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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 19 janvier 2000 - Vol. 36 N° 8

Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


Audition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


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Table des matières

Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles

Audition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics

Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Jean-Guy Paré
M. Yvon Vallières
M. Léandre Dion
M. Normand Poulin
M. Michel Morin
M. André Chenail
M. Guy Lelièvre
M. Benoît Laprise
*M. Laurent Pellerin, UPA
*M. Christian Lacasse, idem
*Mme Marlène Thiboutot, idem
*M. Gary Coupland, CPTAQ
*M. Serge Cardinal, idem
* Mme Carole Gagné, Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de débuter les travaux, je voudrais, au nom de tous les membres de la commission, souhaiter nos meilleurs voeux de bonne année évidemment à celles et ceux qui sont ici, à la commission, ce matin, mais, compte tenu que c'est télévisé, nos meilleurs voeux aussi à toute la population du Québec, au nom de tous les membres de la commission.

Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission pour cet avant-midi est de procéder à l'audition de l'Union des producteurs agricoles concernant l'application de la loi n° 23. La commission poursuivra ses travaux cet après-midi par l'audition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, dans le cadre d'un mandat de surveillance d'un organisme. Et, finalement, nous terminons nos travaux cet après-midi par l'audition de la Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole concernant l'application de la loi n° 23.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Gatineau) est remplacé par M. Vallières (Richmond).


Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vous rappelle qu'exceptionnellement nous allons recevoir les gens de l'UPA durant deux heures. Vous avez donc 30 minutes de présentation. Et le temps sera partagé, la balance du temps, en questions entre les deux parties. M. Pellerin, je vous invite d'abord à présenter les gens qui vous accompagnent et à débuter votre présentation.


Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Pellerin (Laurent): Alors, bonjour, M. le Président. Il y a trois personnes qui interviendront pour l'UPA. Je ferai l'introduction, je répondrai aux questions dans la deuxième partie et je terminerai la période des questions par un petit commentaire sur la situation dans le secteur du bois. Je sais qu'il y aura une audience de la commission demain sur ce sujet-là, mise en marché et bois, alors je terminerai par ce sujet-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous aimeriez que je vous garde combien de temps, à peu près? Parce que, moi, ça va dans mon deux heures, là.

M. Pellerin (Laurent): Cinq minutes. S'il y a des questions, peut-être un autre cinq, 10 minutes, peut-être une quinzaine de minutes à la fin, maximum. On devrait être bon pour traiter ça dans une très courte période.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'accord.

(10 h 40)

M. Pellerin (Laurent): Je ferai l'introduction. Christian Lacasse, qui est le premier vice-président de l'Union des producteurs agricoles et qui suit, je dirais, quotidiennement l'évolution du dossier de la loi n° 23 vous élaborera la liste des points qu'on veut aborder avec vous aujourd'hui. Et Marlène Thiboutot, qui est avec nous, s'occupera du côté plus présentation technique. On a amené quelques cartes. Les producteurs agricoles, je pense, majoritairement – je ne sais pas pourquoi, ce n'est pas une modification génétique – nous sommes visuels. Alors, on pense bien que, dans votre groupe, il doit y avoir des gens qui sont visuels aussi. Alors, c'est toujours bon de mettre sur carte, d'illustrer nos propos, et c'est ce qu'on a fait ce matin, pour la présentation.

Je ne perdrai pas beaucoup de temps à introduire qui est l'Union des producteurs agricoles, je pense que vous nous connaissez assez bien, ce n'est pas la première fois qu'on vient ici. On représente la totalité des producteurs agricoles du Québec, 45 000 producteurs, et on fait des revendications sur le dossier de la protection des activités agricoles dans le milieu rural depuis le début des années soixante-dix de façon plus systématique.

À l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, on avait, à l'époque, souhaité un chapitre sur la protection des activités agricoles. Ça s'était traduit par un article qui, malheureusement, n'a jamais trouvé toute l'élaboration qu'on aurait souhaitée et toute son application. On est revenu à la charge périodiquement et, finalement, au printemps 1996, on a obtenu l'adoption d'une loi sur la protection des activités agricoles qui a commencé à prendre effet en juin 1997, un an plus tard, lorsque vous avez adopté les règlements qui l'accompagnent, ainsi que le lien que vous avez fait avec le renforcement des règlements sur la pollution d'origine agricole. Tout ça a eu lieu en même temps.

J'étais moi-même, à l'époque, venu vous rencontrer en commission parlementaire, avec quelques milliers de producteurs à l'extérieur. On avait eu une bonne discussion, une bonne présentation. On vous avait souligné les points qu'on pensait qui devaient être ajustés dans la liste de réglementations de l'époque. Je pense que, sur certains, on a obtenu gain de cause; sur d'autres, on a fait notre deuil et on est reparti en se disant: On va être bon joueur. Malgré que la satisfaction ne soit pas complète et entière, malgré qu'on ait des craintes sur l'application de certains chapitres de cette loi-là, on va être bon joueur, on va s'impliquer dans l'application de la loi, donc on va s'en aller vers un travail assidu – parce que les comités consultatifs agricoles, entre autres, ça nous a demandé beaucoup de travail depuis deux ans et demi – et on observera au passage, avec le temps, on donnera la chance au temps de faire son oeuvre aussi et on listera les problèmes qui demeurent après un certain délai d'application.

Dès les premiers mois d'application, on a vu qu'à certains endroits les comportements – MRC, certaines municipalités – sur des réglementations qu'on qualifiait d'abusives à cette époque-là n'avaient pas changé. On a refait un bilan un an après. Et on se retrouve maintenant, aujourd'hui, deux ans et demi après l'adoption de la réglementation sur la loi n° 23.

Si, pour l'essentiel, nous sommes encore assez contents de l'adoption de ce cadre de loi, de ce cadre réglementaire là pour la protection des activités agricoles en zone verte, nous sommes très documentés aujourd'hui sur les problèmes d'application qui restent à résoudre si on veut que cette loi-là prenne tout son effet. Et, quand je dis «tout son effet», c'est l'effet du paragraphe qui nous plaît le plus dans cette loi-là, c'est-à-dire le paragraphe qui dit: «Priorité aux activités agricoles en zone verte.» C'est dans les tout premiers paragraphes de la loi qui tracent un peu, si vous voulez, l'atmosphère dans laquelle la réglementation doit baigner, le contexte. Vous autres, vous appelez ça les orientations gouvernementales qui découlent des lois. Ça doit baigner dans l'objectif ultime que cette loi-là, que cette série de réglementations là doit accomplir: priorité des activités agricoles en zone verte.

Malheureusement, deux ans et demi après, on se retrouve à certains endroits, à plusieurs endroits, à trop d'endroits où la priorité n'est pas du tout aux activités agricoles en zone verte, mais elle est à toutes sortes d'autres choses que l'agriculture. Et on retrouve, sur une liste de sujets qu'on va vous élaborer, qu'on va vous expliquer, plutôt une opposition systématique au développement de l'agriculture dans de trop nombreux endroits. On va vous l'illustrer dans nos propos de différentes façons pour vous rappeler qu'il y a 70 % de l'agriculture qui se pratique en dedans de 60 km des grandes agglomérations urbaines du Québec. Donc, la grande majorité de l'agriculture se pratique en zone périurbaine. Alors, les problèmes de cohabitation qu'on voulait régler avec la loi n° 23, pour un grand nombre, demeurent encore à cause de cette proximité.

C'est à peu près ce que je veux vous faire comme commentaires en introduction. On va aller droit à la liste des points qu'on veut soulever, et c'est Christian qui va faire ce bout-là.

M. Lacasse (Christian): Merci. Alors, bonjour, M. le Président, MM. les députés. Alors, en fait, c'était sans doute un peu prévisible qu'avec l'arrivée de cette loi-là et sur une problématique aussi complexe on aurait à gérer certaines difficultés d'application dans les années qui suivraient, tellement de difficultés, finalement, qu'il avait été convenu de former un comité de suivi à la loi n° 23 qui, dans un premier temps, avait identifié toute une série de difficultés d'application.

Je vous dirais, dans un premier temps, que le travail de ce comité-là ne s'est limité qu'à énumérer, si on veut, une liste de difficultés. Et, cette liste-là, pour une bonne partie des éléments qui avaient été identifiés au comité de suivi, on les reprend, nous aussi, parce qu'on faisait aussi la même analyse, en termes d'examen de problématique. Mais je vous dirais, en plus, que les producteurs le vivaient directement sur leur entreprise. Alors, c'est un peu de cette façon-là qu'on a bâti le court mémoire. C'est une série de difficultés qu'on présente sur le plan problématique, une bonne analyse de la problématique et quelques éléments de solution qu'on suggère.

La première difficulté d'application, c'est relié aux distances séparatrices auxquelles les producteurs sont contraints. Alors, vous savez, il y a tout un calcul de paramètres à partir du nombre d'unités animales sur chacune de nos entreprises, le type de gestion à la fois liquide ou solide. Alors, il y a tout un calcul qui se fait et qui détermine une distance à respecter pour les entreprises agricoles si elles veulent réaliser des projets d'agrandissement. Alors, il y a lieu ici déjà de faire une différence entre les entreprises existantes et les nouvelles entreprises qui pourraient s'établir éventuellement.

Notre propos porte, à cette étape-ci, là, sur les entreprises existantes. Et c'est important de bien comprendre pourquoi on s'adresse davantage à ces entreprises-là dans un contexte où elles doivent composer avec des bâtiments qui sont déjà sur place, des bâtiments agricoles. Et, dans leur entourage, il y a des résidences, il y a des immeubles qui sont non agricoles, alors ça devient très difficile, à ce moment-là, de déterminer des distances séparatrices étant donné que les bâtiments sont déjà là.

C'est ce qui occasionne – et c'est ce qu'on vit et c'est ce qu'on va vous illustrer un peu plus tard avec des cartes – ce qu'on appelle un gel des entreprises agricoles à l'état actuel. Dans ce sens-là, elles ne peuvent pas réaliser de projets de développement parce que le calcul de distances séparatrices souvent fait en sorte qu'elles sont dérogatoires par rapport à la distance qui devrait être respectée vis-à-vis les voisins. Alors, la difficulté, évidemment, ou la conséquence, si on veut, pour le producteur agricole, c'est qu'il ne peut plus développer ou assurer une certaine expansion à son entreprise agricole; elle est complètement gelée. Et, donc, plus d'avenir pour cette entreprise agricole étant donné que, généralement, si on prend l'évolution de l'agriculture depuis les 10, 15, 20 dernières années, il y a eu des augmentations, une croissance, si on veut, des entreprises agricoles de l'ordre de 25 %, parfois même 50 %, alors ces entreprises-là ne sont pas en mesure de réaliser ces futurs développements là.

(10 h 50)

On nous avait offert, dans le cadre de la nouvelle directive 038, la possibilité de déroger à ces distances-là par des servitudes notariées. On a toujours montré beaucoup de réticence vis-à-vis cette alternative-là qui était offerte. Et je vous dirais qu'après deux ans d'application on est en mesure de confirmer notre réticence à l'effet que dans peu d'occasions les voisins vont accepter de signer et utilisent une autre façon de dire non, c'est-à-dire demander des montants d'argent en retour de plus en plus importants. Alors, ce n'est pas rare aujourd'hui que les producteurs se voient demander 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $ pour une servitude notariée. Alors, pour le producteur, ça revient au même. Se faire dire non ou se faire demander un montant d'argent comme celui-là, c'est devenu impossible pour les producteurs.

Alors, on va être en mesure de vous donner quelques exemples de l'effet que ça a, le calcul des distances séparatrices sur le terrain, et vous allez être en mesure de voir que, dans bien des rangs, sûrement, dans la province – parce qu'on a des exemples – c'est au-delà de 50 % des entreprises agricoles auxquelles on ne peut plus assurer un développement. C'est évidemment un problème très important auquel on va devoir répondre.

Et, parmi les solutions qui pourraient être apportées, nous, ce qu'on suggère évidemment, c'est, en fait, de permettre aux entreprises de réaliser leurs projets d'agrandissement dans la mesure où la distance actuelle qui est reliée aux bâtiments existants est respectée. C'est-à-dire que, si le producteur veut agrandir, il pourrait le faire en s'éloignant des résidences qui sont déjà aux alentours. Donc, ça permettrait à la fois de tenir compte des usages non agricoles autour, mais aussi la réalisation des projets des producteurs.

Alors, ça, c'est un premier point, une première difficulté majeure. Et c'est important de se rappeler qu'on parle ici des entreprises existantes, des entreprises qui sont déjà sur le terrain. Pour les nouvelles entreprises, on va y revenir. Mais ce qu'on dit, c'est que, pour les nouvelles entreprises, elles, la possibilité d'aller s'établir, d'aller construire des bâtiments agricoles, il y a plus de latitude parce qu'elles ne sont pas reliées à des bâtiments existants. À ce moment-là, elles devraient être en mesure de respecter les distances séparatrices selon les paramètres qui sont calculés.

Une deuxième difficulté est reliée à l'application de la réciprocité. Alors, c'est un principe qui fait qu'on ne voulait pas... dans le fond, ce qu'on recherchait, c'était faire de la prévention par rapport à l'avenir. On conçoit qu'il y a déjà des résidences, des bâtiments agricoles qui sont déjà trop près. Mais, pour l'avenir, on devrait faire en sorte que les nouvelles résidences ne se construisent pas trop près des entreprises agricoles. Alors, à ce moment-là, c'était le principe de réciprocité.

Par contre, la réciprocité telle qu'on peut la percevoir, c'est-à-dire que la résidence respecte la même distance que l'entreprise agricole, a aussi un défaut. Et il avait été identifié, dans le temps, au moment de l'adoption de la loi. C'est-à-dire que, si la résidence respecte uniquement la même distance, pour d'éventuels projets d'expansion de l'entreprise agricole, en fait, l'entreprise ne pourra pas prendre de l'expansion par la suite, ce qui fait qu'une résidence qui se construit à 50 mètres aujourd'hui, parce que c'est la distance en fonction des unités animales de l'entreprise agricole, si le producteur veut réaliser un projet d'expansion de 10 % et que maintenant ça prendrait 60 mètres, la résidence va bloquer, va avoir un effet de gel sur l'entreprise agricole.

Alors, ce qui avait été prévu, à ce moment-là, c'est de mettre des seuils, de prévoir des seuils qui prévoyaient un certain agrandissement de l'entreprise agricole. Le problème, c'est que ces seuils-là ne sont pas respectés, ne sont pas appliqués. C'est-à-dire que les municipalités vont appliquer ce qu'on peut appeler la simple réciprocité, dans le fond, simplement la distance que l'entreprise agricole aurait dû respecter, de sorte que, dans quelques années, on va se retrouver avec des entreprises qui vont être bloquées parce qu'on va avoir encore construit des résidences trop près.

Alors, moi, je pense que, pour l'avenir, il faut absolument adresser une réponse à cette question-là; elle avait été identifiée dans le temps, quels étaient les seuils. Il faut s'assurer de l'application, et, si ça prend un renforcement de la loi dans ce sens-là, on devrait y répondre.

Un troisième point qui est assez relié à ce point-là, à la question de la réciprocité, c'était: si on veut appliquer la réciprocité, ça nous prend le nombre d'unités animales, étant donné le calcul des distances séparatrices. Alors, nous, en réponse à ça, c'est qu'on a prévu les seuils. Alors, dans la très, très grande majorité des cas, si on applique les seuils, il n'y a pas besoin de faire le calcul, d'avoir le nombre d'unités animales pour faire le calcul des distances séparatrices. On applique les seuils, et ça vient répondre à la question. Alors, nous, on pense que c'est la réponse la plus logique et celle qui avait été identifiée au départ.

Un autre point, ça concerne la dérogation, les possibilités de dérogation à la fois du côté non agricole comme du côté agricole. Alors, je vais commencer par la partie non agricole. Une résidence qui veut s'établir dans un rang, près des entreprises agricoles, elle a les seuils à respecter, selon notre logique. Si elle désire s'approcher davantage parce qu'elle considère que c'est préférable pour cette famille, elle peut le faire avec un mécanisme de dérogation.

Le problème, de la façon dont c'est défini, cette dérogation-là, c'est que c'est un acte unilatéral. Alors, le voisin, le nouveau résident qui vient, il renonce aux seuils, si on veut, aux distances qu'il devrait respecter, en disant: Bien, je ne porterai pas plainte contre le producteur éventuellement. Le problème, dans ça, vous l'avez vu, c'est que, s'il se rapproche trop de l'entreprise, par la suite le producteur, s'il veut réaliser un projet d'agrandissement, il ne sera pas en mesure de le faire. Alors, étant donné que c'est un acte unilatéral sans le consentement du producteur agricole, pour nous, on dit: Ça n'a pas de sens. S'il veut s'approcher, il faut absolument qu'il ait le consentement du producteur, exactement de la même façon que le producteur, s'il veut aller...

Puis là je parle d'une nouvelle entreprise agricole, je ne parle pas d'une entreprise existante parce que, si on fait le parallèle, ce n'est pas un résident qui est déjà là, c'est un nouveau résident qui veut construire une résidence. Le parallèle, ça serait une nouvelle entreprise agricole. Nous, on dit: Si tu veux... Dans le fond, on est prêts à concevoir que c'est les servitudes notariées, qu'il y a un consentement entre voisins pour déroger aux distances. Alors, il faudrait absolument modifier cet acte de renonciation pour s'assurer que le producteur est au courant qu'il y a un résident qui veut se construire une maison près et qu'il puisse partager ses préoccupations avec son voisin à l'effet que, s'il construit trop près, par la suite son entreprise ne pourra pas se développer.

L'autre point, je l'ai abordé un peu, ça concerne la dérogation pour les nouvelles entreprises agricoles. Et, nous, on dit: Ça devrait être le même processus que pour un nouveau résident qui veut se construire une maison, c'est-à-dire une servitude notariée qui est partagée par les deux parties.

D'autres points sont soulevés et ils sont reliés davantage à certaines définitions d'«immeuble protégé». Alors, vous savez, le calcul des distances séparatrices se fait à partir des résidences. Il peut se faire aussi à partir d'immeubles protégés et aussi à partir de périmètres d'urbanisation.

(11 heures)

Parmi les immeubles protégés, on a un sérieux inconfort par rapport à certains immeubles qui ont été intégrés dans cette liste-là à partir de 1997. Autrefois, ils n'y étaient pas. Et là on parle en particulier des commerces. Et c'est une définition très générale qu'on retrouve dans l'appellation «commerce», dans la liste des immeubles protégés. Il faut comprendre que, pour un immeuble protégé, la distance séparatrice à respecter est encore plus grande, de sorte que ça a beaucoup d'impact.

Mais, vous imaginez, un commerce peut être un garage, peut être un salon de coiffure dans une résidence. Alors, nous, on a beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi on devrait respecter une distance séparatrice plus élevée vis-à-vis ce genre d'immeuble protégé qu'est un garage ou un salon de coiffure. On dit: Ça devrait être la même distance qu'une résidence. Alors, il y aurait une révision de ces définitions-là à faire pour s'assurer qu'on n'incombe pas aux producteurs des contraintes supplémentaires.

D'autres aspects qui sont, je dirais, encore plus globaux vis-à-vis les objectifs qui étaient poursuivis dans la loi, ça concerne bien sûr la réglementation municipale. Alors, M. le président vous en a fait part. Mais on avait beaucoup d'espoir vis-à-vis ça. C'est sûrement un élément qui avait contribué beaucoup à l'effet de l'adoption de cette loi-là. De plus en plus de municipalités réglementaient les usages agricoles. L'espoir était surtout à l'effet qu'on nous garantissait un meilleur balisage, un meilleur encadrement des réglementations municipales.

Malheureusement, depuis l'adoption de la loi, on dénombre, je crois, une trentaine, 25, 30 nouvelles réglementations qui ont été adoptées. Et pourquoi ces nouvelles réglementations-là, en plus de celles qui existaient déjà avant la loi et qui n'ont pas été revues? Alors, d'une part, on nous avait dit: On mettra un mécanisme qui remettrait en question les anciennes réglementations, alors mécanisme qu'on attend toujours. Et, au niveau du balisage des nouvelles réglementations, ça passait évidemment par les orientations gouvernementales et tous les règlements de concordance à partir des schémas d'aménagement et les MRC et les municipalités.

Actuellement, on est dans une situation où, depuis deux ans et demi et dans le processus de révision des schémas d'aménagement, il y a seulement 10 schémas d'aménagement qui ont franchi toutes les étapes. Alors, on est dans un processus très au ralenti, de sorte qu'avant qu'on puisse être en mesure de vivre les effets de la loi n° 23, de la façon dont ça se déroule là, ça va prendre encore 10 ans, et, d'ici 10 ans, il va s'en adopter encore beaucoup, de règlements, s'il y en a déjà une trentaine depuis deux ans et demi. Alors, moi, je pense qu'il faut trouver une façon de rendre applicable la loi d'une façon beaucoup plus rapide.

Un autre aspect, ça concerne le Commissaire aux plaintes. Alors, le Commissaire aux plaintes a quand même été assez actif. Étant donné les nombreux projets de réglementation municipale, le Commissaire a produit au-delà de 30 rapports, avec des recommandations, pour signifier le contenu des orientations gouvernementales et à l'effet que les nouveaux règlements venaient en contradiction avec ces orientations-là. Malheureusement, ces recommandations-là n'ont pas trouvé preneur, et finalement les règlements sont adoptés. Alors, ça demeure un pouvoir de recommandation du Commissaire qui ne nous semble pas suffisant, et, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait un véritable pouvoir d'arbitrage.

Un autre aspect de la loi, c'est les comités consultatifs agricoles qui, eux, ont été passablement occupés aussi au cours des dernières années, pas toujours reconnus, malheureusement, reconnus dans le travail et dans les recommandations qu'ils ont faits. Encore une fois, c'est un pouvoir de recommandation. Évidemment, ça a joué sûrement un bon rôle de partage des différents points de vue entre le monde municipal et le monde agricole, mais on aurait souhaité une meilleure reconnaissance et surtout un meilleur climat de travail pour ces comités-là. On souhaiterait que le fonctionnement des comités soit davantage balisé.

On demande aussi, vis-à-vis les comités consultatifs... parce que, après avoir fait une évaluation en profondeur de la rémunération qu'on aurait dû affecter aux représentants agricoles sur ces comités-là, on se rend compte que très peu de MRC ont rémunéré les représentants des agriculteurs, de sorte que ce qu'on peut craindre, c'est que, chez les producteurs, il va y avoir un essoufflement. Les producteurs n'accepteront pas continuellement de se présenter 12, 15 fois par année à ces comités-là sans avoir une rémunération, d'autant plus qu'ils ne sont pas traités équitablement vis-à-vis des autres représentants aux comités consultatifs, que ce soit du milieu municipal ou les résidents. Ces gens-là sont rémunérés, alors que les agriculteurs ne le sont pas. Alors, c'est une situation qui doit être changée: qu'on accorde un traitement équitable vis-à-vis ces gens-là qui ont quand même la responsabilité d'assister et de faire valoir le point de vue des agriculteurs sur les différentes questions agricoles qui sont traitées dans les MRC.

Dans un autre ordre d'idées, et peut-être pour venir renchérir, une meilleure application de la loi, évidemment. Le gouvernement, en particulier le ministère de l'Agriculture, a réalisé deux conférences au cours des dernières années auxquelles ont participé beaucoup d'intervenants – dans le fond, tous les intervenants qui sont concernés par l'avenir de l'agriculture – et on s'est donné des objectifs de croissance, à ces conférences-là, des objectifs, je pense, réalistes, réalisables dans la mesure où on définit un contexte favorable. Malheureusement, ça risque fort de ne pas se réaliser si on n'apporte pas des correctifs importants à la loi n° 23. Je pense que la première contrainte qui va être vécue vis-à-vis nos objectifs de croissance passe à travers les différentes difficultés.

Vous comprenez que, si, globalement, 30 %, 35 %, voire même 50 % des entreprises agricoles dans nos rangs ne peuvent pas se développer et que l'autre 50 %, ce n'est pas automatique, elles, qu'elles vont prendre de l'expansion – celles qui le pourraient ne le réaliseront pas nécessairement, parce qu'elles n'ont pas de relève, parce que pour toutes sortes de raisons c'est des entreprises qui vont discontinuer – alors, vous imaginez l'impact que ça peut avoir, si on n'est pas en mesure d'offrir une possibilité d'expansion à un nombre aussi considérable d'entreprises agricoles, c'est évident qu'on n'atteindra pas nos objectifs de croissance. Alors, je pense que c'est important aussi de placer cet élément-là dans le contexte.

Je m'arrête là-dessus. Il resterait évidemment la partie plus démonstration visuelle de l'effet des différentes applications.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Thiboutot, est-ce que je peux vous demander de faire un exploit dans le temps? Le temps est déjà écoulé, mais quand même, si vous pouviez vous limiter à quatre ou cinq minutes.

Mme Thiboutot (Marlène): Bien, ça va être très rapide. La première carte qui est illustrée ici, vous l'avez dans votre dossier, c'est le cas de Saint-Joseph, en Beauce. C'est le rang des Érables, ici, qui est illustré. C'est le même document qui est dans votre dossier. On a identifié les entreprises agricoles, on a fait le calcul pour chacune des entreprises et on voit que, sur un nombre de – ici, c'est 32, attendez-moi une petite minute – 29 entreprises, il y en a 15 seulement qui vont pouvoir se développer, les autres entreprises sont bloquées, sont gelées dans l'application des distances séparatrices.

(11 h 10)

On a fait référence tout à l'heure à la notion d'immeuble protégé, de commerce, dans les orientations gouvernementales. Ici, dans le rang, il y a trois commerces, trois immeubles protégés, quatre, qui viennent geler justement le développement d'entreprises agricoles. Ça illustre la situation.

On a ici, de façon plus schématique, et le calcul n'a pas été fait cas par cas, mais c'est le cas de la municipalité de Champlain, dans la région de la Mauricie. C'est une municipalité où le périmètre d'urbanisation est très linéaire, c'est le long du fleuve Saint-Laurent, on a la route 132, et la majorité des entreprises agricoles sont situées le long de... pas la 132, je m'excuse, mais la 138, et la majorité des entreprises sont situées le long de cette route-là. On voit que, sur le territoire de la municipalité, il y a deux entreprises qui sont à l'extérieur de cette zone-là ou qui peuvent se développer. L'ensemble des autres entreprises sont limitées, sont bloquées dans leur développement dû à la présence principalement du périmètre d'urbanisation qui impose une distance plus grande pour les entreprises agricoles. Les autres cas, ça illustre la même chose.

Ici, on a la municipalité de Saint-Maurice, en Mauricie également. On a le périmètre d'urbanisation ici, où on voit que les entreprises qui sont à proximité sont également bloquées. Celles en vert, il y en a quelques-unes sur le territoire, sur... Je n'ai pas fait tout le décompte, mais, ici, il y a six entreprises qui n'ont pas de contraintes dans leur développement. Ici, celles qui sont en jaune, c'est celles dont on n'a pas fait le calcul de façon détaillée, mais, compte tenu de la présence de nombreuses résidences à proximité, on peut croire qu'à court ou moyen terme leur développement va être grandement limité. Celles en rouge, à proximité du périmètre d'urbanisation, c'est bloqué également.

Et la dernière carte, on les voit un petit peu moins, c'est dans la municipalité de Honfleur, et, sur 20 entreprises – le calcul a été fait cas pas cas – il y en a 13 qui sont bloquées. Ça montre quand même l'importance du nombre d'entreprises qui sont limitées par l'application des distances séparatrices.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, présentation très détaillée. M. Pellerin, c'est à la fin de tout, hein, que vous vouliez parler de... Alors, je permettrai au député de Lotbinière et au député de Richmond une minute chacun de présentation préliminaire et je procéderai immédiatement après aux interventions.

M. Paré: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Pellerin, M. Lacasse et Mme Thiboutot. Je voudrais faire mes salutations aussi, souhaiter une bonne et heureuse année à tous nos producteurs et productrices du Québec qui sont probablement à l'écoute.

D'abord, dans le discours de M. Trudel, du ministre de l'Agriculture, qu'on se souvienne, à votre dernière réunion annuelle, mon collègue a fait une admission, c'est-à-dire au niveau de cette loi-là, au niveau de la loi n° 23, une loi fort importante, attendue de part et d'autre. C'est bien sûr qu'on voit qu'il y a des impacts négatifs à cette loi-là. Il a annoncé aussi la nomination de Me Jules Brière, qui est reconnu dans le milieu, autant au niveau des municipalités qu'au niveau, je pense, de l'UPA, de l'Union, pour lui donner un mandat de négocier des solutions, d'amener des solutions aux impacts négatifs créés par la loi n° 23. Donc, je pense que c'est un premier pas. Lorsqu'on admet justement que ça ne fonctionne pas rondement, c'est de revoir ces choses-là. Donc, il y avait une clause dite crépusculaire dans la loi qui disait: Bon, écoutez, trois ans après, il faudra revoir cette loi-là pour voir si ça a créé des impacts négatifs sur le terrain ou des choses qu'on n'avait pas prévues. C'est pourquoi on vous remercie d'abord d'avoir accepté notre invitation à venir nous rencontrer et à nous souligner ces impacts-là.

D'abord, moi, dans mon propre comté, dans le comté de Lotbinière, j'ai eu des représentations des cinq syndicats de base, qui sont venus me rencontrer, me souligner ces impacts-là et me donner tous les cas d'espèce. On en retrouve, dans vos exemples, trois qui viennent du comté de Lotbinière, et je suis ça de près avec eux, c'est-à-dire avec les trois producteurs concernés. En fin de compte, on a 11 cas d'espèce.

Donc, aujourd'hui, l'objectif de cette rencontre-là, c'est fort important au niveau ministériel et aussi au niveau de nos gens de l'opposition, de la commission, pour pouvoir justement être au fait de ces impacts-là puis amener des correctifs, s'il y a lieu, ou du moins en proposer au niveau des recommandations. Donc, on vous remercie de vous être prêtés à l'exercice et on va continuer justement à regarder ensemble les solutions futures à ces problèmes-là et comment les corriger. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, dans un premier temps, vous me permettrez de saluer tous ceux que nous rencontrerons au cours de nos travaux et de souhaiter aussi la meilleure des années pour 2000.

D'entrée de jeu, je vous indiquerais, M. le Président, que j'étais de ceux qui, au cours de l'adoption de la loi n° 23, ont eu l'occasion de travailler avec plusieurs autres collègues afin de trouver la meilleure façon de l'introduire. Il faut indiquer que, même si la loi est adoptée depuis juin 1997, on recherche encore un peu partout les effets positifs de la loi. L'UPA nous disait tantôt qu'elle avait un certain niveau de satisfaction. Au cours de la dernière année, moi, je pense que les cas problématiques se sont multipliés, les problèmes d'application. Évidemment, nous avions, de ce côté-ci de la Chambre, avisé le gouvernement qu'il y aurait des difficultés d'application à l'intérieur de cette loi-là qui avait été adoptée.

Et, encore tout récemment, je pense, en entrevue au Soleil , en mars 1999, le ministre déclarait lui-même que «la fameuse loi n° 23 sur le droit de produire ne fonctionne pas». Alors, ça, c'est un constat d'échec assez important qui est fait par le ministre lui-même. On va essayer au cours de ces auditions de nous éclairer afin qu'on puisse voir si on peut devenir aidants comme parlementaires.

Je veux aussi rappeler que, en décembre 1997, le premier ministre du Québec, M. Bouchard lui-même, s'était engagé devant les producteurs – je me souviens, je pense que c'était lors d'un de vos congrès, en décembre – à ce que la loi n° 23 soit appliquée et que la priorité à la zone verte soit donnée aux fermiers: «Les ajustements nécessaires seront apportés. C'est ce que vous souhaitez, je crois. C'est acquis.» Là, c'était le 3 décembre 1997, on est aujourd'hui en janvier 2000, et je ne pense pas qu'on puisse dire que ce que nous avait promis le premier ministre a été livré.

Je voudrais également indiquer, M. le Président, que les inquiétudes de l'UPA avaient déjà mené à la création d'un comité de suivi de la loi n° 23 chargé d'identifier les règlements rendant inapplicable la loi sur le droit de produire. Son rapport, à ma connaissance, a été remis en octobre 1998. Il serait intéressant de savoir quelle a été la position gouvernementale comme suite à ce rapport qui a été déposé et aux analyses qui avaient été faites à ce moment-là.

Enfin, M. le Président, je veux rappeler également que M. Trudel, qui était alors ministre des Affaires municipales, répondait au Devoir , en mars 1998, donc après l'adoption de la loi n° 23 sur le droit de produire, nous indiquant... On demandait la question au ministre: «Peut-on espérer que les MRC et les agriculteurs arrivent à conclure un nouveau pacte social sans que le gouvernement ne soit obligé de légiférer?» La réponse est venue, elle est très directe, c'est: «Oui, nous en sommes parfaitement convaincus», lance sans hésitation le ministre. C'est donc dire que ce ministre-là est devenu le ministre de l'Agriculture, alors on va voir comment il pourra se servir de cette double compétence pour nous aider à trouver une solution.

Parce que, M. le Président, je l'ai mentionné à maintes reprises à l'Assemblée nationale et je veux le répéter ce matin, quand le législateur a adopté cette loi, nous avions tous l'impression qu'on allait donner au monde agricole, au Québec en réalité, ce qu'on peut véritablement appeler un droit de produire, c'est-à-dire pour être capable de produire en zone verte, au Québec, avec le minimum d'inconvénients, autant pour les producteurs que pour ceux qui sont dans ces régions-là. On a l'impression, au fil du temps, que cette loi est en train plutôt de devenir la loi sur la permission de produire. Moi, j'ai vu des gens qui ont jusqu'à 20 servitudes à aller chercher de leurs voisins pour pouvoir procéder à un très petit agrandissement de leur étable et à une très petite augmentation du nombre d'unités animales. Ce n'est certainement pas ce que le législateur voulait faire quand il a passé cette loi-là. Alors, c'est donc dire...

(11 h 20)

Et on assiste à toute la question de zonage de production – tantôt, j'aurai des questions pour l'UPA là-dessus, M. le Président – et qui est confirmée par la Commission municipale, entre autres; il y a des municipalités qui le font, et c'est confirmé. Alors, est-ce que ça veut dire que ce que le ministre de l'époque nous avait dit, le ministre des Affaires municipales qui est aujourd'hui ministre de l'Agriculture, que ça ne demanderait pas d'amendement législatif, est-ce qu'on est rendu au point de se demander, nous, comme législateurs, si on n'aura pas à légiférer? Si le climat se maintient et si les conflits continuent de se multiplier comme ils sont partis présentement, et où, au début, on parlait de servitudes puis, là, on parle de servitudes monnayables – ce n'est pas long que ça se sait, ça, M. le Président: quand le cash sonne, tout le monde le sait... Alors, c'est rendu que tout le monde va demander aux producteurs de payer pour obtenir des servitudes.

Puis il y a toute la question de l'application de la réciprocité aussi qui, à mon sens, ne semble pas être appliquée dans plusieurs municipalités du Québec. Donc, je pense qu'on a un excellent lieu aujourd'hui, et peut-être au cours des deux jours, afin de voir comment, comme législateurs, on doit voir la manière dont s'applique et s'est appliquée la loi n° 23 et, si requis, qu'on puisse, la commission, recommander au gouvernement de poser des gestes qui vont améliorer, nous l'espérons, et rapidement, la situation. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je me permettrai peut-être quelques petits commentaires avant de débuter l'échange. Simplement, compte tenu que les gens de l'UPA représentent tous les producteurs au Québec, faire remarquer que cette commission-ci, à l'unanimité, s'est donné un mandat qui, je pense, ne s'est jamais produit dans le cadre des commissions, c'est-à-dire de remettre en question, si je peux employer cette expression-là... d'étudier les cinq organismes qui sont sous la responsabilité du ministre de l'Agriculture. Et pourquoi on l'a fait? Dans le fond, ce qu'on fait actuellement, c'est de continuer ce travail-là qu'on s'est donné comme mandat. Je le souligne parce que, dans ce que vous avez dit dans vos remarques, vous parlez de la relève, vous parlez aussi un peu du financement – nous, on est très, très concernés – vous nous parlez de l'avenir des producteurs dans le sens le plus large du mot. Je veux juste que vous sachiez que cette commission-ci s'est vraiment donné comme mandat d'aller le plus loin possible dans toutes ces questions-là. Aujourd'hui, on vous reçoit sur la loi n° 23. Mais, compte tenu que vous êtes les représentants du monde agricole, je veux en profiter pour vous dire qu'on va recevoir encore d'autres groupes et on va creuser toute cette fameuse question entourant les cinq organismes qui vous concernent de façon particulière.

M. le député de Lotbinière suivi du député de Richmond. S'il y en a qui ont d'autres remarques, vous profiterez en même temps du temps pour les faire.

M. Paré: O.K. Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. Lacasse, au niveau de l'application des distances séparatrices pour les entreprises existantes. Vous nous avez dit, et ce n'est pas dans le texte écrit mais dans le texte lu, votre texte, que 50 % des fermes pouvaient être restreintes dans leur développement. Je suis très surpris parce que, dans mon comté, j'ai 1 500 fermes puis j'ai eu 11 cas d'espèce. Est-ce que ce sont celles qui veulent prendre de l'expansion qui sont bloquées ou celles qui seraient susceptibles, si elles avaient un projet d'expansion, d'être bloquées? C'est deux choses pas mal différentes, là. Dans le 50 %, j'imagine que ce sont celles qui seraient susceptibles à un moment donné d'avoir un projet de développement et d'être bloquées plutôt que celles qui présentement veulent se développer et sont bloquées.

M. Lacasse (Christian): Quand on fait valoir des pourcentages de l'ordre de 35 %, on n'a pas de chiffres précis. On se base sur les évaluations qu'on fait puis qu'on vous illustre par cartes. C'est qu'on parle d'une prémisse où on dit que les entreprises, un ensemble d'entreprises agricoles vont réaliser un projet d'agrandissement dans les 10, 15 prochaines années. Alors, partant de là, c'est que, si on prend la situation actuelle et qu'on calcule les distances, si elles réalisent le moindre projet, elles vont être en situation dérogatoire. Alors, c'est pour ça qu'on arrive avec des pourcentages aussi élevés. Mais il faut considérer, je pense, que la loi, elle est faite pour l'avenir aussi. Alors, il faut en tenir compte maintenant pour l'avenir. C'est clair que, par rapport aux producteurs qui sont déjà contraints vis-à-vis leurs projets, là ça peut être des dizaines. Mais, nous, notre évaluation, elle est faite à partir d'un ensemble de fermes qui, on pense, selon l'évolution qu'a connue l'agriculture dans les dernières années, si on extrapole... il y a un fort pourcentage des fermes qui vont devoir prendre de l'expansion.

M. Paré: O.K. J'aimerais vous entendre sur votre correctif demandé, élaborer le correctif demandé, reconnaître une possibilité de développement en autant que l'agrandissement se fasse en s'éloignant de l'unité de voisinage. Pouvez-vous être plus explicite un peu?

