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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 29 mars 2000 - Vol. 36 N° 11

Mandat d'initiative sur l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Léandre Dion, président suppléant
M. Jean-Guy Paré
M. Yvon Vallières
M. André Chenail
M. Benoît Laprise
*M. Marc Sauvé, Barreau du Québec
*M. Lorne Giroux, idem
*M. Roméo Bouchard, Comité d'action provincial «Sauver les campagnes»
*M. Maxime Laplante, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous salue tout le monde, nous recommençons nos travaux de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

Avant de débuter, je dois vous informer que nous avons autorisé l'ONF à prendre quelques séquences des deux groupes que nous allons recevoir ce matin, en fonction, si j'ai bien compris, d'un documentaire sur l'agriculture. Alors, vous en êtes informés, surtout celles et ceux que nous recevons ce matin.

Je déclare donc la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte et je vous rappelle le mandat. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'audition du Barreau du Québec et du Comité d'action provincial intitulé «Sauver les campagnes» concernant l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements pour cette séance.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce qu'on doit avoir l'accord des deux côtés pour la présence du député de Richmond? Monsieur?

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, bienvenue, M. le député de Richmond.


Auditions

Alors, nous commençons immédiatement, et, M. Giroux, je vous demanderais peut-être de présenter la personne qui vous accompagne pour fins d'enregistrement et commencer votre présentation, tout en soulignant aux membres et à vous qu'on a reçu votre lettre ce matin.


Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Oui, alors, merci, M. le Président, MM. les membres de la commission, mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au Service de la législation au Barreau du Québec et je suis accompagné, pour présenter les observations du Barreau, de Me Lorne Giroux, qui est avantageusement connu dans le domaine de l'environnement, qui est aussi membre de notre Comité en droit de l'environnement et professeur à l'Université Laval.

(9 h 40)

Alors, ça nous fait plaisir de vous faire part de nos observations en ce qui concerne l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles. Le Barreau du Québec a pour mandat la protection du public, et c'est à la lumière de cette mission qu'il faut interpréter notre intervention devant la commission de l'agriculture au sujet de l'application de la loi mentionnée en rubrique.

À titre d'institution, dans le cadre d'une société libre et démocratique comme la nôtre, le Barreau défend notamment les principes de la primauté du droit, d'égalité des citoyens devant la loi et protège l'équilibre entre les droits du citoyen et les pouvoirs de l'État. Dans ses interventions au niveau de la législation, le Barreau favorise la cohérence législative, l'équité entre les divers groupes d'intérêts dans notre société et l'accès à la justice.

Le Barreau comprend que l'agriculture québécoise doit en arriver à réduire ses coûts de production, entre autres par des économies d'échelle, tout en recherchant sans arrêt des rendements supérieurs, et ce, dans le but de se maintenir en position concurrentielle tout en conférant aux agriculteurs un niveau de vie acceptable. Toutefois, de l'agriculture traditionnelle à l'agriculture industrielle intensive, il se trouve toute une différence en regard des inconvénients de voisinage, des nuisances et des menaces à la santé et à la sécurité des personnes, en plus évidemment des déséquilibres écologiques et environnementaux potentiels. C'est pourquoi, dans ce domaine, le Barreau favorise une approche plus équilibrée et plus respectueuse de la Loi sur la qualité de l'environnement, du Code civil et de la Charte des droits et libertés de la personne.

En juin 1996, le Barreau du Québec soumettait à la commission son mémoire sur le projet de loi n° 23, mémoire qui véhiculait certaines mises en garde et qui comportait diverses observations qui, à l'expérience, malheureusement, se sont avérées fondées. En particulier, le Barreau a déploré que le projet de loi n° 23 ait été discuté et adopté avant même que l'on ait pu prendre connaissance du contenu des orientations gouvernementales en matière agricole. Outre le fait que ces orientations comportent certaines illégalités, elles donnent au comité consultatif agricole des pouvoirs qui vont bien au-delà de ce qui est autorisé par la loi.

Le Barreau a également signalé la contradiction fondamentale entre la volonté exprimée de laisser la question du contrôle des odeurs provenant d'activités agricoles exercées en zone agricole aux autorités municipales et le caractère illusoire de cette dévolution par l'exigence de la conformité aux orientations gouvernementales. Nous soumettons que plusieurs des problèmes soulevés devant cette commission résultent de cette incohérence.

Par ailleurs, la directive visant la protection contre la pollution de l'air provenant des établissements de production animale fut complètement remplacée en 1998 par une toute nouvelle directive relative à la détermination des distances séparatrices relatives à la gestion des odeurs en milieu agricole. Ce remplacement a eu pour conséquence de réduire considérablement les distances séparatrices prévues à la directive antérieure. De plus, la problématique des vents dominants a été écartée des critères pouvant servir de guide à la délivrance des certificats d'autorisation selon l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Le remplacement de cette directive a ainsi agrandi la marge d'immunité conférée aux producteurs agricoles en zones agricoles par l'article 79.17 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et a réduit d'autant les droits et recours des citoyens. Le Barreau ne peut souscrire à un tel procédé, à une telle façon de faire qui équivaut à une modification de l'intention du législateur par une directive ministérielle édictée sans aucune consultation publique.

Outre ces questions, Me Giroux abordera toute la dimension des incohérences du régime en vigueur et des avenues et redressements possibles. Il abordera aussi le rôle de la Commission municipale et du Commissaire aux plaintes. Nos observations, bien sûr, visent à améliorer l'administration de la justice dans cet important secteur d'activité, à la lumière de principes qui sont toujours défendus et qui ont toujours été défendus par l'institution du Barreau. Nous serons éventuellement, bien sûr, en mesure de fournir des commentaires plus détaillés dès que nous aurons la chance de prendre connaissance de projets de législation, de réglementation ou de diverses propositions concrètes visant à solutionner les difficultés qui seront soulevées et qui sont soulevées dans le cadre des travaux de la commission. Et, sans plus tarder, je cède la parole à Me Giroux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Giroux, juste vous souligner qu'au total des deux c'est 20 minutes, maximum.

M. Giroux (Lorne): Pouvez-vous m'indiquer combien de temps est déjà écoulé?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste 15 minutes.

M. Giroux (Lorne): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous ferai signe à deux, trois minutes.

M. Giroux (Lorne): Merci beaucoup. Alors, un des principaux problèmes qui ont engendré les difficultés pour lesquelles la commission a été convoquée résulte du fait, à notre avis, que, pendant le régime intérimaire jusqu'à l'entrée en vigueur des schémas d'aménagement et des règlements municipaux d'urbanisme, on a mis en place des moyens de contrôle qui ne coïncident pas, qui ne sont pas de la même nature que le contrôle permanent.

En particulier, la directive de 1998, qui est une directive qui, normalement, doit servir pour la délivrance des certificats d'autorisation en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, contient une part discrétionnaire qui, à notre avis, est incompatible avec la sécurité juridique et le régime permanent qui va être mis en place une fois que les schémas et les règlements locaux vont être adoptés.

Nous faisons remarquer aussi que les normes de distances qui sont prévues à la directive sont des normes qui ont été considérablement réduites par rapport à l'ancienne directive qui existait depuis 1981. Non seulement les normes ont été réduites, mais la possibilité d'accorder des dérogations discrétionnaires constitue encore, à notre humble avis, un écart peu compatible avec la volonté de laisser ensuite aux autorités municipales la capacité de réglementer ces questions-là par le biais des distances séparatrices.

Ce que ça fait également, c'est qu'il ne faut pas oublier que, pour les citoyens qui restent en zone agricole, les mesures d'immunité qui sont accordées par l'article 79.17, notamment, se trouvent considérablement agrandies, bien au-delà de ce qui était la volonté du législateur lorsque la loi a été édictée en 1996. En d'autres termes, lorsque la loi a été adoptée en 1996 – elle est entrée en vigueur, comme vous le savez, en juin 1997 – il existait une directive qui était déjà en vigueur à ce moment-là depuis plus de 15 ans. Le remplacement de la directive, en 1998, s'est fait sans que personne n'ait été consulté, par une simple directive ministérielle, et ça a eu pour effet non seulement de réduire les normes de protection par le biais des distances, mais de prévoir en plus la possibilité d'accorder des dérogations. Et, à notre humble avis, ça, ce n'était pas autorisé par la loi.

Le deuxième point que nous aimerions vous signaler, c'est qu'il y a eu des critiques assez sévères qui ont été adressées devant cette commission, au mois de janvier dernier, à l'égard des décisions de la Commission municipale lorsqu'elle s'est prononcée sur la conformité aux orientations. Nous avons eu l'occasion d'étudier en détail les cinq décisions de la Commission municipale qui ont été rendues jusqu'ici, et, à notre avis, les reproches qui ont été adressés à la Commission ne sont pas mérités. Lorsqu'on lit attentivement les décisions de la Commission, la Commission a tenté d'établir un équilibre entre les droits légitimes des producteurs agricoles en zone agricole et les intérêts municipaux de ceux qui vivent en zone agricole.

Vous me permettrez une parenthèse ici. Il ne faut pas oublier que, lorsque la Loi sur la protection du territoire agricole a été adoptée, en 1979, il y avait déjà un grand nombre de citoyens qui vivaient dans ce qui est devenu des zones agricoles lorsque la loi a été mise en place. Et, lorsqu'on regarde la Loi sur la protection du territoire agricole, les articles 101 à 105 avaient été insérés dans la loi justement pour prévoir la situation de droits acquis de tous ceux qui vivaient déjà dans ces secteurs-là et qui exerçaient des activités qui étaient protégées par les articles 101 à 105.

(9 h 50)

Alors, la Commission municipale, son rôle – et c'est le rôle que vous lui avez assigné lorsque vous avez adopté la loi n° 23 en 1996 – c'est d'établir un équilibre entre les intérêts de chacun de ces gens-là qui vivent dans les zones agricoles. Et, à la lecture des décisions, nous remarquons que certaines des critiques qui ont été adressées à la Commission sont nettement injustifiées. Et on a dit en particulier: Qu'est-ce que la Commission fait là, lorsque le comité consultatif agricole a déjà donné son avis? La Commission a eu l'occasion de se prononcer là-dessus, et, si vous me permettez de citer ce que la Commission a dit, la Commission a dit: Ce n'est pas suffisant de donner un avis sur la conformité aux orientations, encore faut-il que cet avis-là soit motivé.

Souvent, lorsque le dossier vient devant la Commission, la Commission est prise avec des recommandations du comité ou même des décisions du conseil de la MRC qui prononce une non-conformité aux orientations sans qu'il n'y ait aucune motivation, sans qu'il n'y ait aucune explication en quoi cette non-conformité là serait présente. Et nous soumettons qu'il faut donner le temps à la Commission, ça fait à peine deux ans que le système est en place, et, quand on lit ce que la Commission a fait jusqu'ici, à notre avis, elle ne mérite pas les critiques qui lui ont été adressées.

Nous aimerions également dire quelques mots sur le rôle du Commissaire aux plaintes. On a demandé à cette commission de décréter une espèce d'arbitrage obligatoire devant être confié au Commissaire aux plaintes, qui existait, comme vous le savez, avant la loi n° 23 et dont le rôle a été continué. Le problème du Commissaire aux plaintes, c'est que le Commissaire aux plaintes s'est vu confier le rôle de médiateur qui est déjà prévu dans la loi actuelle. Une des conditions essentielles pour jouer le rôle efficace d'un médiateur, c'est de garder en tout temps la confiance des parties, de donner l'impression que le médiateur a un rôle impartial et qu'il est capable d'entendre les deux parties avec une ouverture d'esprit.

Devant vous, le 19 janvier dernier, quand on lit ce que le Commissaire aux plaintes a dit, on s'aperçoit très bien que le Commissaire est allé bien au-delà de ce que la loi lui permettait de faire et que le Commissaire a même pris sur lui ou sur elle l'initiative de s'adresser directement aux municipalités et aux MRC et d'envoyer – moi, j'en ai vu – des lettres de remontrances à l'égard de certains projets de règlement qui n'étaient même pas adoptés.

Comment voulez-vous, ensuite, que les parties puissent avoir confiance en un rôle de médiateur qui serait confié au Commissaire aux plaintes, lorsque le Commissaire aux plaintes, sans être saisi par personne, a pris sur lui l'initiative de faire des remontrances à une des parties entre lesquelles, ensuite, on lui demande de faire une médiation? Si le Commissaire aux plaintes a perdu la confiance des parties qui pourraient être impliquées devant lui, ça tient simplement au fait, à notre avis, que le Commissaire aux plaintes a excédé de beaucoup le mandat qui lui était confié et que, en conséquence, le Commissaire aux plaintes a malheureusement perdu la confiance qui est nécessaire pour l'exercice de son rôle.

Il y a également certaines incohérences qui doivent être signalées. Il y a eu une demande qui vous a été adressée de réduire notamment les distances séparatrices dans le cas d'une piste cyclable. Cette demande-là vous a été adressée. Bien, ici, il faut que le législateur soit cohérent. À la fin de la dernière session, en décembre dernier, vous avez, en tant que législateur, modifié les lois municipales pour dire que les pistes cyclables, c'était maintenant assimilé à un parc régional, suite à une décision que je connais très bien pour l'avoir plaidée, celle qui a été rendue dans l'affaire de Portneuf. Alors, on ne peut pas, d'un côté, dire: Une piste cyclable, c'est un parc régional, puis, après ça, prétendre que ce n'est pas un parc et que, par conséquent, on ne doit pas lui accorder la protection que les orientations donnent à un parc. Ce qu'on demande au législateur, c'est de garder la cohérence dans les gestes qui sont posés à l'Assemblée nationale.

Notre recommandation à nous, c'est que la meilleure façon... Si le législateur a décidé que la question du contrôle des odeurs devait être laissée aux autorités municipales, nous recommandons, à notre humble avis, que l'on fasse confiance aux instances régionales, telles qu'elles sont, et que, par le biais des schémas d'aménagement, on laisse les municipalités exercer le contrôle que le législateur lui a donné. Le manque de confiance que le législateur démontre envers les instances régionales et locales pendant la période intérimaire fait en sorte qu'il va y avoir toutes sortes de dérogations qui vont être accordées et que, par la suite, évidemment, on se crée des problèmes lorsque les règlements locaux et les instruments régionaux vont entrer en vigueur.

C'est essentiellement les remarques que nous avions l'intention de vous soumettre. Nous sommes évidemment disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, vous êtes en-delà du temps, il vous restait un bon cinq minutes. Juste pour l'information des membres, je vais adopter le système d'alternance par interventions et non par blocs de 20 minutes. M. le député de Lotbinière, vous êtes le premier, suivi du député de Richmond.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue, Me Giroux et Me Sauvé. Ma première question, vous dites... Parce que c'est très succinct. Donc, lorsqu'on lit, bien sûr, vous l'avez expliqué aussi, donc ça aide, mais il y a certaines interrogations pour quelqu'un qui ne s'y connaît pas trop. Vous avez parlé des incohérences du régime en vigueur, mais vous avez peu parlé des avenues de redressement possibles. Vous nous dites: Bon, vous devriez faire plus confiances aux instances régionales et locales, mais pouvez-vous développer un peu plus cet aspect-là?

