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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 4 juin 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 10 - Régimes matrimoniaux


Journal des débats

 

Commission de l'administration de la Justice

Bill 10; régimes matrimoniaux

Séance du mercredi 4 Juin 1969

(Dix heures vingt-deux minutes)

M. BERGERON (président de la commission de l'administration de la Justice): A l'ordre, messieurs!

Tout d'abord, nous allons souhaiter la plus cordiale bienvenue à ceux qui, la semaine dernière, pouvaient être absents. Nous allons commencer par entendre un résumé que voudra bien nous présenter Me Paul-André Crépeau. Par la suite, après que J'aurai demandé à chacun de ceux qui veulent adresser la parole ce matin de se nommer et de s'identifier, nous pourrons dresser un programme de nos travaux pour savoir dans quel ordre les personnes adresseront la parole.

Est-ce que Je pourrais demander à chacun d'entre vous qui voulez adresser la parole de vous identifier, s'il vous plaît?

Me C répeau.

M. CREPEAU: M. le Président, mesdames, messieurs. Je vous remercie de nous accorder une nouvelle fois l'occasion de nous présenter devant le comité de l'administration de la justice. Qu'il soit bien entendu que je ne voudrais en aucune façon prendre de votre temps, parce que vous avez diverses représentations à entendre.

Ce que je voudrais porter à votre attention, c'est le fait que depuis la dernière réunion j'ai fait part aux membres du comité des régimes matrimoniaux de même qu'aux membres du comité du droit de la famille des principales observations et des critiques qui avaient été formulées lors de la rencontre du 20 mal.

En repassant la liste des observations qui avaient été faites, nous avons retenu un certain nombre de questions que nous avons voulu remettre sur le chantier. Ainsi, par exemple, il vous a été fait représentation au sujet de la protection du domicile conjugal, le problème de la restriction à la liberté de tester et également le problème du nom du régime. Les trois recommandations étaient contenues dans le rapport présenté par Mme Casgraln.

M. PAUL: M. Crépeau, prenez donc le fauteuil et asseyez-vous. Vous serez plus à l'aise avec vos documents.

M. CREPEAU: Nous tenons à vous faire part que chacun des points qui ont été soulevés dans ce mémoire méritent un sérieux examen.

C'est la raison pour laquelle j'ai cru devoir demander au président du comité du droit des personnes et de la famille, de l'Office de revision du code civil, de réexaminer le problème de la protection du domicile conjugal. C'est ainsi que le président de notre comité, M. le juge Albert Mayrand, a accepté de prendre ce sujet comme un des sujets d'étude. Nous avons déjà demandé à un de nos adjoints de recherche de faire le tour de la question pour pouvoir, en meilleure connaissance de cause, proposer éventuellement une solution quelle qu'elle soit.

Cependant, nous tenons à dire que cette question de la protection du domicile conjugal, comme d'ailleurs le mentionne le rapport que Mme Casgrain vous a présenté, est indépendant du régime matrimonial. Le rapport souligne en effet que, sous tous les régimes, il devrait y avoir une protection du domicile conjugal, que ce soit la protection de la propriété elle-même pour empêcher une disposition unilatérale ou que ce soit même la protection du bail matrimonial.

En d'autres mots, nous allons réexaminer cette question, mais nous croyons que c'est indépendant du problème du régime matrimonial lui-même parce que cette protection, si elle était accordée, serait accordée quel que soit le régime matrimonial sous lequel vivraient les conjoints.

Deuxième question, la restriction à la liberté de tester. C'est là encore un problème qui mérite, bien sûr, examen et que nous avons déjà l'Intention d'examiner au comité du droit des personnes et de la famille. Ce comité est spécialement chargé entre autres de la réforme du droit successoral et, entre autres problèmes, le problème de l'article 831, liberté illimitée de tester que nous avons héritée du droit anglais, mais qu'il convient aujourd'hui de réexaminer à la lumière des conditions modernes.

Donc, là encore, nous allons examiner ce problème, mais nous tenons à dire que c'est encore là un problème qui est indépendant du régime matrimonial, car la liberté de tester, si elle est restreinte, sera restreinte sous tout régime et, en particulier, je le suppose, sous le régime de la séparation de biens.

Troisième problème qui mérite attention, c'est celui inclus encore dans le rapport présenté par Mme Casgraln, celui du nom du régime.

Bien sûr, on peut dire comme on l'a dit: « What is in a word? » Nous avons pensé que les mots « société d'acquêts » traduisaient véritablement cette intention qui serait celle du législateur s'il adoptait ce régime, cette intention de faire en sorte que les époux sachent

qu'ils participent ensemble à la réalisation des économies, mais chacun S sa manière. Si bien que nous estimions que la société d'acquêts, dans le contexte actuel, nous paraissait celle qui répondait le mieux à la description du régime, mais nous ne tenons pas essentiellement au nom. Déjà certaines suggestions s'ébauchent et, si une entente pouvait se réaliser sur le nom et si cela pouvait être la levée d'un obstacle à l'adoption du régime, nous accepterions sans aucune hésitation de vous suggérer un nom qui convienne davantage.

Deux autres petites remarques, M. le Président. Lors de la dernière réunion, Mme War-ren a fait une observation au sujet de l'article 1437 du projet. Au deuxième alinéa, cet article se lit comme suit: « Sous le régime de séparation de biens, chaque époux a l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens tant mobiliers qu'immobiliers. »

Deuxième alinéa: La femme séparée de biens peut ester en justice et contracter sans l'autorisation de son mari.

Mme Warren s'est étonnée, et à juste titre, de l'inclusion d'un tel alinéa alors qu'en fait dans les articles du mariage, aux articles 167 et suivants, nous avons proclamé — et ce bill 10 voudrait le reproclamer d'une façon encore plus nette — que la capacité juridique des époux n'est pas diminuée par le mariage, seuls leurs pouvoirs peuvent être limités par le régime matrimonial.

Si bien que, M. le Président, tenant compte de l'observation de Mme Warren, nous sommes tout à fait prêts à vous suggérer d'éliminer le deuxième paragraphe de cet article 1437, qui vient inutilement rappeler un passé révolu.

Enfin, il m'a semblé qu'à la suite, notamment, des questions posées par Mme Kirkland-Casgrain au sujet de l'expérience des autres provinces, il nous a semblé également, qu'à la suite des observations de Mme Warren, qui parlait de l'adoption du régime de séparation de biens afin que l'on puisse s'insérer dans le contexte américain, il nous a semblé que la meilleure façon de répondre aux questions que vous voudriez poser à ce sujet, ce serait de faire venir l'auteur lui-même du projet onta-rien, le professeur Baxter.

J'ai donc invité le professeur Baxter à venir faire partie de l'équipe de l'office. Si vous voulez lui poser des questions, je suis persuadé qu'il s'y prêtera.

Enfin, la dernière fois, M. le Président, j'avais regretté l'absence du président du comité des régimes matrimoniaux, le notaire Roger Comtois, président de la Chambre des notaires et président du comité des régimes matrimo- niaux. Il est revenu au pays et, ce matin, il m'est agréable de pouvoir dire qu'il est là pour répondre à toutes les questions qu'il vous plaira de poser.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, Me Crépeau. Est-ce que les membres du comité voudraient entendre immédiatement Me Baxter?

Alors, est-ce que Me Baxter serait prêt à nous faire bénéficier de sa science?

MR. BASTER: Mr. Chairman, ladies and gentlemen, I am going to begin by inflicting upon you a little bit about the system of separation of property as that system exists in Ontario, and the system in Ontario is very similar to what it is in England and some of the other Common Law countries.

In order to understand the present system of separation of property (the marital property system in Ontario), I think it is necessary to trouble you very shortly with some of its history, because, perhaps it is not entirely understood how it originally came into being in England first and then was copied in Ontario.

Prior to the legislation on Married Women's Property at the end of the last century, Ontario (similar to England) was subject to the Common Law on marital property and this Common Law was supplemented to some extent by rules of Equity applied by the Courts of Chancery. The period I am talking about now Is up to about the end of the nineteenth century. By the Common Law the legal title to a wife's property passed to her husband on marriage. In some cases, in regard to immovable property, he did not obtain sole control over the property, but in regard to most movables, he obtained the property completely for his own use.

The Courts of Chancery developed certain modifications on this, certain protections for the wife's property mostly based on the concept of the trust as such things as the equity to a settlement « and the wife's separate estate ».

But these were rather complicated devices and they required expert conveyancing skill. Dicey has said about them: « The daughters of the rich enjoyed, for the most part, the considerate protection of equity; the daughters of the poor suffered under the severity and injustice of the common law. » That was the situation at the end of the nineteenth century when the Married Women's Property legislation was enacted in England, about the same time as it was enacted in Ontario.

This legislation was not meant to reform matrimonial regimes. The legislation was the product of a big social movement for the emancipa-

tion of women, culminating in the suffragette movement, and the target of the legislation was the incapacity of married women to make contracts and deal with their own property. It was, in other words, the legal dependence of the married woman on her husband that was being struck at by the legislation.

And so the main provisions of the legislation were that a married wo man should have the same capacity as a single woman to make contracts on her own and deal with her property, including what was rather important, earnings from employment. And she could do that in her own name without the intervention of a trustee.

So the effect of this legislation was to destroy Common Law system of marital property, (the whole regime of the Common Law), by revoking its basic principle which was the legal dependence and the legal incapacity of the married woman. So what this legislation really did was to remove the corner stone from the existing regime. It was not intentionnaly setting up a new type of regime. The result would correspond to what a Quebec lawyer would call a regime of separation of property, but there was never any calculated choice about this regime. It came about indirectly and partly by accident.

Indeed, the Married Women's Property Act (which is the statute presently in force in Ontario) is simply a statute regulating the property of a married woman — If she has any — and giving her power to own and deal with it. If she does not have any property, then she is in the same position as she was at Common Law. The Act does nothing for her.

Perhaps I might pass to the modern system in Ontario and mention some of the advantages and disadvantages that are sometimes claimed for that system.

Let us take the advantages first. I think these following are the main advantages usually claimed for a system of separation of property such as we have.

The first one is that you do not have different patrimonies and different categories of property. This, indeed, in practice is a simplifying factor, since you do not have any necessity to distinguish between community property and private property, or property that you acquired before marriage and acquests. Therefore, it follows from that, that there are no problems about transfers and compensation, and adjustments between one patrimony and another.

The second advantage is that it Is somewhat a simpler system than community — when I am thinking of community, I am thinking of the present king of community in Quebec, namely Movables and Acquests.

Separation of property is one of the simpler systems from the point of view of third parties because they are not likely to be hampered by community interests or wondering whether the property that they are dealing with Is a part of the community or not. And so most transactions as far as third parties are concerned are able to be carried through quite safely on a basis of who has the legal title and who is the ostensible owner of the property.

And then, the third advantage, rather similar to number two, is that if the husband, for example (it might also be the wife) is engaged in business or in a profession, then none of his interests will be complicated in by questions of community and the possibility of his wife having some interest in that way.

And another, a fourth advantage, I think, that is usually given, is freedom of dealing with the property. Each spouse, (since the each Is dealing with his or her own property) is able to deal with it as a sole owner and can sell it, make a gift of it or use it as a security for a loan.

I think that the last important advantage is that the situation on dissolution of a marriage by death, and most marriages are still dissolved that way, is made simpler in separation of property, because there is only one estate to be dealt with, namely the estate of the deceased spouse. There are no community calculations to be made contemporaneous with the succession questions.

Having stated some advantages, let us look at the disadvantages of the system. I think from my own point of view, that they are very substantial and important. There are disadvantages and I think they are beginning to be realized in many countries at the present time.

Quite recently, there was a Private Member's Bill submitted to the Parliament in Britain, which proposed a partnership-type system. The Bill was withdrawn by the British Government giving an assurance that legislation (not necessarily of the same type, but legislation on marital property) will be brought in before the end of this year.

I am going to suggest that the general disadvantages of separation of property are along the following lines.

Firstly, it does not properly reflect the way that a husband and wife normally live when they are cohabiting and sharing a common household.

When they are doing that, they do not behave like two individuals who quite by accident happen to be sharing the same house. They tend to have a common standard of living which indicates that they are thinking in terms of common use of property. They use and enjoy many

items of property in common and they do that even although the items may not be placed in joint names. Of course, it is quite common to put certain items of property in the joint names of the husband and wife and the survivor of them (very common in regard to the matrimonial home, for example).

But even if they do not do that, they still tend to regard many items of property as for their common benefit as a kind of community or partnership.

Separation of property does not seem to me to represent the economic intentions of cohabiting spouses, as evidenced by the way they live. Apart from dissolution by death, they very rarely give any explicit indication of what their intentions are (even if they ever turn their minds to that question) but drawing a conclusion simply from the way that people behave, separation of property does not seem to reflect their ideas of marital cahobitation.

A second general disadvantage is one that goes, to what one might call the elementary justice of the system. It is that separation of property tends to ignore the traditional role of the married woman in the home and in the bringing up children. Il is still common for a married woman to remain at home and not be in employment, and to be concerned with bringing up her children.

Now, let us consider a married woman in that position with young children. What kind of a situation is she placed in by separation of property? Society, by tradition, expects her to fulfil a role as a wife and a mother by staying at home. Either she stays home entirely or she stays at home and works part-time, or she may stay at home for a period and then go back to work. But, in any event, her social role requires her to be at home and she does not have, normally the same opportunities for making money or economic gains outside. So, in consequence of doing what society has expected of her, she does not acquire property or, at least, she does not acquire as much property as she might have if she had been a single woman. Maybe this does not operate in all cases, because you might say: Well, a single woman might go out into business and become bankrupt, in which case, the married woman at home would be doing better. But in the majority of cases, the married woman is clearly placed at an economic disadvantage. She is being deprived entirely or at any rate impeded in her economic potential by the demands which her social role as a wife and a mother place upon her. On the other hand, she cannot claim remuneration for that social role, at least not in Ontario, and I imagine not in Quebec either, because the answer of the law is that she is not employed, she is a wife, and not a housekeeper. If she was an employed housekeeper, all sorts of other complications would come in, such as whether she could be fired for incompetence or whether there would be trade union negotiations and things like that.

Separation of property does not do anything to restore the economic imbalance which I am suggesting is created by the traditions of our society in regard to marriage and motherhood.

Now, another disadvantage is — and this is mentioned in the introduction to bill 10 — that the wife obtains no benefit from good management of a housekeeping allowance from her husband, because, in Ontario law, any savings from that housekeeping allowance belongs to the person who has provided it, which, in the kind of case we are thinking of, would be the husband. There is legislation in England to try to correct this and it says that savings from housekeeping allowances are to be shared between husband and wife. England has gone for community in that area. Similarly, the husband might have contributed to an increase in the wife's patrimony by work or good management, but he does not share in the increase.

Finally, there can be difficulties due to confusion of patrimonies and mixing of interests, I will not say anything about that because it dealt with on page 3 of the introduction to Bill 10.

It is often said about separation of property that it is a simple regime, that all you do distinguish between « his » and « hers » and there are no problems beyond that. I am going to suggest to you that it is not as simple as that and that there has been a lot of confusing litigation upon it. Indeed, the law in Ontario, at the pressent time, is very hard to state on this subject.

May I deal with the question of simplicity of the regime in two parts, because I think it makes a difference how the question of division arises. Dissolution by death is more simple because that is an event for which people tend to make some plans. They know it is going to happen. They tend to make plans usually by way of making a will or perhaps, in more complicated cases, by setting up a trust. And then, if there is no will, the division of the property, if the deceased, of course, is under the rules of intestate succession. So, either you have an ascertalnable intention of what a spouse meant to do, or else you have the rules of intestate succession coming into play.

Unfortunately, to my mind, separation of property in Ontario is joined with testimentory freedom. So that a spouse can leave all his or her property to persons other than the surviving spouse and children. He or she can leave

it to a charity, to a girlfriend, boyfriend or anybody they like, subject only to the protection of an act that is called The Dependent's Relief Act. The Dependent's Relief Act is very limited in scope. It provides maintenance for a dependent out of the estate and can prevent destitution. It is able to be effectively circumvented by someone who has the malice to do so by using skilled conveyancing. It Is not concerned with division of assets, but with support and maintenance.

Also, even in the dissulution by death situation, there can be problems due to the mixing of patrimonies, implied gifts, equitable interests which lie behind the legal title, and all of which tend to reduce, even in a death situation, the apparent sweet simplicity of separation of property.

The situation is not so bad in the case of dissolution by death, but when you come to a breakdown of marriage, either by separation or more finally by divorce, you get a much more difficult and complicated situation. Of course, we have to face the fact that there are more marriages, these days, going into the divorce situation.

There has been a wealth of confusing case law in this area, in the Common Law jurisdiction of the British Commonwealth during the last twenty years or so, and I suppose that that twenty-year span is related to the increase in the number of divorces, particularly after the last war.

Husbands and wives may plan their affairs for the inevitability of death they don't often make plans for the distribution of their property in the event of a breakdown of their marriage. They don't think about that until the process of marriage-breakdown has started. They don't say on their wedding day: shall we plan what we will do with our property, when and if we get divorced?

Also their intentions about how they would like to share their property are likely to be very different at the time when they are peacefully cohabiting together, as compared with a later time when they may have separated and are in a state of acrimonious dispute.

The English courts have tended, in a great many decisions — not all of them, I am afraid, consistent one another — to search behind the bare facts of title and ownership, seeking a fair and just solution consistent with the spouses' way of life and the circumstances under which they acquired the property in question. It was said in the leading case (in England) of Rimmer v. Rimmer (1953) 1. Q.B. 63, 76 that: Cases between bushand and wife ought not to be governed by the same strict considerations, both at law and in equity, as are commonly applied to the ascertainment of the respective rights of strangers, when each of them contributes to the purchase price of property. » Very often, the solution has been along the lines of equal division of the property. They have said that this is taken from Greek philosophy and Plato and it is referred to by its sponsors as « Plato's principle ». Those who are not so favourably disposed to it sometimes call it « Palm tree justice ». It depends on what point of view you take. But, here you can see that although there is a regime of separation of property, nevertheless, you can have the courts going behind that system of separation of property, and by jurisprudence, providing something which is in effect really like a partnership or community division process. So, although England does not have it formally in the law, it tends to come in quite a bit through jurisprudence.

This topic has been considered in Ontario, by the Supreme Court of Canada in the case of Thompson v. Thompson (1961) 26 D.L.R. (2d) 1. The English theories there were received with a little bit of coolness by the Supreme Court of Canada and, in particular, by Mr. Justice Judson. But, technically, his remarks there were « obiter dicta » and, indeed, the Thompson case would have been decided in England in the same way as it was in Canada. The reason is that the English courts have only applied this equal division solution where both the husband and wife have made « some » contribution to the property. It does not matter whether it is in equal shares as long as something has come from both of them. The English courts have not applied the principle where only one spouse has contributed to the property. The Thompson case was found to be a case of the second type, namely that only the husband had contributed to the property and that is why I think it would have been decided the same way in England. So, it was not a real test of the English theories.

There have been some decisions, in Provincial courts in Canada, in Ontario and moving, I think, towards the English type of solution, so that perhaps some partnership theory is coming seeping in. In any event, in the marriage breakdown situation, the Ontario practitioner is faced with a very confusing and difficult situation and with a distinct lack of clear rules to guide him. Nobody, I am sure, who has practiced substantially in this field in Ontario, in relation to a marriage breakdown and divorce, would tell you that separation of property is a simple system in operation or that it does not give rise to litigation and problems.

Now, the only other thing I would like to be

allowed to mention to you very briefly is something of a new proposal in Ontario with which I have been connected.

The Ontario Law Reform Commission appointed a research group to research the whole Provincial area of family law. They had, and I think probably still have, the idea of the possibility of a Family Code, (excluding, of course, the federal domain).

The whole of this report to the Law Reform Commission has been finished. The first part of it was connected with marital property. So, it is that I would like to mention.

This part on marital property has been released by the Commission. It is still being studied by the Commission and, so far, they have not released any determination upon it.

The proposals of the Research Team are that there should be two regimes: One of which is simply called the « Legal Regime » and the other the « Contractual Regime ». They are perhaps conscious of the problem of terminology with a name of the regime, which, I know you are interested here. Nowadays, there are so many new regimes springing up all over the world, particularly in the European countries, that the question of terminology is coming very difficult because almost any name you pick for a regime of this type is likely to conflict with somebody else's terminology. So we said: We will not call it a specific name at all, we will just call it the « Legal Regime » or the « Contractual Regime » and leave it at that.

The « Contractual Regime » is simply the present law in Ontario. It is separation of property as we have it now. The « Legal Regime » is separation of property with some differences. We call it a separation of property regime and I think it is correctly so called, because it creates no community property at any time at all, not even when the regime is wound up.

So, in this way, we tend to retain all the important advantages which I mentioned earlier which separation of property would seem to have. However, in the « Legal Regime », there is something different, because there is in it a provision tor an equalization payment by the spouse who ends up with the larger patrimony. That payment is a payment in money to the lesser patrimony on the dissolution of the regime. I would stress that it is a payment in money, it is a claim « in personam », and the spouse is simply a creditor for that amount.

It is, therefore, just an accounting process, it is not an ear-marking or a division of property. The « Legal Regime » does not take account of individual items of property. On dissolution by death, the winding up is more re- stricted and simpler. On dissolution by death, an equalization payment only arises if the deceased spouse had the larger patrimony. If the deceased spouse had the smaller patrimony, there is no equalization payment. The reason for that, is to try to make the system as simple as possible on a dissolution by death. We do not have, of course, a tradition of community property. Our lawyers are not trained in the niceties of making compensation between one patrimony and another. We do not have notaries with long experience in this kind of work. Therefore, we feel that we should make the « Legal Regime » simple for the people who have to wind up estates. They do not want to have to go to court every now and then, and waste the money in the estate obtaining decisions on valuations and so on. So, in the death situation, the regime is meant to be simple. But it is not so simple if the regime is dissolved on marriage breakdown or divorce.

The really important questions of equalization arise on marriage breakdown and divorce. So I tried to indicate it is in that situation I think that the main difficulties arise and where the real necessity exists for a departure from separation of property. So when the regime is dissolved during the joint lives of the spouses, the winding up is a little more complicated. There are various ways in which the winding up can be brought about. It can be brought about by the joint consent of the spouses. It can be brought about by unilateral application to the Court, on certain grounds and it can be brought about, of course, by divroce. If the « Legal Regime » is wound up, then the parties go over to separation of property. That is the « Contractual Regime ».