M. Lacasse (Christian): Bien, en fait, si, actuellement, il y a une ferme qui, par rapport à son projet d'agrandissement ou, je dirais, une situation... Non. Il y a une ferme, supposons qu'il y a 45 m de distance avec une maison voisine puis 55 m de l'autre maison voisine, à partir des coins les plus rapprochés – c'est comme ça qu'on applique les distances séparatrices, ce n'est pas nouveau, c'est toujours le coin de la bâtisse le plus rapproché des résidences – alors, en fait, cette distance-là ne devrait pas être diminuée pour l'avenir. Dans le fond, on respecte cette distance-là pour l'avenir, de sorte que le producteur, s'il veut réaliser son projet d'agrandissement, va être contraint de s'éloigner de façon à ce que la distance ne soit pas diminuée. Alors, vous voyez aussi qu'il y a un compromis de la part des producteurs. Quand on suggère cette solution-là, c'est que, dans certains cas, le producteur aurait aimé réaliser son projet en direction de la résidence parce que ça convenait mieux pour sa ferme, mais, je dirais, pour assurer un compromis, pour faire en sorte aussi que le producteur puisse se développer, il devra réaliser son projet en s'éloignant. Je ne sais pas si c'est plus clair de cette façon-là.

M. Paré: Oui, ça va. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Lacasse (Christian): Pour les entreprises existantes, hein. On ne parle pas de nouvelles entreprises.

M. Paré: On parle toujours des entreprises existantes parce que vous avez les cas où... des nouvelles entreprises, des nouvelles habitations aussi. O.K. Merci.

M. Pellerin (Laurent): J'ajouterais un commentaire sur votre question, M. Paré, sur les cas qu'on rencontre. Vous avez parlé de trois cas dans votre comté.

M. Paré: Onze.

M. Pellerin (Laurent): Onze. Trois cas qu'on avait dans notre liste, O.K., parmi ceux que vous avez dans votre comté. Donc, on n'a pas fait la liste systématique de tous les cas qu'on a rencontrés parce qu'on en aurait probablement plusieurs dizaines, voire quelques centaines, actuellement.

La problématique qu'on avait au moment où on est venu rencontrer la commission avant l'adoption de la loi n° 23, c'est qu'on ne parlait que de cas théoriques. On a deux ans et demi d'application de la loi et on a rencontré, depuis deux ans et demi, des cas pratiques où les producteurs se trouvent gelés dans leur développement. On avait eu de la difficulté à vous convaincre que cette loi-là donnerait ça comme résultat, mais je pense qu'aujourd'hui on a suffisamment de cas pour illustrer que cette loi-là donne ça comme résultat. Le moindrement qu'un producteur est près de ses voisins, le moindrement qu'il y a des nouvelles maisons qui viennent se bâtir, ça empêche le développement des activités agricoles dans des rangs complets. Quand on prend des rangs... Champlain, il n'y a pas village bien, bien plus agricole que ça au Québec. Il y a deux entreprises qui peuvent se développer dans toute cette municipalité-là. C'est plus que 50 % dans ce cas-là, pas mal plus que 50 %, c'est presque la totalité des entreprises.

L'autre chose qui est difficile à mesurer: les producteurs eux-mêmes n'ont pas idée que leur entreprise est limitée tant qu'ils n'arrivent pas au matin où ils commencent à travailler sur un projet d'expansion. C'est la première contrainte qu'ils rencontrent. Et, comme les expansions ne se font pas toutes le mois de juin ou le mois de juillet suivant l'adoption de la loi, mais qu'elles vont se faire sur cinq, 10, 15, 20 ans, bien on va voir au fil des ans arriver toujours cette même contrainte là, de la difficulté ou de l'impossibilité d'agrandir l'entreprise parce que les distances viennent imposer une restriction. Nous, on l'illustre sur des cartes. On vous les laisse, ces cartes-là. Le 50 %, ce n'est pas exagéré.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond suivi du député de Saint-Hyacinthe.

M. Vallières: Oui. Avant de passer aux cas précis, parce qu'on en a quelques-uns à questionner, moi, j'ai une question qui est fondamentale pour l'UPA, puisque, au moment de l'adoption de la loi, en tout cas, de ce côté-ci, on était très conscient que le gouvernement a ménagé le chou et la chèvre, c'est-à-dire qu'il n'a jamais réglé le contentieux entre le monde municipal puis le monde agricole dans ce secteur de l'activité quand on a parlé du droit de produire.

(11 h 30)

Assez récemment, l'UMRCQ – elle porte encore ce nom... c'est maintenant la Fédération des municipalités du Québec – a présenté au ministre de l'Agriculture, a fait des représentations, et elle a soulevé un sujet qui, à mon avis, devrait être le départ de nos discussions pour savoir comment on pourrait solutionner le problème. Et je voudrais savoir de l'UPA: À partir du moment où la loi a été adoptée, comment vous interprétez l'expression «droit de produire»? Eux autres, à l'UMRCQ, ils disaient au ministre à ce moment-là, et ils le répètent, que le gouvernement entretient deux visions parallèles du dossier: une qui dit que, en véhiculant toujours le terme de «droit de produire», ce terme-là tient lieu et place du véritable objectif de la loi, et je le cite, qui était d'accorder une protection plus globale aux activités agricoles dans une perspective de développement durable. Et la même Union municipale nous dit: Cette incompréhension du projet de loi n° 23 est à l'origine des tiraillements perpétuels entre le monde municipal et le monde agricole.

C'est bien sûr, M. le Président, que, si, d'un côté, on nous dit que le droit de produire, c'est un droit qui est accordé individuellement à chacun des producteurs agricoles, puis, d'un autre côté, vu dans les lunettes du monde municipal, c'est un droit plutôt général sur l'ensemble du territoire, de la façon dont eux autres le définissent, je pense qu'au départ il va falloir qu'on le sache et qu'on convienne entre nous de ce qu'on entend. Parce qu'il y a toujours, à l'intérieur d'une loi comme celle-là – et on le savait au départ – matière à interprétation. Tout ne peut être prévu de toute façon dans les lois.

Donc, est-ce que, pour l'Union des producteurs agricoles, pour l'ensemble des gens que vous représentez, vous avez vu, dans l'essence même de cette loi-là qui vient garantir un droit de produire, une garantie qui se donne à chacun des producteurs agricoles pris individuellement ou est-ce que vous le voyez dans une application plus globale sur l'ensemble du territoire?

M. Pellerin (Laurent): Dans le fond, si on revient s'adresser aujourd'hui à la commission, c'est exactement à cause de cette problématique-là, ou de cette mésentente-là, ou interprétation différente, à tout le moins, entre différents intervenants, du sens ou de l'orientation qu'on doit donner à cette loi-là.

J'ai cité tantôt un des paragraphes premiers de la loi qui dit: priorité aux activités agricoles en zone verte. C'est pas trop négociable, ça, là, c'est la priorité en zone verte aux activités agricoles. Avant de venir faire autre chose en zone agricole, on va y penser à deux fois. Comme on ne va pas construire de résidences en zone industrielle parce que ce ne serait pas vivable, on devrait en principe avoir une certaine réticence au développement d'autres activités dans le milieu agricole, c'est-à-dire en zone verte, si on ne veut pas affecter l'agriculture.

Je ne suis pas sûr que les municipalités sont tout à fait conscientes de ces préoccupations-là. Il y a beaucoup de municipalités qui pensent au développement tout court de leur secteur, peu importe le type de développement, et empiètent sur le milieu agricole, sur les bonnes terres autant que faire se peut, à toutes les fois que l'occasion se présente. Ça, ce n'est pas la priorité aux activités agricoles en zone verte.

On revient devant la commission aujourd'hui parce qu'il y a trois ans on avait trouvé preneur auprès de cette commission – il y a plusieurs membres qui étaient là qui sont encore là aujourd'hui – sur plusieurs des arguments qu'on soulevait. Et c'est au législateur qu'on s'adresse parce qu'on pense qu'il y a besoin de renforcement, si on veut l'application totale du principe qui est énoncé dans les tout premiers paragraphes de la loi. On pense qu'il y a besoin de renforcement à la loi n° 23 pour atteindre l'objectif: priorité aux activités agricoles en zone verte.

Si on laisse aller comme ça s'applique aujourd'hui, bien, c'est: gel de plusieurs entreprises agricoles – pour moi, ça, c'est le contraire de la priorité au développement agricole ou aux entreprises agricoles en zone verte; c'est, dans certains secteurs, presque un bannissement, parce que des réglementations nouvelles ont été adoptées encore depuis le printemps 1997 qui empêchent à toutes fins pratiques... On ne parle plus de distance séparatrice. Dans le cas de certains règlements, on dit: Sur notre territoire, il n'y aura pas de production animale ou il y aura des entreprises – des règlements, on vous en a déjà cités – d'une taille tellement ridicule que même le «gentleman farmer» ou le «hobbyiste» ne se satisfera pas de cette taille d'entreprise là.

On est encore devant ça aujourd'hui, deux ans et demi après l'adoption de la loi et de la réglementation qui la supporte. Il s'est ajouté toutes sortes de contraintes supplémentaires, comme par exemple celle de faire signer des actes notariés pour dérogation.

On vous a fourni, en annexe I entre autres, une illustration de ce que ça peut dire, un avocat qui écrit à un producteur agricole pour lui dire que son client ne veut pas être importuné par la signature que l'agriculteur demande: Achalez-le pas! C'est ça qu'il dit, l'avocat, dans sa lettre, là: «En conséquence, vous êtes, par la présente, mis en demeure de ne pas téléphoner, rendre visite, autrement communiquer ou harceler de quelque manière que ce soit Mme Beaudoin.» Elle ne veut pas signer votre dérogation. Achalez-la pas! Elle lui a déjà demandé 11 000 $ pour signer avant de lui dire qu'elle ne veut pas être achalée. Bon. Des cas, là, on peut vous en donner des dizaines.

M. Lacasse (Christian): En complément, notre façon de voir – vous parlez de droit de produire, puis on a appelé ça longtemps de cette façon-là – ce n'est pas un droit de faire n'importe quoi non plus. Puis ça, on vous illustrait toutes les contraintes reliées à la nouvelle réglementation environnementale qui s'applique depuis 1997, réglementation beaucoup plus sévère qu'auparavant. Et ça, pour nous, ça faisait partie du pacte social, dans le sens où, pour accorder la priorité aux activités agricoles, un droit de produire aux agriculteurs, ils devront aussi respecter l'environnement puis, en particulier, les ressources eau, sol.

Parce qu'on a fait une distinction aussi – vous vous souvenez – entre les éléments de pollution reliés à l'eau et au sol et les inconvénients. Alors, les producteurs, les nombreux agriculteurs dans la liste, ils sont tout à fait conformes à la réglementation environnementale. Alors, ce n'est pas un droit de faire n'importe quoi. Ils ont les superficies nécessaires à l'épandage pour ne pas que ça se retrouve dans les cours d'eau, alors toute une série de dispositions qu'ils respectent. Mais, pour des raisons d'inconvénients qui sont indissociables à l'agriculture – l'agriculture a des odeurs, elle a du bruit – on remet en question l'avenir de ces fermes-là. Ça nous semble démesuré parce que ces producteurs-là font tous les efforts pour respecter l'environnement, mais on les bloque pour une question de quelques mètres qu'ils ne sont pas en mesure de respecter parce que les bâtiments sont déjà là. Des fois, ça fait des décennies qu'ils sont là. Alors, c'est notre façon de voir le droit de produire pour l'avenir.

M. Vallières: Ma question, M. le Président. Je vais aller un petit peu plus loin parce qu'on veut tous qu'il y ait de l'harmonie dans les milieux ruraux. Ce qu'on recherche dans le fond, c'est que ça fonctionne à la satisfaction de tout le monde. Ce que l'Union municipale, au nom des municipalités qu'elle représente, nous dit, le fait qu'eux autres, c'est une approche globale qu'ils utilisent, ils disent: Nous autres, c'est une approche globale. Alors, quand on dit «globale», ça veut dire qu'il peut y avoir des intérêts particuliers où ça ne fera pas leur affaire, mais globalement on va protéger le territoire agricole puis on va faire en sorte qu'on privilégie cet usage mais sur l'ensemble de leur territoire. Ce qui nous amène à parler des schémas d'aménagement et du zonage de production.

Et la solution, selon l'Union municipale dont je vous parle, c'est le zonage de production. Elle nous dit: «À notre avis – elle parle au ministre de l'Agriculture – le zonage des productions agricoles, soit le contrôle des usages agricoles dans la zone agricole, est la seule véritable solution pour assurer cette cohabitation harmonieuse.»

Alors, j'aimerais savoir de vous autres ce que vous pensez de ça parce que vous avez une expérience de terrain, de zonage de production. Ça me semble être quelque chose qui est de plus en plus utilisé. Et là où ça a été contesté par les producteurs agricoles, la Commission municipale a confirmé que c'était légal de le faire. Alors là, c'est une question qui s'adresse au législateur. Oui, ça a été confirmé encore récemment. J'ai une décision qui est devant moi, de la Commission municipale qui confirme que les règlements de zonage sont conformes aux orientations du gouvernement relatives à la protection du territoire et des activités agricoles.

Alors, c'est donc dire que c'est confirmé. Si ce n'est vraiment pas ça que vous partagez, c'est important qu'on le sache. Parce que là, au même titre que vous vous adressez à la commission, ici, puis au ministère de l'Agriculture pour faire vos représentations, il y a un autre monde qui s'appelle le monde municipal qui s'adresse au même gouvernement, dans une autre sphère, au ministre des Affaires municipales, puis ils disent: Wo! Nous autres, ce n'est pas ça, la solution à ce problème, c'est le zonage de production. Permettez-nous de le faire. Alors, c'est quoi votre point de vue là-dessus?

M. Pellerin (Laurent): Bien, on est tout à fait en désaccord avec cette lecture de l'interprétation de la loi n° 23. Tout à fait. Le cas que vous citez – je pense que vous n'avez pas nommé le village – l'exemple que vous utilisez, la Commission municipale, Saint-Thomas-de-Pierreville, a pris une décision contraire aux orientations gouvernementales. Je pense qu'ils ne connaissent même pas les orientations gouvernementales sur la loi n° 23. C'est probablement une lacune de notre système et, quelque part, un manque de canaux qui véhiculent les orientations gouvernementales jusqu'à tous les organismes qui ont à prendre des décisions sur le territoire, dont entre autres la Commission municipale. Dans ce cas-là, c'est plus que du zonage de production, c'est l'empêchement de production sur ce territoire-là presque au complet.

(11 h 40)

Si c'était possible dans une société que les gens s'entendent entre eux autres, il n'y aurait pas besoin de gouvernement. Alors, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, c'est pour ça qu'on a adopté des lois, c'est pour ça que vous avez adopté des lois, c'est parce que, dans une société qu'on veut civilisée, réglementée, correcte, qui se développe, ça prend des guides, ça prend des calots pour s'assurer que les gens se comportent correctement et qu'on limite les abus et les exagérations. C'est l'objectif de la loi n° 23, c'est ce que nous autres on recherchait. On ne veut pas une autorisation de faire n'importe quoi dans la zone agricole, on veut une autorisation, tout en faisant les choses correctement, de pouvoir continuer à développer nos entreprises pour faire de la production puis pour nourrir les citoyens du Québec.

M. Vallières: Je reviens là-dessus parce que la municipalité concernée, le jugement, c'est à Saint-Thomas-de-Pierreville, près de Sorel, celui auquel je faisais allusion.

M. Pellerin (Laurent): On connaît bien le dossier.

M. Vallières: Bon. Cette décision-là de la Commission municipale et de la municipalité a été prise à l'encontre de l'opinion contraire du comité consultatif agricole de la région. Et la loi qu'on a devant nous, la loi n° 23, a créé ces comités-là précisément... J'imagine que c'était pour jouer un rôle actif et dont on tient compte.

M. Pellerin (Laurent): Et contraire à l'avis de la MRC. Contraire à l'avis du comité consultatif agricole, contraire à l'avis de la MRC. Mais il y a quelqu'un qui pense que, lui, il a mieux compris les orientations gouvernementales que tout le monde qui est sur le terrain.

M. Vallières: C'est ça, oui. Il faut être conscient que ça fait jurisprudence, là. Dans le fond, il ne faudrait pas être surpris que maintenant, question de zonage de production, les municipalités qui tendaient à le faire ouvrent les vannes à ce niveau-là. Est-ce que c'est votre impression?

M. Pellerin (Laurent): D'où la nécessité de modifications législatives pour corriger ça. C'était un trou qu'il y avait là. En tout cas, il y a quelqu'un qui a décidé que c'était un trou, il a trouvé une faille. Alors, il faut la bloquer. On l'avait vue depuis longtemps. Avant la réglementation de la loi n° 23, il y en avait déjà, de ces types de règlements là qui étaient adoptés par les municipalités. Depuis la loi n° 23, il y en a encore des dizaines qui ont continué à être adoptés. Ça, ça ne vient pas permettre la pratique de l'agriculture en zone verte, ça ne vient pas donner la priorité aux activités agricoles en zone verte, ça vient les empêcher. Alors, on veut que ça soit évacué pour maintenir le cap sur l'objectif principal de la loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi du député de Beauce-Nord.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je remercie l'UPA du rapport qu'elle nous a présenté ce matin. J'en suis très heureux parce que ça nous permet de discuter ici d'une chose qui est très importante et dont on a des échos constamment dans nos comtés. Donc, là, grâce, je pense, à votre intervention, on fait un travail qui, je l'espère, nous permettra d'améliorer la situation actuelle.

Tout le monde sait que c'est très difficile de trouver un équilibre entre les exigences de l'aménagement, des résidents en milieu rural, et tout ça, et les exigences de la production agricole, c'est très difficile. Je pense que la loi n° 23 est adoptée avec toute bonne foi par toutes les parties concernées. Je suis d'accord pour admettre que c'est un peu un moyen terme, la loi n° 23. Ce n'est pas l'absolu dans le sens des attentes du monde municipal ni non plus la satisfaction à 100 % des producteurs agricoles, mais c'est un moyen terme.

J'ai entendu le député de Richmond dire que le gouvernement avait voulu protéger le chou et la chèvre. J'ai trouvé ça exagéré, tout à fait exagéré. C'est sûr qu'il aurait pu aller plus loin et dire «protéger le chou, la chèvre et le loup», mais il en est resté à la chèvre. Donc, c'est quand même gentil de sa part, mais c'est nettement exagéré quand même. Je pense que ce que le gouvernement a voulu faire, c'est tout simplement essayer de trouver un moyen terme qui permette une cohabitation harmonieuse entre les gens. Je crois que présentement, dans l'état actuel de l'expérience, on peut dire que l'objectif a été relativement atteint. La preuve, c'est que les producteurs agricoles actuellement trouvent que la loi, dans l'ensemble, fonctionne.

Maintenant, il y a des points sur lesquels ça ne fonctionne pas, un certain nombre de points. Alors, je pense que ce qu'il faut envisager, ce n'est pas de changer toute la loi, mais de corriger les choses qui ne fonctionnent pas. Souvent, ce qui ne fonctionne pas, c'est les points de rencontre les plus délicats entre les parties adverses qui ont des perceptions différentes. Moi, ma question porte sur la... Il me semble que, dans votre rapport, il y a un point important, un point capital. Il y en a peut-être plus qu'un, mais il y en a un qui est très important, qui est toute la question de la réciprocité. Il me semble que c'est un point très délicat, et j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus, que vous nous en disiez un peu plus sur cette question-là. Vous avez dit que la loi impose – ou le règlement – un seuil minimum de distance à l'intérieur duquel il ne pourrait pas y avoir d'entente et que les ententes de réciprocité devraient respecter ce seuil minimum. Pourriez-vous nous expliquer ça un peu plus pour qu'on comprenne un peu mieux quel est votre objectif?

M. Pellerin (Laurent): Quand on a l'application d'une réglementation comme ça puis qu'on se retrouve avec des dizaines de cas d'exception, il y a un problème sur le corps principal de notre règlement. Si on était arrivé avec un producteur par ci par là, à travers le Québec, qui avait un problème de développement à cause des contraintes apportées par la loi n° 23, là, on pourrait traiter ça en mesure d'exception.

Vous relevez la question de la réciprocité. Il y a comme trois pans à cette question de réciprocité. D'abord, il y a les entreprises et les maisons qui existent dans le milieu rural. Trop proche de la ferme ou ferme trop proche de la maison. On arrive pour travailler sur un projet de développement, contrainte, il faut aller faire signer le voisin. Impossibilité de grandir dans plusieurs cas.

Il y a le deuxième cas où c'est une entreprise agricole qui est dans le milieu rural. Il y a une maison qui vient s'installer. Elle renonce elle-même à ses droits de poursuivre le voisin s'il est trop proche, mais, en même temps, elle gèle l'entreprise. Il n'y a pas réciprocité dans ce cas-là, parce que le producteur agricole, lui, s'il veut s'approcher des maisons, il est obligé de faire signer une dérogation par le voisin – vous comprenez? – alors que la maison qui vient s'établir en milieu rural, elle n'a pas besoin de faire signer de dérogation par le producteur qui était déjà là en disant: Moi, je comprends que tu viens t'installer ici. J'ai 50 vaches dans mon entreprise, mais, parce que tu t'es installé ici, dans l'avenir, je ne pourrai plus me développer et j'accepte ça. Le producteur agricole, si on lui demandait ça, je ne suis pas sûr qu'il signerait, là. Mais on ne lui demande pas.

Celui qui vient s'installer n'a pas besoin de l'autorisation des autres pour venir s'installer en milieu rural, pour venir se bâtir une maison ou pour changer la vocation de ce qu'il fait. Il s'installe un commerce, il installe un salon de coiffure dans sa maison, le voisin. Il ne demande la permission à personne. Le producteur arrive pour se développer. La maison, moi, elle est à 1 000 pi de chez nous. D'habitude, je n'ai pas de trouble avec, là, la maison du voisin, mais tout d'un coup il y a un commerce dans la maison, qui s'appelle un salon de coiffure. Là, ça devient un immeuble protégé. Il faut doubler les distances de l'entreprise. Non seulement le producteur ne peut pas penser à un projet de développement, mais son entreprise actuelle peut même tomber en défaut. Le producteur n'a rien fait, là. Alors, ça, ça nous apparaît être une réciprocité ou un manque de réciprocité ou un manque de protection prioritaire à l'agriculture en zone verte.

Le troisième volet de ça, c'est toute la question de la proximité des périmètres d'urbanisation. La municipalité agrandit son périmètre, mange sur le territoire agricole. Elle s'aproche des entreprises agricoles. Elle gèle les producteurs à mesure qu'elle s'approche. Il n'y a pas réciprocité là non plus. On ne dit pas: Tu restes à telle distance de l'entreprise agricole. Tu n'as pas le droit d'approcher ta zone de développement urbain à telle distance de l'entreprise. On ne dit pas ça. Ça mange puis ça avance tout le temps.

Il y a comme un appétit, au Québec, de vouloir habiter partout sur le territoire. J'allais dire: n'importe où sur le territoire, peu importent les conséquences. Quand on va dans les pays qui ont des centaines d'années d'histoire de plus que nous autres, où il se fait de l'agriculture de façon intensive – la France, le Danemark, la Belgique – on voit que les maisons ne se construisent pas dans les rangs, elles ne se construisent pas à travers les fermes, les maisons se construisent au village, puis elles sont collées, à part de ça. Il n'y a pas d'élargissement des périmètres urbains pour rien sur les bonnes terres agricoles. Ici, au Québec, on dirait que c'est l'appétit contraire. Tout le monde veut venir rester dans le fond d'un rang puis ne pas être prêt à supporter les conséquences des inconvénients que la pratique agricole amènera. La question de réciprocité, ça se joue autour de ces facteurs-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

(11 h 50)

M. Lacasse (Christian): Je pense que le premier objectif qui doit être poursuivi par la réciprocité, c'est de s'assurer, pour l'avenir, une meilleure cohabitation. Je pense que c'est ça, le premier objectif. C'est que la loi doit composer avec des bâtiments et des résidences qui sont déjà en place. Là, il y a de l'application qui se fait, je dirais, pour améliorer la cohabitation. Mais, pour l'avenir, la loi a inscrit ce principe-là pour éviter qu'on perpétue, si on veut, ce modèle-là de résidences qui sont trop près des bâtiments agricoles.

Et là, ce qui avait été remarqué à ce moment-là, lors de l'adoption, c'est que, si on applique simplement la réciprocité, la même distance à la résidence qui veut s'implanter que la distance que l'entreprise agricole devrait respecter, ça ne garantit pas un avenir à l'agriculture, une possibilité d'expansion. Et c'est là que le gouvernement a introduit les seuils qui sont clairement inscrits dans les orientations gouvernementales, mais qui ne sont pas inscrits dans la loi. Alors, nous, on était sûr que ça s'appliquerait, mais ils sont contestés, les seuils. Alors, «contestés» veut dire, bon, sur le plan légal. Donc, nous, on pense qu'il y aurait un renforcement de la loi nécessaire, s'ils ne sont pas reconnus à l'intérieur des orientations gouvernementales.

Mais on n'a rien inventé parce que ça avait déjà été prévu, à ce moment-là, que, pour appliquer la réciprocité, ça prenait les seuils. Appliquons-les, trouvons une façon qu'ils soient appliqués dans le champ, et c'est notre meilleure garantie pour améliorer la cohabitation future. Sinon, on va continuer de perpétuer un régime de dérogations, c'est clair.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va, M. le député de Saint-Hyacinthe? M. le député de Beauce-Nord, suivi du député de Nicolet-Yamaska.

M. Poulin: Merci, M. le Président. M. Pellerin, M. Lacasse, Mme Thiboutot. Moi, je ne suis pas d'avis qu'il n'y a pas de problème avec le projet de loi n° 23, comme semble le dire le député de Saint-Hyacinthe. Tantôt, on nous a remis un tableau. Puis je porte un commentaire, c'est à Saint-Joseph-des-Érables, c'est dans mon comté. Saint-Joseph-des-Érables, là, ce n'est pas Saint-Joseph-de-Beauce, c'est une communauté qui a un caractère totalement agricole: il n'y a pas d'église, il n'y a pas de centre-ville, etc., et il y a près de 50 % des gens qui ne sont pas capables de prendre de l'expansion dans un milieu qui a des terres agricoles qui ont un beau potentiel. Ça fait que, je pense que ce qui est soulevé, c'est très important.

Pourquoi? C'est sûr que, dans la Beauce, on vit peut-être plusieurs situations semblables, dans d'autres milieux aussi. L'agriculture a une place de première importance, puis la PME, puis il y a plusieurs de nos entreprises qui ont pris naissance un peu partout. Et, actuellement, lorsque quelqu'un veut prendre de l'expansion, bien souvent, il fait face à ces contraintes-là. Il y a une personne de Saint-Victor de Beauce qui est venue me voir, qui voulait prendre une expansion, et on lui demandait de faire à peu près, je ne sais pas, un kilomètre pour aller s'installer dans sa sucrerie, s'il voulait prendre de l'expansion. C'est un non-sens. Il y a des correctifs à apporter, puis c'est très urgent, puis c'est très important.

Je reviens à une question – c'était plus un commentaire à ce sujet-là – je voudrais situer, au niveau des demandes des producteurs agricoles qui sont dans le périmètre urbain, à savoir si bien des gens ou bien de vos membres ont sollicité de l'aide pour prendre de l'expansion. Entre autres, je parlais tout à l'heure avec un M. Labrie, de Pintendre, qui est dans la salle avec nous, qui expliquait que, lui, il était gelé de prendre de l'expansion. Il avait une relève potentielle, il voulait, on va dire, augmenter sa production et il ne pouvait pas le faire en raison de la situation. Est-ce qu'il y a plusieurs cas semblables qui vous ont été présentés à l'UPA, et qu'est-ce que vous en pensez, face à cette situation-là, en rapport avec les périmètres urbains?

M. Pellerin (Laurent): Si la loi n° 23 n'avait fait de malheureux que les producteurs qui sont à l'intérieur des périmètres d'urbanisation, on aurait une problématique tout à fait différente et peut-être qu'à ce moment-là, par une mesure d'exception ou par un règlement municipal exceptionnel, on aurait pu régler le cas de ces producteurs-là. Mais ce n'est pas ça, le cas, là, c'est des dizaines de producteurs, dans le périmètre et à l'extérieur, qui sont pris avec l'application de la loi n° 23. Donc, on ne peut pas juste les traiter par simple mesure d'exception.

Oui, il y a des cas qu'on connaît. Le cas de M. Labrie, on le connaît bien, depuis d'ailleurs plusieurs années, de difficulté d'expansion parce que trop près ou à l'intérieur du périmètre d'urbanisation. On en a un certain nombre, de ces cas-là. Je ne sais pas si vous comprenez la différence entre ceux qui sont pris là, à l'intérieur du périmètre d'urbanisation – ils sont dedans – et les autres producteurs qui sont dans le territoire agricole, zone verte, pas trop près du périmètre d'urbanisation, mais qui, eux aussi, ont des contraintes de développement. Alors, il y a deux types.

Si la loi n° 23 n'avait que confirmé la difficulté de ceux qui sont dedans ou collés sur le périmètre d'urbanisation, on n'aurait sûrement pas la liste de dizaines de cas qu'on a actuellement, et peut-être qu'on aurait pu les traiter par mesure d'exception, dans ces cas-là uniquement. Mais, comme ça n'a pas été le cas, bien là il faut trouver une solution ayant un peu plus d'envergure. Donc, on revient, nous autres, avec une demande de modification de la loi pour permettre la pratique des activités agricoles, en permettant à ces producteurs-là qu'ils puissent se développer en s'éloignant des voisins plutôt que d'aller construire dans l'érablière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Nicolet-Yamaska, suivi du député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Morin: Merci, M. le Président. M. Pellerin, M. Lacasse et madame, j'aurais peut-être une petite intervention de départ. Tantôt, le député de Richmond et ensuite le député de Beauce-Nord ont fait un peu un tableau noir de la loi n° 23. Je reprends vos paroles, M. Pellerin. Quand vous avez commencé votre exposé, vous avez dit: Essentiellement, nous sommes satisfaits de la loi n° 23. Bien, satisfaits ou contents. Je pense que vous avez raison. En même temps, on n'est pas ici non plus pour dire que cette loi-là est parfaite, que c'est une loi parfaite. La preuve, c'est que le ministre de l'Agriculture a dit effectivement qu'elle était perfectible, cette loi-là, et la nomination de Me Brière en est la preuve évidente.

Je ferais remarquer à mon collègue et ami de Beauce-Nord qu'il était sur la commission, à l'étude de la loi n° 23, puis que cette loi-là a été votée, ici, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité. Mais trêve de partisanerie et de politique, j'aimerais qu'on revienne sur la réciprocité.

Tantôt, vous avez donné un exemple, puis j'essaie de bien comprendre et d'être le plus pratique possible. Quelqu'un qui vient s'établir dans le territoire agricole, dans un rang x, pour une nouvelle construction, une nouvelle maison, vous avez dit tantôt: Il fait comme geler. C'est un gel. Je prends votre expression. Je pense que vous avez raison aussi, à ce niveau-là. J'attendais vos solutions, mais il me semble que vous avez dit tantôt: Une des solutions, ça serait de faire l'équivalent au niveau d'actes notariés. Autrement dit, que ces personnes-là, qui viennent s'établir en territoire agricole, puissent faire faire un acte notarié avec l'agriculteur ou l'agricultrice qui est son voisin. Est-ce que j'ai bien compris? Puis peut-être que je pourrai ensuite continuer mon exposé.

M. Pellerin (Laurent): Dans le seul cas où, si la maison vient s'installer puis qu'elle a besoin d'être à 1 000 pieds de l'entreprise agricole puis qu'elle est à 1 000 pieds de l'entreprise agricole, il n'a pas besoin de papier. Si elle a besoin d'être à 1 000 pieds de l'entreprise agricole puis qu'on dit: Ce n'est pas là que je veux être, moi, je veux être à 200 pieds de l'entreprise agricole, je m'enregistre dans mon permis de construction pour dire: Moi, je renonce à mon droit de recours contre ce producteur-là pour les inconvénients de l'agriculture. Signé: Pierre, Jean, Jacques. Puis bingo! la maison se construit. Disons que ça ne peut pas être comme ça. Ce citoyen-là, quand il vient renoncer, il renonce pour l'entreprise qui est là. Je renonce pour les inconvénients de l'entreprise que je connais, là. Aussitôt que le producteur essaie de bouger puis de passer son nombre de vaches, supposons, de 50 à 60 vaches, l'autre, là, il se remet à crier. Il dit: Moi, quand j'ai dérogé, ce n'était pas une dérogation pour 60 vaches; il y avait 50 vaches, là, je ne veux pas qu'il y en ait plus.

(12 heures)

Mais, comme la dérogation, dans le cas du citoyen qui se construit une maison, elle est unilatérale, c'est-à-dire que, lui, il prend sa décision, il l'inscrit, puis c'est fait, puis c'est réglé, le producteur agricole, bien souvent, n'est même pas au courant. Alors, ce qu'on dit, c'est que, si au moins elle était notariée, bien, là, le producteur aurait peut-être l'opportunité d'inscrire dans la dérogation: Tu t'inscris comme ayant non-recours contre mon entreprise actuelle et future. Signez ici mon ami, puis on va bien s'entendre.

M. Morin: Je comprends. Je comprends bien. Et, suite à cela, je voudrais enchaîner avec les immeubles protégés parce que, moi aussi, j'ai eu des représentations dans mon comté, dans le comté de Nicolet-Yamaska, des gens de l'UPA. Et, comme je le disais tantôt, c'est sûr que ce n'est pas une loi parfaite. Et on est ici pour vous entendre aussi et pour parfaire le mieux possible cette loi-là. Vous avez parlé de garages tantôt puis de salons de coiffure. Moi, je sais que les gens, chez nous, m'ont parlé de pistes cyclables. Et je sais qu'il est arrivé un cas dans mon comté où c'était le ministère des Transports qui devait aussi, autrement dit, signer une servitude quelconque. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que cette problématique-là avec certains ministères, entre autres ça peut être les Ressources naturelles ou le ministère des Transports, est-ce que l'accord de servitude vous a créé des problèmes?

Et ensuite j'aimerais vous entendre aussi sur les pistes cyclables. Parce que nous travaillons actuellement très fort pour l'établissement de la Route verte au Québec, qui fera la beauté de notre Québec et de nos campagnes aussi. Parce que les citadins et les urbains veulent venir visiter nos campagnes, mais il ne faudrait pas non plus que les pistes cyclables deviennent un empêcheur ou des empêcheurs de production agricole.

M. Pellerin (Laurent): Tout à fait. Ça aussi, à l'adoption de la loi n° 23 et ses règlements, on n'avait que des exemples théoriques à vous amener pour illustrer les contraintes que de telles définitions pouvaient amener. Maintenant, on est en mesure de vous dire qu'une voie ferroviaire désaffectée transformée en piste cyclable devient un parc municipal, donc un immeuble protégé. Alors, reprenez le rang de Saint-Joseph-des-Érables, rajoutez à 2 000 pi en arrière des fermes une voie ferrée, enlevez les rails, faites-en une piste cyclable, et tous ces producteurs-là, il n'y en a plus la moitié ou 14 sur 27 qui peuvent se développer, il n'y en a plus aucun. Parce que, un immeuble protégé, c'est deux fois la distance. Ils deviennent tous gelés dans leur développement. Inadmissible. Complètement inadmissible.

Je vous donnais l'exemple tantôt d'un citadin qui serait venu se construire une maison à la campagne. Ça va, il déroge. Deux ans après, il se construit dans la maison, dans la cave ou dans le petit salon, un salon de coiffure. Il devient immeuble protégé. Il a prévenu qui de ça, là? Ça n'a pas de bon sens. Le petit atelier de réparation mécanique qui est dans un rang peut se faire appeler garage et devenir commerce. Encore des distances plus grandes. La cabane à sucre, qui est cabane à sucre, quelques érables de démonstration mais grosse opération de restauration, demande le permis de servir des repas, devient restaurant, devient immeuble protégé. On ne peut pas vivre avec ça. Ce n'est pas ça, donner la priorité aux activités agricoles dans le milieu rural, dans la zone verte.

M. Morin: Mais j'aimerais vous entendre sur les solutions que vous nous proposez vis-à-vis, exemple, les pistes cyclables. Parce qu'on ne veut pas non plus empêcher l'exercice physique ou le fait...

M. Pellerin (Laurent): Alors, mais restreindre, à ce moment-là, dans la loi n° 23, la définition de ce qu'est un immeuble protégé ou un commerce. En tout cas, il y a trois ou quatre termes qu'on aimerait redéfinir puis les limiter à une portée bien encadrée.

M. Lacasse (Christian): On n'en a pas sur l'immeuble protégé comme tel, la définition. Je pense qu'il y a certains immeubles qui doivent être reconnus comme immeubles protégés, donc une distance un peu plus élevée. On pense à la restauration, à un terrain de camping, à un centre de villégiature, où, là, il y a un impact vis-à-vis ces différents usages là. Mais qu'on revoie cette liste-là dans cette optique-là, et c'est là qu'on va voir qu'il y a les commerces, ça ne fonctionne pas.

On n'a pas à avoir une distance par rapport à un garage. La même chose pour la piste cyclable. Parce que les gens vont se promener en campagne en bicycle, moi, je ne crois pas que les entreprises doivent respecter une distance plus élevée vis-à-vis la piste. Les gens ne restent pas là en permanence, quand même. Puis, je veux dire, l'agriculture, ça fait partie du paysage. Alors, ça manque de logique. Si on reprend cette liste-là, il y a des éléments qui doivent être retirés.

M. Morin: Juste en terminant, M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais vous entendre aussi sur le questionnement que je vous faisais à propos de certains ministères, entre autres le ministère des Transports. Parce que j'avais ouï-dire chez nous, dans ma région, que le ministère des Transports avait été un de ceux qui avaient été demandés pour signer une servitude, puis il y avait eu certains délais qui avaient fait en sorte de retarder l'établissement d'une ferme. Je ne sais pas si vous avez des exemples dans d'autres régions, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Thiboutot (Marlène): Oui. On a un autre exemple également dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Côte-du-Sud, où il y avait une dérogation qui était nécessaire avec le ministère des Transports. Et ça a causé problème également parce que le ministère des Transports refuse, en général, d'accorder une telle servitude. Le dossier a fini par se régler par une dérogation mineure au niveau de la municipalité. Mais il y avait quand même un problème au niveau du ministère des Transports.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Morin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Beauharnois-Huntingdon, suivi de M. le député de Gaspé.

M. Chenail: Merci, M. le Président. D'abord, saluer les gens de mon comté puis saluer les agriculteurs du Québec, mes collègues, parce que je suis agriculteur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le message est passé.

M. Chenail: M. le Président, de notre côté, on était d'accord avec le droit de produire. On a voté contre, en dernier, parce qu'on prévoyait ce qui arrive aujourd'hui. On prévoyait ça, de notre côté, ce qui arrive aujourd'hui. Et puis je pense que, du côté de l'UPA, peut-être que vous avez fait trop confiance, dans le temps. J'aimerais ça que vous nous parliez aujourd'hui de la confiance que vous avez dans le droit de produire, qui est devenu le droit de ne plus produire, parce qu'il ne faut pas se le cacher. C'est ce qu'on disait de notre côté. J'étais sur la commission, puis c'est ce qu'on disait, dans le temps.

J'aimerais ça que vous nous parliez aussi de l'écoute que vous ne semblez pas avoir depuis l'entrée de la loi en fonction, puisqu'on se ramasse aujourd'hui avec des problèmes comme on a. Vous avez énuméré un peu de problèmes. Mais, quand on vit dans une région agricole, comme moi-même j'y vis, quand on a une voie ferrée sur ses terres, quand on a une piste cyclable sur ses terres, quand on regarde tout ce qui se passe, on commence à se poser de sérieuses questions.