M. Giroux (Lorne): Le choix que le législateur a fait dans la loi n° 23, c'est de dire: La question du contrôle des odeurs, ça doit être laissé aux règlements municipaux par des distances séparatrices. Il y a déjà eu un premier encadrement qui nous apparaît extrêmement sévère, qui résulte de la publication des orientations. On a l'impression, quand on lit l'ensemble des dispositions qu'y s'appliquent – et c'est un régime extrêmement complexe – qu'on donne les pouvoirs aux municipalités, mais on s'assure que leurs mains sont attachées, de telle sorte qu'on leur fait confiance mais à la condition qu'elles fassent exactement ce que le gouvernement leur dit. Ça, c'est un des premiers problèmes.

Le deuxième problème, c'est que, pendant la période intérimaire, la publication de la nouvelle directive, à notre avis, pose des problèmes de cohérence et également certains problèmes de légalité. Nous, on s'interroge sur le droit de remplacer la directive, compte tenu du fait que la directive détermine la marge de manoeuvre des citoyens qui ont accès aux tribunaux et dont le droit d'accès est limité par l'immunité de l'article 79.17. Le deuxième problème, c'est que les normes de la directive ont été considérablement réduites, hein. Alors, quelle est l'utilité de permettre en plus des dérogations à l'égard de normes qui sont déjà réduites? Et les normes qui sont réduites dans la directive devraient normalement être les mêmes que celles qui figurent dans les paramètres qui sont annexés aux orientations.

D'un côté, on dit aux municipalités: Vos règlements doivent respecter les paramètres, puis, pendant le régime intérimaire, bien là on dit: Les paramètres, c'est peut-être déjà trop, on va accorder des dérogations discrétionnaires au cas par cas. Comment voulez-vous que les instances locales et régionales soient ensuite capables d'administrer un régime cohérent lorsqu'il y a déjà un tas de dérogations discrétionnaires qui ont été accordées et dont la légalité, à notre humble avis, est très douteuse, compte tenu du fait que ça se trouve à amender implicitement les dispositions de la loi concernant les immunités? Ça, c'est un des problèmes que nous soulevons.

En ce qui concerne maintenant la question des droits acquis, la Loi sur l'aménagement, à notre avis, prévoit, à l'article 113, alinéa 2, paragraphe 18°, le pouvoir des municipalités locales – et ça, ça date de 1979 – d'adopter une réglementation nuancée sur les droits acquis et de tenir compte, surtout avec les amendements de 1999, non seulement des zones, mais de tenir compte de la nature des activités qui sont protégées par droits acquis.

(10 heures)

À partir de ce moment-là, plutôt que d'essayer de légiférer des droits acquis qui sont plus ou moins solides comme on vous le demande, pourquoi vous ne laissez pas ceux qui sont en région, qui sont capables d'arbitrer ces questions-là, utiliser les pouvoirs que la loi leur donne dans un régime normal? Et, si vous avez décidé que cette question-là devrait relever des municipalités, bien, soyons cohérents et laissons-les exercer les pouvoirs que les municipalités ont. D'autant plus que la présence du comité consultatif agricole, qui déjà pose des questions à l'égard de l'égalité des citoyens devant la loi, donne aux producteurs agricoles un moyen privilégié et presque exclusif d'influencer le législateur régional et, par l'obligation de conformité, le législateur local.

Un des problèmes du régime, c'est qu'on n'a tellement pas fait confiance aux municipalités qu'on a dit: Pendant la période intérimaire, en attendant que les schémas soient en place, on va s'assurer qu'il n'y a rien de pas correct qui se passe. Et là on a mis en place une directive qui prévoit des régimes qui sont en quelque sorte incohérents avec le régime général dont vous prévoyez la mise en place avec l'entrée en vigueur des schémas. Est-ce que ça répond un peu à votre question?

M. Paré: Oui, très, très bien. Vous parlez aussi des illégalités qui donnent au comité consultatif des pouvoirs qui vont bien au-delà de ce qui est autorisé par la loi.

M. Giroux (Lorne): Oui. Alors, dans la Loi sur l'aménagement, telle qu'elle a été modifiée en 1996, le comité consultatif agricole a un pouvoir consultatif. Il intervient lorsqu'une demande d'avis de conformité est faite. Lorsqu'un règlement local qui va prévoir des distances est envoyé au conseil de la MRC pour le faire évaluer eu égard à la conformité, le comité consultatif agricole a le pouvoir de faire une recommandation.

Quand on lit les orientations, il y a au moins deux illégalités que l'on peut relever. La première illégalité, c'est qu'on dit aux municipalités: Si, par exemple, vous avez une situation de vents dominants qui est particulière chez vous et qui nécessiterait des accommodements particuliers dans votre réglementation locale, vous ne pouvez pas exercer ce pouvoir-là sans d'abord vous adresser au comité consultatif agricole. Ça, ça va plus loin que la loi.

Deuxièmement, à l'égard des sites patrimoniaux, non seulement on rend la demande au comité consultatif obligatoire, mais on va même jusqu'à dire, dans les orientations, que la municipalité ne pourra intervenir là-dessus que sur un vote des deux tiers du comité consultatif. Ça, ça va encore bien au-delà de ce qui est prévu dans la loi. Et, en ce qui nous concerne, et d'autres l'ont dit devant vous – parce que nous avons vu les mémoires, notamment de la Fédération québécoise des municipalités – ça, ce n'est pas autorisé par la loi et ça va au-delà de ce qui est prévu, et ça a d'ailleurs été écrit dans les articles de revues spécialisées.

M. Paré: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Richmond suivi du député de Saint-Hyacinthe.

M. Vallières: Oui. Merci, M. le Président. C'est toujours avec beaucoup d'intérêt qu'on reçoit le Barreau à l'intérieur de nos commissions. J'étais de ceux qui étaient autour de cette table quand le Barreau a présenté son mémoire lors de l'adoption article par article du projet de loi n° 23. Et je me suis permis de faire sortir le mémoire que vous nous aviez à ce moment-là présenté, de juin 1996, et de peut-être faire un petit rappel, parce que, dans le fond, dans la courte présentation du départ, vous nous indiquez... Ce qu'on relève, c'est que vous avez pu constater, suite à l'application de la loi, un, des illégalités et des incohérences.

Force est de reconnaître que, autant vous que... Je me souviens aussi qu'il y avait Me Louis Sylvestre qui était venu à titre individuel nous faire des représentations là-dessus. Le gouvernement avait été largement avisé. Tout le monde nous le disait. Je veux peut-être rappeler également que, en autant que nous sommes concernés, on n'avait pas appuyé la loi n° 23 parce qu'il y a trop de gens qui étaient venus nous dire qu'il y aurait des problèmes d'application, rédigée comme elle l'était.

Ceci étant dit, on est aujourd'hui face à une situation qui fait en sorte que l'objectif que le législateur poursuit, c'est vraiment de trouver une façon d'harmoniser les relations à l'intérieur des régions entre le monde municipal, le monde agricole et tous les intervenants. Et on a cette pièce législative qui est devant nous, vous nous le dites et vous nous le rappelez, et tantôt vous faisiez allusion aux orientations, dont, à votre sens, la mise en application représente dans certains cas de l'illégalité.

Alors, puisque dans votre présentation vous parlez d'illégalités, de certaines illégalités, j'aimerais peut-être vous entendre sur quelles sont d'autres... Est-ce qu'il y a d'autres illégalités, très clairement, que vous avez pu identifier, que nous a amenées l'application de cette loi-là sur le droit de produire?

J'aimerais aussi vous entendre, puisque vous avez parlé du Commissaire aux plaintes – c'est une chose sur laquelle la commission se questionne – sur le fait qu'il y aurait eu une perte de confiance à son endroit. Qu'est-ce que vous proposez, compte tenu du rôle que le Commissaire aux plaintes joue présentement, dans l'hypothèse où il y aurait une modification au niveau soit de ses responsabilités ou carrément l'abolition de ce poste? Qui va prendre le relais par rapport aux responsabilités que la loi confiait au Commissaire aux plaintes?

Concernant également les comités consultatifs agricoles, vous les avez vus fonctionner. On prend acte de vos remarques à l'effet que, quand on parle du deux tiers pour des prises de décisions, tout ça, ça crée comme deux groupes de citoyens. Mais vous les avez vus opérer, est-ce qu'à votre sens ça a donné les résultats escomptés? Est-ce que ça permet un rapprochement? Est-ce que ça permet des meilleures prises de décisions? Est-ce que, à l'usage, on doit conclure que c'est une expérience heureuse, à ce jour, que la façon dont fonctionnent les comités consultatifs agricoles?

M. Giroux (Lorne): Sur la question des illégalités, je pense que je m'en tiendrais à ce qu'on a dit tout à l'heure, c'est les questions les plus patentes qui ont été relevées par les membres du Comité. Maintenant, en ce qui concerne les comités consultatifs agricoles, il faut comprendre ici que c'est quand même une institution assez exceptionnelle, dans le sens suivant. Normalement, dans le régime municipal québécois, le conseil municipal représente l'ensemble des citoyens, et, lorsque le citoyen veut s'adresser au conseil municipal ou au conseil de la MRC, il se présente à la réunion, il demande le droit de parole, il peut interroger à la période des questions. Il a également le droit de tenter d'influencer ses élus en téléphonant à son conseiller municipal, à son maire. Tout le monde connaît ce régime-là.

Ce qu'il y a de particulier avec la loi n° 23, c'est qu'il y a un groupe socioéconomique qui obtient un accès privilégié, et institutionnalisé, et inscrit dans la loi au décideur municipal. La moitié des membres du comité sont désignés par un organisme de défense d'intérêts socioéconomiques, et le conseil de la MRC ne peut pas prendre un certain nombre de décisions sans obligatoirement consulter ce comité-là. Alors, c'est déjà une exception assez importante au régime normal de la démocratie municipale.

Par ailleurs, lorsqu'on lit l'enquête qui avait été faite pour les fins de la Fédération québécoise des municipalités, les chiffres qui sont donnés là révèlent que, dans au-delà de 90 % des cas, il y a eu convergence de vues entre la position qui était défendue par le comité consultatif agricole et l'instance décisionnelle du conseil de la MRC. Alors, on ne peut pas dire, à l'heure actuelle, qu'il y a des problèmes qui justifient que l'on continue à modifier la législation à cet égard-là.

En ce qui concerne le Commissaire aux plaintes, bien, je peux parler, peut-être, en mon nom personnel, il m'apparaît que l'institution a quitté la voie qui lui avait été désignée par le législateur et qu'elle a perdu, un peu par sa faute, la confiance nécessaire pour jouer le rôle de médiateur. C'est mon opinion personnelle, je ne peux pas prétendre que c'est celle du Barreau parce qu'on n'est pas allé jusque-là, on a simplement noté le problème qui avait été soulevé devant vous. Bon.

Maintenant, si la médiation, vous estimez qu'elle mérite encore d'être maintenue, là il faut s'assurer, et le Barreau a une longue expérience de ces questions-là... La qualité fondamentale et primordiale de la réussite d'une médiation, c'est le caractère absolument impartial du médiateur. Ça, ça veut dire que vous ne devez pas prévoir un mode de nomination d'un médiateur qui laisse croire à quiconque qu'il a été nommé par quelqu'un qui avait un intérêt à défendre dans la médiation à venir. Ça, c'est primordial. Il y a des régimes de médiation – le Barreau en a – qui sont au-dessus de tout soupçon à cet égard-là, et, en ce qui nous concerne, c'est la condition sine qua non de l'efficacité et de la crédibilité d'un système comme ça.

(10 h 10)

M. Vallières: O.K., c'est un point important parce qu'on pourrait être portés, en revoyant par exemple le rôle, les responsabilités, au niveau du Commissaire aux plaintes, de dire: On se dirige peut-être vers un autre organisme gouvernemental. Ça ne serait peut-être pas une solution. En tout cas, il faudrait y penser comme il faut avant d'aller dans cette direction-là, selon que...

M. Giroux (Lorne): Oui. Maintenant, nous permettez-vous une dernière remarque, au cas où on n'aurait pas le temps de la faire?

M. Vallières: Oui.

M. Giroux (Lorne): Là-dessus, c'est une position du Comité; ce n'est pas ma position personnelle. On est tous d'accord là-dessus. Nous demandons à ce comité: Si jamais, suite à vos travaux, vous estimez qu'il faille remodifier législativement le régime en place, de ne pas penser que ce qu'on dit ici, ça cautionne toute modification qui pourrait venir.

En d'autres termes, le Barreau tient à ce que, si jamais – ça nous apparaît un peu tôt – vous estimez qu'il faille remodifier législativement le régime, nous estimons essentiel qu'il y ait de nouvelles auditions et que les groupes intéressés puissent également se faire entendre, parce qu'il y a déjà eu, dans le passé, des expériences malheureuses à ce point de vue là qui ont engendré de la frustration et des incompréhensions dans le futur.

M. Vallières: Bien. Quand vous nous dites de faire confiance au niveau régional des élus pour les prises de décisions, dans le fond, pour l'aménagement du territoire, qu'est-ce que vous pensez de l'idée qui pourrait consister... Parce qu'il y a tout le régime des schémas d'aménagement modifiés qui n'est pas en place et qui occasionne problème parce qu'il y a des municipalités locales qui arrivent avec des règlements qui, des fois, vont contrevenir très nettement à ce que l'ensemble de la région pourrait décider par la suite.

Est-ce que, selon vous, il serait possible de mettre le pied sur l'accélérateur, en autant que la partie agricole des schémas d'aménagement modifiés puisse faire l'objet d'une approbation préalable à l'ensemble du schéma d'aménagement, par exemple, d'une MRC pour permettre la mise en application plus ordonnée de la loi n° 23 sur le droit de produire? Est-ce que ça réglerait des problèmes qu'on rencontre actuellement de mise en application plus locale si on permettait et si on autorisait des schémas d'aménagement modifiés pour la partie qui concerne un territoire agricole?

M. Giroux (Lorne): Oui, ça pourrait aider. Vous me permettez de faire deux remarques, deux caveats, si vous voulez. Premièrement, le danger de ça, c'est que le schéma d'aménagement, c'est un document intégré, et les orientations que l'on prend dans le secteur agricole, par exemple, dans certaines MRC, c'est au-delà de 80 % du territoire, mais, dans d'autres MRC, ça doit être concilié avec d'autres orientations. Et le danger de ça, c'est que, si on le morcelle comme ça, il peut y avoir des problèmes d'arrimage, ensuite, des autres fonctions.

La deuxième chose, c'est que, si on fait ça, il est essentiel, à notre avis, que l'on ne change pas le rôle de la Commission municipale, que l'on ne vienne pas limiter le pouvoir de la Commission municipale d'être un arbitre impartial en ce qui concerne la conformité.

