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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 7 février 2001 - Vol. 36 N° 33

Consultations particulières sur le projet de loi n° 184 - Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Vermette): Je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir reprendre leur siège, s'il vous plaît. Alors, je constate que nous avons le quorum, donc la séance de nos travaux est ouverte. Je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je rappelle le mandat de cette commission. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 184, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Lafrenière (Gatineau).

Auditions

La Présidente (Mme Vermette): Donc, je souhaite la bienvenue aux gens du Barreau. Et, si M. Sauvé, qui en est le représentant, le président, veut bien présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît, nous allons commencer immédiatement. Vous avez un temps de 15 minutes pour votre exposé après les présentations.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, qu'il me soit permis de me présenter. Mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au service de la législation, au Barreau du Québec, et je suis accompagné, pour la présentation du Barreau concernant le projet de loi n° 184, de Me Lorne Giroux, qui est avantageusement connu dans le domaine de l'environnement et du zonage. Il est membre aussi du Comité du Barreau du Québec sur le droit de l'environnement.

Le Barreau du Québec a fait part de ses commentaires concernant le projet de loi n° 184 dans une lettre du 5 février dernier adressée au ministre de l'Agriculture. C'est une lettre du bâtonnier. Et, essentiellement, avant d'aborder les thèmes qui font l'objet de cette intervention du Barreau, je pense qu'il est opportun de rappeler le mandat général du Barreau, qui est un mandat de protection du public. Et c'est donc à la lumière de cette mission sociale du Barreau qu'il faut interpréter la démarche du Barreau auprès de la commission.

Le ministre de l'Agriculture et le ministre des Affaires municipales ont mandaté Me Jules Brière pour examiner certains problèmes d'application du régime de protection des activités agricoles au Québec. De l'avis du Barreau, le projet de loi n° 184 ne reprend pas l'esprit du rapport Brière. Il ne s'inscrit pas dans l'esprit du rapport Brière, notamment en ce qui concerne l'application prioritaire et préalable de mesures crédibles de réduction de la pollution d'origine agricole.

n (10 h 20) n

De l'avis du Barreau, le projet de loi n° 184 doit être retiré pour les raisons que nous expliciterons davantage dans quelques minutes. Nos commentaires et observations concernent plus particulièrement les articles 2, 5, 9, 13, 14, 20 et 21 du projet de loi. Essentiellement, ça gravite autour de divers thèmes tels l'assujettissement à des normes environnementales, le régime d'immunité de poursuite, la confusion entre l'intérêt public et l'intérêt privé, le respect des droits acquis. Il y a la question de l'insécurité juridique et de l'incohérence juridique. D'ailleurs, à ce sujet, Me Lorne Giroux aura l'occasion d'apporter certaines précisions.

Articles 2 et 13. L'article 2 du projet de loi modifie l'article 40 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Dans le nouvel article 40, l'exploitant auteur de la résidence et l'occupant de cette dernière s'obligent à tolérer les conséquences de toute activité agricole avoisinante exercée conformément aux normes en matière de bruits, de poussières ou d'odeurs inhérents aux activités agricoles. Or, on doit rappeler que ces normes en matière de bruits, de poussières ou d'odeurs sont soit peu contraignantes ou soit inappliquées. Dans ces circonstances, l'occupant de cette résidence se retrouve dans une situation précaire en ce qui concerne la protection de la qualité de l'environnement. En effet, cette disposition équivaut alors à concéder à l'exploitant d'une exploitation d'élevage une immunité absolue à l'encontre de tout recours visant à assurer la protection de l'environnement. Une situation similaire se retrouve à l'article 13 en ce qui concerne l'agrandissement d'un bâtiment destiné à un usage autre qu'agricole.

De l'avis du Barreau, le législateur doit revoir le régime d'immunité abusif contre les poursuites civiles prévu aux articles 79.17 à 79.19 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Ce régime d'immunité revêt un caractère absolu et s'applique même en cas d'abus de droit ou de mauvaise foi. L'immunité à l'égard des poursuites ne devrait profiter qu'aux agriculteurs qui se livrent à une pratique normale de l'agriculture selon des usages reconnus. Un mécanisme devrait être prévu pour redresser les cas d'abus lorsque les dommages à la population et à l'environnement excèdent sensiblement les inconvénients normaux inhérents à une bonne pratique agricole. D'ailleurs, cela constitue une des recommandations importantes du rapport Brière qui est adressé au ministre de l'Agriculture.

Un tel mécanisme de redressement et de contrôle existe ailleurs au Canada, en Ontario, en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan. Il s'agirait en quelque sorte d'une procédure de conciliation ou d'arbitrage avec appel permettant de concilier le droit de produire des agriculteurs, d'une part, et le droit à la qualité de l'environnement des autres citoyens, d'autre part.

Maintenant, sous le volet confusion intérêt privé, intérêt public, qui touche plus particulièrement, qui concerne plus particulièrement les articles 5 et 9, selon l'article 9 du projet de loi, qui modifie l'article 62.5 de la loi, la Commission de protection du territoire agricole doit avoir reçu l'avis favorable des personnes intéressées pour rendre une décision sur une demande soumise en vertu de l'article 59. L'association accréditée au sens de la loi constitue d'office une personne intéressée à la demande.

Or, la Commission de protection du territoire agricole constitue, et on en conviendra tous, un organisme public dont les fonctions sont prévues dans une loi. Les municipalités régionales de comté, les communautés urbaines, les municipalités constituent, pour leur part, des corps publics électifs dont le mandat est la protection de l'intérêt public dans le champ de leur compétence. L'association accréditée constitue, pour sa part, un groupe d'intérêts socioéconomiques. Il est évident que l'activité agricole représente une activité économique importante et même majeure au Québec. Il ne doit pas cependant y avoir de confusion entre les institutions publiques vouées à la défense de l'intérêt public et les groupes privés voués d'abord et avant tout à la promotion d'intérêts socioéconomiques privés et particuliers.

En conséquence, l'octroi d'un droit de veto des décisions de la Commission à un groupe d'intérêts socioéconomiques nous apparaît abusif et non souhaitable dans une société comme la nôtre. Il n'est pas approprié que les décisions d'intérêt public en matière d'aménagement du territoire prises par les instances élues ou par un organisme public soient laissées à la discrétion d'un groupe de défense d'intérêts privés.

Sous la rubrique, maintenant, respect des droits acquis, à l'article 14, l'article 14 ajoute à la loi un nouvel article, 103.1, qui affecte les droits acquis. Le respect des droits acquis constitue un des principes qui ont présidé à l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole en 1978. Cette notion a toujours couvert le changement d'usages sous réserve des règlements municipaux. Le Barreau du Québec est d'avis que l'article 14 porte atteinte de façon inacceptable aux droits acquis de milliers de citoyens déjà établis en zone agricole avant la date d'application de la Loi sur la protection du territoire agricole. L'article 14 est de nature à affecter injustement des milliers de petits propriétaires qui exercent des activités autres que l'agriculture.

Au sujet de l'assujettissement aux normes environnementales, on ne peut pas passer sous silence les articles 20 et 21 du projet de loi. L'article 20 concerne la Loi sur l'assurance récolte et vient ajouter l'article 74.1 de cette loi-là, et on fait référence, dans ce nouvel article, à des normes environnementales et au respect par les producteurs de ces normes environnementales. C'est la même chose à l'article 21, on fait référence, donc, au nouvel article qui est proposé, à des normes environnementales et au respect par les producteurs de telles normes.

Or, de quelles normes environnementales s'agit-il? S'agit-il de règlements? Si oui, lesquels? Qui va édicter ces normes? Ces normes ne risquent-elles pas d'être négociées à la pièce? Pourquoi créer un régime de protection de l'environnement particulier en matière d'assurance agricole en marge du régime administratif réglementaire établi sous l'autorité de la Loi sur la qualité de l'environnement? Le caractère vague et imprécis des normes à respecter en matière d'assurance récolte et d'assurance stabilisation reflète malheureusement le peu de crédibilité environnementale à accorder au projet de loi n° 184.

Comme le mentionnait avec justesse et avec à-propos Me Jules Brière dans son rapport, à la page 65, «toute proposition législative visant à modifier le régime de protection pour favoriser le développement des activités agricoles en zone agricole créera de l'inquiétude et sera mal accueillie si elle n'est pas présentée en même temps qu'un ensemble de mesures crédibles d'application des normes sur la réduction de la pollution d'origine agricole». L'approche écoconditionnelle en matière agricole, pour être crédible, exige le respect par les producteurs de normes environnementales prescrites soit dans une loi ou dans un règlement.

En conclusion et avant de céder la parole à Me Lorne Giroux, qui va nous préciser certains points sur la position du Barreau, le Barreau du Québec invite le législateur à viser un meilleur équilibre entre le droit de produire des agriculteurs, la protection de l'environnement et les droits individuels. Le projet de loi n° 184 n'atteint pas cet équilibre recherché en ce qu'il ne comporte aucune mesure crédible de protection de l'environnement et affecte injustement les droits individuels des citoyens, notamment au chapitre des droits acquis. Et, sans plus tarder, je cède la parole à Me Lorne Giroux.

M. Giroux (Lorne): Alors, Mme la Présidente, parce qu'il reste peu de temps qui m'est alloué, je voudrais simplement...

La Présidente (Mme Vermette): Me Giroux, sept minutes.

M. Giroux (Lorne): Merci beaucoup. Pour préciser certains des problèmes qui ont été soulevés par le Barreau, si les membres de la commission veulent bien aller à la page 2 de la lettre du bâtonnier, on a reproduit l'article 40, la modification apportée par l'article 2 à l'article 40 de la loi sur la protection du territoire agricole. Il y a une incohérence majeure dans cet article-là parce qu'il dit deux choses. Dans la première partie de l'article, on donne une exemption à l'égard des exploitants d'élevage avoisinants, on les exempte de l'application des règlements municipaux. Ça, c'est la première partie de l'article. Dans la deuxième partie de l'article, on leur donne une immunité à l'égard des poursuites à condition qu'ils respectent ces mêmes règlements municipaux à l'égard desquels on leur a donné une exemption dans la première partie. Cet article-là, il est incohérent et clairement contradictoire. Ça ne peut pas marcher.

Il y a également des problèmes majeurs qui se posent avec l'article 79.2 qui est reproduit à la page 3 de la lettre du bâtonnier. Alors, ici, on est encore en matière d'exemptions. On donne des exemptions à l'égard des règlements municipaux de zonage en ce qui concerne autant les usages autorisés, ce qui a toujours été l'essence du pouvoir municipal de zoner, que la question des distances séparatrices. Alors, il faut comprendre ici qu'est-ce qui va arriver à mesure que le temps va s'écouler.

n (10 h 30) n

Le principe du zonage, au Québec, repose sur le pouvoir réglementaire. Le pouvoir réglementaire, par définition, c'est l'édiction de normes générales et impersonnelles. Ce qu'on fait ici, c'est qu'on donne des exemptions particularisées à l'égard de certaines exploitations qu'on ne sera pas capable de définir clairement parce qu'on parle d'exploitations d'élevage sans dire lesquelles, et là les exemptions vont dépendre d'un certain nombre de facteurs: cas particuliers, à quelle date on a accordé un permis d'agrandissement...

Je ne sais pas si vous vous rendez compte. Qu'est-ce qui va se passer dans cinq, six, sept, huit, neuf, 10 ans, quand il va s'agir de savoir, notamment pour obtenir du financement, quand on va faire une recherche de titres, quand on va faire une vérification diligente, est-ce que l'exploitation agricole ou l'autre qui a obtenu un permis municipal est conforme au règlement? Ça va être impossible de le savoir en lisant le règlement et ça va dépendre de ce qui s'est passé historiquement sur le territoire. Et, comme l'article s'applique à chaque fois que quelqu'un obtient un permis pour un usage autre qu'agricole, au bout de cinq, six, sept, 10 ans, il va y avoir des problèmes sérieux dans la validité des titres et ça va avoir un effet, à notre avis, tout à fait négatif sur le commerce et les transactions immobilières. Je vous signale que ce problème-là s'est déjà posé dans la Loi sur la protection du territoire agricole, et ça avait amené, en 1985, l'adoption, l'ajout de l'article 100.1, parce qu'on avait des problèmes comme ça, d'insécurité juridique, qui perduraient depuis le début de la loi. Alors, ici, on crée encore des problèmes de même nature, et ces problèmes-là vont aller en s'aggravant avec le temps.

Je voudrais également signaler votre attention sur l'article 103.1, qui est ajouté par l'article 14, que vous trouverez à la page 5 de la lettre du bâtonnier. Ici, il y a des dizaines de milliers de citoyens au Québec dont les droits viennent d'être enlevés par le nouvel article 103.1. La philosophie qui a présidé à la mise en place de la Loi sur la protection du territoire agricole en 1978, c'était que, quand vous avez des droits acquis, la loi impose des restrictions très sévères. Ceux qui étaient sur le territoire à la date où la loi s'est appliquée disposaient de droits acquis. Et la philosophie qu'on a fait prévaloir à l'époque, c'est de dire: En ce qui concerne vos droits acquis, une fois qu'il a été acquis que la parcelle sur laquelle vous avez des droits acquis est protégée à l'égard de la loi, la Commission de protection du territoire agricole n'a plus à s'intéresser à ces questions-là, parce que la Commission doit s'intéresser à la protection du territoire agricole, elle n'a pas à s'intéresser à des questions qui relèvent des pouvoirs municipaux. Or, le changement d'un usage à l'autre, un usage autre qu'agricole à un autre usage autre qu'agricole, ça, ça relève des pouvoirs municipaux, et ces pouvoirs-là ont été exercés dans la réglementation de zonage.

Ce qui va être fait ici ? et il y a des dizaines de milliers de citoyens à qui on n'a pas encore annoncé la bonne nouvelle ? c'est qu'à l'avenir, quand ces gens-là vont vouloir exercer des droits qui leur sont accordés par la réglementation municipale, il va d'abord falloir qu'ils aillent devant la Commission de protection du territoire agricole et ensuite qu'ils aillent chercher leurs permis municipaux. Et, vous, qui vous préoccupez depuis plusieurs années de l'allégement réglementaire, je vous signale qu'il n'y a pas seulement des résidences qui sont protégées par droits acquis en zone agricole, il y a également des entreprises. Et, chaque fois que ces entreprises-là vont faire face à des changements d'usage ou qu'elles vont vouloir ajouter de nouvelles activités, elles vont être assujetties d'abord à aller devant la Commission de protection du territoire agricole, dont ce n'est pas la juridiction de s'occuper de questions de zonage local. Et, si jamais elles obtiennent une décision, qui va être purement discrétionnaire, ensuite elles vont devoir s'adresser aux autorités municipales.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, Me Giroux, votre temps étant terminé à tous les deux, à votre présentation... Alors, je suis convaincue que, lorsque le ministre va vous interroger, vous pourrez encore argumenter davantage sur ce que vous avez apporté comme réflexion. M. le ministre.

M. Trudel: Merci de votre présentation. Je vous annonce tout de suite ce matin que le projet de loi n° 184 ne sera pas retiré. Le projet de loi n° 184, visant à modifier la loi n° 23 pour sécuriser le développement agricole en zone agricole, ne sera pas retiré, il sera bonifié dans toute la mesure de nos connaissances et du possible.

Deuxièmement, je pense que je vais m'adresser à M. Sauvé: Est-ce que vous êtes à la veille de mettre sur pied au Barreau une école de réforme des avocats du gouvernement? Parce que là ça a l'air que, à vous écouter, là, tous les avocats du ministère de l'Agriculture, tous les avocats du ministère de la Justice, tous les avocats du Conseil exécutif, tous les membres du comité de législation, qui sont tous membres du Barreau du Québec...

