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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 14 novembre 2000 - Vol. 36 N° 20

Consultations particulières sur le projet de loi n° 144 - Loi sur La Financière agricole du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Vermette): Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon).

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ceci étant, je vous dirai qu'il y a un temps alloué pour les déclarations d'ouverture, l'exposé de l'organisme, la période d'échanges, les remarques finales, donc il y a 30 minutes pour les remarques préliminaires, partagées entre les deux formations politiques, en respectant l'alternance bien sûr. Il y a l'audition des groupes qui se fera de façon suivante: 15 minutes pour l'exposé de l'organisme et 30 minutes pour les échanges avec les membres de la commission.

Remarques préliminaires

Alors, M. le ministre, pour vos remarques préliminaires.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Nous entreprenons ce matin, en commission parlementaire, la suite d'une longue marche. Il convient, en ouverture de cette commission, d'abord de saluer la nouvelle présidente de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, Mme la députée de Marie-Victorin. C'est sa première séance qu'elle préside dans la plus belle commission de l'Assemblée nationale et celle qui s'intéresse au plus beau monde du Québec, dans toutes les régions du Québec. Vous êtes, Mme la Présidente, chanceuse, et nous vous le disons: Nous vous souhaitons bonne chance dans votre mandat. C'est un gros mandat parce que ça couvre, effectivement, toutes les régions du Québec, la production agricole, dans tous ses secteurs, toutes ses activités, c'est «le» Québec, y compris le Québec urbain, parce que le Québec urbain, il est en particulier beaucoup dans la transformation agroalimentaire, et aussi on se surprendra peut-être d'apprendre que 54 % du territoire agricole du Québec est situé dans un rayon de 45 km du coin de Peel et Sainte-Catherine. La région de Montréal est une grande région agricole au Québec. Vous êtes de cette région. Bonne chance!

n (9 h 40) n

Et ça nous permet aussi de souhaiter la bienvenue, rapidement... Et le vice-président, j'allais y arriver, député de Viger, est également au coeur d'une grande région agricole, puisqu'il est dans le 45 km de 54 % du territoire agricole et des meilleures terres de production agricole, quand on regarde la production, et, en plus, il vit la transformation très, très concrètement.

Je veux souhaiter la bienvenue aussi au nouveau porte-parole de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition au gouvernement. Le député prend donc en commission parlementaire, suite à la désignation de sa formation politique, ce nouveau rôle de porte-parole en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Son expérience professionnelle, personnelle, politique l'ont amené dans cette direction. Je lui souhaite la bienvenue, et nous nous souhaitons des joutes intéressantes, ce qui ne saurait souffrir de difficultés, puisque c'est un bon jouteur, il faut le reconnaître. Et également le député d'Argenteuil, qui est aussi de la région, bien sûr, fortement agricole. Le député d'Argenteuil qui va également, si j'ai bien compris, partager les efforts de l'opposition en matière d'agriculture et de développement agroalimentaire puis, tant qu'à y être, dans les nouveaux... même l'opposition nous apporte une nouvelle recherchiste ce matin, Mme Neveu. Vous aussi, Mme Neveu, je suis persuadé que vous allez trouver cette commission extrêmement intéressante. Parce que nous n'avons que 20 minutes, ces présentations, ces appréciations étant faites, Mme la Présidente, essayons de faire une présentation la plus brève possible, mais, je l'espère, la plus efficace possible de ce qui nous rassemble aujourd'hui, ce matin, ici, et, j'ai bien l'impression, pour plusieurs heures et pour plusieurs jours. Nous y sommes prêts.

Je serai accompagné pendant tout cet exercice... qui commence par entendre différents groupes qui ont des intérêts dans le résultat que nous commençons à analyser ce matin, je serai constamment accompagné des gens, en particulier bien sûr, de M. le sous-ministre, Sylvain Boucher... Non, d'abord, je serai accompagné de mon adjoint parlementaire le député de Lotbinière, qui vit cette situation quotidiennement et jusqu'aux coudes, partout, et les autres députés des régions en particulier, qui vivent d'agroalimentaire, d'agriculture et de produits agroalimentaires, les pêcheries singulièrement, le député de Gaspé, le député de Roberval, le député de Saint-Hyacinthe et le député de Nicolet. Les gens qui vont nous accompagner aussi... on va, j'ai l'impression, avoir à se familiariser, le sous-ministre aux politiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Sylvain Boucher, le président-directeur général de ce qu'est actuellement la Société de financement agricole, M. Marc Dion, et le président-directeur général de la Régie des assurances agricoles du Québec, M. Jean-Marc Lafrance et bien sûr, tout le monde a toujours ça, notre surveillant, notre conscience, Mme la directrice de cabinet du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Mme Nathalie Verge, et de la conseillère politique, Mme Catherine Henquet, sur ces questions, et d'une armada d'intelligence pour soutenir les défaillances du ministre.

Une voix: Ces choses-là sont bien dites.

M. Trudel: Ces choses-là sont bien dites.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ceci étant dit, maintenant, je vais tenter de ne point avoir de défaillance.

M. le Président et les parlementaires, je pense qu'on pourrait dire les choses simplement. Oui, ce matin, nous débutons ce qu'on pourrait probablement appeler l'avant-dernière période pour matérialiser un résultat de concertation, un résultat de travail avec ceux et celles qui font l'agriculture au Québec.

Ce matin, nous avons devant nous un projet. C'est une idée qui a germé et qui a été mise sur la table en avril 1998, au Sommet sur l'agriculture et l'agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, grande table de concertation nationale où tout le monde était présent: les producteurs, les productrices, les transformateurs, les distributeurs, les détaillants en alimentation, les groupes en environnement, les coopératives, les entreprises, les universitaires, les chercheurs, les institutions financières. Et tous ensemble nous avons adopté une idée. Ce n'était qu'une idée en 1998 et nous nous sommes donné une année pour transformer cette idée en plan d'affaires et, pendant une année, avec M. Geoffrion, qui était sous-ministre désigné par le gouvernement, à la tête de ce groupe-là, nous avons tenté de matérialiser cette idée en un plan d'affaires pour faire en sorte que cette idée puisse exister concrètement, un bon matin, et ce matin, c'est à matin. Et on s'est revu en mars 1999 au Rendez-vous des décideurs de l'agroalimentaire, le même monde de Saint-Hyacinthe de 1998, on s'est vu en 1999 et nous avons approuvé le plan d'affaires, lequel plan d'affaires... c'était le plan d'affaires de ce qui aujourd'hui s'appelle le projet de La Financière agricole du Québec.

Et pourquoi La Financière agricole du Québec? Parce qu'en gros le monde a changé, le monde des affaires, et le monde des affaires en agriculture et en agroalimentaire a changé et il faut qu'on réponde à des impératifs. Les impératifs, ce sont les impératifs du commerce international, les impératifs des marchés et les impératifs aussi de ceux et celles qui font la production agricole au Québec. Et on s'est dit que cette idée en trois dimensions, elle devait devenir un plan d'affaires pour répondre aux caractéristiques suivantes: assurer aux producteurs une stabilité et une sécurité au niveau du revenu, parce que les risques sont très élevés, en prenant en compte le revenu global de l'entreprise, pas seulement une production, toutes les productions qui peuvent concerner une productrice ou un producteur; deuxièmement, ce plan d'affaires devait être compatible avec les règles du commerce international; et, troisième caractéristique, à mon avis, à mon opinion, la plus importante, être accessible à toutes les productrices et producteurs du Québec sans exception, un régime universel, revenu global, règles du commerce international et universalité. Ce projet s'appelle La Financière agricole du Québec.

Pourquoi une Financière agricole du Québec? Parce qu'il faut partir de ce que c'est qu'une entreprise agricole au Québec, une entreprise agricole au Québec et partout dans le monde. Mais parlons des nôtres... c'est une petite et moyenne entreprise à ciel ouvert. Il n'y a pas de plus belle expression pour décrire ce que c'est qu'une entreprise agricole au Québec. L'entreprise agricole, c'est une petite, une moyenne, moyenne avec ce que ça peut vouloir signifier, entreprise à ciel ouvert. Elle est exposée à toutes sortes de contraintes et à toutes sortes d'opportunités. Elle a, cette entreprise à ciel ouvert, à investir beaucoup d'argent pour en rapporter. Elle doit investir généralement, dit-on, 6 $ pour en rapporter 1 $. Il n'y a pas d'autres secteurs d'activité économique, industrielle, commerciale qui ont à investir autant d'argent pour rapporter 1 $ à son propriétaire, et il n'y a pas un autre secteur d'activité économique qui a autant de risques que celui-là, et on peut les énumérer très rapidement. On y reviendra.

n (9 h 50) n

D'abord, parce qu'on peut difficilement prévoir le prix qu'on va obtenir pour nos marchandises, pour nos produits, on est soumis à toute espèce d'aléa que l'on ne contrôle pas, parce qu'on est soumis aussi, dans le jeu de la demande, à une demande qu'on dit inélastique. Ce n'est pas infini, la demande. Elle a une certaine grandeur, elle a un certain volume et elle n'est pas étirable, si vous me permettez l'expression, élastique à l'infini. Ça demande, je viens de le dire, une forte consolidation puis il y a des risques financiers importants, et, dans le ciel ouvert aussi, il y a des risques structurels. Par exemple, ces nouvelles règles du commerce international, ce sont des risques structurels que tu ne peux pas toujours savoir lorsque tu fondes, administres, gères ou développes ton entreprise agricole. Et il y a aussi toute une série d'autres risques. Décrivons-les de façon élémentaire. Parce que c'est une petite et moyenne entreprise à ciel ouvert, il peut tonner, il peut grêler, il peut mouiller, il peut faire une tempête, et, du jour au lendemain, tout ce que tu as investi pendant ta vie à ton entreprise agricole peut être balayé d'un coup de vent, peut être balayé par un orage, peut être balayé par un gel ? un gel ? qui arrive trop tôt. Tout ce que tu as investi dans cette entreprise, de ta famille, ton entreprise donc, peut être balayé d'un coup sec par un événement sur lequel tu n'as aucun contrôle.

Celui qui fait des petits téléphones cellulaires portables n'est pas soumis aux aléas de la température. Il est soumis aux pressions du marché, à la concurrence, mais il n'est pas soumis à ce qui peut lui tomber sur la tête. Et, lorsqu'on est dans une production animale, il peut aussi s'introduire, à 9 h 30, à 9 h 55, une bactérie, un virus, un être qu'on ne peut pas contrôler à la porte d'entrée et qui va se disséminer dans ton troupeau et qui va faire en sorte que, à la fin de la journée, après que le vétérinaire soit passé, il se peut que ton entreprise, qui valait quelques millions le matin, ne vaille que le quart, que 20 % de cette valeur-là à la fin de la journée, parce qu'il s'est introduit une bactérie et que ça a fait une épidémie, ça s'est répandu, et peut-être, pour dramatiser un peu, faire une image, que ça a annulé le travail de toute une vie, de toute une famille, ça s'appelle des risques d'entreprise.

La Financière agricole du Québec, ça vise, dans son plan d'affaires, à contrer, à faire en sorte que l'entreprise à ciel ouvert, elle va se donner des filets de sécurité pour ne pas planter le nez dans la gravelle. Sept filets de sécurité... Il me reste combien de temps? Conclusion? Un premier, universel: un régime d'épargne stabilisation du revenu agricole pour chacun des productrices et des producteurs agricoles. En simple, un compte de banque ou de caisse populaire, un compte qui t'appartient et dans lequel tu déposes 6 % de tes ventes nettes annuelles, puis le gouvernement, en gros ? on reviendra sur le détail ? va en mettre autant. Et, quand ça va aller mal puis que la grêle va tomber, tu vas aller piger dans ton compte pour éviter de tout perdre.

Deuxième niveau, si ce n'était pas assez, il va y avoir un régime d'assurance stabilisation, on va payer à deux des polices d'assurance.

Troisièmement, on va se payer à deux aussi un régime, des polices d'assurance récolte, pour ceux qui sont dans les productions végétales.

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre, est-ce que ça avance?

M. Trudel: Ça avance, ça conclut, même.

La Présidente (Mme Vermette): Mais c'est parce que votre temps est terminé.

M. Trudel: Et, quand ça va arriver, M. le député d'Argenteuil...

La Présidente (Mme Vermette): On va vous donner le même temps.

M. Trudel: Vous allez apprendre une chose, ici, on est d'abord au niveau des idées, et tous les temps sont permis pour tout le monde, c'est équitable.

M. Paradis: Le problème, Mme la Présidente, c'est qu'il y a un ordre de la Chambre, si le ministre veut retourner au salon bleu, ça commence dans deux minutes. Et, faire modifier l'ordre de la Chambre, à ce moment-là, on pourra en discuter, mais tant qu'on est lié par un ordre de la Chambre, on est lié par un ordre de la Chambre. Maintenant, si on veut monter à 10 heures et faire modifier l'ordre de la Chambre, moi, je suis disponible à des discussions avec le leader du gouvernement.

M. Trudel: Je conclus, une minute?

M. Paradis: C'est un ordre de la Chambre.

La Présidente (Mme Vermette): Mais c'est parce que, monsieur, non, je comprends très bien votre position et il y a une certaine flexibilité à certaines commissions auxquelles j'ai participé, à d'autres endroits où, finalement, on redonne le même temps de parole. Autant alors ce qui a été pris, ce sera remis sur votre temps aussi, ce qui permettra de vous exprimer librement.

M. Paradis: Mme la Présidente, j'en conviens aisément et ça se produit généralement lorsqu'on applique le règlement et que la commission est maître de ses travaux. Maintenant, le ministre a choisi une procédure où on fonctionne en fonction d'un ordre de l'Assemblée nationale, et je ne pense pas que, même si je voulais, je pourrais contrevenir à un ordre de l'Assemblée nationale, on me le reprocherait à tous les jours de ma vie, madame.

M. Trudel: J'en conviens. Est-ce que j'ai 30 secondes pour conclure, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vermette): Oui, M. le ministre, parce que, quand il y a consentement, la commission peut déroger au droit de parole. Alors, s'il y a consentement...

M. Paradis: Est-ce que vous pourriez vérifier, Mme la Présidente, si on peut consentir à contrevenir à un ordre de l'Assemblée nationale?

La Présidente (Mme Vermette): On ne consent pas à un ordre contre l'Assemblée nationale. Je pense que nos travaux ont commencé à l'intérieur du temps qu'on nous a donné.

M. Paradis: Il faudrait que vous rendiez une décision, parce que ça va être un précédent. Si c'est le cas, si on peut contrevenir à un ordre de l'Assemblée...

La Présidente (Mme Vermette): On ne veut pas créer de précédent, mais, de toute façon, on va vérifier pour qu'il n'y en ait pas non plus. Alors...

M. Trudel: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Oui? C'est terminé?

M. Trudel: Je renonce à toute seconde supplémentaire.

La Présidente (Mme Vermette): Bien. Alors, on vérifiera, puis, à la fin de la commission, on donnera, en fait, des précisions. Voilà.

Alors, je vous passe la parole, M. le député de Brome-Missisquoi et critique en matière d'agriculture.

Une voix: C'est le député d'Argenteuil...

La Présidente (Mme Vermette): Ah! M. le député d'Argenteuil?

M. David Whissell

M. Whissell: Bienvenue, Mme la Présidente, à la commission de l'agriculture. Comme nouvel arrivant également au niveau de l'agriculture, je salue le ministre et également son adjoint ministériel, également les collègues de cette commission parlementaire. Je salue également la présence du député de Brome-Missisquoi, qui est le porte-parole en la matière. Et, compte tenu du fait que l'agriculture représente beaucoup pour le Québec, représente également beaucoup pour le Parti libéral du Québec, Jean Charest a nommé un adjoint au porte-parole en agriculture, et c'est moi qui ai été l'heureux élu. Alors, je tiens à rassurer les membres de cette commission de la volonté ferme de l'opposition libérale de coopérer avec le ministre pour vraiment faire avancer les dossiers agricoles au Québec. Et il n'y a nul doute, comme le soulignait le ministre, que l'agriculture représente une place importante au Québec. Que ce soit dans les régions, que ce soit dans les centres, que ce soit au niveau de la transformation, l'agriculture est installée au Québec depuis le début de la colonisation et maintenant c'est un secteur d'activité qui est phénoménal. D'ailleurs, le ministère de l'Agriculture représente le huitième ministère en importance au niveau du gouvernement, alors c'est donc dire que c'est un secteur à surveiller de très près.

n (10 heures) n

Alors, nous sommes ici pour écouter des groupes venir nous exposer leurs points de vue sur le projet de loi n° 144. Je salue les différents groupes qui sont présents dans la salle aujourd'hui. Vous savez, Mme la Présidente, le ministre faisait état d'une longue marche pour arriver avec la Financière agricole. Nous, nous sommes d'accord avec le principe de la Financière agricole. Cependant, lorsque nous avons été saisis du dossier, il nous a semblé que le ministre voulait aller très, très rapidement avec ce projet de loi. Et, en Chambre, les collègues libéraux, nous avons fait de nombreuses interventions, et le ministre nous a souvent cités comme ne voulant pas participer au développement agricole au Québec, il s'amusait à dire que les libéraux n'aimaient pas la culture. Mais c'est justement le contraire, Mme la Présidente, c'est que nous voulions nous assurer que l'Assemblée nationale aurait toute l'opportunité d'entendre les groupes, et le ministre, dès le départ, s'entêtait à procéder rapidement avec son projet de loi. Et l'opposition, nous avions de sérieuses difficultés avec un ministre qui voulait procéder rapidement sans justement avoir de consultations et, d'un autre côté, on regardait sur le terrain, et ce qu'on voyait, c'est des groupes qui étaient en consultation entre eux. Et, à partir de là, nous avions un sérieux problème, alors nous avons fait pression sur le gouvernement, et le ministre a fini par plier et a autorisé les consultations particulières.

Alors, La Financière agricole, Mme la Présidente, c'est une réforme majeure. Et, comme toute réforme majeure, elle peut être bonne, elle peut être mauvaise, elle peut avoir des ratés, et on pense qu'il est vraiment opportun de prendre les deux prochaines journées pour vraiment écouter les groupes et s'assurer que tout le monde a bien compris le projet de loi, s'assurer que l'Assemblée nationale a bien compris également, que les intérêts de tous et chacun seront protégés, que les intérêts que vous avez acquis, que le milieu agricole a acquis par le passé seront maintenus, que le projet de loi sera en conformité avec les accords de libre-échange, avec les accords internationaux, que les trois lois qui existent déjà, soit la société d'assurance-stabilisation, l'assurance-récolte, la Société de financement agricole... que les trois lois qui ont déjà été votées à l'Assemblée nationale, qui sont déjà en place, qui donnent des droits aux agriculteurs et agricultrices... que ces droits-là seront maintenus puis qu'en bout de ligne La Financière agricole ne viendra pas chambarder tout ça à courte échéance.

Et, lorsque nous prenons le temps de regarder la loi, c'est une loi bien mince, une loi bien mince où il y a beaucoup d'interprétation. Quand on prend la loi, M. le ministre... Mme la Présidente, qui repose et qui rentre sur à peine 19 pages, et que cette loi-là vient remplacer trois lois qui existaient déjà et qui, en plus, vient donner un paquet de pouvoirs à cette nouvelle société, je pense que nous sommes en droit de nous poser des questions et de lever un cri d'alarme et de dire aux groupes: Venez vous faire entendre à l'Assemblée nationale et exposer vos points de vue pour s'assurer que tous vos acquis seront maintenus dans cette nouvelle loi.

Alors, Mme la Présidente, il y a toute la question d'accessibilité. Le ministre en faisait état, on veut rendre universelles certaines couvertures d'assurance, il y aura des impacts. Il y aura des impacts parce que certains groupes risquent de payer plus. On parle en particulier des producteurs laitiers, des producteurs porcins. Alors, ces groupes-là doivent se faire entendre parce qu'il y aura un impact considérable au point de vue économique. Qui assumera la facture? La question reste pendante.

Le ministre faisait mention que le nouveau projet de loi permettrait la création d'un fonds individuel, un compte comme on le dénote. Je vais vous dire que, lorsque regarde le projet de loi, ça donne le pouvoir de... mais tout ce qui est relativement à ces comptes, c'est une question qui demeure sans réponse parce que justement, dans le projet de loi, on n'éclaircit pas ces points-là, et je pense qu'il sera important que le ministre nous présente... s'il y a des règlements qui sont sur la table en quelque part, qu'il les présente, qu'il les rende publics.

Et, s'il y a des ententes qui ont été signées avec les différentes fédérations, les différents groupes, je pense que ce sera important qu'à ce stade-ci le ministre les rende publiques, parce que, lorsqu'on fait l'analyse du projet de loi n° 144, ça donne beaucoup de latitude, ça donne un vaste champ de possibilités à cette société, mais on ne connaît pas vraiment les choses de façon très approfondie.

Et, Mme la Présidente, les groupes qui, aujourd'hui, pourront se faire entendre, j'espère qu'ils saisiront cette occasion, parce que, de l'intérieur, lorsqu'on regarde le projet de loi n° 144, c'est beaucoup d'interrogations, et on vous donne, dans le fond, l'opportunité aujourd'hui de venir vous exprimer ici et, si vous avez des interrogations, de les rendre publiques.

Alors, Mme la Présidente, c'est le contenu de mon intervention, et je pense que nous pouvons procéder, à moins qu'il y ait des collègues qui veulent prendre la parole du côté libéral.

La Présidente (Mme Vermette): Ça va? Alors, je vous remercie en ce qui concerne vos remarques préliminaires et je voudrais revenir en ce qui concerne la motion. Alors, je vais tout de suite mettre ça au clair, on exerce une possibilité de flexibilité en ce qui concerne les droits de parole à l'intérieur d'une commission parlementaire parce qu'on redonne les droits de parole si ça a débordé d'un côté comme de l'autre. Si j'avais voulu être rigoureuse comme votre leader parlementaire a voulu être rigoureux tantôt, je ne vous aurais même pas laissé le droit de parole parce que, selon la motion, à 10 heures tout était terminé. Alors, on vous a laissé parler de toute façon. Alors, j'espère qu'à l'avenir cette rigueur-là, vous en tiendrez compte parce que je serai aussi rigoureuse que vous êtes rigoureux. Et, si on n'est pas capables de flexibilité, je pense qu'on ne pourra pas faire de travaux qui nous seront agréables et qui seront un éclairage aussi pour l'ensemble des gens qui se déplacent pour venir nous rencontrer. Je vous remercie.

M. Cusano: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Cusano: ...si vous permettez, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais, quand vous dites que vous auriez empêché le député d'Argenteuil de parler à cause que c'était à 10 heures, le terme des remarques préliminaires, il fallait quand même prendre en considération qu'il fallait commencer à 9 h 30 puis diviser le temps entre le ministre et le représentant de l'opposition.

La Présidente (Mme Vermette): Je suis d'accord avec vous. Ceci étant, c'est que le leader s'est réveillé un peu tard, parce qu'on a déjà commencé un peu tard, c'est seulement à la fin... Alors, si tout est comme tel...

M. Cusano: Je comprends, mais je voulais dire quand même que le temps...

La Présidente (Mme Vermette): Non, je veux dire que la rigueur implique la rigueur.

M. Cusano: Oui, exactement, mais seulement que la remarque d'empêcher le député de l'opposition de parler après 10 heures, je pense que ce n'était pas tout à fait dans les règles. Est-ce qu'on se comprend? Parce que le temps, il fallait le diviser en parts égales entre le ministre...

La Présidente (Mme Vermette): Ce n'est pas écrit dans la remarque.

M. Cusano: Oui.

La Présidente (Mme Vermette): Non, je vais vous la lire: Remarques préliminaires du gouvernement suivies de celles de l'opposition de 9 h 30 à 10 heures. Mais ce n'est pas dit, de temps partagé de cette façon-là.

M. Cusano: Bien, ça serait quoi?

La Présidente (Mme Vermette): C'est entre 9 h 30 et 10 heures.

M. Cusano: Oui, mais ça serait quoi de...

La Présidente (Mme Vermette): C'est ce qui est écrit...

M. Cusano: Non, non, mais ça serait quoi de...

La Présidente (Mme Vermette): ...et c'est de part et d'autre.

M. Cusano: Oui, mais je comprends, mais là vous pouvez décider... De la façon dont vous parlez actuellement, vous pouvez décider que, de 9 h 30 à 10 heures, c'est seulement le ministre qui va parler.

La Présidente (Mme Vermette): Non, non, ce n'est pas ça que je vous dis. C'est marqué que l'heure, c'est entre 9 h 30 et 10 heures, que normalement ça aurait dû être entre 9 h 30 et 10 heures.

M. Cusano: Bien, c'est ça, ça veut dire que c'est 15 minutes et 15 minutes. C'est seulement ça, Mme la Présidente, je voudrais que...

La Présidente (Mme Vermette): Non, non, ça va. Et puis l'autre article, là, nous dit que toute commission peut, consentement unanime de ses membres, déroger aux règles relatives au temps de parole.

M. Cusano: Je suis d'accord. Je suis d'accord avec ça, mais il faut être aussi clair que c'est moitié-moitié, quand même.

Auditions

La Présidente (Mme Vermette): Alors là, nous allons commencer avec le premier groupe à se faire entendre, s'il vous plaît. Alors, je demanderais à la Coopérative fédérée de Québec de bien vouloir s'installer. Alors, j'appellerais M. Paul Massicotte, président de la Coopérative fédérée de Québec, M. Raymond Gagnon, vice-président, Denis Richard et Claude Lafleur.

M. Trudel: Pendant que ces gens s'approchent, Mme la Présidente, les gens vont comprendre qu'on faisait certains travaux ménagers en commençant notre commission. Nos travaux utilitaires de ménage ? il faut que les gens comprennent ça ? étant faits, nous allons aller, je le souhaite, toujours sur le fond. Bonne journée.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, si vous voulez bien vous identifier, et je vous rappellerai que vous avez 15 minutes pour faire votre présentation.

Coopérative fédérée de Québec

M. Massicotte (Paul): Alors, bonjour à vous tous, Mme la Présidente de la commission de l'agriculture. Je suis Paul Massicotte, le président de la Coopérative fédérée; à ma gauche, M. Raymond Gagnon, premier vice-président; à ma droite, M. Denis Richard, deuxième vice-président; et, à mes côtés, M. Claude Lafleur, le secrétaire général de la Coopérative fédérée.

Alors, Mme la Présidente, M. le ministre de l'Agriculture, Mmes et MM. les députés, d'entrée de jeu, je vous dirais que nous vous remercions de nous avoir invités à commenter le projet de loi n° 144. Alors, nous avons imaginé vous présenter ce document dont vous avez une copie, et je ferai une partie de la présentation et j'inviterai M. Lafleur à en faire une partie de présentation, et, à la suite, on pourra échanger.

n (10 h 10) n

Alors, le projet de loi n° 144 et le projet de convention qui l'accompagne, s'ils sont adoptés comme prévu par l'Assemblée nationale du Québec, conféreront à la Financière agricole du Québec d'importants pouvoirs, dont celui d'établir des programmes en matière de protection du revenu, d'assurance et de financement agricole. Compte tenu de la place prépondérante des coopératives agricoles au Québec, la Coopérative fédérée de Québec se sent interpellée par ces projets, et ce, à double titre, d'abord comme représentante fédérative d'un mouvement qui représente quelque cent coopératives et 36 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire québécois puis aussi comme utilisateur des produits et services de la future société.

La Coopérative fédérée de Québec est la fédération des coopératives agricoles québécoises. Elle est la propriété de 100 coopératives de base. La fédérée fournit aux agriculteurs, directement ou par l'entremise de ses coopératives sociétaires, une vaste gamme de produits et de services nécessaires à l'exploitation de leurs entreprises, y compris des produits pétroliers. De plus, elle transforme et commercialise sur les marchés locaux et internationaux divers produits issus de la viande porcine et de la volaille. Elle réalise ses activités par le biais de ses propres divisions et filiales ou par sa participation dans d'autres entreprises. En 2000, son chiffre d'affaires s'élevait à 2 milliards de dollars et elle comptait 8 000 employés, une hausse de 3 000 par rapport à 1993. Cette augmentation s'explique principalement par des activités d'exportation dans le secteur des viandes.

La Coopérative fédérée de Québec se charge, entre autres, d'animer la vie associative au sein du mouvement coopératif agricole et de promouvoir les intérêts collectifs du mouvement auprès des divers pouvoirs publics et de l'ensemble de la population.

À ce moment-ci, j'inviterais M. Lafleur à continuer la présentation.

M. Lafleur (Claude): Merci, Mme la Présidente. Je vais aller immédiatement au paragraphe 4, section IV, étant donné le peu de temps que nous avons, pour faire des commentaires généraux sur les projets de loi et de convention. À 4.1, page 4, la Coopérative fédérée de Québec appuie l'initiative du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et du gouvernement québécois de créer La Financière agricole du Québec. Cet appui repose sur les raisons suivantes

Premièrement, de par sa nature et ses valeurs, le mouvement coopératif adhère au principe sacré de la prise en charge par les usagers de leurs outils de développement économique. En effet, comme payeurs d'une part importante de la prime et aussi comme premiers bénéficiaires des produits et services offerts par la nouvelle société, il est tout à fait légitime que les producteurs agricoles, par leurs représentants, participent activement à la conception et à l'administration de programmes qui leur sont destinés.