M. Pellerin (Laurent): D'abord, je n'ai pas répondu aux commentaires de M. Morin là-dessus tantôt. Il serait assez malheureux qu'on sorte d'ici puis qu'on retienne qu'on est juste content de la loi, là. On est content du corps qu'est la loi. Je pense que ça, on est satisfaits qu'elle ait été adoptée. Mais, en même temps, en introduction, je vous ai dit que, pour nous autres, l'adoption de cette loi-là nous rappelle une époque où on a fait des compromis aussi sur beaucoup d'articles de cette loi-là parce que, nous autres aussi, on avait la conviction que certains paragraphes, tels qu'ils étaient écrits, ne pourraient pas permettre de prioriser les activités agricoles en zone verte. Puis l'illustration qu'on vous fait deux ans et demi après, aujourd'hui, je pense qu'elle traduit bien ça.

Je vous ai dit aussi, en introduction, qu'on a été beaux joueurs là-dedans. On dit: Écoutez, là, ça fait 25 ans qu'on travaille là-dessus, on a un corps qu'on pense qu'il peut nous donner une certaine promesse de satisfaction, mais, quant aux articles de réglementation, encore beaucoup d'insatisfaction, beaucoup de travail à faire pour que ça remplisse l'objectif principal, l'objectif ultime: prioriser l'activité agricole en zone verte. Ça, on l'a dit, je l'ai répété en introduction aujourd'hui puis je ne changerai pas d'idée là-dessus tant que la loi ne sera pas modifiée.

Nous autres, on s'adresse à vous autres parce que vous êtes des gens qui sont près du processus législatif. Quand on est venu vous rencontrer il y a trois ans, deux ans et demi, en commission parlementaire, je sais que vous avez eu de nombreuses heures de travaux, dans les nuits et les jours qui ont suivi la commission parlementaire, pour arriver à une écriture plus ferme de la loi; pas totalement satisfaisante, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais quand même renforcée par rapport au premier jet, aux premières versions qui nous avaient été transmises.

(12 h 10)

Il en manque encore aujourd'hui. Et on revient devant vous autres en souhaitant que le processus législatif vienne renforcer la loi partout où on vous a suggéré qu'il y avait besoin de renforcer la loi. Puis, si vous avez un meilleur moyen à nous suggérer qu'un renforcement de la loi, vous nous le direz. Mais on en a déjà évacué quelques-uns de ces moyens-là.

Comme, par exemple, il y a des gens qui nous ont suggéré qu'on devrait aller traiter par mesure d'exception au niveau municipal, régler les dérogations par mesure d'exception au niveau municipal. C'est l'histoire du loup et de la bergerie de tantôt. On va-tu demander au loup de venir dire que l'agneau est bien traité? Bien non. On ne s'entend pas avec eux autres sur la détermination de ce qu'est l'esprit de cette loi-là. On n'ira pas demander, par mesure d'exception, de nous donner gain de cause, voyons!

Il faut qu'à la base le législateur revienne, qu'il ne chambarde pas toute la loi, qu'il vienne repréciser les définitions à certains endroits, qu'il vienne enlever les mesures de signatures notariées à certains autres endroits pour les entreprises établies, qu'il vienne faire varier les distances pour les rendre un petit peu plus flexibles, à d'autres endroits, donc raffiner la réglementation qu'est la loi.

Et ça, tout en l'ayant prévu au moment de l'adoption de la loi, on n'est pas surpris que ça arrive comme ça aujourd'hui, et pas juste parce qu'on avait dit que ça arriverait comme ça. Mais c'est un peu normal qu'avec un bloc d'une loi aussi importante on arrive, après un petit bout d'application, avec des choses qui ne donnent pas tout à fait le résultat escompté. Mais ayons la concordance d'esprit de revenir à la charge, de dire: Bien, écoute, c'est vrai, on avait dit que ça remplirait priorité aux activités en zone verte et, si ça ne le remplit pas, on va corriger un petit peu ça aussi. C'est ce qu'on vous illustre aujourd'hui. On vous en a présenté une liste et on est prêt à travailler plus longuement avec ceux qui préparent ces processus législatifs là pour s'assurer que les modifications rempliront l'objectif visé.

M. Chenail: Jules Brière, qui est maintenant rendu au dossier, est-ce que c'est la même personne qui a fait la réglementation du départ qui ne fonctionne pas aujourd'hui? Puis pourquoi qu'on ne se fierait pas plus aux recommandations de l'UPA, qui représente le monde agricole, plutôt qu'à des gens qui nous ont amenés où est-ce qu'on est rendu aujourd'hui? J'aimerais ça que vous nous éclairiez là-dessus.

M. Pellerin (Laurent): On est revenu à la charge l'automne passé, avant le congrès, pour s'assurer que, là, ça avait assez duré – ça faisait deux ans que ça s'expérimentait, cette loi-là – et qu'il fallait revenir en processus de modifications législatives. Et on nous a suggéré qu'un personne qu'on considère hautement chez nous, Me Brière, refasse, pour le bénéfice de la partie gouvernementale, ministérielle, l'exercice de regarder où il y a des consensus, où il y a des modifications à faire.

Ce n'était pas l'enthousiasme total, chez nous. Mais, à condition que ça soit dans un processus très court – on nous a dit dans quelques semaines, quelques mois, maximum – que Me Brière accouche d'un rapport sur le mandat qu'on lui a donné, on est encore prêt, positif, partant pour participer au processus d'amélioration de cette loi-là. Mais il faudra que ça aboutisse dans des changements réglementaires, législatifs si nécessaire.

M. Chenail: Avez-vous fait des recommandations auprès de la protection du territoire agricole pour les droits acquis, le 55 000 pi² qu'on peut diviser et vendre le terrain à côté à quelqu'un de n'importe où? Avez-vous fait des recommandations à l'UPA pour, à un moment donné, au moins que ça arrête l'hémorragie? Parce qu'on va recevoir ces gens-là, nous autres, en commission, aujourd'hui ou demain, et puis je vais leur poser la même question: Vous êtes au courant du fameux droit acquis de 55 000 pi², où tu divises un terrain de 30 000 pi², où tu le vends, tu viens de t'en créer un problème, tu viens d'en créer un au monde agricole pour l'avenir.

De quelle façon vous autres, l'UPA, vous vous impliquez dans ce domaine-là pour faire en sorte qu'on puisse amener des changements au niveau de la protection du territoire agricole? Parce que c'est vraiment un problème qui existe depuis longtemps puis que...

M. Pellerin (Laurent): Au-delà d'avoir fait une représentation systématique et précise sur le cas des 55 000 pi² – la façon dont je le relie au dossier qui nous préoccupe ce matin, c'est le problème de cohabitation supplémentaire que ça pourrait emmener – à l'époque, et on recule de 25 ans, au moment de l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est un compromis qu'on avait trouvé pour tous les bâtiments ou les maisons existantes, un droit acquis d'un terrain de 55 000 pi². Je ne pense pas que l'esprit de l'époque – et que l'esprit ait changé en cours de route – c'était pour faire du morcellement, là. Bon. Comment on revient auprès de la Commission pour s'assurer que ce n'est pas ça, l'objectif? Parce que, dans certains cas, vous avez raison, c'est une occasion au morcellement supplémentaire.

M. Chenail: Mais vous ne trouvez pas que vous faites plusieurs compromis puis que vous en faites souvent?

M. Pellerin (Laurent): Celui-là, ce n'est pas sûr que c'est nous autres qui avions fait le plus gros compromis, parce que ce qu'on demandait, c'est que les fermes soient rattachées aux entreprises agricoles. Il y avait comme 200, 300 ans d'histoire de propriétés, de maisons qui appartenaient à des familles, soit en agriculture, soit à l'extérieur de l'agriculture, des fermes de très petites taille. À l'époque, aussi, la maison était probablement la principale occupation de l'entreprise. Je pense que c'est plus un compromis de société qui a été fait à cette époque-là, avec lequel on n'était pas en désaccord.

Que les producteurs propriétaires de ces maisons-là puissent conserver la propriété de leur maison advenant le cas de la vente de l'entreprise, je pense que c'était tout à fait acceptable pour la société de l'époque. Que ça ait été changé et interprété, comme ça a été fait dans certains cas, en morcellement de deux quand ce n'est pas trois terrains, pour certaines municipalités – parce qu'il y a des municipalités où les réseaux d'aqueduc sont présents, et elles peuvent faire jusqu'à trois terrains sur ces droits acquis là – ça, je pense que c'est contraire à l'esprit de l'entente de l'époque. Parce que, si on s'en était tenu à l'exception de l'époque, je ne pense pas que ça aurait causé des problèmes supplémentaires.

M. Chenail: Mais vous ne pensez pas, compte tenu qu'on fait des changements pour l'avenir, que vous pourriez, l'UPA, vous impliquer à ces niveaux-là aussi puis faire en sorte, compte tenu que vous faites souvent des compromis, que de l'autre côté aussi il ne pourrait pas y avoir des changements pour faire en sorte d'éviter des problèmes à venir? Parce que c'est automatique, quand tu passes dans un rang, tu vois trois ou quatre maisons qui ont gardé leurs droits acquis, puis finalement il se bâtit quelqu'un à côté qui devient un gars qui s'en vient à la campagne puis qui cause des problèmes à l'agriculture. Puis les gens, ils font ça de bonne foi. Mais ce n'est pas évident que c'est vraiment la façon de faire, surtout avec le fameux droit de produire qu'on vit en ce moment.

M. Pellerin (Laurent): La règle de base, je vous l'ai donnée tantôt: les maisons, pour nous autres, là, c'est au village.

M. Chenail: Ça voudrait-u dire que vous allez faire en sorte de faire des recommandations à la protection du territoire agricole pour que ça change?

M. Pellerin (Laurent): Bien, ça, il faudrait que je voie si on est rendu là. Mais, sur le principe, nous autres, les maisons, c'est au village. Le morcellement dans les rangs, ce n'est pas l'esprit de ce qu'on défend.

M. Chenail: Juste en terminant, est-ce que vous verriez ça d'un bon oeil qu'on entende le ministre de l'Environnement sur le droit de produire, en commission parlementaire, et puis le ministre de l'Agriculture, suite à tout ce qu'on entend aujourd'hui?

M. Pellerin (Laurent): Le ministre de l'Agriculture, sans aucun doute. Je pense que vous l'entendez à l'occasion. Le ministre de l'Environnement, il ne faudrait pas que ça tombe dans l'imbroglio de remêler, encore une fois, ce qui est normes environnementales avec normes de cohabitation. Je veux dire, il y a des inconvénients en agriculture qui ne sont pas du ressort du ministère de l'Environnement, à notre point de vue, et ça, on continue à dire la même chose. S'il y avait un autre ministre à entendre, je préférerais de beaucoup que vous entendiez la ministre des Affaires municipales.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Gaspé, suivi du député de Richmond, et nous terminerons avec le député de Roberval. Et, après ça, on entreprend quelques minutes sur l'industrie forestière.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. M. Pellerin, je suis bien content que vous ayez enchaîné. C'est là-dessus que je voulais discuter avec vous, la question du ministère des Affaires municipales, parce que, dans votre présentation, vous n'en faites pas état. Ce qu'il est important aussi de souligner, c'est que l'élément majeur ou très important de la loi n° 23, c'est la distinction entre la pollution et les inconvénients de la production. Je pense que, dans les croyances populaires, les odeurs étaient considérées comme de la pollution. Quand on passe sur l'autoroute et qu'on a l'occasion de sentir les odeurs qui peuvent émaner, ce n'est pas nécessairement de la pollution, ça, c'est des odeurs, quoi.

Par ailleurs, on parle beaucoup des productions qui sont en milieu urbain, ou on parle des périmètres d'urbanisation. On parle aussi des règlements de zonage et de la carte au Québec des zones vertes. On parle des gens qui sont en territoire protégé. Mais je dois aussi vous mentionner, à titre de président national, que la ville de Gaspé est une zone blanche au complet. Alors, imaginez-vous les difficultés que rencontrent tous ceux qui sont en zone blanche une fois qu'ils ont été classés en zone verte, qu'ils ont réussi à avoir, eux, une modification du règlement de zonage pour faire de l'agriculture. Et on est aux prises avec certains problèmes.

Alors, moi, je voulais vous amener sur le ministère des Affaires municipales, à regarder toute la problématique que ça entraîne, le fait qu'on agrandisse les périmètres d'urbanisation pour avoir droit à l'aide financière pour construire les services publics, aqueduc et égout. La plupart du temps, ils le font pour ça, à des fins foncières, à des fins monétaires, pour augmenter leurs revenus également puis diminuer leurs coûts d'installation de ces services. Donc, on a eu l'occasion de l'étudier. Et je sais que, dans la région de Saint-Jean par ailleurs, il y a une problématique très particulière, que je ne voudrais pas aborder ici.

Je voudrais faire porter ma question également sur la réciprocité, mais sur les entreprises qui viennent s'installer à la suite de l'agrandissement du périmètre d'urbanisation. Elles se rapprochent continuellement des entreprises agricoles. Et le droit de servitude a toujours existé au Québec, il existe depuis le régime romain, le régime français, etc. Et les droits de passage en sont un bel exemple. Ensuite, on a eu les servitudes de rue. Là, on a une servitude d'odeur quasiment pour avoir le droit de produire puis se rapprocher.

Quels sont les éléments que vous voudriez qu'on rajoute dans le sens inverse? Vous dites: Ils doivent être soumis aux mêmes conditions que le producteur, lui, qui veut s'agrandir, que celui qui veut venir s'installer soit soumis également à obtenir une servitude. Et également vous dites dans votre document qu'il faut maintenir l'existence d'obtenir une servitude, entre autres la possibilité de déroger aux normes de distance pour les nouvelles entreprises agricoles. Ça peut poser un problème à un moment donné. En tout cas, à vouloir tout encadrer ou à tout permettre, on va avoir des difficultés d'application, comme on en rencontre à l'heure actuelle.

(12 h 20)

M. Pellerin (Laurent): Regardez, si on sépare, dans un premier temps, toutes les entreprises – on parle de 36 000 entreprises agricoles au Québec – et qu'on dit: Ces entreprises-là pourraient se développer dans l'avenir si elles sont conformes à l'environnement, si elles respectent la réglementation environnementale et municipale en faisant précaution que, si elles ont des voisins trop proches, il faut qu'elles agrandissent leurs bâtiments en s'éloignant des voisins qui seraient trop proches... Et, là-dessus, ils ne peuvent pas s'éloigner indéfiniment, là. Ils s'éloignent jusqu'à temps qu'ils rencontrent les normes environnementales, c'est-à-dire, s'ils ont de la capacité de sol pour 50 têtes d'animaux bovins, ils ne pourront pas s'agrandir pour en mettre 200, ils n'ont pas le sol pour le faire. Alors, la limite, elle est vite atteinte. Donc, ce n'est pas un élargissement de l'entreprise à l'infini, c'est un agrandissement de l'entreprise qui est quand même limité par la possession des terres de ces producteurs-là. Donc, là, on réglerait tout un bloc d'entreprises qui sont obligées aujourd'hui d'utiliser le processus de dérogation et de signature d'actes notariés. C'est 36 000 entreprises.

Pour les nouvelles installations, dans certaines municipalités, il n'y aura aucun problème, ils vont trouver le site à un endroit où les distances permettent de faire le type d'entreprise, le type de bâtiment qu'ils veulent faire. Ils vont construire, ça va rouler, pas de problème. Dans certaines autres municipalités, puis on vous en a donné quelques illustrations aujourd'hui, la municipalité de type linéaire – puis vous avez souvent ça dans le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie, le long des routes ou des rangs principaux – la nouvelle entreprise aura beau chercher un endroit où s'établir, il y aura toujours à quelque part un voisin, un commerce trop près. Et là on dit: Bien, dans ces cas-là, processus de dérogation. Là, on vient en processus exceptionnel à la dérogation, on ne s'en va pas systématiquement, aussitôt qu'on a un projet, chez le notaire. Exceptionnellement, on ira. C'est la deuxième catégorie des demandes qu'on fait aujourd'hui.

Pour ceux qui sont déjà dans le périmètre urbain – puis c'était une bonne partie de votre propos – qui sont déjà dans la zone blanche ou qui étaient en zone blanche et qui sont devenus en zone verte, qui sont extrêmement limités dans leur développement, je dirais, là-dessus, qu'il y a deux politiques gouvernementales qu'il faudrait lier ensemble. La région agricole la plus active au Québec, où il se produit le plus de produits, c'est autour de Montréal, et on n'arrête pas d'empiéter sur ce territoire-là. Et vous savez quels problèmes de coordination ça fait pour ces villes-là: trou de beigne, banlieue qui s'étend, qui s'étend, dortoir qui s'étend, qui s'étend. Ça prend d'autres dispositions dans d'autres lois pour venir contrer l'élargissement indu des zones blanches de certaines municipalités. Puis les arguments qu'ils utilisent, que ce soit pour rentabiliser leur réseau d'aqueduc, d'égout, ça, c'est tous des arguments qui peuvent être intéressants, mais ça n'a pas de bon sens qu'on développe ou qu'on étende pour rien ce périmètre-là.

J'avais des chiffres, dans une présentation qu'on vous a déjà faite, où on vous donnait le nombre d'hectares dézonés, depuis le début de la loi du zonage agricole, autour de Montréal par rapport à l'augmentation de la population et de l'activité économique. On a plus que doublé le territoire dézoné, mais on n'a pas doublé la population puis on n'a pas doublé l'activité économique, les entreprises de transformation. Donc, il y a du territoire inutilisé qui a été dézoné pour rien. Puis vous avez juste à faire le tour par la 30 ou la 640, autour de Montréal, on le voit bien: des terres en friche qui ont été dézonées pour rien. Alors là il y a une limite qu'il faut apporter, soit par la loi du zonage agricole, soit par une autre intervention.

Et, nous autres, on vous dit: Nous ne sommes pas le législateur et nous ne voulons pas être les seuls à défendre les législations non plus. Plus souvent qu'autrement, dans le cas du zonage agricole, la loi n° 23 et d'autres dispositions législatives du Québec, on se retrouve presque les seuls défenseurs de ces lois-là. C'est une des raisons aussi pourquoi on revient devant la commission aujourd'hui, parce qu'on pense que vous êtes une instance qui peut sonner les cloches, à un moment donné, et dire: Écoutez, oups! il y a quelque chose qui se passe. Ça n'a pas d'allure, dans la société, que ça fonctionne comme ça, là. On a voulu, nous autres, comme députés, en faisant notre job, nous assurer qu'il y aurait priorité aux activités agricoles en zone verte – c'est ce que vous nous avez fait croire, à l'Assemblée nationale, quand on a adopté cette loi-là – puis regardez, ça ne donne pas ça comme résultat, puis le monde est venu nous le dire; on va apporter les correctifs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, tantôt on a eu l'occasion de parler un peu des gens qui s'établissent en milieu agricole. Peut-être juste un commentaire là-dessus, parce que, étant dans un comté rural, on voit souvent des choses qui se produisent. Et j'aimerais peut-être que tantôt on me réponde un peu sur le point de vue de l'UPA là-dessus. Il y a évidemment toutes les nouvelles constructions, mais il y a celles qui existent aussi et qui changent de propriétaire. Combien de fois on a vu quelqu'un qui s'achète une belle grosse maison en campagne puis qui décide, deux ans plus tard, d'en faire un «bed-and-breakfast», puis, tout d'un coup, tout le monde qu'il y a autour devient problème.

Est-ce qu'on a déjà envisagé la possibilité, pour quelqu'un qui s'installe en zone agricole, qui y achète une propriété existante ou qui s'y installe pour une première fois, qu'il y ait de façon formelle, officielle, de façon légale un engagement de ces gens-là à la reconnaissance qu'ils sont en zone agricole où on retrouve certains inconvénients dus à la production ou on pourrait en retrouver? Je ne sais pas, moi. Je pense que c'est une évidence que, quand on permet que des gens transigent, achètent une propriété en milieu agricole, ils devraient par la même occasion reconnaître l'endroit où c'est situé et qu'ils pourraient faire face à des inconvénients dus à la production agricole, et faire en sorte qu'on évite que, par la suite, le fardeau de la preuve incombe aux producteurs qui sont autour de la même résidence, de la même propriété, pour dire: Je peux-tu faire ci? Je peux-tu faire ça? Non, non, quand tu t'es installé là, tu le savais qu'il y avait de l'agriculture autour. Aujourd'hui, bien, la poussière, le bruit, qui sont quelques inconvénients, les odeurs, il faut vivre avec. Même si, dans ta maison, tu as amené des gens qui maintenant viennent de la ville ou d'ailleurs, bien, tu es en zone agricole et tu le savais au point de départ.

Moi, je trouve qu'il y a peut-être eu un manque, à l'intérieur de la loi qu'on a passée, vis-à-vis certaines évidences qu'on doit reconnaître quand on s'en va en zone agricole. On m'a dit que, dans certains États américains, il y avait des choses comme ça, que, quand on procédait à l'achat, dans l'acte notarié, c'était indiqué qu'on reconnaissait qu'on était en zone agricole et que ça comportait certains inconvénients. J'aimerais juste vous entendre rapidement là-dessus tantôt.

J'ai une question, parce qu'il me semble qu'au Congrès de décembre 1998, au 75e Congrès de l'UPA, il y avait eu une résolution à l'effet que l'UPA demandait à Québec d'accorder un pouvoir d'arbitrage obligatoire au Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole en cas de litige face à une réglementation municipale contraignante. Je ne pense pas l'avoir vu; rapidement, j'ai parcouru votre mémoire, je n'ai pas vu ça dans votre mémoire. C'est dedans? Alors, vous maintenez que ce serait une façon de trancher des litiges qui se retrouvent trop souvent sans solution ou qui sont carrément judiciarisés, et c'est les frais, et souvent on ne sait pas trop comment l'histoire se termine. Alors, est-ce que vous maintenez que ce serait là une des solutions à une certaine problématique qu'on rencontre sur le territoire? Et est-ce que vous savez également que, si cette demande est une de celles que vous formulez, l'UMRCQ a demandé, elle, le contraire au ministre de l'Agriculture? C'est-à-dire qu'elle ne veut absolument pas que le Commissaire aux plaintes se mêle de certains règlements qui font l'objet de contentieux à l'intérieur des municipalités.

(12 h 30)

M. Pellerin (Laurent): Bien, on vous l'a dit tantôt, une trentaine de décisions, une trentaine de rapports écrits et rendus, livrés par le Commissaire aux plaintes, si on fait la moyenne des rapports, nous, on serait satisfaits du contenu. Je pense que c'est un bon travail. Le seul problème, c'est que les rapports ne sont pas appliqués, ne sont pas mis en application par la municipalité ou la MRC ou l'instance qui est fautive. C'est pour ça qu'on demande un rôle accru pour le Commissaire aux plaintes, un rôle d'arbitre. Idéalement, on aurait souhaité qu'il soit exécutoire, mais on ne rêve pas en couleur non plus, ça fait probablement partie des nombreux compromis qu'on est capable de faire. Mais un rôle d'arbitre... Il y aurait une coche supplémentaire pour forcer Saint-Thomas-de-Pierreville à mettre sa réglementation conforme au schéma de la MRC parce que, actuellement, elle n'est même pas conforme au schéma de la MRC. Si ce n'est pas le Commissaire qui le fait puis qu'il a essayé d'arbitrer la situation, qui va le faire?

L'étape plus loin, il faut aller devant les tribunaux, demander à un juge de se prononcer, puis là vous savez dans quoi on s'embarque: deux, trois, quatre, cinq ans, avec 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $ des deux bords, de la municipalité et des producteurs. Puis pourquoi ça serait nous autres, les producteurs, qui auraient à défendre cette loi-là, tout seuls à payer les frais, tout le temps?

M. Vallières: Parce que, M. le Président, je veux le rappeler – peut-être que le président de l'UPA s'en souviendra – ça, c'était dans l'avant-projet de loi, de mémoire, ça apparaissait dans l'avant-projet de loi.

M. Pellerin (Laurent): Arbitre? Arbitrage?

M. Vallières: Oui.

M. Pellerin (Laurent): Je ne me souviens pas.

M. Vallières: Et c'est peut-être un autre des compromis qui a été fait, parce qu'on s'était posé la question à l'époque, là.

M. Pellerin (Laurent): Sûrement pas de notre côté.

M. Vallières: Pas de votre côté.

M. Pellerin (Laurent): Celui-là, il a dû nous être imposé, s'il était là.

M. Vallières: En tout cas, c'est un sujet, à mon sens, c'est une avenue qu'il faut regarder, à tout le moins comme législateur...

M. Pellerin (Laurent): Quand même, là! Que le monde municipal ne veuille pas se soumettre au rapport d'un tiers neutre, il y a toujours une limite, là. Nous autres, on est prêts à se soumettre aux recommandations d'un tiers, comme le Commissaire aux plaintes peut jouer... son poste, là.

M. Vallières: Compte tenu que c'est une de vos représentations, j'imagine que vous allez la faire à l'actuel ministre de l'Agriculture, qui était à l'époque ministre des Affaires municipales et qui, j'imagine, a soutenu l'UMRCQ dans sa proposition de retrait de ce qu'on retrouvait à l'intérieur de l'avant-projet de loi.

M. Pellerin (Laurent): Je serais surpris qu'il nous dise qu'il a soutenu le... Ha, ha, ha!

M. Vallières: Alors, ça va être intéressant de voir comment on pourra se comporter là-dedans.

M. Pellerin (Laurent): Sur la première partie de votre intervention qui était: Est-ce qu'on devrait exiger des gens qui viennent s'établir dans le milieu agricole, soit dans des nouvelles installations ou qui achètent des installations et qui les transforment, qu'ils reconnaissent de facto qu'ils sont conscients des inconvénients, qu'ils les acceptent et qu'ils adoptent les comportements qu'il faut adopter en milieu zone verte? ç'aurait peut-être été une piste d'approche. Ce n'est pas celle-là que, nous, on a choisie, ce n'est pas celle-là que le législateur a choisie. On a choisi plutôt l'approche de dire: On va annoncer à tous ceux qui ont affaire à la zone verte qu'en zone verte la priorité, c'est aux activités agricoles. C'est ça qu'on a choisi comme piste.

Dans quelques années, on imagine que, si on continue à renforcer un peu la loi n° 23, ce sera connu et reconnu, ça, que, quand tu viens en zone verte, il faut que tu sois prêt à endurer les inconvénients, à vivre avec les inconvénients. Ce n'est pas encore traduit dans nos mentalités, mais la loi a deux ans et demi. Mais j'espère, avec les renforcements qu'on pourra y apporter, que, dans les quelques années qui s'en viennent, les gens qui viendront s'établir en milieu rural auront ça en tête. J'achète une propriété et je veux la transformer en «bed-and-breakfast», mais ça se peut bien qu'il y ait un élevage de lapins à 250 m de ma maison puis que ça dégage certaines odeurs ou que... c'est agréable à visiter en même temps, pour le «bed-and-breakfast», mais il y a certains inconvénients, et c'est ça.

C'est comme les gens qui vont s'établir une PME dans le parc industriel, chez nous, à Bécancour. À la limite du parc, il y a une petite zone pour les PME. Ils savent qu'il y a des avantages pas à peu près. Ils sont collés sur les grosses entreprises, puis il y a des contrats qui se passent par là. Mais, en même temps, il y a quelques inconvénients: le terrain est plus dispendieux que s'ils allaient dans un petit parc, puis, tu sais, c'est loin des maisons aussi, ce qui fait que les employés voyagent un petit peu plus. Mais, somme toute, ils pensent qu'ils sont prêts à vivre avec les inconvénients. Alors, il faudrait que ce soit la même chose quand quelqu'un vient s'installer en zone verte. Il y a quelques avantages: il y a de la place, la vue est belle, il y a de l'air 363 jours par année, il y a deux, trois jours où il y a des odeurs. Mais, somme toute, ce n'est pas si pire que ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va, M. le député?

M. Vallières: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, on va terminer par votre intervention sur l'industrie forestière, que quelques minutes.

M. Pellerin (Laurent): Quelques minutes parce que, demain matin, on sera là, mais j'ai compris qu'on n'avait pas d'intervention. Demain matin, c'est l'industrie forestière que vous allez entendre. On s'en serait voulu d'être venu vous rencontrer aujourd'hui puis de ne pas avoir fait un commentaire sur les revendications de ces groupes d'industriels là contre la mise en marché des produits agricoles et forestiers, donc contre la Loi de la mise en marché des produits agricoles. Parce que vous savez que les produits de la forêt au Québec sont gérés par 15 plans conjoints gérés par des producteurs agricoles partout sur le territoire, et ce qui est contesté à ces producteurs-là actuellement, c'est la capacité de se regrouper en plan conjoint pour négocier avec les usines de transformation, de se regrouper à plusieurs plans conjoints, ensemble, pour faire une négociation encore plus collective. On leur refuse même de les rencontrer s'ils sont plus d'un syndicat à la fois ou un plan conjoint à la fois, ce qui est un peu tiré fort, alors que, eux, de leur côté – si vous avez suivi les actualités – ils ne se sont pas gênés pour regrouper, centraliser et fusionner leurs entreprises, de la Consol à l'Abitibi-Price à toutes les autres qu'on connaît. Alors, leurs revendications concernaient une diminution des pouvoirs de la Loi de la mise en marché des produits agricoles et forestiers. Nous, ça nous préoccupe beaucoup. Et, après leur avoir donné, continué à leur donner presque la forêt publique, il ne faudrait pas leur livrer le peu de forêts privées qui appartiennent à nos 100 000 producteurs forestiers du Québec. Alors, on veut que vous soyez attentifs à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, évidemment, il y a la question, dans les représentations qui nous seront faites, de l'existence des plans conjoints comme tels, mais je pense que le dossier va surtout porter sur l'établissement de ce que l'industrie forestière appelle l'établissement d'un processus neutre de règlement des litiges. C'est là, quand il y a négociation entre les producteurs et l'Association comme telle des industries forestières, qu'arrivent des litiges, qui sont, comme on le sait, reconnus par la loi, tranchés par la Régie. La Régie des marchés agricoles, dans ce dossier-là, a été taxée – je veux l'indiquer ici – de manquer de transparence, d'être partiale à l'intérieur de ses décisions. Et ça, ce n'est pas juste l'industrie forestière du Québec qui le dit, là, et qui le regroupe, on sait que le Vérificateur général avait aussi émis une opinion là-dessus – je pense que c'était en 1998 – en indiquant que la Régie aurait avantage à utiliser un processus plus transparent à l'intérieur de ses prises de décision en cas de litige.

Alors, j'aimerais que vous nous indiquiez, que vous nous parliez en fait de ces affirmations, qui ne sont pas minces, là, quand on parle... La Régie, c'est un tribunal, et, à mon sens, il y a une prémisse là pour que les gens respectent la Régie des marchés agricoles, c'est qu'elle soit crédible. Est-ce que, au rythme où on va là par rapport aux prises de position, comme on entendra demain probablement, on peut dire que la Régie se dirige vers une crédibilité dont elle a besoin, entre autres, dans la révision des plans conjoints qu'elle a l'obligation de faire en vertu de la loi?

M. Pellerin (Laurent): Nous sommes assez inconfortables avec les commentaires qui sont faits sur le comportement de la Régie des marchés agricoles. La Régie rend des dizaines de décisions par année qui nous concernent, tantôt des décisions qui remplissent ou qui nous satisfont complètement, d'autres décisions qui nous embêtent ou qui ne supportent pas notre point de vue, et on est prêt à vivre avec ça parce que c'est un tribunal neutre.

Je suis surpris que ces industries qui vivent au Québec pensent qu'une loi du Québec est administrée différemment d'autres lois du Québec. Quand le processus d'octroi des droits de coupe sur la forêt publique est donné, est-ce que c'est transparent? Quand la charge financière ou le mesurage du bois dont ces industries-là bénéficient sur la forêt publique est fait de la manière dont il est fait aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire que c'est transparent? Comment ça serait moins transparent que ce qui se passe à la Régie des marchés agricoles? J'ai un peu de problèmes avec ça, moi. Quand tu vis au Québec, dans la société québécoise, toutes les lois ont la même force. Que ce soit la loi sur la forêt publique ou la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, ce sont des lois de la société québécoise. Elles doivent toutes avoir la même force.

La Régie a un processus d'arbitrage, elle peut nommer dans ses rangs, et je pense qu'elle a des dispositions aussi pour aller, à l'occasion, chercher des arbitres à l'extérieur quand les parties s'entendent là-dessus. Et, nous, on est confortables avec le processus actuel. On ne voit pas pourquoi il devrait y avoir modification ou exclusion d'un secteur d'activité à ce processus-là, sinon que de leur consentir un avantage encore supplémentaire pour imposer aux producteurs forestiers des conditions de mise en marché que les producteurs ne sont pas prêts à accepter.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

(12 h 40)

M. Vallières: Peut-être juste pour compléter, ce sera un petit peu plus pointu. Mais on sait qu'eux autres demandent que le processus d'arbitrage s'effectue plutôt en vertu du mécanisme connu dans le Code de procédure civile. Je comprends que, vous autres, vous êtes catégoriquement opposés à ce que l'État, le gouvernement modifie sa façon de faire, donc que ça demeure à l'intérieur de la Régie.

M. Pellerin (Laurent): Exact.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière intervention, M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Au niveau des décisions de la Régie, elle, en quoi ces décisions-là peuvent respecter les prix du marché par exemple? C'est ce qu'on reproche à la Régie. C'est que, assez souvent, les décisions qui sont prises dans un litige de prix de vente de bois, ça ne respecte pas les prix du marché, ça ne respecte pas non plus les coûts de production. C'est toujours en haut ou ça dépasse, contrairement à ce qu'on vivait autrefois, quand les prix payés au producteur étaient inférieurs aux coûts de production de l'entreprise. Aujourd'hui, on nous dit...

M. Pellerin (Laurent): Les acheteurs prétendent ça...

M. Laprise: Oui.

M. Pellerin (Laurent): ...que la Régie rend toujours des décisions...

M. Laprise: Exactement.

M. Pellerin (Laurent): ...ou comment elle peut faire pour connaître les prix du marché?

M. Laprise: Qui ne respectent pas les prix du marché.

M. Pellerin (Laurent): Vous savez, s'il y a 15 plans conjoints au Québec, mettons qu'il y en a un qui est en problème, mais, si les 14 autres plans conjoints ont signé des conventions avec les usines à un prix x, ça doit être un prix de marché intéressant, une référence de prix de marché intéressante, ça. Pourquoi, dans une autre région – et pour ne pas nommer le problème qui se vit en Estrie actuellement – on voudrait avoir du bois à 10 $ du mètre cube de moins qu'ailleurs au Québec? C'est quoi, le marché? C'est quoi, la disposition du marché? Ils peuvent en avoir du moins cher du côté américain. Ah! Est-ce que c'est le prix du marché? Ils peuvent avoir du bois de récupération dans les suites du verglas. Est-ce que c'est une disposition normale du marché? Alors, c'est ça qui est contesté là-dedans. Les producteurs sont prêts à livrer du bois résultant de la récupération du verglas à un prix moindre. Ils l'ont offert. Ils ont offert des volumes très importants à peu près à ça, 10 $ du mètre cube de moins. Mais, pour le bois de qualité 1, le bois régulier, le prix du marché, c'est ce qui s'est signé dans l'ensemble des plans conjoints, quelque chose entre 80 $ et 87 $ du mètre cube, dépendamment des frais de transport et des régions. Mais, à 67 $ du mètre cube, on n'en livrera pas, du bois.

M. Laprise: Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière, dernière, dernière.

M. Laprise: Dans l'ensemble, est-ce que les négociations se font uniquement par arbitrage ou s'il y a quand même des ententes qui sont faites par négociation?

M. Pellerin (Laurent): Il y a beaucoup d'ententes qui sont faites par négociation.

M. Laprise: Il y a beaucoup d'ententes qui sont faites par négociation?

M. Pellerin (Laurent): Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Au nom de tous les membres de la commission, je veux vous remercier, M. Pellerin, M. Lacasse et Mme Thiboutot. Nous avons bien apprécié votre présentation visuelle. Merci beaucoup. Je suspends les travaux jusqu'à 14 h 30 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise à 14 h 14)


Audition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous poursuivons nos travaux cet après-midi par l'audition de la Commission de protection du territoire agricole du Québec dans le cadre d'un mandat de surveillance d'organismes. Nous terminerons nos travaux cet après-midi par l'audition de la Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole concernant l'application de la loi n° 23. Nous avons prévu trois heures maximum. Si on termine avant, bien on pourra procéder plus rapidement.

Et vous avez, M. Ouimet, une demi-heure, 30 minutes pour faire votre présentation. Je vous salue d'abord au nom de tous les membres de la commission, avec votre délégation, et j'apprécierais que vous présentiez, avant de commencer, les gens qui vous accompagnent et qui peuvent être appelés à prendre la parole.


Exposé du président de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ)


M. Bernard Ouimet

M. Ouimet (Bernard): Merci, M. le Président. À ma gauche, Gary Coupland, vice-président de la Commission; Robert Beaulieu, qui est directeur des services à la gestion; Serge Cardinal, qui est le directeur des affaires juridiques et, en même temps, qui cumule le poste de directeur général des services professionnels, chez nous; Lévis Yockell, qui est le directeur des services professionnels, Longueuil; et Romuald Asselin, qui est directeur des services professionnels, Québec. Vous avez, à l'arrière, Suzanne Gobeille, qui est professionnelle à la Commission.

M. le Président, ça nous fait toujours plaisir de vous rencontrer, la commission parlementaire. Je crois qu'en six ans ça fait cinq fois que nous comparaissons devant des commissions parlementaires, dont quatre fois devant votre commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça n'a pas l'air trop difficile?

M. Ouimet (Bernard): C'est toujours un plaisir pour nous de le faire, d'avoir une occasion de rendre des comptes. D'autant plus que, si on a des instruments pour travailler aujourd'hui, on le doit aux parlementaires, avec les lois que vous avez passées. Alors, à ce moment-là, il faudrait le faire même par reconnaissance.

M. le Président, j'aimerais d'abord simplement situer la documentation qu'on a remise à chacun des parlementaires. Vous avez, préparé expressément pour votre commission, un bilan sommaire des cinq dernières années, qui est le document que vous avez en dessus de la chemise. À l'intérieur de la chemise, vous avez trois documents: un document synthèse sur la mission, les modes d'intervention, l'environnement de la Commission, ses instances – un document qu'on a préparé pour votre commission. Également, vous avez le dernier rapport annuel de la Commission et notre nouvelle documentation complète et intégrée qu'on a fait parvenir à toutes les instances, à la fin de l'année 1999.

On n'est pas sans savoir, M. le Président, que l'Union des producteurs agricoles, que vous avez entendue cet avant-midi, vous a fait part d'un certain nombre de problèmes relativement à ce qu'on peut appeler le droit de produire, entre guillemets, mais qui concernaient une série de dimensions, dont en particulier la question des distances séparatrices. Ce qu'on va faire, nous, cet après-midi, c'est qu'on va vous présenter l'autre pan de la loi, qui est la grosse partie, celle dont on est responsable et qui va nécessairement nous amener à faire le bilan, si vous voulez, des réalisations qu'on a faites au cours des cinq dernières années, qu'on a distinguées, comme vous le voyez à la page sommaire, des bénéfices des réformes. Puis, quand on dit le «bénéfice des réformes», c'est qu'on veut dire évidemment les modifications qu'a apportées la loi n° 23 et également la réforme de la justice administrative qui a modifié notre mode de fonctionnement. On les agglomère pour en arriver à un bilan d'ensemble par la suite, pour terminer avec quelques enjeux qui amènent des défis déjà, je dirais, presque en cours et pour les prochaines années. C'est probablement dans cette partie-là, si vous voulez, vers la fin des enjeux, qu'on pourra peut-être faire plus le lien avec ce que vous avez entendu cet avant-midi, ou bien, à votre guise, par les questions que vous pourriez poser.