Ça nous apparaît un petit peu tôt, après une décision, de dire: La Commission municipale n'a pas joué son rôle, on devrait la sortir de là, alors qu'il y avait une décision de rendue. Aujourd'hui, il y en a cinq. Moi et d'autres du Comité qui suivons ces décisions-là de près – il y a eu une conférence récemment à Sherbrooke où les décisions ont été abondamment commentées et discutées – la Commission fait un travail tout à fait remarquable dans des conditions souvent difficiles.

Alors, ça, ça doit être cette soupape-là. Autrement, s'il n'y a pas ça, c'est illusoire de parler d'autonomie municipale puis de laisser les gens s'entendre en région lorsqu'il y a des orientations qui disent, au pouce près ou au mètre près: Vous allez faire ci, vous allez faire ça, puis, si vous ne faites pas ça, votre règlement va être désavoué. Ou bien on fait confiance aux gens, ou bien on ne leur fait pas confiance, compte tenu que le régime mis en place par le projet de loi n° 23 donne des garanties de protection tout à fait importantes à ceux dont les intérêts légitimes à la production agricole doivent être défendus dans les zones agricoles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Vallières: Oui. J'aurais une autre question, M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez y aller tout de suite ou revenir. De toute façon, on est en l'alternance; pas de problème.

M. Vallières: Parce que j'ai d'autres collègues...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y tout de suite.

M. Vallières: Peut-être une rapide, parce que, quand vous parlez du comité consultatif agricole, il y a obligation de consultation actuellement dans la loi.

M. Giroux (Lorne): Dans la loi, en ce qui concerne la conformité.

M. Vallières: Oui, c'est ça. Maintenant, la loi dit aussi qu'on veut favoriser les activités agricoles en territoires agricoles. Quand vous aviez présenté votre mémoire, en juin, je pense que vous aviez déjà eu des représentations là-dessus, sur le mandat qui était donné à ce comité-là. Moi pour un, je regarde dans ma région, là, le fonctionnement des comités consultatifs agricoles me semble faire son chemin et il semble de plus en plus être un organisme respecté, puis le monde municipal semble finalement s'en accommoder assez bien.

Compte tenu du mandat de la loi, finalement, l'objectif de la loi qui est de favoriser les activités agricoles en territoires agricoles, on se dit: Il y a peut-être une... C'est peut-être spécial un peu qu'on donne ce pouvoir... Ce n'est pas un pouvoir, c'est consultatif, mais, en même temps, est-ce que ça ne vient pas faire en sorte qu'un des objectifs dans la loi puisse trouver preneur localement? Il y a des gens dont le souci est de s'assurer que, en zone agricole, on fait du développement agricole également.

C'est sûr que ça donne quelque chose qui est un peu particulier au secteur agricole, mais est-ce que, en même temps, compte tenu de l'intention du législateur de favoriser les activités agricoles dans ce secteur-là, ça ne vient pas conforter, si on veut, cet objectif puis assurer que l'État puisse l'atteindre par le biais de comités locaux? Peut-être connaître votre point de vue là-dessus.

M. Giroux (Lorne): Là-dessus, écoutez, vous me mettez dans une position un peu délicate parce que, moi, je me suis prononcé par écrit sur cette question-là et, en tant que professeur de droit municipal, il y a des aspects là-dedans qui sont un peu particuliers. Mais je respecte cette opinion-là, et le mémoire de la Fédération québécoise des municipalités semble démontrer qu'il y a suffisamment d'ententes pour ne pas revenir là-dedans encore par la loi. C'est tout ce que... Est-ce que ça répond un peu à votre question?

M. Vallières: Absolument.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, Me Sauvé, Me Giroux, je suis très heureux de pouvoir vous entendre ce matin. Votre notoriété est arrivée avant vous, par contre. Alors, c'est pour çà que c'est avec tout le respect que vous méritez que je vais vous faire les quelques observations que j'ai parce qu'elles me conduisent à une question.

Moi, ma perception – vous me direz si je me trompe – c'est que, quand le gouvernement, quand les législateurs adoptent une loi, ce qui est dans la loi est légal jusqu'à preuve du contraire; deuxièmement, d'après notre système juridique, quand le Conseil des ministres adopte un décret en vertu d'une loi qui l'habilite à le faire, ces décrets ou ces règlements qu'il adopte sont légaux jusqu'à preuve du contraire. C'est ma perception.

Or, vous venez dire devant nous, ce matin, qu'il y a au moins deux illégalités, et j'ai compris que ça se référait aux règlements. Alors, j'ai des problèmes parce que, d'habitude, c'est les tribunaux qui déclarent l'illégalité de certaines procédures et des choses de même, là. Alors, j'ai des problèmes avec cette façon d'aborder la question.

Deuxièmement, le règlement en question, c'est un règlement qui, normalement, comme tous les règlements, est adopté par le Conseil des ministres. Ils sont légaux parce qu'ils sont adoptés par le Conseil des ministres et qu'ils ont suivi la procédure normale, ou je me trompe. Mais, en plus, ils sont légitimes, normalement, quand ils sont adoptés par le Conseil des ministres en vertu d'une loi. Ils sont légitimes, en principe.

Et là ce qu'il y a de plus, c'est que le règlement auquel vous faites référence a été à l'exigence de la commission – donc du législateur – a été discuté en commission, et je pense qu'on s'était entendus sur les principales dispositions du règlement. Parce que je me souviens qu'on avait travaillé ensemble, les deux partis de la Chambre, sur les principales dispositions du règlement concernant les distances et le comité consultatif, et il me semble qu'on s'était entendus. Écoutez, il y a peut-être eu des... mais, même si on ne s'était pas entendus, à partir du moment où il y a la majorité de la commission qui s'est mise d'accord, bien, il y a au moins une autre légitimité qui vient de s'ajouter par-dessus. Alors, faire dire que c'est illégal, j'ai besoin que vous m'expliquiez.

(10 h 20)

Ça me conduit au point sensible qui est le comité consultatif agricole qui fait partie de ça. Or, le comité consultatif agricole, à ce que je sache, il est nommé par des élus. La loi fait obligation – ou le règlement, là, il faudrait que je vérifie – d'avoir une part importante, vous dites la moitié... Mettons, la moitié des gens sur le comité consultatif doivent être des producteurs agricoles. Bon. Il s'agit de traiter de choses concernant les odeurs et les distances et les contraintes à la production et tout ce que ça comporte pour la viabilité d'une entreprise agricole.

Alors, il ne s'agit pas de traiter d'une question d'environnement, là, ou de protection d'environnement, parce que ça, c'est classé puis tout le monde est d'accord puis on ne peut pas porter atteinte à l'environnement. D'autant plus que notre génération, vous savez comme moi – je pense qu'on tombera tous d'accord – on a une dette historique face à l'environnement, c'est sous notre génération que l'environnement s'est gâté passablement. Donc, on a des choses à faire, je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais, sur la question des nuisances, là, c'est une question d'harmonisation des rapports entre les citoyens et non pas de pollution, c'est deux choses distinctes.

Dans l'harmonisation des rapports, c'est très important, mais on dit: Il est illégal et abusif de conférer à des producteurs agricoles qui connaissent leur métier une position nécessaire dans un comité consultatif, une position, d'ailleurs, qu'ils peuvent perdre individuellement n'importe quand. L'UPA est venue nous dire: Bien, quand on est trop dérangeant, ils nous changent puis ils en mettent un autre, donc la municipalité a le droit d'en mettre un autre. Et, malgré ça, c'est leur donner une prédominance excessive que de leur dire: Vous allez venir dire votre opinion sur des choses qui vous regardent personnellement et au plus haut point, alors qu'on confie à l'Ordre des médecins de protéger les citoyens par rapport à des abus qu'il pourrait y avoir face à la médecine, et on le fait pour l'ensemble des ordres professionnels.

Alors, les ordres professionnels reconnus peuvent avoir des positions dominantes pour protéger les citoyens, mais en même temps pour protéger leur ordre, évidemment, et leur notoriété. Mais les producteurs agricoles, dans un simple comité consultatif, n'auraient pas le droit à leurs positions là-dedans, n'auraient pas le droit d'être obligés de donner leur avis, imaginez-vous! Je trouve ça fort. Vous avez besoin de m'instruire un petit peu pour que je vois ça mieux.

M. Giroux (Lorne): M. le Président, je vais répondre à la première question puis ensuite à la deuxième. Je ne voudrais pas vous contredire, là, mais il y a un certain nombre de choses que nous avons vérifiées. Les orientations gouvernementales, ce n'est pas un règlement, ça n'a jamais fait l'objet d'un décret, c'est simplement une décision du Conseil des ministres qui n'est même pas publiée à la Gazette officielle et à laquelle le lieutenant-gouverneur n'a jamais participé, alors qu'il le fait normalement pour un décret. La directive, ce n'est pas un règlement, c'est un acte qui est posé par un seul ministre.

Les illégalités que nous soulevons tiennent au principe qu'aucun acte du pouvoir exécutif ne peut aller au-delà de ce que l'Assemblée nationale a écrit. Alors, ce que nous disons tout simplement, c'est sûr qu'il n'y a pas de jugement là-dessus, mais plusieurs l'ont dit avec nous: Dans la mesure où les orientations prévoient des choses qui vont au-delà de ce qui est permis dans la loi, dans cette mesure-là, elles sont illégales. C'est une opinion.

Maintenant, il y a eu des cas récents où les tribunaux ont déclaré que des gestes posés par l'Exécutif pouvaient être illégaux: Val-Saint-François, c'est peut-être le cas le plus spectaculaire, mais il y en a fréquemment devant les tribunaux. Alors, notre opinion d'illégalité, qui est partagée par d'autres, tient au fait que le principe fondamental, c'est que la volonté de l'Assemblée est suprême et que l'Exécutif ne peut pas, par un acte qui relève de lui, aller au-delà de ce que le législateur a dit, c'est simplement notre position.

En ce qui concerne le comité consultatif agricole, vous avez parfaitement raison, c'est la loi qui en prévoit la création. Maintenant, ce qui le distingue d'autres comités consultatifs en matière d'aménagement, notamment celui que l'on connaît tous, le comité consultatif d'urbanisme, c'est que, dans le cas du comité consultatif d'urbanisme, il y a des membres qui doivent obligatoirement, dans certains cas, être choisis à l'extérieur du conseil, mais c'est le conseil qui les choisit. Dans le cas du CCA, le conseil ne peut choisir qu'à partir d'une liste qui lui est fournie par l'association accréditée. Ça, c'est tout à fait particulier.

Ce qui est également particulier, c'est que le comité qui a été créé expressément pour faire valoir des intérêts qui sont tout à fait légitimes – personne ne contredit ça – a un droit d'accès aux décideurs que d'autres intérêts, par exemple les industriels en zone industrielle, n'ont pas. C'est ça qui fait sa particularité.

Maintenant, sur la question de la légitimité, on peut avoir des opinions divergentes, mais, là-dessus, votre opinion, elle doit être respectée et, de toute façon, c'est ce que le législateur a décidé. Mais la différence entre lui et d'autres comités consultatifs, elle tient à ça.

M. Dion: J'apprécie beaucoup les distinctions que vous faites, ça va nous permettre d'aller un peu plus loin et de voir plus clairement dans toute la situation. Évidemment, il y a énormément de choses dans le document que vous... Bien, c'est très court, très bref, mais vous avez expliqué beaucoup, beaucoup de choses. Alors, ce n'est pas facile à voir, tout ça.

Maintenant, sur la question des distances séparatrices, c'est une chose qui a été discutée en long et en large autant en comité de travail qu'en commission, ouvertement devant le public, et tout ça. C'est une question très délicate parce qu'il y va du bien-être de la population, hein, c'est-à-dire que, si les gens ont l'impression qu'on abuse d'eux et qu'on abuse de leur bien-être en leur imposant des odeurs abusives et insupportables, bien ils ont le droit de se plaindre, c'est normal.

La question qui se pose est la suivante et c'est là que la loi n° 23 a quelque chose de particulier et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est que la loi n° 23, selon ma perception, a, d'une certaine façon, fait dans le droit nouveau, c'est-à-dire établit des choses qui ne sont pas habituelles dans le droit. Par exemple, par l'intermédiaire des règlements, établir une flexibilité dans les distances, distances qui pourraient dépendre des comportements et des façons de cultiver et qui pourraient avoir comme effet d'inciter les producteurs à utiliser les modes de gestion de leur élevage qui soient de nature à nuire le moins possible à la population et qui, donc, en retour, leur permettrait d'avoir des distances séparatrices moins grandes pour l'épandage.

Alors, évidemment, c'est tout un contrat que de réaliser ça, mais l'objectif étant le même que celui que vous poursuivez et qu'on poursuit aujourd'hui, c'est-à-dire harmoniser les relations entre les citoyens, est-ce que c'est possible d'en arriver à utiliser des mécanismes comme ça, d'après votre opinion, pour améliorer la situation de l'harmonie entre les citoyens, qui est, au fond, la raison d'être de toutes les lois qu'on adopte?

M. Giroux (Lorne): Si vous me permettez, M. le Président, avant de répondre à ça – parce que ça va être pertinent – je voudrais revenir sur une chose que vous avez signalée tout à l'heure puis je ne l'avais pas notée. Quand vous avez parlé de la question des odeurs, vous avez dit: Les contaminants environnementaux, c'est une chose, les odeurs, c'en est une autre. Bon.

Il faut bien comprendre ici, là, que, quand les odeurs sont passées de contaminants à simples nuisances, ça s'est fait par une entente, hein, entre différents représentants de groupes constitués. Mais cette entente-là n'a jamais eu pour effet de modifier la Loi sur la qualité de l'environnement. Et, moi et les membres du Comité, en tant que juristes ou avocats, on est obligés de vous dire que, tant que la Loi sur la qualité de l'environnement n'a pas été modifiée, une odeur, un bruit puis de la poussière, c'est encore un contaminant, je voulais juste faire cette remarque-là, et qu'une entente entre gens biens intentionnés, ça n'équivaut pas à une modification de la loi.

Deuxièmement, le mode d'imposer des distances séparatrices pour contrôler les odeurs, c'est un mode qui a été choisi par le législateur, basé sur l'idée que, en matière d'odeurs, plus on s'éloigne de la source, hein, plus la diffusion fait qu'elles ont moins d'importance. Bon. C'est un mode qui est valable et c'est celui que le législateur a choisi. On doit tous le respecter.

(10 h 30)

Ce qui à notre avis pose problème, c'est que vous avez dit, par exemple: Il y a des cas particuliers où il faudrait réduire les distances prévues. Ça, c'est ce que la directive prévoit lorsqu'elle dit qu'on peut accorder des dérogations. Par ailleurs – et l'ancienne directive en tenait compte – il peut y avoir d'autres situations tout aussi justifiées où les distances devraient être augmentées dans le cas de vents dominants. Or, dans le régime actuel, ça, ça fait partie pratiquement des impossibilités, alors que, de l'autre côté, c'est tout à fait normal. Il y a, quant à nous, un déséquilibre dans le traitement juridique ici.