Deuxièmement, la coopération agricole applaudit l'initiative du ministre de l'Agriculture de verser pour et à l'acquis de La Financière une somme totale de 2,1 milliards de dollars payable en sept versements annuels de 300 millions, sans compter tout montant à recevoir du gouvernement du Canada pour la protection du revenu agricole. Cette prévisibilité des interventions gouvernementales, unique en Amérique du Nord, permettra de mieux gérer les risques et de créer un climat propice aux investissements et aux affaires.

Troisièmement, les coopératives agricoles, qui sont présentes sur tout le territoire québécois, se réjouissent de la mise en place d'un régime de base offrant une couverture d'assurance pour toutes les entreprises agricoles, peu importe la production dans laquelle elles évoluent. Ce programme de base universel permettra le maintien, la consolidation, voire même le développement de nouvelles productions agricoles en région, ce qui, encore une fois, est propice au développement économique et à la création d'emplois.

Quatrièmement, nous constatons avec une grande satisfaction que le nouveau programme de base comprend un compte individuel de gestion du risque à l'acquis de l'entreprise plutôt qu'à celui des individus. Les concepteurs du programme ont ainsi reconnu les différentes formes d'organisations et de réseaux pour pratiquer l'agriculture au Québec, incluant le mode de gestion coopérative.

Cinquièmement, nous appuyons l'idée de regrouper les produits et les services offerts aux entreprises agricoles sous le même chapeau. L'efficacité administrative en sera d'autant plus grande. Cependant, nous aimerions souligner que, dans le passé, nous étions fort satisfaits de la prestance de la Société de financement agricole et de celle de la Régie des assurances agricoles en matière de services, de produits et d'efficacité administrative. Pour la nouvelle société, le défi à relever sera donc considérable.

Enfin et sixièmement, nous sommes heureux de constater que le projet proposé favorisera la responsabilité personnelle et mutuelle de l'ensemble des exploitants agricoles. En effet, en permettant que les gains obtenus soit par une meilleure efficacité de l'appareil administratif, soit par une plus grande productivité des entreprises agricoles soient réinvestis dans la caisse de La Financière plutôt que dans le fonds consolidé de la province, cela devrait inciter les intervenants à être plus responsables individuellement et collectivement.

Cela dit, notre appui à la création de La Financière s'accompagne d'un certain nombre de réserves qui, selon nous, devraient inciter le ministre et le gouvernement à mieux préciser, voire même amender certaines dispositions des projets de loi et de convention. Il y a un certain nombre de choses avec lesquelles nous sommes mal à l'aise. L'absence de règles claires d'attribution de l'enveloppe budgétaire entre les différents groupes d'intérêts en est une. Les membres du conseil d'administration qui sont désignés par l'organisme accrédité seront-ils libres de leurs intérêts syndicaux et corporatifs? De quelle façon le partage de l'enveloppe budgétaire se fera-t-il? Sur quels critères se fera l'arbitrage? Et quelles sont les balises et les règles de fonctionnement que le ministre entend imposer en cette matière?

L'accessibilité aux programmes complémentaires en est une autre. Le projet de convention prévoit quatre conditions d'accès aux programmes complémentaires: première condition, la disponibilité budgétaire évidemment; deuxième, le risque historique; troisième, une mise en marché efficace et ordonnée; quatrièmement, une production organisée pour aller chercher le prix optimal sur le marché.

Cette troisième condition, justement, nous laisse quelque peu perplexes. Qu'est-ce qu'une mise en marché ordonnée et efficace? Si l'on se fie aux plus récentes requêtes déposées devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires, une mise en marché efficace et ordonnée serait, à toutes fins utiles, incompatible avec les principes qui gouvernent les coopératives. On fait référence ici au lien direct avec les sociétaires, les ristournes selon l'usage. Faut-il comprendre que l'accès aux programmes complémentaires serait impossible s'il y a présence coopérative dans une production donnée? Le cas échéant, peut-on imaginer l'immense pression que l'ensemble des non-coopérateurs imposera aux coopératives et à leurs dirigeants, d'où notre insistance auprès du ministre pour qu'il clarifie cette fameuse troisième condition. Cette dernière doit, à notre avis, être interprétée en tenant compte de la Loi sur les coopératives et de la nécessaire complémentarité entre le syndicalisme et la coopération agricole.

Dans le même ordre d'idées, nous rappelons au ministre que La Financière agricole est un organisme d'État dont la mission est d'offrir aux entreprises agricoles des produits et des services liés au financement et à la gestion du risque. Son impartialité et son objectivité sont essentielles et primordiales. Nous serions vivement déçus si, avec le temps, cette nouvelle société devenait un instrument politique au service du syndicalisme agricole.

Par ailleurs, le Conseil des ministres a accepté le 28 juin dernier, suite aux demandes exprimées par l'UPA, d'étendre la juridiction de La Financière au-delà du secteur primaire. Cette possibilité d'investissement dans le secteur agroalimentaire nous contrarie vivement en ce que nous avons été exclus du processus décisionnel. Rappelons que dans toute cette affaire nous avons, de bonne foi, accepté que le gouvernement québécois négocie seul à seul avec l'UPA, et cette position était motivée par le fait que l'organisme accrédité, historiquement, s'est toujours occupé de ces questions et aussi parce que l'objet de la négociation portait exclusivement sur les produits et les services offerts aux exploitations agricoles. L'amendement entériné par le Conseil des ministres vient changer la donne. Tout cela pour dire que comme utilisateurs de ce nouveau service nous aurions voulu être consultés, car plusieurs questions restent sans réponse.

La Financière lève le pied sur un terrain déjà fort encombré. Quelles seront, par exemple, les grandes lignes de la politique d'investissement de La Financière dans le secteur agroalimentaire? Je ne parle pas du secteur primaire, mais du secteur agroalimentaire. Favorisera-t-elle le rendement, le renforcement de la mise en marché collective, la propriété québécoise des entreprises coopératives? Se substituera-t-elle aux caisses populaires ou aux banques, à SGF, SOQUIA, au fonds agroforestier? Quelles seront ses sources de capitalisation? Pour toutes ces raisons, nous demandons expressément au ministre d'initier une consultation plus large sur cet aspect du rôle et du pouvoir de La Financière.

n (10 h 20) n

Maintenant, pour les commentaires plus spécifiques au projet de réforme du régime d'assurance stabilisation, la fédérée et le réseau des coopératives agricoles, par leur implication dans le développement de l'industrie porcine québécoise, sont directement touchés par la réforme du régime d'assurance stabilisation du revenu agricole. Voici nos commentaires à ce chapitre. Le projet de convention prévoit que des mesures pourraient être mises en place pour faciliter la transition entre le régime actuel et le régime à mettre en place. Nous ne saurions trop insister sur cet aspect. Dans notre esprit, il serait contraire à l'usage et aux principes de justice que de modifier substantiellement la portée des ententes déjà conclues entre une entreprise et le gouvernement. Il faut éviter de mettre en péril les investissements déjà engagés. Les contrats de cinq ans doivent donc être respectés.

Par ailleurs, nous nous opposons à l'introduction de plafonds dans le régime de stabilisation québécoise. Pourquoi? Primo, parce que dans le passé nous avons toujours refusé de subdiviser nos structures de production afin de contourner les plafonds. De ce fait, nous avons été pénalisés par rapport à la compétition. Secundo, parce que l'imposition de plafonds risque de désolidariser les grandes entreprises agricoles à la nécessité de maintenir une mise en marché collective. Tertio, parce que dans le système coopératif tout surplus financier découlant de nos opérations retourne à l'ensemble des membres exploitants agricoles.

Nous demandons le maintien de la contribution des entreprises à 33 % de la prime plutôt qu'à 50 %, tel que le prévoit le projet de convention actuel pour le régime de base. Cette demande est motivée par le fait que le soutien interne, aux États-Unis de même que dans les pays de la Communauté européenne, est de beaucoup, beaucoup supérieur au nôtre actuellement. À ce chapitre, ce n'est pas tant les contributions du gouvernement québécois qui sont en cause, ce dernier fait largement sa part, mais celles du gouvernement fédéral qui ont été considérablement réduites depuis sept ans.

D'autre part, compte tenu de notre politique agroenvironnementale, compte tenu aussi des attentes de la population en matière de protection de l'environnement, la Coopérative fédérée de Québec souhaite que La Financière établisse progressivement un lien formel entre le respect des normes environnementales et une accessibilité à ses produits et services. Cependant, cette proposition est conditionnelle ? et nous insistons sur le mot «conditionnelle» ? au fait que le gouvernement concentre des ressources supplémentaires à l'assainissement agricole, comme il l'a fait pour les municipalités, pour permettre aux entreprises agricoles de se mettre à niveau.

Nous souhaitons aussi que le nouveau régime fasse une large place à la relève et en tienne compte dans ses conditions, notamment en bonifiant la contribution gouvernementale lors des premières années d'établissement.

M. Massicotte (Paul): Alors, en conclusion, pour la Coopérative fédérée de Québec, cette proposition historique est positive pour l'ensemble des producteurs agricoles. En effet, La Financière possède de nombreux atouts pour devenir un outil exceptionnel de développement pour l'agriculture québécoise. Nous avons émis à l'intention du ministre et du gouvernement du Québec un certain nombre de mises en garde concernant l'administration courante et l'orientation future de la société. Nous souhaitons qu'elles soient reçues comme des perfectionnements des projets de loi et de convention et prises dûment en considération dans l'adoption de la loi.

Cela dit et en terminant, nous exprimons le souhait que la transparence, la neutralité, l'équité et le respect des intervenants, incluant leur mission et leur nature, fassent partie intégrante des valeurs qui animeront la future société. Nous vous remercions de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, M. le président, sur votre conclusion. Alors, je passerais maintenant la parole au ministre pour commencer nos échanges. Donc, c'est une période de 15 minutes; 15 minutes en alternance.

M. Paradis: Mme la Présidente, compte tenu de l'importance des invités que nous avons, si le ministre était d'accord et de façon à faciliter votre rôle comme présidente de la commission, on pourrait procéder à des consentements pour étirer le temps de parole de part et d'autre et de faire ratifier par l'Assemblée nationale, cet après-midi, les consentements que nous aurions donnés et ajouter une clause peut-être qui nous permettrait, pour les groupes à venir, de nous ajuster comme commission parlementaire, que l'ordre de l'Assemblée permette des ajustements qui pourraient être faits en commission.

La Présidente (Mme Vermette): Si je comprends bien, M. le député de Brome-Missisquoi, il y a un libellé qui a été fait...

M. Paradis: Qui est très sévère.

La Présidente (Mme Vermette): Mais, par contre, en ce qui concerne le temps à l'intérieur, si nous respectons de 9 h 30 à 12 h 30, nous avons la possibilité comme commission d'organiser nos travaux en conséquence de sorte que le temps soit respecté en ce qui concerne les travaux comme tels. C'est l'organisation interne qui nous concerne.

M. Paradis: Mais là si M. le ministre est d'accord... Voyez-vous, on prévoit finir à 11 h 30 aujourd'hui. On n'est pas tenus à 11 h 30 s'il est d'accord. On prévoit finir cet après-midi à 16 h 30, on pourrait dépasser si le ministre est d'accord. Et, si l'ordre de la Chambre est changé en conséquence par le leader du gouvernement, nous y consentirions. Simplement une offre, Mme la Présidente. C'est libre à vous.

La Présidente (Mme Vermette): Bien, en fait, je pense que le principal consentement est entre nous. Alors, si nous consentons, nous allons pouvoir commencer nos travaux et favoriser les échanges pour permettre aux gens, nos invités justement... La partie la plus importante pour eux, c'est d'être capable de pouvoir échanger avec les gens qui sont autour de la table. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît, si vous vouliez commencer.

M. Trudel: Il n'y a pas de consentement. Il n'y a pas de consentement.

La Présidente (Mme Vermette): Quinze minutes, quinze minutes.

M. Trudel: Voilà. Merci. Bonjour et bienvenue à la grande Coopérative fédérée. On va s'épargner les grandes formules de politesse, parce que uniquement 15 minutes avec un si bon mémoire, il faut aller directement aux choses. Et je pense que vous connaissez déjà, de toute façon ? juste de le répéter en une phrase ? toute l'appréciation que nous avons pour le rôle historique et ce qu'est la grande Coopérative agricole fédérée dans l'histoire du Québec. L'histoire de la fédérée et celle du Québec se confondent. Elle fait partie de l'histoire, elle a fait de l'histoire avec le Québec, alors au moment où nous présentons pour les parlementaires le projet de création de La Financière agricole du Québec vous continuez à manifester vos opinions avec une clarté, une concision et, je dirais aussi, à quelques endroits, avec une délicatesse que seul un chirurgien peut faire davantage avec son scalpel. Vous faites si bien les choses.

Quelques questions de précision. Bien, je ne prendrai pas les sept premières remarques parce que ça dit qu'on est bons puis que c'est un bon projet. Alors, ça serait un peu téteux, si vous me passez l'expression. Mais, évidemment, vous vous imaginez bien que je les emmagasine. Mais il y a une première question qui doit se poser à l'égard de 4.2 à la page 5 de votre mémoire. Le mouvement coopératif et le fait que La Financière sera un organisme géré conjointement, ça répond du fait aussi qu'il est tout à fait légitime que les producteurs agricoles, par leurs représentants, participent activement à la conception et à l'administration des programmes qui leur sont destinés. Que ces choses sont bien dites et clairement. La question est la suivante: Est-ce que participer activement, ça va jusqu'à la cogestion? Le projet de La Financière agricole du Québec, ce sera une vaste entreprise financière qui sera cogérée, producteurs et État. Est-ce que participer activement, pour vous autres, ça va jusqu'à cogérer ? hein, on sait bien ce que veut dire ce terme-là ? avec les producteurs cet outil financier?

M. Massicotte (Paul): Alors, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vermette): M. Massicotte.

n (10 h 30) n

M. Massicotte (Paul): ...M. le ministre, évidemment, la prise en charge, l'administration, la cogestion... votre question est assez pointue, mais on devrait y mettre des nuances. Nous, le principe sacré de prise en charge par les usagers, on se réfère à la nature coopérative pour dire ça, et, dans la nature coopérative, l'argent vient des membres exclusivement. Dans une coopérative, ce n'est pas l'argent de l'État, ce n'est pas l'argent du peuple, c'est l'argent des membres. Et, si on parle de La Financière, c'est pour remplacer des instruments déjà existants qui sont la Société de financement agricole, qui sont les assurances agricoles, et cet amalgame devient une entreprise. Et j'ai entendu le ministre dire tout à l'heure que c'était une quasi-caisse, une quasi-banque, une... Qu'est-ce que c'est à ce moment-là, et dans l'intérêt de qui? Et la cogestion, c'est... Gérer veut dire décider de l'affectation des fonds à telle ou telle chose. Et on n'a pas été habitué jusqu'à maintenant à ce que l'argent de l'État puisse facilement être remis aux usagers pour s'autogérer avec l'argent des autres. Alors, c'est peut-être ça qui fait qu'on a un peu d'ambiguïté là-dedans.

M. Trudel: Que ces choses sont encore une fois si bien dites! Vous avez dit: On n'est pas habitué à ça, et vous avez absolument raison, quant à moi. Je vais essayer de faire suivre ça d'une question parce que n'est pas ici pour exprimer les opinions. Les opinions, elles vont s'exprimer dans l'article par article.

Mais vous touchez tellement la véritable corde sensible que représente ce projet que ça va modifier tout notre langage et notre approche: s'habituer à partager les responsabilités. Deux payeurs: les contribuables, l'État, les productrices et les producteurs. Je dirais: Quasiment comme une caisse populaire. Et le projet vise à cogérer la caisse. Dans ce contexte-là, vous soulevez justement à la page 7, à 4.10 de votre mémoire, la question de l'accès au régime d'assurance stabilisation.

On a dit tantôt: Tout le monde va avoir un compte d'épargne stabilisation puis on aura accès à des régimes complémentaires d'assurance et il y a des conditions qui ont été posées, celles que vous énumérez, si bien faites. «D'où notre insistance, dites-vous, auprès du ministre pour qu'il clarifie cette fameuse troisième condition. Cette dernière doit, à notre avis, être interprétée en tenant compte de la Loi des coopératives et de la nécessaire complémentarité entre le syndicalisme et la coopération agricoles.»

Est-ce que c'est correct de demander cette clarification aux deux parties, aux productrices et aux producteurs et à l'État? Parce que voici une première question dans le nouvel esprit de l'instrument. Le gouvernement, l'État ne sera plus jamais seul. Les producteurs et les productrices seront autour de la table. On se questionnera sur la façon de désigner tantôt. Vous avez bien fait de poser la question. Est-ce que vous pensez, M. le président, que producteurs et État au conseil d'administration de La Financière agricole du Québec seront capables de répondre correctement à la question: Que signifie concrètement mise en marché ordonnée et efficace?

M. Massicotte (Paul): Ça dépend, ça dépendra de la réelle mission de La Financière et ça dépendra des objectifs qui devront être précisés avec à l'esprit: Est-ce qu'on poursuit un objectif de moyens pour les usagers ou si on a... Et ça dépendra dans le temps de ceux qui y seront d'avoir un organisme qui défend ses propres fins ou les fins de ses composantes. Qui sont les composantes? J'ai déjà posé la question. Moi, je connais raisonnablement le fonctionnement d'organismes avec conseil d'administration où on retrouve une assemblée générale, on retrouve une base. Est-ce que La Financière, son conseil d'administration aura une assemblée générale pour rendre compte à chaque année ou ce sont du monde, des personnes qui seront des délégués d'organismes ou du ministre, que j'apprécie beaucoup? Quand ça vient du ministre, parce que le ministre répond à une assemblée générale qui, elle, répond au peuple. Tandis que la financière va répondre à qui?

C'est un peu la raison pourquoi on s'interroge là-dedans, sachant que, dans les coopératives, que ce soit qui que ce soit qui administre, il répond à ses membres par une assemblée générale. Et la cogestion... La cogestion, c'est la cogestion de la financière, qui découle de quoi? D'une loi. Et, d'après moi, dans ce temps-là, ça devrait n'être redevable qu'au ministre.

M. Trudel: Redevable où?

M. Massicotte (Paul): Au ministre.

M. Trudel: Très bien. On n'est pas ici pour répondre aux questions, mais c'est trop tentant de faire une assertion, parce que je vais perdre du temps sans cela. La Financière agricole du Québec sera un organisme d'État dont le ministre responsable devant l'Assemblée nationale sera le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, raisonnement sans faille, à mon avis, de votre part. Deuxièmement, les activités financières de La Financière agricole du Québec seront incluses dans le périmètre comptable du gouvernement du Québec. Troisièmement, le gouvernement du Québec, par son Conseil des ministres, sera appelé à approuver annuellement le plan d'affaires de La Financière agricole du Québec.

Ce sont trois éléments; on pourrait en ajouter d'autres. Mais votre observation est extrêmement pertinente, avec un point d'interrogation. Oui, il va s'agir d'une nouvelle aventure, une nouvelle aventure et là il faut que je vous amène tout de suite à 5.4, parce que vous créez une ouverture, la grande Coopérative fédérée de Québec, magistrale, avec une prudence qui est aussi magistrale. À 5.4, en fait, vous nous dites: Introduisez l'écoconditionnalité dans toutes les activités financières de La Financière agricole du Québec. C'est ça que vous nous dites. Mais vous mettez un petit bémol ? et là je vais vous interroger sur le bémol: Cette proposition est conditionnelle au fait que le gouvernement consent des ressources supplémentaires. On va se bâtir une hypothèse rapide, M. le Président. Supposons que c'est là, la Fédérée du Québec est en train de nous dire: Introduisez l'écoconditionnalité comme principe fondamental obligatoire de prêt, d'assurance, d'épargne, de financement pour toute activité d'une entreprise agricole au Québec. Est-ce que j'interprète justement le paragraphe que vous nous avez présenté?

M. Massicotte (Paul): Oui, c'est oui, mais avec le temps et les moyens, parce que, du jour au lendemain, on peut bien tendre à atteindre ce que vous venez de dire, mais il faut avoir les moyens pour le faire. La Financière sera un outil de support au développement de l'agriculture ? elle l'est d'ailleurs actuellement par ses trois composantes ? mais sachons que, pour en arriver à un idéal de tapis blanc, c'est assez exigeant. Faire une omelette sans casser des oeufs, ce n'est pas simple, et faire de l'agriculture sans se salir les mains un peu, ce n'est pas plus simple. Et comment avoir du gazon vert? C'est toujours en y mettant un peu ce dont il a besoin. Avoir des bons légumes, des beaux légumes, ça exige des choses. On ne fait pas d'habits sans tricoter.

n(10 h 40)n

Alors, ceci dit, je pense qu'il y aura une responsabilité sociale pour réussir à vivre l'agriculture la plus saine possible ? la plus saine possible ? parce qu'il y aura toujours certains inconvénients. Je vous ai entendu dire qu'il y avait les aléas du climat, la température, et ça se fait par des hommes qui peuvent occasionnellement, et vous l'avez dit, faire certaines erreurs. Ça va entraîner du changement, mais dans combien de temps? Puis quels sont nos moyens? Il y a beaucoup de millions là aussi.

Moi, j'ai lu des choses sur les moulins à papier. Je passe régulièrement, deux, trois fois par semaine, pour aller à Montréal, je passe à Montréal-Est et je sens des choses. Et ça ne vient pas de l'agriculture, ça vient des humains. Alors...

La Présidente (Mme Vermette): Sur ces paroles-là, on va conclure du côté ministériel, si vous me le permettez, parce que votre temps est terminé.

M. Trudel: Merci, M. Massicotte, merci, M. Lafleur, merci, M. Gagnon, merci, M. Richard. Une présentation claire. Il y a des questions là-dedans qui vont se poser, pendant cette commission, à notre partenaire ? les producteurs et les productrices agricoles ? lorsque le partenaire sera à la barre, l'UPA. Je retiens un certain nombre de questions qui s'adressent au partenaire de La Financière agricole du Québec, au partenaire au singulier. Merci et merci d'avoir répondu à cette invitation que j'avais expédiée au bureau du leader le 11 octobre dernier, à 10 h 59, par fax, disant que la Fédérée était invitée à venir nous donner son opinion. Pardon, je me suis trompé, c'était à 10 h 58. La confirmation que cela avait bien été reçu est à 10 h 59, le 11 octobre dernier. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur cette note de précision, je passerai la parole maintenant au député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je n'en veux pas au ministre, Mme la Présidente, d'avoir indiqué que la liste de l'opposition avait mis en tête de chapitre la Coopérative fédérée.

Maintenant, je vais reprendre où le ministre a laissé, à 5.4, parce qu'on a beau avoir du financement dans la vie, si on n'a pas le droit de produire, on ne peut pas faire de croissance, puis, si on ne peut pas faire de croissance, on est condamné à la décroissance. Ce paragraphe est important, le ministre l'a souligné. La Coopérative fédérée a indiqué, par la réponse très claire de son président, qu'elle y adhère, à ce principe. Je soulignerai simplement au ministre que, dans ce qu'on appelle les populations urbanisées, l'aide financière du gouvernement a été à un niveau de 90 % pour prendre le virage environnemental. Dans ce qu'on appelle le domaine industriel, il n'y a pas de statistiques très précises que vous allez retrouver, ça a varié d'un secteur industriel à l'autre, d'une région à l'autre, mais en moyenne les experts s'entendent pour dire que l'aide gouvernementale a été de 66,66 %, les deux tiers. Arrivez avec une proposition gouvernementale qui se situe en quelque part entre l'industriel et l'urbain, et je suis certain, moi, que le virage agroenvironnemental va s'accélérer drôlement dans toutes les campagnes du Québec. Et, à ce moment-là, on traitera la classe agricole comme on a traité les autres classes.

C'est le président de la Fédérée qui l'a mentionné également, regardez ce qui s'est fait au niveau des pâtes et papiers. C'est un virage qui s'est pris en respectant la capacité de payer et le temps nécessaire à ce que le virage s'accomplisse. Aujourd'hui, l'industrie des pâtes et papiers se réclame d'être une industrie verte au Québec, et c'est tant mieux.

Mme la Présidente, ceci étant dit, mon propos va porter sur la position concurrentielle du Québec ? et vous le mentionnez dans votre rapport ? face aux concurrents. Les concurrents, c'est les Américains, c'est les Européens. La stabilisation de nos produits agricoles a été attaquée à trois reprises, si ma mémoire ne me fait pas défaut, par les Américains devant le tribunal du libre-échange dans le secteur porcin. À chaque occasion, le Canada a tiré son épingle du jeu.

À ce moment-ci, on s'apprête à chambarder les règles de financement ou de sécurité du revenu des agriculteurs. Est-ce que vous avez vérifié auprès de vos experts, auprès de vos conseillers si les chambardements proposés par le ministre résistent à l'analyse des critères du libre-échange?

M. Massicotte (Paul): J'inviterais M. Lafleur à commenter ou à répondre à cette interrogation. M. Lafleur.

M. Lafleur (Claude): J'ai combien de temps? Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): M. Lafleur, vous avez... En fait, l'ensemble des échanges, c'est 15 minutes.

M. Lafleur (Claude): Je pense qu'on a dit, on a spécifié, dans le projet de loi ou le projet de convention plutôt, que cette nouvelle façon de faire devrait être compatible avec les règles internationales. Évidemment, elle ne l'est pas. Au niveau canadien, actuellement, le CSRN canadien est considéré ambré, mais il passe sous la règle de minimis. En fait, c'est une règle qui permet d'avoir 5 % de subventionnement sans être attaqué.

Au niveau américain, par exemple, il y a une clause importante: ce sont les fameux droits compensateurs. Le CSRN a fait l'objet, comme M. Paradis l'a dit tantôt, de trois contestations, et le Canada a gagné à toutes les fois sur les droits compensateurs. Il est important de comprendre que le CSRA maintenant que nous avons au Québec, que nous aurons au Québec, va être compatible avec le programme canadien. S'il était administré d'une façon simplement québécoise, avec des portes fermées, le bénéfice accordé aux producteurs de porc dépasserait 15 % ou 17 % du total des sommes investies en stabilisation. Et, dès qu'on dépasse 15 % ou 17 %, ça devient compensable aux yeux des Américains. Le fait que le CSRN pense au niveau canadien, c'est parce qu'il n'y a aucun secteur au Canada, que ce soit les producteurs de grain, les producteurs de porc qui ont plus qu'un bénéfice de 15 % à 17 %. Or, si jamais on a était considéré, que le programme québécois était considéré unique, indépendant du programme fédéral, à ce moment-là, on pourrait être attaqué par les Américains.

Alors, c'est là qu'est l'importance que le CSRA soit en liens très étroits avec le CSRN canadien.

M. Paradis: Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous ne dites pas, mais je veux bien comprendre le sens de votre réponse, M. Lafleur. Est-ce que vous nous dites présentement qu'on n'a pas d'assurance que le nouveau mécanisme va être jugé comme répondant aux critères de libre-échange?

M. Lafleur (Claude): Dans tous les programmes de stabilisation dans le monde, c'est comme une loi où est-ce que ça n'a pas passé le test. On a passé le test une fois avec le CSRN; il est considéré non compensable. On se fie là-dessus pour dire que notre programme va être correct, mais il y a des conditions à ça, entre autres l'universalité, l'importance que l'ensemble des productions soient couvertes et que ce soit pancanadien aussi.

M. Paradis: Je sais que dans le lait on est allé chercher des avis au niveau du commerce international à Ottawa. Est-ce qu'on a fait la même chose quant à ce projet de loi? Ça s'adresse peut-être à la Fédérée, à votre connaissance, ou au ministre?

Une voix: Non.

La Présidente (Mme Vermette): Non? M. Lafleur, non?

M. Paradis: Non, O.K., ça va. Deuxième élément d'importance: la prime d'assurance vue du côté du producteur agricole. Présentement, le producteur agricole paie une prime d'assurance, un tiers; les fonds publics, deux tiers. Avec La Financière, on va faire passer ça de un tiers à 50-50. Moi, je lis La Terre de chez nous hebdomadairement. La tournée du président de l'UPA indique que, dans certaines régions et dans certaines productions, ça cause des problèmes, l'augmentation de cette prime d'assurance. Est-ce que chez vos membres, ça pose des problèmes?

M. Massicotte (Paul): Est-ce que ça pose des problèmes? Ça cause des problèmes certain, ça vient doubler la prime. Alors, à ce moment-là, on préfère que ça soit comme avant et, déjà avant, ce n'était pas si simple que ça d'avoir à payer cette prime-là à certaines occasions.