Je ne vous ferai pas la lecture de notre document qui est substantiel. Tout simplement, je vais m'arrêter à certains endroits qui m'apparaissent un peu marquants pour les fins de la commission: les constats du Vérificateur général, qu'il avait posés à la commission au tout début de la période – puisqu'on vous expose un bilan de cinq ans – et après, avec son rapport de suivi, en 1997-1998.

Comme vous le savez, le Vérificateur général n'y était pas allé, en 1993-1994, avec ce qu'on peut appeler le «dos de la cuillère». Dans un rapport assez substantiel de 20 pages – qu'on résume dans le fond sur les aspects principaux en sept points – le Vérificateur général nous reprochait une reddition de comptes complètement insuffisante sur la mission, les orientations, les priorités de la Commission, ses décisions, le suivi de la loi, la productivité de l'organisme, sur le genre de demandes qu'on avait. Disons qu'il nous interpellait assez fortement pour qu'on refasse nos devoirs en matière de reddition de comptes.

(14 h 20)

Deuxièmement, on mentionnait aussi l'absence de vue d'ensemble de la zone agricole, qui était un diagnostic assez sévère sur la Commission. On mentionnait l'incohérence des décisions de la Commission et, dans certains cas, des explications insuffisantes. On mentionnait aussi que le processus de traitement des demandes était inefficace et que les délais de traitement étaient en progression. On mentionnait des lacunes également dans la partie de la loi qui est la surveillance de l'application de la loi au niveau de la détection des infractions et des mesures dissuasives. On mentionnait également l'absence de mécanisme pour assurer l'intégralité et l'exactitude des revenus.

Comme vous pouvez le constater, dans son rapport de suivi, le Vérificateur général, globalement, est satisfait de ce qu'a fait la Commission. Comme il le mentionnait, la Commission a pris les mesures pour tenir compte de ses recommandations. Un point qui n'avait pas été réglé à ce moment-là, qui était un point un peu plus technique sur la question de la conciliation entre nos revenus, qu'on recevait, et le nombre de demandes, a été, depuis, je dirais, à 90 % corrigé.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'avec un tel diagnostic... Entre les deux diagnostics, le début et la fin, on peut dire, sans mettre d'insistance, que tout le monde a mis l'épaule à la roue. Et, si on a réussi à amener un deuxième diagnostic pas mal plus rassurant pour nous, surtout pour la population, c'est aussi le résultat d'un travail d'équipe. Je dirais même que mes collègues qui sont avec moi ici, aujourd'hui, sont en mesure de le constater assez souvent, que nos plans de travail avaient toujours un petit peu de démesure.

Si on arrive à la synthèse des réalisations pour la période, nous les avons regroupées en 10 points, ce qu'on peut appeler les réalisations principales de la Commission au cours des cinq dernières années. Chacun des points que vous voyez à la première page, à la page 4, est, je ne dirais pas détaillé, mais présenté de façon synthétique, les uns à la suite des autres. Je ne vous en ferai pas la lecture sur le plan du contenu de chacun des points, mais je trouve important de vous les souligner rapidement.

Notre rapport annuel est devenu, depuis ce temps, non seulement un instrument de reddition de comptes auprès de l'Assemblée nationale, mais aussi un instrument de rétroaction face au monde municipal et agricole, puisqu'on l'envoie à tout le monde, à toutes les municipalités qui ont une zone agricole, pour leur permettre d'avoir un feedback des décisions de la Commission, de notre champ d'intervention, de notre mission et de tout ce qu'on a fait, des résultats principaux auxquels on arrive après une année. C'est aussi un instrument de référence pour tout le monde, autant à l'interne que par rapport à tous les intervenants.

Je vous dirais que nous en sommes très fiers, du rapport annuel, parce que, pour une petite Commission qui n'a pas beaucoup de moyens, il y a énormément d'énergie qui a été mise. Chez nous, il n'y a personne qui ne travaille pas à la reddition de comptes, y compris les membres, puisque à la suite de chaque décision chacun des membres doit remplir, je dirais, un certain questionnaire sur les motifs principaux de leur décision. C'est ce qui nous permet de vous faire une reddition de comptes qui est beaucoup plus complète et étayée.

Évidemment, nous allons continuer de nous améliorer. Nous sommes contents de ne pas avoir attendu la réforme gouvernementale pour mettre plus d'accent sur la reddition de comptes, d'avoir commencé avant, et on va essayer, dans la foulée des orientations gouvernementales en cette matière, de continuer de mettre autant de substance que ce qu'on met dans nos rapports annuels.

En ce qui concerne la reddition de compte de la Commission, évidemment, la base est le rapport annuel qui vous donne un aperçu très détaillé de toutes nos décisions, des demandes, des superficies qui étaient en cause, de ce qu'on a autorisé, de ce qu'on a refusé, de la surveillance de l'application de la loi, à part de toute la première partie sur les éléments stratégiques de la Commission, son positionnement, sa mission, ses valeurs d'organisation – enfin, j'en passe – une planification stratégique également, qui est un point dont on est fier, une planification stratégique pluriannuelle qui reprend les acquis principaux de la Commission, mais surtout qui tient compte de l'évolution de son environnement et surtout met en scène les moyens les plus importants pour qu'on puisse matérialiser ou mettre en oeuvre la réforme du gouvernement, qui est une réforme importante en matière de protection du territoire et des activités agricoles.

Également, notre approche a favorisé – c'est un autre point qui nous semble important – la connaissance, la vue d'ensemble et la cohérence des actions en zone agricole. Vous avez ici plusieurs actions qui ont été mentionnées, autant dans les outils qu'on a mis en place que dans les méthodes de travail de la Commission. On cherche énormément – et je crois qu'on a obtenu des bons résultats à cet égard – d'améliorations sensibles au plan de la cohérence, et je crois que de plus en plus on s'en va vers une zone agricole qui doit être plus perçue dans un ensemble que comme une série de gestes individuels, au jour le jour, au gré des demandes particulières.

Je suis rendu à la page 7. Je ne fais que les mentionner rapidement parce que je ne veux pas empiéter sur votre période de questions, bien évidemment. L'efficacité accrue en matière de surveillance et d'application de la loi, c'est un point qu'avait souligné le Vérificateur général. Je ne veux pas les mentionner, tous les éléments qui sont dans le rapport, mais un travail constant de la Commission, en étroite relation avec le milieu par nos enquêteurs, puis une approche très graduée, qui va jusqu'à la sanction de la loi – vous allez le voir dans les mesures qu'on prend – et qui donne des résultats très probants. Je suis particulièrement fier des résultats qu'on obtient auprès des tribunaux civils. Et, je dirais, même sans se rendre aux tribunaux civils: les ordonnances, les mises en demeure qu'on émet et qui sont respectées dans un pourcentage très intéressant.

Un autre point, c'est la priorité constante qu'on a mise à l'information et au soutien des instances du milieu. Pour nous, c'était comme un «must». Avant chaque réforme, la Commission a distribué largement dans le milieu, à toutes les instances municipales, à toutes les instances agricoles, aux principaux intervenants devant la Commission, tout le matériel nécessaire pour que les affaires marchent. On l'a fait, au printemps 1997, avant la mise en vigueur de la loi 23. On l'a fait en mars 1998, avant la réforme de la justice administrative. Et on l'a fait également en juin 1998, avant les nouveaux règlements qui découlaient de la loi. Toujours, on a informé tout le monde.

Et non seulement on l'a fait avant chaque fois, mais ce que nous avons fait aussi – vous l'avez dans votre documentation – c'est qu'on a refondu toute la documentation pour en faire un texte complet au niveau de... Autrement dit, vous n'avez pas besoin d'avoir la loi, les règlements, des directives, tout est intégré, et, en même temps, en profitant aussi de l'expérience du début de la loi pour améliorer les choses, les simplifier et les rendre plus accessibles.

On a fait également deux tournées d'information à travers le Québec, au printemps 1997 puis à l'automne 1998, par nos enquêteurs, par nos avocats, pour essayer de renseigner sur la loi. On a essayé d'être présent sur toutes les tables où on nous offrait la possibilité d'y être, que ce soit au niveau des tables de préfets, que ce soit à l'UMRCQ, au congrès de l'UMRCQ, que ce soit à la COMBEQ, qui est composée des inspecteurs municipaux en bâtiments, en environnement, des aménagistes régionaux, etc. Et aussi, on a un service d'information qui est accessible, qui, la journée même généralement, répond toujours. On a un bon score à ce niveau-là également. Et je vous dirais qu'un peu tout le monde participe aussi, en support, à l'information, chez nous.

Un autre point qui est important dans le bilan, c'est un allégement substantiel des règles et des procédures. Maintenant, nous en sommes rendus à un formulaire unique – que vous avez dans la documentation qu'on vous a transmise – qui est simplifié. Vous vous rappelez de l'époque – ce n'est pas loin, pourtant – où la Commission avait quelques formulaires, deux gros formulaires avec quatre annexes, qui étaient, vous vous rappelez, assez compliqués. Vous vous imaginez, c'en est un. Je vous en montre un. On a tout simplifié ça en un formulaire de deux pages à peu près – deux pages, deux pages et demi – et tout tient dans ce formulaire-là, pour simplifier pour les demandeurs.

Je passe beaucoup d'éléments qui sont contenus dans le rapport sous ce thème-là. Nous avons également un processus décisionnel – et ça, c'est important – découlant de la réforme de la justice administrative, qui nous permet de travailler dans une perspective, je dirais, des plus transparentes et équitables. Nous sommes allés beaucoup plus loin que ce que nous demandait la réforme de la justice administrative. Nous prévenons la clientèle dans tous les cas, ce qui n'est pas nécessaire en justice administrative. On nous demande de prévenir quand on est pour dire non. Nous, on prévient lorsqu'on est pour dire non, on prévient lorsqu'on est pour dire oui.

(14 h 30)

On donne également l'information à toutes les instances, non seulement à celles qui nous fait une demande, mais à toutes celles qui sont mises en cause systématiquement dans le dossier: la municipalité, la MRC et tous les autres intervenants qui viennent en cours de processus, qui s'ajoutent dans le dossier. Même si on changeait d'idée après avoir émis une orientation préliminaire dans le dossier, on donne un préavis de 10 jours pour prévenir les parties. Alors, autrement dit, sur la transparence, notre processus m'apparaît assez exemplaire. Et ça découle aussi de la responsabilité qu'on a. Protéger le territoire agricole, avec les enjeux que ça représente sur le territoire pour les instances et pour la clientèle, ça exige un processus des plus transparents, et c'est pour ça que nous allons toujours continuer dans cette perspective-là.

Une organisation qui est allégée. La Commission n'est plus à 198, elle n'est plus à 135, comme avant mon arrivée, elle est à peine à 100 personnes. Une réduction substantielle du niveau d'encadrement de près de 50 %, et réduit, je dirais, à sa plus simple expression.

J'insiste aussi pour dire que, chez nous, dans cette petite organisation – parce que c'est une petite organisation avec une grande mission – tout le monde fait un peu de l'information à sa façon en travaillant avec les instances. Les gens sont axés sur le service à la clientèle, et tout le monde participe à la reddition des comptes.

Un autre point, c'est que je crois que la commission peut vraiment dire qu'elle a un mode d'intervention qui est proactif, souple et adapté, qui nous permet de trouver des solutions aux problèmes d'intérêt collectif.

Les méthodes de travail qu'on a mises en place font en sorte que la Commission n'est plus juste un organisme qui dit oui et qui dit non, un peu éloigné des réalités, comme on nous percevait auparavant. Juste l'exemple comment on traite les périmètres urbains – on aura des occasions, lors de la période de questions, pour y revenir – tout est sur la table, mais dans un processus d'échange, d'interaction avec les instances, pas de façon isolée, de façon ouverte. Voilà l'essentiel des 10 points que vous avez plus en détail dans votre document.

Quelques mots rapidement sur les bénéfices généraux découlant des réformes. Pour le citoyen, ça se traduit par une diminution du nombre de cas où une autorisation de la Commission est nécessaire. Ça se traduit également par une diminution du nombre de déclarations qui doivent être produites à la Commission. Ça se traduit par un allégement substantiel des règles et des procédures, mais toujours dans un processus garant des droits des citoyens. Ça se traduit par des délais nettement plus courts – nous allons y revenir – pour donner l'orientation de la Commission aux intervenants dans un dossier. Et ça se traduit aussi par une sécurité plus grande des permis de construction, puisque la Commission donne son aval avant qu'ils soient émis. Donc, en général, je dirais, pour le citoyen: plus vite, plus simple, plus clair.

Pour le milieu municipal, je vous dirais que le milieu municipal a probablement tout ce qu'il faut pour bien faire. Les instruments dont il avait besoin, par la loi n° 23, viennent renforcer ce qu'il avait déjà. Et ça se traduit par le fait qu'aussi la municipalité est considérée la seule porte d'entrée du régime – c'est une grande innovation, ça – qu'elle a un plus grand contrôle sur les périmètres d'urbanisation puisqu'un individu ne peut pas formuler une demande d'exclusion dans le nouveau régime, seules les municipalités ou les MRC peuvent le faire. Ça se traduit aussi par le fait qu'elles sont toujours consultées, les MRC, dans les cas d'envergure. Ça se traduit aussi par l'assurance qu'un citoyen ne produira pas une demande chez nous si elle n'est pas conforme d'abord au règlement de zonage. Ça se traduit aussi par l'assurance qu'à toutes les fois qu'ils vont nous invoquer comme un des critères, un des motifs à l'appui de leurs demandes, le développement économique d'une région, on va toujours le considérer.

Pour le milieu agricole, en résumé, on peut dire que la loi n° 23, et c'est important, leur a donné une reconnaissance, ce qui n'est pas fait pour tous les groupes d'intérêt, et c'était normal que ça se fasse pour l'UPA, c'est une très bonne chose; une participation plus importante sur les comités consultatifs agricoles, par exemple; consultation de l'UPA dans tous les cas d'envergure; un allégement des procédures pour l'implantation des bâtiments agricoles et pour l'aliénation de l'eau à des agriculteurs voisins, par exemple; l'UPA a un droit de veto sur les demandes à des fins résidentielles, en vertu du nouvel article 59 de la loi, pour une demande collective à des fins résidentielles; et également l'élargissement de la notion d'activité agricole dans la loi, qui permet la vente, la transformation, le conditionnement ou l'entreposage de produits agricoles plus facilement sans demander l'accord de la Commission.

Si on prend ces deux ensembles-là, autant au niveau des réalisations de la Commission que sur le plan des bénéfices du régime, on peut résumer les cinq ans dans les sept points suivants. L'application de la loi est plus simple, davantage simplifiée. Le contexte des particularités régionales constitue la toile de fond sur laquelle la Commission exerce sa compétence pour protéger le territoire des activités agricoles. Dans l'étude de chaque demande, la prise en compte de l'espace alternatif par la Commission devient un aspect majeur et la protection des activités agricoles autant actuelles que futures, ce qui est le coeur de la loi. Une meilleure harmonisation entre le régime de protection du territoire agricole et le régime général d'aménagement du territoire.

Avec pour résultat, dans les trois prochains points qu'on résume, c'est que la pression sur la zone agricole a diminué. Ça se manifeste par la baisse de la demande et surtout les superficies qui sont demandées – on y reviendra par la suite. Les processus de la Commission sont plus souples, privilégient l'équité et la transparence, et les décisions de la Commission se traduisent par moins de contestations. Auparavant, 10 % de nos décisions étaient contestées; maintenant, à peine 4 % de nos décisions sont contestées. La Commission, finalement, a recouvré sa pleine capacité de pondérer tous les critères de la loi dans tous les cas, ce qu'elle n'avait pas du temps du secteur exclusif et dans la période avant la loi n° 23.

Je termine en ce qui concerne les enjeux. Nous les avons regroupés, pour les fins de cette présentation-là, seulement en quatre points. Malgré les résultats encourageants, au cours des dernières années, la zone agricole subit encore malheureusement des pressions indues. Endiguer la pression sur la zone agricole constitue et constituera toujours un défi constant, permanent. On a des chiffres à l'appui de ça dont on pourra parler lors de la période des questions.

L'approche d'ensemble – par opposition au cas par cas, comme on l'a mentionné, qui a été un petit peu la règle pendant les 18, 20 premières années de la loi puis, je dirais, pas mal jusqu'à maintenant – préconisée par le nouveau régime est devenue incontournable autant pour protéger le territoire et les activités agricoles, l'expansion des entreprises agricoles que pour tenir compte... pour mieux tenir compte – parce qu'on le fait déjà – des particularités régionales. La conciliation des besoins de développement avec les autres besoins collectifs de développement – donc les besoins de développement de l'agriculture avec les autres besoins collectifs de développement – et les arbitrages quotidiens que ça impose constitueront toujours pour la Commission un défi permanent.

Et le dernier point, qui sort un peu de notre mandat, je dirais, qui sort complètement de notre mandat, mais qui a des incidences sur notre mandat, c'est que les problèmes liés à l'application des distances séparatrices – dont vous avez probablement entendu parler assez largement cet avant-midi – et qui est une des voies réglementaires retenues pour favoriser la cohabitation entre les usages et l'expansion des entreprises agricoles doivent être résolus au risque d'entacher la crédibilité de l'ensemble de la loi. L'application harmonieuse du nouveau régime en dépend. Voilà les quatre défis qui constituent autant d'enjeux dans les prochaines années au niveau de la protection du territoire des activités agricoles.

(14 h 40)

Nous terminons par, évidemment: Sur le plan interne, est-ce qu'on a des défis? Oui, bien sûr, on a plein de défis. L'enjeu, c'est peut-être de pouvoir conserver la masse critique nécessaire au niveau des effectifs de qualité, comme on a chez nous, pour continuer de performer et pour continuer aussi de rendre un bon service, et également avoir les moyens nécessaires pour faire face à la réforme cadastrale, qui implique la continuation de nos développements en géomatique.

M. le Président, je termine en vous disant que le milieu agricole peut compter sur une commission qui est vigilante, je crois, par rapport à la protection du territoire agricole, que le qualificatif qu'on nous faisait il y a quelques années d'une «commission de dézonage», c'est de moins en moins ce qu'on entend et que les objectifs visés par les décisions qui ont été prises au Sommet sur l'agriculture, qui se résument en un mot qui est la croissance, la croissance des investissements, la croissance des exportations, la croissance du développement des régions sur le plan agro-alimentaire, la protection du territoire agricole constitue et constituera toujours l'assise fondamentale pour assurer cette croissance. Merci.


Discussion générale

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite immédiatement M. le député de Richmond à entreprendre les discussions, les échanges.


Application des distances séparatrices

M. Vallières: Oui. Alors, merci, M. le Président. Il me fait à nouveau plaisir de revoir en commission les représentants de la Commission de protection du territoire agricole. C'est effectivement une très bonne habitude qui a été prise de faire le point avec cette Commission sur une base annuelle et puis peut-être, des fois, deux fois par année à cause des différents travaux que nous avons.

M. le Président, vous me permettrez d'abord d'aller sur une partie de la présentation qu'a faite M. le président de la Commission, qui concluait sa présentation et qui a trait aux travaux que nous faisions ce matin, un peu plus tôt, relativement à l'application de la loi n° 23. Vous nous indiquez, en terminant, que les problèmes qui sont liés à l'application des distances séparatrices deviennent très importants en termes de s'assurer de la crédibilité de l'ensemble de la loi et, donc, que l'application harmonieuse du nouveau régime en dépend.

Alors, j'aimerais peut-être vous demander dans un premier temps qu'est-ce qui nous vaut cette déclaration. Est-ce que c'est l'exercice des décisions sur le terrain? On sait que vous êtes en contact, à cause des travaux de la Commission, avec le monde municipal autant que les différentes demandes qui vous sont adressées. Et est-ce que, en ce sens, vous pourriez nous faire part de votre point de vue par rapport à une proposition qui a été faite, qu'en cas de conflit ou en cas de contentieux ou de différend entre le monde municipal et des demandes qui sont faites au plan local par des producteurs agricoles ou agricoles ou autres on accorde un pouvoir d'arbitrage au Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole pour trancher ces litiges qui se multiplient?

Vous êtes sur le terrain, vous devez bien certainement vous en rendre compte, les conflits sont de plus en plus nombreux et risquent fort de se judiciariser. Et souvent c'est des conflits qui sont devant les tribunaux, des fois, deux, trois, quatre ans, à grands frais. Alors, à l'intérieur de ces conflits qu'on rencontre, compte tenu de la vaste expérience de votre Commission, est-ce que vous avez des avenues de proposition qui seraient de nature à éclairer le législateur et à faire en sorte qu'on en arrive à une application qui, somme toute, va permettre de garder l'excellente réputation, finalement, de la loi sur la zonage agricole, qui est une loi maintenant défendue par à peu près tout le monde? Alors, pour moi, ça, ça me paraît très important. Et j'aurai, M. le Président, par la suite un autre point de clarification et peut-être une opinion à demander à la Commission par rapport au droit de produire comme tel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ouimet, juste vous signaler que tous les autres qui vous accompagnent peuvent intervenir aussi. Vous avez seulement à me faire signe. Allez-y.

M. Ouimet (Bernard): Je vous remercie, M. le Président. D'abord, je dois, d'entrée de jeu, préciser, parce que c'est très important de le mentionner, que la Commission comme telle n'a strictement rien à voir avec l'établissement des distances séparatrices, ni l'établissement des distances, ni la formule elle-même, ni le calcul de la formule, ni l'approche comme telle, qui est une approche plus normative. Donc, ce n'est pas du tout une question qui est de notre ressort, parce qu'elle va calibrer probablement, j'imagine, ce que je vais dire par la suite à la question qui m'a été posée.

Il faut bien comprendre que les distances séparatrices, ceux qui les appliquent... C'est qui? C'est l'inspecteur municipal lorsqu'il émet le permis et c'est le fonctionnaire de l'Environnement lorsqu'il émet un certificat d'autorisation, ceux qui sont pris avec directement, là; je parle, dans la gestion de l'affaire. Les conséquences sont souvent sur les exploitations agricoles, là, on le sait.

Indirectement, cependant, après avoir dit que ce n'est pas notre domaine de compétence, on est tous les jours, je vous dirais, confrontés aux difficultés des distances séparatrices. Vous le savez, on a un de nos critères dans la loi, qui est un critère obligatoire, dont on doit tenir compte, un des 10 critères obligatoires, qui dit qu'on doit tenir compte de l'effet, «les contraintes et les effets résultant de l'application de lois et de règlements, notamment en matière d'environnement et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de production animale». Donc, c'est un de nos critères. C'est l'article 62.4°.

Alors, nous, notre position, ça se résume à peu près à ceci, c'est qu'on ne peut pas être l'esclave d'une règle mathématique d'application de la norme parce que, fondamentalement, notre ouvrage, c'est de pondérer l'ensemble des critères – c'est un des critères, ce n'est pas le critère, c'est un des critères, critère important, mais c'est un des critères – et aussi c'est qu'on doit faire preuve de jugement. C'est ça que nous demande le législateur. On doit donc pondérer et faire preuve de jugement.

C'est ce qui fait qu'on pourra vous soumettre... on a préparé deux cas qui illustrent que, dans des cas, on a fait pencher la balance d'un côté puis, dans l'autre cas, on a fait pencher la balance de l'autre côté, c'est-à-dire que, dans un cas, les distances étaient contraignantes, mais on a dit oui pareil, puis, dans l'autre cas, les distances étaient contraignantes, mais on a dit non. Et on a préparé des documents pour vous, on pourra les regarder à la fin de l'intervention. C'est tellement éloquent des difficultés qu'on rencontre indirectement par l'application des distances séparatrices.

Aussi, s'il fallait être complètement dépendant de cette norme-là ou de ces normes-là... Il ne faut pas oublier qu'on a affaire à une directive, de façon précise, qui a force de règlement mais de façon transitoire seulement. Parce que, à terme – en tout cas, c'est ce que prévoit le régime; ce n'est probablement pas demain la veille – on va retrouver ces normes-là dans la réglementation municipale. Donc, c'est transitoire. Alors, pourquoi on serait dépendant d'une norme quand on nous demande de pondérer l'ensemble des choses pour avoir un bon jugement, pour exercer notre jugement, puis qu'en plus cette norme-là, elle peut changer puis elle est transitoire? C'est ce qui fait qu'on est un peu tiraillé. On a des cas, on va vous en montrer. Mais il y en a des dizaines. On en a fait deux pour montrer que, des fois, on penche d'un bord puis, des fois, on penche de l'autre.

(14 h 50)

Alors là j'y arrive, à la fin, en disant: au bout de la ligne, c'est que, au-delà de chaque demande qu'on doit regarder avec le problème que je vous mentionne, la complexité et l'opportunité des distances font en sorte que ça crée inévitablement – et ça se voit, là, c'est évident – un climat de méfiance entre les partenaires, et c'est comme contre-productif par rapport à notre business. C'est comme si ce problème-là, qui est un problème réel – parce que, si la loi n° 23, comme on l'identifie... mais, en réalité, c'est réglementaire, il ne faut pas rattacher ça à toute la loi, là, c'est une directive qui a force de règlement, ce n'est pas la loi – était tellement grand – quand il empêche l'expansion des entreprises agricoles, je comprends ça – qu'on finit par le répercuter sur tout le régime.

D'ailleurs, remarquez, dans l'opinion publique, puis remarquez, dans ceux qui en parlent, très souvent, on ne fait pas les nuances, on dit: La loi n° 23 ne marche pas. Ce n'est pas la loi n° 23 qui ne marche pas, c'est la norme, c'est la distance qui souvent, par son caractère d'inapplicabilité dans certains cas – parce qu'il faut être très instruit pour appliquer ça, c'est compliqué, là – et son caractère peu souple... Et, quand je parle de peu souple, c'est que, s'il y avait une souplesse, il faudrait qu'elle joue pour le monde agricole. La zone agricole, c'est fait pour le développement de l'agriculture, pour l'expansion des entreprises. Alors, s'il y a une flexibilité, elle doit jouer sur un bord.

Mais, cela dit, je vous dirais que – puis je termine là-dessus – comme le gouvernement a pris la décision de nommer quelqu'un de très bon calibre pour régler la question, pour apporter des solutions, moi, vraiment, comme président de la Commission, je mets toute ma confiance dans le processus pour y arriver, à la solution. Je mets toute ma confiance dans le processus, compte tenu de l'envergure du personnage qui dirige l'affaire, mais aussi surtout que la façon dont il va devoir le faire, c'est avec les instances, dont les instances du monde agricole et du monde municipal. D'expérience, c'est toujours mieux de le faire, de trouver des solutions avec les gens qui sont aux prises avec le problème. Alors, il y a eu beaucoup d'efforts de faits dans le gouvernement pour trouver ces solutions-là, et il faut les souligner, ces efforts-là, qui vont certainement servir de matière à pouvoir déboucher sur quelque chose qui va régler ces choses-là. Mais c'est important que ça se règle.


Position sur le droit de produire

M. Vallières: Oui. Donc, c'est un acte de foi dans le processus. On verra où ça va nous conduire. Évidemment, vous parlez de Me Brière qui a été nommé récemment, qui est évidemment un individu aux grandes compétences. Une chose est certaine, c'est que les conflits se multiplient sur le territoire québécois. Pendant qu'on réfléchit sur la question, au moment où déjà un comité avait été formé par le ministère de l'Agriculture, plusieurs mois plus tard, on n'est pas en mesure de mettre sur la table des solutions. Et, de ce côté-ci, ce qu'on souhaite, c'est que, rapidement, ça intervienne.

Une fois que la sauce est gâchée, là, ce n'est pas nécessairement facile de revenir à la sauce initiale, hein, c'est-à-dire qu'on peut détruire des choses, entre autres quand on parle de relations harmonieuses dans le milieu. Quand, à l'intérieur de certains conseils municipaux, dans certaines municipalités, qui sont souvent de petites municipalités, il y a des conflits de cette nature-là qui perdurent, on détruit, des fois, un climat pour de nombreuses années, souvent des individus ou souvent des institutions également, comme l'UPA puis le monde municipal.

J'aimerais connaître votre point de vue. Parce que vous avez parlé tantôt des comités consultatifs agricoles. Ils sont nombreux. J'aimerais que vous m'indiquiez, parce que vous les voyez travailler – ça, c'est un autre élément qu'on retrouve dans la loi n° 23 – est-ce que ça a donné les résultats escomptés, à votre point de vue? Et en profiter également... J'ai posé la question à l'UPA ce matin. Parce que vous étiez là quand on a adopté la loi n° 23. Je me souviens, la CPTAQ a suivi ça avec non seulement intérêt, mais y a participé largement. Est-ce que l'appréciation ou la compréhension que vous faites de ce qu'est le droit de produire qui a été accordé avec la loi n° 23 est un droit, ce droit de produire, qui s'adresse à des individus ou si...

Et ça me ramène à toute l'appréciation qu'en fait le monde municipal de façon générale, surtout l'UMRCQ ou la Fédération des municipalités du Québec, qui, elle, nous dit que l'appréciation qu'elle fait de cette loi, sa compréhension, c'est que c'est une loi qui vise à accorder – et je les cite – «une protection plus globale aux activités agricoles dans une perspective de développement durable». C'est donc dire que l'UMRCQ semble éliminer, à l'intérieur du jugement que les municipalités exercent par le biais de leurs règlements – les différents règlements, dont les règlements de zonage et évidemment de production qu'on connaît – une prémisse qui, quand on parle à des producteurs, est existante, c'est-à-dire que le droit de produire, il existe pour des individus. Alors, ce que nous dit le monde municipal ou semble véhiculer, c'est que, pour eux autres, c'est beaucoup plus global que ça, un peu comme tantôt vous nous disiez que votre rôle... il y a un rôle global, vous avez des critères puis vous exercez un jugement à l'intérieur de ces critères-là. Vous, vous étiez là, lors des débats sur la loi n° 23. J'aimerais vous entendre par rapport à comment vous, à la Commission de protection du territoire agricole, vous interprétez ou vous comprenez ce qu'est le droit de produire.

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, je trouve important de rappeler que la mécanique... Je pense que le plus important est probablement la crédibilité du processus pour conduire à des solutions, actuellement, que de mettre sur la table des éléments qui vont être fouillés, examinés, scrutés avec les instances dans les prochains temps.

Il n'en demeure pas moins que, par votre question, on peut dire que, si les solutions à un problème de cette envergure-là étaient juste dans le fait de changer un paramètre de la formule ou une variable de l'équation, ça serait comme la quadrature du cercle. C'est probablement exact que la question va s'examiner plus largement, mais ça fait partie du mandat de Jules Brière d'examiner ces questions-là avec les unions, de voir ça peut-être dans une perspective plus large, comme vous le mentionnez, plus concrète par rapport aux problèmes qui se posent sur le territoire, plus près des solutions plus émergentes dans le milieux.

Parce qu'il y a des cas, il y a des endroits où ce problème-là ne se pose pas. Et ça rejoint un peu votre question par rapport au comité consultatif agricole. On en rencontre régulièrement, des municipalités puis des MRC, puis ça m'arrive personnellement d'en faire beaucoup. Je ne refuse pas, quand une MRC veut me rencontrer. Je le fais avec des collaborateurs, j'y vais et je les rencontre. Presque à toutes les fois, on les rencontre avec leur comité consultatif agricole, puis dans les endroits dynamiques puis où ça va bien, et on n'entend pas ces problèmes-là. On ne nous parle pas du zonage de production, dans ces milieux-là. On ne nous parle pas de ces problèmes-là de distance. On est plus préoccupé par trouver une formule correcte pour protéger la zone agricole dans l'esprit de la nouvelle loi, dans l'esprit des orientations gouvernementales, que de discuter de problèmes de distance. Le climat est bon. Ces endroits-là, à mon sens, si ça se fait dans des endroits comme ça...

C'est parce que je ne veux pas les mentionner, mais il y en a, il y a un pourcentage significatif de MRC qui travaillent bien avec leur monde agricole, la collaboration est bonne sur le comité consultatif agricole et sur le reste. Et si, dans ces milieux-là, ils réussissent à s'entendre, il faut probablement être à l'écoute de ces milieux-là plutôt que d'essayer de trouver une variable à l'équation ou un paramètre pour bouger ça juste un petit peu.

Autrement dit, il faut peut-être que le jeu soit un peu plus grand, mais dans une perspective... comme le veut le régime de la loi n° 23, qui est le contraire de l'affrontement, la perspective de la loi n° 23. Vous avez raison de vous inquiéter du climat de confiance qui, des fois, se désagrège par des problèmes comme celui-là parce que tout le régime est fondé sur une plus grande implication du monde municipal et agricole, sur une meilleure complémentarité des rôles puis sur un meilleur travail pour mieux gérer la zone agricole. Et, quand vous êtes dans une perspective conflictuelle, ce n'est pas tellement le climat propice pour trouver les solutions intéressantes. Alors, ça ne va pas mieux pour trouver la solution dans ce domaine-là puis ça ne va pas mieux pour traiter ses agriculteurs correctement, avec son comité consultatif agricole.

(15 heures)

Mais il y a des MRC où ça marche, au Québec, puis il y en a plus qu'une, puis il y en a plus que cinq, puis il y en a plus que... Je ne vous dis pas que c'est 50 % des MRC, mais il y en a suffisamment pour qu'on croie que le régime permet de concilier puis de faire du travail intéressant dans la gestion de la zone agricole. Il y a peut-être là des avenues, en étant à l'écoute de ces milieux-là, qui pourraient être intéressantes. Donc, ouvrir le jeu un peu, sensible à ce qui marche dans le milieu puis à ce qui marche dans la perspective de la réforme.

Parce qu'on est convaincus, nous autres, que le nouveau régime, c'est une réforme. Ce n'est pas juste un changement normatif d'une règle. C'est un article de la loi sur – vous êtes bien placés pour le savoir – beaucoup d'articles. C'est la réciprocité, c'est 79.2. C'est un article de la loi. Mais, évidemment, tant que ce problème-là est là, on a un petit peu de misère à parler à des MRC qu'on voudrait amener, avec le monde agricole, à s'entendre pour avoir des perspectives plus d'ensemble de la zone agricole, puis, au lieu de venir nous voir juste cas par cas comme on fait depuis 20 ans, de nous amener une demande à portée collective, puis, après, une autorisation de la Commission conditionnelle qui pourrait se comporter conformément à la demande de l'autorisation autorisée. Autrement dit, c'est difficile de parler de l'article 59 de la loi quand vous savez très bien que ça prend un consensus entre le monde agricole et le monde municipal, dans un contexte qui est plus près de l'affrontement que de l'harmonie dans certains milieux.

Mais, moi, ma confiance vient du fait qu'il y a assez de milieux qui marchent bien. Moi, je ne suis pas tellement conceptuel là-dessus, je suis plus de terrain, parce que, d'expérience, on a toujours réglé les affaires avec les gens sur le terrain. On finit toujours par s'entendre. Et, dans ce sens-là, je pense que le geste qu'a posé le gouvernement est vraiment crédible. Plutôt que de courir après une solution rapide qui ne traiterait qu'une facette du problème, il vaut peut-être mieux le regarder à travers des prismes ou configurations d'esprit différentes, plus larges, en se basant sur les choses qui fonctionnent: peut-être moins normatives, peut-être introduire plus de souplesse, peut-être rendre ça plus facilement applicable. En tout cas, moi, je me dis que vous avez certainement une marge de manoeuvre, parce que ceux qui l'appliquent, c'est le monde municipal, puis il a de la misère à l'appliquer. C'est évident, regardez la formule.

Puis le monde agricole, lui, il est mal pris parce qu'il n'est pas capable de prendre de l'expansion, dans certains cas, des entreprises agricoles. C'est très grave! Alors, si le monde agricole est pris avec ce problème-là, puis l'autre a de la misère à l'appliquer, je me dis: Entre les deux, il y a peut-être des compromis qui vont se faire à quelque part, il y a peut-être des solutions, avec les instances, qui vont faire que tout le monde va être un peu gagnant, en trouvant des solutions qui ne nous feront pas virer de bord dans l'orientation du nouveau régime, mais qui vont nous permettre d'aller plus loin, surtout de rétablir un climat plus productif, plus harmonieux, plus de collaboration.


Rôle des instances locales

M. Vallières: Ça m'amène à une autre question, M. le Président. En février 1997, nous vous rencontrions, et, à ce moment-là, vous nous parliez du retard dans la responsabilisation des instances locales au regard de la protection du territoire agricole. Est-ce que vous pouvez nous parler, quelques années plus tard, de votre appréciation, maintenant, de la situation? Et peut-être, par la même occasion, nous indiquer si, à votre point de vue, les différentes révisions des schémas d'aménagement auxquelles nous assistons... Est-ce que, à votre sens, les municipalités tiennent compte de l'esprit que l'on retrouve à l'intérieur de la loi n° 23, puisqu'on sait que, dans plusieurs cas, cette loi-là est venue après que certaines municipalités eurent déjà été en processus de révision de leur schéma d'aménagement?

M. Ouimet (Bernard): La première partie de votre question, ça se posait avant la loi n° 23. Alors, la loi n° 23, avec le train de mesures qu'elle a amenées, particulièrement sur la responsabilisation des instances municipales, vient régler ce problème-là. Moi, je parlais de ça avant que la loi arrive, à cette époque-là. La loi n° 23 a vraiment comblé ce vide-là. On n'est pas en carence de responsabilisation actuellement puis on n'est pas en carence de moyens. C'est plus une question de volonté, à mon point de vue. Il y a des affaires qui vont se régler, là, qui ne m'apparaissent pas le principal, mais qui donnent toute la latitude pour s'impliquer à fond. Et ça, là-dessus, les mesures sont nombreuses. Je ne veux pas les énumérer, mais je dirais donc que le train de mesures qui a accompagné la loi n° 23 vient régler ça.

Deuxièmement, les orientations gouvernementales, spécifiquement pour la zone agricole, qui sont venues accompagner la loi n° 23 à peu près dans les mêmes temps sont de nature aussi à les responsabiliser. Deux des trois objectifs... parce que, quand on parle des orientations gouvernementales, on réfère toujours aux distances séparatrices qu'il y a à la dernière partie, mais il ne faut pas oublier qu'il y a trois objectifs qui sont bien importants dans les orientations du gouvernement, puis les deux premiers sont calqués sur l'objet de la loi, c'est presque mot pour mot, puis le troisième vise plus une mise en valeur de la zone agricole, autrement dit protéger le territoire, puis le protéger pour le long terme, puis protéger les entreprises, les activités agricoles, puis travailler plus en concertation, puis faire de la mise en valeur de l'agriculture. C'est des orientations qui vont venir... Autrement dit, il y a des mesures qui sont venues combler le fossé qui existait. Avant la loi n° 23, il y a eu des mesures pour les responsabiliser, mais elles n'étaient pas aussi incitatives. Les incitatifs, parlons plutôt d'incitatifs, parce qu'il y avait peut-être ce qu'il fallait, mais il y avait peut-être moins d'incitatifs. Bon.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, là encore je suis obligé de préciser que la Commission par rapport au processus de révision des schémas d'aménagement, on n'est pas dedans, nous autres, là. C'est le ministère de l'Agriculture qui joue un rôle là-dessus quand le ministère des Affaires municipales demande à chacun des ministères leur point de vue, quand il examine ça. Mais nous autres, la Commission n'est pas dans le processus d'élaboration des schémas d'aménagement. On y collabore de façon professionnelle, plus technique, entre le MAPAQ et nous, pour donner de l'information. Mais, au niveau de la Commission, on n'a pas de rôle à jouer. Puis d'ailleurs, on serait comme en conflit parce que, même si le schéma était très, très bien fait, pour tout usage autre qu'agricole, ils seraient obligés de nous demander un permis pareil après. C'est évident qu'on est aux confins, par exemple.