Le Président (M. Dion): Je vous remercie beaucoup. Le temps est terminé du côté ministériel. Il vous reste six minutes, M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: D'abord, j'aimerais le féliciter parce que, apparemment, on me dit que c'est un très bon professeur et je pense que oui. Vous expliquez ça comme il faut et ça éclaire certaines personnes, dont le député de Saint-Hyacinthe, et en même temps nous autres aussi.

Le Président (M. Dion): Et le député de Beauharnois-Huntingdon aussi.

M. Chenail: Il faut dire que, nous autres, de ce côté-ci de la Chambre, on vous disait ça, quand on a fait la loi, tous les problèmes qu'on aurait. Moi, ce dont j'aimerais que vous nous parliez, c'est des fameuses voies ferrées. Dans mon comté, moi, j'ai des voies ferrées dans deux MRC, et mes MRC sont zonées agricoles l'une à 94 %, l'autre à 97 %.

Avec les fameuses mesures séparatrices, et tout ça, et quand on regarde toutes les autorisations qu'on est obligé de demander aux voisins quand vient le temps de faire des agrandissements, et tout ça, compte tenu des voies ferrées et que la même loi s'applique apparemment sur les voies ferrées aussi, y va-tu falloir demander à tous les gars qui passent en bicycle sur la voie ferrée de signer et d'autoriser pour qu'on puisse faire quelque chose, ceux qui longent les voies ferrées dans des MRC comme chez nous, surtout quand les élus demandent au ministre de dire: Nous autres, on n'en veut pas, de bicycles sur la voie ferrée parce que ça n'a pas d'allure et que, là, le ministre dit: Non, vous allez en mettre pareil?

M. Giroux (Lorne): Maintenant, est-ce que je comprends que les voies ferrées dont vous parlez, c'est les anciennes emprises?

M. Chenail: Oui.

M. Giroux (Lorne): Il n'y a plus de chemins de fer dessus.

M. Chenail: Non.

M. Giroux (Lorne): Écoutez, là, ça, c'est un problème. L'aspect de ce problème-là qui vous a été soumis, c'est un bout d'un problème qui est plus global, dans le sens que la réaffectation des anciennes emprises pose des problèmes de cohabitation des usages comme la motoneige l'hiver, le vélo l'été, et là ça pose toutes les distances d'éloignement par rapport aux résidences. C'est un débat sur lequel on n'entrera pas.

À notre avis à nous, un des problèmes qui ont été aggravés, c'est que, pour résoudre la difficulté qui s'était posée à Portneuf, on a modifié les lois municipales et on a dit: Les anciennes voies ferrées, c'est assimilé à un parc régional. Moi, je pense qu'il aurait été plus efficace et moins problématique de simplement dire: La MRC a cométence là-dessus, sans leur donner l'attribut de parc. Parce que, à première vue, un parc qui est composé d'une voie pavée sur laquelle passent des motoneiges à 70 km/h, en théorie, pendant l'hiver et des vélos pendant l'été, ce n'est pas la conception tout à fait classique d'un parc. Mais c'est ce que législateur a dit.

À partir du moment où le législateur dit ça dans une loi, bien, c'est difficile, dans un autre régime, de dire: La même emprise est un parc pour certaines fins et ce n'est plus un parc pour d'autres fins. Moi, je pense que la meilleure façon de réglementer ça, ça serait, dans les règlements, dans le schéma d'aménagement, de prévoir, de chaque côté de cette emprise-là, certains espaces où il y a des activités que l'on estime incompatibles avec les activités qui sont exercées sur la piste cyclable.

Ça pose toute la difficulté – et c'est une difficulté importante – de la cohabitation, par exemple, dans les zones agricoles, d'objectifs de développement touristique dans certaines régions et d'objectifs de développement purement agricole. Et là, comme dans certains cas ça doit cohabiter, ça pose des difficultés. Ce qui nous fait dire, à nous, que la meilleure façon de les régler, c'est de laisser les gens, au niveau régional et au niveau local, s'entendre entre eux. Le mémoire de la Fédération québécoise des municipalités laisse entendre que c'est possible, malgré tout ce qui a été dit ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une courte question, une dernière?

M. Chenail: Oui, peut-être une dernière question. En fait, c'est que vous répondez puis, en même temps, vous ne répondez pas à ma question, parce que, de quelle façon on peut faire en sorte... Quand les MRC envoient leur schéma à Québec puis qu'ils disent: Non, tu n'as pas fait ton devoir comme il faut, il faut que tu recommences, puis, quand tu es zoné agricole à 97 %, avec ta voie ferrée, de quelle façon tu peux finir par régler ton problème?

Parce que, là, on est toujours au même point. C'est sûr que, dans la région des Laurentides, eux autres, ils n'en ont pas, d'agriculture. S'il y a une ancienne voie ferrée, ils peuvent faire des choses avec. Mais, chez nous, on est agricole à 97 %. Les maires sont unanimes qu'ils n'en veulent pas. Il y a des petits bouts dans les villages que c'est normal, dans les zones blanches, qu'ils fassent ce qu'ils veulent avec, mais, quand tu arrives...

M. Giroux (Lorne): Le régime actuel – et ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est le régime de la loi – c'est que, quand vous envoyez ça à Québec puis le gouvernement vous dit: Ce n'est pas correct, il y a une place pour la négociation. Et c'est là, à mon avis, qu'il faut intervenir, parce que le gouvernement a le droit de modifier d'office le schéma, mais c'est un geste politique qui peut être lourd de conséquences. Dans ce contexte-là, l'expérience québécoise révèle qu'il est souvent possible d'en arriver à un compromis avant que ces gestes-là soient posés. C'est la seule chose que l'on peut vous dire, dans le régime actuel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Ça termine cette audition-ci. Alors, Me Giroux et Me Sauvé, merci beaucoup.

J'invite les gens du Comité d'action provincial «Sauver les campagnes» à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

(10 h 40)

Alors, M. Bouchard, du Comité d'action provincial «Sauver les campagnes», c'est vous qui commencez la présentation. Si j'ai bien compris, déjà, les inscriptions, par madame, sont prises. Vous pouvez quand même nous présenter les gens qui vous accompagnent...


Comité d'action provincial «Sauver les campagnes»

M. Bouchard (Roméo): Oui, permettez-moi de vous présenter ceux qui sont avec moi aujourd'hui: M. Maxime Laplante, qui est conseiller municipal à Sainte-Croix de Lotbinière, formation en agronomie, enseignant également et responsable d'un comité de citoyens actuellement qui doit faire face à l'implantation de plusieurs projets de porcherie; Me Francine Vallée, qui est avocate dans le bureau Beaulieu, Vallée, spécialisée dans les dossiers privés ou municipaux concernant la protection du territoire agricole. Mme Vallée a participé à la rencontre qu'on a eue l'automne dernier qui a donné lieu au Comité «Sauver les campagnes», et c'est à ce titre-là qu'elle est ici personnellement engagée dans cette réflexion.

Pour ma part, je suis agent de développement à Saint-Germain-de-Kamouraska et je travaille en développement local et régional depuis une trentaine d'années. Je suis également formateur en développement local au cégep de Saint-Félicien en ce moment.

Tous trois, nous faisons partie de ce Comité «Sauver les campagnes» qui a été créé à l'automne 1999, suite à un rendez-vous qui a réuni à Saint-Germain-de-Kamouraska plus d'une centaine de représentants de comités de citoyens qui luttent un peu partout à travers le Québec contre des projets qui affectent leur milieu: les porcheries, mais aussi les barrages, les captages d'eau, les coupes de bois, industries polluantes, etc. Alors, il y a aussi ici quelques personnes d'autres comités de citoyens qui sont présentes avec nous, notamment Saint-Côme-Linière, Saint-Germain, Sainte-Croix, comme je l'ai mentionné.

Notre mémoire, on a eu peu de temps pour le préparer, même pas une semaine, de l'avis qu'on a eu qu'on pourrait se présenter. Évidemment, on n'a pas la batterie d'experts dont disposent les grandes organisations ni l'argent. Alors, ce qu'on vous apporte, c'est des paroles de citoyens. On va à l'essentiel. On n'est pas des juristes, on n'est pas des experts. Et je vous invite à une discussion qui va être possiblement assez musclée, assez différente des propos que, en tout cas, j'ai entendus ce matin, qui sont beaucoup plus techniques.

Donc, je vous invite à un exercice d'ouverture d'esprit qui est assez exigeant parce qu'on est heureux de venir vous parler, très heureux que vous ayez accepté parce que ce qu'on veut vous faire entendre, c'est le point de vue de citoyens qui subissent chaque jour dans leur communauté les conséquences concrètes de la loi n° 23.

On ne parle pas de théorie parce que, pour les citoyens que nous représentons, cette loi, et surtout la façon dont elle est utilisée par l'UPA et appliquée par les ministères concernés – on parlera toujours de trois ministères principalement, Environnement, Affaires municipales et Agriculture – est malheureusement et rapidement devenue pour nous synonyme de conflits sociaux déchirants qui divisent les communautés, menacent le développement et le patrimoine de leur village et compromettent leur avenir dans plusieurs cas. Synonyme également de mépris de la démocratie des citoyens et du citoyen qui sont réduits à l'impuissance par un groupe d'intérêts qui ne représente que 10 % de la population mais s'est assuré la protection de l'État dont il est devenu un partenaire majeur pour la poursuite d'objectifs purement économiques.

En vertu du droit de produire que lui confère cette loi, un seul producteur – c'est ce qu'on vit dans la plupart de nos villages – appuyé par la puissante machine de l'UPA, peut tenir tête à toute une population, qui découvre qu'elle n'a plus aucune prise sur des projets agricoles de plus en plus industriels et considérables, même s'ils mettent en danger leur qualité de vie, les particularités de leur milieu et l'avenir de leur communauté. Ces cas-là sont de plus en plus nombreux actuellement où les citoyens se retrouvent devant des faits accomplis. Les secrétaires municipaux ont autorisé les projets sans même en informer les conseils municipaux, sans en informer la population.

Quand on s'adresse aux élus municipaux, ils nous disent: On n'a plus le pouvoir de réglementer, on ne peut à peu près pas l'exercer. On n'a plus de marge. Et, si on le fait, on risque d'être traîné en cour par le... On risque d'être bloqué par le comité consultatif agricole. Les fonctionnaires du ministère concerné, eux, se cachent derrière des règlements dont on sait très bien comment ils ont été négociés, sous la pression de l'UPA dans la plupart du temps, et qu'ils n'ont plus les moyens de faire observer dans bien des cas, entre autres dans le cas de l'Environnement. Alors, ces villages-là essaient de protéger non pas des caprices, là, mais des particularités sociales et des choix de développement qui ont été faits par leur population.

Or, ce qui nous dérange et nous amène à intervenir auprès de vous au plus haut niveau de cette commission, ce sont des problèmes que provoque l'actuel régime agricole basé sur la loi n° 23 et ses prolongements dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et les règlements des ministères de l'Environnement et de l'Agriculture. Nous allons regrouper ces problèmes sous trois thèmes principaux: problèmes de cohabitation et d'utilisation polyvalente de la campagne, qui affectent à leur tour les problèmes de dépeuplement et d'occupation du territoire; deuxièmement, démocratie, problèmes de démocratie causés par le pouvoir démesuré de l'UPA; troisièmement, problèmes de dégradation des campagnes et les conflits sociaux engendrés par le modèle industriel de développement de l'agriculture qui est mis de l'avant par l'industrie porcine. C'est vraiment le patrimoine de la campagne, quant à nous, qui est en question dans ce problème-là.

Alors, premier thème. La loi n° 23, telle qu'elle est appliquée, met en péril l'occupation du territoire, la diversification nécessaire de l'économie rurale et la survie de plusieurs communautés rurales. Paradoxalement, l'agriculture, qui a été longtemps la base de l'économie et de la vie rurale, est en train de devenir une des menaces les plus sérieuses pour la campagne. Comme tout le monde, nous sommes d'accord avec les objectifs de la loi n° 23, à savoir protéger les terres à potentiel agricole et prioriser les activités agricoles dans cette zone de terres cultivables. L'agriculture, même si elle ne représente plus que 10 % de la population rurale, demeure pour nous une activité essentielle et structurante pour le milieu rural non seulement au point de vue économique, mais aussi aux points de vue social, culturel et environnemental.

Il faut toutefois accepter que, si plus de 80 % de la population est urbanisée, elle a droit à sa part de territoire, elle aussi, pour y vivre décemment et elle a droit à un accès à la campagne. Mais la loi n° 23, surtout de la manière dont on l'applique, confère en pratique aux organisations agricoles une sorte de monopole sur la campagne, aussi dangereux dans ce domaine-là que peut l'être le monopole des compagnies forestières, qu'on a dénoncé, dans les forêts publiques.

Zone verte et zone blanche. Tout d'abord, la division entre zone verte et zone blanche ne doit pas être hermétique comme on la considère actuellement. La loi n° 23, du moins l'interprétation qu'en font les commissaires de la CPTAQ et l'UPA, dresse de plus en plus une sorte de mur de Berlin entre la zone verte et la zone blanche. En zone verte, la priorité aux activités agricoles signifie pour eux qu'on ne doit y admettre que des activités agricoles et que n'importe quelle activité agricole conforme aux règlements de l'Environnement y est pleinement légitime, quelles que soient ses conséquences sur le milieu en général et sur les autres usages et ressources qui s'y trouvent. Ce n'est plus une priorité, en ce moment, aux activités agricoles, c'est en train de devenir une exclusivité et un monopole.

Dans cette conception, la zone verte appartient aux cultivateurs. Tous les autres usages doivent être refoulés dans les zones blanches les plus restreintes possible, et toute forme de contrôle des activités agricoles par les communautés locales en zone verte est jugée abusive. Cette conception rigide ne peut conduire qu'à une destruction de la campagne et du milieu rural. L'eau coule partout à travers la campagne; elle ne s'arrête pas aux frontières de la zone blanche et de la zone verte. De même, les paysages, le patrimoine historique, culturel et architectural, les savoir-faire, le terroir, l'air, l'espace, l'habitat, la flore, la faune ne connaissent pas cette frontière artificielle entre zone verte et zone blanche. Tout comme les multiples ressources de la forêt, si on reprend l'exemple.

La campagne, sa population, ses villages et ses rangs forment un tout. Il y a moyen de protéger de bonnes terres agricoles sans faire de la zone verte un ghetto ou un parc industriel agricole, ce qu'on est en train de défendre en ce moment. Il y a moyen de favoriser l'agriculture sans la laisser désertifier la campagne et démembrer les fermes à dimension humaine et paysanne qui assurent l'occupation du territoire et le maintien d'un mode de vie précieux.

Un peu plus en détail sur la loi, certains aspects de la loi. C'est souvent moins la loi elle-même que son application qu'il faudrait modifier. Plusieurs articles de la loi n° 23 – au moins les orientations générales du gouvernement en matière d'aménagement – imposent qu'on tienne compte de l'ensemble des réalités du milieu rural, de sa population et de sa dynamique. Par exemple – j'en donne d'autres exemples aussi – l'article 1.1 exige qu'on respecte le développement durable dans la protection de l'agriculture – on connaît tous la définition de l'ONU.