Alors, que sera l'avenir de la capacité de se rendre jusqu'à 6 %? Aujourd'hui, les fermes grandissent et, si tu as à mettre 6 %, c'est évident, c'est 6 % de revenus nets après les dépenses directes. Mais, pour une ferme moyenne et un peu plus grande, c'est beaucoup d'argent qui va être à la caisse, comment est-ce qu'on a appelé ça, à La Financière. Moi, j'aime mieux que ce soit à ma caisse chez nous, en tout cas, personnellement. C'est plus proche puis ça peut permettre à mes enfants d'emprunter à ma caisse, tandis qu'à la Financière mes enfants ne seront peut-être pas capables d'emprunter là si elle est coiffeuse ou autre chose, tandis que dans mon milieu c'est facile.

n(10 h 50)n

En passant, je parle pour les caisses un petit peu. Je divague peut-être, là. Mais je dis que 3 % sur une ferme qui pourrait avoir, supposons, entre 50 000 $ et 60 000 $, bien, 3 % de 50 000 $, c'est déjà passablement par rapport à du net, et le double, c'est le double. Et dans le temps, pour l'usage qu'on peut en faire plus tard, bien, on était habitué à la participation de l'État dans la proportion qu'on connaît, c'est pourquoi on défend cette thèse-là. Je pense qu'elle n'est pas éloignée de celle de l'UPA non plus, là.

M. Paradis: Une question qui rejoint peut-être, là... puis un peu plus personnelle en ce sens qu'elle vise votre structure comme telle. Au paragraphe 5.2, vous mentionnez que vous avez toujours refusé de subdiviser vos structures de production afin de contourner les plafonds comme tels. On sait que ça n'a pas été le cas de plusieurs multinationales qui ont divisé finalement leurs lots de cochons pour rentrer dans la stabilisation correctement. Est-ce que vous seriez prêt à copier les multinationales et à diviser vos lots de production ou c'est quelque chose qui...

M. Massicotte (Paul): Copier les multinationales, les coopératives ne souhaitent pas ça. Les coopératives habituellement travaillent avec les firmes familiales. On a des formules actuelles qui permettent à des coopératives de travailler en partenariat avec les fermes familiales, mais on doit savoir que dans le temps éventuellement il y a des entreprises et le ministre a parlé des aléas de climat, de température, de virus et de microbes qui font qu'il peut arriver qu'il y ait des entreprises qui ne passent pas à travers, alors ce qui fait qu'il y a des coopératives qui doivent, avec les bâilleurs de fonds, reprendre les entreprises et elles deviennent par dérivé des producteurs agricoles. Et, quand, dans une région donnée, une coopérative est assez grande et avec beaucoup d'impact dans son milieu, il peut arriver qu'il puisse y avoir des volumes importants. Ce ne sont pas des multinationales, mais il peut y avoir des volumes importants qui font qu'avec des plafonds elles peuvent être jusqu'à un certain point pénalisées et tenter de ne pas supporter la production en association avec les producteurs de crainte de devenir trop grosses et trop grandes par rapport au programme de La Financière, s'il y a des maximums. Un complément, Raymond?

La Présidente (Mme Vermette): Un complément de réponse ou... M. Gagnon.

M. Gagnon (Raymond): Un item important, je pense, pour l'avenir de la coopération agricole, c'est de garder notre nature coopérative et de faire à outrance des filiales ou des prête-noms ça ne va pas dans notre nature coopérative et on est un peu via les lois que nous transmet l'Assemblée nationale, sur lesquelles on est régi sur le législateur québécois, que ça soit la Loi sur les coopératives, on se doit de garder notre nature coopérative. Votre devoir, en tant que législateur, c'est d'édicter la loi en fonction des prémisses ou des sept conditions de l'Alliance coopérative internationale et, nous autres, dans l'application concrète, c'est de garder notre nature coopérative. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Oui?

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Au paragraphe 4.12, vous dites que vous êtes craintif ou vous avez des réserves quant à étendre la juridiction de La Financière au-delà du secteur primaire. Vous dites que c'était une volonté de l'UPA, mais pouvez-vous expliquer votre point de vue, parce que, dans le projet de loi, on ouvre grandement, là, on peut étendre à la transformation. Alors, peut-être clarifier ce point de vue.

M. Massicotte (Paul): M. Lafleur va élaborer là-dessus.

M. Lafleur (Claude): En fait, ce n'est pas qu'on s'oppose ou qu'on est d'accord avec cette particularité-là. Ce qu'on dit, c'est qu'on a accepté avec bonne foi qu'on négocie sur la partie des producteurs agricoles, la partie primaire, parce que notre compréhension, c'est que la négociation seul à seul, le gouvernement avec l'UPA, c'était la partie agriculteur puis ils l'ont toujours fait historiquement comme on acceptait ça. Maintenant, en dehors du projet de loi, il y a eu une demande de l'UPA à l'effet d'étendre la juridiction sur la partie agroalimentaire. Tout ce qu'on dit, nous autres, c'est qu'on veut être consultés sur cette partie-là parce qu'on est bénéficiaires. Le principe vaut autant pour un bord que pour l'autre. Si on dit: L'UPA a le droit de négocier ses affaires comme bénéficiaires, nous autres aussi, comme bénéficiaires d'une politique d'investissement dans l'agroalimentaire, on veut être consultés. On ne dit pas que c'est mauvais en soi, là. La Financière peut avoir le mandat de faire ça. Tout ce qu'on vous dit, c'est: Nous autres, on veut être consultés... cette partie-là.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, M. Massicotte.

M. Massicotte (Paul): À la suite du Sommet sur l'agriculture, il y a eu un comité de formé pour étudier ce projet-là et ça a été exclusivement entre le gouvernement et l'UPA. Mais, comme ça déborde et ça va toucher des secteurs qui sont autres que le secteur primaire, bien, je vois mal qu'on n'ait pas été associé à ce moment-là pour cette partie-là en tant qu'entreprise de transformation et de distribution dans l'agroalimentaire.

M. Whissell: Toujours dans le même paragraphe, là, vous finissez en disant: Pour toutes ces raisons, nous demandons expressément au ministre d'initier une consultation plus large sur cet aspect du rôle et du pouvoir de La Financière. Qu'est-ce que vous entendez quand vous dites: Une consultation plus large? Vous voyez ça comment?

M. Massicotte (Paul): Bien, je posais simplement la question: Il y a eu combien de rencontres pour discuter de la mise en place de La Financière avec l'UPA? Ceci étant dit, ici, on a trois quarts d'heure pour en parler ce matin, alors vous comprenez que ce n'est pas beaucoup et que c'est aussi succinct par rapport aux questionnements ou aux préoccupations que pourrait entraîner l'élargissement de la mission de La Financière.

M. Whissell: Si je comprends bien votre réponse, vous dites: Compte tenu de l'importance du projet de loi, de son impact à moyen et long terme sur l'industrie agricole et bioalimentaire et de transformation, il y aurait lieu d'avoir des consultations beaucoup plus élargies du genre un peu qu'on a eues au niveau de la gestion des forêts.

Une voix: M. Lafleur.

M. Lafleur (Claude): On ne remet pas en cause la loi, on l'approuve, on appuie le ministre dans sa démarche. Tout ce qu'on dit, c'est que c'est sur cette partie-là, agroalimentaire, qu'on veut être consulté, ce n'est pas l'ensemble du projet, là. Je pense qu'on est clair dans notre papier, on ne remet pas en cause le processus, on l'a accepté au départ. Mais ce qu'on remet en cause, c'est la partie où il y a un débordement au-delà de notre compréhension, qu'il est tout à fait légitime d'être consultés pour cette partie-là, là. Mais on ne remet pas en cause, certainement pas, le processus, on ne l'a pas remis en cause au départ.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député d'Argenteuil, il vous reste 30 secondes, alors vous pouvez conclure ou poser une autre question qui sera votre conclusion.

M. Whissell: Oui, je vais y aller avec une autre question: Au paragraphe 4.9, vous touchez au point de la question des membres du conseil d'administration, l'impartialité, les conflits d'intérêts. On sait que dans les différentes lois antérieures, la notion de conflit d'intérêts était clairement définie. Pouvez-vous nous expliquer un peu, quand vous faites état de conflits d'intérêts syndicaux ou corporatifs, pouvez-vous expliquer votre point de vue?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, comme nous avons terminé notre temps, je vous demanderais d'être bref dans votre réponse, parce que je ne voudrais pas être aussi rigoureuse que le leader de l'opposition l'a été tantôt. Alors je vais vous laisser répondre, s'il vous plaît.

M. Paradis: Mme la Présidente, ça me fait de la peine de vous reprendre, là, mais vous me prêtez des intentions. J'ai offert le consentement pour que l'on dépasse l'heure. C'est le ministre qui l'a refusé, donc vous devriez reformuler votre phrase en disant: Je ne voudrais pas être aussi rigide que le ministre l'a été tantôt envers le leader de l'opposition.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, si vous vouliez bien conclure pour ne pas qu'on perde de temps.

M. Massicotte (Paul): On pose des interrogations, là, en questionnant ça un peu, en disant simplement: Ce sera un conseil d'administration composé de personnes qui viennent, appelons ça de l'UPA, parce qu'elles seront nommées, déléguées par le syndicaliste agricole, certaines seront nommées par le ministre, le président sera quelqu'un qui vient du secteur de la production agricole, et ce sont des clients. Et, quand il viendra des situations litigieuses, c'est sûr qu'ils devront agir en bons administrateurs, mais il y aura des enjeux monétaires importants, il y aura des fonds à placer. Est-ce qu'ils seront placés avec l'idée du profit, avec l'idée du service, et/ou avec l'idée de peut-être déranger ceux qui avancent les fonds?

Parce qu'il faut penser aux banques puis il faut penser aux caisses populaires. Et celui qui va endosser, ça va être La Financière, via l'État, si on veut, mais on sait très bien qu'en Agriculture il peut arriver qu'il y ait des délais. Qui sera l'arbitre? Qui sera celui qui tranche? Habituellement, c'est le conseil d'administration.

La Présidente (Mme Vermette): Sur ces paroles, on devra terminer nos échanges. Alors, je vous remercie beaucoup.

M. Trudel: Merci. Comme d'habitude, vous êtes des gens cultivés, bien élevés, comme tous les mardis soir, 19 h 30.

Une voix: Je vous remercie de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je suspends quelques minutes pour donner la chance au prochain groupe de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 2)

La Présidente (Mme Vermette): Je demanderais aux membres de la commission de pouvoir s'asseoir à leurs places respectives, s'il vous plaît. Alors, si vous voulez bien vous présenter, M. le président.

Association des jardiniers maraîchers

M. Hubert (Pierre): Pierre Hubert, président de l'Association des jardiniers maraîchers du Québec, avec M. André Turenne, directeur général.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, si vous voulez bien procéder, nous allons vous écouter.

M. Hubert (Pierre): Mme la Présidente, M. le ministre ? je crois qu'il n'est pas là pour l'instant ? MM. les membres de la commission, MM. les députés de l'opposition, je vous remercie de nous avoir permis d'être entendus ici aujourd'hui.

Je vais faire la présentation en deux volets. Je vais expliquer notre historique, parce que je crois que tout le monde ne nous connaît pas ici, et ensuite je céderai la parole à M. Turenne.

L'Association des jardiniers maraîchers du Québec est un organisme qui a été fondé en 1945 par un groupe de producteurs maraîchers. La première mission de cette Association aura été de réaliser le déménagement du marché des producteurs du Québec, à l'origine situé au Marché Bonsecours, pour aujourd'hui être rendu au Marché Central. Après de longues et ardues négociations, la ville de Montréal cédait un terrain situé site du marché actuel, et c'est en 1960 que l'Association intégrait les locaux sur le même emplacement.

L'Association est un organisme indépendant, non affilié à l'Union des producteurs agricoles, qui regroupe 407 membres, dont 325 sont des producteurs, la différence étant comblée par des membres affiliés cependant tous reliés au secteur de la production horticole. Il est intéressant de noter que l'adhésion à notre Association est volontaire et que l'ensemble de ses producteurs représente plus de 80 % de la production maraîchère du Québec. L'Association des jardiniers maraîchers du Québec est un organisme dynamique dont le principe de base est axé sur les affaires. D'ailleurs, toutes les activités organisées en cours d'année ont comme objectif de réunir producteurs, grossistes et détaillants afin de créer un climat propice à la réalisation de transactions.

Nous nous sommes dotés d'une mission distincte étalée sur trois volets. En plus de la défense et du développement des intérêts des membres, l'Association s'est engagée depuis plusieurs années à jouer un rôle de premier plan dans la mise en marché des produits du Québec.

En troisième lieu, l'Association est propriétaire et gestionnaire du marché Place des producteurs, situé au Marché Central, et du Marché des jardiniers à La Prairie.

Depuis plusieurs années, nous nous sommes imposés comme chef de file dans la promotion des produits du Québec autant sur le marché domestique qu'au niveau des exportations. Nous avons joué un rôle primordial dans l'amélioration de la perception sur la qualité et la notoriété des produits du Québec par les différentes actions concrètes entreprises au fil des ans. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le secteur maraîcher québécois, par la qualité de ses produits et producteurs, se situe avantageusement sur l'échelle mondiale.

L'Association a démontré sa capacité à agir en concertation avec les autres groupes oeuvrant à l'intérieur de l'horticulture québécoise. Tout récemment, nous participions à la plus grande exposition de fruits et légumes au monde à Anaheim, en Californie, et le kiosque regroupait producteurs maraîchers, producteurs de légumes en serre, secteur de pommes, secteur transformation et secteur produits de l'érable. Voilà un exemple concret de concertation entre les différents groupes en horticulture.

La table filière, maintenant présidée par un membre de l'AJMQ, est une table proactive réunissant régulièrement les deux maillons importants de la chaîne alimentaire, soit la production et la distribution. L'objectif à court terme est de rendre ce groupe encore plus autonome et rassembleur. Une demande a été formulée en ce sens récemment au programme d'appui à la concertation.

L'Association des jardiniers maraîchers est membre très actif de tous les organismes au niveau provincial et sur le plan national. Sur ce, je cède la parole à M. Turenne pour continuer l'exposé.

La Présidente (Mme Vermette): M. Turenne.

M. Turenne (André): Bonjour à tous. Alors, si nous voulons parler un peu du poids de l'horticulture au Québec, brièvement, lorsqu'on parle de recettes en provenance du marché, soit ventes à la ferme, l'horticulture vient au troisième rang et compte pour 12,3 % des recettes de l'agriculture.

Au niveau des emplois, l'horticulture vient au premier rang, à égalité avec la production laitière, et compte pour 30 % de la main-d'oeuvre en agriculture.

Avec quelque 3 500 exploitations, l'horticulture compte pour 11 % de l'ensemble des exploitations agricoles au Québec.

L'horticulture, fruits, légumes et produits ornementaux, représente 10 % des exportations bioalimentaires.

En contrepartie, l'horticulture ne reçoit que 3 % de l'ensemble des paiements gouvernementaux en agriculture au Québec.

Parlons maintenant du sujet principal qui nous amène ici aujourd'hui, soit La Financière agricole du Québec. Après avoir révisé le projet de loi n° 144 sur La Financière agricole du Québec, nous croyons que la réforme des outils financiers est très positive et que ces derniers deviendront de véritables leviers de développement. Cette modernisation entre sans aucun doute dans le cadre des engagements pris au Forum des décideurs en mars 1998. Les gains pour les horticulteurs étant relativement mineurs, ceux-ci ont manifesté quelques inquiétudes face à certaines mesures prises dans le projet de loi.

Dans un premier temps, considérant les sommes d'argent importantes gérées par La Financière agricole, il sera important pour l'État de s'impliquer de près afin d'éviter les guerres internes et l'iniquité entre les différents secteurs d'activité en agriculture.

Une autre des inquiétudes se situe au niveau de la composition du conseil d'administration de La Financière agricole. Composé de 11 membres, celui-ci sera appelé à administrer des programmes, déterminer les critères et conditions de participation ainsi que le développement de nouveaux programmes. L'association accréditée, l'UPA, détiendra cinq sièges à l'intérieur de ce conseil. Traditionnellement, la représentation du secteur horticole à l'intérieur de cet organisme a été et est toujours inégale considérant l'importance du secteur. Nous avons prouvé il y a quelques instants que l'horticulture était le troisième secteur en importance au Québec. De plus, l'Union des producteurs agricoles représente 21 productions au sein de son organisation. Il est évident que chacune d'entre elles désirera être représentée adéquatement dans le nouvel organisme.

Afin d'assurer la diversité dans la représentation du secteur ainsi que l'équité pour la troisième production en importance au Québec, nous formulons la demande à ce que l'AJMQ, à titre d'organisme indépendant de l'association accréditée, soit nommée sur le conseil d'administration de La Financière agricole. D'ailleurs, aucune restriction n'est prévue pour la nomination des six autres membres, qui pourraient provenir des différents milieux, incluant le secteur agricole.

n(11 h 10)n

Le dernier paragraphe de l'article 28 du projet de loi mentionne: «L'association accréditée [...] peut prendre entente avec la société [...] pour établir objectivement le niveau des cotisations ou contributions obligatoires en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles ou pour en assurer le paiement.» Cette portion de l'énoncé représente une appréhension majeure du secteur horticole, car c'est en sorte une carte maîtresse pour l'association accréditée afin d'imposer une contribution obligatoire non souhaitée par l'horticulture. Conscients des opportunités qui s'offrent à eux de continuer à améliorer la performance du secteur, les producteurs maraîchers ont démontré par leur participation à différentes activités leur intention de s'impliquer, et ce, financièrement, sans avoir à subir l'imposition de cotisations obligatoires. La table filière, d'ailleurs, saura jouer un rôle très important à ce niveau.

Au niveau des programmes complémentaires CSRA, les producteurs ont exprimé leur désir de maintenir les droits acquis au premier niveau. Considérant que La Financière agricole dispose d'une enveloppe prédéterminée, la possibilité que cette enveloppe ne puisse couvrir tous les besoins des productions couvertes ou à couvrir dans le deuxième niveau, les producteurs demandent que les droits acquis chèrement dans le temps, tels que le 6 % de contrepartie gouvernementale, ne soient pas réévalués à la baisse même si les besoins du deuxième niveau de protection pourraient croître éventuellement.

Un autre aspect du projet de loi qui inspire des inquiétudes au secteur, soit l'accessibilité à la deuxième ligne de défense. Les critères d'admissibilité tels que: démontrer que le risque historique est mesurable; que la production en difficulté affiche une mise en marché ordonnée et efficace; et que cette production est organisée de manière à obtenir un prix optimum sur le marché. Ces critères d'admissibilité sont incompatibles avec la nature de mise en marché effectuée dans le domaine de l'horticulture en général, à l'exception, bien sûr, de la pomme, pomme de terre et de la transformation. La diversité de la production, où seulement dans le domaine des fruits et légumes frais nous comptons plus de 50 produits différents ayant leurs particularités propres, rend impensable la création d'un plan conjoint ou d'une chambre de coordination. Ce secteur est très différent des autres productions et doit être considéré comme tel. Les administrateurs de la société et l'organisme accrédité auront à revoir les critères d'admissibilité au niveau 2 afin de permettre aux horticulteurs québécois d'y accéder.

L'horticulture a progressé énormément ces dernières années, les exportations se sont accrues au rythme de plus de 20 % par année de 1987 à 1997. Et, à ce jour, c'est l'horticulture qui représente le potentiel de développement le plus élevé de tous les secteurs en agriculture. Ce n'est certes pas avec une mise en marché déficiente que cette progression aura été réalisée.

La dernière source d'inquiétude concerne la disponibilité d'accès à des programmes de soutien gouvernementaux à la promotion, au développement ou à la recherche. Par le passé, ceux-ci auront contribué largement au succès du développement de l'horticulture et des producteurs horticoles du Québec, et ceux-ci désirent que les programmes soient maintenus. La Financière agricole ne doit pas engloutir toutes les sommes disponibles et le ministère doit veiller à maintenir l'équilibre nécessaire à la réalisation de notre objectif commun, soit de doubler les exportations d'ici l'an 2005, tout en maintenant un accroissement du marché domestique de 10 % pour la même période.

Nous croyons que la société La Financière agricole du Québec, avec sa mission de soutenir et promouvoir le développement du secteur agricole, possédera tous les outils nécessaires à la réalisation de cet objectif. Cependant, les administrateurs auront le mandat de s'assurer que toutes les productions, animales ou végétales, soient traitées d'une façon juste et équitable afin que tous contribuent à l'essor de l'agriculture. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Alors, nous allons commencer nos échanges, et je vais donner la parole au ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et Pêcheries. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci à la présentation de l'Association des jardiniers maraîchers du Québec. Moi, j'aime toujours mettre les crédits là où ils sont, vous êtes ici aujourd'hui parce que l'opposition est intervenue pour l'Association des jardiniers maraîchers. Les bons comptes font les bons amis. Et c'est avec grand plaisir que je vous accueille, parce que vous représentez ? là, vous le démontrez bien ? un volume extrêmement important de la production agricole du Québec, au-delà de 11 % quand on va... alors, ce n'est pas petit. Et vous êtes dans un secteur qui a, comme dans d'autres... mais, pour le vôtre, des règles particulières de fonctionnement. C'est ce que vous nous expliquez. Bon.

D'abord, évidemment je vais noter la bonne partie, la première ? et les autres aussi, mais la première partie ? réaction positive. Vous y allez, puis après ça on va voir le fin tricot. D'accord avec la réforme des outils financiers. «Dans un premier temps, dites-vous, considérant les sommes d'argent importantes gérées par La Financière agricole, il sera important pour l'État de s'impliquer de près afin d'éviter les guerres internes et l'iniquité entre les différents secteurs d'activité en agriculture.» Affirmation-clé. Vous avez raison, ça va gérer au minimum, sur le prochain horizon de sept ans, 4,2 milliards. Le gouvernement, lui, par projet de convention, a indiqué qu'il allait mettre 300 millions de dollars par année dans La Financière. Vont s'ajouter à ça les différentes contributions compte tenu de l'entente de Fredericton, du gouvernement fédéral, du mois de juillet dernier, en gros 100 millions de dollars dans différents programmes. Je ne vais pas dans le détail. Troisièmement, les producteurs, en vertu de leur police d'assurance et de leur participation dans le compte d'épargne ? des contributions et non pas des dépôts ? vont contribuer pour 204 millions de dollars dans la prévision. Multipliez tout ça par sept, vous allez arriver à 4,2 milliards.

Il sera important pour l'État, dites-vous... Est-ce que le projet de loi, à votre lecture... Vous n'êtes pas avocats, puis ce n'est pas votre travail, puis vous autres, vous êtes des producteurs dans une association, est-ce que le projet de loi est assez clair que ce ne sera plus important pour l'État, mais dorénavant il faudra dire: Ça sera important pour l'État et les producteurs agricoles de s'impliquer de près afin d'éviter des guerres internes? Est-ce que le projet de loi, à votre avis, est assez clair là-dessus, que ce sera dorénavant un partenariat entre ceux qui paient, les contribuables du Québec par leur gouvernement, et les producteurs agricoles et productrices agricoles qui vont utiliser les produits financiers? Est-ce que ça, ça vous est apparu clairement dans le projet de loi?

M. Hubert (Pierre): Disons que, pour ce bout de paragraphe, «il sera important pour l'État de s'impliquer de près afin d'éviter les guerres internes», c'est parce que, dans notre optique à nous, au niveau des maraîchers ? c'est sûr qu'on le dit plus loin ? on ne se sent pas impliqués dans ça étant donné qu'à l'UPA on n'est pas accrédités. On est tous membres de l'UPA, mais on n'est pas accrédités. Donc, à ce moment-là, nous, ce qu'on veut dire par ça, c'est que c'est sûr que c'est clair pour nous que c'est les deux qui sont là pour représenter La Financière agricole, le ministère et l'UPA, sauf que, au niveau d'éviter des guerres internes, c'est que nous, dans nos revendications, qui ne seront pas nécessairement les revendications de l'Union, mais qui pourraient peut-être être celles du MAPAQ qui abondent dans notre sens, mais que, à un moment donné, l'Union n'abonde pas dans le même sens... Donc, de là notre crainte d'avoir des guerres internes au niveau des négociations futures avec La Financière. C'est dans cet esprit-là qu'on l'écrit. Je ne sais pas si vous saisissez bien ce que je veux dire.

n(11 h 20)n

M. Trudel: Tout à fait. Tout à fait, vous êtes très clair. Merci de la réponse. Je note dans votre réponse que tous vos membres sont par ailleurs membres de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Est-ce que vous allez avoir objection à ce que je pose la question à l'UPA quand le partenaire sera à la barre? Est-ce que vous voulez que je la leur pose, la question, moi?

M. Hubert (Pierre): Ah, bien vous pouvez la leur poser. C'est sûr que tous nos membres, force majeure, sont membres de l'Union des producteurs agricoles. Par le bill 64, c'est évident qu'on est tous membres, on n'a pas le choix, puis surtout par les législations qui sont venues par la suite le confirmer. Donc, là-dessus on n'a pas le choix. La question peut être posée évidemment à l'Union par le ministre. Je n'ai pas d'objection là-dessus, absolument pas.

M. Trudel: ...indiquer quand ils seront là. Je fais un préavis, quand notre partenaire, l'Union des producteurs agricoles du Québec, sera à la barre, il y aura une question sur la représentation dans la liste qui sera suggérée. Parce que ça me permet d'apporter une première précision, c'est le gouvernement du Québec qui va nommer les 11 membres du conseil d'administration. Soyons très clairs, c'est le gouvernement du Québec qui va nommer les 11 membres du conseil d'administration la grande Financière agricole du Québec. Dans les 11 membres, il y en aura cinq qui seront puisés à même une liste de noms qui sera fournie par une association accréditée qui s'appelle l'Union des producteurs agricoles du Québec, mais c'est le gouvernement du Québec qui va faire la nomination des membres du conseil d'administration, dont cinq vont provenir, comme ça existe dans bien des organismes, de la partie de ceux et celles qui paient dans cette entreprise financière là, les productrices et les producteurs agricoles.

Il faut aussi... Comment est-ce qu'il me reste de temps? C'est toujours compliqué.

La Présidente (Mme Vermette): Huit minutes.

M. Trudel: Huit minutes? Bon. Il y a quelque chose qui ne marche pas, puis on n'est pas obligés de tout corriger ça ici, là, à la page 6 de votre mémoire, en bas, vous indiquez que l'article 28 du projet de loi mentionne que l'association accréditée, entre parenthèses UPA, peut prendre entente avec la société pour établir... Je ne sais pas où est-ce que vous avez ramassé ce texte-là, mais ce n'est pas ça que l'article 28 dit. Ce n'est pas ça que l'article 28 dit, mais on comprend votre message pareil, là, ce n'est pas... il ne faut pas s'attacher sur les petits fils, là. Le message que vous nous passez, c'est ? je vais reprendre vos mots ? une sorte de carte maîtresse pour l'association accréditée ? vous autres, vous pensez que c'est l'UPA ? afin d'imposer une contribution obligatoire non souhaitée par l'horticulture. Expliquez-moi cette phrase-là, la contribution obligatoire non souhaitée par l'agriculture. Je vous avoue que je ne décode pas tout à fait comme il faut, là, qu'est-ce que ça veut dire, ça?

M. Hubert (Pierre): C'est que, en fait, au moment où on pourrait avoir des demandes de deuxième niveau au niveau de La Financière parce qu'il serait arrivé une catastrophe puis qu'à ce moment-là... au niveau de la contribution, ça serait une façon... ça pourrait en être une façon, pour l'association accréditée, de se servir de ce poids-là pour cotiser les producteurs au niveau de contributions au profit de l'association accréditée. Se servir de ça, autrement dit, comme moyen de marchandage dans des termes plus clairs...

M. Trudel: Est-ce que vous êtes en train de me dire que, dans la production horticole, les productrices puis les producteurs, en gros, ils disent: Nous, on veut avoir accès à un régime d'assurance stabilisation, mais on veut avoir accès individuellement, on ne veut pas de régime collectif?

M. Hubert (Pierre): Ce n'est pas ça.

M. Trudel: Ce n'est pas ça?

M. Hubert (Pierre): Non. C'est que premièrement, au niveau de l'horticulture maraîchère ? on ne l'a pas mentionné ici, mais on le dit à un moment donné, «si chèrement acquis» ? le CSRN, on est la seule production au Québec, actuellement, à obtenir ça avec les productions de culture ornementale qui ont été si chèrement acquises au niveau de la négociation. Mais on a obtenu ça, nous, parce qu'on n'a pas d'autre régime pour nous protéger. C'est pour ça qu'actuellement, au niveau du CSRN, c'est considéré comme une mesure ouverte à l'ensemble du Canada, parce que c'est des... Les productions qui avaient accès au CSRN actuellement n'ont aucun régime d'assurance stabilisation, que ce soit dans l'Ouest du pays, en Ontario ou au Québec. C'est pour ça que... Et c'est là qu'on voit une problématique, nous, mais on ne cherche pas à avoir un régime de stabilisation sans contribuer. Ce n'est pas ça qu'on veut dire, c'est qu'à un moment donné, s'il arrivait quelque chose, une catastrophe, puis qu'on ferait des revendications auprès de La Financière pour obtenir une subvention quelle qu'elle soit, que l'UPA ou l'association accréditée pourrait se servir de ces moyens-là comme force de négociation ou tout simplement nous virer du revers de la main parce qu'on n'a pas d'organisation, de contribution directement à l'Association. Puis on pense que cet article-là leur ouvre la porte pour nous ramasser, autrement dit.

