texte de quelqu'un qui connaît cela;
je vous dirai qui c'est tantôt : "C'est la raison pour laquelle,
dès le début, la notion de supranationalité s'est
estompée la supranationalité conduisant au
fédéralisme et que les choses ont été faites
d'un commun accord entre les Etats. On a adopté ce que l'on
connaît sous le nom de compromis de Luxembourg, un compromis qui consiste
à dire que toutes les fois qu'il s'agira d'une affaire importante
concernant un pays de la communauté, les décisions qui seront
prises seront prises d'un commun accord, à l'unanimité."
C'était le principe fondamental.
En somme, en Europe, on s'en va vers une confédération.
Celui qui a dit cela, c'est Raymond Barre, qui était un des très
hauts fonctionnaires de la communauté européenne. Il a dit cela
l'an passé, à un moment donné. Ce n'est pas un texte
antédiluvien. Il a dit cela le 29 mai 1979. Je dis ceci: En Europe, ils
construisent une confédération d'Etats ou de nations, pas une
fédération. Ce qu'on propose, c'est une communauté
Québec-Canada. Quand on dit qu'on veut détruire le
fédéralisme, c'est pas mal court comme appréciation. On
veut changer le système fédéral par un autre. C'est
sûr que le système qu'on va proposer va modifier le statut
fédéral par un autre. C'est sûr que le système qu'on
va proposer va modifier le statut politique du Québec. C'est
évident. Ce n'est pas un système dans lequel le Québec
serait totalement... J'achève, c'était beau ce que je disais.
Le Président (M. Richard): Je comprends, mais vous avez
pris pas mal de temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis toujours brisé
dans mes envols. Ce que j'étais en train de dire... Je l'ai finalement
oublié.
Le Président (M. Richard): Je m'excuse, M. le ministre.
Cela va revenir.
M. Grenier: Bene curreris sed extra viam.
M. Raynauld: M. le Président, cela va sûrement lui
revenir tout à l'heure.
Le Président (M. Richard): C'est parce qu'ils
étaient à la veille de comprendre.
M. Raynauld: Oui, mais on comprenait déjà ce que le
ministre voulait dire. Ce n'était pas nécessaire de le dire.
M. Grenier: Bene curreris sed extra viam.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je vais simplement
essayer de toucher à ces problèmes de mon côté
également, le contenu de l'association. Auparavant, je ne voudrais pas
manquer de dire qu'il y a dans le livre blanc, aux pages 52 et 53, une
référence à des regroupements d'Etats souverains. On a une
grande liste. J'appelle cela un "flash subliminal", cette affaire.
M. Morin (Louis-Hébert): Expliquez-moi cela!
M. Raynauld: Autour de ce tableau, on a trois fois le mot
"moderne", et, ensuite de cela, on a "d'égal à égal",
à côté également, pour référer
à ce genre de regroupement. Quand on regarde les regroupements, on dit:
Si c'est cela que le gouvernement du Québec veut faire comme association
avec le reste du Canada, on va comprendre que cette association est
réduite à sa plus simple expression. Le ministre n'est pas sans
savoir qu'il peut prendre à peu près tous les cas je
ferais seulement une exception où le contenu de l'association serait
relativement important, c'est le cas de l'union économique
belgo-luxembourgeoise, qui comprend la Belgique et le Luxembourg, alors qu'on
sait très bien qu'il n'y a pas d'égalité entre ces deux
pays en aucune façon, en particulier sur le plan monétaire.
Pour les autres regroupements dont on parle, ce sont des regroupements
qui n'ont absolument aucun rapport avec le genre d'intégration que nous
avons déjà au Canada. Si on prend, par exemple, les pays de
l'Afrique, de l'Amérique latine et de l'Asie et ces regroupements, tout
le monde sait que l'intégration de ces économies est minime, pour
ne pas dire nulle. Ce sont encore des pays, je pense ici à des pays que
je connais bien en Afrique, la Côte-d'lvoire, la Haute-Volta, le Niger,
qui font partie d'une union monétaire ouest-africaine. On sait
très bien que l'intégration de ces économies n'est pas
entre ces pays, mais elle est entre ces pays et la France. L'intégration
est entre la métropole et l'ancienne colonie. C'est un de leurs
problèmes, c'est qu'il n'y a pas d'intégration entre les
pays.
Lorsqu'on parle de regroupement moderne de ce genre, cela prouve
seulement une chose. Cela prouve que le gouvernement actuellement, en ce qui
concerne l'association, veut la réduire à sa plus simple
expression. C'est un peu ce que je voudrais essayer de montrer maintenant,
parce qu'à la page 63, qui est la seule page dans le livre blanc
où on parle vraiment du contenu de cette association, si on regarde la
libre circulation des biens, le ministre vient de faire état du fait
qu'on ne veut pas briser l'espace économique. Cependant, si nous lisons
le livre blanc et qu'on l'éclaire soit par le document D'égal
à égal qui a été publié par le parti, soit
par le programme du parti lui- même, il admettra que, sur chacun des
trois demaines d'association, il a des restrictions considérables
d'apportées à la libre circulation des biens. Il admettra qu'il y
a plus d'exceptions de prévues à l'heure actuelle par le
gouvernement qu'il n'y a d'obstacles à la circulation des biens dans la
Communauté économique européenne. J'aime bien entendre le
ministre nous dire que la Communauté économique européenne
s'en va vers une confédération. Est-ce qu'il va accepter au moins
qu'il y ait un Parlement, comme il y en a un à la Communauté
économique européenne et élu au suffrage universel?
Non. Alors, à ma connaissance, en tout cas le ministre
pourra me contredire s'il y a lieu j'ai toujours compris qu'il n'y a pas
de Parlement élu directement dans les propositions du Parti
québécois. Or, la Communauté économique
européenne en a un, il est déjà créé.
La libre circulation des biens? Le ministre a fait allusion tout
à l'heure à une déclaration et à un compromis du
Luxembourg. Il sait aussi qu'à partir du 1er janvier 1976, par exemple
sur la politique tarifaire ou sur la politique commerciale, il n'y a pas de
droit de veto à la Communauté économique
européenne. Il n'y a pas de droit de veto. Cela a été
transmis à la communauté et c'est la communauté qui
décide, à la majorité des voix, quelle sorte de politique
commerciale il y aura.
Le ministre, s'il lit les décisions judiciaires qui ont
été prises pour interpréter le traité de Rome, sait
aussi qu'il y a beaucoup moins d'obstacles à l'heure actuelle; tous les
gens qui ont porté plainte sur des obstacles à la circulation des
marchandises à la Communauté économique européenne
ont perdu leur cause devant la cour, parce qu'en fait, il y a des principes
d'affirmés dans le traité de Rome que nous ne retrouvons
même pas dans la constitution canadienne. Donc, nous sommes beaucoup plus
avancés maintenant que c'est le cas à la Communauté
économique européenne.
Dans le cas du livre blanc, on ne parle même pas des obstacles non
tarifaires. On a laissé tomber ça. On ne parle plus de ça.