L'article 12 exige qu'on tienne compte des particularités régionales et locales et tous les faits pertinents.

(10 h 50)

L'article 62, dans sa nouvelle version, a introduit, aux paragraphes 4°, 8°, 9° et 10°, des critères, disons, d'ordre socioéconomique qui devraient permettre une utilisation polyvalente de la campagne et un partage équitable et harmonieux de la zone verte. Il devrait aussi permettre de favoriser les entreprises familiales et paysannes qui ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en valeur du territoire.

Cependant, ceux qui appliquent la loi, notamment les commissaires de la CPTAQ, prêtent bien peu d'importance, en pratique, à cette référence au milieu rural, comme ensemble, et aux exigences du développement durable. On refuse de considérer l'impact des projets agricoles sur le milieu environnant et on continue à refuser des usages non agricoles sans considérer les conséquences sur le développement et la dévitalisation du milieu.

En voici quelques illustrations: le critère 6° de l'article 62 concernant l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation agricole et le critère 5° concernant la disponibilité d'autres emplacements en vue d'éliminer ou réduire les contraintes sur l'agriculture. Ces deux-là sont utilisés à toutes les sauces par les commissaires pour refuser, en zone agricole, des usages autres que l'agriculture, même lorsqu'il s'agit d'espaces impropres à l'agriculture, même lorsqu'il s'agit de villages d'arrière-pays aux prises avec le dépeuplement où il ne se pratique plus aucune agriculture depuis plusieurs années. J'ai vu ça dans les villages de Saint-Guy et de Saint-Médard dans la région des Basques, ou de villages qui sont appelés à disparaître sans l'apport de nouvelles activités et de nouveaux résidents. De cette façon, en voulant protéger l'homogénéité du milieu agricole, on est en train de détruire l'homogénéité du milieu rural. Pourtant, le critère 5° parle bien de l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation agricole.

Le critère 8° concernant le morcellement des terres demande de s'assurer de superficies suffisantes pour pratiquer l'agriculture. La Commission utilise cet article pour empêcher l'établissement de fermes de subsistance, de type paysan, avec productions du terroir, agrotouristiques ou exploitées à temps partiel, qui permettraient de diversifier la production agroalimentaire et d'occuper le territoire de façon dynamique.

Pour la Commission, on dirait que les seules grosses entreprises industrielles sont légitimes et ont de l'avenir, ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, d'autoriser des mégaporcheries pratiquement sans sol, avec quelques arpents, sans tenir compte des problèmes insolubles de surplus de lisier qu'entraînent partout de telles entreprises. Doit-on comprendre que tout ce qui est gros est bon et que tout ce qui est petit n'est pas bon? Fusionner les terres, c'est bon, même si ça accélère le dépeuplement et la désertification du milieu rural. Morceler des terres, c'est mauvais, même si c'est pour diversifier et dynamiser un milieu en décroissance.

Dans le même sens, l'article 61.1 pose un grave problème. Cet article, qui est nouveau dans la loi n° 23, demande qu'avant d'autoriser un usage autre qu'agricole on s'assure qu'il n'y a pas d'espace approprié aux fins visées par la demande hors de la zone agricole, et on autorise la Commission à refuser la demande pour cette seule raison si la Commission juge que la preuve sur ce point est insuffisante.

Or, les commissaires restreignent le plus souvent l'interprétation des mots «espace approprié» à un espace physique, sans tenir compte que les sites ne sont pas interchangeables. Par exemple, un projet d'auberge prévu sur une site panoramique ne peut être transféré en zone blanche même s'il reste de l'espace. Ça tombe sous le sens, mais pas sous le sens des commissaires. Nous donnons en annexe un commentaire juridique plus détaillé sur ce problème-là qui est posé par l'article 61.1, et Mme Vallée pourra le commenter tout à l'heure.

En somme, la CPTAQ interprète la loi comme si elle était à la solde des entreprises agricoles, de préférence industrielles, et non du milieu rural dans son ensemble. Les commissaires ne se cachent pas du tout pour le faire d'ailleurs; nous en avons été témoins lors d'une audience, en décembre 1998.

Les critères socioéconomiques, on nous a dit clairement: On ne veut rien savoir de ça; ça ne nous regarde pas. Si c'est agricole, c'est bon. Voilà ce qu'on nous a dit. En ce sens, il n'est pas exagéré de dire que la loi n° 23 et la CPTAQ ont complètement dérapé de leurs objectifs. Elles sont devenues, à bien des égards, une sérieuse menace pour la revitalisation des milieux ruraux, qui sont en chute libre, comme on le sait, dans toutes les régions périphériques du Québec.

Un redressement majeur s'impose, à notre avis, et, en ce sens, nous sommes, en général, opposés aux demandes formulées par l'UPA dans le but de renforcer la loi n° 23, de diminuer les distances séparatrices, de court-circuiter le processus de révision des schémas d'aménagement, d'éliminer les contraintes municipales, en somme, d'assurer une exclusivité encore plus grande aux usages agricoles, quels qu'ils soient, en zone verte.

Nous, nous proposons que la Loi – ce sont deux propositions formelles – sur la protection du territoire et des activités agricoles, notamment les critères énumérés dans l'article 62, soit revue, interprétée et appliquée de façon à faire place efficacement à l'agriculture paysanne, à l'utilisation polyvalente de la campagne et aux particularités propres à chaque territoire et à respecter les choix démocratiques des communautés locales et régionales pour garantir une occupation dynamique du territoire. Deuxièmement, on propose l'abrogation pure et simple de l'article 61.1 dont on a parlé en passant et dont on pourra reparler.

Deuxième chapitre, le pouvoir de l'UPA qui annule la démocratie locale. Qui est responsable d'un tel dérapage de la loi n° 23 et de son application qui fait en sorte que cette loi-là qui devait assurer la cohabitation harmonieuse du territoire...

Le Président (M. Dion): M. Bouchard, je vous interromps pour vous dire qu'il reste quatre minutes. Alors, si vous voulez...

M. Bouchard (Roméo): O.K. On va y aller plus vite. C'est dommage parce que c'est précis, ce qu'on avait à dire.

Le Président (M. Dion): De toute façon, vous savez, on va lire le document au complet, et c'est très intéressant, ce que vous dites, de toute façon.

M. Bouchard (Roméo): Bon. Alors, cette loi-là est devenue une sorte d'arme qui permet à l'UPA actuellement de s'approprier la campagne à ses fins propres. Donc, c'est un dérapage. Le responsable de ce dérapage-là, à notre avis, c'est l'influence du puissant lobby de l'UPA et la complicité du gouvernement avec l'industrie alimentaire. Ça fausse actuellement toute la démocratie en milieu rural. Cette loi-là est devenue une sorte d'ensemble de privilèges accordés à une catégorie de citoyens, si importante soit-elle, qui n'est pas la seule.

Dans les règlements de l'Environnement, à ce point de vue là, pour démontrer ça, je ne reviendrai pas là-dessus, vous avez tous été témoins de ça, que ces règles-là qui établissent la cohabitation ont été négociées sous la pression de l'UPA, même qui est revenue sur une première entente. Et ces lois-là sont faites sur mesure pour le milieu agricole à bien des égards. Ils les ont appelées le «droit de produire», ce n'est pas pour rien. Les normes sur l'environnement, on pourrait en discuter longtemps. Quant à nous, elles sont tout à fait présentement insuffisantes pour protéger le milieu.

La réglementation municipale, je vais m'y attarder un peu parce que, là, on est au coeur du débat. Ce régime-là ne laisse plus de place actuellement pour la réglementation municipale. Ça a été très bien expliqué par Me Giroux. Ce que je voudrais souligner ici particulièrement – ça, on le vit puis on paie de notre poche pour ça, les citoyens – c'est qu'il n'y a actuellement personne qui est capable de nous dire qu'est-ce que les municipalités ont le droit de faire et de ne pas faire, ni les gens dans les ministères, ni les gens dans les MRC, ni les avocats. Tout, finalement, est contestable.

L'UPA, de toute façon, conteste tous les règlements, y compris le règlement sur le zonage de production qui est pourtant un pouvoir très net dans la Loi sur l'aménagement. Elle la conteste actuellement dans le cas de Saint-Thomas-de-Pierreville en Cour supérieure. Et là, nous autres, les citoyens, il faut se taper des poursuites en cour sans savoir si on ne va pas se faire blackbouler puis si on va dépenser 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ complètement pour rien.

Nous considérons que c'est absolument scandaleux qu'on laisse les communautés locales dans l'impossibilité de se défendre et qu'on laisse un lobby faire la loi et interpréter la loi comme il le veut. Les gens que j'ai derrière moi et les gens qui sont à travers la province avec lesquels on est en contact, c'est cette situation qu'ils vivent. Ce n'est pas normal qu'on ne soit pas capable et qu'on laisse tout ça à des cours qui, la plupart du temps d'ailleurs, ne sont pas vraiment équipées pour traiter de ce débat-là.

(11 heures)

Les CCA, ce que j'ai entendu tout à l'heure nous désespère largement parce que les comités consultatifs agricoles, nous autres, on les a en quelque part. Ça n'est pas vrai qu'à 97 % ça fait l'unanimité. Notre opinion est totalement différente des unions qui sont venues ici en parler. Que les conseils des maires et des MRC suivent les avis du CCA dans 90 % des cas, ça ne prouve pas qu'ils sont démocratiques mais, tout au plus, que les maires, eux-mêmes largement influencés par les agriculteurs, n'osent pas s'y opposer. Tout le monde a peur de s'opposer à l'UPA actuellement. Les CCA sont devenus une sorte de droit de veto des agriculteurs sur l'ensemble de l'aménagement rural; pas rien que sur leurs problèmes à eux, c'est tout l'aménagement du territoire rural qui est en cause.

Alors, nous pensons que ces comités-là devraient avoir une représentation beaucoup plus équitable que ça. Il y a beaucoup d'autres groupes de citoyens qui ont une part importante, qui devraient être présents dans un véritable forum sur l'aménagement, et c'est tout à fait inacceptable qu'on donne à une catégorie, à un groupe d'intérêts comme celui-là un droit de veto comme on lui donne actuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous faisais signe que vous aviez terminé, mais je vous donnais une minute de plus, là. Vous étiez trop bien parti pour vous arrêter comme ça.

M. Bouchard (Roméo): Dans le même sens du pouvoir démesuré, actuellement, qu'exerce la complicité du gouvernement avec les organisations agricoles, le Sommet de Saint-Hyacinthe, on en subit les conséquences, nous autres, sur le terrain. On a créé des ententes qu'il fallait doubler les exportations, notamment en industrie porcine, mais, comme je le dis là-dedans, je ne suis pas sûr que M. Landry, qui a présidé à cette entente-là, a calculé les tonnes et les tonnes de lisier supplémentaire qu'il garrochait par le fait même au travers des campagnes, des habitations, des villages, des activités que ce monde-là met en place pour essayer de redynamiser leur village.

Alors, dans ce sens-là, on suggère, nous, d'élargir tout à fait, considérablement, de redonner les pouvoirs d'aménagement et de réglementation des municipalités et des MRC, leur permettre de compléter les normes nationales, leur redonner... Parce qu'ils n'en ont plus actuellement, ils n'en ont plus. Le peu qu'ils ont, ils ne savent même pas s'ils l'ont puis ils sont menacés de se faire poursuivre s'ils l'utilisent.

Deuxièmement, de modifier le CCA pour en faire véritablement un forum sur l'aménagement et la gestion intégrée du territoire et qu'on arrête de donner des privilèges à une classe actuellement qui est en train de s'approprier toute la campagne. La campagne, elle ne va pas bien. Le monde pense qu'elle va bien. C'est comme la forêt avant le film de Desjardins, tout le monde pensait que ça allait bien. Mais ça ne va pas bien en campagne, actuellement, du tout, elle s'en va chez le diable à cause de raisons comme ça.

Bon. Là, je n'aurai pas le temps de l'expliquer, mais je voulais vous expliquer comment le développement, actuellement, qui se produit en industrie porcine, qui est un modèle agressif au point de vue industriel et au point de vue concentration des entreprises, met en danger de façon très claire tout ce qu'on vient de dire là, parce que... J'ai perdu mon idée, là, en tout cas.

Disons que je m'en tiens juste à signaler – à la page 20, pour ceux qui ont le texte – les propositions qu'on formulait là-dessus: de limiter la production animale en fonction de la capacité de support des sols et non d'abord en fonction d'objectifs économiques d'exportation; de limiter la taille des entreprises et de moduler l'aide gouvernementale de façon à favoriser la ferme familiale et paysanne, ce qu'actuellement on ne fait pas; d'entreprendre un vaste programme de conversion de la gestion liquide à la gestion solide des fumiers; et d'éliminer le caractère secret qui entoure l'approbation de projets majeurs comme les mégaporcheries, de soumettre leur approbation à une procédure de référendum décisionnel. Ça, c'est une chose qu'on a discutée dans tous les comités de citoyens et que tout le monde... Alors, la balance, on pourra l'expliquer dans les réponses aux questions. Vous avez le texte de toute façon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite le député de Lotbinière, suivi des députés de Richmond et de Roberval. M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Bouchard, M. Laplante et Mme Vallée. Un salut tout à fait spécial à M. Laplante, qui est un de mes conseillers municipaux, à Sainte-Croix de Lotbinière. Vous avez parlé abondamment de... Vous parlez de production industrielle, familiale, paysanne. Pouvez-vous nous définir ça plus précisément? Industrielle, pour vous, ça veut dire quoi? En nombre d'unités animales ou...

M. Bouchard (Roméo): M. Laplante est bien placé pour répondre à ça.

M. Laplante (Maxime): Bon. Disons que, effectivement, la définition n'a jamais été très claire. Ça, là-dessus, on a toutes sortes d'opinions différentes et divergentes sur la question. Mais il y a des cas qui deviennent tellement évidents par leur ampleur. Moi, je suis plein de préjugés, au fond.

Lorsque je vois un jeune gars d'une vingtaine d'années qui débarque dans un milieu comme le mien et qui a un million subitement en poche pour être capable de construire un complexe de 4 000 porcs, qu'il a la machinerie qui va avec, le terrain, évidemment, qu'il a réussi à acheter parce que le prix était exorbitant, dépassant de beaucoup l'évaluation municipale, j'ai de la misère à croire que c'est effectivement de sa propre poche, de son propre cru et que ça lui tente vraiment de passer le restant de son existence à nourrir et à castrer des petits cochons, dans une usine pareille, pour le restant de ses jours.

Ça, pour moi, ça dépasse clairement le cadre familial. On avait déjà établi, d'ailleurs, avec une discussion avec l'UPA, la dimension d'une ferme porcine, en disant: À 1 600 m², donc 1 600 cochons à peu près, ça pouvait faire vivre une famille confortablement.