Une voix: Pas Guy Chevrette.

M. Trudel: ... ? non, pas celui-là, sauf un ? tous pas capables d'écrire des lois, tous tout croches. Ça fait que là mettez-nous sur pied, au Barreau, une école de réforme des avocats de nos services juridiques parce qu'on ne sait plus comment faire les lois, nous autres, là.

Troisièmement, je ne comprends pas votre affirmation, vous, comme membres du Barreau, dire ici que ça ne suit pas les recommandations du rapport Brière, un, et, deuxièmement, que ça ne suit pas l'entente négociée avec Me Brière entre les municipalités et les producteurs agricoles du Québec. Qu'il y ait des ajustements au niveau de la traduction juridique, soit. Et vous pensez vraiment que le virage agroenvironnemental, il n'est pas commencé chez les producteurs agricoles puis qu'il n'y a pas d'accélération? Vous ne lisez pas les journaux? Vous ne regardez pas la télévision? Vous n'avez pas vu ça, vous autres, 1 000 personnes, 1 000 producteurs et productrices agricoles réunis à Québec, ici, qui ont dit qu'ils prenaient le virage puis l'accélération puis qu'ils vont accepter le travail d'écoconditionnalité, là? Aïe! on vit dans la même société, là. Comment vous justifiez que ça ne suit pas le rapport Brière? Puis on reviendra sur l'écoconditionnalité puis sur les droits acquis tantôt.

M. Giroux (Lorne): Je peux répondre à la dernière intervention, Mme la Présidente, si vous me le permettez?

La Présidente (Mme Vermette): Oui, Me Giroux, allez-y.

M. Giroux (Lorne): En ce qui concerne le rapport Brière, le rapport Brière fait le constat... Et Me Brière, vous le connaissez tous, on ne peut pas dire qu'il était préjugé lorsqu'il a commencé à étudier le dossier. Son constat, il est contenu dans la phrase qu'il y a à la page 6. Et la crédibilité environnementale dont on parle, elle est facile à évaluer, il suffit de lire le rapport du Vérificateur général de 1999-2000. Et le rapport du Vérificateur général constate des lacunes majeures et signale que, par suite de reports très généreux qui ont été accordés à l'application des normes environnementales, c'est clair et net que le virage agroenvironnemental, il n'existe pas encore dans les faits. Maintenant, remarquez bien, c'est possible d'ajouter à cette crédibilité-là, mais le problème de ce projet de loi là, c'est qu'il enlève des droits aux plus faibles pour les accorder aux plus puissants, et ça, on ne peut pas accepter ce principe-là à l'égard des principes démocratiques dans lesquels on évolue.

Deuxièmement, pour répondre à la question en ce qui concerne la formation des avocats, nous, au Barreau, on ne lit pas les communiqués de presse, on lit les textes de loi. Et, ici, c'est une loi qui émane du ministère de l'Agriculture, qui modifie allégrement des lois sur lesquelles d'autres ministères, normalement, devraient avoir un mot à dire, notamment en ce qui concerne le régime de contrôle intérimaire qu'il y a dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Et il y a des incohérences non seulement dans les articles, mais il y a également des incohérences entre les principes qui sont véhiculés par diverses lois.

En 1996-1997, l'Assemblée nationale, dans le projet de loi n° 23, a mis sur pied un cadre extrêmement rigide à partir des orientations gouvernementales, des paramètres pour descendre ça au niveau des règlements locaux d'urbanisme. On a clairement encadré le pouvoir municipal, notamment à l'égard de la question du contrôle des odeurs. Comment peut-on justifier aujourd'hui, après avoir encadré le pouvoir réglementaire des municipalités à partir d'une entente qui avait été faite entre des intervenants, qu'on accorde des exemptions individuelles à l'égard de ces normes réglementaires pour lesquelles on a mis sur pied un régime extrêmement contraignant en 1996-1997?

n (10 h 40) n

Et vous pouvez dire peut-être qu'en ce qui concerne l'argument classique, c'est de dire: On sait bien, lorsque les avocats se plaignent qu'on enlève des droits d'accès aux tribunaux aux citoyens, ils défendent leur propre territoire. Oublions la question des droits d'accès aux tribunaux. En vertu de quel principe peut-on dire que certaines catégories d'agriculteurs vont bénéficier d'exemptions à l'égard des règlements locaux d'urbanisme, ceux de l'article 40, puis d'autres catégories d'agriculteurs, dans la même zone agricole, qui vont avoir passé, pour construire une résidence, par des autorisations ne seront pas assujettis aux contraintes extraordinaires qu'il y a là? Et ce n'est pas équitable, à notre avis, d'enlever aux citoyens non seulement la protection des tribunaux, mais de leur enlever en plus la protection que les règlements municipaux adoptés par leurs élus sont censés leur accorder en matière d'aménagement. C'est dans ce contexte-là, Mme la Présidente, que nous croyons que le projet n'est pas acceptable dans cet état-là.

La Présidente (Mme Vermette): M. le ministre.

M. Trudel: Merci. Le projet de loi ne sera pas retiré, il sera bonifié avec tout ce qu'on a aussi dans notre environnement comme avocats. Il a entendu ça, lui aussi, ici aujourd'hui. Ils entendent tous ça et ils vont nous faire des recommandations en droit, j'imagine. Ils doivent avoir la même formation.

Et, deuxièmement, à l'égard du rapport Brière, vous dites qu'il n'y a pas de virage agroenvironnemental au Québec. Les producteurs, ils n'ont pas dépensé cette année 54 millions, là, pour rendre étanches et sans aucun écoulement les déjections animales? Il n'y a personne qui a investi 400 millions? Il n'y en n'a pas 4 000 qui sont membres de clubs agroenvironnementaux, qui paient pour ça? Ils paient, là. Ils paient, les producteurs puis les productrices agricoles, ils paient pour êtres membres d'un club puis s'engager un agronome, un spécialiste, un professionnel.

Ce que je comprends par ailleurs, c'est: lorsque vous êtes Lorne Giroux citoyen ? ça, je le prends quant à moi ? vous ne sentez pas ce virage, vous ne voyez pas, comme citoyen, qu'il y a un virage agroenvironnemental au Québec. C'est une partie, je pense, dont il va falloir s'occuper. Mais, dans les faits, il y a 5 000 producteurs qui ont tous payé pour faire des plans agroenvironnementaux de fertilisation signés par un professionnel avec une formation universitaire, un agronome membre d'une corporation avec un comité de discipline puis une responsabilité, comme quoi ils vont épandre sur leurs terres pas plus de telle quantité compte tenu de la capacité d'absorption du sol et de la plante. Ils ont tout fait ça, là. Puis, en plus, là, en plus, ils ont manifesté ouvertement non seulement la bonne volonté, mais le plan de travail.

C'est intéressant de lire aussi une excellente revue à toutes les semaines. Elle s'appelle La Terre de chez nous. J'ai regardé ça la semaine passée, là, dans les pages centrales...

Une voix: ...

M. Trudel: Non, prenez la page avant.

Une voix: ...

M. Trudel: Prenez la page avant, prenez les pages centrales. Ça, ça explique bien, bien des affaires de ce qui se passe dans le monde de l'agriculture au Québec. C'est pas mal intéressant. Vous allez voir qu'il y en a pas mal du virage agroenvironnemental. Je conclus là-dessus. Je conclus là-dessus en disant: Ce que vous nous donnez comme vision ? je la prends encore plus comme citoyen ? c'est qu'il faut que les productrices et les producteurs agricoles du Québec montrent plus visiblement tout ce qu'elles et ils font sur le plan environnemental pour que ce signal soit perçu.

Question. Vous posez la question: Quand le principe de l'écoconditionnalité... On n'a pas fait ça dans beaucoup de secteurs de production au Québec, là. Il faudrait les nommer, les autres secteurs de production qui ont accepté le principe de l'écoconditionnalité. C'est que tu bénéficies de l'aide à condition que tu respectes les normes. Vous dites: Quelles normes? Est-ce que vous pensez que ça devrait être les normes du ministère de l'Environnement, peut-être? Est-ce que vous ne pensez pas que l'on devrait respecter les normes du ministère de l'Environnement?

M. Giroux (Lorne): Oui, certainement, M. le ministre... Mme la Présidente, je m'excuse. Pour répondre au ministre, écoutez, je dirai deux choses là-dessus. La première norme qu'il faut respecter ? et c'est celle à laquelle sont assujettis tous les citoyens du Québec ? c'est de respecter les conditions du certificat d'autorisation qui a été délivré. Et un des gros problèmes à l'heure actuelle, et ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Vérificateur général, le Vérificateur général a fait une expertise: il y a à peu près 20 % des certificats qui ne sont pas conformes à la situation réelle en ce qui concerne les cheptels. Or, la grosseur des cheptels a une influence directe sur l'impact agroenvironnemental des déjections. Et la première chose que le Vérificateur dit: Pourquoi que les informations ne sont pas transmises au ministère de l'Environnement? Deuxième chose qu'il dit, c'est que le régime des inspections, à l'heure actuelle, à l'égard des entreprises qui sont le plus à risque est fondé sur le fait qu'il y a une inspection aux 15 ans. Et le Vérificateur général dit, avec raison: C'est insatisfaisant.

Deuxième aspect de notre réponse, ça concerne la convention de mise en oeuvre de l'écoconditionnalité. Ce qui nous préoccupe ici, c'est que le ministère de l'Environnement n'est pas partie à ça. Et nulle part là-dedans il n'est fait référence au respect des conditions des certificats d'autorisation. Il n'est même pas fait référence aux normes prévues dans le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole. Et, plus que ça, si vous regardez dans les conditions particulières, à la page 2 de l'entente, on parle des mesures prévues au plan agroenvironnemental de la production porcine de la Fédération des producteurs de porcs. Comment se fait-il que les citoyens du Québec, les citoyens ordinaires, sont assujettis aux règlements de l'environnement et qu'il y a une partie importante de l'industrie agroalimentaire qui a le privilège de s'assujettir à ses propres normes qu'elle a elle-même générées? Ce n'est pas cette règle-là. Ces principes-là, cette situation-là va à l'encontre du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

Et, en plus, dans un des engagements de cette entente-là, c'est qu'on va rendre l'aide conditionnelle avec les règles environnementales et les pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. Ce que Me Brière a demandé dans son rapport, c'est que cette même condition-là soit insérée dans la loi à l'égard des immunités de poursuite pour que ceux qui sont assujettis à des inconvénients majeurs qui sont susceptibles d'affecter la santé puissent au moins faire la preuve que l'immunité ne s'applique pas lorsqu'on n'a pas respecté des pratiques agricoles normales. Et on ne comprend pas pourquoi on serait capable de mettre ça dans une entente puis que ces soupapes-là, on ne les met pas dans la loi, on ne lit pas ça dans les articles qui sont proposés ce matin.

La Présidente (Mme Vermette): Deux minutes.

M. Trudel: À l'égard de quelles normes et quelles règles? Ce seront les normes, règles, lois, règlements du ministère de l'Environnement du Québec. Moi, ils m'avaient dit, les avocats, puis, à l'école de droit, ils leur montraient que, quand on prend les mots «règles environnementales», ça inclut les lois et les règlements. Je vais me corriger, puisqu'il faudrait dire: les normes, lois, règles, règlements du ministère de l'Environnement du Québec du gouvernement du Québec, c'est-à-dire respecter les lois. Puis il paraît que ça va de soi, ça, qu'il faut présupposer que les lois doivent être respectées? On va l'indiquer, on va le corriger. Ce n'est pas ça qu'ils m'avaient dit. C'est pour ça que je vous ai dit tantôt: Il faudrait les réformer en quelque part, là, pour qu'ils nous disent la même chose.

Deuxièmement, il y a une question de droit sur laquelle je veux avoir votre opinion. Hier, l'UQCN, l'Union québécoise de la conservation de la nature, nous a dit que la mise en place de l'écoconditionnalité devrait être basée sur le modèle américain, le modèle américain de l'écoconditionnalité. Alors, on nous a dit: Quand vous allez mettre ça en place ? dans leur mémoire ? le modèle américain de l'écoconditionnalité, c'est notre modèle, ça existe depuis 1986. Bon. Or, ce modèle, il a été contesté devant les tribunaux américains sur une base simple ? je n'exprime pas ça dans tous les termes de droit ? une base extrêmement simple, c'est: Vous ne pouvez pas restreindre le versement de quelconque aide gouvernementale et l'assujettir à des respects des normes de l'environnement, et les tribunaux ont donné raison aux producteurs qui étaient allés en appel.

Quand nous allons, au Québec, poser ce geste-là, pensez-vous qu'on est comme sécures, en droit, de dire: L'aide financière sera versée lorsqu'on respectera les normes, lois, règlements du ministère de l'Environnement du Québec?

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Vermette): Alors, Me Giroux, comme le temps est terminé du côté du ministre, je voudrais demander, avec l'autorisation, si on peut permettre de donner une réponse.

M. Trudel: ...la réponse.

M. Giroux (Lorne): Je vais être très modeste là-dessus, ma connaissance du droit américain, là-dessus, est inexistante. J'ajouterai une chose: En droit canadien... Il y a une différence importante entre le droit constitutionnel canadien et le droit américain. Il n'y a pas, chez nous, l'équivalent du 14e amendement dans la Constitution américaine, qui protège le droit de propriété. Chez nous, par exemple, il a toujours été admis que l'expropriation sans indemnité était constitutionnelle si la loi était claire.

Par ailleurs, il est reconnu, je pense, en droit administratif québécois et canadien, depuis longtemps, que celui qui verse une subvention a droit de mettre les conditions qu'il veut pour assurer le respect du droit d'obtenir la subvention. C'est d'ailleurs ce dont le gouvernement du Québec se plaint depuis longtemps lorsqu'il se plaint du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Je pense que vous savez de quoi je parle.

M. Trudel: Ils en dépensent beaucoup, eux autres.

M. Giroux (Lorne): C'est ça. Alors, par conséquent, à première vue, je ne vois pas en quoi ça poserait un problème. Maintenant, sous réserve de ma méconnaissance du droit spécifique là-dessus.

M. Trudel: Merci.

M. Paradis: J'aurais une question: Est-ce que le ministre pourrait... Ça fait deux jours qu'on fait référence à cette décision américaine. Est-ce qu'on pourrait soumettre, pour la connaissance des membres de la commission, les ou la décision qui va dans ce sens-là?

M. Trudel: On va continuer les recherches pour bien la documenter puis on l'enverra à l'opposition officielle.

La Présidente (Mme Vermette): Parfait. Alors, on en prend note. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Oui, merci bien. Alors, messieurs, bienvenue parmi nous. Tout d'abord, on salue votre présence parmi nous, parce que vous êtes quand même toujours considérés comme des gens assez neutres, vous ne représentez pas des intérêts industriels ni des intérêts environnementaux. Et ce qui est intéressant dans votre cas, c'est que vous vous basez toujours sur le fond de la raison pour laquelle nous sommes ici, soit écrire et rédiger des lois. Et ce qu'on voit en face de nous, c'est que le ministre semble oublier que justement on est en train d'écrire une loi, et trop souvent il fait référence à des politiques gouvernementales, à des directives, à des règles. Mais, dans la vraie vie, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est qu'on fait un exercice de rédaction de loi, et, si on l'avait fait correctement en 1996 ? j'imagine que vous aviez participé en 1996 au même débat ? on ne serait pas ici aujourd'hui.

Dans vos propos, messieurs, vous êtes quand même assez durs à l'égard du ministre et de sa position. Vous dites: Le projet de loi doit être retiré. Vous faites mention d'incohérence. Vous dites que ça va amener un régime juridique complexe, une validité des titres difficilement atteignable. Et vous dites qu'au niveau environnemental c'est quand même assez loin de ce que M. Brière demandait.