M. Trudel: Quant à moi...

M. Hubert (Pierre): Peut-être qu'on l'interprète mal.

M. Trudel: ...oui, je pense. Mais, une question posée mérite une réponse très claire, mon opinion ? et je chercherai à la préciser d'ici la fin des travaux de la commission ? à mon avis, ce n'est pas l'interprétation de l'article. Mais, si ça prête à interprétation à ça, je vous le dis tout de suite, on va fermer, parce que ce n'est pas ça que l'article voulait dire. Et, elle ne dira pas qu'est-ce qu'elle n'a pas l'intention de dire, le législateur ne parlant pas pour rien dire, comme on dit communément.

Autre question bien importante quant à moi, parce que vous faites référence... vous avez absolument raison dans l'illustration, vous êtes le groupe de productrices et de producteurs qui utilisez le plus largement, au niveau fédéral, le compte de stabilisation du revenu net, le CSRN. Est-ce que pour vous, de passer du gouvernement fédéral, le CSRN, maintenant à un régime québécois, le compte de stabilisation du revenu agricole, le CSRA, compte qui va vous appartenir... Parce que, au fédéral, il ne vous appartient pas, ce n'est pas à vous autres, ce compte-là, la partie de l'argent du fédéral ne vous appartient pas. Ici, cet argent-là va vous appartenir, et, vos contributions étant déductibles d'impôts, est-ce que pour vous ça présente des avantages nettement plus élevés dont devraient profiter les productrices et les producteurs? On a sorti notre affaire d'assurance stabilisation depuis quelques minutes, là, est-ce que vous pensez que vos productrices et vos producteurs vont sauter là-dessus vu que le compte va leur appartenir, que l'argent versé par l'État va leur appartenir, qu'il va y avoir déduction fiscale dans leur rapport d'impôts quant à la contribution dans ce compte-là? Est-ce que pour vous c'est des avantages qui vont permettre l'accès beaucoup plus facilement au compte vu que 50 %, à peu près, de vos producteurs sont au CSRN?

M. Hubert (Pierre): Là, disons que votre question m'amène à une autre question. Je vais essayer de vous répondre. D'abord, je vais tout de suite vous poser la question, mais je vais répondre aussi, c'est au niveau de dire que notre compte ne nous appartient pas présentement. J'aimerais que vous me l'expliquiez davantage, malgré que ça fasse plusieurs années que j'investis dans le CSRN personnellement, puis j'ai l'impression que ce compte-là est à moi en cas de catastrophe. O.K.

Là, la question d'être déductible d'impôts, évidemment que c'est une très bonne chose, puis je pense bien que les producteurs vont embarquer là-dedans. En contrepartie, on perd la bonification du 3 % sur le fonds 1. Je pense que ça a peut-être été une négociation qu'il y a eu entre les organismes, là, ce 3 % là, on le perd, mais que l'investissement avant impôts, c'est sûr qu'il n'y a personne qui va s'objecter à ça, ça, c'est bien clair, puis qu'on sait que ces fonds-là peuvent être retirés... sont retirés, d'ailleurs, au moment où ça ne va pas bien. Donc, le taux marginal d'impôts est dans des années où il est beaucoup plus bas. Donc, ça va être avantageux, c'est sûr, pour les producteurs. Sauf qu'il y a des questions qu'on se pose là-dessus, mais on n'a pas pu avoir toutes les réponses. Même qu'on a rencontré la direction de l'Union puis on n'a pas pu avoir des réponses quant aux plafonds. Puis, là c'est transféré maintenant par entreprises au lieu de par individu, évidemment on n'a pas tout le... je pense que tout n'est pas finalisé là-dedans. C'est pour ça que c'est sûr que si le projet de loi est adopté puis... Il y a des choses qu'on n'a même pas les réponses, c'est difficile de pouvoir dire si, dans l'ensemble, le nouveau système de CSRA va être plus avantageux ou moins, mais, à la question de «avant impôts», c'est sûr que ça, c'est excellent.

M. Trudel: Je vais essayer de vous donner une réponse en 20 secondes à votre question. Le CSRN, la partie de l'argent du gouvernement fédéral n'est pas dans votre compte à vous. Elle est attribuée aux producteurs, mais elle n'est pas dans votre compte à vous, ce n'est pas un actif de l'entreprise. Avec le CSRA, ça va devenir, comme disent les Anglophones, un «asset», un actif de l'entreprise. Les deux parts, la vôtre et celle de La Financière, ça va être dans les actifs de l'entreprise pour les fins de financement.

Et, comme il nous reste juste une minute, il va falloir que je vous taquine un peu. Il va falloir que je vous taquine un peu parce qu'il y a une petite coquille dans votre mémoire, à la première page, qui est une si belle présentation... Non, à la page 2, en bas de la page 2, vous dites que «l'Association des jardiniers maraîchers est un membre très actif de toutes les organisations au niveau provincial et sur le plan national». Vous voulez dire sur le plan national et canadien. C'est ça que vous voulez dire, hein?

n(11 h 30)n

Des voix: ...

M. Trudel: Très bien. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur cette note de précision, en fait, nous allons passer la parole à l'opposition. Alors, je demanderais au député d'Argenteuil de bien vouloir commencer le débat...

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): ...ou les échanges plutôt.

M. Whissell: M. Hubert, M. Turenne, je dois avouer que votre pochette, à 11 h 35...

Une voix: Tout à fait.

M. Whissell: ...elle ouvre l'appétit. Je voudrais revenir sur la question du... présentement, la couverture d'assurance que vous avez. Présentement, vous êtes avec un régime fédéral.

M. Hubert (Pierre): Fédéral et provincial. Évidemment, les deux contribuent.

M. Whissell: Fédéral et provincial, et vous allez vous en aller avec le nouveau CSRA. Je trouve ça quand même un peu alarmant quand vous dites que vous vous engagez dans ce processus puis que vous ne connaissez pas encore, dans le fond, le nouveau programme dans lequel vous allez tomber. Est-ce que vous pouvez nous le dire clairement, là? Le nouveau programme dans lequel vous allez évoluer au cours des prochaines années, est-ce qu'il va être plus avantageux? Est-ce qu'il va coûter plus cher à vos membres? Est-ce qu'il va coûter moins cher? Êtes-vous en mesure de nous dire ça aujourd'hui?

M. Hubert (Pierre): Non. Non, parce qu'on n'a pas eu les réponses, même au niveau de l'Union des producteurs agricoles. Il y a plein de choses en négociation présentement, puis il y a plein de choses pas faites là-dessus. Puis là les montants déductibles d'impôts, c'est au provincial seulement. Au fédéral, ils n'ont pas donné leur aval à ça, mais pas du tout, puis c'est loin d'être acquis. Ça, c'est sûr. Mais eux, ils ne le savent pas, ils disent que ça s'en vient dans les négociations. Mais, actuellement, à long terme, je ne sais pas exactement. Mais, pour répondre à M. le ministre, c'est sûr que, avant impôts, tout le monde est d'accord là-dessus, on saute là-dessus. Mais sauf qu'au fédéral ce n'est pas acquis.

M. Whissell: C'est bien évident que, lorsqu'on demande à quelqu'un pour contribuer avant impôts puis en retirer un bénéfice avant impôts, tout le monde va dire oui. Mais c'est quand même surprenant qu'on ait un projet de loi qui est sur la table puis vous allez embarquer dans un nouveau système, puis personne ne connaît les bases. Je veux dire, qui est en train de négocier pour vous, dans le fond, présentement?

M. Hubert (Pierre): Ah, bien, nous, on n'a jamais été consultés dans ça au niveau de... Même, on l'a appris par surprise un peu. Puis, dans les négociations, on n'a pas été consultés, ça se passait au niveau du ministère puis de l'Union. Mais, actuellement, nous, on ne négocie pas. On a rencontré les gens de l'Union, entre autres M. Pellerin, mais il y a plein de... puis avec monsieur l'économiste, mais il y a de nos questions qui n'ont pas été répondues parce que ce n'est pas négocié.

M. Whissell: Alors, vous êtes en train de nous dire que vous représentez la troisième plus grosse production au Québec, 11 %, si j'ai bien compris, de la producteur agricole au Québec, puis vous n'avez pas été partie prenante encore dans l'élaboration de tout ce processus-là.

M. Hubert (Pierre): Absolument pas.

M. Whissell: Ça ne vous fait pas peur en bout de ligne?

M. Hubert (Pierre): Bien, c'est sûr qu'on a des craintes, on l'énonce. Nos principales craintes, nous... Nous, on dit depuis toujours: Quand l'Association... Je pourrais faire de l'histoire, en 1972, quand le bill 64 a été passé de façon majoritaire par les producteurs du Québec, si vous saviez comment les maraîchers étaient déçus, parce que, nous, on est un organisme sur une base volontaire. Ça nous a créé des ennuis, une affaire terrible. Puis on a calculé que, toujours au sein de l'UPA, on n'avait pas vraiment notre place parce qu'il y a une lourdeur administrative, puis, nous autres, ça presse tout le temps. Nos saisons de production sont courtes, puis il y a des problèmes à régler rapidement, puis on n'a pas le temps de s'en aller à un conseil général, puis tout, on se réunit à l'Association puis on règle nos problèmes de mise en marché.

Nous, on dit toujours: Ne touchez pas à notre mise en marché, puis le restant, bien, allez-vous-en avec ça, on va se débrouiller. Mais là on est inquiets un peu. On le dit aussi dans les trois items, c'est que, à un moment donné, nous, on ne voudrait pas être privés de certaines choses parce qu'on n'a pas... Exemple, une mise en marché ordonnée, on n'a pas eu la réponse exactement, c'est quoi, une mise en marché ordonnée. Mais, pour nous, on a la plus belle mise en marché au Québec. Je l'ai dit au président des fédérations, j'ai dit: On dit toujours qu'on est les plus désorganisés, mais, dans le fond, dans le vrai des choses, on se sent les plus organisés parce qu'on est créatifs. Puis, regardez l'historique, regardez les budgets du ministère, ce n'est jamais nous qui avons coûté tellement cher à l'État. Ça fait qu'on veut conserver nos acquis, continuer à garder notre mise en marché telle qu'elle est là.

On a des problèmes à un moment donné. Nos problèmes se situent au niveau des exportations. On se vire de bord, on travaille ça autrement puis on passe. L'an passé, on a eu tous les problèmes avec les tests de salubrité pour exporter aux États-Unis, et c'est nous qui avons négocié, puis on a travaillé fort en collaboration avec le MAPAQ, puis on a réglé nos problèmes. Avec la Confédération, c'est trop long, beaucoup trop long. Nous autres, c'est du périssable, puis ça va vite. C'est des légumes verts, puis le gros de la production dure 120 jours, puis...

M. Whissell: ...sur un autre point au niveau...

M. Hubert (Pierre): Nous autres, la mise en marché, on dit toujours: Ne touchez pas à ça. Avec toutes les législations qui peuvent se passer, c'est ce qui nous inquiète le plus.

M. Whissell: Bien, c'est justement, avec le libre-échange, les ententes internationales, dans le fond, que le Québec doit respecter, le nouveau projet de loi, est-ce qu'il tient la route pour vous? Est-ce que c'est une garantie...

M. Hubert (Pierre): Le nouveau projet... Tout à l'heure, on a eu une nouvelle. On avait eu des choses contraires par l'économiste de l'UPA vendredi, on nous disait que la nouvelle mesure était pour être... Ça, ça nous touche beaucoup, l'affaire du CSRN. On sait que le CSRN actuel, c'est une mesure considérée verte au niveau de l'OMC, mais, avec la nouvelle Financière agricole, on nous a répondu vendredi qu'il n'y avait pas de problème. Mais, aujourd'hui, ce n'est pas ça qu'on a su de M. Lafleur. Là, ce serait à vérifier, ça. Ils ne sont pas plus certains qu'il faut. Nous, avec notre CSRN, on n'était pas inquiets parce qu'on n'a pas de stabilisation. C'est le seul moyen qu'il y a, puis on n'arrive pas à 17 % de notre total de production. Je ne sais pas si vous comprenez bien ce que... Oui? O.K. Ce bout-là, on n'est pas inquiets. Mais vendredi on avait été rassurés que ça ne nous touchait pas.

Parce que la vitalité de notre secteur dépend exclusivement de nos exportations, principalement du côté américain. Si on perd ça demain matin, le secteur maraîcher vient de s'effondrer. D'ailleurs, M. le ministre, le sait très bien par les chiffres d'exportation. Pour nous, c'est très, très important de s'assurer que ces mesures-là sont compatibles avec l'OMC. Mais, tout à l'heure, j'ai sursauté un peu quand M. Lafleur a dit qu'ils avaient vérifié, eux, puis que ce n'était pas plus sûr qu'il faut, si j'ai bien compris. Mais les gens de l'Union nous ont dit qu'il n'y avait pas de problème là-dessus. C'est des questions qui ont été posées, ça, vendredi.

M. Whissell: O.K. Dans votre mémoire, à la page 7, vous faites mention des couvertures de deuxième niveau, pouvez-vous nous expliquer un peu ce que vous voulez dire par ces termes?

M. Hubert (Pierre): O.K. Je pense qu'André, tu pourrais répondre là-dessus.

M. Whissell: Quand vous dites: «Considérant que La Financière agricole dispose d'une enveloppe prédéterminée, la possibilité que cette enveloppe ne puisse couvrir tous les besoins des productions couvertes ou à couvrir dans le deuxième niveau», ça vous touche comment, ça?

La Présidente (Mme Vermette): M. Turenne.

M. Turenne (André): Alors, merci. Évidemment, l'enveloppe prédéterminée de 300 millions de dollars couvre une partie, et, si jamais les dépenses excédaient la somme soit de 300 millions plus les autres sommes provenant du gouvernement fédéral, à ce moment-là ce que... notre inquiétude se situe au niveau que les maraîchers, qui avaient acquis assez durement, assez chèrement la participation financière de l'État de 6 %... à ce moment-là, pourrait être réduite en conséquence. Alors, c'est une de nos principales inquiétudes, on veut que le niveau de 6 % soit maintenu évidemment et que, si jamais la société manque de fonds, bien, à ce moment-là, qu'il y ait des sommes additionnelles qui soient investies.

M. Whissell: Mais je pense que vous devez être conscients que le 6 % n'est pas écrit dans la loi, là. En aucun endroit dans la loi, on ne fait mention que c'est coulé dans le béton que c'est 6 % puis que ce sera 6 %, contrairement aux anciennes assurances, qui ne vous concernent pas dans votre cas, mais c'était quand même écrit dans la loi. Et le ministre faisait état, bon, il nous parlait de 4,2 millions, 2,1 millions... au total 4,2 millions sur sept ans, mais il faut quand même...

Une voix: ...

M. Whissell: Milliards, pardon. Il faut quand même être très prudent, parce que le 100 millions du fédéral, là, il est engagé pour les trois prochaines années. Après, on ne le sait pas. Et le ministre, lui, il fait une extrapolation sur sept ans, il faut être aussi prudent, 300 millions aujourd'hui, 300 millions dans sept ans, ce n'est pas la même valeur. Vos légumes puis vos industries puis vos revenus nets, j'espère qu'ils vont augmenter d'ici sept ans. Normalement, il y a une croissance. Vous visez une croissance de 10 % à 25 %, 30 %.

M. Hubert (Pierre): Il y a une chose que je tiens à vous dire, on n'est peut-être pas assez préparés pour être ici aujourd'hui. On a su ça sur le tard, pour employer l'expression, puis on n'est pas une grosse structure. C'est peut-être une lacune qu'on a, mais je pense qu'on s'est préparés pour le mieux qu'on pouvait, ici, ce matin. Mais c'est sûr qu'on a des inquiétudes au niveau de cette loi-là parce qu'il y a beaucoup de points d'interrogation, énormément. Puis il y a des choses qui vont se négocier par la suite. Mais on nous a dit que, de toute façon, c'était une affaire acquise puis que ça passait dans le «crusher». Mais on a dit: On va toujours bien aller nous faire valoir. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Hubert (Pierre): Je vous dis ce qu'on nous a dit. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Whissell: Bien, vous avez raison d'être inquiets, parce que, je vais vous dire...

M. Hubert (Pierre): C'est pour ça qu'on est ici aussi.

M. Whissell: ...si l'opposition n'avait pas fait... La semaine passée, je pense qu'on a été 25 députés libéraux à parler au moins 20 minutes pour forcer le gouvernement, justement, à entendre les groupes. Aujourd'hui, on serait ici, en commission, puis, probablement, le projet de loi serait adopté.

M. Trudel: C'est une déclaration fausse.

M. Whissell: Mme la Présidente, la parole est à l'opposition.

M. Trudel: 11 octobre, 11 h 58.

La Présidente (Mme Vermette): ...si vous voulez... On va revenir, si vous voulez, à nos échanges. Alors, je vais laisser...

n(11 h 40)n

M. Hubert (Pierre): ...là-dessus, j'ai apprécié le ministre au tout début. Même nous, on ne le savait pas exactement, d'où ça venait, mais j'ai apprécié le ministre au tout début de notre... pour le dire carrément que ça venait de l'opposition. On n'était même pas... je vais vous avouer que...

Une voix: ...

M. Hubert (Pierre): C'est ça. D'ailleurs, on est loin des débats de l'Assemblée nationale, nous autres.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député d'Argenteuil, si vous voulez bien continuer avec vos questions.

M. Whissell: Vous avez parlé de l'article 28 de la loi. Le ministre a répondu que ça ne semblait pas pertinent, mais le texte que vous soulevez est vraiment dans la loi, j'ai vérifié. C'est là textuellement, ça dit vraiment que vous pouvez être soumis à des contributions obligatoires. Qu'est-ce que vous entrevoyez dans l'article 28? Jusqu'où ça peut aller, ces contributions?

M. Hubert (Pierre): Ah, bien là c'est dépendamment des chiffres qu'on peut donner versus des chiffres d'affaires, mais ça peut devenir, dans le cas de certaines entreprises... Si on était taxé de la même façon qu'une entreprise laitière, au prorata des milliers de dollars de chiffre d'affaires, il y a des entreprises horticoles qui vont lever haut tout à l'heure, là, tu sais, c'est sûr. Puis il y a à peu près tous les secteurs pour ces contributions-là.

Aujourd'hui, nous, on paie note cotisation obligatoire à la Confédération, mais ça, on me dit que c'est nettement insuffisant. Puis, pour obtenir une parité entre tous les producteurs du Québec... Parce que le financement de l'Union est basé sur 55-45 ou 60-40, 60 % qui proviennent de cotisations et 40 % proviennent de contributions. Puis ça, pour l'UPA, pour l'Union, cet article-là est extrêmement important, parce que là ça va lui permettre, à mon avis, d'aller chercher des contributions égales à n'importe quelle autre production qui est organisée en plan conjoint de mise en marché. Je ne suis pas avocat, là, mais on l'a lu puis on l'interprète comme ça, puis que ça pourrait être à l'intérieur de la boîte. Peut-être qu'on ne comprend pas bien, là, mais, nous, par le texte qu'il y a là...

M. Whissell: Puis la loi, justement, elle est sujette à interprétation, le ministre l'avouait même tantôt dans ses propos avec vous que lui l'interprétait d'une façon, puis vous d'une autre. Je pense qu'il va y avoir lieu de clarifier certains points dans le projet de loi.

M. Hubert (Pierre): ...on est tellement un secteur différent de l'agriculture du Québec. C'est ce que j'essaie de montrer ici, on est extrêmement différents au niveau de notre mise en marché. C'est tout à fait incroyable. Il y a des organisations dans notre secteur... des organisations de mise en marché volontaires qui travaillent ensemble, il y en a de plus en plus, des regroupements, mais, d'un autre côté, ça demeure toujours des cellules individuelles, avec leurs marques de commerce, qui font leur mise en marché. La même chose, dans le fond, que le côté américain travaille dans le domaine des fruits et légumes. Chaque entreprise a son label, son «crest», son logo, puis c'est comme ça qu'on fonctionne, puis c'est vraiment individuel. Sauf qu'il y a des regroupements... comme je dis, des regroupements volontaires de producteurs, mais chaque entreprise garde son autonomie au niveau de la mise en marché dans un marché qui est libre puis qui fonctionne avec l'offre et la demande du côté américain.

D'ailleurs, exactement comme le porc qui est très bien organisé, soi-disant ? tout à l'heure, c'était de ça que j'étais après commencer à parler ? puis, à un moment donné, le marché de l'exportation du porc s'effondre. Qu'est-ce qui arrive? S'il n'y a pas d'exportation, les prix s'effondrent, on se revire vers le... Le secteur maraîcher, ça nous arrive, ça, mais il ne faut pas dire par là qu'on est mal organisés au niveau de la mise en marché. Je pense que c'est la même chose que les autres secteurs finalement sur ce bord-là, on marche avec les exportations. Puis, qu'est-ce que vous voulez, c'est comme ça.

Au niveau du marché local, on peut dire qu'on est à 100 % au niveau du marché local. Les grandes chaînes de magasins, les fusions, tout ça, nous, ça ne nous inquiète pas du tout à l'Association, mais pas du tout. On dort très bien avec ça, parce que, dans le légume à l'état frais, on a l'appui depuis toujours au Québec puis on va continuer à l'avoir. Puis, dans ça, je pense qu'on peut dire que le passé est garant de l'avenir parce qu'on offre des prix, on offre de la qualité, on offre du service aux chaînes de magasins ici. Puis, encore là, c'est de la négociation entre entreprises vis-à-vis les chaînes, puis on n'a aucune espèce de problème là-dessus. D'ailleurs, vous ne nous voyez pas souvent à des tables rondes au niveau des fusions des chaînes, les producteurs maraîchers de légumes à l'état frais ne sont pas inquiets de ce côté-là.

M. Whissell: À la fin de votre mémoire, vous effleurez la question, là, de la répartition des budgets dans cette nouvelle Financière, vous dites, dans le fond: La Financière agricole ne doit pas engloutir toutes les sommes disponibles et le ministère doit veiller à maintenir l'équilibre nécessaire à la réalisation de notre objectif commun, qui est de doubler votre production. Vous comprenez bien que le fameux 4,2 milliards dont fait état le ministre, lui, il est coulé dans le béton pour les sept prochaines années. Et, si je comprends votre intervention, ici, c'est que vous nous dites: On se questionne au niveau de la répartition, comment les budgets vont se déplacer à l'intérieur de La Financière. Est-ce que c'est le point?

M. Hubert (Pierre): Exactement ça. D'ailleurs, notre chemisier, le MAPAQ en a une petite partie de ça. Ça fait partie du programme. Bien, André pourrait en parler plus... tous nos programmes...

M. Turenne (André): En fin de compte...

La Présidente (Mme Vermette): Avant, je vous dirais qu'il vous reste une minute pour conclure, alors si vous voulez y aller d'une façon assez...

M. Hubert (Pierre): Bien, M. Turenne pourrait conclure là-dessus. Je pense que c'est intéressant, M. le ministre est au courant aussi.

M. Turenne (André): Pour répondre, donc, à votre question, ce que l'on veut éviter à tout prix, c'est l'élimination des programmes complémentaires, qu'on parle d'Horti 2000, Horizon Export, etc., auxquels nous avons souscrit abondamment afin de vraiment promouvoir dans notre secteur. C'est qu'avec le temps on ne veut pas que ces argents-là qui étaient dévoués à ces programmes-là soient engloutis dans La Financière afin de maintenir ces programmes-là et continuer à développer notre secteur.

M. Whissell: Quelle assurance que vous avez que ça sera maintenu?

M. Turenne (André): Quelle assurance est-ce qu'on a?

M. Whissell: Oui.

M. Turenne (André): On n'en a pas d'assurance, c'est pour ça qu'on démontre notre inquiétude à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, je vous remercie...

M. Trudel: M. Turenne...

La Présidente (Mme Vermette): Oui

M. Trudel: M. Turenne, M. Hubert, merci beaucoup de cette contribution. Bonne soirée vendredi soir avec toutes vos productrices et vos producteurs. C'est mon adjoint parlementaire qui va vous faire une brillante performance, j'en suis sûr, pour être avec vous autres, avec les jardiniers maraîchers du Québec.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on vous remercie bien.

M. Hubert (Pierre): ...remercie aussi les membres de la commission d'avoir bien voulu nous écouter. Merci à l'opposition aussi de nous avoir introduits. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Voilà. Alors, je suspens les travaux jusqu'à la fin de la période des affaires courantes à l'Assemblée nationale, soit vers 15 heures, 15 h 15.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

 

(Reprise à 15 h 31)

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons commencer nos travaux. Je constate que nous avons quorum. Donc, nous pouvons commencer nos travaux.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Ils ont été annoncés ce matin.

La Présidente (Mme Vermette): Ah, annoncés ce matin. Donc, ça va pour aujourd'hui? Donc, j'appelle la Fédération de la relève agricole du Québec à venir s'installer et nous faire sa présentation, s'il vous plaît. Si vous voulez bien vous présenter aux membres de la commission.

Fédération de la relève
agricole du Québec (FRAQ)

M. Lapointe (Serge): Bonjour à tous et à toutes, Mme la Présidente, M. le ministre. Je suis Serge Lapointe, le président de la Fédération de la relève agricole du Québec. Je suis accompagné ici aujourd'hui de mon secrétaire de la Fédération, M. Jean-Philippe Deschênes-Gilbert. Est-ce qu'on peut enchaîner? Ça marche?

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Vous avez 15 minutes de présentation.

M. Lapointe (Serge): C'est ça, le gros hic. Je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui afin que nous puissions partager avec vous nos appréhensions, mais surtout nos attentes face à La Financière.

D'entrée de jeu, je prendrais quelques instants ici pour vous présenter ce qu'est la Fédération de la relève agricole du Québec. Donc, nous sommes environ 1 200 membres regroupés partout au Québec à l'intérieur de 14 syndicats régionaux. L'objectif premier de la Fédération est d'améliorer les conditions d'établissement et de préparer les jeunes à leur établissement. Vous n'êtes pas sans savoir que l'agriculture est un réel moteur économique en croissance, en véritable expansion même, et ce, grâce à l'appui et au support de la société. Mais qui seront les artisans de ce développement de l'agriculture? À cette question, je n'ai qu'une seule réponse: c'est aux jeunes qu'il appartient de faire le développement de cette agriculture et par le fait même nourrir toute la population québécoise. Et, lorsque je visite différentes régions du Québec, on peut voir que cette jeunesse est remplie de passion et d'optimisme. Par contre, pour faire tout ce développement, il faut procurer aux jeunes des conditions de réussite adaptées aux besoins particuliers basés sur les aspirations des jeunes. La FRAQ salue avec enthousiasme et intérêt l'initiative qu'est La Financière et la voit comme un véritable levier de développement économique.

J'aimerais ici vous dresser un bref portrait synthèse de la relève agricole. On estime qu'il y a entre 450 et 500 établissements par année. Ce chiffre correspond à environ 350 jeunes qui se qualifient au programme des primes à l'établissement et auxquels on additionne environ une centaine d'entreprises qui ne peuvent se qualifier à la prime d'établissement. Par contre, le MAPAQ estime qu'annuellement environ 850 entreprises ont exprimé le désir de vendre ou de transférer d'ici 2002. Du côté de la SFA, la prévision est relativement semblable, puisqu'on l'estime à 4 % annuellement pour les 20 000 entreprises agricoles à temps plein, ce qui nous ramène à environ 800 transferts ou ventes annuellement. Mais sûrement que vous vous demandez: Y a-t-il suffisamment d'offres de relève pour combler cette demande? Je vous répondrai tout simplement que, en 1997-1998, plus de 750 jeunes ont réussi leur D.E.P. en agriculture et plus de 100 autres jeunes ont réussi leur D.E.C. agricole, soit le GEEA. Il est à mentionner aussi que de plus en plus de jeunes provenant des milieux non agricoles suivent ces formations.

Donc, il en ressort clairement qu'il n'y a pas de problèmes de relève, mais que la relève a des problèmes, car il n'en demeure pas moins qu'acquérir une entreprise de presque 1 million de dollars peut être périlleux si on ne possède pas une bonne préparation et des mesures qui favorisent l'accès à la propriété. Car, malgré toutes les bonnes volontés, un trop grand nombre de jeunes voient encore leur rêve s'anéantir à force de rencontrer différentes embûches qu'ils ne peuvent franchir tout au cours de leur projet. Je vais demander à Jean-Philippe d'identifier les différentes problématiques.

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Les problématiques, que vous trouvez à la page 9 de notre mémoire. Alors, nous, ce qu'on a décidé aujourd'hui, c'est de vous présenter un petit peu les problématiques que la relève rencontre souvent, problématiques évidemment en lien avec le projet de loi n° 144, parce que les problématiques, elles sont nombreuses.

La première que nous avons identifiée est la formation. Je pense qu'on s'entend tous pour dire que ce n'est plus des fermiers que nous formons mais bien des gestionnaires d'entreprise, et ce n'est plus des bineries, en bon français, qu'ils sont appelés à gérer mais des vraies entreprises. Cependant, donc, ça fait ressortir toute l'importance de la formation. Force est de constater qu'il existe encore de nombreux freins à la formation qui font ce qu'on appelle un petit peu une course à obstacles. Le gouvernement, on doit le dire, a déjà mis en chantier certaines réformes et on voit déjà que ça donne des résultats probants, mais il y a encore du travail à faire.