Mais la question n'est pas là. C'est que, présentement, le modèle porcin – pour prendre un exemple, parce qu'on pourrait l'établir avec d'autres modèles de production agricole également – se base sur le fait qu'on spécialise la production. Le producteur porcin aujourd'hui il ne nous fournit pas sa moulée, il ne fournit pas ses entrants, il ne construit pas son bâtiment, il ne fournit pas le transport. Lui, il est engagé comme ouvrier agricole. Appelons-le comme ça pour être gentil. Donc, il est engagé comme ouvrier agricole. On lui fournit le bâtiment, on lui fournit la moulée, les cochons, il ne fournit qu'un minimum en travail personnel pour être capable de rendre les porcelets à un âge un peu plus élevé, où c'est, encore là, exporté par la suite.

Donc, c'est sûr que, si on lui demande d'être capable de vivre de ça, pour une part minime de contribution à la ferme, il va falloir augmenter la taille de l'entreprise démesurément et qu'un jour on nous arrivera en disant: Vous savez, une entreprise familiale, pour être capable de faire vivre une personne, ça prend 50 000 cochons. Aujourd'hui, il faut vivre avec son temps. C'est un peu ça, la discussion qui nous suit.

Est-ce que la communauté est prête, cependant, à accepter ce modèle-là? Parce que, si on fait le calcul plus loin, supposons que tout va bien... Je fais la supposition. Évidemment, je ne suis pas vraiment partisan de cette idée-là. Mais supposons que tout va bien, qu'il n'y a pas de pollution de l'eau, ni des odeurs, ni des problèmes d'antibiotiques dans ces usines-là, qu'il n'y en ait pas, de problème, du tout, là, ça va très bien, c'est parfait, tout le monde est content, excellent, une situation tout à fait théorique. Il va en rester combien après 10 ans?

Le MAPAQ, présentement, dit: Vous avez 3 000 unités animales pour la petite municipalité de Sainte-Croix – 860 personnes – et dit: Vous avez de la place pour trois fois plus. Donc, il veut nous débarquer 30 000 cochons, puis c'est pourtant le deuxième comté le plus gros en production laitière au Québec. Qu'est-ce qui va se passer après? On peut s'attendre... Si, effectivement, on implante tout ça, il va rester de l'espace ou de l'emploi pour des ouvriers agricoles. Il va y en avoir combien? Cinq, six, sept. Est-ce que ces sept personnes-là vont entretenir tout le réseau routier, vidanges, police, services municipaux, etc., pour l'ensemble de la communauté? On peut en douter. Ça, c'est dans la situation où ça irait très bien, on n'aurait pas les problèmes de pollution qui sont liés par la suite. Je ne sais pas si je réponds un peu à la question.

M. Paré: Mais, quand vous dites... Vous parlez après... L'industriel, vous venez de le définir; le familial, vous l'avez défini, par conséquent, dire: Bon, bien, écoute, avec 200 truies, il y avait à peu près 2 000 cochons-année, ils sont capables de vivre. Mais «paysanne», ça veut dire quoi, ça? C'est quoi, ça, une entreprise paysanne?

M. Laplante (Maxime): Bon. Effectivement, il est dur à définir aussi. Je dirais: On n'a pas nécessairement besoin de clarifier clairement où est-ce qu'on met la frontière entre une agriculture paysanne à temps partiel, à temps plein, etc., sauf que, présentement, le modèle qu'on a, c'est qu'on encourage, on subventionne et on maintient en place uniquement les entreprises qui sont de grosse dimension et à temps plein.

Exemple très concret. Quelqu'un veut venir s'installer dans ma communauté et dit: Moi, je vais travailler – mettons – à la fonderie locale, je veux avoir une petite ferme, tranquillement, je veux commencer ça doucement sans m'endetter pour le restant de mes jours. Présentement, impossibilité, il ne peut pas... Il pourrait toujours acheter une terre, peut-être, mais, encore là, il ne peut pas en morceler une.

Donc, s'il y a une terre existante de 200 hectares, il ne peut pas en prendre 20 hectares. La CPTAQ dit: On ne morcelle pas. Donc, il ne peut pas déjà accéder à une terre. Et, s'il faisait l'acquisition d'une terre, il ne peut pas y construire sa maison, parce qu'il n'est pas agriculteur à temps plein ou dont l'occupation est l'agriculture de façon principale. Donc, pour lui – qui serait une occupation paysanne à temps partiel, dans un modèle différent – il n'y a aucune place.

Là, je fais, en plus, abstraction de tout le programme de subventions qui ne s'applique qu'à partir d'un certain niveau de production. Le Canada s'est embarqué dans un système où il dit: On subventionne par porc ou par litre de lait, etc. Quand je parle de subventions, là, j'entends toutes les aides qu'il peut y avoir sous différentes formes. Que ce soit un régime d'assurance stabilisation qui soit financé en partie par l'État ou que ce soit une aide en formation technique – en tout cas, peu importe – vous avez accès à cette aide-là uniquement à partir d'un certain niveau, et ça va en augmentant avec votre niveau de production.

Donc, si vous produisez 20 000 litres de lait, vous avez tel niveau de production; si vous en produisez 40 000, vous avez le double et, si vous en produisez 200 000, vous avez droit à tant de plus. Et, si vous êtes en dessous de cette barre-là, désolé, vous n'existez pas, l'UPA va vous mettre à la porte de son propre syndicat – pour différentes raisons – et, après ça, vous n'avez pas droit, donc, à cette aide-là.

Si, moi, je veux me faire une fosse à purin – exemple – moi, je vais devoir la payer de ma poche, parce que, moi, je ne suis pas reconnu comme étant une grosse entreprise industrielle, je ne suis pas à la mode. Donc, moi, je vais devoir me payer la facture au complet. Même chose pour les frais de vétérinaire. Si j'ai un problème vétérinaire, je dois payer le 100 % de la facture, alors que l'autre qui est plus gros a un déductible là-dessus.

Donc, c'est tout ça qui est en place. Je ne tiens pas à définir c'est quoi, l'entreprise paysanne, mais présentement on a un modèle qui fait tout pour encourager le grossissement de l'entreprise au détriment de la petite. Il ne reste plus de place pour les petites entreprises.

(11 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. Bouchard, Mme Vallée, M. Laplante, c'est avec grand plaisir que nous vous recevons aujourd'hui. Tantôt, M. Bouchard disait: On n'a pas de batterie d'experts pour nous aider. Moi, je veux vous indiquer que, quand on lit votre mémoire, on se rend compte que vous n'en avez peut-être pas nécessairement besoin. On comprend ce que vous avez à dire. Et je pense que c'est un autre message qu'on reçoit de vous aujourd'hui et que le vécu... Je pense que le vécu des gens, c'est encore une chose qui est super importante pour le législateur, de savoir comment les lois, dans leur application, viennent à avoir de l'effet chez les gens qui ont à les vivre, je ne dis pas «à les subir», mais à les vivre; trop souvent c'est les subir.

C'est sûr qu'on dénote, dans votre présentation, d'abord, une offensive, définitivement, à l'endroit de ce que vous appelez le monopole de l'UPA, de tous les pouvoirs et de ce lobby très important, souvent un lobby important pour défendre les intérêts des producteurs, bien sûr, un lobby politique très important, tout le monde le sait, puis plusieurs ministres qui sont passés par là savent c'est quoi, l'UPA, maintenant. Alors, ce que vous nous dites là, vous n'inventez rien puis vous dites des choses que beaucoup de gens pensent puis ne disent pas nécessairement à haute voix. Alors, c'est peut-être un autre message, mais c'est bon que, au moins en commission parlementaire, les élus aient la chance – la chance, je dis – de vous entendre.

On dénote, dans vos propos, d'abord, la première partie de votre présentation, face au rôle joué par la CPTAQ et l'UPA, que vous insistez beaucoup sur le manque de souplesse de la CPTAQ. Et je reconnais dans vos propos... Vous n'êtes pas les seuls à le dire, il y a beaucoup d'élus municipaux, en particulier dans les municipalités, dans les collectivités qui sont en problèmes existentiels, qui sont en problèmes de dévitalisation, de déstructuration, qui nous disent qu'ils ne comprennent pas l'attitude de ce tribunal administratif qu'est la CPTAQ à l'endroit de la capacité que certains milieux veulent se donner de s'assurer qu'il reste de la vie sur le territoire.

Il y a des municipalités qui sont rendues là, il ne faut pas se le cacher, et qui comprennent mal que l'intransigeance gouvernementale, par le biais de la CPTAQ, s'exerce et empêche ces milieux-là de respirer. C'est un petit peu ça que je décode dans le message que vous nous donnez, et je pense que de plus en plus de gens l'utilisent. Vous en parlez aujourd'hui, mais, moi, je veux vous dire qu'on l'entend de plus en plus, ce message-là.

Quand vous nous parlez en particulier de l'article 62 de la loi, évidemment l'article 62 est venu introduire des nouveaux critères d'ordre socioéconomique qui devraient permettre une utilisation polyvalente de la campagne et un partage équitable et harmonieux de la zone verte. Moi, je me souviens que ce sont les députés membres de cette commission qui, à l'époque, unanimement, avaient demandé à ce que soit introduit un pareil critère pour permettre à la Commission de protection du territoire agricole de tenir compte de ce facteur dans la prise de décisions. Moi non plus, je n'en ai pas vu passer gros, des décisions de la CPTAQ qui nommément mettaient le point là-dessus pour dire que c'était en vertu de ce critère-là que la décision était prise.

Il y a 61 également, oui. Alors, c'est bon qu'on vous entende là-dessus parce qu'on rencontre aussi la CPTAQ puis on aura des questions à leur poser sur comment ils appliquent la loi comme telle et comment on peut aussi voir, dans l'immense majorité des décisions, que c'est la question de l'homogénéité du territoire qui est tenue en compte. Ça, c'est la règle universelle pour refuser des demandes, alors que, de plus en plus, il y a des élus municipaux qui viennent nous voir, en tout cas, moi, ils viennent me voir comme député, puis je commence à avoir un problème avec ça parce que je suis pour ça, la protection du territoire agricole.

Mais, en même temps, quand on me dit, dans une petite municipalité qui est en voie de dévitalisation, qu'il y a des terres de catégorie 6, de catégorie 7, où on pourrait avoir des fermes, où on pourrait permettre un usage de la ferme sur une base beaucoup plus limitée qu'une ferme de nature industrielle, où on va utiliser la terre, où on va permettre la présence humaine, et puis que c'est impossible à atteindre... Malgré les lois qu'on a, les schémas d'aménagement puis les ci puis les ça, le monde municipal local qui le désire se voit bloqué dans cette volonté d'intervention pour assurer de la vie sur le territoire.

C'est donc dire que c'est un débat qui n'est pas terminé là-dessus, et je pense qu'on devra un jour ou l'autre se remettre à la table pour voir comment on peut trouver des moyens de s'assurer qu'une commission qui dispose... Elle dispose du mandat du législateur, mais, en même temps, il faudrait peut-être faire une corrélation de toutes les décisions qui sont prises puis voir comment, dans la pratique, les décisions se prennent par rapport à des arguments que nous autres mêmes, comme législateurs, des fois, on défait mais qui ne se traduisent pas dans les prises de décision.

Alors, moi, je veux vous dire que ça fait très rafraîchissant de vous entendre, puis n'ayez pas peur de continuer à le faire parce qu'il faut marteler souvent avant qu'on vienne à bout de voir les législations modifiées. Mais je vous invite à continuer à le faire, malgré les faibles moyens qui sont mis à votre disposition.

Par ailleurs, et vous l'indiquez vous-mêmes dans votre mémoire, la loi qu'on a devant nous vise à favoriser les activités agricoles en territoire agricole. Et ça m'amène à vous reposer la question sur les comités consultatifs agricoles. Moi, le message que j'entends des élus locaux là-dessus, c'est que c'est assez viable, somme toute. Ce n'est peut-être pas 100 % de ce qu'ils veulent, mais votre message que vous nous dites, dans le fond, vous dites: Oui, mais c'est parce que les élus municipaux, ils n'osent pas affronter l'UPA, dans le fond, que ça se produit puis qu'ils finissent par nous dire: Bien, ce n'est pas si pire, cette affaire-là. Mais, dans le fond, ils souhaiteraient bien que ça n'existe pas.

Sauf que – j'écoutais tantôt le député de Saint-Hyacinthe aussi dans sa plaidoirie là-dessus – moi pour un, je trouve que les comités consultatifs agricoles finissent par jouer un rôle positif dans l'appréciation des demandes qui sont faites. Il y a peut-être des exceptions, il faudrait les voir puis... Mais de là à amender la loi pour les enlever, je pense qu'il reste beaucoup de terrain, beaucoup de choses à faire avant qu'on en arrive là.

L'autre questionnement que j'ai... Non, plutôt, je vais vous laisser réagir, parce que je veux être sûr qu'on n'en oublie pas. Il y a certaines de vos recommandations, si...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et le temps passe très rapidement.

M. Vallières: Oui. Alors, je veux vous entendre, mais je voulais quand même faire ce point avec vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le plus court possible parce que j'ai beaucoup d'autres interventions.

M. Vallières: Alors, rapidement, sur le CCA, oui.

M. Bouchard (Roméo): Je vais me limiter à la question du CCA. Il ne faut pas oublier non plus que les maires, dans beaucoup de cas, sont très proches, quand ils ne sont pas eux-mêmes des agriculteurs, et que le concept de dire qu'on est dans une paroisse agricole est encore tellement présent que, quant à moi, comme professeur en développement local, c'est un mythe. Les paroisses où il ne reste que 10 % ou 8 % de la population qui vit de l'agriculture, ce ne sont plus des paroisses agricoles. Et, en disant qu'elles le sont, on continue le mythe puis, donc, bien là tout le monde doit écraser parce qu'on est dans une paroisse agricole, tu sais. Et, dans ce sens-là, le sondage dont a fait état la FQM, on n'a aucune indication sur comment il a été fait. Est-ce qu'il a été analysé? Quel genre de questions ont été posées? À mon avis, c'est très mauvais de se fier à ça, très, très mauvais.

Je vais vous donner un exemple où les CCA, quand je dis que c'est un droit de veto, c'est parce que c'est porté par toute cette conception-là. Le schéma d'aménagement est en préparation chez nous. Le chapitre sur la cohabitation en zone agricole évidemment est particulièrement grand parce que l'industrie porcine sévit chez nous, plusieurs villages sont aux prises avec ça, etc.

Qu'est-ce qu'on apprend que la MRC a fait pour préparer son chapitre sur la cohabitation? Elle a invité l'UPA et le CCA à le construire avec elle. Vous allez me dire: Vous allez être consultés au bout de la ligne. Oui, mais il va y avoir un moyen bout de chemin de fait. Comment ça se fait que, nous, les citoyens, on n'est pas consultés? Comment ça se fait que ceux qui s'occupent de développement ne sont pas consultés? Comment ça se fait que ceux qui s'occupent de santé sur le territoire ne sont pas consultés, que ceux qui s'occupent de tourisme ou qui apportent actuellement des retombées égales à l'agriculture dans notre région ne sont pas consultés? Comment ça se fait qu'ils ne sont pas assis au CCA, eux autres? Ça ne va pas, ça, ça ne marche pas.