Juste peut-être pour nous resituer, M. Brière, dans la conclusion de son rapport, disait, et c'est sa dernière phrase: «Sans intervention majeure en agroenvironnement, il m'apparaît illusoire de penser régler les problèmes d'application de ce régime sans perturber la paix sociale en milieu rural.» Selon vous, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 23 en 1996, depuis le rapport Brière en l'an 2000, est-ce que le gouvernement du Québec s'est vraiment penché à justement mettre un cadre réglementaire par des lois et des règlements afin justement d'encadrer ce problème que nous avons au niveau de la pollution?

M. Giroux (Lorne): Bien, il y a deux aspects, si vous me permettez, qu'on aimerait relever ici. Le premier aspect, c'est que nous ne croyons pas ? et ça, c'est au plan des principes, si vous voulez, quasiment au niveau philosophique ? que l'octroi d'immunité à l'égard des règlements ou de droit de se soustraire à l'autorité des tribunaux, c'est de nature à amener la paix sociale dans les campagnes. Ce n'est pas par des moyens comme ça qu'on va amener la paix sociale. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que les moyens qui ont été pris sont d'une complexité telle que seulement comprendre le système, ça demande des efforts... Même pour moi ? j'enseigne le droit de l'environnement depuis maintenant 15 ans ? comprendre le régime, c'est extraordinairement difficile parce qu'il y a tellement de ramifications. Et, c'est quand même fantastique, ce serait possible pour le gouvernement du Québec, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, de les édicter lui-même, les distances séparatrices. Ce serait possible d'adopter un règlement sur la poussière, d'adopter un règlement sur le bruit. Il y a déjà eu un projet de règlement sur le bruit qui a circulé, qui a été prépublié, il n'a jamais été adopté, ça fait plusieurs années. Ce qu'on a fait plutôt, c'est qu'il y a une hypocrisie fondamentale dans le régime qui dit: On va le laisser aux municipalités, on va laisser aux municipalités ces questions-là, mais, en même temps, on encadre tellement leur marge de manoeuvre que les municipalités ne peuvent faire que ce que le gouvernement veut bien qu'elles fassent. Ça serait moins hypocrite, moins complexe que de dire: Faites-en donc un règlement, puis tout le monde va s'assujettir à ce règlement-là. Là, on a un système d'une complexité inouïe.

Et l'autre phénomène aussi, un phénomène, à notre avis, qui est assez troublant, c'est que le Règlement sur la prévention de la pollution d'origine agricole a été édicté en 1997. Il a été amendé trois fois, depuis, et trois fois pour prévoir des reports d'obligations et des réductions de normes. Deux fois, là-dedans, il a été amendé alors que ceux qui devaient être assujettis ont eu accès à l'autorité réglementaire, puis après ça on a dit: On n'a pas le temps de le prépublier, de telle sorte que le public n'a eu aucun mot à dire. La première chose qu'on a sue, c'est que les modifications étaient faites. Alors, si on baisse les normes systématiquement, a-t-on besoin d'accorder des immunités comme ces projets de loi en prévoient? C'est, nous autres, la question qu'on se pose, et c'est pour ça qu'on dit: Ce n'est pas nécessaire d'aller à des moyens comme ça pour atteindre la paix sociale. Ça ne peut qu'exacerber les contradictions et les chicanes dans les zones de campagnes.

M. Whissell: Alors, si je comprends bien ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi qui est en face de nous ne réglera en rien la tension, présentement, qui se vit dans les campagnes, dans la cohabitation rurale-urbaine.

M. Giroux (Lorne): Simplement, ça va donner l'impression à ceux qui vivent dans les campagnes qu'il y a un déséquilibre des forces entre des groupements qui sont très puissants puis d'autres qui sont désorganisés. Et il y a des exemples récents qui le démontrent clairement.

M. Whissell: Au niveau des droits acquis ? c'est un aspect important de la loi ? toute la question du droit d'usage, si on a bien compris, bien, avec la loi actuelle, le droit est consenti à l'utilisation à une fin autre qu'agricole et ça arrête là. Avec la loi, on veut maintenant extensionner le droit acquis à un usage spécifique.

M. Giroux (Lorne): Oui, si vous voulez, on dit: Votre droit acquis, il est gelé à ce qu'il y avait... à l'utilisation que vous avez. Bon.

M. Whissell: Pour un usage spécifique.

M. Giroux (Lorne): En pratique, ça veut dire que, si vous voulez changer votre usage, vous devez aller devant la Commission de protection du territoire agricole. Nous, on dit: Ce n'est pas le rôle de la Commission de protection du territoire, parce que, à partir de moment-là, il n'est plus question de protection d'agriculture.

M. Whissell: Au-delà de l'implication législative que ça entraîne, est-ce que vous pouvez nous dire l'impact social, économique que ça peut entraîner? Je pense au niveau des financements, au niveau des successions, au niveau d'un paquet de choses. Qu'est-ce que ça peut amener ? des exemples concrets de problèmes qui pourront survenir ? au-delà d'avoir à aller devant la Commission?

M. Giroux (Lorne): Bien, en pratique, c'est que, à l'heure actuelle, étant donné que ce sont les règlements municipaux qui s'appliquent ? toujours encadrés par les orientations, il ne faut jamais oublier ça ? à l'heure actuelle, le citoyen a un élément de prévisibilité, de sécurité. Il va à la municipalité, il regarde le règlement, il sait à l'avance ce qui peut être fait puis il sait à l'avance ce qui est défendu. Là, maintenant, il va se ramasser devant la Commission, qui est un organisme qui rend des décisions discrétionnaires au cas par cas, et le citoyen sera incapable de planifier ses activités, à moins d'être allé devant la Commission puis de s'être fait refuser ou de s'être fait accorder une permission. Et alors donc, c'est deux autorisations pour la même opération et une autorisation à l'égard de laquelle on est dans un régime discrétionnaire. Nous trouvons que c'est abusif.

M. Whissell: Mais, comme au niveau des institutions prêteuses...

n (11 heures) n

M. Giroux (Lorne): Bien là, évidemment, vous ne pouvez pas le planifier d'avance, vous devez aller devant la Commission, puis là la Commission... Et, assez curieusement, si vous regardez les critères sur lesquels se base la Commission, ce sont tous des critères qui visent à protéger l'agriculture. Comment la Commission va appliquer ces critères-là? Si vous avez déjà un droit acquis, par exemple, à un salon de coiffure puis que vous voulez le changer en dépanneur, qu'est-ce que la Commission... comment elle va appliquer les critères de l'article 62 à cette question-là? C'est une question qui a toujours relevé des autorités municipales, puis on ne voit pas pourquoi ça ne devrait pas continuer comme ça.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. Tout simplement pour leur préciser, je suis membre du Barreau, Mme la Présidente, pour les membres de la commission.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Je vais immédiatement interpeller Me Giroux en lui disant que je trouve que le Barreau va loin lorsqu'il parle du retrait du projet de loi. Que le projet de loi se doive d'être corrigé de façon majeure, je pense que ça s'impose. Mais, lorsqu'on suit le débat et du côté agricole et du côté environnemental au Québec, on se rend compte que la situation commande des ajustements législatifs qui sont importants.

Je sais que vous n'étiez pas là hier lorsque, entre autres, deux jeunes de la relève agricole ont témoigné, hier matin. Quand on parle de rapport de force, là, il y en avait un qui voulait simplement modifier son exploitation agricole sans ajouter de charge polluante, puis il n'a pas été capable de le faire. Dans l'autre cas, bien, il y a six voisins qui ont signé puis il y a un septième voisin qui voulait du cash, puis le rapport de force n'était pas en faveur du jeune qui voulait s'établir. Ça, je pense qu'il faut le comprendre et que, lorsqu'on parle du droit de produire, il s'agit d'un engagement politique des principales formations politiques au Québec et à l'occasion de la campagne électorale de 1994 et à l'occasion de la campagne électorale de 1998. Puis le tribunal suprême des politiciens, bien, c'est le peuple à l'occasion d'une élection. Puis je pense que cette volonté-là, elle est reconnue dans la population.

Maintenant, vous avez, dans votre mémoire ? et je réfère particulièrement à la page 4, Me Giroux ? un élément qui peut nous amener, comme législateurs, à nous interroger. Quand vous habitez en zone agricole, vous avez des avantages et vous avez à subir certains inconvénients. Parfois, ils sont moindres que si vous habitez proche d'une raffinerie ou proche d'une papetière, mais il y a certains inconvénients. Là où vous devenez intéressants... Et je veux que vous m'assuriez que les immunités contre les poursuites pour les producteurs qui pratiquent leur profession d'agriculteur en zone verte en bons pères de famille ou en bonnes mères de famille, si je peux m'exprimer ainsi... Je pense que vous n'avez rien contre ça. C'est pour ceux qui abusent et qui polluent intentionnellement, vous ne voulez pas qu'il y ait d'immunité qui leur soit prêtée sur le plan juridique. Est-ce que j'ai bien compris là le sens de votre intervention?

M. Giroux (Lorne): Je vais répondre en mon nom personnel parce que, votre question, je n'ai pas consulté mon bâtonnier ni le conseil général. Je vous dirai ceci. Moi, personnellement, le mot «immunité», c'est un mot qui me hérisse. Et il faut comprendre que, sur ces questions-là ? et ça a été dit à plusieurs reprises, mais c'est souvent oublié ? il y a eu une étude qui a été faite par Me Michel Bélanger, il y a à peu près cinq ans, de l'ensemble de la jurisprudence avant que ces immunités-là ne soient insérées dans la loi, et l'étude révélait que, contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises, les tribunaux ont une attitude tout à fait nuancée à l'égard du partage respectif des responsabilités et des devoirs de chacun en ce qui concerne les inconvénients. C'est pour ça que les immunités, moi, j'ai un problème avec ça.

Mais supposons qu'on va plus loin. Là où ça va plus loin même que l'entente avec la FQM, c'est que l'entente avec la FQM, elle accordait des droits bien précis de s'extensionner dans certaines limites. L'article 40 et l'article 79.2 ici, ce n'est pas ça, c'est infiniment plus loin que ce qui avait été convenu. On donne des exemptions «at large» non seulement à l'égard du règlement municipal de zonage, mais je vous signale que, dans le cas de l'article 40, c'est tous les règlements municipaux. Et ça, ça n'a jamais été convenu entre la FQM et l'UPA. Et, en plus de ça, je vous mets au défi de savoir qu'est-ce que c'est qu'une exploitation d'élevage avoisinante. À partir de quel moment «avoisinant», c'est suffisamment près pour être capable de faire un débat équilibré? Ça, pour nous, c'est la preuve que ça va bien au-delà de ce qu'il y avait dans l'entente.

Maintenant, jusqu'ici, M. le député, la loi de 1997, elle disait: Il y a des immunités. On est tout seuls au Canada où il n'y a pas de soupape, une soupape qui est la limite de ce qui est raisonnable, des activités conduites suivant une méthode normale. Donc, et c'est ce que Me Brière a dit, ce n'est pas nous qui le disons, il a dit: Le régime québécois va jusqu'à protéger la mauvaise foi; dans ce contexte-là, il est inacceptable. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est écrit dans le rapport Brière.

M. Paradis: Et, si je comprends bien, vous nous encouragez à regarder ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes que vous citez, là, l'Ontario, la Colombie-Britannique, le Manitoba...

M. Giroux (Lorne): Oui. Dans les...

M. Paradis: ...qu'on protège l'agriculteur contre des poursuites futiles...

M. Giroux (Lorne): Voilà.

M. Paradis: ...contre du harcèlement, mais que celui qui pollue fasse face aux conséquences.

M. Giroux (Lorne): Voilà. Et c'est le Right to Farm Act de toutes les provinces, celles qui l'ont adopté. Il y a toujours cette soupape-là qui n'existe pas ici.

M. Paradis: Deuxième élément sur lequel mon collègue d'Argenteuil est intervenu tantôt ? puis je voudrais une clarification parce qu'il y va, je pense, de l'intérêt de la classe agricole, des agriculteurs et des agricultrices, et de la validité des titres comme tels: la certitude du titre compte tenu des dates réglementaires. Je pense qu'on connaît assez bien ? il y a des députés qui sont cultivateurs, de l'autre côté ? la classe agricole pour savoir qu'ils détestent l'imprécision, qu'ils détestent les choses qui ne sont pas claires puis que, quand, ils cèdent, qu'ils vendent, qu'ils agrandissent ou qu'il faut qu'ils passent chez le notaire, ils ne veulent pas aller se promener à la Commission de protection du territoire agricole puis un peu partout. Ce que vous nous recommandez finalement, c'est de se faire une idée claire puis de mettre un règlement qui s'applique à l'ensemble de la classe agricole.

M. Giroux (Lorne): Exact. Et c'est très dangereux, en ce qui nous concerne. Si on oublie les droits acquis, si on regarde l'article 79.2, c'est très dangereux de mettre des exemptions qui sont formulées en termes généraux mais qui ne se rattachent à... On n'a, si vous voulez, aucune trace documentaire de ça et on n'a fait que pelleter dans le futur des incertitudes qui vont finir par coûter cher, et ça, strictement au plan économique, sans tenir compte des questions philosophiques d'immunité.

M. Paradis: Très bien. Ça va.

La Présidente (Mme Vermette): Ça va? Alors, je vous remercie. Cela met un terme à nos échanges. Je demanderais, à ce moment-ci, au groupe de la Coalition «Sauver les campagnes» de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 13)

La Présidente (Mme Vermette): Comme je constate que nous avons quorum, nous allons reprendre nos travaux. D'abord, bienvenue aux membres de la Coalition «Sauver les campagnes». Alors, j'aimerais bien que vous vous présentiez, ainsi que le représentant du groupe. Vous êtes monsieur...

Coalition « Sauver les campagnes »

M. Bouchard (Roméo): Roméo Bouchard.

La Présidente (Mme Vermette): Bouchard. Voilà.

M. Bouchard (Roméo): Mon nom est Roméo Bouchard, je suis agent de développement rural à Saint-Germain-de-Kamouraska. Je vous remercie de nous accueillir. J'ai avec moi, pour répondre aux questions, M. Maxime Laplante, de Sainte-Croix-de-Lotbinière, qui est agronome et agriculteur, et Mme Élise Gauthier, de Saint-Honoré, au Saguenay, qui est spécialisée en gestion environnementale.

La Coalition «Sauver les campagnes» rejoint des groupes de citoyens dans plus de 75 villages dans toutes les régions du Québec actuellement. Pour la plupart, ces citoyens vivent des conflits de cohabitation dramatiques avec des mégaprojets et des pratiques agricoles industrielles récentes qui perturbent l'équilibre du milieu rural et exigent une révision importante des politiques et des règles qui encadrent la pratique de l'agriculture moderne. Donc, nous travaillons avec des gens qui vivent les conflits de cohabitation sur le terrain.

Le projet de loi n° 184 qui est devant nous, d'après nous, ne réglera aucun de ces problèmes de cohabitation, de développement et d'environnement rural. Au contraire, il risque bien davantage de les aggraver. En effet, ce projet de loi est calqué sur les irritants de la loi n° 23 dénoncés par les producteurs agricoles et sur l'entente qu'ils ont arrachée aux maires de municipalités rurales, sur lesquels ils exercent d'ailleurs des pressions locales quotidiennes, et ces revendications des producteurs agricoles ne visent qu'à réduire les contraintes environnementales et les réglementations municipales qui pourraient ralentir ou limiter l'expansion d'élevages et de cultures industrielles et concentrées.