Je ne vous cache pas que, quand on travaille dans la protection du territoire et des activités agricoles, on est en contact tous les jours avec des plans d'urbanisme, avec des schémas d'aménagement, avec des réglementations. Bon. On se fait une idée. Ma réponse va peut-être être un peu évasive, mais je vous dirais: Il y en a des meilleurs que d'autres, il y en a qui protègent mieux, il y en a qui protègent peut-être moins, mais, dans l'ensemble, il y a une nette amélioration. Puis, de toute façon, quand ils ne sont pas convenables, je pense que le gouvernement le fait savoir aux MRC d'une façon assez virulente. Je me rappelle juste de mémoire du cas de Saint-Hyacinthe, par exemple. Je crois que le gouvernement a quand même soumis des orientations assez éloquentes qui amenaient la MRC à revoir assez profondément certaines choses.

Donc, on ne peut pas avoir plus d'opinion... je dirais, on n'a pas une opinion institutionnelle sur les schémas puisqu'on n'a pas à les regarder comme tels, parce qu'on n'est pas dans le processus, mais ils ont certainement une incitation à faire le meilleur aménagement possible. Ce qui est intéressant avec l'aménagement maintenant, c'est que la protection du territoire agricole puis des activités agricoles, ce n'est plus en marge de la réflexion sur l'aménagement. Ils ne peuvent pas dire: On va le faire après. En vertu de 79.1, ou quelque chose comme ça, on dit, par exemple, qu'ils ont l'obligation de travailler leurs plans d'urbanisme, leurs schémas d'aménagement en respectant l'objet de la loi et en donnant la priorité aux activités agricoles. Alors, les incitatifs sont là.

(15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi de M. le député de Beauharnois-Huntingdon.


Mise en place de mesures favorisant la cohérence des décisions

M. Dion: Merci, M. le Président. Je voudrais, moi aussi, souhaiter la bienvenue aux dirigeants de la Commission, que j'ai eu la chance de connaître pour la plupart. Je trouve très intéressant l'exposé que vous avez fait aujourd'hui.

C'est sûr que c'est toujours difficile de percevoir le travail de la Commission: d'un côté, les commissaires ont un pouvoir discrétionnaire pour décider de chaque décision et, d'un autre côté, comme l'a fait le Vérificateur général aussi et comme le font un certain nombre de personnes, beaucoup de gens remettent en question parfois la cohérence des décisions. Je pense que c'est un problème très difficile. Moi, je crois que c'est un problème très difficile. Parce que, d'un côté, pour ce qui est de la partie de son mandat qui touche la réponse aux demandes, la décision, son pouvoir de décision sur les demandes, la Commission doit décider sur chaque demande particulière, et la Commission, c'est un tout, mais c'est composé de plusieurs unités, et il est normal que chaque commissaire soit un peu différent de l'autre et donc, en conséquence, évalue plus ou moins différemment une même situation. Donc, à plus forte raison, comme ce n'est jamais exactement la même situation, le problème est relativement complexe parce que chaque demande présente des situations différentes. Donc, on a, d'un côté, une demande qui est singulière, on a à tenir compte de particularités régionales, on a le fait que chaque commissaire est particulier, et, d'un autre côté, on a la nécessité d'avoir une cohérence d'ensemble. Vous en parlez dans votre document, vous en avez parlé tout à l'heure.

Moi, j'aimerais ça que vous puissiez nous en parler encore un peu plus de façon... si c'était possible de nous expliquer comment, à l'intérieur de la Commission... quelles procédures ou quelles choses, qu'est-ce qui se passe à l'intérieur de la Commission qui permet de favoriser la cohérence?

M. Ouimet (Bernard): C'est une bonne question, M. le Président, parce que ça nous amène à parler de notre processus. Effectivement, c'est ça que vous voulez voir, vous voulez entendre. La cohérence, je crois, qui était indiquée par le Vérificateur général, qui était pointée, il ne nous l'a pas pointée dans son rapport de suivi. Donc, il y a eu une amélioration, puis on la sent nettement.

À l'intérieur de notre processus décisionnel – c'est ça qui est votre question – on a tout mis en branle pour favoriser d'abord l'échange d'informations entre le professionnel responsable de régions, par exemple, de plusieurs régions, de plusieurs MRC... Autrement dit, dans une demande, il y a toujours une rencontre qui se fait.

D'abord, avant ça, je dirais qu'elle est d'abord examinée – évidemment, je vous passe des séries, là, que ça va à la cartographie chez nous, puis, bon, ça a peu d'intérêt – mais je vous dirais qu'elle est examinée d'une manière... ça a peu d'intérêt pour les fins de la Commission, je veux dire. Mais elle est toujours examinée par un juriste sur l'aspect des problèmes sommaires, les problèmes juridiques qui peuvent arriver. S'il y a des problèmes juridiques, si ça demande un examen plus attentif pour être cohérent sur notre jurisprudence, on le voit dès l'entrée.

Après ça, il y a un analyste qui l'examine, qui est attitré à des régions – il y a toujours plusieurs MRC parce que, chez nous, on n'a pas beaucoup d'analystes – alors qu'auparavant les gens, chez nous, ils s'envoyaient des papiers, dans le fond, ils faisaient un rapport d'analyse – vous avez connu cette époque-là. Là, maintenant, on a créé des forums d'échanges; il y a moins de papiers, mais ça se parle plus. C'est bien plus efficace, puis ça nous permet de doser, de mettre l'énergie là où il faut. Si ça prend un rapport d'analyse, on en fait un; si ça n'en prend pas, on n'en fait pas. Mais ils se parlent tout le temps.

À l'examen préliminaire, c'est-à-dire à l'orientation préliminaire, donc, l'analyste, il présente ses dossiers aux commissaires. Il y en a tout le temps deux, toujours deux, M. le Président, jamais un, toujours deux au début du dossier. Donc, il y a comme un petit forum où ils examinent le dossier à trois: un professionnel, en l'occurrence... Ça pourrait être un enquêteur dans certains cas, mais c'est surtout un analyste; ça pourrait être un avocat dans certains cas, mais, comme je vous dis, la règle générale, c'est un analyste avec deux commissaires. Et, déjà, avant même de rendre une orientation préliminaire, il y a un brassage des affaires.

Puis il faut aussi dire que notre Commission est une commission sur le plan de ses membres et, je dirais, on est à une période où la Commission est très équilibrée. Nous en avons 15, avec moi, mais, si j'exclus mon rôle, c'est comme si... Sur les 14 membres, vous en avez sept qui proviennent du monde agricole puis vous en avez sept qui proviennent soit du milieu régional ou du milieu du droit.

Alors, la mécanique permet de soutirer le maximum de ce qu'est l'échange pour obtenir la cohérence. Là, je vous passe du reste de l'affaire parce que, après l'orientation préliminaire, ça permet au client d'intervenir, ça permet à la MRC d'intervenir, ça permet à l'UPA d'intervenir, ça permet au demandeur d'intervenir s'il veut. Il peut même nous rencontrer; on va le rencontrer. Ce n'est plus quelque chose qui se fait en vase clos. Bon.

Mais je vais continuer de l'interne. Nous avons régulièrement – vous l'avez dans le premier document d'information – des rencontres. Vous avez le rôle de chacun des membres, vous avez le rôle de l'assemblée des membres sur les questions de cohérence d'ensemble, où on examine notre jurisprudence à l'ensemble des membres, où on examine tout ce qui concerne l'harmonisation, la cohérence des décisions, tout ce qui peut accroître notre performance à ce niveau-là. Et c'est des assemblées, je dirais à peu près six par année, où il y a beaucoup de substance; ça discute pour, justement, entre nous, avoir plus de cohérence. Et, de toute façon, si on l'était, je vous le dirais, après l'orientation préliminaire, le milieu va nous le souligner puis assez vite, parce qu'on lui envoie une orientation préliminaire maintenant. Alors, il réagit. Bon.

Alors, il y a donc, je dirais, un processus d'examen des demandes qui favorise sa cohérence, il y a des assemblées des membres qui favorisent la cohérence, et même, vous allez le voir dans les documents que vous avez, on a créé ce qu'on appelle des forums locaux des membres, mais c'est pour discuter – ça, c'est nouveau, on va mettre ça en oeuvre prochainement – encore de ces questions-là avec les commissaires de Longueuil, par exemple, puis les commissaires de Québec. On a des mécaniques internes qui favorisent énormément la cohérence.

Les dossiers, aussi, depuis la réforme de la justice administrative, ça fait que les gens se parlent des dossiers. Comme on a un processus qui est des plus transparents vis-à-vis le public – on est comme, si vous voulez, décloisonné à l'interne – donc il y a beaucoup plus d'interaction dans les dossiers. Ce n'est plus le commissaire qui décidait à l'époque tout seul dans son bureau sur une décision. Le brassage se fait au début du dossier et, par la suite, pour des raisons d'efficacité, on réduit le nombre de membres. Des fois, ça peut les maintenir à trois; des fois, ils peuvent être deux, dépendant de l'envergure du dossier. Il peut être seul pour la rendre, mais, à l'examen préliminaire, ils sont toujours deux. Et, comme il y a des interactions avec les professionnels, ils sont toujours au minimum trois.

Mettez tout ça ensemble, je crois que ça contribue beaucoup, avec aussi la compétence des membres, la compétence professionnelle qu'on a, la connaissance qu'on développe aussi par nos systèmes informatiques sur nos décisions, et on espère, avec la géomatique prochainement, encore, parce que là ça va être extraordinaire, ça, comme instrument de cohérence, parce qu'on va pouvoir les localiser très rapidement dans un territoire donné... Alors, autrement dit, on a amélioré beaucoup, mais on est aussi en mode d'amélioration pour les prochaines années avec les outils technologiques.

M. Dion: Juste sur cette question-là, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Vous avez bien dit que, à l'examen préliminaire du dossier, il y avait toujours au moins deux commissaires. C'est ça. Bon. C'est parce que j'ai vu un certain nombre d'orientations préliminaires et je voyais toujours la signature seulement d'un commissaire; il n'était jamais fait mention du deuxième. C'est quoi, la procédure? Est-ce que c'est simplement: chacun se choisit quelqu'un pour... ou si c'est formel et c'est consigné aux livres?

M. Ouimet (Bernard): C'est formel. La réponse, M. le Président, c'est que c'est formel. Habituellement, il y en a un qui signe, c'est le président, c'est le président de la formation, si vous voulez, qui signe.

M. Dion: Pardon?

M. Ouimet (Bernard): C'est le président de la formation qui signe, mais ils n'ont pas besoin de signer tous les deux.

M. Dion: Mais la personne, le demandeur ne sait pas qui est l'autre commissaire qui est consulté, qui a participé à l'examen.

M. Ouimet (Bernard): Oui, oui.

M. Coupland (Gary): Les deux sont indiqués, mais il y en a un seul qui signe.

M. Ouimet (Bernard): C'est ça. C'est que c'est toujours très formel et c'est indiqué, sauf qu'il y en a seulement un qui signe, qui signe l'orientation préliminaire.

M. Dion: Bon.

M. Ouimet (Bernard): Si vous avez eu un cas exceptionnel, ça a pu peut-être arriver dans une période de vacances où il vous restait un commissaire et il fallait sortir quelque chose dans la journée, puis, plutôt que de retarder le client, on l'a peut-être fait. Mais c'est exceptionnel.

(15 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je répète pour les personnes qui vous accompagnent: vous avez seulement à me faire signe, puis le monsieur va vous ouvrir le micro. On va pouvoir vous entendre et vous allez être enregistré aussi.


Réactions face aux demandes d'agrandissement de la zone blanche

M. Dion: J'aurais une autre question, mais différente de celle-là complètement. On entend parfois des commentaires à l'effet que, à l'occasion de la ronde de négociations et avant l'adoption du dernier schéma d'aménagement, il y a eu dans certains endroits trop de terres, ou beaucoup de terres, ou plus ou moins de terres de dézonées. Évidemment, quand ça s'est fait, je suis convaincu que tout ça, ça s'est fait de bonne foi et puis en tenant compte des projections quant au développement de chaque milieu, et tout ça. Et on se retrouve, un certain nombre d'années plus tard, à l'occasion de la révision du schéma, avec certaines demandes dans certaines municipalités ou certaines MRC pour agrandir les parcs industriels ou ces choses-là, alors qu'à d'autres endroits il n'y a pas demandes. C'est bien certain qu'il est très rare... Je ne sais pas si ça existe, mais je n'ai pas vu, à l'occasion de la deuxième ronde du schéma qui est en train de se faire, les gens demander que des parcelles de terrain ou des lots qui avaient été mis en zone blanche soient remis en zone verte. Mais l'inverse se produit. L'inverse se produit évidemment: quand on demande d'agrandir un parc industriel, on demande d'autres lots en zone blanche.

Alors, évidemment, ça amène le commentaire souvent: Bien oui, c'est ça, on gruge toujours sur le territoire agricole. Hein! C'est sûr qu'à partir du moment où le territoire agricole a tout ce qui n'est pas exclusivement nécessaire pour les villes, ce sera toujours sur le territoire agricole qu'on grugera, c'est inévitable, ça fait partie du système.

La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il n'y a pas un risque que les municipalités, soit parce qu'elles ont été un peu plus raisonnables dans leur demande, le premier coup, soit parce qu'elles ont, pour toutes sortes de raisons, été en situation de développement plus accéléré, soient pénalisées à l'occasion du deuxième schéma pour des demandes qu'elles auraient à faire d'agrandissement et soient pénalisées à cause du fait qu'on a dit: Bien, si on regarde sur l'ensemble du Québec, il y en a pour 50 ans?

Alors, vous voyez la problématique que je soulève. Comment vous allez gérer ce phénomène-là, qui est quand même difficile à gérer parce qu'il y a des pressions qui s'exercent sur la Commission et sur tout? Même si c'est une commission qui est totalement indépendante, il reste qu'elle fait partie de la société. Comment vous allez gérer cette situation-là des municipalités ou des MRC qui demandent certains agrandissements pour les parcs industriels ou des choses comme ça?

M. Ouimet (Bernard): Il faut revenir un peu sur vos chiffres, parce que vous avez parlé de gens qui trouvent que la Commission, des fois, avait sorti beaucoup de territoires à zone agricole. D'abord, vous vous rappelez l'opération révision, dans quelle optique elle se faisait. C'était pour harmoniser avec les premiers schémas. On a eu un bilan d'ailleurs qui a pratiquement justifié à l'hectare près tout ce qui a été sorti de la zone agricole dans cette opération-là, et pour quelles raisons, pour quels motifs. Alors, je ne veux pas revenir sur cette opération-là.

Depuis la révision de la zone agricole, je dirais dans les cinq dernières années, quand on regarde les chiffres, juste les chiffres, dans les cinq dernières années, ce qui fait l'objet du bilan, on a eu 285 demandes pour des exclusions de la zone agricole. Les superficies en cause, c'était 10 000 ha, 10 126. La Commission en a autorisé 3 950, pour mettre les chiffres ronds. Ça veut dire, autrement dit, qu'on a refusé 61 % des superficies qui étaient demandées. Quand on dira que la Commission de protection du territoire agricole ne joue pas son rôle, puis de protecteur, on a dit oui à 39 %, on a dit non à 61 % des superficies sur l'exclusion de zones agricoles.

Si on prend maintenant les usages autres qu'agricoles, elles sont plus nombreuses, là, c'est près de 9 000 demandes. C'est l'équivalent de près de 30 000 – je mets les chiffres plus ronds au niveau des superficies – 30 000 ha au niveau des superficies demandées. On n'en a autorisé que 15 000 ha, c'est à peu près 50 %, «roughment». Donc, si vous prenez tous les usages autres qu'agricoles, les nouveaux usages, tous les usages autres qu'agricoles, plus les exclusions de la zone agricole, on peut dire qu'on a refusé 53 % des superficies qui nous ont été demandées. Ça représente 21 000 ha. Quand vous savez que l'île de Montréal, c'est 50 000 ha, bien c'est la moitié de l'île de Montréal – ça peut vous donner à peu près une idée. Ce que ça prouve, c'est qu'il y a encore de la pression – c'est ce qui me faisait dire qu'il y avait encore de la pression – mais on joue notre rôle. Bon.

Je reviens sur votre question des parcs industriels parce que vous l'avez terminé comme ça. Ces projets-là qui sont presque toujours en région, parce qu'il n'y en a pas eu dans la grande région de Montréal, des parcs industriels, il n'y en a eu aucun, depuis la révision de la zone agricole... il y a eu plus, dans la grande région de Montréal, d'inclusions – c'était le sens de votre question – qu'il y a eu d'exclusions. Il y a donc plus de territoire dans la zone agricole dans le Grand Montréal de réentré dans la zone agricole qu'il y en a eu de sorti depuis la révision de la zone agricole.

Et, quand on regarde les parcs industriels... C'est pour ça que je dis: Là, ce n'est pas à Montréal, ce n'est pas dans la Communauté urbaine de Québec parce qu'ils ont généralement ce qu'il faut – on avait réglé ça dans la révision. On était mieux de le régler là que de le régler là, là. On l'a réglé dans la révision.... Quand on regarde au niveau des parcs industriels, là on parle des régions du Québec, règle générale, et je vous dis qu'on est sensible à ça.

Puis on a un processus actuellement dans notre manière de travailler... Regardez, je vais même ajouter une nuance à ce que je vous ai dit tantôt. On va prendre un parc industriel dans une région du Québec – parce que je ne veux pas donner d'exemple, il y en a plein, c'est régulier, il n'y a pas une semaine qu'il n'y a pas un parc industriel qui est chez nous – avant de lancer l'orientation préliminaire, très souvent, quand on n'est pas sûr, on va rencontrer les instances. On rencontre la MRC, les représentants de la MRC, souvent ils sont accompagnés de représentants municipaux et de l'UPA. On examine avec eux, on pose des questions, on regarde. Y a-tu des sites alternatifs? C'est quoi, les problèmes? Quand on revient chez nous, on a tout ce qu'il faut pour être capable de rendre une décision en connaissance de cause. Non seulement ils ont vu le terrain, ils ont parlé aux instances. Ça évite aussi très souvent, dans la perspective qu'on a mentionnée tantôt d'affrontement, là, ça évite de se braquer, des fois. Vous le savez, des fois on peut partir sur une affaire puis là, rien que pour ramener le monde au neutre, on peut travailler longtemps. Vous êtes bien placé, vous avez travaillé assez longtemps à la Commission pour voir ça. Bien, ça permet de voir avant de se positionner un peu, de se durcir, de – ce qu'on dit dans notre langage – se peinturer dans le mur. Bon. Ça permet d'avoir toutes les données.

Et le score sur l'industriel est quand même intéressant, parce que chez nous, si vous regardez les statistiques qu'on met dans notre rapport annuel – puis ça parle, ça – c'est que là où on est très... écoutez, je n'aime pas ça, dire ça, sévère, parce qu'on n'a pas à être sévère, on a juste à appliquer la loi correctement. Mais là où on est moins «autoriseur» – O.K.? – c'est dans le domaine des exclusions, c'est dans le domaine du résidentiel, c'est dans le domaine des petites maisons isolées, rattachées à rien, là. Ça, notre score, c'est 78 % où on dit non, ce n'est pas compliqué. Là où on commence, la courbe change, c'est quand on arrive justement dans le commercial. Si je prends les dernières données des cinq dernières années, on a dit non dans le commercial, l'industrie, donc pour les régions, on a dit non à moins de 30 %, on a dit oui à 71 %. Puis, très souvent, dans le 71 % – ils ne sont pas choqués, là, parce que la méthode nous permet de voir ça plus près d'eux autres... Alors, autrement dit, la perception ne correspond pas aux chiffres. Autrement dit, quand c'est pour quelque chose de collectif, la loi nous permet, dans la méthode de travail puis dans l'esprit de la loi, de régler les problèmes d'intérêt collectif en faisant les bons arbitrages.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Beauharnois-Huntingdon, suivi de M. le député de Roberval.


Superficies exploitées et non exploitées dans la zone agricole

M. Chenail: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. J'aimerais que vous nous parliez de la zone verte, les superficies de zone verte non exploitées et puis les superficies aussi... on pourrait dire, mettons, de 1995 à aujourd'hui. Quelles étaient les superficies en 1995? Quelles sont aujourd'hui les superficies exploitées et non exploitées de la zone verte? Quel est le nombre de fermes en 1995 et le nombre de fermes aujourd'hui? Parce qu'on se rappelle du Sommet socioéconomique, on est supposé doubler les exportations, puis tout ça. Donc, on pourrait imaginer qu'il y a plus de fermes, qu'il y en a plus grand en culture, puis tout ça, d'année en année, et puis, des fois, les chiffres nous surprennent. Ça fait que j'aimerais que vous nous parliez de tout ça en chiffres.

(15 h 30)

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, dans nos rapports annuels, depuis quelques années, il y a toujours la réponse à ces questions-là, année après année. On ne le fait pas nécessairement chronologique, mais on le fait à chaque année, depuis trois, quatre ans certainement. Si on prend le global... Je vais vous donner une réponse synthèse: Ça se maintient; en gros, ça se maintient. Ces données-là qui nous viennent du MAPAQ, eux font souvent aussi les nuances qu'ils doivent faire, parce que, des fois, ça comprend des lacs, vous savez, et les superficies données, ce n'est pas à la virgule près, là, ou un bout de montagne, etc. Mais, en gros, regardez, le pourcentage de la zone agricole occupée par les exploitations agricoles: en 1994-1995, c'était 54 %; en 1995-1996, c'était 56 %; en 1996-1997, c'était 54 %; en 1997-1998, 52 %; puis l'an passé, dans notre rapport annuel, je pense que c'est 53 %, quelque chose qui est comme ça. Alors, vous voyez, ça varie peu. Puis souvent, c'est venu aussi du fait que, pour être reconnu agriculteur au sens de la loi, vous savez, il y a un niveau de revenu minimal qu'il faut considérer, puis le plafond a monté ou... Il a monté ou il a baissé, mais, en tout cas, le résultat, c'est que ça change un petit peu les statistiques. Mais «roughment», c'est à peu près la même chose.

Il y a à peu près 50 % de la zone agricole utilisée, ça fait qu'il y a un gros potentiel d'utilisation de la zone agricole. Il faut dire ça parce qu'on est le gardien de la zone agricole, mais il y a un pourcentage important de la zone agricole qui peut être utilisé davantage, sûrement. Mais, dans le pourcentage occupé par des fermes, c'est les pourcentages que je vous ai donnés tantôt, qui sont à peu près toujours pareils. Ça varie très peu. Ce n'est pas significatif, en tout cas, selon nos données. Peut-être que le MAPAQ pourrait avoir des choses plus pointues là-dessus, mais, en ce qui nous concerne, nous autres, ce qui est important, c'est de garantir auprès de vous, auprès de l'Assemblée nationale, que le potentiel de la zone agricole est bien protégé, donc qu'il y a de la place pour les exploitations agricoles, donc que les objectifs du Sommet des décideurs peuvent très bien se réaliser à l'intérieur de la zone agricole.

M. Chenail: Êtes-vous capable de nous dire le nombre de fermes qu'il y avait en 1999 puis par rapport à 1995, mettons, au Québec?

(Consultation)

M. Ouimet (Bernard): Dans nos données, M. le Président, en 1998-1999, donc notre dernier rapport, ce qu'on avait, c'était 32 774 fermes. Et vous m'avez demandé par rapport à quoi? Par rapport à 1994-1995?

M. Chenail: Oui.

M. Ouimet (Bernard): Le début de la période, disons. On ne l'a pas. En 1995-1996, c'était 38 124, dans les chiffres qu'on a.

M. Chenail: Donc, c'est une diminution à peu près de 8 000 fermes au Québec.

M. Ouimet (Bernard): Bien, ça, ça nous vient des fiches d'enregistrement des exploitations agricoles du ministère de l'Agriculture. Nous autres, c'est des chiffres qu'on a importés intégralement.

M. Chenail: Donc, ça doit être...

M. Ouimet (Bernard): En pratique, c'est ça. Mais est-ce que c'est par la définition de «ferme»? Je ne pourrais pas vous expliquer ça, malheureusement. Je peux prendre ça en note, par exemple, puis apporter la réponse auprès du ministère de l'Agriculture. Mais, selon les données qu'on a, c'est ça que ça donne. Alors, il faudrait voir, peut-être, comment c'est constitué, là. Oui.


Partie boisée de la zone verte

M. Chenail: Quand on parle de reboisement – on sait qu'il y a des programmes pour reboiser puis tout ça – quel est votre pouvoir de décision afin de dire: Oui, ce territoire-là, on peut donner une permission de le reboiser ou on le garde pour l'agriculture? De quelle façon vous gérez ça? Puis êtes-vous au courant de ce qui se passe dans ce domaine-là?

M. Ouimet (Bernard): Pour être au courant, oui – parce que, sur le territoire, on finit, M. le Président, par être au courant de pas mal de choses – mais je vous dirais qu'on n'a rien à voir là-dedans. Pour nous autres, de la foresterie, de la sylviculture, c'est de l'agriculture, au sens de notre loi. Une terre en friche, c'est de l'agriculture; un boisé, c'est de l'agriculture. Ça, c'est vraiment plus de la responsabilité des instances gouvernementales, que ça soit le MAPAQ ou Ressources naturelles. En tout cas, au niveau de favoriser le reboisement ou pas, c'est peut-être Ressources naturelles, enfin, mais c'est vraiment plus ministériel, puis les politiques que peuvent se donner – c'est ça – les instances habilitées. Mais, pour nous autres, reboiser, c'est de l'agriculture.

L'incidence indirecte où ça peut des fois jouer, c'est par le morcellement, chez nous. Très souvent, ils viennent nous voir, chez nous, pour nous demander de sortir la partie boisée de la ferme, dans un morcellement, pour conserver... ou acheter une partie, qui est juste la partie qui est cultivable, sans vouloir acheter l'érablière ou le boisé. Mais, comme telle, on n'a pas d'emprise, on n'a aucune emprise sur le fait qu'une très belle terre agricole pourrait se reboiser demain matin. D'ailleurs, il y a des régions du Québec où ça augmente de 2 % par année. Comme la Beauce, par exemple.

M. Chenail: Mais vous ne pensez pas que vous devriez avoir un certain regard là-dessus, compte tenu que l'agriculture, c'est une chose, puis la foresterie, c'est une autre chose? Je pense que c'est deux choses complètement différentes. Quand tu prends des belles terres agricoles puis qu'elles sont reboisées, puis que, 25 ans après, bien là on reprend le bull puis on recommence, vous ne pensez pas, compte tenu de la superficie qui est non exploitée au Québec, qu'on ne pourrait pas, quand même, avoir une certaine façon de travailler pour faire en sorte qu'une partie des bonnes terres agricoles reste des bonnes terres agricoles puis qu'une partie qui est moins des bonnes terres puisse être reboisée, mais qu'il y ait au moins quelqu'un, quelque part, qui ait un regard là-dessus, non?

M. Ouimet (Bernard): C'est une question législative. Pour nous autres... Je n'ai pas vraiment d'opinion parce que c'est une question complexe. Vous savez, à 100 personnes, comme on est rendu, pour couvrir une zone agricole qui est dans 1 200 municipalités, vous savez ce que ça veut dire. Il faudrait examiner toutes ces implications-là. Mais c'est une question qui serait plutôt législative. Pour le moment, on n'a pas de juridiction là-dessus, puis ça ne nous rend pas inconfortables parce que, nous autres, tant que c'est de l'agriculture, c'est ça qui est important. Alors, de l'agriculture, ça peut être de l'acériculture, ça peut être de la foresterie puis ça peut être... Mais je comprends très bien, M. le Président, le sens de sa question parce que, pour un producteur agricole en particulier, faire de la terre, on sait qu'est-ce que ça veut dire puis combien ça coûte déboiser puis ces choses-là, mais ce n'est pas de notre ressort comme tel.

M. Chenail: Je pense que c'est important parce que, compte tenu qu'il y a 50 % de la zone verte qui n'est pas exploité, quelque part dans ce 50 % on pourrait quand même faire des choix pour l'avenir. Parce que, si on pense que le Québec, c'est un grand, grand territoire qui n'est pas tellement peuplé puis qu'on veut en faire quelque chose, bien, ça serait important de penser déjà de quelle façon on le gère, le territoire. Parce que c'est beau, avoir une zone verte, mais, si on ne la gère pas bien...

Je comprends que vous dites que vous avez diminué dans le personnel, puis tout ça, mais à qui on peut commencer à parler pour penser à réorganiser notre zone verte, au Québec? Si on regarde les chiffres depuis quelques années, bon, bien, ça ne change pas, puis il y a des gens qui viennent nous voir pour nous dire: Bien, il y a trop grand de zone verte, il y a ci, il y a ça. Puis, à l'intérieur de tout ça, bien, si on ne prend pas les moyens de l'organiser, notre zone verte, bien, des fois on a des problèmes à répondre à certaines questions.

Le Président (M. Morin): M. le président.

M. Ouimet (Bernard): Peut-être ajouter un mot, M. le Président. C'est que ces questions-là, qui sont des questions importantes en milieu agricole, touchent vraiment des questions de mise en valeur de la zone agricole. Est-ce qu'on doit la mettre en valeur pour la foresterie? Est-ce qu'on doit la mettre en valeur autrement? Ça, c'est des questions de mise en valeur, puis ça interpelle les instances qui sont responsables de ça. Mais c'est certainement un objet de préoccupation important, oui.

M. Chenail: Qu'est-ce que la...

M. Ouimet (Bernard): Moi, je peux vous garantir une chose, par exemple: Quand elle vient en friche, ça ne donne pas de chance à quelqu'un de la dézoner.


Rôle de la commission relativement aux lignes à haute tension

M. Chenail: Non. Ça, je suis d'accord là-dessus, mais il reste que, quand même, je pense qu'on peut se questionner là-dessus.

À propos des lignes à haute tension dans les territoires agricoles, votre position, votre façon d'agir par rapport à tout ça, de quelle façon vous fonctionnez quand on voit des histoires comme Hertel–des Cantons puis d'autres histoires qu'on voit puis qu'on entend à propos de toutes les lignes électriques? On en a eu, dans le verglas, là, plusieurs lignes électriques qui ont été massacrées, si on peut dire, et puis les gens d'Hydro-Québec arrivaient sur les terres agricoles puis ils ne checkaient pas s'il y avait des barrières pour les animaux. Ils rentraient là, ils réparaient, ils faisaient ce qu'ils voulaient puis ils semblaient être comme maîtres chez eux. De quelle façon la protection du territoire agricole agit, dans tout ça?

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, habituellement, dans ces cas-là, la Commission agit par avis au gouvernement, la plupart du temps, de plus en plus, plus par avis que par demande d'autorisation. Par ailleurs, notre avis doit être fondé sur les mêmes critères de la loi. Il n'y a aucun doute que ces corridors-là, les corridors énergétiques, comme d'autres types de corridors, que ça soit le gaz ou, enfin... ça a de l'impact sur le territoire agricole, plus évidemment quand – justement, je ressoude avec la question de tantôt – c'est sur des belles terres versus complètement dans le bois, mais ça a toujours de l'impact.

(15 h 40)

Ce qu'on essaie de voir, c'est le tracé de moindre impact. Et, si je prends l'exemple que vous avez donné, à l'époque, immédiatement après le verglas – vous vous rappelez du contexte – les données qu'on avait d'Hydro-Québec ne pouvaient pas être précises comme elles l'ont été trois mois après. Alors, nous, on s'est prononcés, pas sur des tracés, on s'est prononcés sur des axes. Mais vous voyez mon geste, des axes, c'est plus large que des tracés, puis on peut savoir l'impact quand on est au niveau du tracé, quand on est au niveau du lot, quand on sait où le pylône va être.

Alors, évidemment, on a autorisé des corridors par expérience, parce qu'on en a fait des dizaines depuis le début de la Commission. On sait qu'à l'intérieur d'un grand corridor on peut toujours trouver le tracé de moindre impact. Parce que, avec les instances puis en regardant les impacts... D'ailleurs, c'est ce qui est arrivé. Quand ils nous ont présenté les tracés, on les a autorisés avec des conditions, et c'était le tracé reconnu de moindre impact.

C'est un peu notre approche. Parce qu'on ne pose pas de questions sur l'opportunité du tracé. On ne se demande pas, chez nous, s'il doit se faire une ligne électrique ou pas. On se dit: Si elle doit avoir lieu, compte tenu des contraintes techniques rencontrées et compte tenu du potentiel agricole en cause, de son utilisation, quel est le tracé de moindre impact, quelles sont les conditions qu'on peut poser pour qu'il y ait le moins d'impact pendant les travaux, après les travaux? C'est à peu près comme ça qu'on regarde ça. En gros, c'est l'approche.


Impact des voies ferrées et des pistes cyclables pour le monde agricole

M. Chenail: Si on parlait des voies ferrées en zones vertes, les fameuses voies ferrées. Quand tu as des territoires de zonés à 97 % agricoles puis que tu as une voie ferrée qui est enlevée et puis que là on décide quelque part – parce qu'il y a une opinion publique, et puis tout ça – de mettre une piste cyclable, on l'a vu avec la loi n° 23, les problèmes que ça va occasionner. Je pense que, dans bien des milieux, il y a des MRC qui se sont permis d'aller de l'avant sans vraiment regarder les impacts pour le monde agricole, et puis on va être pris pour subir les résultats, comme on subit les résultats de la loi n° 23, avec les mesures.

De quelle façon vous voyez ça, vous, la protection du territoire agricole, les voies ferrées en territoire agricole, dans des MRC zonées agricoles à au-delà de 90 %? Parce que je pense qu'il y a des places – dans les Laurentides – où on peut se permettre ça. C'est quoi, votre opinion, dans des MRC zonées agricoles à 90 %, 95 %, 97 %, qu'on mette une voie ferrée puis qu'on fasse une piste cyclable là-dessus? Les impacts que ça amène, aussi. Parce que, quand même, une piste cyclable, ce n'est pas de l'agriculture, là.

M. Ouimet (Bernard): Oui. C'est exact. M. le Président, il faut probablement distinguer dans les cas si c'est une voie ferrée désaffectée qui a des droits acquis versus celles qui n'ont pas de droits acquis. Ça, c'est une question assez complexe. Je laisserais Me Cardinal, pour ce bout-là, y répondre, parce que c'est, en droit, quelque chose d'assez compliqué. Mais, s'ils ont des droits, nous, on n'a pas de juridiction. Mais, à partir du moment où ils n'en ont pas...

Parce que, vous avez raison, on en a, des cas, puis on en a vu dans les journaux récemment. Dans le Pontiac, en particulier, c'est devenu des sujets relativement chauds. Vous voyez, nous, dans le Pontiac, dans ces milieux-là, ce qu'on a fait, c'est qu'on a autorisé au profit du propriétaire riverain qui était l'agriculteur. On s'est fait contester, on a autorisé. Ceux qui ont contesté, c'étaient des gens, dans les deux cas, qui n'étaient pas dans la même MRC, qui étaient dans la MRC d'à côté, soit la CUO, soit dans l'autre MRC qui est à côté, soit de Pontiac ou des Collines, je ne pourrais pas vous dire précisément, de mémoire. Mais je suis certain d'une chose, c'est que ceux qui ont contesté, c'étaient des MRC voisines. Mais on a autorisé au profit de l'agriculture, pour que ça soit rétrocédé aux producteurs agricoles.

Dans d'autres cas, on a autorisé une piste cyclable, mais en même temps une voie de contournement pour permettre une piste cyclable, comme dans le cas de... il me semble que c'est Warwick ou Tingwick, dans ces coins-là. Autrement dit, il faut l'examiner au mérite. Si vous êtes dans le Témiscouata... vous vous rappelez, le Témiscouata, il y a une très belle piste qui va jusque dans le Nouveau-Brunswick, mais c'est à 90 %, 95 % dans le bois, pour ne pas dire quasiment 100 % dans le bois. Ça fait que ça a moins d'impact. Alors, il faut les regarder au mérite.

M. Chenail: Mais est-ce que les MRC sont obligées de vous demander la permission pour faire une piste cyclable?

M. Ouimet (Bernard): S'il n'y a pas de droits acquis, oui, parce que c'est un usage autre qu'agricole.

M. Chenail: Mais, à ce moment-là, vous voulez parler de droits acquis. De quelle façon vous verriez ça, les droits acquis? C'est qui qui détermine que c'est un droit acquis? Parce que, vous savez, dans les MRC, souvent les gens sont de bonne foi puis ils écoutent les directives d'en haut, qui viennent du gouvernement. Mais, en fait, là, pour le vrai monde sur le terrain, comment est-ce qu'on peut lui expliquer qu'avec un droit acquis... Dans une MRC comme dans ma région, la MRC des Jardins-de-Napierville, zonée agricole à 97 %, la MRC décide un bon matin qu'elle fait une piste cyclable, puis elle part, puis elle va de l'avant, et puis à la fin... Sûrement que quelque part il doit y avoir eu quelqu'un qui leur a dit que c'était correct. J'imagine. Vous ont-ils demandé la permission?

Je suggère un exemple de chez nous parce que c'est un bon exemple à donner, ceux qu'on connaît, mais ça se passe ailleurs au Québec aussi. De quelle façon on peut gérer ça? Parce que j'ai une autre MRC, qui est le Haut-Saint-Laurent, puis eux autres disent: Nous autres, on n'en veut pas de piste cyclable. Et, quand ils font une demande à Québec pour être exclus de ça, ils ont des réponses négatives, en disant: Il va y avoir des bicycles partout, va-t-il rester une zone agricole? Comment ça va fonctionner? Les bicycles embarquent, les commerces embarquent. De quelle façon ça fonctionne? Qui, quelque part, peut dire que c'est correct ou pas correct, ce qui se passe, si ce n'est pas la protection du territoire agricole?

Moi, c'est pour ça que je reviens toujours à vous autres, parce que vous êtes le chien de garde du territoire agricole, si on peut le dire comme ça. Puis, à ce moment-là, nous autres, les députés, on est mal pris dans ça. Parce qu'on a beau essayer de trouver des solutions ou de trouver qui a raison, il faut quand même avoir une logique puis être capable de donner des réponses. Puis ce n'est pas sûr qu'on les ait, les réponses à propos des voies ferrées.