Tu sais, quand même qu'il y aurait des boss en haut qui disent: Ah! on va s'arranger avec ça... On va s'arranger avec ça parce qu'ils aiment mieux s'arranger avec l'UPA que de l'avoir dans le dos. Mais seulement ça ne marche pas, cette affaire-là, ça ne fonctionne pas.

M. Laplante (Maxime): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, une courte.

M. Laplante (Maxime): Il y a le processus du CCA, il y a toute l'espèce d'impuissance du citoyen dans le processus démocratique également. Je vais mentionner des exemples, là. O.K. On a une situation de conflit d'intérêts clair, que ce soit au CCA, que ce soit au comité d'urbanisme de la municipalité, que ce soit au chapitre des conseillers municipaux.

(11 h 20)

Exemple concret: une conseillère municipale, une mairesse suppléante qui veut construire un complexe industriel porcin et qui anime les réunions municipales avec la population et qui empêche les droits de parole des citoyens. Conflit d'intérêts majeur. Et on me dit, c'est très clair: Vous faites une poursuite, 4 000 $, et vous gagnez votre cause. Je suis certain de gagner ma cause. Ça va me coûter 4 000 $. Et il faudrait que je recommence parce qu'au comité d'urbanisme c'est également la même situation. Donc, le président du comité est employé agricole des projets agricoles autour et les autres membres, en partie, ont des contrats d'épandage de lisier avec le projet industriel porcin également.

Donc, est-ce que je poursuis encore pour 4 000 $ chacune des personnes? Tout ce que je peux gagner, c'est qu'elles se retireront pendant cinq ans, il n'y a pas plus de dommages que ça, et ils vont en mettre d'autres, et on continuera, donc, jusqu'à ce que mon portefeuille soit épuisé. Mais, de toute façon, je n'ai pas l'argent pour le 4 000 $. Si on continue, si j'ai encore quelqu'un qui a la même situation au CCA, le seul recours que j'ai, c'est de poursuivre. Je trouve ça un peu lourd à porter comme pauvre citoyen là-dedans.

On a encore l'exemple d'un complexe porcin qui a 800 unités animales, c'est 4 000 porcs, c'est gros, ça, c'est dans mon rang. À l'époque, j'étais maire suppléant, en prime. Je suis conseiller municipal depuis sept, huit ans, mais j'étais maire suppléant. C'est dans mon rang, je n'en ai jamais entendu parler avant. Donc, le projet se construit. J'en entends parler lorsque je le vois carrément dans le paysage. Présentement, j'ai une pelle mécanique devant chez moi, ce matin, et il y a un projet qui s'installe. Je n'ai aucune espèce d'idée c'est quoi au juste. Je suis juste conseiller, je n'en entendrai pas parler. Demain matin, il y a une réunion du conseil municipal qui va se tenir à 10 heures de l'avant-midi, en mon absence. Ils savent tous que je travaille, donc se rencontrent et à titre de conseil municipal, en mon absence. C'est comme ça que ça fonctionne. Est-ce que je poursuis les six autres membres du conseil municipal à 4 000 $ chacun pour les discréditer? Je fais quoi dans une situation comme ça?

Là, les porcins, c'est un aspect. Actuellement, la loi dit: Ce qui n'est pas interdit est permis. Là, on part en guerre avec les porcheries parce que c'est le plus gros morceau. Mais supposons qu'il m'arrive un projet de pisciculture de 8 hectares à côté, il va être aussi dommageable que le reste, les gens vont être aussi contre que ça. Qu'est-ce qui va se passer? Le certificat d'autorisation va avoir été émis sans consultation, les papiers vont être remplis sans information. Donc, au moment où les citoyens vont en entendre parler, le projet va être en construction. Et là ça devient très coûteux et très difficile de bloquer tout ça parce qu'il y a déjà des papiers légaux qui ont été émis. Donc, là, ça devient une guerre impossible. Donc, la composition du CCA m'apparaît un item, un détail dans toute cette mer. Présentement, je ne vois aucun recours collectif pour la population, même si elle est contre.

On arrive même à des situations absurdes où... On a un projet de règlement actuellement, on en a même plusieurs, Saint-Édouard, la municipalité à côté, et la nôtre également. La semaine dernière, les gens avaient la possibilité de s'inscrire au registre pour manifester leur mécontentement par rapport à un projet de règlement. Le projet de règlement disait, rapidement: À 600 m de la route 132, zone protégée, on ne met pas de porcherie là-dedans. Les gens voulaient beaucoup plus que ça, c'est clair, mais le conseil municipal leur dit: Si vous votez contre, attention, on risque d'enlever le règlement puis de ne plus en discuter. À ce moment-là, vous allez vous ramasser avec moins que rien.

Donc, les gens sont contre le projet non pas parce qu'ils ne veulent pas de règlement, mais parce qu'ils en voudraient un qui serait beaucoup plus méchant ou qui gérerait la situation. Et la seule situation, c'est qu'ils sont astreints à ne pas voter au registre parce que la conséquence serait exactement le contraire de ce qu'ils veulent. La situation de Saint-Édouard est un peu la même aussi.

Donc, sans entrer dans les détails, les gens se retrouvent dans une situation où ça devient du bluff et du gambling. Je veux obtenir ceci comme citoyen, mais, si je pose un geste correct de citoyen, je vais obtenir exactement le résultat contraire. Et, après ça, le conseil peut toujours dire: Il n'y a pas eu de votes au registre, donc la population est parfaitement satisfaite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Roberval, il vous reste sept minutes, maximum.

M. Laprise: Je vais être très bref. Merci beaucoup, M. le Président. Au début de votre mémoire, je me posais la question... justement parce qu'on parle beaucoup aujourd'hui de déstabilisation des petites municipalités. Je pense qu'on est tous conscients de ça. Moi, je demeure quand même convaincu que l'agriculture est un élément pour conserver la vie dans un milieu rural. D'ailleurs, c'est elle, l'agriculture, qui a permis le déboisement, qui a permis également l'occupation du territoire dans l'ensemble du Québec. On peut dire ça encore aujourd'hui. Et, si on empêche l'agriculture de progresser, je pense qu'on empêche également bien des paroisses de progresser. Parce que, à partir du moment où on va être capable d'installer des entreprises agricoles dans chacun des milieux... Puis, je pense, dans ma région, dans le comté de Roberval en particulier, même à Saint-Félicien même, il n'y a à peu près pas d'élevage de porc. Il n'y en a pas du tout.

M. Bouchard (Roméo): Ils s'en viennent.

M. Laprise: Alors, j'ai été maire de Saint-Félicien pendant 11 ans et je sais ce que je dis quand je parle d'agriculture. J'ai été même également cultivateur. J'ai encore un de mes garçons qui est dans la production laitière. Moi, je trouve qu'il y a quand même un rapport de force actuellement entre l'UPA et tout ce qui touche l'environnement. Moi, en tout cas, pour un, je peux vous dire que, chez nous, quand il y a un projet quelque part, l'environnement est là, puis il y a des gens qui s'en occupent, de l'environnement, il y a des bons comités de l'environnement. Et je peux vous dire que ce n'est pas facile d'implanter quelque chose sans tenir compte de l'opinion des citoyens qui nous vient par les comités de l'environnement.

Moi, je trouve aussi qu'on inculque aux agriculteurs... On pense encore que les agriculteurs sont à l'an 40 au niveau de l'environnement. Je pense que les agriculteurs, comme les autres citoyens, sont très sensibles. Ils savent qu'ils ne peuvent plus faire les choses comme on faisait autrefois. Ça, c'est bien clair. En agriculture, on est conscient qu'il faut faire des choses de façon différente aujourd'hui de ce qu'on faisait, quand on touche l'environnement. On est aussi conscientisé que l'ensemble des citoyens à la protection de la qualité de vie et à la protection de la qualité de l'environnement. Et, moi, je vous dis aussi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, c'est un bon plaidoyer, mais on peut-u venir à votre question?

M. Laprise: Oui.

Une voix: C'est bon, continue.

M. Laprise: Je pense qu'il faut établir des choses, M. le Président, aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Moi, ça ne me fait rien, vous allez avoir moins de temps.

M. Laprise: Moi, je trouve actuellement qu'on accuse beaucoup l'agriculture, les agriculteurs d'être incohérents, d'être inconséquents avec cette dimension-là de l'environnement. On est conséquents avec ça. Moi, je suis persuadé de ça. D'autant plus que, au niveau de la création d'emplois dans les milieux, l'agriculture est un élément aussi de création d'emplois puis de survie des municipalités rurales.

Mais, par contre, on nous a accusés ce matin d'incohérence avec les pouvoirs qu'on donne aux municipalités et la loi n° 23. Mais, d'un autre côté, l'incohérence, ça s'en va des deux bords. Si on se donne des zones vertes pour protéger l'agriculture et qu'on se donne une loi n° 23 pour être capable de produire dans les zones vertes, il ne faudrait pas avoir l'incohérence de limiter à rien la possibilité du développement agricole. Il faut permettre le développement agricole, il faut permettre l'expansion aussi. Encore une fois, je vous dis: On ne peut pas le faire de n'importe quelle façon. Ça, on est prêt à ça, au niveau de l'agriculture. Il ne faudrait pas penser ça.

En tout cas, moi, je suis d'accord avec vous quand même quand vous parlez également des grosses entreprises. C'est vrai qu'il n'y a pas rien que les grosses entreprises. Moi, aussi, je suis d'accord avec vous quand vous dites: Peut-être que la politique, au niveau des porcheries, est uniquement vers les grandes entreprises, les grosses agglomérations. Il y a certainement la possibilité d'entreprises plus artisanales, plus conformes à une entreprise de dimension familiale.

Il faudrait peut-être l'identifier, cette entreprise-là, pour être capable de dire: Bien, dans des municipalités comme chez nous, on pourrait peut-être avoir deux, trois entreprises porcines, dans les petites municipalités, qui viendraient consolider le milieu rural puis consolider également la paroisse, l'école peut-être, parce qu'il y aurait des familles et des enfants d'attachés à ça. Eh bien, je pense qu'il faudrait peut-être identifier ça. Il y aurait peut-être des choses à faire de ce côté-là.

Les recommandations que vous faites à la fin, quand même, en tout cas, m'ont réconcilié avec le début de votre mémoire.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais vous n'avez toujours pas posé de question, là.

M. Laprise: Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On va entendre les commentaires. Allez-y.

M. Laprise: On va entendre les commentaires. Je voulais faire un commentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laplante (Maxime): Excellent. D'une part, j'ai eu une ferme moi-même. J'en élève aussi, du cochon. Je n'en ai pas 4 000. Ils ne sont pas sur lisier. D'ailleurs, on a fait la proposition aux promoteurs: Si vous vouliez faire votre entreprise porcine moins grosse, sur fumier solide, on va vous donner un coup de main pour la construire. Donc, on n'est pas contre l'agriculture, mais c'est juste la façon dont ça se fait.

On fait souvent l'erreur de classer dans l'agriculture tout ce qui, de près ou de loin, a affaire avec un animal, ou une plante, ou du sol. Donc, c'est une espèce de fourre-tout, tout ça. Il faut un peu distinguer. Les agriculteurs, dans mon coin, ils ne sont pas plus d'accord pour avoir une porcherie de cet ordre-là à l'arrière de leur cour. Même les producteurs implantés, ils n'en veulent pas.

Là, il y a le message de l'UPA en haut qui dit: L'agriculture libre entreprise, ne touchez pas à ça, la zone verte nous appartient. Mais on ne morcelle pas le discours. L'entreprise familiale, le producteur laitier, il va avoir autant de problèmes avec l'usine derrière. Puis, d'ailleurs, ils commencent déjà à avoir le problème. Là, ils se sont rendu compte que, oups, il va leur manquer, à eux autres mêmes, de terre pour faire l'épandage de leur propre fumier parce que l'autre a pris tous les territoires disponibles. Ils vont avoir des problèmes d'épidémie, comme ça s'est produit en Europe, avec la concentration porcine aussi dans les grands projets. La Grande-Bretagne, l'Allemagne ont dû abattre des millions de cochons pour les mêmes raisons.

(11 h 30)

Donc, on ne fait pas le partage entre la très grosse usine, la mégaporcherie – puis je vais prendre même le vocabulaire du ministère de l'Environnement, à partir de 600 unités animales, c'est supposé être ça – et le reste. Parce que les agriculteurs sont d'accord avec nous aussi: On ne veut pas les gros projets, on veut le reste. Et là on se retrouve dans la situation où on est obligé de faire un paquet de règlements complexes qui ne règlent pas le problème, alors qu'il serait si simple de dire: Bien, à partir de tel ordre de grandeur est-ce qu'on peut mettre ça à part?

Si on y tient comme société absolument, si on veut absolument avoir un projet de 40 000 porcs ou de 215 000 porcs, comme ça s'est fait en Allemagne de l'Est, qu'on fasse un parc industriel avec les mêmes normes, les mêmes exigences qu'on le ferait pour un complexe industriel manufacturier ou peu importe, et qu'on les parque là, mais qu'on arrête d'envahir le territoire habité, rural ou agriculture de base familiale. C'est pour ça que je dis: Oui à l'agriculture, non à cette forme d'agriculture. Et, dans le mémoire, d'ailleurs, on en parle un peu plus, de la distinction lisier et fumier solide. Présentement, l'élevage du porc, ça se fait sur lisier uniquement, il n'y a pas de place pour autre chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Oui, très rapidement.

M. Bouchard (Roméo): Très rapidement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très court, je devrais dire, mais, dans votre cas, ça a l'air à être difficile, vous avez beaucoup de choses.

M. Bouchard (Roméo): Ah oui! Ce que je pense qu'il faut retenir, c'est que l'équilibre dans la zone verte, il existait jusqu'à il n'y a pas longtemps. Et, il ne faut pas se le cacher, c'est l'agressivité de l'industrie porcine qui a fait basculer l'équilibre. Même la loi n° 23 a été faite sous pression à cause des conflits que suscitait l'industrie porcine à l'époque, et on ne serait pas ici si ce n'était pas de ça.

C'est que c'est une industrie agressive qui concentre. Tu sais, l'agriculture, oui, mais quelle agriculture? Une agriculture qui concentre, qui fait mourir les fermes familiales, qui dépeuple, une agriculture qu'on fait uniquement pour l'exportation, qu'on subventionne à pleins tubes, comme c'est le cas de l'industrie porcine, pour l'exportation, mais sans se soucier des ravages et des dégâts qu'elle fait en arrière dans les campagnes? Ça non, c'est ça qui ne marche pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Du côté ministériel, je m'étais trompé tout à l'heure, donc maintenant il vous reste cinq minutes. Il vous reste six minutes, M. le député de Beauharnois-Huntingdon, c'est à vous.

M. Chenail: Merci, M. le Président. Vous savez, vous avez parlé des petites entreprises, vous avez parlé de l'UPA, mais, juste pour ramener les choses dans l'ordre, il faut se rappeler que voilà quatre ou cinq ans, quand le gouvernement en place a décidé de faire en sorte que les petites entreprises agricoles avec l'UPA n'étaient plus éligibles aux retours de taxes foncières et que, là, il y a eu 6 500 petites fermes au Québec qui ont disparu, c'est de là que ça a parti. Et c'est là qu'il faudrait ramener les pendules à l'heure pour que les petites entreprises agricoles aient au moins une chance de décoller en quelque part comme dans d'autres domaines. Ça, c'est un point.

