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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 6 février 2001 - Vol. 36 N° 32

Consultations particulières sur le projet de loi n° 184 - Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je constate que nous avons le quorum, nous allons débuter nos travaux. Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 184, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives.

Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Lafrenière (Gatineau). On m'a informé également que M. Brodeur (Shefford) et M. MacMillan (Papineau) pourraient éventuellement participer aux travaux, en vertu de l'article 132.

Mémoire déposé

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. À ce moment-ci, j'aimerais aussi déposer un mémoire qui a été reçu. Je dépose le mémoire de la MRC de Coaticook. Cet organisme ne figure pas parmi les groupes qui sont sur nos listes d'invités, mais le mémoire est pertinent quant à notre mandat, alors je le dépose.

Je rappelle que le temps est de 30 minutes pour chaque groupe et qu'il est divisé en deux. Alors, il y a 15 minutes pour l'exposé de l'organisme et 30 minutes en tout pour les échanges avec les membres de la commission. Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui aimeraient faire des remarques préliminaires? M. le ministre peut-être?

M. Trudel: ...Mme la Présidente, merci. Je crois que nous avons une quinzaine de minutes pour les remarques préliminaires?

La Présidente (Mme Vermette): Ah! non, c'est vrai, je devrais demander... Non. Si vous avez des remarques préliminaires, oui, 15 minutes.

Remarques préliminaires

M. Rémi Trudel

M. Trudel: Une quinzaine de minutes. Très bien. Alors, merci, Mme la Présidente. Nous allons d'abord souhaiter la bienvenue à tout le monde à l'occasion de cette consultation, consultation particulière à l'égard du projet de loi n° 184 sur la protection des activités agricoles dans le territoire agricole.

Nous allons, Mme la Présidente, je le souhaite bien, avoir l'occasion également, pendant ces trois longues journées, profiter de cette occasion pour faire ce que j'appellerais ? du moins ce sera un des objectifs que je poursuivrai ? de la pédagogie, c'est-à-dire donner de l'information, beaucoup d'information sur ce qu'on pourrait appeler les tenants et les aboutissants de la pratique et des pratiques agricoles sur l'ensemble du territoire québécois dans les 1 177 municipalités du Québec qui ont une zone agricole. C'est extrêmement important qu'on puisse profiter de cette occasion pour éclairer davantage le débat parce qu'il y a débat dans la société à l'égard des pratiques agricoles des entreprises agricoles du Québec. Et ce débat qui se déroule actuellement dans plusieurs lieux sur le territoire québécois, eh bien, il implique des dimensions sociales extrêmement importantes.

Il faut profiter de l'occasion où nous allons entendre un très grand nombre de groupes sur leur perception des modifications à la loi qui sont proposées dans le projet de loi n° 184 pour bien saisir toutes les dimensions de ces modifications et de la pratique en général de l'agriculture au Québec et également bien sûr, quand on dit pratique agricole, pratique de l'agriculture, les effets. On ne produit pas en agriculture sans qu'il y ait des effets sur, bien entendu, les voisins, la terre, l'environnement en général, des conséquences évidemment aussi économiques, puisque c'est l'activité principale.

Dans 13 régions du Québec, ça représente plus de 10 % des emplois, ce que nous allons débattre au cours des prochains jours. Ça signifie donc aussi que ce sont des hommes et des femmes, et des jeunes en particulier ? ça sera le premier groupe que nous entendrons ce matin, Mme la Présidente ? qui vivent de cette profession de cultiver la terre, de la faire produire et aussi de la protéger pour assurer la pérennité, le renouvellement, la poursuite à long terme des activités agricoles, des activités de culture et d'élevage dans l'ensemble des régions du Québec.

n (9 h 40) n

Parce que aucune région du Québec n'échappe à cette réalité formidable du développement économique lié à l'agriculture et à l'agroalimentaire. Le signe le plus spectaculaire que nous pouvons probablement donner de cela, c'est que 54 % du grand territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal renferme 54 % de terres agricoles. En fait, les meilleures terres agricoles du Québec sont situées dans un rayon de 45 km du coin Peel et Sainte-Catherine, à Montréal. Placez-vous sur le coin Peel et Sainte-Catherine, à Montréal, et donnez-vous un rayon de 45 km et vous allez y retrouver la très grande majorité des sols agricoles et les meilleurs sols agraires du Québec. Ça signifie donc qu'aucune des régions du Québec ne serait... Pour mettre ça à la positive, toutes les régions du Québec sont impliquées dans le développement, le maintien et la croissance des activités de l'agriculture ? et là il faut ajouter tout de suite un autre mot ? agroalimentaire sur l'ensemble du territoire québécois.

Le projet de loi n° 184, il va s'intéresser bien sûr davantage à la production. Mais, dès qu'on parle production, on parle aussi de transformation de ces produits de la terre, ce qui implique que d'autres familles, d'autres hommes et femmes vivent de cette industrie, à partir du moment où nous faisons produire la terre dans un certain nombre de conditions. En fait, il faut rappeler ces deux dimensions. Il y a 400 000 familles au Québec qui vivent du secteur de l'agroalimentaire, c'est-à-dire de la production sur la terre à aller jusqu'à la table. Et c'est une chaîne continue. Quatre cent mille familles tirent leur revenu quotidien d'un travail relié à l'agroalimentaire.

Deuxième dimension. Dès le moment où nous avons produit et que nous allons vers la transformation, la distribution et la vente de nos produits, eh bien, nous entrons dans le secteur manufacturier, nous transformons ces ressources. Soixante mille familles au Québec vivent, tirent leur revenu hebdomadaire de la transformation des produits de la terre au Québec, ce qui en fait le premier secteur manufacturier au Québec. C'est étonnant, parce que, dans la valse des mots, des expressions et des images qui circulent, on a souvent tendance à penser que le grand secteur manufacturier, celui qui transforme les produits au Québec, ce serait le transport, ce serait l'aérospatiale, ce serait le multimédia, ce seraient d'autres secteurs qui ont davantage la cote dans nos médias d'information. Eh bien, la réalité, c'est que le premier secteur manufacturier au Québec, 60 000 emplois, c'est le secteur de la transformation des produits de la terre. Ça décrit donc l'importance de ce secteur d'activité.

Quand cette activité a une telle importance au Québec, il faut l'encadrer. C'est une activité qui, répétons-le, se déroule sur l'ensemble du territoire québécois. Ça veut donc dire qu'il y a une responsabilité de gouvernement, une responsabilité d'État d'encadrer la profession de produire sur la terre, avec la terre au Québec. Et toute cette réglementation, cet encadrement ils débutent formellement en 1978.

En 1978, pour la première fois au Québec, après 30 ans de revendications, en particulier des productrices et des producteurs agricoles, est adoptée la loi sur le zonage agricole. Il faut rappeler ça parce que parfois, dans la multitude des événements et des séquences, on oublie cette séquence historique. 1978, l'État fait un choix: on ne pourra plus pratiquer n'importe quelle activité sur une terre qui est propre à produire des résultats au plan agricole. Ça s'appelle le zonage agricole, la zone verte, au Québec. 1 177 municipalités au Québec ont une zone ? on va employer l'image ? peinturée verte qui, dans cette zone... On va réserver cette zone à la pratique agricole, et quiconque voudra y pratiquer une autre activité devra demander la permission et obtenir l'autorisation d'une commission indépendante du gouvernement, la Commission de protection du territoire agricole, de 1978 jusqu'en 1996. Parce qu'on s'apercevra, au cours du déroulement de cette période, de 1978 jusqu'à 1996, qu'il y a une autre réalité qui s'impose aux collectivités québécoises, particulièrement les collectivités des régions. Si l'État a décidé d'encadrer l'occupation du territoire, on se rendra compte qu'il faudra aussi protéger les activités agricoles.

En 1996, sera adoptée une loi, la loi qui vise à favoriser la protection des activités agricoles dans la zone agricole, une étape majeure. Le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Agriculture s'entendront pour dire: Dorénavant, dans la zone verte protégée depuis 1978, il y aura priorité aux activités agricoles, dans la zone verte du Québec, dans la pratique des activités qui seront permises sur ce territoire. Non seulement depuis 1996, donc, protège-t-on le territoire, mais on protège les activités agricoles dans cette zone verte.

En 1997, donc une année plus tard, est entrée en vigueur cette Loi sur la protection des activités agricoles dans la zone agricole, avec toute une série de devoirs, d'obligations, de responsabilités à l'égard de ce qui est maintenant connu comme étant la cohabitation harmonieuse sur ce territoire. Parce que, nous, ceux et celles qui pratiquent l'agriculture, nous avons bien sûr des voisins et des voisines, nous avons des hommes et des femmes qui habitent le périmètre urbain et nous devons nous donner des règles pour soutenir la cohabitation harmonieuse.

Les règles que nous avons établies en 1996 et qui sont entrées en vigueur en 1997, eh bien, ces règles demandent des ajustements. C'est ce que prévoit essentiellement le projet de loi n° 184, une loi qui vise à corriger certains irritants et à aller plus loin pour établir la cohabitation harmonieuse sur un territoire vert au Québec lorsqu'on fait la pratique de l'agriculture. Et, on le verra pendant cette commission, la pratique des activités agricoles, comme dans toute autre espèce d'entreprise, elle comporte des effets secondaires, elle comporte des résultats qui ne sont pas la pratique elle-même, ça s'appelle des produits qui sont mis en circulation dans l'environnement. Il faut donc s'assurer, dans cette cohabitation harmonieuse, qu'il y ait protection adéquate au niveau de l'environnement.

On a senti, on a vu et s'est exprimée au cours des dernières semaines une expression très claire, extrêmement claire des productrices et des producteurs agricoles, qui ont décidé de franchir un autre pas après celui de 1997 vers la protection de l'environnement et de la terre qui les fait vivre. On a même, vous avez pu le constater, envers et contre plusieurs qui ne voulaient pas que cela arrive, dimanche dernier, le 4 février, signé une entente avec les productrices et les producteurs de porc au Québec, production qui est questionnée largement... Je conclus...

La Présidente (Mme Vermette): J'imagine que c'est votre conclusion, M. le ministre?

M. Trudel: Oui, très bien, Mme la Présidente, parce qu'on va s'habituer tout de suite à respecter les règles.

La Présidente (Mme Vermette): Voilà.

n (9 h 50) n

M. Trudel: La conclusion. Les productrices et les producteurs agricoles du Québec ont décidé, suite au rapport Brière d'octobre dernier, d'accélérer, d'accentuer et de prendre le virage vert au Québec, de faire en sorte que leurs pratiques agricoles soient respectueuses de l'environnement. Et ça va aller jusqu'à l'établissement de l'écoconditionnalité ? et je conclus là-dessus, Mme la Présidente. Cette loi indique que dorénavant va s'appliquer le principe de l'écoconditionnalité, c'est-à-dire je pourrai, comme productrice, comme producteur agricole, bénéficier des programmes d'assurance et de sécurité du revenu dans la mesure où je respecterai intégralement les normes, règles, règlements et lois du ministère de l'Environnement; un pas significatif, spectaculaire de la part de ceux et celles qui dirigent les entreprises agricoles au Québec et de beaucoup d'autres dimensions, Mme la Présidente, qui nous intéresseront pendant l'étude, les consultations, à l'égard du projet de loi n° 184 sur les activités agricoles au Québec.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je donnerai la parole au député d'Argenteuil. En fait, vous partagez le temps, vous avez 15 minutes pour les deux, chez vous.

M. David Whissell

M. Whissell: Alors, merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, permettez-moi de souhaiter la bonne année aux membres de cette commission. C'est nos premiers travaux en cette année 2001, M. le ministre, chers membres de la commission, également chers invités qui vont participer à ces travaux si importants.

Mme la Présidente, je pense que le ministre a brossé un peu l'historique de la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Effectivement, en 1978, il y a une loi au Québec qui est venu protéger les terres agricoles, qui est venu protéger la production agricole, les activités, encadrer l'usage que nous pouvons faire de nos terres agricoles. Avec les années, on s'est rendu compte qu'il était nécessaire d'apporter certains amendements législatifs pour permettre la cohabitation justement entre le monde rural et le monde urbain ou encore des fois une cohabitation avec les gens qui utilisaient ces terres agricoles si indispensables dans nos communautés.

En 1996, Mme la Présidente, nous étions ici, à l'Assemblée nationale, à adopter une loi que nous avions appelée à l'époque la loi n° 23, qui avait été nommée droit de produire. Cette loi était censée venir une fois pour toutes éliminer les irritants qui subsistaient dans nos zones agricoles. Je tiens à vous faire mention ici du transcript du ministre de l'époque, qui nous disait, en cette fin de session, le 19 juin 1996, et je le cite: «Cependant, je voudrais aussi vous dire que ça va permettre d'assurer la protection adéquate du territoire agricole qui va permettre aux agriculteurs et agricultrices d'exercer leurs activités à l'intérieur d'une zone agricole dans une perspective de développement durable et de cohabitation harmonieuse.» C'était en 1996. Je pourrais vous faire une autre citation où on disait qu'il était nécessaire d'avoir un consensus et que cette loi de l'époque, la loi n° 23, venait une fois pour toutes régler tous ces irritants.

Mme la Présidente, l'opposition officielle, l'opposition libérale, à l'époque, s'était prononcée en faveur du principe de cette loi, parce que, nous aussi, de ce côté-ci de la table, nous voulons assurer la pérennité du monde agricole, nous voulons que le monde agricole au Québec puisse se développer, puisse se maintenir et également nous voulons assurer que les gens qui habitent, qui utilisent cette zone à d'autres fins que l'agriculture puissent également avoir une qualité de vie décente en fonction des règles environnementales que nous connaissons.

Au courant de l'année passée, Mme la Présidente, et toujours de gens du gouvernement en face de nous, du gouvernement du Parti québécois, il y avait le porte-parole du ministre qui admettait qu'il y avait de sérieuses lacunes, le porte-parole du gouvernement ici ? c'était dans un article, Progrès-Dimanche ? qui disait, qui rapportait que lui aussi avait reconnu la nécessité d'améliorer la loi. Et il fait une citation assez troublante: «C'est bien sûr, dit-il, que cette loi a eu un impact négatif. On admet justement que ça ne fonctionne pas rondement et qu'il faut revoir ces choses-là.» Alors, parmi les membres du gouvernement il y a des gens qui ont fait le constat que la loi n° 23, qui était censée venir régler tous les maux, était un fiasco et qu'on avait omis de cerner vraiment le problème et que, à la limite, Mme la Présidente, on avait permis de générer de nouveaux problèmes qui n'existaient pas auparavant. Et, autant dans mon comté que dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, où j'étais la semaine passée, il y a des problèmes qui émergent. Il y a des confrontations dans les hôtels de ville, il y a des élus municipaux qui font face à des tollés de protestation et, Mme la Présidente, il y a des projets agricoles qui n'ont pu voir le jour, faute justement de cette loi n° 23 qui nous a amenés dans un quasi cul-de-sac.

Et aujourd'hui, Mme la Présidente, nous sommes ici face au même gouvernement qui nous rappelle les mêmes paroles qu'il a dites il y a quatre ans, et on est en droit de se demander si vraiment une fois pour toutes on va régler ce problème. Parce qu'il existe un problème de cohabitation. Mais il y a des façons de le faire. Et, depuis l'adoption de la loi n° 23, Mme la Présidente, il y a eu quand même du chemin de parcouru. Il y a un règlement qui a été adopté par le ministère de l'Environnement qui s'appelle le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, qui visait principalement à réduire la pollution au niveau de l'eau et du sol, qui a permis l'élaboration des programmes agroenvironnementaux de fertilisation, également des normes au niveau de l'épandage des fumiers. On a vu une directive, suite à la loi n° 23, qui a été déposée à la Gazette officielle, Directive relative à la détermination des distances séparatrices relatives à la gestion des odeurs en milieu agricole.

Alors, Mme la Présidente, un aspect important de notre travail aujourd'hui est dû au fait que des activités agricoles génèrent des odeurs. Et la loi n° 23 avait pour principal objectif justement de permettre la cohabitation entre les producteurs et les utilisateurs à d'autres fins du territoire et de mettre des distances séparatrices justement pour mettre une barrière de distance afin que les odeurs ne soient pas trop nuisibles. Et là aujourd'hui on voit que certaines municipalités... Au Québec, il y a plus de 1 300 municipalités, indépendamment, si on considère que les fusions sont terminées ou pas ou sont en cours d'être réalisées. Ces municipalités présentement sont en train d'élaborer leur propre réglementation au niveau des odeurs alors qu'il y a des directives qui ont été mises en place. Et, vous savez, Mme la Présidente, on voit trop souvent des directives qui ne sont pas nécessairement toujours appliquées, comme des lois ou des règlements.

Alors, Mme la Présidente, le travail qui sera fait au cours des prochains jours est un travail de fond, c'est un travail excessivement important. Les groupes qui viendront nous présenter leur mémoire devront faire valoir les points de vue et peut-être aller même plus loin que le travail original qui avait été fait en 1996, parce que, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est que le travail de l'époque avait été mal fait par le gouvernement du Parti québécois. Et ça a pris quatre ans pour réaliser tout ça. Ça s'est fait dans des déchirements, dans certains villages, dans certaines paroisses. Mais je pense qu'il est grand temps que nous trouvions une solution.

Je ne peux passer sous silence aussi d'autres travaux qui ont été faits parallèlement. Je pense au rapport Brière, M. Brière, qui est venu nous présenter son rapport à cette commission, au salon rouge. M. Brière a abordé l'aspect, envers le gouvernement, de prendre ses responsabilités et de trouver des solutions permanentes à la pollution d'origine agricole. Et c'est une réalité que nous ne pouvons renier. Ces activités génèrent certaines pollutions, on ne peut pas le renier. Il faut être capable de l'admettre et il faut également chercher des solutions. Je pense que ce débat, Mme la Présidente, on ne l'a peut-être pas encore entamé. J'ose espérer que, par ces travaux, nous pourrons converger vers une solution finale. Et j'invite les groupes à nous faire part de leurs propos, qui seront si importants.

Alors, sur ce, je vais laisser le temps qu'il me reste à mon collègue de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vermette): Sept minutes.

M. Paradis: O.K.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très bien, Mme la Présidente. Il faut se replacer, comme membres de cette commission, peut-être dans les chaussures ou dans l'environnement de ceux et de celles qui ont vécu des frustrations depuis plus d'une décennie en ce qui concerne le droit de produire et le respect de l'environnement dans la ruralité québécoise.

n (10 heures) n

La pression était déjà assez forte qu'en 1994 les deux principales formations politiques au Québec, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, se sont engagées à reconnaître le droit de produire en zone verte. C'était un engagement formel des formations politiques en 1994.

Par la suite, Mme la Présidente, les gens ont cru de bonne foi que le projet de loi n° 23, en 1996, allait régler le problème du droit de produire en zone verte et de cohabitation pacifique dans ces grandes zones québécoises. On s'est rendu compte, puis je pense que c'est unanime, d'ailleurs le ministre et son adjoint parlementaire l'ont dit très clairement, ça n'a pas fonctionné, tout le monde a été berné. Il y avait des gens de bonne foi qui ont payé cher leur appui au projet de loi n° 23. Moi, je me rappelle de M. Chagnon, qui, à l'époque, était de la région de Saint-Hyacinthe, vice-président de l'Union des producteurs agricoles, et qui avait fait confiance au ministre de l'époque et au gouvernement du Parti québécois. Il a dû démissionner par la suite.

Aujourd'hui, on se retrouve au lendemain d'une autre élection, 1998, Mme la Présidente, où les deux grandes formations politiques ont, encore une fois, répété au monde agricole qu'ils auraient le droit de produire en zone verte, des engagements formels pour obtenir des votes en campagne électorale. Ça se traduit comment, Mme la Présidente? On est rendu en 2001 et on a devant nous, l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi qui s'appelle le projet de loi n° 184. Est-ce qu'il est meilleur que le projet de loi n° 23? Est-ce qu'il garantit fondamentalement aux producteurs et productrices agricoles du Québec, non pas par directive ministérielle ou entente, mais par loi, le droit qu'ont les producteurs et productrices agricoles du Québec de produire en zone verte dans le respect d'une réglementation environnementale qui soit moderne et appropriée?

Mme la Présidente, nous autres, de ce côté-ci de la table en tout cas, on demeure à être convaincus que le gouvernement et le ministre ont fait leurs devoirs convenablement. Présentement, moi, comme député d'une circonscription, Brome-Missisquoi, où je représente plusieurs agriculteurs, je ne peux pas retourner dans mon comté et leur dire: Je vais voter... En faveur du principe, il n'y aura pas de problème, sur le droit de produire, je pense qu'on peut l'annoncer, mais en faveur de ces modalités-là, je ne peux pas le dire de façon correcte, honnête et transparente ni aux producteurs et productrices agricoles, ni au monde municipal, ni aux groupes environnementaux. Ça, ça veut dire que la commission parlementaire va être utile pour nous permettre de bonifier, pour nous permettre d'améliorer ledit projet de loi.

Le droit de produire n'est pas consacré par cette législation. Du côté environnemental, rien ne nous indique qu'un signal est donné au monde agricole que le gouvernement va considérer les agriculteurs au même titre qu'il a considéré le monde qui vit en région urbaine. Comme société québécoise, on a investi plus de 7 milliards de dollars dans la dépollution urbaine, Mme la Présidente. Il n'y a rien qui garantit au monde agricole que le gouvernement a l'intention de traiter les agriculteurs comme il a traité les industriels au Québec. Vous ne trouverez pas de chiffres officiels au gouvernement du Québec, mais tout le monde sait que les usines d'épuration qui ont été construites à même les fonds publics servent, dans plusieurs cas, à épurer le secteur industriel également. Les experts ou les connaisseurs en la matière vous diront que ça a été financé à deux tiers par les fonds publics. Mais il n'y a rien qui accompagne ce projet de loi qui donne un signal au monde agricole que le ministre de l'Agriculture est allé chercher des budgets pour accompagner les producteurs et productrices agricoles qui souhaitent prendre le virage agroenvironnemental, Mme la Présidente.

Ça fait que, s'il n'y a pas de changements profonds dans le libellé du projet de loi pour garantir, en zone verte, le droit de produire aux producteurs et productrices agricoles, s'il n'y a pas de signal financier pour garantir que, sur le plan agroenvironnemental, le virage va être prêt parce que le gouvernement du Québec a décidé d'accompagner les agriculteurs et agricultrices au même titre qu'il a accompagné les industriels ou bien les gens qui vivent en ville, bien, il y a des virages qui vont être manqués, puis la frustration qu'on ressent depuis plus d'une décennie en milieu rural au Québec va aller en augmentant. Puis là, à la prochaine campagne électorale, peut-être que le monde, s'il a été trompé deux fois par le même monde qui a voté de la même manière sur le même principe, va commencer à se questionner sur la crédibilité des hommes et des femmes qui oeuvrent en politique. Puis ça, ça fait mal à tout le monde, Mme la Présidente, ça fait mal au système démocratique comme tel.

Ça fait que le défi qui est devant nous, là ? je pense que c'est la quatrième commission parlementaire sur les notions de droit de produire ? c'est de réussir là où tout le monde a échoué avant. Je vais vous donner une petite méthode habituellement qui ne rate pas. Quand on complexifie les problèmes, quand on rend ça bien compliqué parce qu'on n'en a pas de solution ou qu'on ne veut pas en appliquer ou qu'il n'y a pas de volonté politique d'en appliquer, quand on simplifie un projet de loi...

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste une minute, M. le député.

M. Paradis: Quand on simplifie un projet de loi, Mme la Présidente, quand on rend ça simple puis qu'on dit aux producteurs agricoles qu'en zone verte ils auront le droit de produire s'ils respectent des règles environnementales clairement établies, ce n'est pas compliqué, les gens savent à quoi s'en tenir, ça s'applique. Puis on recrée une harmonie parce que les gens peuvent décoder ce qu'on a voulu dire ou ce qu'on a voulu faire.

Je voudrais terminer, Mme la Présidente. Le ministre a indiqué au début de ses propos qu'il souhaitait la bienvenue à tout le monde. J'espère que ça n'exclut pas... Le ministre a parlé de trois longues journées. Moi, j'ai l'agenda préliminaire. Demain, on finit, je pense, autour de midi, puis, le lendemain, on finit de bonne heure aussi. Il y a un groupe, qui est parmi nous dans la salle, qui insiste pour se faire entendre ? moi, je fais appel au ministre, je ne le prends par surprise, je pense qu'il est au courant ? la Coalition régionale Saguenay? Lac-Saint-Jean, qui est représentée par Richard Harvey. Ces gens-là se sont déplacés. Ils ont vécu des problèmes dans leur région. Ils sont ici pour nous en faire part. Si on est vraiment à la recherche de solutions, je pense que, quand on part de cas pratiques puis de cas concrets, bien, ça nous aide à trouver des vraies solutions. Moi, je fais appel au ministre pour qu'ils puissent être entendus. Même le ministre les avait cités à l'Assemblée nationale. Je cite le ministre: «Oui, effectivement, dans l'application, au Saguenay?Lac-Saint-Jean, le développement de la production porcine pose des problèmes très sérieux.» Moi, j'aimerais que ces gens-là puissent être entendus. Et, si le ministre veut céduler une autre journée ou profiter des journées qui sont déjà à notre disposition, de ce côté-ci, on fera preuve de souplesse pour accommoder ces gens-là. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, M. le député de Brome-Missisquoi. Alors, sur ce, les remarques préliminaires étant terminées, nous allons procéder maintenant. Je vais demander à la Fédération de la relève agricole...

M. Paradis: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Paradis: ...est-ce qu'on peut avoir une réponse du ministre? Est-ce qu'il va le prendre en délibéré, répondre plus tard ou...

Une voix: En délibéré.

M. Paradis: En délibéré.

Auditions

La Présidente (Mme Vermette): En délibéré. Alors, voilà, c'est fait. Alors, je demanderais à la Fédération de la relève agricole de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Et je leur rappelle qu'ils ont un temps de 15 minutes pour nous exposer leur point de vue. Je vous demanderais aussi de vous présenter et de présenter les gens... M. Lapointe, qui est le président, si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent ici. Alors, M. Lapointe.

Fédération de la relève agricole
du Québec (FRAQ)

M. Lapointe (Serge): Mme la Présidente, messieurs, mesdames, bonjour. Je suis Serge Lapointe, le président de la Fédération de la relève agricole du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de mon secrétaire, Jean-Philippe Deschênes-Gilbert, de la Fédération de la relève agricole du Québec, à ma gauche. Il y a aussi M. Bernard Gilbert, de la région de Charlevoix, ainsi que M. Rodrigue Journault et sa mère, Mme Sylvie Journault aussi, de la région de l'Islet.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, vous avez un temps de 15 minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Lapointe (Serge): Merci. Donc, de un, j'aimerais vous présenter de façon assez générale la Fédération de la relève agricole du Québec. Donc, la Fédération représente des jeunes de la relève agricole partout sur le territoire du Québec, des jeunes situés entre 16 et 35 ans. La Fédération a comme mission de préparer les jeunes à leur établissement et de faire en sorte que ces jeunes aient les meilleures conditions possible à leur établissement, ce qui n'est pas toujours le cas, on le verra tout à l'heure avec nos deux personnes-ressources.

Donc, d'emblée, je tiens à vous remercier de bien vouloir nous accueillir en ce début de commission parlementaire. Mes propos seront succincts. Et vous trouverez d'ailleurs l'essentiel des commentaires de la Fédération quant au projet de loi n° 184 dans le mémoire que nous avons déposé ce matin. Et je mentionnerai également que nos commentaires se veulent complémentaires à ceux que vous présentera l'Union des producteurs agricoles lors de l'audience jeudi.

n (10 h 10) n

Vous le savez, le transfert de ferme n'est plus ce qu'il était il y a quelques années. Il est révolu le temps où le père vendait sa ferme le dimanche matin, après la messe, sur le perron de l'église, puis que, dès le lundi matin, le fils prenait la relève. Je pense que tout le milieu agricole reconnaît aujourd'hui l'importance de planifier le transfert de l'entreprise, et ce, pour assurer le développement de nos fermes familiales. Et qui dit planification du transfert dit aussi transfert progressif, modernisation et adaptation. Évidemment, on parle d'une période de coexploitation entre le producteur cédant qui cohabite avec la relève, obligeant l'entreprise à générer des revenus en conséquence qui permettront à la jeune femme ou au jeune homme de ramasser le capital nécessaire ou qui lui donneront la chance de moderniser l'entreprise pour la rendre conforme aux normes environnementales. Pour générer ces revenus, quoi d'autre que de développer l'entreprise par une augmentation contrôlée du cheptel de façon à augmenter le revenu sans alourdir la charge de travail. Or, ce transfert progressif est aujourd'hui freiné et même, voire, dans certains cas, rendu impossible par différentes mesures dont, entre autres, des réglementations municipales irréalistes, des distances séparatrices, des servitudes contraignantes, et j'en passe.

Il y a urgence d'agir si nous voulons continuer à assurer le développement de nos entreprises familiales et si nous voulons qu'une relève s'établisse sur nos fermes. Il y va même de la survie du milieu rural, qui voit son tissu social se déchirer dû à toutes ces luttes entre les producteurs et les municipalités. J'ai avec moi deux cas types de relève qui ont bien voulu nous présenter leurs projets, qui voulaient vivre de l'agriculture, donc pouvoir s'épanouir ainsi que pouvoir vivre dignement de l'agriculture. Malheureusement, ces rêves ont été, dans certains cas, tout simplement compromis.

En conclusion, je tiens à vous rappeler que vous pouvez faire confiance à votre relève agricole. Les jeunes sont dynamiques, pleins de bonne volonté. Ils sont même les premiers à vouloir atteindre les objectifs que nous nous étions conjointement fixés lors du dernier Rendez-vous des décideurs et même lors du Sommet du Québec et de la jeunesse. Cependant, il nous faut nous donner les moyens de nous développer, et ces moyens passent par une loi n° 184 adaptée aux besoins du monde agricole et qui mise sur une agriculture durable. Ne pas régler les problèmes vécus dans les entreprises agricoles existantes, c'est décourager immédiatement toute une génération de jeunes producteurs et productrices désireux de s'établir en agriculture. Ici, je laisserai mes deux confrères vous présenter leur cas, question de mettre du vécu sur mes propos.

La Présidente (Mme Vermette): La parole est à monsieur... Veuillez vous identifier.

M. Lapointe (Serge): M. Gilbert.

La Présidente (Mme Vermette): M. Gilbert.

M. Gilbert (Bernard): Bonjour, je m'appelle Bernard Gilbert. Je viens de la MRC de Charlevoix, Saint-Hilarion. Je vis chez mes parents sur la ferme familiale. J'ai étudié, j'ai fait un D.E.P. en production laitière à Saint-Anselme pour prendre la relève. Alors, on voulait agrandir notre étable de 45 pi pour juste détasser nos vaches, ne pas augmenter le nombre d'unités animales, pour avoir plus de production ou moins... sans moins de coût. Mais la loi nous bloque par rapport à nos voisins journaliers situés à l'est. Une fois leur signature d'eux autres... on n'est pas capable de l'avoir. Il y a des petits conflits, puis ils ne veulent pas. Ça fait que là, si on n'est pas capable d'ici trois, quatre ans, bien, moi, je ne serai pas capable de m'établir. Puis à part ça, bien... C'est à peu près tout.

La Présidente (Mme Vermette): En fait, vous êtes en train de nous mettre au courant du problème que vous pouvez rencontrer en tant que producteur. C'est ça?

M. Gilbert (Bernard): Oui.

La Présidente (Mme Vermette): C'est une très bonne démonstration. Alors, est-ce qu'il y aurait d'autres démonstrations que les membres qui vous accompagnent voudraient nous apporter?

M. Lapointe (Serge): Nous avons aussi la famille Journault, de la région de l'Islet.

M. Journault (Rodrigue): Bonjour. Rodrigue Journault, de L'Islet-sur-Mer. J'ai étudié à l'Institut de technologie agroalimentaire, à La Pocatière, de 1992 à 1995, pour obtenir mon diplôme en zootechnologie. De 1995 à 1997, j'ai travaillé comme salarié sur une autre ferme laitière que celle de mes parents et, en 1997, je suis revenu sur la ferme familiale à titre de sociétaire à 25 % pour prendre la relève dans les années suivantes.

De 1997 à 2000, nous avons travaillé pour obtenir les conditions gagnantes de mon transfert: abaisser le niveau d'endettement, augmenter la production, beaucoup d'améliorations au niveau des bâtiments, à l'intérieur des bâtiments, pour le confort des animaux, réaménagement de la laiterie. On travaillait pour obtenir une meilleure efficacité de l'entreprise.

En 2000, vu que l'Environnement commençait à nous solliciter pour se conformer et que le programme Prime-Vert était disponible pour ériger des bâtiments d'entreposage, nous décidons donc d'agrandir nos bâtiments pour augmenter notre troupeau et nous conformer à l'environnement. Donc, on planifie un agrandissement de la ferme de 25 à 38 vaches pour l'avenir et on fait les démarches au MAPAQ pour obtenir des subventions pour la construction de notre fosse à fumier avec toiture.

Les démarches vont assez bien au niveau de Prime-Vert, puis tout ça. L'élaboration du projet, les distances, ça va bien jusqu'à ce que nous arrive le problème des distances avec le périmètre urbain, le 70 m exigé par rapport à nos voisins du périmètre urbain. Dans notre situation, on touchait à sept voisins qui étaient dans notre périmètre de 70 m de nos bâtiments d'élevage. Six voisins ont accordé leur signature pour la servitude, avec plaisir et parce que c'était un coup de pouce qu'ils nous donnaient, et ça a très bien été. Un septième voisin récalcitrant, pour des raisons personnelles, nous refuse sa signature. Donc, à partir de ce moment, le projet est quelque peu compromis. Nous prenons les renseignements pour essayer d'obliger le monsieur à signer, pour être capables de continuer le projet. En vain. Une servitude, c'est un acte volontaire et chaque personne décide de venir sur un simple oui ou un simple non. Donc, nous ne sommes pas capables d'obtenir la servitude de ce septième voisin.

Au mois de mai 2000, compte tenu que ça changeait toutes les données pour notre transfert de ferme, on n'était plus capables d'avoir l'agrandissement, on restait avec le même cheptel, ça rendait le transfert beaucoup moins intéressant. Ça compromettait mon avenir, d'une manière, parce que, si je restais en production, j'étais dans l'insécurité. Donc, nous avons décidé de vendre au mois de mai. Nous avons vendu les animaux au mois de juin. La ferme s'est éteinte.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, si on comprend bien, vous avez voulu, par la démonstration de votre vécu, de vos expériences personnelles, nous démontrer, en fait, l'urgence d'agir et l'urgence de trouver surtout des solutions à travers cette commission et à travers nos travaux. Alors, je pense que votre message est bien passé. Est-ce qu'il y aurait d'autres personnes qui voudraient intervenir?

M. Lapointe (Serge): Non, mais, juste, dans le fond, Mme la Présidente, si vous me permettez, on peut voir ici qu'on a deux cas types. On voit deux jeunes qui veulent prendre la relève chez eux, ils ont des projets soit d'expansion ou tout simplement d'avoir plus de place dans l'étable pour mieux loger les animaux. Puis aussi, il faut se le dire, ils veulent se donner une qualité de vie, une des notions qui sont rendues de plus en plus indispensables pour les producteurs, pouvoir avoir une qualité de vie. Ils décident de faire des petites améliorations. Mais, malheureusement, quelques personnes décident que ces producteurs-là n'existeront plus.

Donc, on peut le voir, des fois, par des signatures qui ne sont pas données ou d'autres mesures plus contraignantes encore, le rêve de plusieurs personnes est compromis. Certains vont mentionner, vont dire qu'il y a des manques de relève. On en a, de la relève, mais, malheureusement, il y a des freins qui vont les empêcher de réaliser une des plus... bien, la plus belle profession au monde, à mon sens, celle d'être producteur agricole, des jeunes avec une formation, comme vous avez pu le voir aussi. Donc, on se doit de faire les améliorations dans nos législations pour qu'on puisse exercer notre profession.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, je passe la parole au ministre. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le président de la Fédération de la relève agricole du Québec, des deux témoignages. C'est une entrée spectaculaire de ce que nous devons traiter ici et de ce qui doit être traité dans le projet de loi n° 184 et de ce qui doit être traité en matière d'activités agricoles, une super belle pédagogie, on va s'en servir. Bienvenue, M. le président. On a juste 15 minutes, ça fait qu'il faut aller aux questions directement.

n (10 h 20) n

À l'égard des transferts de fermes, ce n'est pas le sujet principal du projet de loi, mais vous en profitez pour passer un bon message, c'est-à-dire: Fini le folklore, de dire... Pour employer votre belle expression, on ne passe plus ça sur le perron de la messe, comme dirait l'autre, ou bien sur le perron de l'église ? mon père disait: Le perron de la messe ? on passe ça, puis c'est fini, non, non, ce sont des entreprises qui se succèdent maintenant et il y a des conditions à ces transferts. Vous mentionnez dans votre mémoire qu'il y a déjà des conditions facilitantes, qu'il faudrait les améliorer. Je vais juste dire là-dessus: Message reçu, M. le président et membres de la relève agricole.

Maintenant, allons sur ce que vous soulevez sur 184. Moi, la première chose qui... Je veux vous entendre un peu davantage parce que ça va être sans l'ombre d'un doute la question centrale de ce que nous allons étudier au cours des trois prochaines journées. La Fédération de la relève agricole a la prétention d'affirmer que la relève agricole aujourd'hui est une génération environnementale. C'est une affirmation qui donne toute, quant à moi, la dimension du sens des responsabilités et, je le prends comme ça, du respect de la terre de la part des jeunes. Vous, M. le président, pouvez-vous nous dire aujourd'hui si les jeunes qui veulent, hommes et femmes, s'établir en agriculture au Québec sont disposés à respecter intégralement les normes, lois, règlements du ministère de l'Environnement pour pratiquer leur activité agricole?

M. Lapointe (Serge): D'emblée, je vous dirais qu'assurément les jeunes sont prêts à faire de l'agriculture une agriculture durable. Je pense que, dans notre formation qu'on a acquise soit sur les bancs d'école ou même dans la vie de tous les jours, on se doit de respecter la terre dont nous avons la responsabilité. On l'a vu aussi lorsqu'on a fait notre portrait agroenvironnemental, aussitôt que le projet a été lancé, nos membres de la relève agricole étaient extrêmement anxieux de pouvoir participer à ce grand portrait. Donc, oui, je vous dirais que les jeunes sont prêts à faire de l'agriculture durable. Il faut pouvoir leur donner la chance aussi d'en faire, de l'agriculture. C'est là que...

M. Trudel: Bien, on va revenir, M. le président, sur les deux cas illustratifs qui sont bien caractérisés, qui sont bien caractéristiques de la phrase que vous venez de mentionner, des deux jeunes qui sont avec nous, M. Gilbert et M. Journault, puis Mme Journault, les parents, qui sont là. On va essayer de revenir là-dessus.

Maintenant, avec votre réponse et ce que vous avez affirmé, une opinion cruciale ? pas une décision, une opinion. M. le président, quand on dit que les jeunes, les productrices et les producteurs agricoles au Québec veulent et sont respectueux de l'environnement, on ne vous croit pas, on ne nous croit pas dans la population. Vous allez voir défiler ça, là, pendant trois jours, la bourrée va passer, vous allez voir. On ne vous croit pas, on ne nous croit pas, nous ne sommes pas crus à l'égard de cette responsabilisation des productrices et des producteurs agricoles. Je veux juste avoir votre opinion et vos commentaires. Vous n'avez pas à régler tous les problèmes de la planète, personne ne demande ça à personne. Mais c'est une chose claire, vous allez voir ça, là, il faut les lire, les commentaires de tout le monde, nous ne sommes pas crus à l'égard de tous ces gestes. Comment vous expliquez ça? Et que faire? Votre opinion.