On dissolution of the « Legal Regime » by the Court, the equalization accounting can be more complicated than in the case of dissolution by death. For example, property that was owned by a spouse on marriage maybe deducted at its value at the time of the marriage. This is again on accounting procedure, and the property is not categorized as an acquest or private property or anything like that. You may say: Well this could cause some complexities of valuation. So it might, in some cases, but remember that this kind of thing is being dealt with in Court, and the judge will have the discretion to determine what he thinks is a fair value after hearing all the evidence available.

But that kind of burden should not be placed on the executor or administrator winding up the estate. It is too heavy a burden to place upon him. But, in Court it is different, because there you have a judge with powers and with discre-

tion. So that what we call allowable deductions that is the value of the property at marriage or, if one of the spouses got a gift or share in the estate during the marriage, that can be deducted also at valuation.

The inspiration of the « Legal Regime », is our own Partnership's Act. The Ontario Research Team were not attempting to say that marriage is a « business partnership ». We think it is not. But we have found some enlightment from the way in which a business partnership is dissolved, namely by deducting the capital which the partners put in at the beginning and then treating the remainder (if any) as surplus or profits to be divided up between them. We have taken that as our guide and inspiration, except that the « Legal Regime » does not divide losses.

So, the « Legal Regime » then, in its purpose, aims to do two things: it aims firstly to preserve what we conceive to be all the important benefits of separation of property and, secondly, it aims to try to offset the disadvantages which we have seen which I have mentioned especially in regard to separation of property on a breakdown of marriage or divorce.

These you will appreciate, are only a few, rather highly simplified remarks about the proposals that have been made in Ontario. They can, if you so wish, be supplemented by reference to the revised recommendations chapter on marital property which was released by the Ontario Law Reform Commission on the 12th of March of this year.

Maybe I should stop there, Mr. Chairman. If there are any questions that you or members of the committee would like to ask I'll do my best to answer them.

MR. PRESIDENT: I would like to thank you, Mr. Baxter. I think that you will be really helpful for all the members of this committee and I think that the member for Marguerite-Bourgeoys will have to ask you some questions.

MRS. KIRKLAND CASGRAIN: Mr. Baxter, from your exposé and studies that I have made, I am led to believe that, as you call it, the sweet simplicity of separation of property has been highly overrated — I see you nodding, it won't be mentioned in our Debates — but I suppose you would agree that it had to be made much more complicated in the name of equity, in order to protect the woman who does not work outside of the home. As a matter of fact, you mentioned this and it had to be made more complicated by more ways than one.

Now, were the studies which you subsequent- ly made, or recently made, the results of all the difficulties that were encountered through the exercise of the present regime of separation in Ontario?

MR. BAXTER: Yes, the way in which we went about our work was that we had our Research Team first prepare a fairly lengthy study of the present law regime. We did a comparative study, a pretty voluminous one, pretty well of every country of the world on which we could get information on and there is about a volume and more on the comparative side of the work. We had a Consultative Committee composed of practicing lawyers and judges, and we prepared various papers showing the way that our ideas were running and submitted these papers to the committee to get a reaction and criticism. Then, we had some conferences with specialists from the United States and we had a visitor from Quebec, prof. Louis Beaudoin. And after that we prepared the first draft of our recommendations. We submitted these to the Commission. We were appointed by the Commission and, therefore, we submitted our ideas to the Commission. The Commission then proceeded to try to get some reaction to our report. They submitted the recommendations to the mid-winter meeting of the Ontario Section of the Canadian Bar Association in February 1968, and there was a whole day devoted to a study of the recommendations. There were various press conferences and television presentations and that kind of thing. The various groups of the Bar who were likely to be interested, such as the Family Law Section, the Wills and Trust Section, were asked to give their opinion on it, and there was quite a bit of reactionin the press. It was, I think, from what I saw of it, reasonably favourable to the recommendations. The recommendations that they were talking about were the original form of them, not the revised form which were released by the Commission on the 12th of March 1969.

It is a little difficult for people in Ontario, even legal people, to apply their minds in a meaningful way to this kind of question because, you must remember, we have never had anything else but separation of property. They are not accustomed in Ontario to moving from one regime to another and comparing the advantages of one with another. This is a foreign thing for them to do and they do not have a body of lawyers such as you have with expertise in it. So the Bar was, I think slightly mystified but they tried to understand; they spent most of their time trying to understand what it was all about. But we did not have any expression of shock or dismay

or anything like that, it seemed to go pretty well, I thought. We do not know yet what the Commission is going to do, even less, of course, what the Legislature is going to do.

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: Professor Baxter, if I may ask another question, are you familiar with the principles involved in Bill 10, which we are presently studying?

MR. BAXTER: Yes, I have read it and a little earlier on, there was a meeting between some representatives of the Ontario Law Reform Commission and the Commission for Revision of the Civil Code of Quebec

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: I was listening to the new proposals which your group have made to the Ontario Law Reform Commission on the matrimonial regime. Do you find that there are some legal analogies in bill 10 with the suggestions which you have made?

MR. BAXTER: Yes, I think so. I think both are trying to cash in on the advantages of separation of property. I think, nowadays, when a married woman is likely to have some income and property of her own, community property may be a bit restrictive. We approached the problem of course, along different roads. We may have come to more or less the same point of view that you have come to from different directions. Bill 10 has come from Quebec Civil Law and from some of the European systems such as France. We have come along the road of separation of property and that is different. Our background is different. But, I think we are closer together than maybe the words would make apparent, and my guess would be that in many of the simpler situations anyway the final result would be almost the same.

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: Thank you. Perhaps you have answered that partially, but do you feel that there is a wide chance that the proposals which you have made, will eventually be accepted not only first by the people but also by the Legislator?

MR. BAXTER: I cannot answer that, because I do not know yet what the Commission's report is going to be. I have attended some meetings of the Commission and I have not noticed any hard objections coming forward to it, there has been, of course, discussions on many points of it, but certainly they have not shown any shock or dismay up to now. The meeting which took place with Mr. Crépeau and his associates, I think they seemed favourably disposed towards the Quebec system, and favourably disposed to some form of partnership-type system. Now, beyond that, I cannot say, because the Commissions are, at present writing their own report, I understand. They did ask me if I would help to draft it. I declined, I did not think I should. And they are doing that and what is to be on it, I do not know. Now that will be a reported principle. There is no statute drafted, as you have it here in terms of a Bill. So, the Commission's report will, I suppose, be submitted in principle to the Attorney General. And then, after that, there may be something drafted. I do not know how fast the wheels move here, but they do not seem to move very fast sometimes elsewhere.

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: Your Prime Minister is here today, we might pass on the message to him.

MR. BLANK: Professor Baxter, under the present system in Ontario, separation of property, are there any restrictions on the wife acting as security for the husband, such as we have now in our Code, art. 1301? Acting as security, or guarantor?

MR. BAXTER: No, I do not think so.

MR. BLANK: Try to reconcile the situation which we have now in Quebec with the question of freedom of willing.

MR. BAXTER: She might not be a very popular guarantor, from the commercial point of view, and I think that the normal practice of people lending money, credit sales financing, that kind of thing, if a married woman is to acquire on credit any large article, say on what we call a conditional sale or a chattel mortgage. The document is usually signed by both spouses. On the other hand, all the big stores welcome ladies with credit cards or with charge accounts.

MR. BLANK: No, I am talking of the reverse, Professor. The wife going as guarantor for the husband, presently, under our law, there is a restriction.

MR. BAXTER: I think there are no restrictions but it would be to find in practice cases where she was accepted as such, for business reasons.

If the bank can ask her under... they can ask for her guaranty.

MR. BLANK: Can a wife go bail for her husband in Ontario?

MR. BAXTER: I do not know, I am not a criminal lawyer.

MR. MALTAIS (Saguenay): Let us say, is it different from the ancient system of... is item 15 in the new project drafted to take out this disposition? You know that before that, the wife was forbidden to bail for her husband?

He was in jail!

MR. BAXTER: I see. 1 am not sure. I am sorry, I cannot answer.

MR. BLANK: The problem that I see with the elimination of rather taking out article 1301 and I gather one of the codifiers saw the same danger, is that the wife now will be able to go as a guarantor for her husband. She may lose her assets in the adventure. The husband may at a future date rebuild his assets and yet, there is no restriction to his willing his assets to somebody else and, in fact, he used his wife's assets at one point to help him survive, which were lost in the transactions. Now, let us try to reconcile this, it seems that Mr. Crepeau is smiling...

A VOICE: The contrary is true.

MR. BLANK: The contrary is true too.

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: I mean it is reciprocal, Sir.

MR. BLANK: I mean it is reciprocal yes, but there are very few women who are actually engaged in the active business world.

MRS. KIRKLAND-CASGRAIN: More and more.

MR. BLANK: Well. Professor Baxter mentioned this imbalance of the woman although we try to create them equal and we pretend that they are equal for, in fact, the wife that stays home and looks after the kids is not quite equal, in the true sense of the word, I would give her all the equality in the world but, in fact, she is not, she is disadvantaged.

MR. BEAULIEU: Perhaps of your salary.

MR. BLANK: I think that the courts have ruled that a housewife is worth $1,250 a year in damage cases.

MR. PRESIDENT: Well, thank you very much, Professor Baxter, I hope that you will have the opportunity to come back someday. It was really interesting.

MR. BAXTER: Thank you, Mr. Chairman.

M. LE PRESIDENT: Maintenant pourrions-nous demander à Me Roger Comtois, de la Chambre des notaires, de se faire entendre? Votre visite était attendue avec impatience.

M. COMTOIS: M. le Président, mes chers amis, j'ai eu l'occasion de lire le procès-verbal des débats de la dernière réunion. Je dois dire que le président de l'Office de revision m'a non seulement remplacé, mais je n'aurais jamais pu expliquer dans des termes aussi clairs et aussi corrects le but du bill, la philosophie, la formulation et les structures mêmes du bill 10. Ce serait vraiment inutile pour moi de refaire, dans des termes moins choisis, une description qu'il a faite avec beaucoup de perfection.

Ce n'est pas que je n'ai pas beaucoup à dire, mais j'aimerais mieux, si c'était possible, que l'on me pose des questions, surtout sur le problème de la complexité du régime. J'ai mes idées là-dessus. Si vous croyez devoir poser des questions, j'aimerais mieux, me semble-t-il, y répondre. D'un autre côté, je ne voudrais pas m'exposer à l'aventure d'un de mes anciens collègues à la faculté, qui ne préparait pas ses cours mais qui disait toujours aux étudiants: Posez-moi des questions. Il est arrivé un matin où personne ne lui a posé des questions. Il a dû s'en retourner avec son petit bonheur, et c'est extrêmement gênant. Si je suis exposé à cette situation, je pourrai toujours me tirer d'affaire, mais je souhaiterais vivement que l'on me pose des questions. Je suis sûr que Mesdames Kirkland-Casgrain et Thérèse Casgrain auraient des questions à me poser. Il me ferait plaisir d'y répondre dans la mesure de mes moyens.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, en effet.

M. LE PRESIDENT: Le député de Marguerite-Bourgeoys.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pourriez-vous, notaire Comtois, nous parler de l'élargissement de la notion d'acquêts à la suite de l'audition publique qui avait été tenue à Montréal, je crois, en 1967?

M. COMTOIS: Le point fondamental était le suivant: Nous avions cru que le revenu des biens propres — par exemple, un mari ou une femme avait un petit héritage ou avait un immeuble

ou même un bien meuble, lors de son mariage —nous avions cru que les revenus que ces biens procureraient devaient rester propres. Devant les représentations qui nous ont été faites et pour faire de la société d'acquêts une société encore plus sérieuse, plus actuelle, plus vraie, nous nous sommes ravisés et nous avons dit — et cela apparaît dans le nouveau projet, dans le bill 10 — que les fruits des propres doivent faire partie des acquêts. Nous avons élargi la présomption d'acquêts. Je crois sincèrement que c'est une bonne chose. Autrement cela aurait été une comptabilité considérable à tenir. Pour des maniaques de la comptabilité, cela aurait pu devenir dangereux, tant pour l'homme que pour la femme.

M. THEORET: Parmi les considérations générales exprimées la semaine dernière, il semblait y avoir une certaine opposition à la société d'acquêts pour la raison bien simple que la communauté semblait être en défaveur, puisque tous ceux qui contractaient mariage et qui connaissaient un peu le droit ou qui avaient entendu parler, s'il signaient un contrat de mariage, ne le faisaient pas en communauté de biens. C'était une opposition qui semblait être partagée par beaucoup de personnes ici lors de la dernière réunion du comité. On semble vouloir revenir, d'une façon assez directe, à la communauté par cette société d'acquêts.

Dans des termes généraux, pourriez-vous nous dire quelle est la philosophie qui a présidé à la rédaction de ce bill?

M. COMTOIS: Si on peut faire la genèse du bill, disons que, dans le comité, au tout début, on y arrivait avec certains préjugés, qui sont peut-être restés aussi. Moi, personnellement, je ne jurais que par la communauté réduite aux acquêts. D'autres collègues ne juraient que par la séparation de biens. Alors il a fallu faire une option. C'est bien évident que si, dès le début, on avait dit: On adopte la séparation de biens, comme cela aurait été simple! Nous n'aurions pas eu à travailler quatre ans. Nous n'aurions pas eu à essayer de faire une éducation. C'est moi-même qui ai fait l'enquête à laquelle on réfère. Il n'y avait pas d'autres statistiques pour établir la popularité de la séparation. Moi-même, je suis marié en séparation... Hélasl

M. THEORET: Hélas!!! pour vous ou pour votre femme, M. Comtois?

M. COMTOIS: Surtout pour ma femme.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II faudrait le demander à sa femme!

M. THEORET: C'est ce que je voulais vous entendre dire.

M. COMTOIS; C'est un bien mauvais argument que je dois invoquer mais là, pourquoi les gens sont-ils contre la communauté? Moi, je dis que c'est parce qu'on n'a jamais pu dissocier — et les lois nous empêchaient de le faire — l'idée de communauté de l'idée d'incapacité. Si on avait pu trouver — et je crois qu'on l'a trouvé — un système où l'on pourrait avoir cette véritable vie commune que les époux mènent dans les ménages ordinaires et, en plus, sans pénaliser la femme, sans la frapper d'incapacité. Je crois qu'avec notre système on obtient ce résultat.

A ce moment-la, est-ce que la séparation va demeurer un régime populaire? Peut-être que oui, si les gens ne veulent pas essayer de réfléchir, de penser et de se réadapter. C'est toute une rééducation. Au cours des séances publiques que nous avons tenues, Madame Bégin, une sociologue qui est maintenant, je crois, secrétaire de la commission d'étude sur la situation de la femme, nous a très bien dit qu'il fallait vendre cette idée de la société d'acquêts, que cela ne disait rien à personne. Je l'admets, mais je dois reconnaître que cela dit beaucoup plus aujourd'hui que cela disait il y a deux ans. J'espère qu'avant l'adoption du bill, si jamais il est adopté comme il est proposé, que cela dira encore davantage, que ce n'est pas un régime compliqué. Ce n'est pas vrai que c'est compliqué. A moins que... écoutez, tout est compliqué dans la vie, à ce compte-là. Ce sont surtout les solutions équitables qui sont toujours les plus compliquées.

Les avocats qui sont ici vont admettre qu'il n'y a rien de plus simple qu'un mauvais règlement hors cour. Un mauvais règlement, j'ai bien dit: Mais, ça coupe. Comme, d'ailleurs, on va aller chez le dentiste. Il n'y a rien de plus simple que de se faire enlever une dent. C'est bien plus simple que de se la faire obturer, ou de faire faire un traitement de canal et ainsi de suite.

La société d'acquêts, c'est un peu la même chose. Si on peut — et je crois qu'on y parvient graduellement — se mettre dans la tête que ce n'est pas compliqué, pas autant qu'on le pense, et que, d'autre part, l'homme et la femme, sous ce régime-là, ont une capacité complète. On a parlé, tout à l'heure de l'article 1301; je sais que cela préoccupe tout le monde. Je n'ignore pas que, si on abolit l'article 1301, à l'avenir les compagnies de finance, les prêteurs vont demander deux signatures au lieu d'une. Mais, je le dis, les femmes qui veulent être les égales des hommes, et qui sont ca-

pables de l'être, qu'elles prennent donc leurs responsabilités! Qu'on les éduque aussi! Qu'elles cessent de céder aux pressions du mari et du prêteur!

M. MALTAIS (Saguenay): En cas de faillite, avec le régime qui est proposé à l'heure actuelle, tout tombe; il est évident que tout s'en va, ou à peu près. Le mari repart en affaires par la suite et acquiert des biens. A ce moment-là, la femme n'est pas protégée, ou à peu près pas. Il peut donner ça, à un moment donné, à sa « blonde » en mourant, n'importe quand. Qui peut l'en empêcher?

M. COMTOIS: Sous le régime de la société d'acquêts?

M. MALTAIS (Saguenay): Oui.

M. COMTOIS: Le mari ne peut pas donner sans le consentement, sans le concours de sa femme.

M. MALTAIS (Saguenay): Il peut s'organiser. Vous savez comment ils font.

M. COMTOIS: Bien, écoutez, les illégalités, trouvez moi une loi qui les empêche. Par exemple, les immeubles; vu qu'il y a un système de publicité d'enregistrement, il va être physiquement impossible pour un mari, marié en société d'acquêts, de donner son immeuble sans le concours de sa femme, même à ses enfants. Evidemment, pour les biens mobiliers, cela se passe sous le manteau facilement. Je regrette mais je ne connais pas de solution miraculeuse, qui empêche les illégalités et les fraudes.

M. MALTAIS (Saguenay): Ce que je trouve difficile, moi, dans ce régime-là — j'en ai parlé, évidemment, à quelques femmes qui n'étaient pas en affaires, celles qui sont en affaires prennent le risque de la femme commerçante — c'est cette femme qui est bien tranquillement à la maison qui voit, à un moment donné, son mari, dans l'exercice de ses affaires, soit qu'il agisse bien ou qu'il agisse mal, perdre tous ses biens et perdre en même temps automatiquement ceux de sa femme.

M. COMTOIS: En société d'acquêts, voulez-vous dire?

M. MALTAIS (Saguenay): En société d'acquêts.

M. COMTOIS: Comme en séparation, d'ailleurs. C'est la même chose qui se passe.

M. MALTAIS (Saguenay): Oui, mais si le mari est une espèce de fou qui, pour se venger de sa femme, se met à dépenser et dilapide à travers cette tranquilité sereine qu'on appelle le commerce, que va-t-on faire?

M. COMTOIS: Ecoutez, premièrement, il a la séparation judiciaire de biens, deuxièmement, notre régime, malheureusement, ne peut guérir les fous.

M. MALTAIS: Alors, on retombe dans l'ancien système par une porte d'à côté?

M. COMTOIS: Oui, cela sera exceptionnel. Actuellement, le gros point, c'est que dans la majorité des cas, en séparation, la femme n'a pas un droit actuel dans la moitié des biens gagnés par le mari, alors qu'en fait elle est responsable de cela.

M. MALTAIS: Je le sais.

M. COMTOIS: Regardez les ménages; si il y a des économies, c'est à cause de la femme et s'il n'y en a pas, souvent c'est à cause de la femme.

M. MALTAIS (Saguenay): Je le comprends, mais je parle particulièrement de l'article 1301 du code civil. Cela peut devenir, pour le mari, un moyen détourné de dépenser tous les biens de la femme, vous savez, sous forme d'une certaine légalité qu'on tolère dans ce projet de loi numéro 10. Je parle toujours, en tout cas, spécifiquement de cet article. Cela devient un moyen pratique pour lui de dépenser les biens de la femme par la porte d'en arrière.

M. COMTOIS: En faisant cautionner.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est une protection qui en fait n'en est pas une.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais, sur ce même point, il faut se souvenir que ce qui a présidé à l'état d'esprit des codificateurs lorsqu'ils ont rédigé l'article 1301. Ce qui les a inspirés à l'époque, il y a plus de 100 ans, c'est que la femme, étant une incapable, il fallait la protéger contre elle-même. On craignait beaucoup que si elle avait un immeuble, par exemple, elle le vende à son mari pour $1 et autre considération. Il me semble que la femme a acquis la majorité depuis ce temps. On la protège, pourquoi? Je ne partage pas entièrement l'opinion de mon collègue, le député de Saguenay. Il semble que l'on donne la capacité à la femme mariée, avec le bill 16, on lui donne, mais on ne

lui donne pas. Sans retrancher cet article, on la protège contre elle-même, mais on ne la protège pas; je trouve que c'est absolument dans l'esprit des projets de loi 10 et 16 d'enlever ces prohibitions de contracter et de cautionner entre mari et femme.

M. MALTAIS (Saguenay): Moi je n'en ai évidemment pas...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: D'ailleurs, énormément de femmes m'ont mentionné qu'elles étaient lésées par cet article 1301.

M. MALTAIS (Saguenay): Comme député nous ne sommes pas ici pour flatter qui que ce soit, ni nos collègues ni ceux de l'autre côté. Nous sommes là tous ensemble dans le but de faire une meilleure législation. D'abord, il est bien clair qu'il y a plus d'hommes qui vont en prison que de femmes. Je présume que là-dessus nous allons nous entendre?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, monsieur.

M. MALTAIS (Saguenay): Et ça peut devenir, en certains cas, un moyen de chantage extrêmement dangereux et devenir un nouveau moyen d'extorquer à la femme les biens qu'elle a. Faisant du droit criminel continuellement depuis presque 13 ans, je sais qu'il y a énormément plus de maris qui ont besoin du cautionnement de la femme que de femmes qui ont besoin du cautionnement du mari. De toute façon, je me demande s'il n'y a pas un danger, je ne suis pas un alarmiste, je fais simplement poser au président et aux commissaires... D'ailleurs j'ai des compliments à faire sur la qualité du projet de loi lui-même et j'ai énormément aimé le travail qui a été fait. Au lieu de protéger la femme, dans cette notion qu'on dit bonne, revalorisante, je me demande, si on n'est pas en train, par une porte d'à côté,de donner de nouveaux moyens pour atteindre d'une façon plus finassière l'argent de la femme. L'homme qui va en prison pour un « hold-up » par exemple, la femme sait qu'il va sortir à un moment donné et ce n'est pas ce qu'il y a de plus doux en fait de caractère en général quoiqu'il y ait de grands sentimentaux parmi ces gens-là. J'en ai vus. Mais, bien honnêtement, je me pose la question, à savoir si nous ne sommes pas en train, par une porte de côté justement, de créer un danger dans toute cette latitude que le bill 16 a donnée à la femme, de faire sortir et de lui enlever des droits qui lui étaient conférés par le bill 16, selon moi.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: On ne légifère pas pour l'exception.