Or, on sait que le principal obstacle au commerce des marchandises aujourd'hui
prend la forme de barrières non tarifaires. Dans le livre blanc,
à la page 63, on a laissé tomber ça. Mais,
évidemment, c'est dans le document "D'égal à égal".
Dans ce document, on dit que les barrières non tarifaires devraient
être supprimées autant que possible, sauf qu'on se garde, sur
chacun des points, la possibilité d'avoir des programmes d'aide au
développement, on se garde la possibilité d'avoir des achats
préférentiels, ce qui est interdit en Europe, par exemple, en
passant, et ce sont donc des exceptions au principe de la libre circulation des
marchandises qu'il sera, je pense, très difficile d'accepter au Canada,
compte tenu de l'intégration que nous avons et en dépit des
affirmations du ministre que le gouvernement veut conserver la libre
circulation des marchandises et un marché commun canadien.
Le deuxième point sur l'union monétaire, la circulation
des capitaux, c'est la même chose, on affirme la libre circulation des
capitaux et, ensuite,
on prend trois pages pour la nier, cette libre circulation des capitaux,
en particulier en ce qui concerne les institutions financières et aussi
les autres entreprises, si on se reporte au code des investissements qui a
été publié dans le programme du Parti
québécois.
Qu'est-ce que disent ces documents du Parti québécois? Ils
disent, premièrement, que toutes les institutions financières
seront brisées, parce que ce qu'on veut appliquer aux institutions
financières au Québec, on veut appliquer le même
régime qui existe au Canada. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela
veut dire qu'aucun non-résident ne pourra avoir la
propriété de plus de 25% des institutions financières. On
applique ça au Québec. Cela veut dire qu'on brise toutes les
institutions nationales que nous avons à l'heure actuelle. C'est
ça, le code des investissements qui est proposé par le Parti
québécois.
On dit donc, les non-résidents, 25%. Les grandes banques
canadiennes sont toutes brisées. En ce qui concerne les autres
entreprises, le code des investissements ne prévoit aucune exception
à une propriété intégrale à 100% par des
non-résidents, aucune, parce que, même dans le cas où on
dit dans le programme je ne l'ai pas ici, mais je le sais pratiquement
par coeur qu'on va laisser une propriété majoritaire
à des non-résidents, c'est seulement dans les secteurs qui n'ont
aucune importance pour l'économie du Québec. C'est écrit
en toutes lettres comme ça. Dans ces secteurs, qui sont sans importance,
on permettra une propriété majoritaire, sauf que, entre
parenthèses, c'est marqué: jusqu'à 99%. Cela, ça
veut dire qu'il n'y a aucune propriété étrangère
à 100% qui va être permise au Québec, aucune. Cela, c'est
le code des investissements du programme du Parti québécois.
Comment peut-on, en brisant toutes les institutions nationales, au nom d'un
code des investissements, ou au nom d'un statut spécial pour les
institutions financières, prétendre, d'un côté,
qu'il va y avoir la libre circulation des capitaux quand on brise les
entreprises et, en même temps, avoir un marché commun, lorsqu'au
départ, il n'y a aucune propriété étrangère
à 100%? Donc, je pense que, sur la libre circulation des capitaux, c'est
comme pour les biens, il y a tellement de restrictions d'apportées que
je ne pense pas qu'on puisse affirmer honnêtement qu'on veut maintenir
l'intégrité du marché commun canadien.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président.
Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, deux ou
trois commentaires. Il y a quelque chose qui me frappe. Si le
député d'Outremont est logique avec lui-même en tant que
membre de son parti c'est pas mal important ce que je vais dire, parce
qu'il nous reproche, en somme, de réserver ici et là certaines
balises en ce qui concerne le
Québec, parce qu'il ne faut quand même pas être
parfaitement démuni, ce qui ne met pas en cause, quoi qu'il dise, le
principe auquel nous adhérons de la libre circulation des biens et des
personnes s'il est logique avec lui-même, dis-je, il faudra que la
formule de fédéralisme renouvelé à laquelle vous
allez arriver dans votre parti enlève toutes ces barrières. Si
elle enlève toutes ces barrières, cela veut dire, au fond, qu'on
enlève au Québec tout moyen de protection. Je trouve que c'est
très grave. En somme, on se livre quasiment pieds et mains liés
aux forces économiques supérieures aux nôtres qui peuvent
nous entourer. En tout cas, on verra cela quand votre papier sortira. Mais
attention! C'est cela que cela veut dire.
Si ce n'est pas cela que cela veut dire, à ce moment, vous
n'êtes pas logique, parce que vous ne pouvez pas nous reprocher des
choses qui seraient dans votre proposition.
Maintenant, on a dit tantôt je veux le relever des
choses sur le compromis de Luxembourg. Je pense qu'il v a des affirmations qui
sont tout a fait outrées, pas outrées, mais, enfin,
exagérées. Je ne sais pas si le député d'Outremont
a comme conseiller M. Bourassa, mais je lui ai signalé il n'y a pas
longtemps c'est peut-être encore le cas qu'il y a une
guerre du vin entre l'Italie et la France, qui est justement la négation
de cette euphorie qui semblerait devoir exister quant à la libre
circulation des biens en Europe. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas si simple
que cela et si on nous dit que les gouvernements n'ont aucune politique d'achat
préférentiel, je pense que là, c'est une grave
exagération.
Je pense qu'il y a une confusion entre ce qui est écrit dans
certains textes et la pratique. Or, la pratique n'est pas ce qui est
écrit dans certains textes, même en Europe. C'est la même
chose au Canada, de toute façon. Ce qui est écrit dans les textes
n'est pas nécessairement ce qui est suivi.
Je voudrais aussi dire une chose qui est bien importante. J'ai
parlé tantôt de la construction européenne comme d'un
exemple. On dit très bien dans le livre blanc qu'à des
expériences variées correspondent des formules politiques et des
structures fort différentes, et qu'aucune ne représente pour les
autres un modèle taillé sur mesure. Si l'expérience de
regroupement et d'association la plus connue, celle de l'Europe, est à
quelques reprises évoquée dans le présent document, cela
ne signifie point que, dans sa proposition, le gouvernement du Québec
s'en inspire entièrement comme d'une formule importable chez nous,
d'autant que cette expérience européenne est loin d'être
terminée.
C'est pour cela que, quand il nous parle de Parlement européen,
il faut faire attention. Les gens peuvent penser qu'il s'agit d'un Parlement
fédéral. C'est un Parlement qui est un Parlement croupion,
très petit, relativement, par rapport à l'ensemble des Parlements
des pays qui font partie du Marché commun.
Deuxièmement, c'est un Parlement qui n'a d'autorité que
sur les domaines du traité de Rome:
non pas sur ceux qui ont pu être rejetés et non pas sur les
Etats membres quant à la gestion de leur politique interne.
Le député d'Outremont a dit aussi que le tableau qui
était dans le texte sur certaines expériences de regroupement
moderne d'Etats souverains est une sorte de flash subliminal,
c'est-à-dire qu'il voulait en somme laisser croire qu'on avait mis cela
pour que les gens voient que ce qu'on propose au Québec se faisant
partout au monde, donc il n'y a pas de problème.