M. Lapointe (Serge): Je vous dirais qu'à ce niveau-là aussi de plus en plus, même la grosse majorité des jeunes se sont donné des beaux véhicules pour être respectueux de leur environnement. On peut voir les clubs agroenvironnementaux, le membership de ces clubs-là est en très, très grande partie des jeunes producteurs qui veulent s'outiller puis produire encore mieux. Donc, je vous dirais que ces véhicules, des beaux véhicules pour faire de l'agriculture, sont là, sont disponibles. Pour la génération jeunes, je vous dirais qu'il y a un grand virage qui a été fait.

M. Trudel: Y-a-t-il des gestes, à votre avis, qui devront être posés pour s'assurer que les gestes posés par les productrices et les producteurs agricoles... Vous mentionnez, par exemple, le fait qu'il y en a 4 000 chefs d'entreprises agricoles actuellement qui payent et qui s'engagent un conseiller en agroenvironnement pour améliorer et changer leurs pratiques agricoles. Quels gestes faudra-t-il poser, à votre avis, au Québec, pour s'assurer que la population adhère à ce virage réel des pratiques agricoles et faire en sorte que les gestes qui sont posés soient reconnus par la société? Parce qu'une certaine lecture, je le répète ? on va avoir ça pendant trois jours, là ? fait en sorte que nous ne sommes pas crus. On peut même faire la blague, mais c'est trop sérieux pour faire la blague: Quand on n'est pas cru, on est cuit. Mais c'est trop sérieux, cette question-là. Quels gestes faudra-t-il poser pour faire en sorte que les productrices et les producteurs agricoles sur tout le territoire du Québec soient reconnus à la valeur même des gestes qu'ils posent sur leur terre et sur leur ferme?

M. Lapointe (Serge): Il faudra, à mon sens, donner les moyens au producteur en tout premier lieu. Par après, bien, c'est sûr qu'il faudra encore se valoriser encore plus comme monde du bioalimentaire. Je pense que c'est extrêmement important là aussi. Mais c'est certain qu'il faudra donner les moyens au producteur.

M. Trudel: Question d'opinion toujours, on va poser la question à l'inverse maintenant. Vous qui êtes producteur agricole, vous qui nous amenez ce matin deux jeunes qui veulent, un qui voulait faire de la production agricole, est-ce que vous vous sentez un peu banni dans la société québécoise, un peu rejeté, un peu mis au ban? Comment vous vous sentez, là? Pas besoin des mots, des grands mots d'avocats puis des formules juridiques pour nous dire ça. Comment vous vous sentez, vous, dans votre peau de producteur agricole quand je suis allé vous voir dans votre municipalité? Comment vous vous sentez?

M. Lapointe (Serge): C'est certain que, si vous y allez avec mon opinion personnelle...

M. Trudel: Oui, votre opinion personnelle.

M. Lapointe (Serge): Ce n'est pas toujours évident, je vous dirais, parce que, là, c'est des choses que je ne suis pas habitué de mentionner. Mais c'est un fait qu'il y a toujours des embûches, je vous dirais, au niveau environnemental, ou des signatures qu'on doit aller chercher qui ne seront pas évidentes, c'est tout le temps ça. Malheureusement, des fois, on est même poussés à se vendre un peu pour avoir une signature en bas d'une feuille. Puis c'est le cas qu'on a aujourd'hui. Puis il y en aurait, des cas, long comme le bras, si on pouvait prendre l'expression. Mais, malheureusement, ces jeunes-là, puis plusieurs jeunes, veulent en faire de l'agriculture, mais ils n'ont pas les moyens d'en faire.

M. Trudel: Très bien. Merci. Maintenant, il faut prendre toutes nos minutes pour s'intéresser aux deux cas que vous nous avez amenés, qui sont parfaitement illustratifs. Si vous sortez de l'agriculture, vous allez finir professeur, vous, M. Lapointe, parce que vous êtes un bon pédagogue. À la Fédération, c'est par les cas concrets qu'ils sont...

Bon, M. Gilbert, une économie de mots pour exprimer une très grande réalité. Vous, là, vous avez voulu tout simplement ? il faut prendre les termes très clairs et très carrés, comme vous les avez employés, avec la franchise et l'honnêteté des producteurs et des productrices agricoles ? agrandir votre étable. C'est ça, c'est juste ça.

M. Gilbert (Bernard): Oui, juste ça.

M. Trudel: Vous n'avez pas demandé d'avoir plus d'animaux, là.

M. Gilbert (Bernard): Non.

M. Trudel: Vous vouliez juste agrandir votre étable. Bon. Dans votre cas, à vous, est-ce que c'est juste de dire que c'est la réglementation municipale qui ne vous a pas permis d'obtenir le permis de construction pour agrandir? Parce qu'il faut dire les choses très précises. Est-ce que c'est ça qui s'est passé, là, M. Gilbert?

M. Gilbert (Bernard): Oui.

M. Trudel: Oui.

M. Gilbert (Bernard): Oui. C'est par rapport à nos voisins qu'on ne pouvait pas agrandir; on a la place, tout, on a les terres, tout, mais nos voisins ne veulent pas à cause des odeurs.

n (10 h 30) n

M. Trudel: O.K. Est-ce que le geste suivant, si vous aviez persisté ou si vous persistez, ça aurait été d'obtenir par écrit la permission des voisins? Est-ce que ça aurait été ça? Si vous aviez obtenu la permission des voisins ? on n'est pas obligé de tout dégager ce matin ? est-ce que votre municipalité vous aurait accordé le permis?

M. Gilbert (Bernard): Oui.

M. Trudel: Bon. Très bien. Là, il faut comprendre que, dans le projet de loi qui est déposé, c'est fini, ça. C'est fini. Le projet de loi qui est déposé met fin au régime des servitudes, de très exactement ce qui vous est arrivé. Et il faut que tout le monde comprenne, votre vie de producteur agricole était liée à celle de vos voisins, vous étiez à la merci. Vous en êtes la démonstration vivante, votre vie d'entreprise était reliée à celle de vos voisins. Si vous aviez obtenu les signatures, vous auriez pu avoir votre permis de construction, pas d'agrandir, pas plus d'animaux dans votre étable, vous avez dit, là ? c'est bien important, ça. Vous auriez pu l'obtenir. Bon.

La loi qui est présentée va mettre fin à ce régime des servitudes privées. Parce que, on l'a vu et on va y revenir, avec M. Journault, on a vu que cela est même devenu une question monétaire. Des gens ont dit: Oui, je vais te donner la permission, mais ça coûte de l'argent. Je vais te la donner à condition que tu me donnes de l'argent. C'est pour ça que... Bon. Alors, on va mettre fin au régime des servitudes privées, qui, en passant, aussi compliquait la vie municipale.

M. Paradis: Mme la Présidente, question de règlement.

M. Trudel: Mme la Présidente, on commence-tu ça ce matin, là?

La Présidente (Mme Vermette): Non...

M. Trudel: Là, c'est moi qui questionne, puis il questionnera à son tour.

M. Paradis: Avec la permission du ministre. Vous avez dit que le projet de loi réglait... Là, on est ici...

La Présidente (Mme Vermette): Sur une question de règlement, M. le député.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le ministre peut nous indiquer quel article et quel alinéa règlent ce problème-là?

M. Trudel: Non. Je ferai ça, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Vermette): Nous sommes maintenant aux auditions, nous ne sommes pas à...

M. Trudel: ...à l'étude article par article.

M. Paradis: ...

La Présidente (Mme Vermette): Parfait.

M. Trudel: Bon. Alors, vous, vous avez donc vécu cette situation. Vous voulez persister au niveau du développement de l'agriculture dans votre entreprise, mais vous ne pouvez pas physiquement. Il faut que la loi, à cet égard, mette donc fin à ce régime des servitudes privées et fasse en sorte que le texte de la loi vous donne l'autorisation, à travers le cheminement normal dans les municipalités, cette autorisation.

M. Gilbert, on n'a pas beaucoup de temps, merci de votre témoignage. On va essayer, on va tenter de le retenir précieusement comme un témoignage-clé, fondamental d'un jeune au Québec, dans une région du Québec, Charlevoix, qui veut vivre de la terre et qui, dans les conditions actuelles, respectueuses des normes de l'environnement, ne peut pas le faire. On va poser beaucoup de questions sur votre cas, M. Gilbert. Je vous remercie d'avoir eu le courage de venir puis d'exposer ça simplement. Ce n'est pas facile, là. Ce n'est pas facile de faire ça, je le sais, hein, je veux que vous le sachiez aussi puis qu'on vous le dise, le courage d'être un jeune qui vient parler au nom des jeunes des régions du Québec, les miens en Abitibi-Témiscamingue, les vôtres dans Charlevoix, les autres dans le Bas-Saint-Laurent, qui sont comme vous et qui veulent y arriver. M. Gilbert, on va tout faire pour que, vous et les vôtres, vous ayez le droit de vivre, de vous développer dans vos bonnes entreprises agricoles au Québec, dans vos régions. On va tout tenter pour y arriver, M. Gilbert. Merci de votre témoignage. M. Journault, maintenant, avec votre mère.

La Présidente (Mme Vermette): Trente secondes, M. le ministre.

M. Trudel: Trente secondes? J'ai le temps de poser une question. Vous, vous avez un temps illimité pour répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, tous dans la même enveloppe.

M. Trudel: Vous, vous représentez l'autre bout du drame. Vous, là, vous avez été obligés de sortir. Vous n'êtes plus producteurs agricoles. Vous avez été obligés de vendre votre ferme parce que, vivre de votre profession de producteur agricole, si j'ai bien compris, ça aurait demandé une augmentation du nombre de bêtes que vous aviez. Vous étiez en production laitière?

M. Journault (Rodrigue): Oui.

n (10 h 40) n

M. Trudel: Bon. M. Journault, je vais essayer de poser ma question le plus simplement parce que je voudrais avoir une bonne réponse. Je vais faire attention, Mme la Présidente. M. Gilbert, à tous ceux et celles qui disent au Québec que les entreprises agricoles, elles sont trop grosses, trop grandes, qu'il faut retourner à la pratique d'une agriculture réduite, plus petite, de taille réduite... Qu'est-ce que vous me répondez à moi quand je dis: Pourquoi vous n'avez pas essayé de vivre avec vos parents dans une ferme plus petite? Parce qu'on aura à se poser la question ici comment on va réduire la taille des fermes au Québec, si on suit l'opinion de quelqu'un. Comment vous auriez pu arriver à vivre, M. Journault?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, très, très, très brièvement, M. Journault.

M. Journault (Rodrigue): C'est parce que, dans les années immédiates, suivantes, disons, à court terme, cinq, 10 ans, avec le cheptel que j'avais, je n'avais pas d'inquiétude, mais, quant à ériger des structures d'entreposage, je voulais prévoir plus à long terme, pouvoir... pour me réserver une possibilité d'expansion en érigeant ces structures d'entreposage, et tout. Je partais de 25 vaches et je me donnais la possibilité d'augmenter mon troupeau à 38 vaches, avec l'érection de ces structures. Puis je saisissais l'occasion de tout faire puis en même temps pour aider au transfert puis avoir toutes les conditions gagnantes du transfert, possibilité d'expansion, et tout.

La Présidente (Mme Vermette): Puis avoir un retour sur l'investissement.

M. Journault (Rodrigue): C'est bien ça.

M. Trudel: ...

M. Journault (Rodrigue): Non, mais, à 38 vaches, je me considère...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nous allons terminer, en fait, si vous n'y voyez pas d'inconvénient parce que, le temps étant terminé, je vais passer la parole maintenant du côté de l'opposition. Et probablement qu'on vous donnera l'occasion aussi de peut-être aller plus loin dans vos réponses. Alors, voilà. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Lapointe, c'est toujours un plaisir de compter sur vous et votre Fédération lors de nos consultations ici, à l'Assemblée nationale. Je tiens à vous dire que, le Parti libéral du Québec, présentement nous sommes en tournée dans les régions. La semaine passée, nous étions dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, il y a deux semaines dans Portneuf, la semaine prochaine, on se promène également. Alors, c'est pour dire qu'on a une préoccupation. Puis je profite de l'occasion pour vous souligner également que, dans nos tournées, ce qui ressort, c'est qu'il y a un problème au niveau de la relève agricole, sérieux au Québec. Des cas comme ceux de M. Journault, il y en a plusieurs. Et je pense qu'il va être temps que le gouvernement du Parti québécois se penche vraiment sur la question de la relève agricole. Vous savez, on a fait les débats sur La Financière agricole, mais, à l'intérieur de ces débats, on n'a rien vu qui vient aider la relève agricole, on n'a absolument rien vu. On a questionné, vous étiez venus en commission parlementaire, et la préoccupation demeure toujours, et je pense que le gouvernement devra se pencher sérieusement sur cette question.

Je trouve ça un peu malheureux d'écouter le ministre banaliser un peu votre présentation, parce que ce qu'on vient d'entendre, c'est assez triste. Puis c'est une réalité. Qu'il y ait des producteurs, une famille qui ait voulu poursuivre une exploitation et qui, en bout de ligne, a été obligée de liquider ce bien agricole, de vendre ses quotas, de vendre ses installations, de vendre les terres probablement en morceaux, c'est très alarmant. Et j'aurais osé espérer que le ministre aurait su reconnaître les raisons.

Et les raisons, c'est la loi n° 23 qu'on a mise en place, qu'on a mise en place rapidement, qu'on a passée dans un bâillon, qu'on a bâillonnée. Et on a pris quatre ans pour réaliser qu'il y a une lacune. Et aujourd'hui on recommence le même débat et on a le ministre qui est en face de nous qui vous pose la question si vous êtes conscients des enjeux environnementaux, si vous êtes conscientisés à une saine exploitation. On est convaincus de ça, ici, on n'a pas besoin de vous poser de questions, on sait que la relève agricole est prête au virage agroenvironnemental, on sait que vous avez été formés pour exploiter vos fermes intelligemment, avec le respect de l'environnement. Ça, on en est convaincus ici.

Ce dont on est moins convaincus, c'est les intentions du gouvernement qui est de l'autre côté. Et, dans le projet de loi qui est en face de nous, le projet de loi n° 184, il n'y a rien qui vient régler le problème de M. Journault puis il n'y a rien qui vient régler le problème potentiel de M. Gilbert. Et on est en droit ici de se demander: Elle est où, la solution? Elles sont où, les solutions? Et je pense qu'aujourd'hui c'est malheureux parce que la relève agricole, elle va quitter l'Assemblée nationale puis elle va dire: On est venu présenter un constat, deux réalités, deux cas concrets ? puis on sait qu'il y en a de nombreux au Québec, vous auriez pu remplir la salle aujourd'hui, puis ça, c'est la relève agricole ? puis le ministre banalise un peu tout ça puis il dit: Bien, êtes-vous conscients... puis, avec mon projet de loi, ça va régler tout ça. On est très, très sceptiques à cet égard.

Ma question, M. Lapointe, elle s'adresse à vous ou aux autres membres de votre équipe: Dans le projet de loi n° 184, est-ce que vous avez vu des articles de loi qui viennent régler les deux problèmes que vous nous avez présentés?

M. Lapointe (Serge): Il y a des choses possiblement, mais il est certain qu'il y a toujours place à avoir des améliorations. Je pourrais laisser mon secrétaire vous en parler encore plus, davantage.

M. Deschênes-Gilbert (Jean-Philippe): Oui. Bien, la lecture que M. Trudel fait, on est bien contents. Ce n'est pas nécessairement la lecture qu'on faisait lorsqu'on regardait le mot-à-mot. Mais le fait que le projet de loi règlera tous les cas de MM. Journault et Gilbert du Québec ? et ils sont nombreux, vous l'avez bien dit, je pense qu'ils sont très, très nombreux ? tant mieux si le projet de loi va dans ce sens-là. On ne l'a pas vu nécessairement mot-à-mot, mais, en tout cas, on ose croire que ça va dans ce sens-là. Et c'est tout ce qu'on demande, dans le fond, c'est toutes les modalités d'application, les normes de distances séparatrices, c'est là-dessus que les projets de relève et de transferts progressifs et tout ce que ça implique sont freinés, par ces choses-là. Donc, c'est ce qu'on espère effectivement que le projet de loi n° 184 va dans ce sens-là.

M. Whissell: M. Deschênes, vous êtes en train de nous dire que vous vous basez sur les bonnes paroles du ministre, du gouvernement qui est en face de nous. Vous avez assisté à nos remarques préliminaires. On a fait la citation du ministre précédent, de l'époque, le député de Trois-Rivières, qui avait tenu les mêmes propos rassurants. Puis, bizarrement, de l'autre côté de la table ici, l'opposition disait: On est pour le principe, mais, dans la loi que vous nous présentez, il n'y a rien qui règle ces problèmes. On l'avait dit il y a quatre ans puis on recommence aujourd'hui avec le même discours. C'est étrange parce qu'on pourrait ressortir les transcripts puis ne pas siéger aujourd'hui, puis ça serait la même chose, puis on fait juste changer le nom du ministre sur les transcripts, puis ça se ressemble bizarrement.

Mais, nous, ce qu'on veut, c'est que le problème de cohabitation, on le règle une fois pour toutes. Il y a des règles qui doivent être probablement mises en place, et on ne voit rien. On vient faire des petits ajustements législatifs. Et le ministre a beau être rassurant, mais je peux vous dire qu'on est bien inquiets pour vous. Et, si on va faire un débat qui risque de durer longtemps, avec ce projet de loi là, c'est bien pour protéger le monde agricole. Parce que, comme le disait le député de Brome-Missisquoi tantôt, quand je m'en retourne dans mon comté, le comté d'Argenteuil, puis il y a de la relève agricole puis que j'arrive avec le projet de loi n° 184, moi, je ne suis pas capable de leur dire: Vous allez pouvoir prendre la relève, vous allez pouvoir prendre les fermes de vos parents, de vos voisins puis poursuivre puis développer l'agriculture au Québec. Ça, il n'y a rien là-dedans qui vient vous garantir ce droit.

J'ai une question à M. Journault. Vous avez fait état de votre cas que vous avez vécu. Est-ce que les servitudes en question, des fois, sont négociées sur le terrain? Est-ce que, le voisin, ça peut arriver des fois qu'il vous demande ? excusez l'expression ? une enveloppe ou un montant, pour dire: Je vais la signer, ta servitude, mais donne-moi un certain montant?

M. Journault (Rodrigue): Dans notre situation, on a six voisins sur sept qui ont signé sans demander aucun montant d'argent. Ils ont dit: Tu vas mettre une cabane sur ton tas de fumier, tu vas couper les odeurs, c'est parfait, il n'y aura plus d'écoulement d'aucun liquide à l'entreposage même, c'est parfait. Le septième, lui, ce qui est arrivé, c'est une autre histoire connexe et c'est une... Il nous a demandé qu'on lui débourse une somme d'environ 15 000 $ pour qu'il nous donne sa servitude. Et, pour l'éliminer du terrain, il nous a mis son terrain en vente, son terrain vacant de 80 X 100, à peu près, approximativement, à 65 000 $.

M. Whissell: Alors, vous avez vécu une forme de chantage.

M. Journault (Rodrigue): De chantage.

M. Whissell: De chantage.

M. Journault (Rodrigue): Puis il nous disait: De toute façon, vu que je t'empêche de la construire, ça veut dire que, par rapport à l'environnement, tu es non conforme, je vais te déposer une plainte à l'environnement et je suis capable de te faire fermer. C'est d'où que j'essayais de faire comprendre l'insécurité que je pouvais ressentir à rester en production sans me conformer.

M. Whissell: Je vais vous poser une autre question: Votre ferme, vos terres, vous les avez vendues, j'imagine, à un tiers qui les exploite aujourd'hui?

M. Journault (Rodrigue): Oui, à un producteur céréalier, les terres.

M. Whissell: Un producteur céréalier.

M. Journault (Rodrigue): Il n'y aura plus d'animaux.

M. Whissell: Je vais vous poser une question franchement: Sur ces terres-là, présentement, est-ce qu'il se fait de l'épandage de fumier?

M. Journault (Rodrigue): Là, le producteur céréalier, lui, il fonctionne plus avec les engrais chimiques.

M. Whissell: Alors, les gens qui étaient à proximité de votre établissement vivent encore, je veux dire, avec des engrais chimiques à proximité. Leur qualité de vie n'a pas nécessairement été augmentée pour autant?

M. Journault (Rodrigue): Non.

M. Whissell: Les sept résidents en question sont toujours là. Qu'est-ce que vous avez fait avec les bâtiments?

M. Journault (Rodrigue): Les bâtiments servent d'entreposage, pour à cette heure, et on a gardé quelques bâtiments aussi.

M. Whissell: Et, sans indiscrétion, vos quotas, qu'est-ce que vous avez fait avec, les quotas de...

M. Journault (Rodrigue): Les quotas sont vendus. Il n'y a plus d'animaux.

M. Whissell: Vous avez vendu, puis c'est allé, quoi, concentration à un endroit, un producteur qui...

M. Journault (Rodrigue): Au système d'encan.

M. Whissell: Oui, mais, en bout de ligne, je pense que c'est probablement une concentration, un producteur qui a acheté du quota additionnel. C'est ce qu'on voit partout à travers le Québec, M. Journault, ne soyez pas surpris. Et la raison pour laquelle vous n'avez pas pu persévérer dans votre production agricole, c'est la loi n° 23 qui l'a fait. Et il va falloir que le gouvernement du Québec refasse son travail parce que la loi n° 184 qu'on est en train de regarder, elle ne règle pas nécessairement votre dossier. Alors, je vais laisser le temps qui reste au député de Brome-Missisquoi.

La Présidente (Mme Vermette): Au député de Brome-Missisquoi? Alors, M. le député de Brome-Missisquoi, il vous reste environ 6 min 30 s.

M. Paradis: C'est rafraîchissant, Mme la Présidente, de commencer avec la relève agricole parce que ça nous permet un petit peu d'oublier le passé puis de regarder en avant puis de voir si on va être capable, comme le ministre l'a souligné, de faire en sorte que ces cas-là ne se reproduisent pas.

Moi, je dirai à M. Journault puis à M. Gilbert, ainsi qu'à Mme Gilbert: S'il y a des gens responsables de ce qui vous est arrivé, c'est les gens qui siègent à l'Assemblée nationale, c'est eux autres qui vous ont placés dans une situation où vous avez eu à faire l'objet de chantage pour exercer correctement une profession à laquelle vous aspirez. Qu'on ne cherche pas des responsables ailleurs, c'est autour de ces tables-là, quand on monte au salon bleu, que siègent les gens qui sont responsables.

Moi, j'ai été témoin de l'indignation du ministre, ce matin, quand vous avez raconté vos cas, là. Ça, ça veut dire, si j'ai bien décodé, qu'on va reprendre le projet de loi puis qu'on va le réécrire puis qu'on va faire en sorte que les cas que vous nous avez exposés soient clairement réglés. Même en commission parlementaire, article par article, on va appeler ça la clause Journault puis la clause Gilbert. Puis on va vous contacter puis on va vous demander si vous êtes satisfaits de ce que l'Assemblée nationale va faire pour vous. Puis, si vous n'êtes pas satisfaits, vous nous le direz. Puis si vous êtes satisfaits, vous nous le direz également.

Mais, au moment où on se parle, vous avez, au niveau de l'Union des producteurs agricoles, des services juridiques. Je sais que c'est compliqué, ces choses-là. Assurez-vous que ce que le ministre dit, c'est vraiment dans la loi, pas dans une directive ministérielle, pas dans une entente signée quelque part mais dans le texte de loi, parce que le droit de produire, ça, ça se garantit par une loi, ça ne se garantit pas par une directive ministérielle ou par un discours du critique de l'opposition ou un discours du ministre; ça ne compte plus, ça, une fois que c'est sanctionné par l'Assemblée nationale, ça se garantit par la loi. Puis, moi, ce que je prends comme engagement, c'est que, si le gouvernement ne le fait pas, on va proposer, nous, de ce côté-ci de la table, des clauses qui vont refléter exactement des solutions aux problèmes que vous avez proposées, puis on va faire ça simple. On s'excuse pour ce que vous avez vécu.

Je vais revenir au président, M. Lapointe. À chacune des questions qu'on vous a adressées de quelque côté de la table que ce soit, vous avez répondu: On n'a pas les moyens ou on manque de moyens. C'est le mot qui est au centre de votre intervention. Puis je pense que ça se comprend également. Quand vous êtes un jeune puis que vous partez en affaires, en affaires agricoles, vous en avez jusque-là, de l'endettement. Puis là on te demande de faire des investissements qui ne sont pas nécessairement liés à l'augmentation de ta rentabilité ou de ta productivité mais qui sont liés à la qualité de vie. Puis, si tu es accompagné par le gouvernement, tu as le goût de le faire; puis, si tu n'es pas accompagné par le gouvernement, bien, tu n'as pas les moyens ? pour utiliser votre terme ? de le faire. Pouvez-vous nous faire, M. Lapointe, la liste de l'aide gouvernementale qu'un jeune qui part a sur le plan environnemental quand il prend la relève, présentement?

M. Lapointe (Serge): Oui, bien, dans notre programme Prime-Vert, il y a des aides en fonction de la dimension de l'entreprise, soit de 70 % ou de 90 %.

M. Paradis: Ça s'élève à combien sur une ferme moyenne?

n (10 h 50) n

M. Lapointe (Serge): Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous donner les montants plus précisément. Sûrement que la Confédération de l'UPA, qui passera en commission jeudi, pourra vous répondre de façon plus spécifique sur cette question-là.

M. Paradis: O.K. Quand vous parlez de moyens également... On en a parlé jusqu'à présent, puis les cas que vous nous avez amenés illustrent bien le passage d'une ferme dans une famille, une relève agricole sur une entreprise agricole existante. Maintenant, pour le jeune qui également est allé en formation à l'ITA ou ailleurs pour se former pour devenir agriculteur mais qui désire établir une nouvelle exploitation agricole, est-ce que vous avez trouvé quelque chose dans la loi... Puis là il veut s'établir en zone verte, puis il veut respecter l'environnement. Est-ce que vous avez trouvé quelque chose qui lui garantit son droit de produire, celui qui veut implanter une nouvelle exploitation agricole? Il arrive, là, lui, il est jeune puis il en part une nouvelle au Québec.

M. Lapointe (Serge): Dans le projet de loi n° 184, on a commencé à regarder le transfert de ferme. Je pense que, si on peut régler ce grand bout de chemin là, on aura réglé des grandes situations au Québec. Possiblement que, par après, il faudra revoir aussi tout ce qui s'appelle démarrage d'entreprises agricoles. Mais, si on peut s'entendre sur le grand bout de chemin pour lequel on est ici aujourd'hui, bien, je pense qu'on aura un grand pas de fait. Par après, je pense qu'on pourra se donner d'autres rendez-vous pour pouvoir se positionner sur ces points-là.

M. Paradis: Donc, votre compréhension, c'est qu'il n'y aurait pas de disposition présentement au niveau de la loi pour le démarrage de fermes agricoles en zone verte.

M. Lapointe (Serge): Effectivement.

M. Paradis: C'est ça? On nous a raconté, et c'est M. Gilbert qui l'a fait de façon éloquente...

La Présidente (Mme Vermette): M. le député, il vous reste 30 secondes, alors question-réponse.

M. Paradis: ...le chantage dont faisaient l'objet, pour l'obtention de signatures, les producteurs agricoles qui désirent modifier, dans certains cas, même pas s'agrandir. On a un cas, là. Est-ce que c'est une pratique qui, à votre connaissance, comme président de la relève agricole, s'applique simplement dans des cas très particuliers ou si c'est assez généralisé au Québec?

M. Lapointe (Serge): Pour avoir fait une tournée de nos groupes de relève en 1998, en automne 1998, je vous dirais que, malheureusement, c'est pratique courante dans quelques régions. Malheureusement.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce, nous allons...

M. Trudel: Est-ce que je peux demander une permission spéciale à la commission, Mme la Présidente? Je suis prêt à emprunter sur mon temps d'un autre groupe. Je veux poser une question à Mme Journault, qui est avec nous.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Consentement?

M. Paradis: Consentement.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, s'il y a consentement, oui, M. le ministre.

M. Trudel: Mme Journault, je veux juste vous entendre parce que, bien honnêtement... Les gens ne vous voient pas là, ils ne vous voient pas... de dos, nous, on vous a de face. Votre fils n'a pu prendre la relève agricole sur votre ferme. On a connu puis on s'est fait dire les raisons. Vous avez l'air à être d'une tristesse infinie. Qu'est-ce qui s'est passé et qu'est-ce qui se passe?

Mme Journault (Sylvie): Bien, c'est parce qu'il était supposé prendre la relève dans trois ans. J'étais avec lui encore pour trois, quatre ans. Puis ça a apporté que ça a détruit notre ferme ? ça faisait 27 ans que j'étais dessus ? ça a détruit l'avenir de mon garçon sur la ferme puis ça a détruit la santé de mon mari, qui a fait un infarctus au mois de juin. Tout ça s'est accumulé. Ça fait qu'on a encore de la misère avec ça. Ça va se passer avec le temps, on va se réenligner dans un autre domaine, mais, pour le moment, on a encore de la misère. Parce qu'on ne voulait pas la fermer, c'était une ferme qui demandait rien qu'à vivre. Puis, pour une personne qui n'a pas voulu signer parce qu'il ne nous aimait pas la face, autrement dit, on a perdu notre ferme. Parce qu'il nous a dit que, comme Rodrigue a dit tantôt, n'importe quand, il nous envoyait une plainte. On était obligés de se mettre conformes tout de suite, mais il fallait absolument agrandir avant ou sortir les animaux. Dans le domaine agricole, on avance ou on recule, puis là on repartait de reculons. Ça nous mettait à en sortir sept, huit parce qu'elles étaient rendues trop grosses. Autrement dit, elles étaient mal à l'aise dans l'étable. J'ai eu de la misère avec ça, oui. Mais, avec le temps, on va passer au travers. Je ne souhaite ça à aucun cultivateur parce que c'est vraiment un gros deuil qu'on vit présentement. C'est mon opinion.

M. Trudel: Madame, c'est extrêmement précieux, ce que vous nous dites, extrêmement précieux. Les cas Gilbert et Journault et ce que vous venez de nous témoigner devront nous suivre au minimum pendant toute la présente commission. Et ce sera de notre responsabilité, comme l'a dit le leader de l'opposition, de faire en sorte qu'il ne se produise plus jamais de cas Gilbert et de cas Journault et que ceux et celles qui ont amené cette situation devront en répondre aussi devant l'opinion publique. Bon courage, Mme Journault, merci d'avoir fait ce témoignage-là ce matin. C'est très impressionnant et très éclairant pour les travaux que nous avons à poursuivre. Merci beaucoup.

M. Journault (Sylvie): Merci.

M. Trudel: Merci au président de la FRAQ.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Alors, suite à vos propos, je pense que nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants. Et je demanderai après aux autres de pouvoir s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

 

(Reprise à 11 h 3)

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons reprendre nos travaux. Oui, je demanderais l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux. Alors, si vous voulez, les gens qui sont parmi nous, bien vouloir suivre notre décorum.

M. Whissell: Mme la Présidente, j'aurais une remarque à faire, et je voudrais qu'elle soit constructive. Compte tenu de l'importance de cette commission, compte tenu du nombre de personnes qui assistent à nos travaux ? on avait déjà fait ce débat lors d'audiences précédentes sur La Financière ? serait-il possible que le ministre fasse la demande pour que nous siégions au salon rouge lors des prochaines journées, compte tenu qu'il risque de se joindre... Il y a des gens qui sont debout. C'est un dossier important. Au salon rouge, nous sommes rediffusés sur les chaînes de télévision. L'agriculture est importante. Alors, je fais la suggestion au ministre pour qu'il fasse la demande à son leader pour que, demain et après demain, nous soyons au...

La Présidente (Mme Vermette): Nous en prenons bonne note, M. le député d'Argenteuil. Alors, je demanderais...

M. Trudel: Je ne vais pas répondre comme De Gaulle avait répondu: De minimis non curat praetor, en latin. Le chef ne s'occupe pas de ces peccadilles, d'autres sont chargés de s'en occuper.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nous irons voir l'intendant.

M. Whissell: Mais, quand les autres ne s'en occupent pas comme il faut...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais à l'Ordre des agronomes de bien se présenter et à la présidente de nous présenter les gens qui l'accompagnent actuellement.

Ordre des agronomes du Québec (OAQ)

Mme Bolduc (Claire): Bonjour, ça nous fait plaisir d'être ici. Je suis accompagnée du vice-président, André Proulx, de M. Conrad Bernier, qui est membre du bureau de l'Ordre des agronomes, de M. Daniel Labbé, qui est à ma gauche, qui est spécialiste en aménagement du territoire. Et nous sommes secondés dans toute cette tâche par Mme Claudine Lussier, qui est la directrice générale de l'Ordre.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, votre nom est Mme Claire Bolduc.

Mme Bolduc (Claire): Effectivement.

La Présidente (Mme Vermette): La présidente de l'Ordre des agronomes. Alors, vous avez un temps de parole de 15 minutes et, par la suite, vous serez questionnés, d'une part et d'autre, par le ministre et le porte-parole officiel de l'opposition.

Mme Bolduc (Claire): Merci. Alors, il nous fait plaisir de présenter, Mme la Présidente, les commentaires de l'Ordre concernant le projet de loi n° 184. Comme vous l'avez mentionné, l'Ordre des agronomes, c'est un ordre professionnel qui est régi par le Code des professions et qui regroupe quelque 3 200 personnes dont plusieurs travaillent, ont développé une spécialité dans l'aménagement du territoire et l'utilisation des sols agricoles. L'Ordre des agronomes partage également une responsabilité, celle de prendre en charge l'intérêt des tiers dans les dossiers relevant de son domaine d'activité et elle met ainsi l'expertise de la profession au service de la société.

Dans ce contexte-ci, c'est d'autant plus approprié, notre intervention, parce que le territoire agricole, c'est aussi un patrimoine collectif. Si l'on se réfère au nombre de mémoires que l'Ordre a déposés au cours des 20 dernières années, on peut affirmer sans conteste que la protection du territoire et des activités agricoles fut et demeure encore aujourd'hui l'une des grandes préoccupations de notre organisme. De fait, l'Ordre a de tout temps appuyé le législateur dans ses objectifs de protection du territoire agricole. D'ailleurs, nous rappelons que le principe de favoriser l'utilisation prioritaire des bons sols agricoles à des fins agricoles a toujours été à la base de toutes les positions prises par l'Ordre.

L'Ordre des agronomes vous présente donc ses commentaires. Malgré le peu de temps laissé à sa disposition, l'Ordre des agronomes a procédé à l'étude du projet n° 184 et, bien que plusieurs éléments diversifiés y soient abordés, trois d'entre eux ont particulièrement retenu notre attention.

D'abord, nous constatons que le projet concentre dorénavant une bonne part des responsabilités quant à la détermination des orientations d'aménagement du territoire et de son développement au sein des MRC, et ce, en concordance avec les schémas d'aménagement. En second lieu, nous apprécions le fait que le législateur ait intégré le concept d'écoconditionnalité, d'autant plus qu'il permet en partie de compenser une perte d'autonomie subie par les municipalités. Enfin, l'Ordre constate que le présent projet de loi, à la manière de ceux qui l'ont précédé, met de l'avant une approche qui se veut davantage prohibitive que positive ou proactive, ce qui nous apparaît discutable, particulièrement dans le contexte où l'on fait face à une problématique majeure de cohabitation des activités agricoles et non agricoles. Nous souhaitons donc apporter toute la collaboration voulue et l'expertise des agronomes du Québec. Et, dans l'analyse de chacun de ces constats, nous suggérons aussi quelques pistes de solution.

Retour des responsabilités vers les MRC. L'Ordre des agronomes qualifie de sage la décision du législateur de soustraire aux municipalités la responsabilité de la protection du territoire agricole et de la confier aux MRC. Il nous apparaît que c'est la situation de moindre mal dans les circonstances. Déjà, en 1995, l'Ordre s'était objecté au fait que les pouvoirs de protection du territoire agricole soient confiés aux municipalités, même regroupées dans une MRC, alléguant qu'il était illusoire de croire que ces dernières puissent être les gardiennes du patrimoine agricole et les promotrices d'une réglementation fondée sur des préjugés favorables aux activités agricoles. Devant le fait accompli, l'Ordre avait alors relevé, lors d'interventions ultérieures, que les MRC, en tant que structures intermédiaires entre la municipalité et le gouvernement, constituaient une instance davantage acceptable pour harmoniser adéquatement les orientations en matière de protection du territoire agricole. Encore fallait-il toutefois qu'elles soient outillées convenablement pour exercer cette responsabilité.

n (11 h 10) n

Il nous faut mentionner que les pressions politiques qui s'exercent à l'échelle des municipalités ont engendré, engendrent encore des décisions fondées plus sur l'émotivité que sur la logique et le gros bons sens et qu'elles mettent ainsi un frein important au développement de l'agriculture en zone agricole. Nous mentionnons, à titre d'exemple, ce qui se passe dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean depuis un an, où un mouvement de population fait en sorte qu'on s'oppose vivement à l'établissement d'entreprises de production porcine, alors que la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean dispose d'espaces appropriés et qu'elle n'est pas aux prises avec des problèmes engendrés par une importante concentration de cet élevage. On pourrait aussi relever, M. le ministre, des situations similaires dans votre comté de Témiscamingue, dans la municipalité de Laverlochère. De fait, le premier réflexe souvent observé à l'échelle locale dans de telles situations est de considérer les activités agricoles comme une nuisance plutôt que de les entrevoir comme des opportunités de diversification et de développement économique de la région.

Ainsi, l'Ordre est d'avis que la récupération des pouvoirs de protection du territoire agricole au niveau des MRC, lesquelles sont d'ailleurs déjà responsables de l'élaboration des schémas d'aménagement, permettra d'exercer un meilleur leadership et d'éviter une réglementation abusive de la part des municipalités dont, il faut le dire, les élus sont parfois exposés à d'importantes pressions politiques. Évidemment, la délégation de pouvoirs aux MRC ne devrait pas signifier la soustraction du processus décisionnel à une démarche démocratique transparente et basée sur l'expertise appropriée.

Les ressources au sein des MRC. Dans un autre ordre d'idées, bien que les MRC aient accès à davantage de ressources que des municipalités pour exercer adéquatement la gestion et le développement du territoire agricole, l'Ordre considère que celles-ci ? les ressources ? demeurent encore bien insuffisantes. D'ailleurs, dans son mémoire d'avril 1997, l'Ordre avait démontré une réticence à ce que les MRC soient les seules responsables du développement du territoire agricole. De fait, il ne faudrait pas que le législateur se contente de déléguer une partie des pouvoirs et obligations, comme il l'a fait pour les municipalités. La gestion du territoire ne doit donc pas se limiter à une question de pouvoir réglementaire, puisque c'est également et surtout une question de ressources appropriées.

Par ailleurs, on se pose la question à savoir qui, dans les MRC, possède les compétences nécessaires pour réaliser les schémas d'aménagement lorsque l'on traite de la zone agricole. Ainsi, le législateur doit, pour assurer l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés, apporter le support nécessaire et accorder le financement requis. Cette condition est essentielle si on veut permettre aux MRC d'accéder à des spécialistes et d'intégrer aux schémas d'aménagement les outils nécessaires en vue d'assurer non seulement la gestion du territoire agricole mais également son développement dans un souci de coexistence harmonieuse des activités agricoles et non agricoles et de protection de l'environnement.

Le plan de développement de la zone agricole. Lorsque l'on parle d'outils, l'OAQ fait ici référence notamment au plan de développement de la zone agricole. Ce concept avait déjà été mis de l'avant par l'Ordre en 1996 et appuyé dans cette démarche par le ministre des Affaires municipales de l'époque pour une activité... un projet-pilote qui a été effectué dans la MRC des Etchemins. En effet, alors que les schémas d'aménagement tracent les grands axes du développement du territoire, le plan de développement de la zone permet pour sa part de caractériser adéquatement le milieu et procure de ce fait une connaissance pointue du territoire, du degré de sensibilité des zones et du potentiel de chacune d'elles en termes d'opportunité de développement. Donc, le plan de développement de la zone agricole apporte un éclairage indéniable sur les façons dont peuvent s'intégrer les activités agricoles aux autres types d'activités telles que l'exploitation forestière, le tourisme, la villégiature ainsi que le développement résidentiel et industriel. Cela permet aussi de faciliter encore la coexistence harmonieuse de toutes les activités. Pour l'Ordre, il nous apparaît donc essentiel que les MRC soient formellement invitées à se doter de tels plans de développement de la zone agricole.