M. MALTAIS (Saguenay): Ecoutez, je discute de la loi sans entrer en conflit avec personne. Je me pose la question...

M. BEAULIEU: On répond.

M. MALTAIS (Saguenay): Je connais d'ailleurs votre grande science dans ces hauts domaines-là. Je me pose certaines questions que vous-même...

M. COMTOIS: Evidemment, le député de Saguenay, je pense bien, a un réflexe de criminaliste. Vous faites beaucoup de droit criminel.

M. MALTAIS (Saguenay): Pas de criminel?

M. COMTOIS: Non, de criminaliste, j'ai bien dit. Je dois vous dire que pour ma part j'ai l'impression que les notaires que je vois en face de moi ont eu plutôt une réaction de civiliste. Pour nous, l'article 1301, c'est bien plus le problème du prêt hypothécaire, du prêt à la consommation à l'occasion desquels dorénavant, si l'article 1301 était abrogé, il est fort probable qu'on demandera et la signature du mari et la signature de la femme.

M. MALTAIS (Saguenay): Je trouve que c'est encore très mauvais pour une autre raison, selon moi, en tout cas. Supposons que cela va mal dans le ménage, supposons que la femme ou le mari veuille, dans le caractère propre de ce que la loi leur attribue comme qualité juridique, comme capacité juridique, emprunter et que l'un des deux conjoints ne veuille pas signer; à ce moment-là, en voulant généraliser la liberté contractuelle chez les époux à l'échelle de l'individu, même si c'est une communauté, la séparation comme la communauté, ce sont deux formes de séparation en fin de compte, ce sont deux modalités qui arrivent à des conclusions qui veulent la paix dans le ménage... Je suppose que l'un des deux époux veuille ne pas signer... J'ai l'impression que nous sommes en train de limiter la liberté du commerce dans le ménage, chez les individus. Je ne vois pas comment, en abrogeant l'article 1301, on puisse... Quant aux cautions, je ne dis pas que c'est un cas d'exception, c'est général, cela n'aboutit pas au criminel. Je ne sais pas, mais il me semble que nous compliquons les affaires à ce moment-là.

Evidemment, les mariages unis n'ayant pas d'histoire, il est fort clair que la signature des

deux est facile à obtenir. C'est dans les pires cas que le bon législateur doit toujours considérer, l'optique où cela va mal. Quand cela va bien, les avocats crèvent, vous le savez.

M. COMTOIS: Les notaires ne partagent pas votre avis là-dessus, M. le député.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: On légiférerait pour les exceptions, à ce moment-là.

M. COMTOIS: Je crois qu'une loi ne doit pas être faite pour les exceptions.

M. MALTAIS (Saguenay): Mais la signature ne deviendrait plus une exception, cela deviendrait une règle.

M. COMTOIS: Pas nécessairement, non plus. Si les femmes, comme je l'espère, prennent leurs responsabilités et qu'elles disent: Je n'ai pas d'affaire à signer. On a voulu les protéger; aujourd'hui, elles n'ont plus besoin de protection...

M. MALTAIS (Saguenay): Remarquez que je suis pour les droits des femmes; s'il y en a un qui l'est, c'est bien moi. Mais, justement, c'est pour protéger le patrimoine des deux que je sens qu'en rendant obligatoire l'abrogation de l'article 1301, on va créer énormément de complications.

M. COMTOIS: J'aimerais peut-être ajouter deux choses, M. le député. Premièrement, l'article 1301 n'est pas relié à la société d'acquêts. Il s'applique pour tous les régimes. Non seulement cela, mais il s'applique encore plus à la séparation qu'à la communauté. Parce qu'actuellement, quand un mari s'engage en communauté, il engage nécessairement sa femme. C'est pour cela que l'article dit: Si ce n'est en sa qualité de commun.

M. MALTAIS (Saguenay): Cela réfère à 15, les notes explicatives.

M. COMTOIS: Deuxièmement — les praticiens ont vécu ces expériences — malgré 1301, aujourd'hui, le prêt est permis entre époux. Ce qui est un certain détournement de 1301. Et non seulement le prêt est permis entre époux, mais dans la pratique — peut-être le notaire Beau-lieu pourrait vous dire cela — quand on ne peut pas faire faire un prêt au mari avec la caution de la femme, on peut très bien faire faire le prêt à la femme avec la caution du mari. Pour vous dire qu'il y a des trucs aujourd'hui qui font que l'article 1301 est devenu plutôt un embêtement qu'une disposition vraiment protectrice.

C'est le même raisonnement d'ailleurs pour l'article 1265. La donation est défendue entre époux, mais il s'en fait à tous les jours. Quand un article est devenu lettre morte et qu'il met les conjoints à des paliers, à des niveaux différents, à ce moment-là nous estimons que c'est une mauvaise disposition et qu'il faut la supprimer.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est comme l'obéissance de la femme au mari ça, avant la loi Ge bill 16).

M. COMTOIS: Cela ne fait pas qu'elles obéissent davantage, n'est-ce pas?

M. MALTAIS: Bien ça, personne n'y croyait en fait.

MME KIRLAND-CASGRAIN: Bien justement, c'était lettre morte, exactement comme... L'analogie est excellente.

M. COMTOIS: Le fait d'avoir une éducation non réaliste...

M. MALTAIS (Saguenay): Les hommes sont tellement bons pour les femmes, surtout chez les députés...

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, Me Comtois. Avant qu'on ne se pense trop bon, nous allons peut-être pouvoir passer à une autre personne qui voudrait se faire entendre.

M. COMTOIS: Merci, M. le Président!

M. LE PRESIDENT: Me Renaud Saint-Laurent, vous représentez l'Association des compagnies d'assurance-vie, je crois?

M. SAINT-LAURENT: Oui, M. le Président. Madame et messieurs les membres de la commission. Cette association représente 94 compagnies qui font de l'assurance-vue sur 120 dans la province de Québec. Leur chiffre d'affaires est d'environ 95% des polices d'assurance-vie en vigueur dans la province de Québec.

J'aimerais débuter en vous disant que les compagnies d'assurance-vie accueillent très favorablement les réformes que préconise la Loi concernant les régimes matrlnomiaux et se permettent de souligner, à la lumière de leur connaissance du public du Québec, que la levée des restrictions de l'article 1265 du code civil

et l'abolition des articles 1301 et 1483 sont des mesures éminemment souhaitables. Vous venez d'entendre Me Comtois et je dois dire que nous partageons son sentiment la-dessus.

A part les mesures touchant ces trois articles du code civil, la réforme majeure apportée par le bill 10 est la création comme régime légal de la société d'acquêts. Nos commentaires porteront presque exclusivement sur ce régime. Le bill 10 comporte aussi des articles affectant les autres régimes matrimoniaux que nous connaissons présentement, mais il n'y a pas lieu de notre part de faire des commentaires à propos des régimes existants. Cependant, l'ensemble du bill 10 ne fait que mettre en relief l'anachronisme de nos lois d'assurance-vie régissant les bénéficiaires. Nous nous permettrons donc, à la fin de notre mémoire, de vous soumettre des commentaires touchant la Loi de l'assurance des maris et des parents et les articles du code civil traitant d'assurance-vie qui seront affectés par le bill 10.

Au sujet de la société d'acquêts, le premier point que nous voulons soulever ici concerne le conjoint en tant que propriétaire d'une police d'assurance-vie. Les contrats d'assurance dont un conjoint est propriétaire dès l'émission de la police et les contrats dont il devient propriétaire après l'émission de la police.

L'article 1266 e) paragraphe 5 se lit ainsi: « Sont propres à chacun des époux les produits, droits ou autres bénéfices qui lui appartiennent ou lui échoient en vertu d'un contrat d'assurance-vie sous réserve des dispositions de l'article 1266 j). » Les 2e et 3e alinéas de l'article 1266 j) se lisent comme suit: « Les produits, droits ou autres bénéfices qui appartiennent à un époux en vertu d'un contrat conclu par lui-même sont acquêts s'ils sont perçus pendant la durée du régime. « Doit également être considéré comme acquêts de l'époux décédé le produit d'une police d'assurance qu'il avait lui-même prise sur sa vie au bénéfice de ses héritiers et représentants légaux. »

La phraséologie utilisée dans l'article 1266 j) est telle qu'il ne s'applique qu'aux polices d'assurance dont le conjoint est propriétaire dès l'émission de la police du contrat, et non pas des polices dont il devient propriétaire après l'émission du contrat. C'est là une distinction que nous ne pouvons comprendre et nous croyons que, si distinction il doit y avoir, la distinction doit se faire entre les polices dont on devient propriétaire à titre onéreux et celles dont on devient propriétaire à titre gratuit.

L'emploi, dans ces deux alinéas de l'article 1266 j), que Je viens de lire, des expressions « conclu par lui-même » et « police d'assurance qu'il avait lui-même prise », font que ces alinéas ne s'appliquent qu'aux polices dont le conjoint est le propriétaire initial et ne s'appliquent pas aux polices dont le conjoint est cessionnaire, c'est-à-dire dont il est devenu propriétaire après l'émission de la police. Et il est question de ce problème dans les commentaires à la page 9 du bill. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais illustrer ce que je viens de dire par des exemples.

Le cas numéro 1: Jean, marié sous le régime de la société d'acquêts, signe une formule de demande de police à un assureur qui lui émet la police désirée. Si Jean prend la valeur de rachat de ce contrat pendant la durée du régime, c'est un acquêt. En effet, il s'agit bien ici d'un contrat conclu par Jean et, comme Jean perçoit la valeur de rachat pendant la durée du régime, le deuxième alinéa de 1266 j) s'applique.

Le cas numéro 2: Le même Jean achète de Pierre, son ex-associé, une police d'assurance que Pierre avait obtenue d'un assureur sur la vie de Jean. Pierre avait obtenu cette police afin de se protéger en cas de décès de Jean pendant la durée de la société entre Jean et Pierre. La société étant terminée, Pierre vend la police à Jean et Jean paie à Pierre la pleine valeur de la police.

Si, quelque temps plus tard mais pendant la durée du régime, Jean prend la valeur de rachat de cette police, cela sera un propre même si Jean a payé Pierre à même des acquêts. En effet, le contrat d'assurance en cause ici n'a pas été conclu par Jean, il a été conclu par Pierre. Jean n'en est que le cessionnaire. Le deuxième alinéa de 1266 j) qui ne parle que de contrats conclus par le conjoint lui-même, ne peut pas s'appliquer et, conséquemment, on revient à la règle générale de 1266 j) (5e), et la valeur de rachat est un propre.

Nous ne pouvons pas comprendre le bien-fondé de cette distinction entre: a) une police dont Jean est le propriétaire initial; b) une police dont Jean est devenu propriétaire à titre onéreux après l'émission de la police. C'est comme faire une distinction entre une obligation d'épargne du Québec que Jean achèterait directement du gouvernement du Québec et une obligation d'épargne du Québec que Jean achèterait d'un courtier.

Nous n'avons donné que des exemples en vertu du deuxième alinéa de 1266 j). Nous pourrions démontrer, par d'autres exemples, que nous aboutirions à la même distinction, non fondée selon nous, dans l'application des alinéas 1 et 3 de l'article 1266 j).

Il y a peut-être lieu cependant de distinguer entre les polices d'assurance-vie dont on devient propriétaire à titre onéreux et celles dont on devient propriétaire à titre gratuit.

Exemple: le père de Jean a pris une police sur la vie de Jean à sa naissance. Le père de Jean donne cette police à Jean pendant la durée du régime. Jean est donc devenu propriétaire de la police à titre gratuit.

Il est certainement tout à fait acceptable que cette police reçue en cadeau par Jean fasse partie des propres de Jean et non pas de ses acquêts.

En cela, on rejoindrait alors un principe de base, énoncé à l'article 1266 e) (2), que les dons ne font pas automatiquement partie des acquêts mais que le donateur peut stipuler qu'ils resteront propres.

M. LE PRESIDENT: Me Saint-Laurent, je m'excuse, nous venons d'être informés par le bureau du premier ministre que le premier ministre de l'Ontario, Me Robarts, arrive incessamment. A l'occasion de la signature de l'entente entre l'Ontario et le Québec, nous allons malheureusement être obligés d'ajourner la commission parce qu'il y a la signature de l'entente et une réception de sorte que, bien à regret, les membres de la commission seront obligés de se rendre à l'ex-conseil législatif pour assister à cette minute mémorable dans la politique du Québec.

Nous nous excusons encore une fois. C'est bien à regret que nous avons dû vous interrompre. La commission siégera à nouveau mercredi prochain.

Peut-être que nous pourrions demander au journal des Débats de reproduire le texte que Me Saint-Laurent nous a remis et nous vous invitons, évidemment, tous et chacun, à revenir mercredi prochain à 10 heures.

M. SAINT-LAURENT: M. le Président, si vous voulez bien m'excuser, la semaine prochaine, je serai en Angleterre; mais il y aura quelqu'un de l'association qui pourra représenter l'association et répondre aux questions qu'on voudra bien leur poser.

M. LE PRESIDENT: Alors, je m'excuse encore une fois.

M. THEORET: Comme vient de le dire le président, si le texte était imprimé au Journal des Débats, nous pourrions en prendre connaissance et nous pourrions poser des questions 3. votre représentant.

M. SAINT-LAURENT: Oui. D'accord. M. THEORET: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Alors mercredi prochain à 10 heures.

(Fin de la séance: 10 h 53)

Séance du mercredi 11 juin 1969 (Dix heures seize minutes)

M. DEMERS (président de la commission de l'administration de la justice): A l'ordre, messieurs! Mesdames, messieurs, il me fait plaisir d'ouvrir cette séance relativement à l'étude du bill 10. Je crois que nous avons des mémoires à recevoir. Ceux qui voudraient parler, voulez-vous me donner votre nom ici afin que je l'inscrive. Vous êtes monsieur?

M. DUBE: M. Georges Dubé, je représente l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie.

M. PAUL: Je crois que c'est pour compléter l'information qu'avait déjà commencé à nous soumettre, M. Saint-Laurent.

M. DUBE : La semaine dernière, oui.

M. PAUL: C'est ça!

M. LE PRESIDENT: Ensuite, s'il vous plait?

M. CAPARROS: M. Ernest Caparros, professeur à la faculté de droit. Je parle en mon nom personnel.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes de Montréal?

M. CAPARROS: Je suis de Laval, j'ai remis un texte la semaine dernière.

M. LE PRESIDENT: C'est bien, est-ce qu'il y en a d'autres, s'il vous plaît? Il n'y a pas d'autres personnes qui veulent se faire entendre? L'honorable député de Papineau, est-ce que vous avez une remarque à faire? Dans ce cas-là, nous allons commencer par M. Dubé.

M. PAUL: M. le Président, je ne voudrais annoncer rien qui soit une imprudence de ma part, mais j'ai l'impression que notre confrère, Me Warren, aura probablement des remarques à faire. Non, vous n'avez pas de remarques.

MME WARREN: Non, je suis ici pour écouter aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: M. Georges Dubé, s'il vous plaît.

M. DUBE: M. le Président, la semaine dernière, Me Saint-Laurent a soumis à votre commission un mémoire au nom de l'Association ca- nadienne des compagnies d'assurance-vie. Nous voulons le compléter ce matin par un texte qui vous sera distribué vraisemblablement, suggérant la rédaction des articles sur lesquels nous faisons des commentaires dans le mémoire. Maintenant, si je comprends, le mémoire était censé être transcrit au journal des Débats. Est-ce que vous voulez que nous vous l'expliquions ou que nous le lisions?

M. PAUL: M. le Président, je pense bien, comme la plupart des députés, le temps nous a peut-être manqué pour prendre connaissance du texte qu'avait commencé à nous lire M. Saint-Laurent. Alors, vous pourriez continuer. Ceci nous permettra d'intervenir peut-être pour poser des questions.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais la semaine dernière, il n'avait pas été complété.

M. PAUL: La lecture n'a pas été complétée et peut-être que nous aurions des questions à poser. Est-ce que vous feriez cela, M. Dubé?

M. DUBE: D'accord. Alors, au lieu de procéder, ou simplement le lire, disons que les points qui sont soulevés sont les suivants. A la page 3, prenons le cas du conjoint qui est propriétaire d'une police d'assurance-vie. Tel que la loi est rédigée à l'heure actuelle, on fait une distinction entre le contrat d'assurance dont le conjoint est propriétaire dès l'émission de la police et la police que le conjoint acquiert après l'émission de la police.

Donnons un exemple. Jean est marié sous la société d'acquêts, il signe une formule de demande à l'endroit d'une compagnie d'assurance qui émet la police. Si Jean prend la valeur de rachat au cours de la vie de la police, c'est un acquêt. Il s'agit d'un contrat conclu par Jean et comme Jean perçoit la valeur de rachat pendant la durée du régime, c'est le deuxième alinéa de 1266, qui s'applique.

Par ailleurs, le même Jean a un commerce avec Pierre, ils sont associés. Pierre prend une police d'assurance sur la vie de son associé Jean, pour se protéger au cas où Jean décéderait durant l'existence de la société.

La société prend fin et Pierre vend à Jean la police. Et Jean paie à Pierre la pleine valeur de la police. Si quelque temps plus tard, pendant la durée de son régime matrimonial, Jean prend la valeur de rachat, ce sera impropre même si Jean a payé à Pierre avec l'argent à même les acquêts.

Alors, cette distinction que fait la loi, entre d'une part la police qui a été émise au conjoint

dès l'origine et celui dont il est cessionnaire, nous paraît conduire à certaines situations pas tout à fait bien fondées. Comme suggestion, nous aimerions faire la suivante: Faire la distinction entre les contrats acquis à titre gratuit et ceux à titre onéreux. Ainsi, pour revenir à notre exemple, le père de Jean a pris une police d'assurance sur la vie de son fils à sa naissance. Au cours de sa vie, le père de Jean lui donne cette police et Jean en devient le propriétaire à titre gratuit.

Il est certainement tout à fait acceptable que cette police reçue en cadeau fasse partie des propres de Jean et non de ses acquits. Et en faisant cette distinction, à titre onéreux et à titre gratuit, nous rejoignons un principe de base déjà exprimé dans la loi à l'article 1266 e) à l'effet que les dons ne font pas automatiquement partie des acquêts. Nous croyons que la seule distinction valable est justement celle que nous pouvons faire entre les polices dont un époux devient propriétaire à titre onéreux et celles dont il devient propriétaire à titre gratuit.

Il suffirait d'éliminer, dans les trois alinéas de l'article 1266 j), la référence aux notions de « contrat conclu par le conjoint » et « police d'assurance qu'il avait lui-même prise », pour les remplacer par la notion de « contrat dont la personne est devenue propriétaire à titre onéreux ». Il suffit de les éliminer dans l'article 1266 j), au premier paragraphe, parce qu'il n'y a pas lieu de distinguer, lorsqu'un conjoint reçoit le produit d'une police dont il est bénéficiaire, entre les polices dont son époux est devenu propriétaire à titre onéreux et celles dont il est devenu propriétaire à titre gratuit.

C'est la premiere suggestion. Dans le texte que nous vous avons soumis ce matin, nous avons rédigé un texte si la commission choisit de retenir la distinction « dont on devient propriétaire à titre onéreux.

Un deuxième point, ce sont les polices possédées par un conjoint sur la vie de l'autre conjoint. Le deuxième alinéa de l'article 1266 j) se lit ainsi: « Les produits, droits ou autres bénéfices qui appartiennent à un époux en vertu d'un contrat conclu par lui-même sont acquêts s'ils sont perçus pendant la durée du régime. »

Cet alinéa pourvoit donc très bien à la situation où un mari prend la valeur de rachat d'une police pendant la durée du régime ou reçoit le produit d'une police-dotation. Mais les tout derniers mots « perçus pendant la durée du régime » ne semblent pas pourvoir au cas, fréquent pourtant, où un époux est propriétaire et bénéficiaire d'une police d'assurance sur la vie de son conjoint et dont le produit, par définition, devient payable au moment du décès du conjoint dont la vie est assurée. Parce qu'on dit bien: « ... perçus pendant la durée du régime ».

Si la personne meurt, comme le régime matrimonial se termine ipso facto par le décès, est-ce que le produit est vraiment perçu pendant la durée du régime? Ne pourrait-on pas soutenir que le produit a été perçu au moment de la dissolution du régime et non pendant la durée du régime? Nous croyons que cet alinéa devrait être amendé pour qu'un produit perçu en de telles circonstances soit un acquêt, le dire tel quel. On rejoindrait alors la règle énoncée au troisième alinéa de l'article 1266j) qui vise un cas analogue.

La phraséologie utilisée dans le deuxième alinéa soulève une autre question. Il faut attribuer au mot « perçus » dans l'expression « perçus pendant la durée du régime » le sens d'é-chus, d'exigibles et de payables, parce que nous présumons qu'il serait inacceptable qu'un produit d'assurance visé par cet alinéa et qui serait devenu payable pendant la durée du régime deviendrait un propre plutôt qu'un acquêt, simplement parce que le mari retarderait la perception jusqu'à la fin du régime.

Remarquons que, contrairement à l'article 1266j), l'article 1266d) par le clairement des fruits et revenus échus ou perçus pendant le mariage. Et nous croyons que l'article 1266j) devrait être précisé sur ce point.

Un troisième point, c'est le droit pour le conjoint de nommer des tiers bénéficiaires. C'est l'article 1266p) au deuxième alinéa qui se lit comme suit: « Le présent article ne limite pas le droit d'un époux de contracter un contrat d'assurance sur la vie au bénéfice d'un tiers et aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées à cette fin à même les acquêts ».

Encore là, on fait la distinction de la police dont l'époux est propriétaire et celui dont il devient cessionnaire. On pourrait reprendre la partie du second alinéa pour dire que l'article ne limite pas le droit d'un époux de désigner des tiers bénéficiaires de contrats d'assurance-vie dont il est propriétaire tout simplement.