Je pense que c'est nous accorder beaucoup plus de calculs
stratégiques qu'on en a fait. Je ne savais même pas que ce papier
arriverait là. Il aurait pu très bien arriver en queue de
chapitre. Il est arrivé là. Je n'ai même pas vu la
composition de ce texte, sauf une fois qu'on avait fini les galées.
Maintenant, s'il parle de flash subliminal en ce qui nous concerne, j'ai
l'impression que le fédéralisme renouvelé pour lui va
être un "flop" maximal, si on peut utiliser les expressions
correspondantes.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je poserai une dernière question, parce que je
devrai me trouver à Sherbrooke à un colloque organisé
encore par le gouvernement sur les loisirs hivernaux. Juste une dernière
question et je m'en irai. Le ministre, qui a vécu de très
près les années de l'Union Nationale sous M. Daniel Johnson, a
pris connaissance de ce texte qui est de ce dernier: "Notre but n'est pas de
détruire le Canada, mais de mettre fin aux malentendus qui nous divisent
et d'assurer, dans l'égalité et l'harmonie, le progrès de
nos deux communautés culturelles. Nous voulons bien qu'on discute nos
propositions. Elles ne sont pas des absolus ni des ultimatums. Elles sont
formulées précisément pour être soumises au feu de
la critique. Tout ce que nous demandons c'est qu'on en discute
objectivement."
C'est le texte qui vient conclure les quinze points qui sont soumis dans
le programme constitutionnel de l'Union Nationale.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est un excellent texte et j'ai
manqué la fin. Je souscrirais entièrement au début. Je
pense que ce qui est là...
M. Grenier: En fait, il était assez conséquent avec
ce qui s'est dit au début. Il terminait en disant: Tout ce que nous
demandons, c'est qu'on en discute objectivement. Ce sont des propositions qui
sont à peu près les mêmes.
M. Morin (Louis-Hébert): Alors, si c'est ce que j'ai
manqué, je suis d'accord aussi, parce que c'est ce qu'on voudrait
justement qu'il arrive. On a dit aux Québécois de lire ce
texte-là, le livre blanc. On peut ne pas être d'accord. Cela
s'appelle "Proposition du gouvernement du Québec pour une entente
d'égal à égal."
M. Grenier: Un instant! Avant de terminer, j'aimerais savoir du
ministre c'est une question que je lui pose à la toute fin de
cette séance lui que je connais pour être un grand
démocrate, s'il croit correct de proposer aux Québécois,
dans un pareil référendum sur leur avenir constitutionnel de dire
sèchement un oui ou un non à la proposition qui sera celle du
gouvernement d'accepter de négocier la souveraineté-association,
si cela devait être la question et cela semble devoir être la
question. Le ministre fait partie d'un gouvernement, bien sûr, qui
préconise la souveraineté-association, mais, si le ministre sent
que ce n'est pas là le désir de la population, avec des sondages
qu'on multiplie sans aucun doute, est-ce qu'il serait d'accord pour demander et
même supplier, si c'est nécessaire, son gouvernement qu'on offre
une autre option sur le bulletin de vote aux électeurs
québécois lors du référendum? Après tout, ce
n'est pas, bien sûr, l'avenir du Parti québécois qui doit
intéresser le ministre; l'avenir des Québécois est bien
au-dessus de cela. Est-ce que le ministre envisage la possibilité
d'ouvrir aux Québécois une autre option que celle qui serait
proposée par le gouvernement?
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il y a un
principe de base dans notre action. Je pense qu'il a été
affirmé à tellement de reprises qu'on oublie parfois de le
répéter, ce qui crée des malentendus parce que certains
adversaires je ne parle pas du député de
Mégantic-Compton se servent du fait que c'est acquis pour nous
attribuer des intentions qu'on n'a pas. Il y a une chose claire: toute notre
démarche est fondée, au fond et c'est la première
fois que cela arrive sur une relation avec la population, avec les
citoyens que jamais aucun gouvernement n'a eue jusqu'à maintenant,
c'est-à-dire que ce sont eux qui vont décider de l'orientation du
Québec et non pas un groupe de politiciens dans des chambres
d'hôtel ou dans des conférences
fédérales-provinciales. Je pense que c'est un principe de base.
Nous demandons à la population quel est son avis et c'est cet avis qui
va compter. Donc, l'avenir du Québec va être décidé
par les citoyens. Jamais le gouvernement du Québec on l'a
répété dans le livre blanc, mais je le
répète ici ne se livrera à quelque décision
unilatérale sans avoir l'appui de la population du Québec.
Premier principe de base.
M. Grenier: Est-ce que vous scellez à tout jamais,
à partir de ce matin, le libellé d'une question qui n'ira pas
plus loin que de demander de négocier, en tout cas quelque chose autour
de cela, la souveraineté-association sans offrir aux
Québécois un autre choix sur le bulletin de vote?
M. Morin (Louis-Hébert): J'arrivais à cela. Je
voulais d'abord établir le principe de base de notre action. On la croit
essentiellement démocratique. On fait ce qu'on peut pour s'expliquer et
les gens décideront. Ils décideront oui, ils décideront
non.
S'ils ne veulent pas, ils ne veulent pas. S'ils veulent, tant mieux.
Deuxièmement, vous parlez de sondages qui disent que la
population n'est peut-être pas d'accord sur ceci ou cela. Il faut faire
attention à cela. Il y a des sondages, il y a quelques années,
qui disaient que jamais le Parti québécois ne serait élu.
On a continué à travailler et il l'a été. Alors, je
pense que les sondages sont des prises de température de l'opinion
publique à un moment donné et que cela évolue dans le
temps. Des fois, c'est haut; des fois c'est bas. Quand le monde est de
meilleure humeur, quand il y a tel problème ou quand il y a telle
solution, cela varie et c'est normal. Nous avons comme devoir, puisque nous
avons une option, de la proposer au monde et nous faisons tout ce que nous
pouvons pour que les gens l'acceptent. S'ils ne l'acceptent pas, ils ne
l'accepteront pas; seulement nous faisons tout en notre pouvoir,
démocratiquement, en donnant autant de renseignements que possible.
Comme on est humain, des fois, il peut arriver qu'on oublie des choses, mais on
va essayer de les préciser, il reste assez de mois. C'est pour cela
qu'on n'a voulu brusquer personne. On aurait très bien pu faire le
référendum au mois de septembre; seulement, on pensait que
c'était mieux que les gens aient le temps de réfléchir. On
a préparé un texte qui n'a pas 400 pages. Evidemment, on nous
reproche qu'il soit trop court aujourd'hui. Mais qu'est-ce que vous voulez,
s'il avait été trop long, on aurait dit: Vous voulez mêler
le monde. Il a 118 pages.
Je reviens à votre question fondamentale. Je pense qu'au moment
où nous en sommes cela fait deux ans et demi presque, plus que
cela même il a toujours été entendu au point de
départ que le référendum porterait sur l'option du
gouvernement. Cela a toujours été clair. Cela nous a même
été demandé; cela a même été
confirmé par le chef du Parti libéral que cela devait être
ainsi. Ce que nous faisons, et nous suivons exactement le cheminement que nous
nous étions tracé dès le départ, c'est que notre
option sera celle à propos de laquelle et notre démarche,
si vous voulez nous demanderons à la population de se prononcer,
d'une part.