Le concept d'écoconditionnalité. L'Ordre des agronomes se réjouit de voir apparaître dans le projet de loi n° 184 le concept d'écoconditionnalité. D'ailleurs, nous l'avons mis de l'avant et défendu depuis plusieurs années. Cet apport mérite d'être souligné. Toutefois, nous devons constater que, tel qu'avancé dans les articles 20, 21 et 26, ce concept perd une grande partie de son impact, donc de l'intérêt qu'il peut présenter. De fait, l'Ordre est d'avis que le versement des indemnités dans leur totalité devrait être assujetti au respect des conditions environnementales. Puisque le concept d'écoconditionnalité agit en quelque sorte en guise de garantie, seul un projet de loi fort et soutenu en ce sens pourra concilier les intérêts parfois divergents de la population et du secteur agricole et ainsi restaurer un niveau de confiance envers le secteur agricole.

Coexistence harmonieuse des activités agricoles et non agricoles. Il s'agit du troisième constat général qui se dégage de l'étude que l'Ordre a fait du projet de loi n° 184. C'est le dilemme qui existe entre les utilisations agricoles et non agricoles qui sont faites du territoire. L'Ordre déplore que le législateur procède par le retrait de droits et adopte par le fait même une approche qui soit davantage prohibitive et contraignante plutôt qu'une approche axée sur la mise de l'avant de solutions positives qui pourraient favoriser grandement une cohabitation harmonieuse et le maintien sinon le développement des communautés urbaines et rurales. À cet effet, le schéma d'aménagement et, qui plus est, le plan de développement de la zone agricole représentent des outils de grande valeur reposant sur des paramètres définis et établis. Utilisés à bon escient, ils peuvent apporter des solutions concrètes et positives à la problématique de cohabitation des activités agricoles et non agricoles, tout en évitant de déstructurer les communautés rurales et ainsi inciter à l'exode de leurs habitants.

Ceci étant les commentaires généraux, nous faisons quelques commentaires relativement à certains articles. À l'article 2, est-il besoin de mentionner que la lecture de cet article est très ardue et qu'il risque, de ce fait, de semer non pas une certaine confusion mais une confusion certaine? De plus, l'ajout apporté à l'article 40 se veut contradictoire. D'une part, à la première phrase du deuxième alinéa, nous accordons certains privilèges aux producteurs en termes d'accroissement des activités agricoles, alors que, dans la deuxième phrase, ils sont retirés de par l'obligation qui ne vaut que si on respecte les distances séparatrices.

Si l'objectif est de soustraire toute résidence construite en vertu de l'article 40 comme point de référence à des distances séparatrices, nous y voyons un excès désavantageux pour les agriculteurs. Je pense que vous avez eu, ce matin, des exemples de ça. En fait, il est souhaitable que la résidence ne soit pas considérée comme point de référence pour l'exploitation à laquelle elle est ou elle était rattachée. Toutefois, que l'exploitation agricole voisine fasse fi de cette résidence dans ses activités et son développement constitue une source de problèmes de voisinage potentiellement importante et une soustraction du droit fondamental de l'agriculteur à une certaine qualité de vie.

À l'article 5, l'Ordre des agronomes s'inquiète du deuxième alinéa de l'article 59 quant à la transparence et à l'approche démocratique d'un processus qui restreint systématiquement les personnes intéressées à trois parties. Notre question: Est-ce que le propriétaire agriculteur et ses voisins, en tant que principaux concernés, ne pourraient pas apporter une contribution importante pour tendre vers une cohabitation harmonieuse future et s'assurer de conditions de développement durable?

De plus, nous souhaitons, avant d'émettre un avis plus précis sur la portée de l'article 5 et de ses retombées sur l'article 59... Nous nous interrogeons sur l'utilité d'obtenir une meilleure définition de la notion d'«îlot déstructuré», puisque la définition actuelle semble grandement laisser place à l'arbitraire. S'il peut sembler simple de la définir dans certaines régions ou dans certaines zones, il apparaît beaucoup plus problématique de le faire dans d'autres municipalités ou dans d'autres MRC.

À l'article 11, la redisposition de l'article 61.1 avant le premier alinéa de l'article 65.1 s'avère justifiée, puisqu'elle permet de faire obstacle à des demandes non fondées.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous avertis qu'il vous reste une minute.

Mme Bolduc (Claire): Parfait. Aux articles 15, 16, et 17, ces articles font référence à l'approbation du ministre après que les consultations auront été faites. C'est ainsi qu'ils s'assurent que les schémas d'aménagement sont conformes aux normes prescrites. C'est d'ailleurs à cette étape que l'Ordre considère que le législateur pourrait imposer l'élaboration du plan de développement de la zone agricole aux MRC. Cette étape devrait demeurer transparente, démocratique et basée sur des expertises appropriées.

L'article 14. Bien que l'ajout de l'article 103.1 ait pour effet de diminuer la latitude des producteurs agricoles en limitant le recours qu'ils ont aux droits acquis, il présente un intérêt certain dans les cas notamment où les intentions sont de modifier l'usage d'un terrain. Dans ce sens, on peut alléguer le fait que la modification proposée permet d'exercer un meilleur contrôle de l'utilisation du territoire. Toutefois, plutôt que de prohiber de nouveaux usages, l'Ordre estime que le législateur devrait plutôt limiter cette prohibition aux usages qui auraient pour effet d'augmenter le facteur d'usage G en référant aux paramètres pour le calcul des distances séparatrices relatives aux odeurs et d'introduire un point de référence plus contraignant. On parlerait ainsi beaucoup plus d'harmonisation que de prohibition. Du moins, la prohibition réduite, telle que mise de l'avant dans l'article 14, devrait être sous réserve d'une autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec.

n (11 h 20) n

En conclusion, ce n'est pas la première fois que l'Ordre est invité à déposer ses commentaires, et c'est toujours avec un grand intérêt qu'on le fait, particulièrement concernant la protection du territoire agricole. Le principe de base sur lequel l'Ordre s'est toujours penché et sur lequel se basent l'ensemble de nos positions, c'est de favoriser l'utilisation prioritaire des bons sols agricoles à des fins agricoles et de miser sur le développement agricole pour dynamiser les communautés rurales.

Nous réitérons aussi que la notion de plan de développement de la zone agricole préparé conformément au schéma d'aménagement et conçu par des spécialistes qualifiés pour le faire servira d'assise à une approche positive et structurante du milieu rural québécois. Nous espérons que ces commentaires vous seront utiles.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, Mme Bolduc. Je pense que nous avez apporté plusieurs éléments de réflexion, notamment en ce qui concerne les ressources, le financement, en ce qui concerne les projets forts et soutenus. Et je pense que vous avez relevé, ce qui était très important, la question de confiance. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la présidente de l'Ordre. Le temps étant ici très restreint, il faut l'utiliser au maximum, bienvenue, et allons au questions très précises.

Mme la présidente, vous êtes donc... Vous dirigez... Combien qu'il y d'agronomes, au Québec, membres de l'Ordre, là?

Mme Bolduc (Claire): Trois mille deux cents.

M. Trudel: Alors, vous êtes à la tête de 3 200 professionnels de l'agriculture, de l'agroalimentaire au Québec. Vous êtes donc les professionnels au premier rang du développement et du soutien à l'agriculture.

Vous avez fait, d'entrée de jeu, une introduction de situation en disant, par exemple, ce qui se passe comme débat au Saguenay?Lac-Saint-Jean. Mme la présidente de l'Ordre des agronomes du Québec, y a-t-il, selon les professionnels de l'agriculture, une erreur porcine au Québec? Mme la présidente, y a-t-il erreur porcine au Québec actuellement sur le territoire québécois, Saguenay?Lac-Saint-Jean, si vous voulez?

Mme Bolduc (Claire): Pour parler de la production porcine, M. le ministre, je vous signalerai que, quand on parle d'erreur porcine, on fait référence à d'autres types d'erreurs, par exemple, l'erreur boréale...

M. Trudel: C'est ça.

Mme Bolduc (Claire): ...et je ne pense pas qu'on puisse traiter de la chose sous cet angle-là. Je me permettrai de vous dire qu'on rencontre une certaine problématique reliée à la production porcine au Québec et que cette problématique-là est particulièrement liée au fait de la concentration des élevages dans des zones particulières. Et l'Ordre des agronomes rappelle aussi que, dans plusieurs circonstances, nous avons eu à mentionner que, si le territoire était occupé adéquatement et si on dispersait sur le territoire certains types d'élevages, ce serait non seulement bénéfique en terme environnemental, mais ce serait aussi bénéfique pour le développement des communautés et des ruralités.

Alors, à cet égard-là, quand vous me parlez d'erreur porcine, je ne partagerai pas cette opinion-là, dans le sens où la production porcine au Québec, c'est une belle production, on produit de la qualité et on produit avec des moyens performants. Je dirai qu'on rencontre des problèmes et qu'ils sont reliés à la concentration des élevages.

M. Trudel: Est-ce que je vous traduis bien en disant qu'il n'y a pas, donc, de votre point de vue de professionnels, d'erreur porcine au Québec, mais il y aurait...

Mme Bolduc (Claire): Mais il y a des problèmes.

M. Trudel: Mais il y a des problèmes. Comme, par exemple, en termes de concentration, à votre avis, très précisément, y a-t-il une erreur porcine à L'Ange-Gardien, dans les Cantons-de-l'Est? Y a-t-il une erreur porcine en termes de concentration à L'Ange-Gardien, dans la région des Cantons-de-l'Est?

Mme Bolduc (Claire): Alors, je ne peux malheureusement pas répondre à votre question de façon très précise concernant cette municipalité-là, je n'ai pas devant moi les données. Par contre, si vous m'expliquez la situation, je pourrai vous signaler...

M. Trudel: Sûr, je vais vous dire, je vais être un peu plus explicite, nous avons une grande entreprise agricole au Québec, une grande entreprise de production porcine qui s'appelle F. Ménard et Fils, qui est très connue et qui produit 700 000 porcs par année dans l'ensemble de la région de l'Estrie, dont le siège social est à L'Ange-Gardien. C'est ce qu'on pourrait appeler une certaine concentration. À votre avis de professionnels, est-ce qu'on vous a signalé... Est-ce que vous avez été amenés à intervenir parce qu'il y avait erreur porcine à L'Ange-Gardien, dans une entreprise qui partage avec ? si ma mémoire m'est fidèle ? 293 autres entreprises le développement de la production?

Mme Bolduc (Claire): M. le ministre, je vous rappellerai que, quand on parle de problématique liée à la concentration des élevages, si, dans un territoire municipal donné, on retrouve 700 000 porcs, on a un problème.

M. Trudel: Dans une région.

Mme Bolduc (Claire): Alors, dans une région donnée, dépendant de la dimension de cette région-là, et je pense que la région de L'Ange-Gardien, c'est une région de bonne dimension, dans cette région-là particulièrement, il y a de la place pour plusieurs élevages. Non seulement y a-t-il beaucoup d'élevages porcins, mais aussi d'autres types d'élevages et d'autres types de cultures.

Alors, ce qu'il faut considérer, ce n'est pas uniquement la situation de la production porcine mais l'ensemble des activités agricoles qui y sont pratiquées et de quelle façon elles y sont pratiquées. À ce moment-là, votre question ne se répond pas par oui ou par non mais par: Ça dépend.

Et ce que je vous dirais aussi, c'est qu'il faut voir, dans la dynamique qui s'inscrit, comment se dynamise le milieu économique de cette région-là. Est-ce que toute la dynamique économique tourne autour des activités agricoles? Si c'est le cas, on comprend qu'il y ait une plus grande concentration des élevages ou des activités agricoles dans cette zone-là. Mais il faut voir l'ensemble des données sur une région de cette envergure-là et voir quels sont les autres élevages, quel est l'impact des autres élevages, quel est l'impact des populations et des autres activités industrielles qu'on retrouve dans la région, quel est l'impact des cultures qu'on y pratique. La plupart du temps, les élevages porcins sont concentrés dans des zones où on peut produire du maïs parce que cet élevage-là est lié à l'alimentation en maïs. On envisage peu d'autres types d'élevage et d'autres types d'alimentation. Alors, votre question est complexe, et ça ne se répond pas par oui ou par non.

M. Trudel: Merci de la réponse, tout court commentaire, préparez-vous à y répondre parce que, sans l'ombre d'un doute, on vous posera la question comme professionnels de l'agriculture au cours des prochains mois et des prochaines semaines. C'est un avis, c'est une opinion. Préparez-vous comme il faut, vous allez être au banc.

Question suivante. Au Québec, lorsqu'on a une exploitation agricole, on a maintenant l'obligation formelle par la loi de préparer et de faire signer par un professionnel qui est un agronome un plan agroenvironnemental de fertilisation. Le producteur agricole a l'obligation formelle, avec des dates d'échéance, de présenter en vertu du règlement un plan agroenvironnemental de fertilisation et la preuve formelle que ce plan est conforme à la capacité d'absorption des sols, à la capacité de réception. Il est signé, de par l'obligation du règlement, par un professionnel qui s'appelle un agronome au Québec. Est-ce que, Mme la présidente, vous pouvez nous dire si, à votre avis, représentant les professionnels qui signent ces plans, les plans agroenvironnementaux de fertilisation sont garants ou posent la garantie qu'il n'y aura pas d'erreur porcine au Québec?

Je répète la question. Vous, vous représentez les professionnels qui signent obligatoirement tous ces plans qui doivent donc servir de garantie à la population qu'il n'y aura pas de dépassement. Est-ce que vous pouvez donc nous dire si ces plans agroenvironnementaux de fertilisation ? auxquels sont obligés les productrices et les producteurs agricoles ? signés par un agronome sont garants, sont une garantie qu'il n'y aura pas d'erreur porcine au Québec?

Mme Bolduc (Claire): M. le ministre, merci de l'avis précédent. Je vous assure qu'on sera préparés à répondre lorsqu'on sera sur les questions que vous nous avez mentionnées précédemment. Ça nous fera d'ailleurs plaisir de contribuer au débat.

Pour ce qui est des plans agroenvironnementaux de fertilisation, il faut savoir que l'application, l'obligation pour les producteurs s'étale dans le temps. Alors, actuellement, ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont visées, ça s'échelonne dans le temps. Et il faut s'assurer que l'application de cette échéance-là ne soit pas retardée. Alors, il faut absolument insister et peut-être, si c'est possible, accélérer le processus des PAEF.

n (11 h 30) n

Par ailleurs, je vous mentionnerai que le plan, c'est un premier outil. Il y a le suivi au plan qui doit être effectué adéquatement. Actuellement, il n'y a aucune obligation de suivi, il y a une obligation d'écriture du PAEF. Et, comme en toute mesure, l'écriture du plan doit tenir compte de minimiser les effets environnementaux et de les diminuer dans le temps, de l'impact de l'utilisation des fertilisants. Je vous mentionnerai aussi qu'on n'est pas les professionnels qui appliquent les fumiers, alors c'est d'autant plus important, à ce moment-là, de faire les suivis appropriés et d'avoir les mesures qui s'imposent pour que les suivis soient obligatoires.

Le plan est en lui-même un très bon outil. On parle de plan agroenvironnemental de fertilisation et non pas de plan global de fertilisation intégré, tel que le concept initial créé par l'Ordre l'avait suggéré. Le plan global de fertilisation intégré touchait à d'autres aspects de l'entreprise agricole, notamment l'alimentation animale, ce que ne fait pas le plan agroenvironnemental de fertilisation, notamment aussi tout le suivi technico-économique de l'entreprise. Alors, les plans agroenvironnementaux faits par les professionnels, nous sommes garants de la compétence des professionnels qui les font et nous accordons une attention très particulière à cet élément-là. Par contre, on ne peut pas obliger, dans l'état actuel des choses, au suivi de ces plans-là. Alors, il revient au bon vouloir des producteurs agricoles de demander un suivi approprié. Et je dois vous dire que la plupart des producteurs agricoles sont intéressés par ce suivi-là. Alors, c'est peut-être un élément qui vous sera favorable.

M. Trudel: Merci. Il faut aller sur ces deux précisions que vous venez de nous apporter. Est-ce que, sans aller dans les détails, quand un agronome signe un plan agroenvironnemental de fertilisation, il s'assure, ce professionnel, et il garantit par sa signature et les lettres au bout de son nom que la quantité de lisier qui sera épandu sur un acre de terre ne dépasse pas la capacité d'absorption du sol et de la plante? Le professionnel, quand il appose sa signature, est-ce qu'il nous dit en mettant son titre professionnel en jeu que la quantité de lisier qu'il, lui, ou qu'elle autorise ne dépasse pas la capacité d'absorption du sol et de la plante qui y sera semée, qui sera plantée sur cette terre-là? Est-ce que c'est ça formellement quand on prend ça à sa base même?

Mme Bolduc (Claire): C'est exactement ça. C'est l'objectif visé par le plan agroenvironnemental de fertilisation. Maintenant, comme je le mentionnais, le plan, c'est une chose, l'exécution, c'en est une autre, et le suivi, c'en est une troisième.

M. Trudel: C'est parfait, quant à moi. Donc, il faut répéter. Quand un agronome signe un plan agroenvironnemental de fertilisation sur l'utilisation d'un acre de terre agricole au Québec, il appose et met en jeu son titre professionnel qu'on ne doit pas utiliser plus que telle quantité de lisier, par exemple, et que la quantité que vous autorisez en quelque sorte, guillemets, eh bien, elle ne dépasse pas la capacité d'absorption du sol et de la plante. Très bien.

Deuxièmement, vous dites: Cependant ? et là je vais vous le demander en termes d'opinion, parce que vous n'êtes pas les responsables, je le sais bien, de après le plan ? dans votre opinion... Et vous vivez dans une des plus belles régions agricoles du Québec, en fait, le plus beau comté du Québec, le comté Rouyn-Noranda?Témiscamingue, vous vivez dans le Témiscamingue, vous avez soulevé les problématiques à cette belle municipalité qui s'appelle Laverlochère. Il y en a 1 177, des Laverlochère au Québec. Est-ce que vous avez l'impression, de ce que vos membres vous disent, que vos plans ne sont pas suivis et qu'il y a de la désobéissance et qu'on ne suit pas les prescriptions que vous avez ordonnées de par votre signature?

Mme Bolduc (Claire): L'opinion que j'émets à ce moment-ci, puis c'est vraiment selon les commentaires que nos membres nous ont rapportés, puis il est important de mentionner que ce n'est souvent de la mauvaise volonté ni de la part des producteurs ni de la part des agronomes qui nous rapportent les éléments, mais effectivement il y a des divergences importantes entre le plan et l'exécution. Et je dirais que ça touche environ 30 % des producteurs agricoles. Et ce que nous rapportent les agronomes qui sont interpellés dans la réalisation des PAEF ou des plans de fertilisation, c'est que, si la plupart des producteurs agricoles sont très sensibilisés à la problématique environnementale, c'est-à-dire qu'ils en ont entendu parler, beaucoup encore n'ont pas pris conscience du geste posé qui a une conséquence environnementale sur l'entreprise. Et c'est à ce niveau-là que le travail approprié avec les professionnels en collaboration et en collégialité avec les producteurs agricoles doit se faire.

Je vous ramènerai peut-être aux bonnes années ou aux années d'or du MAPAQ, où il y avait une collaboration ? disons-le comme ça ? très, très étroite entre les agriculteurs et les professionnels qui intervenaient auprès d'eux, où les gens avaient des échanges très importants et où le transfert technologique se faisait de façon accélérée. Ce contact-là s'est un peu perdu. Et, les producteurs agricoles, ce n'est pas de la mauvaise volonté, il ne faut pas le voir comme ça, mais le geste posé sur l'entreprise, qui a une conséquence environnementale, ce n'est pas connu, c'est souvent... On ne connaît pas exactement quelle est la conséquence du geste posé. Et ce n'est pas une question de mauvaise volonté, c'est une question de connaissance, et c'est aussi, à mon sens, une question de formation, d'éducation, de sensibilisation.

L'exercice qui est en cours actuellement au niveau du portrait agroenvironnemental a déjà fait... Tous les producteurs en ont entendu parler de la problématique environnementale. Il faut poursuivre, il faut accentuer les actions qu'on fait dans ce sens-là, au niveau de formation et de sensibilisation, pour identifier concrètement les gestes posés qui ont des conséquences environnementales. Et ça, c'est ce que nos membres nous rapportent. Et, quand ils ont l'opportunité de discuter adéquatement avec les producteurs agricoles, quand ils ont l'opportunité de faire les suivis appropriés, ce sont ces gestes-là qui sont modifiés dans les façons de faire et qui amènent de réels gains environnementaux au niveau des entreprises agricoles.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie.

M. Trudel: Merci, Mme la présidente. Je n'ai plus de temps?

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre, votre temps est terminé. Alors, je devrai passer la parole...

M. Trudel: ...poser une question, mais je ne peux pas.

La Présidente (Mme Vermette): Je suis convaincue que les membres de l'opposition...

M. Trudel: Sur les 140 professionnels...

La Présidente (Mme Vermette): ...ou le porte-parole va sûrement vous rejoindre à quelque niveau que ce soit.

M. Trudel: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, voilà. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bienvenue aux membres de l'Ordre des agronomes du Québec. Votre témoignage est certainement très important. Dans votre mémoire, vous faites état des compétences. C'est un terme qui revient souvent. Actuellement, on a des municipalités qui peuvent faire des règlements, dans le fond, selon leurs désirs. Ils ont un encadrement mais qui est quand même assez limité. Actuellement, est-ce que les municipalités, selon vous, ont les compétences pour faire ces règlements?

Mme Bolduc (Claire): Dans les municipalités?

M. Whissell: Oui.

Mme Bolduc (Claire): Nous, quand on fait référence aux compétences, on dit: Les municipalités, on leur avait transféré le devoir de favoriser les activités et de promouvoir les activités agricoles en zone agricole, et ce qu'on constate, c'est que les municipalités sont dépourvues de ces compétences-là. Même au niveau des MRC, elles sont souvent absentes. Quand j'ai un urbaniste dans une MRC qui me parle de la zone agricole, je clignote, je..., ce n'est pas compliqué. De quoi il parle exactement? De ce qu'il connaît et de ce que ses compétences lui permettent de décoder et d'analyser.

M. Whissell: Alors, ce que vous nous dites, c'est que, anciennement, avec la loi n° 23, on avait transféré ces compétences au monde municipal via les municipalités locales. Avec les amendements qui sont proposés, on les transfère aux MRC, qui, dans bien des cas et à bien des égards, n'ont possiblement pas les compétences pour faire les réglementations en question. Selon vous ? et c'est une question qui est franche ? est-ce que la réglementation devrait rester de compétence provinciale et être appliquée par des gens tels que vous?

Mme Bolduc (Claire): Je vous dirais qu'on est plutôt favorable à ce que ça se fasse localement, parce que, si on veut avoir des plans de développement de zones qui soient efficaces, proactifs et dynamisants pour les milieux, si on maintient ça au niveau provincial, on n'aura pas d'impact positif. Alors, le fait de ramener certaines responsabilités au niveau des MRC, ça peut permettre de dynamiser cette action-là, de voir localement quelles sont les opportunités, de caractériser le milieu adéquatement et d'utiliser adéquatement les informations pointues du milieu.

Il faut mettre aussi en parallèle que la zone agricole, elle va toucher aussi d'autres secteurs d'économie ou d'activité. Par exemple, la forêt. Dans plusieurs régions du Québec, le territoire agricole est entrecoupé de boisés de fermes, est entrecoupé... Et il y a aussi des intervenants qui doivent avoir la compétence appropriée pour qualifier ces espaces-là. Il y a des zones récréatives, il y a des zones de villégiature, il y a des zones d'aménagement cynégétique et halieutique. Il faut voir où les compétences sont. La problématique avec les municipalités, c'est que tu as des petites structures souvent qui n'ont pas les ressources et les moyens financiers de s'offrir ces compétences-là. La MRC a plus de facilité de regrouper ses forces pour aller chercher les compétences.

n (11 h 40) n

M. Whissell: Je vais vous poser une question, toujours sur le même sujet. Présentement, vous avez une directive qui s'appelle Directive relative à la détermination des distances séparatrices relatives à la gestion des odeurs en milieu agricole. J'imagine que c'est une directive que vous utilisez...

Mme Bolduc (Claire): Qu'on connaît.

M. Whissell: ...que vous connaissez. Qu'est-ce qui empêche actuellement le gouvernement de faire de cette directive un règlement et que ce règlement soit appliqué sur les territoires municipaux et les MRC? Et qu'est-ce qui empêche, parallèlement à tout ça, d'avoir quand même un plan de développement de la zone agricole?

Mme Bolduc (Claire): Actuellement, si on avait un tel règlement qui serait mur à mur pour l'ensemble de la province, il nous apparaît que ça serait un peu utopique. Les problématiques ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du Québec, dans toutes les zones de production. On parlait tout à l'heure de la production porcine; je pense que c'est un très bel exemple. Il y a des zones où ce genre de directives-là ne seront jamais assez sévères compte tenu de la concentration et de la production et de la population, alors que d'autres régions du Québec n'auront pas besoin de ces directives-là, les activités, tant rurales que municipales et qu'agricoles, n'empiéteront pas les unes sur les autres, ne se feront pas concurrence et ne se nuiront pas ensemble. Alors, nous, c'est pour ça qu'on souhaite peut-être une directive moins formelle mais quelque chose qui soit plus souple d'application. Éviter la rigidité et s'orienter vers les points forts et les dynamiques particulières propres à chacune des régions, ça nous apparaît plus proactif.

M. Whissell: Un thème qui revient souvent et que le ministre a mentionné fréquemment au cours des dernières semaines, c'est toute la question de l'écoconditionnalité. On en retrouve certains articles à l'intérieur du projet de loi n° 184, les articles 20 et 21. Vous faites référence à ces articles. Dans la loi, on dit qu'on peut appliquer de telles règles, c'est-à-dire s'assurer que les normes environnementales sont respectées par les producteurs, conditionnelles à l'émission de paiements que ce soit par les assurances stabilisation, les assurances récolte ou d'autres programmes.

Selon vous, pourquoi dans la loi, s'il y a vraiment une volonté ministérielle, une volonté gouvernementale de mettre en place l'écoconditionnalité, pourquoi dans les articles de loi on dit toujours: Ces règlements peuvent être assujettis en tout et en partie? Et pourquoi ces articles 20 et 21 sont, à la fin du projet de loi, mis en vigueur par un décret futur qui devra être adopté par le Conseil des ministres? Pourquoi, s'il y a une volonté ferme de vraiment mettre en place l'écoconditionnalité, on ne dit pas: À partir de maintenant, par l'adoption du projet de loi n° 184, c'est l'écoconditionnalité qui sera appliquée au Québec?

Mme Bolduc (Claire): Alors, je vous dirais que je n'ai pas de réponse à votre question, puisqu'on s'est posé la même question. Nous, actuellement, on constate qu'il y a un fossé assez large qui s'est créé entre les citoyens et le monde agricole en grande partie et en raison du dossier environnemental et aussi du dossier des odeurs ? mais, ça, ça a stigmatisé plus particulièrement les interventions. Mais le dossier environnemental crée cet écart-là. Et, quand on veut franchir un fossé et qu'on veut rapprocher les parties, tu ne le fais pas en quelques petits bonds, tu prends un bon souffle, tu y vas puis tu...

Alors, on a mentionné dans notre mémoire qu'on souhaitait fortement que la notion d'écoconditionnalité soit ferme et que les articles de la loi en ce sens soient forts et congruents. Alors, on s'est posé la même question, et notre commentaire est à l'effet que ça devrait être formel et fort comme incitatif.

M. Whissell: Merci.

M. Paradis: Je vais peut-être poursuivre, Mme la Présidente, vous me le permettez?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, il vous reste huit minutes, M. le député.

M. Paradis: Oui. Mme Bolduc, vous mentionnez, et vous l'avez répété, on le retrouve à deux reprises dans le mémoire, au moins à deux reprises, que «l'Ordre des agronomes [...] demeure toujours à propos ? et je fais une citation ? soit de favoriser l'utilisation prioritaire des bons sols agricoles à des fins agricoles et de miser sur le développement agricole pour dynamiser les communautés rurales». Je pense que vous n'aurez personne ici qui va tenter de contredire cette affirmation.

Maintenant, quand on arrive dans la pratique quotidienne, vous êtes impliqué, comme Ordre, dans l'approbation des plans de fertilisation. Beaucoup de gens se posent des questions sur les fameux plans de fertilisation. Est-ce que vous êtes incités, dans les plans de fertilisation, ou est-ce que vous incitez les producteurs agricoles à utiliser des fumiers, des engrais naturels ou est-ce que vous les incitez à utiliser des engrais chimiques? Est-ce que vous avez des directives, des normes d'application au niveau de l'Ordre quant à l'utilisation d'engrais naturels?

Mme Bolduc (Claire): Je vous dirais qu'on n'a pas à approuver les plans de fertilisation. Le rôle de l'Ordre, c'est de veiller à la compétence des gens qui vont les faire, les plans de fertilisation. Et ce que, nous, on a fait, c'est de signaler à l'ensemble des membres quelles étaient les règles de pratique, les règles de l'art en matière de fertilisation. Nous les avons édictées, nous les avons énoncées. Et, quand on pratique l'inspection professionnelle auprès des gens qui font la fertilisation, ce sont ces règles de l'art là qu'on met de l'avant et qu'on vérifie. On vérifie de quelle façon les gens les appliquent et de quelle façon ils interviennent, à partir de quels outils ils travaillent, quelles sont les données dont ils doivent tenir compte, est-ce qu'ils les font de façon appropriée, est-ce qu'ils font une bonne prise d'échantillon. Les règles de l'art sont décrites au niveau de la fertilisation.

Oui, les producteurs sont incités à utiliser les fumiers de ferme, les engrais de ferme. Et parfois les producteurs sont aussi invités à utiliser d'autres fertilisants. Il faut mentionner aussi qu'il y a des producteurs qui produisent des fumiers et qui n'ont pas de culture, qu'il y a des producteurs qui ont des cultures et qui ne produisent pas de fumiers, particulièrement les producteurs horticoles. Et notre façon d'intervenir auprès des membres, c'est qu'on vise l'ensemble des agronomes habilités à faire des plans de fertilisation. Dans le cas des PAEF, il y a des règles de l'art et, dans le cas de la fertilisation en général, il y a aussi des règles de l'art.

M. Paradis: Maintenant, tout en respectant les règles de l'art, on entend parfois, dans des discussions de spécialistes ou de semi-spécialistes ou de pseudospécialistes, des énoncés à l'effet que, oui, il y a des concentrations de fumiers dans certaines régions au Québec. Le ministre faisait allusion tantôt au bassin de la Yamaska; on pourrait parler du bassin de L'Assomption, du bassin de la Chaudière. Je pense que ce sont les trois bassins les plus connus comme tels. Mais des gens nous disent: Si on utilisait davantage de fumiers de ferme, d'engrais de ferme, on manquerait d'engrais de ferme au Québec, si c'était utilisé correctement, bien planifié. Là, je comprends qu'il faut complémenter parfois parce qu'il manque d'azote ? le phosphore, il en manque un petit peu moins ? il peut manquer d'un autre ingrédient, mais que, si vraiment au Québec on se donnait comme priorité d'utiliser nos engrais de ferme, nos problèmes de surplus dans certaines régions seraient atténués sinon disparaîtraient. Est-ce que l'Ordre est d'accord ou pas d'accord?

Mme Bolduc (Claire): C'est assez curieux comme façon d'intervenir dans la protection du territoire agricole. On est très environnemental. Mais je vous dirais qu'actuellement pour plusieurs productions ou plusieurs producteurs qui ont des surplus de fumiers, l'utilisation ou l'application des fumiers est problématique parce qu'ils ont plus de fumiers que les espaces dont ils disposent pour les épandre. Et il n'y a pas d'incitatifs auprès des autres producteurs, qui, eux, n'ont soit pas de fumiers ou soit des espaces pour les épandre, pour recevoir ces engrais de ferme là. Par ailleurs, ça n'empêche pas que certaines productions ne pourraient pas supporter... Puis là on parle surtout des productions horticoles. Une certaine production horticole aurait de la difficulté à supporter adéquatement les fumiers.

Je vous mentionne aussi qu'il y a des recherches actuellement sur comment bien utiliser les fumiers dans la fertilisation. On développe. Avec l'apparition des très grandes problématiques reliées à la concentration des élevages et des fumiers qui en découlent, on a accentué beaucoup la recherche sur la fertilisation de façon appropriée et on a accentué beaucoup de quelle façon minimiser les impacts, par exemple un fumier composté adéquatement, un fumier entreposé. Et ces façons de faire là diminuent encore l'impact et pourraient faire en sorte de rendre ces engrais-là plus attrayants pour d'autres types de producteurs. Entre autres, si on se permet de composter un fumier, on diminue la charge d'odeurs, ne serait-ce que ça. Mais je mentionnerai aussi que la recherche, elle commence, elle est encore très embryonnaire. Il faudrait inciter aussi davantage à ce que la recherche sous ces angles-là soit faite.

M. Paradis: Je vais, si vous voulez, bifurquer au niveau des schémas d'aménagement, parce que vous avez insisté sur le rôle des schémas d'aménagement comme tels. J'ai cru comprendre qu'au niveau local comme tel l'expertise n'était pas toujours présente et qu'au niveau des municipalités régionales de comté, au niveau des MRC, elle était parfois présente, parfois déficiente, dépendant des cas comme tels, mais vous avez davantage insisté sur la déficience.

n (11 h 50) n

Au niveau du schéma d'aménagement comme tel ? et le ministre s'en souviendra ? c'est le ministre des Affaires municipales qui approuve le schéma d'aménagement des MRC, autant en ce qui concerne la zone blanche que la zone verte; la loi le prévoit ainsi. De façon à s'assurer que l'expertise va du bas vers le haut et se rend totalement vers le haut, est-ce que l'Ordre verrait d'un bon oeil que le ministre de l'Agriculture soit également, pour la partie de la zone verte, signataire du schéma d'aménagement?

Mme Bolduc (Claire): Vous me posez une question très, très politique. Mais je vous dirais que si...

Une voix: Réelle.

Mme Bolduc (Claire): Réelle? Alors, la réponse n'engagera que la personne qui l'émet, parce qu'on ne s'est pas posé la question, à l'Ordre. Mais je vous dirais qu'il y aurait, à ce moment-là, une concordance réelle entre les deux actions proposées au niveau du schéma d'aménagement en ce qui concerne les activités municipales et au niveau de l'agriculture et du développement des activités agricoles en milieu agricole. Alors, à cet effet-là, moi, je pense qu'il y aurait une belle concordance à effectuer à cet égard-là.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, il reste une minute.

M. Whissell: Oui, une petite question rapide.

La Présidente (Mme Vermette): Une petite question-réponse.

M. Whissell: Oui. Mme la présidente, dans la conclusion, le mot de la fin, je vais vous le citer: «...mettre en oeuvre des solutions novatrices qui permettront de réduire la pollution d'origine agricole et de favoriser le développement durable de l'agriculture québécoise.» Je pense que c'est ce que tout le monde veut au Québec. Mais présentement, au Québec, est-ce que vraiment il se fait de la recherche justement pour mettre des solutions novatrices? Est-ce que le gouvernement du Québec a des programmes de recherche avec les agronomes, avec l'industrie manufacturière pour trouver des solutions justement à ces surplus de fumiers que nous avons dans certaines régions?

Mme Bolduc (Claire): Je vous dirais qu'il y a de la recherche qui se développe actuellement, mais je rappelle qu'il n'y a pas d'incitatifs, et surtout pas d'incitatifs financiers, pour l'utilisation des fumiers dans d'autres productions et pour des personnes qui, elles, n'ont pas de surplus de fumiers sur leur propre entreprise.

Il faut mentionner aussi qu'actuellement, si le gouvernement voulait avoir une action très importante au niveau justement des problèmes de pollution et des problèmes agroenvironnementaux, l'injection de sommes, et de manière importante, en recherche dans les domaines de la fertilisation et dans les domaines justement des questions environnementales ? on parle de marais filtrants, on parle de cultures qui sont plus exigeantes dans certains éléments fertilisants, on parle de traitement des fumiers ? si on injectait, par volonté, des sommes importantes dans la recherche dans ces éléments-là, on aurait, à ce moment-là, des éléments importants pour favoriser le développement dans des zones aussi problématiques actuellement et dans d'autres zones.

Ce qui empêche le développement des porcheries dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est qu'on a peur que ça pue. On a peur d'avoir peur. Parce que, si vous avez visité une porcherie dernièrement, les installations maintenant sont performantes au point que ça ne sent pas. Mais les gens ont peur d'avoir peur. Si on leur garantit que non seulement ça ne sentira pas, mais que ça ne contaminera pas leurs puits, ça ne contaminera pas l'approvisionnement en eau de la municipalité, ils ne risquent pas un Walkerton au niveau québécois, les gens vont être peut-être plus enclins à favoriser ces activités-là. Les élus municipaux et les élus dans les MRC vont être aussi plus enclins à donner des coups de pouce majeurs au développement de l'agriculture.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ce...

M. Whissell: Présentement, vous ne sentez pas cette volonté au Québec?

La Présidente (Mme Vermette): ...je vais être obligée d'interrompre. Elle peut peut-être répondre très succinctement. Mais on n'a pas le temps. Notre temps étant terminé... Je suis convaincue que ces questions-là vont revenir.

M. Whissell: ...volonté ferme présentement du gouvernement d'aller en ce sens, de trouver des solutions, des technologies?

Mme Bolduc (Claire): Les dernières années ont vu beaucoup de restrictions budgétaires parce qu'on voulait assainir les finances publiques. S'il y a des choix à faire à ce moment-ci, je pense que ça serait une avenue à privilégier.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie beaucoup. Ceci met fin à nos échanges avec l'Ordre des agronomes du Québec. Alors, je demanderais à la Fédération québécoise des municipalités de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! Je demanderais aux gens de la Fédération québécoise des municipalités de bien vouloir prendre siège, s'il vous plaît, et de s'avancer, et aux membres de la commission de vouloir regagner leur fauteuil. Je rappelle que nos débats sont télévisés, ils sont en direct, alors, s'il vous plaît, bien vouloir procéder rapidement.

Nous allons, s'il vous plaît, demander aux gens de la Fédération québécoise des municipalités de bien se présenter. M. Belzil étant le vice-président?

Fédération québécoise
des municipalités (FQM)

M. Belzil (Michel): Oui. Alors, je me présente comme vice-président de la Fédération québécoise des municipalités également responsable politique du dossier de la gestion des odeurs et dossier de la cohabitation harmonieuse en milieu rural ? je l'appelle comme ça ? et c'est moi qui ai mené les négociations avec l'UPA dans la dernière année. Je vous présente Isabelle Chouinard, qui est la directrice des services conseils à la FQM. Alors, bien sûr qu'Isabelle répondra aux questions d'ordre plus technique, si ça vous va.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, vous avez un temps de 15 minutes, et après ça sera les échanges.

M. Belzil (Michel): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. La Fédération québécoise des municipalités, la FQM, regroupe 1 023 des municipalités locales du Québec, 90 MRC sur 96 au Québec et elle fédère depuis peu 14 associations régionales de municipalités. Pour résumer, nous représentons 971 municipalités parmi les 1 117 municipalités qui ont une zone agricole, alors d'où l'importance de notre présentation et de l'entente que nous avons convenue avec l'UPA.

La Fédération québécoise des municipalités remercie la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de cette opportunité de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 184. Tout d'abord, nous souhaitons signifier au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que nous lui sommes reconnaissants d'avoir présenté de façon diligente ce véhicule législatif pour régler les problèmes d'application du régime de protection des activités agricoles. Le projet de loi n° 184 comporte cependant des lacunes importantes. Nous savons qu'il a été rédigé dans des délais très courts et nous sommes confiants que les correctifs appropriés seront apportés.