Maintenant, cela soulève une question sur le deuxième membre de phrase relativement aux récompenses et nous croyons que cela pourrait facilement donner lieu à des abus. Par exemple, tout conjoint qui est propriétaire d'une police d'assurance peut nommer tout tiers sans question de récompenses à la partie des acquêts, il pourrait y avoir des abus. Nous sug-

gérons dans le texte soumis ce matin que ce soit limité au cas de l'épouse et des enfants et que, dans tous les autres cas, il y aurait lieu à récompense.

Un autre problème, l'assurance collective. L'assurance collective est de plus en plus répandue particulièrement dans le cas des polices employeur-employés. Pour beaucoup de gens de condition moyenne, il peut s'agir souvent de la seule forme d'assurance-vie qu'ils ont en vigueur. Et cette forme d'assurance est, à toutes fins pratiques, une forme d'avantage social par un employeur en faveur d'un employé et qui s'ajoute à sa rémunération. Il nous paraît donc fondamental de considérer comme acquêts le produit de l'assurance collective si ce produit est payable aux héritiers et représentants légaux. Ce serait une exception...

Les rentes viagères. Les articles 1266e), 1266j) et 1266p) parlent d'assurance-vie et l'article 1266h) parle de pension d'invalidité, de retraite ou de quelque autre bénéfice de même nature.

On peut se demander alors où se situent les rentes viagères individuelles qu'un particulier achète personnellement.

Le point est d'importance quand on considère que les résultats sont différents selon qu'on applique aux rentes viagères les articles 1266e), 1266j) et 1266p) traitant d'assurance-vie ou l'article 1266h) traitant de pension de retraite. Nous suggérons que les rentes viagères soient couvertes par les dispositions de l'assurance.

La deuxième série de problèmes résulte du conjoint, en tant que bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie. C était le problème soulevé par le conjoint propriétaire d'une police d'assurance. Maintenant le conjoint en tant que bénéficiaire. Le premier alinéa de 1266j) mentionne que le produit d'une police qu'un époux reçoit en tant que bénéficiaire nommément désigné est un propre. Cette prise de position est logique, car nommer un bénéficiaire n'est pas ordinairement un geste à titre onéreux et il n'y aura pas lieu alors de considérer le produit comme acquêts. Cependant, on fait encore la distinction d'une police prise dont il est propriétaire avant, au début, et de celle dont il devient cessionnaire. Il y aurait encore lieu ici d'éviter cette distinction.

Maintenant indépendamment du bill 10, indépendamment de la société des acquêts ou du régime, il y a la loi de l'assurance des maris et des parents.

Le bill 10 élimine les restrictions des articles 1265, 1301 et 1483, mesures qui sont le reflet d'un droit moderne, mais qui ne font qu'accentuer l'anachronisme de la Loi de l'assurance des maris et des parents.

Nous nous souviendrons que la Loi de l'assurance des maris et des parents vise la nomination de la femme et des enfants à titre de bénéficiaires et stipule qu'une fois la nomination d'un tel bénéficiaire effectuée, on ne peut plus la changer sauf dans les cadres qui sont prévus, soit pour les enfants ou à l'intérieur de la famille.

Quant à l'article 1029 du code civil, il a été appliqué par la jurisprudence à toutes les nominations de bénéficiaires autres que ceux visés par la Loi de l'assurance des maris et des parents, avec le résultat que, si une personne désigne, par exemple, son frère comme bénéficiaire, il ne peut plus à toutes fins utiles changer ce bénéficiaire sans la renonciation expresse de celui-ci.

Notons que le bill 10 consacre, disons, la liberté de contracter des époux. Dans le domaine de l'assurance, une personne qui nomme son conjoint, son enfant ou un tiers bénéficiaire d'une police en cas de décès, perd de son vivant: a) le libre exercice de ses droits de propriété dans la police; b) doit recourir constamment à la procédure de changement de bénéficiaire pour presque toute transaction à l'égard de la police et c) sous certaines réserves, il ne peut plus changer ce bénéficiaire.

Notons que ces inconvénients surgissent à la surprise du détenteur de la police qui n'a pas ou très peu l'occasion de connaître la loi ou la jurisprudence.

Le deuxième principe consacré par le bill 10 et l'égalité des époux. Si un mari nomme son épouse bénéficiaire, les droits de la femme sont de trois ordres: ils sont complètement révocables en vertu de l'article 30 de la Loi des régimes supplémentaires de rentes, si la nomination a été faite en vertu de cette loi; partiellement révocables, si la nomination a été faite en vertu de la Loi de l'assurance des maris et des parents; complètement irrévocables, si c'est fait en vertu de l'article 1029 du code civil. C'est le mari qui nomme son épouse.

Si l'épouse désigne son mari comme bénéficiaire, la désignation pourrait être complètement révocable, si c'est fait en vertu de la Loi des régimes supplémentaires de rentes ou complètement irrévocable en vertu de l'article 1029; mais ce n'est pas partiellement révocable parce que la Loi de l'assurance des maris et des parents ne s'applique pas.

Un troisième point, le divorce. Bien qu'une certaine jurisprudence existe déjà touchant les droits, lorsqu'un divorce survient, d'une femme qui a été nommée bénéficiaire d'une police d'assurance-vie par son mari, une réforme de nos régimes matrimoniaux et de nos lois d'as-

surance-vie est l'occasion par excellence de toucher ce point.

On se rappellera que le bill 8, adopté le 2 mai dernier et qui amendait le code civil en raison des nouvelles procédures de divorce, a accordé aux tribunaux le droit de se prononcer relativement aux donations dans le contrat de mariage, mais ne mentionne pas les avantages que les époux pourraient se conférer en dehors du contrat de mariage.

Les restrictions que nous venons de souligner et qui résultent de l'application de la Loi de l'assurance des maris et des parents et de l'article 1029 en assurance-vie vont devenir de plus en plus intolérables et incompréhensibles pour le public lorsque les grandes restrictions des articles 1265, 1301 et 1483 du code civil seront complètement éliminées. Les transactions mettant en cause des époux devenant maintenant plus simples et plus libérales, ces transactions seront plus nombreuses et les inconvénients de la Loi de l'assurance des maris et des parents et de l'article 1029 seront donc d'autant plus criants.

Nous suggérons, premièrement, d'abolir cette Loi de l'assurance des maris et des parents, tout simplement, et l'adoption de dispositions rendant les bénéficiaires révocables au gré du détenteur de la police, à moins que le détenteur ne stipule lui-même que la désignation est irrévocable, éliminant le recours à l'article 1029; ces dispositions devraient aussi pourvoir une protection à l'égard des créanciers lorsque le bénéficiaire est un membre de la famille immédiate du détenteur de la police.

En résumé, il y a deux grands points. Le premier, ce sont ces restrictions causées par l'existence de la Loi de l'assurance des maris et des parents et, deuxièmement, cette distinction que le bill 10 fait entre la police qui est prise au début et celle dont on devient ces-sionnaire, que nous aimerions voir changer pour police acquise à titre onéreux ou à titre gratuit.

Maintenant, si les membres de la commission ont des questions techniques à poser, M. R.H. Hurlburt, le Vice-président de la Sun Life, est ici et M. Gil Fortier de l'Industrielle.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a des questions à poser?

M. DUBE: Nous avons soumis les textes...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Personnellement, j'ai trouvé l'explication de Me Dubé extrêmement bien faite et cela aide à me convaincre.

Déjà fêtais convaincue que l'assurance des maris et des parents, il y avait lieu de l'abolir ou d'y apporter des changements quelconques, et cela me convainc. Je ne sais pas ce que les juristes qui ont travaillé sur le bill 10 pensent. Personnellement, je n'ai pas de question à poser, l'exposé est très clair.

M. THEORET: M. le Président, pour faire suite aux remarques de Mme Kirkland-Cas-grain, je crois aussi qu'il s'agit là d'un domaine de très haute spécialité. Il y a chevauchement de la Loi des maris et des parents. Je me pose aussi la question — et c'est la question que j'allais poser aux experts du comité de revision du code civil — s'ils ont envisagé cette loi en prenant conscience de toutes les implications que la loi de l'assurance peut avoir sur le bill 10. Ou, y aura-t-il lieu de revoir vos notes en tenant compte des explications et du mémoire présenté par Me Saint-Laurent la semaine dernière et M. Dubé ce matin?

M. LE PRESIDENT: Oui, M. Crépeau.

M. CREPEAU: Je voudrais tout d'abord signaler à votre attention que nous avons déjà eu des entretiens avec les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie. Il s'est établi entre nous une collaboration extrêmement précieuse sur le plan de la conception des dispositions relatives à l'assurance-vie et sur le plan même de la rédaction de ces dispositions.

Déjà nous avions eu un premier contact qui avait abouti à une première rédaction. Mais, à la suite d'entretiens que nous avons eus il y a quelques semaines, on nous a signalé encore que, dans les incidences concrètes, il pouvait y avoir certaines difficultés. C'est à la suite de ces entretiens et de l'excellent travail — je me permets de le mentionner — qu'ont fait les conseillers juridiques de l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie que des nouveaux textes vous ont été soumis.

Si cela agréait aux membres du comité, nous aimerons rencontrer à nouveau les conseillers juridiques de l'association canadienne pour mettre au point, en quelque sorte, les textes qu'ils vous ont soumis ce matin et que nous n'avions pas eu encore l'occasion de voir dans leur toute dernière formule. Nous pourrions, si vous le vouliez bien, vous soumettre dans les meilleurs délais les recommandations dernières concernant les dispositions d'assurance-vie.

Ce contact entre l'Office de revision du code civil et les assureurs-vie a montré comment ce domaine est complexe et comment il y

a lieu de tenter cette réconciliation entre le régime fondamental des acquêts et ses dispositions concrètes sur l'assurance-vie.

En ce qui concerne l'article 1029, il est certain que ce problème a fait l'objet d'études au comité des obligations, qui est présidé par M. le juge Albert Mayrand de la cour Supérieure et déjà ces dispositions concernant la stipulation pour autrui et les problèmes que son application pose dans le domaine de l'assurance ont été mis à l'étude. Nous espérons également pouvoir vous soumettre aussitôt que possible les recommandations relatives à la modification de ces dispositions.

En ce qui concerne la Loi des maris et des parents, je vais laisser le président du comité des régimes matrimoniaux vous dire quelques mots.

M. LE PRESIDENT: Notaire Comtois.

M. COMTOIS: Je veux tout simplement compléter, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Excusez donc, notaire. Avant de passer à vous, est-ce que la suggestion faite par Me Crépeau est agréée par la commission?

M. THEORET: Oui. Les explications de Me Comtois vont peut-être finir par nous convaincre.

M. LE PRESIDENT: Me Comtois.

M. COMTOIS: Pour compléter un peu ce que disait M. Crépeau, je pense que cette formule de législation et ce que nous vivons ce matin nous prouve la grande utilité de la commission. D'avance, après avoir lu les recommandations et le rapport des assureurs, cela nous paraît extrêmement valable, et je suis à peu près sur qu'à la suite d'une réunion nous pourrons nous mettre d'accord sur des textes que nous transmettrons à la commission qui les incorporera dans le projet de loi, si cela vous agrée.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que c'est le désir de la commission?

M. PAUL: M. le Président, il semble y avoir un consensus général des deux côtés de la Chambre pour que nous ajournions en fin de semaine nos travaux jusqu'à septembre. Pour ma part, j'ai l'intention de présenter plusieurs motions à la Chambre pour que différentes commissions puissent siéger durant le mois d'août. Aucune commission ne siégerait durant le mois de juillet.

M. le Président, il semblerait nécessaire que la commission de la refonte du code civil puisse examiner le problème qui a été soulevé ce matin par M. Dubé et, à une date de séance qui aura lieu au mois d'août, qui n'est pas encore fixée, à ce moment-là, peut-être que nous pourrions recevoir avec avantage les recommandations tant de M. le Président que du notaire Comtois.

M. LE PRESIDENT: C'est bien. Cela vous va?

M. COMTOIS: Pour autant que nous travaillerons en collaboration, nous vous présenterons ces textes aussi définitifs que possible disons pour la fin de juillet. Un autre point sur lequel...

M. THEORET: Notaire Comtois, je vous ferai remarquer que nous sommes un peu dans la position du juge qui est très compétent mais il l'est encore plus quand un avocat lui fournit tous les articles du code de même que la jurisprudence.

M. COMTOIS: Oui, cela explique certains jugements.

M. THEORET: Je dis cela sans malice.

M. PAUL: Espérons que le vôtre sera au moins sans appel.

M. COMTOIS: C'est vous qui serez le juge en appel, messieurs. Alors, sur ce dernier point, nous pouvons faire cette proposition.

Quant aux autres suggestions qui sont faites accessoirement sur l'article 1029 et surtout sur le divorce, je regrette, mais je ne crois pas que ce soit le rôle de cette commission étudiant le bill 10 de corriger tout le reste du code. Je voudrais bien qu'il n'y ait pas d'anomalies sur l'article 1029 comme il y en a actuellement. Je voudrais bien que les juges, à la suite d'un divorce, puissent dire ce qu'il advient des polices d'assurance comme ils le font à propos des donations ordinaires; mais j'estime que même si c'est l'occasion de signaler des anomalies, je ne pense pas que nous puissions et que votre commission puisse, en étudiant le bill 10, régler cette question, pas plus d'ailleurs qu'elle ne peut régler le problème de la réserve et de la liberté testamentaire et tout cela. Non pas que cela n'ait pas d'importance, mais à chaque jour suffit sa peine. Il faut d'abord étudier le bill 10 et ne pas reporter l'étude à tout le code parce que cela n'aura pas lieu au mois de juillet sûrement. Alors, je vous soumets que les autres

recommandations pour valables qu'elles soient, ne peuvent pas être retenues à ce stade-cl.

M. CREPE AU: J'ai l'approbation. M. le Président, le problème que vient de soulever M. le notaire Comtois est très réel et, à l'Office de revision du code civil, comme nous avons en ce moment douze comités qui essaient d'examiner de front les diverses parties du code, il est bien certain que lorsqu'un mandat est confié à un comité, on lui demande de faire en sorte de voir quelles pourraient être les incidences de sa proposition sur les diverses parties du code, mais dans la mesure où cela n'a qu'un lien essentiel. Il appartient à d'autres comités de voir à la réforme du code dans la matière qui les concerne, et encore là de voir toujours quelles pourraient être les incidences essentielles. Mais, puisque nous avons pris le parti, chaque fois que la chose nous paraissait urgente, de vous soumettre un projet de réforme qui puisse faire l'objet, si vous le désirez, d'une adoption immédiate, nous ne pensons pas que nous puissions voir l'ensemble d'un seul coup. Si bien, que comme cela a été fait, comme on vous l'a représenté lors des dernières réunions, il y a des problèmes que soulève le bill 10 en dehors des régimes matrimoniaux. Nous voudrions en temps et lieu y apporter des correctifs, y apporter des remèdes; mais nous voudrions, dans toute la mesure du possible, procéder par étape pour que le code puisse ainsi être revisé dans les meilleurs délais.

M. LE PRESIDENT; Merci, Me Crépeau. M. Ernest Caparros avait demandé la parole. Voulez-vous vous rendre au micro, s'il vous plait?

M. CAPARROS: Merci. M. le Président, madame, messieurs, j'aimerais souligner d'abord et avant tout que, contrairement à ceux que vous avez entendus jusqu'à maintenant, je ne représente personne. C'est-à-dire que je parle en mon nom personnel. C'est un sujet qui m'intéresse depuis plusieurs années, que j'étudie. J'ai suivi tous les travaux de l'Office de revision et lorsqu'ils ont présenté le rapport, moi-même avec un de mes confrères, en mon nom personnel, je présentais un mémoire et je reviens encore à la charge avec certaines des idées que j'avais présentées à ce moment-là et qui, à mon avis, sont assez importantes à plusieurs points de vue.

J'aimerais d'abord vous signaler quelle est mon opinion à propos de la société d'acquêts, du principe de la société d'acquêts, pour vous suggérez ensuite quelques modifications qui, à mon avis, pourraient améliorer tout notre droit en rapport avec les régimes matrimoniaux. Ce ne sont pas seulement ces modifications pour la société d'acquêts, bien au contraire, c'est pour tous les régimes matrimoniaux.

Quant au principe de la société d'acquêts, nous pensons que le choix qu'a fait l'Office de revision du code civil et qui a été confirmé par le gouvernement en présentant le bill 10, c'est tout à fait dans l'ordre des réformes modernes.

Le principe de la société d'acquêts, en tant que régime légal, nous semble être, dans le contexte québéquois, le mieux adapté aux exigences de notre société. Il nous paraît ainsi, à un tel point que nous nous demandons si le principe de la société d'acquêts ne serait pas actuellement recherché par les futurs époux et même par les notaires dans les contrats de mariage stipulant séparation de biens.

J'aimerais signaler à ce propos que j'ai fait une toute petite enquête. Je suis même incapable de former une hypothèse. Je suis allé vérifier 21 contrats de mariage au greffe ici à Québec, sept en 1940, sept en 1950 et sept en 1960. A partir de 1950, on commence à retrouver, dans les contrats de mariage, des clauses qui ne sont évidemment pas des clauses comme on retrouve dans les normes de la société d'acquêts, mais qui recherchent le but de la société d'acquêts.

On recherche ce but peut-être sans le savoir, peut-être étant conscients qu'on veut le chercher; mais on est forcé plutôt à adopter les techniques de la séparation de biens parce que c'est le régime qui est le plus répandu. Je veux souligner avec cela qu'on me dit qu'il y a 70% des époux qui se marient sous le régime de la séparation de biens. On a relevé seulement le titre des contrats. Ce qu'on ne sait pas, c'est le contenu de ces contrats, et, même si je ne suis pas en mesure de formuler une hypothèse, parce que 21 contrats de mariage ce n'est pas suffisant, mais j'ai comme l'impression qu'on serait bien surpris de trouver dans les contrats de mariage en séparation de biens beaucoup de notions de la société d'acquêts, beaucoup d'idées qui rejoignent parfaitement la société d'acquêts. Nous savons par contre que certains corps intermédiaires se sont prononcés contre le régime de la société d'acquêts et ont recommandé l'adoption d'un régime de séparation de biens.

Notamment, il y a le mémoire qui a été présenté par le conseil général du barreau qui rejette d'une façon qui me semble un peu légère la société d'acquêts. Le mémoire a été publié en 1967 dans la revue du barreau, vous l'avez à la note 1 de mon texte; c'est un mémoire de deux pages où on s'appuie surtout sur l'opinion de notaires, en fait, ils sont trois frères, les frères Mazeaud, à propos de la société d'ac-

quêts. J'en conviens, les frères Mazeaud sont contre la société d'acquêts de la même façon qu'ils sont contre la séparation de biens. Ils ne jurent que par la communauté de biens. Alors, pour eux, la société d'acquêts, c'est mauvais. Ce que je trouve un peu regrettable, c'est qu'on s'est appuyé simplement sur les idées des frères Mazeaud à propos de la société d'acquêts. On a recommandé dans ce mémoire qui est assez sommaire pour un travail qui a été fait durant de longues années par des experts et on a rejeté sur la foi des frères Mazeaud la société d'acquêts sans avoir pris la peine de regarder, quelques pages auparavant, ce que les frères Mazeaud disaient sur la séparation de biens.

Je vous donne quelques exemples. A un moment donné, ils disent que, la séparation de biens était dans ses origines une sanction qu'on imposait aux époux et que c'était encore, dans certains ordonnancements juridiques, une sanction qu'on impose aux époux, et les législateurs et la jurisprudence ont dû plier ce régime à la satisfaction des buts du mariage — on retrouve cela occasionnellement dans notre jurisprudence — ils finissent leur 25e leçon sur la séparation de biens avec une lecture intitulée: « Les dangers du régime de la séparation de biens ».

Je ne partage pas pleinement toutes les idées de cette lecture, mais il y a quand même, quelques chapitres auparavant, une critique très forte des mêmes auteurs sur la séparation de biens.

Evidemment, si la communauté de biens peut être considérée comme un régime qui entrave l'épanouissement de la femme, la séparation est sans aucun doute un régime qui maltraite la femme avec une cruauté telle que nous ne pouvons pas concevoir comment il se fait que des personnes puissent demander l'adoption d'un tel régime.

Notons en passant que l'établissement d'une légitime pour la limitation de la liberté de tester ne fait pas pour autant disparaître la cruauté du régime de séparation de biens. La légitime existe dans d'autres pays et des auteurs de ces pays ont signalé que ce régime était extrêmement cruel.

Par contre, là où la séparation de biens existe comme régime légal, on a toujours toute une série de mesures pour protéger la femme, pour protéger la famille. Dans plusieurs pays — nous avons surtout mentionné les pays anglophones et c'est vrai — il y a aussi toute une série de mesures pour protéger le domicile familial et certains biens. Dans d'autres endroits, particulièrement en Italie, il y a des dispositions pour protéger le patrimoine familial.

Et. par ailleurs, lorsque la séparation de biens existait comme conséquence de l'influence du droit romain, il y avait la dot quand même qui protégeait la femme.

On se leurre, par ailleurs, trop souvent, en pensant à la simplicité de la séparation de biens. En effet, on soutient que ce régime est la simplicité même, parce que, les biens étant séparés, il n'y a aucun besoin de liquidation. Cependant, la réalité est fort différente, parce que les biens ne sont séparés que théoriquement; en réalité, ils sont très souvent, pour ne pas dire toujours unis.

Et, à ce propos, le doyen Savatier pouvait affirmer que c'était là le gros problème de la séparation de biens, car l'individualisme des fortunes se heurte aux réalités de la vie. Et à ce sujet, on se leurre à tel point qu'on ne voit plus que, même sous le régime de la séparation de biens, une liquidation est nécessaire; liquidation qui est d'autant plus difficile que les époux, plus ou moins bien conseillés, pensent qu'elle ne se produira pas. Cette liquidation de la séparation de biens est tellement nécessaire que certaines législations modernes ont senti le besoin d'insérer dans les textes qui régissent le régime de la séparation de biens, un système de présomption pour la faciliter. Et, outre le code français, le bill 10, à l'article 1439, propose une présomption pour partager les biens qui sont, dit-on, séparés.