D'autre part, on ne peut pas maintenant, parce que ce sera un
référendum qui sera, au fond... D'ailleurs, je pense que c'est
dans Le Devoir de ce matin qu'on en traite abondamment, je suis tout à
fait d'accord avec l'article de M. Michel Roy. Je comprends et je ne vous
blâme pas du tout, moi-même, je vous dis très
honnêtement, je me suis demandé s'il ne pourrait pas y avoir trois
ou quatre options dans la question référendaire pour que, en
somme, il y ait des petits carreaux où les gens cocheraient, on
additionnerait ça.
Le problème de ce genre de référendum, c'est que
ça risque de ne pas être concluant du tout; je vais vous donner un
exemple. Supposons qu'il y aurait trois mentions: fédéralisme
renouvelé, souveraineté-association et véritable
Confédération. Le premier problème, ça veut dire
quoi, fédéralisme renouvelé et véritable
Confédération? On est à quelques mois du
référendum, on risque que des gens comprennent véritable
Confédération comme étant fédéralisme
renouvelé, alors ce n'est pas du tout juridiquement la même chose.
Fédéralisme renouvelé, on ne sait pas encore ce que c'est,
il y en a quinze variétés, c'est comme la compagnie Heinz, ils en
ont 57 variétés, ce qui n'est pas du tout méprisant pour
ceux qui optent pour cette façon de voir les choses, sauf que le
fédéralisme renouvelé, on ne sait pas au juste de quoi il
s'agit, ce n'est pas défini. Cela risque de créer des
malentendus.
Si on met ces trois-là, pourquoi est-ce qu'on ne met pas le statu
quo en quatrième? Pourquoi on ne met pas statut particulier? En d'autres
termes, on a une difficulté vraiment concrète. Je ne veux pas
faire de politique stupide, je ne veux pas dire qu'on ne met pas l'option
à laquelle vous pensez parce qu'on ne veut pas que les gens votent pour,
mais si on met celle-là, la logique du système nous
entraîne à en mettre 10, 12, 14, 9, 3, 5, je ne le sais pas. Cela
fait longtemps qu'on a décidé, dès le début, il n'y
a personne qui a remis ça en cause à l'époque, c'est
important. C'est seulement depuis quelque temps qu'on dit qu'il devrait
peut-être y avoir autre chose.
Je comprends, vous savez, je le sais, j'ai discuté avec pas mal
de gens, j'ai eu des conversations privées, il y a beaucoup de gens qui
veulent dire oui et on se demande quelle question on va poser. D'abord, cela va
être clair dans quelques semaines. Cela commence déjà
à être clair dans le livre blanc, si on est capable de lire. C'est
une démarche que nous avons entreprise, sur laquelle les gens auront
à se prononcer.
M. Raynauld: C'est pour rendre service que vous faites cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas pour rendre service
dans le sens paternaliste du terme, comme M. Davis voudrait le faire en nous
parlant, parce qu'il a tellement peur de nous qu'il veut nous protéger,
il a peur qu'on ne soit pas capable de nous diriger nous-mêmes. M. Davis
prend notre intérêt. Cela, c'est toujours suspect, quand je vois
le premier ministre de l'Ontario qui dit: C'est tellement mieux pour vous que
vous fassiez ça; si c'est tellement bon, pourquoi est-il contre? En tout
cas...
Je reviens à la question. Le référendum va porter
sur ce qui est défini comme orientation là-dedans et la
démarche que nous avons l'intention de prendre il y a des choses
très claires là-dessus et pas sur autre chose. Si les gens
veulent ça, on part avec ça et on va voir les autres. Qu'ils nous
disent non aujourd'hui, ils l'ont dit d'ailleurs, M. Bennett de la
Colombie-Britannique a dit que si c'était massif, il faudrait voir. Tout
le monde est d'accord que si les Québécois votent majoritairement
oui, on ne pourra pas additionner ça comme un dossier
Pépin-Robarts de plus, ça va quand même changer la
dynamique politique. C'est sur notre option que va porter le
référendum, ce n'est pas une nouvelle. Alors, on réglera
le cas
de celle-là. Si les gens disent oui, d'accord, s'ils disent non,
c'est un autre problème. J'aurais vraiment peur qu'on fasse une
opération inutile, s'il y a cinq options, s'il y en a trois, pourquoi
n'y en aurait-il pas cinq?
Je reviens à mon point de départ là-dessus, c'est
quoi la véritable Confédération? Il y a peut-être
dix définitions de ça là aussi. Là, au moins, on a
quelque chose qui est défini, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, mais c'est
défini. Les gens savent de quoi il retourne, ils le lisent. Il y aura
une question qui va se dégager de ça, compte tenu de deux
facteurs: d'une part, ça ne sera pas réalisé du jour au
lendemain, une telle affaire. On l'a dit d'ailleurs, quand même qu'on
dirait oui au référendum, le lendemain matin, on n'est pas dans
un état de souveraineté-association, ça veut dire qu'il
faut le réaliser par voie de négociation, c'est ce que ça
veut dire.
Donc, ceux qui nous font croire incidemment, je le dis, parce que
c'est ce qui est en train de se passer dans certaines élections
partielles que si on dit oui au référendum, le lendemain,
le Québec est un Etat séparé, isolé, je pense que
c'est une fausseté, ce n'est pas correct, parce que c'est tout le
contraire qu'on propose. Donc pour répondre à votre question,
pour ne pas prendre plus de temps, ça va porter sur ceci et la
démarche qui y est implicite. (12 h 15)
Le Président (M. Richard): Le député
d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, je voudrais réagir
à quelques points et soulever un dernier point en ce qui me concerne.
D'abord, le ministre s'est demandé tout à l'heure si
c'était M. Bourassa qui était mon conseiller en ce qui concerne
la Communauté économique européenne. Je voudrais lui dire
que je n'ai pas de conseiller spécial là-dessus, mais que j'ai lu
un article parce que je ne suis pas un spécialiste en
matière de droit fort intéressant qui analyse justement
toutes les décisions qui ont été prises par la cour.
Malheureusement le nom du professeur de droit m'échappe. C'est un
professeur de l'Université Laval. L'article a été
publié dans les cahiers de droit de l'Université Laval vers la
fin de 1978. C'est un article que j'ai trouvé fort intéressant.
Et si ma mémoire est bonne, dans cet article, on dit qu'il n'y a eu
aucun cas où la cour a accepté des restrictions à la libre
circulation des marchandises depuis que des cas ont été
portés à sa connaissance.
Deuxième point, en ce qui concerne l'indépendance, je
pense que l'interprétation qu'il faut donner à ces trois
premières lignes de la page 87 du livre blanc on va
peut-être faire l'exégèse de ce texte encore bien longtemps
je dirai que mon interprétation à moi, c'est que ce n'est
pas une indépendance unilatérale que le gouvernement veut
déclarer, mais c'est l'indépendance qu'il veut faire en
entreprenant d'abord des négociations sur le transfert des
ressources.