C'est dans un esprit constructif que nous avons rédigé les commentaires, article par article, que vous trouverez à l'annexe 1 du présent mémoire. Nous vous demandons de les lire avec attention, tout particulièrement ceux qui sont relatifs aux articles 2, 13 et 18 du projet de loi. Malheureusement, les 15 minutes qui me sont accordées ne me permettent pas de les aborder de vive voix.

n (12 heures) n

Nous consacrons le temps qui nous est imparti pour témoigner de l'esprit dans lequel se sont déroulées nos négociations avec l'UPA et rappeler brièvement les principaux objets convenus. Nous aborderons également les modifications qui doivent être apportées aux orientations gouvernementales.

Nous avons par ailleurs produit à l'annexe 2 du présent mémoire le document sur lequel est basé l'accord du conseil d'administration de la FQM. Comme vous le savez, le projet d'entente produit en annexe au rapport Brière a été rédigé par Me Jules Brière en collaboration avec les négociateurs de l'UPA et de la FQM, après l'acceptation par nos conseils d'administration respectifs des objets d'une éventuelle entente. Ces objets figurent donc dans ce document, qui présente les positions initiales de l'UPA et de la FQM ainsi que les compromis négociés. Nous croyons qu'il sera utile pour mieux comprendre le chemin parcouru par chacune de nos organisations.

L'esprit des négociations entre l'UPA et la FQM. Il importe de rappeler l'esprit dans lequel se sont déroulées les discussions entre l'UPA et la FQM pour solutionner les problèmes d'application de la loi n° 23. À la suite des échecs des comités créés par le gouvernement pour solutionner les problèmes d'application de la loi n° 23, l'UPA et la FQM ont décidé d'entamer une nouvelle ronde de négociations par le biais de leur comité permanent afin de tenter d'établir des compromis acceptables de part et d'autre pour transmettre au gouvernement une proposition conjointe de solutions. Heureux de notre initiative, le gouvernement a délégué Me Jules Brière à titre de médiateur pour nous aider à cheminer dans cette démarche, qui s'est avérée difficile mais concluante.

Évidemment, le consensus établi entre l'UPA et la FQM ne constitue qu'une proposition qui ne lie en rien le législateur. Toutefois, nous avons manifesté le souhait que le législateur en respecte l'intégralité, puisque, comme dans toute négociation, chaque compromis a été soupesé pour faire de ce projet une relation gagnant-gagnant pour le monde municipal et pour le monde agricole.

Comme vous le savez, il n'y a pas eu de signature formelle d'une entente en raison d'un désaccord sur deux points accessoires. Néanmoins, le conseil d'administration de la FQM avait entériné à l'unanimité une série de propositions. Ces mêmes propositions avaient également fait l'objet d'une recommandation unanime de la Commission permanente de la FQM sur l'aménagement du territoire, où siègent les représentants de l'Association des aménagistes régionaux du Québec ainsi que des maires et préfets. Par ailleurs, tout au long des négociations avec l'UPA, nous avons consulté les MRC sur différentes hypothèses de solutions.

Si nous avions à résumer la base de notre consensus, nous dirions que la FQM reconnaît qu'il faille favoriser, dans une certaine mesure, l'agrandissement des entreprises agricoles existantes et, en contrepartie, l'UPA reconnaît au monde municipal une plus grande marge de manoeuvre pour déterminer l'emplacement des nouvelles exploitations agricoles.

Quant aux entreprises agricoles existantes, actuellement, les entreprises agricoles ne sont pas strictement tenues au respect des distances séparatrices prescrites par la directive du ministère de l'Environnement, puisque les producteurs agricoles peuvent y déroger sur la base d'une servitude conventionnelle avec leurs voisins sans limitation et sans que la municipalité ne soit consultée. Or, ces règles d'aménagement nécessitaient, à notre avis, un encadrement plus cohérent, et nous avons convenu de mettre fin à cette situation.

Par ailleurs, les municipalités rurales sont sensibles aux problèmes rencontrés par les exploitants agricoles dont l'expansion est freinée en raison des paramètres de distances qui ne sont pas adaptés aux particularités locales. Nous avons donc convenu que les municipalités pourraient adapter ces paramètres de façon à être plus souples aux endroits où elles l'estiment opportun et qu'elles pourraient également le faire par le biais du nouveau pouvoir qui leur est accordé à l'effet de permettre l'extension des droits acquis en fonction des zones et des usages.

L'UPA souhaitait par ailleurs obtenir la garantie que toutes les entreprises agricoles existantes puissent atteindre un seuil de 300 unités animales en vertu d'un droit reconnu par la loi. Cette exigence était trop importante, puisqu'elle impliquait que des entreprises puissent s'agrandir, par exemple, de 25 à 300 unités animales. Nous avons donc convenu que ces entreprises puissent s'agrandir d'au plus 75 unités animales sans dépasser toutefois le nombre de 300 unités animales et en respectant certaines conditions.

D'abord, une condition importante qui est déjà assurée par la réglementation environnementale en vigueur: toute entreprise qui s'agrandit de plus de 50 unités animales doit immédiatement se conformer au Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. Le droit à l'agrandissement qui serait conféré ne permettrait pas d'échapper à cette règle. Par ailleurs, l'agrandissement devrait se faire sans se rapprocher de l'unité de voisinage et à une distance maximale de 150 m du bâtiment d'élevage existant. Enfin, la municipalité serait justifiée de ne pas accorder le permis si elle peut démontrer que l'exploitant ne respecte pas une pratique agricole normale. Il est important de mentionner que cet agrandissement de 75 unités animales reçoit l'adhésion de la majorité des membres que nous avons consultés et plusieurs MRC étudient la possibilité d'accorder des droits bien supérieurs à ce nombre.

La contrepartie, maintenant, l'emplacement des nouvelles entreprises agricoles. Il y a un élément de l'entente qui est un gain important pour le monde municipal, c'est l'acceptation de principe par l'UPA à l'effet que les municipalités pourront recourir au zonage de production de façon à être plus sévères que les paramètres de distances séparatrices tant pour la protection des périmètres urbains que pour les zones de villégiature, de recréotourisme et pour les autres zones où il sera démontré qu'un tel contrôle est nécessaire. Il était urgent de convenir de règles du jeu claires pour que cessent les chicanes stériles en milieu rural. Évidemment, il faut également baliser le pouvoir de zoner de façon à réaffirmer l'engagement pris en 1995 à l'effet d'accorder la priorité aux activités agricoles en zone agricole, la restriction étant l'exception à la règle et non l'inverse.

Des assouplissements administratifs. Deux autres aspects du compromis négocié sont particulièrement bien accueillis par les MRC et les municipalités rurales. D'abord, l'article 79.2 de la Loi de protection du territoire agricole, qui oblige les municipalités à appliquer des normes de distances séparatrices aux constructions autres qu'agricoles et de voir à l'inscription des déclarations ayant effet de servitudes légales, est d'une application complexe et cause de ennuis sérieux aux officiers municipaux responsables de l'émission des permis. Les solutions proposées font en sorte que les municipalités n'auront plus à appliquer cette disposition.

Par ailleurs, les MRC ont besoin de données sur les entreprises agricoles pour la révision de leur schéma et les municipalités en ont également besoin pour appliquer les distances séparatrices. L'entente prévoit qu'une banque de données informatisée et à jour sera mise à leur disposition, ce qui est également un gain important, puisque l'UPA a toujours refusé cette concession par le passé. Incidemment, nous apprécierions que le projet de loi n° 184 fasse état de la création de cette banque de données.

Les délais d'entrée en vigueur des schémas. Compte tenu que c'est par les schémas d'aménagement révisés que prendra effet le régime de protection des activités agricoles mis en place dans la loi n° 23, l'UPA se plaint du retard dans la révision des schémas. Nous avons convenu que les MRC pourraient adopter un règlement de contrôle intérimaire de façon à adopter les mesures à court terme. Il s'agit d'un autre gain pour le monde municipal, puisque, actuellement, les règlements de contrôle intérimaire en zone agricole n'ont que peu d'effet en raison de la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme et des mesures transitoires de la loi n° 23.

Concernant un sujet de l'heure, le zonage basé sur la capacité de support des sols, évidemment nous avons convenu de plusieurs autres mesures qu'il serait trop long de traiter de façon exhaustive. Néanmoins, nous souhaitons aborder un aspect qui semble poser des difficultés particulières pour certains groupes, soit la mention dans l'entente à l'effet que le zonage de production ne pourra être basé formellement sur la capacité de support des sols par bassins versants. Comprenons-nous bien, notre intention n'est pas d'évacuer le développement durable des préoccupations des MRC, bien au contraire. L'entente n'est, en fait, que le reflet de la situation actuelle par rapport au refus du gouvernement d'entériner un schéma d'aménagement qui baserait le développement des activités agricoles sur une norme de capacité maximale des sols en phosphore.

n (12 h 10) n

Il est utile de rappeler que je suis également préfet de la MRC de Coaticook. Cette MRC avait élaboré un projet de schéma d'aménagement révisé basé sur la capacité de support des sols par bassins versants avec l'encouragement des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales et du ministère de l'Environnement, à partir des données fournies par le MAPAQ et avec le support d'agronomes du ministère. L'initiative de cette MRC a été vantée dans la revue Municipalité du ministère des Affaires municipales. Pourtant, le ministre des Affaires municipales de l'époque a refusé d'approuver le projet aux motifs qu'il n'était pas conforme aux orientations gouvernementales et que l'application par la MRC des dispositions relatives à la pollution d'origine agricole est de nature à compliquer l'administration et le suivi du Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. À notre avis, si le gouvernement souhaite que les MRC gèrent le développement des activités agricoles à partir de la capacité de support des sols en phosphore, il devrait être plus clair, puisque les MRC ont retenu de l'expérience de Coaticook le message contraire.

Concernant le projet de loi n° 184 et les orientations gouvernementales, vous aurez constaté que le projet de loi ne comprend qu'une partie du consensus intervenu entre l'UPA et la FQM. Les principaux éléments souhaités par le monde municipal devront se retrouver dans des modifications aux orientations gouvernementales...

La Présidente (Mme Vermette): Je vous rappelle qu'il vous reste deux minutes.

M. Belzil (Michel): ...dont la latitude qui leur sera conférée pour gérer l'implantation des nouvelles exploitations agricoles. D'autre part, certains éléments d'entente sont manquants dans ce projet de loi, dont le droit à l'agrandissement de 75 unités animales souhaité par l'UPA. Évidemment, il appartiendra au législateur de décider s'il y consent ou non. Cependant, en toute bonne foi, nous devons reconnaître qu'il s'agit du principal enjeu pour l'UPA dans ce projet de loi, et ce dernier ne propose pas d'alternative pour régler le problème des entreprises freinées dans leur expansion par des paramètres de distances trop rigides et non adaptés aux particularités locales.

Je vais sauter, je vais aller immédiatement à la conclusion. Au moment où l'UPA et la FQM ont entrepris une nouvelle ronde de négociations pour régler les problèmes d'application de la loi n° 23, cela faisait plus de deux ans que le dossier était dans une impasse, les parties demeurant chacune campées dans leur position. Nous avons dû faire preuve de part et d'autre d'une plus grande ouverture, et les municipalités rurales semblent satisfaites du résultat.

Nous suggérons que le projet de loi n° 184 soit réécrit pour bon nombre de ses dispositions qui ne reflètent pas le consensus intervenu entre l'UPA et la FQM. Nous sommes confiants cependant que le ministère de l'Agriculture prendra en compte nos commentaires article par article pour l'écriture des amendements et nous offrons au ministère notre entière collaboration pour en discuter et également pour échanger sur le contenu des nouvelles orientations gouvernementales.

Rappelons, en terminant, que les discussions entre la FQM et l'UPA se sont limitées au régime de protection des activités agricoles et plus précisément aux règles applicables pour la gestion des odeurs inhérentes aux activités agricoles. En aucun temps nous n'avons discuté d'un éventuel assouplissement aux règles applicables au plan de réduction de pollution d'origine agricole. Au contraire, la FQM prône depuis plusieurs années un resserrement de ces normes et, en ce sens, le ministère de l'Environnement bénéficie de notre appui indéfectible. Alors, j'aimerais rajouter un élément de dernière minute. Peut-être qu'Isabelle peut en faire la lecture.

Mme Chouinard (Isabelle): Un oubli dans notre mémoire, c'est concernant l'épandage des boues de papetières. Vous savez que les municipalités ont la possibilité de réglementer, d'établir des distances séparatrices pour l'épandage de déjections animales. Toutefois, le pouvoir est limité justement à l'épandage des déjections animales. Et, vous le savez, M. le ministre, il y a énormément de problèmes d'odeurs liés à l'épandage des boues de papetières. Alors, ce serait peut-être un amendement supplémentaire qu'on souhaiterait qu'il soit ajouté au projet de loi pour permettre aux municipalités de réglementer à ce sujet.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie. Et je vais en profiter, parce que vous avez terminé votre exposé, pour demander, comme l'ordre de la Chambre était que nos travaux se terminaient à 12 h 15, avec consentement, si nous pouvons continuer nos travaux jusqu'à 12 h 45. Alors, ça va? Alors, par consentement. Je vous remercie de votre présentation. M. le ministre, alors, vous allez débuter les échanges.

M. Trudel: Merci, M. le président du comité de négociations, préfet de la MRC de Coaticook et porte-parole des municipalités du Québec à l'égard de la question qui nous intéresse. Réglons tout de suite une question rapidement. Vous avez joint un très grand nombre de commentaires d'ordre juridique. Oui, nous acceptons l'offre que Me Chouinard joigne sa longue expertise juridique...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...à celle du ministère et qu'elle nous fasse profiter des bienfaits bienheureux de sa réflexion. Mais, vous nous pardonnerez, madame, on fera ça après avec les avocats. Allons sur d'autres dimensions aussi très fondamentales pour que la lettre traduise l'esprit du législateur. Merci, Mme Chouinard.

M. Belzil, vous avez posé un geste historique pour le Québec. Les municipalités du Québec et les producteurs agricoles du Québec se sont entendus. Et, oui, pour les municipalités du Québec, c'est un virage extrêmement important, il faut le mentionner, parce que, en 1996 et en 1997, on pourrait se dire entre nous que la loi n° 23 avait été comme acceptée du bout des lèvres. C'est un jugement de ma part, c'est une opinion. Aujourd'hui, vous dites franc, haut et clair, très clairement exprimé: Les municipalités du Québec et les producteurs agricoles s'entendent pour protéger les activités agricoles et pour soutenir le développement des activités agricoles dans la zone agricole, et pas à n'importe quelles conditions ? vous le dites dans votre conclusion, et je tiens à le rappeler, quant à moi, parce que ça parle beaucoup à la population du Québec ? pas dans n'importe quelles conditions, dans le respect intégral des normes, lois, règlements et règles du ministère de l'Environnement.

M. Belzil, moi, je dois dire, au nom de la population du Québec, que vous avez fait là un cheminement avec les producteurs et les productrices qui est tout à votre honneur. Et il y a des choses ? ce que vous nous dites ici ? qui sont à parfaire. Il nous reste un peu de temps, on n'a pas tardé, mais, pour arriver aux résultats, on va vous écouter précieusement. Donc, je vous félicite pour cette entente historique puis le courage que vous avez eu, je le sais ? ça fait quatre ans que je travaille là-dessus, moi aussi ? le courage que vous avez eu parce que vous avez à coeur le développement des régions du Québec. Vous, vous êtes l'incarnation des régions du Québec ici, et qui sont principalement agricoles. Vous avez le courage non seulement d'avancer, mais de défendre vos positions et d'obtenir une entente avec des hommes et des femmes qui font de la production sur le terrain.

M. Belzil, est-ce que vous pensez ? et je ne voudrais pas avoir une réponse juridique fine, fine, là, à la fine pointe, on peut toujours trouver ça ? qu'avec les amendements qu'on apporte à la loi n° 23 on pourra régler... Je pense que vous n'étiez pas là, ce matin, on a eu deux témoignages émouvants d'un jeune producteur agricole qui ne peut pas agrandir son bâtiment parce que la réglementation municipale à l'égard des distances séparatrices le limite et par ailleurs d'un jeune producteur agricole qui était en relève avec ses parents et qui a dû fermer, qui a dû vendre sa production parce qu'il n'a pas pu obtenir, conformément aux lois actuelles, les signatures des voisins pour développer son entreprise. Est-ce que vous pensez qu'avec ce que nous avons sur la table et qui était contenu dans l'entente historique entre les municipalités du Québec et les producteurs agricoles on apporte une solution à ce grave problème de la relève agricole dans nos régions agricoles, comme dans la région de Coaticook, par exemple?

n (12 h 20) n

M. Belzil (Michel): Bien, c'est certain qu'en guise... C'est évident que, quant à nous, ça répond parfaitement à la problématique d'expansion de certaines entreprises. Je n'étais pas là ce matin quand il y a eu la présentation des deux jeunes producteurs agricoles, mais, pour répondre rapidement, nous, les demandes de l'UPA, dans le fond, c'était justement pour régler ces problématiques-là. Alors, toute la question de dire dans la loi... d'être permissif et d'accorder une augmentation de 75 unités animales, dans une vision de long terme...

Dans le fond, on sait que, comme toute entreprise, les producteurs agricoles n'ont pas le choix, ils doivent prendre de l'expansion. Bien sûr, il y en a certains, et plusieurs mêmes, qui sont trop près des voisins. Mais l'entente qu'on soumet, c'est que, par un agrandissement en direction opposée des voisins, c'est un compromis intéressant. Soixante-quinze unités animales, pour vous dire, les gens de la commission, ça ne s'appliquera pas nécessairement à l'industrie porcine, là. Quelqu'un qui comprend un peu le monde agricole, c'est de la vache laitière, du bovin, des moutons, c'est ce secteur d'agriculture qui ne fait pas beaucoup de débats, dans le fond, à l'heure actuelle.

Alors, nous, la première question, au comité de négociation, qu'on s'est posée ? je vais vous faire une petite histoire ? c'est: Est-ce que nos producteurs agricoles, qui sont, dans bien des régions du Québec, le moteur économique des milieux ruraux, ont droit à prendre de l'expansion? Une question très générale. Et, nous, à la Fédération, qui travaillons avec les producteurs agricoles, qui sont nos citoyens, nos concitoyens, c'est évident, comme pour d'autres secteurs d'activité, on a répondu: Oui, nos gens qui travaillent dans le milieu agricole ont droit à prendre de l'expansion, et c'est tout à fait normal, et les forces du marché les obligent aussi à prendre de l'expansion.

Alors, la base de notre réflexion qui est allée du côté des revendications de l'UPA, c'est cette base-là que je vous résume très rapidement. Alors, je pense que ça va régler... la majorité des jeunes producteurs, soit de la relève ou des producteurs existants, qui veulent prendre de l'expansion, ce qui est tout à fait normal.

M. Trudel: Merci de cette réponse. Je ne peux pas faire autrement, M. le président, que de me réjouir, encore une fois, de me réjouir parce que vous l'avez tantôt... Vous êtes un coquin. Vous êtes un maire et un préfet coquin. Vous nous rappelez quelque chose ? on y reviendra tantôt ? et c'est tout à fait correct.

M. le président, j'avais répété à plusieurs occasions pourquoi la Fédération québécoise des municipalités, qui représente la quasi-totalité des municipalités qui ont des zones agricoles... Pourquoi j'avais l'impression qu'on n'avait pas plus de considération pour les producteurs et les productrices agricoles. Réponse complète, ferme, claire, déclaration aujourd'hui sans ombrage: Les municipalités du Québec et les producteurs agricoles du Québec sur le territoire en zone verte s'entendent pour non seulement maintenir, mais développer les activités agricoles. Je suis, je vous le dis, très impressionné. C'est mon problème à moi d'être impressionné. Bon.

Vous allez avoir, après cela, un devoir impératif, M. le président. Puis votre mémoire est d'une cohérence... Je vais vous le dire, on va passer à travers ce mémoire-là ligne par ligne, de façon importante. Regardez bien, vous dites, dans votre présentation, décrivant la FQM, la Fédération: Elle est aussi responsable d'«informer, soutenir et conseiller des municipalités dans leur rôle et responsabilités quotidiens, notamment quant au cadre légal et réglementaire qui les régit et selon leurs besoins spécifiques».

Bon, dans la pratique, à l'égard des activités agricoles, donc, maintenant, la loi va demander aux municipalités régionales de comté d'adopter ce qu'on appelle des règlements de contrôle intérimaire pour ce qui est de l'occupation et du développement de la zone agricole. Avez-vous, M. le Président, prévu une espèce de plan de match qui va faire en sorte que vous allez soutenir, animer, pousser, au bon sens du terme, nos municipalités régionales du Québec, nos municipalités régionales de comté à adopter le plus rapidement possible, en conformité avec la loi amendée, les règlements de contrôle intérimaire pour l'occupation et le développement de la zone agricole au Québec?

M. Belzil (Michel): Je vais vous passer Isabelle, parce que je pense qu'il y a une petite particularité à votre question. C'est certain que, nous... Ma partie de réponse est: Effectivement, dans nos discussions... On sait qu'il y a, quoi, 20 schémas d'aménagement qui sont adoptés aujourd'hui?

Mme Chouinard (Isabelle): À peu près, en vigueur.

M. Belzil (Michel): À peu près.

M. Trudel: Onze.

M. Belzil (Michel): Onze, bon. Alors, on sait que, souvent, ça ne va pas rapidement, l'adoption des schémas d'aménagement, même des règlements de contrôle intérimaire. Et c'est notre voeu, et c'était le voeu aussi lors des discussions de négociation que d'accélérer les choses. Par contre, il y a peut-être des considérations particulières. Vas-y, Isabelle.

Mme Chouinard (Isabelle): On est en train d'élaborer effectivement un projet de formation, mais on espère pouvoir le faire une fois qu'on aura en main le texte des nouvelles orientations gouvernementales évidemment, puisque tout ça doit être intégré dans un tout. On a déjà commencé à faire appel à certains experts pour voir de quelle manière on pourrait monter un projet de formation pour l'ensemble du Québec. Et je pense qu'on va tendre la main à l'Union des producteurs agricoles et probablement votre ministère pour établir une collaboration pour que tout le monde lance un message uniforme sur le terrain sur la façon dont la loi maintenant et les orientations gouvernementales vont prévoir l'aménagement du territoire agricole.

M. Trudel: Puisque vous demandez ma main, madame, je vous la donne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Je vous l'accorde. Oui, nous serons là avec vous et avec l'Union des producteurs agricoles du Québec pour poser une autre fois un autre geste historique, celui de la connaissance, pour en arriver à faire en sorte que les règlements de contrôle intérimaire, ces espèces de plans d'occupation et de développement de la zone agricole, puissent se matérialiser dans les meilleurs délais possible. Vous pouvez compter sur nous, on va travailler.

Dernière question, M. le Président. Je vais en profiter bien évidemment pour faire un petit commentaire, parce que, je le répète, vous êtes un coquin qui en profite pour passer des messages, et c'est formidable. Bon, vous dites: Là, vous nous confiez ça maintenant, aux MRC, mais, vous-même, M. l'ex-ministre des Affaires municipales, vous nous avez refusé ? hein, on va s'entendre sur l'expression ? mettons, l'approche par bassins versants,

O.K. Il faut comprendre ? et c'est relié à une question de l'opposition tantôt ? que, lorsque le ministre des Affaires municipales accepte ou refuse un schéma d'aménagement, il le fait avec les commentaires, les observations de chacun des ministères concernés. Donc, ici, il faut comprendre ? parce que je m'en souviens très bien ? qu'il y avait un choix. Et votre affirmation pose la question totalement: Est-ce que nous devons laisser ou aux MRC ou au ministère de l'Environnement la responsabilité du contrôle de la capacité portante des sols? C'est ça, la question de fond.

La question de fond, c'est que, comme préfet, vous nous aviez ? pas aujourd'hui, là ? proposé que la MRC soit responsable de l'évaluation de la capacité portante des sols et de l'autorisation d'y développer une entreprise agricole ou pas. La législation actuelle dit: Les inconvénients, gérés par les municipalités; l'environnement, par le ministère de l'Environnement. Est-ce que je lis l'entente historique entre les municipalités du Québec et les producteurs et productrices agricoles de façon correcte quand je dis: Aujourd'hui, vous acceptez que ce soit le ministère de l'Environnement du Québec qui soit comme le responsable de l'établissement des normes et ? on va dire ça comme cela ? de l'évaluation de la capacité portante des sols? Est-ce qu'il y a une acceptation, une adhésion à ce principe de base?

M. Belzil (Michel): Bien, je vous dirais que ? comment je dirais ? je ne peux pas souscrire, à ce moment-ci, à ce principe de base. Nous, ce qu'on dit au gouvernement, c'est que bien sûr, avec des compétences supplémentaires, on l'a fait à Coaticook, la gestion par bassins versants, la norme phosphore, on l'a fait, c'est certain que c'est faisable. Ce qu'on dit, tout simplement, aujourd'hui, c'est que, peu importe, aujourd'hui c'est le ministère de l'Environnement, peu importe, ce qu'on veut, c'est qu'on ne soit pas pris entre l'arbre et l'écorce et on veut que les choses soient tout simplement claires. Si le gouvernement du Québec, un jour, plus tard, veut donner cette compétence aux MRC, elles sont capables de la prendre, mais ça va prendre des compétences supplémentaires. Mais je ne peux, là, souscrire aujourd'hui et dire que, ad vitam aeternam, ça devrait être une compétence du ministère de l'Environnement. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que ça soit clair.

n (12 h 30) n

On voit toutes les discussions autour du projet de loi n° 184, et il me semble qu'on mêle souvent plusieurs choses. C'est mon opinion, là. Notre entente, nous autres, porte sur la gestion des odeurs et des distances séparatrices, et c'est de ça qu'on parle. Je comprends très bien les citoyens du Québec d'être inquiets pour toute la question de pollution d'origine agricole, mais, nous, comme Fédération, c'est la cohabitation harmonieuse qu'on veut régler. Et, pour le moment, les indications, c'est que la protection de la pollution agricole, c'est le ministère de l'Environnement qui la gère et que c'est très peu l'objet du projet de loi. Alors, c'est ça.

M. Trudel: Merci de votre présentation à la lettre. Et on va regarder surtout l'annexe avec Me Chouinard. Et par ailleurs, oui, il y a une chose de l'entente qui n'est pas dans le projet de loi, c'est l'expansion possible de 75 unités animales. Et tous auront à répondre à cette question, en tout premier lieu, l'opposition libérale du Québec. Est-elle, oui ou non, favorable à l'expansion à 75 unités animales des fermes existantes au Québec? Quand nous aurons cette réponse à cette question de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, nous avons votre position, nous avons les positions des autres, le gouvernement sera en mesure d'être davantage éclairé sur la position. Merci, M. le président. Je dis bravo pour cette entente historique entre les municipalités du Québec et les producteurs agricoles.

La Présidente (Mme Vermette): Parfait. Alors, je vous remercie, M. le ministre, je vous remercie bien. Alors, comme c'était des bons voeux, je l'ai laissé un petit peu prolonger. Alors, je donne la parole maintenant au porte-parole officiel, le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, bienvenue parmi nos débats sur ce sujet aussi important auquel vous vous êtes d'ailleurs attardés depuis longtemps, parce que votre entente avec l'UPA date quand même de mai 2000. Ça me fait donc dire que, depuis déjà près de huit mois, vous avez fait vos devoirs, vous êtes parvenus à vous entendre avec le monde agricole. Je tiens peut-être à préciser, dans votre rapport, vous avez été très polis à l'égard du ministre lorsque vous citez le travail qui a été fait dans votre MRC, à l'intérieur duquel vous aviez présenté une proposition de schéma d'aménagement basée justement sur la capacité des sols. C'était quand même assez innovateur. Je pense que le ministre en a fait l'éloge. Mais ce qui est le plus surprenant, c'est qu'à l'époque le ministre des Affaires municipales, c'était le même ministre qui est en face de nous présentement, vous le citez ici: «M. Rémy Trudel a refusé d'approuver le projet au motif qu'il n'était pas conforme aux orientations gouvernementales.»

M. le vice-président, pouvez-vous nous expliquer, si vous êtes parvenu à une entente au mois de mai 2000, pourquoi cette entente n'est pas contenue, ne se retrouve pas intégralement ou en grande partie dans le projet de loi n° 184? Toute la question des 75 unités animales, des 300 unités animales, vous avez mis des choses concrètes sur la table. Le ministre les a depuis le mois de mai 2000. Pourquoi on ne les retrouve pas à l'intérieur du projet de loi n° 184?

M. Belzil (Michel): Écoutez, pour moi, c'est difficile de répondre exactement pourquoi elles ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Mais ma présence ici ce matin, c'est pour, à ce moment-ci, insister auprès du ministre pour qu'elles se retrouvent dans le projet de loi n° 184.

Écoutez, vous parlez d'une entente, mais ? comme je l'ai mentionné, je ne veux pas revenir trop longtemps là-dessus ? c'est une entente qui n'avait pas pu se concrétiser par une signature à l'époque pour des questions de rétroactivité, des questions plutôt secondaires, en tout respect des membres de chacune des deux parties en cause. Alors, c'est peut-être la raison pour laquelle finalement ça ne s'est pas retrouvé, je ne le sais pas. Il faut dire aussi que, chez nous, au niveau de notre Fédération, on a eu des pertes malheureuses, notre président qui est décédé en janvier, qui était un nouveau président élu du mois de juin. Alors, il y a tout ça aussi qui a peut-être pu influencer. Mais je ne tiens pas nécessairement à répondre à cette question-là, vous voyez.

Par contre, je considère que notre expérience à Coaticook, c'est vrai, vous dites, vous utilisez le mot, ça a été très «innovateur». Et effectivement on s'est considéré très innovateur, à l'époque, de fonctionner par bassins versants. On avait l'appui de tous les ministères, à ce moment-là. Mais il y a eu un retrait. Il y a eu un retrait pour différentes raisons. J'imagine qu'il y a des groupes que ça ne faisait pas leur affaire qu'on poursuive dans ce sens-là. Alors, que le ministre à l'époque ne l'ait pas entériné, j'imagine aussi que c'est une question de pression, d'autre part.

M. Whissell: Restons justement sur ce projet que vous aviez de gestion par bassins versants. Le monde agricole local était-il favorable à cette position?

M. Belzil (Michel): Je vous dirais que c'est le monde agricole local qui nous l'a demandé de procéder de cette façon-là. Nous, là, c'était il y a quatre ou cinq ans ? je me mêle dans les années un peu, là ? il y a cinq ans, à l'époque où il y avait de l'effervescence au niveau des porcheries et ça rentrait des intégrateurs un peu partout dans nos milieux. Alors, oups! le monde municipal, comme il le fait souvent quand il est question de porcherie, s'est mis en mode de réaction. Là, il y a eu des discussions. Parce qu'il faut dire que, chez nous, le monde agricole, c'est très important. Dans une petite MRC comme Coaticook, 16 500 de population, il y a 575 producteurs agricoles de tous secteurs, alors c'est important.

On a rencontré nos producteurs, et même, je dirais plus, ils nous ont rencontrés pour essayer de trouver une façon d'analyser la problématique ensemble et de réfléchir là-dessus. Et, avec l'aide des ministères, finalement, on a accepté. Je me souviens, j'étais préfet et je me souviens d'un après-midi, on me disait: Michel, est-ce que tu acceptes d'aller dans cette voie-là? Tous les producteurs voulaient. J'ai dit: Oui, allons-y. Mais on a fait l'exercice, ce n'est pas si facile que ça. En tout cas, peut-être que vous ne voulez pas les détails, là. On met sur la table des grands principes, mais, quand arrive le temps de revoir la carte que ça donne, je dois vous dire que les résultats sont surprenants, et c'est ça qui arrive, hein.

M. Whissell: Mais, pour nous qui sommes ici autour de la table, c'est assez difficile à comprendre. Si tout le monde est unanime, les ministères, les intervenants sont unanimes, le monde municipal est unanime, le monde agricole est unanime, pourquoi le ministre de l'époque avait refusé? Il a subi des pressions, mais ces pressions venaient de qui? Elles ne venaient pas du monde agricole chez vous, parce qu'ils étaient favorables. On est en droit de se poser la question: Est-ce que c'est les mêmes pressions, quatre ans plus tard ? je ne sais pas c'était en quelle année, votre schéma ? qui font qu'aujourd'hui votre proposition ne se retrouve pas dans la loi également?

M. Belzil (Michel): Mais, je vais vous dire, je n'ai pas terminé mon histoire, là. C'est comme je vous ai dit tantôt, j'ai terminé en disant: Quand on s'est aperçu, par la géomatique, qu'est-ce que ça signifiait sur le territoire d'une MRC agricole comme nous autres, avec les principes de base correctement établis par tout le monde... Et tout le monde participait à ces réunions-là. Combien pèse une vache? On évaluait combien que ça pesait, puis tout ça, c'était dans le détail. Mais on regarde notre territoire, et il y avait à ce moment-là beaucoup, beaucoup d'endroits qui devenaient des zones sensibles où c'était impossible d'augmenter la production agricole. Alors, il y avait une complexité technique, là. Par contre, le... Il aurait fallu aller plus loin et fonctionner par sous-bassins. Comprenez-vous? Il aurait fallu fonctionner par sous-bassins. Là, c'est un peu technique, ce que je vous dis, mais il aurait fallu fonctionner puis améliorer le modèle. Mais c'est là qu'est arrivée une période plus difficile de lobby important, puis on a dû rebrousser chemin.

M. Whissell: Dans vos propos initiaux, vous avez cité le rapport Brière. Comme on le sait, M. Brière a fait une tournée à travers le Québec. Dans son rapport, il fait justement état des positions communes, des rapprochements que vous avez avec l'UPA. Il parle justement ici de l'adoption de règlements de contrôle intérimaire par les MRC, les moratoires sur la réglementation. Mais il finit, en terminant ? puis c'est ses trois dernières lignes qui sont quand même assez surprenantes ? il dit, et je le cite: «Sans intervention majeure en agroenvironnement, il me paraît illusoire de penser régler les problèmes d'application de ce régime sans perturber la paix sociale en milieu rural.»

Ce que M. Brière nous disait, puis on l'a questionné à cet égard à cette même commission, c'est qu'au Québec il y a quand même une réalité que le monde agricole est quand même une source d'éléments qui peuvent polluer. On peut appeler ça les odeurs, on peut appeler ça les nappes phréatiques. Et ce que M. Brière dit, c'est: S'il n'y a pas une volonté ferme du gouvernement du Québec d'épauler le milieu agricole dans son cheminement au niveau de la gestion de cette pollution agricole, il n'y aura pas de solution, on va tourner en rond. Est-ce que vous êtes en accord avec M. Brière?

n(12 h 40)n

M. Belzil (Michel): Bien, moi, j'adhère à 100 % avec cette vision. Comme je vous ai dit tantôt, nous, notre entente et notre présence ici, c'est pour un objet particulier, la gestion des odeurs. Mais, pour ce qui est de la pollution d'origine agricole, de nos cours d'eau, de nos sols, c'est évident qu'on abonde dans le sens d'un resserrement des mesures gouvernementales, c'est certain, mais le gouvernement fera ce resserrement-là en toute connaissance de cause aussi. Alors, c'est un peu ça qu'on se dit. J'aimerais vous répondre aussi en vous disant que vous ne m'avez pas questionné sur un élément de notre entente. Est-ce que je peux l'évoquer?

M. Whissell: Oui, oui.

M. Belzil (Michel): Est-ce que ça vous va?

M. Whissell: Oui, oui, oui.

M. Belzil (Michel): Vous ne m'avez pas questionné sur un élément, c'est qu'on a beaucoup parlé du 75 unités animales, mais la contrepartie du monde municipal que vous n'avez pas questionnée, c'est que l'UPA accepterait dorénavant, par cette entente ? et ils nous le réitèrent régulièrement, je les rencontre très souvent ? qu'il y aurait une possibilité de réglementation plus sévère et de zonage par production, au niveau du monde municipal, pour les nouvelles entreprises.

Alors, notre réflexion: Les entreprises existantes, oui, prendre de l'expansion, mais les nouvelles entreprises... Et c'est celles-là qui créent un peu de conflit dans nos milieux. Alors, c'est celles-là qu'on voulait régler. Ne vous en faites pas, il y aura très peu de nouvelles entreprises de production laitière parce que l'expansion se fait par l'achat des voisins. Les nouvelles productions, c'est principalement dans le secteur du porc.

Alors, ce qu'on dit, nous, c'est: On va pouvoir faire une réflexion et identifier les zones où c'est permis d'une façon raisonnable. Ce n'est pas une question de dire: On va dire non partout. Il faut argumenter ce zonage-là. Mais c'est ça qu'est le gain du monde municipal et c'est de cette façon-là qu'on pense que, dans la majorité des cas, la paix sociale dans le milieu rural pourrait revenir. Alors, c'est comme ça que s'est discutée l'entente.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. Je vais essayer de faire ça rapidement. Je veux vous féliciter pour votre approche par bassins versants. Je pense qu'il s'agit d'une orientation à laquelle nous sommes condamnés si nous voulons avoir un droit de produire qui soit respectueux de l'environnement. Puis je pense que les producteurs agricoles l'ont compris également, parce que eux autres aussi s'abreuvent de leur nappe phréatique, leurs animaux en boivent, etc. Je pense que vous étiez un précurseur en vous lançant dans cette voie-là.

Deuxième élément, je veux vous féliciter également pour l'entente avec l'UPA. Ce n'est pas facile d'en arriver ? le ministre l'a souligné à maintes reprises ? à une entente entre le monde municipal puis l'Union des producteurs agricoles. Mais, comme vous, je vais déplorer qu'à ce moment-ci on ne retrouve pas les éléments principaux de l'entente dans la loi qui est présentée devant l'Assemblée nationale du Québec. J'espère qu'on pourra remédier assez rapidement à cette lacune qui est fort importante.

Vous indiquez très clairement, dans la conclusion à votre mémoire, que tout ce que l'on discute ici aujourd'hui, sur le plan environnemental, ce sont les odeurs, qu'on ne touche pas aux autres éléments. Ma question va être très précise quant aux autres éléments: Est-ce que vous êtes satisfaits, au moment où on se parle, comme Union municipale, de la réglementation et de la législation en matière environnementale qui s'appliquent au domaine agricole? C'est ma première question.

Une deuxième question. Dans votre mémoire, vous demandez à l'Assemblée nationale de renoncer aux mesures de réciprocité, les espèces de servitudes qu'on pouvait enregistrer dans les milieux récréoagricoles ou touristicoagricoles, appelez-les comme vous voulez, là ? vous êtes une région touristicoagricole, j'en représente une à l'Assemblée nationale du Québec ? parce que vous aviez des difficultés d'application. Est-ce que, si on donnait cette possibilité à la Commission de protection du territoire agricole, qui jouit peut-être davantage de ressources ou d'expertise, vous continueriez à maintenir une objection? Parce que je pourrais vous citer, là, une liste de cas concrets qui posent problème. Les agriculteurs ne sont pas contre, mais les agriculteurs ne veulent pas que l'agrandissement des vignobles, pour prendre un exemple, vienne restreindre leur possibilité d'expansion agricole. Si la servitude existe et que ça ne compte pas, l'agriculteur ne s'y oppose pas, mais il veut garantir son avenir. Troisième question, les fusions municipales. On entend, dans le monde agricole, certaines craintes au niveau des fusions municipales comme telles, la disparition appréhendée, au niveau des conseils municipaux, de maires et de conseillers municipaux qui sont issus du monde agricole, parce que c'est la plus grosse ville puis ? on sait comment ça se passe de façon pratique ? les urbains sont plus nombreux que les ruraux. Dans le milieu agricole, ils n'ont pas tous la même approche que vous face à la classe agricole. Il y a une espèce de perte de pouvoir de la classe agricole au niveau municipal qui serait causée par des fusions forcées de municipalités.

La Présidente (Mme Vermette): M. Belzil. M. le vice-président, il vous reste deux minutes pour répondre à ces trois questions.