On a aussi souvent mis en vedette les régimes matrimoniaux des provinces de Common Law qui s'inspirent de l'ordonnancement juridique anglais où on retrouve la séparation de biens la plus absolue. On sait, en fait, qu'au début les deux époux étaient un — M. Crépeau le signalait très bien l'autre jour — et que cet un n'était que le mari. Par ailleurs, à partir de 1852, la séparation absolue, et il est cependant intéressant de remarquer que les Anglo-Saxons eux-mêmes commencent à rejeter la séparation de biens, parce qu'ils considèrent — et c'est un mot assez fort dans la bouche d'un Anglo-Saxon — que le système de séparation de biens est « irrealistic ». Cela ne s'accorde pas avec la réalité, et je vous souligne, entre autres choses, que nous avons eu l'avantage d'écouter le professeur Baxter, mercredi dernier. En Ontario, la séparation de biens est conservée comme régime conventionnel. Cela ne sera plus le régime légal si nous adoptons ce que l'on propose.

Depuis la commission « on Marriage and Divorce », il y avait aussi certaines notions de communauté qui voulaient s'insérer. Ce qui est le plus remarquable, c'est que les femmes qui faisaient partie de cette commission, voulaient insérer dans le régime qui existait à l'é-

poque en Angleterre, certaines notions pour les protéger davantage.

Nous pouvons affirmer que la séparation de biens est actuellement en régression comme la communauté de biens l'est aussi; dans les réformes qui ont eu lieu, aussi bien sur le continent américain que sur le continent européen, dans les vingt dernières années — peut-être pourrions-nous dire dans les cinquante dernières années — aucun pays n'a adopté la séparation de biens comme système régissant les rapports économiques entre les époux. Aucun pays ne l'a adopté comme régime légal. Par contre, plusieurs pays où ces rapports étaient régis par la séparation de biens l'ont abandonné pour se rallier à un régime qui épouse les principes de la participation aux acquêts.

Des pays ont adopté un genre de régime de participation aux acquêts; il y a en particulier les pays Scandinaves. Il y a aussi l'Uruguay, la Russie, un certain nombre de pays socialistes où il y avait la séparation de biens qui a été abandonnée. Il y a l'Allemagne, il y a la Hollande où, sous le couvercle d'une communauté universelle, on a fait en réalité une participation aux acquêts. En France, c'est une communauté réduite aux acquêts, mais cela se rapproche énormément de ce principe. J'en passe. Pas un seul pays n'a adopté la séparation de biens comme régime légal depuis que les réformes de régimes matrimoniaux ont commencé à aller à une vitesse assez considérable, à partir des dix premières années de ce siècle et pas un seul ne l'a adopté.

Certains pays qui avaient la séparation de biens comme régime légal l'ont aménagé, éventuellement, mais il n'y a pas eu de nouveau régime adopté comme étant celui de la séparation de biens.

Ajoutons aussi que la séparation de biens, à notre avis, demeure essentiellement conventionnelle. Nous admettons qu'elle puisse être bonne et même souhaitable pour certains ménages, dans des situations un peu particulières, mais nous nous refusons à concourir à l'idée qu'elle est le meilleur régime pour la majorité des époux, pour la simple raison qu'elle n'est pas conforme à la réalité des ménages normaux dans le contexte socio-économique québécois. Il ne faut pas appliquer à tous un système qui respire l'exception ou le cas particulier. Le régime légal qui, en principe, doit s'appliquer à la majorité, devrait être fait en fonction des aspirations de cette majorité. Et la société d'acquêts, telle que proposée par le bill 10 à l'Assemblée nationale, nous semble répondre parfaitement à ce que la majorité des époux québécois recherchent réellement.

J'aimerais ici faire une petite remarque de cet aspect de la faillite qu'on brandit occasionnellement même trop souvent à mon goût. C'est vrai que lorsqu'il y a l'éventualité d'une faillite, le meilleur régime est la séparation de biens. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de faillites, peut-être même sont-elles assez nombreuses, mais c'est vrai aussi que les faillites se produisent normalement chez des personnes qui ont des occupations professionnelles semblables. En fait, toutes les personnes qui sont à l'emploi de quelqu'un: gouvernement, université, grosses compagnies, etc., font rarement faillite. Même tous ceux qui sont en principe à salaire, d'une façon ou d'une autre, font rarement faillite.

Il y a les commerçants, bien sûr, qui le font.

Il y a les personnes qui sont en affaires, bien sûr, qui le font. Je n'ai pas fait de statistiques, mais j'ai l'impression que tout le monde n'est pas commerçant. Peut-être, dans le fond de chacun, y a-t-il un petit désir de faire un peu de commerce, mais tout le monde n'est pas dans les affaires.

Par ailleurs, j'aimerais aussi souligner — vous aurez pu vous en rendre compte par 1'énumération que j'ai faite tantôt —que les pays qui ont adopté un régime se rapportant aux principes de la participation aux acquêts appartiennent à des zones d'influence et ont des idéologies tellement diversifiées qu'on est obligé de penser que le principe de la participation aux acquêts est d'une telle souplesse qu'il peut s'adapter à des contextes socio-économiques fort différents. On l'a dans les pays Scandinaves, on l'a dans des pays de l'Amérique latine, on l'a dans des pays de l'Europe centrale, on l'a dans des pays de l'Europe orientale. On ne peut pas dire que toutes ces personnes pensent, fonctionnent et vivent de la même façon et, par contre, on a trouvé les moyens de faire, avec ces principes, un régime qui s'adapte à leur contexte.

En réalité, les corps intermédiaires, qui demandent une séparation de biens aménagée, ont eu peur de la complexité réelle d'un régime qui ne se dérobe pas aux problèmes que les rapports économiques entre époux prisent nécessairement. Il semble qu'ils se soient sentis soulagés devant un régime — la séparation de biens — qui, au lieu de prendre le moyen pour résoudre par des techniques appropriées les problèmes qui se posent réellement, contourne les difficultés en supposant tout simplement qu'il n'y a pas de problème.

Personnellement, la critique qu'on fait des complexités à la société d'acquêts, je considère que c'est une de ses grandes qualités parce

qu'au moins les législateurs, les membres de l'Office de revision ont eu l'honnêteté de dire qu'il y a des problèmes qui peuvent se présenter et en même temps ont apporté les techniques nécessaires pour que cela puisse se régler. Ce n'est pas en adoptant la politique de l'autruche — se cacher la tête dans un trou pour la sauver au risque de perdre le corps — qu'on peut résoudre les problèmes. La séparation de biens a des problèmes à résoudre comme n'importe quel régime matrimonial, comme n'importe quelle liquidation où il y a des personnes avec des relations familiales et où il y a des biens. Ce qu'il faut avoir dans les textes de loi, ce n'est pas tout simplement de penser qu'il n'y a pas de problèmes mais dire: Voici les problèmes qui peuvent se présenter, voici les techniques que nous suggérons pour qu'on puisse les résoudre.

Cela, c'est quant aux principes à décider sur la société d'acquêts. Je partage pleinement les vues de l'Office de revision. Je suis tout à fait d'accord avec le régime qui est proposé comme régime légal. Je trouve qu'on ne peut pas trouver mieux. La société d'acquêts a su faire la synthèse des avantages de la séparation de biens pendant le mariage et de ceux de la communauté à la fin du mariage.

Mais, malgré que nous partagions pleinement cette idée, malgré que nous considérions que la société d'acquêts devrait être adoptée comme régime légal, nous pensons qu'il y a quand même quelque chose de plus à faire. En particulier, il nous semble qu'on devrait ajouter au bill 10 certaines modifications afin d'introduire dans les textes des normes qui consacreront l'incidence minimale de la famille sur le bien des époux.

Ces modifications que nous voyons dans ce qu'on a appelé régime matrimonial primaire ou régime matrimonial impératif de base viendront résoudre les problèmes quotidiens de tout ménage et pourront améliorer ainsi tous les régimes matrimoniaux; et de façon plus particulière, peut-être, la société d'acquêts. Je vous souligne que cela n'est pas seulement pour la société d'acquêts. Dans mon esprit ce n'est pas quelque chose que j'ai inventé comme ça — il y a peu de chose à inventer en droit — ce sont des choses qui existent dans beaucoup de pays où je suis allé voir pour m'inspirer. Il y a certaines dispositions dans le code civil québécois qui peuvent être considérées comme un régime de base, mais elles ne sont pas suffisantes. C'est simplement une espèce de statut pour tous les mariages. Nous avons des règlements dans toutes les associations quand même. Lorsqu'on entre dans une association, il y a des règlements, on est d'accord avec les règlements. Si on est d'accord, on entre; si on ne l'est pas, on n'entre pas. Dans le cas du mariage, on n'a jamais dit: Voici, ce sont certains règlements qui vont régir tous les époux comme minimum. Après, chacun pourra faire le régime matrimonial qu'il voudra ou adopter le régime légal.

La raison pour laquelle nous proposons ce régime de base nous semble assez évidente. Le régime matrimonial impératif de base règle, pendant le mariage, une foule de problèmes qui sont très souvent, notons-le, les seuls à jamais se présenter dans la plupart des ménages. L'administration ordinaire, qui très souvent est la seule administration à faire dans ces ménages est organisée par le régime primaire, lequel s'applique à tous les époux par le seul fait du mariage. Ce régime primaire va donc établir le minimum des conditions économiques sans lesquelles le ménage ne pourrait pas s'épanouir. A la fois, il va garantir aux tiers un minimum de sécurité et à chacun des époux une indépendance doublée de la solidarité nécessaire.

Nous sommes d'avis que la loi concernant les régimes matrimoniaux pourrait être considérablement améliorée, si on y introduisait certaines normes visant à l'établissement clair du régime primaire impératif, qui auraient comme premier objectif la protection de la famille par le truchement des régimes matrimoniaux, consacrant ainsi l'incidence minimale de la famille sur les biens des époux. En même temps, ce régime primaire faciliterait les relations économiques entres les époux ainsi que les relations de ces derniers avec les tiers. Je vous souligne qu'il y a quand même une incidence minimale de la famille sur les biens des époux, qu'on le veuille ou non. On peut bien dire que nos biens restent célibataires, mais dans la réalité les biens ne restent pas célibataires. Ce que je vais vous proposer dans quelques moments n'est pas quelque chose de farfelu ni d'idéaliste. C'est ce qui se passe dans la réalité de tous les jours, qui ne se trouve pas dans les textes de lois, bien sûr, mais c'est quand même de cette façon que les époux vivent en majorité. Pour ceux qui ne vivent pas de cette façon, il serait peut-être bon d'avoir des articles qui les empêchent de poser certains gestes qui vont à l'encontre des autres membres de la famille.

Nous nous permettons donc de proposer certains articles visant, en premier lieu, à la limitation des pouvoirs des époux dans l'intérêt de la famille; deuxièmement, à préciser certaines notions sur la contribution aux charges du ménage. En troisième lieu, en rapport avec le domicile familial; quatrièmement, à créer la solidarité des époux dans les dettes contractées dans

l'Intérêt du ménage; finalement, afin d'établir des dispositions qui rendraient ces normes obligatoires pour tous les époux du fait de leur mariage, consacrer ainsi le caractère impératif de ce régime.

En fait, c'est l'Infrastructure d'un régime matrimonial, si vous voulez, c'est le fondement sur lequel chaque époux bâtira par la suite le régime matrimonial qu'il voudra.

En conséquence, ces dispositons, si elles sont agréés, devront se retrouver à notre avis au chapitre sixième du titre cinquième du livre premier du code civil, soit dans le chapitre intitulé: « Des droits et des devoirs respectifs des époux ».

Quant à la limitation des pouvoirs des époux...

Quant à la limitation des pouvoirs des époux dans l'intérêt de la famille, j'aimerais tout d'abord vous citer — vous excuserez mon accent — une phrase du professeur Kahn-Freud, un professeur anglais: « Even the most extreme individualism cannot deny that, owing the exigencies of nature, human beings are destinated to dedicate a considerable proportion of their worldly possession to the use of the family, a group which as long as it is healthy and normal, is in its economic structure, bound to be communistic ». Et je souligne, en fait, que c'est un professeur anglais qui dit cela.

A cause de ce caractère communautaire de la famille, il y a toujours une incidence minimale de la cellule familiale sur les biens des époux, qu'on le veuille ou non. Il faut donc dans ce domaine dépasser le stade de l'individualisme, qui se trouve ancré dans notre code depuis que Napoléon avait édicté les siens et qu'il faut atteindre une optique familiale, où l'on considère la famille comme une cellule essentielle et primaire de la société, cellule composée des parents et des enfants, et ayant des droits comme telle, même si ces droits n'ont jamais été explicitement reconnus dans le code civil de la province de Québec, comme d'ailleurs dans bien d'autres codes.

Il faudra donc que notre code contienne des textes qui établieront la possibilité de limiter les droits et les pouvoirs des époux de façon impérative et générale, dans le but de sauvegarder l'unité de la famille et de protéger ses intérêts. Dans ce but, nous nous permettrons de suggérer une modification au texte de l'article 177 du code civil, tel que proposé par le bill 10. En fait, c'est simplement une phrase à ajouter, changer le point-virgule, après mariage, à la deuxième ligne par un point et ajouter la phrase suivante: « Leurs droits et pouvoirs peuvent toutefois être limités par les dispositions du présent cha- pitre »; et le reste du texte continue, tel que proposé.

Pour que le principe énoncé dans ce texte soit respecté, c'est-à-dire la possibilité parce que c'est nécessaire, de limiter ces droits et pouvoirs, il faut prévoir des mesures qui, tout en assurant leur efficacité, lui confèrent une certaine force obligatoire. A cette fin, il nous semble que l'article 183 du code civil qui était proposé par le bill 10 établit un mécanisme qui satisfait partiellement ce but. Toutefois, nous croyons que dans cette ligne on devrait ajouter un autre article qui devrait se lire à peu près comme suit: « Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, le tribunal peut sur requête l'y contraindre. Si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, un juge de la Cour supérieure peut, sur demande à cette fin, prescrire toutes les mesures urgentes qui requièrent ses intérêts.

La durée des mesures prévues au présent article doit être déterminée et ne saurait dépasser trois ans ».

Je m'inspire en particulier de la dernière réforme du code civil français, ainsi que de la dernière réforme du code hollandais.

Quant à la contribution aux charges du ménage, deuxième point de ces régimes impératifs, qu'à mon avis, on devrait ajouter. (En fait, il y a bien d'autres points qui se trouvent déjà dans le code et que je ne mentionne pas à cause de cela).

Quant aux charges du ménage, elles sont toujours communes à toutes les familles, peu importe le régime matrimonial choisi par les époux. Ces charges font intégralement partie des opérations les plus ordinaires de la vie des familles. Pour cette raison il nous semble qu'il est convenable de rendre uniformes les normes qui consacreront au moins l'incidence minimale de la famille sur les biens des époux et d'insérer dans le chapitre « des droits et devoirs des époux », toujours dans l'optique de ce régime matrimonial de base, des dispositions à ce propos.

Ces dispositions devraient établir aussi le principe de la contribution des époux aux charges du mariage ainsi que les modalités d'application. Mais, à notre avis, les articles 174 et 176 actuels du code civil qui n'ont pas été touchés par le bill 10 devraient être modifiés dans une optique plus égalitaire entre les époux.

Concrètement, l'article 174 devrait se lire — je proposerai et il n'a pas été touché par le bill 10, une toute petite modification de forme, au début des deux premiers paragraphes. « La femme concourt avec le mari », dit-on au premier paragraphe. A mon avis, dans un

contexte égalitaire, on devrait dire : « Les époux concourent ». Dans le deuxième paragraphe, on dit: « La femme exerce seule ses fonctions ». A mon avis, on devrait dire: « L'un des deux peut exercer seul ses fonctions lorsque l'autre... » C'est une petite modification de forme, mais qui crée certaines difficultés lorsque, par la suite, on commence à interpréter le texte.

Par ailleurs, l'article 176 actuel du code civil impose au mari l'obligation de fournir à sa femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état. Ces dispositions nous semblent sans fondement juridique lorsqu'il n'est pas assorti d'autres normes. Nous croyons que des dispositions plus complètes s'imposent et nous nous permettons de proposer trois articles. Le premier pourrait se lire comme suit: « Les époux contribuent aux charges du ménage en proportion de leurs ressources respectives ». Cette proportion peut être spécialement précisée par les conventions matrimoniales. Sont dans tous les cas réputés être les charges du ménage: les frais d'entretien, l'éducation et l'établissement des enfants ainsi que les frais médicaux et chirurgicaux. Notre article pourrait se lire ainsi: « Les gains et les salaires de chacun des époux sont affectés à titre principal aux charges du ménage ». Les époux perçoivent leurs gains et salaires et peuvent en disposer librement sous réserve de leur régime matrimonial, après s'être acquittés de la contribution respective aux charges du ménage. Si les gains et salaires des époux sont insuffisants pour pourvoir aux besoins de la famille, ils sont tenus d'y contribuer à même leurs biens selon leurs facultés respectives.

Je vous souligne tout de suite qu'à l'égard de ce dernier paragraphe, il y a une décision très récente de la cour Supérieure (Chamard contre Trudel, 1969, cour Supérieure, 201) où dans un cas de séparation de biens, séparation même des corps, on impose au mari l'obligation d'aller chercher dans son capital pour payer la pension alimentaire à la femme. Or, il me semble que ce serait tout à fait normal si c'est cela que la cour a établi pour un cas de séparation de corps que dans le cas d'une famille qui fonctionne normalement, que les époux puissent être obligés à aller chercher dans leur capital pour subvenir aux besoins de la famille.

Et le troisième texte qu'à mon avis on devrait ajouter — et ici je reprends l'article 174, deuxième alinéa — on pourrait en premier lieu lire: « La femme peut s'acquitter de sa contribution par son activité au foyer ou par la collaboration aux activités professionnelles du mari. Dans ce cas, le mari est obligé de fournir à sa femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins du foyer et pour les besoins personnels de celle-ci, selon ses facultés et son état ». A mon avis, c'est seulement dans les cas où la femme reste au foyer parce qu'elle le désire et qu'elle contribue ainsi aux charges du ménage que le mari doit être obligé à fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins personnels de la femme et avant cela pour les besoins de la famille.

Nous considérons que ces modifications, si elles sont jamais agréées — je vous avoue que je les présente régulièrement depuis un certain temps, à différents paliers — devront enchaîner des adaptations nécessaires, en particulier des modifications, des concordances. Il me semble que les articles 1266 r) et 1438 du code civil tel que composé par le bill 10 deviendront peut-être inutiles puisqu'au fond on a ramené au statut fondamental des époux, on a ramené à ces régimes primaires, les obligations de contribuer qui sont établies pour la société d'acquêts à l'article 1266 r) et pour la séparation de biens à l'article 1438.

Par contre, je ne pense pas qu'il y ait des modifications à apporter à l'article 1280, alinéa 5 du code civil qui établit la question que les dettes du ménage font partie du passif de la communauté.

A notre avis, ces dispositions que nous proposons visent à introduire dans les cadres de notre législation sur les régimes matrimoniaux un article familial. En fait j'ai été bien content d'entendre Mme Thérèse Casgrain demander la protection du domicile familial lors de la séance du 21 mai de cette commission ainsi que les remarques que M. Crépeau faisait lors de la dernière séance. Il me semble que c'est quelque chose qui pourrait être agréé parce que la demeure familiale est aussi, à notre avis, un des éléments essentiels de l'épanouissement de la famille. En conséquence la protection devrait se retrouver dans l'ensemble des normes constituant le régime matrimonial impératif de base.

Il faut, bien sûr, insérer des dispositions visant à protéger le domicile familial. Mais avant, il faut introduire des modifications à l'article 175 du code civil, qui n'est pas modifié par le bill 10. Je ne voudrais pas que la marraine de ces modifications à l'époque puisse considérer des questions de détail; il faut, à mon avis, replacer le tout dans un contexte égalitaire. Je comprends bien que ce sont des détails qui ont pu être oubliés, étant donné que le texte de base du bill 16 avait des principes différents. Lorsqu'il y a un réaménagement, il y a des détails qui peuvent être oubliés.

Selon nous, cet article 175 du code civil, qui

avait été modifié par l'article premier du chapitre 66 des lois de 1964, devrait être modifié de nouveau et remplacé, à mon avis, par le suivant: « Les époux sont réciproquement tenus d'habiter ensemble. Le lieu de la résidence du ménage est fixé d'un commun accord par les époux et, en cas de désaccord, par le mari. La femme détermine cependant le lieu de la résidence de la famille lorsque le mari ne peut ou ne veut manifester sa volonté à ce sujet, ou lorsque les besoins de la famille sont, à titre principal, à la charge de la femme. « L'époux qui n'aura pas participé au choix de la résidence doit suivre son conjoint pour demeurer partout où il fixe la résidence de la famille. Le conjoint qui a fait le choix est tenu de l'y recevoir. « Lorsque la résidence choisie par l'un des époux présente pour la famille des dangers d'ordre physique ou d'ordre moral, l'autre peut, sur requête présentée à un juge de la cour Supérieure, après signification au conjoint, demander l'annulation de cette décision ».

En définitive, le texte que nous proposons n'est qu'un aménagement de l'article 175 actuel de façon à le rendre conforme aux principes de l'égalité des époux.

Dans le contexte égalitaire, il relève de la plus élémentaire logique que le choix de la résidence soit faite conjointement par les époux. Il faut prévoir cependant qu'un désaccord puisse survenir sur ce choix; dans ce cas, il nous a semblé — en fait, je m'inspire en cela du code hollandais — qu'il était opportun de donner la priorité, lors du désaccord, à l'un ou à l'autre, selon que l'un ou l'autre soit celui qui apporte les deniers nécessaires pour vivre, étant donné que, normalement, son travail le rattache d'une certaine façon à un lieu précis.

Par contre, il nous a semblé apportun d'introduire un petit changement au dernier alinéa, alors qu'on fait intervenir le juge. Dans le texte actuel, il peut fixer une autre résidence. A mon avis, il devrait annuler simplement le choix qui est mauvais et remettre en marche la machine d'un nouveau choix qui devrait se faire entre les époux.

Une fois que le domicile a été choisi de cette façon, il faut alors envisager sa protection. Afin de pouvoir faire une véritable promotion juridique du logement familial, nous pensons qu'un texte devrait être ajouté au bill 10, texte qui pourrait se lire comme suit; « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. « Par logement de la famille, il faut entendre ici le lieu où elle a son principal établissement, en égard à son train de vie et à ses besoins normaux. « Par meubles meublants, il faut entendre ici la totalité du mobilier et des objets destinés notoirement à l'usage du ménage à l'exception des bibliothèques, des objets de nature artistique, scientifique et historique ».