Quand le principe répond en disant qu'on exagère, qu'on ne
sera pas un Etat souverain le lendemain du référendum, on
exagère à peine. Sa réponse, c'est que cela ne se fera pas
sans négociation. On est heureux de le savoir, parce qu'on se mettrait
au banc de la communauté internationale. Mais cela ne veut pas dire non
plus que les négociations vont commencer sur l'association comme on le
pensait. Et au mieux, du point de vue de la position du gouvernement, cela va
se faire en même temps. Ce n'est pas cela qui est dit dans le livre. Il
est dit que d'abord, on va commencer les négociations sur le transfert.
Donc, on va faire l'indépendance, mais par négociation. Il me
semble qu'il serait possible de s'entendre là-dessus.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
suis pas d'accord. Je ne sais pas si j'ai le droit de soulever une question de
privilège, mais ce n'est pas correct. Tantôt j'ai dit que le
"d'abord" voulait dire que, comme c'est plus facile, cela va être plus
simple de commencer par là. Mais cela ne veut pas dire que cela va se
faire seulement dans ce domaine, ce type de négociation, qu'on prendra
les autres après.
M. Raynauld: Je n'ai pas dit cela non plus. Je dis que le
"d'abord" veut dire qu'on va commencer par cela et qu'au mieux, cela va se
faire en même temps. Je dis que c'est une indépendance par
négociation qu'on va faire.
M. Morin (Louis-Hébert):
Souveraineté-association.
M. Raynauld: C'est la souveraineté, le transfert des
pouvoirs. On ne parle pas d'association à ce moment-là. On dit
que c'est le transfert des pouvoirs, le transfert des ressources fiscales.
Donc, on ne paiera plus d'impôt, mais on va faire cela par
négociation. On s'entend pour dire que ce n'est pas unilatéral,
mais cela ne change pas le fond. Le fond, c'est que c'est l'indépendance
du Québec qui est au bout de la ligne.
Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je
reviens encore à cela, parce que là, on est en train de
mêler tout le monde.
À la page 87, on dit que les négociations porteront aussi
sur la nature de l'association Québec-Canada, son contenu, etc., toutes
les questions qui traitent de l'association. Donc, quand on nous dit qu'on va
négocier, comme le dit le député d'Outremont,
l'indépendance et que cela va se faire par négociation, on
négocie le transfert des pouvoirs dans une table de négociation
et on négocie la nature de l'association du Québec avec le Canada
dans une autre table de négociation, et le partage de l'actif et des
dettes du Canada dans une autre table. Il y en aura peut-être d'autres
sur d'autres sujets. Tout cela, c'est simultané. Il y aura donc trois ou
quatre tables de négociation pour le transfert des pouvoirs et des
ressources, pour l'association, etc. Et les tables pourront se tenir
simultanément. C'est important de ne pas faire croire des histoires.
M. Raynauld: M. le Président, je pense qu'on ne s'entendra
pas là-dessus. Si l'interprétation du ministre était
exacte, cela n'aurait pas été écrit comme cela. Cela
aurait dit que les négociations vont porter sur le rapatriement et sur
l'association. C'était facile à dire, mais ce n'est pas cela qui
est dit: D'abord et après cela aussi sur l'association. Donc, on
comprend très bien ce que cela veut dire, de notre
côté.
Mais ce n'est pas le point central. Je voulais, comme dernier point
à soulever ce matin, parce que je n'en ai pas parlé et c'est
évident que cela m'intéresse beaucoup, c'est le problème
de la monnaie, le problème de l'autorité monétaire. Je
voudrais faire quelques observations d'abord et peut-être poser quelques
questions ensuite.
Ce que je trouve remarquable à propos de l'autorité
monétaire, c'est qu'on se remet dans le même carcan
d'ambiguïté à propos de l'autorité monétaire
que le gouvernement a toujours entretenu sur sa
souveraineté-association. D'un côté, on dit
l'autorité monétaire, ce ne sera pas un régime
d'égal à égal, puisqu'on donne à l'autorité
monétaire un nombre de sièges minoritaires au Québec.
Donc, on reste dans un statut de minorité.
De l'autre côté, on dit: Oui, mais n'oubliez pas, il y a un
droit de veto à un niveau plus élevé, au Conseil
communautaire, si je me souviens bien. Donc, à ce moment-là, on a
un droit de veto. On est encore dans la même situation que pour la
souveraineté-association. Si on dit d'un côté: Est-ce un
régime d'égal à égal? on répond: Non, non.
Il faut quand même être réaliste. On va faire partie d'une
association et à ce moment-là on va avoir le pouvoir que nous
donne notre économie. Mais, de l'autre côté, si on insiste
là-dessus, on nous dit: Mais non, on a aussi le droit de veto.
Là, le droit de veto nous permet, à nous, d'être
complètement indépendants. Alors, on a reproduit la même
ambiguïté qu'on a pour la souveraineté-association, qu'on a
toujours eue. On la retrouve au niveau de l'Autorité monétaire.
On n'est jamais capable de discuter convenablement de l'un et de l'autre, parce
que, si on attaque l'un, on nous remet l'autre. Si on attaque le
deuxième, on nous remet le premier. Je dis: C'est un système sans
fin où on n'est jamais capable de s'entendre sur rien, même sur
des choses élémentaires.
M. Morin (Louis-Hébert): Seulement cette fois-là,
M. le Président, parce que je veux tout de suite le prendre en
passant.
M. Raynauld: Bien...
M. Morin (Louis-Hébert): Ce sera très bref.
M. Raynauld: J'aimerais cela finir.
M. Morin (Louis-Hébert): On est en train de laisser
croire, par le commentaire qui vient d'être fait, que, si on n'a pas la
parité au fond à l'Autorité monétaire dans la
structure que sera l'Autorité monétaire, on se rattrape par le
Conseil communautaire. Il est très clairement dit dans la page qui porte
sur le Conseil communautaire, la page 67, que les décisions seront
prises en requérant l'accord du Québec et du Canada pour les
questions fondamentales.
Or, je ne veux pas qu'à partir de ce qui est écrit
là on en déduise que toutes les questions monétaires vont
être par exemple, le taux quotidien jugées comme
fondamentales. Cela a été très clairement exprimé
en Chambre hier ou avant-hier. Il n'est pas question, systématiquement,
d'essayer indirectement de rechercher un droit de veto qu'en politique
monétaire on ne cherche pas directement. C'est très clair que,
pour nous, il y a une flexibilité qui est là. Je ne voudrais pas
laisser croire qu'on se rattrape là-dessus sur ce qu'on a l'air de
laisser tomber dans l'Autorité monétaire.
M. Raynauld: M. le Président, je pense qu'il y a des
divergences à cet égard-là. Cela dépend de la
personne à qui on parle. Je me souviens très bien, cette semaine,
d'avoir dit que ce n'était pas un régime d'égal à
égal qui était proposé et on m'a répondu en
évoquant le droit de veto du Conseil communautaire. Il faudrait
peut-être...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous parlez des questions
monétaires, attention!