M. Belzil (Michel): Bien, je vais commencer par la dernière, qui m'interpelle beaucoup de ce temps-là, si ça vous va, toute la question des fusions municipales et de la perte de pouvoir du monde agricole. Je vais vous dire, je suis très content qu'on me pose cette question-là ce midi. Pour nous autres, la Fédération québécoise des municipalités, on sent et on sait très bien que, depuis une couple d'années, avec toutes les fusions, que certains peuvent comprendre, dans les régions métropolitaines bien sûr... Mais on est rendus dans la deuxième vague, qui s'en vient toucher le monde rural. On est en train de faire des regroupements autour de petites agglomérations, que ce soit Matane, Rivière-du-Loup, etc. On va renforcer ces agglomérations, très souvent, par du semi-urbain et du rural. On va, à ce moment-là, déséquilibrer, dans bien des endroits, toute la mécanique MRC, toute la dimension des relations entre l'urbain et le rural, qui se doivent d'être complémentaires et non en opposition. Et, nous, tous les regroupements dans les 25 agglomérations du Québec nous interpellent comme Fédération. C'est évident que le monde rural risque de perdre une voix importante. Et on le sait, au niveau de la députation, ça s'en vient, il y a des députés dans le milieu rural qui... Il va y en avoir de moins en moins.

Alors, c'est certain qu'on va avoir des rencontres, autant avec le côté gouvernemental comme le parti de l'opposition, dans les semaines et dans le mois ou les mois qui viennent, pour essayer de trouver une solution, une idée beaucoup plus brillante que simplement des regroupements. Pour renforcer quoi? Je ne pense pas que ça va donner plus de développement en termes de développement réel dans des endroits comme Rivière-du-Loup, le fait d'y greffer trois, quatre petites municipalités rurales. Le développement se fait par région, incluant le monde rural. Et, à ce moment-là, on s'en va dans une impasse. Et c'est très risqué, ce qui se vit à l'heure actuelle au Québec. C'est très risqué pour le monde rural et même nos agriculteurs, qui sont nombreux présents dans la salle aujourd'hui. On s'en va vers une dynamique et un poids politique diminués. Et je crains beaucoup. Je crains beaucoup, beaucoup. Et je pourrai, sur une autre tribune, vous en faire état plus abondamment. Concernant les autres questions, il reste...

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste à peine... même pas une demi seconde, alors... Ha, ha, ha!

Une voix: Les règlements...

M. Paradis: ...les règlements, c'est...

Mme Chouinard (Isabelle): Bon, le RRPOA, le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, la Fédération siège sur la Table de concertation relative à ce règlement et nos représentations sont toujours allées dans le sens d'une application ou d'une entrée en vigueur plus rapide du Règlement ainsi que d'un resserrement au niveau des contrôles des plans agroenvironnementaux de fertilisation. On rejoint, en ce sens-là, ce que l'Ordre des agronomes disait ce matin.

M. Paradis: ...les servitudes.

Mme Chouinard (Isabelle): Les servitudes, vous faites référence surtout à celles entre producteurs qui leurs permettent de s'agrandir, qui sont prévues dans la directive. L'entente remplace ce régime de servitudes par la possibilité d'agrandissement de 75 unités animales et par la possibilité, pour les municipalités, d'être plus souples que les paramètres qui sont contenus dans les dispenses actuelles.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je peux vous laisser le temps de dire merci, de part et d'autre.

M. Trudel: M. Belzil, Me Chouinard, surtout d'avoir précisé que dorénavant les municipalités s'entendent avec les productions pour pouvoir faire du zonage aux abords des périmètres urbains pour vivre la cohabitation harmonieuse de façon correcte au Québec. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on vous remercie. Et je suspens nos travaux à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

 

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Vermette): J'espère que nous avons un quorum. Nous allons pouvoir débuter nos travaux. Alors, je rappelle le mandat de notre commission. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 184, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives.

Alors, je vois que déjà les gens de l'Union des municipalités du Québec sont installés. Donc, si vous voulez bien vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent, M. le président, la parole est à vous.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Croteau (Marc): Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je dois vous dire que suis en remplacement à pied levé de notre responsable politique du dossier, qui était M. Mario Laframboise, qui a eu l'honneur d'être élu aux dernières élections fédérales.

Une voix: Il travaille pour la reine.

M. Croteau (Marc): Oui, il travaille pour la reine maintenant, effectivement. Donc, avec moi, Mme la Présidente et les membres de la commission, M. Jacques Laberge, responsable politique au niveau de l'Union des municipalités pour ce qui est de l'agriculture. Et je me présente, Marc Croteau. Je suis maire de la ville d'Aylmer, président de la Communauté urbaine de l'Outaouais ainsi que trésorier de l'UMQ. Donc, notre travail aujourd'hui, ça va être un travail d'équipe quant à la présentation et aux réponses aux questions. Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, je vous remercie d'abord d'offrir à l'Union des municipalités du Québec l'opportunité de venir enrichir le débat sur la protection du territoire et des activités agricoles au Québec. Je vous présente immédiatement M. Jacques Laberge, conseiller aux politiques à l'Union des municipalités, qui m'accompagne ici aujourd'hui.

L'UMQ regroupe, en fait, 271 membres, et, chez plus de 75 % d'entre eux, on retrouve des superficies en culture sur leur territoire. Cela représente d'ailleurs 20 % de l'ensemble des superficies en culture au Québec. Le projet de loi que nous allons commenter aujourd'hui vient modifier quelques lois actuelles et il mérite ainsi d'être étudié de façon très approfondie.

D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier de nous donner l'opportunité d'échanger avec vous notre point de vue et de vous transmettre les préoccupations du milieu municipal quant aux enjeux relatifs à ce projet de loi. Pour l'UMQ, il ne fait aucun doute que les pouvoirs de planification du territoire appartiennent aux institutions locales, et cela doit rester ainsi. D'ailleurs, dans son rapport de consultation, Me Brière rappelle qu'il incombe aux autorités locales d'exercer ces pouvoirs dans le cadre d'objectifs précis et de paramètres crédibles qui sont déterminés en fonction des exigences de l'intérêt public.

Pour l'UMQ, l'immunité totale conférée aux producteurs en vertu des articles 119.17 à 119.19 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles peut conduire à des abus susceptibles d'empoisonner des relations de voisinage, car, est-il besoin de le rappeler, cette immunité s'applique même en cas extrême de mauvaise foi de la part d'un agriculteur. Ainsi, la loi devrait être modifiée de manière à lever cette immunité dans des cas qui ne constituent pas une pratique agricole normale, c'est-à-dire une pratique conforme aux usages reconnus et aux moyens d'atténuer les inconvénients pour le voisinage et pour l'environnement.

Le projet de loi, tel que présenté, prévoit l'abrogation de l'article 79.2 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, et l'UMQ appuie cette recommandation. Il s'agit de l'article qui traite des servitudes dérogatoires. Sa généralisation rend difficile la planification des utilisations du sol et la gestion du territoire agricole et elle constitue une forme de privatisation des normes et des distances. Les exemptions aux normes de distances séparatrices doivent être établies sur une base générale et impersonnelle comme toute exception à une règle d'ordre public. Les inconvénients peuvent concerner beaucoup plus que les seuls voisins immédiats, et c'est pourquoi l'UMQ appuie l'abrogation des servitudes dérogatoires.

En ce qui a trait à la préservation de la capacité d'accroissement des activités agricoles, l'UMQ est en profond désaccord avec la mesure à l'effet de préciser qu'une résidence construite par un agriculteur en application de l'article 40 de la LPTAA n'a pas d'effet contraignant sur le développement des entreprises agricoles voisines. Cette exemption crée deux catégories de citoyens, ceux qui sont protégés par des inconvénients résultant de l'accroissement de l'activité agricole et ceux qui ne le seront pas. C'est pourquoi l'UMQ demande que cet article soit retiré.

Toutefois, l'UMQ appuie la mesure qui vise à s'assurer que la Commission de protection du territoire agricole prenne en compte, dans des cas d'implantation d'un nouvel usage non agricole, l'impact de cette autorisation sur le développement à long terme des entreprises agricoles avoisinantes en raison des normes de distance applicables dans la municipalité, y compris les distances relatives à l'épandage.

Lorsqu'il est question de demandes à portée collective, l'UMQ accueille favorablement les nouveaux articles prévus au projet de loi. Toutefois, là encore, l'UMQ propose de laisser à la CPTAQ la possibilité de rendre un avis en accord avec la politique gouvernementale et non sur recommandation du ministre.

De plus, l'UMQ demande que l'article 9 du projet de loi, sur l'établissement de consensus entre les personnes intéressées, soit retiré. Pour l'Union, la CPTAQ doit pouvoir exercer librement ses compétences, et ce, même en l'absence d'un tel consensus.

Pour ce qui est des demandes d'exclusion comportant une extension du périmètre d'urbanisation, là aussi, la compétence doit relever de la CPTAQ. L'appréciation des besoins et des objectifs de développement d'une municipalité ne doit pas être faite d'abord par le ministre compétent du gouvernement. La loi actuelle reconnaît les compétences de la Commission, et l'UMQ considère que la Commission doit demeurer libre de les exercer suivant les dispositions de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

L'UMQ est toutefois favorable à la modification de l'article 65.1 de la loi, qui prévoit que les demandeurs d'une exclusion doivent démontrer que nulle part ailleurs dans le territoire de la municipalité on ne trouve l'espace approprié disponible aux fins de la demande.

n(15 h 10)n

Toutefois, la loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme devraient être harmonisées de manière à clarifier les rôles respectifs du ministre responsable de l'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, celui de la Commission de la protection du territoire agricole et celui des MRC lors d'une demande de fusion au zonage agricole.

Ainsi, lorsqu'un projet de révision ou de modification du schéma d'aménagement prévoit une exclusion d'un lot de la zone agricole, l'avis donné par le ministre ne devrait pas porter sur les orientations gouvernementales en matière de protection du territoire et des activités agricoles. Selon nous, il appartient à la CPTAQ de rendre une décision sur une telle demande en vertu de l'article 65.1 de cette même loi.

Abordons maintenant la problématique des distances séparatrices. Les articles 15 à 18 du projet de loi stipulent que l'avis du ministre donné dans le cadre d'une modification ou de la révision du schéma d'aménagement ou de l'adoption d'un règlement de contrôle intérimaire doit indiquer des paramètres pour l'établissement de distances séparatrices en vue d'atténuer les inconvénients reliés aux odeurs inhérentes à certaines activités agricoles. L'UMQ est d'accord avec une signification claire des attentes gouvernementales liées aux objectifs visés par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Toutefois, lorsqu'il est question de distances séparatrices, ces paramètres doivent être crédibles et non complaisants envers les producteurs agricoles. Ils doivent s'appuyer sur des fondements scientifiques.

L'objectif des municipalités est de s'assurer d'une coexistence harmonieuse des utilisations agricoles et non agricoles. Les municipalités doivent pouvoir faire varier ces distances en fonction de la sensibilité du milieu mais également des secteurs problématiques, eu égard à l'accroissement des activités agricoles. De plus, en raison des risques que représentent ces odeurs pour la santé publique, risques décrits dans l'avis de santé publique par les directeurs de santé publique du Québec et dont la référence est dans notre mémoire, les paramètres pour l'établissement de distances séparatrices doivent comprendre les seuils de distances pouvant assurer une protection minimale des populations exposées. Les municipalités doivent également être en mesure de faire varier ces distances séparatrices en fonction de la sensibilité du milieu et également des secteurs problématiques en regard de la capacité d'accroissement des activités agricoles.

L'UMQ approuve le contenu de l'article 19 du projet de loi, qui permet l'accélération de l'application du régime de protection de l'activité agricole par l'adoption d'un règlement de contrôle intérimaire par les MRC. L'Union tient à souligner qu'il s'agit ici d'une concession importante du milieu municipal, puisqu'un tel règlement rend inopérante toute disposition d'un règlement municipal en de telles matières.

Même si l'UMQ se réjouit de l'intégration du principe de l'écoconditionnalité dans le projet de loi, elle croit toutefois que d'autres mesures devront être adoptées pour assurer le développement d'une agriculture durable, l'écoconditionnalité n'étant qu'une des mesures visant cet objectif.

L'Union se réjouit également de l'abrogation, par l'article 23 du projet de loi, des dispositions concernant le Commissaire aux plaintes. Cette abrogation, demandée notamment par l'UMQ, permet l'application de mesures relatives à la médiation prévue à la loi sur la protection des territoires agricoles.

Finalement, l'Union est en total désaccord pour forcer les municipalités à appliquer, lors de la délivrance d'un permis de construction, les normes de la directive relatives à la détermination des odeurs en milieu agricole. De nombreuses municipalités locales situées dans une MRC, ne disposant pas de schéma d'aménagement révisé, ont adopté des normes relatives aux distances séparatrices, en vue d'atténuer les inconvénients reliés aux odeurs inhérentes à certaines activités agricoles, qui sont conformes à l'orientation gouvernementale et qui prennent en considération les particularités des différentes parties de leur territoire. Plusieurs municipalités recourent notamment au zonage de production et sont susceptibles d'y recourir encore après l'entrée en vigueur d'un règlement de contrôle intérimaire ou du schéma d'aménagement révisé par leur MRC. Aussi, cette disposition transitoire prévue à l'article 30 du projet de loi aura pour effet de permettre certains projets qui ne sont pas conformes à la réglementation actuelle ni à la réglementation future de cette municipalité. Selon l'UMQ, l'article 19 du projet de loi permettant aux MRC d'adopter un règlement de contrôle intérimaire est largement suffisant pour permettre l'accélération de l'application du régime de protection des activités agricoles.

Pour conclure, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, vous avez entendu les grandes lignes du message de l'UMQ. L'UMQ reconnaît l'importance socioéconomique de l'agriculture ainsi que sa primauté en zone agricole. Elle reconnaît tout autant que le milieu agricole poursuit les mêmes objectifs que nous en matière d'agriculture durable. Cependant, l'accélération des mesures agroenvironnementales exigera une implication soutenue de la part de tous les intervenants, et une remise en cause des pouvoirs des municipalités rendrait impossible l'atteinte d'une mise en place d'une agriculture durable, puisque le développement durable inclut le socialement acceptable. Depuis 1996, les municipalités ont accepté de déterminer les distances séparatrices qui amènent à une cohabitation harmonieuse entre usage agricole et non agricole. Je vous invite, Mme la Présidente, à proposer au gouvernement qu'il continue de le faire.

Voilà. Mme la Présidente et membres de la commission, l'essentiel de notre propos. Nous avons partagé avec vous nos points de vue en ce qui a trait au projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, M. Croteau. Je vais passer la parole maintenant au ministre. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, gens de l'UMQ. D'abord, vous positionnez, quant à moi, extrêmement bien les forces en présence quand on est UMQ, FQM. Il faut appeler les choses par leur nom, là. Dans un langage clair: vous autres, 80 % de la population, 20 % du territoire; les autres, 80 % du territoire ou des municipalités; bon, l'inverse en quelque sorte. En fait, quand on parle de la cohabitation harmonieuse, vous autres, vous êtes les «co», eux autres sont l'«habitation»; et ils demeurent, vous autres, vous êtes les colocs. On est les colocs de la zone agricole au Québec. Partons de ça.

M. Croteau, le projet de loi prévoit formellement que dorénavant, dès l'adoption de la loi, les municipalités du Québec pourront faire du zonage de production aux abords du périmètre urbain. Alors, répétons cela parce que c'est une dimension fondamentale de ce projet de loi. Et donc les municipalités dorénavant auraient la possibilité d'adopter, à travers le règlement de contrôle intérimaire et le règlement d'urbanisme... de faire du zonage de production. Appelons ça par son vrai nom, parce qu'il faut que les choses soient dites clairement: ça voudrait dire que les municipalités auraient la possibilité, aux abords des périmètres urbains, d'interdire certaines productions animales à fortes charges d'odeurs. C'est ça que ça veut dire en français. Bon.

J'étais aux débats évidemment en 1996. J'étais aux débats en 1997. Je suis aux débats dans un autre siège maintenant. Est-ce que l'UMQ se réjouit de cette dimension que vous avez historiquement réclamée, la capacité et la possibilité de faire maintenant du zonage de production, c'est-à-dire limiter certaines productions animales, par exemple, aux abords des périmètres urbains?

M. Croteau (Marc): Il n'y a pas de doute, M. le ministre que ça vient, en fait... À notre avis, ça vient, en fait, consolider notre vision aussi du développement rural, du développement agricole en ce qui a trait au périmètre d'urbanisation, qui, on le sait, avec le temps, a eu des incursions, des percées à l'intérieur des zones agricoles. Je pense que ça vient répondre à ce besoin-là. On tenait à dire, par contre, que c'était quand même une concession importante avec laquelle on était très prêts à vivre, sans objection.

M. Trudel: Majeur, ce que vous venez de dire. Réclamation historique, entente historique. Vous adhérez à cette dimension de l'entente au niveau de l'histoire, de l'entente elle-même.

Deuxièmement maintenant, j'ai de la misère, là, à réconcilier quelque chose. Vous allez m'expliquer ça, là. Je suis sûr, M. Croteau, que vous allez réussir ça. Vous concluez en disant, sur l'application des distances séparatrices: Laissez les municipalités locales appliquer ça, laissez ça aux municipalités locales. Sur le territoire, il y en a 1 177 au Québec qui ont des zones vertes, des zones agricoles, laissez-leur appliquer la norme des distances séparatrices parce que ça se vit bien, dites-vous. Actuellement, c'est ce que j'ai entendu du moins: Ça se vit bien. Il faut absolument que vous me donniez votre opinion, parce que plein de groupes aujourd'hui et demain vont venir nous dire que par ailleurs c'est la guerre, qu'il y a danger pour la paix sociale. Alors, je pense que la vérité ne peut pas avoir deux faces, là. C'est-y la guerre ou ce n'est pas la guerre, comme dirait l'autre.

n(15 h 20)n

M. Croteau (Marc): Il n'y a pas de doute que le fait, M. le ministre, de laisser aux instances locales, aux municipalités, la possibilité de déterminer les distances séparatrices amène une conséquence qui peut être de l'abus. On va appeler...

M. Trudel: Oh, je ne pense pas.

M. Croteau (Marc): ...un deux de pique un deux de pique.

M. Trudel: Oui.

M. Croteau (Marc): On en a connu un peu au Québec, on en a connu des deux côtés, autant du côté des agriculteurs, pour qui, aussitôt qu'il y a une norme qui ne fait pas l'affaire, c'est de l'abus, qu'au niveau des municipalités, pour qui, aussitôt qu'il y a une demande d'agriculteurs, on abuse de l'autre côté. Ce qu'on dit est fort simple, c'est qu'une politique ou des normes ou des balises mur à mur ne pourraient pas répondre aux besoins des Québécois et des Québécoises. On se doit d'être capable de déterminer, à l'intérieur des communautés locales, en prenant pour compte les besoins du milieu, des normes de distances séparatrices.

D'abord, on dit dans le mémoire, on est assez clair là-dessus, qu'on doit aussi prendre en considération ? et tantôt je pense que vous allez être entretenus là-dessus par la coalition du développement agricole durable ? des normes scientifiques. Mais je pense, M. le ministre, qu'il y aurait lieu, à l'intérieur d'une politique, à l'intérieur d'un plan de développement... Je vais même aller plus loin que qu'est-ce qu'on a pu discuter à la table de l'Union des municipalités. Je pense qu'à l'instar du plan de gestion des matières résiduelles, à l'instar de cette innovation-là, avec laquelle certaines municipalités ne sont pas d'accord, on nous oblige, au niveau local, d'avoir une réflexion et d'inclure, à l'intérieur de notre schéma d'aménagement, un plan: De quelle façon on va gérer les matières résiduelles?

Bien, je pense qu'on doit faire la même chose au niveau agricole. Si on veut avoir une agriculture durable, à mon avis, le ministère a un devoir de nous fournir des normes et des balises et des données pour par la suite qu'on puisse, au niveau de la MRC ou des communautés urbaines, établir à ce moment-là un plan de développement agricole qui va être basé sur cette cohabitation-là, qui va être basé sur des normes très précises d'application de distances séparatrices dans lesquelles on pourrait minimiser, pour ne pas dire éliminer l'abus autant d'un bord que de l'autre. Mais je pense que ça doit continuer de se faire au niveau local. Là-dessus, on maintient notre position.

M. Trudel: Ça m'éclaire beaucoup. Je peux, moi aussi, peut-être terminer par une interrogation sur ce chapitre-là, en disant: 1 700 municipalités qui administreraient des distances séparatrices pour établir... Je termine par un point d'interrogation et je vous remercie de votre opinion franche, claire et honnête. Le maire d'Aylmer, il est connu pour la clarté de ses propos, encore une fois.

L'autre dimension qui m'interpelle beaucoup, c'est ce sur quoi vous venez de terminer: un plan de développement de la zone agricole dans la municipalité, dans le territoire de la MRC. Bon. La loi va donc vous autoriser maintenant à ce que vous fabriquiez dans les meilleurs délais possible un règlement de contrôle intérimaire. Et là je sais que les choses sont complexes pour le commun des mortels, mais, si vous couplez la fabrication du Règlement de contrôle intérimaire avec l'article 7 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, vous y constaterez que c'est précisément les deux dimensions qui vous permettront de réaliser le plan de développement de la zone agricole, parce que l'article 7 dit aux MRC, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, que la MRC fait son schéma d'aménagement ou son RCI, son Règlement de contrôle intérimaire, et doit prévoir son plan d'action pour mettre en oeuvre les éléments qu'elle a définis pour ce territoire agricole. Somme toute, est-ce que, M. Croteau, les MRC sont actuellement et seraient éventuellement, avec ces deux dimensions, empêchées de construire, avec le comité consultatif agricole, un plan de développement de la zone agricole sur le territoire de la MRC?

M. Croteau (Marc): M. le ministre, je pense qu'on parle de deux choses. Moi, j'interprète ce que vous me dites comme étant l'utilisation du sol.

M. Trudel: C'est vrai.

M. Croteau (Marc): Le RCI, c'est l'utilisation du sol.

M. Trudel: Tout à fait.

M. Croteau (Marc): On veut zoner la production. On va dire quelle sorte de production sur ce lopin de terre là. Si c'est proche de l'urbain, on va avoir plus de restrictions, etc. Là-dessus, vous avez raison, le RCI répond bien, je pense, à ce besoin-là au niveau municipal et au niveau aussi des agriculteurs. Moi, ce dont je parle, c'est un pas plus loin. J'ai entendu, ce matin, quelque chose des agronomes qui sont venus. Ils ont dit que les urbanistes souvent ne connaissent pas la façon de développer le côté agricole, pour ne pas dire les ruralités. D'ailleurs, c'est des urbanistes, ce n'est pas des ruralistes.

Et puis je pense qu'il faut aller un pas plus loin. Là, vous parlez de l'utilisation du sol. Moi, je pense qu'il faut développer, avec ces agronomes-là, avec les vrais ressources, avec les vrais spécialistes, non seulement comment on va utiliser un lopin de terre, mais comment on voit l'agriculture à l'intérieur de notre société et, ipso facto, à l'intérieur de notre MRC, de notre schéma d'aménagement. Et ça, je ne crois pas que les MRC ont ces expertises-là. Mais rien n'empêcherait d'avoir un programme qu'on puisse mettre de l'avant, un plan de développement agricole durable qui va beaucoup plus loin que l'utilisation du sol. Je pense qu'on pourrait, à ce moment-là, être capable. Sauf qu'évidemment il y a un manque de ressources, ça, il n'y a pas de doute.

M. Trudel: Retenez mon enthousiasme devant ce que vous venez de dire. Rien ne vous empêche de le faire actuellement, sauf, dites-vous, et il faut en prendre note pas mal sérieusement, c'est-à-dire les ressources nécessaires pour faire le plan de développement de la zone agricole avec les comités consultatifs agricoles. Ça ne peut pas être des milliards, ça ne peut pas être des centaines de millions qui sont impliqués. Mais, si vous avez la volonté, M. le représentant de l'UMQ, de réaliser des plans de développement, de mise en valeur, comme vous venez de dire, de la zone agricole avec les spécialistes et professionnels concernés, bien, M. Croteau, je pense que nous avons la responsabilité de songer à cela très sérieusement. Mais, je vous le dis, je pars de la base, de la prémisse que vous avez une volonté de réaliser cela à l'intérieur des balises nationales fixées, parce que, bon, il faut un certain nombre de normes. Je note. Merci beaucoup.

Je continue maintenant sur une autre dimension. Il y a quelque chose dans votre mémoire qui se profile. Et, comme on se connaît depuis un bon moment, puis que, bon, entre ex, on se respecte, hein, vous savez... Alors, il y a quelque chose qui se profile là-dedans, puis on va appeler les affaires par leur nom. L'UMQ, en quelque sorte, réclame que nous puissions donner les autorisations de développement des entreprises agricoles et l'implantation de nouvelles entreprises agricoles dans le territoire de la MRC sur la base de la capacité portante des sols, c'est-à-dire, pour être très clair, que vous réalisiez ce travail, qui est actuellement celui du ministère de l'Environnement, c'est-à-dire que chaque MRC donnerait ses autorisations d'agrandir ou de s'implanter suivant la capacité portante des sols, ce qui est actuellement la responsabilité du ministère de l'Environnement, avec l'obligatoire signature d'un professionnel agronome ? on l'a traité ce matin ? quand on fait le Plan agroenvironnemental de fertilisation.

M. Croteau, en quoi les 96 MRC du Québec seraient-elles beaucoup mieux placées que le ministère de l'Environnement pour réaliser ce travail de l'autorisation, sur la base de la capacité réceptrice des sols au niveau des matières qui y sont épandues, des matières à recevoir? En quoi cela nous donnerait-il un avantage formidable de confier ça aux MRC plutôt qu'au ministère de l'Environnement du Québec?

M. Croteau (Marc): D'abord, j'aimerais que Jacques... M. Laberge va préciser la position de l'UMQ par rapport aux capacités portantes, et puis je vais répondre à votre question, M. le ministre.

M. Laberge (Jacques): M. le ministre, je crois que vous aviez mal compris les intentions de l'Union des municipalités du Québec. Et c'était...

M. Trudel: Rectifiez-moi.

M. Laberge (Jacques): Je le rectifie, ça, vous pouvez bien m'entendre là-dessus, c'est qu'on n'a pas l'intention de demander cette responsabilité-là d'émettre des certificats d'autorisation. La confusion sort peut-être du projet d'entente qu'il y avait entre la FQM et l'UPA.

M. Trudel: Ne nous parlez pas des autres, parlez-nous de vous.

n(15 h 30)n

M. Laberge (Jacques): O.K. C'est que, nous, on est contre le fait qu'on spécifie dans une loi qu'une MRC ne puisse tenir compte de la capacité de support des sols en matière d'aménagement du territoire. Je crois qu'il y a un petit peu quelque chose d'embrouillé là-dessus. On veut continuer d'avoir éventuellement la possibilité de tenir compte de la capacité de support des sols parce qu'il y a une politique de l'eau qui s'en vient au Québec, où on va gérer l'eau par bassins versants, et c'est évident que les institutions qui vont être chargées de faire un schéma directeur de l'eau vont devoir nécessairement tenir compte de la capacité de support des sols parce que la dimension de la pollution d'origine agricole est fondamentale dans la gestion de l'eau au Québec.

M. Trudel: Merci, c'est tout mon temps. Je dois vous le dire en tout respect, M. Laberge, vous ne m'avez pas convaincu. J'espère que vous allez réussir, avec les questions de l'opposition, à éclaircir ça. Je perçois toujours que vous voulez remplacer le ministère de l'Environnement par la porte d'à côté pour effectuer le contrôle de la capacité portante des sols. Je ne demande qu'à être convaincu, mais, je vous le dis en toute honnêteté, M. Laberge, je ne le suis pas.

La Présidente (Mme Vermette): Donc, je vous remercie, M. le ministre. Alors, nous allons passer et céder la parole au député de Papineau. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, Mme la Présidente. M. Croteau, bienvenue. La question qui me venait en vous écoutant tantôt, et sujet que vous connaissez très bien, les fusions au Québec: Comment vous allez gérer le... une fois que les fusions vont être faites? Exemple, chez vous, si on part de Hull puis qu'on s'en va jusqu'à Buckingham, que la MRC des Collines tout le long va suivre jusqu'à Buckingham les décisions qu'ils vont prendre, puis qu'à 50 pieds l'autre bord de la rue, ça va être Buckingham puis, de l'autre côté, ça va être Val-des-Monts ou L'Ange-Gardien, alors des décisions... Puis, vous le savez comme moi, M. Croteau, que, tout le long, il y a des agriculteurs qui suivent la ligne rurale et urbaine à... puis même sur le côté de votre municipalité, d'Aylmer, si on parlait de Pontiac, c'est à peu près la même chose. Mais la fusion va se terminer un certain... Mais, tout le long d'Aylmer, Hull, Gatineau, Masson-Angers, Buckingham, il y a une MRC qui touche tout le long, il y a une ligne complètement, là, qui se touche, tout le long, tout le long, tout le long de la géographie, si vous voulez, de la MRC et de la Communauté urbaine de l'Outaouais.

Qui va prendre la décision, une fois que ce règlement-là va être sur la table? Qui va décider que M. l'agriculteur qui va décider d'agrandir ou qui va décider de changer sa vocation sur sa ferme puis qu'à 50, à 25 pieds, l'autre bord de la rue, c'est urbain, ce n'est pas... puis qu'il y a des normes d'agriculture, de senteur ou, quoi, de pouvoir... Qui va décider ça? Est-ce que c'est le ministère de l'Environnement, est-ce que c'est l'Agriculture, le ministère de l'Agriculture, ou c'est la nouvelle ville de l'Outaouais?

M. Croteau (Marc): En fait, pour vous parler de ma région, puis je vais réitérer ce qui a été dit ce matin par le représentant de la FQM quant aux grandes préoccupations, inquiétudes qu'ils ont vis-à-vis les regroupements... Moi, je n'ai plus d'inquiétudes, là.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Croteau (Marc): J'ai des préoccupations, moins d'inquiétudes.

M. McMillan: Peut-être pour deux ans, mais on verra après.

M. Croteau (Marc): Mais je vous avoue que, pour ce qui est de l'Outaouais, il y a une problématique, parce que effectivement on a deux régions qui se touchent et qu'à l'intérieur de la loi n° 170 on n'a pas prévu de faire un schéma, on prévu de faire deux schémas...

M. MacMillan: Avec un comité à part.

M. Croteau (Marc): Avec un comité consultatif qui n'a pas de pouvoir d'application de schéma ni de pouvoir décisionnel. Donc, ça, c'est problématique. Par contre, dans toute la foulée des regroupements, il y a des inquiétudes que je partage personnellement ? je parle en mon nom et non pas au nom de l'UMQ ? que je partage avec les propos de la FQM, ce matin, quant à la représentativité du monde rural dans ces regroupements-là et du monde agricole dans ces regroupements-là. Je partage cette préoccupation-là aussi, à titre personnel.

M. MacMillan: Mais est-ce que... On doit en discuter. Parce que M. le ministre tantôt a dit qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec vous-autres. Il est d'accord avec d'autres, pas d'accord avec vous autres. Mais il y a quelqu'un, là... Il va falloir qu'ils se rencontrent quelque part, là. Supposément que les fusions, ça va sauver tout le monde, ça, là. Si c'est comme Toronto, on annonce un avenir extraordinaire pour le Québec. Mais est-ce que... Il faut quand même en discuter. Il ne faut pas passer un projet de loi, comme les gens sont en train de le faire, puis adresser les décisions puis partir des guerres comme chez nous, qu'on... Je pense qu'on n'en a pas eu non plus, même avec les fusions forcées.

Il faut qu'il y ait une décision qui soit prise, il faut qu'il y ait ? je ne suis pas un expert ? une loi ou un règlement ou quelque chose qui dit: Bien, écoutez, dorénavant, s'il y a un problème entre une MRC ? la MRC des Collines, exemple, qui est voisine probablement de toute la Communauté urbaine de l'Outaouais au moment où on se parle... Qui va avoir le contrôle? Est-ce que ça va être la... Déjà, on n'est pas d'accord avec le comité consultatif, qui n'a aucun pouvoir. Alors, on fait quoi? Il faut en discuter quelque part. Il ne faut pas attendre que la loi soit déposée sur la table puis, après ça, dire: Arrangez-vous avec vos troubles, puis faire des guerres de voisins entre les municipalités ou entre une municipalité et une MRC.

M. Croteau (Marc): C'est la réalité de l'Outaouais vis-à-vis cette loi n° 170 là, il n'y a pas de doute. Mais tout ça, je pense... Puis je vais revenir à ce que M. le ministre disait tantôt, peut-être que je ne partage pas tout à fait quand je parle d'un plan de développement agricole durable. Vous avez parlé de volonté. Je pense que la volonté, il faut qu'elle soit remplacée par l'obligation. Comme débat de société, on se doit d'avoir à l'intérieur d'un développement d'une province à tout le moins une place pour l'agriculture et de quelle façon on la voit au niveau de notre province à l'intérieur du développement. Je pense que c'est là. Et puis l'obligation viendra par la suite aux MRC dans l'application.

M. MacMillan: Mais des régions aussi, M. le maire.

M. Croteau (Marc): Dans les régions effectivement.

M. MacMillan: Chez nous, c'est visible à tous les jours. Nos voisins sont des agriculteurs. Nos voisins, tout le long, sur tous les côtés, dans tous les cinq comtés, la population, je veux dire, elle est là, c'est nos voisins, ce sont des agriculteurs, comment je dirais, c'est nos amis, alors on ne peut pas les mettre de côté. Il faut trouver une solution immédiatement. Il ne faut pas attendre qu'il y ait des guerres éternelles. On a la chance de le faire puis on semble vouloir ne pas le mettre sur papier. Je ne le sais pas. C'est ça que je ressens, là. Ce n'est pas... Mais, si on ne le fait pas, ça va être un avenir assez difficile.

M. Croteau (Marc): Effectivement, et surtout au niveau des inquiétudes par rapport à l'agriculture. Ça, vous avez absolument raison, M. MacMillan.

M. MacMillan: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, est-ce que... Le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour, M. Croteau, M. Laberge. C'est un plaisir de vous revoir en commission parlementaire. La dernière fois, on avait un problème épineux aussi. Je pense qu'on est venu à bout de trouver une solution pour le bien-être de tout le monde. M. Croteau, le débat qu'on est en train de faire est en grande partie causé par deux choses: les odeurs puis, vous l'aviez bien expliqué tantôt, toute la question environnementale, les eaux souterraines. C'est deux points auxquels le monde municipal devra faire face dans les prochaines années. Au niveau des odeurs, si, par la loi, on permet un zonage de production et que, dans une zone bien délimitée, on interdit, par exemple, l'installation de nouvelles porcheries, est-ce que le zonage de production va nécessairement inclure l'interdiction d'épandre du fumier dans cette zone?

M. Croteau (Marc): Évidemment, si on veut traiter du problème d'inconvénients, qui est si bien défini, des inconvénients de l'agriculture, on va devoir avoir les outils pour être capable de contrôler les inconvénients. Maintenant, si le zonage de production va aussi loin que de dire qu'il ne peut pas y avoir d'épandage, à ce moment-là, on pourrait. Sinon, évidemment on va être pris dans la même situation qu'on a aujourd'hui.

M. Whissell: Parce que, vous savez, c'est délicat, là, parce qu'on peut dire qu'il y a l'établissement de nouvelles entreprises agricoles, de nouvelles porcheries, des parcs d'engraissement de veaux, de boeufs, nommez-les tous, et on sait qu'il y a des nouvelles technologies quand même qui ont été développées au cours des dernières années et que, les nouveaux établissements, souvent les odeurs sont vraiment limitées. Et le problème demeure toujours le même, c'est l'épandage du fumier. Alors, ce n'est pas évident encore que, même par ce projet de loi, si on permet de faire des zonages de production au niveau des établissements, il n'est pas encore accordé au monde municipal que vous allez pouvoir réglementer l'épandage de fumiers. Parce que, là, après ça, on va dire: Est-ce que vous allez avoir le droit de réglementer l'épandage des engrais? Et là on va arrêter où?

Une voix: ...pesticides.

M. Whissell: Il y a les pesticides. Et votre zonage de production, est-ce que vous le voyez même, à la limite, à aller jusqu'à dire quel type de culture les gens vont pratiquer dans les champs?

M. Croteau (Marc): Bien, écoutez, si on veut nous donner des outils pour contrôler ce qu'on peut contrôler et qui sont les inconvénients, notamment les odeurs et... c'est évident qu'on devra avoir ces outils-là à l'intérieur du zonage de production. Maintenant, je ne sais pas si Jacques a quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Laberge (Jacques): Oui. J'aimerais peut-être spécifier quelque chose. On parle de zonage de production, de distances séparatrices, mais il reste quand même que les meilleurs moyens pour contrôler les nuisances, les inconvénients générés par les odeurs, c'est le contrôle des odeurs à la source par l'alimentation, le compostage, la ventilation des bâtiments, les techniques d'épandage. C'est là-dessus qu'on devrait essentiellement consacrer nos efforts.

M. Whissell: Bien, avez-vous l'impression d'être en train de faire ce débat ici, en commission parlementaire?

n(15 h 40)n

M. Laberge (Jacques): Bien, non. Mais je veux tout simplement préciser que la question des distances séparatrices, c'est un outil complémentaire. Et le zonage de production, c'est presque exceptionnel qu'on devrait recourir au zonage de production parce que ce zonage de production là va devoir être très, très bien encadré.

M. Whissell: Je vais vous redonner un exemple dans le comté d'Argenteuil, comté que je représente. Hier, il y avait la ville de Mirabel, qui bizarrement est une ville, une MRC, ça fait qu'on rejoint un peu la position du député de Papineau, qui dit: Grand territoire, concentration d'urbanisation au centre. Donc, à Mirabel, le conseil municipal est géré ou, je dirais, sous l'emprise du monde urbain. Hier, ça a été la police pour faire sortir les gens de la salle, parce qu'il y a un règlement justement, un règlement de distance séparatrice qui est sur la table, avec des zonages... Parce qu'on revoit les zones rurales et on essaie de repousser et de repousser et de mettre des usages dans ces zones. Je peux vous dire que c'est la guerre, là. C'est-u vers cette direction qu'on veut se diriger? Ce n'est pas évident. Ce n'est vraiment pas évident.

Puis ce qui ressort depuis ce matin ici, c'est que présentement au Québec, de la part du gouvernement, il n'y a aucune volonté de trouver vraiment une solution aux problèmes que sont les odeurs et la pollution diffuse. Et ça, on n'a pas attendu, nullement, le ministre nous présenter des solutions pour régler ces deux problèmes-là. Si on est capable de régler ces deux problèmes-là au Québec, je vais vous dire, la cohabitation, elle va être bien facile. Mais le zonage de production, jusqu'où ça va? Tel champ, vous pouvez le planter en maïs, tel champ, il faut que vous le laissiez en friche, en pacage, un autre champ...

Une voix: Ça prend une rotation...

M. Whissell: Ça prend des rotations des cultures. Puis il faut mettre des engrais parce qu'on appauvrit la terre constamment en cultivant. Alors, je pense que la solution, elle n'est pas facile. Mais l'origine du problème, on la connaît bien puis on ne veut pas y faire face. Une dernière question. Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vermette): Quatre minutes.

M. Whissell: Une dernière question, je vais passer la parole au député de Brome-Missisquoi. Au niveau des compétences, on a entendu ce matin des agronomes venir nous dire qu'au niveau municipal ce n'était pas évident qu'il y avait vraiment les compétences pour faire des règlements. Je vais reprendre mon exemple de Mirabel. C'est une ville qui est florissante, qui a quand même des fonctionnaires de qualité, ils ont un service du génie, un service d'urbanisme, mais ils n'ont pas un service d'agriculture. Alors, on est en droit de se demander: Est-ce que vraiment le monde municipal est prêt à absorber un transfert de compétences de la sorte? Ce n'est pas clair. Puis, si je posais la question au ministre, combien d'argent il va mettre sur la table pour vous aider à cheminer dans votre perfectionnement de compétences, ce n'est pas sûr qu'il va y avoir de l'argent. Alors, vous, selon vous, pensez-vous que c'est réalisable à court terme de dire: Les municipalités, faites des règlements, trouvez-vous des urbanistes puis réglez le problème?