Ce projet de loi ne tient pas compte des irritants des citoyens directement concernés par ce développement nouveau de l'agriculture qui menace, comme l'ont démontré plusieurs rapports, la qualité de l'eau potable, la qualité des aliments, la survie des campagnes, de leurs sols, de l'agriculture véritable, de la ruralité, en un mot, l'occupation dynamique et diversifiée du territoire.

Le premier point qu'on veut souligner, c'est la question de la protection de l'eau et de la santé publique. Le projet de loi n° 184 favorise l'agrandissement des fermes et l'expansion des élevages sans référence précise à la capacité de support des sols et des milieux et même lorsqu'elles dérogent aux règlements que les élus et les populations locales croient nécessaires pour protéger leur milieu. En d'autres mots, le projet ne donne pas de garanties nouvelles pour protéger l'eau et la santé.

Le projet énonce bien sûr le principe de l'écoconditionnalité dans le financement agricole, mais, comme il ne donne aucune indication ni assurance sur la façon de le mettre en oeuvre ? ça nous est arrivé la veille de la commission, donc on a eu juste le temps de voir que ça avait été fait très rapidement sans explorer l'ensemble du problème ? on ne parle pas d'une révision, pour nous, indispensable des normes actuelles de réduction de la pollution d'origine agricole, alors ce principe-là risque fort de rester lettre morte et de ne servir qu'à faire taire les citoyens inquiets pour l'environnement.

Les normes actuelles, en effet, sont inadéquates pour combattre efficacement la pollution agricole à la source. D'abord, elles reposent en grande partie sur des distances séparatrices qui ne sauraient contrer la pollution. Si un projet pollue, ce n'est pas en le reculant de 100 m qu'il va arrêter de polluer.

Quant aux plans de fertilisation, qui en sont le pivot central, ils sont confectionnés et appliqués par les producteurs eux-mêmes ou des experts à leur solde. Ils sont des outils conçus pour maximiser la fertilisation et le rendement des cultures, mais ils ne garantissent pas contre les surplus d'azote et de phosphore dans les territoires ruraux pris dans leur ensemble. Ils sont un mécanisme d'autogestion et non de contrôle et ne remplacent pas une évaluation de la capacité de support des territoires.

L'analyse de quatre plans de fertilisation acceptés par le ministère de l'Environnement en support à l'autorisation d'une mégaporcherie à Saint-Germain de Kamouraska illustre bien le peu de fiabilité de ces plans. L'analyse a, en effet, révélé des erreurs totalisant près de 1 000 tonnes métriques de fumier et plus de 75 hectares d'espaces d'épandage. Le ministère de l'Environnement reconnaît lui-même l'impossibilité de se servir des plans de fertilisation dans une contestation juridique.

Enfin, dans la situation actuelle des règlements et pratiques de l'environnement, les normes sont contrôlées essentiellement sur la base de plaintes, comme si le monde rural devait se transformer en société de délateurs où chacun dénonce son voisin. Mais les voisins n'ont pas le pouvoir de contrôler les épandages ou le nombre d'animaux dans les étables. La plupart des données concernant une entreprise sont classées confidentielles. Les projets sont présentés et approuvés en secret, à l'insu des citoyens. Et, pour finir, les amendes sont déductibles d'impôt pour les entreprises.

En réalité, malgré des normes que l'UPA qualifie des plus sévères au monde et prétend respectées par les producteurs, les régions en surplus se multiplient. Des quantités croissantes d'azote, de phosphore, de nitrate, de pesticides et de produits chimiques de toutes sortes rejetés dans les cours d'eau qui jalonnent les terres agricoles et rejoignent les nappes d'eau, les médicaments, antibiotiques, hormones, farines carnées, aliments transgéniques qu'on donne aux animaux pour augmenter la production, toutes ces substances qui s'accumulent et que nous absorbons sont de véritables bombes à retardement pour la santé humaine. Sans parler de la vache folle ou de Walkerton.

Une étude de 20 puits privés et de l'eau de l'aqueduc à Saint-Germain de Kamouraska vient de révéler des taux de nitrate importants et croissants dans tous les puits situés en aval de terres agricoles modernes. Et pourtant on vient d'y autoriser une mégaporcherie de 2 500 places et on s'apprête à y autoriser une mégavacherie de 400 vaches sur lisier également. Soixante-dix-sept nouveaux projets de porcheries jugées conformes sont autorisés dans Chaudière-Appalaches, une région dont on ne doute plus qu'elle comporte des surplus désastreux. Et on veut nous faire croire que les PAF sont une garantie contre les surplus. Des études récentes au Saguenay?Lac-Saint-Jean suggèrent déjà de troublantes coïncidences entre la fréquence d'anomalies congénitales et les zones de production agricole intensive, notamment la pomme de terre, et ce ne sont là que des premiers signalements.

Il faudrait être naïf pour croire que ce sont des producteurs de plus en plus anonymes, étrangers au milieu rural et pressés par les impératifs de la rentabilité et de la compétition qui vont garantir un usage sécuritaire de tous ces produits dont on est peu au fait des conséquences. En d'autres mots, pendant que, d'une main, on oblige les citoyens à dépenser des sommes importantes pour assainir l'eau au robinet, de l'autre main, on multiplie les mégaélevages et les cultures spécialisées qui polluent l'eau à la source.

n (11 h 20) n

Rien dans le projet non plus à propos de toute l'agriculture... les gros exploitants, là, puis le fait qu'on a des politiques qui ne favorisent que les grosses entreprises et qui éliminent systématiquement les petites. Tant qu'on ne manifestera pas une volonté concrète de freiner ce modèle de développement agricole et de contrer les impacts dangereux des pratiques industrielles récentes, tant qu'on ne fera pas en sorte qu'il ne soit plus payant de polluer, il serait irresponsable d'élargir encore davantage, comme le propose le projet de loi, les opportunités d'agrandissement et de concentration des entreprises agricoles dérogatoires. Et les conflits sociaux déchirants vont continuer à se multiplier dans les villages, ça, c'est certain.

Deuxième point, freiner le dépeuplement et la déstructuration des régions rurales. Un des effets majeurs de la nouvelle vague d'industrialisation et de concentration en agriculture comme en foresterie, c'est la diminution du nombre d'entreprises et du nombre d'emplois, donc l'accélération du dépeuplement et de la dégradation des régions rurales. On prévoit que chacune des six régions dites à ressources perdra entre 20 000 et 30 000 habitants au cours des 15 prochaines années et jusqu'à 40 % de ses jeunes. En termes concrets, pour vous, Mmes et MM. les députés, cela veut dire la disparition d'un comté par région.

J'étais à Montréal en fin de semaine et j'étais tout surpris de voir des jeunes partout, dans la rue, dans le métro, au cinéma. Chez nous, il n'y en a plus de jeunes. Le projet de loi ignore cette situation dramatique qui touche plus de un million de Québécois et, au contraire, renforce l'exclusion des usages autres qu'agricoles dans les zones rurales en processus de dépeuplement et de décroissance. La priorité accordée aux activités agricoles en zone verte ? de plus en plus industrielles, d'ailleurs ? devient en pratique une exclusivité et une sorte de monopole qui aggravent rapidement la désertification des régions rurales, surtout en l'absence évidente d'une volonté de développer les régions, de diversifier leur économie et de promouvoir une occupation dynamique du territoire périphérique, comme en fait foi l'abandon du projet d'une véritable politique de la ruralité plutôt que des soins palliatifs pour les régions.

Les campagnes se vident. C'est parfait pour les porcheries, c'est parfait pour les silos à grain, pour les poulaillers. Ça va finir par faire fuir ceux qui restent ou ceux qui auraient l'idée d'y revenir. De toute façon, l'avenir est en ville. Compte tenu de l'industrialisation rapide de l'agriculture, nous croyons, au contraire, que, si l'on veut éviter de transformer rapidement la campagne québécoise en un vaste parc industriel, cette priorité aux activités agricoles doit être appliquée différemment dans les régions en décroissance de façon à rendre possible le maintien de l'agriculture de subsistance des petites exploitations agroalimentaires génératrices d'emplois et la diversification de l'économie rurale, notamment par l'écotourisme et le tourisme culturel. Les articles 61, 62, 65 de la loi n° 23 ? le fameux 61 en particulier ? doivent être révisés et réinterprétés dans ce sens.

La vocation des régions-ressources n'est pas d'abord le multimédia ou la nouvelle économie, comme on se plaît à le dire, mais bien plutôt dans une utilisation diversifiée de leurs ressources locales, notamment de l'agriculture, en fonction de leurs communautés et non pour le seul profit de quelques grandes productions industrielles d'exportation.

Troisième point, brièvement, respecter le droit des populations locales et de leurs élus à réglementer pour protéger et aménager leur territoire et arbitrer la cohabitation des usages et usagers sur leur territoire. C'est sur ce point plus particulièrement que le projet de loi risque de compromettre gravement la paix sociale en milieu rural. Pour satisfaire les demandes de l'UPA et faire cesser ces mesures de représailles, le gouvernement, dans son projet de loi, accepte de neutraliser et de bâillonner les autorités municipales mandatées par les citoyens et de laisser le champ libre à un développement agricole qui menace l'équilibre social, économique et écologique du milieu rural.

La dépossession des municipalités et des MRC de leur pouvoir réel d'aménager est habilement camouflée. D'une main, on semble maintenir les pouvoirs des MRC et des municipalités d'aménager, de zoner, de réglementer sur les odeurs dans les schémas d'aménagement auxquels les municipalités avaient deux ans pour s'ajuster dans ce qui prévalait. Mais, de l'autre main, on retire en pratique ces pouvoirs: en autorisant les MRC à dicter un règlement de contrôle intérimaire indépendant du schéma d'aménagement; en autorisant les MRC à suspendre l'application des règlements municipaux incompatibles avec un tel règlement de contrôle intérimaire; en contrôlant sévèrement le contenu des schémas d'aménagement par des avis gouvernementaux obligatoires qui suppriment tout ce qui ne fait pas l'affaire des différents ministères et de l'UPA, qui d'ailleurs domine sur les comités consultatifs agricoles obligatoires dans chaque MRC; en astreignant aussi les autorités municipales à respecter des directives sur les distances séparatrices et autres paramètres qui ne laissent pratiquement aucun jeu pour tenir compte des particularités locales ? ça a été mentionné tout à l'heure par Me Giroux.

Le travail considérable consacré par le personnel des MRC pour mettre au point des schémas d'aménagement qui tiennent compte de la réalité et des défis auxquels ils sont confrontés dans plusieurs régions en décroissance se trouve ainsi annulé, pour ne pas dire ridiculisé et bafoué par une armée de fonctionnaires qui obéissent, de leur propre aveu, aux pressions qu'exerce l'UPA sur les dirigeants politiques. Or, c'est le pouvoir local qui est le garant le plus sûr de la protection et de la vitalité de nos campagnes dans le respect de l'ensemble des citoyens qui y habitent. Ce pouvoir mérite plus d'espace pour exercer son mandat de développement local et de protection de leurs citoyens et de leurs territoires. Le gouvernement central doit les soutenir et non les bâillonner, car, en les bâillonnant, ce sont les citoyens eux-mêmes qu'on bâillonne pour laisser toute la place aux nouveaux barons de la campagne.

C'est pourquoi nous soutenons que les projets majeurs qui affectent le milieu devraient faire l'objet d'un référendum décisionnel dans la municipalité concernée. Nous considérons que les dispositions du projet de loi à cet égard sont inacceptables et vont continuer à provoquer la colère des citoyens et la désobéissance ouverte de leurs élus municipaux, avec l'odieux qui s'ensuivra pour l'UPA et le gouvernement d'accabler les citoyens et leurs municipalités de poursuites judiciaires coûteuses et honteuses pour tenter de les écraser.

Quant à nous, nous n'aurons d'autre choix que de soutenir les municipalités et les citoyens rebelles. Le pays et la démocratie existent d'abord sur le territoire et non uniquement dans les bureaux du gouvernement et des producteurs. Le pouvoir d'aménagement de la municipalité et des MRC doit être non seulement maintenu intégralement, mais il doit être élargi, dégagé d'encadrements paralysants et de structures de lobby agricole telles que les comités consultatifs agricoles et autres tables supposément de concertation.

Sur ma conclusion, il me reste...

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste une minute.

M. Bouchard (Roméo): O.K. Conclusion et recommandations. Le présent projet de loi nous apparaît donc totalement inadéquat pour résoudre les problèmes de cohabitation que posent les développements agricoles industriels en cours. Ce projet de loi, qui répond aux seuls irritants de l'UPA et ne tient pas compte des irritants des citoyens et des municipalités rurales, consacre le choix du gouvernement de céder les campagnes à un groupe particulier de producteurs. Nous nous opposons à son adoption et à tout amendement. Il faut recommencer à zéro ou plutôt par le commencement, c'est-à-dire qu'avant de proposer un nouveau régime agricole le gouvernement doit, selon nous, plutôt que de tenir des sommets de décideurs à Saint-Hyacinthe avec ses partenaires d'affaires, consulter l'ensemble des citoyens et ouvrir un large débat sur le type d'agriculture et le type de campagne et de ruralité dont nous avons besoin pour l'avenir. À l'exemple du Conseil de l'Europe, de l'Allemagne et d'autres pays, il doit commencer à réinventer l'agriculture et la campagne de demain.

Je m'excuse, c'est un peu dru, là, mais on va se décramper dans les questions.

La Présidente (Mme Vermette): Vous allez avoir les échanges qui vont favoriser, en fin de compte, justement. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Bien, merci de votre présentation. Ça a le mérite d'être extrêmement campé, extrêmement clair et d'amener à la réflexion. Alors, on va y réfléchir comme il faut. Et, c'est assez clair, je n'ai pas de questions.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, ça va être... Vous êtes durs, vous l'avez dit vous-même, M. Bouchard. Vous parlez d'un projet de loi qui répond aux seuls irritants de l'UPA et ne tient aucun compte des irritants des citoyens et des municipalités rurales. Moi, comme législateur, j'ai eu la possibilité d'entendre les représentants des municipalités rurales de la Fédération québécoise des municipalités, qui avaient des réserves quant au projet de loi, ils ne l'endossaient pas complètement, mais ils ont dit que, dans une entente, il fallait, des fois, faire des petits compromis pour des gains. Puis, une entente à deux, ce n'est jamais tout ce que tu veux. Mais est-ce que ces représentants des maires là, est-ce que ces maires-là, selon vous, se sont fait duper, se sont fait avoir, n'ont pas été capables de voir ce qu'il y avait dans l'entente?

n (11 h 30) n

M. Bouchard (Roméo): Bien, d'abord, la FQM, ce n'est pas tous les maires. Et puis la FQM a visiblement fait son nid avec l'UPA, parce que ce sont des maires de municipalités rurales qui ont affaire à des comités consultatifs agricoles chez eux, qui subissent quotidiennement des pressions des agriculteurs et qui savent ce que ça veut dire. Alors, quant à nous, la présence de la FQM dans ce débat-là, c'est une affaire justement pour faire avaler la pilule, parce que ça n'a pas une valeur exhaustive de ce que veulent les citoyens, de ce que veulent les municipalités. C'est dur, c'est certain, ce qu'on dit là, mais, nous, on est des groupes de citoyens que ça fait... Chez nous, ça fait deux ans et demi qu'on se bat et qu'on passe à travers des choses épouvantables là-dessus. C'est pour ça que le discours de la FQM, quant à moi, le gouvernement ne devrait pas se satisfaire de se cacher derrière cette affaire-là, parce que ça ne représente pas les citoyens.

M. Paradis: Moi, je ne doute pas que vous ayez passé à travers des choses épouvantables, mais on a eu des témoignages également hier puis on va en avoir d'autres demain, à ce qu'on peut prévoir, d'agriculteurs qui, également, sont passés à travers des choses épouvantables. Puis ici, là, il n'y a personne qui recherche d'autres choses que l'équilibre.