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, si vous permettez, c'est sûr que ça prend une demande chez nous, s'ils n'ont pas de droits acquis. Puis, pour la partie des droits acquis, je laisserais à Me Cardinal le soin d'ajouter sur cette question-là qui est plus complexe. Parce que normalement, il faut qu'ils viennent chez nous; c'est une demande d'autorisation, c'est un usage autre qu'agricole. Ça, c'est clair. S'il arrivait que quelque chose se fasse sans qu'on nous en parle, il faudrait en être avisé, puis on interviendra. On interviendra par nos enquêtes, on interviendra autrement. Mais, règle générale, habituellement, comme ça implique des corps publics, ils font une demande d'autorisation chez nous. Mais, sur la question des droits acquis, Me Cardinal pourrait, avec votre permission, ajouter là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Cardinal (Serge): Merci, M. le Président. Essentiellement, M. le député, vous avez raison de croire que la Commission est un bon interlocuteur pour discuter de ces questions-là, par exemple de l'existence des droits acquis ou pas. Comme le président de la Commission vient de vous l'indiquer, il y a plusieurs hypothèses possibles, plusieurs façons différentes, au fond, de saisir la Commission de ces questions-là. Ça peut être, je dirais, de façon assez banale, par une demande d'information auprès de la Commission et on va y répondre; ça peut être, bien sûr, par une demande en bonne et due forme qu'une MRC ou une municipalité fait; ça peut aussi être une plainte d'un citoyen, par exemple, qui voit s'implanter une piste cyclable sur une voie ferrée et qui ne sait pas si c'est à bon droit ou non.

(15 h 50)

Essentiellement, sans tomber dans des dédales techniques, je vous dirais qu'il y a plusieurs situations où la Commission n'a pas de décision à prendre sur l'implantation, par exemple, d'une piste cyclable ou sur la conversion d'une ancienne emprise de voie ferrée en piste cyclable. C'est la situation qu'évoquait M. Ouimet tantôt, quand il parlait de droits acquis. Alors, par exemple, pour vous donner un cas simple, si, sur une emprise donnée, il y avait une voie ferrée au moment où la Loi de protection du territoire agricole s'est appliquée à ce territoire-là et que, depuis ce moment-là, qui remonte par exemple à 1978, dans bien des cas, depuis 20 ans, s'il y a encore soit la voie ferrée ou, à toutes fins pratiques, que la couverture végétale n'a pas repris sur l'emprise de la voie ferrée, la loi nous indique qu'il faut conclure qu'il y a des droits acquis. Alors, quand il y a des droits acquis, il n'y a effectivement pas de geste à poser par la Commission, il n'y a pas de demande d'autorisation à faire par un citoyen ou par une municipalité.

M. Chenail: Je voudrais juste vous demander: Quand il passe un train quelque part puis que tu changes ça pour un bicycle, c'est changement de vocation, il me semble. C'est bien différent, un bicycle puis un train, là. Les droits acquis étaient peut-être pour le train, mais, pour le bicycle, c'est une autre affaire. Puis la voie ferrée n'est plus là. Et puis, quand ça a été donné, ces terrains-là, puis tout ça là, bien, c'était donné pour la voie ferrée. Puis, en principe, qui s'occupe des fossés chaque côté? Qui s'occupe de nettoyer, d'entretenir tout ça après, là? Parce que, en fait, si tu coupes des terres, ça prend des fossés, ça prend des barrières, j'imagine. Donc, qui va relever de toute cette responsabilité-là? À qui les gens vont s'adresser finalement? Parce qu'un bicycle puis un train, d'après moi, ce n'est pas pareil.

M. Cardinal (Serge): M. le Président, vous avez tout à fait raison, bien sûr, sur les impacts différents de certains usages. Mais laissez-moi vous donner un exemple plus fréquent. Sur un terrain donné, une résidence génère des droits acquis à raison d'un demi-hectare. Prenons ça comme hypothèse. À l'intérieur de ce demi-hectare – c'est un peu ce que je vous disais tantôt et c'est la même chose pour la voie ferrée – un individu qui veut convertir cet usage-là – aujourd'hui, il a une résidence, et il veut faire un dépanneur, par exemple – il n'a pas d'autorisation à demander à la Commission. Il a, bien sûr, à respecter la réglementation municipale, mais il n'a pas d'autorisation à demander auprès de la Commission. Alors, même si, dans l'exemple que je vous donne, le dépanneur ou le commerce peut avoir des impacts à l'évidence différents des impacts d'une résidence, par exemple, il reste qu'au plan de la législation – et ça, je réfère aux articles 101 et suivants sur les droits acquis – la Commission n'a pas son mot à dire ni sur la conversion d'une résidence en commerce ni sur la conversion d'une voie ferrée en piste cyclable, dans la mesure où il y avait des droits acquis.

M. Chenail: Est-ce que vous pensez que la Commission devrait avoir son mot à dire?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est une question.

M. Cardinal (Serge): M. le Président, c'est une question beaucoup plus compliquée. Vous demandez à un avocat: Est-ce que...

M. Chenail: C'est oui ou non. Ce n'est pas compliqué.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cardinal (Serge): C'est rarement oui ou non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cardinal (Serge): Il y a vraiment une question d'opportunité à laquelle je ne serais pas capable de vous répondre comme ça, sans faire une analyse un peu plus pointue de ces questions-là. Il y a beaucoup d'éléments en jeu dans une réponse comme celle-là.

M. Chenail: La loi n° 23, ça nous amène à penser qu'il y a des changements qui étaient permis avant puis, avec la loi n° 23, bien là ça vient controverser ces changements-là. Et puis c'est là qu'il faut peut-être tout repenser toutes ces choses-là, je pense, par rapport à la loi n° 23, par rapport aux distances, et puis tout ça. Et puis, ça, c'est assez important que quelqu'un se penche là-dessus. Et puis je pense qu'il faut regarder ça de près.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député...


Droit d'habiter en territoire agricole

M. Chenail: Juste une autre question, c'est la plus importante. Vous avez parlé du droit acquis, le cultivateur qui a son droit acquis de quelque 50 000 pi. À un moment donné, il décide de le subdiviser puis de vendre un 30 000 pi, et puis ça finit que, bon, il y a une autre personne qui s'installe en milieu agricole. Et puis ça, c'est comme permis par la loi, et puis ça, c'est un autre gros problème.

Puis, de l'autre côté, quand on regarde l'agriculteur qui aujourd'hui devient de plus en plus gros – parce que, bon, on a eu un Sommet, puis ils nous ont dit qu'il fallait doubler les exportations, puis tout le monde a l'air de croire en ça, donc tout le monde embarque dans le processus – qui est en compagnie avec ses enfants, qui grossit, et finalement, bien, ses enfants, ils n'ont pas droit de se construire sur la ferme, il faut qu'ils aillent se construire au village, il faut que les petits-enfants soient élevés au village.

Quand on regarde ça, si on veut continuer à impliquer la relève... Parce que, vous le savez, quand un enfant... Moi, je sais que mes petits-fils sont élevés sur la ferme puis j'y tiens parce que c'est là qu'ils vont apprendre leurs notions de devenir des agriculteurs. Puis on leur dit: Bien là il va falloir que tu ailles t'installer au village parce que sinon, si tu bâtis trois résidences, les trois résidences vont appartenir à la compagnie. Ça amène un autre problème. C'est que trois résidences, quand tu as trois associés, ça coûte des sous. Puis là le prêt agricole, s'il te prête pour des résidences, il ne te prête plus pour agrandir ta ferme parce qu'il dit: Tu as été topé. Parce que, vous savez, au Québec, on a un sommet à atteindre, qui est de 2 000 000 $ maintenant, qui a été changé. Donc, on se ramasse avec un paquet de problèmes pour l'agriculteur.

Puis, dans l'inverse, bien, l'agriculteur... Moi, j'en ai vu un dernièrement: Il a vendu sa ferme. Il a gardé quelque 50 000 pieds puis là il a mis «terrain à vendre», une petite pancarte à côté de sa maison. Il va vendre un terrain. Une autre personne va venir s'installer dans le rang, sur un terrain que le gars qui a gardé son droit acquis va vendre. Et puis l'agriculteur, lui, qui est en zone verte, où c'est supposé être le territoire agricole, c'est supposé que tu as un droit de produire, mais il faudrait que tu aies un droit d'habiter aussi. De quelle façon vous pourriez organiser ça?

Peut-être qu'il y a des solutions qui sont valables quand des gens sont actionnaires d'une ferme, une petite ferme de 1 000 000 $, aujourd'hui. S'ils sont trois actionnaires, des fois, ça fait 3 000 000 $. Bien, peut-être que ces gens-là, vu qu'ils sont actionnaires d'une compagnie, pourraient avoir un droit de bâtir sur la ferme à leur nom, quitte à ce qu'il y ait un lien de rattaché par rapport à la compagnie pour x années. Mais quelque part, ce n'est pas normal qu'on ne trouve pas une solution pour ces gens-là, quand on regarde tout le processus, l'organisation qu'on a, puis qu'on permet les fameux droits acquis de 55 000 pieds, puis que le reste, ça ne fonctionne pas, puis qu'on oblige à bâtir juste au ras la maison du père qui veut lâcher, là, parce qu'il faut que tu restes dans les quelque 50 000 pieds. Quelque part, ce n'est pas normal.

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, la question qui est posée, dans le fond, ça réfère à deux avenues. Dans le régime actuel, évidemment, il y a l'avenue de l'article 40 de la loi qui est comme un privilège. Effectivement, c'est un droit personnel. Et, si vous prenez cette voie-là, c'est-à-dire construire une maison pour votre fils, pour votre associé ou pour votre employé, elle reste rattachée à l'entreprise. Ça, c'est le cas qui est mentionné. Bon. Et ça, ça n'a pas à venir chez nous; on n'a pas besoin de demande d'autorisation.

Alors, il y a la voie, autrement dit, du privilège ou du droit qui est accordé aux agriculteurs, et il y a l'autre voie. Il y en a juste deux, dans le fond. L'autre, c'est que, si ce n'est pas ça, c'est donc une demande pour morceler et utiliser à des fins autres que l'agriculture, c'est-à-dire pour créer un emplacement de type urbain en campagne, très souvent, comme vous l'avez mentionné, à côté de la grange ou pas loin. C'est habituellement dans des milieux comme ça. Alors, il faut la juger au mérite, là. Et il arrive des cas où on a autorisé... C'est plus rare. Parce qu'on peut le faire, c'est les mêmes critères de la loi. Puis il faut le raisonner comme si c'était n'importe quel habitant qui l'habiterait, la maison, parce que ça devient un emplacement distinct de la ferme puis ça peut devenir, avec le temps, en changeant de propriétaire puis tout ça, un obstacle, un jour, pour l'agriculture. On est conscient de ça.

Alors, c'est ce qui fait qu'il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre là-dedans: ou il y a la voie du privilège, c'est-à-dire du droit de se construire une maison pour son employé, pour son fils; ou il y a la voie de l'autorisation, qui n'est pas toujours facile, parce que c'est souvent des beaux milieux agricoles. Il n'y a pas énormément de flexibilité, et on ne peut pas jouer sur la surface du droit acquis, comme vous le laissez entendre, parce que, des fois, il pourrait y avoir un petit terrain plus rocheux que la belle partie qui est cultivée pour mettre la maison. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre là-dedans. On est confronté assez régulièrement avec des demandes, chez nous, à cet égard.

M. Chenail: Vous dites vous-même que vous n'avez pas de marge de manoeuvre. Normalement, il faudrait qu'on se donne une marge de manoeuvre parce que c'est comme pas normal qu'on oblige le fils de l'agriculteur à se bâtir accoté sur la maison de l'agriculteur, puis un jour, si l'agriculteur meurt, parce qu'il a vendu à son fils, lui, il peut vendre à un autre qui est de l'extérieur. Là il est vraiment poigné, vous l'attachez pour l'avenir. C'était peut-être correct, ça, voilà 15 ans, 20 ans, quand ça a été fait, mais, compte tenu de la façon dont l'agriculture évolue au Québec, vous ne pensez pas... Il faut absolument que ces choses-là soient révisées, ça n'a aucun sens.

On ne voyait pas des entreprises agricoles, au Québec, de la grosseur qu'on a aujourd'hui. On ne pensait peut-être pas, dans le temps, qu'il y aurait des entreprises agricoles qui auraient deux ou trois associés, qui auraient des superficies extraordinaires, puis que ça ferait en sorte... Il faut que ces gens-là aient quand même le droit d'habiter où ils produisent. C'est un territoire agricole, mais c'est des producteurs agricoles. Parce que là on est en train d'exclure les producteurs agricoles du territoire agricole puis finalement de donner les terrains ou le petit peu de droits acquis qu'il y a à d'autres personnes. On travaille à l'inverse. Ça n'a aucun sens que le producteur agricole soit obligé d'aller se bâtir en ville puis qu'on fasse l'inverse. Vous savez, ça ne fonctionne pas, ça.

Qui peut changer ça, si ce n'est la Commission de protection du territoire agricole, en faisant des recommandations, en disant, bien, je ne sais pas: On a des cas qu'on n'avait pas il y a 20 ans, puis aujourd'hui, bien, il faut trouver des solutions, puis il faut le faire ensemble? Moi, je pense que ça revient à la Commission de protection du territoire agricole de faire des propositions aux élus pour faire en sorte d'amener des changements.

(16 heures)

Moi, j'ai des cas, chez nous – que ce soit le cas de M. Pigeon ou d'autres cas – les gens sont pris, puis ça n'a pas de sens. Je pense que c'est votre job de nous faire des recommandations pour amener des changements.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Courte réponse, si possible.

M. Ouimet (Bernard): Peut-être, M. le Président, pour la partie du droit sur cette question-là, j'aimerais que Me Cardinal puisse y répondre, s'il y a quelque chose à ajouter par rapport à la question qui est posée présentement.

M. Cardinal (Serge): Merci, M. le Président. Il me réfère les questions faciles, comme vous voyez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cardinal (Serge): La question que vous évoquez, M. le député, c'est une question importante et une préoccupation qu'on a. Mais voyez les deux côtés de la médaille. Bien sûr, il faut s'assurer de ne pas évacuer la relève de la ferme, hein. Mais, par ailleurs, je pense qu'aussi il faut s'assurer de ne pas évacuer des terrains de la ferme, de ne pas créer à même la ferme des terrains résidentiels qui pourront un jour être vendus à n'importe qui et qui créeront des problèmes importants aux exploitants. Et c'est un peu la problématique qu'on a dans la mesure où, si ce n'est pas dans le contexte précis du droit reconnu à quelqu'un dont l'agriculture est la principale occupation d'implanter sur sa propriété une maison, par exemple, pour son enfant et cette maison-là reste attachée à la ferme, vous le savez... si ce n'est pas dans ce contexte-là, ce dont on parle, c'est d'une maison, avec un bout de terrain qui peut être détaché de la ferme, bien sûr, qui est occupée aujourd'hui par le fils, mais qui, dans 10 ans, 20 ans, une ou deux générations, sera occupée par n'importe qui qui n'aura pas nécessairement de lien avec la ferme, et là on vient de multiplier les problèmes d'implantation de résidences en zone agricole.

M. Chenail: Le lien avec la ferme, ça se fait déjà. C'est ça qui se fait. Ça fait qu'il faut défaire ce qui se fait puis refaire d'autre chose. Parce que c'est ça qui se fait, là, pas de lien avec la ferme. Dans le fameux droit acquis, c'est ça qui se fait. Ça se fait couramment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un complément de réponse, s'il vous plaît.

M. Ouimet (Bernard): Très court, M. le Président. Imaginez, par exemple, à l'île d'Orléans, si chaque génération avait ajouté une à deux maisons, quel décor on aurait aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais, si je comprends bien la question du député, compte tenu qu'on est à étudier toute cette grande question, parce que, pour nous, on inclut la relève puis on inclut tout ce qu'il y a alentour, sa question est: Est-ce que la Commission que vous représentez pourrait se pencher sur cette problématique-là et faire des recommandations? C'est ça, dans le fond, je pense, la question du député. Nous autres aussi, on peut en faire, des recommandations, mais on aime beaucoup mieux partir de recommandations de gens qui ont la compétence et des exemples à fournir.

M. Ouimet (Bernard): Oui. À votre question, M. le Président, on n'est pas sans savoir que l'Union des producteurs agricoles va faire une réflexion sur cette question-là et on va pouvoir, à un moment donné du processus, être au fait de la réflexion que l'UPA va faire là-dedans, puis ça va nous amener probablement à examiner des choses. Mais disons que l'initiative de la question, je pense, appartient beaucoup au milieu agricole actuellement qui va être amené à une réflexion à cet égard. En tout cas, d'après nos informations, c'est ce qu'on a compris. Donc, il va se faire une réflexion sur la question de l'article 40.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): De toute façon, on a toujours, nous, la capacité de vous en demander un peu plus si on juge à propos.

Maintenant, M. le député de Roberval, suivi du député de Richmond. J'ai encore les députés de Gaspé, Beauce-Nord et Nicolet-Yamaska. Alors, j'apprécierais si on pouvait répondre peut-être un peu plus court de façon à permettre à tout le monde de poser ses questions et d'échanger.


Application des distances séparatrices (suite)

M. Laprise: Ça va être bref, M. le Président. D'abord, une opinion. Lorsqu'en 1978 on a peinturé le Québec en vert, tout le territoire agricole du Québec en vert, je crois que, malgré que les agriculteurs soient quand même des gens qui sont un peu jaloux de leur autonomie d'opération, ils avaient su quand même se discipliner dans certains domaines au niveau de la mise en marché, au niveau également d'organiser leur production laitière et leur mise en marché. On a perçu que cette loi-là allait permettre une fois pour toutes de reconnaître officiellement le droit de produire au cultivateur dans son milieu, dans sa zone verte. Et l'arrivée de la loi n° 23, comme je le laissais présager lors de mon intervention en Chambre à ce moment-là... j'avais trouvé, au niveau des agriculteurs, un peu humiliante l'arrivée de la loi n° 23 qui nous obligeait à demander encore une fois le droit de produire dans une zone où on avait reconnu que la présence de l'agriculture était importante et où on avait reconnu que l'agriculture, qui était l'occupation du territoire, avait son importance sur le plan provincial.

Maintenant, moi, j'étais persuadé, lorsque j'ai vu arriver la réglementation, que la loi n° 23 aurait son bogue, et ce n'est pas un bogue informatique, c'est un bogue de subtilité de la senteur via l'odorat et de l'ouïe via le bruit. Quand on regarde que la loi n° 23, qui, en principe, avait quand même des bons points de repère, était dépendante d'un paquet d'intervenants sur lesquels elle n'avait aucun pouvoir, et allant même jusqu'à non seulement des intervenants qui mettaient des normes précises dans une politique précise au niveau, par exemple, des schémas d'aménagement, au niveau des plans d'urbanisme municipal, également au niveau de l'environnement, il y avait quand même des normes précises écrites... mais, lorsqu'on devient dépendant même de normes qui sont amenées par des voisins, par une autre clientèle qui, au moment où elle devra signer une servitude, aura aussi, elle, ses exigences, alors, c'est pourquoi le bogue de la loi n° 23 est évident, et il faut trouver certaines solutions à cette dimension-là.

Maintenant, vous autres, face à l'expertise que vous avez depuis 20 ans, au niveau de cette analyse-là des besoins de l'agriculture pour assurer son développement, pour assurer également sa rentabilité, est-ce que vous n'auriez pas des expériences à mettre à la disposition de cette préoccupation-là, à savoir de régulariser, par exemple, les distances? Quelles seraient les distances à apporter? Est-ce que vous auriez des opinions à émettre là-dessus? Est-ce que vous pourriez être un support, dû à l'expertise que vous avez, à trouver des solutions d'application de ces distances-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ouimet.

M. Ouimet (Bernard): Ça correspond un peu, M. le Président, à la réponse que je donnais au début, d'entrée de jeu, en commission, à la première question. Le mécanisme qui est mis en place actuellement devrait conduire à des solutions. C'est important d'arriver à des solutions, vous avez raison, pour ne pas entacher toute la crédibilité du régime, surtout que c'est un aspect réglementaire. Vous savez, ce n'est pas toute la loi, c'est l'aspect réglementaire, mais c'est comme si ça empoisonnait le reste, là. D'ailleurs, dans l'opinion publique, j'ai l'impression que, quand on parle de la loi n° 23, c'est qu'on identifie ça aux odeurs puis aux distances séparatrices, alors que c'est une réduction substantielle de ce qu'est le coeur de la loi n° 23 qui est le début d'une réforme qui vise à responsabiliser les instances municipales, agricoles vers une gestion beaucoup plus harmonieuse de la zone agricole. On est tous conscients de ça. Comme je vous ai dit ce matin, le problème, par ricochet... on n'avancera certainement pas une formule quand le mécanisme est déjà en place. Je pense que le mieux qu'il fallait faire, c'était de mettre les conditions propices pour la trouver, la solution, avec les instances impliquées, c'est-à-dire les producteurs agricoles représentés par leurs unions, puis les municipalités par leurs unions.

Moi, j'ai beaucoup confiance dans ce processus-là. Écoutez, j'ai eu l'occasion, avant d'être président de la Commission, de faire un travail qui était d'un autre ordre, mais qui était avec les unions, puis c'est en mettant les unions alentour de la table qu'on finit par trouver les solutions pratiques opérationnelles. Et, je le répète, je ne crois pas que la solution va être en changeant une variable ou un élément de l'équation. Je crois que la solution doit partir d'un paradigme un peu différent, de la même façon que la zone blanche, je vous dirais. Je vais vous faire un parallèle.

(16 h 10)

Avant de se poser la question dans votre quartier résidentiel à savoir s'il doit y avoir une usine, vous ne commencez pas à regarder la distance. Vous commencez à vous questionner sur l'usage, si ça prend une usine dans le quartier résidentiel – autrement dit, c'est l'usage qui est important, l'usage, la compatibilité des usages ou l'incompatibilité des usages – puis vous regardez vos distances, vos marges de recul après. Autrement dit, la norme suit. Mais il faut que la norme, elle s'adapte un peu. Si la norme est rigide à un point qu'elle est «coast-to-coast», alors que tout le régime est bâti pour tenir compte des particularités des régions... Bon, c'est sûr que, si vous êtes à certaines places dans la Beauce puis que c'est des producteurs de porc à chaque bout du village, il faut composer avec une situation comme ça. Puis, si vous êtes au Saguenay–Lac-Saint-Jean puis c'est des producteurs de lait, bien, probablement que ça ne serait peut-être pas la bonne idée d'aller mettre un producteur de porc, que vous n'avez pas, près du village. Ça, tout le monde est capable de comprendre ça. Les agriculteurs comprennent ça. C'est du gros bon sens. Mais de là à avoir une règle qui n'a pas cette flexibilité-là puis qui joue à l'encontre du développement des entreprises agricoles, là il y a un problème. Mais c'est la norme qui a le problème. Ce n'est pas le régime qui a le problème. Le régime, il reçoit, je dirais, le contrecoup de ce problème-là qui est tellement vital. Puis, surtout, comme on disait ce matin, c'est que ça ne crée pas un climat pour être capable, en tout cas, dans notre domaine, de faire nos affaires avec l'ouverture que ça nécessite dans notre domaine. Quand on assoit, nous autres...

Nous autres, on travaille plus dans une approche d'harmonisation, de conciliation qu'on travaille dans une approche d'affrontement, parce qu'on sait que c'est là qu'on a des résultats. Puis là le contexte est plus à l'affrontement. Mais qu'est-ce qu'on pouvait faire de mieux que ce qu'on a fait, de reconnaître, comme a fait notre ministre, qu'il y avait un problème, puis que, devant le problème, il devait trouver une solution, puis, la solution, c'était de placer quelqu'un qui se mettrait en processus pour la trouver? Et, moi, je vous le dis, avec la petite expérience que je peux avoir, puis mes collègues, on trouve que c'est une bonne idée de faire ça, que de continuer à travailler quatre, cinq ans de plus pour voir si on changerait une variable de l'équation pour être capable d'harmoniser tout le monde. On trouve que c'est une bonne idée d'ouvrir le jeu, pas au sens de faire... Là, peut-être qu'on ne trouverait pas que ça, c'est une bonne idée si c'était de virer le régime à l'envers quand on est au début d'une réforme. Il ne faut pas l'oublier, dans ce qu'on fait, c'est un gros changement; on n'est qu'au début de ça. Vous avez vu les résultats ce matin, c'est quand même des résultats intéressants après quelques années seulement. Mais on n'est qu'au début.

Dans ces matières-là de la protection du territoire agricole, comme ça touche sur les mentalités, les comportements, les façons de percevoir les choses, il faut regarder ça à long terme. Nous autres, trois ans, ça ne veut rien dire. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on fait nos plans pluriannuels sur cinq ans, nous autres. Le gouvernement nous le demande sur trois ans, mais on les fait sur cinq ans parce que, si on ne voit pas un peu d'avance, cinq ans, dans notre domaine, on n'avance pas. Là, on a une bonne direction avec la loi. La loi nous a donné une bonne direction, puis on avance dans la même direction. Il faudra régler ces questions-là périphériques, et ça, je pense que tout le monde en est conscient, vous en avez eu la démonstration ce matin. Et le gouvernement en est conscient, les unions en sont conscientes. Il n'y a personne qui n'en est pas conscient, j'espère, parce que c'est tellement évident. Mais, moi, j'ai confiance dans le processus parce que ça va impliquer les producteurs agricoles puis ça va impliquer les unions. Et, si jamais dans le processus on pouvait être d'une quelconque utilité sur le plan professionnel, notre disponibilité sera certainement très grande.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va? M. le député de Richmond.


Nature des mesures punitives

M. Vallières: Oui, M. le Président. La Commission aurait émis, en 1998-1999, selon les informations dont on dispose – je pense que c'est contenu dans votre rapport annuel – quelque 108 ordonnances pour remédier à des infractions à la loi. Dans la très grande majorité des cas, on nous indique que... dans les trois quarts des cas, les gens se soumettent à l'ordonnance. Dans les autres cas, il y a, j'imagine, poursuite de la Commission. J'aimerais que vous nous indiquiez si vous avez une politique précise là-dessus. Je remarquais, entre autres, et je vous cite un exemple d'une décision que la Commission a prise concernant l'abattage sélectif, une coupe sélective – on parle de 30 % à 40 % des érables, dans une érablière de Hatley, sur une ferme située en Estrie, et où l'ordonnance de la Commission a été... je pense qu'elle s'est limitée ou à peu près à dire: Bien, vous allez faire une clôture, puis vous ne le ferez plus, ça. Je vous pose la question parce que ce qui ressort, c'est un peu ce que je vous dis là. Les gens disent: Bien, coudon, on fait une coupe sélective à 30 %, 40 % d'une érablière alors que ce n'était pas permis, et la Commission, dans ce cas-ci, se contenterait de dire que l'ordonnance semble ne pas être suffisamment musclée par rapport à l'ampleur de la faute qui a été commise.

Je ne veux pas parler de ce cas-là en particulier, mais est-ce qu'il y a une politique là-dessus? Qu'est-ce qui fait qu'on retrouve des causes où la Commission semble être très dure, comme certaines démolitions – parce qu'il y a des gens qui sont obligés de démolir des constructions qu'ils ont déjà faites sans autorisation, à l'encontre de la loi – et puis, dans d'autres cas, ça semble être très léger comme pénalité?

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, si vous me permettez, je répondrai peut-être à la première partie puis je laisserai à Me Cardinal le soin d'ajouter là-dessus, puisque ça touche les ordonnances de la Commission puis toute cette question délicate des érablières. Parce que, très souvent, on s'en rend compte... je pense que, dans le cas que vous mentionnez, on s'en rend compte après. Je pense que, quand on l'a su, elle était coupée puis elle était coupée depuis six mois. Bon. Quand vous l'apprenez six mois après, qu'est-ce qu'il vous reste? Il vous reste à mettre une clôture pour ne pas que les vaches y aillent, pour que les érables repoussent. C'est pour ça, la clôture. C'est sûr que ça disait: Ça n'a pas de bon sens, ils les coupent tous, puis on met une clôture. C'est vrai que, dans l'opinion publique, c'est difficile de comprendre le bon sens de ça. Mais l'idée, c'est qu'après qu'elle est coupée, c'est de la faire repousser puis, pour la faire repousser, bien il ne faudrait pas que ça se mêle avec d'autre chose, donc on met une clôture alentour, pour que les érables repoussent. Bon.

C'est toujours très «touchy». On a une politique, oui, de plainte pénale, dans le domaine pénal, que Serge Cardinal peut vous expliquer en quelques mots, mais qui est vraiment plus limitée à des cas, je dirais, soit d'enlèvement de sol arable ou, si on les prenait sur le fait par exemple, pour qu'on puisse avoir une preuve hors de tout doute raisonnable... c'est compliqué, là on est dans le domaine pénal. Si on utilise le domaine pénal, il faut presque les prendre sur le coup. Donc, il faut être informé. Plus on est avisé à temps, plus on peut intervenir vite. Puis, dans ces domaines-là, soit de l'enlèvement de sol arable soit la coupe d'érables dans une érablière, il faut intervenir vite. Quand on intervient après, on n'a presque pas de moyens. Mais je laisserais le soin à Me Cardinal d'ajouter quelque chose.

M. Vallières: Regardez, ma question, là... vous me dites: On met des clôtures. C'est sûr que les érables, on veut que ça repousse par la suite. Mais je regarde, moi, les autres gens qui sont propriétaires d'érablières; qu'est-ce qui, maintenant, compte tenu des réponses que vous me donnez, empêcherait d'autres personnes qui sont propriétaires de dire: Je vais faire une coupe sélective à 30 % ou 40 %, regarde la pénalité, on va me dire: Mets-moi une clôture, faites-vous une clôture? Ma question, c'est de savoir comment ce type de décisions là qui sont prises sur un patrimoine qui est important pour le Québec, comment ce ne sera pas un phénomène d'entraînement puis que les gens vont dire: Bien, coudon, ce n'est pas si grave que ça. Et puis, si jamais quelqu'un le faisait, allez-vous aller vers des ordonnances ou des mesures punitives plus fortes, alors que, dans des cas, vous n'y êtes pas allés? C'est pour ça que je vous parle de politique. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'à un moment donné il y ait une politique où les gens sentent que, si on pose des gestes comme ça, il y a quelqu'un à quelque part qui va payer la note? Parce qu'une érablière qui est coupée à 30 % ou 40 %, ça ne prend pas 10 ans à reconstruire, c'est un phénomène qui est... Je trouve ça aussi grave, moi, que de construire une maison à quelque part où on sait qu'on n'a pas la permission de construire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Cardinal.

M. Cardinal (Serge): Merci, M. le Président. La meilleure intervention possible pour la Commission dans ces matières-là, c'est d'être informé, comme vous l'a dit M. Ouimet, au moment où ça se passe à toutes fins pratiques et peu de temps... et non pas six mois par la suite. Mais je ne veux pas entrer en particulier dans la discussion de ce cas-là parce qu'on n'est pas au terme du processus. L'ordonnance a été émise, oui, c'est vrai, mais on n'est pas au terme du processus. Je vous dirais que, depuis les 20 ans ou à peu près d'existence de la Commission, on a toujours privilégié ce que j'appelle la sanction civile des infractions, c'est-à-dire, au fond, d'obtenir en bout de piste, ultimement, de la Cour supérieure une ordonnance au même effet que celle de la Commission, par exemple pour empêcher que des travaux se poursuivent ou pour remettre en état des travaux qui ont pu perturber le sol, que ce soit en matière de sablière ou que ce soit en matière de construction résidentielle. Et l'ensemble des ordonnances qui sont émises sont suivies systématiquement. D'ailleurs, c'est une des choses que nous indiquait le Vérificateur général dans son rapport d'origine, que les ordonnances de la Commission étaient systématiquement suivies et qu'on en recherchait la sanction.

(16 h 20)

Alors, sans entrer dans le cas particulier qu'on a évoqué tantôt, je vous dirais qu'on a adopté, à la suite des modifications introduites par la loi n° 23, une politique en matière de plaintes pénales. Après vous avoir dit que c'est la sanction civile qu'on privilégie, c'est-à-dire l'intervention qui assure que l'infraction cesse, il reste que le législateur, en 1996, dans la loi qui est entrée en vigueur en 1997, a cru bon de discriminer parmi les infractions un certain nombre qui requéraient des amendes plus importantes de telle sorte que ce soit plus dissuasif. C'est l'article 90 de la loi, et ça a trait en particulier, par exemple à la coupe d'érables, mais ça a trait aussi à l'enlèvement de sol arable; effectivement, sur des superficies, par exemple, qui sont supérieures à un hectare, le montant des amendes est bien plus substantiel dans les infractions qui sont ciblées à l'article 90.

Alors, le Vérificateur général, à l'origine, nous reprochait de ne pas avoir adopté de politique de sanction pénale. Après que le législateur eut modifié la loi, on a adopté cette politique qui se colle essentiellement sur la distinction qu'a faite la loi entre les infractions dont je viens de vous parler sur plus qu'un hectare et les autres. Et je peux vous dire qu'à chaque occasion où on est en mesure de faire une preuve de niveau pénal, je dirais, parce que là on vient de changer de domaine, par opposition à une sanction civile, dans tous les cas donc où l'infraction pénale est justifiée aux termes de cette politique-là puis aux termes de la discrimination qu'a faite le législateur à l'article 90, on prend les moyens pour chercher à demander au Procureur général de porter des plaintes. Alors, je ne veux pas donc discuter du cas particulier dont on a parlé. Mais les citoyens seraient, je pense, fort mal avisés de penser qu'impunément ils peuvent procéder à des travaux de ce genre-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.


Avenir du Domaine de Rouville

M. Vallières: Ça répond assez bien à mon interrogation, parce que je vous donne la perception de M. et Mme Tout-le-monde dans un cas comme celui-là. Puis, sans vouloir cibler celui-là en particulier, mais je pense que c'est un exemple, puis on l'a vu à l'intérieur de certains reportages, de certains journaux.

Ça m'amène aussi à vous parler d'une autre cause qui est suivie dans les journaux, et je veux, encore une fois, saisir un peu la procédure que vous suivez. On sait que le Domaine de Rouville craint pour sa survie – on a vu des articles de journaux là-dessus – comme suite à une décision de la CPTAQ. Est-ce que vous êtes en mesure de faire le point sur ce dossier-là, ici, aujourd'hui? Je sais que c'est encore devant les tribunaux, j'imagine que c'est encore devant les tribunaux. J'aimerais savoir: À l'intérieur du processus – on ne parlera pas dans le détail de ça, c'est devant les tribunaux – mais est-ce que, dans un cas comme celui-là, la Commission a le loisir de proposer des solutions ou est-ce que, compte tenu qu'il y a eu contravention – c'est un automatisme aussi – vous êtes aussi à chercher des façons, j'allais dire des solutions, mais ce n'est pas une solution parce qu'il y a eu infraction... C'est quoi, votre comportement? Est-ce que, dans des cas comme ceux-là, qui sont de nature très publique et qui, à l'occasion, requièrent... on voit même des interventions de députés à l'Assemblée nationale sur certains dossiers, qui se positionnent par rapport aux dossiers. Est-ce que la Commission a une politique précise par rapport à des dossiers de cette nature-là?

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, d'abord, le cas sous étude, effectivement, est rendu à la Cour du Québec, mais c'est la décision du Tribunal administratif du Québec qui a été contestée, qui est à la Cour du Québec. Nous, on a rendu une première décision qui a été contestée au Tribunal administratif du Québec, et c'est la décision du Tribunal administratif du Québec qui est contestée à la Cour du Québec. Ça, c'est pour l'aspect du droit. Donc, c'est bien sûr que, éventuellement, la cause va être entendue, puis il va y avoir un jugement. Bon.

La question que vous posez, c'est: On peut-u faire quelque chose en attendant? En gros, c'est ça. Bon. Quand on lit comme il faut la décision qu'on a rendue chez nous – il y a des messages dans la décision, vers la fin de la décision en particulier – qui avait été songée, mais qui donnerait un certain nombre de garanties... Mais la Commission demeure une commission ouverte à la discussion – j'ai eu l'occasion de le dire. Négocier, c'est une autre chose, mais ouverte à la discussion, pour essayer de voir si... Ça nous arrive dans d'autres cas où, des fois, on fait des règlements, bon, dans des circonstances données, quand on trouve que c'est la meilleure idée, on peut faire un règlement avant. Mais, en ce qui nous concerne, la Commission ne refuserait jamais une rencontre avec la municipalité et/ou la MRC qui ont un problème actuellement puis qui sont en instance devant la cour. La Commission ne refuserait jamais de les rencontrer.

On n'a pas eu de signaux dans ce sens-là. On a tout simplement dit que non seulement on ne ferait pas obstacle, mais qu'on ferait tout en notre possible pour que ça ne retarde pas la cause à la Cour du Québec. Mais, s'il arrivait que la municipalité voudrait discuter de la question avec nous, on est prêt à regarder l'affaire. Je ne m'engage pas sur une décision de résultat, mais le moins que je puisse dire, c'est qu'on regarderait l'affaire si la municipalité et la MRC nous rencontraient, ce qui est parfaitement cohérent avec les messages qui avaient été passés dans notre décision, ce n'est pas à l'encontre de ça, puis on verrait ce qu'on peut faire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le député?

M. Vallières: Oui, je veux juste essayer d'interpréter ce que j'ai entendu. Donc, il y a, M. le Président, une procédure, il y a une gradation dans les ordonnances, tout ça. Donc, nous, on a deux, trois cas ici, mais, à l'intérieur, vous avez une politique interne qui vise à s'assurer qu'il y a de la cohérence par rapport à l'ensemble des ordonnances qui sont émises et des cas qui sont traités. Et je pense ne pas mal interpréter vos propos en disant que vous avez une certaine marge de manoeuvre, une certaine latitude que vous pouvez exercer à l'intérieur de cas qui, des fois, sont complexes, mais toujours dans le souci de la protection du territoire agricole, des décisions qui sont les meilleures dans le but non seulement de protéger, mais de privilégier son usage au maximum. Alors, je ne pense pas... À moins que je me trompe, je pense que vous avez cette latitude-là à l'intérieur des décisions que vous avez à prendre.

M. Ouimet (Bernard): Exact.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Est-ce que vous avez une autre question, M. le député?

M. Vallières: Pas pour l'instant. Je sais que mon collègue de Beauce-Nord a une question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Gaspé, suivi du député de Beauce-Nord, et on terminera avec le député de Nicolet-Yamaska, à moins, évidemment, qu'on ait encore du temps et qu'il y ait d'autres questions.


Demandes à portée collective

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Ce matin, on a eu l'occasion de rencontrer l'Union des producteurs agricoles qui nous ont dressé un bilan de deux ans et demi d'application de la loi n° 23. Dans leur document qu'ils nous ont déposé, au point 3.2, il est question des demandes à portée collective, les demandes à portée collective qui semblent susciter beaucoup d'intérêt dans le milieu municipal, à savoir qu'il y a des schémas d'aménagement qui ne sont pas encore déposés, il y en a qui seront déposés éventuellement. Et il y avait eu des discussions avec l'UPA également – je pense que la Commission a été impliquée là-dedans – il y a eu un appel à la participation et également aux échanges. Ce que l'UPA disait, c'est qu'elle voyait un danger au fait que la Commission ait étendu le débat à l'ensemble de la MRC pour voir quels sont les différents usages qu'on pourrait y voir, sur le territoire d'une MRC – je n'en nomme pas une, ils parlent du territoire d'une MRC, parce qu'on étend les usages au territoire de la MRC – pour avoir une meilleure vision globale de la zone agricole.

Moi, j'aimerais savoir: Au moment où on se parle, est-ce que la Commission a déjà autorisé des projets de cette nature? Est-ce que les craintes, d'après vous, ou les remarques... les craintes de l'UPA seraient fondées? C'est un peu vous poser la question de façon partiale, naturellement. Mais j'aimerais bien comprendre comment cette mécanique, avec la nouvelle loi qui est en vigueur, la loi n° 23, et la gestion, qu'on dit, des odeurs, du bruit également, le MEF, le ministère de l'Environnement, qui est dans la pollution... Alors, c'est tout ça. Comment la Commission va gérer ça éventuellement? Parce qu'on nous a donné beaucoup d'exemples ce matin du fait qu'il y a des entreprises agricoles qui, par l'application de la loi n° 23... ou des plaintes qui sont faites par des nouveaux arrivants, ou encore les changements du périmètre d'urbanisation qui font que l'entreprise agricole se trouve coincée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ouimet.