Pour vous donner un portrait statistique très, très rapide, le nombre d'exploitants agricoles qui avaient une formation de niveau collégial ou plus était à 15 % en 1991; en 1996, il était à 22 %; et on estime, grosso modo, qu'en 2001 il va se situer aux alentours de 33 % à 35 %. Cependant, ce qui est un petit peu moins encourageant, c'est qu'il y a 62 % des jeunes qui vont s'établir qui n'auront pas ce niveau de scolarité là et, encore pire, il y a une relève sur 10 qui n'aura aucun diplôme, donc aucuns papiers ni même le diplôme d'études secondaires. Également au chapitre des choses peu encourageantes, il y a le fait que le Québec est dans le groupe de queue lorsqu'on le compare, toujours en termes de formation agricole, aux autres provinces. C'est la dernière province en termes de formation agricole présentement et les projections qu'on fait d'ici 2005 feraient que le Québec serait encore dans le groupe de queue. C'est un petit peu désolant, parce que souvenez-vous qu'en 1998 à la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire les partenaires avaient souhaité que le Québec soit parmi les trois premières provinces.

À cette problématique-là il y a également toutes la problématique du très haut taux de décrochage chez les étudiants qui poursuivent leurs études. Il y a une petite coquille dans le mémoire: on parle d'un taux de diplomation de 10 % pour le collégial, mais c'est plutôt 30 %, donc il y a quand même 70 % des jeunes qui commencent leurs études qui ne les finissent pas avec un diplôme. Et, au niveau du diplôme d'études professionnelles, donc le niveau secondaire, on parle de 50 %. Donc, il y a une réelle problématique à ce niveau-là. Je vous dirais que toutes les problématiques qu'on a soulevées font ressortir l'importance de donner un sens à la formation, donc c'est peut-être là qu'il faut viser.

La deuxième problématique, au point 2.2, c'est l'accès au capital. On le sait, l'agriculture a plusieurs caractères particuliers, dont un de ces caractères-là est la forte capitalisation. À titre d'exemple, ça prend 5 $ d'actif pour générer 1 $ de revenu en agriculture, alors que dans les autres domaines on parle plus de 1,81 $ à 2 $ pour générer ce même dollar de revenu là. Donc, on voit tout de suite l'importance d'une forte capitalisation. Qu'est-ce que ça entraîne? Ça entraîne, d'une part, le besoin élevé de capital pour commencer, ce qui n'est vraiment pas évident pour la plupart des jeunes, et également, d'autre part, lorsque tu as ce capital-là, c'est souvent emprunté, donc le remboursement des emprunts fait que tu as un manque de liquidités chroniques les premières années. Donc, il y a ces deux problématiques-là.

La situation évidemment s'amplifie bien davantage pour les jeunes qui entrent dans la catégorie des non-agricoles, donc ceux dont les parents ne possèdent pas d'actif agricole, donc c'est encore plus dur d'avoir accès à ce capital-là et c'est encore beaucoup plus important. Eux, on a identifié deux types de capital dont ils auraient besoin. Le premier capital, c'est plus un capital de risque, donc relié à l'entrepreneuriat, et le deuxième capital, ça serait un capital patient, parce qu'on le sait, l'agriculture, ton bovin ne devient pas à 700 livres du jour au lendemain, il faut que tu prennes le temps de l'engraisser, donc il y a tout ce capital patient là, qui profite à l'entreprise, mais qui ne rapporte pas tout de suite des dividendes. Donc, il y a ces deux types de capital là qui seraient importants.

n(15 h 40)n

Le troisième point dans les problématiques, c'est la planification à long terme. Ce dont on se rend compte, c'est qu'il y a très peu d'entreprises au Québec qui malheureusement ont une vision à long terme. Et là, quand je parle à long terme, c'est 20 à 30 ans. La première cause qu'on voit de ce manque de planification là réside dans le peu d'encadrement. Il y a beaucoup de services-conseils, on en convient, mais il y a certains aspects des services-conseils qui ne sont pas touchés, principalement dû à un manque de ressources. C'est la réponse que les organisations nous donnent. Également en lien avec le manque de planification, il y a toute la part d'incertitude qu'entraîne l'établissement. Donc, c'est dû principalement à un manque d'expérience. Également, des fois, il y a des réorientations en matière de choix de production. Ce n'est pas parce que ton père faisait du maïs que tu vas nécessairement faire du maïs. Donc, il y a une part d'incertitude qui fait ressortir le besoin d'un filet de sécurité adéquat et également des programmes qui ne sont pas nécessairement trop, trop rigides pour la relève.

En dernier lieu, il y a toute la méconnaissance des produits. Il y a beaucoup de produits et d'aides qui existent actuellement pour la relève, mais on se rend compte, et les journaux en ont fait amplement mention, que ce n'est pas toujours connu. Donc, également, là, il y aurait une problématique.

Au point 3, que vous retrouvez à la page 16, on enchaîne avec les réponses du gouvernement. Parce que les problématiques sont bien là, le gouvernement en est conscient et présentement il y a des réponses. Ce qui est intéressant, c'est que ces réponses-là, sous forme d'aide, ont réussi à survivre au couperet des dernières années, donc aux coupures budgétaires. Il y a, suggéré par la Société de financement agricole... le principal, c'est le Programme d'aide à l'établissement, au développement et à la formation. Je me permets de vous en lire l'objectif qu'on retrouve dans le programme qui est «de faciliter l'établissement de jeunes agriculteurs, de les encourager à acquérir une formation adéquate et de favoriser le développement des entreprises agricoles». Donc, par le libellé du programme, on voit que c'est important d'intervenir pour la relève. C'est en deux axes, ce programme-là.

Très rapidement, il y en a un, c'est: contributions additionnelles au paiement de l'intérêt. Donc, tous les intérêts qui dépassent un certain seuil sont remboursés à 50 % par la SFA. Et le deuxième axe, c'est la subvention en capital dont on entend souvent parler comme étant la prime à l'établissement, donc c'est une subvention qui est versée à l'entreprise. On tient à rappeler rapidement les avantages concrets qu'on perçoit à ces programmes-là. Premièrement, la somme obtenue sous forme de prime sert à des investissements durables. Donc, c'est quelque chose de bien pour l'entreprise. D'autre part, le programme incite à la formation. Et troisièmement, le programme, ça fait 30 ans qu'il existe, donc on considère qu'il est pertinent, efficace et qu'il a fait ses preuves.

En dernier lieu, je vous dirais, il y a toute... Présentement, la SFA apporte peu d'aide aux gens qui s'installent à temps partiel si ce n'est sous forme de garantie de prêt. Mais ces gens-là, souvent quand ils s'installent, ils ont des fois besoin d'un petit coup de pouce supplémentaire, sous forme de sous, sous forme d'aide qui leur permettrait d'être à temps plein, parce que souvent le temps partiel est une voie pour arriver au démarrage. Donc, à ce niveau-là, il y a une réelle problématique sur laquelle il faudrait intervenir.

Finalement, il y a la Régie des assurances agricoles qui administre un rabais de cotisation de 25 % au programme ASRA, et ce programme-là, bien, ça reconnaît, ce qui est intéressant, bon, premièrement, c'est une initiative des producteurs parce que c'est eux qui fournissent la différence au niveau de la cotisation, et ça reconnaît le haut degré de vulnérabilité et de sensibilité qui est associé aux premières années d'une entreprise.

Je vais laisser Serge poursuivre avec la politique d'intégration des jeunes en agriculture.

M. Lapointe (Serge): Merci. Vous savez sûrement qu'en février dernier se tenait le Sommet du Québec et de la jeunesse dans lequel le gouvernement québécois a pris plusieurs engagements, dont la possibilité de vivre en agriculture. Donc, la FRAQ invite le gouvernement à traduire les volontés politiques en actions concrètes et structurantes pour les jeunes Québécois et Québécoises. Je reconnais ici que le MAPAQ a profité également du momentum créé par ce Sommet pour élaborer une structure de réflexion qui s'articule autour de quatre grands axes: la formation, l'accès à la propriété, l'encadrement technicoéconomique et la valorisation de la profession.

Dans ces travaux, plusieurs solutions, en réponse aux irritants, seront amenées sous forme de recommandations seulement. Mais, par la suite, il appartiendra au ministre, muni d'une ferme volonté politique, de traduire ces recommandations en actions concrètes pour les jeunes. Il nous apparaît évident que La Financière agricole et les mesures relatives à la relève représentent une occasion unique pour faire avancer la cause jeunesse. Comme nous le mentionnions en introduction, la FRAQ salue haut et fort la venue de La Financière, car nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'un outil de développement basé sur les besoins réels des producteurs agricoles québécois. D'ailleurs, le gouvernement reconnaît lui-même le principe qu'il faut bonifier le coffre d'outils disponible à la relève agricole, puisqu'il spécifie clairement, dans un article de la loi où il est question de favoriser l'établissement. C'est forts de ce principe que nous aimerions vous souligner quelques rôles possibles de La Financière.

Je tiens à préciser que la FRAQ endosse l'ensemble des positions de l'UPA, à savoir qu'elle adhère au projet conditionnellement à certains changements. C'est pourquoi, tout comme l'UPA, nous demandons au gouvernement qu'il révise la participation financière au compte de stabilisation du revenu agricole suggérée pour établir une participation un tiers-deux tiers. Dans ce même programme, nous demandons à La Financière de créer un nouveau programme d'aide pour la relève en modifiant la contribution de dépôt dans le CSRA pour les jeunes. La répartition pourrait se faire de la manière qui suit: 1 % de contribution pour les jeunes, la première année, 8 % de la contribution pour la Financière, puis il y aurait un rattrapage qui pourrait se faire, de 0,5 % par année, pour créer une habitude de la part des jeunes à cotiser au programme.

Vous savez, par contre, notre coffre d'outils n'est pas vide, car, comme Jean-Philippe l'a mentionné, il contient déjà des programmes gérés par la SFA puis la Régie, qui viennent diminuer une certaine insécurité chez les nouveaux producteurs. C'est pourquoi nous vous demandons de garder ces outils dans leur intégrité. Vous savez, précédemment, nous avons abordé le fait qu'il y a un fort taux de décrochage scolaire au niveau du GEEA agricole. Nous y voyons deux solutions possibles afin de remédier à la situation, dont, premièrement, adapter la formation aux nouvelles réalités des jeunes et créer un troisième palier supérieur pour le D.E.C. agricole, recréant ainsi un incitatif à la formation. Cette contribution moindre de la relève au CSRA pour les premières années d'adhésion au programme nécessiterait une bonification de la subvention en capital pour les candidats ayant obtenu le D.E.C. au niveau programme. C'est pourquoi le gouvernement a le devoir d'y apporter les crédits nécessaires tels que spécifiés dans le projet de loi. Donc, on demande d'avoir réellement un programme pour les nouveaux crédits aussi pour les jeunes...

La Présidente (Mme Vermette): En conclusion.

M. Lapointe (Serge): En terminant, si la commission nous a invités ici aujourd'hui, c'est qu'elle croit au développement de l'agriculture et aux nouveaux outils qu'implique La Financière agricole du Québec, une porte ouverte pour les jeunes.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, nous allons pouvoir passer aux échanges. Alors, M. le ministre, si vous voulez bien commencer.

M. Trudel: Oui. M. le Président et M. le directeur général de la relève agricole, rebienvenue. Je dis «rebienvenue» parce qu'on se fréquente régulièrement. Ne partez pas de rumeurs!

Oui, parce que c'est extrêmement important, dans l'établissement et le développement des entreprises agricoles pour des jeunes, se lancer et être producteurs ou productrices agricoles. C'est une dimension bien particulière. Ne mentionnons qu'un chiffre que vous avez évoqué. Je fais tout de suite une parenthèse, là. C'est sûr que les présentations ne durent pas longtemps. Il y en a plus que ça dans votre mémoire. Ça ne veut pas dire qu'on vous écoute juste 15 minutes non plus, on épluche ça ligne par ligne. Et, quand arrivera la défense article par article, toutes vos interrogations vont être évoquées pour l'étude article par article. Quand vous dites que, pour, en moyenne, acquérir une ferme, une entreprise, pas une binerie, comme dit le directeur général... J'aime bien cette expression, parce qu'on est sorti de ça, au Québec, c'est fini, ça. Fini les bineries. On est dans des entreprises de 1 million de dollars, 854 000 $ à 1 million de dollars, alors on est dans le voisinage. Disons que ça devient important parce que ça fait une problématique bien particulière: je suis jeune, j'entre en production, j'ai 1 million de capital à investir. Oh là! ça pose des problèmes très sérieux.

n(15 h 50)n

Je suis heureux que vous disiez que La Financière agricole du Québec c'est un instrument qui va agir comme levier et c'est ça l'objet principal, la Financière agricole du Québec, un puissant levier pour qu'on puisse continuer à vous garantir à 100 % l'argent que les caisses populaires et les banques vous prêtent et qu'on puisse garantir 75 %, 80 % de ce montant de 1 million. On va vous le garantir 100 %. Vous prenez votre papier puis vous allez à la caisse populaire, vous allez à la banque et il y a une société d'État qui vous garantit à 100 %. Ça pose des défis, mais il y a des conditions aussi exceptionnelles.

Moi, j'ai une question à vous poser, les jeunes en agriculture... La Financière agricole du Québec, on le voit depuis le matin, elle suscite des appréhensions parce qu'on casse le vieux modèle. On va administrer 4,2 milliards de dollars au profit des entreprises agricoles et agroalimentaires. Là, il y a une question qu'il faut bien se poser parce que c'est en filigrane dans bien des affirmations ou des petites phrases, les producteurs, puis les productrices agricoles, puis les jeunes sont-ils assez responsables pour cogérer ça avec nous autres?

La Présidente (Mme Vermette): M. Lapointe.

M. Lapointe (Serge): Bien, sûrement. C'est sans équivoque, je vous dirais, là, que, en ayant une place au sein du conseil d'administration puis de l'organisation de La Financière, on pourra adapter réellement les programmes aux problèmes pour les jeunes puis aux situations des producteurs agricoles. Il n'y a personne qui est mieux placé que les producteurs pour identifier vers où on doit se donner des leviers d'intervention pour pouvoir faire encore plus de développement économique en agriculture. C'est certain que La Financière est là, mais on peut y rajouter bien des choses par après, autour. Entre autres, s'il faut créer un fonds pour le transfert de ferme ou d'autre chose, bien, on aura les moyens de le faire avec La Financière.

M. Trudel: M. Lapointe, moi, je connais votre franchise habituelle, toujours très... des fois un petit peu carrée, des fois le ministre... mais c'est votre rôle. Puis il y a des gens qui prétendent que vous allez être en conflit d'intérêts, vous allez siéger au conseil d'administration de La Financière agricole du Québec. Vous, là, puis je ne vous demande pas un exposé qui va être cité dans les universités, je veux votre impression: Est-ce que vous allez vous sentir en conflit d'intérêts d'administrer des programmes de garanties de prêts aux banques et aux caisses populaires, d'administrer des polices d'assurance pour les récoltes dans les productions végétales, d'administrer un régime d'assurance stabilisation, puis d'assurer un régime d'épargne stabilisation? Allez-vous vous sentir en conflit d'intérêts si le Conseil des ministres décidait de vous nommer au conseil d'administration de La Financière agricole du Québec, M. Lapointe?

M. Lapointe (Serge): Pas du tout. Je vous dirais que même la Confédération de l'UPA, à l'heure actuelle, administre des fonds qui viennent du fameux CDAQ, puis on a à administrer un fonds puis à répartir des argents en fonction des projets. Puis je vous dirais qu'il n'y a pas eu des tollés pour dire qu'on était en conflit d'intérêts. Je pense que, lorsqu'on a des responsabilités à prendre en tant qu'agriculteurs, on se doit de les prendre puis on se doit de partager nos responsabilités. Les producteurs ont une responsabilité à prendre, je pense que La Financière est là pour répondre à toutes ces responsabilités-là. Jean-Philippe, si tu veux apporter un complément.

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Oui. De toute façon aussi, je vous dirais... je pense qu'administrer ces outils, ça fait partie de la démocratie, en ce sens qu'il y a des règles qui vont être imposées et, au même titre que les autres, la relève agricole va les suivre. Mais je pense que c'est important, quand on parle d'un levier de développement économique, comme vous avez parlé, que sera La Financière, c'est important que la responsabilité de ce levier-là incombe à tous. Et, quand je parle de responsabilités, c'est en partie au conseil d'administration que la relève agricole pourra pleinement prendre cette responsabilité-là. Également, quand on parle de responsabilité, c'est pour ça qu'on demande des programmes spécifiques à la relève pour justement responsabiliser ces jeunes-là, et, si on les place sur le conseil d'administration, ça va leur permettre d'être responsables encore une fois. Donc, je pense que la relève agricole est pleinement responsable.

M. Trudel: M. le député de Roberval, qui est un fier producteur agricole, je vais vous dire une affaire, il est entré à l'Assemblée nationale, mais il n'est pas sorti de la production agricole. Il est sorti de la production, mais la production n'est pas sortie de lui. Alors, Mme la Présidente, il vous a réclamé une question. Je cède, je cède.

La Présidente (Mme Vermette): Donc, M. le député de Roberval, votre question.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le ministre. Merci beaucoup, Mme la Présidente, de me donner l'opportunité de poser une question.

Face à La Financière agricole, est-ce que vous verriez d'un bon oeil, face à l'établissement d'un jeune, par exemple, que La Financière agricole devienne actionnaire de votre entreprise agricole, quitte à se retirer au fur et à mesure que votre entreprise va progresser dans le temps, un peu comme les entreprises, par exemple, de crédit au gouvernement vont prendre des actions dans une entreprise industrielle?

Ça se voit. REXFOR prend des actions dans des entreprises industrielles et elle se retire par après. Est-ce que La Financière agricole pourra aller jusque-là, M. le ministre? Comment est-ce que vous voyez ça, vous autres, que La Financière deviendrait partenaire de l'établissement d'un jeune pour lui permettre, pendant un certain nombre d'années, de trouver sa rentabilité et après ça l'entreprise se retire et le jeune reprend ses actions, rachète ses actions?

M. Lapointe (Serge): Lorsqu'on vous mentionnait qu'on se devait d'adapter les outils aux nouvelles réalités des jeunes puis des producteurs, bien, ça en est un. Peut-être qu'on pourrait créer des formes de financement pour aider encore plus les producteurs à entrer en production ou à transférer. On est conscient que les valeurs ont extrêmement augmenté, mais il restera par après au conseil d'administration à mon sens de voir et de créer de nouveaux programmes pour aider encore plus les jeunes.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ça va, M. le député de Roberval?

M. Lapointe (Serge): C'est certain que, lorsqu'on parle de nouveaux programmes, bien, il faut y ajouter les crédits qui vont avec.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. La production agricole n'est pas sortie du député de Roberval; l'enseignement n'est pas sorti du député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Alors, on va se faire l'école un peu, parce que vous mentionnez dans votre mémoire une autre question qui est revenue depuis le matin et qui est véhiculée depuis un très grand bout de temps, depuis qu'on fait de la consultation et Dieu sait qu'il y en a eu. Il y en a eu tant et plus et il y a des questions sur le résultat de cette consultation-là qui vont venir à l'Union des producteurs agricoles, qui est allée voir ses 45 000 sur le territoire.

Quant au régime d'épargne stabilisation, il est indiqué dans le projet que nous avons mis au monde, après trois ans de travail, que ce compte-là, il va être alimenté 50-50, on s'entend?

Une voix: ...

M. Trudel: Non, non, je sais que vous ne vous entendez pas avec moi, mais on s'entend que c'est ça, le projet. C'est ça qui a été proposé: 50-50. Vous dites oui à ce grand instrument qui s'appelle La Financière agricole du Québec, mais à condition que ça reste dans la contribution 33-66, comme c'est actuellement dans les programmes d'assurance.

n(16 heures)n

M. Lapointe, un petit cours de 001 de fiscalité personnelle. Ça va être le même taux. M. Lapointe, quand vous allez déposer 200 $, quand on va déposer 200 $ dans votre compte à vous pour stabiliser votre revenu quand ça va aller mal, vous, vous allez faire un tchèque, comme on dit, de 100 $ et le gouvernement va faire un tchèque de 100 $. On se suit? Puis, par ailleurs, ce montant de 50 $ là, il va être déductible d'impôts. On va prendre un taux d'impôt marginal de 50 %. Si c'est 45 %, ça sera 45 %, mais des fois ça va être 55 % aussi. On va prendre 50 %. Ça veut dire que, sur le 100 $ que vous avez pris, M. Lapointe, dans vos poches pour le mettre dans votre compte, nous, on va vous en rembourser 25 $ par la fiscalité, parce que vous allez le réclamer à l'impôt. Puis vous allez faire la même chose dans l'autre gouvernement, au niveau du gouvernement fédéral, ce qui fait que vous allez avoir un compte de stabilisation dans lequel il va y avoir 200 $. Vous, vous allez avoir déboursé 50 $ et l'État aura déboursé 150 $. Ça fait un tiers, deux tiers. Comme dirait l'auteur, voilà pourquoi votre fille est muette.

Je ne veux pas que vous réagissiez immédiatement parce que je voulais saisir l'occasion de rectifier ça depuis un très grand bout de temps. Je vais le dire: 150 $ que ça va coûter à l'État, dans votre compte à vous, et puis vous, ça va vous avoir coûté 50 $ de déboursés parce que vous allez avoir retiré de l'impôt. Ça va être fiscalisé, cette prime-là. Et ce compte-là, il va être dans l'actif de vos entreprises aussi, parce que, quand vous vous présentez au gérant, au directeur de votre caisse populaire, probablement que la première question qu'il vous pose, c'est: Qu'est-ce qui me garantit que vous allez avoir les revenus pour faire vos paiements? Question simple mais essentielle.

Bien là vous allez pouvoir lui répondre: J'aurai un compte d'épargne stabilisation de mon revenu qui m'appartient, garanti par un engagement de sept ans du gouvernement. J'aurai un régime d'assurance, j'aurai un régime en cas de catastrophe et j'ai même un régime qui fait que je garantis à 100 %.

Ce que je vous dis là, ça signifie ceci, et je vous pose la question qui est bien simple: Dans la mesure où nous aurons fait la démonstration extrêmement claire que nous sommes à un quart, trois quarts dans les cotisations déboursées par les producteurs, allez-vous lever cette petite réserve que vous avez sur ce projet que vous dites enthousiasmant et comme levier d'avenir?

M. Lapointe (Serge): Je ne pourrais pas répondre nécessairement pour la confédération de l'UPA. On sait que c'est eux autres qui possèdent la grande expertise puis qui ont suivi le dossier depuis l'embryon qu'est La Financière jusqu'au développement. Donc, la confédération de l'UPA sera ici présente demain pour pouvoir échanger avec vous sur cette participation.

Mais l'une des raisons pour lesquelles on est convaincu qu'on doit aller sur un principe un tiers, deux tiers, c'est qu'à l'heure actuelle avec l'ASRA, c'est une contribution un tiers, deux tiers. Puis, pour reprendre les paroles de notre ministre de l'Agriculture lorsqu'il est venu à l'assemblée générale de la Fédération: «If it's not broken, don't fix it.» Donc, je pense qu'on doit s'inspirer de ce beau proverbe pour dire: Bien, le un tiers, deux tiers existe, il fonctionne bien. Pourquoi pas le reconduire?

M. Trudel: Vous êtes un bon étudiant puis vous avez de la mémoire, en plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur cette bonne note ? ha, ha, ha! ? nous allons mettre fin à nos échanges avec le ministre. Nous allons continuer avec l'opposition. Alors, M. le député d'Argenteuil, si vous voulez bien poser vos questions.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, M. Lapointe, nul doute que, si on veut développer l'agriculture au Québec, ça prend de la relève, ça prend des jeunes comme vous qui s'impliquent puis qui voient aux intérêts des jeunes justement, également aux intérêts des jeunes qui ne sont pas encore en agriculture, qui le seront dans les années à venir. Alors, je salue votre travail. Je vais vous dire qu'en politique c'est la même chose aussi, ça prend de la relève, alors il y a des jeunes politiciens.

Peut-être pour continuer sur la même veine, au niveau du partage des coûts. Présentement, vous avez un programme qui existe, qui dit clairement dans une loi que c'est un tiers, deux tiers. Au niveau du projet d'entente qu'il y a entre La Financière et le ministère ? vous savez qu'il y a un projet d'entente qui devrait suivre le projet de loi ? est-ce que vous voyez quelque chose au niveau des jeunes? Parce que dans le projet d'entente, on l'a relu, on ne voit absolument rien, explicitement au niveau des jeunes, quant à maintenir des programmes pour les jeunes ou à les bonifier. Est-ce que vous vous êtes penchés sur le projet d'entente?

M. Lapointe (Serge): Si je ne m'abuse, il y a un article dans le projet de loi, l'article 21, je crois, qui parle plus spécifiquement pour les jeunes. Donc, c'est dans cet article-là qu'on se doit de pouvoir y insérer des choses justement pour la relève.

M. Whissell: Justement, moi, je faisais allusion à la convention d'entente entre les deux organismes. Ça, je peux vous dire qu'on n'y voit rien. Mais, si vous voulez tomber dans les lois, présentement, ça dit ? puis juste pour vous le lire ? que «La Financière pourra établir des critères selon l'âge des personnes». C'est la seule allusion que nous faisons aux jeunes.

Dans l'ancienne loi, qui était la Loi sur la Société de financement agricole, il y avait un article spécifique pour les jeunes qui disait: «Un programme d'aide financière établi en vertu des articles 14 et 34 peut notamment avoir pour objectif de favoriser l'établissement de jeunes producteurs en vue d'assurer une relève adéquate aux entreprises agricoles de niveau primaire.»

Alors, dans l'ancienne loi, c'était clair, on parlait de programme pour les jeunes, alors que dans l'autre loi, dans le projet de loi de La Financière, on ne fait allusion qu'à la possibilité de mettre un programme ayant comme critère l'âge des individus. Je pense qu'il y aurait lieu de vous poser des questions, là.

Et vous faites allusion dans votre document au Sommet de la jeunesse qu'il y a eu à Québec. Écoutez, j'y ai participé puis, si on fait le constat un an plus tard, il n'y a pas grand-chose qui a été mis en place pour les jeunes. Et, dans le projet de loi, vous n'avez aucune garantie que vos programmes seront maintenus. Et je pense que, comme défenseurs des droits des jeunes, ça serait à vous d'exiger du ministre de connaître ces programmes-là. Parce que là, présentement, vous êtes dans une zone grise. Vous avez une loi qui ouvre une porte, mais, avant ça, c'était bien défini. Là, ça ne l'est plus. Dans le projet d'entente, il n'y a plus rien. Alors, je pense qu'il y aurait lieu de vous questionner et d'interroger le ministre en temps opportun, avant que cette loi-là passe, parce que vous allez tomber dans une zone grise.

Et, pour ce qui est du 50-50, le ministre a beau vous dire: Vous allez avoir un fonds avec de l'argent dedans... Mais, quand les jeunes démarrent une entreprise, de quoi ont-ils besoin? Est-ce qu'ils ont besoin d'un fonds ou ils ont besoin d'argent, de liquidités pour acheter de l'équipement? Pensez-vous que c'est nécessaire d'avoir plus d'argent dans vos poches en payant un tiers, deux tiers ou de payer 50-50 puis d'avoir un fonds qui s'accumule dans les premières années? D'après vous, qu'est-ce qui est souhaitable pour vos jeunes agriculteurs?

M. Lapointe (Serge): Mais il est certain que, pour ce qui est des programmes de la Régie et de la SFA, lorsqu'on a participé aux nombreuses consultations de la confédération de l'UPA, c'est-à-dire que j'ai pu assister, moi... Lorsque le dernier groupe ce matin mentionnait qu'il n'y avait pas eu de journée d'information ou de consultation, bien, moi, j'ai eu la chance de participer à quatre journées de consultation, ça, au niveau de la confédération, de la fédération spécialisée, des fédérations en général puis de ma fédération régionale aussi. Donc, il y en a eu, des consultations.

Puis lorsqu'on a été consultés au niveau de la relève, on a constamment demandé à savoir s'il allait y avoir une reconduction des programmes puis jamais qu'il n'y a eu aucun doute à dire: Les programmes vont être reconduits à l'intérieur de La Financière. Donc, pour ce qui est de créer un doute dans notre idée, je pense qu'on est extrêmement confiants que les programmes vont continuer.

Pour ce qui est de la contribution au CSRA, c'est pour ça qu'on a amené l'avenue de créer un deuxième levier supplémentaire pour les jeunes. Donc, si on veut qu'un programme fonctionne puis que le monde embarque dans ce programme-là, il faut leur créer un incitatif. Donc, avec le 1 % pour la première année puis augmenter de 0,5 % par année, bien, je pense que les jeunes vont y trouver leur compte dans ce programme-là. C'est certain que ça prendra des crédits supplémentaires pour faire fonctionner le programme, mais, lorsqu'on a une réelle volonté, je pense qu'il y a un grand bout de chemin de fait. Je laisserais mon secrétaire...

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Je vous dirais, en lien avec...