Il y a un aspect de votre mémoire qu'on ne peut pas passer sous silence parce qu'on le vit ? puis je dois reconnaître que là-dessus vous avez raison ? c'est ce qu'on appelle les gens qui quittent les régions. On perd des comtés, là. On est en révision de la carte électorale présentement. C'est tout le monde régional qui s'affaiblit lorsqu'il y a une perte de comté, lorsque la population déménage en ville, comme vous le dites. Ça, c'est un élément sur lequel vous avez raison. Mais est-ce que vous êtes contre le fait que l'agriculture représente 10 %, finalement, des impacts économiques, des...

Une voix: 12 %.

M. Paradis: ... ? 12 %, on me dit de l'autre côté, je n'exagère pas en disant 10 % ? de l'impact économique et que les gens qui sont sur des fermes, ils élèvent des familles, ils envoient des enfants à l'école? C'est ça qui fait partie de l'équilibre des collectivités. Moi, je représente un comté qui compte 33 municipalités rurales, puis on n'a pas toujours la paix sociale complète, là, mais on tente de favoriser une cohabitation entre les agriculteurs qui veulent pratiquer une agriculture respectueuse de l'environnement, les résidents qui travaillent dans des PME autour puis beaucoup de villégiateurs, de plus en plus, qui nous arrivent de Montréal ou d'ailleurs les fins de semaine. Puis là il faut gérer ça, comme législateurs, puis s'assurer que l'économie fonctionne bien, notre vie collective, nos enfants dans les écoles, que tout fonctionne bien puis que nos villégiateurs, finalement, reviennent, ils ne soient pas trop incommodés. Les solutions miracle ne sont pas faciles. Sauf qu'on vous suit quand on vous dit qu'on ne réussira pas à le faire de façon complète si on ne prend pas un virage qui soit marqué par l'agroenvironnemental. Mais, sur la démographie, moi, j'aimerais vous entendre, parce que c'est alarmant, ce que vous nous dites.

M. Bouchard (Roméo): C'est-à-dire je vais demander à Maxime de répondre, là. Mais disons que les données démographiques, elles sont là puis elles sortent dru ces derniers mois. Alors, le souci, ce n'est pas d'éliminer l'agriculture de la campagne, mais c'est d'assurer qu'on ait une agriculture qui favorise le maximum de main-d'oeuvre, le maximum de diversification et non pas une agriculture uniquement d'exportation qui est de plus en plus concentrée dans des mégaentreprises, qui fait sauter... Une mégavacherie de 400 vaches, ça a fait sauter 10 agriculteurs qu'il y avait chez nous, ça.

M. Paradis: Oui, mais je vais vous en parler des mégavacheries, moi. J'ai fait le circuit du côté du Vermont. On sait qu'hier il y a quelqu'un qui nous a cité ça comme exemple, le Vermont, là, comme de quoi c'étaient des petites fermes laitières. Mais ce n'est plus vrai, ça, là, au Vermont. Sur la frontière américaine, entre le lac Champlain puis le lac Memphrémagog, les vacheries de 400, c'est ça qu'il y a, puis c'est ça qui existe, puis c'est ça que mon producteur de lait, moi, à Saint-Armand ou à Pike-River, est obligé de compétitionner, là.

M. Bouchard (Roméo): Oui, mais avouez que ça dépeuple encore plus le milieu...

M. Paradis: Écoutez, là...

M. Bouchard (Roméo): ...puis que ça le transforme en parc industriel.

M. Paradis: Non, non, mais, quand je vois, à La semaine verte, un robot qui trait des vaches, c'est certain que ça prend moins de main-d'oeuvre pour traire la vache si tu as un robot qui trait des vaches, mais, à un moment donné, comme société, est-ce que je dis: Il n'y aura plus de robots qui vont traire des vaches, il faut que toutes les vaches québécoises soient traites à la main, là? Ça, c'est un changement d'agriculture, puis ce n'est pas les échos qu'on a des agriculteurs qu'on rencontre dans nos bureaux de comté, puis ce n'est pas les échos qu'on a de l'Union des producteurs agricoles. Puis, quand vous faites vos fermes, dans le porte-à-porte, y en a-tu beaucoup qui vous réclament de revenir à la trayeuse à la main? Ça fait des bras forts, là, mais c'est-u vers ça qu'on doit s'en aller?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. Laplante, s'il vous plaît.

M. Laplante (Maxime): Oui, si je peux me permettre, c'est parce que le débat n'est pas entre le monde urbain et le monde des agriculteurs. Au contraire, on remarque que la masse, la quantité des agriculteurs est en perte de vitesse, ça diminue continuellement, et c'est le cas depuis au moins 50 ans, puis les propres agriculteurs sont en danger. Nous autres, ça fait un peu plus d'un an qu'on fait le bilan, qu'on essaie d'évaluer à Sainte-Croix, paroisse ? on est dans Lotbinière ? la capacité de support du milieu. On s'est attaqué là-dessus. On a un comité conjoint avec le conseil municipal, les citoyens, le ministère de l'Environnement a un projet conjoint là-dedans, les données sont officielles avec l'Agriculture, les Ressources, la MRC. Donc, ce n'est pas une conspiration de fond de cave, là. Et le résultat, c'est que, si on permet à certaines usines ou grosses entreprises de s'établir, effectivement, c'est qu'on enlève la place à d'autres agriculteurs qui sont coincés.

Le cas des deux agriculteurs hier est particulièrement patent là-dessus. S'ils ont 40 vaches ou 50 vaches maintenant, puis là ça leur en prend 100 ou 200 ou 300, après-demain ça va être quoi? Ça va être 2000? Et, si on applique ce modèle-là, si on leur permet de faire ça, il va se passer quoi après? Mais au lieu d'avoir... Là, il nous reste, dans la paroisse de Sainte-Croix, nous autres, je pense, 16 agriculteurs à temps plein, si je me souviens bien, à peu près, comme ordre de grandeur.

M. Paradis: Quelle production, juste pour me...

M. Laplante (Maxime): Essentiellement laitier, mais, depuis un an ou deux, ça a basculé, il y a maintenant plus d'unités animales porcines que laitières.

M. Paradis: Que laitier.

M. Laplante (Maxime): Les bovins, c'est en perte de vitesse, et les porcs...

M. Paradis: En augmentation.

M. Laplante (Maxime): ...remplacent le cheptel. Et ce qui se passe, c'est qu'effectivement les autres vont se sentir coincés. Le jour où on va décider d'appliquer certaines normes, bien il va rester des gros puis les autres vont disparaître. Donc, c'est dans l'intérêt même des agriculteurs que de changer le régime. Il n'est pas normal que ça prenne une usine pour vivre de l'agriculture. L'agriculteur, actuellement, qui est coincé et qui dit: Je suis obligé d'emprunter pour monter à 300 vaches, il est acculé, il n'a pas le choix. Et je le comprends, c'est vrai qu'il n'a pas le choix. Tout le système qu'on a mis en place fait en sorte qu'il doit grossir ou abandonner la production. Donc, ce n'est pas parce que c'est un méchant qui est mal intentionné, il est acculé à cette situation-là. À nous autres comme société de faire en sorte qu'il soit possible de vivre non pas avec 2 000 vaches ou avec 300 vaches, mais qu'il soit possible de le faire avec 40 vaches. On n'a à peu près rien comme structure de mise en marché dans le comté de Lotbinière, le lait est exporté à Montréal pour transformation, les abattoirs, c'est dur d'en trouver dans le coin, et toute la structure de transformation est en train de s'écrouler aussi. En tout cas...

M. Paradis: Vous avez un double effet, là. Vous avez une centralisation de certaines transformations, mais ce qu'on retrouve de plus en plus avec des artisans à la ferme qui veulent écouler leur produit puis le transformer, ça existe aussi. Ce n'est pas au niveau où ça devrait être, mais ça commence à émerger, là.

M. Laplante (Maxime): Tout à fait. Mais ce n'est pas tellement là-dessus. En tout cas, je voulais juste illustrer le fait des PAEF, des fameuses normes, là. Parce qu'on entend continuellement: Ah! les normes, si on les respectait, ce serait correct. Bon, déjà, elles sont dures à respecter ? en tout cas, ça, Roméo Bouchard en a parlé tout à l'heure. Mais, même si on les appliquait, le comité de travail là-dessus, sur la capacité de support des sols, à Sainte-Croix, on s'est penché sur la situation, présentement, le portrait est le suivant, là. Et les chiffres, encore là, ce n'est pas moi qui les invente, les références sont officielles, le MAPAQ, l'Environnement, la MRC, le ministère des Ressources, etc.. On a actuellement 3 100 unités animales sur notre petite paroisse. Maintenant, sur la base du calcul phosphore, on est légèrement en surplus, et ça, c'est uniquement sur la base du fumier qui est utilisé par les animaux.

M. Paradis: Vous avez combien d'utilisation d'engrais chimiques chez vous?

M. Laplante (Maxime): C'est ce qu'on n'arrive pas à répertorier présentement. Et tout ça, c'est en surplus...

M. Paradis: Vous ne pensez pas que c'est une donnée importante a répertorier.

M. Laplante (Maxime): Tout à fait. On essaie de l'obtenir d'ailleurs, on est présentement en discussion là-dessus. Donc, uniquement sur la base des fumiers, on est déjà légèrement en surplus quant au phosphore prélevé par les plantes, et on ne tient pas compte des engrais chimiques, on ne tient pas compte des boues d'épandage. Et, en plus, on a une des plus grosses meuneries de la région. Juste à voir le nombre de camions qu'ils ont dans la cour pour faire l'épandage des engrais, on peut présumer qu'ils en vendent un peu. Mais ça, je ne peux pas me prononcer, je n'ai pas de statistiques là-dessus. Donc, uniquement sur la base du phosphore, on est déjà en surplus. Là, on a un projet de 2 000 porcs qui s'ajoute cette semaine sur le dossier.

Le ministère de l'Agriculture nous dit également, encore là de source officielle: Sur la base du calcul azote ? 3 100 unités animales, peut-être tranquille ? on peut en mettre 8 100 sur la base des PAEF ? avec ce qu'on a comme cultures en place, là; on n'a pas déboisé, on n'a rien fait. Si on pousse le calcul plus loin... Puis, encore là, je conviens, il est tout à fait théorique. Moi, le premier, je n'ai pas l'intention de faire une monoculture de maïs avec ma propre ferme, O.K.? Vous avez ma promesse solennelle, là. Mais, si on prenait toute la paroisse et qu'on prenait le modèle de...

M. Paradis: Vous n'êtes pas dans le camp de l'éthanol, vous, là...

M. Laplante (Maxime): Ah! non, non, non, ça, c'est un autre débat. Je ne m'embarquerai pas là-dessus aujourd'hui, je pense qu'on va déborder notre temps.

Si on prenait le modèle style Saint-Hyacinthe ? on déboise, on fait monoculture de maïs sur tout l'ensemble de la paroisse ? ce n'est plus 3 100 unités animales qu'on a le droit de faire, on aurait le droit, selon la base de la norme azote, de faire non plus 3 100 unités animales, mais près de 25 000 unités animales tout en respectant les normes et les PAEF. Là, après...

M. Paradis: On ne peut pas isoler une seule norme, là, il faut l'ensemble des normes: phosphore, azote...

n (11 h 40) n

M. Laplante (Maxime): Entièrement d'accord avec vous, sauf que présentement le bilan de Sainte-Croix, on nous dit: Étant donné que nos sols sont relativement pauvres en phosphore, on va appliquer uniquement la norme azote. Tant que les sols ne seront pas pleins en phosphore, on considère juste la norme azote. Donc, on peut se rendre à huit fois plus en respectant les normes, sans aucune contrainte légale. On pourrait théoriquement ? je dis bien théoriquement ? atteindre huit fois plus que le cheptel qu'on a actuellement alors qu'on est déjà en surplus de phosphore.

M. Paradis: Mais qu'est-ce que vous pensez des gens qui nous font des représentations puis qui disent: Écoutez, là, on est conscients qu'il y a un problème de fumier, une des façons pratiques de le régler, c'est de tasser les engrais chimiques au maximum, c'est-à-dire que tu étends ton fumier puis, après ça, tu complémentes avec tes engrais chimiques, s'il le faut? Ça prend des usines de transformation pour le purin, de façon à pouvoir l'assécher, enlever de l'humidité, enlever l'eau dedans, etc., puis qu'on puisse l'étendre pour que la terre ait sa capacité portante. On appelle ça un équilibre écologique comme tel. Est-ce que ce n'est pas une voie qui est plus prometteuse pour le Québec que de continuer à dire: Le fumier, ça pue, on va le remplacer par de l'engrais chimique puis on va diminuer notre production agricole?

M. Laplante (Maxime): Entièrement d'accord. Je n'ai jamais voulu remplacer le fumier par de l'engrais chimique.

M. Bouchard (Roméo): C'est la façon de gérer, là. Si on le gère sous forme lisier actuellement, il est un mauvais fertilisant, il ne régénère pas les sols, et l'azote et le phosphore sont sous forme soluble et aboutissent rapidement en nitrates, et tout ça. Donc, on est en train de promouvoir un modèle actuellement, avec le modèle industriel qu'on implante, qui va être extrêmement dévastateur et à tous égards, et en termes de dépeuplement et en termes de pollution, de coûts de santé, de coûts pour l'eau, etc., parce qu'on ne voit qu'un modèle et que nos politiques de financement en particulier ne favorisent que les gros. Plus tu es gros, plus tu en as.

M. Paradis: Dans votre modèle, là, c'est quoi, une vacherie maximum, une porcherie maximum puis un poulailler maximum?

M. Laplante (Maxime): On avait eu ce genre de question là l'an dernier. Si je peux me permettre, je vais vous resservir à peu près la même réponse qu'il y avait eu à l'époque.

M. Paradis: ...ou ça a diminué?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laplante (Maxime): Il y avait le député Jean-Guy Paré qui m'avait posé à peu près la même question dans les termes semblables l'an dernier. Je vire la vapeur à l'envers. Si on faisait en sorte qu'au lieu de favoriser uniquement la grosse entreprise puis qu'on favorisait la petite, on n'aurait peut-être pas à se poser la question effectivement. Présentement, le système économique qu'on a fait en sorte que plus c'est gros, plus il y a de l'aide. Il y a un seuil minimum pour avoir droit à l'accès à certaines subventions ou programmes d'aide. L'assurance récolte, l'assurance stabilisation, c'est à partir d'un certain nombre d'hectares, nombre d'unités animales, etc.

M. Paradis: Le financement agricole aussi, parce que j'imagine que le gouvernement veut s'assurer que c'est viable, la...

M. Laplante (Maxime): Oui, effectivement, veut s'assurer que c'est viable, mais présentement on a un modèle d'agriculture qui fait que le démarrage est impossible. Quelqu'un qui veut démarrer en agriculture aujourd'hui, qui dit: Moi, je ne veux pas m'endetter d'un demi-million, là, je veux avoir une petite ferme tranquillement, à temps partiel, si ça marche bien, je vais prendre de l'expérience, si ça marche bien, je vais la grossir, comme ça se fait dans tous les autres secteurs de l'industrie... Métro n'a pas commencé du jour au lendemain avec une usine de quelques milliards. Ils ont commencé avec un petit réseau de dépanneurs, temps partiel, etc., puis ça a grossi.

M. Bouchard (Roméo): Pensez-vous que les grandes porcheries auraient été viables depuis deux ans si elles n'avaient pas eu le motton qu'elles ont eu, tu sais, avec les prix qu'il y avait là, puis tout ça?