Je vous souligne ici que le professeur Baxter, dans un article qu'il a publié très récemment à propos de la réforme qui est proposée en Ontario, consacre quelques pages au domicile familial. On retrouve, là-bas, la possibilité d'interdire à l'un des époux de disposer du domicile familial sans le consentement de l'autre ou sans un ordre de la cour. C'est quelque chose, en fait, que l'on commence, de plus en plus, à insérer dans nos lois, afin de protéger ce domicile.

En rapport avec le texte que nous venons de proposer, une objection pourrait être soulevée: cette disposition peut entraver la liberté contractuelle des époux lorsque la mais on familiale et les meubles meublants seront en cause. Cependant, lorsque de tels contrats sont envisagés dans les ménages normaux, les époux se consultent et sont d'accord pour passer ces actes de disposition. Comme vous voyez, c'est ce qui se passe dans la réalité. On n'achète pas, normalement, une maison tout seul; on s'en parle comme c'est la même chose pour les meubles, etc.

Par ailleurs, avec ce texte on empêcherait les situations exceptionnelles, mais non pas pour autant moins malheureuses: Les cas où l'un des époux, sans tenir compte des intérêts de la famille et considérant seulement son égoïsme dispose du logement ou des meubles meublants, ou des deux, causant ainsi un tort grave à. la cellule familiale.

Nous avons considéré nécessaire d'ajouter à cet article, toutefois, un deuxième alinéa pour apporter des précisions S. la notion de logement familial. D'abord il fallait que de cette notion soient exclues les résidences secondaires qui ne sont pas nécessaires pour la vie de la famille. Et en même temps, ce deuxième alinéa permet d'éviter que des personnes puissent mettre sous le couvercle du logement familial, des maisons d'appartements ou quelque chose du genre. Enfin, le troisième alinéa du même article vient répondre à l'objection qui veut que la sécurité des transactions mobilières risque de souffrir à l'interdiction faite à l'un des époux disposant seul de meubles meublants qui garnissent ce logement familial.

Actuellement, en rapport avec le domicile familial, pour éviter que l'article 184 du code

civil qui est proposé par le bill 10 ne vienne contrecarrer la mesure de protection que nous venons de proposer en rapport avec les meubles meublants, nous pensons qu'il faudrait ajouter la phrase suivante à la fin du texte: « Sauf pour les objets destinés notoirement à l'usage du ménage ». A l'article 184 on dit que chaque époux peut disposer des biens meubles. A mon avis si l'on veut évidemment que les meubles qui sont dans le ménage soient protégés, il faudra ajouter cette réserve à l'article 184.

Dans cette même ligne de protection du domicile familial — et là Je sors un moment du cadre du régime de base — nous considérons qu'une modification s'impose à l'égard du deuxième alinéa de l'article 1267 d) tel que proposé par l'article 24 du bill 10. En effet cet alinéa envisage la possibilité pour l'un des conjoints d'exiger que l'on place dans son lot moyennant paiement, lorsqu'il y a lieu, la maison d'habitation et les meubles du ménage ainsi que l'établissement industriel, agricole ou commercial de caractère familial qui font partie de la masse partageable. Mais cette mesure n'est prévue qu'en cas de décès ou d'absence de l'époux titulaire du patrimoine. Nous considérons, étant donné que cette mesure est adoptée pour protéger l'unité familiale, que dans certains cas de séparation de corps et de divorce cette même mesure devrait s'appliquer afin de protéger cette unité familiale. C'est-à-dire que lorsque la famille n'est pas complètement dispersée par suite de la séparation ou du divorce, on devrait accorder les mêmes droits du deuxième alinéa de l'article 1267 d) au conjoint qui a la garde des enfants, car en réalité la famille n'est pas plus dispersée lorsque l'époux est absent ou lorsqu'il est décédé, que lorsqu'il y a une séparation ou un divorce pour autant qu'une bonne partie de la famille reste réunie.

Je signalerai maintenant le quatrième point de ce régime de base, c'est la solidarité dans les dettes contractées dans l'intérêt du ménage.

Comme conséquence de l'obligation de contribuer aux charges du ménage qui incombent aux époux, il est strictement logique d'établir la solidarité pour les dettes contractées pour les besoins du ménage.

Nous avons proposé quelques modifications à l'article 176 du code civil qui, dans sa rédaction actuelle, n'a pas sa place dans une législation qui se veut égalltaire. Or, l'article 180 du code civil, qui n'a pas été lui non plus modifié par le bill 10, est aussi sans fondement, car il s'appuie sur l'article 170. D'ailleurs, si l'on considère que les deux époux doivent contribuer de façon égale, mais suivant des modalités qui peuvent être différentes, aux charges du ménage, le mandat légal de la femme, qui pouvait se comprendre dans les cadres d'un régime légal différent, tel qu'établi par l'article 180, n'aplus sa raison d'être. Il faut, par contre, établir des normes qui viennent instituer la solidarité des époux pour les dettes contractées dans l'intérêt du ménage.

Cette solidarité n'est pas une création inutile, elle a fait ses preuves, elle existe en Hollande depuis 1956, elle a été introduite en France par l'article 220 du code civil. A ce propos, je me permets de vous rapporter des mots du professeur Ponsard en commentant cet article: « Le texte nouveau a le mérite de la clarté et de la logique. Si l'on admet que le but essentiel de tout régime matrimonial est de pourvoir aux charges du ménage et de donner aux époux le crédit nécessaire en vue de ce but, on comprend la solution donnée par ce texte, à la fois quant aux pouvoirs des époux de passer les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage et l'éducation des enfants et quant à l'obligation découlant de ces contrats. »

Le professeur Ponsard disait plus loin: « En effet, quel que soit celui des époux qui a contracté, la dette née d'un contrat ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants oblige solidairement les deux époux. Par là est assuré le crédit du ménage lorsqu'il s'agit de pourvoir à ses besoins fondamentaux. » On notera la transformation par rapport aux règles traditionnelles du régime de communauté: « Comme c'est essentiellement le crédit du mari que l'on s'efforçait d'assurer, pour cela, toute dette du mari engageait à la fois ses propres, les biens communs et la jouissance des propres de la femme, mais non la nue-propriété de ces derniers. Et c'est probablement parce que, sous la séparation de biens, le mari ne disposait pas de ces éléments de crédit que la jurisprudence a été amenée à affirmer l'obligation solidaire des deux époux pour les dettes contractées dans l'intérêt du ménage. »

C'est cette dernière solution qui consacre, sous tous les régimes, le nouvel article 220 du code civil français, comme le signale le professeur Ponsard. Ici, je vous souligne aussi que notre jurisprudence, dans les cas de séparation de biens, est à peu près ou dans la même ligne que cette jurisprudence française que le professeur Ponsard signalait, c'est-à-dire d'établir, dans les cas de dettes contractées dans l'intérêt du ménage, une certaine solidarité entre les époux, même s'ils sont en séparation de biens.

M'inspirant de cet article du code civil français, tout en tenant compte de certaines critl-

ques que le professeur Ponsard avait suggérées dans son étude de la réforme française et, en puisant quelques éléments dans le code Hollandais, voici le texte que nous nous permettons de proposer pour remplacer l'article 180 qui avait été modifié par l'article 1er du chapitre 66 des lois de 1964: « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien normal du ménage ou l'éducation des enfants. Toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. La solidarité n'a pas lieu néanmoins pour des dépenses manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi de tiers contractant. « Toutefois, la solidarité ne peut être maintenue pour le seul motif que l'opération était utile ou que le tiers contractant était de bonne foi. « La solidarité n'a pas lieu non plus pour des obligations résultant d'achats à crédit pour des objets destinés notoirement à l'usage du ménage, lorsque ces achats sont extraordinaires eu égard aux habitudes du ménage s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux. »

Comme un tel texte serait nouveau en droit positif québéquois, malgré que certains des éléments ont déjà été employés par notre jurisprudence, il nous a paru nécessaire d'y apporter quelques explications.

En rapport avec le premier alinéa, nous sommes d'avis que les pouvoirs de chacun des époux de passer seul des contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage et l'éducation des enfants allait de soi. En effet, à partir du moment où la femme est capable, on ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas passer de tels contrats. De plus, puisque les époux sont obligés de contribuer aux charges du ménage en proportion de leur ressource respective, il n'y a plus besoin de représentation, mais de solidarité comme on l'a déjà dit plus haut.

Quant au deuxième alinéa, il faut souligner que ce qui représente le meilleur avantage de la solidarité dans l'optique où nous nous plaçons est le fait qu'elle puisse servir à protéger la famille des abus soit de l'un des époux, soit des tiers lorsqu'on institue des mesures assurant la disparition de cette solidarité dans le cas d'abus, spécialement lorsque l'un des époux fait des dépenses manifestement excessives ou fait face à un vendeur malhonnête.

Il nous a semblé, cependant, qu'il était nécessaire d'expliciter dans le texte que l'utilité de l'opération ou la bonne foi du tiers contractant n'était pas suffisante pour maintenir la solidarité.

Nous avons envisagé dans le troisième alinéa, les cas de dépenses qui, en étant normales, sont quand même extraordinaires; si ces dépenses sont faites à l'occasion d'un achat à crédit, il nous a paru nécessaire d'exiger le consentement des deux époux pour établir la solidarité. On pourrait objecter qu'une telle exigence est susceptible d'entraver les relations commerciales de la famille. A cela nous répondons que, lorsqu'il s'agit des dépenses extraordinaires, qui, tout en étant normales, ne se pro-suisent pas habituellement dans la réalité de la vie des ménages, les époux se consultent avant de le faire. Or, de la consultation au consentement, il n'y a qu'un pas. Par ailleurs, si une telle consultation ne se faisait pas, il nous semble qu'elle devrait être exigée, puisqu'elle est susceptible d'éteindre les possibilités de litige au sujet des dépenses ainsi faites. Précisons que, lorsque nous parlons des objets destinés notoirement à l'usage du ménage, nous voulons exclure toutes les dépenses qui ne sont pas faites en considération des besoins de la famille.

Finalement, il faudra, bien sûr — je vous ai mentionné dès le début, que dans mon esprit, cela devrait être un régime impératif de base — afin que toutes ces propositions ne puissent pas être lettres mortes, établir un article dans lequel on pourrait dire: Les dispositions du présent chapitre — il y a une erreur dans le texte à la page 29 on dit article, mais c'est chapitre — sous réserve des dispositions expresses référant aux conventions matrimoniales, sont applicables par le seul fait du mariage quel que soit le régime matrimonial des époux.Cela concerne le régime des dépenses.

Je me permettrai très sommairement de faire quelques petites remarques à propos d'autres textes, dans ces cas de la société d'acquêts, en particulier, l'article 1265 tel que proposé actuellement qui me semble — je suis d'accord avec ce principe de la mutabilité des conventions matrimoniales, je l'avais même proposé à un moment donné comme bien d'autres personnes — ce que je lui trouve, c'est que la rédaction peut avoir l'air un peu négative en égard aux intérêts de la famille. On dit en effet: « II est loisible aux époux pendant le mariage de modifier leur régime matrimonial ainsi que leur contrat de mariage pourvu que, par une modification ainsi faite, ils ne portent pas atteinte aux intérêts de la famille ».

A mon avis — c'est peut-être le même sort qu'a eu en France un article semblable rédigé de cette façon: « Pourvu que, par une modification ainsi faite, ils ne portent pas atteinte ». Il pourrait être rédigé de la façon suivante: « Pourvu qu'une telle modification soit faite dans l'intérêt de la famille ». Si elle est faite dans

l'intérêt de la famille, elle ne porte pas atteinte, mais peut-être que le juge, en interprétant ce texte, en disant qu'elle ne porte pas atteinte, si elle n'est pas dans l'intérêt, et qui éventuellement, peut avoir certains conflits, il me semble qu'une rédaction plus positive serait plus souhaitable.

Nous aimerions conclure en vous soulignant que le régime légal proposé, comme Je l'ai dit au tout début, nous semble malgré les objections qu'on a pu soulever, celui qui s'adapte le mieux au contexte québécois. Ce que nous suggérons se trouve — si nous pouvons parler ainsi — à la base de ce régime matrimonial légal, ainsi que des autres régimes conventionnels qui peuvent exister, parce qu'à mon avis les régimes matrimoniaux — même si nous les avons considérés pendant bien longtemps comme quelque chose qui ne regardait pas tout à fait la famille mais plutôt les époux — je considère que c'est une partie de notre droit qui doit être employé pour protéger la famille. Si nous établissons certaines dispositions pour protéger de cette façon par le régime de base la famille, nous réglerions bien des problèmes, nous aurions établi des statuts de base pour tous les époux, et éventuellement, nous n'aurions même plus besoin, dans les cas de personnes mariées sous un régime conventionnel, de grandir son contrat de mariage parce que la loi aura dit: Dans tel cas, c'est de cette façon que cela se produit.

De toute façon, bien des choses que je propose, c'est ce qui se passe normalement, tous les jours, dans la vie des ménages. Pour les quelques ménages qui ne vivent pas ainsi, c'est peut-être mieux qu'ils aient un frein afin de ne pas laisser leur famille en dehors de chez eux ou afin de ne pas contribuer aux dépenses nécessaires pour la vie du ménage.

M. le Président, je vous remercie beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions M. Caparros. Est-ce qu'il y aurait d'autres membres dans la salle qui...

M. PAUL: M. le Président... M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PAUL: M. Caparros, est-ce que votre mémoire a déjà été soumis à la commission?

M. CAPARROS: Je n'ai pas soumis à l'Office de revision du code civil, lors des séances publiques du mois de février, avec mon collègue Me Robert Morrisset, ce mémoire, parce que c'est un résumé. J'avais soumis un mémoi- re à l'Office de revision du code civil. La partie qui regarde les régimes impératifs de base avait été publiée par la suite dans les Cahiers de droits. Le volume 8 avait publié toute cette partie. Je l'avais soumise. J'étais allé devant l'Office de revision pour l'appuyer, et c'est pour cela que je reviens à la charge.

M. PAUL: Est-ce que vous avez présenté dans votre mémoire les notes que l'on retrouve au présent mémoire à la page 15, traitant du problème du domicile familial?

M. CAPARROS: A la page 15? M. PAUL: A la page 15.

M. CAPARROS: J'ai l'impression que oui parce qu'au fond j'ai... En fait, dans ce mémoire que je vous présente, il y a moins de choses que dans celui qui avait été présenté à l'Office de revision. Mais pour le faire, f ai repris, en complétant par d'autres recherches de détails, les mêmes choses.

En rapport avec le domicile familial, j'avais présenté les mêmes choses.

M. PAUL: Cest parce que, si un jour, on pouvait dire: Pauvre femme, je me demande si on ne serait pas porté à dire: Pauvre homme! en trouvant un...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce serait nouveau.

M. PAUL: ... champ d'application complet des recommandations ou du texte que vous nous proposez à la page 16, lorsque vous parlez de la résistance de l'un des époux quant au choix du domicile.

M. CAPARROS: Je pars, M. Paul, d'un principe qui veut être à la base de la législation, que les deux époux sont des égaux. Partant de ce principe, je ne vois pas pourquoi il faut faire une distinction entre le mari et la femme. C'est l'un ou l'autre des époux, si on veut vraiment qu'ils soient égaux. Si on considère que c'est une égalité différente, qu'il y a une différence... Remarquez bien que je considère que l'égalité n'est pas absolue. J'établis par exemple, dans un autre article, que la femme peut contribuer par son activité au foyer, ce qui est, dans beaucoup de cas, propre à la femme.

Je trouve qu'il y a quand même une certaine diversité dans la façon d'appliquer les normes d'égalité, mais que dans certains cas... Ce que j'ai dans l'esprit lorsque je dis que le conjoint

qui a fait le choix est tenu de recevoir l'autre et que celui qui ne l'a pas fait doit le suivre, pensons normalement que c'est le mari en fait, normalement ce sont les deux. Si les deux ne se mettent pas d'accord, si c'est le mari qui subventionne, qui est en train d'apporter l'argent, c'est normalement lui qui choisira le domicile, parce qu'il devra être près de son lieu de travail. Mais si le mari, par exemple, est malade et que ce soit la femme qui doive subvenir aux besoins de la famille, et que la femme, au lieu de rester à Drummondville, trouve un emploi beaucoup plus convenable à Montréal ou à Trois-Rivières, c'est normal que le mari, qui est à la remorque parce qu'il est malade, suive la femme.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: En somme, M. Caparros, vous suggérez la réciprocité parfaite?

M. CAPARROS: Dans bien des cas, oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela me paraît logique.

M. CAPARROS: Dans bien des cas, oui. Dans certains cas, madame, cela dépendra. En fait, l'exemple le plus typique où il y a une réciprocité parfaite, mais avec des modalités différentes, c'est la contribution aux charges du ménage. Je pense que, dans beaucoup de cas, si une femme a des enfants, elle veut rester à la maison. Pourquoi doit-on lui imposer d'aller travailler à l'extérieur? On doit reconnaître que ce travail qu'elle fait, en élevant ses enfants, en tenant maison, a une importance sociale extrêmement grande et on doit considérer qu'elle contribue ainsi... Et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, sa contribution peut être même, si on l'évaluait économiquement, plus importante que l'apport du mari en salaire. A ce moment, c'est le mari qui devrait subvenir au tout.

Pour le reste je pense que, si c'est un principe d'égalité, on doit établir une réciprocité parfaite.

M. PAUL: Me Caparros, je ne voudrais pas que vous preniez mes remarques de tout à l'heure dans un sens de reproche. Au contraire, mon collègue, le député de Papineau, me disait: C'est extraordinaire qu'un homme fasse un travail aussi complet, aussi fouillé, de sa propre initiative, très bien charpenté et qui nous présente une option nouvelle sur certains points, sur cette égalité vers laquelle, je crois, les membres de la commission veulent tendre.

Vous méritez des félicitations très sincères pour l'excellent travail que vous avez fait et qui, sûrement, sera d'une très grande utilité.

M. THEORET: M. le Président, si vous me le permettez, j'ai été, comme le Secrétaire de la province vient de le dire, agréablement surpris de vous entendre. Je ne vous connaissais pas. Etes-vous membre du Barreau de la province de Québec?

M. CAPARROS: Je suis membre du Barreau de la province de Barcelone, seulement; je n'ai pas eu le temps de demander mon adhésion au Barreau de la province de Québec.

M. THEORET: Alors vous êtes membre d'un barreau.

Je suis content de vous offrir personnellement, comme membre de la commission, mes félicitations pour cette participation généreuse au travail de la commission. Etant membre d'un barreau, vous ne partagez pas évidemment les opinions qui ont été officiellement exprimées par le Barreau du Québec, par l'entreprise de Me Claude Gagnon, que je félicite en passant.

Il a été élu, la semaine dernière, bâtonnier de la province de Québec. Nous nous attendions à ça mais quand même il peut toujours se produire des accidents au cours de ces élections. Me Gagnon, nous sommes heureux de voir que vous fraternisez très bien avec le président de la Chambre des notaires, alors c'est un bon signe pour l'avenir des deux professions.

Quant à vous Me Caparros, je crois bien que vos remarques qui sont reçues avec beaucoup de sympathie et d'intérêt par la commission, seront également reçues avec cette même sympathie et ce même intérêt par le comité de revision. C'est une participation que je trouve très souhaitable et, personnellement, je vous en remercie grandement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, déjà j'avais eu l'occasion et le plaisir d'entendre M. Caparros, c'était à l'occasion de l'audition publique tenue à Montréal. J'avais été, comme mes collègues, fort impressionnée par les remarques qu'il avait faites à l'époque.

Je suis très heureuse de voir qu'il est revenu à la charge et qu'il a apporté même des éléments nouveaux dans certains cas, à la lumière du bill que nous devons étudier.

J'aimerais, particulièrement, souligner ce qui m'a frappé chez lui. C'est que ses critiques ne sont pas négatives mais constructives. Alors où il nous souligne certaines anomalies. Justement il nous propose une amélioration à mon sens... Je ne suis pas prête à dire que j'admets

d'emblée toutes les suggestions qu'il fait, mais je le félicite.

Si tous les corps intermédiaires étalent venus devant nous pour critiquer d'accord; mais en même temps amener des suggestions cons-tructives, je crois qu'il y aurait des chances que le bill 10 soit adopté plus rapidement.

Cela me fait plaisir de joindre mes félicitations à celles des ministériels pour dire que j'ai beaucoup apprécié l'exposé du professeur. Je ne voudrais pas terminer sans féliciter, moi aussi, le bâtonnier de la province pour qui j'ai de l'admiration. J'espère qu'à la lumière, justement, de l'exposé que nous avons entendu et d'autres, peut-être que le barreau se ravisera. Evidemment, je n'ai pas de conseil à donner au barreau, j'en aurais plutôt à prendre. Mais on a quand même eu des juristes sérieux qui ont fait des études assez fouillées, qui se sont présentés à nous. Il me semble qu'il ne faut pas rejeter d'emblée tout ce travail et ne pas admettre qu'il y ait une valeur certaine dans les suggestions faites et les recommandations qui sont devant nous.

Tout en félicitant M. le Bâtonnier, je félicite également celui qui nous a fait un si brillant exposé.

M. MALTAIS (Limoilou): Je voudrais également ne pas être en reste, envers Me Capparros. Je note qu'il vient de Barcelone. Etes-vous Es-pagnon?

M. CAPARROS: Je suis d'origine espagnole, de citoyenneté canadienne depuis quelque temps déjà. Je suis inscrit au Barreau de Barcelone, même si je suis né dans une autre province de l'Espagne.

M. MALTAIS (Limoilou): Parce que j'ai d'excellents amis espagnols qui viennent de Barcelone aussi. Lorsque vous avez parlé de Barcelone, ça m'a intéressé. Alors je tiens tout simplement à dire que, comme mes confrères, j'ai assisté à un excellent cours de droit, à une excellente leçon. Je vous remercie de ce brillant exposé.

M. PAUL: C'est le cas de dire que nous gagnons beaucoup à côtoyer le Barreau et la Chambre des notaires, et que ce travail et cet échange de spécialistes en droit peuvent nous aider grandement ici, les membres de la commission, à trouver un texte qui pourrait avoir, autant que possible, l'approbation presque unanime de tous les intéressés à ce bill.

M. MALTAIS (Limoilou): Je crois qu'une fois de plus, M. le Président, nous voyons là l'utili- té de nos commissions et l'utilité de cette démocratie de participation. C'est à la lumière de toutes ces idées qui nous sont soumises ici que nous en arriverons à former un texte de projet de loi qui sera le plus complet possible dans une matière que nous reconnaissons très difficile et très complexe.