M. Raynauld: Oui, je parlais des questions monétaires, et
seulement des questions monétaires, quand j'ai soulevé cette
question et on m'a répondu par le droit de veto au Conseil
communautaire. Par conséquent, il faudrait que vous vous entendiez entre
vous pour qu'on n'ait pas trois interprétations différentes.
Si, d'un côté, on dit: Très bien, pour ce qui
concerne l'Autorité monétaire, la monnaie et la politique
monétaire, il s'agit bien d'un régime dans lequel le
Québec sera, comme aujourd'hui, en situation de minorité,
j'aimerais qu'on nous le dise, parce que cela n'est pas un régime
d'égal à égal. C'est une première chose.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela que vous proposez un
régime d'égal à égal?
M. Raynauld: Non, on ne propose rien, on discute de votre
proposition. Quand on proposera nos choses à nous, vous aurez tout le
loisir de les discuter également.
M. Morin (Louis-Hébert): Certainement.
M. Raynauld: Pour l'instant, on discute de votre document, de vos
positions comme gouvernement du Québec. Cessez de nous rabattre tout le
temps sur des positions qu'on n'a pas encore définies pour
l'instant.
À l'heure actuelle, c'est votre proposition qu'on discute. On dit
que votre proposition ne tient pas debout. N'essayez pas de faire dévier
le
débat, défendez donc votre position à vous. Ce que
nous disons actuellement...
M. Morin (Louis-Hébert): Ne vous fâchez pas comme
cela.
M. Raynauld: ... c'est que cette Autorité
monétaire, c'est une Autorité monétaire qui sera
essentiellement semblable à celle qui existe à l'heure actuelle.
Ou bien on dira: La politique monétaire, on veut bien faire des
compromis là-dessus et avoir trois sièges sur douze. On
remarquera qu'à l'heure actuelle il existe quand même un conseil
d'administration à la banque centrale. On sait comment la
répartition est faite de ces sièges à la banque centrale;
c'est un représentant par province, plus un autre, donc deux pour le
Québec et deux pour l'Ontario. C'est cela la structure actuelle. La
structure actuelle du conseil d'administration de la banque, c'est cela. C'est
un représentant par province et le Québec et l'Ontario en ont
deux. Ce sera essentiellement la même chose, si je comprends bien.
M. Morin (Louis-Hébert): Actuellement, ce ne sont pas des
représentants de ces gouvernement-là.
M. Raynauld: C'est d'accord. Je suis d'accord
là-dessus.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! bien oui, mais c'est...
Très bien.
M. Raynauld: Ce ne sont pas des représentants du
gouvernement, heureusement. Cela ne fonctionnerait pas parce que, si
c'étaient des représentants des gouvernements c'est
justement le point auquel je voulais arriver à ce
moment-là, le gouvernement du Québec pourrait toujours retirer
ses représentants s'il n'était pas content.
C'est justement pour montrer qu'un régime monétaire comme
celui-là est un régime qui ne fonctionnera pas. C'est un
régime qui relève du plus haut romantisme. C'est du romantisme
qu'on est en train de faire avec la monnaie. On dit: D'un côté, on
va avoir des pouvoirs, et, de l'autre côté, on va se mettre dans
des structures où il faudra bien faire face à la
réalité. Cette réalité est très simple en ce
qui concerne le Québec et le reste du Canada, cette
réalité, c'est qu'une monnaie commune va imposer des restrictions
à tous les partenaires, et cette monnaie commune ne permet pas d'avoir
des tiraillements ici et des tiraillements là pour savoir si la
décision qui est prise cette semaine est à l'avantage du
Québec à l'avantage du reste du Canada.
La raison pour laquelle cela ne peut pas fonctionner et c'est un point
qui n'a pas été soulevé, même dans les études
qui ont été produites par le groupe Bonin, de M. Bonin qui est
là ce n'est pas à lui que cela s'adresse il y a
trois études qui ont été faites, sur les unions
monétaires, il y a un point qui n'a pas été soulevé
et qui n'apparaît pas. L'essentiel d'une union monétaire, c'est
que les réserves en devises étrangères forment un "pool"
et que ces réserves en devises étrangères, par
conséquent, servent indistinctement à protéger une
région ou une autre, comme s'il y a deux monnaies, ce n'est pas le fait
que c'est un régime de taux de change fixe qui fait que c'est une union
monétaire. Ce qui fait que c'est une union monétaire, c'est qu'il
y a un "pool" unique de réserves en devises étrangères qui
sert indistinctement pour défendre une monnaie faible, pour qu'elle
reste justement en taux de change fixe.
Or, il existe beaucoup de régimes, à l'heure actuelle,
dans le monde en régime de taux de change fixe. Le Guatemala et les
Etats-Unis ont eu le même taux de change fixe depuis cinquante ans. Le
Libéria, en Afrique, a un régime de taux de change fixe avec les
Etats-Unis, mais il n'a jamais été question d'une union
monétaire, parce que les réserves en devises
étrangères ne servent pas à soutenir les monnaies du
Guatemala ou du Libéria. La même chose, dans ce cas-ci, c'est que
ces réserves de devises étrangères et de "pool", en fait,
impliquent une péréquation des ressources.
Si c'est l'Ontario qui gagne ces réserves en devises
étrangères, elle n'acceptera pas que ce soit le Québec qui
décide d'en disposer. C'est cela le fond du problème de l'union
monétaire. On a un "pool" suivant lequel les ressources sont venues de
certaines régions du monde ou du pays et ces ressources doivent servir
à d'autres partenaires dans l'union monétaire.
Il n'est jamais arrivé dans l'histoire qu'un pays qui gagne
chèrement ses devises étrangères accepte de faire disposer
de ses réserves par l'autre partie. C'est pour cela aussi que beaucoup
de commentateurs disent, y compris le professeur Rousseau, par exemple, qu'il
ne peut pas y avoir d'union monétaire vraiment stable, s'il n'y a pas
aussi une union politique.
C'est la conclusion à laquelle arrivent à peu près
tous les experts. Pourquoi arrivent-ils à cette conclusion? C'est parce
qu'on touche aux fibres mêmes des intérêts les plus
profonds. On gagne des devises étrangères en dollars
américains, parce qu'on est productif, et, tout à coup, on
verrait demain matin que c'est un autre qui va décider que ces
réserves vont servir à défendre les intérêts
d'une autre région? Voyons! C'est cela le romantisme.
C'est pour cela que ce système ne peut pas fonctionner. J'en
arriverai maintenant à une autre possibilité qui est
esquissée dans le livre blanc, où on dit qu'il devrait y avoir
une banque...
M. Morin (Louis-Hébert): La monnaie?
M. Raynauld: Je voudrais terminer cela, j'ai seulement un petit
point encore ce ne sera pas long où on évoque la
possibilité que la banque centrale serait à deux niveaux,
où il y aurait une banque centrale du Québec et une autre banque
centrale. Je voudrais mentionner là-dessus que, sur le plan technique,
cette banque centrale pour
le Québec, qui exercerait les fonctions qui sont prévues
à la page 68, c'est quelque chose qui ne tient pas debout, parce que,
pour être agent fiscal d'un gouvernement ou pour faire la gestion de la
dette publique d'un gouvernement, vous n'avez pas besoin de banque centrale. Ce
n'est pas une banque centrale. Pendant des siècles, avant que la Banque
centrale du Canada n'existe, c'était la Banque de Montréal, qui
est une banque privée, qui était l'agent fiscal du gouvernement
canadien, pendant des années et des années. Ici, on essaie de
confondre les gens en leur disant: Vous pourriez avoir votre banque centrale au
Québec, même avec une autorité monétaire unique.