M. Paradis: Depuis deux ans, oui. Pas avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Brome-Missisquoi, il vous reste à peine 30 secondes.

M. Paradis: Ça va. Oui, madame, on ne vous a pas entendue.

Mme Gauthier (Élise): Moi, j'aimerais juste vous dire peut-être que vous avez mal interprété le contenu du mémoire, dans le sens où on n'est pas contre l'agriculture; c'est beaucoup plus contre les méthodes de production actuelles que les citoyens qui vivent dans des petites municipalités comme moi on en a.

M. Paradis: Est-ce que vous en avez ? peut-être ma dernière question, là ? contre le ministère de l'Environnement? Je vais être clair.

Mme Gauthier (Élise): Pas du tout. Au contraire, le ministère de l'Environnement, malheureusement, au Québec, c'est le parent pauvre de tous les ministères, et, s'il y avait un peu plus d'argent et un peu plus de gens pour assurer la surveillance, comme le dit le ministre de l'Agriculture, de ses règles, de ses normes, de ses règlements et de sa loi, à ce moment-là, on aurait peut-être moins de problèmes dans les petites municipalités puis on aurait peut-être moins de gens qui quittent.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie beaucoup. Et ça met un terme à nos échanges.

M. Bouchard (Roméo): On vous remercie, nous aussi, de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais, s'il vous plaît, à la Chambre des notaires du Québec de bien vouloir s'approcher et de s'installer.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): Alors, si vous voulez bien procéder. Alors, je demande...

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais, s'il vous plaît, aux gens de «Sauver les campagnes», la Coalition... si vous voulez laisser l'espace pour les représentants de l'autre groupe.

Alors, messieurs, bienvenue à la commission parlementaire qui se penche sur les consultations sur le projet de loi n° 184. Alors, vous représentez la Chambre des notaires. Alors, M. Marsolais, est-ce que vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Alors, merci, Mme la Présidente, MM. les membres de la commission. Mon nom est Denis Marsolais. Je suis président de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagné du notaire Mario Masse, notaire spécialiste en droit agricole.

Alors, la Chambre des notaires du Québec s'est toujours montrée soucieuse de participer activement et de façon constructive aux rencontres et aux conditions relatives à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ainsi qu'à leur réglementation, et ce, toujours dans un esprit d'équilibre entre les droits des différents acteurs visés par les dispositions proposées. C'est dans ce même esprit que nous avons soumis un mémoire contenant nos commentaires et recommandations sur le projet de loi n° 184 faisant l'objet de la présente consultation sur invitation.

Les membres de notre ordre professionnel sont toujours interpellés au premier chef, vu la place qu'ils occupent auprès des citoyens concernés. Ces citoyens sont les premiers affectés par ces modifications, notamment quant aux effets potentiels sur l'efficacité des titres et aussi quant aux rapports qui interviennent entre les différents occupants du territoire et les intervenants du milieu, soit les individus, les corporations et évidemment les organismes publics.

La Chambre des notaires du Québec comprend que le projet de loi s'inscrit dans un processus évolutif des rapports entre le monde municipal et le monde agricole. Ce phénomène s'est accéléré avec l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles en 1996.

Essentiellement, les dispositions du projet de loi n° 184 semblent viser trois aspects particuliers de la problématique aménagiste en zone agricole, soit: premièrement, les demandes à portée collective en zone agricole et les demandes d'exclusion; deuxièmement, les dispositions à caractère environnemental; et, finalement, l'exercice des droits acquis.

Alors, concernant les demandes à portée collective, d'abord, permettez-nous de souligner ce qui nous semble un alourdissement pour la municipalité locale dans le nouveau processus proposé pour une telle demande à portée collective. Les cas admissibles seront nécessairement amenés sur l'initiative de la municipalité locale. Cette dernière pourrait subir une perte de contrôle sur l'efficacité et sur le calendrier de la demande. N'oublions pas que c'est toujours la municipalité locale qui fournit encore les services de base.

Par ailleurs, nous avons souvent rappelé aux législateurs que la rédaction des textes ne doit pas s'adresser uniquement aux initiés mais comporter en eux-mêmes tous les éléments à leur bonne compréhension pour la majorité des administrés. Les deux cas prévus pour les demandes collectives, soit les lots déstructurés et les lots d'une superficie ajustée de manière à préserver la structure agricole, pèchent abondamment dans le sens contraire. À défaut de pouvoir éviter ces expressions, une définition plus précise doit être incluse, à notre avis. Ce genre de rédaction contribue à la mauvaise perception des justiciables par rapport à la législation.

n (11 h 50) n

Finalement, la suspension pour une période de six mois de toute demande particulière d'utilisation à des fins résidentielles nous paraît trop large d'application. Plusieurs demandes sont liées à un dossier d'ajustement ou de correction de titre. Une telle interdiction paralyserait ces demandes pendant tout ce délai. La suspension des demandes pour une nouvelle utilisation principale résidentielle serait, à notre avis, amplement suffisante.

Concernant les distances séparatrices et usages agricoles. D'abord, concernant l'ajout de l'article 40, nous insistons à nouveau sur la nécessité d'une rédaction claire et facilement interprétable par l'administré. Des expressions telles que «l'exploitant de l'exploitation d'élevage de l'auteur de cette résidence» sont à proscrire, selon nous. La seule expression «l'auteur de cette résidence» n'a pas de référence strictement légale. Que veut dire l'expression «exploitation d'élevage» ou encore «accroissement des activités agricoles»? Même la Directive relative à la détermination des distances séparatrices relatives à la gestion des odeurs en milieu agricole n'utilise pas exactement ces expressions.

Nous souhaitons profiter de l'occasion qui nous est offerte pour signaler une problématique soulevée par l'interprétation de l'article 40 de la loi et qui pourrait faire l'objet de précisions à l'occasion du projet de loi. Les dernières décennies ont vu le mode de détention des exploitations agricoles évoluer vers des organisations complexes eu égard à l'envergure des exploitations et du développement incessant des entreprises, et ce, sans compter l'augmentation fulgurante de la valeur des actifs en cause. Le véhicule corporatif, les sociétés en nom collectif et autres modes de définition, parfois multiples pour la même entreprise, sont apparus dans le secteur agricole. La fiscalité a souvent conditionné ces modes de détention.

L'interprétation que font certains intervenants à la Commission de protection du territoire agricole du Québec du libellé actuel de l'article 40 paralyse parfois l'exercice des droits qui y sont prévus. Par exemple, la situation où le propriétaire du fonds de terre est la personne physique agriculteur et où la corporation est l'exploitant semble se buter à des refus injustifiés compte tenu, à tout le moins, de l'esprit du texte. Des agriculteurs et des actionnaires agriculteurs se sont vu ainsi refuser le droit de construire une résidence qui, de toute manière, demeure assujettie aux restrictions de l'article en matière d'aliénation et de lotissement. Nous recommandons donc qu'une étude des différentes situations de détention d'exploitation soit faite et que la rédaction de l'article 40 soit révisée afin que le droit à la construction d'une résidence autorisée par l'article soit mieux respecté.

Également, nous nous interrogeons sur l'impact de l'ajout des distances séparatrices comme critère décisionnel légal, à l'article 62. Il nous semble qu'une telle addition amènera une trop grande rigidité décisionnelle tant dans l'hypothèse des infrastructures agricoles existantes qu'en regard du potentiel de développement de l'exploitation. Quelle sera la limite de développement?

Finalement, la difficulté pratique d'application de la déclaration de l'article 79.2 a probablement amené la proposition de remplacement. Nous croyons que cette déclaration peut constituer un instrument juridique intéressant, notamment en matière d'information, mais qu'elle n'a pas bénéficié du support nécessaire, d'où son application très inégale à travers le Québec. Cette difficulté tient en bonne partie à l'imprécision de la directive sur les distances séparatrices et sa difficulté d'application pratique. Le manque d'instruments de référence spatiale ajouté à la difficulté d'obtenir les informations relatives à l'ampleur de l'exploitation avoisinante sont en grande partie, à notre avis, responsables de son efficacité relative pour les intervenants. De plus, certains auteurs ont déjà souligné que la directive contenait des illégalités et des inconséquences. Le projet de loi n° 184 serait, encore une fois, à notre avis, l'occasion de corriger cet état de fait.

Concernant les droits acquis. Maintenant, je souhaite aborder la question primordiale, tous en conviendront, des droits acquis. À la lecture du projet de loi, nous comprenons que l'ajout de l'article 103.1 empêcherait le terrain bénéficiaire de droits acquis prévus à l'article 101 de pouvoir servir à l'implantation d'une nouvelle utilisation principale à d'autres fins qu'agricoles sur la superficie des droits acquis. Nous comprenons qu'il s'agit également de leurs extensions en vertu de l'article 103. Nous sommes en désaccord avec une telle mesure. Compte tenu de la relation privilégiée qu'ont nos membres avec les producteurs agricoles, nous sommes convaincus que plusieurs sont également en désaccord avec une telle proposition.

Nous comprenons bien, de l'évolution des différentes dispositions adoptées depuis l'adoption en 1978, que les droits acquis prévus à cette loi ont très vite été considérés par certains intervenants comme un privilège, puisqu'ils étaient supérieurs, sur certains aspects, à ceux ayant cours traditionnellement en droit municipal. Les modifications apportées aux lois et à la réglementation aménagistes depuis ce temps ont tenté à quelques reprises de limiter l'exercice de ces droits. Certaines municipalités ont même adopté des règlements de lotissement prévoyant des superficies spécifiques à la zone agricole équivalant, vous vous en doutez, à la superficie des droits acquis extensionnés, et ce, dans le but avoué d'empêcher l'exercice de ce droit autrement que pour ne faire qu'un seul terrain.

Nous croyons que cette proposition pousse trop loin le balancier du côté des restrictions d'utilisation. Cela risque, à notre avis, de briser l'équilibre fragile dont les règles d'aménagement du territoire devraient tenir compte entre les différents aspects de l'occupation du territoire en milieu agricole. Nous avions demandé en 1995, lors de l'étude de l'avant-projet de loi ayant précédé la loi de 1996, d'harmoniser autant que faire se peut les normes municipales de superficie environnementale avec celles des droits acquis de la loi afin d'en permettre l'exercice de façon cohérente. Aucune suite n'a été donnée à nos recommandations, qui, d'évidence, devaient déjà aller à l'encontre de l'opinion des opposants à toute implantation de bâtiments autres qu'agricoles en zone agricole.

Plusieurs constatent actuellement la dévitalisation des rangs. Une ségrégation territoriale s'opère en favorisant une tendance vers une industrialisation agricole du territoire rural en dehors des villages. Loin de nous l'idée de remettre en question le bien-fondé et la nécessité de la loi, nos commentaires et mémoires passés en témoignent. Il nous semble cependant que le concept imaginé des droits acquis fait partie de ces instruments d'équilibre qui, au fil des ans, ont contribué à ne pas assécher complètement les milieux de vie que sont nos rangs, ces milieux où nous pouvons notamment retrouver un bassin naturel de travailleurs agricoles étant donné l'environnement et la proximité des occupants avec le monde agricole. D'ailleurs, si l'enfant d'un producteur agricole s'est désintéressé de l'agriculture, souvent par opposition à la génération qui le précède, les petits-enfants pourront peut-être s'y intéresser davantage s'ils sont restés près du milieu. En sera-t-il ainsi lorsque les rangs se seront peuplés uniquement de producteurs propriétaires de mégafermes?

Les choix que nous faisons actuellement ont, à notre avis, des conséquences probablement insoupçonnées. Nous laissons aux urbanistes, évidemment, et aux aménagistes le soin d'en débattre, mais il nous apparaît, à titre de conseillers des producteurs agricoles et, encore une fois, témoins privilégiés de leurs préoccupations, que ce n'est peut-être pas la volonté de la majorité des producteurs. C'est plutôt une vision quelque peu technocratique de l'aménagement du territoire et d'un mode d'agriculture industrialisé qui est véhiculée par cette volonté d'exclure le plus possible toute autre forme d'occupation de la zone agricole. Ce n'est plus l'harmonisation de l'occupation mais plutôt un règlement de la problématique par l'exclusion.

Si, malgré nos commentaires et ceux que d'autres intervenants pourront exprimer, le gouvernement persiste dans son intention, le libellé de l'article 103.1 proposé devrait être revu afin, encore une fois, d'en clarifier le sens et la portée, notamment en ce qui concerne l'expression «nouvelle utilisation principale», qui devrait être bien définie à défaut d'être un concept complètement arrêté en droit de l'urbanisme.

De même, nous considérons que, si cet article est adopté, il ne devrait contenir aucune restriction quant à la modification de l'utilisation existante. La réglementation municipale, pour se conformer aux règles de conformité du schéma d'aménagement, qui lui-même doit tenir compte des objectifs visés par l'article 2.1 du premier alinéa de l'article 5 de la Loi sur l'urbanisme, devra de toute manière prendre en compte la compatibilité des usages permis.

Les approbations et les avis ministériels sont également garants à cet égard.

n (12 heures) n

Interdire toute modification à l'utilisation existante est, selon nous, beaucoup trop restrictif et ne tient pas compte des multiples cas d'utilisation qui existent actuellement. À titre d'illustration, est-ce que le vétérinaire pourra ouvrir son bureau dans la résidence bénéficiant de droits acquis? Est-ce que l'entrepôt utilisé pour telle fin pourra l'être pour telle autre? Les conséquences d'une telle disposition sont insoupçonnées. Ne pourrait-on pas laisser la réglementation municipale faire son travail, par ailleurs très contrôlé, en réglementant les usages compatibles? Donc, compte tenu que le phénomène des droits acquis est l'un des rares mécanismes de souplesse de la loi en zone agricole et qu'il permet un tant soit peu d'atténuer ses effets parfois trop contraignants et compte tenu des multiples situations rencontrées, nous recommandons que cette disposition soit retirée du projet de loi.

Par ailleurs, nous profitons de cette occasion pour réitérer une proposition que nous avions faite lors de l'étude de l'avant-projet de loi ayant conduit à l'adoption de la loi en 1996 relativement aux droits acquis et aux résidences construites en vertu de l'article 40.

La Présidente (Mme Vermette): ...monsieur.

M. Marsolais (Denis): Je vais essayer de lire encore plus vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): La plupart du temps, sur les exploitations agricoles du Québec, la maison de ferme d'origine est située très près des bâtiments agricoles. Elle est celle qui devrait rester avec la ferme lors de la vente d'exploitation. Actuellement, la seule possibilité pour l'exploitant vendeur qui veut conserver une maison est de conserver celle qui bénéficie des droits acquis en vertu des articles 101 et 103. Nous retrouvons beaucoup de situations où, par exemple, l'enfant acheteur doit se construire loin des bâtiments en utilisant l'article 40, et les parents, eux, conservent la résidence qui serait plus pratique au nouvel exploitant. Nous suggérons donc qu'une disposition soit ajoutée à la loi afin de permettre une seule fois d'interchanger l'emplacement de droits acquis avec un autre emplacement situé plus loin sur la terre, avec renonciation expresse aux droits acquis dont bénéficiait la maison vendue avec la ferme, qui serait régie à l'avenir d'une façon semblable à une maison construite en vertu de l'article 40.

En guise de conclusion, rapidement, bien que n'étant pas en désaccord avec certains principes des modifications apportées aux demandes à portée collective, nous souhaitons que les concepts utilisés soient mieux définis et qu'une réflexion soit faite sur les conséquences pratiques d'une demande présentée par la municipalité régionale de comté plutôt que par la municipalité locale.