M. THEORET: Une remarque, et c'est une inquiétude de Me Caparros, qu'a soulignée tantôt notre collègue, le député de Maskinongé, le Secrétaire de la province, à l'article 175: « Lorsque les besoins de la famille sont à titre principal à charge de la femme », je me demande si vous n'avez pas visé les députés et s'il ne faudra pas retourner chez nous, parce qu'elle a établi son domicile à la maison et je crois que c'est elle qui, dans les circonstances, devrait nous rappeler... Alors, cette disposition m'Inquiète un peu.

M. LE PRESIDENT: Me Crépeau.

M. CREPEAU: Tout d'abord, nous sommes, à l'Office de révision du code civil, très sensibles à l'appui qu'apporte Me Caparros au régime fondamental de la société d'acquêts. En ce qui concerne la deuxième partie de son mémoire, je ne voudrais pas, ce matin, bien sûr, faire injure à la solidité de son texte et de son travail pour vouloir commenter ou vouloir répondre aux observations qui ont pu être faites.

Toutes ces propositions méritent un examen.

Il l'a signalé lui-même, lorsqu'il disait qu'il revenait à la charge à divers palliers. Il était déjà venu à l'Office de révision du code civil exposer son point de vue, et il est certain que le point de vue de M. Caparros est matière à plaider. L'idée de la protection de la famille, indépendamment de tout régime matrimonial, est une chose que l'on doit considérer.

Seulement là encore, rejoignant les préoccupations du barreau, rejoignant également les préoccupations de Mme Thérèse Casgrain, il y a là un certain nombre de problèmes qui ne concernent pas le régime matrimonial de droit commun. M. Caparros l'admettait lui-même, il y a là des problèmes, par exemple la protection du domicile conjugal, le choix de la résidence conjugale. Ce sont des problèmes qui sont indépendants du régime matrimonial de base.

Alors, comme à l'Office de révision du code civil, nous avons cru devoir, pour accélérer les travaux, comme je vous l'ai signalé, créer des comités qui fonctionnent concurremment, qui travaillent de front. Il y a là, dans l'exposé de M. Caparros, un certain nombre de problèmes qui ressortissent moins au comité des régimes matrimoniaux qu'au régime du droit de la fa-

mille qui est présidé par M. le juge Mayrand et qui va certainement, je puis vous l'assurer, se pencher sur le problème du statut familial indépendamment de tout régime matrimonial que les époux auront pu choisir. Si bien que je crois pouvoir vous dire en toute sérénité et en toute objectivité que nombre de ces observations retrouveront à leur place dans une proposition globale que nous vous ferons sur le statut de la famille québécoise. Je pense que Me Capar-ros dira: Enfin!

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres remarques à faire en arrière? Oui, M. Gagnon.

M. GAGNON: Je m'en voudrais de ne pas remercier ceux qui ont eu une aussi aimable attention à mon égard. Je puis vous dire que je suis sensible à l'honneur, mais bien plus aux responsabilités que ma toute récente charge impose. Je peux dire aussi — peut-être pour dissiper un certain malentendu, comme je l'ai dit d'ailleurs le 21 mal — que nous venons ici de façon tout à fait détachée. Nous n'avons évidemment aucun intérêt personnel, ni même de nos clients, dans ces choses-là. Nous apportons notre contribution et nous sommes très heureux de voir ici, par exemple, Me Caparros qui, comme vous l'avez souligné, prend son temps et présente un travail si bien étoffé.

Même si M. Caparros ne partage pas l'opinion officielle du barreau, vous comprendrez avec moi que j'ai bien hâte que le Barreau de Barcelone puisse nous le passer, ce sera sûrement pour le Barreau du Québec une acquisition d'importance.

Maintenant, un dernier mot. Je comprends la réaction de certains membres de la commission devant le court exposé que nous vous avons fait, mais je m'en voudrais tout de même de laisser à la commission l'impression que nous voulons être négatifs dans cela et je voudrais simplement vous dire ceci: Nous étions devant une option, nous avons cru, M. le Président, à tort ou à raison, qu'un autre régime serait plus souhaitable dans l'intérêt général. Ce sera à vous de décider dans votre autorité souveraine et Je suis sûr que vous le ferez avec beaucoup d'attention.

Il faut bien comprendre dans quelle alternative nous nous trouvions. Nous n'avons pas voulu nous engager dans un débat plus compliqué parce que, si nous avions voulu pousser notre exposé plus loin, il aurait fallu que nous suivions, en quelque sorte, la ligne qui a été tracée le 4 juin par Me Baxter de l'Ontario. C'est un peu dans ce sens-là que nous pensons. En d'au- tres mots, nous aurions voulu, à ce moment-là, suggérer à votre commission un régime différent avec toutes les implications que cela comporte. Nous avons eu, à tort ou à raison encore, l'impression qu'en prenant cette attitude et en présentant de longs mémoires pour bâtir un autre régime, nous aurions peut-être desservi les intérêts immédiats de la question et nous aurions peut-être embrouillé inutilement la question. Nous sommes toujours à la disposition du législateur même si nous ne partageons pas l'opinion avec certains de nos membres et de nos confrères, nous reconnaissons et il nous plaît de reconnaître leur compétence et leur dévouement. Encore une fois, soyez assurés de l'appui du barreau dans ces choses ou seul l'intérêt public peut nous guider.

M, LE PRESIDENT: Merci, M. Gagnon. M. Maltais.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'aimerais ici remercier M. Gagnon qui a plaidé brièvement et très brillamment comme il sait le faire toujours. Je voudrais le féliciter également pour son élection récente comme bâtonnier du Québec. Nous sommes très heureux d'avoir de tels avocats ici en commission et particulièrement pour discuter de ce projet de loi.

Je sais que nous avons hâte d'en arriver à un texte définitif, mais je crois que nous avons constaté quand même que c'est un domaine où il faut y aller avec beaucoup de prudence et beaucoup de précautions. C'est pour cela que le leader parlementaire nous indiquera peut-être la voie à suivre dans les prochaines étapes.

M. LE PRESIDENT: Le député de Marguerite-Bourgeoys m'avait demandé la parole.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je voudrais simplement faire une observation à la suite de ce que le bâtonnier a dit. Il est clair que, si on avait devant nous une foule de gens qui apportaient des mémoires et qui faisaient de nombreuses suggestions très différentes les unes des autres, on retarderait peut-être et ce ne serait pas toujours un travail constructif que d'amener toutes sortes d'objections et toutes sortes de propositions. Mais je pense que nous en avons suffisamment à l'heure actuelle pour en arriver à un texte corrigé avec ce que la commission de revision nous apporterait à la lumière des représentations.

Ma dernière remarque serait dans le sens que j'espère, justement,que ce bill ne sera pas reporté aux calendes grecques et qu'à la lumiè-

re des observations et des suggestions cons-tructlves, nous pourrons procéder le plus rapidement possible.

Je comprends qu'il faut de la prudence mais il ne faut pas oublier, messieurs, que la commission de revision du code civil travaille sur ce problème depuis 1963, parce que c'est en 1963 qu'ils ont remis un rapport au Procureur général du temps. Ce rapport a donné naissance au bill 16. A partir du printemps 1963, ils se sont mis à travailler sur les régimes matrimoniaux. Il y a eu un certain nombre de juristes qui ont travaillé dont Me Crépeau et d'autres.

Alors, je comprends qu'il ne faut pas procéder avec trop de rapidité, mais on ne peut pas dire que, depuis 1963, des travaux sérieux n'ont pas été faits. Il me semble qu'il faudra passer à l'action.

Je pense bien que mes collègues de l'autre côté seront d'accord avec moi sur ce point. Parce que c'est bon d'être prudent, mais par contre, il y a un problème qui reste à régler: le fait qu'à l'heure actuelle, il y a des femmes qui sont mariées en séparation et qui, à cause du fait qu'il y a liberté entière de tester, ne sont pas protégées, dans bien des cas, au pré-décès du mari.

Je voulais tout simplement souligner ce point, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, madame.

M. PAUL: M. le Président, je crois que nous aurions avantage à étudier à fond le mémoire que nous fera parvenir Me Crépeau. Lors de la prochaine séance de notre commission, nous inviterons respectueusement aussi Me Marceau, protecteur du citoyen...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui...

M. PAUL: ... à venir ici nous parler de ce texte qu'il a lui-même rédigé en collaboration surtout avec le notaire Comtois.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui...

M. PAUL: Maintenant, je voudrais assurer mon honorable collègue que le gouvernement n'a pas l'intention de reporter ce bill aux calendes grecques. Connaissant avec quelle minutie et quel soin la femme fait son travail, nous ne voudrions pas lui être inégaux. C'est pourquoi nous voulons présenter un texte bien préparé et qui puisse satisfaire les besoins réels auxquels nous devons faire face aujourd'hui.

C'est pourquoi, M. le Président, en terminant, je voudrais remercier tout ceux qui, jusqu'ici, ont participé à notre travail. Disons que nous pourrions convenir, pour la forme, de la date du mercredi le six août, quitte, M. le Président, à nous raviser après avoir consulté presque tous les membres de la commission pour arrêter définitivement une date qui pourrait, par la suite être communiquée aux parties intéressées.

Nous tâcherons dans le cours du mois d'août de disposer de tous les mémoires possibles des différentes séances que nous avons entreprises jusqu'ici, pour qu'à la reprise de la session nous puissions être moralement ou pratiquement prêts à soumettre à la Chambre un texte de loi définitif pour étude et approbation.

M. LE PRESIDENT: Au mois d'août, bonjour, ce sera le 6 août.

(Fin de la séance : 12 h 13)

ANNEXE

MEMOIRE SOUMIS PAR

L'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie A LA

Commission parlementaire permanente de l'administration de la Justice de l'Assemblée nationale

SUJET: La Loi concernant les régimes matrimoniaux (Bill 10), et l'assurance-vie

L'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie représente 94 des quelques 120 compagnies d'assurance-vie faisant affaires au Québec.

Les compagnies d'assurance-vie accueillent très favorablement les réformes que préconise la Loi concernant les régimes matrimoniaux et se permettent de souligner, à la lumière de leur connaissance du public du Québec, que la levée des restrictions de l'article 1265 du Code civil et l'abolition des articles 1301 et 1483 sont des mesures éminemment souhaitables et qui seront acceptées d'emblée par le public québécois.

A part des mesures touchant ces trois articles du Code civil, la réforme majeure apportée par le Bill 10 est la création, comme régime légal, de la société d'acquêts et nos commentaires porteront presqu'exclusivement sur ce régime. Le Bill 10 comporte aussi des articles affectant les autres régimes matrimoniaux que nous connaissons présentement mais il n'y a pas lieu de notre part de faire des commentaires à propos des régimes existants. Cependant, l'ensemble du Bill 10 ne fait que mettre en relief l'anachronisme de nos lois d'assurance-vie régissant les bénéficiaires et nous nous permettrons donc, en fin de ce mémoire, de vous soumettre des commentaires touchant la Loi de l'assurance des maris et des parents et les articles du Code civil traitant d'assurance-vie qui seront affectés par le Bill 10.

Vous trouverez nos commentaires portant sur la société d'acquêts aux pages 2812 à 2815 et nos commentaires sur les lois d'assurance-vie affectées par le Bill 10 aux pages 2815 et suivantes.

LA SOCIETE D'ACQUETS (Les nouveaux articles 1266c jusqu'à 1267e) A. Le conjoint en tant que propriétaire d'une police d'assurance-vie 1) Les contrats d'assurance dont un conjoint est propriétaire dès l'émission de la police et les contrats dont il devient propriétaire après l'émission de la police

L'article 1266e(5) se lit ainsi: '1266e. Sont propres à chacun des époux: • • • 5. Les produits, droits ou autres bénéfices qui lui appartiennent ou lui échoient en vertu d'un contrat d'assurance-vie, sous réserve des dispositions de l'article 1266J. '

Les deuxième et troisième alinéas de l'article 1266j se lisent ainsi: '1266j . . .

Les produits, droits ou autres bénéfices qui appartiennent à un époux en vertu d'un contrat conclu par lui-même sont acquêts s'ils sont perçus pendant la durée du régime.

Doit également être considéré comme acquêt de l'époux décédé le produit d'une police d'assurance qu'il avait lui-même prise sur sa vie au bénéfice de ses héritiers et représentants légaux. '

La phraséologie utilisée dans l'article 1266j est telle qu'il ne s'applique qu'aux polices d'assurance dont le conjoint est propriétaire dès l'émission du contrat et pas du tout aux polices dont il devient propriétaire après l'émission du contrat. C'est là une distinction que nous ne pouvons comprendre et nous croyons que, si distinction il doit y avoir, la distinction doit se faire entre les polices dont on devient propriétaire à titre onéreux et celles dont on devient propriétaire I titre gratuit.

L'emploi, dans ces deux alinéas de l'article 1266j, des expressions 'contrat conclu par lui-même' et 'police d'assurance qu'il avait lui-même prise', font que ces alinéas ne s'appliquent qu'aux polices dont le conjoint est le propriétaire initial et ne s'appliquent pas aux polices dont le conjoint est cessionnalre, c'est-à-dire dont il est devenu propriétaire après l'émission de la police. Les commentaires à la page 9a du Bill mentionnent ce point très clairement et nous pouvons l'illustrer par les cas suivants:

Cas No 1) Jean, marié sous le régime de la société d'acquêts, signe une formule de demande de police à un assureur qui lui émet la police désirée.

Si Jean prend la valeur de rachat de ce contrat pendant la durée du régime, c'est un acquêt.

En effet, il s'agit bien ici d'un contrat conclu par Jean et comme Jean perçoit la valeur de rachat pendant la durée du régime, le deuxième alinéa de 1266] s'applique.

Cas No 2) Le même Jean achète de Pierre, son ex-associé, une police d'assurance que Pierre avait obtenue d'un assureur sur la vie de Jean. Pierre avait obtenu cette police afin de se protéger en cas du décès de Jean pendant la durée de la

société entre Jean et Pierre. La société étant terminée, Pierre vend la police à Jean et Jean pale à Pierre la pleine valeur de la police.

Si, quelque temps plus tard mais pendant la durée du régime, Jean prend la valeur de rachat de cette police, ce sera un propre, même si Jean a payé Pierre à même des acquêts!

En effet, le contrat d'assurance en cause ici n'a pas été conclu par Jean, il a été conclu par Pierre! Jean n'en est que le cesslonnaire. Le deuxième alinéa de 1266], qui ne parle que de contrats conclus par le conjoint lui-même, ne peut pas s'appliquer et, conséquemment, on revient à la règle générale de 1266e(5) et la valeur de rachat est un propre.

Nous ne pouvons pas comprendre le bien-fondé de cette distinction entre a) une police dont Jean est le propriétaire initial (Cas No 1) et b) une police dont Jean est devenu propriétaire à titre onéreux après l'émission de la police (Cas No 2).

C'est comme faire une distinction entre une obligation d'épargne du Québec que Jean achèterait directement du gouvernement du Québec et une obligation d'épargne du Québec que Jean achèterait d'un courtier.

Nous n'avons donné que des exemples en vertu du deuxième alinéa de 1266j. Nous pourrions démontrer par d'autres exemples que nous aboutirions à la même distinction, non fondée selon nous, dans l'application des alinéas 1 et 3 de 1266].

Il y a peut-être lieu cependant de distinguer entre les polices d'assurance-vie dont on devient propriétaire à titre onéreux (Cas Nos 1 et 2) et celles dont on devient propriétaire à titre gratuit.

Exemple: Le pgre de Jean a pris une police sur la vie de Jean à sa naissance. Le père de Jean donne cette police à Jean pendant la durée du régime. Jean est donc devenu propriétaire de la police à titre gratuit.

Il est certainement tout à fait acceptable que cette police reçue en cadeau par Jean fasse partie des propres de Jean et non de ses acquêts. En cela, on rejoindrait alors un principe de base, énoncé à l'article 1266e(2), que les dons ne font pas automatiquement partie des acquêts mais que le donateur peut stipuler qu'ils resteront propres.

Nous croyons que la seule distinction valable est justement celle que l'on peut faire entre les polices dont un époux devient propriétaire à titre onéreux et celles dont il devient propriétaire à titre gratuit. Il suffirait d'éliminer, dans les trois alinéas de l'article 1266j, la référence aux notions de 'contrat conclu par' et 'police d'assurance qu'il avait lui-même prise' pour les remplacer, dans les deuxième et troisième alinéas, par la notion de contrats dont la personne est devenue propriétaire à titre onéreux. Notons qu'il n'est nullement nécessaire, au premier alinéa de 1266], de remplacer les mots 'd'un contrat conclu par son conjoint'. Il suffit de les éliminer car il n'y a pas lieu de distinguer, lorsqu'un conjoint reçoit le produit d'une police dont il est bénéficiaire, entre les polices dont son époux est devenu propriétaire à titre onéreux et celles dont il est devenu propriétaire à titre gratuit.

Nous n'avons donné qu'un exemple d'une police d'assurance-vie donnée entre vifs par un père î son fils. La même question se soulève dans le cas de polices d'assurance-vie qui passent par succession ou testament. 2) Les polices possédées par un conjoint sur la vie de l'autre Le deuxième alinéa de l'article 1266j se lit ainsi:

'Les produits, droits ou autres bénéfices qui appartiennent à un époux en vertu d'un contrat conclu par lui-même sont acquêts s'ils sont perçus pendant la durée du régime'.

Cet alinéa pourvoit donc très bien à la situation où un mari prend la valeur de rachat d'une police pendant la durée du régime ou reçoit le produit d'une police dotation. Mais les tous derniers mots 'perçus pendant la durée du régime' ne semblent pas pourvoir au cas, fréquent pourtant, où un époux est propriétaire et bénéficiaire d'une police d'assurance sur la vie de son conjoint et dont le produit, par définition, devient payable au moment du décès du conjoint dont la vie est assurée. Comme le régime matrimonial se termine ipso facto par le décès du conjoint et que le produit de la police devient payable au moment même du décès, est-ce que le produit est vraiment perçu pendant la durée du régime? Ne pourrait-on pas soutenir que le produit a été perçu au moment de la dissolution du régime et non pas pendant la durée du régime? Nous croyons que cet alinéa devrait être amendé pour qu'un produit perçu en de telles circonstances soit acquêt. On rejoindrait alors la règle énoncée au troisième alinéa de l'article 1266j qui vise un cas analogue.

La phraséologie utilisée dans ce deuxième alinéa soulève une autre question. Il faut attribuer au mot 'perçus' dans l'expression 'perçus pendant la durée du régime' le sens déchu, d'exigible ou de payable parce que nous présumons qu'il serait inacceptable qu'un produit d'assurance visé par cet alinéa et qui serait devenu payable pendant la durée du régime deviendrait un propre plutôt qu'un acquêt simplement parce que le mari en retarderait la 'perception' jusqu'après la fin du régime. Remarquons que, contrairement à 1266j, l'article 1266d parle clairement des fruits et revenus échus ou perçus pendant le mariage et nous croyons que l'article 1266j devrait être précisé sur ce point. 3) Le droit pour un conjoint de nommer des tiers bénéficiaires L'article 1266p se Ut ainsi: '1266p. Chaque époux a l'administration, la jouissance et la libre disposition de tous ses biens propres et de ses acquêts. Il ne peut cependant, sans le concours de son conjoint, disposer de ses acquêts entre vifs à titre gratuit, si ce n'est de sommes modiques et de présents d'usage.

Le présent article ne limite pas le droit d'un époux de contracter un contrat d'assurance sur la vie au bénéfice d'un tiers, et aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées a cette fin à même les acquêts'.

Le second alinéa, à l'Instar de l'article 1266j, ne semble s'appliquer qu'aux polices dont le conjoint était le propriétaire initial et ne pas s'appliquer aux polices dont le conjoint n'est devenu propriétaire qu'après l'émission de la police. Encore une fois, il s'agit ici d'une distinction dont nous ne pouvons admettre le bien-fondé.

On pourrait reprendre la première partie du second alinéa pour dire que cet article 1266p ne limite pas le droit d'un époux de désigner des tiers bénéficiaires de contrats d'assurance-vie dont il est propriétaire.

Nous nous interrogeons sur le deuxième membre de phrase de cet alinéa relativement aux récompenses et nous croyons que cela pourrait facilement donner lieu à des abus. Il y aurait lieu que ce point fasse l'objet d'une étude plus approfondie. 4) L'assurance collective

L'assurance collective est de plus en plus répandue de nos jours, particulièrement dans les cas de relations employeur-employés. Pour beaucoup de gens de condition moyenne, il peut s'agir souvent de la seule forme d'assurance en vigueur sur leur vie.

Comme cette forme d'assurance est, à toutes fins pratiques, une forme d'avantage social par un employeur en faveur d'un employé et qui s'ajoute à sa rémunération, il nous paraît fondamental de considérer acquêt le produit de l'assurance collective si ce produit est payable aux héritiers et représentants légaux.

Malheureusement, le texte de l'article 1266j n'est pas clair sur ce point parce qu'en général, la police d'assurance collective est souscrite par l'employeur, l'employé ne signant qu'une carte d'adhésion et recevant un certificat de participation. Nous suggérons que l'article 1266j soit précisé sur ce point. 5) Les rentes viagères

Les articles 1266e(5), 1266j et 1266p parlent d'assurance-vie et l'article 1266h parle de 'pension d'invalidité, de retraite ou ... (de) . . . quelque autre bénéfice de même nature'.

On peut se demander alors où se situent les rentes viagères individuelles qu'un particulier achète personnellement.

Le point est d'importance quand on considère que les résultats sont différents selon qu'on applique aux rentes viagères les articles 1266e(5), 1266] et 1266p traitant d'assurance-vie ou l'article 1266h traitant de pension de retraite. Nous suggérons que les rentes viagères soient couvertes par les articles 1266e(5), 1266] et 1266p et non pas par 1266h.

Nous nous permettrons deux commentaires. Le Code civil actuel n'est guère plus précis car la définition de l'assurance-vie à l'article 2589 vise clairement les rentes viagères mais le Code civil contient aussi les articles 1901 et suivants qui parlent eux aussi clairement de rentes viagères. Les articles du Code civil traitant de l'assurance-vie devraient aussi être précisés pour qu'ils s'appliquent, à l'exclusion de tous autres articles, aux rentes viagères d'autant plus que le public qui fait affaires avec les institutions d'assurance-vie se préoccupe très peu de la distinction technique, et parfois subtile, entre l'assurance-vie et une rente viagère et a tendance à traiter ces deux formes de contrat de façon semblable.