M. Croteau (Marc): Non, c'est évident que ? je pourrais vous parler pour la Communauté urbaine ? on a les ressources, on a les moyens, ce n'est pas problématique, mais ce n'est pas le cas partout au Québec, même que ce n'est pas le cas peut-être pour 80 % du Québec. Ce qui a été fait au niveau du plan de gestion des matières résiduelles, pour les MRC et même pour les CU aussi... Mais l'aide financière est plutôt disponible au niveau des MRC. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a les experts. Les granolas qui vont monter les règlements, on ne les a pas tous. Donc, là, on leur donne des mandats, puis ils nous préparent ça, puis c'est comme ça par la suite qu'on peut faire le suivi. C'est aussi simple que ça. Mais, sans aide financière, ça ne se fera pas.

M. Whissell: Je passe la parole au député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très brièvement, M. Croteau, peut-être deux questions rapides. On sait qu'il y a eu une entente qui a été annoncée entre la Fédération québécoise des municipalités et l'Union des producteurs agricoles. Votre organisation n'en fait pas partie. Je pense qu'il aurait été souhaitable d'avoir une rencontre. Quel a été le ou les points majeurs d'achoppement qui vous ont empêchés de signer? Première intervention.

Deuxième intervention. Au niveau de la Loi de la qualité de l'environnement et des règlement administrés par le ministère, est-ce que vous les trouvez suffisamment sévères ou rigoureux au moment où on se parle ou est-ce que vous les trouvez désuets et non efficients?

M. Croteau (Marc): Je vais répondre à votre deuxième question. Quand on parlait tantôt au niveau des outils nécessaires, je pense qu'il y a lieu d'y avoir une révision au niveau des normes de pollution. Je pense qu'il n'y a pas de doute qu'il faut qu'elles soient révisées, retravaillées avec, encore une fois, comme on disait dans le mémoire, des données scientifiques. À partir de là, pourquoi on n'est pas partie prenante avec la FQM et l'UPA? C'est qu'on ne faisait pas partie des discussions du tout.

M. Paradis: Mais, maintenant que vous connaissez l'entente, que vous en avez pris connaissance, est-ce que vous êtes philosophiquement loin de cette entente ou est-ce que vous êtes philosophiquement proches de cette entente?

M. Croteau (Marc): Je dois vous avouer que l'accroissement de l'activité agricole ? on parlait de 75 têtes ce matin, j'ai cru entendre ça, là ? ce n'est pas quelque chose dans lequel on aimerait embarquer tout de suite sans en voir les conséquences par rapport aux normes, et surtout pas si on fait fi des normes pour augmenter cette production-là. Ça, pour nous, c'est inacceptable.

M. Paradis: Et cet élément-là, on le sait, est un point majeur pour l'Union des producteurs agricoles et le droit de produire.

M. Croteau (Marc): Oui. D'ailleurs, j'étais assez fier de voir que ça ne fait pas partie du projet de loi.

M. Paradis: Le ministre va vous répondre: Pas pour le moment.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ceci met un terme à nos échanges. Je vous remercie beaucoup, M. Croteau ainsi que M. Laberge.

Je demanderais maintenant à la Coalition pour le développement d'une agriculture durable de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons pouvoir commencer. Je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir reprendre leur siège, s'il vous plaît, nous allons commencer nos échanges.

M. Croteau, je pense que ça ne vous a pas fait trop... Ha, ha, ha! Vous avez juste changé de siège, tout simplement. Si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent, les membres de la Coalition pour le développement d'une agriculture durable.

Coalition pour le développement
d'une agriculture durable

M. Croteau (Marc): D'ailleurs, Mme la Présidente, je vous remercie de me donner la parole, mais je vais céder la parole parce que, effectivement, l'UMQ fait partie de la Coalition en grande partie pour cause de ses préoccupations vis-à-vis des normes de pollution et à l'intérieur d'ailleurs d'un développement durable de l'agriculture. Donc, sur ce, je cède la parole à nos gens qui vont vous faire la présentation.

La Présidente (Mme Vermette): Merci.

M. Bergeron (Denis): Bonjour, Mme la Présidente, membres de la commission. Alors, mon nom est Denis Bergeron, j'agirai ici à titre de porte-parole de la Coalition pour le développement d'une agriculture durable. J'aimerais préciser que les membres de la Coalition sont le Centre québécois du droit de l'environnement, le Collège québécois des médecins de famille, le Conseil des directeurs de santé publique du Québec, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, l'Union des municipalités du Québec ainsi que l'Union québécoise pour la conservation de la nature.

Alors, je suis accompagné aujourd'hui, pour la présentation, du Dr Benoît Gingras, du Conseil des directeurs de santé publique; de M. Croteau, de l'Union des municipalités du Québec; ainsi que du Dr John O'Driscoll, du Collège des médecins de famille du Québec. Je vais me permettre un bref préambule et je vais céder la parole, après, au Dr Gingras, qui va faire part d'une partie importante des préoccupations de la Coalition. Et je reviendrai en conclusion sur certains aspects environnementaux et pour conclure la présentation.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous rappelle que vous avez un temps de 15 minutes et, après, les échanges. Merci.

M. Bergeron (Denis): Alors, en préambule, j'aimerais communiquer aux gens de la commission que les membres de la Coalition sont très conscients que l'industrie bioalimentaire occupe une place importante dans l'économie québécoise. Cette industrie fournit un emploi sur neuf, soit 12 % des emplois de l'ensemble de l'économie du Québec. Les activités agricoles, quant à elles, représentent environ 20 % des emplois du secteur bioalimentaire et apportent une contribution de 1,5 % au produit intérieur brut.

n(15 h 50)n

Les membres de la Coalition pour le développement d'une agriculture durable reconnaissent cet apport important et désirent, par conséquent, préciser que leurs revendications ne s'inscrivent pas dans l'optique d'une opposition à l'égard de l'agriculture. Cependant, la Coalition réclame que ce secteur d'activité économique et sociale se développe de manière durable. Nous constatons que le processus d'intensification de la production agricole soutenu par l'État et qui s'est accentué au fil des récentes décennies a aujourd'hui des incidences considérables non seulement sur l'environnement, mais aussi sur la santé et la qualité de vie des populations.

La critique ne s'applique pas tant aux agriculteurs en soi qu'aux politiques de développement agricole qui ont orienté l'agriculture vers un modèle unique productiviste, ce qui a mené à la généralisation de pratiques agricoles dommageables.

Les revendications de la Coalition sont regroupées sous quatre thèmes, soit les politiques de développement agricole, l'aménagement du territoire et les activités agricoles, la réglementation environnementale en matière agricole et le suivi du rapport de la Commission sur la gestion de l'eau en regard de l'assainissement agricole. Je vais maintenant céder la parole au Dr Gingras pour ce qui est du volet de son mémoire.

M. Gingras (Benoît): Merci, M. Bergeron. Alors, j'apporte ici le point de vue santé publique au nom du Conseil des directeurs de la santé publique. Alors, bien sûr, avec la Coalition, nous reconnaissons l'importance économique et sociale de l'agriculture et sa primauté en zone agricole. Mais, parallèlement, nous croyons aussi que les conditions de vie et de bien-être doivent être les plus favorables possible pour tous ceux et celles qui habitent le milieu rural.

Nous rappelons enfin que la santé sociale d'une communauté est un facteur déterminant de la santé de tous les individus qui la composent. Nous sommes d'avis que les odeurs provenant d'activités agricoles peuvent avoir un impact significatif sur la santé et le bien-être des personnes exposées.

Dans un avis qu'il avait déposé devant cette même commission en avril 1997, le Comité de santé environnemental du Conseil des directeurs de la santé publique soutenait cette opinion basée sur un certain nombre d'études scientifiques. Cet aspect particulier en lien avec les odeurs a d'ailleurs été développé davantage dans un rapport scientifique portant sur l'ensemble de la problématique de la santé reliée aux activités de production animale au Québec qui a été produit au cours de l'année 2000 pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et qui a été cité dans le rapport Brière. Depuis 1997, d'autres études sont venues appuyer l'hypothèse que les odeurs d'origine agricole peuvent présenter un risque à la santé publique. Par surcroît, quelques études ont aussi démontré que les populations résidant dans le voisinage de porcheries de grande dimension présentaient des taux anormalement élevés de problèmes respiratoires.

Or, les dispositions contenues dans le projet de loi n° 184 abordent toujours la question des odeurs et des émissions provenant d'installations de production animale comme de simples inconvénients et écartent toute notion d'atteinte à la santé pouvant leur être reliée. Nous croyons que le mode actuel de calcul des distances séparatrices notamment ne permet pas de s'assurer de l'absence d'effets à la santé, principalement dans le cas des personnes exposées de façon chronique, de personnes ayant des problèmes respiratoires et de personnes sensibles. Bien que d'autres études soient nécessaires afin de mieux comprendre les impacts à la santé en lien avec les odeurs, nous croyons que les dispositions de la loi devraient dès maintenant tenir compte de ces préoccupations.

On a souvent tendance à limiter la question des odeurs provenant des activités agricoles à un problème entre le milieu agricole et la population non agricole. Ce n'est pas notre façon d'aborder le sujet. Nous intervenons dans une perspective de santé publique en milieu rural en considérant la population dans son ensemble. Entre autres, les intervenants de la santé publique s'impliquent activement et depuis longtemps à supporter les familles agricoles dans leur volonté d'améliorer leur santé et leur bien-être. D'ailleurs, une bonne part des personnes affectées par les odeurs font elles-mêmes partie de la communauté agricole.

Nous croyons que le choix des distances séparatrices comme moyen de réduire l'impact des odeurs ne constitue pas la meilleure solution, puisque celles-ci ne garantissent pas la protection de la santé publique, en plus d'être contraignantes pour les producteurs. Nous sommes d'avis que le développement et la mise en application des technologies d'atténuation des odeurs actuelles et à venir émanant principalement des installations de production animale mais aussi des équipements d'épandage devraient être préférés à des distances séparatrices minimales. En ce qui concerne l'épandage de lisier, nous croyons que la méthode par aéroaspersion devrait être totalement abandonnée. Nous sommes par ailleurs en accord avec l'abrogation prévue dans le projet de loi des dispositions permettant de pouvoir réduire les distances séparatrices avec l'accord des voisins immédiats, ceux-ci n'étant souvent pas les seuls concernés bien sûr par les problèmes chroniques d'odeurs.

Par ailleurs, nous sommes d'avis que d'éventuels accroissements du nombre d'unités animales dans les installations d'élevage, qui feraient en sorte d'augmenter la charge d'odeurs de façon à créer un préjudice à la santé des personnes exposées, devraient être accompagnés de mesures d'atténuation des émissions. Dans les cas litigieux, compte tenu des incertitudes scientifiques relativement aux paramètres de détermination des distances séparatrices, un avis de santé publique pourrait être requis pour certains projets d'agrandissement.

Nous soutenons que les perturbations sociales engendrées par certains projets de production animale sont susceptibles de créer des préjudices à la santé des populations touchées. Ces effets sont principalement causés par l'appréhension des conséquences néfastes sur la santé et l'environnement et le sentiment que l'expression de ces craintes n'est pas suffisamment entendue. L'expérience nous a démontré que la loi n° 23 n'a pas favorisé la cohabitation harmonieuse entre certaines activités agricoles et les autres usages en milieu rural. Dans de nombreux cas d'ailleurs, plusieurs familles agricoles font partie des groupes d'opposition des projets. Nous sommes d'avis que le projet de loi ne permettra pas de retrouver l'harmonie dans les communautés affectées par ces questions et que l'on risque plutôt de voir encore émerger d'autres conflits d'usage ailleurs, puisque plusieurs citoyens considéreront qu'ils ne sont pas suffisamment protégés.

L'abaissement du seuil actuel de 600 unités animales pour qu'un projet de production animale soit soumis à une étude d'impact et éventuellement à des audiences publiques pourrait, par exemple, constituer une mesure répondant à ce type de besoin. La mise en place dans les communautés concernées de mécanismes permanents d'échanges entre les instances gouvernementales, le milieu agricole et les autres citoyens ruraux pour favoriser les communications et la surveillance du milieu favoriserait aussi la participation active des citoyens. La mise sur pied de comités de bassins versants dans les zones d'élevage intensif et dans les nouvelles zones réceptrices de projets de production animale en est un exemple.

Et, en conclusion, nous sommes en désaccord avec l'approche du projet de loi qui évacue le principe d'effets sur la santé en ce qui concerne les odeurs provenant de certaines activités de production agricole. Nous sommes d'avis que cette façon de voir ne favorisera pas l'harmonisation des usages en milieu rural. Nous croyons que certaines des dispositions proposées auront un effet dissuasif en ce qui concerne les améliorations techniques qui pourraient être apportées à bon nombre de projets et d'installations en place afin de minimiser les effets de certaines des pratiques agricoles sur la santé et le bien-être de la population rurale dans son ensemble.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, vous avez, je pense, manifesté le désir de passer la parole à quelqu'un d'autre.

M. Bergeron (Denis): Non, bien, écoutez, compte tenu qu'il nous reste très peu de temps, j'aimerais conclure.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, allez-y.

M. Bergeron (Denis): Alors, suite à cette présentation, nous constatons que le processus d'intensification de l'agriculture, qui a eu une tendance à se renforcer depuis que l'objectif de doubler la valeur des exportations a été fixé, menace de plus en plus la santé de la population et les équilibres naturels et sociaux déjà fragiles. C'est d'ailleurs ce que sont venus confirmer tour à tour le rapport de la Commission sur la gestion de l'eau et le rapport du Vérificateur général du Québec pour l'année 1999-2000, l'avis de santé public émis par le ministère de la Santé et, tout dernièrement, le rapport Brière, qui est venu illustrer que la cohabitation en milieu rural exigeait des mesures plus crédibles en agroenvironnement.

J'aimerais le préciser spécifiquement pour l'étude du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, on peut déplorer le biais qui a donné à la définition de l'écoconditionnalité par l'entente Fédération des producteurs de porcs et le MAPAQ avant même que les interlocuteurs qui ont quelque chose à dire sur le sujet soient entendus, ce qui conditionne passablement les discussions qu'on veut avoir quant à savoir: Qu'est-ce que l'écoconditionnalité? alors qu'on a déjà une entente de signée entre une branche de l'UPA et le ministère de l'Agriculture.

La composition du comité consultatif agricole au sein de chacune des MRC pose problème. On aimerait peut-être un meilleur équilibre des représentations du milieu au comité consultatif. Et aussi, pour ce qui est de l'acceptabilité sociale des projets, on pourrait envisager une modification du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, soit d'abaisser le seuil d'assujettissement de 600 unités animales à un seuil plus bas, ce qui permettrait une meilleure transparence quant au développement de l'agriculture en région, ce qui permettrait aux citoyens de s'informer des projets qu'ils ont dans leur voisinage et ce qui permettrait effectivement, par l'intermédiaire du Bureau d'audiences publiques, de discuter de la justification de ces projets. Alors, c'est tout, en ce qui me concerne. Nous sommes à la disposition des membres.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie. Je passerai la parole au ministre. M. le ministre.

n(16 heures)n

M. Trudel: Merci. Comme d'habitude, merci de votre présentation. Est-ce que, les gens de santé publique, vous allez revenir nommément avec votre rapport? Parce qu'on vous avait invités à venir. On vous avait sélectionnés. Donc, vous avez préféré venir à l'intérieur des autres...

M. Gingras (Benoît): Non, nous n'avons pas été invités.

M. Trudel: Bien, on avait adopté, à l'Assemblée nationale... Non? Ah non! O.K. Bon.

Question ? il faut faire le lien avec tantôt: Les distances séparatrices, quelles qu'elles soient, doivent-elles être fixées par directive gouvernementale nationale ou laissées aux municipalités régionales de comté ou encore aux municipalités locales? M. Bergeron.

M. Bergeron (Denis): En ce qui nous concerne, on considère que les pouvoirs municipaux ont la prérogative de pouvoir déterminer l'occupation du territoire dans leurs zones, et il suffirait simplement de leur donner les moyens et des balises pour pouvoir déléguer en quelque sorte ou donner en quelque sorte un cadre d'intervention aux municipalités pour qu'elles puissent réglementer elles-mêmes.

M. Trudel: Bien, c'est un peu ça actuellement, non? Actuellement, là, il y a des distances séparatrices qui sont fixées nationalement pour l'ensemble du territoire et l'application se fait sur le territoire par la municipalité locale et la municipalité régionale, qui doit l'intégrer dans son schéma d'aménagement. C'est un peu ça qui se fait, oui?

M. Croteau (Marc): C'est ça.

M. Trudel: Alors, c'est fait ça. O.K. L'autre question qui me semble plus importante, qui a été posée tantôt, mais il nous faut votre opinion là-dessus: L'établissement de la capacité portante des sols, la capacité absorbante, la capacité de réception de matières, est-ce que cela doit être, pourrait être laissé à des spécialistes et aux MRC, aux gens qui sont dans la planification de l'occupation du territoire ou au ministère de l'Environnement du Québec?

M. Bergeron (Denis): Au niveau de la capacité support des sols, je pourrais dire que les municipalités ont quand même, dans l'occupation du territoire, la responsabilité d'évaluer les surfaces. Et ça pourrait être éventuellement un critère que les municipalités pourraient considérer quant à la détermination d'utilisation du territoire, tout en laissant la responsabilité au ministère de l'Environnement, dans le cadre de son certificat d'autorisation, de déterminer si, oui ou non, l'entreprise qui voudrait se développer ou s'implanter dans un secteur précis peut le faire en fonction de la capacité support des sols.

M. Trudel: Il faut qu'on soit capable ? en tout cas, pour moi, là ? de voir clair dans une situation. Aucune entreprise agricole du Québec ne peut soit s'établir ou prendre de l'expansion si elle n'a pas obligatoirement un certificat signé par un professionnel membre d'un ordre professionnel du Québec, qui s'appelle un agronome, qui a signé qu'elle devra, par exemple, épandre pas plus que telle quantité du lisier, de la production sur un acre, sur les acres de terre concernés. Il faut bien saisir ça, là. À chaque fois qu'une entreprise agricole est autorisée, la municipalité ne peut pas, ne peut pas, et n'émet pas de permis, si n'est pas dans le dossier un plan agroenvironnemental de fertilisation signé par un professionnel membre d'un ordre professionnel au Québec. Est-ce que, ça, c'est insuffisant ou encore ? la question qu'il faut bien poser ? est-ce qu'il faut se fier là-dessus?

M. Bergeron (Denis): C'est nettement insuffisant, pour la simple et bonne raison que les plans agroenvironnementaux de fertilisation s'adressent au producteur sur une base individuelle, ce qui ne donne pas de perspective en termes de capacité support dans un secteur ou dans une région donnée. Alors, la particularité, c'est qu'individuellement le producteur agricole pourrait avoir les superficies pour éventuellement épandre, mais, lorsqu'on calcule la capacité support, disons, par bassins versants, ce qui est proposé par le rapport Beauchamp, il faut considérer l'ensemble de la capacité support d'un sol par bassins versants, ce qui pourrait passablement changer en quelque sorte la donne en matière d'émission de permis ou de certificat d'autorisation. Donc, on n'a pas de démarche régionalisée ou plus globale quant à la capacité support du sol, et c'est peut-être ça, la contrainte de la démarche de la réglementation actuelle.

M. Trudel: Je reçois bien votre information. Je vais juste en laisser une autre, mais je ne veux pas de réponse parce que c'est plus long à trouver, j'imagine, comme réponse, là. Comment se fait-il que chacun des plans de fertilisation ne dépasserait pas la capacité absorbante de la plante, selon un professionnel formé à l'université? Comment se fait-il que l'addition de chacune des parcelles respectueuses du règlement, selon un professionnel formé à l'université, donnerait un résultat plus grand à l'autre bout? Comment ça se fait? Il y a comme... Il y a un célèbre poète de Val-d'Or qui dirait, moins clairement: Il y a de la «zizloune dans la wazibang», là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bergeron (Denis): Je n'ai pas réponse précise, M. Trudel, mais je peux toutefois vous dire qu'il y a un travail considérable à faire, d'autant plus que l'approche par bassins versants et la prise en considération de l'ensemble des activités sur un territoire, incluant les activités agricoles, c'est ce qui va permettre peut-être de déterminer une meilleure pratique agricole.

M. Trudel: Mais soyons conscients que nous sommes en train ? je ne dis pas vous ? de dire une chose et son contraire dans la même affirmation. Chacun des plans signés par un agronome est respectueux de la capacité que peut absorber le sol et les plantes sur ce sol, et la totalité donne plus. Il y a comme un défi einsteinien à la réponse à cette question. Donc, on ne peut pas non plus tirer la conclusion que ça dépasse, même si peut-être en avons-nous l'impression. Merci, M. Bergeron. J'y reviendrai si j'ai le temps, j'ai une couple de questions pour vous, mais je ne veux pas échapper les autres, là.

Dr Gingras. Bon, j'ai passé un excellent temps des fêtes, j'ai lu avec grande attention... Je me suis mis dans ma pièce, j'ai regardé mon doctorat pour savoir si j'étais encore assez fin pour lire ça. Alors, j'ai dit: Docteur, vous êtes docteur en recherche, vous, là, M. Trudel, essayez de me lire ça comme un docteur en recherche. Et mettons qu'à la première lecture... Je suis sorti pas mal énervé de ma première lecture. J'étais comme très énervé.

Quand je lis, dans l'ensemble de la revue de littérature qui est présentée, que «les questions d'origine agricole ont été fréquemment soulevées ces dernières années ? ce qui est d'évidence, là ? principalement par les populations concernées par des projets de construction de porcheries de grande dimension», ça et les autres choses que vous avez ajoutées, comme disent les anglophones dans leur belle langue, est-ce que cela démontre l'évidence scientifique que l'agriculture provoque des maladies, que les odeurs provoquent des maladies?

M. Gingras (Benoît): Alors, si votre question, M. le ministre, est spécifique aux odeurs, je pense que le rapport scientifique auquel vous faites référence et l'intervention de tout à l'heure n'ont pas affirmé qu'on est en mesure de démontrer un lien direct de cause à effet entre l'émission d'odeurs désagréables, qu'elles soient d'origine agricole ou autres, et des effets à la santé.

n(16 h 10)n

On fait référence à certaines études parce qu'il n'y en a pas beaucoup, parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens malheureusement intéressés par ces questions-là. On fait référence à quelques études qui, selon nous, sont préoccupantes et bien sûr on fait allusion aussi à des situations particulières: ça prend des charges d'odeurs relativement importantes, avec des gens qui sont exposés de façon régulière, fréquente, chronique, etc. Avec tout le respect que je peux avoir pour les gens qui jouent au golf, ce dont je ne suis pas, lorsqu'on parle d'effets à la santé, on ne fait pas allusion aux gens qui sont incommodés durant leur partie de golf, le samedi matin, suite à l'épandage de lisier pas loin, on fait vraiment allusion à des charges d'odeurs importantes, fréquentes. Et en milieu rural, on pense actuellement qu'il y a un nombre significatif de gens ? qui bien sûr serait à déterminer ? qui sont exposés à de telles odeurs et qui peuvent subir des préjudices à leur santé.

M. Trudel: Donc, là, il faut répéter, parce que vous venez de faire une affirmation au plan scientifique qui est impeccable, impeccable: la démonstration de la relation de cause à effet n'a pas été réalisée, comme on dit, hors de tout doute scientifique raisonnable. Bon. Ça, c'est exceptionnel. Parce qu'il faut dire ça. Parce que vous dites dans votre mémoire: «Les odeurs ? puis vous venez le nuancer, là ? désagréables peuvent déclencher des réactions réflexes ? on sait ce que c'est que des réactions réflexes; en comportement, en conditionnement opérant, ce n'est pas à peu près, ça, là ? nocives pour l'organisme, modifier des fonctions olfactives et entraîner diverses réactions physiologiques et psychologiques.» C'est lourd, ça. Mais là maintenant j'aime ça que vous ayez modulé au plan scientifique cette affirmation, avec toute la relativité qu'il faut lui donner dans la relation de cause à effet, qu'on nous entende bien.

M. Gingras (Benoît): Si vous me permettez, M. Trudel, la citation que vous venez de lire dit la même chose et ne fait pas allusion spécifiquement aux odeurs d'origine agricole, d'ailleurs; elle fait allusion à des odeurs perçues comme désagréables. Encore là, il y a une question de subjectivité. Et il y a des études qui l'ont démontré chez des gens qui pouvaient subir des effets tels que ceux qui sont décrits là. Et ça, la littérature, à ce point de vue là, est plus abondante que ce qui concerne spécifiquement les odeurs d'origine agricole.

M. Trudel: Très bien. C'est une précision fort importante que vous donnez là, Dr Gingras, parce qu'il y a une tendance générale à dire: Bon, ça, c'est juste les odeurs de fumier ? soyons clairs, là ? c'est juste les odeurs de lisier qui provoquent des maladies au Québec. Et ce n'est pas ce que vous venez de dire, ce n'est pas ce que vous affirmez, ce n'est pas clairement ce qui est... Alors, tous ceux qui tentent d'inférer ça, ils traduisent mal votre pensée scientifique, parce que...

M. Gingras (Benoît): Je suis d'accord avec vous.

M. Trudel: Évidemment, moi aussi, dans... Le temps des fêtes, il a quand même duré 10 jours. Alors, après l'avoir lu et m'être inquiété, je suis allé à la bibliothèque de l'Université de Montréal ? parce qu'on peut sortir de l'éducation puis de la recherche, mais la recherche ne sort pas de nous autres ? alors, je suis allé voir les recherches sur les odeurs. Je dois vous le dire, j'ai été très surpris qu'on ne fasse pas référence dans l'étude à l'ensemble des recherches de l'équipe du Dr Dallaire, un médecin épidémiologiste de l'Université de Montréal. J'ai été un peu surpris. Écoutez, rien n'est parfait dans le monde. Quand j'ai défendu ma thèse de doctorat, on m'a reproché de ne pas avoir tous les auteurs puis j'ai été obligé de corriger.

Mais il faut aussi, je pense, aller voir les études scientifiques qui ont été produites par des chercheurs, chez nous, dans des universités reconnues, l'Université de Montréal, le Dr Dallaire et son équipe, trois Ph.D. qui ont fait une recherche sur les odeurs et qui ? je vous rassure, Dr Gingras ? disent, affirment ce que vous venez de dire: L'évidence n'est pas démontrée, il faudrait regarder ça plus à l'avant, mais l'évidence scientifique n'est pas démontrée. Mais ce n'est pas parce que l'évidence scientifique n'est pas démontrée qu'il faut faire disparaître le sentiment d'inquiétude. Il faut le prendre en soi cependant au niveau de ce que ça signifie, compte tenu de...

Je regarde, là, dans l'étude, dans la revue scientifique faite par les médecins de santé publique et puis on a trois références, dont l'une est une revue de littérature. Alors, une revue de littérature qui fait référence à une revue de littérature, là, c'est... Il faut qu'à quelque part on réfère des preuves scientifiques. Vous êtes sur cette voie-là, j'en suis convaincu. Parce qu'on ne peut pas non plus dire: Comme ça s'est dit dans une revue de littérature, plusieurs en parlent, plusieurs en parlent, donc ça doit être vrai. Vous m'excuserez le régionalisme, mais on connaît ça depuis à peu près 1958. En Abitibi, on avait un gars, nous autres, qui était très bon, il s'appelait Réal Caouette. Il était bien, bien bon. Il partait au début de la campagne électorale puis il disait: Regardez bien, je vais semer cinq rumeurs. Et, rendu à la fin de la campagne, il disait: Regardez, ça doit être vrai, tout le monde en parle. Ça doit être vrai, tout le monde en parle. Je pars la rumeur au début de la campagne puis au bout de 40 jours... Je ne vous dirai pas la rumeur parce que là on reconnaîtrait du monde. Mais ça doit être vrai, tout le monde le dit. Je comprends, ça faisait 40 jours qu'il en parlait. Alors, c'était un bon truc de Réal Caouette.

Conclusion, M. Bergeron. Bon, l'écoconditionnalité. M. Bergeron, l'écoconditionnalité, là, ça n'a pas 56 définitions, ça. Le français, ça va dire ce que ça dit, ça: une condition, une condition pour. C'est ça, l'écoconditionnalité.

La Présidente (Mme Vermette): Rapidement, M. le ministre, parce que le temps file.

M. Trudel: Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi vous ne vous réjouissez pas. Est-ce que vous ne vous réjouissez pas de l'écoconditionnalité ou le fait de ne pas avoir été là?

M. Bergeron (Denis): Je ne me réjouis pas du fait qu'on ait déterminé les deux principaux acteurs qui vont être juge et partie pour définir à eux seuls et en fonction de leurs propres intérêts l'écoconditionnalité.

M. Trudel: Ce n'est pas dans l'entente.

M. Bergeron (Denis): C'est justement ce que je cherche depuis tout à l'heure, puis j'aimerais...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nous allons être obligés de terminer parce que nous avons largement dépassé notre temps. Je m'excuse, M. le ministre, mais il y a des consignes de temps, alors nous allons mettre un terme avec vos échanges. Je vais laisser la parole au député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. De ce côté-ci de la table, on n'a peut-être pas de doctorat, mais on est capables de lire les textes de loi. Au niveau justement de l'écoconditionnalité, quand on interprète les articles 20 et 21 du projet de loi et en plus on y rajoute l'article 32, qui dit que les articles 20 et 21 entreront en vigueur à une date future fixée par le gouvernement, justement à l'intérieur des articles 20 et 21 lorsqu'on parle de «peut, en partie, en totalité», trouvez-vous que c'est de la vraie écoconditionnalité?

M. Bergeron (Denis): D'abord, ça ne devrait être «peut», ça devrait être «doit». Deuxièmement, selon l'interprétation que j'en fais, c'est que ça s'appliquerait strictement au règlement de la Régie ou à La Financière agricole alors qu'on pourrait y inclure la réglementation environnementale. On parle effectivement de l'entente, on parle de... avec des règles environnementales et des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement, alors qu'on ne fait pas directement allusion à la réglementation environnementale dans le protocole d'entente entre le Fédération des producteurs de porcs et le MAPAQ.

Alors, il y a beaucoup de... Est-ce que ça s'adresse à des règles environnementales qui vont être déterminées dans l'absolu entre les deux partenaires, sans autre consultation du ministère de l'Environnement ou d'autres gens qui seraient peut-être intéressés d'apporter leur point de vue sur ce que c'est que l'écoconditionnalité, d'autant plus qu'on la pratique en Communauté économique européenne, on la pratique au États-Unis? Est-ce qu'on va faire une définition de «société distincte de l'écoconditionnalité» au Québec? Alors, c'est un peu notre déception, c'est-à-dire que, oui, d'accord, on a inscrit le principe de l'écoconditionnalité, mais il faudrait voir l'opérationnalité de tout ça. Où on appréhende beaucoup, c'est qu'avant même que le débat se fasse en commission parlementaire on a déjà déterminé qui va définir ce que c'est que l'écoconditionnalité.

M. Whissell: Alors, c'est une coquille vide.

M. Bergeron (Denis): Bien, l'écoconditionnalité aussi, de la façon dont elle est présentée, c'est qu'elle ne s'adresserait à court terme qu'à la Fédération des producteurs de porcs du Québec, alors qu'elle devrait s'appliquer à l'ensemble des productions agricoles.

M. Whissell: Au niveau des odeurs. On est en 2001, il y a plein de technologies, il y a des appareils d'analyse. Est-ce qu'actuellement il y a des technologies qui permettent de quantifier les odeurs? On est capable de faire des analyses de sol, de dire: Il y a tel pH, il y a telle quantité de potasse, il y a du phosphore, de donner toutes les concentrations de produits. Les poussières, on est capable de dire: Il y a tant de grammes au mètre cube. Le bruit, on est capable de mesurer les décibels le jour, la nuit, dans tous les sens. Au niveau des odeurs, est-ce qu'il y a une façon de mesurer les odeurs au Québec?

M. Bergeron (Denis): Si vous permettez. Je ne sais pas s'il y a un appareil qui s'appelle un pifomètre qui pourrait servir pour évaluer éventuellement l'odeur, mais je sais qu'il y a des méthodologies, par exemple, pour évaluer l'impact des odeurs. Je me souviens d'un cas. Sur la Rive-Sud, il y a une compagnie d'équarrissage qui avait énormément de problèmes d'odeur en regard du voisinage, et on avait proposé, pour déterminer exactement de quelle façon on gérerait les odeurs dans ce problème précis là, une méthodologie qui permettrait d'évaluer de la façon la plus objective possible les odeurs.

n(16 h 20)n

M. Whissell: Parce que c'est quand même surprenant, là, je veux dire. Les odeurs, c'est probablement 90 % des irritants, du moins dans la cohabitation. Quand on parle de cohabitation rurale urbaine, si on élimine les odeurs ou du moins en grande partie... Parce qu'il faudra toujours dire: Telle limite est acceptable. On ne pourra certainement jamais les éliminer complètement. Alors, il me semble qu'on devrait être capable de mettre un seuil d'odeur et de dire: Bien, si c'est en bas de ça, c'est acceptable, si c'est en haut, c'est une nuisance, puis, si c'est encore plus haut, c'est peut-être dangereux pour la santé. Mais c'est quand même surprenant qu'à travers les Amériques ou même le monde il n'y ait jamais personne qui se soit penché sur quantifier des odeurs qui proviennent des activités agricoles.

M. Bergeron (Denis): Je ne peux malheureusement pas vous répondre, monsieur.

M. Whissell: O.K. Au niveau des nouveaux établissements, souvent on entend que les nouveaux établissements émettent beaucoup moins d'odeurs à cause des ventilations, à cause des fosses souvent qui sont conçues différemment. Si on empêche l'établissement de certains types de production dans les périphéries urbaines, est-ce qu'on devra aussi empêcher l'épandage de fumiers dans ces zones? Toujours pour la question des odeurs.

M. Bergeron (Denis): Écoutez, moi, je n'ai pas de recette miracle ni d'explication définitive pour ce qui est de l'épandage des lisiers, des fumiers, mais le Dr Gingras pourra apporter un complément d'information là-dessus.

M. Gingras (Benoît): En ce qui concerne l'épandage, nous croyons qu'il y a des technologies actuellement disponibles, des techniques d'épandage qui permettent de réduire considérablement les odeurs émises lors de l'épandage et qui pourraient permettre aux producteurs de ne pas avoir à vivre des contraintes en ce qui concerne les surfaces où ils pourraient épandre si ces techniques-là étaient mises de l'avant. Et ces techniques-là existent, donc des techniques qui permettent de réduire l'émission au moment de l'épandage, qui permettent de réduire la durée des émissions d'odeurs, etc. Il s'agirait que ce soit mis en application. Malheureusement, on voit encore très souvent la méthode d'aéroaspersion encore utilisée et qui, elle, peut provoquer des aérosols qui risquent de transporter dans certains cas des pathogènes, même à certaine distance.

M. Paradis: Strictement deux points. On a vu que, sur le plan social, il y a eu un rapprochement ou un certain rapprochement avec une partie du monde municipal et l'Union des producteurs agricoles comme telle. Le rapprochement n'est pas complet avec le monde municipal, mais on sent pour le moment que ce rapprochement-là, ce qu'on peut appeler des groupes à la défense d'une agriculture durable ou d'un développement durable, ne s'est pas effectué. Est-ce que c'est parce que vous avez été laissés à l'écart des discussions, des négociations ou c'est parce que vous avez refusé d'y participer?

M. Bergeron (Denis): D'abord, il faut souligner qu'on n'a pas été invités à participer à quelque discussion que ce soit. Toutefois, le milieu environnemental et le milieu municipal, l'ensemble des représentants qui sont ici et qui font partie de la Coalition participent à des mécanismes de concertation soit sur le règlement de contrôle de la pollution d'origine agricole, soit par l'intermédiaire du comité en environnement valorisé, qui fait le suivi des engagements environnementaux du sommet de Saint-Hyacinthe et de la réunion des décideurs de 1998. Et on doit dire que malheureusement notre expérience est quelque peu frustrante, dans le sens que, malgré toute la bonne volonté dont l'ensemble des interlocuteurs autour de ces tables puissent faire preuve pour revendiquer en quelque sorte une meilleure efficience de la réglementation environnementale, c'est toujours difficile, compte tenu que l'intérêt économique domine face à des intérêts environnementaux qui peut-être vont donner des résultats à moyen et à long terme, alors que l'intérêt économique en fonction des objectifs qui ont été donnés de croissance est beaucoup plus prioritaire, de par les instances qui conduisent ces mécanismes de concertation là.

M. Paradis: Je ne pense pas que personne ne va nier qu'il y a des intérêts économiques. On le plaide souvent que l'agroalimentaire, c'est important sur le plan économique. Mais, ce matin, on a été témoins, entre autres, de deux témoignages de deux jeunes qui aspiraient à la relève et on n'en était pas dans des intérêts économiques, on était simplement dans l'acceptation par la société, par le gouvernement, par des règles claires et directes, que des jeunes puissent accéder à la profession d'agriculteur. Et même, dans un cas, il n'y avait aucune augmentation des unités animales comme telles et il ne pouvait pas le faire. Vous pouvez regarder un côté de la médaille, mais il est toujours souhaitable de regarder l'autre côté également.

De façon concrète, vous avez mentionné dans votre intervention, M. Bergeron, que le Centre québécois du droit de l'environnement est une des parties composantes de votre organisme. Suivant les informations qu'on a, ils sont supposés de venir nous rencontrer jeudi de cette semaine. Est-ce que ce Centre-là a les moyens ? et je vous invite à le leur demander comme tel ? de nous présenter comme information à la commission le nombre d'infractions qui auraient été commises par les producteurs agricoles à la Loi sur la qualité de l'environnement et, si possible, de nous le détailler par type de production et, s'ils en ont les moyens également ? je fais toujours la réserve parce que je les connais assez bien ? ce que ça représente, sur le plan des infractions, ce que le monde agricole a commis, comparativement aux autres infractions environnementales, le monde industriel, ou si vous pouvez le partager, de façon à ce qu'on ait, comme commission, le maximum d'information? S'ils ne peuvent l'obtenir, on demandera au ministre de demander à son collègue de l'Environnement de nous le définir ? parce que parfois on part de préjugés ? et à partir des statistiques... Si on peut l'avoir pour les 10 dernières années, ça va nous éviter de faire de la politique.

M. Bergeron (Denis): Je vais faire l'effort requis, M. le député. Mais dites-vous que déjà, lorsque le Centre québécois du droit de l'environnement s'était présenté devant cette commission, en 1995, il avait fait une évaluation de l'ensemble des poursuites qui avaient été intentées par l'intermédiaire de la Loi sur la qualité de l'environnement, ou autres, face aux agriculteurs, puis c'est ce qui avait mené à une recommandation du CQDE de lever l'immunité de poursuite compte tenu qu'on ne pouvait pas discerner dans notre recherche que les agriculteurs étaient plus pénalisés qu'une autre catégorie de citoyens en regard des actions légales qui pourraient être prises contre eux.

M. Paradis: Non, mais je ne vous ai pas demandé des poursuites, je vous ai demandé les condamnations, parce que c'est facile de poursuivre quelqu'un. S'il a été innocenté, moi, je ne le veux pas dans mes statistiques. Je veux avoir le portrait cru: Combien de producteurs de porcs ont été condamnés pour non-respect des normes environnementales au cours des 10 dernières années, combien de producteurs laitiers puis qu'est-ce que ça représente, l'agriculture par rapport au secteur industriel également, là, dans les pâtes et papiers? Puis il y a d'autres éléments dans la vie, là.

M. Bergeron (Denis): On aura peut-être besoin du milieu de la justice aussi.

M. Paradis: Possiblement.

La Présidente (Mme Vermette): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non. Alors, nous allons, sur ce, vous remercier. Je demanderais, à ce moment-ci, à l'Association des aménagistes régionaux du Québec de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

S'il vous plaît, je demanderais aux membres de la commission de bien regagner leur siège et de permettre à nos invités de prendre place. S'il vous plaît! Je demanderais aux gens de pouvoir laisser la place pour les suivants, l'Association des... Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

 

(Reprise à 16 h 31)

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir prendre leur siège.