M. Whissell: Si vous permettez avant. Je pense que vous avez une belle occasion d'exiger que justement il y ait un poste dédié pour les jeunes parce que là, présentement, le ministre vous a ouvert une porte, il l'a dit ici, à la table, mais ça ne sera pas inscrit dans la loi, ce n'est pas inscrit dans le projet d'entente. Alors, ce serait à vous peut-être de maintenir la pression et d'exiger que votre poste soit confirmé soit par la loi ou soit par le protocole d'entente.

Et je pense que c'est important, si vous voulez le défendre, parce que vous allez arriver au niveau de La Financière, c'est un conseil d'administration assez lourd. On sait que les jeunes, souvent, quand on parle, on est plus ou moins écoutés, et je pense que ce serait important pour vous d'avoir une place dédiée, explicitement, sur le conseil d'administration de la Société. Alors, je vous redonne la parole.

La Présidente (Mme Vermette): Vous voulez ajouter quelque chose?

n(16 h 10)n

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Oui, en complément de réponse. Effectivement, vos interrogations sont très justes. D'une part, c'est pour ça qu'on est ici, c'est une des raisons qui fait qu'on est ici, c'est pour mentionner que La Financière nous tient à coeur. Je vous dirais également ? à la page 22, on le mentionne très, très clairement ? qu'on veut que les programmes actuels restent dans leur intégrité, on dit bien «dans leur intégrité» et on prend la peine de mentionner que... Il y a une partie même du mémoire que je voulais présenter. On présente c'est quoi les réponses actuelles pour dire: On veut qu'elle reste là. Donc, ça, je pense qu'on mise là-dessus.

Également, je vous dirais, au niveau de la mécanique du conseil d'administration et tout ça, je peux vous assurer qu'on suit ça de très près et, nous, on se voit partenaires du projet de La Financière, comme tous les autres producteurs agricoles. Donc, il s'agira de voir, à ce moment-là, à quel endroit on peut s'insérer. On suit ça de très, très près, tout ce qui a trait à la mécanique.

M. Trudel: Mme la Présidente, je ne veux pas voler du temps à l'opposition, puisque c'est à eux autres, mais je n'ai pas promis de postes à personne, moi, là.

Une voix: Pardon?

M. Trudel: Je n'ai pas promis de postes à personne, là.

M. Whissell: Vous voulez dire que les jeunes n'auront pas un poste au niveau de la Société?

M. Trudel: C'est ce que j'ai dit tantôt, et puis là vous reprendrez toutes les minutes, puis je donne tout, tout, tout. Ce que le projet prévoit, c'est qu'il y aura la nomination de 11 membres au conseil d'administration par le gouvernement du Québec dont cinq proviendront d'une liste qui sera fournie par les producteurs... des listes de producteurs agricoles. Ils sont des producteurs agricoles, ils vont s'occuper de leur affaire.

La Présidente (Mme Vermette): Merci, M. le ministre. Alors, on peut...

M. Whissell: ...le temps ? la parole est encore à l'opposition ? ...

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Whissell: ...de nous donner une minute de plus.

M. Trudel: Mais donnez-lui ce temps tout de suite.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Trudel: Oui, oui, c'est ça.

M. Whissell: Mais je pense, M. le ministre, que vous auriez une belle occasion ou une belle opportunité, ici, devant ces jeunes-là, de déclarer justement que vous allez leur donner une place de choix à nouveau. Si vraiment...

M. Trudel: ...

M. Whissell: C'est à moi la parole, M. le ministre. Si vraiment le gouvernement actuel a à coeur les jeunes, ce serait une belle occasion de leur donner toute la place qu'ils ont et...

M. Trudel: C'est à eux autres de décider, c'est un nouveau modèle. On a cassé le vieux modèle.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député d'Argenteuil, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Whissell: Merci. Oui, bien sûr. Peut-être pour revenir...

La Présidente (Mme Vermette): Vous savez, quand on pose des questions, des fois on a des réponses.

M. Whissell: Oui, bien sûr.

La Présidente (Mme Vermette): Ha, ha, ha!

M. Whissell: Vous faites mention au niveau des programmes, mais, vous savez, il y a de l'argent qui est sur la table. Le ministre a mis 300 millions pour les sept prochaines années. Quand on fait le calcul, il n'y a pas vraiment de nouvel argent, là, sur la table. C'est exactement les mêmes budgets qu'avant. En plus, si on met ça en valeur actuelle, 300 millions dans sept ans, qu'est-ce que ça représente aujourd'hui? À vous de le juger. Mais ce sera de maintenir... je pense que ce sera de maintenir vos programmes.

Je voudrais vous poser la question: Pourquoi le Québec traîne de la patte au niveau de la relève agricole? Parce qu'on a quand même un système d'éducation qui est en place, il y a des centres de formation dans les régions. Pourquoi le Québec arrive bon dernier au niveau de la formation de la relève agricole?

La Présidente (Mme Vermette): M. Lapointe.

M. Lapointe (Serge): Je pense que, en premier lieu, c'est qu'il y a eu une fausse image de l'importance de se former, justement, là. Auparavant, avec le type d'agriculture de subsistance qu'on faisait, le jeune apprenait, malheureusement, sur le tas la formation, donc des parents. Puis il y a eu une véhiculation d'image un peu négative. Mais pour ce qui est d'avoir une diplomation encore plus supérieure, bien, on y avait identifié deux grandes solutions, je vous dirais, dont la première: adapter la formation aux nouvelles réalités des jeunes, donc une formation encore plus pointue pour les jeunes. Puis il y a aussi, là... C'est certain que ce n'est pas... C'est bête à dire, là, mais avec notre programme des primes pour la relève, bien, il faut recréer, à mon sens, un incitatif envers la formation, donc le GEEA agricole. On veut former des gestionnaires, mais il faut axer encore plus pour les inciter à se former.

M. Whissell: Alors, si je comprends bien, dans le fond, vous dites que c'est parce que présentement vous n'avez pas les outils. Si on se compare à nos voisins, l'Ontario, les Maritimes, on est bon dernier. Donc, c'est que notre système d'éducation, à quelque part, il serait à améliorer au niveau agricole.

M. Lapointe (Serge): Il y a des petites lacunes, malheureusement, en formation.

M. Whissell: O.K.

M. Lapointe (Serge): Mettre la formation à jour au niveau des réalités des jeunes. Vous savez, lorsque je rencontre des jeunes dans les ITA, dans les cégeps, puis qu'ils ont de la formation qui est un petit peu désuète, de la documentation qui date d'une douzaine d'années, bien, malheureusement, il y a des choses, là... Starbuck, il est mort, ils l'ont recloné, mais il y en a d'autres astheure. Ça fait qu'il y a ça aussi, là, une formation de qualité aux jeunes.

Malheureusement, on se bute à des conventions collectives, là. Il me semble qu'il y aurait moyen que les enseignants puissent acquérir, eux autres aussi, une formation, parce que, dans le fond, lorsque des jeunes décrochent, malheureusement, il y en a un petit pourcentage là-dedans qui ont la perception de former leur formateur. Tu sais, lorsqu'on a un enseignant en production végétale mais qui est rendu à enseigner le côté animal, bien, des fois, il lui manque des petites compétences. Donc, avoir une meilleure formation au niveau des jeunes. Parce que, dans le fond, les jeunes, ils sont rendus sur les bancs d'écoles, les jeunes ont décidé d'aller à l'école, mais il me semble qu'on devrait... lorsqu'ils ont choisi d'aller étudier là, ils seraient en droit d'avoir une formation de qualité.

Jean-Philippe, si tu veux ajouter un...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, oui...

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Oui...

La Présidente (Mme Vermette): C'est parce que je sais que le député de Viger voudrait poser une question puis là, comme on sait que le temps est limité, je voudrais bien lui en donner l'occasion. Si vous voulez, vous pourriez peut-être faire votre complément de réponse tout en répondant à la question du député de Viger.

M. Maciocia: Non, ma question, elle est très simple, Mme la Présidente. Je sais que le ministre vient de confirmer qu'il n'y aura pas de places spécifiques pour les jeunes de la relève agricole. Ma question est celle-ci... Il y en a cinq qui sont attitrées, je pense, à l'Union des producteurs agricoles.

Par conséquent, ma question est très simple: Est-ce que vous êtes sûrs ou est-ce que vous avez déjà discuté avec l'Union pour une place ? au moins une place ? de la relève agricole, pour vous, à l'intérieur des cinq places qui sont réservées à l'Union des producteurs agricoles?

M. Lapointe (Serge): On n'a pas eu de discussion justement avec la confédération de l'UPA parce que, à mon sens, c'est des places qui sont réservées à la confédération de l'UPA. Lorsque viendra le temps de définir qui et qui vont prendre part au conseil d'administration, bien, je pense qu'il nous en reviendra de nous entendre ensemble pour définir les participants.

Par contre, je vous dirais que l'une des belles choses de la confédération de l'UPA est que chaque fédération spécialisée a un porteur de dossiers. Donc, à la confédération, nous, c'est le deuxième vice-président de la confédération qui est responsable de la relève. Donc, si ce n'est pas une personne de la relève, peut-être que ça pourrait être le deuxième vice-président. Puis je vous dirais qu'on a une très bonne circulation de l'information. C'est essentiel, ça, lorsqu'on parle de se regrouper pour se donner une force. Bien, à quelque part, on le voit justement, là.

M. Maciocia: Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député d'Argenteuil, si vous voulez continuer.

M. Whissell: Oui, peut-être revenir sur votre mémoire. Votre mémoire est très bien construit. Ce que je dénote, c'est que vous parlez beaucoup des outils qui existent actuellement. Avec La Financière, bon, on peut supposer que ces outils-là devront être maintenus. On espère. Mais sur le contenu, vraiment, là, sur l'essence même de La Financière, vous, comment ça vous touche? Vous nous dites: Bon, c'est une bonne chose, La Financière. Mais quand on regarde de plus près, vous n'êtes pas certains que vos programmes seront maintenus, vous n'êtes pas certains que les argents de ces programmes-là seront maintenus, vous ne savez pas s'il y aura de nouveaux programmes, malgré que vous dites qu'il y aurait d'autres outils qui pourraient être mis en place. En quoi La Financière vient changer la position des jeunes dans l'agriculture du Québec?

M. Lapointe (Serge): Je pense que c'est de réellement se donner un levier d'intervention, puis un levier adaptable aux réalités des jeunes. Je pense que c'est là deux grands mots-clés, adapter les leviers pour les jeunes puis... C'est sûr que, à notre sens, lorsqu'on parlait des cinq personnes de l'UPA, bien, eux autres aussi ont à coeur la cause de la relève agricole, puisque, dans le fond, tout ce qui découle de tout ça... La Financière, si on va encore un peu plus loin, c'est elle qui aura la responsabilité de voir qu'est-ce qu'on veut que le Québec soit dans les années futures. Puis lorsqu'on parle de futur, bien, la relève est là. Jean-Philippe?

n(16 h 20)n

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Oui. Bien, je vous dirais, là-dessus, on est en lien évidemment avec l'Union des producteurs agricoles, toujours dans la mise en place de La Financière, et on fait également confiance aux membres de la commission. C'est pour ça qu'on tenait à être ici aujourd'hui et qu'on vous remercie pour justement faire valoir notre point de vue. Et je vous dirais que, La Financière, on la voit également ? c'est ce qu'on aborde un petit peu vers la fin du mémoire ? comme une porte ouverte. Quand on parle de levier, le rôle est défini, sauf qu'il va pouvoir se modeler à l'agriculture et aux besoins des jeunes. Donc, ça, pour nous, c'est primordial. On la voit vraiment comme une porte ouverte qui va pouvoir répondre à bien des problématiques.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, vous êtes bien «timé» parce qu'on vient de finir le temps. Alors, tout est parfait. On vous remercie de votre présentation et de votre confiance, en fait, en l'avenir.

M. Trudel: Merci, M. Lapointe. Merci, M. Deschênes-Gilbert.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais d'enchaîner, si vous voulez bien, avec La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît, pour procéder le plus rapidement possible.

Alors, si tout votre monde est installé, je vous demanderais, M. le président, de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent pour cette occasion.

La Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. D'Amours (Alban): Merci, Mme la Présidente. Je me présente: Alban D'Amours, président du Mouvement Desjardins. Je suis accompagné de Mme Marie Boissonneault, agronome de la Confédération, à ma droite, de M. Yves Morency, à ma gauche, qui est vice-président aux relations intergouvernementales, et de Me Pierre Dugal, conseiller à la Fédération du Québec, conseiller juridique.

Mme la Présidente, merci de nous avoir invités à cette commission. C'est au nom des quelque 13 000 dirigeants et dirigeantes, 38 000 employés, 11 fédérations, près de 1 000 caisses populaires et d'économie, de la Confédération, de la Caisse centrale Desjardins et de l'ensemble de nos filiales que je vous soumets nos commentaires et propositions sur l'important projet de loi sur La Financière agricole du Québec.

Dans les événements précurseurs au dépôt de ce projet de loi, Desjardins a activement participé à la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire en mars 1998 et au Forum des décideurs en mars 1999. Nous avions alors indiqué, tout comme d'autres partenaires d'ailleurs, notre volonté d'être intimement associés aux travaux qui découlaient de ces rencontres et à l'élaboration de nouveaux mécanismes pour soutenir et promouvoir le développement du secteur agricole et agroalimentaire. Ces travaux visaient à moderniser ou bonifier selon les besoins les divers programmes de protection du revenu, d'assurance et de financement.

Ce souci de service et notre volonté de poursuivre notre partenariat, malgré quelques interventions auprès des milieux concernés, n'ont pas trouvé écoute. Nous déplorons cette situation. C'est pourquoi plusieurs dispositions du projet de loi n° 144 et du projet de convention qui l'accompagne se doivent d'être modifiées. Le Mouvement des caisses Desjardins, fortement enraciné dans toutes les régions du Québec, est un partenaire majeur en matière de développement de l'agroalimentaire. D'ailleurs, les engagements financiers de Desjardins dans le secteur de la production agricole le prouvent éloquemment. Ils s'élèvent à 3,3 milliards de dollars alors que plus de 26 000 des 38 000 entreprises agricoles québécoises font affaire avec Desjardins, et ce, sans compter ses nombreux autres engagements dans les secteurs de la transformation et de la distribution alimentaires. Au total, ils voisinent les 5 milliards de dollars.

Le Mouvement Desjardins est l'un des intervenants les plus concernés par le projet de loi et le projet de convention déposés le 16 juin à l'Assemblée nationale. En effet, les caisses Desjardins déboursent 65 % des prêts garantis ou 2,2 milliards du portefeuille de la Société de financement agricole qui totalise 3,4 milliards de dollars au 31 mars 2000. De plus, elles recueillent 61 % des dépôts du compte de stabilisation du revenu net au Québec, soit 14 millions de dollars, auprès des producteurs horticoles. Ce programme sera remplacé, après l'adoption du projet de loi, par le compte de stabilisation du revenu agricole, le CSRA.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance que revêtent les dépôts dans une institution financière en général et dans les caisses oeuvrant en milieu rural et agricole en particulier. Ils servent de levier permettant de consentir du financement à des taux concurrentiels aux membres et aux entreprises de tous les secteurs d'activité susceptibles de soutenir le développement économique et l'emploi dans ces milieux. Ainsi, plus de 700 caisses sont actives dans le financement agricole et pour plus d'une centaine d'entre elles l'agriculture représente au-delà de 60 % de leur portefeuille de financement aux entreprises. C'est donc dire à quel point l'agriculture est un secteur important tant pour ces caisses que pour chacune des communautés où elles oeuvrent.

Ce projet de loi comporte des aspects positifs et j'aimerais en souligner quelques-uns. Le regroupement d'organismes gouvernementaux sous une même direction contribuera à assurer une gestion plus efficace des divers programmes sous leur responsabilité. La prise en charge des agriculteurs dans le processus d'élaboration et de gestion de programmes de soutien financier, d'assurance et de financement agricole qui leur sont destinés constitue un des points positifs majeurs. La réforme de l'assurance stabilisation du revenu agricole devrait permettre au programme de soutien du revenu agricole québécois d'évoluer en conformité avec les nouvelles normes édictées par l'OMC. La gestion du futur CSRA s'annonce plus simple que celle du CSRN qu'il remplacera. Enfin, la déduction fiscale accordée dans le cadre du CSRA devrait sans doute contribuer à encourager l'épargne chez les agriculteurs et agricultrices du Québec dans le cadre de la gestion de leur patrimoine.

Par contre, le projet de loi et le projet de convention comportent plusieurs dispositions qui nous préoccupent. Pour Desjardins, le projet de loi n° 144, tel que rédigé, ouvre la porte à la création d'une quasi banque agricole, ce qui n'était certes pas le but à l'origine. En effet, la FAQ aurait le pouvoir de mettre en place des programmes et d'offrir des produits et services financiers, notamment en matière de dépôts, de prêts, d'assurance et de patrimoine fiduciaire. De plus, cette nouvelle société pourrait exercer des pouvoirs similaires aux institutions financières sans être par ailleurs soumise, d'une part, aux mêmes contraintes réglementaires et, d'autre part, à la surveillance d'organismes de contrôle. Cela occasionnerait un préjudice concurrentiel inacceptable.

Aussi, la Société de financement agricole possède déjà les bilans d'une grande partie de nos entreprises membres et obtient de nos systèmes, à chaque mois, des informations concernant les prêts garantis. Dans un tel contexte, comment envisager l'existence d'une saine concurrence? Il faut également rappeler que les institutions financières actives au Québec subissent déjà la pression concurrentielle d'un organisme gouvernemental, soit la Société du crédit agricole Canada. Toutes ces institutions se compétitionnent pour garantir aux emprunteurs les meilleures conditions possibles. Comment alors justifier la valeur ajoutée de la venue d'un nouveau joueur gouvernemental qui aura un pouvoir exclusif de drainer une partie de l'épargne et, finalement, de réduire les effets positifs d'une saine concurrence au détriment des entreprises agricoles?

Il importe aussi de souligner que l'effet de l'augmentation de l'offre de financement agricole au Québec risquerait d'accroître l'endettement des agriculteurs québécois déjà les plus endettés au Canada. En fait, nous sommes convaincus que ni les institutions financières, ni les gouvernements, ni les entreprises elles-mêmes ont un avantage à accroître le risque dans ce secteur d'activité en augmentant le niveau d'endettement des entreprises agricoles.

Enfin, dans un nombre grandissant de régions, les caisses Desjardins sont témoins d'un accroissement du nombre de dossiers de financement agricole plus risqués que la SFA refuse de garantir, laissant aux institutions financières toute la place. Cette tendance nous semble en contradiction avec le rôle de la Société de financement agricole qui consiste à assumer des risques en garantissant les prêts. Dans ces conditions, afin de réaliser des économies de gestion, l'éventuelle Financière agricole du Québec pourrait envisager d'éviter le dédoublement des études de dossiers en confiant aux institutions financières qui disposent d'analystes qualifiés la responsabilité d'évaluer les dossiers de financement à garantir. Ainsi, elle pourrait réorienter son intervention dans les domaines qui lui seraient plus spécifiques comme l'aide accrue aux jeunes, nouvelles productions, agriculteurs et agricultrices qui n'ont pas accès au financement traditionnel, et bien d'autres. Compte tenu que dans la plupart des dossiers nos caisses consentent une marge de crédit d'exploitation conventionnelle, elles se doivent, de toute façon, de procéder à une étude rigoureuse de ceux-ci et de les suivre sur une base régulière. Ainsi, on obtiendrait une meilleure complémentarité entre les institutions financières et la société d'État.

n(16 h 30)n

Le projet de loi et de convention prévoit que la FAQ aura le pouvoir de recevoir et d'administrer pour le compte des agriculteurs des dépôts versés dans le cadre d'un programme mis de l'avant par celle-ci. Toutes les informations recueillies jusqu'à présent au sujet du programme du CSRA nous indiquent que les dépôts effectués seront dirigés vers la FAQ. Par ailleurs, une fois le CSRN aboli au Québec, Desjardins pourrait perdre les 14 millions de dollars actuellement en dépôt de même que sa contrepartie détenue au fédéral que le gouvernement s'apprête à transférer aux comptes CSRN déjà détenus par les horticulteurs.

Aux plans financier et fiscal, le CSRA s'annonce plus profitable qu'un régime enregistré d'épargne-retraite conventionnel que détiennent la plupart des agriculteurs québécois. En conséquence, dans le cadre de la gestion optimale de leurs avoirs, les producteurs agricoles pourraient normalement être tentés de déplacer vers le CSRA plus de 100 millions de dollars en REER qu'ils détiennent chez Desjardins. En fait, si les dépôts CSRA pouvaient être déposés au compte du membre dans sa caisse, la possibilité de transfert des REER vers le CSRA n'aurait plus le même impact pour les caisses. Or, le projet de loi et de convention, dans sa forme actuelle, laisse présager un déplacement d'épargne substantiel des caisses rurales vers la FAQ.

Selon l'Union des producteurs agricoles, les dépôts dans le CSRA demeureront modestes, car elle estime que les agriculteurs n'ont ni liquidités ni propension historique à l'épargne. Cependant, l'expérience canadienne du CSRN est tout autre, et ce, malgré les difficultés qu'ont connues les producteurs céréaliers de l'Ouest depuis l'instauration de ce programme. Des 3 milliards de dollars qui sont actuellement en dépôt, la moitié est détenue dans des comptes ouverts par les agriculteurs auprès de l'institution financière de leur choix. L'autre moitié, bien qu'actuellement détenue auprès du Conseil du trésor fédéral, appartient en propre à l'agriculteur et fait l'objet d'un relevé de compte annuel de la part du gouvernement. Voilà un autre exemple qu'il n'y a pas de petites économies. Est-il nécessaire de rappeler que le Mouvement Desjardins a commencé il y a à peine 100 ans avec un premier dépôt de 0,10 $?

Compte tenu que le CSRA est conçu comme un outil individuel de gestion du risque, il serait logique de laisser l'agriculteur maître de la gestion de son dépôt, tant sa propre contribution que celle du gouvernement du Québec. Quel que soit le terme utilisé, les montants versés au CSRA constituent, en effet, des dépôts parce qu'ils apparaîtront au bilan de ces entreprises. Conséquemment, l'agriculteur devrait avoir la possibilité de choisir l'institution financière, excluant bien sûr la FAQ, où il veut effectuer ce dépôt, comme c'est le cas dans le reste du Canada. D'ailleurs, c'est l'un des facteurs majeurs identifiés par les représentants des agriculteurs eux-mêmes, incluant ceux de l'UPA, qui a motivé le gouvernement fédéral à transférer la part de l'agriculteur du fonds 1 du CSRN vers l'institution financière de son choix. De plus, en évitant les comptes à comptes entre l'ASRA et le CSRA, le gouvernement du Québec ferait preuve de plus de transparence. Ainsi, l'agriculteur pourrait mieux comprendre la mécanique des programmes de soutien du revenu.

La centralisation de l'épargne à la FAQ risquerait de réduire la capacité des milieux ruraux à agir dans le développement de leurs communautés respectives. Or, cette croissance économique n'est possible que par une disponibilité et une accessibilité directe à l'épargne régionale. La centralisation de l'épargne rurale affaiblira également les caisses Desjardins actives en région, surtout si on considère que le type d'épargne visé, à savoir l'épargne traditionnelle, demeure disponible localement pour le développement régional par opposition aux fonds de placement. Dans ces conditions, il deviendra plus difficile pour les caisses Desjardins de soutenir avec la même intensité le développement rural de même que la création d'emplois. Desjardins a depuis longtemps démontré son attachement et son leadership en matière de développement des régions rurales et souhaite poursuivre son implication.

Je vous invite à prendre connaissance, dans notre mémoire, de plusieurs initiatives qui démontrent que le Mouvement Desjardins constitue un véritable leader et un levier financier majeur pour le développement rural et, en particulier, celui de l'agriculture québécoise. De plus, les principaux intéressés, les agriculteurs et agricultrices eux-mêmes, ont chez nous un réel pouvoir d'influence et d'orientation, puisqu'ils sont nombreux à siéger au conseil d'administration des caisses Desjardins. Cette participation contribue à accroître leur connaissance de la gestion des affaires et du monde financier, qu'ils peuvent mettre à profit dans la gestion de leur propre entreprise.

En guise de conclusion, Mme la Présidente, le Mouvement des caisses Desjardins porte à l'attention des membres de la commission ses recommandations. D'abord, Desjardins s'objecte catégoriquement et demande la révision en profondeur des dispositions de l'actuel projet de loi et de convention qui permettent à La Financière agricole du Québec de se substituer aux institutions financières.

Le Mouvement des caisses Desjardins recommande fortement que le projet de loi permette à l'agriculteur de diriger ses dépôts et sa contrepartie gouvernementale, prévus au CSRA, vers l'institution financière de son choix. Ainsi, l'agriculteur pourra préserver le pouvoir de négociation que lui procure la concentration de ses affaires dans une même institution financière. Ce faisant, la FAQ s'allierait plus facilement les institutions financières dans la promotion des nouveaux programmes qu'elle voudra mettre en place et leur permettra de continuer à jouer un rôle prépondérant dans le développement régional et rural.

Le Mouvement des caisses Desjardins considère que le projet de loi devrait baliser davantage l'intervention de La Financière agricole. Par exemple, il devrait limiter son pouvoir de consentir des prêts directs, à l'exception de la gestion des soldes d'anciens prêts consentis avant la venue de la loi tandem. Il devrait permettre l'intervention de la FAQ seulement lorsque les institutions financières ne peuvent répondre adéquatement aux besoins.

Le projet de loi devrait prévoir que la FAQ ne puisse se substituer aux institutions financières si elles offrent ou sont en mesure d'offrir les services financiers requis. Le projet de loi devrait obliger La Financière agricole à se soumettre à plus de contrôles que ceux prévus et à accorder au gouvernement un droit de regard tant sur ses opérations, ses règles de fonctionnement interne que sur les programmes qu'elle souhaite mettre en place.

Le projet de loi devrait assurer une meilleure représentativité des intervenants du secteur agricole et agroalimentaire au sein du conseil d'administration de la nouvelle société. Nous insistons pour que les secteurs financier et coopératif y soient représentés. Pour sa part, le Mouvement des caisses Desjardins souhaite occuper un siège en tant que véritable partenaire, actif dans le secteur agroalimentaire depuis un siècle. Nous déplorons donc que le projet de loi ne prévoie la représentation du milieu qu'avec la seule présence de l'UPA, ce qui est beaucoup trop limitatif. Il en va de même pour la nomination du président-directeur général.

Dans la poursuite des travaux de la commission, le Mouvement des caisses Desjardins exprime sa volonté à être étroitement associé à la bonification du projet de loi n° 144 avec les autres partenaires pour y apporter une contribution positive. Dans cet esprit, il offre sa plus entière collaboration et se met à la disposition du législateur. Je vous remercie de votre attention. Nous sommes disposés, mes collègues et moi, à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, merci, M. le président. Alors, nous allons commencer tout de suite nos échanges avec le ministre. Votre première question, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. D'Amours et les gens qui vous accompagnent, de cette présentation. Écoutez, quand on a le chef du Mouvement Desjardins au parlement, à l'Assemblée nationale, nos oreilles s'ouvrent très grandes et pour écouter et pour entendre aussi. Et, c'est important, je vous remercie d'être là, parce que, oui, le projet de La Financière agricole du Québec, la création de cette grande entreprise financière, ce n'est pas une petite affaire. Oui, oui, ça, on bouleverse les règles, oui, on casse le vieux modèle et on va instaurer... on va tenter d'instaurer une nouvelle dynamique ascendante pour soutenir le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire, mais singulièrement de l'agriculture. Puis ça se passe dans les régions du Québec. Ça adonne qu'on est, tous les deux, aux mêmes places, partout à travers le Québec.

n(16 h 40)n

Et, en particulier, vous avez bien scruté le projet de loi, ce n'est pas pour rien, M. le Président, qu'on l'a déposé le 16 juin. Vous l'avez très bien mentionné, votre mémoire est d'une clarté exceptionnelle à chaque ligne. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a déposé le 16 juin. On s'était engagés à bâtir ce nouveau régime là en 1998, comme je l'ai expliqué ce matin, on a peaufiné ça pendant un an, on a ratifié tout ça en 1999 et on l'a déposé assez tôt pas pour être adopté pendant la même session, mais pour s'assurer qu'il serait largement répandu. Puis c'est ce que vous avez fait, puis on peut en faire encore davantage.

On peut tellement en faire davantage, M. le président, que... Par exemple, vous soulevez un élément extrêmement important qui a été soulevé aussi depuis la publication du projet de loi et son dépôt à l'Assemblée nationale sur le contenu de l'article 22, sur le fait que cette société d'État serait autorisée à recevoir des dépôts. M. le président, vous nous avez fait cette remarque il y a quelques moments, j'annonce aujourd'hui que l'article 22 fera l'objet d'une présentation d'un amendement par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour qu'il n'y ait pas de confusion. La Financière agricole du Québec, comme le fait actuellement la Régie des assurances agricoles, pourra recevoir des contributions et non pas des dépôts en vue de... et au sens de la loi des banques et des caisses. Je présenterai un amendement pour que ce soit rendu bien clair, parce que l'intention du législateur, ce n'est pas de créer un quasi-banque. Mais je reçois très bien votre perception, parce qu'on peut avoir une intention, et puis parfois ça ne se traduit pas dans les textes. Alors, il faut l'examiner avec attention.