L'introduction de concepts autour de la notion de normes de distances séparatrices et d'usages agricoles comme concepts intégrés à différentes dispositions des lois aménagistes n'est pas sans conséquence quant à leur application pratique. Nous recommandons que la rédaction de certaines modifications proposées, notamment celles relatives à l'article 40 et celles de l'article 59, soit révisée afin d'éclaircir le texte. Nous espérons également qu'une modification à l'article 40 permettra que l'esprit du texte soit respecté et que tout agriculteur, au sens de celui-ci, puisse bénéficier de ces dispositions quel que soit le mode de détention. Nous vous remercions de votre attention. Et Me Masse se fera un plaisir de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie, Me Marsolais. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Bien, merci, les maîtres. C'est substantiel, hein, très substantiel, votre mémoire. Vous ne demandez pas de le retirer, ça fait qu'on va pouvoir en parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Non, vous demandez des améliorations.

M. Marsolais (Denis): Voilà. C'est constructif.

M. Trudel: Et voilà, quelle contribution! Je veux noter ce que vous inscrivez au départ, et moi, je partage totalement la façon dont vous l'avez écrit: «La Chambre des notaires du Québec comprend que le projet de loi s'inscrit dans un processus évolutif des rapports entre le monde municipal et le monde agricole.» C'est ça, hein, les rapports entre les hommes et les femmes qui vivent dans les communautés locales, régionales et le monde municipal qui est chargé, donc, de tous les aspects de l'aménagement du territoire local, régional depuis 1979, avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Alors, quand on part de ça, là, je vais vous dire, on n'a pas beaucoup de misère à vous entendre sur... Bon, il faudrait être plus précis, il faudrait être sûr qu'on atteint l'objectif. Parce qu'il y a comme une trame aussi à la première question. Il y a comme une trame là-dedans, vous reconnaissez tout le temps que les producteurs puis les productrices agricoles, dans l'ensemble du territoire québécois, dans 1 177 municipalités où ils sont présents, ce sont des actifs immenses, ce sont des actifs essentiels, et c'est des gens qui font non seulement de l'occupation du territoire, mais qui soutiennent le développement.

Puis je vais revenir, entre autres, sur votre expression. Moi, je trouve que vous posez une question, elle fait bien, bien du sens au plan social. Vous avez dit tantôt, par exemple: Bon, bien, dans nos rangs, là, il y a de moins en moins de monde ? je vais revenir là-dessus parce que c'est très intéressant, ça. Mais vous reconnaissez la contribution des productrices et des producteurs agricoles comme étant essentielle à la vie québécoise, à la vie de nos régions, à leur développement. Bon.

La première question, c'est à la page 3. Vous questionnez les demandes à portée collective qui vont être adressées à la CPTAQ et vous y voyez comme une espèce d'évacuation de la municipalité locale. Vous dites: La municipalité locale va être comme évacuée, là-dedans. À la lettre même, on est peut-être porté à penser cela parce que ça va passer par la MRC, le gouvernement régional, en termes d'aménagement du territoire. Est-ce que vous souhaiteriez, vous, que des demandes à portée collective dans une municipalité puissent parvenir à la Commission directement de la municipalité locale? Je ne fais pas de chichi d'opposition entre MRC et locale quand il y en a. Mais est-ce que vous souhaitez que ça puisse être acheminé direct à la CPTAQ?

M. Marsolais (Denis): Bien, c'est un peu le sens de notre intervention, parce que les préoccupations connues, c'est la municipalité locale qui les possède bien plus que la MRC, sans enlever les mérites de la MRC. Que ça puisse être dirigé directement à la Commission, ça, c'est une chose. Ce n'est pas vraiment ça qu'on a voulu dire. On a dit: La personne qui doit piloter ces demandes collectives là, à notre avis, ça doit demeurer la municipalité locale, qui, de concertation éventuellement avec la MRC, pour vérifier avec le schéma d'aménagement, et tout ça, il n'y a pas de problème... Mais la personne la plus proche des citoyens concernant une demande collective, c'est bien la municipalité locale. Et il y a un sentiment d'appartenance beaucoup plus proche, si vous me passez l'expression, du citoyen par rapport à sa municipalité que par rapport à la MRC.

M. Trudel: C'est parce que j'ai de la difficulté avec ça, parce que, quand vous dites ça, ça a tellement de bon sens, ce que vous dites là, mais je suis obligé de dire qu'en droit ça n'a pas d'allure. Mais on est mal pris avec ça, parce que ça a bien, bien, bien du bon sens, ce que vous dites là, c'est comme le gros bon sens et le jugement, ceux qui sont le plus proches, c'est ceux qui sont dans la collectivité locale, mais, si ça ne passait pas par ceux qui sont les responsables devant la population de la proposition d'aménagement du territoire pour ne pas que ça soit chacun des petits morceaux un peu partout... C'est juste ça que je veux comprendre. Ça a du sens, mais je trouve qu'en application ça perd son sens.

M. Marsolais (Denis): Je ne vous dis pas que ça ne doit pas passer par la MRC, mais je vous dis que le dossier doit être piloté et initié par la municipalité locale. Peut-être que, Mario, tu peux...

M. Masse (Mario): Peut-être, M. le ministre, pour rajouter là-dessus, actuellement, la procédure, elle existe, elle est déjà là. Disons qu'on l'enrobe, on vient spécifier les cas où on pourra le présenter de façon plus précise. Mais la procédure existe. Elle existe, elle doit être portée par la municipalité locale et accompagnée des avis favorables de l'association et de la MRC.

D'ailleurs, je vous ferais une remarque dans ce sens-là, c'est que, en tout cas, le projet de loi tel que proposé ne semble demander dans le nouveau processus l'avis favorable qu'au moment de la décision par la Commission. Là, on renverse, c'est-à-dire que c'est la MRC qui est porteuse, elle emmène le dossier auprès de la Commission comme telle. Et la Commission, avant, pour rendre un avis favorable, devrait obtenir de l'association et de la municipalité locale un avis favorable. Alors, actuellement, le débat risque effectivement de se faire au niveau local avant de monter jusqu'à la Commission.

M. Trudel: ...

M. Masse (Mario): D'accord. Actuellement, je pense que le débat, de la façon dont le texte est rédigé, va se faire au niveau local, mais la nouvelle rédaction ferait probablement en sorte que la MRC pourrait monter le dossier à la Commission sans l'avis favorable au préalable. Donc, il y a peut-être une inconséquence de texte, là, à revoir à ce niveau-là si on veut vraiment tenir le débat au niveau municipal, le vider là avant de monter à la Commission, dans le fond, avec un débat total.

Quand on parle du porteur plus naturel que serait la municipalité locale, c'est que, bon, comme on le mentionnait vitement, c'est encore le fournisseur des services de base, c'est lui qui est près de la problématique. On comprend le phénomène de ces îlots-là, de ces cas particuliers là comme tels, mais il nous paraît plus naturel que ce soit acheminé, bien que le débat doive se vider au niveau régional ? on l'entend, là ? pour se conformer à une espèce d'uniformité qui va être conforme au schéma d'aménagement. Mais il y aurait peut-être lieu que le porteur du dossier soit plus la municipalité locale. On sait que c'est dans un esprit différent, à ce moment-là.

n (12 h 10) n

M. Trudel: Bien là vous êtes tellement enthousiastes à votre proposition que vous donnez même plus de vertus à la loi qu'elle en a, parce que, la décision de la CPTAQ, elle doit recourir à un avis favorable de l'union accréditée, de l'UPA, et de la municipalité régionale de comté, pas la municipalité locale. C'est parce que vous avez marqué «municipalité locale», là.

M. Masse (Mario): C'est ça, mais...

M. Trudel: C'est la municipalité, ça renforce votre point de vue, là, mais ce n'est pas ça que le texte dit.

M. Masse (Mario): Mais, actuellement, tel que le texte est rédigé, en vigueur, le dossier doit être accompagné, lorsqu'il monte à la Commission, de l'avis.

M. Trudel: Parce que là le nouveau texte, c'est qu'à la fin il faudrait avoir un avis favorable.

M. Masse (Mario): Oui, c'est ça, exactement. Là, disons que la différence, c'est que le nouveau texte ferait en sorte que le dossier pourrait monter sans l'avis favorable de la municipalité, et, seulement à ce niveau-là, la Commission requiert l'avis favorable. Remarquez que ce n'est pas...

M. Trudel: On va s'intéresser à ça, parce que ce que, je veux dire, votre suggestion répond tellement à du gros bon sens qu'il faut regarder ça.

M. Masse (Mario): Oui, c'est des points d'ajustement.

M. Trudel: Vous avez bien raison. Voyez-vous, là, on en a un problème de gros bon sens. Comment écrire ça? Vous avez dit tantôt: On devrait écrire les affaires pour que ce soit pédagogique aussi. Je vais vous dire, un citoyen ordinaire, un producteur ou une productrice agricole qui lit le texte juridique de ce qui est là-dedans, là, d'après moi, il va se coucher plus de bonne heure quand il a...

M. Marsolais (Denis): ...

M. Trudel: Hein?

M. Masse (Mario): Oui. Je vais aller plus loin, M. le ministre, là-dedans. J'ai pris la peine de communiquer avec deux urbanistes dans deux MRC différentes qui ne savaient pas ce que signifiaient ces expressions.

M. Trudel: Oui, oui, écoutez...

M. Masse (Mario): Alors, il faut qu'il y ait une référence, à un moment donné, pour que la... On comprend ce que ça veut dire, mais...

M. Trudel: Mais là il va falloir que vous nous aidiez, parce que les avocats nous disent qu'on n'écrit pas assez en termes juridiques, puis, vous autres, vous nous dites qu'on n'écrit pas en termes assez populaires. Alors, il faudrait que...

M. Paradis: Les deux disent qu'ils ne comprennent pas.

M. Trudel: Oui, c'est ça, en plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Ça, M. le ministre, c'est un autre débat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui, maître, mais je dois dire que... Je le dis parce que...

M. Marsolais (Denis): ...d'avenir, là, mais peut-être pas aujourd'hui.

M. Trudel: Je ne suis jamais capable de relever le défi parce que, vous voyez, écoutez, le droit s'exprime par des mots, quand même. On est dans une société de droit, là, il faut reconnaître ça.

M. Masse (Mario): ...quand même moderne et évolutif, là, dans ce sens-là.

M. Trudel: Oui, oui, c'est ça. Je comprends, mais c'est toujours très difficile, effectivement, de réconcilier qu'une loi soit un instrument pédagogique pour montrer, enseigner l'objectif recherché. Mais on doit toujours avoir le souci, même si c'est un défi qui est très, très difficile à surmonter... Bien là on a la balance des inconvénients puis des avantages. On vit dans une société de droit, il faut que ça soit bien écrit, puis il faut que ça soit écrit correctement. Par exemple, vous questionnez l'auteur, la question de l'auteur d'une résidence; bien, ça mérite réflexion, là, sur le plan juridique. Moi, je le déclare d'emblée, c'est nous autres qui avons les meilleurs avocats. Alors, c'est à nous autres, les meilleurs.

M. Marsolais (Denis): ...notaires, par exemple.

M. Trudel: Ah! là, je viens d'en manquer une!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Excusez, la porte était trop grande.

M. Trudel: Non, non, vous n'êtes pas incohérent.

Une voix: On a le meilleur notaire aussi.

M. Trudel: Hein?

Une voix: On a le meilleur notaire aussi.

M. Trudel: On a-tu un notaire?

Une voix: Bien oui.

M. Trudel: Aïe! on a un notaire. Maître qui?

Une voix: André Bouffard.

M. Trudel: Me André Bouffard.

M. Marsolais (Denis): Il en faudrait peut-être plus.

M. Trudel: Qu'il soit cité au panthéon!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Bien oui, on a un notaire, on est sauvés. Écoutez, je ne vais pas plus loin parce que mon collègue avait une question. Mais, moi, je vais vous dire, là, je vous remercie sur la façon dont vous nous présentez ça. On va regarder ça bien, bien, bien comme il faut, sur tous les aspects que vous nous soulevez parce qu'il y a des questions là-dedans qui vont mériter... Entre autres ? je vais juste la glisser ? le député de Shefford, hier, a posé, quant à moi, une excellente question à l'égard des autres usages, que vous avez soulevée tantôt.

Ici, en tout cas, j'ai dit, j'ai employé l'expression: Il faut qu'on trouve une réponse à ça. Il faut qu'on trouve une réponse à ça. Écoutez, il y a d'autres usages non agricoles mais qui sont reliés à l'agriculture, et la définition à trouver est difficile parce que la Commission de protection du territoire agricole, elle est chargée de protéger, elle, le territoire et les activités. Elle fait son travail, elle ne va pas au-delà de ce qu'on lui a demandé comme société. Le député de Brome-Missisquoi disait ce matin: Il y a une espèce de trame de société là-dedans depuis 1978. Je pense qu'il y a quelque chose là. Il y a quelque chose là. Quand on est à Latulipe, dans l'est du Témiscamingue... Je ne sais pas s'il va y avoir une erreur porcine à Latulipe, moi, là, mais il faut quand même que cette collectivité locale puisse y trouver son compte et qu'on soit capable de trouver les moyens de cohabiter sur ce territoire et toujours en protégeant le territoire des activités agricoles. C'est un défi, mais... Ça va revenir tantôt.

M. Marsolais (Denis): Si vous permettez, notre prétention justement concernant les autres utilisations, c'est de dire: Laissons faire la collectivité locale réglementer par le biais de la réglementation municipale ces autres utilisations-là. C'est eux les mieux placés, milieu par milieu, pour voir les usages compatibles en milieu agricole dans leur secteur agricole. Peut-être qu'à Latulipe ils n'ont pas la même vision, la même portée, les mêmes objectifs qu'ils peuvent avoir dans la région de la Beauce. Alors, laissons la réglementation municipale gérer, entre guillemets, les utilisations compatibles en milieu agricole. Vous l'avez, la solution.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste deux minutes, question-réponse.

M. Dion: Je ne sais pas si je vais être capable de poser une question en deux minutes, parce qu'il faut savoir ce qu'on veut demander, hein, avoir le temps d'exprimer ce qu'on veut demander. Je vais quand même tenter.

Alors, je vous remercie d'être là. Je pense que c'est très intéressant de lire votre document. Et je voudrais juste m'attarder au passage dans lequel vous parlez des droits acquis, toute la question des droits acquis, l'article 103.1, et tout ça. Évidemment, vous remettez en question le fait qu'on mette des restrictions aux droits acquis actuels. Vous savez comme moi que les droits acquis, ce n'est pas généralement des choses qui sont déterminées par la loi, c'est des conséquences de la loi. Le fait que la loi crée une situation dérogatoire, le droit qui existait avant prend un titre spécial, un statut particulier qui est un droit acquis.

Mais le problème qu'on a, c'est un problème très pratique, très concret. La Commission doit administrer le territoire agricole, doit administrer les demandes, c'est-à-dire qu'elle doit décider des demandes qui lui sont faites, des demandes d'exception à la loi de la protection du territoire agricole ou d'exception à l'usage agricole en fonction de la protection du territoire pour les générations futures. Bon. Or, il arrive...

La Présidente (Mme Vermette): ...votre question?

M. Dion: Non, non, mais c'est parce que, si je ne peux pas poser ma question, je ne la poserai pas, mais... Est-ce que vous me donnez le temps de poser ma question sur les droits acquis?

La Présidente (Mme Vermette): ...

M. Dion: Merci beaucoup. Il arrive qu'on a des situations où la Commission, qui fait bien son travail, doit refuser l'autorisation ou, en tout cas, décide de refuser des autorisations de construire des résidences sur des terres de sable où il y a très peu de possibilités immédiates d'utilisation agricole, parce qu'il y a une ferme pas trop loin, ou des choses de même. Et elle fait très bien son travail.