Vous auriez votre banque centrale. Qu'est-ce qu'on lui fait faire à
cette banque centrale? On lui fait faire ce qui n'est pas propre à une
banque centrale: être un agent fiscal ou faire la gestion de la dette.
(12 h 30)
Le Québec, à l'heure actuelle, n'a pas de banque centrale.
Pensez-vous qu'il n'y a personne qui gère la dette publique? Voyons
donc! C'est élémentaire. Qu'est-ce qu'on dit là-dedans? On
dit: La Banque centrale du Québec page 69 s'occuperait de
la troisième et de la quatrième fonctions prévues par
l'autorité monétaire. La troisième fonction consiste
à administrer le placement et la distribution de la dette publique.
C'est la gestion de la dette publique. On n'a pas besoin de banque centrale
pour faire ça, voyons! La quatrième, enfin, d'une importance
variable, est de servir de banquier au gouvernement, comme si on avait besoin
d'une banque centrale pour être agent fiscal.
Donc, qu'est-ce qu'on dit? On donne un bonbon... On dit: On va vous
adoucir la pilule, ce qui consiste à dire: On va donner aux
étrangers l'autorité sur l'institut de monnaie et sur
l'émission de monnaie, qui est l'essentiel d'une banque centrale, et on
va vous offrir une banque centrale québécoise, mais qui n'aura
aucune des fonctions d'une banque centrale. Pour ma part, je trouve ça
délicieux, cette histoire. C'est vraiment essayer d'endormir les gens
avec des symboles et avec des statuts qui ne reposent sur absolument rien. La
réalité qu'il y a en arrière de ça, c'est que, quel
que soit le système et aussi longtemps qu'on a une monnaie commune,
cette monnaie commune va être, en fait, gérée par des
étrangers, parce qu'on sera dans un régime de
souveraineté-association, alors qu'à l'heure actuelle, elle est
quand même gérée par des compatriotes, par des gens dont on
fait partie comme institution fédérale. On donne ça aux
étrangers et là, on va se consoler avec une mini-institution
qu'on va appeler d'un grand nom, Banque centrale, parce que ça va
impressionner les gens, mais le contenu de cette banque centrale n'a rien d'une
banque centrale. C'est ça qu'est l'autorité, le régime
monétaire qui nous est proposé dans le livre blanc. Je trouve
ça une pitié, franchement, une pitié. Le régime
qu'on a est meilleur pour le Québec, à l'heure actuelle, que ce
qui nous est proposé.
Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, sur ces
tristes mots du député d'Outremont, je voudrais enchaîner
rapidement. En somme... Cela, ça m'étonne. C'est la
première fois qu'on se fait dire qu'on n'est pas assez
séparatiste. Cela vient du représentant libéral. On en
prend bonne note. Cela pourrait être utile dans l'avenir.
Il y a deux ou trois choses qu'il oublie, mais je ne veux pas faire une
longue discussion. D'abord, quand il parle de la Banque de Montréal,
elle était effectivement une banque centrale, à toutes fins
utiles, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de Banque du
Canada. Vrai ou pas vrai?
M. Raynauld: C'est vrai. C'est ce que j'ai dit. M. Morin
(Louis-Hébert): Bon! Justement.
M. Raynauld: J'ai dit: Avant la fondation de la banque centrale,
il y avait des banques privées qui agissaient comme agent fiscal et
gestionnaire de la dette.
M. Morin (Louis-Hébert): Donc, elle avait le rôle de
banque centrale à toutes fins utiles.
M. Raynauld: Non, ce n'était pas un rôle de banque
centrale. C'était un rôle de banque privée qui agissait
comme agent fiscal du gouvernement et gestionnaire de la dette publique.
C'était une banque privée.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon! Alors, si c'est
ça...
M. Raynauld: Ce n'était pas une banque centrale du
tout.
M. Morin (Louis-Hébert): ... comment se fait-il qu'on ait
cru opportun de fonder une banque centrale à un moment donné?
C'est que ça...
M. Raynauld: Justement parce que ce n'en était pas une.
C'est bien ça. Pour faire autre chose.
M. Morin (Louis-Hébert): Justement. C'est parce qu'on a
senti qu'on avait besoin d'en avoir une.
M. Raynauld: Non, pour faire autre chose. M. Morin
(Louis-Hébert): Ah bon! M. Raynauld: C'était pour
créer la monnaie... M. Morin (Louis-Hébert): Bon!
M. Raynauld: ... et c'était pour émettre des
billets de banque.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon! Très bien! Donc, on
a...
M. Raynauld: Dans votre projet, à vous, c'est donné
aux étrangers, ça, cette fonction.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon! Justement! Les
étrangers, à ce moment-là... Ce que vous êtes en
train de dire, c'est que cela revient à ce que je mentionnais
tantôt on devrait être davantage séparé. Ce
serait mieux.
M. Raynauld: Choisissez votre propre terrain. Voulez-vous
être indépendant ou si vous ne voulez pas l'être?
M. Morin (Louis-Hébert): Je continue... Bon!
M. Raynauld: Proposez-vous qu'on soit indépendant, qu'on
ait une monnaie séparée? Proposez-nous ça et je vous dirai
que ça ne marchera pas non plus, parce que toutes les études ont
prouvé que ça ne marchait pas.
M. Morin (Louis-Hébert): En somme, si j'ai bien compris,
quoi qu'on propose, ça ne marchera pas...
M. Raynauld: Oui, exactement. Sur l'autorité
monétaire...
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! très bien!
M. Raynauld: Ce que vous avez proposé jusqu'à
maintenant sur l'autorité monétaire, ça ne tient pas
debout...
M. Morin (Louis-Hébert): Bon!
M. Raynauld: ... et ça ne marchera pas. C'est exactement
le point.
M. Morin (Louis-Hébert): Bon! Vous savez, on s'est
douté qu'il pouvait y avoir diverses façons de voir
l'autorité monétaire, de sorte qu'il y a une phrase, dans le
livre blanc, qui est assez importante, je pense. Je vais tout simplement la
noter en passant, parce qu'elle veut dire quelque chose. "Si d'autres formules
sont également possibles, on peut quand même imaginer le
système suivant...
M. Raynauld: Oui...
M. Morin (Louis-Hébert): On a dit "si d'autres formules
sont également possibles", parce qu'on sait très bien qu'une
discussion entre spécialistes peut être très longue
là-dessus et on y a pensé en écrivant ça, donc, on
peut regarder... Si vous n'aimez pas ça, on va vous demander conseil et
on va trouver quelque chose de meilleur et là, ça va marcher.