Deuxièmement, quand on parle de l'industrie porcine au Québec, on peut se rendre compte que c'est ça qui a terni l'image de l'agriculture au Québec. Parce que, en fait, ce que vous venez de dire tout à l'heure, c'est exactement ça, pour résumer dans six minutes. On se rend compte que c'est le milieu qui a fait en sorte qu'on a fait la loi n° 23, puis l'environnement, puis on cherche toutes sortes de solutions pour régler des problèmes pour des grosses et très grosses entreprises qui sont des multinationales, puis qu'on finit dans un village où il reste trois cultivateurs à peu près. Nous autres, chez nous, on n'a pas trop ce problème-là, mais, dans bien des régions du Québec, ils ont ce problème-là.

Puis il faut aussi comprendre que, voilà 10 ans, 15 ans, quand on a eu des programmes de stabilisation pour le porc, bien là on prenait l'argent de tous les Québécois, puis même la part du fédéral là-dedans, pour subventionner du porc qu'on mangeait, ce n'était pas si pire. Mais là on est en train de subventionner, avec l'argent des Québécois, du porc pour l'exportation, puis on est en train de polluer le Québec avec ça.

Puis, en même temps, on est en train d'enlever une grosse part du budget de toutes les petites fermes pour les donner à des grosses, grosses fermes qui sont des multinationales. Donc, il n'y a plus d'équilibre nulle part. C'est là le constat, où est-ce qu'on est rendu, vous savez.

On pourrait faire des critiques à l'UPA, on pourrait faire des critiques à bien du monde, mais je pense aussi qu'il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités. Les dégâts qui ont été faits il y a quatre ou cinq ans quand on a décidé d'éliminer les petites fermes pour sauver de l'argent dans le budget, bien, on a empêché en même temps d'autres petites fermes de commencer, parce que les gens, bien, il faut qu'ils commencent en quelque part en agriculture, parce que, en agriculture, il faut que tu investisses 5 $ contre 1 $ dans d'autres domaines.

En agriculture, on se rend compte que la zone verte, au Québec, bien, il y en a au moins 54 % qui n'est plus exploitée, puis le Québec, c'est un grand, grand territoire et puis, comme c'est là, on ne l'exploite pas. On néglige l'agriculture, on s'est concentré sur des gros agriculteurs, les grosses porcheries, puis le petit agriculteur qui veut commencer là-dedans, bien, il n'a aucune chance, il n'a aucune aide, il n'y a aucun prêt qu'il peut avoir. Bon. Il est comme pas là et il ne sera plus jamais là.

Je pense qu'il faut revenir à ce qu'on avait il y a cinq, six ans. Il faut qu'à un moment donné l'UPA, qui est l'organisme qui a été reconnu même dans un jugement, qui est le seul – il n'y en a pas d'autres et il ne peut pas y en avoir d'autres – il va falloir qu'eux autres fassent des représentations pour revenir à défendre tout le monde. Là, c'est sûr qu'ils ne peuvent plus défendre celui qui commence ou qui vend en bas de 10 000 $ parce que le gars, il ne les paie pas. Et ils ne l'ont pas défendu. Et le gars, quand même il voudrait payer, ils n'en veulent pas. Ça fait qu'on a un maudit problème, au Québec. Puis je suis bien d'accord avec vous autres là-dessus. Il est temps qu'en quelque part...

C'est pour ça, je pense, que, depuis six mois, un an, la commission de l'agriculture n'a jamais tant siégé, n'a jamais tant voyagé, parce qu'on a fait une tournée l'été passé. On se propose probablement d'en faire une autre, pour que, vraiment, tout le monde prenne conscience, sur le terrain, qu'en quelque part il faut que ça arrête. Et il faut qu'on apporte des grands changements dans le domaine, pour qu'on fasse en sorte que le territoire de la zone verte, qui est immensément grand, et on est pogné avec ça, on est pogné avec la protection du territoire agricole, comme il y en a qui disent, mais en même temps on ne fait rien avec ça, puis les terres poussent en branches et il y a un paquet de monde qui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, si je veux avoir un commentaire d'une minute, je suis obligé de vous interrompre. J'imagine que vous voulez avoir un petit commentaire aussi.

M. Chenail: En fait, c'est ce qu'on voit sur le terrain, c'est ce qu'on entend, et c'est un peu ce qui fait en sorte qu'on a des problèmes avec la loi n° 23, comme vous le dites. Je vous laisse la parole.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On s'aperçoit que nos collègues producteurs, d'un bord et de l'autre, ont été touchés par ce que vous avez dit.

M. Bouchard (Roméo): Est-ce que je peux savoir votre nom, comme député?

M. Chenail: André Chenail, député de Beauharnois-Huntingdon, mais je suis aussi jardinier maraîcher.

M. Bouchard (Roméo): Vous venez de résumer plusieurs des points qu'on essaie de défendre, très exactement. Le seul ajout que je ferais, et vous l'avez effleuré à la fin, c'est que, personnellement, ça fait 30 ans que je travaille en développement local et je considère que le problème des régions périphériques, actuellement, est très, très grave. Je travaille au Lac-Saint-Jean et au Bas-Saint-Laurent en même temps, et les mêmes phénomènes de décroissance s'accélèrent, sont beaucoup plus graves, d'ailleurs, que ce que les gens en ont conscience. Et le problème d'occupation du territoire, là, c'est quelque chose de très grave avec lequel le Québec va être confronté dans quelques années: des régions complètes désintégrées. On le voit pour la Gaspésie, et tout ça, là.

Alors là ça commence à être le temps de se réveiller puis d'arrêter de ne favoriser que des entreprises qui tirent de plus en plus de nos ressources avec de moins en moins de travailleurs et de favoriser des formes d'activité économique nouvelles qui sont créatrices d'emplois et de dynamisme nouveau dans les régions. Et, au niveau de l'agriculture, c'est le combat qu'on mène, c'est le combat qu'on défend ici. Et le problème des porcheries, c'est la pointe de l'iceberg là-dedans.

C'est le modèle qui est menaçant en termes d'occupation du territoire, parce que, en plus des dégâts qu'il fait sur le plan environnemental, il a cet effet de dépeuplement. On a calculé, nous, dans les groupes, que, pour un emploi dans une grosse porcherie, ça équivaut à 18 emplois dans des fermes de moyennes dimensions. Alors, chaque fois qu'on fait une porcherie, théoriquement, à moyen terme, on fait disparaître 18 fermes familiales. Bien, il faut y penser.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Juste quelques mots, M. le Président, parce que je sais que j'ai très peu de temps. Il y a beaucoup de gens qui veulent parler avec vous, je ne sais pas pourquoi, M. Bouchard, mais, enfin...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: C'est très intéressant et très rafraîchissant de vous entendre. C'est sûr qu'on entend parfois des choses comme ça aussi sur le terrain. Je suis de Saint-Hyacinthe, alors je suis bien placé pour en entendre de toutes les couleurs, autant de ceux qui sont très engagés dans le développement de l'agriculture que de ceux qui sont très engagés dans le développement du milieu rural, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le même monde. Mais il reste une chose, c'est que...

Je veux aller très rapidement au point qui me préoccupe. Voici, vous soulevez un tas de problèmes importants. C'est sûr qu'on ne peut pas tout régler ça aujourd'hui parce que c'est la conception même de l'agriculture et du milieu rural qui est en question. Mais ma perception à la suite de ce que vous avez dit est la suivante, et j'aimerais avoir votre commentaire là-dessus: le problème commence quand on transforme la production agricole en industrie agricole, de telle sorte qu'on transforme la tenure foncière traditionnelle dans laquelle le travailleur agricole est propriétaire de son terrain en une tenure foncière dans laquelle celui qui y travaille n'est plus qu'un ouvrier et le terrain appartient à quelqu'un qui introduit, qui implante son industrie agricole pour faire travailler ses ouvriers agricoles.

(11 h 40)

Alors, la conséquence de ça, c'est une dérive lente vers la concentration de la propriété foncière agricole entre les mains de quelques-uns, et la conséquence de ça serait l'appauvrissement du milieu rural, comme on l'a dans tous les pays où ça s'est produit. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus parce que, à un moment donné, il va falloir trouver la clé pour dénouer cette impasse-là.

M. Bouchard (Roméo): C'est tout à fait ce qu'on donne là, et je vais passer la parole à Maxime après. Mais un des leviers qu'a le gouvernement pour modifier cette dynamique-là... Bien, il y en a plusieurs, comme j'ai dit. On n'est pas obligé d'empoisonner tout le Québec pour exporter du cochon, tu sais, si ça dépasse la capacité de support des sols. Et là actuellement ça la dépasse, au Québec. On a atteint le seuil, autant d'unités animales que le Québec dans son ensemble est capable de porter. Là, tout ce qu'on va faire de plus maintenant, on va avoir des problèmes de surplus de lisier, en général, puisque c'est sur lisier liquide.

Mais prenez la question des aides gouvernementales – on en a parlé un peu tantôt – on a choisi, comme société, de ne pas la moduler, comme font d'autres pays dont va vous parler Maxime – parce qu'il a travaillé quatre ans en agriculture en Europe – qui donnent plus aux petits et, à mesure que les revenus de l'entreprise augmentent, elle en a moins. Vous voulez faire 100 000 cochons avec tous les problèmes que ça va poser? Bien, on ne vous empêchera pas de le faire, mais ce n'est pas nous autres qui allons vous payer pour le faire. Ça fait que, je ne sais pas, Maxime peut donner des exemples précis là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce sera la dernière intervention.

M. Laplante (Maxime): Oui, O.K. Effectivement, juste au chapitre de la relève, si on installe une usine comme ça avec un ouvrier agricole, il n'y a aucune relève après. Donc, l'agriculture présentement familiale est condamnée. On le voit d'ailleurs. Tous les ans, c'est 1 000, 2 000 fermes en moins sur le paysage. Donc, on s'en va vers une situation où il n'y aura plus d'agriculteurs autonomes là-dedans. En tout cas, je ne suis pas sûr qu'ils vont être gagnants.

La deuxième partie, effectivement, c'est qu'on a décidé, comme choix, là – j'y faisais allusion brièvement tout à l'heure – de subventionner au volume. Donc, on subventionne tant au litre, tant au kilo de viande, tant au porc, etc. Donc, celui qui en produit plus va avoir un montant supérieur puis, en plus, on met une barre minimale pour y avoir accès. Donc, on a un système qui est complètement inversé. Non seulement on n'aide pas le petit, mais, en plus, on lui nuit parce qu'on subventionne directement son concurrent.

Exemple, à la maison, je produis du grain pour mes propres animaux, pour mes propres besoins. Bien, moi, il me coûte 150 $ la tonne à produire, mais le prix du marché est à 100 $. Ça fait que je ne suis pas capable de vendre ça, c'est inimaginable. Mais celui qui est plus gros que moi, qui a au moins 10 hectares en surface, lui, il va avoir droit à une assurance stabilisation pour sa récolte, lui, il va obtenir la marge différente qui va lui permettre d'avoir un revenu qui a de l'allure avec ça. Donc, moi, je ne suis pas capable de m'implanter là-dedans, mais les autres, oui.

L'Allemagne a décidé d'avoir effectivement un plafond, et dire: Au-delà – comme Roméo Bouchard le mentionnait – de tel niveau, si vous voulez le faire, amusez-vous, mais vous ne recevrez plus d'aide. La Norvège a un programme un peu équivalent dans le cas du lait. Ils ont établi le fait que, si vous avez une petite ferme, style, deux ou trois vaches – parce qu'ils ont ça, eux autres, ils visent l'occupation du territoire, surtout au nord du cercle arctique – ils visent: à travail égal, revenu égal. Ça fait qu'ils disent: Le producteur du nord va avoir le même revenu ou à peu près que le producteur du sud, dans la plaine, près d'Oslo.

Ils ont un système de sept ou neuf niveaux de subventions différents. Vous augmentez le volume de production, votre subvention au litre diminue parce que vous avez des meilleures conditions de travail, vous êtes capable d'avoir un troupeau de 40 vaches au lieu juste de cinq vaches. Mais celui qui est dans le nord, qui fonctionne avec ses trois ou quatre vaches, qui contribue au bien de sa communauté et qui entretient le territoire aussi – ça ne retourne pas en friche – il a le droit aussi de vivre avec sa production.

La Suisse fait quelque chose de comparable dans les régions alpines; l'Autriche, au même égard. En tout cas, sans entrer dans les détails, ça se fait et le système peut s'autofinancer. C'est ce qu'ils ont fait. Comme preuve, en Norvège, entre autres, celui qui a le gros volume de production, il y a un prélèvement qui est fait sur son prix du lait, qui sert à contrecarrer l'effet de la petite entreprise dans le nord. Donc, le système n'est peut-être pas entièrement suffisant, là, je ne m'en porterais pas garant actuellement, ça a un peu changé depuis quelques années, mais, au moins, il y a une direction là-dedans et ils arrivent à maintenir... Quand j'y habitais encore, il y a une dizaine d'années, la moyenne des fermes était de 12 vaches par entreprise.

Puis on peut toujours dire que l'Allemagne est un pays pauvre, on peut toujours dire que la Norvège est un pays pauvre, on peut toujours dire que la Suède est un pays pauvre et sous-développé, mais eux autres arrivent. J'ai travaillé sur des fermes là-bas avec une quinzaine de vaches et ça vit, puis ça fonctionne bien, puis ils ont quand même la Mercedes dans la cour. En tout cas, j'arrête là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie pour votre intervention. Je sais qu'on vous a quand même prévenus... On ne vous a pas donné grand, grand temps. Je me permets un commentaire, ce que je ne fais pas très, très souvent. Actuellement, c'est le dernier qu'on reçoit, on peut en recevoir encore. Je présume qu'on n'arrêtera pas – pas là – mais, actuellement, en tout cas, c'est le dernier. Et j'ai, honnêtement, le regret que vous n'ayez pas été le premier groupe qui soyez venu nous voir.

On a été amené à discuter du côté légal, légaliste, tout ce que vous voudrez, de la loi par des intervenants qui ont à l'appliquer ou à la défendre, etc., mais vous êtes le seul groupe qui êtes venu sur une base individuelle nous dire: Regardez, là, voici ce qu'on vit, voici, sur le plan de nos campagnes, qu'est-ce qu'il se passe, etc. Personnellement, ça aurait peut-être changé l'allure de certaines questions dans certaines situations, en tout cas. Mais, juste par l'intérêt que vous avez créé aux membres de la commission, il est facile de voir que, même... En finissant ici, nous, on a une réunion de travail, je suis persuadé que ça va être le sujet de discussion dans les prochaines minutes.

Alors, je vous remercie beaucoup. J'ajourne les travaux sine die, tout en vous rappelant, membres de la commission, qu'on change de salle, RC-171, pour une séance de travail. Merci.

(Fin de la séance à 11 h 46)


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