Pendant ce temps-là, chez moi, dans le comté de Saint-Hyacinthe, on bâtit des maisons partout le long des rangs. Pourquoi? Parce que, à cause du sous-sol et de... C'est-à-dire qu'on ne peut pas avoir d'eau qui ne soit pas salée, il faut mettre de l'aqueduc partout. Et, à cause de ça, les gens, au lieu d'avoir besoin d'un terrain de 3 000 m pour construire une résidence, ils ont besoin d'un terrain de 1 500 m. Comme le droit acquis est de 5 000 m, bien chaque personne qui a un droit acquis peut faire construire deux autres résidences.

Pensez-vous que l'accumulation de résidences sur un territoire agricole comme ça n'a aucun impact sur la protection du territoire et des activités qui se font autour? Évidemment, non. Et les gens sont frustrés de ça, parce qu'ils disent: Là où le territoire est le meilleur du Québec, vous construisez des maisons tant que vous voulez, puis là où le territoire est moins bon, on a de la meilleure eau, donc on ne peut pas construire de résidences. Alors, vous voyez, ce qui est proposé par la loi répond à un besoin important et criant, vous ne pensez pas?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, Me Masse.

M. Masse (Mario): Oui. Écoutez, on est tout à fait conscient de ça. D'ailleurs, dans le sens des propositions de 1995 sur l'avant-projet de loi, on était conscient d'une injustice, qui va à l'encontre de ce que vous venez de me dire là, mais d'une injustice qui est la suivante, qui est: celui qui ne bénéficie pas, dans le fond, des infrastructures municipales en termes d'aqueduc ou d'égouts, effectivement, se retrouve avec une norme environnementale de superficie ? appelons-la comme ça ? de 3 000 m pour construire, donc, qui vient en réalité de paralyser son droit de se détacher un terrain, puisque, en le détachant, il vient d'amalgamer sa résidence avec le reste de la ferme, parce qu'il ne pourra jamais la détacher, avec 2 000 m, elle va devenir non conforme au sens des règlements et donc non reconstruisible comme telle. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on avait demandé qu'il y ait une espèce d'appariement entre ces normes de superficie environnementales là et les droits acquis. Évidemment, j'ai l'impression que ceux qui défendaient votre point de vue ont eu gain de cause, à ce moment-là, c'est-à-dire que ça a servi jusqu'à maintenant justement d'empêchement à pouvoir construire trop de résidences en milieu familial.

Ce que l'on dit, dans le fond, par rapport au mémoire, on dit: Écoutez, les droits acquis, ça a une limite. Éventuellement, il y aurait peut-être lieu de revoir l'équité justement entre... pour qu'au moins celui qui... Nous, ce qu'on dit, notre position, c'est, au moins, celui qui n'a pas de service puisse au moins en faire aussi une ou, en tout cas, bénéficier pleinement de son droit acquis comme quelqu'un d'autre. Parce que là il y a une inéquité avec celui qui a un service d'aqueduc.

n (12 h 20) n

Les droits acquis, ça a une limite. Écoutez, ça a 5 000 m, en matière résidentielle. Les matières commerciales, c'est quand même marginal. Éventuellement, ces droits-là n'auront plus d'effet, puisqu'ils vont avoir été utilisés. Puis je ne pense pas qu'on va avoir... En montant sur la 40, ici, il n'y a pas beaucoup de maisons dans le champ. C'est vrai qu'il y a des particularités dans certains rangs où il y avait l'aqueduc puis déjà il y avait un certain nombre de propriétés. Mais remarquez que ces propriétés-là dont vous parlez, ça provient souvent de producteurs agricoles qui ont détaché des terrains pour soit des enfants qui se sont établis, ou quoi que ce soit. Parce que celui qui avait déjà une maison, c'est rare qu'il avait un terrain qui était assez grand pour pouvoir détacher un autre terrain avec. Bien que sa propriété bénéficie de droits acquis, il n'y a pas, souvent, assez de superficie pour pouvoir le détacher. C'est donc celui qui a une maison de ferme qui bénéficie le plus possible de l'extension de 103 et qui peut faire quelques terrains. Et ce n'est pas dit que c'est toujours pour des extérieurs, entre guillemets, que c'est fait, mais c'est souvent pour des gens proches, en tout cas, l'idée qu'on a du milieu. Et, comme je vous dis, M. le député, éventuellement c'est quelque chose qui, je pense, va s'éteindre par attrition, si on peut dire, dans le sens où les droits acquis vont avoir été utilisés. Puis c'est le seul élément de souplesse un peu à ce niveau-là.

M. Trudel: ...

M. Masse (Mario): Nous, on dit: On devrait conserver cet élément-là. Pourquoi encore restreindre, créer une friction, des fois, un petit peu peut-être des discussions inutilement autour de quelque chose qui est en train, après 20 ans d'application de la loi, de s'estomper?

M. Dion: Je pense que c'est une situation très claire, une situation inéquitable. Et la loi, actuellement, essaie de rendre plus d'équité.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, on vous a donné tout le temps nécessaire pour poser votre question. Alors, juste un complètement de réponse, très succinctement.

M. Marsolais (Denis): Parce que l'iniquité, là, elle change de place.

M. Masse (Mario): Bien, nous, c'est parce que, l'écho qu'on en a des producteurs, ce n'est pas le vôtre, c'est celui... Le producteur, il aime aussi... Parce que, son enfant, il ne veut pas toujours attacher sa propriété avec l'exploitation. Donc, c'est un élément de souplesse parce qu'il ne peut pas en faire beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous remercie. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui. Je veux être certain qu'on se comprend bien, là, parce que, sous un ton assez mielleux, vous avez des propos écrits qui sont assez durs ? en tout cas, je les interprète comme étant durs ? à l'endroit de l'orientation législative qu'on est en train de prendre. Je fais référence à la page 14 de votre mémoire, paragraphe du haut, là: «En sera-t-il ainsi lorsque les rangs seront peuplés uniquement de producteurs propriétaires de mégafermes? Les choix que nous faisons actuellement ont des conséquences probablement insoupçonnées. Nous laissons aux urbanistes et aménagistes le soin d'en débattre, mais il nous apparaît, à titre de conseillers des producteurs agricoles et témoins privilégiés de leurs préoccupations, que ce n'est peut-être pas la volonté de la majorité des producteurs mais plutôt une vision quelque peu technocratique de l'aménagement et d'une agriculture plus industrialisée qui est véhiculée par la volonté d'exclure le plus possible toute autre forme d'occupation de la zone agricole. Ce n'est plus l'harmonisation de l'occupation ? c'est ce qu'on prétendait jusqu'à temps qu'on vous lise ? mais plutôt un règlement de la problématique par l'exclusion.»

Vous ne mâchez pas vos mots, là, vous êtes en train de nous dire qu'on est en train de dépeupler les campagnes et les régions rurales du Québec.

M. Masse (Mario): Je pense que ce n'est pas l'objectif visé, mais c'est les résultats. C'est qu'en essayant, de modification en modification législative, de toujours restreindre le plus possible l'occupation du territoire par d'autres que l'agriculteur... Puis d'ailleurs, quand on dit l'agriculteur, c'est comme... Puis on soulignait des problèmes. Même pour l'agriculteur, c'est difficile parce qu'il y a des interprétations de 40 qui font en sorte qu'avec le mode de détention actuel des fermes de façon assez multiple c'est même difficile pour l'agriculteur, des fois, de se bâtir même s'il en fait là sa principale occupation, et ça, je pourrais vous le souligner.

M. Paradis: Sauf exception, dans le rang, là, même si c'est le cultivateur d'à côté qui s'agrandit parce qu'il a une grosse moissonneuse-batteuse, puis etc., la maison, elle reste là. Elle a un droit acquis, cette maison-là. Elle va être occupée soit par quelqu'un de la famille de celui qui a acheté, soit par un employé ou soit par quelqu'un qui accepte d'aller vivre dans le rang. Moi, je ne vois pas la disparition des maisons comme telle, là, j'ai...

M. Masse (Mario): Non, mais...

M. Paradis: Non?

M. Masse (Mario): Si vous me permettez, moi, je vais... Non, c'est plus dans le sens où 103.1, ce qu'il vient ajouter, dans le fond, c'est qu'il vient dire: Bon, là, écoutez, il y avait un petit élément de souplesse dans la loi, qui était celui de pouvoir peut-être vendre un terrain à même ces droits acquis là. Moi, j'appelle ça un élément d'ajustement aménagiste, c'est-à-dire, autour, un peu régler quelques tensions qu'il peut y avoir dans le milieu, dans le rang. Et ça, on fait disparaître ça. Bon. On essaie de voir le pourquoi de ça. Pourquoi faire vraiment disparaître ce qui ne nous semble pas être quelque chose de majeur? Puis pourquoi ajouter une tension là, alors que ça n'a pas créé vraiment de problématique actuelle?

M. Marsolais (Denis): C'est qu'on ne dit pas que la loi va faire démolir des maisons, mais on dit que ça va empêcher peut-être d'en construire, alors que, dans certains cas, ça pourrait être tout à fait justifié d'en construire d'autres dans des rangs.

M. Paradis: On va peut-être parler d'abord de ce que vous avez souligné dans votre mémoire ? je ne retrouve pas la page immédiatement, là ? lorsque vous parlez qu'on enlève également la possibilité de servitude sur les propriétés, c'est-à-dire que les distances séparatrices ne compteraient pas. Vous manifestez plutôt l'intention qu'on devrait maintenir cette notion-là, quitte à la planifier et à la renforcer? Non?

M. Masse (Mario): Bien, c'est-à-dire qu'il faut le voir dans son ensemble. C'est sûr que, nous, à partir du moment où 103.1, on considère qu'il ne devrait pas se retrouver au projet de loi, évidemment il faut, à ce moment-là, qu'il y ait soit un... On est d'accord avec un mécanisme pour celui qui s'implante, dans le fond, et qu'il renonce... Est-ce que c'est le mécanisme idéal? On s'interroge aussi, là. Il y a un point d'interrogation parce que l'application de cet article-là a été douloureux. Au fil des ans, les officiers municipaux n'ont pas eu les instruments nécessaires pour l'application. Le notaire, pour son client, ou le client lui-même qui fait une demande de permis, l'officier lui dit: Tu dois publier cette déclaration-là. Bon. Le notaire, au nom de son client, dit: Sur quel lot? Alors là l'officier dit: Bien, écoute, il y a une ferme pas loin, mets-le sur tous les lots, on va voir, là. Donc, il n'y avait pas d'instrument spatial bien arrêté pour appliquer correctement la disposition.

Donc, oui, ça peut être un instrument juridique intéressant à partir du moment où on se donne les moyens de son application. En réalité, c'est ça qui est dit. À défaut, bien, il y a une disposition légale, c'est-à-dire qu'à partir... Comme je disais, si on voit globalement le projet de loi, si, nous, on pense que 103.1 devrait être retiré, bien c'est ou une déclaration comme ça pour ces maisons-là qui seraient construites ou encore l'intégration d'une disposition légale, comme il est proposé de faire pour 40, bon, quelque chose de semblable à ça qui viendrait pallier au manque de déclaration.

On trouvait la déclaration intéressante parce que c'est une prise de conscience. C'est une prise de conscience à valeur informative aussi beaucoup. Le Bureau de la publicité des droits est appelé à devenir beaucoup plus publicisé, entre guillemets, parce que informatisé. Donc, les gens vont pouvoir assez rapidement savoir ce qu'il en est de ces conséquences. Donc, la déclaration, dans ce sens-là, peut demeurer un instrument intéressant.

M. Paradis: À lire votre dernière recommandation, qu'on retrouve au bas de la page 15 et au haut de la page 16 de votre mémoire, on a l'impression que vous faites du bureau de comté parfois. Lorsque vous parlez de la possibilité d'interchanger les droits acquis, puis ça s'imagine facilement...

M. Marsolais (Denis): ...bureau de comté aussi. Ha, ha, ha!

M. Paradis: Ça se vit quotidiennement. L'agriculteur qui veut, souhaite prendre sa retraite, le laisser à son fils ou à sa fille, dans une situation idéale, ne souhaite pas nécessairement continuer à avoir tout le trafic puis les bâtiments proches de sa résidence. Maintenant, on l'a dans le bureau de comté, vous l'avez de vos clients, là, comme notaires, mais on n'a pas la demande, sauf erreur, de l'Union des producteurs agricoles. Ça me semble être une demande ? à moins qu'on puisse me contredire ? qui avantage l'agriculteur sans diminuer les droits de produire ou la zone verte comme telle.

M. Masse (Mario): Tout à fait. Ça ne crée aucune pression supplémentaire.

M. Paradis: O.K.

La Présidente (Mme Vermette): Juste un instant, parce que nous sommes à et demie.

M. Paradis: Ah! deux minutes.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais, en fait, le consentement pour continuer, s'il vous plaît.

M. Masse (Mario): Ça ne crée pas de pression supplémentaire, en réalité, en plus. C'est qu'il n'y a pas d'impact plus négatif parce qu'elle est construite, la maison. Je veux dire...

M. Paradis: O.K. Ça va.

n(12 h 30)n

M. Marsolais (Denis): Sauf que, comme on le spécifiait dans le mémoire, ça crée des tensions pour le père qui veut se départir de sa ferme et...

M. Trudel: Bien, écoutez, là, je m'engage à examiner ça de très, très près, très, très près, parce que, encore là, je ne peux pas vous répondre en droit, mais je peux vous répondre en bon sens, par exemple. Ça fait comme du gros bon sens. Ça fait comme du gros bon sens. Es-tu capable de traduire ça pour que ça ait du bon sens? Parce que ce que vous soulevez aussi et, bon, ce que le député de Brome-Missisquoi soulève... Mettons un cas au hasard. Mettons, un gentleman farmer qui habite Granada, hein? Bon, bien, celui dont j'ai acheté la maison, M. Morissette, il dit: Bien, moi, pas besoin de te bâtir une maison neuve, prends la mienne, puis, moi, je vais aller dans la petite maison neuve. J'ai dit: Non, on ne peut pas, le gouvernement. Alors, il faut regarder ça de proche. Je vous remercie de la suggestion. On va regarder ça de très, très proche si on peut arriver à quelque chose.

M. Marsolais (Denis): On l'a fait en 1995.

M. Masse (Mario): Oui, c'était une soumission d'avant-projet de loi qu'on avait faite en 1995. Évidemment, il y avait beaucoup de chats à fouetter, à cette époque-là.

M. Marsolais (Denis): C'est pour ça qu'on s'est permis de la refaire aujourd'hui. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Vu qu'on ne le retirera pas, le projet, on va le bonifier.

La Présidente (Mme Vermette): Alors... Oui?

M. Paradis: ...la décision du ministre. Hier, le ministre avait pris en délibéré la possibilité d'entendre la Coalition régionale Saguenay?Lac-Saint-Jean. Hier matin, les gens étaient ici. Si on souhaite les convoquer, il faudrait le faire aujourd'hui parce que, à moins d'avis contraire, la dernière journée d'audience est prévue pour demain.

M. Trudel: On n'a pas réussi à les rejoindre, là. On pensait qu'ils étaient ici hier. Moi, je leur ai offert de les rencontrer pour qu'ils puissent m'exprimer leurs préoccupations. Puis on va s'en tenir aux travaux de la commission tels que prévus.

M. Paradis: Donc, le ministre va les rencontrer?

M. Trudel: Je vais leur offrir de les rencontrer, je suis prêt.

Mémoire déposé

M. Paradis: À ce moment-là, je vous communique le mémoire qu'ils ont laissé pour le bénéfice des membres de la commission.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on fait le dépôt. Alors, nous allons déposer le mémoire de la Coalition régionale Saguenay?Lac-Saint-Jean contre la filière porcine Nutrinor. Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 12 h 32)



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