M. le président, est-ce que le Mouvement Desjardins a été en mesure de constater que, à l'égard des mouvements financiers, il n'y a aucun changement par rapport à ce que faisait la Société de financement agricole du Québec? L'actuelle Société de financement agricole dispose de pouvoirs qui sont exactement ceux qui vont être transplantés dans La Financière agricole du Québec. Est-ce que ça, vous avez été en mesure de faire cette adéquation-là?

M. D'Amours (Alban): Lorsque l'on fait... on prend les deux organisations avec leurs lois constitutives et puis on fait l'addition, on retrouve ces pouvoirs, mais la somme des deux ne donne pas l'image des deux. La somme des deux donne l'image d'une entreprise qui, à notre sens, devient une institution financière et une quasi-banque.

Et, humblement, M. le ministre, j'aimerais revenir sur la réaction que vous venez d'avoir, je pense que c'est dans la bonne direction, lorsque vous dites: On va modifier l'article 22 pour éviter de faire référence aux dépôts en utilisant un autre vocabulaire. Mais je vous mets en garde du fait qu'un autre vocabulaire ne changerait rien si on retrouve ça dans le bilan des entreprises. Parce que, si c'est dans le bilan des entreprises, qu'on appelle ça une contribution, une cotisation ou... tout autre mot utilisé revient à la même chose. Donc, on a un problème de fond qui est celui qui veut que, lorsqu'on accueille ces contributions et qu'on les considère au bilan d'entreprise, c'est comme une banque ou une caisse qui reçoit des dépôts. C'est essentiellement la même chose.

Et vous aurez remarqué que, dans notre mémoire, nous voulons que les membres, les entreprises aient le choix de déposer, puissent déposer ces argents-là dans l'institution financière de leur choix. Parce que, actuellement, le texte, tel qu'il est, finalement dirige toute l'épargne obligatoirement vers La Financière. Et, nous, nous disons que, si c'est dirigé vers La Financière, forcément que ça va être vu et perçu puis que ça va être, dans la réalité, un dépôt parce qu'on va le retrouver au bilan des entreprises. Et c'est là où nous intervenons, où nous vous demandons d'introduire cette liberté maintenant dans le projet de loi.

M. Trudel: C'est une question qui se pose. Il y avait une petite parenthèse dans votre texte, la liberté de choix aux producteurs, excluant La Financière agricole du Québec.

M. D'Amours (Alban): Oui, parce que si... On y a réfléchi, nous aussi, hein, avant de mettre la parenthèse, parce qu'on dit: Si on ne mettait pas cette parenthèse, en somme on se retrouverait avec une institution financière, une quasi-banque, dans les faits, qui s'ajoute aux institutions financières actuelles. Parce que ce qu'il faut bien retenir, c'est que nous sommes dans une économie, l'économie du Québec, qui, dans ce contexte de mondialisation, est soumise maintenant aux forces d'une concurrence mondiale, et en somme on devrait faire en sorte qu'au Québec les institutions financières existantes soient le plus solides possible et qu'elles puissent répondre finalement aux besoins de développement dans l'ensemble du Québec. Et, dans ce contexte-là, toutes interventions qui seraient de nature à fragiliser nos institutions d'ici nous mettent en péril, finalement, face à une concurrence qui nous vient d'ailleurs, et on a tout intérêt à renforcer les institutions déjà existantes et à ne pas en créer d'autres. Nous sommes d'accord avec la création de La Financière telle qu'elle est dans le projet de loi, sauf les éléments que, bien sûr, je mentionne, parce qu'il y a une amélioration d'apportée en termes de gestion, participation. C'est une belle initiative.

M. Trudel: Vous indiquez aussi dans votre mémoire un problème, une situation particulière, puis je veux juste prendre quelques secondes là-dessus. Il y a actuellement 14 millions de dollars du secteur horticole qui sont en dépôt chez vous, qui sont la partie des producteurs, parce que le fédéral, lui, il ne donne pas ça aux producteurs agricole, il garde ça dans ses poches, ainsi que l'usufruit. Écoutez, je n'ai pas la réponse, mais il va falloir s'intéresser à ça, parce que, quand on modifie des régimes, il faut assurer les passerelles. Il faut assurer les passerelles, oui, théoriquement et en pratique, ces gens-là vont être invités à passer au régime d'épargne-stabilisation, et je m'engage à ce qu'on traite spécifiquement de cette question.

Je dis «qu'on traite». Je ne sais pas si vous avez remarqué, M. le président, mais, moi aussi, j'ai modifié mon langage. Parce qu'il va falloir modifier son langage, tous et chacun, c'est qu'on traite de la question, je ne suis plus tout seul dans la patente, M. le président. Je ne suis plus tout seul vu que les producteurs vont payer 50 %. Alors, je ne peux pas dire, d'un côté: Oui, je vais tout faire ça puis je vais travailler en partenariat. Maintenant, il faut tous s'habituer, il va falloir travailler avec nos partenaires. Et, oui, on va ? et le «on» inclut celui qui parle ? nommément s'intéresser à trouver une réponse spécifique avec vous autres à cela parce qu'il faut trouver des solutions et des solutions de passerelle.

Par ailleurs, vous mentionnez que le compte de stabilisation du revenu agricole, le régime d'épargne-stabilisation, il ne pourrait pas être pris en garantie chez vous pour des prêts? Je pense que vous mentionnez ça ? j'essaie de me souvenir de la page ? que le compte de stabilisation ne pourrait pas être pris en garantie. Je vais essayer de vous retrouver ça, là.

M. D'Amours (Alban): On demande qu'il le soit.

Une voix: Oui, on demande qu'il le soit.

M. Trudel: Non, à la page 9. À la page 9, vous dites: Contrairement au CSRN qui est accessible, il serait hautement souhaitable que les institutions financières puissent prendre le CSRA en garantie.

M. D'Amours (Alban): Oui.

M. Trudel: Vous le pourrez.

M. D'Amours (Alban): Actuellement, le CSRN est incessible, c'est-à-dire qu'on ne peut pas le prendre en garantie.

M. Trudel: Ah! Incessible.

M. D'Amours (Alban): Oui.

M. Trudel: Excusez-moi, M. le président, j'en avais manqué un mot. Très bien. Les réponses vont rapidement.

M. le président, par ailleurs, vous nous invitez à réfléchir sur, donc, la liberté de faire les dépôts dans les institutions du Mouvement Desjardins, dans les caisses.

M. D'Amours (Alban): Les banques aussi, M. le ministre.

M. Trudel: Après, hein?

M. D'Amours (Alban): Bien, évidemment, mais on veut que...

M. Trudel: On s'entend, on s'entend.

M. D'Amours (Alban): ...les entreprise agricoles aient le choix de déposer soit dans les banques ou dans les caisses, hein?

M. Trudel: Une institution financière. Mais, M. le président, est-ce que vous êtes prêts aussi à regarder de prendre en charge ce qui, dans La Financière agricole, va nous coûter 46 millions de dollars, l'étude des dossiers? Parce que, quand on fait cela, M. le président...

Une voix: ...M. le ministre, vous avancer un peu plus pour le micro.

n(16 h 50)n

M. Trudel: Oui, oui, pour le micro. Quand on fait cela, le budget prévisionnel, là ? c'est trop petit, de toute façon, pour l'illustration ? il y a 46 millions de dollars qui sont consacrés à l'étude des dossiers et à l'établissement... bien, pour employer une expression simple, là, puis simpliste un peu, aux papiers qu'on donne aux producteurs agricoles pour se présenter chez vous. Est-ce que pour vous autres c'est envisageable que, s'il y a des dépôts qui sont faits chez vous, vous allez prendre en charge aussi avec les autres, là... vous allez prendre en charge les frais d'étude de dossiers?

M. D'Amours (Alban): C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas le prendre en charge totalement, effacer cette obligation... Il est bien évident que, si vous voulez nous confier cette tâche, je suis à peu près sûr qu'on va le faire à moindre coût. Et demandez-nous d'examiner la situation compte tenu de l'expertise ? c'est de l'expertise qui existe déjà ? on va être capables de rendre le service qui est, en somme, une sorte d'impartition de l'analyse de crédit.

Une voix: ...

M. D'Amours (Alban): Et, en effet, la SFA la fait pour 200 $, qu'on m'indique, l'analyse de crédit. La société financière le ferait pour 200 $.

Une voix: ...

M. D'Amours (Alban): Il y a un coût chargé à l'agriculteur, me dit-on, de 200 $ pour l'analyse du crédit.

M. Trudel: Il y a un coût qui est chargé de 200 $, mais ça nous coûte pas mal plus cher que 200 $.

M. D'Amours (Alban): Ah, bien on vous offre une belle occasion de réduire les coûts. On peut s'asseoir avec vous et... Puis, c'est dans le sens de notre proposition, d'ailleurs nous l'avons indiqué dans notre mémoire.

M. Trudel: Non, je pose la question, c'est juste pour faire ressortir aussi... parce qu'il faut tout regarder. Vous avez raison, il faut tout regarder. Il ne faut pas se priver, il faut tout regarder. Mais, c'est comme une balance, là, il y a deux plateaux évidemment. Quand on ferait des dépôts, si éventuellement c'était une décision comme ça, de faire des dépôts dans des institutions, bien on ne pourrait pas prendre toutes les dépenses d'un côté puis ce qui résulte de cette dépense-là, c'est-à-dire les placements avec les contributions qui nous sont faites et qui nous permettent d'absorber une partie des coûts. Parce que le gouvernement, c'est clair, vise à une réduction de ses coûts par une simplification administrative et pour les producteurs et pour le gouvernement. Ça veut donc dire que, quand on donne le profit de... il faut aussi prendre en considération qu'il y aurait des responsabilités éventuellement qui viendraient avec ça, ou, comme disent d'autres milieux, il y a «check and balance», hein, pour... Et ça, vous seriez prêts à le regarder aussi?

M. D'Amours (Alban): Oui, parce que, M. le ministre, on se comprend bien, la responsabilité gouvernementale, en l'occurrence qui est celle comportant l'assurance, dans ce contexte-là, cette responsabilité gouvernementale, nous ne pouvons pas l'assumer. Forcément, nous pouvons faire, en impartition, les analyses de crédit, puis à ce moment-là on peut vous assurer un travail à meilleur coût bien sûr puis, en même temps, un meilleur partenariat entre les institutions financières, Desjardins en particulier, et la nouvelle Financière.

M. Trudel: Puis, moi, parce que j'ai une responsabilité de gouvernement, il faut que j'ajoute la phrase: Et vous assumeriez aussi nos employés qui sont actuellement en poste. Parce qu'il faudra trouver un passage aussi, parce que, nous, quand on va prendre Société de financement agricole et Régie des assurances agricoles, on a la sécurité d'emploi pour tout le monde, y compris le droit de retour à la fonction publique de ces deux équipes qui vont former une nouvelle société. Ce n'est pas des choses qu'on règle en commission parlementaire suivant une décision. Je fais juste l'évoquer, que ça fait partie aussi de la réalité et que c'est très important pour nous.

Je veux le dire parce que, M. D'Amours, je le sais que vous avez un souci particulier pour les ressources humaines dans votre grande entreprise, puis c'est édifiant de vous voir aller. J'en profite pour vous le dire, du souci que vous avez pour les ressources humaines dans le Mouvement Desjardins, puis on va essayer, nous autres, dans notre projet, d'avoir le même souci de respect pour les ressources humaines en prenant en considération que, quand il y a des passages, bien ça modifie des carrières, ça modifie des cheminements professionnels, c'est dur à faire.

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre...

M. Trudel: Je conclus...

La Présidente (Mme Vermette): ...je pense que votre message a bien passé. Alors, si vous voulez bien... parce que votre temps est terminé.

M. Trudel: Parce que, nous aussi, Mme la Présidente, on voudrait... Parce qu'il faut bien que j'en profite pour vous vanter un peu aussi. Moi, j'ai écrit en 1989, avec un collègue, un volume qui s'appelait Deux Québec dans un. Moi, je pense que, dans une phrase à la Chambre de commerce de Montréal, vous avez donné la réponse, c'est: Développer le Québec en même temps. Développer le Québec en même temps. Votre mémoire, on va le lire ligne par ligne, M. le président, et on va y prêter grande attention. Merci de votre contribution.

M. D'Amours (Alban): Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, je vous remercie beaucoup. Alors, je vais céder la parole au critique de l'opposition officielle, le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Eh bien, bonjour, madame, messieurs. Bienvenue à la Confédération des caisses populaires. Première question, M. D'Amours, on est face à un projet de loi qui va venir quand même chambarder votre milieu financier, qui risque de chambarder les institutions de financement en région, depuis quand avez-vous été consultés sur ce projet de loi?

M. D'Amours (Alban): Ah, bien nous avons reçu le projet de loi lorsqu'il a été déposé à l'Assemblée nationale, le 13 juin.

M. Whissell: Le 13 juin.

Une voix: Le 16.

M. D'Amours (Alban): Le 16 juin, c'est ça.

M. Whissell: Et, depuis ce moment, je veux dire, le ministre s'engageait à aller rapidement avec le projet de loi, est-ce que vous aviez fait des représentations comme vous les faites aujourd'hui ou...

M. D'Amours (Alban): Non, c'est la première représentation que nous faisons, nous n'avons pas été invités auparavant. Alors, nous l'aurions souhaité, nous l'avions demandé plus tôt d'être partie prenante des travaux qui ont mené à la préparation du projet de loi. Mais, une fois le projet de loi déposé, bien, alors voilà notre réaction.

M. Whissell: O.K. Alors, vous n'avez pas participé du tout à l'élaboration, on ne vous a pas consultés?

M. D'Amours (Alban): Non, du tout.

M. Whissell: O.K. Dans vos propos, vous êtes quand même assez durs à l'égard du projet de loi. Vous dites, en gros, que le gouvernement est en train de créer une banque qui risque de prendre une partie importante des activités financières que vous faites avec le milieu agricole. Est-ce que vous avez évalué, en région particulièrement, combien de caisses populaires sont en jeu, combien de caisses populaires dont la survie dépend des prêts agricoles, combien de caisses populaires en région pourraient fermer éventuellement suite à la mise en place du projet de loi tel qu'il est présenté?

M. D'Amours (Alban): Il y a 700 caisses actuellement qui font du crédit agricole, et une centaine d'entre elles ont plus de 60 % de leur portefeuille de prêts à l'entreprise qui est constitué de prêts aux agriculteurs, aux entreprises agricoles. Mais je ne brandis pas d'épouvantail en disant que ce projet de loi va entraîner la fermeture de caisses, là. Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est qu'il y a là un danger, puis réel, d'affaiblissement du réseau Desjardins compte tenu du fait que les épargnes seraient forcément dirigées obligatoirement vers La Financière.

M. Whissell: Mais vous conviendrez avec nous, M. D'Amours, que déjà les caisses populaires en région, parfois, la survie de la caisse est déjà précaire et que, si on retire... Vous dites 60 %, retirez-en la moitié de ce financement, et vous risquez fort bien que plusieurs caisses tombent en difficultés financières.

M. D'Amours (Alban): Vous avez raison de dire que dans certains cas... Les directeurs de caisse, actuellement, qui sont au fait du projet de loi s'interrogent et nous font part de leurs inquiétudes, ainsi que des dirigeants de caisse partout à travers le Québec, et souhaitaient que nous fassions aujourd'hui ce type de représentation auprès des membres de la commission.

M. Whissell: Le projet de loi, en gros, crée un fonds qui appartient à l'agriculteur, à l'agricultrice, et ce fonds est obligatoirement déposé à La Financière. Vous nous avez fait part dans votre mémoire que, actuellement, il y a amplement de capital de risque qui existe au niveau agricole. Est-ce que, jusque-là, je suis bien?

M. D'Amours (Alban): Non. Non, nous n'avons pas dit qu'il y avait amplement de capital de risque dans le secteur agricole. Au contraire, je pense que le capital de risque est insuffisant dans le domaine agricole. On connaît les ratios, hein? Tout à l'heure, un groupe qui nous a précédés a parlé de 1 $... soixante et... Enfin, la proportion est quand même considérable pour... Ça prend beaucoup de capital pour générer des revenus dans une entreprise agricole, alors que dans une entreprise manufacturière ça en prend beaucoup moins.

M. Whissell: O.K. Mais, toujours au niveau du fonds, vous faites également mention que ça risque d'augmenter l'endettement. Sur quoi vous vous basez justement pour dire qu'il y a risque d'endettement plus fortement marqué suite à la mise en place d'un nouvel outil?

n(17 heures)n

M. D'Amours (Alban): Dès lors que La Financière devient une quasi-banque, dès lors qu'elle a toute la capacité de faire du financement, de faire du prêt, en somme offrir des services financiers, il est bien sûr qu'il y aura une concurrence d'exercée entre La Financière et les institutions financières. Et, devant les demandes de prêt, qui sont plus nombreuses que les crédits accordés, bien sûr, dans ce contexte-là, les institutions financières auront peut-être le goût, pour maintenir leur part de marché, de prêter davantage et d'encourir de plus grands risques et ainsi de contribuer à l'accroissement de l'endettement des agriculteurs et agricultrices du Québec. C'est un phénomène de marché naturel.

M. Whissell: Alors, vous, dans votre exposé, vous dites que l'agriculteur, ce n'est pas mauvais qu'il puisse bâtir un fonds, qu'il y ait des avantages fiscaux à ce fonds ? jusque-là, vous suivez ? mais qu'il ait la pleine maîtrise de son fonds et qu'il puisse décider de lui-même à quel endroit va aller l'argent.

M. D'amours (Alban): Exact.

M. Whissell: Et vous allez plus loin en disant même que La Financière ne devrait pas avoir le droit de faire partie des options comme institution financière.

M. D'Amours (Alban): C'est ce que nous disons: Elle ne devrait pas avoir les mêmes pouvoirs qu'une institution financière, une caisse ou une banque.

M. Whissell: D'après vous, là, parce que dans le projet de loi on ne le dit pas, le fonds qui sera mis à la disposition de La Financière pourra servir à quoi? Parce qu'il y aura de la liquidité, il y aura de l'argent qui sera disponible à être prêté à d'autres fins. Alors, selon vous, cet argent-là sera dirigé vers quel domaine? Avez-vous une idée?

M. D'Amours (Alban): Bien là ce fonds-là est constitué pour les fins de stabilisation. M. le ministre parle de l'épargne pour stabilisation. En période difficile, l'entreprise agricole ou l'agriculteur pourra retirer, avoir accès à ces fonds-là pour stabiliser ses revenus et passer à travers une crise.

M. Whissell: Mais la société elle-même, est-ce qu'elle pourra utiliser ? parce que ce n'est pas clair dans le projet de loi ? est-ce que La Financière pourra utiliser ces fonds-là pour faire des investissements dans une entreprise?

M. D'Amours (Alban): Ah! pour La Financière, oui, oui, oui. La Financière pourra, elle, avec ces sommes, qui vont devenir considérables, on parlait de 14 millions de dollars, ça peut paraître marginal... Mais regardez comment le CSRN aurait, dans le reste du Canada, entraîné l'accumulation de fonds, jusqu'à 3 milliards de dollars, donc ça donne une assise financière considérable. Et La Financière pourrait créer des filiales, et développer de nouveaux champs d'activité dans le domaine des services financiers, et avoir le goût ? parce qu'elle doit s'autofinancer, La Financière, parce que dans la loi on prévoit cette capacité d'agir partout, dans tous les domaines financiers ? d'initier de nouvelles activités pour générer des revenus, et dès lors elle rentrera en concurrence avec les institutions financières, les caisses bien sûr.

M. Whissell: Alors, dans le fond, c'est un peu une SGF qu'on est en train de créer, une SGF agricole? C'est-à-dire qu'il y a un fonds du même type que le fonds de la FTQ ou de la Société générale de financement, et ce fonds-là pourra servir autant au niveau de l'industrie primaire agricole qu'au bioalimentaire.

M. D'Amours (Alban): Je ne suis pas sûr que ce fonds-là puisse servir de base de capitalisation, là. Il y a d'autres avenues et il est possible que La Financière débouche sur des activités de capital de risque. Bien sûr, il faut voir ce projet dans ce cadre-là de pouvoir d'une quasi-banque.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, alors, c'est terminé en ce qui concerne votre réponse sur les questions qui vous ont été posées?

M. D'Amours (Alban): Oui, mais je pourrais ajouter un exemple.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. D'Amours (Alban): Il n'y a rien qui empêcherait La Financière de faire des FERR, par exemple, de convertir des REER en FERR ou d'intervenir dans tout le domaine de la gestion du patrimoine.

M. Whissell: Mais c'est prévu, d'ailleurs.

M. D'Amours (Alban): Oui.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je passerais la parole au député de Viger.

M. Maciocia: Moi, je serai très bref, Mme la Présidente. C'est que je vois une pile de cinq études de la part du Mouvement Desjardins vis-à-vis le projet de loi actuel, tel que libellé actuellement, et vous le dites très clairement que le projet de loi, de la façon qu'il est libellé, c'est un projet de loi qui donne la possibilité à La Financière d'être quasiment une quasi-banque. Si je comprends bien, c'est ça votre crainte actuellement vis-à-vis cette situation, ce projet de loi là?

Et, deuxièmement, moi, je pense que, et le ministre l'a dit aussi tantôt, l'importance du Mouvement Desjardins, spécialement en région... il est déjà impliqué au niveau du domaine agricole avec les producteurs agricoles. Moi, je pense que ça serait très important actuellement puis j'aimerais que le ministre nous entende parce que j'aimerais avoir une réponse de sa part. C'est que, étant donné votre implication, étant donné vos craintes vis-à-vis le projet de loi, est-ce que ça ne serait pas souhaitable, M. le ministre, qu'avant que le projet de loi soit adopté, il y a des étapes qui vont suivre, mais avant que ces étapes-là se poursuivent, ne pourriez-vous pas vous asseoir et prendre des engagements formels, vous asseoir avec le Mouvement Desjardins, avec la Confédération, et tout ça, et regarder un peu cette situation-là? Parce que le Mouvement Desjardins vient de nous affirmer d'une façon très nette qu'il n'a jamais été contacté pour participer à l'élaboration du projet de loi en question. Et, moi, je trouve que c'est fait un peu, je dirais, cavalièrement vis-à-vis le Mouvement Desjardins, parce qu'on connaît l'implication, puis vous l'avez admis vous-même l'implication du Mouvement Desjardins dans le domaine agricole et avec le producteur agricole.

Est-ce que j'ai cru comprendre qu'il y avait une ouverture de votre part de prendre un engagement formel de rencontrer le Mouvement Desjardins, et de s'asseoir, et de regarder quelles sont les possibilités pour que ces craintes que le Mouvement Desjardins envisage actuellement puissent être dissipées d'une manière qu'on ne se retrouve pas avec, comme je disais tantôt, une quasi-banque avec La Financière et que ça serait au détriment du Mouvement Desjardins ou des caisses qui sont en régions actuellement?

M. Trudel: Ou des banques.

M. Maciocia: Ou des banques.

M. Trudel: Ou des institutions financières.

M. Maciocia: Oui, oui.

M. Trudel: Regardez, on fait toujours ça dans le processus. D'abord, il y a le... Vous l'additionnerez. Vous additionnerez le temps, ça ne me dérange pas.

La Présidente (Mme Vermette): Direct au ministre.

M. Trudel: D'abord, il faut toujours se souvenir, dans le processus parlementaire, M. le député de Viger, du reproche que nous a fait le président de l'Assemblée nationale, en disant: Les premiers à être saisis d'un projet de loi, c'est les députés de l'Assemblée nationale.

M. Maciocia: Oui.

M. Trudel: La construction... nous avions pris l'engagement en 1998 de le faire avec la moitié de ceux qui paient dans la caisse, les producteurs puis les productrices agricoles, et on s'est engagé aussi à faire en sorte qu'évidemment tout cela passe à travers les mécanismes usuels d'approbation de l'État, le dernier étant le Conseil des ministres, bien sûr.

Ça ne nous empêche pas, oui, de prendre l'engagement formel de dire: Regardez, là, il y a un certain nombre d'indications qu'ils nous fournissent, c'est à ça que ça sert, des consultations. Oui, on va échanger avec le Mouvement Desjardins. Mais là ne complétez pas votre phrase en vous disant: Et vous allez vous rendre à toutes les demandes du Mouvement Desjardins. On va tenir compte, par exemple... J'en annonce tout de suite une aujourd'hui: l'impression de la quasi-banque, ce n'est pas ça, l'intention du législateur. La Financière agricole du Québec, à cet égard, va faire exactement la même chose que faisaient la Société de financement agricole du Québec et la Régie, c'est-à-dire qu'on reçoit des contributions, c'est dans une fiducie, par loi, puis la fiducie place son argent puis ça rapporte au fonds fiduciaire. Ça va être exactement la même affaire, sauf que, si ce n'est pas écrit comme ça, on va s'entendre pour montrer comment, nous autres, on l'écrirait suite à la remarque qui a été faite. Oui à la consultation, mais le gouvernement, c'est le gouvernement puis il va prendre ses responsabilités.

M. Maciocia: Ça, c'est clair, Mme la Présidente. Moi, ce n'est pas ça que je disais, qu'il fallait prendre tout. J'ai dit de faire participer le Mouvement Desjardins à l'élaboration du projet de loi. C'était uniquement ça.

La Présidente (Mme Vermette): J'ai bien compris votre bonne volonté, M. le député de Viger. Alors, je pense que... aussi, le ministre en a pris bonne note et il a fait preuve d'ouverture par rapport à ce que vous posez comme question. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Il y a toute la question au niveau du contrôle. Normalement, une institution financière, une banque, que ce soit une caisse, vous êtes assujettis à une foule de contrôles, vous avez des ratios à respecter. Avec la nouvelle Financière, quelle garantie ou quel contrôle seront exercés sur cette nouvelle institution?

M. D'Amours (Alban): Lorsque nous avons étudié cet aspect du contrôle, évidemment on s'est référé à ce qui était pratiqué dans le cadre des lois antérieures, autant la Loi sur l'assurance-récolte, la Loi sur la Société de financement agricole, pour y découvrir que le contrôle était en grande partie assumé par la voie réglementaire, et, dans ce contexte-là, La Financière n'a pas l'obligation d'avoir recours à la voie réglementaire. Et donc, ce type de contrôle étant inexistant, nous, ça nous inquiète. Et c'est vrai aussi, la voie réglementaire se pratique dans plusieurs lois. Me Dugal pourrait ajouter quelques éléments à cette réponse.

n(17 h 10)n

M. Dugal (Pierre): Bien, je peux vous donner un exemple, au niveau de la Loi sur Financement-Québec. À l'article 10 de la loi, on dit: «La Société peut, avec l'autorisation du gouvernement, acquérir ou constituer toute filiale utile aux fins de la réalisation de sa mission.» On retrouve l'article 23 du projet de loi n° 144, qui prévoit les mêmes pouvoirs, mais sans avoir obtenu l'autorisation du gouvernement. Ça, c'est un exemple dans une loi ou... de Financement-Québec. On retrouve aussi, dans les lois du milieu agricole, plusieurs endroits où les articles... on dit que le gouvernement peut prescrire... la Régie peut adopter des règlements qui sont soumis à la... sous le contrôle du gouvernement, avec ou sans modification. On ne retrouve pas ça dans le projet de loi n° 144. Dans le projet de loi n° 144, La Financière agricole du Québec a le pouvoir de créer des programmes dans le cadre de sa mission, qui est assez large et, à l'intérieur de ça, aucun de ces programmes-là n'est sous contrôle du gouvernement.

Une voix: Ce qui est contraire à ce qu'on a présentement.

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons être obligés de mettre un terme aux échanges, parce que nous avons terminé notre temps et même j'ai laissé débordé un petit peu pour que M. Dugal puisse terminer sa réponse, alors...

M. Trudel: ...prise en considération, il trouvera la réponse pendant la commission.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie beaucoup... et aux membres de la commission.

Alors, je demande au Groupe Promutuel, fédération de sociétés mutuelles d'assurances générales, s'il vous plaît, de bien vouloir prendre place, de s'installer pour que nous puissions procéder le plus rapidement possible.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Nous allons débuter nos travaux, et je demanderais au président du Groupe Promutuel de vouloir bien nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît. Alors, M. Fortier.

Groupe Promutuel, fédération
de sociétés mutuelles d'assurances générales

M. Fortier (Mario): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de la commission, bonjour. Je suis Mario Fortier, président du Groupe Promutuel, et je suis accompagné par Denis Boucher, directeur général et chef de la direction, à ma gauche, et M. Clovis Gagné, vice-président du Groupe et président de Promutuel Beauce.

Mme la Présidente, je viens aujourd'hui vous faire connaître notre position et les suggestions du Groupe Promutuel en ce qui a trait au projet de loi n° 144, qui institue La Financière agricole du Québec. J'aimerais d'ailleurs profiter de l'occasion pour vous remercier de nous avoir transmis l'invitation nous permettant de se prononcer sur ce projet de loi.