Je demanderais à M. Dominique Desmet, président et coordonnateur à l'aménagement de la MRC de La Haute-Yamaska, de bien nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Association des aménagistes
régionaux du Québec (AARQ)

M. Desmet (Dominique): Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, à ma droite, mon unique confrère pour l'occasion aujourd'hui, M. David Duval, qui agit à titre de vice-président dans notre Association et qui est également l'aménagiste pour la MRC de Desjardins dans la région de Lévis, et moi-même, agissant comme président de l'Association.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, vous avez un temps de parole de 15 minutes, M. Desmet.

M. Desmet (Dominique): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, premièrement, je voudrais peut-être en profiter pour nous présenter un peu davantage. Les aménagistes régionaux, qui sont-ils? Ce sont les personnes qui travaillent au niveau technique dans les municipalités régionales de comté. Nous sommes environ une centaine de membres dans notre Association, et le but principal de notre Association, c'est de se regrouper pour pouvoir faire connaître notre point de vue, pour donner certains points de vue au niveau technique sur les questions d'aménagement régional.

Évidemment, on tient à vous remercier de nous avoir invités à donner notre point de vue. Pour notre part, c'est la troisième fois qu'on se présente devant la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et c'est toujours agréable de pouvoir discuter de gestion de zones agricoles avec vous autres. Notre présentation se fait en deux points principaux, c'est le contexte dans lequel le projet de loi est présenté et ensuite on va s'attarder au contenu même du projet de loi.

En ce qui concerne le contexte, on va aller assez rapidement. Ce qu'on voulait souligner, c'est qu'actuellement les MRC sont dans la période de révision des schémas d'aménagement. Les schémas d'aménagement, il ne faut pas s'en cacher, c'est de plus en plus perçu comme un véhicule ou comme un outil pour le gouvernement pour faire en sorte que certaines normes ou certaines orientations soient appliquées via les MRC et, par voie de conséquence, par les municipalités locales.

Alors, nous, nous n'avons pas d'objection a priori à ce fait. Cependant, nous trouvons que, pour que l'opération puisse être qualifiée de succès, il y a quand même certaines conditions de base qui devraient être respectées. J'en vois quatre principales. Il faut évidemment que ces orientations-là traduisent une vue d'ensemble et non pas une vue purement sectorielle. Deuxièmement, il faudrait préférablement que les orientations soient relativement souples, de façon à ce que les MRC puissent les adapter à leur réalité. Il faut également que ces orientations, lorsqu'elles contiennent des éléments normatifs, se fassent dans la légalité, c'est-à-dire qu'on tienne compte entre autres des pouvoirs habilitants des municipalités. Et puis aussi, bien, on préfère que les orientations soient transmises en temps voulu, notamment pour que les MRC puissent en saisir leurs citoyens, préférablement leur en faire part lorsqu'il se fait de la consultation publique, selon ce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme nous oblige de toute façon.

L'autre élément sur lequel on voulait revenir, c'est toute l'entente de principe qui nous amène la fameuse question du droit de produire. On se souvient qu'en 1995 il y avait eu sept signataires d'un principe qui disait grosso modo ceci, c'est qu'il faut faire la différence entre la pollution, qui est des questions d'eau et de sol qui relèvent du ministère de l'Environnement, et la question des odeurs, qui sont plus assimilables ? à tort ou à raison, il y a des avis partagés là-dessus ? à des inconvénients inhérents aux pratiques agricoles et qui doivent être gérées par le camp municipal.

Ce qu'on a constaté, c'est que, les principes étant établis et convenus, c'est une chose; quand on arrive pour opérationnaliser tout ça, c'est une autre paire de manches, il y a des difficultés qui sont quand même tangibles et réelles. Alors principalement, ce qu'on a constaté, nous-autres, c'est que, dans les orientations gouvernementales qui nous ont été transmises, il y a des éléments au niveau normatif qui présentent certaines faiblesses. L'autre élément aussi, c'est que nous avons énormément de difficultés ? quand je dis nous, c'est les aménagistes mais également, par exemple, les inspecteurs en bâtiments dans les municipalités ? à appliquer le contenu des orientations pour une des raisons fondamentales, nous n'avons pas l'information nécessaire aux calculs. Il faut avoir le nombre d'unités animales en présence dans un établissement pour qu'on puisse calculer les distances séparatrices en question, et nous éprouvons des difficultés à ce niveau-là.

Ceci nous amène à la deuxième partie de notre exposé, qui est nos commentaires plus spécifiques sur le projet de loi n° 184 lui-même. Alors, moi, je vais y aller rapidement avec la question des demandes d'exclusion et des demandes à portée collective, et mon confrère, M. Duval, poursuivra pour le reste.

Pour ce qui est des processus de demande d'exclusion, notre compréhension du projet de loi, entre autres, ce serait de faire en sorte qu'une MRC qui ferait une demande d'exclusion devrait passer comme test, devrait prouver qu'il ne reste plus d'espace approprié et disponible en zone non agricole. Ce que ça veut dire, en termes concrets, selon notre compréhension: il faut prouver qu'il ne reste plus de terrain à bâtir dans, par exemple, la zone blanche d'une municipalité ou d'une MRC.

C'est certain que nous percevons ça comme étant un souci de faire un meilleur arrimage entre la protection du territoire agricole puis l'aménagement régional; ça, nous souscrivons totalement à ce souci-là. Là, où nous avons une réserve peut-être, c'est sur les modalités qui entourent ça. Je ne vous cacherai pas que, pour une MRC, prouver qu'il ne reste plus de terrain en zone blanche, c'est tout un contrat, pour un. Deuxièmement, il faut savoir qu'une MRC lorsqu'elle révise, ce n'est pas par choix, c'est parce qu'il y a une loi qui dit qu'on révise à tel moment. Alors, ça prendrait, vous comprendrez, un coup de chance à quelque part pour que, juste au moment où vous devez réviser, c'est le moment où la zone non agricole serait rendue à pleine capacité.

Selon nous, le vrai débat ou la vraie question, ce n'est pas de savoir s'il reste des terrains vacants, c'est de savoir: Avec les terrains vacants qu'il reste à la MRC, en avons-nous suffisamment pour nous rendre à l'autre révision? Selon nous, ça serait préférable d'agir de cette façon-là. Et ce qu'on suggérerait, à ce moment-là, ce serait que peut-être, au lieu d'exiger ou de faire en sorte que la Commission puisse refuser une demande au seul motif qu'il reste des terrains vacants, il faudrait exiger de la part d'une MRC qu'elle fasse une démonstration de ses besoins au niveau de son schéma. À défaut de ce faire, là, effectivement, la Commission pourrait refuser la demande de la MRC. Pour nous, il y a une nuance importante entre ces deux aspects-là.

Autre élément aussi, on a vu dans la loi qu'il était question que l'exclusion serait remise en question ou, à tout le moins, le dépôt au Bureau de la publicité des droits serait remis en question. Si, au bout de deux ans d'exclusion, le schéma n'est pas entré en vigueur, on pourrait en tenir compte, ça également, au niveau technique, ça peut amener certaines difficultés. On pourrait peut-être y revenir plus tard, lors de la période de questions.

Pour notre deuxième point, en ce qui concerne les demandes à portée collective ? on comprendra, dans le jargon juridique, que c'est les demandes faites en vertu de l'article 59 de la LPTA ? alors, il y a des points qui nous semblent très positifs. Le fait qu'une MRC maintenant puisse déposer une telle demande, pour nous, c'est synonyme d'une meilleure perception de la zone agricole dans son ensemble, c'est-à-dire qu'au lieu d'aménager ça ou de percevoir ça uniquement au niveau de la municipalité locale nous allons le voir dans une perspective d'ensemble. Je pense que, de ce côté-là, c'est un point positif. Et l'autre élément qui est intéressant également, c'est qu'une MRC puisse y aller dès le moment où elle a franchi l'étape de consultation. Donc, on a fait preuve de suffisamment de transparence pour aller de l'avant avec l'exercice, et ça nous permet de voir ce qu'on peut obtenir via la Commission avant que l'on ait enchâssé définitivement notre schéma d'aménagement révisé.

Il y a des éléments qui nous semblent moins favorables. Le fait que tout ça reste encore conditionnel à l'obtention d'un avis favorable de l'Union des producteurs agricoles, on s'interroge sérieusement là-dessus. Remarquez que, soit dit en passant, on a beaucoup de respect pour le travail accompli par l'UPA dans l'exercice de révision, c'est un organisme qui s'y est investi énormément, mais il reste que c'est un organisme représentant des intérêts d'une certaine catégorie de gens et non pas un corps public comme une MRC pourrait l'être. Et ensuite l'élément aussi qui, selon nous, est perçu un peu comme un bémol, c'est qu'à la fin de la loi on nous dit: Bien, si vous voulez déposer une demande en vertu de l'article 59, c'est-à-dire une demande à portée collective, il faut que votre schéma ait été au moins modifié pour tenir compte des orientations gouvernementales en matière d'agriculture. Ce que ça veut dire, en réalité, c'est qu'on nous enlève un petit peu l'avantage qu'on nous donnait, c'est-à-dire qu'on dit: Oui, vous pouvez y aller tout de suite lorsque la consultation est finie, mais il faut avoir modifié notre schéma d'aménagement pour tenir compte des orientations gouvernementales au préalable. Là-dessus, je vais passer la parole à mon collègue, M. David Duval, qui va vous parler des autres aspects.

n(16 h 40)n

La Présidente (Mme Vermette): M. Duval.

M. Duval (David): Merci, madame. Je vais vous parler plus spécifiquement du principe de réciprocité des résidences construites en vertu de l'article 40 de la Loi sur la protection du territoire agricole; du resserrement des droits acquis, les articles 101 et 103; et de la mise en oeuvre des nouvelles mesures, le Règlement de contrôle intérimaire, notamment.

Au niveau du principe de réciprocité, ce qu'on semble comprendre, à la lecture du projet de loi, c'est que le deal qui avait été convenu en 1995, auquel M. Desmet faisait allusion, ne tient plus ou a été remanié, c'est-à-dire que les odeurs ne seront plus gérées de façon réciproque par le monde municipal mais bien par la Commission de protection du territoire agricole par le biais des autorisations qu'elle va donner. Or, il y a des avantages et des inconvénients à ce transfert de responsabilité vers la Commission de protection du territoire agricole.

Un des avantages, c'est, bien évidemment, que les municipalités avaient de la difficulté à obtenir le nombre d'unités animales présentes dans l'ensemble des installations d'élevage qu'il fallait considérer lorsqu'une résidence vient s'implanter; ça peut être deux, trois, quatre bâtiments agricoles parfois. Alors, cet aspect-là est évacué du champ municipal. Un autre avantage, c'est de ne plus avoir à tenir compte des seuils. Les 184 m, 360 m, 550 m ne seraient plus gérés non plus par le monde municipal mais bien par l'UPA, toujours par l'entremise des autorisations qu'elle donne. Et ce qu'on considère ou ce que certains considèrent comme des illégalités ou des points nébuleux au chapitre des orientations gouvernementales ne serait évidemment plus du domaine municipal.

Par contre, il y a des inconvénients à ce transfert vers la Commission de la réciprocité en zone agricole. Un des inconvénients, c'est que la Commission n'est pas liée autant que le monde municipal peut l'être par les lois, par les orientations gouvernementales et pourrait s'en écarter quand vient le temps de donner une autorisation. Et, après ça, bien, ça viendrait éventuellement bloquer des agrandissements ou l'implantation d'installations d'élevage parce que la Commission aurait mis de côté un peu les mesures de distances, donné une autorisation pour une construction autre qu'agricole en zone agricole, et la situation est faite, le mal est fait maintenant. Ça exige bien évidemment une attention toute particulière au niveau de la CPTA pour le calcul des unités animales. Et ce qui nous chicote un petit peu, c'est que, dans le projet de loi, à l'article 4, on mentionne que la Commission requerra des municipalités toute demande nécessaire à l'analyse de la demande. Alors, ça se pourrait que les municipalités aient quand même à calculer les distances pour fournir le renseignement à la Commission. Alors, on voulait refiler la patate chaude à quelqu'un d'autre, mais on se trouve encore pris avec, dans certains cas.

Au niveau des résidences construites en vertu de l'article 40, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est qu'elles ne seront plus considérées lors de l'agrandissement d'installations d'élevage voisines. Donc, il y aurait une espèce de... deux régimes qui seraient faits au niveau des résidences en zone agricole: celles construites en vertu de l'article 40 ne jouiraient d'aucune protection par rapport aux distances et celles qui sont déjà là ou qui ont été construites en vertu d'autres articles, elles, jouiraient d'une protection. On se demande si c'est bien le but recherché par le législateur.

Au niveau du resserrement du régime des droits acquis ? donc, c'est l'article 14 du projet de loi ? on est tout à fait favorable à l'idée d'interdire l'ajout d'usages principaux supplémentaires sur une superficie d'admission de droits acquis. Ce qui se passait dans les MRC, les municipalités, c'est que souvent les gens subdivisaient leurs droits acquis, construisaient une deuxième résidence. Alors maintenant, le projet de loi dit que ça ne sera plus possible de le faire, et c'est une bonne chose. Par contre, le projet de loi dit également que le changement d'usage va être interdit. Là, on a certaines réserves, qui ne sont pas partagées par tout le monde. En tout cas, il n'y a pas eu de consensus au niveau de nos membres là-dessus. C'est que ça pourrait être une bonne chose qu'il y ait un changement d'usage. Un exemple qu'on donne dans notre mémoire, c'est: un cimetière automobile en zone agricole, qui pose des contraintes à l'agriculture, serait transformé en un autre usage, un encan d'animaux, par exemple. Et ça poserait moins de contraintes à l'agriculture, mais ça ne serait pas possible, selon le texte actuel du projet de loi.

La Présidente (Mme Vermette): M. Duval, je vous avertis qu'il vous reste deux minutes.

M. Duval (David): Deux minutes? Oups! Alors là je vais rapidement passer sur le Règlement de contrôle intérimaire. Ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est qu'il est donné aux MRC le pouvoir de faire un règlement de contrôle intérimaire pour mettre immédiatement en application le droit de produire. Par contre, l'article 62 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme dit qu'on ne peut pas interdire des usages agricoles en zone agricole. Il faudrait qu'il y ait un arrimage entre la volonté et la loi. Je vais passer la parole à mon collègue, pour la conclusion.

M. Desmet (Dominique): Alors, très rapidement. On trouve qu'il y a des choses fort intéressantes dans le projet de loi n° 184. Nous autres, pour la poursuite de l'exercice, nous verrions deux conditions qui nous apparaissent essentielles. Premièrement, c'est qu'avant d'adopter cette loi-là, de la rendre effective, on préférerait pouvoir être consultés sur les nouvelles orientations gouvernementales, parce qu'à la lecture de la loi nous comprenons que les orientations gouvernementales en matière d'agriculture vont être appelées à être modifiées. Et nous aimerions être consultés sur ces modifications-là. Et l'autre élément, bien sûr c'est qu'on aimerait que les fameuses données en question soient disponibles parce que, d'une manière ou d'une autre, c'est un prérequis à peu près incontournable pour qu'on puisse faire une bonne application de ce qui est en préparation. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie. Je vais passer la parole au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre mémoire et de votre opinion. C'est bien sûr que votre expérience d'aménagistes est très précieuse pour nous permettre de regarder les différents problèmes que pose toute la question de la cohabitation harmonieuse dans le milieu rural, dans le milieu urbain, et tout ça.

La question que je veux vous poser touche justement cette question que vous avez abordée au début, à l'effet qu'il faudrait avoir assez d'espace dans les municipalités pour se développer pendant toute la période qui va nous conduire jusqu'à un prochain dézonage. On sait que, de façon générale, au Québec, de l'espace pour bâtir des maisons, il y en a amplement. Il y en a plus ou moins pour 50 ans d'avance en zone blanche, il y a énormément d'espace. On n'aura jamais assez de population... À moins qu'on vide complètement les campagnes, on ne sera jamais capable de remplir tous ces espaces de zone blanche. Mais il reste qu'en particulier dans certains endroits, c'est plus restreint; ça, c'est vrai. Dans certains endroits, c'est plus restreint pour ce qui est de l'habitation surtout.

Mais le problème qu'on a, c'est ceci. Si c'est plus restreint, c'est parce que les villages, qui avaient quand même des espaces relativement importants il y a sept, huit ans, 10 ans, se sont développés beaucoup plus rapidement que ce qui était prévu. Et comment ça se passe en général? On sait que ces villages-là, la plupart du temps, ce sont des villages qui sont relativement près de villes-centres ou de grandes villes, et qui, parce qu'elles profitent de la proximité des villes ? elles profitent des services des villes sans payer trop, trop ? peuvent charger des taux de taxes très bas. Alors, elles contribuent à siphonner constamment la population et à augmenter l'étalement de l'habitation un peu partout sur le territoire. Évidemment, ça se fait au détriment de l'agriculture.

Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce qu'il faut continuer à donner des cadeaux, des genres de congés de taxes aux gens qui vont vivre à 10 minutes de la ville afin qu'ils puissent, eux qui ont le moyen de se déménager...  Ils vont, comme ça, rester un peu plus loin, ils ne paieront pas leur part de taxes, ou très, très peu, très peu, et puis ils vont profiter des services quand même? C'est la réalité qu'on vit dans la plupart des régions du Québec.

Alors, vous qui êtes un aménagiste et qui, évidemment regarde tout ça, comment vous pensez qu'on doit gérer ça? Est-ce qu'il faut vraiment continuer, dire: Bon, un village, il n'y a plus d'espace pour développer, ça lui en prend plus, c'est tout, ou s'il faut avoir une espèce de vision d'ensemble et restreindre un peu certains développements pour concentrer les développements résidentiels là où, présentement et dans l'avenir, le développement économique va se faire davantage sans pénaliser, évidemment en pénalisant moins le territoire agricole? C'est quoi, votre vision par rapport à ça?

M. Desmet (Dominique): Oui. Écoutez, je souscris... en tout cas, nous souscrivons, au niveau de l'Association, à l'idée générale qu'on doive resserrer un peu les questions d'aménagement au Québec, et notamment la gestion de la croissance urbaine. Vous marquez un point de ce côté-là. Nous, on ne revient pas quant aux principes que vous défendez, M. Dion, loin de là, on y souscrit largement, c'est plutôt le moyen qui est choisi.

n(16 h 50)n

Je vous donne un exemple concret. Dans ma MRC à moi, récemment, nous avons obtenu une exclusion pour un secteur ? d'ailleurs dans la ville-centre de la MRC, non pas une municipalité banlieusarde mais une municipalité-centre ? c'est la ville de Granby, en l'occurrence, là. Mais c'était pour une raison fondamentale et très justifiable en termes de gestion de croissance urbaine, il y avait un aqueduc en présence, ça avait été autorisé il y a plusieurs années. Et, nous, dans une perspective de saine gestion de croissance urbaine, on s'est dit: On va partir du développement qui a amené cette conduite d'aqueduc là et puis on va la rattacher au reste du cadre bâti, et puis, bon, ça va être la priorité pour justement la fonction domiciliaire, puisque c'est de fonction domiciliaire qu'il s'agit.

Alors, mon point est le suivant. C'est que, si je suis capable de prouver, comme MRC, que la demande est assise sur un besoin réel du schéma d'aménagement puis que c'est assis sur un objectif défendable au niveau urbanistique, il me semble, moi, que le test est suffisamment passé. Je ne dis pas pour donner l'exclusion, il y a d'autre chose qui va s'en venir, il va falloir prouver, après ça, que c'est le secteur de moindre impact pour l'agriculture, qu'il n'y aura pas de contrainte supplémentaire. Mais, aller dire à la Commission que, le seul fait qu'il y a des terrains non construits, c'est un motif suffisant pour écarter une demande d'exclusion, on trouve ça un petit peu fort, pour être honnête, là.

Dans le cas présent, la Commission, avant même qu'elle ait le pouvoir, l'a soulevé, le point que vous soulevez. Elle a dit: Bien, voyons, les gens de la MRC, là, vous nous demandez un terrain, il reste plein d'espaces vacants dans la zone blanche de Granby. Bien, on a dit: Inutile de nous le dire, nous le savons parfaitement bien. Sauf que, le but étant de rentabiliser une conduite existante, bien, ma foi, c'est inutile de dire aux autorités municipales: Bien, allez rentabiliser votre conduite à Bromont ou bien non dans le canton de Granby ? parce que ça fait partie de la même agglomération de recensement ? alors que le but visé est de rentabiliser les services. Évidemment, des cas comme ça, il n'y en a pas des tas, mais il peut en arriver. Et c'est la raison pour laquelle nous trouvons que, donner la possibilité à la Commission d'écarter carrément la demande pour cette raison-là, ça nous apparaît fort.

Par contre, ce à quoi je veux en venir, c'est que, si la loi était modifiée pour dire que non seulement, comme c'est déjà le cas actuellement, la MRC doit prouver, au soutien ? c'est ça, je dis bien «au soutien» ? d'une demande d'exclusion, que ça répond à un objectif du schéma d'aménagement et à un besoin, ça, on est partant à 100 milles à l'heure. Si vous voulez même monter ça d'un cran en disant qu'à défaut d'avoir fait cette démonstration-là les demandes d'exclusion pourraient être écartées, ça aussi, on serait d'accord avec ça. Je veux que vous compreniez la nuance entre prouver que c'est un besoin à un objectif fondamental du schéma ? ça, c'est une chose ? mais de dire: On va l'écarter, la demande, au motif qu'il reste des terrains vacants dans la zone blanche, j'ai honnêtement beaucoup plus de difficultés avec ça.

Un autre exemple que je peux donner: Vous pouvez très bien, par exemple, vouloir une exclusion comme MRC pour un usage précis. Exemple, une zone commerciale et industrielle. Évidemment, est-ce qu'on va forcer la municipalité, par exemple, au motif qu'il reste des espaces en zone blanche, à aménager une zone commerciale industrielle dans l'espace résiduel alors que tout ça est entouré de résidences et que c'est zoné résidentiel au moment où on se parle? Ce n'est pas évident, là. Vous allez peut-être devoir modifier vos règlements de zonage, ça va peut-être passer par le processus d'approbation référendaire. Les gens qui habitent la zone blanche ne verront peut-être pas d'un bon oeil qu'on se prive de faire une exclusion parce qu'on va aménager une zone commerciale ou industrielle dans la zone blanche qui est là. Ce n'est pas très simple.

On a eu d'autres cas comme ça aussi où la Commission a tenté de dissuader la MRC d'aller de l'avant avec une demande en disant... En l'occurrence, c'était pour un parc de maisons mobiles et modulaires. Ils nous ont dit: Bien, allez l'aménager dans le Mont-Shefford, où, là, il y a de l'espace à satiété, ce qui était vrai. Mais le Mont-Shefford, pour quiconque connaît le coin un peu, c'est des terrains de prestige, c'est des pentes de 12 % à 14 %. Alors évidemment, aller monter une maison modulaire ou mobile là-dedans, c'est tout à fait inconcevable, là. Alors, vous voyez un peu la difficulté qu'on peut avoir quand on essaie d'arrimer l'aménagement du territoire et la protection du territoire agricole.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je suis parfaitement d'accord avec vous que c'est très complexe.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre, vous complétez?

M. Trudel: Oui, très bien. Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste sept minutes, M. le ministre.

M. Trudel: Sept minutes. Oh là, là, là! Bon. D'abord, est-ce qu'on s'entend pour dire qu'une des difficultés de travail que vous aviez, que vous avez largement étayée: vous n'aviez pas les données, par exemple en termes d'unités animales, pour effectuer votre travail, que la loi prévoit, le règlement, par la création d'une banque de données, que vous aurez accès à ces données-là? Est-ce que vous avez reconnu ça dans la loi, là?

M. Duval (David): L'article, je ne...

M. Trudel: Bon. Alors, il faut que ça vous frappe, là, il faut que ça vous frappe de front parce que, dans l'entente, la base de la loi, entente municipalités et producteurs agricoles, il y a de convenu, et c'est dans la loi, qu'il y aura création d'une banque de données pour que vous puissiez réaliser votre travail à l'égard de ces situations. Bon. Alors, ça, c'était l'entente. Et on a vu ce matin que le président de la FQM s'était engagé à cela, cette entente, avec l'UPA. Bon.

Par ailleurs, vous soulevez la question de l'article 40. D'abord, il m'apparaît là que votre lecture de l'article est correcte, c'est-à-dire, oui, il va y avoir deux régimes. Les gens qui se sont construits en vertu de l'article 40 et qui bénéficient en quelque sorte, on va dire, d'une situation donnée... Dorénavant, après la loi, un producteur agricole qui va bâtir une maison dans la zone agricole, avec toutes les autorisations requises, il va implicitement accepter tout ce que peut signifier en termes d'inconvénients sa localisation, et ça ne devra pas avoir pour effet de limiter le développement des entreprises agricoles. Alors, je veux que ce soit bien clair là-dessus, il y aurait deux régimes. Mais ce n'est pas la première fois que, changeant un régime, les gens gardent leurs droits acquis, quand ils existent, et que par ailleurs on fait du droit nouveau.

Question. Article 59. La Commission de protection du territoire agricole, pour un certain nombre de questions dont elle sera saisie en termes d'exclusion ? vous l'avez bien mentionné, vous vous en réjouissez ? devra obtenir l'avis favorable de l'UPA pour conclure sa décision. Vous avez dit de façon polie: Oui, là, ça me laisse pas mal de questions. Ça avait l'air à vous laisser songeur pas mal, M. Desmet.

M. Desmet (Dominique): C'est exact, M. le ministre.

M. Trudel: Bon. Alors, comme on dit, donnez-nous vos états d'âme. Vous avez peur de quoi? Vous avez peur de quoi, là? Puis ici tout le monde a l'immunité d'opinion.

M. Desmet (Dominique): Ah! d'accord. Très bien. Je vais prendre un exemple concret. Il y a des MRC actuellement qui sont en train de plancher, si vous me passez l'expression, sur des demandes à portée collective. Il y a énormément de travail d'arrimage et de consensus qui est en train de se développer, mais ce qu'on attend toujours, c'est une première décision rendue dans le cadre de l'article 59. Et les échos que nous en avons, c'est que c'est relativement frustrant pour les porteurs de ces dossiers-là parce que l'Union des producteurs agricoles tarde ou à tout le moins n'a pas encore, semble-t-il, donné d'accord par rapport à une demande de ce style-là. Et il se trouve des gens, je ne vous le cache pas, qui s'étonnent de voir qu'un organisme comme l'UPA, qui est un groupe de pression, puisse à ce point avoir... On peut assimiler ça à un veto à peu près indéfini, en termes pratiques, sur une demande introduite par un corps public.

On peut comprendre que c'est des demandes dont l'enjeu est majeur, on parle de, je ne sais pas moi, peut-être 100 ou 150 résidences d'un coup dans la zone agricole. Il faut cependant comprendre que ? puis je rejoins un peu le discours des gens de la Commission à ce niveau-là ? c'est sûr que c'est peut-être un 100, 150 résidences rajoutées dans le cadre d'une seule décision, mais l'avantage, c'est que vous voyez d'un seul coup à quel endroit ces résidences-là vont être ajoutées, suivant quelles normes particulières d'urbanisme, qui vont avoir été mises en place pour garantir la pérennité de l'usage agricole de la zone en question puis garantir qu'il n'y ait pas de contraintes supplémentaires à l'agriculture.

Nous, comme praticiens en aménagement du territoire, on voit ça d'une façon très positive, dans le sens qu'on l'aborde dans une vue d'ensemble au lieu d'y aller à la pièce. Ce qu'on trouve peut-être un peu plate ou un peu plus décevant, c'est que ça tarde à prendre effet. Et le fait que ça soit conditionnel à l'accord de l'Union des producteurs agricoles y est probablement pour quelque chose, à notre point de vue.

n(17 heures)n

M. Trudel: Très bien. On pourrait aussi ajouter que, lorsqu'une décision fait l'objet de consensus avec ceux et celles dont c'est la profession et qui vivent de cette profession sur le territoire, c'est peut-être mieux ? peut-être ? au niveau de la paix sociale de dire: Ceux et celles qui vivent de cette industrie... Parce que, vous savez, si on a été obligé en 1978 de faire une loi sur la protection du territoire agricole, ce n'était pas parce qu'on a pensé à ça un soir en parlant baseball, là, c'est parce qu'il y avait de la spéculation puis qu'on était en train de ronger les terres agricoles du Québec. Puis, si on a adopté une loi en 1993 sur la protection des activités agricoles, c'est que là ? ce n'est pas un courant majoritaire, heureusement ? c'est comme si on devait pratiquer une agriculture aseptique, sans odeur, sans aucun inconvénient, sans aucun effet, et il faudrait que ça se pratique de façon aseptique. Ça, c'est un peu comme la question de la santé humaine. Malgré les progrès de la science et de la technologie, formidables, le taux de mortalité chez les êtres humains est encore de 100 %.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le ministre, je pense que... Conclusion rapide.

M. Trudel: Conclusion. Vous êtes les aménagistes sur l'ensemble du territoire. Allons-nous avoir davantage de paix dans vos territoires avec cette entente entre les municipalités et les producteurs agricoles ou non?

M. Desmet (Dominique): D'après moi, oui. Si on regarde le projet de loi dans son ensemble, il y a des éléments positifs importants. Vous nous rassurez énormément, je crois ? mon collègue M. Duval me corrigera si je me trompe ? vous nous certifiez que les données sont disponibles. C'est un gros plus.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on vous remercie. Le temps est écoulé. Alors, je vais maintenant passer la parole au député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez fait mention que l'application des lois et règlements devait permettre une grande souplesse au niveau agricole. Ça, je pense que tout le monde est unanime en ce sens, nous ne sommes pas ici vraiment pour brimer le développement agricole mais bien pour s'assurer d'une cohabitation.

Vous avez souvent mentionné le terme «orientations gouvernementales». C'est des mots qui sont revenus souvent dans votre exposé. On est assis de ce côté-ci de la table et, nous, les orientations gouvernementales, on ne les connaît pas, on ne les a pas vues. On a vu un projet de règlement entre l'Union municipale et l'UPA où on parle d'unités animales, 75-300. On nous parle d'une banque de données. À moins qu'on n'ait pas bien lu, de ce côté-ci, dans le projet de loi, on ne fait pas mention de la banque de données. Alors, on présume que ça fait partie des orientations gouvernementales. Est-ce que, vous, vous les avez vues, les orientations gouvernementales, et est-ce que vous pouvez nous en parler un peu?

M. Duval (David): Bien, ce que vous soulevez est important, puis M. Desmet l'avait mentionné dans la conclusion. C'est-à-dire que, si on se fie à l'expérience qu'il y a eu en 1997, les orientations gouvernementales sont tombées à peu près le même jour que la loi est entrée en vigueur, alors ça ne laisse pas beaucoup de temps pour se préparer pour informer les gens, les inspecteurs municipaux qui sont chargés de les appliquer, notamment.

Dans le présent exercice, on n'a pas eu vent autre que ? de l'entente, là, entre l'UPA et la FQM ? de contenus réels d'orientations gouvernementales. Et, nous, ce qu'on dit au gouvernement, c'est qu'il serait très important que les orientations gouvernementales soient connues, diffusées et qu'elles soient débattues également avant l'entrée en vigueur du projet de loi n° 184. Puis on s'offre bien volontairement pour venir ici en débattre, parce que effectivement un des gros problèmes qu'on a eus avec les orientations gouvernementales de 1997, c'est l'application concrète de ça. Et ça, c'est comme notre pain quotidien, là.

M. Whissell: Parce qu'il y a quand même une grande similitude entre l'exercice qui avait été fait, de 1996, avec la loi n° 23 et ce qu'on est en train de faire présentement. On mettait des belles choses sur papier, on laissait présager qu'il y avait des grandes orientations gouvernementales; quatre ans plus tard, on est encore ici à parler. Puis les problèmes sont encore là. Puis ils sont peut-être pires, ils sont peut-être plus importants parce qu'on a mis des attentes puis on n'a pas trouvé de solution.

Vous ne trouvez pas ça dangereux comme collectivité encore qu'on soit ici à vouloir adopter un projet de loi avec des orientations gouvernementales inconnues? Non seulement elles sont inconnues, mais elles viennent du même gouvernement qui nous avait parlé d'orientations gouvernementales en 1996. C'est le même monde, là.

M. Duval (David): Bien, en tout cas, le message qu'on passe, c'est qu'effectivement ça faciliterait beaucoup le travail de tout le monde si ces orientations gouvernementales là étaient connues, débattues avant l'entrée en vigueur du projet de loi n° 184 parce qu'on éviterait les problèmes d'application qu'on a vécus par le passé, et puis c'est là-dedans que ça a accroché le plus.

M. Whissell: Avant de passer la parole à mes collègues, au niveau des changements d'usage, il y a la question des droits acquis, là, qui est touchée par le projet de loi. Je vais vous donner un cas concret: un garage automobile, un concessionnaire automobile qui est situé en zone agricole, qui a un prêt avec une banque et qui fait cession de ses biens. La banque reprend l'édifice avec le terrain, le stationnement, le pavage, tout ça. Et on vient lui dire: Il faut que tu vendes, il faut que tu fasses une vente aux enchères seulement pour un concessionnaire d'autos. Cet édifice-là ne peut plus maintenant servir à d'autres fins que la vente de voitures. Vous ne trouvez pas que ça va amener une problématique assez importante au niveau du financement de ces équipements?

M. Duval (David): C'est sûr et certain qu'à partir du moment où tout changement d'usage est interdit ça vient resserrer drôlement, là, qu'est-ce qu'il est possible de faire en zone agricole. Puis, comme on le disait, certains usages pourraient être moins contraignants ou même plus compatibles avec l'agriculture mais ne pourraient pas avoir lieu parce que ça constitue un changement d'usage par rapport à la situation précédente. En droit municipal ? on n'est pas avocats, là, mon collègue ni moi ? il y a quand même un peu de jurisprudence qui dit que, quand quelqu'un jouit de droits acquis, il jouit de droits acquis sur des usages comparables, un peu dans la même classe d'usages. Si c'est de l'industriel pour mettre en canne des petits pois, bien, ça pourrait être de l'industriel pour fabriquer autre chose aussi.

M. Whissell: Ce n'est pas clarifié dans la loi, là.

M. Duval (David): Bien là, à l'heure actuelle, dans le projet de loi, ce qu'on dit: Toute nouvelle utilisation, tout changement d'utilisation du sol serait impossible. Certains de nos collègues se sont réjouis de ça; certains ont vu là des dispositions peut-être un peu trop restrictives, pour les motifs que j'ai évoqués tantôt.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, il vous reste neuf minutes, de votre côté.

M. Brodeur: M. Desmet veut rajouter quelque chose.

M. Desmet (Dominique): Je voulais juste ajouter un point. Je comprends votre préoccupation. Peut-être, ce que je devine, en filigrane de votre intervention, c'est peut-être la valeur réelle qui va rester au terrain une fois que ces régimes-là pourraient passer. On y est sensible. Je vous avouerai cependant que ce n'est peut-être pas notre préoccupation première, n'étant pas avocats de formation. Probablement que les gens du Barreau vont vous entretenir plus longtemps là-dessus.

Mais le point important qu'on voulait soulever, moi, je pense, qui est fondamental, c'est la conversion possible des usages. Évidemment, il y a des gens qui ont dit: Bien, le fait de ce nouveau régime là aurait un effet bénéfique, par exemple, on ne pourrait pas changer une résidence en commerce. Et ça, on le comprend. Un commerce engendre une double distance séparatrice, comparativement à une résidence. Puis, dans ce sens-là, on peut saluer l'intervention qui est proposée. Mais, malheureusement, c'est à double tranchant.

Alors, vous pourriez avoir, par exemple, un usage commercial fort rébarbatif et on pourrait vouloir le transformer en un usage qui ne soit pas agricole au sens strict de la loi mais qui serait quand même relié de façon très intense à l'agriculture. Ça peut être, par exemple, une meunerie. Ça peut être... Je ne le sais pas, plein d'usages de ce style-là. Puis là on dirait: Non, vous n'avez pas le droit. C'est ta cour à scrap qui est là; bien, bien de valeur, ça reste cour à scrap. Est-ce que c'est ça qu'on veut? C'est un peu ça qu'on tenait à vous mettre... On voulait vous faire la mise en garde. C'est ça.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, merci, Mme la Présidente. Dans le même ordre d'idées... Puis j'en profite pendant que j'ai l'Association des aménagistes régionaux du Québec, surtout M. Desmet de la MRC Haute-Yamaska, le comté de Shefford est dans la MRC Haute-Yamaska ainsi qu'une partie du comté de Brome-Missisquoi. Dans le même ordre d'interventions que vous venez de faire... Et puis on sait qu'on attend toujours une politique de la ruralité du gouvernement du Québec, et on parle tout le temps de valorisation de la ruralité, dans notre secteur. Puis je profite de votre passage ici, M. Desmet, vous êtes parfaitement conscient qu'on est un secteur qu'on appelle récréotouristique et souvent qui peut être aussi agrotouristique. Puis, on sait, dans plusieurs cas, dans la région, on peut aussi bien parler de vignobles, de pomiculteurs, de producteurs de petits fruits.

n(17 h 10)n

La loi actuelle permet difficilement à un agriculteur propriétaire d'installer, par exemple, un kiosque ou une table champêtre ou d'extensionner sa façon d'opérer dans le commerce qui fait partie de l'exploitation agricole. On sait que c'est difficile à installer aujourd'hui. Et, vous, comme aménagistes, en fin de compte, qui vous spécialisez souvent, dans plusieurs cas, dans ces développements ruraux là, et toujours pour s'inscrire dans la valorisation du monde rural, est-ce que vous pensez que la loi pourrait favoriser l'implantation de ce genre de commerces à nature agricole, à nature rurale, qui pourrait permettre de développer le monde rural, de créer un intérêt pour la population en général puis le monde rural, alors que la loi actuelle, elle, ne favorise pas vraiment l'implantation de ce genre de commerces là à nature typiquement agricole?

M. Desmet (Dominique): Oui. Écoutez, on se comprend bien, là, on parle de la définition de l'agriculture au sens de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. C'est sûr que, dans notre point de vue, la définition d'«agriculture», elle est restrictive actuellement. Et c'était probablement à dessein, comme M. Trudel l'a souligné tantôt, ça a été prévu comme ça au début du régime parce qu'on devait faire face à de la spéculation, à une invasion d'usages en agricole, etc.

Si tant dit, vous avez raison, M. le député, que, si elles souhaitent, plusieurs MRC... Je ne dis pas que c'est une volonté générale partout, mais il y a beaucoup de MRC qui souhaiteraient voir un certain assouplissement dans le régime dans le sens que vous plaidez. Il y a même des schémas d'aménagement, au moment où on se parle, qui militent en faveur de l'intégration d'usages tels que vous les décrivez: table champêtre ou une plus-value ajoutée aux produits de la ferme par un procédé de transformation, des choses comme ça. Nous, a priori, on voit ça d'un bon oeil, ça, définitivement. Cependant, il faut aussi que ça devienne l'exception et non pas la règle générale, à savoir que ces usages-là ne doivent pas représenter des contraintes additionnelles à l'agriculture.

Alors, je parle concrètement. Si vous me dites: Oui, on va mettre des restaurants ou des usages de ce genre-là en zone agricole puis on va imposer des distances séparatrices aux producteurs en raison de ces usages-là, ça, je ne pense pas que vous ayez beaucoup d'appui des aménagistes dans ce sens-là. Si c'est clairement dit que c'est à l'intérieur d'une entreprise agricole, comme usage complémentaire, qu'on suppose une plus-value à la ferme ou que ce soit, par exemple, sous forme de vente en kiosque ou table champêtre, etc... Puis, vous avez raison, dans notre coin, tout ce qui s'appelle les vignobles, les affineurs de fromage, et ces choses-là, bien, ça peut être des éléments qui peuvent être intéressants.