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, la réponse à la question: Est-ce qu'on a déjà traité de demandes? c'est non, on n'a pas traité de demandes à date, parce que c'est quand même relativement neuf, ça exige beaucoup de travail de préparation sur le terrain, à la base. Pourquoi on parle de la MRC puis de la municipalité? C'est parce que le plan de zone agricole, c'est par municipalité. Par ailleurs, on ne commencerait pas une intervention comme si on était en 1978, avant les MRC, compte tenu de leur expertise, de leurs responsabilités en matière de coordination. Alors, autrement dit, le plan de zone est à l'échelle de la municipalité, mais, en réalité, la discussion devrait avoir lieu avec la MRC, évidemment, qui va impliquer sa municipalité. Sa municipalité va être dans le coup. Bon. Donc, on n'a pas eu de demande à traiter.

(16 h 30)

Il y a des dossiers, dans le Québec, qui se préparent dans l'esprit de 59. Pas en grand nombre, mais il y en a, du côté, je dirais, de l'Estrie, quelques-uns qui sont avancés, très avancés. En Abitibi, il y a un processus qui est en cours. Il y en a plus dans la région de Montréal, je vous dirais, si on prend la section ouest par rapport à l'Est du Québec. L'Est du Québec, je ne crois pas qu'il y ait des demandes qui soient très avancées ou, en tout cas, qu'il y ait d'élaboration. Bon.

Nous, ce qu'on a fait, par rapport à l'article 59 de la loi, on a écrit deux choses. On a fait d'abord un texte à l'intention de tous les préfets. Profitant d'une rencontre, en 1998, on avait déposé un texte pour expliquer ce qu'était l'article 59, comment ça se situait dans l'esprit du régime, etc. On a tout refondu ce qu'on a écrit sur la question dans un document que vous avez à l'intérieur de votre document et qui s'intitule, vous voyez: L'approche globale en matière de gestion de zones agricoles . Bon.

Pourquoi «l'approche globale»? En réalité, on parle des modalités. C'est une façon de présenter une demande qui, au lieu de présenter ça à la pièce, ne traiterait que du résidentiel, mais dans une perspective plus d'ensemble. Ce pourquoi on attache de l'importance à ça, c'est qu'on ne peut pas être saisi d'une demande quand on n'a pas la vue d'ensemble de la zone agricole. Autrement dit, c'est un gros travail, après la révision de la zone agricole; parce qu'il faut que la zone agricole soit révisée. Remarquez qu'au départ...

Une voix: C'est un schéma.

M. Ouimet (Bernard): C'est un schéma. Je m'excuse. Il faut que le schéma d'aménagement soit autorisé, soit en vigueur, ce qui n'est pas beaucoup le cas de plusieurs MRC, actuellement. À ce que je sache, il y en a à peu près une dizaine dont le schéma est en vigueur. Donc, ça veut dire qu'il y en a à peu près 10 qui pourraient se prévaloir de l'article 59. Parce que ça, il faut d'abord, comme étape préalable, avoir un schéma révisé en vigueur pour qu'on puisse être saisi d'une demande.

Deuxièmement, il faut qu'il y ait un consensus sur la demande avec l'UPA, parce que l'UPA a, dans ce domaine-là, un droit de veto sur la demande. Parce qu'on voulait que le travail se fasse plus en amont du processus décisionnel. Donc, le travail, il se fait dans le milieu. Donc, celles qui ont fini ou qui sont avancées dans leur schéma d'aménagement et qui veulent examiner une demande à portée collective qui traite le résidentiel ont cette opportunité de présenter une demande.

Il y en a qui... Mon Dieu, je pourrais en nommer de mémoire: Brome-Missisquoi, Haut-Saint-François, Memphrémagog, Abitibi. Mirabel a probablement commencé une réflexion dans ce sens-là. Thérèse-de-Blainville. Je lance ça comme ça. Mais ce n'est pas à la poche, là, c'est celles qui travaillent bien avec leur monde agricole. Je vous dis ça parce que, quand je les ai rencontrées en cours de processus, ça travaillait en concertation, ce monde-là. Bon. Mais c'est au début, ça. C'est une nouvelle approche, c'est une alternative à soumettre les demandes une par une à la Commission en ce qui concerne le résidentiel, mais il faut bien comprendre.

Et là, quand vous mentionnez l'inquiétude de l'UPA, je comprends l'inquiétude de l'UPA dans le contexte dont on vous a parlé ce matin, parce qu'ils disent, en gros, là: Si on a de la misère – j'imagine – à prendre de l'expansion dans nos entreprises agricoles, comment on peut voir du résidentiel en zone agricole? On est capable de comprendre ça, que le climat n'est peut-être pas le meilleur pour aborder l'article 59 de la loi, dans le contexte.

Mais, d'un autre côté, partout où ça se travaille, il y a une bonne collaboration, mais c'est qu'on est au début d'un processus. C'est nouveau, ça, et ça demande beaucoup d'efforts puis ça demande beaucoup de travail. Parce que le but, ce n'est pas de parsemer la zone agricole de résidences, là. Ça n'ajoute rien, des résidences, si vous voulez, que si on le faisait une par une. La différence, c'est qu'on va le faire plus d'ensemble pour mieux voir les impacts d'où ça va aller, les résidences. Et ce n'est pas des maisons, de ce qu'on parlait ce matin, à 30 000 pi², au bord de la route, là, donc des emplacements résidentiels de type urbain à la campagne, c'est quelque chose généralement entre ce que permet l'article de la loi: une maison par 100 ha. Donc, 250 acres, vous avez le droit de bâtir une maison par 250 acres sans nous demander la permission, chez nous, vous savez. Alors, une maison par 100 acres, c'est prévu dans la loi. Alors, c'est quelque chose comme...

Une voix: Hectares.

M. Ouimet (Bernard): Cent hectares, excusez-moi, par 100 ha. Alors, entre ça et le 30 000 pi², il y a de l'espace, entre 30 000 pi² et 100 ha. On permettrait-u, dans des coins, dans des endroits, une maison sur 100 acres en Abitibi, dans certains endroits? Est-ce que ça serait un drame national de faire ça, qu'il y ait une maison par 100 acres dans certaines places en Abitibi? Une maison par 100 acres à Saint-Hyacinthe, ce n'est peut-être pas la solution, vous comprenez? Alors, ça, c'est un jugement qu'il faut porter.

Alors, c'est pour ça qu'on exige une approche d'ensemble, c'est pour mieux protéger le territoire agricole puis mieux protéger les activités agricoles. Puis c'est une approche qui fait que la Commission pourrait, à ce moment-là, dans son autorisation, mettre les conditions nécessaires puis, en même temps, s'assurer que les parties où il n'y en a pas – parce qu'on autoriserait, dans le fond, un plan de zonage, d'une certaine façon – c'est qu'ils ne pourraient pas mettre des maisons là où ce n'est pas prévu dans le plan de zonage. Ça veut dire que, par la suite, toutes les demandes qui pourraient arriver seraient irrecevables parce qu'elles seraient à l'encontre du plan de zonage. Il y a des endroits où on va dire qu'il n'y aura aucune maison qui ne sera pas reliée à l'agriculture qui va avoir lieu dans certaines parties du territoire.

Alors, ne voyez pas dans 59 une tentation d'urbaniser la zone agricole, c'est plutôt une façon différente de travailler, plus harmonisée, plus en concertation, puis en tenant compte des caractéristiques de chacun des milieux. Mais l'inquiétude du monde agricole, je la comprends, parce que le contexte est plus insécurisant tant et aussi longtemps que les problèmes qui ont été mentionnés ce matin relativement aux distances séparatrices ne trouveront pas un dénouement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va?

M. Lelièvre: Bien...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non, si vous avez une autre question, allez-y.

M. Lelièvre: Oui, j'avais une autre question, mais sur un autre sujet. Je voudrais revenir, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, mais des réponses plus courtes, s'il vous plaît, pour le temps qui nous reste.

M. Ouimet (Bernard): Oui.


Agrandissement des périmètres d'urbanisation

M. Lelièvre: Je voudrais revenir sur la question du périmètre d'urbanisation, mon collègue de Saint-Hyacinthe l'a abordée tout à l'heure dans sa question. On sait qu'il y a beaucoup de municipalités qui vont agrandir leur périmètre d'urbanisation pour aller chercher de l'aide gouvernementale, pour y installer des infrastructures: aqueduc, égout, etc. Est-ce que, par la suite, vous avez observé une pression, par exemple, pour permettre l'implantation de plus de résidences ou pour dézoner pour d'autres usages des territoires une fois que les terrains, les territoires sont inclus dans le périmètre d'urbanisation? Est-ce que vous avez des données là-dessus?

M. Ouimet (Bernard): Ce que je peux dire, M. le Président, c'est que la Commission est saisie de plusieurs demandes dans le cadre du processus actuel pour des périmètres d'urbanisation, c'est vrai. Mais on n'a pas de difficulté à traiter ces demandes-là, peu importe à quelle étape elles sont rendues dans le schéma d'aménagement.

La méthode dont je vous parlais ce matin nous permet de trouver la meilleure adéquation pour chaque dossier. Et je mettrais le monde agricole au défi, dans tous les périmètres d'urbanisation qu'on a réglés pendant les deux dernières années, de nous dire qu'il y a beaucoup de problèmes dans les endroits où on a réglé. On ne donne pas tout ce qu'ils demandent, quand on trouve que ce n'est pas nécessaire, mais on essaie de répondre aux besoins d'intérêt collectif en conciliant, comme je le disais ce matin.

La formule qu'on a nous permet de traiter les périmètres urbains mieux que jamais en parlant avec les instances, en les mettant ensemble pour trouver la solution à leurs problèmes – pas juste leur dire oui ou non – sans dézoner indûment. Et, pour nous, ça ne nous pose pas un problème. C'est normal qu'il y en ait parce que, écoutez, ils sont en processus de révision de schéma et ils ne peuvent pas affecter à l'urbain ce qui n'est pas dézoné chez nous. Alors, ils veulent rentrer chez nous avant, pour venir régler leurs questions, pour être capables de régler leur schéma.

(16 h 40)

Alors, nous, qu'ils viennent avant, qu'ils viennent après, n'importe quand dans le processus, on va toujours avoir les mêmes exigences: on va exiger d'avoir une vue d'ensemble, on va aller voir les terrains, on va discuter avec eux, on va essayer de régler le problème, mais en tenant compte de la protection du territoire. Puis, regardez, on est obligé, dans un périmètre urbain, non seulement de tenir compte de nos critères décisionnels, qui sont nos 10 critères obligatoires, mais maintenant on doit tenir compte des besoins puis on doit tenir compte des objectifs exprimés dans le schéma d'aménagement. Alors, c'est ça qu'il faut concilier.

Mais notre méthode de conciliation, je vous dirais, c'est ce dont je suis le plus fier, comme président de la Commission. Pour régler ces problèmes-là qui sont d'envergure, on a la mécanique et la loi pour être capable de régler ça, pour trouver la meilleure adéquation dans chaque milieu. Jamais on n'a été aussi bien outillé pour traiter les périmètres urbains. C'est pour ça, vous comprenez, qu'on ne cherche pas à gagner notre vie à autoriser une petite maison de 30 000 pi² sur le bord de la route, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Abitibi. Ce n'est pas le fondement, ça, de la Commission. Mais les grands enjeux, là, les périmètres urbains, les grands dossiers régionaux, ça sera toujours fondamental d'avoir un arbitre indépendant. Et là on a toute la mécanique pour les traiter.

Quand je vous disais qu'il y a 60 % des surfaces, des superficies qu'on n'a pas autorisées, vous n'avez pas toujours du monde en colère, là, vous avez du monde qui a compris. Dans des cas, on a dit presque rien. Regardez l'Assomption, la demande était immense il y a deux ans. La réponse, ça a été presque rien. On s'est rencontré après, on s'est parlé. Ils ne nous ont rien demandé, ils ont de l'espace, ils sont capables de travailler. Ils se sont revirés de bord puis ils se sont mis à travailler.

Il n'y a pas une place, on peut dire, où on n'est pas capable de régler un problème d'intérêt collectif. Quand il y a de l'espace dans la zone blanche pour mettre de l'industriel, avant d'en sortir d'autres, on y pense. La preuve? L'espace approprié est plus grand. On a tous les outils pour travailler. Puis je vous dirais: C'est extraordinaire, la façon de travailler maintenant dans le cadre des périmètres urbains, c'est la meilleure méthode puis c'est les meilleurs instruments que la loi nous donne. La loi nous donne tous les outils pour dire non quand il faut dire non, puis elle nous donne tous les outils pour dire oui quand il faut dire oui. Alors, moi, ça ne m'apparaît pas du tout...

Le nombre va être plus grand, vous avez raison, et ça me préoccupe parce qu'on n'a pas beaucoup de ressources à la Commission puis ça demande beaucoup d'analyse puis de travail, ça, une demande de périmètre urbain, mais on va travailler plus fort puis on va passer à travers. Mais il n'y a pas de problème, en ce qui nous concerne, par rapport au périmètre urbain.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Ça va?

M. Lelièvre: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Beauce-Nord.


Décisions rendues dans Chaudière-Appalaches

M. Poulin: M. le Président, je prenais connaissance tout à l'heure de votre rapport annuel et j'ai remarqué des chiffres. C'est peut-être pour une meilleure compréhension de mon territoire. En Chaudière-Appalaches, il y a eu 570 décisions rendues sur 2 900; ça représente à peu près 20 % des décisions. Y a-t-il une raison qui explique ça? Parce que, quand même, si on regarde la superficie effective, on est à 15 %; le nombre de municipalités, ça peut représenter 14 %; le nombre d'exploitations, c'est autour de 15 % aussi. C'est-u à cause du développement du milieu qui va amener les gens à faire plus demandes auprès de la Commission?

M. Ouimet (Bernard): C'est une bonne question que vous posez, mais ce n'est pas facile de répondre à ça à brûle-pourpoint comme ça. Il faudrait analyser ça, ça demanderait une analyse plus pointue, là. C'est évident que, de prime abord, il y a quand même pas mal de territoires agricoles dans cette grande région là.

M. Poulin: Dans certaines MRC, oui; dans d'autres, moins.

M. Ouimet (Bernard): Oui, dans certaines MRC. Ça peut peut-être expliquer les choses, mais il faudrait le voir de façon plus raffinée. Il faudrait voir aussi la typologie des demandes. Est-ce qu'on a plus de demandes pour du développement résidentiel ou pour du morcellement? Dans votre cas, je crois qu'il y a beaucoup de morcellements, d'après ce que me signale mon collègue; les demandes de morcellement sont nombreuses. Est-ce qu'elles sont plus nombreuses qu'ailleurs? Il faudrait examiner. Mais, lui, il vous dit ça parce qu'il est tous les jours sur les bancs, sur les formations de la Commission, et il observe. Je ne suis pas capable d'aller plus loin que ça à ce stade-ci, on pourrait faire un examen plus poussé.

M. Poulin: C'est 5 % de plus peut-être qu'ailleurs mais, quand même, c'est un 5 % additionnel.

M. Ouimet (Bernard): Oui, c'est beaucoup.

M. Poulin: Ça représente quand même un bon volume dans un an.

M. Ouimet (Bernard): Oui.

M. Poulin: Si vous êtes capable de me donner la réponse, j'apprécierais.

M. Ouimet (Bernard): Je souhaite que ça ne soit pas un manque d'informations sur la loi qui amènerait à générer des demandes additionnelles. C'est ce que je souhaite.


Rôle de la Commission relativement à la construction d'une autoroute

M. Poulin: Non. Une autre question. J'aimerais savoir: Dans un dossier, par exemple, comme la construction d'une autoroute, c'est quoi le rôle de la Commission? Est-ce qu'il y a du travail qui se fait à partir du ministère des Transports? Est-ce qu'on lui propose des tracés? Est-ce qu'on étudie des tracés qui sont proposés par le ministère des Transports? C'est quoi le rôle de la Commission pour le dossier, par exemple, de l'autoroute 73?

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, si vous permettez, c'est qu'une autoroute, c'est un projet important d'utilité publique. On la regarde comme un corridor énergétique, c'est un peu dans cette typologie-là. Donc, on ne regarde pas si l'autoroute doit se faire ou pas. Vous comprenez? Puis on ne regarde pas si ça doit aboutir à une place puis aboutir à l'autre. Dans ces dossiers-là, ce qu'on a développé avec les années, c'est que maintenant le ministère du Transport vient nous voir, nos services professionnels, bien avant, nous tient au courant, nous met dans le coup. Parce qu'il a intérêt à tenir compte de la protection du territoire parce que de toute façon il va finir par arriver chez nous. Et, à ce moment-là, il se fait beaucoup de travail préalable. Là-dessus, il y a une grande ouverture de la Commission sur le plan professionnel, au niveau des directions des services professionnels, autant à Québec qu'à Longueuil, pour travailler en amont du processus avec les instances. Ce sont des instances gouvernementales à part de ça. Bon. Alors, il y a des échanges d'information, puis ça finit par être soit une demande d'autorisation ou un avis dans certains cas.

(Consultation)

M. Ouimet (Bernard): O.K. Puis, comme me le souligne mon collègue, c'est que, comme ailleurs, on regarde s'il y a des droits acquis avant. Puis, dans le cas que vous mentionnez, à bien des endroits ils bénéficient de droits acquis.

M. Poulin: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Ouimet (Bernard): Autrement dit...

M. Cardinal (Serge): Si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y donc.

M. Cardinal (Serge): C'est que l'emprise aurait été acquise avant que les dispositions de la Loi de protection du territoire entrent en vigueur.

M. Poulin: Même dans le prolongement actuel?

M. Cardinal (Serge): Je ne pourrais pas...

M. Poulin: Parce qu'il n'avait pas été cédé, on va dire, des droits acquis? Puis on ne doit pas recommencer tout le processus?

M. Coupland (Gary): À ma connaissance, pour la 73, jusqu'à au moins Saint-Joseph-de-Beauce, le dernier tronçon qui a été fait il n'y a pas longtemps avait... Parce que, dans l'article 104, ce n'est pas l'usage qui compte, ça a été exproprié pour des fins publiques avant 1978...

M. Poulin: Jusqu'à Saint-Joseph-de-Beauce.

M. Coupland (Gary): Depuis 10 ans, il n'y a aucune autorisation à date. Mais je ne suis même pas sûr que ce n'est peut-être pas exproprié jusqu'à Beauceville. Mais je sais que jusqu'à Saint-Joseph, à ma connaissance, tout était des droits acquis. Mais ça se peut qu'il y ait encore un autre tronçon jusqu'à...

M. Poulin: Mais, s'il n'y a pas de droits acquis, il y a déjà un travail qui s'amorce avec les ministères concernés de manière à travailler conjointement avec vous pour répondre à vos exigences. C'est ce que j'en comprends.

M. Ouimet (Bernard): Ils viennent nous voir. Ils viennent nous voir sur le plan professionnel, on regarde ça, pour qu'on ne voit pas arriver un projet de même, vous savez, en dernière instance. Il faut que ça se travaille un peu sur le plan professionnel. Il faut qu'il y ait des feed-back, pas pour décider, pour discuter des impacts. Puis, évidemment, quand ça arrive devant la Commission, là c'est la Commission qui décide soit pour donner un avis soit pour répondre à une demande d'autorisation. Mais de plus en plus on travaille en amont avec nos professionnels pour qu'ils soient sensibilisés aux impacts. Puis je vous avoue que le ministère des Transports est sensibilisé aussi aux impacts.

Avec les années, le zonage agricole, ç'a fini par pénétrer les murs des grandes institutions. Et elles sont sensibles à ça. Parce que, de toute façon, elles n'ont pas intérêt à dépenser de l'argent sur des tracés qui n'auraient pas de bon sens. Ce qui fait qu'elles consultent beaucoup plus qu'avant. Vous le savez. Sauf que, nous autres, on ne les questionnera pas pour savoir si ça prend une autoroute ou si ça n'en prend pas. Ça, ce n'est pas notre business. Nous autres, on dit: C'est le lieu, on va essayer de trouver les arrangements qu'il faut pour minimiser l'impact sur l'agriculture tout le temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Avant de poser ma question, j'ai un petit mandat à remplir, qui m'a été confié par mon collègue qui a dû quitter, et qui est celui-ci, c'est qu'il a été particulièrement intéressé par les expériences intéressantes que vous avez signalées, M. le président, entre les MRC et l'UPA, dans certaines régions du Québec, pour arriver à des ententes sur les questions litigieuses. Et il serait intéressé – je pense que ça rencontrerait l'intérêt de tout le monde aussi – à avoir peut-être plus d'indications sur quelles sont ces MRC – une liste des MRC ou ces choses-là – de façon à ce qu'on puisse peut-être les contacter et voir s'il y a des choses qui pourraient nous éclairer dans nos travaux. Alors, ça, c'était le mandat que j'avais à remplir.

La deuxième chose, c'est ma question. Ma question...

(16 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez, M. le député. Parce que, dans notre mandat, on a le pouvoir de les convoquer, de les rencontrer et de discuter comme on le fait avec vous. Évidemment, on a un intérêt au niveau de la commission à le faire.


Droits acquis en matière de superficie pour la construction d'une résidence

M. Dion: Merci. Ma question porte sur un sujet tout à fait différent, mais qui a déjà été traité à deux ou trois reprises aujourd'hui, qui est la question des droits acquis. Je sais que c'est une question très, très difficile. Si ma mémoire est bonne, c'est en 1988 ou 1989 que le juge Lamer, il me semble, a rendu trois décisions – il me semble que c'est le juge Lamer, mais je ne suis pas absolument certain – dans lesquelles il a dit que le régime de droits acquis de la Loi de protection du territoire agricole est un régime complet en lui-même et qu'on n'a pas à aller voir ailleurs pour l'interpréter, il s'interprète en fonction de la Loi de protection du territoire agricole. Donc, je serais porté à croire que, si le régime est complet en lui-même selon la décision de la Cour suprême, on pourrait peut-être en déduire que le gouvernement pourrait le modifier aussi. Puisque c'est lui qui l'a établi, il pourrait le modifier.

Dans ce contexte-là, on a un problème qui est là en suspens depuis longtemps et qui crée des perceptions, je dirais, questionnables dans la population, et c'est la question de la superficie de droits acquis reconnue par la loi – généralement un demi-hectare, 5 000 m² – par rapport aux exigences des municipalités pour la construction d'une résidence ou pour l'existence d'une résidence. Donc, normalement une résidence dans une municipalité exige une superficie de 3 000 m². Donc, s'il y a 5 000 m² de droits acquis, on ne peut pas en ajouter d'autres. Et ce qu'on a comme résultat, c'est qu'on peut continuer un usage déjà commencé. Et, de ce point de vue là, le régime de droits acquis est semblable au régime de droits acquis qui existe ailleurs dans le droit municipal.

Mais on a un problème à différents endroits au Québec, mais en particulier dans le bassin du Richelieu et de la Yamaska, où on a souvent des nappes salines en sous-sol, ce qui fait qu'on n'a pas d'eau potable et qu'on est obligé de construire des réseaux d'égout et d'aqueduc le long des rangs, un peu partout. Or, les règlements municipaux prévoient que, dans ce cas-là, la superficie exigée pour une résidence est de la moitié, donc au lieu de 3 000 m, 1 500 m. Et là on se retrouve avec des droits acquis sur lesquels on peut construire deux autres résidences. Alors, vous voyez, dans les plus belles terres du Québec, on construit trois résidences en front du chemin, alors qu'ailleurs évidemment c'est la loi qui s'applique. Alors, ça crée beaucoup de mécontentement dans la population. Et je sais que c'est une question qui est discutée et réfléchie depuis longtemps au niveau de la Commission.

Ma question est la suivante: Dans l'état actuel des réflexions de la Commission sur cette question-là, est-ce que la Commission serait en mesure de faire des recommandations au législateur concernant une façon différente d'écrire ces dispositions-là touchant les droits acquis? Merci.

M. Ouimet (Bernard): M. le Président, d'abord, par rapport à la première question qui a été posée, à savoir la liste d'un certain nombre de MRC, disons, qui travaillent en bonne collaboration avec les représentants du monde agricole, écoutez, ce qu'on pourrait faire, c'est qu'on pourrait y réfléchir en dehors et vous la faire parvenir à la commission, si vous n'avez pas d'objection.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À la commission. À ce moment-là, ça reste à l'intérieur de la commission.

M. Ouimet (Bernard): Oui. Nous allons vous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On apprécierait.

M. Ouimet (Bernard): Dans un délai très rapproché. Bon.

En ce qui concerne la deuxième, qui est plus complexe, effectivement je laisserais le soin à Me Cardinal d'élaborer un peu là-dessus. Moi, ma connaissance plus globale de ce problème-là, qui est effectivement réel, je vous dirais, je résumerais ça à peu près à ceci. C'est que, dans la plupart des cas, le 5 000 m² est suffisant, parce que les municipalités, c'est à 3 000 m² généralement, 30 000 pi², qu'elles permettent une résidence. Puis je suis conscient de ce que vous dites, que des fois elles baissent la norme puis elles arrivent avec deux. C'est sûr que, dans le 5 000 m², tel que les règles du jeu sont faites, on n'a rien à dire. On peut avoir des émotions devant ça, trouver ça intéressant, pas intéressant, mais on n'a rien à dire, parce que le 5 000 m², c'est vraiment des droits acquis.

Mais je peux vous rassurer sur une chose. C'est que, quand elles viennent pour en mettre deux puis qu'il en manque un peu – et ça, vous en avez vu probablement dans votre vie administrative antérieure – quand elles nous demandent un 10 000 pi², un 5 000 pi², on est toujours très rigoureux dans ce domaine-là. Je vous dirais que le fait d'avoir un droit acquis ne donne pas nécessairement un droit acquis à l'expansion nécessaire. Vous comprenez? Ça fait que, quand elles nous demandent, supposons, je ne sais pas, moi, 1 000 m² de plus, 2 000 m² de plus, ce n'est pas automatiquement autorisé chez nous. Même, je vais vous dire, on est, règle générale, je crois, sous réserve de vérification, très rigoureux là-dessus.

Autrement dit, pour mettre deux maisons dans un droit acquis, elles peuvent le faire sur 5 000 m². Mais, si elles essaient d'en avoir un petit peu plus pour être capable de mettre les deux maisons, c'est le seul bout qu'on a pour être capable de dire non. Parce que notre objectif, ce n'est pas de mettre des résidences, des emplacements de type urbain à la campagne qui n'aideront jamais l'agriculture ou la foresterie à se développer. Parce que ce n'est rattaché à rien, ça. Les maisons, on met ça au village puis on met ça dans des îlots complètement déstructurés, mais des maisons sur le bord de la route, de type urbain à la campagne, j'espère que la deuxième génération des schémas d'aménagement va commencer à mettre fin à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Dion: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière petite.

M. Dion: Oui, c'est ça. Je comprends bien ce que vous avez expliqué, mais ma question portait sur la situation suivante: Dans l'état actuel de vos réflexions sur l'ensemble de la loi, êtes-vous en mesure de faire des recommandations de modifier ou de ne pas modifier les articles de loi touchant les droits acquis?

M. Ouimet (bernard): Je pense que le meilleur conseiller que vous pouvez avoir ici, c'est Me Cardinal qui, régulièrement depuis le début de la loi, a toujours fait d'excellentes suggestions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. Cardinal.

M. Cardinal (Serge): Merci. Je présume qu'on ne me demande pas de rédaction à pied levé, ce n'est pas l'objectif de l'exercice. Vous avez raison, M. le député, je pense que votre lecture des arrêts de la Cour suprême est la bonne. La Cour suprême nous dit que le régime de droits acquis est un régime complet que le législateur a mis en place. Il s'ensuit qu'effectivement le législateur peut modifier le régime des droits acquis qu'il a mis en place. Je vous dirais qu'il faut certainement le faire avec beaucoup de prudence, on est vraiment dans le droit individuel puis dans les expectatives, parce qu'on parle d'un régime de droits acquis qui a maintenant plus de 20 ans d'existence. Mais est-ce que le législateur peut modifier les règles du jeu en ces matières-là? La réponse, c'est oui. Alors, il faudrait voir, un, l'opportunité; puis deux, la rédaction pour s'assurer qu'on atteint les objectifs que le législateur voudrait atteindre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, je n'ai plus d'autres interventions. J'ai un commentaire cependant avant de faire la conclusion. Je me rends compte qu'on s'est donné un mandat assez difficile aujourd'hui et demain; on va avoir la même difficulté demain. On vous a convoqués dans le cadre d'un mandat de surveillance d'organisme. Vous êtes très familiers avec ce que ça veut dire, vous devez venir devant la commission puis répondre aux questions, etc. On aura la même chose demain avec la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Et, en même temps, on avait eu des demandes concernant cette fameuse problématique de la loi n° 23. On voulait en traiter quand même très, très rapidement, et on s'est aperçu, dans le courant de l'après-midi, qu'on a chevauché beaucoup dans nos questions, et, vous autres, vous vous en êtes tenus beaucoup à rester sur le mandat comme tel. Demain, on analyse, nous, après toutes les audiences, la poursuite des choses. Et, je vous le dis tout de suite, il ne serait pas surprenant que, de toute façon, on vous demande d'aller cette fois-ci dans une réflexion pour nous aider à faire des recommandations au niveau des améliorations à apporter à la loi n° 23. Alors, si on le fait, ça vous donnera du temps nécessaire aussi pour le préparer.

Mais je me permets de faire la mise au point parce que, pour les gens qui nous regardent, pour ceux qui sont ici, on s'aperçoit qu'il y avait deux sujets. Vous autres, vous êtes habitués à répondre, vous étiez dans votre mandat, qu'on fait avec vous autres, donc c'était ça le principal objet. C'était pour ça qu'on vous avait convoqués.

Mais nous, on avait ce matin, on aura tout à l'heure la loi n° 23, on aura demain matin la loi n° 23. Alors, beaucoup de questions sont allées plus sur la loi n° 23 que sur votre travail de commissaires. Je veux juste que tout le monde le sache. Mais, de ce côté-là, je pense qu'on va quand même être capable de se satisfaire de ces réponses-là. Par contre, compte tenu de l'urgence et de l'importance attachées par tout le monde, tous les membres de la commission et le gouvernement, etc., dans son ensemble, sur tout ce qui touche la loi n° 23, demain, nous, on aura à décider si on va plus loin, qui on convoque, etc.

Je viens d'avoir une lettre, une demande de la Fédération québécoise des municipalités pour venir nous rencontrer de la même façon, toujours sur la loi n° 23. Alors, il ne serait pas surprenant que vous soyez reconvoqués, cette fois-ci pour discuter avec nous sur des recommandations possibles.

Je veux vous remercier au nom de tous les membres de la commission, vous souhaiter un bon retour.

Je suspends pour cinq minutes, et nous recevrons la Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole. Je vous remercie, M. Ouimet.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 8)


Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


Auditions (suite)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, tel que déjà mentionné, pour terminer la journée, nous recevons Mme la Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole. Mme Gagné, j'aimerais ça que... j'allais dire: j'aimerais ça que vous nous présentiez la personne qui vous accompagne, mais j'aimerais ça que vous nous présentiez la personne qui se joint à vous à l'instant même. Vous avez 20 minutes pour faire une présentation, et on débutera les échanges après.


Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole

Mme Gagné (Carole): Bonjour, M. le Président, MM. les députés. Il me fait plaisir comme Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole d'être avec vous aujourd'hui. Je vous remercie infiniment d'avoir accepté l'invitation que je vous faisais de me recevoir pour entendre le point de vue du Commissaire sur les difficultés d'application de la loi n° 23.

Comme vous le savez, le Commissaire aux plaintes, c'est l'autre organisme qui exerce en territoire agricole avec la Commission de protection du territoire agricole. Même si les noms de nos deux organismes contiennent tous les deux «protection du territoire agricole», la Commission, elle, protège le territoire comme tel, et le Commissaire aux plaintes protège les activités agricoles. Je n'ai aucune juridiction sur la protection du territoire comme telle.

(17 h 10)

J'ai préparé à votre attention un mémoire que j'ai terminé tout juste ce matin. Alors, malheureusement, j'ai dû vous le remettre un petit peu tard. Le mémoire est divisé en trois parties. La première partie traite d'un bref exposé historique: qu'est-ce que c'est, le Commissaire aux plaintes, comment c'est apparu. Parce que le Commissaire aux plaintes existe depuis 1989, donc existait avant la loi sur le droit de produire, la loi n° 23, mais, par contre, à cette époque-là, le Commissaire aux plaintes avait un mandat qui était tellement restrictif que, à certains moments donnés, on l'avait appelé le Commissaire à la plainte – je ne sais pas si vous vous souvenez de ça. Alors, il y avait deux personnes qui s'étaient succédé au poste.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...

Mme Gagné (Carole): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On est trop jeune.

Mme Gagné (Carole): Ah! O.K. Alors, deux personnes s'étaient succédé, et le poste de Commissaire est resté vacant de 1994 jusqu'à 1997.

En 1997, le gouvernement a réactivé la fonction de Commissaire aux plaintes pour qu'il agisse dès l'entrée en vigueur de la loi n° 23 comme étant un médiateur qui intervient à la demande d'un producteur agricole qui s'estime lésé parce qu'il voudrait pratiquer une activité agricole en territoire agricole et qu'il ne peut pas le faire à cause d'un règlement municipal d'urbanisme ou de nuisance qui serait contraignant pour lui. À ce moment-là, le Commissaire intervient. Il intervient comme étant le premier acteur d'un système de médiation que le législateur a mis en place. Parce que la juridiction du Commissaire aux plaintes, elle s'exerce pendant la période où les MRC ou les communautés urbaines n'ont pas encore adopté leur schéma d'aménagement révisé et que les municipalités locales n'ont pas adapté leur réglementation à ces schémas d'aménagement révisés. Donc, la juridiction du Commissaire aux plaintes va aller jusque-là. Quand les schémas d'aménagement révisés vont avoir été adoptés et que les municipalités vont avoir changé leur réglementation, vont l'avoir adaptée aux schémas d'aménagement révisés, ce sera un système de médiation privée qui va entrer en vigueur et ces médiateurs privés là seront nommés soit par le préfet de la MRC ou par le président de la communauté urbaine.

Il y a déjà au Québec, vous le savez, huit schémas d'aménagement révisés qui sont en vigueur. Par contre, les municipalités n'ont pas terminé d'adapter leur réglementation à ces schémas d'aménagement révisés. Mais vous savez qu'au Québec il y a aussi 96 MRC. Donc, il y en a juste huit sur 96 qui ont adapté le schéma d'aménagement révisé. Il y a même une MRC – messieurs, vous devez être au courant aussi – qui n'a pas encore, même pas un ancien schéma d'aménagement, une MRC qui n'a rien du tout, du tout, à venir jusqu'à date.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame, la bonne nouvelle, c'est que, juste avant la fin de la session, avant les Fêtes, il y a une grande partie du schéma qui a été adoptée par le gouvernement au niveau de toute la question environnementale. Il reste à la ministre des Affaires municipales... Il y a un grand, grand pas de fait.

Mme Gagné (Carole): Bien, tant mieux! Tant mieux!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Parce que je sais de quelle MRC vous parlez, elle est dans mon comté.

Mme Gagné (Carole): Vous savez? Ah bon! C'est bien.

Alors, comme vous pouvez le constater, le mandat du Commissaire aux plaintes et le mandat des médiateurs privés vont être appelés à se chevaucher. Si les présidents des MRC ou les dirigeants des communautés urbaines ne nomment pas de médiateurs privés, ce sera le directeur, qui est prévu à l'article 79.11 de la loi, qui va nommer le médiateur privé qui aura juridiction pour intervenir dans le dossier en question.

Le Commissaire aux plaintes comme le directeur en question relèvent de M. Robert Perreault, qui est le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, pour assurer toute la crédibilité et l'autonomie au processus de médiation mis en place par la loi n° 23. Donc, le rôle du Commissaire aux plaintes est prévu dans la loi n° 23 et, plus précisément, il est prévu à l'article 84 de la loi n° 23. Il n'est pas repris dans la loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, parce que le Commissaire aux plaintes est un organisme intérimaire, comme je vous le disais tout à l'heure. Alors, avec le temps, ce seront les médiateurs privés qui vont avoir juridiction dans les conflits entre les producteurs et les municipalités.

Le Commissaire aux plaintes est un organisme formé de la commissaire aux plaintes, qui existe... qui a été réactivé depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 23, le 1er juillet 1997, et, depuis la fin de novembre, il jouit des services d'un professionnel qui est prêté par le ministère de l'Agriculture. Donc, l'organisme est formé de la Commissaire plus le professionnel en question. Par contre, la loi prévoit que le Commissaire peut demander l'expertise du personnel du ministère de l'Agriculture, du personnel du ministère de l'Environnement, des Ressources naturelles ou des Affaires municipales, qui est désigné par les ministres responsables de chacun de ces ministères-là, pour aider le Commissaire aux plaintes à exercer sa juridiction.

Comme le Commissaire aux plaintes est un médiateur, le Commissaire aux plaintes n'a aucun rôle décisionnel. Première des choses, quand je reçois une plainte, j'en avise la municipalité, j'en avise la MRC. Naturellement, la municipalité – c'est une médiation – n'a pas l'obligation de participer à cette médiation-là. Bon, elle peut participer aussi du bout des doigts, du bout des lèvres aussi. Et, malheureusement, dans plusieurs médiations qu'a faites le Commissaire aux plaintes, le Commissaire n'a pas réussi à rapprocher les parties de façon telle qu'il y ait un règlement complet du différend. Alors, à ce moment-là, la loi prévoit que le Commissaire aux plaintes écrit un rapport et fait des recommandations, ce qui est expédié à la municipalité, et la municipalité a 60 jours pour donner suite à ce rapport et à ces recommandations. Malheureusement, le Commissaire aux plaintes n'a aucune compétence pour obliger la municipalité à donner suite, c'est-à-dire à répondre au Commissaire, à savoir: Est-ce que vous allez donner suite ou pas et, si vous ne donnez pas suite, pour quelle raison? Le Commissaire n'a aucune compétence pour forcer la municipalité à remplir son obligation.

En deuxième partie de mon mémoire, je vous ai fait une espèce de bilan des activités du Commissaire aux plaintes depuis juillet 1997 pour vous montrer un petit peu qu'est-ce que ça fait, ça, le Commissaire aux plaintes. Vous avez entendu la Commission de protection du territoire agricole. Quelquefois, déjà, elle est venue devant vous, mais, comme le Commissaire aux plaintes, c'est la première fois, je me suis dit que peut-être vous seriez intéressés de savoir qu'est-ce que je fais au juste.

Alors, une grosse partie de mon travail, c'est le volet information, c'est-à-dire que les gens s'adressent à moi pour savoir c'est quoi, ça, la loi n° 23, c'est quoi que ça change, nous, dans nos vies. Alors, c'est des producteurs agricoles, ça peut être des inspecteurs municipaux, ça peut être des municipalités, un conseil municipal qui veut rencontrer le Commissaire aux plaintes puis se faire expliquer c'est quoi au juste, la loi n° 23, puis qu'est-ce que ça a changé, dans la Loi sur la protection du territoire, des activités agricoles. À ce moment-là, ça me fait plaisir de rencontrer toute personne qui intervient en territoire agricole pour lui expliquer mon rôle, la réglementation qui est en vigueur en territoire agricole, la loi n° 23 ou toute disposition réglementaire de nature environnementale.