Je veux aussi relever un autre point. Vous dites qu'une monnaie commune
suppose une autorité politique, suppose, en somme, quelqu'un en haut.
Or, je pense que vous avez négligé la page 67 où on parle
du Conseil communautaire qui sera formé de ministres provenant du
Québec et du Canada et qui seront une autorité politique agissant
sur les instructions de leur gouvernement respectif... Pardon?
M. Raynauld: Avec droit de veto pour le Québec?
M. Morin (Louis-Hébert): Pour les questions jugées
fondamentales.
M. Raynauld: C'est ça, d'accord.
M. Morin (Louis-Hébert): On continue, et c'est important.
Tantôt, je ne l'ai pas noté. "La négociation
postréférendaire déterminera quelles seront ces questions
jugées fondamentales. C'est ouvert à la négociation. On
verra si, à ce moment, la politique monétaire en fait partie ou
non, compte tenu des circonstances. Alors, quand on dit qu'il n'y pas
d'autorité politique - c'est la phrase de M. Bourassa l'autre jour
on a quand même prévu un Conseil communautaire qui est
formé de personnes élues, c'est-à-dire de ministres
déléguées par les gouvernements où ils sont
élus et qui auront, comme cela, la responsabilité de faire
fonctionner le Conseil communautaire pour les matières qui seront dans
le traité d'association.
M. le Président, je ne veux pas continuer, à moins qu'il
n'y ait d'autres discussions. C'est sûr qu'il y a des questions qui sont
peut-être restées en plan, mais, en ce qui me concerne, à
moins que je n'aie oublié quelque chose de majeur et que voudrait
relever le député d'Outremont, j'arrêterais peut-être
là.
M. Raynauld: M. le Président, j'ai oublié de mon
côté une petite question, si le ministre me le permet. Il semble y
avoir là, encore, à propos de certaines études, certaines
confusions à la suite de déclarations que je n'ai pas
vérifiées. Mais j'aimerais qu'il clarifie la situation. Il
paraît qu'il y a deux études d'experts européens qui
existeraient. C'est le premier ministre qui aurait déclaré cela
à la télévision et il aurait dit qu'il n'était pas
pressé pour les publier. Apparemment, le ministre des Affaires
intergouvernementales a dit que sûrement cela référait aux
trois études sur la monnaie qui étaient déjà
publiées. Est-ce que le ministre pourrait clarifier cela? Est-ce qu'il
existe deux autres études d'experts européens qui viendraient
contredire M. Bourassa, en particulier?
M. Morin (Louis-Hébert): D'abord, en ce qui concerne les
études, cela fait à peu près deux ans qu'on est tout
mêlé, surtout depuis l'élection du chef libéral
à la direction de son parti. Là, je ne veux pas recommencer tout
le bordel qu'on a eu en Chambre cette semaine à partir d'une citation
tronquée. Je considère cela réglé. Cela a
été réglé hier, et je ne veux plus jamais y
revenir, s'il y a moyen. Je ne parle pas de cela. Nous avons
procédé comme je l'ai dit au point de départ. M. Bonin est
ici. D'ailleurs, on a déterminé cela avec lui. Alors, il n'y a
pas de problème de ce côté.
Quant à ce que je pense que le député veut dire, je
pense que le premier ministre a fait allusion à un témoignage
qu'il avait reçu, pas à une étude. Ce n'est certainement
pas une étude, parce que cela n'existe pas. Une étude
d'Européens? Je ne sais pas si M. Bonin...
M. Raynauld: C'étaient des experts européens.
M. Morin (Louis-Hébert): Justement. C'est un commentaire
sur la construction de l'Europe et sur ce qu'elle voulait dire par rapport
à un commentaire que M. Bourassa avait formulé et que quelqu'un
nous a transmis, qui démontre au fond que l'interprétation de M.
Bourassa était très juridique et qu'elle ne tenait pas compte
notamment du traité de Luxembourg. Ce n'est pas une étude dans le
sens où on entend ce terme habituellement. Ce n'est pas du tout de cette
catégorie. Je ne crois pas que le premier ministre ait dit qu'il
s'agissait d'un travail documentaire qui s'ajoutera à la série
d'études déjà publiées. Ce n'est pas cela du tout.
C'était une lettre, au fond, que nous avons reçue de quelqu'un
qui a vu ce texte et qui a dit: Votre ancien premier ministre est
légèrement dans l'erreur. On n'a pas demandé à
cette personne si on avait le droit de publier sa lettre. C'est quelqu'un
d'assez connu et, je pense, d'assez compétent en cette matière.
Mais ce n'est pas une étude; c'est une lettre, comme on en a de temps en
temps sur des commentaires qui arrivent ici et là.
Le Président (M. Richard): Puis-je, messieurs, vous
inviter à conclure?
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai fini.
M. Raynauld: Oui, M. le Président, je voulais prendre
juste une petite minute pour terminer. Je voudrais simplement résumer ce
que j'ai essayé de montrer ce matin, très brièvement. La
première chose, c'est que le livre blanc manque vraiment de rigueur
scientifique ou historique. C'est rempli de silences ou d'erreurs de fait et
d'interprétation. Je voulais noter que, jusqu'à maintenant, en
tout cas, il n'y a pas eu de réponses dévastatrices du ministre
en ce qui concerne les documents qui prouvaient les erreurs que j'ai
relevées.
En deuxième lieu, je voudrais simplement redire que, à mon
point de vue tout au moins, l'association qui nous est proposée dans le
livre blanc est une association dont le contenu est à peu près
nul et qu'en particulier en ce qui concerne l'autorité monétaire,
je pense qu'il s'agit d'un échafaudage qui manque totalement de
réalisme. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Je vous remercie, messieurs, de
la sérénité avec laquelle vous vous êtes
exprimés. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, cela va être serein
encore, M. le Président, mais là il a recommencé la
discussion du début et je n'ai pas envie, je suis trop pressé, il
faut que je m'en aille et je ne recommencerai pas tout cela. Il y a une chose,
cependant; il dit que je n'ai pas répond aux quelques critiques qu'il a
faites sur des passages du livre blanc dans la première partie. Je
comprends que je n'y ai pas répondu, il les a faites verbalement
tantôt. Je l'ai dit d'ailleurs dans ma réponse, j'aurais
aimé avoir cela la veille et je répète encore que les
experts peuvent, surtout en matière historique il y a toutes
sortes d'écoles de pensée, et c'est cela, la liberté de
pensée - diverger d'avis.
Nous avons fait, je pense, un travail honnête. Que le
député d'Outremont ne soit pas d'accord sur cela, je pense que
cela aurait été une nouvelle absolument sensationnelle s'il
était venu ce matin pour nous dire qu'il était d'accord. Je ne
m'attendais pas qu'il le soit, mais je ne veux pas reprendre une discussion que
je considère avoir été - comme M. le Président a
l'amabilité de le signaler fort sereine avec une personne dont
devrait de temps en temps dans ses discours s'inspirer le chef libéral.
Merci.
Le Président (M. Richard): Je vous remercie. Vos propos
ont tous été rigoureusement parlementaires, et j'ajourne cette
séance de la commission permanente des affaires intergouvernementales
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 41)