J'amène le point suivant aussi. Les schémas souvent le revendiquent, mais, il faut se comprendre, la Commission de protection du territoire agricole n'est pas liée par les schémas d'aménagement. Si elle a le goût de dire non, malgré qu'un schéma dise oui, ça serait une bonne idée, bien, elle dit non, la Commission. Elle a ses propres critères. Je ne veux pas non plus faire un procès de la Commission. Les gens de la Commission vont probablement vous dire: Bien, moi, je gère la loi qu'on me donne à gérer. Mais, si on envisageait un assouplissement de la notion d'agriculture dans la loi dans le sens où vous souhaitez, moi, je prétends et nous prétendons que ça va prendre des balises sérieuses pour ne pas qu'on perde les pédales en zone agricole. Mais c'est envisageable, à notre point de vue.

M. Brodeur: Donc, dans un premier temps, je comprends qu'il y a de l'aménagement possible qui est souhaitable à la loi, qui pourrait permettre l'implantation de certaines entreprises à certaines conditions tout en respectant le monde agricole et le droit de produire.

Deuxièmement, étant donné que vous êtes de la Haute-Yamaska, puis c'est un problème qui est criant dans notre coin, si je vous parle du moratoire concernant l'épandage de fumiers, par exemple. On sait que, à titre d'exemple, dans la MRC Haute-Yamaska, les fermes présentement, même des terres de roches, atteignent des prix de 7 000 $ l'hectare parce qu'on a de la difficulté justement... parce qu'il faut être propriétaire justement de l'emplacement pour pouvoir épandre. Est-ce que vous pensez que l'idée... Oui, parce que je disais à toute blague que maintenant nos roches dans mon comté ont ça d'épais de fumier partout dessus, sauf ça fera des terres qui seront possiblement potables dans 50 ans.

Non, tout ça pour vous dire: Est-ce que vous pensez qu'une des solutions pourrait être l'implantation d'usines de traitement de ces lisiers-là gérées par possiblement la MRC? Vous faites partie de cet organisme-là aussi. Est-ce que vous pensez que, de cette façon-là, on pourrait arriver à régler ces problèmes-là, qui sont de plus en plus importants, particulièrement dans les régions comme la nôtre, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait sûrement diminuer les problèmes d'odeurs ? on en parlait tantôt ? diminuer les subventions peut-être sur ces grandes fosses là qui sont utilisées, pour en arriver à un produit qui est beaucoup plus écologique et qui pourrait être traité individuellement dans chaque MRC par sa propre usine?

M. Duval (David): L'idée pourrait être attrayante effectivement, parce que, bon, on le sait, le fumier de porc étant ce qu'il est, c'est une matière très liquide qui est épandue et qui cause beaucoup d'odeurs et c'est principalement la source de conflits d'usage et de cohabitation en milieu agricole, particulièrement dans les régions où la production porcine est très intensive.

L'idée de faire du compost avec du fumier de porc est intéressante. Par contre ? là, je vais quitter mon chapeau d'aménagiste pour celui de citoyen un peu soucieux de l'environnement ? est-ce que ça va être un bilan énergétique positif de faire brûler, je ne sais pas, du gaz naturel ou du pétrole pour assécher des matières qui seraient potentiellement utilisables telles quelles? Donc, en voulant régler un problème d'odeurs, est-ce qu'on ne causera pas d'autres problèmes environnementaux? C'est une question que je pose comme ça.

M. Desmet (Dominique): Disons que, pour revenir à votre question, M. Brodeur ? je vais me faire un devoir d'y répondre parce que vous me l'aviez adressée aussi ? on en a déjà parlé à quelques reprises entre nous, les aménagistes de MRC. On n'est pas réfractaires à l'idée, loin de là, on peut difficilement être contre la vertu. Maintenant, est-ce qu'il y aurait une volonté politique dans certaines MRC d'aller de l'avant? Parce que ce que vous sembliez me dire, c'est que ça serait la MRC qui gérerait, en tout cas, de près ou de loin, ce centre-là. Je peux difficilement vous donner une réponse de politicien, vu que je n'en suis pas un, là. Mais, écoutez, ça se discute. Et, deuxièmement, moyennant, comme M. Duval le disait, qu'on pourrait peut-être regarder ça sur le biais d'une expérience-pilote, on pourrait peut-être regarder ça d'une façon un peu plus approfondie. Non, honnêtement, l'idée est loin d'être écartée du revers de la main. Au contraire.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, il ne vous reste plus de temps, malheureusement, monsieur...

M. Trudel: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Trudel: Moi, j'aurais besoin de 30 secondes parce qu'il faut que j'apporte une correction à ce que j'ai dit.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Alors...

M. Trudel: Parce que, à la question de M. Duval et de M. Desmet, effectivement, et l'opposition l'a relevé, j'ai dit que c'était dans la loi, la création de la banque, et ce n'est pas dans la loi. Il faut reconnaître ça. Cependant ? il faut que je me repoigne ? ...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...c'est dans l'entente entre la FQM, les municipalités et les producteurs agricoles, et ça sera fait à partir des fichiers CP-12, qu'on appelle, du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Mais je vais réfléchir très fort pour succomber à la pression de l'opposition de voir comment je pourrais l'inclure dans la loi. Je vous promets que je vais réfléchir. On a un engagement des parties concernées. Moi, je vais réfléchir très fort sur comment ça pourrait se faire et par ailleurs qu'on puisse trouver aussi, pendant cette commission, en vous remerciant... Il faut trouver une réponse à ce que le député de Shefford a posé, il faut trouver une réponse à ça. Il faut qu'on trouve une réponse, c'est une obligation sociétale, moi, je pense. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces bonnes paroles, M. le ministre, je pense que nous avons à travailler encore un bon bout de temps.

Alors, je demanderais, s'il vous plaît, au groupe de l'Union québécoise pour la conservation de la nature de bien vouloir prendre place. Je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir reprendre leur siège, s'il vous plaît.

Des voix: ...

n(17 h 20)n

La Présidente (Mme Vermette): S'il vous plaît, je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir reprendre leur siège. Et je demanderais à l'Union québécoise pour la conservation de la nature de bien vouloir prendre place. Est-ce que le groupe de l'Union pour la conservation de la nature est arrivé? Oui, ils sont présents.

Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. Je demanderais au président de bien vouloir se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Union québécoise pour la conservation
de la nature (UQCN)

M. Mead (Harvey): Merci, Mme Vermette. Mon nom est Harvey Mead, président de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Je suis en présence aujourd'hui de Denis Boutin, qui est le chargé de projet à l'UQCN pour les dossiers agricoles, qui est agronome et détenteur d'une Maîtrise en économie rurale. À ma gauche, nous avons jugé bon d'inviter un consultant externe en espérant que ça pourrait clarifier quelques éléments de ce que c'est que l'écoconditionnalité, qu'on commence à voir dans les manchettes maintenant. Guy Debailleul est professeur à la Faculté de sciences de l'alimentation et de l'agriculture, à l'Université Laval, dans le Département d'économie agroalimentaire. Il est auteur de nombreux ouvrages, comme il se doit, et il est spécialiste en politique environnementale et en politique agricole. Il est reconnu comme un expert dans le domaine de l'écoconditionnalité, où il est actif depuis plus de 12 ans, je pense, qu'il a dit.

Alors, je voudrais brièvement situer la position de l'UQCN et par la suite demander à Denis Boutin de vous faire un résumé de notre mémoire. Nous étions très contents, avant les fêtes, de savoir que nous allions être entendus aujourd'hui ou, en tout cas, après les fêtes pour parler de cette question-ci dans le cadre de la loi n° 184. Et, jusqu'à l'annonce de l'entente de dimanche, nous étions même très heureux d'être toujours préparés pour vous présenter nos positions. Nous sommes assez inquiets de ce que l'entente de dimanche entre le MAPAQ et la Fédération des producteurs de porcs suggère, parce qu'il y a trois éléments, parmi d'autres, qui sont clés dans notre mémoire qui ne s'attaquent qu'à la question de l'écoconditionnalité dans la loi. Il y en a trois.

La loi, actuellement, dans les articles 20 et 21, prévoit un pouvoir plutôt qu'un devoir. Et vraiment, là, c'est une question d'approche volontaire ou une question qui suit ce qu'on considère comme la définition de l'écoconditionnalité qui exige plus de poids.

Deuxièmement, nous proposons la création d'un groupe de travail multipartite pour définir les moyens de mettre en oeuvre la loi, et il faudrait que ce soit indépendant de La Financière comme telle. Nous découvrons, nous avons découvert dimanche que le groupe de travail existe déjà, mais il n'est pas multipartite, à nos yeux.

Finalement, nous proposons aussi qu'il y ait une modalité pour la présence d'un intervenant externe, suite à l'adoption de La Financière agricole, pour ce qui est de l'administration de la loi pour qu'on puisse avoir justement un jugement qui n'est pas en conflit d'intérêts sur l'écoconditionnalité.

Alors, Denis Boutin va vous donner un peu plus de détails sur le mémoire, dont ces trois points là, je pense, résument bon nombre de nos préoccupations. Et par la suite nous espérons que vous allez vouloir profiter de la présence de M. Debailleul mais nous aussi, si nous pouvons répondre, pour des questions.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. Boutin.

M. Boutin (Denis): Alors, merci. Bonjour mesdames, messieurs. Comme l'a mentionné M. Mead, l'objet de notre présentation va porter sur les articles qui concernent l'écoconditionnalité, c'est-à-dire les articles 20, 21, 26 et, par ricochet, l'article 32. Comme plusieurs d'entre vous le savent peut-être déjà, l'UQCN réclame depuis plusieurs années que l'écoconditionnalité soit appliquée aux activités agricoles.

La notion d'écoconditionnalité, dans les pays où elle est employée, a été appliquée de diverses façons. Cependant, la définition d'«écoconditionnalité» que l'UQCN propose de retenir, quant à elle, est celle que vous retrouverez en page 7 de notre mémoire. Je vous en fais la lecture: «L'aide conditionnelle est une exigence qui lie le soutien financier versé aux entreprise agricoles à la poursuite d'objectifs de protection de l'environnement, à l'adoption de pratiques agricoles reconnues sur le plan environnemental et au respect des lois et règlements environnementaux en vigueur. Le non-respect de ces conditions devrait entraîner la perte des droits et des avantages que les différents programmes d'aide offrent aux producteurs agricoles.»

En conséquence, en conformité avec notre conception de l'écoconditionnalité, l'UQCN considère que le terme «normes environnementales» employé aux articles 20 et 21 et 26 du projet de loi doivent être compris comme référant autant aux exigences de la réglementation environnementale en vigueur qu'à l'adoption de pratiques reconnues comme bénéfiques pour l'environnement. L'UQCN comprend également que les mesures de soutien concernées par l'écoconditionnalité s'appliqueront à l'ensemble des aides financières qui sont à la disposition du secteur agricole, incluant les assurances agricoles ainsi que les programmes de crédit agricole et de remboursement des impôts fonciers.

Enfin, l'UQCN constate que le libellé des articles 20, 21 et 26, qui mentionnent «peuvent» ou «peut assujettir, en tout ou en partie», ne garantit pas que l'écoconditionnalité soit appliquée. En conséquence, l'UQCN recommande de remplacer le verbe «pouvoir» par le verbe «devoir», et ce, afin d'éviter toute ambiguïté possible pour les administrateurs qui auront le mandat d'appliquer cette loi.

Par ailleurs, l'UQCN tient à rappeler que les mesures d'écoconditionnalité ne peuvent pas couvrir toutes les dimensions des problèmes agroenvironnementaux. En conséquence, l'écoconditionnalité doit être considérée comme un premier pas qui s'inscrirait dans une vaste réforme de la stratégie québécoise d'assainissement agricole.

Pour élaborer les modalités de mise en oeuvre de l'écoconditionnalité, l'UQCN tient à rappeler l'importance d'établir un processus d'élaboration des dispositifs d'écoconditionnalité qui fera appel à une pluralité de partenaires dont l'implication dans la démarche assurera la crédibilité du processus. Et ici on doit rappeler les dernières années qui nous ont amenés à constater avec regret que la volonté politique de résoudre les problèmes environnementaux associés aux activités agricoles n'était pas toujours au rendez-vous. Notre confiance en est encore ébranlée et continue de l'être. L'exaspération de plusieurs groupes et organisations a d'ailleurs mené à la création de la Coalition pour le développement d'une agriculture durable et qui a été entendue plus tôt cet après-midi.

Compte tenu de cet historique, il apparaît donc justifié de douter que le ministère, dont le mandat principal est de promouvoir la production agricole, et que le syndicat, défendant les intérêts des entreprises agricoles, puissent s'autosuffire pour élaborer les modalités d'application qui seraient crédibles pour un principe auquel ils se sont pendant plusieurs années si farouchement opposés.

L'écoconditionnalité vise essentiellement à assurer une protection de notre capital environnemental. En conséquence, les intérêts environnementaux doivent être partie prenante des travaux qui devront être amorcés sous peu. C'est pourquoi l'UQCN recommande la formation d'un groupe de travail sur l'écoconditionnalité qui réunirait une pluralité de partenaires. Pour l'UQCN, il s'agit là d'un enjeu fondamental.

n(17 h 30)n

Un autre point que nous souhaitons apporter à l'attention de la commission concerne la responsabilité de La Financière agricole à l'égard des mesures d'écoconditionnalité. On sait que le conseil d'administration de La Financière agricole réunira des représentants de l'Union des producteurs agricoles et du ministère de l'Agriculture. Ainsi, afin d'éviter toute situation de conflit d'intérêts, l'UQCN estime que l'administration des mesures d'écoconditionnalité doit être assumée par une instance externe à La Financière agricole, instance qui devrait être gouvernementale et qui s'appuierait sur une collaboration interministérielle.

En ce qui concerne le financement de l'assainissement agricole, l'UQCN estime que celui-ci devrait également faire l'objet d'une révision en profondeur de la stratégie québécoise d'assainissement agricole. L'UQCN convient qu'il faille continuer à appuyer le secteur agricole dans ses efforts en agroenvironnement, mais elle recommande que la priorité soit accordée à des aides financières qui seraient ciblées sur l'environnement. Notamment, il faut miser sur des programmes qui récompensent les pratiques qui fournissent des bénéfices environnementaux et mieux soutenir et valoriser les entreprises qui adoptent des modes de production plus performants sur le plan environnemental. De plus, l'UQCN recommande que des limites de perception des aides financières soient établies de façon à favoriser les entreprises agricoles familiales à dimension humaine.

Enfin, pour conclure, l'UQCN souhaite apporter quelques commentaires au sujet de la rhétorique qu'emploient certaines organisations à l'égard du faible niveau d'investissements en assainissement agricole. Selon nous, les sommes investies à ce niveau ne peuvent être comparées à celles dont a pu bénéficier le milieu municipal. Les municipalités sont des gouvernements locaux qui ont le mandat de représenter les intérêts de leurs citoyens et d'agir en leur nom. Elles ne sont pas des entités dont le but est de créer de la richesse privée ou corporative, comme c'est le cas pour les entreprises, qu'elles soient industrielles ou agricoles. En conséquence, les investissements en assainissement agricole, si on veut faire des comparaisons, ne peuvent être opposés qu'aux investissements dans d'autres secteurs économiques comparables comme l'assainissement industriel.

À titre d'exemple, le secteur des pâtes et papiers, qui a contribué au PIB québécois pour près de 1,5 milliard de dollars en 1999, aurait fait des investissements de l'ordre de 1 milliard de dollars pour l'implantation de systèmes de traitement secondaire des eaux usées. Le secteur agricole québécois, qui a apporté, quant à lui, une contribution de 2,3 milliards de dollars au PIB, a vu se réaliser des investissements en assainissement agricole d'environ 500 millions, dont près de la moitié ont été financés par le gouvernement. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, je vais passer la parole maintenant au ministre. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Je veux tout de suite rassurer M. Boutin, je n'ai aucune aspiration et je n'ai aucune, aucune perception de moi-même qui fasse en sorte que je penserai vous convertir un jour, puisque vous m'avez classé dans les pourris qui, en termes d'agriculture, sont des fabricants de politiques détériorantes. J'ai renoncé à vous convertir. N'ayez aucune, aucune crainte là-dessus, je n'essaierai pas de vous convertir. Je vous remercie cependant, au nom des producteurs agricoles, d'avoir dit que tout ça est dû aux politiques et non pas aux producteurs puis aux productrices, je vais porter et nous allons porter la responsabilité.

M. Debailleul. M. Debailleul, je suis content que vous soyez là, parce que vous êtes une autorité reconnue au plan, je dirais, national. Je vous ai poigné sur le Canal Savoir durant le temps des fêtes, sur un panel au Canal Savoir, c'était assez formidable.

Une voix: ...

M. Trudel: Après la bibliothèque. Au Canal Savoir, un magnifique panel, vous étiez... C'était bon.

Bon. L'écoconditionnalité, vous avez regardé ça un peu, les pays comparés, là. On dit que les États-Unis appliquent l'écoconditionnalité depuis 1985. C'est-u exact, ça?

M. Debailleul (Guy): Exact, M. le ministre.

M. Trudel: Bon, est-ce que les Américains doivent constituer un modèle au niveau de leur agriculture pour l'application et la mise en vigueur du principe de l'écoconditionnalité? Je vais vous dire par quoi... Vous voyez bien, par ma question, professeur Debailleul, que j'ai comme des redoutances, comme dirait mon père. Quand je vais dans le Vermont, puis que je vais dans le Maine, puis je regarde... Je vais vous dire que j'ai regardé leur politique, aux États-Unis, là, qu'est-ce que ça veut dire, «écoconditionnalité», ça me surprend un peu, ça, qu'on dise: Les Américains sont un modèle en termes d'écoconditionnalité. Vous êtes le spécialiste international là-dedans. En quoi sont-ils modèles et on devrait s'appuyer là-dessus, professeur Debailleul?

M. Debailleul (Guy): Bien, M. le ministre, vous mettez justement le doigt sur la spécificité de l'écoconditionnalité ou, comme on dit aussi aux États-Unis, la conditionnalité environnementale ? en fait, il y a plusieurs terminologies aussi assez riches autour de ça ? parce que, pour qu'il y ait écoconditionnalité, il faut qu'il y ait au préalable des programmes ou des politiques de soutien public par l'agriculture, et les régions que vous mentionnez sont probablement parmi celles aux États-Unis qui bénéficient le moins de la largesse des programmes publics dans le domaine agricole aux États-Unis, alors que la grande partie des aides est concentrée dans, disons, le grand Middle West et puis certaines régions au Sud. Donc, effectivement, l'écoconditionnalité ne va pas s'appliquer à des petites fermes laitières dans le Vermont, étant donné qu'elles ne reçoivent pratiquement plus d'aide de la part du gouvernement fédéral. Donc, effectivement, pour qu'il y ait écoconditionnalité, il faut qu'il y ait un programme significatif et continu d'aide au revenu ou à d'autres formes d'activité agricole.

M. Trudel: M. le professeur, moi, je me suis interrogé là-dessus puis j'ai fait référence à des spécialistes. Moi, il m'apparaît que c'est comme une déviation de ce que doit être l'écoconditionnalité, c'est-à-dire qu'on appelle ? corrigez-moi si ce n'est pas correct ? aux États-Unis, de l'écoconditionnalité le fait d'utiliser des programmes financiers qui améliorent le comportement environnemental. Je fais de l'écoconditionnalité, dit-on, aux États-Unis, quand le gouvernement verse des sommes d'argent aux producteurs agricoles. Je n'ai vu ? peut-être me trompais-je encore ? aucun programme américain de soutien au revenu qui est lié aux normes environnementales. Suis-je correct ou à peu près correct? Parce que, regardez, le 15 milliards qu'ils viennent de mettre en soutien aux producteurs de céréales, là, zingo! Du jour au lendemain, 15 milliards, aucune relation avec... que j'ai observée. Peut-être, votre expérience et votre connaissance de l'économie ailleurs, là...

M. Debailleul (Guy): Mais ils restent soumis à conditionnalité. Effectivement, il faut qu'il y ait des programmes, et la plupart ce sont des programmes de soutien. Je pense en particulier aux paiements directs qui ont été renouvelés de législation en législation depuis pas mal de temps. Ils n'étaient pas automatiquement, parce qu'ils étaient des programmes de soutien, écoconditionnalisés. C'est parce que, à partir de 1985, l'administration américaine a dit: On va continuer ? dans la législation de 1985 ? le principe du soutien au revenu des agriculteurs ? et il faut bien reconnaître que c'est essentiellement les céréaliers et les producteurs d'oléagineux ? mais dorénavant il faudra que les producteurs qui veulent continuer à bénéficier de ces programmes s'engagent à respecter un certain nombre de pratiques agricoles. Et ça concernait essentiellement les mesures de conservation des terres, dans un premier temps, et ensuite de protection des terres humides.

Alors, quand on dit que le modèle, enfin, la situation américaine pourrait constituer un modèle, ça ne veut pas dire que le contenu de la conditionnalité environnementale aux États-Unis devrait être transposé tout simplement au Québec, c'est simplement le fait de prendre en compte que la société, par le biais des programmes de soutien du revenu, considère qu'il est légitime de soutenir l'agriculture, mais en quelque sorte c'est un contrat de longue date et, à un moment donné, on considère qu'il est juste aussi d'apporter un avenant à ce contrat, en disant: Oui, mais, pour poursuivre dans cette voie-là, on serait un peu plus restrictif sur le plan de pratiques agricoles à souhaiter, à encourager ou à défendre.

n(17 h 40)n

M. Trudel: O.K. Merci. C'est bien important, ce que vous me dites là, comme opinion d'un professeur qui a des connaissances comparatives des systèmes, parce que, moi, j'avais lu dans le texte que «le concept d'écoconditionnalité, utilisé aux États-Unis depuis 1985, permet de conditionner l'octroi de paiements agricoles à la mise en oeuvre de pratiques respectueuses de l'environnement». J'y lisais là-dedans ? le mémoire de l'UQCN ? que le modèle américain d'écoconditionnalité était le modèle qu'il fallait suivre. Vous m'invitez à la nuance un peu, de ne pas suivre exactement le modèle américain d'écoconditionnalité quand on l'implantera au Québec. Deuxièmement...

M. Debailleul (Guy): En ce qui concerne les modalités concrètes, je pense qu'il faut les adapter effectivement à chaque situation, c'est bien évident.

M. Trudel: O.K., bon. Ça, ça nous amène au cas quand on va le mettre en application, là. On va rencontrer un os, professeur Debailleul, que vous connaissez probablement. On va rencontrer un gros os en droit. Vous savez par ailleurs que la réglementation, la loi américaine a été contestée devant les tribunaux et que le gouvernement a perdu. Le gouvernement a perdu dans le droit américain, là. Dans le droit américain, le gouvernement a perdu. Le gouvernement ne pouvait pas imposer comme condition de versement d'aide financière le respect d'un certain nombre de lois et règlements. Le gouvernement a été défait là-dessus, si bien qu'ils ont été obligés de modifier leur loi en 1990, je crois, ou en 1996, je ne me souviens plus de la date. Ils ont été obligés de modifier leur loi. Est-ce que ça, ça vous a déjà effleuré l'esprit? Parce que, là, on va dans une question de droit, là.

M. Debailleul (Guy): Oui, parce que, effectivement, c'est l'interprétation de la conditionnalité ou du caractère discriminatoire que ça peut présenter. Et alors je ne m'avancerai pas trop sur ce terrain-là dans la mesure où je ne suis pas un juriste. Mais ce qu'on peut retenir, de toute façon, c'est que la participation ? et c'est ça qui, quand même, a permis de conserver l'essentiel de ces mesures, et qui sont toujours en vigueur, et il y a tout lieu de penser que, si la prochaine administration reconduit un certain nombre de programmes d'aide, cette conditionnalité va demeurer ? à ces programmes reste volontaire. Donc, les agriculteurs ne sont pas obligés de solliciter le principe du soutien des prix. Mais, à partir du moment où ils veulent en bénéficier, personne n'est obligé de... si je peux me permettre une transposition peut-être un peu simpliste au Québec, personne n'est en principe obligé de souscrire à un programme à l'ASRA.

M. Trudel: Vous avez raison. Vous avez raison là-dessus.

M. Debailleul (Guy): Bon. Simplement, à un moment donné, on dit: Désormais, dans la réglementation, il y aura des critères environnementaux.

M. Trudel: En tout cas, je comprends que ce n'est pas en 15 minutes qu'on va tout régler l'aspect du droit, là, mais il faut tout de suite se mettre dans la tête que, sur le plan du droit, on aura à poser cette question-là demain aux gens, sur le droit en environnement, parce que, à régime de droit, deux sociétés à régime de droit, il y en a une qui l'a essayé, les États-Unis, puis il y a eu donc échec sur le plan du droit. Est-ce qu'il faudra faire appel à certains éléments que prévoit la Constitution? On verra.

Autre question maintenant, la Communauté économique européenne. La Communauté économique européenne affirme qu'elle a une politique d'écoconditionnalité. C'est quoi, votre opinion là-dessus? Vous comprenez bien que, quand je vous la demande, j'ai la mienne pour l'instant, hein. J'ai la mienne pour l'instant. Mais je veux avoir votre opinion, Dr Debailleul.

M. Debailleul (Guy): Non. Elle a introduit le principe dans sa réforme de 1999, en disant... Là aussi, c'est un peu l'équivalent des paiements compensatoires américains, c'est qu'un des éléments importants de la politique agricole commune, c'est le versement de primes directes, qui sont d'autant plus importantes depuis quelques années qu'on a versé... qu'on a diminué le prix d'intervention, et qui fait que les agriculteurs reçoivent... Il y a un prix de marché moins élevé, mais, en contrepartie, les agriculteurs reçoivent des primes directes qui sont beaucoup plus importantes.

Et l'Union européenne a introduit, en 1999, à Berlin, le principe de l'écoconditionnalité en confiant aux différents pays le soin de le mettre en oeuvre. Autrement dit, chaque pays peut, de son côté, dire: Le versement de tout ou partie des aides directes versées aux agriculteurs sera dorénavant conditionné par tel ou tel respect de telle pratique agricole. Mais on en est encore, pour l'essentiel, à définir ou à travailler sur les modalités concrètes. Il y avait eu, avant l'inclusion de ce principe, quelques pays, la Grande-Bretagne et le Danemark, qui en avaient fait des applications très spécifiques dont il est difficile de tirer des conclusions. L'autre pays, qui ne fait pas partie de l'Union européenne, à avoir largement investi ce champ-là, c'est la Suisse, qui a conditionné toutes ses aides directes par toute une série de restrictions environnementales.

M. Trudel: Moi, je vous remercie beaucoup de cette réponse-là, en termes d'information, parce que, là, ici, on s'apprête à aller bien au-delà de ça, c'est-à-dire que, tous les chantres de l'écoconditionnalité de la Communauté économique européenne, il faut saluer qu'ils aient adopter le principe, mais ils ne sont pas passés à la pratique. Comme vous dites, chacun des pays a été invité, et je suis allé voir, moi, chacun des pays, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, qu'est-ce qui se passe dans ces pays, et on n'est pas passé encore à la pratique. Et c'est ça, le cheminement dans lequel nous sommes, c'est-à-dire de passer à la pratique et l'applicabilité et aussi en tenant compte de ce qui se passe chez nos voisins et de quelle définition ils donnent à l'écoconditionnalité. Comment est-ce qu'il reste de temps? Parce qu'il y avait des collègues qui avaient des questions, je pense.

La Présidente (Mme Vermette): Il reste deux minutes.

M. Trudel: Deux minutes. Bon. M. Debailleul ? pas le professeur, le citoyen; de toute façon, on a toujours notre profession ? des entreprises familiales à dimension humaine, une agriculture durable à dimension humaine, dans le contexte économique nord-américain, mondial, c'est-y de la nostalgie, ça, ou si c'est, à votre avis, réellement... Parce que vous savez ce que ça implique. Ça implique qu'il y a des entreprises actuellement existantes qu'on va rapetisser. Il faudrait restreindre la taille actuelle d'un certain nombre d'entreprises.

Opinion ou commentaire, je voudrais avoir votre opinion là-dessus, sur: Est-ce que les entreprises, par exemple, de production laitière qui ont 78 unités animales en moyenne au Québec sont des entreprises dangereuses pour leur environnement et est-ce qu'on devrait les rapetisser un peu? C'est quoi, votre opinion là-dessus?

M. Debailleul (Guy): Là, vous prenez le cas de la production laitière, effectivement...

M. Trudel: Comme illustration.

M. Debailleul (Guy): Moi, je ne vais pas dire, effectivement, qu'une étable de 80 vaches aujourd'hui ça me paraît être une taille d'étable qui peut permettre à une famille de vivre. En dessous, ça peut devenir problématique. Mais je dirais que la définition d'une exploitation de taille humaine, elle est fonction des choix de la société, M. le ministre. On peut très bien avoir un modèle californien à 2 000 vaches ou à 3 000 vaches, si tant est que ce soit un modèle, alors c'est-à-dire qu'il ne se définit pas lui-même comme un modèle. On peut avoir, à l'autre extrême, un modèle suisse à, je ne sais pas moi, 15 vaches ou 20 vaches. Il est bien évident qu'un agriculteur suisse ne vit pas avec 20 vaches. Donc, effectivement, il y a quelque chose d'autre qui vient à côté, c'est qu'on lui reconnaît aussi le fait qu'il contribue à la qualité du paysage ou je ne sais trop quoi, avec des programmes peut-être appropriés, etc. On peut considérer que ces deux points sont deux extrêmes d'une grande... Et on peut définir, nous, en tant que société québécoise, un modèle qui serait probablement quelque part entre les deux, qui aurait une viabilité économique certaine mais aussi un certain nombre de retombées et sociales et environnementales qui apparaîtraient satisfaisantes pour la société, et ce qui impliquerait peut-être aussi effectivement un maintien d'un certain nombre de... du soutien public pour l'efficacité de ces exploitations.

M. Trudel: Bien, merci beaucoup, beaucoup, professeur Debailleul, merci de cet éclairage. Ça va être important pour les jours qui vont venir, en termes de progression dans le travail que nous sommes à effectuer actuellement. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, merci à vous deux. Alors, je passerai la parole maintenant au député de Brome-Missisquoi.

n(17 h 50)n

M. Paradis: Oui, en vous souhaitant la bienvenue à cette commission. Le groupe qui vous a précédé, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous attarder sur la partie de son mémoire qui traitait des garanties environnementales exigées aux producteurs agricoles. Ils ont, sur un ton très posé, été très critiques à l'endroit du projet de loi qui est présentement devant cette commission. Et je cite le mémoire de l'Association des aménagistes régionaux du Québec, qui dit ce qui suit: «Nous sommes étonnés du fait que le respect des normes environnementales comme paramètre conditionnant les règlements découlant de l'assurance récolte et de l'assurance stabilisation soit facultatif et reporté dans le temps à la discrétion du gouvernement, alors que le reste des mesures transitoires présentent un caractère obligatoire et ont pour effet de rendre les autres aspects du nouveau régime effectifs dans les plus brefs délais. Notre expérience dans le domaine pratique nous incite à croire que de tels écarts sont de nature à provoquer de la frustration auprès de la population.»

Moi, j'ai pris connaissance de ce mémoire-là. Je viens d'entendre l'échange que vous avez eu avec le ministre de l'Agriculture. Si on s'en tient strictement au libellé du projet de loi, on ne change pas, suivant les recommandations de l'UQCN, le mot «pouvoir» par le mot «devoir», on s'en tient strictement à ce que l'on a dans le projet de loi présentement devant nous ? et ma question s'adresse peut-être à M. Mead ou à quelqu'un qui l'accompagne: Où se situe le Québec face aux autres provinces canadiennes, face à nos concurrents? Parce que le marché mondial aujourd'hui, américain et européen, même asiatique, est-ce qu'on va être en arrière de la parade écologique, au milieu de la parade ou en avant de la parade?

M. Mead (Harvey): J'ai deux personnes à côté de moi qui ont des connaissances outre-frontières, et je vous réponds quand même que le but de notre intervention, c'est pour le Québec. Ça fait 15 ans que l'UQCN est impliquée dans le dossier agricole et nous croyons que c'est essentiel de procéder, si j'ai bien compris, dans le sens des aménagistes. Je ne sais pas si Guy ou Denis voudraient répondre sur ce qui se passe ailleurs.

M. Boutin (Denis): En fait, je vous dirais que tout dépend de qu'est-ce qu'on définit comme écoconditionnalité et quelles seront les modalités d'application.

M. Paradis: Ce que l'on en sait, présentement, on peut s'entendre sur ce qui circule comme information, il faudrait que le producteur agricole soit conforme aux normes environnementales s'il veut avoir son assurance récolte, son assurance stabilisation.

M. Trudel: Prenons la définition qui nous a été donnée par l'UQCN, elle est bonne.

M. Boutin (Denis): Alors, si la définition qui est retenue est celle de l'UQCN, je vous dirais que, oui, par rapport aux autres provinces canadiennes, nous serons à l'avant-garde. Mais, si la définition retenue n'indique pas clairement qu'il s'agit de règlements environnementaux et qu'elle ne réfère pas à des bonnes pratiques officielles, alors là s'agit-il de mesures volontaires, surtout si le verbe «pouvoir» persiste dans le projet de loi plutôt que le verbe «devoir»? Alors, si ça devient facultatif, je vous dirais que c'est une tentative de laisser croire qu'on est à l'avant-garde. Si ça devient obligatoire, nous serons définitivement dans le peloton de tête.

M. Paradis: Avec qui? Quand vous mentionnez: Nous serons dans le peloton de tête, avec quel autre joueur sur la planète?

M. Debailleul (Guy): Si vous me permettez, avec probablement les Américains, parce qu'ils ont une expérience déjà assez solide là-dessus. Et puis là on est à peu près sur la même ligne, à mon avis, avec l'introduction de ces articles dans le projet de loi n° 184, que l'Union européenne. Donc, tout dépend maintenant comment on avance dans la concrétisation de ces mesures. Mais, à mon avis, on n'a pas le choix que d'y aller parce que ce qui ne nous sera pas dicté par les souhaits de la société québécoise sera dicté par les besoins de débouchés à l'extérieur. J'ai vu effectivement le texte d'une entente entre le ministère de l'Agriculture et la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Ce qui m'a frappé dans le contenu, entre autres, c'est que la principale justification, c'était la référence au marché japonais. Donc, c'est, en fait, aussi une indication qu'on n'a pas le choix que d'intégrer cette mesure. Je voudrais dire, au passage, que...

M. Paradis: Ça devient, selon vous, un outil de vente du produit sur les marchés extérieurs?

M. Debailleul (Guy): Ça sera aussi un outil de vente. Ce qui m'a frappé, par exemple, au moment de la préparation des accords qui ont conduit à l'OMC, il y a eu toute une série de discussions, de débats en disant: Est-ce que l'environnement n'est pas en contradiction avec la libéralisation des échanges: le souci et la protection de l'environnement, d'un côté, et la libéralisation des échanges? La position de l'OMC était de dire: Eh bien, non, une intégration très rapide de préoccupations environnementales donne un avantage commercial au pays qui les intègre par rapport à ses concurrents sur une période de cinq, 10 ou 15 ans.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député, est-ce que vous accepteriez de nous donner le consentement pour que l'on puisse continuer passé 18 heures? On a cinq minutes de récupérées.

M. Paradis: Oui. Cinq minutes? O.K. Peut-être à M. Mead. Il y a un passage... Parce qu'on a tenté de dégager des consensus entre la Fédération québécoise des municipalités, entre l'Union des producteurs agricoles, mais il semblait y avoir une certaine unanimité, puis vous ne semblez pas en faire partie ? je ne vous le reproche pas ? sur le plan du financement comme tel ou de l'aide de l'État au virage agroenvironnemental. Vous mentionnez qu'on fait fausse route lorsqu'on le compare à ce qui a été donné aux municipalités sur le plan des usines d'épuration comme telles.

Vous mentionnez le dossier des papetières. C'est un dossier auquel j'ai été mêlé d'assez près dans une vie antérieure. Ce n'est pas tout à fait vrai que les papetières n'ont pas eu d'aide gouvernementale. J'aimerais être capable de vous dire que c'est vrai, mais, encore récemment, dans certaines régions du Québec, des papetières en difficulté... Et, même à l'époque où j'étais ministre de l'Environnement, je me souviens d'une en Abitibi, entre autres, qu'on avait substantiellement aidée sur le plan environnemental.

Quand je regarde l'ensemble des PME québécoises, dans les villes au Québec ? tantôt on avait quelqu'un des aménagistes qui venait de Granby ? il y a combien d'entreprises manufacturières qui sont branchées au réseau d'égouts municipal puis l'usine d'épuration a été payée par... Est-ce que les producteurs n'ont pas droit à une certaine équité de traitement? Parce qu'on a fait de la pression sur le monde municipal, dans un premier temps, mais on les a drôlement épaulés avec les fonds publics. On a fait de la pression sur le monde industriel, puis on les a également épaulés avec les fonds publics. Pourquoi on abandonnerait les producteurs agricoles puis on ne les épaulerait pas, eux autres, avec les fonds publics?

M. Mead (Harvey): Il n'y a aucune suggestion dans le mémoire dans ce sens-là, et à aucun moment, à ma connaissance, l'UQCN ne s'est opposée aux aides aux producteurs agricoles. On a toujours accepté que c'est un besoin. D'ailleurs, M. Pouliot, hier, a dit: Écoute, s'il n'y a pas de soutien, il n'y aura pas de production possible.

Le point que M. Boutin a souligné, une partie du mémoire, c'est tout simplement pour suggérer qu'il y a une différence. Et, pour faire la comparaison combien devrait être alloué, il faut quand même trouver la juste comparaison. On a dit: Industriel plutôt que municipal, hein, c'est un bien collectif. Alors, non ? je peux arrêter là, vous semblez être satisfait ? il n'y a aucune intention dans le mémoire ni dans les politiques de l'UQCN de s'opposer à ça. Mais vraiment nous insistons et nous sommes vraiment déboussolés aujourd'hui par le fait que la façon de gérer...

Nous ne nous sommes pas opposés à la création de La Financière, mais, il y a deux ans, nous nous sommes opposés farouchement à la proposition de créer Forêt Québec. Il y avait beaucoup plus en cause, à ce moment-là, avec le transfert de Forêt Québec à une agence privée qu'il y a dans La Financière. Et La Financière, on ne s'oppose même pas à ce qu'il y ait cogestion là-dedans. Et il n'y a pas un mot là-dedans, dans le mémoire, qui s'oppose à ça. Mais nous disons, et ce sont les trois points principaux que j'ai essayé de souligner: Pour ce qui est de la bonne gestion, de la bonne administration de la partie de La Financière qui va régler l'aide en fonction du respect des règlements environnementaux, il faut quand même faire une distinction. Alors, c'est une question de bon...

M. Paradis: Est-ce que vous voyez... Vous avez parlé d'un poste, est-ce que vous voyez ce poste-là au niveau du conseil d'administration ou au niveau des opérations?

M. Mead (Harvey): Je n'ai pas compris.

M. Paradis: Vous avez parlé, dans votre présentation, d'un poste...

M. Mead (Harvey): Oui.

M. Paradis: ...au niveau de La Financière agricole pour évaluer sur le plan environnemental. Est-ce que vous voyez ce poste-là au niveau du conseil d'administration ou au niveau des opérations?

M. Mead (Harvey): Non, non. Il faut qu'il soit à l'extérieur de La Financière agricole pour qu'il puisse porter un jugement sur la validité des pénalités ou bien des versements.

M. Paradis: O.K.

n(18 heures)n

M. Mead (Harvey): Non, non, le C.A., c'est clair, va être contrôlé par le ministère de l'Agriculture et l'UPA, et je pense que c'est les 11 membres. Ça, c'est clair.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie bien. Merci de vos échanges et de vos propos. Ceci met fin à nos travaux pour aujourd'hui. Je vais annoncer... Nous avons reçu, en fait, de la part de M. Jocelyn Vigneault, de Solidarité rurale, qu'il déclinait l'invitation qu'ils avaient reçue. Donc, ils ne seront pas présents demain matin. Donc, je demanderais, si nous avons le consentement, que nous puissions commencer nos travaux à 10 h 15 demain, mercredi le 7 février. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)



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