B. Le conjoint en tant que bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vle

Le premier alinéa de l'article 1266] mentionne que le produit d'une police qu'un époux reçoit en tant que bénéficiaire nommément désigné est propre. Cette prise de position est logique car nommer un bénéficiaire n'est pas ordinairement un geste à titre onéreux et il n'y aurait pas lieu alors de considérer le produit comme acquêt.

Cependant, cet alinéa encore une fois vise des polices conclues par un conjoint et ne semblent pas s'appliquer aux cas où un mari nomme son épouse bénéficiaire d'un contrat dont il est devenu propriétaire par cession et que, donc, il n'a pas conclu lui-même (le cas No 2 de la page 2812).

Il y aurait lieu ici aussi d'éviter cette distinction en éliminant tout simplement les mots 'd'un contrat conclu par son conjoint' dans ce premier alinéa.

LES LOIS D'ASSURANCE-VIE

Nous aimerions maintenant souligner les problèmes que font ressortir l'élimination des restrictions de l'article 1265 et l'abolition des articles 1301 et 1483, mesures qui sont le reflet d'un droit moderne mais qui ne font qu'accentuer l'anachronisme de la Loi de l'assurance des maris et des parents et de la doctrine de l'acceptation édictée par la jurisprudence en vertu de l'article 1029.

Nous nous souviendrons que la Loi de l'assurance des maris et des parents vise les nominations de la femme et des enfants à titre de bénéficiaires et stipule qu'une fois que la nomination d'un tel bénéficiaire a été effectuée, on ne peut plus la changer sauf si le changement a lieu en faveur d'une personne de cette même catégorie de la femme et des enfants. Quant à l'article 1029, il a été appliqué par la jurisprudence à toutes les nominations de bénéficiaires autres que ceux visés par la Loi de l'assurance des maris et des parents, avec le résultat que, si une personne désigne, par exemple, son pire ou son frère bénéficiaire, il ne peut plus à toutes fins utiles changer ce bénéficiaire sans la renonciation expresse de ce bénéficiaire.

Notons les points suivants: 1) La liberté de contracter des époux

Le Bill 10 a pour but, en partie, d'accorder aux époux une plus grande liberté de disposer de biens l'un envers l'autre ainsi qu'à l'égard des tiers.

Cependant, en vertu de nos lois d'assurance actuelles, une personne qui nomme son conjoint, son enfant ou un tiers bénéficiaire d'une police en cas de décès, a) perd, de son vivant même, le libre exercice de ses droits de propriété dans la police; b) doit recourir constamment au consentement du bénéficiaire pour presque toute transaction à l'égard de la police (et si le bénéficiaire est mineur, il ne peut pas en fait donner son consentement); et c) sous certaines réserves, ne peut plus changer ce bénéficiaire.

Notons que ces inconvénients surgissent à la surprise du détenteur de police qui n'a pas ou très peu l'occasion de connaître la loi et la jurisprudence. 2) L'égalité des époux

Le Bill 10 a pour but d'accorder l'égalité complète entre les époux mais nos lois d'assurance-vie vont contrecarrer ce but.

Si un mari nomme sa femme bénéficiaire, les droits de sa femme pourront être de trois ordres: a) La nomination de la femme sera complètement révocable, si la nomination est faite en vertu de l'article 30 de la Loi des régimes supplémentaires de rentes;

Exemple: un mari nomme sa femme bénéficiaire en cas de décès pour la prestation de décès de son régime de rente avec son employeur; b) La nomination de la femme sera partiellement révocable, si la nomination est faite en vertu de la Loi de l'assurance des maris et des parents; Exemple: un mari, propriétaire d'une police sur sa propre vie, nomme sa femme bénéficiaire; c) La nomination de la femme sera complètement irrévocable, si la nomination est faite en vertu de l'article 1029 et que la femme a accepté, expressément ou tacitement, sa nomination; Exemple: un mari, propriétaire d'une police sur la vie de son enfant, nomme sa femme (l'épouse du mari, la mère de l'enfant) bénéficiaire en cas du décès de l'enfant.

Mais si une femme désigne son mari bénéficiaire, la désignation ne pourra être que complètement révocable ou complètement irrévocable mais jamais partiellement révocable parce que la Loi de l'assurance des maris et des parents ne s'appliquerait pas si une femme tentait de désigner son mari bénéficiaire. L'égalité entre les époux prônée par le Bill 10 trébuche donc sur nos lois régissant l'assurance-vie.

Notons encore une fois que ces résultats surgissent le plus souvent à la surprise de la population qui n'a pas ou très peu l'occasion de connaître la loi et la jurisprudence sur ces points.

3) Le divorce

Bien qu'une certaine jurisprudence existe déjà touchant les droits, lorsqu'un divorce survient, d'une femme qui a été nommée bénéficiaire d'une police d'assurance-vie par son mari, une réforme de nos régimes matrimoniaux et de nos lois d'assurance-vie est l'occasion par excellence de toucher ce point.

On se rappellera que le Bill 8, adopté le 2 mai dernier et qui amendait le Code civil en raison des nouvelles procédures de divorce, a accordé aux tribunaux le droit de se prononcer relativement aux donations dans le contrat de mariage mais ne mentionne pas les avantages que les époux pourraient se conférer en dehors du contrat de mariage.

Les restrictions qu'apportent cette Loi de l'assurance des maris et des parents et cet article 1029 en assurance-vie deviendront d'autant plus intolérables et incompréhensibles pour le public que les grandes restrictions des articles 1265, 1301 et 1483 du Code civil seront maintenant éliminées. Les transactions mettant en cause des époux devenant maintenant plus simples et plus libérales, ces transactions seront plus nombreuses et les inconvénients de la Loi de l'assurance des maris et des parents et de l'article 1029 en seront donc d'autant plus criants. Il devient donc urgent de réformer nos lois d'assurance-vie en même temps qu'a lieu une réforme de nos régimes matrimoniaux.

Nous croyons refléter fidèlement les souhaits du public EN RECOMMANDANT 1) l'abolition de la Loi de l'assurance des maris et des parents; 2) l'adoption de dispositions rendant les bénéficiaires révocables au gré du détenteur de police à moins que le détenteur ne stipule lui-même que la désignation de bénéficiaire est irrévocable, éliminant ainsi le recours à l'article 1029; ces dispositions devraient pourvoir aussi à une certaine protection à l'égard des créanciers lorsque le bénéficiaire est un membre de la famille immédiate du détenteur de police.

Notons que les recommandations de l'Association se situent dans la même ligne que la réforme apportée par la Législature du Québec en 1965 lors de l'adoption de l'article 30 de la Loi des régimes supplémentaires de rentes, auquel nous venons de faire allusion.

Soumis ce mercredi, 4 Juin 1969, au nom de l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie.

ANNEX

BRIEF

SUBMITTED BY

The Canadian Life Insurance Association TO THE

Standing Parliamentary Committee on the Administration of Justice of the National Assembly

SUBJECT MATTER: An Act Respecting Matrimonial Regimes (Bill 10),

and life insurance

The Canadian Life Insurance Association represents 94 of the some 120 life insurance companies doing business in Quebec.

The life insurance companies welcome the reforms which the Act concerning matrimonial regimes is advocating and the companies would like to mention that, in the light of their experience in dealing with the population of Quebec, the elimination of the restrictions of Article 1265 of the Civil Code and the repeal of Articles 1301 and 1483 are very worthwhile measures which will be accepted readily by the population of Quebec.

Apart from these provisions affecting these three articles of the Civil Code, the major reform proposed by Bill 10 is the creation, as a legal regime, of the partnership of acquets and our comments will deal nearly exclusively with this regime. Bill 10 also contains provisions affecting the other matrimonial regimes which are presently in existence but there will not be any need on our part to comment on these regimes. However, Bill 10 as a whole only accentuates the anachronism of our life insurance laws with respect to beneficiaries and, at the end of this brief, we will submit comments concerning the Husbands and Parents Life Insurance Act and the articles of the Civil Code dealing with life insurance and which will be affected by Bill 10.

You will find our comments dealing with the partnership of acquests in Pages 2819 to 2822 and our comments on the life insurance laws which are affected by Bill 10 in Pages 2822 and following of this brief.

THE PARTNERSHIP OF ACQUESTS

(New Articles 1266c to 1267e) A. The spouse as owner of a life Insurance policy 1) Life insurance contracts of which the spouse is the owner at the issue of the policy and the contracts of which he becomes the owner after the issue of the policy

Article 1266e(5) reads as follows: «1266e. The following are the private property of each consort:

• 5. All amounts, rights and other benefits belonging or accruing to him under a life insurance policy, but subject to the provisions of Article 1266].'

The second and third paragraphs of Article 1266j read as follows: '1266j ....

All amounts, rights and other benefits that belong to a consort under a contract entered Into by himself constitute acquests if they are received during the regime.

The proceeds of an insurance policy that a deceased consort has taken out on his own life, for the benefit of his heirs and legal representatives, are also considered as his acquests.'

The terminology used in Article 1266] is such that the article applies only to policies of insurance of which the spouse was the owner at the very issue of the policy and does not apply to policies of which the spouse becomes the owner after the issue of the policy. We cannot understand the reasons for such a distinction and we believe that, if any distinction is to be made, it should be made between policies of which the spouse becomes the owner by onerous title as opposed to the policies of which he becomes the owner by gratuitous title.

The use, in these two paragraphs of Article 1266], of the expression 'contract entered into by himself' and 'insurance policy that the deceased consort has taken out', leads necessarily to the interpretation that these paragraphs apply only to policies of which the spouse is the initial owner, i.e., the owner since the issue of the policy, and do not apply to policies of which he became the owner by assignment, i.e., somebody else was the owner at the issue of the policy and the ownership of the policy was transferred to the spouse after the issue of the policy. The comments at page 9 a of the Bill are very clear on this point and we can illustrate it by the following examples:

Case No. 1) John, married under the regime of partnership of acquests, applies to an insurer for an insurance policy and the desired policy is issued to John.

If John later takes the cash surrender value of this contract during the regime of partnership of acquests, the cash surrender value is an acquest.

We have indeed here a contract entered into by John and since John is receiving the cash surrender value of this contract during the regime, this second paragraph of Article 1266] applies.

Case No. 2) The same individual buys from Peter, his ex-partner, an insurance policy which Peter had taken out from an insurer of the life of John. Peter took out that policy in order to protect himself in case of the death of John during the

partnership between John and Peter. This partnership having terminated, Peter sells the policy to John and John pays to Peter the full value of the policy.

If, at a later date but during the regime, John takes the cash surrender value of this policy, it will be private property, although John paid Peter out of acquests!

The insurance policy involved here was not taken out by John, it was taken out by Peter! John is only the assignee of this contract. The second paragraph of 1266], which speaks only of contracts entered into by the spouse himself, cannot apply to this contract which was entered into by Peter, not by John, and, therefore, one must fall back on the general rule of Article 1266e(5) and the cash surrender value is therefore private property. We cannot understand the reason for the distinction made between a) an insurance policy of which John is the owner from the issue of the policy (Case No. l)and b) an insurance policy of which John became the owner by onerous title after the issue of the policy (Case No. 2).

This is tantamount to distinguishing between a Quebec Government bond which John would purchase directly from the Government and a similar bond which he would purchase from a broker.

We have only given examples applicable under the second paragraph of 1266j, We could equally show by other examples that the same distinction prevails, an unfounded distinction in our opinion, in paragraphs 1 and 3 of 1266].

There may, however, be a need to distinguish between life insurance policies of which a person becomes the owner by onerous title (Cases Nos. 1 and 2) and those of which a person becomes an owner by gratuitous title.

Example: John's father took out a policy of life insurance on the life of John at his birth. John's father gives this policy to John during the regime. John has thus become the owner of this policy by gratuitous title.

It is certainly reasonable to consider that this policy received by John by way of a gift, should be part of his private property and not of his acquests. In holding so, we would be following the basic principle, enunciated In Article 1266e (2), whereby gifts do not fall automatically among the acquests but do so only if the donor has not stipulated to the contrary.

We believe that the only valid distinction is this very one between insurance policies of which a spouse becomes owner by onerous title as opposed to those of which he becomes owner by gratuitous title. It would be sufficient to eliminate, in the three paragraphs of Article 1266], the reference to the terms 'contract entered into' and 'insurance policies that a deceased consort has taken out' to replace them, in the second and third paragraphs, by references to contracts of which the spouse became the owner by onerous title. Let us note that it is not necessary, in the first paragraph of 1266], to replace the words 'of a contract entered into'. It is sufficient to eliminate these words because there is no need to distinguish here, where a consort receives the proceeds of a policy as beneficiary, between policies of which the other spouse became the owner by onerous title and policies of which he became the owner by gratuitous title.

We have given only an example of a life insurance policy given inter vivos by a father to his son but the same problem arises when life insurance policies pass by will or succession.

2) Life Insurance policies owned by a spouse on the life of his consort The second paragraph of article 1266] reads as follows: 'All amounts, rights and other benefits that belong to a consort under a contract entered into by himself constitute acquests if they are received during the regime.'

This paragraph provides therefore very well for the situation where a husband, for instance, receives the cash surrender value of an insurance policy during the regime or receives the endowment proceeds of a policy during the regime. But the very last words 'if they are received during the regime' do not foresee the case, which is frequent, where the spouse is the owner and beneficiary of an Insurance policy on the life of her consort and where the proceeds, by definition, become payable at the moment of death of the consort whose life is insured. Since the matrimonial regime terminates ipso facto by the death of the consort and since the proceeds of the policy become payable at the very moment of death, can it be said that the proceeds have been received 'during the regime'? Can it not be argued that the proceeds have been received at the moment of dissolution of the regime and not during the regime?

We believe that this paragraph should be amended so that proceeds received in such circumstances be clearly acquests. This would be in line with the rule In the third paragraph of 1266] which covers an analogous situation.

The working used in this second paragraph of 1266j raises another question. One must give to the word 'received' in the expression 'if they are received during the regime' the meaning of receivable or payable because we assume that it would not be acceptable that proceeds of insurance to which this paragraph is meant to apply and which would have become payable during the regime would become private property rather than acquest simply because the spouse would delay 'receiving' the proceeds until after the end of the regime. It is interesting to consider that Article 1266d states clearly that fruits and revenues which fall due or are received during the marriage are acquests and we believe that Article 1266] should also be improved on this point. 3) The right of a spouse to name third parties beneficiaries Article 1266p reads as follows: '1266p. Each consort has the administration, enjoyment and free disposal of all his private property and acquests. He cannot, however, without the concurrence of his consort, dispose of his acquests by gratuitous title inter vivos, with the exception of modest sums and customary presents.

This article does not limit the right of a consort to enter into a contract of life insurance in favour of a third person, and no compensation is due by reason of the sums or premiums paid for such purpose out of the acquests.'

Again, as in Article 1266j, it appears that the second paragraph of Article 1266p applies only to policies of which the spouse was the owner since the very issue of the policy and does not apply to policies of which the spouse became the owner after the issue of the policy. We have an example here again of the same distinction for which we cannot find justification.

The first portion of the second paragraph could be rephrased to state that Article 1266p does not limit the right of a consort to designate third persons as beneficiaries of life insurance contracts of which he is the owner.

Whlth respect to the question of compensation raised at the end of the second paragraph, we think that it can lead too easily to abuses and we suggest that this point be studied further.

4) Group insurance

Group insurance Is a very popular form of insurance nowadays, particularly in employer-employee relationships. For many persons who do not count among the wealthy, it often occurs that this is the only form of insurance in force on their life.

Because this form of insurance is, for all practical purposes, a fringe benefit by an employer in favour of an employee and which can be considered part of the overall remuneration in favour of the employee, it appears fundamental that the proceeds of an insurance policy should be considered acquests if the proceeds are payable to the heirs and legal representatives of the employee.

Unfortunately, the terminology used in 1266j is not clear on this point because, generally speaking, the group insurance policy Is taken out by the employer, the employee signing an application card and receiving a certificate of participation. We suggest that Article 1266] be improved on this point. 5) Life annuities

Articles 1266e(5), 1266] and 1266p speak of life insurance and Article 1266h speaks of 'disability allowance, a retirement pension or any other benefit of the same nature'. It Is therefore reasonable to ask which of these articles covers individual life annuities which someone purchases personally.

The point takes on importance when one considers that the results will be different if one applies to life annuities Articles 1266e(5), 1266j and 1266p dealing with life insurance as opposed to Article 1266h dealing with retirement pensions. We suggest that life annuities be covered by Articles 1266e(5), 1266] and 1266p and not by 1266h. Two comments are in order. The present Civil Code is not very clear on this point because the definition of life insurance in Article 2589 deals with life annuities but the Civil Code also contains Articles 1901 and following which deal exclusively with life annuities. The Civil Code should be amended so that the sections dealing with life insurance cover also life annuities because, in any event, the public which deals with the life insurance companies cares very little for the technical and often subtle distinction between life insurance and life annuities and generally considers both forms of contracts alike.

B. The spouse as beneficiary of a life insurance contract

The first paragraph of Article 1266] states that the proceeds of an insurance policy which a spouse receives as beneficiary is private property. This is very logical because the nomination of beneficiaries is not generally an act by onerous title and there is therefore no reason to consider the proceeds as acquest.

On the other hand, this paragraph once again applies only to policies taken out by the other consort and does not seem to apply to cases where a spouse names his consort beneficiary of an insurance policy of which he became the owner by assignment and which, therefore, he did not take out himself (see Case No. 2 at page 2819).

The distinction could be avoided by eliminating the words 'of a contract entered into' in the first paragraph of 1266].

THE LAWS DEALING WITH LIFE INSURANCE

We would now like to comment on the life insurance problems brought about by the elimination of the restrictions of Article 1265 and the repeal of Articles 1301 and 1483, measures which are the reflection of a modern code but which also accentuate the anachronism of the Husbands and Parents Life Insurance Act and the doctrine of acceptance established by the Jurisprudence under Article 1029.

One remembers that the Husbands and Parents Life Insurance Act covers nominations of wives and children as beneficiaries and states that, once the nomination of such a beneficiary has been effected, it can no more be changed except if the change is in favour of a person who is within the same category of *wife and children'. In so far as Article 1029 is concerned, it has been applied by the jurisprudence to the nominations of all beneficiaries other than those covered by the Husbands and Parents Life Insurance Act, with the result that, if a person designates, for instance, his father or brother as beneficiary, he can no longer, for all practical purposes, change that beneficiary without an express renunciation by that beneficiary.

We would like to offer the following comments: 1) Freedom of contract for the spouses

One of the purposes of Bill 10 is to give to both spouses greater freedom to dispose of property both in favour of one another and vis-à-vis third parties.

On the other hand, under our present life insurance laws, a person who names his spouse, his child or a third person as beneficiary in case of death of a life insurance policy, a) loses, during his own lifetime, the free exercice of his ownership rights in that policy: b) must continuously obtain the consent of the beneficiary for nearly every transaction with respect to the policy (and if the beneficiary is a minor, for all practical purposes such consent would not be valid); and c) with certain exceptions, he cannot change the beneficiary anymore.

It should be remembered that these disadvantages come as a complete surprise to most persons who own policies and who have little or no occasion to know the law and the Jurisprudence on these points. 2) Equality between the spouses

Another purpose of Bill 10 was to make both spouses completely equal but our life insurance laws will counter this worthwhile aim.

If the husband names his wife beneficiary, the rights of the wife can be of three different types: a) The nomination of the wife will be fully revocable, if the nomination is made under Section 30 of the Supplemental Pension Plans Act; Example: a husband names his wife beneficiary for the death benefit of his pension plan with his employer; b) The nomination of the wife will be partially revocable, if the nomination is made under the Husbands and Parents Life Insurance .Act; Example: a husband, owner of a life insurance policy on his own life, names his wife beneficiary; c) The nomination of the wife will be fully irrevocable, if the nomination is made under Article 1029 and if the wife has accepted, expressly or tacitly, her nomination; Example: a husband, owner of a life insurance policy on the life of his child, names his wife (the mother of the child) beneficiary in case of the death of the child.

But if a wife designates her husband beneficiary, the designation will always be either fully revocable or fully irrevocable but never partially revocable (as in (b) above) because the Husbands and Parents Life Insurance Act never applies should a wife attempt to name her husband beneficiary. The equality between the spouses advocatedby Bill 10 Is countered again by our life insurance laws. Let us note again that these results come as a complete surprise to most persons who have little or no occasion to know the law and the jurisprudence on these points.

3) Divorce

Although there is already a certain Jurisprudence in the Province of Quebec dealing with the rights which a wife, who has been named beneficiary of a policy on the life of her husband, has or does not have when a divorce occurs, a reform of our laws governing matrimonial regimes is a proper occasion to deal with this question.

One recalls that Bill 8, which was adopted May 2 last and which amended the Civil Code by reason of the new divorce procedures, gave to the courts the right to adjudicate with respect to the donations in the marriage contracts but Bill 8 does not mention the other benefits which the spouses could have conferred upon one another outside of the marriage contract.

The restrictions imposed by the Husbands and Parents Life Insurance Act and by Article 1029 in life insurance will become that much more intolerable and incomprehensible for the population when the very basic restrictions of Articles 1265, 1301 and 1483 of the Civil Code will have been eliminated. Property dealings between spouses having become more simple and more liberal, these dealings are bound to be more numerous and the disadvantages of the Husbands and Parents Life Insurance Act and of Article 1029 will become that much more acute. It is therefore urgent to reform our life insurance laws at the same time as our matrimonial regimes are being reformed.

We believe that we are representing faithfully the wishes of the population of the Province of Quebec IN RECOMMENDING 1) the repeal of the Husbands and Parents Life Insurance Act; and 2) the adoption of provisions making all beneficiaries revocable unless the pollcyholder stipulates expressly to the contrary, therefore eliminating the need to resort to Article 1029: these provisions should also afford a certain measure of protection against creditors where the beneficiary is a member of the immediate family of a pollcyholder.

Let us note that these recommendations of the Association follow the precedent created by the Legislature of the Province of Quebec in 1965 when it adopted Section 30 of the Supplemental Pension Plans Act to which reference was made earlier in this brief.

Submitted this Wednesday, June 4, 1969, on behalf of the Canadian Life Insurance Association.

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