Et j'ai tenu, depuis le début de mon mandat... Quand je dis «j'ai», je parle aussi au nom de mon prédécesseur, Me Normand Boucher, que je remplace depuis 18 mois à peu près. Alors, nous avons tenu 28 rencontres d'information. Nous avons rencontré environ 1 300 personnes. Nous avons préparé des pochettes d'information pour ces gens-là et nous leur avons donné toute l'information qu'ils désiraient, fait des conférences sur les sujets qui les préoccupaient.

De plus, depuis juillet 1997, on a répondu à à peu près 1 800 appels téléphoniques. Les appels téléphoniques, naturellement, en grande partie nous sont logés par des producteurs agricoles qui s'adressent à nous pour savoir, bon, c'est quoi, les nouveaux règlements municipaux qui peuvent être adoptés en zone agricole; c'est quoi, les normes de distance de la réglementation prévue en matière environnementale; c'est quoi, la réciprocité; c'est quoi, le rôle du Commissaire; comment on fait une plainte; à quoi ça sert de faire une plainte; qui va être informé de ça; et c'est quoi, le suivi aussi qui peut être fait à une plainte.

Le volet traitement des plaintes, alors, c'est mon mandat formel. Ce qui a priorité pour moi, c'est de traiter les plaintes qu'on me soumet. Depuis que les activités du Commissaire ont été réactivées, le Commissaire a traité environ une cinquantaine de plaintes. Pour assurer la plus grande transparence possible au traitement de ces plaintes-là, il y a eu un processus de traitement des plaintes qui a été élaboré qui tient compte des intérêts des parties, c'est-à-dire, notamment dans le processus de traitement des plaintes, étant donné que j'envoie une copie de la plainte à la municipalité et à la MRC pour avoir leur point de vue sur le différend qui existe, bien, j'envoie aussi une copie de la plainte à l'UPA pour avoir le point de vue d'un autre membre, si vous voulez, du groupement agricole, étant donné que, du côté municipal, il y a deux intervenants puis que l'UPA aussi est reconnue pour intervenir devant la Commission de protection du territoire agricole. Alors, pour faire l'équité, si vous voulez, entre les parties, mon processus de traitement des plaintes tient lieu aussi pour aviser l'UPA.

(17 h 20)

Vous comprenez que, si je suis au téléphone, ou si je traite des plaintes, ou si je vais faire des séances d'information, bien, je ne suis pas au bureau. J'ai lu les débats de la commission parlementaire quand la loi n° 23 a été adoptée, et, à ce moment-là, les députés s'interrogeaient: Ça va être quoi, un délai raisonnable pour le Commissaire aux plaintes? et tout ça. Je dois vous aviser malheureusement que plus le temps passe, étant donné le peu de ressources qui est à ma disposition, malheureusement, le délai de traitement des plaintes est de plus en plus long – de plus en plus long.

Le troisième volet de mes activités, c'est les interventions préventives, que j'appelle. Les interventions préventives, c'est quoi? C'est qu'au lieu d'attendre d'avoir une plainte pour intervenir dans un dossier, souvent, les gens me soumettent des projets de règlements municipaux qui, peut-être, pourraient être contraignants pour l'agriculture. Alors, on me soumet le projet de règlement, on me dit: Écoutez, Commissaire, qu'est-ce que vous en pensez? Notre but, c'est ça, ça, ça; pour arriver à notre but, comment on pourrait faire? Alors, je rencontre à ce moment-là les conseils municipaux puis je leur explique, avec la réglementation en vigueur puis avec la loi n° 23, s'il n'y aurait pas moyen qu'ils atteignent les mêmes objectifs qu'ils ont, mais en étant moins contraignants pour l'agriculture.

Sur une base préventive, le Commissaire aux plaintes a traité, à venir jusqu'à date, une quarantaine de dossiers. Quand je vous dis «une quarantaine de dossiers», par exemple, il faut faire attention. Je vais vous donner un exemple. Demain, je rencontre la Table des maires d'une MRC, alors je rencontre 22 maires, parce qu'il y a une problématique spéciale dans cette MRC là. Alors, pour le Commissaire aux plaintes, quand on parle d'un dossier, c'est un dossier, mais, je veux dire, dans le dossier, il peut y avoir plusieurs gestes qui sont posés par le Commissaire aux plaintes.

La troisième partie de mon mémoire, je vais vous dire, c'est la plus importante pour vous probablement, c'est les observations et mes constats par rapport à la loi n° 23. Alors, avant le 20 juillet 1997, le territoire agricole québécois était caractérisé par l'application simultanée de deux régimes juridiques. Le premier, sous le contrôle de la Commission de protection du territoire agricole, visait à protéger la ressource sol. Le second, sous l'administration des instances municipales, portait sur l'usage qui pouvait être fait de ce territoire. La coexistence de ces deux régimes a d'ailleurs donné lieu à des interventions municipales de nature réglementaire qui sont venues limiter la pratique d'activités agricoles. En raison notamment de la problématique des odeurs découlant de la pratique de l'agriculture, les instances municipales ont mis en place des règlements municipaux de plus en plus contraignants pour le secteur agricole. Les mesures de limitation mises en place par ces règlements sont notamment les suivantes – alors je vous donne des exemples.

La création en territoire agricole de zones de production. Alors, on vous en a déjà parlé, d'autres intervenants vous en ont parlé, des zones de production. Malheureusement, souvent, je le constate lors du traitement de mes plaintes, ces zones de production là sont situées dans des secteurs où c'est pratiquement impossible de pratiquer l'agriculture. Je vais vous donner un exemple. Je suis intervenue dans un dossier où la zone de production porcine était le long du fleuve Saint-Laurent, dans la zone 0-20 ans. Alors, c'est bien beau qu'elle soit là, la zone de production porcine, sauf que le ministère de l'Environnement, qui doit émettre un certificat d'autorisation, n'émettra jamais un certificat d'autorisation pour une entreprise porcine dans une zone d'inondation de 0-20 ans. Alors, la municipalité dit: Oui, on peut faire du porc sur mon territoire. Oui mais, d'un autre côté, le gouvernement ne l'approuvera jamais.

Un autre exemple de réglementation qui est contraignante, c'est la stipulation d'une norme fixant un nombre maximal d'animaux pour une production quelconque ou encore fixant une superficie maximale pour les bâtiments d'élevage. Alors, le nombre d'unités animales qui est prévu dans le règlement est tellement petit que, si un producteur s'installe avec ce nombre d'unités animales là, il n'aura jamais une production rentable ou viable. Alors, ça décourage toute production, à ce moment-là, la stipulation, à l'intérieur des règlements municipaux, d'exigences à portée environnementale qui sont beaucoup plus sévères que ce qui est prévu dans les normes du ministère de l'Environnement.

La majorité des plaintes soumises au Commissaire aux plaintes, naturellement, vont toucher le secteur de la production porcine. Je vous en ai parlé un petit peu. Après avoir discuté avec les maires, les élus municipaux manifestent ouvertement, avec ou sans raison, une crainte évidente à l'égard de l'absence d'intervention du ministère de l'Environnement dans ses responsabilités de contrôle dans l'application du Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. Les élus disent: Écoutez, nous, on pense qu'ils ne feront pas leur travail, alors c'est pour ça qu'on est obligés de mettre des mesures plus contraignantes. Ces craintes font donc en sorte que les municipalités préfèrent mettre en place des mesures dissuasives pour les projets agricoles à haut risque environnemental, comme les projets de porcherie, parce qu'elles ont l'assurance que le ministère de l'Environnement interviendra s'il y a abus de la part du producteur agricole dans l'opération de son exploitation agricole. Enfin, les élus municipaux déplorent régulièrement que les nouvelles technologies promises, qui doivent maximiser les chances de réussite d'une cohabitation harmonieuse, ne connaissent pas les développements plus rapides que ça.

Vous savez, d'un côté, l'UPA croit beaucoup au Commissaire aux plaintes. D'un autre côté, les municipalités trouvent que le Commissaire aux plaintes a pris beaucoup trop de place – ce n'est pas ça qu'on avait prévu, puis là il est très occupé. Et l'UPA demande un pouvoir d'arbitrage obligatoire pour le Commissaire aux plaintes. Les municipalités demandent que le Commissaire aux plaintes disparaisse.

Après réflexion, je vais vous dire ce que le Commissaire aux plaintes en pense. Vous savez, je suis juriste et je regarde ça aller dans le monde de la justice actuellement. Vous savez, le ministère de la Justice encourage fortement la médiation. On encourage toutes les méthodes qui sont alternatives au processus judiciaire, actuellement. Je crois que le Commissaire aux plaintes est un objet mis à la disposition des municipalités et des producteurs agricoles qui serait fort intéressant pour eux, mais il faut donner des ressources au Commissaire aux plaintes. C'est sûr qu'actuellement, avec les ressources financières et humaines qui sont à ma disposition, c'est très difficile de remplir mon mandat d'une façon très fondée, très recherchée, je n'ai pas toujours le temps de faire toutes les recherches de jurisprudence, etc., dont j'ai besoin.

En terminant, mes recommandations à votre commission. Alors, le mandat du Commissaire aux plaintes se termine le 20 juin de l'an 2000, parce qu'à l'origine la période intérimaire avait été prévue par le législateur: trois ans. On pensait qu'au bout de trois ans à peu près tous les schémas d'aménagement révisés seraient adoptés et que la réglementation municipale serait révisée aussi. Malheureusement, ce n'est pas le cas, huit MRC seulement sur 96 ont terminé leur exercice. Alors, je recommande à la commission la reconduction du mandat du Commissaire aux plaintes pour une période minimale de cinq ans.

Je recommande à la commission aussi d'assurer au Commissaire aux plaintes des ressources humaines et financières suffisantes pour accomplir son mandat. C'est sûr que le gouvernement a été fort sage en donnant peu de ressources au Commissaire aux plaintes, parce que ça avait déjà été le Commissaire à la plainte. Je pense qu'actuellement le Commissaire aux plaintes a fait ses preuves comme quoi il peut être un organisme qui va être fort utile pour le monde agricole et le monde municipal. Alors, il faudrait que les ressources suivent à ce moment-ci.

Je recommande aussi à la commission de nommer le Commissaire aux plaintes, pour la durée de son mandat, directeur pour l'application des articles 79.3 à 79.16 de la Loi sur la protection du territoire agricole. Comme je vous ai dit tout à l'heure, le système de médiation privé, les médiateurs privés vont être nommés par les gens des MRC ou des communautés urbaines, mais, s'ils ne le font pas, c'est le gouvernement qui va les nommer par le biais du directeur. Alors, tant que le Commissaire aux plaintes va exister, je recommanderais, moi, que le Commissaire aux plaintes soit aussi directeur, pour éviter qu'il y ait deux systèmes de médiation qui s'installent puis qu'ils n'aillent pas tous les deux dans le même sens ou qu'ils ne développent pas tous les deux un même genre de jurisprudence. Alors, je vous remercie de m'avoir entendue.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, madame. Je rappelle simplement aux membres de la commission que, cette fois-ci, c'est 20 minutes de chaque côté seulement. Alors, on va essayer d'être assez expéditif dans les questions et les réponses. M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi de M. le député de Richmond.

M. Dion: Merci, M. le Président. Mme la Commissaire, je vous remercie d'avoir accepté de venir nous rencontrer aujourd'hui, je pense que c'est très important pour nous. Même si ça ne fait pas longtemps que l'institution fonctionne, que vous êtes en fonction, je pense que d'avoir une idée d'un certain bilan qu'on peut faire après un bout de temps, ça peut nous aider à voir pour l'orientation des choses à venir.

(17 h 30)

J'ai une toute petite question – avant de poser ma question principale – qui est: Sur le bilan que vous nous présentez, vous avez un tableau, à la fin de votre document de présentation, dans lequel vous nous dites que les demandes de renseignements... en 1998-1999, vous avez eu 800 demandes de renseignements, ensuite interventions préventives, et tout ça, et vous dites ensuite que vous avez eu... J'essaie de faire la coordination entre ce que vous avez dans votre tableau et ce que vous dites à la page 4: 28 rencontres, 1 800 appels téléphoniques, et tout ça. Comment doit-on interpréter la relation entre les deux chiffres?

Mme Gagné (Carole): O.K. C'est que, quand je dis 1 800 appels téléphoniques, si vous voulez, c'est de juillet jusqu'à date. Mon tableau, si vous remarquez, il se termine en avril 1999 parce que je n'ai pas eu le temps de compiler comme tel. Ça, c'est les renseignements qui avaient été compilés pour les commissions sur les crédits. Alors, c'est ça que je vous ai mis dans un tableau, ici. Mais ça se termine pour l'année financière 1998-1999. Mais, à venir jusqu'à date, c'est les renseignements que vous avez à même le corps du texte que vous avez devant vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'on doit comprendre que vous avez beaucoup plus de demandes de renseignements en huit mois qu'en une année complète?

Mme Gagné (Carole): Bien, qu'est-ce qui est arrivé, c'est que j'ai eu des dossiers... je vais vous dire, beaucoup de mes dossiers sont des dossiers qui vont dans les journaux. Alors, de plus en plus, des groupes de citoyens s'adressent à moi, disent: Bon, écoutez, là, chez nous, on n'en veut pas de porcherie, Commissaire, on n'en veut pas de porcherie. C'est quoi que vous venez faire dans le dossier, etc.? Bon. Et alors, je peux avoir, genre, 200 appels pour un même dossier, ce qui est assez relativement récent, là.

M. Dion: Disons qu'une partie très importante de votre temps est consacrée à répondre à des appels téléphoniques de gens qui ont lu un article dans le journal concernant votre institution.

Mme Gagné (Carole): Oui. Ou encore je vous dirais qu'ils n'entendent pas tellement parler de moi par les journaux parce que, Commissaire, on n'est pas vraiment très présent dans les journaux. C'est plutôt lors d'assemblées d'information où je me suis rendue où là les gens... la personne en a parlé à son voisin qui en a parlé à son voisin et en rencontrant aussi des gens des CCA, et tout ça. C'est du bouche à oreille, c'est comme ça que le Commissaire aux plaintes se fait connaître plus que par les journaux, je croirais. Parce que le Commissaire aux plaintes n'a pas eu une très grosse couverture de presse, à venir jusqu'à date.

M. Dion: Oui. Cette institution-là du Commissaire aux plaintes a été introduite dans la loi en 1989, si je me souviens bien...

Mme Gagné (Carole): Oui, c'est bien ça.

M. Dion: ...mais reconduite en 1997. C'est ça.

Mme Gagné (Carole): Réactivée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...1994 et 1997.

Mme Gagné (Carole): C'est ça. Réactivée, oui.

M. Dion: Probablement parce qu'il y avait relativement peu de plaintes aussi à l'époque. Et pourquoi il n'y en avait pas? C'est des questions qu'on pourrait se poser.

Mme Gagné (Carole): C'était que la loi restreignait d'une façon tellement importante le mandat du Commissaire aux plaintes. C'est là où je vous ai dit qu'on avait appelé le commissaire le «Commissaire à la plainte» et que, bon, certains rapports recommandaient l'abolition du Commissaire aux plaintes parce que ça ne servait à rien.

M. Dion: Mais ça n'a pas été aboli.

Mme Gagné (Carole): Non. La fonction est restée vide, c'était une coquille vide, si vous voulez. Et un Commissaire a été nommé quand on a mis en vigueur la loi n° 23.

M. Dion: La loi n° 23, c'est ça. Alors, évidemment, nous autres, la question qu'on se pose, c'est: À partir du travail concret que vous faites, dans quelle mesure l'institution du Commissaire aux plaintes permet de régler les problèmes qu'on avait voulu régler à l'origine? Ce que vous nous dites, à la fin, c'est que vous avez eu environ, pendant l'année, des interventions préventives mais des dossiers, des plaintes, 18, des plaintes jugées recevables 18, mais des enquêtes 29. Bon. Le nombre total n'est relativement pas très considérable. Mais je ne sais pas comment l'évaluer. Et je ne sais pas non plus comment évaluer le fait qu'il y a eu 29 enquêtes, alors qu'il y a eu 18 plaintes.

Mme Gagné (Carole): O.K. C'est parce que les enquêtes, ça couvre non seulement le traitement des plaintes, mais aussi les interventions préventives. Parce que, naturellement, avant que j'intervienne, je vérifie voir s'il y a vraiment lieu que j'intervienne dans les dossiers, alors je fais une certaine enquête, si vous voulez. Et comment évaluer ce que fait le Commissaire aux plaintes?

C'est vrai que le nombre est petit, comme vous dites. Mais, écoutez, le Commissaire aux plaintes qui étudie un projet de règlement, supposons, de la ville de Québec, qui est applicable en territoire agricole, c'est sûr que c'est un dossier sur 18 dossiers, mais vous savez que le territoire agricole de la ville de Québec, il est tellement petit que c'est comme une perle pour la ville. Alors, quand il rapetisse, bien, c'est fini, après, hein. Ça dépend comment vous voyez l'agriculture.

M. Dion: Mais êtes-vous capable de m'expliquer comment il se fait que – parce que je n'ai pas compris votre réponse tout à l'heure – il y a 18 plaintes, mais il y a 29 enquêtes? Alors, normalement, la perception que j'avais, c'est que l'enquête commence au moment où il y a une plainte.

Mme Gagné (Carole): Une plainte ou une demande d'intervention préventive. L'intervention préventive, monsieur, je vous dirais que je la fais aussi... des fois, je la fais de moi-même. Je lis le journal puis je m'aperçois: bon, une telle ville est en train d'élaborer un règlement sur du zonage de production. Parce que vous savez que maintenant, les villes, elles n'ont plus seulement l'industrie porcine, ce n'est plus juste du zonage de production porcine. Les villes maintenant zonent les fermes à forte charge d'odeur, et ça dépasse l'industrie porcine.

Alors, quand je vois des choses comme ça, bien, de moi-même, des fois, je rencontre les élus municipaux pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce que vous recherchez, au juste? Êtes-vous au courant que le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole prévoit telle, telle chose dans le cas des fermes d'élevage d'animaux puis, dans le cas des porcs, bien, c'est ça, les distances? Puis des choses comme ça. Je leur explique.

Parce que, vous savez, les élus municipaux, les grosses villes, là, elles, elles sont équipées. Ils ont des contentieux, ils ont des recherchistes, ils ont des inspecteurs qui travaillent à temps plein pour eux. Mais les petites villes qui ont un inspecteur qui travaille une demi-journée pour elles ne le savent pas nécessairement qu'il y a le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole qui est là, qui prévoit telle, telle chose. Alors, peut-être que ces gens-là, ils ont peur, puis ils ne sont pas informés. Alors, le Commissaire aux plaintes considère que ça fait partie aussi de ses fonctions de les informer. Parce que à quoi ça sert d'attendre qu'il y ait une plainte, que la problématique soit là, que les gens soient vraiment confrontés et agressifs, alors que, si le Commissaire intervient à titre préventif, bien, il n'y en a pas encore de problème? Et souvent, bien, justement, on évite qu'il y en ait des problèmes. En tout cas, je trouvais que ça faisait partie du mandat du Commissaire aux plaintes, et c'est pour ça que j'en fais.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Dion: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Richmond, suivi de M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Vallières: Oui. Alors, bienvenue, Mme Gagné. D'abord, je vous remercie d'avoir demandé à la commission d'être entendue. Je pense que ça nous permet de mieux connaître votre organisme, une structure très légère, faut-il le mentionner. Mais c'est intéressant compte tenu qu'à l'intérieur de certaines dispositions de la loi n° 23 il y a un questionnement. Donc, ça tombe bien de pouvoir échanger avec vous sur quel pourrait être le rôle aussi de la Commissaire aux plaintes, éventuellement.

On constate déjà, à avoir entendu quelques gens, que certains souhaitent un travail accru ou des responsabilités accrues à votre organisme, d'autres, carrément, en ont peur et d'autres, carrément, aimeraient voir sa disparition probablement, comme vous le disiez tantôt. J'aimerais, sur ce sujet, vous poser une question en particulier puisque l'ancienne UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, maintenant la Fédération des municipalités du Québec, a demandé au ministre de l'Agriculture de s'assurer que la Commissaire aux plaintes respectera le mandat qui lui est confiée par la loi et qu'elle n'interviendra pas sur un règlement municipal en cours d'adoption. Cette mise en garde, dans le fond, cette demande qui est faite au ministre de l'Agriculture, est-ce que vous pouvez nous indiquer pourquoi elle se fait? Est-ce que ça veut signifier que vous ou votre prédécesseur seriez intervenus fréquemment, à l'intérieur de vos responsabilités, sur l'application ou la contestation de certains règlements municipaux ou encore de projets de règlements municipaux? J'aimerais pouvoir vous entendre là-dessus.

Mme Gagné (Carole): Comme je vous le disais tout à l'heure, effectivement, le Commissaire aux plaintes intervient pour offrir ses services lors de l'élaboration de certains projets de règlements municipaux. J'interviens, comme je vous disais tout à l'heure, soit de moi-même soit à la demande. C'est curieux que ça vienne des municipalités, parce que souvent certaines municipalités, d'elles-mêmes, s'adressent au Commissaire et me soumettent leur réglementation municipale.

(17 h 40)

Si j'interviens de moi-même ou si quelqu'un me demande d'intervenir, d'une manière ou d'une autre, je communique avec le conseil municipal pour lui offrir de le rencontrer. Mais, vous savez, si le conseil refuse de me rencontrer... Et je ne force la porte de personne, là. Moi, j'offre mes services, j'offre de donner l'information que j'ai, de partager l'expertise que j'ai acquise au fil du temps que je suis en poste, mais, si les gens n'en veulent pas, alors ils me le disent: Non, on refuse de vous rencontrer, c'est tout.

M. Vallières: Si un ou des agriculteurs sollicitent votre intervention à titre conseil parce que, eux autres, ils estimeraient que le règlement vient à l'encontre de leurs intérêts à l'intérieur d'un territoire agricole, là vous êtes sollicitée en vertu du mandat et des responsabilités qui vous sont donnés, et, que la municipalité le veuille ou non, j'imagine que, là, vous conseillez ou vous intervenez en faveur du producteur agricole?

Mme Gagné (Carole): Supposons un cas X, justement, un monsieur qui me demande d'intervenir parce qu'il va se faire du zonage de production par son conseil municipal très bientôt. Il m'envoie une copie du règlement puis il me demande d'intervenir. Je vais étudier le règlement, je vais regarder, puis je vais communiquer avec la ville pour lui dire: Écoutez, j'ai reçu une copie de votre règlement, seriez-vous intéressés à me rencontrer en séance privée pour que je vous explique c'est quoi, la réglementation en vigueur actuellement en territoire agricole, c'est quoi, les normes de distance séparatrice, etc., c'est quoi, la loi n° 23?

Si le conseil me dit: Non, on ne veut rien savoir, on ne veut pas vous rencontrer – c'est arrivé et ça peut arriver encore – à ce moment-là, je dis: Bon, bien, c'est très bien, je vais vous faire part de mes observations par écrit. Et j'envoie une lettre au secrétaire-trésorier de la municipalité en lui disant: Écoutez, j'ai pris connaissance de votre réglementation et telle, telle chose. C'est comme ça. Mais ce n'est pas plus que ça.

M. Vallières: Alors, c'est ça. Alors, ça explique peut-être la perception de menace un peu que vous représentez. Mais ça semble être ça, quand on lit certains documents. On aura l'occasion de rencontrer ces gens pour qu'ils nous expliquent en quoi votre organisme est menaçant pour le monde agricole, pour le monde municipal. Pardon?

Mme Gagné (Carole): Et, vous savez, je suis médiateur, j'essaie d'être la moins menaçante possible. Mais j'ai une expertise, et, bon, je fais partie de la fonction publique, et j'ai été nommée par le gouvernement pour une fonction, puis j'ai acquis, c'est ça, certaines compétences, et, bon, tant mieux si je peux prévenir des problématiques. Parce que, si je n'interviens pas au moment où le règlement n'est pas encore adopté et que le conseil l'adopte, ce fameux règlement là, puis là, bien, il y a un producteur qui veut exercer des activités agricoles en zone agricole, puis là il me fait une plainte parce qu'il voulait les exercer puis le règlement l'empêche... M. Vallières, qu'est-ce que vous préférez, que je le fasse avant ou après? Je me disais, bien, écoutez, peut-être, les gens, justement, ils sont moins aguerris, si on intervient à titre préventif...

M. Vallières: Sur un autre sujet, à l'intérieur de votre mémoire, vous dites en page 7 que «de surcroît, les élus municipaux manifestent ouvertement, avec ou sans raison, une crainte évidente à l'égard de l'absence d'intervention du ministère de l'Environnement dans ses responsabilités de contrôle relativement à l'application du Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole». Êtes-vous en train de nous dire que le ministère de l'Environnement ne fait pas sa job?

Mme Gagné (Carole): Non, ce n'est pas du tout ça que je vous dis.

M. Vallières: Non? Bon, alors, j'aimerais que vous nous expliquiez ça.

Mme Gagné (Carole): Je vous dis que, tout simplement, c'est que, vous savez, les élus municipaux, ils ont peur. On me dit: Écoutez, tout à coup qu'il y a quelqu'un qui fait un acte illégal en pleine nuit, une fin de semaine, puis que tout le monde au ministère de l'Environnement est en vacances. C'est des choses comme ça. Alors, ils se disent: Bon, bien, écoutez, nous, on se donne des dents dans notre réglementation municipale pour avoir le pouvoir d'intervenir nous-mêmes. C'est un petit peu ça que les élus me disent. Parce que les élus me disent: Écoutez, on a peur que, s'il se passe quelque chose, le ministère de l'Environnement ne soit pas là, ne soit pas disponible, alors mieux vaut prévenir que guérir.

M. Vallières: Mais, un peu plus loin, vous dites que, s'il y a abus de la part d'un producteur agricole dans l'opération de son exploitation agricole, compte tenu que les municipalités n'ont pas l'assurance que le MENVIQ va intervenir, elles procèdent plutôt avec des mesures dissuasives pour les projets agricoles comme, par exemple, dans le secteur porcin.

Mme Gagné (Carole): C'est ça, oui.

M. Vallières: Ça, c'est sérieux. Si, à un moment donné, l'expansion de la production porcine doit être limitée parce qu'on ne peut pas compter sur les interventions requises de la part du ministère de l'Environnement, nous, en tout cas, moi, comme législateur, ça m'intéresse de le savoir, puisqu'à un moment donné on a l'occasion de les rencontrer pour leur demander de s'expliquer.

Mme Gagné (Carole): Moi, je vous dirais... Je vous rapporte ce qu'on m'a dit. O.K.? Je vous ai fait état de mes constatations, de ce que les gens me disent. Quand je leur dit: Écoutez, la réglementation sur la réduction de la pollution d'origine agricole, elle est là, elle dit ça, alors pourquoi ça ne vous convient pas? les gens me disent: Bien, écoutez, c'est parce qu'on a peur. C'est ce que les gens me disent, et c'est ce que je vous dis dans mon rapport. O.K.?

M. Vallières: Est-ce que vous étiez là, Mme Gagné, lors des discussions sur l'adoption du projet de loi n° 23?

Mme Gagné (Carole): Non.

M. Vallières: Non, O.K. Je me questionnais, parce que le rôle comme tel du Commissaire aux plaintes, de mémoire, je vais le vérifier, je n'ai pas le document avec moi, mais il me semble que l'avant-projet de loi contenait une disposition qui prévoyait des responsabilités assez précises pour le Commissaire aux plaintes.

Mme Gagné (Carole): C'était un pouvoir d'arbitrage, je crois, à l'époque, qui était prévu pour le Commissaire.

M. Vallières: Bon. Ce fut retiré à l'intérieur... Je pense, quand le projet de loi a été déposé, cette disposition-là n'apparaissait plus. Alors, il faudrait peut-être voir. Parce que, là, aujourd'hui certains nous disent, nous proposent maintenant de revenir avec une pareille disposition. Il faudrait peut-être voir quels sont les arguments qui ont été à la base du retrait pour voir aujourd'hui comment il se fait qu'on nous demande maintenant – en tout cas, certains semblent le demander – qu'on puisse faire en sorte que vos responsabilités soient élargies. Ici, ce n'est pas «peut élargir», c'est quand même, s'il y avait décision de donner un pouvoir d'arbitrage obligatoire en cas de litige entre le monde municipal et certains projets dans les MRC en particulier, une responsabilité qui devient importante, là. Alors, vous autres, face à ce pouvoir-là, vous avez un intérêt, ça vous intéresse de pouvoir jouer cette responsabilité.

Mme Gagné (Carole): Vous savez, il y a un organisme au gouvernement qui s'appelle le Commissaire de la construction, qui fait de l'arbitrage, et c'est un arbitrage qui, je pense, pourrait être intéressant. Je vais vous dire, je n'ai pas eu la disponibilité de me pencher à fond sur la question, mais, quand l'UPA a fait ces recommandations-là... Le Commissaire de l'industrie de la construction, on peut lui faire des référés préventifs, c'est-à-dire que c'est un arbitre, mais on y va, devant le Commissaire de la construction, si on décide de ne pas aller devant le tribunal. Alors, ça peut être une voie qui serait intéressante pour le Commissaire aux plaintes en matière de protection du territoire agricole. En tout cas, ça serait une option, selon moi, à être étudiée sérieusement.

M. Vallières: Merci.

Mme Gagné (Carole): Parce que ce n'est pas tout à fait obligatoire, c'est comme alternatif à un recours judiciaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin: Oui. Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris, madame, votre rôle, c'est un rôle de médiation?

Mme Gagné (Carole): C'est bien ça.

M. Morin: J'ai un peu de difficultés à vous suivre quand vous dites aussi que vous donnez des conseils. Est-ce que vous vous sentez habilitée à donner des conseils aux municipalités? Autrement dit, quand vous recevez une plainte...

Mme Gagné (Carole): Oui.

M. Morin: Vous êtes Commissaire aux plaintes?

Mme Gagné (Carole): Oui.

M. Morin: Mais j'ai de la misère à comprendre quel est votre rôle par rapport à de l'information que vous donnez.

Mme Gagné (Carole): O.K.

M. Morin: Un commissaire aux plaintes, normalement, selon moi, reçoit la plainte puis la traite. Ne serait-il pas mieux, d'après moi, que ce soit un rôle d'arbitrage envers les municipalités qui abusent et non pas aller donner de l'information? Je ne sais pas, là, mais il me semble que c'est plus dans votre rôle de traiter les plaintes ou de faire de la médiation.

Mme Gagné (Carole): La loi n° 23 prévoit que le Commissaire aux plaintes fait une médiation. Mais, s'il ne réussit pas à rapprocher les parties, il fait un rapport et des recommandations. Et, quand il essaie de rapprocher les parties, il doit le faire dans le sens des orientations gouvernementales applicables en territoire agricole et dans le sens aussi de la loi qui existe et de la réglementation en vigueur. Quand le Commissaire aux plaintes fait des recommandations, c'est parce que c'est la loi qui lui permet de faire des recommandations. Quand le Commissaire aux plaintes fait des interventions préventives, il fait de l'information, c'est-à-dire, il dit aux municipalités: Écoutez, il existe ça, ça, ça; il existe ça, ça, ça.

M. Morin: Mais ça, c'est votre rôle qui vous per-met ça. Mais le rôle de votre bras droit ou adjoint, quel est-il, le rôle, depuis qu'il l'exerce?

Mme Gagné (Carole): O.K. Alors, j'ai un...

(17 h 50)

M. Morin: Autrement dit, qu'est-ce qu'il fait depuis qu'il a été nommé là?

Mme Gagné (Carole): O.K. J'ai le plaisir d'avoir un adjoint depuis la fin novembre seulement. Alors, il y a eu les vacances des fêtes. Alors, je peux dire que ça fait trois semaines, à peu près, que j'ai un adjoint. Puis j'espère qu'il va m'aider, qu'il va me donner beaucoup de soutien dans les recherches pour le traitement de mes dossiers. Naturellement, mon adjoint, ce n'est pas un commissaire aux plaintes, alors il ne pourra pas faire de médiation à ma place, si c'est ce que vous voulez savoir.

M. Morin: Bien, peut-être que cette personne-là pourrait faire de l'information, comme vous en faites.

Mme Gagné (Carole): De l'information?

M. Morin: Bien, quand vous répondez au téléphone...

Mme Gagné (Carole): Oui. Oui, c'est...

M. Morin: ...vous dites que vous donnez de l'information. Mais, à ce moment-là...

Mme Gagné (Carole): Je vais tenir compte de vos...

M. Morin: ...vous ne pouvez pas traiter une plainte, faire les deux en même temps, de l'information et traiter une plainte.

Mme Gagné (Carole): Oui, c'est certain que, écoutez, il va faire de l'information quand le Commissaire aux plaintes va être sur la route, c'est sûr. J'ai l'intention de lui donner le plus de travail possible. Il ne chômera pas.

M. Morin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: Bien, juste une question: Vous êtes combien qui travaillez ensemble dans votre équipe?

Mme Gagné (Carole): Alors, mon équipe était constituée, jusqu'à la fin de novembre, de moi-même. Alors, je suis toute seule, c'est-à-dire que je fais le traitement de mes dossiers à partir de l'appel téléphonique jusqu'à la dactylographie de mes dossiers.

M. Chenail: Est-ce que c'est une job à plein temps?

Mme Gagné (Carole): Je suis toute seule pour la province de Québec. Alors, oui, à venir jusqu'à date, c'est une job à temps plein.

M. Chenail: Mais est-ce que c'est une job à plein temps puis que vous n'avez aucun pouvoir?

Mme Gagné (Carole): Bien, je suis médiateur. Vous savez, un médiateur, c'est de rapprocher les parties. Alors, mon pouvoir, le seul pouvoir que j'ai, c'est de rapprocher les parties; si je ne réussis pas à trouver un terrain d'entente, faire un rapport et des recommandations.

M. Chenail: Bien, vous nous dites que, bon, un conseil municipal, vous leur dites: Je veux vous rencontrer, puis ils disent: Non, on ne veut rien savoir, puis ça arrête là, même si vous êtes nommée Commissaire aux plaintes.

Mme Gagné (Carole): C'est bien ça.

M. Chenail: Donc, en fait, vous êtes là, mais vous n'avez aucune responsabilité ou mandat officiel ou... je ne sais pas, moi, là. Ça a l'air vague. Quand on regarde tout ça, on se demande, on se dit: Peut-être, je ne sais pas, je pense que peut-être ça va arriver, mais ça n'arrivera pas. Ça fait que, finalement, bien, on ne sait plus où on s'en va. C'est un peu l'impression que ça donne.

Mme Gagné (Carole): Oui, mais c'est ça, monsieur, un médiateur.

M. Chenail: Mais Commissaire aux plaintes, c'est ça?

Mme Gagné (Carole): Commissaire...

M. Chenail: On va oublier médiateur, parce que votre titre, c'est Commissaire aux plaintes.

M. Gagné (Carole): O.K. Alors, pour comprendre... parce que je ne suis pas vraiment médiateur, je suis un petit peu plus parce que, si on pense à des médiations, supposons, en matière familiale quand il y a des divorces, le médiateur rapproche les parties. Si ça ne fonctionne pas, les gens s'en vont devant le juge, alors que le Commissaire aux plaintes, c'est un médiateur comme ça, il rapproche les parties, mais, si ça ne fonctionne pas, le Commissaire aux plaintes fait un rapport et des recommandations. Ça fait que le rôle du Commissaire aux plaintes, ça ressemble un petit peu au rôle du Protecteur du citoyen, si vous voulez, comme M. Jacoby. M. Jacoby, il reçoit des plaintes, il les traite, fait des recommandations, et c'est ça.

M. Chenail: ...M. Jacoby, il nous fait un rapport, à un moment donné, en quelque part. Mais, vous, nous en faites-vous un pour dire: Bon, j'ai voulu rencontrer telle municipalité, ils n'ont pas voulu, j'ai voulu faire ça, ils n'ont pas voulu? Finalement... Parce qu'un Commissaire aux plaintes, c'est comme mon collègue disait tout à l'heure, en quelque part, c'est qu'il traite de quelque chose puis il décide de quelque chose. Là, vous nous dites: Je suis Commissaire aux plaintes, non, je suis médiateur. Vous pouvez vous comparer à M. Jacoby, mais il reste que M. Jacoby, quand même, nous fait des rapports concrets, des recommandations, puis ainsi de suite. Est-ce que c'est ça que vous faites?

Mme Gagné (Carole): Aujourd'hui, c'est ce que je vous ai fait, en effet.

M. Chenail: C'est pour ça que vous nous avez demandé de nous rencontrer. Mais le faites-vous en bonne et due forme par un document au ministre responsable ou...

Mme Gagné (Carole): Je vais vous dire, à venir jusqu'à date, je n'en ai pas eu le temps. Je ne le fais pas globalement pour une période de temps donné, si vous voulez, là, mais, dans chaque dossier, je donne l'information pertinente, justement, aux parties impliquées dans le dossier, à savoir qu'est-ce qu'a fait le Commissaire aux plaintes puis qu'est-ce que ça a donné, le rapport et la réponse de la municipalité.

M. Chenail: Puis là, compte tenu que votre personnel grossit, pour l'avenir... Comment est-ce que vous prévoyez, vous envisagez l'avenir ou la façon de travailler?

Mme Gagné (Carole): Bon. Comme je vous ai dit tout à l'heure, le mandat du Commissaire aux plaintes... le Commissaire aux plaintes, depuis la loi n° 23, est devenu un organisme intérimaire, c'est-à-dire que, quand les schémas d'aménagement révisés vont être adoptés, ce sera des médiateurs privés qui vont entrer en poste. Ces médiateurs-là seront nommés soit par les MRC ou les communautés urbaines ou par le directeur, mais ces médiateurs privés là, c'est eux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Votre poste serait aboli, à ce moment-là?

Mme Gagné (Carole): Le poste serait aboli, à ce moment-là, parce que c'est vraiment intérimaire. Le Commissaire aux plaintes est là seulement pour la période où tous les schémas d'aménagements révisés ne sont pas adoptés. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure que le mandat du Commissaire aux plaintes, selon le décret de nomination, se termine le 20 juin de l'an 2000, actuellement, alors dans cinq mois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quand vous recommandez qu'il soit reporté pour cinq ans, est-ce que c'est parce que vous prévoyez que les 96 MRC vont prendre cinq ans à compléter leur schéma?

Mme Gagné (Carole): Moi, je vais vous dire, selon mes estimations, ça va prendre entre sept et 10 ans, encore, avant que ça soit terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ah oui?

Mme Gagné (Carole): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, ça va? Allez-y, s'il y a d'autres questions.

M. Chenail: Non, j'ai terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Roberval.

M. Laprise: ...question. À ce moment-là, ça veut dire que vous n'avez pas le pouvoir de convoquer les parties. Face à une plainte que vous avez d'un citoyen, vous ne pouvez pas convoquer la municipalité et convoquer l'Environnement ensemble pour trouver la solution.

Mme Gagné (Carole): C'est-à-dire que je peux convoquer, oui, les parties, mais les parties ne sont pas obligées de m'écouter.

M. Laprise: O.K.

Mme Gagné (Carole): Puis, si elles ne viennent pas, bien, je n'ai pas de moyens d'aller les chercher.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, on vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission. Les travaux sont ajournés à demain, même endroit, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 57)


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