Laissez-moi tout d'abord vous parler de Promutuel ainsi que de ses origines qui, vous le verrez, sont très intimement et très profondément liées à notre histoire agricole, et ce, dans toutes les régions du Québec. Nous oserons dire que l'ensemble des sociétés mutuelles d'assurances qui forment le Groupe Promutuel font partie intégrante du patrimoine québécois et même que notre mouvement revêt, de par ses principes mutualistes, un caractère unique au Québec. C'est en 1852, dans le comté de Beauharnois, que naissait la toute première mutuelle incendie, se caractérisant dès le départ par l'adhésion volontaire et individuelle ainsi que par la solidarité des adhérents. C'est de cette première mutuelle, née de la volonté des agriculteurs de s'unir face à l'adversité dans un esprit coopératif, que découlent l'histoire, les orientations et, même après 150 ans, toute la philosophie du Groupe Promutuel.

Mme la Présidente, ce n'est certainement pas le fait du hasard si nous sommes devenus le chef de file en assurance agricole au Québec. C'est tout simplement que nous avons derrière nous plusieurs générations d'écoute fidèle au milieu, donc une compréhension à nulle autre pareille des besoins tout à fait spécifiques des exploitants agricoles. Aujourd'hui, Promutuel est le premier assureur agricole au Québec. Nous assurons, en effet, les biens de deux exploitants agricoles sur trois. Depuis le printemps 2000, nous offrons aussi le financement agricole à notre clientèle. Autre caractéristique intéressante du Groupe Promutuel: des cinq principaux assureurs de dommages au Québec, nous sommes l'un des deux seuls à être de propriété québécoise. Nous sommes aussi le seul mouvement mutualiste d'assurances de dommages au Québec. Mme la Présidente, il y a même un ministre que je connais bien qui se plaît à dire qu'on est la plus grande compagnie d'assurances mutuelles au Québec.

Parlons maintenant de la structure du Groupe. Présent partout en région, le Groupe Promutuel compte 35 sociétés mutuelles autonomes au service de 400 000 membres assurés. Parmi les institutions affiliées, nous comptons le Fonds de garantie Promutuel, qui assume un fonds de liquidités ou d'entraide pour le bénéfice des membres assurés. Son capital est constitué par les sociétés mutuelles. Il y aussi Promutuel Capital, société de fiducie, qui supporte, pour le compte des sociétés mutuelles du Groupe, une gamme de produits de crédit aux particuliers et aux entreprises agricoles de même que des produits d'épargne et de dépôt. La société de fiducie est également un partenaire actif en matière de fonds communs de placement et de cartes de crédit. Promutuel Réassurance, quant à elle, fait bénéficier les sociétés mutuelles, à l'intérieur même du Groupe, de toutes les facilités de réassurance. Le rôle de Promutuel Vie est de proposer aux membres des sociétés mutuelles une gamme de produits en assurance vie, assurance voyage, assurance du vivant, assurance salaire et assurances collectives.

n(17 h 20)n

Après s'être fait pleinement reconnaître dans l'industrie de l'assurance agricole, le Groupe Promutuel a diversifié, à travers les années, ses services en assurances de dommages en y incluant les volets assurance habitation, assurance automobile et assurance des entreprises. En 1988, l'assurance de personnes prenait aussi place dans notre gamme de services. Évolution naturelle des choses, suite logique de nos activités, nécessaire en fonction de pareilles stratégies adoptées par notre concurrence en 1999, Promutuel s'est porté acquéreur d'une société de fiducie, ce qui nous permet maintenant d'offrir une gamme étendue de produits d'épargne et de crédit. Promutuel favorise donc une approche globale, puisque nous sommes en mesure de répondre à tous les besoins d'assurance, d'épargne et de crédit à notre clientèle agricole.

Mme la Présidente, Promutuel est pleinement conscient de l'évolution démographique au Québec, certaines régions allant jusqu'à une diminution de 17 % de la population de 1996 à 2015. Malgré ça, Promutuel se fait un devoir de demeurer en région, mais ce, en conservant les opérations rentables dans notre marché et avec une masse critique d'activités financières. En quelques chiffres, notre croissance annuelle, qui était de 10 % au cours des dernières cinq années, est actuellement de l'ordre de 15 %. Promutuel atteindra bientôt 300 millions de dollars de primes. Notre actif en 1999 a atteint près de 510 millions. Promutuel emploie 1 200 personnes, et ça, il faut retenir... dont plus de 1 000 en région. Nous assurons 400 000 membres avec près de 500 000 polices d'assurance de dommages et de personnes. 70 % des administrateurs de Promutuel viennent du milieu agricole. Trois mots: progression, diversification, modernisation. Le Groupe Promutuel d'aujourd'hui est bien différent de celui d'hier, Mme la Présidente. Une chose demeure: Promutuel est fidèle à ses origines et reste un proche partenaire des exploitants agricoles en région.

Mme la Présidente, voici la position du Groupe Promutuel. Bien que l'esprit du projet de loi semble aller dans la même direction que les lois qu'il remplace, le Groupe Promutuel trouve important de présenter ses préoccupations. Ce projet de loi confère notamment à La Financière agricole du Québec le pouvoir d'établir des programmes en matière de protection du revenu, d'assurance et de financement agricole. Étant un groupe québécois d'assurance de services financiers de type mutualiste, privilégié de la clientèle agricole québécoise depuis près de 150 ans et membre de la Société de financement agricole, par le biais de sa société de fiducie, le Groupe Promutuel veut continuer de développer sa capacité de gérer l'offre de produits d'assurance et de services financiers selon une approche d'offre globale. Il est louable que La Financière agricole du Québec continue de jouer un rôle important dans le secteur agricole et agroalimentaire au même titre que la Régie des assurances agricoles du Québec et la Société de financement agricole ont pu le faire avantageusement jusqu'ici. Nous appuyons les programmes qui existent déjà, tels que l'assurance stabilisation des revenus et l'assurance récolte.

Toutefois, la préoccupation du Groupe Promutuel réside dans la possibilité que cette nouvelle société commence à jouer le même rôle que les assureurs québécois, les mutuelles d'assurance et les institutions de dépôt québécoises telles que les sociétés de fiducie et les caisses d'épargne et de crédit. En fait, le Groupe Promutuel demande que La Financière agricole du Québec n'ait pas l'opportunité de présenter des produits et services déjà offerts par les assureurs et les institutions de dépôt de souche québécoise afin que les forces du marché continuent de s'exercer dans un contexte de saine concurrence, et ce, pour le plus grand bénéfice des secteurs agricole et agroalimentaire et des institutions financières québécoises.

En suggestion... Le but de cette suggestion est de garantir aux institutions financières établies au Québec que la mission de La Financière agricole du Québec, dans les secteurs de l'assurance et du prêt, demeure semblable à celle de la Régie des assurances agricoles du Québec et de la Société de financement agricole. Nous souhaitons que le deuxième alinéa de l'article 3 soit modifié de la façon suivante: «Elle met à la disposition des entreprises des produits et des services en matière de protection de revenu, d'assurance et de financement agricole adaptés à la gestion des risques inhérents à ce secteur d'activité. Sont exclus des produits et services d'assurance les produits offerts par les assureurs titulaires d'un permis délivré en vertu de la loi sur les assurances et les produits offerts par les caisses d'épargne et de crédit au sens de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et les sociétés de fiducie au sens de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne.»

Suggestion n° 2: Le but de cette suggestion vise à ce que le public garde un droit de regard sur les programmes d'assurance et l'octroi de prêts qui seront mis sur pied pour éviter que La Financière agricole du Québec fasse concurrence aux institutions financières établies au Québec. Nous souhaitons que l'article 20, in fine, soit modifié de la façon suivante: «Ces programmes sont publiés à la Gazette officielle du Québec. Les programmes établissant un régime d'assurance et prévoyant l'octroi de prêts sont établis par règlement soumis à l'approbation du gouvernement.»

Ceci étant dit, dans son domaine, le Groupe Promutuel est volontaire pour s'impliquer dans la privatisation directe ou indirecte d'activités de La Financière agricole du Québec. À titre d'exemple, mentionnons que l'assurance récolte est une activité qui doit demeurer en propre à La Financière agricole du Québec. Le Groupe Promutuel a déjà montré son intérêt et présenté une proposition quant à la réassurance du programme établi par la Régie des assurances agricoles du Québec.

En conclusion, Mme la Présidente, nous espérons que ce bref exposé aura sensibilisé les membres de la commission sur les enjeux considérables de ce projet de loi si aucune balise n'est imposée. Nous remercions les membres de la commission de l'attention qu'ils accorderont à nos préoccupations.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, merci, M. Fortier. Je vais passer immédiatement la parole au ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Fortier. Je le redis, je le maintiens, la plus grande... les chiffres sont là pour le prouver, alors je ne fais que décrire la réalité, cette grande compagnie d'assurances dans le monde agricole. Vous ne faites qu'étayer mon affirmation de grande entreprise financière québécoise bien installée au coeur des régions avec vos sociétés. C'est une belle réalisation québécoise, comme dans beaucoup d'autres.

Bon, ceci étant dit, maintenant qu'on s'est assez vantés mutuellement, on va se piquer un peu. Bien, on vous comprend comme message, le premier grand message, c'est: Ne venez pas faire dans La Financière agricole du Québec ce qu'on pense faire bien dans le secteur privé. On pourrait dire ça de cette façon-là par la suggestion que vous nous apportez de modifier l'article... c'est l'article 20, je pense, l'article 3 et également l'article 20 qui va être touché par cela.

La volonté du législateur, c'est celle-là. C'est-à-dire que la volonté du législateur, ce n'est pas d'aller remplacer les établissements ou les institutions financières privées qui font de la... on va appeler ça de l'assurance de dommages, avec tous les produits que vous avez énumérés. Non, on veut poursuivre la mission historique, en fait, dans ce qu'on a appelé un grand bout de temps l'Office du crédit agricole et la Société de financement agricole, d'être capable d'en faire plus parce que, si cela a été établi, je pense qu'on se comprend vite en disant que c'est parce que les établissements privés ne pouvaient pas assumer ce niveau de risque là. Les institutions financières n'assumaient pas suffisamment, à la volonté de l'État, la partie financement puis la partie des régimes d'assurance stabilisation et d'aide à la stabilisation du revenu des producteurs agricoles. Ce n'est pas ça l'intention du législateur, puis on va la regarder comme il faut, votre suggestion, puisque ce n'est pas notre intention.

Mais, par ailleurs, la volonté des parties, des payeurs, dans le fond, le gouvernement et les producteurs, c'est de dire: Avec les montants d'argent qui seront à notre disposition, on va se donner le maximum d'instruments pour arriver à soutenir la stabilité, le développement des entreprises agricoles. Parce que, dès lors qu'il y du développement, vous allez en avoir plus à assurer, vous autres, là. On n'ira pas faire de l'assurance de bâtiment, ça, c'est sûr et certain.

n(17 h 30)n

Je vous rappelle qu'il faut aussi, M. le président, je sais qu'il faut que ça se finisse par une question, là. Je vous rappelle, M. le président, qu'avec le projet de loi du 16 juin il y aussi la convention qui va arriver en même temps entre le gouvernement et La Financière agricole du Québec. Et, dans la convention et dans la loi, là, il y a des exigences que je pourrai énumérer tout au cours de l'étude article par article sur les contrôles gouvernementaux que vous demandez.

Vous demandez, par exemple, que les programmes soient publiés dans la Gazette officielle du Québec. La réponse, c'est oui. Les programmes de La Financière agricole du Québec seront publiés dans la Gazette officielle du Québec. Mais vous demandez un petit peu plus, qu'ils reçoivent l'approbation du gouvernement, et là ça a été l'objet d'une année de discussions, ça.

Nous avions à choisir, ou le gouvernement continuait d'approuver chacun des programmes ou il se mettait à faire confiance aux producteurs agricoles et à ses partenaires d'État en disant: Je vous donne une enveloppe de 300 millions, et vous allez tout faire le travail avec cela. Avec 300 millions, pas moins, mais pas plus, c'est 300 millions. Vu qu'au cours des 10 dernières années la moyenne des coûts de tous ces programmes-là, ça a été 243 millions, on dit: On vous donne 57 millions de plus, plus l'entente qu'on a arrachée au fédéral de la part du Québec dans les programmes de contribution au revenu, puis, troisièmement, la contribution des producteurs et des productrices agricoles.

Oui, il y a un risque, mais je vous invite à lire ? je vais tout prendre le temps si je continue ? toutes les approbations qui seront nécessaires à La Financière agricole du Québec. Comme, par exemple, la société établit annuellement un plan d'affaires et rend compte au ministre des résultats de ses actions, notamment par la production d'un rapport annuel, un plan d'affaires annuel. La société établit et transmet au ministre un plan de développement triennal. S'ils veulent assurer votre grange, là, il faut qu'il y ait une prévision dans le plan triennal approuvée par le gouvernement. Et, je le répète, les plans devront être approuvés par le gouvernement, c'est dans la loi, et ils vont être obligés ? parce que, moi, je gère aussi une partie de votre argent, M. Fortier, l'argent de vos impôts ? de faire un rapport aux trois mois sur l'évolution financière. Disons qu'on fait confiance, mais on met un thermomètre pour le voir. Il y aura un manomètre, comme sur la pompe, pour voir l'évolution de la société. Et le degré de confiance part à 100 %, puis on verra à l'évolution du manomètre.

Dans la mesure, M. le Président, où nous arriverions à nous donner les assurances nécessaires ? sans jeu de mots ? qu'on n'ira pas jouer ailleurs que dans la cour de la stabilisation du revenu, du soutien aux accidents en cas de revenu... du soutien en cas de catastrophe et du financement des entreprises par les banques et les caisses en termes de garanties de prêts, en autant qu'on arrivera à ça, La Financière agricole du Québec, c'est-u une bonne idée?

Le Président (M. Paré): M. Fortier.

M. Fortier (Mario): Je dirais que, sur la proposition que vous faites, comme on dit souvent chez nous, si vous ne venez pas jouer dans nos platebandes, La Financière agricole est toujours bien vue. Qu'est-ce que Promutuel a fait depuis 150 ans, il l'a bien fait. Je voudrais vous reprendre là-dessus, M. le ministre, quand vous dites: Je pense qu'il a bien fait, moi, je suis certain qu'il a bien fait. Je pense que Promutuel est là, quand on parle de protection de revenus, pour travailler avec La Financière agricole sur des points, que ce soit de privatisation ou autres. Où est-ce qu'on est compétents dans des positions, que La Financière agricole soit capable de nous convoquer, de nous contacter, de voir en sorte qu'est-ce qu'on est capables de faire ensemble. Vous avez dit tout à l'heure, j'écoutais, parmi vos allocations qu'il faut bâtir ensemble, et je veux que Promutuel soit dans ce visage-là quotidien à La Financière agricole, que Promutuel soit là pour prendre encore plus de place avec les éléments qui l'ont fait croître depuis plusieurs années, avec le nouveau visage qu'il se donne en offre globale de produits.

On parle de protection de revenus, je pense que ça en est un, ça, Promutuel. Sur juste la question... ôtez le visage de Promutuel au Québec en assurance agricole... On parlait tout à l'heure dans mon discours, disant qu'il y avait deux fermes sur trois au Québec qui étaient assurées de Promutuel, ôtez ça demain matin, vous allez voir quel prix que les gens en assurance vont pouvoir demander aux agriculteurs du Québec. C'est une subvention. Je pense que c'est important qu'on dise que le visage de Promutuel est présent partout. Et si, en complémentarité d'action, on peut intervenir avec La Financière agricole, pour moi, à date, La Financière, comme je le disais tout à l'heure, si elle prend les mêmes barèmes qu'elle a fait travailler avec la Régie ou avec le financement agricole, ils font un tout et qu'ils sont capables de travailler avec des interlocuteurs habiles à faire des projets avec eux, pour moi, bravo à tout ce document.

M. Trudel: Bien, M. Fortier...

Le Président (M. Paré): M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Trudel: Merci, M. Fortier, M. Boucher, madame... Bon, Mme Lachance n'est pas là...

M. Fortier (Mario): Non, M. Gagné.

M. Trudel: M. Gagné. Bon, M. Gagné qui est là. C'est clairement la volonté du législateur, simplifier, augmenter l'efficacité, faire plus avec le capital disponible, garantir l'engagement de l'État pour la première fois en Amérique du Nord. Premier État à s'engager sur sept ans. Parce que vous, il y a du monde qui va emprunter chez vous aussi, hein? Il y a du monde qui va emprunter chez vous, et je parie que la première question que vous leur posez, si vous n'avez pas déjà la réponse, c'est: Le gouvernement, il va-tu être encore là en assurance stabilisation puis en cas de catastrophe? S'il passe une sacrée tempête, un sacré verglas, hein, est-ce que, moi, tu vas être capable de me payer, mon cher producteur ou productrice agricole? Il va pouvoir vous montrer une loi qui va garantir que le gouvernement est là avec les producteurs pendant la prochaine période de sept ans. D'autres diront: Bien, pourquoi pas pendant 14 ans? Ah, bien là on ne peut pas s'engager pour l'éternité, à moins que ça soit mutuel, comme vous faites, c'est-à-dire qu'on s'engage à maintenir ce gouvernement-là pour l'éternité aussi au pouvoir. Ça, je suis prêt à regarder ça aussi.

Est-ce que vous convenez, M. le Président ? question terminale ? qu'il y a quand même un certain nombre de risques que, comme entreprise financière, vous ne pouvez pas rencontrer? Exemple très concret, parce que nous avons eu l'occasion d'échanger, les vents violents qu'il y a eu dans l'Estrie et dans la Beauce à l'été 1999, les tubulures ont toutes été écrasées, sacrées à terre, comme on dit dans un langage peu poétique, scrapées. Bien sûr que des compagnies privées assurent les tubulures, mais c'est le même prix que le coût de la tubulure, hein? Si ça coûte 4 000 $, 5 000 $ de remplacement, le coût de la prime est de 4 000 $, 5 000 $. Ce que vous dites, c'est que vous seriez prêts à faire du partage de risque avec La Financière pour assurer certains produits dont le risque tout seul est trop élevé pour vous? C'est ça que vous nous dites?

Le Président (M. Paré): M. Fortier.

M. Fortier (Mario): M. le ministre, je pense que, sur la question que vous posez, elle est grande, il faut aller en consultation avec nos gens là-dessus, mais je peux vous dire tout de suite, de prime abord, que Promutuel est là pour travailler sur ce genre de risque. On a des réassureurs qui ont travaillé ? courtage en réassurance ? dans trois provinces canadiennes à établir des plans de réassurance pour chacune des provinces, je pense qu'on est capables de travailler ensemble sur chacune des élaborations. C'est pour ça que je vous dis que Promutuel veut être présent à travailler dans ce système-là et à regarder avec vous, avec vos gens la possibilité d'un partenariat.

n(17 h 40)n

M. Trudel: Conclusion, merci. Et, avec ce merci, vous comprendrez que, pour La Financière, plus on va être à partager des risques, plus il va en rester pour d'autres choses vu que l'enveloppe va toujours être de 300 millions. C'est un incitatif puissant. Merci de votre contribution, on va regarder le mémoire aussi ligne par ligne.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre, merci. Nous allons passer maintenant avec le député de l'opposition, le député d'Argenteuil. Alors, M. le député.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Bienvenue à votre entreprise parmi nous. D'entrée de jeu, je tiens à souligner que vous avez un de vos comptoirs qui est situé à Saint-Benoît-de-Mirabel et je tiens à confirmer vos propos à l'effet que vous êtes une organisation qui est bien implantée dans les régions, qui donne un très bon service aux agriculteurs, et vous faites partie vraiment du milieu agricole en région.

Je pense que vous avez raison d'être craintifs vis-à-vis du projet de loi compte tenu de la façon que l'article est libellé. Et le ministre nous a fait état qu'il y avait une entente administrative, convention qui serait signée entre le ministère et la nouvelle Financière, mais, si c'est si clair et si le ministre et si le gouvernement n'ont pas l'intention d'aller jouer dans vos platebandes, pourquoi ils ne le disent pas clairement dans la loi, tel que vous le suggérez? Alors, ma question est la suivante: À défaut de rester avec l'article, la façon dont il est libellé présentement, quelle garantie avez-vous que le gouvernement ou La Financière n'ira pas nécessairement jouer dans vos platebandes d'ici un an, six mois, deux ans, trois ans?

M. Fortier (Mario): Bien, je pense que déjà d'avoir une garantie du ministre, ça vaut beaucoup. Je suis agriculteur moi-même depuis 43 ans ? parce que j'ai 43 ans ? je pourrais vous dire qu'on a travaillé en agriculture assez longtemps pour vous dire qu'on a monté des exploitations avec le gouvernement qui était en place, avec toutes les années qui peut y avoir démontré... Et, sur le suivi, je pense, des dossiers, que ce soit de la Régie, du financement agricole, qui a été démontré dans mon allocution, même ça a été dit qu'on était pleinement satisfaits des besoins qui avaient été toujours donnés. Je pense que déjà cette confiance-là est déjà présente, je demande juste au ministre de regarder ce point. Il m'a répondu de cette façon, que ça va être lu ligne par ligne, que ça va être regardé, qu'il ne viendra pas en compétition avec nous dans le champ, en assurance de dommages, et je pense qu'avec la complémentarité que Promotuel peut leur amener, qui peut être regardée à La Financière agricole... déjà, je pense qu'avec nos gens ça peut déjà satisfaire amplement.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député.

M. Whissell: Oui. Vous savez, Mme la Présidente, vous savez messieurs, le ministre faisait état d'une enveloppe de 300 millions et, ainsi, garantissait qu'il ne manquerait pas de fonds dans La Financière. Mais il faut quand même être prudent parce que le ministre a fait état lui-même que son 300 millions, il l'a construit en prenant la moyenne des 10 dernières années, en rajoutant un 45 millions puis, après ça, en extrapolant ça sur sept ans, en maintenant toujours 300 millions pour les sept prochaines années. Alors, il faut être quand même prudent parce qu'il n'y a pas de nouvel argent là-dedans, et le risque, il faut qu'il soit bien évalué. Et, il n'est pas dit qu'il ne manquera pas de fonds à un moment donné, il peut arriver des catastrophes. J'admets que, vous, vous n'assurez pas nécessairement des risques, ce qu'on appelle souvent des acts of God. Vous, c'est plus de l'assurance de personnes, de l'assurance de bâtiments, de l'assurance automobile, couverture d'assurance civile également, mais il faut quand même être très prudent.

Et l'article que vous soulevez, c'est-à-dire l'alinéa 2 de l'article 3, je pense qu'il y aurait lieu que vous exigiez qu'il soit précisé parce que ça laisse une porte grandement ouverte... Si vraiment vous voulez protéger vos acquis, ça fait 150 ans que vous êtes impliqués dans le milieu agricole, il y aurait lieu d'exiger du ministre, pas seulement prendre sa parole en considération. Vous savez, le ministre, il est là présentement. Dans six mois, probablement que ça va être un autre ministre. Puis, dans deux ans, ça va être un autre gouvernement. Alors, je pense qu'il y aurait lieu de maintenir la pression et d'exiger qu'il y ait des clarifications au niveau de l'article 3.

Il y a toute la question de l'approbation des programmes. Le ministre se veut rassurant en vous disant: Bon, bien, une fois par année, vous devrez avoir le plan qui sera approuvé ? le plan d'affaires ? et il y aura également un plan triennal qui sera approuvé. Mais ces plans-là ne feront pas état des programmes, et, lorsqu'il y aura une modification de programme, vous ne serez pas consultés. Et, ne vous laissez pas endormir par les propos du ministre, un plan, c'est une chose, un programme, c'en est une autre. Et je pense qu'il y aurait lieu de vous poser des questions également à ce niveau-là, parce que les programmes, c'est facile pour le gouvernement de faire des modifications, de rajouter, mais, à partir de maintenant, dans les programmes d'assurance, il y a de l'assurance de personnes, il y a de l'assurance de biens matériels, et actuellement vous n'avez aucunement la garantie qu'un jour cette nouvelle société pourra aller jouer dans vos platebandes.

Au niveau des services financiers, j'aimerais que vous m'expliquiez la nature des services financiers que vous couvrez, que vous offrez. Il est clair que vous offrez de l'assurance, ça, je pense que ça a bien été expliqué. Mais, au niveau des services financiers, si j'ai bien compris, au cours des dernières années, vous avez ajouté une gamme de services à vos clients. Est-ce que vous pouvez nous expliquer brièvement le contenu des services financiers?

M. Fortier (Mario): Je vais laisser M. Boucher répondre là-dessus.

M. Boucher (Denis R.): En fait, les services financiers qui sont dispensés par nos soins comportent généralement ce qu'on voit comme produits de financement, financement hypothécaire résidentiel. Nous procédons à des financements agricoles assurés, non assurés, des fois pour notre propre compte, des fois en partenariat avec une institution bancaire, qui est la Banque Nationale du Canada, notamment, avec qui on procède aux analyses de crédit. On a également toute la panoplie de tout ce qu'on appelle les produits de dépôt: les certificats de placement garanti, les régimes d'épargne-retraite. Nous faisons la distribution de fonds communs de placement, fonds mutuels. Ça fait que, somme toute, en région, une gamme assez complète de produits tant d'épargne que de crédit. Mais nous sommes particulièrement ciblés du côté du financement agricole, qui est notre base traditionnelle.

M. Whissell: Quel est votre point de vue sur toute la question de la gestion du fonds? Les caisses populaires, qui ont passé avant vous, ont élaboré largement sur la question. Vous, quelle est votre position vis-à-vis de la disposition qui sera faite du fonds, c'est-à-dire qu'il est laissé entre les mains de La Financière? Parce que, dans le fond, vous êtes une entreprise de financement également, vous pourriez être intéressés à gérer ces fonds. Quel est votre point de vue à cet égard?

M. Fortier (Mario): Bien, je pense que ça revient à la platebande du groupe qui était là avant nous, dû aussi, hein... Je pense qu'on ne voudrait pas que La Financière concurrence directement Promutuel. Aussi bien en services financiers, on est là, on est présents. Comme je vous dis, on assure 70 % des agriculteurs au Québec, on est capables d'en voler un petit peu à Desjardins puis aux banques pour donner à Promutuel encore plus d'aisance au domaine financier.

M. Whissell: Alors, pour préciser votre réponse, êtes-vous en faveur de la façon que c'est proposé ou vous êtes craintifs?

M. Fortier (Mario): Bien, je pense que de qu'est-ce que j'ai entendu tout à l'heure sur l'amendement que M. le ministre veut proposer au vingt-deuxième article, l'article 22, sur les changements qu'il doit y apporter, disant que... Sur l'élaboration que j'ai bien entendue tout à l'heure, je pense que ça convient aux gens de Promutuel, là, sur l'enlignement qui a été installé pour le ministre.

M. Whissell: Comme institution financière et assureur également, quel est votre point de vue au niveau du droit de regard sur toute la question de cette nouvelle Financière, son contrôle par l'État? Est-ce que vous êtes indifférents à ce que le contrôle soit effectué de la façon qu'il est proposé, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas assujettie au même contrôle que vous, ou les caisses, ou une banque? Comment vous sentez-vous vis-à-vis ce point de vue?

n(17 h 50)n

M. Fortier (Mario): Bien, comme je disais tout à l'heure, je me sens bien même si on a des points d'interrogation. On a entendu des choses tout à l'heure, j'en ai entendu encore présentement. Vous disiez tout à l'heure qu'il ne faudrait pas se faire endormir par le ministre. Je ne pense pas que je me fasse endormir par le ministre, je vais plutôt l'achaler puis je vais aller lui proposer des solutions qui vont faire que La Financière agricole et le Groupe Promutuel vont devenir encore plus forts au Québec.

M. Whissell: ...il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Vermette): Il reste cinq minutes.

M. Whissell: O.K

Une voix: ...

M. Whissell: Oui, je pense que je vais laisser...

M. Maciocia: Une petite question au ministre: Est-ce que La Financière sera assujettie au Vérificateur général?

M. Trudel: Oui, oui, oui.

M. Maciocia: En totalité?

M. Trudel: Attendez un peu, je vais me reprendre, la réponse, c'est oui, oui, oui.

M. Maciocia: En totalité?

M. Trudel: En totalité, et ce sera dans le périmètre comptable du gouvernement. Alors, ce sera dans le périmètre comptable du gouvernement et ce sera soumis au Vérificateur général du gouvernement. Et, ça ne peut pas souffrir de nuance, ni de dièse, ni de bémol, la blanche au fond, c'est soumis au Vérificateur général.

M. Maciocia: O.K.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député, vous aurez la chance, quand on fera l'étude article par article, de vérifier à l'article 45.

M. Maciocia: Oui.

M. Trudel: Mais c'était une bonne question.

La Présidente (Mme Vermette): Ha, ha, ha! C'est terminé? Vous avez terminé? Alors, on remercie les gens.

M. Trudel: ...M. le producteur agricole et, par ailleurs, président d'une institution financière. Et j'en profite aussi pour remercier Promutuel de beaucoup d'autres collaborations avec les productrices et producteurs agricoles du Québec pour faire en sorte que cette profession soit de plus en plus valorisée à travers le Québec. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, nous ajournons nos travaux à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 52)



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