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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 5 avril 2016 - Vol. 44 N° 74

Consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l’étude du Livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Développement économique Sept-Îles

Institut du Nouveau Monde (INM)

Ville de Gaspé

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Transfert Environnement et société inc. (TES) et Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT)

Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

Mémoires déposés

Intervenants

M. Norbert Morin, président suppléant

M. Sylvain Pagé, président

M. Guy Bourgeois, président suppléant

M. Alexandre Iracà, vice-président

M. Pierre Arcand

M. Martin Ouellet

M. Claude Surprenant

M. Germain Chevarie

M. Gaétan Lelièvre

Mme Chantal Soucy

M. Pierre Giguère      

*          M. Marc Brouillette, Développement économique Sept-Îles

*          M. Russel Tremblay, idem

*          M. Michel Venne, INM

*          M. Daniel Côté, ville de Gaspé

*          M. Jocelyn Villeneuve, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          M. Benjamin Laplatte, idem

*          Mme Johanne Gélinas, RCGT

*          M. André Delisle, TES

*          M. Guy Lessard, RNCREQ

*          M. Philippe Bourke, idem

*          M. Martin Vaillancourt, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Morin) : Bon milieu d'après-midi, tout le monde. Comme nous avons le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes de vérifier vos téléphones cellulaires ou vos tablettes, tout ce qui fait du bruit.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude du livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale.

Mme la présidente, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) sera remplacée par M. Ouellet (René-Lévesque); M. Villeneuve (Berthier), par M. Lelièvre (Gaspé); et Mme D'Amours (Mirabel), par M. Surprenant (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Morin) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous entendrons Développement économique Sept-Îles, qui sont présents, l'Institut du Nouveau Monde, la ville de Gaspé et le Conseil du patronat du Québec.

Donc, je souhaite la bienvenue à nos invités. Vous savez que, pour les fins d'enregistrement, on vous demande de vous identifier, et vous avez 10 minutes pour nous exposer votre point de vue sur l'acceptabilité sociale. Donc, la parole est à vous.

Développement économique Sept-Îles

M. Brouillette (Marc) : Alors, bonjour, M. le Président. Mon nom est Marc Brouillette. Je suis le vice-président de Développement économique Sept-Îles. Je vais immédiatement céder la parole à M. Tremblay, qui va se présenter et partir le bal.

M. Tremblay(Russel) : Donc, bonjour, M. le Président. Russel Tremblay, Développement économique Sept-Îles. Je suis directeur adjoint et commissaire aux infrastructures stratégiques.

D'entrée de jeu, on a fait un mémoire synthèse d'un petit peu les deux mémoires qu'on a faits au cours de la dernière année, notamment sur le chantier de l'acceptabilité sociale. On l'a bonifié avec les études stratégiques sur les hydrocarbures. On avait parlé d'acceptabilité sociale également dans les EES. Et ça donne à peu près neuf recommandations.

La première, le premier point, l'acceptabilité sociale, est-ce que c'est l'affaire d'un seul ministère? Quand on parle de l'acceptabilité sociale, c'est une multitude de ministères ou entités gouvernementales qui sont concernés, que ce soit le MESI, le MERN, le MTQ, le MDDELCC, Santé, Société du Plan Nord, dans le cas comme une ville comme Sept-Îles, Stratégie maritime, encore une fois une ville comme Sept-Îles, et j'en passe plusieurs. Puis ça, c'est rien que les entités qui sont provinciales. Quand on intègre le municipal et le fédéral, ça en fait une multitude. Le problème dans l'acceptabilité sociale, c'est : Quand on en a un, des maillons de la chaîne, qui ne fait pas son travail, ça dérape souvent dans des dérives populaires. Donc, pour nous, c'est vraiment important qu'on ait un document de référence commun, et connu de tous, et appliqué par tous. Donc, notre première recommandation, c'est : Définition uniforme de l'acceptabilité sociale prise en compte et appliquée par tous les ministères et intervenants impliqués.

La deuxième recommandation, c'est l'importance de la communauté d'accueil. Premièrement, c'est qui, les experts du milieu? Pour nous, c'est assez clair, les experts du milieu, c'est ceux qui sont imputables, que ce soit au niveau économique, environnemental, de la ville en tant que telle. Donc, c'est les gens qui sont les experts du milieu qui peuvent apporter un «input» qui soit intéressant au niveau de l'acceptabilité sociale. Ça signifie aussi un partage d'information depuis le tout début de chacun des projets. Bien souvent, dans l'inconnu, c'est là que les tensions se lèvent et se montent, et impliquer la communauté d'accueil fait, pour nous, du sens d'être en priorité. Donc, la deuxième recommandation : La communauté hôte d'un projet doit être une partie prenante en amont du processus de discussion entre le MERN et le promoteur, ce qui facilitera une meilleure intégration des projets de développement.

Notre troisième point, puisque le BAPE est le gardien de l'acceptabilité sociale, on sait... De toute façon, vous avez eu déjà plusieurs présentations où c'est qu'on parlait souvent qu'il y a trois composantes à l'acceptabilité sociale, soit l'environnement, le social et l'économie. Ce qu'on se rend compte : quand c'est les audiences du BAPE, c'est souvent des lieux de défoulement populaire. Les impacts négatifs sont très bien documentés, les mesures de compensation également, mais les impacts positifs le sont beaucoup moins. Puis, quand on veut avoir vraiment une bonne prise de vue d'un dossier en particulier, c'est important d'avoir les deux côtés de la médaille. Donc, notre troisième recommandation : Une refonte du BAPE est nécessaire afin qu'il prenne en compte toutes les dimensions de l'acceptabilité sociale, qui devra consulter et informer la population avec un panel d'experts des différents ministères.

Notre quatrième recommandation, nous, dans le débat de Mine Arnaud, qui a fait beaucoup d'encre dans notre communauté, on a eu un outil scientifique qui a été appliqué pour, disons, évaluer l'acceptabilité sociale. C'est une grille d'analyse qui a été montée par la Chaire d'éco-conseil de l'UQAC, où c'est qu'on a essayé de mettre ça de façon scientifique, l'acceptabilité sociale, en sachant que ce n'est pas une photo, l'acceptabilité sociale, c'est un concept qui évolue. Et cette grille-là nous a permis de vraiment... si on referait l'exercice à toutes les années, on peut voir l'évolution de toutes les notions de l'acceptabilité sociale, savoir où est-ce que le promoteur score, où est-ce que le promoteur peut améliorer, ce que la population perçoit des efforts. Donc, c'est un élément qui devrait être pris en compte lorsqu'on va mettre en application l'acceptabilité sociale, de mettre des principes scientifiques.

Notre cinquième recommandation, c'est un gouvernement proactif. Dans tout débat, il y a des questions qui sont légitimes, autant des citoyens que par des opposants systématiques, les questions sont légitimes. Bien souvent, on va voir dans les médias des fausses vérités ou l'utilisation du nom des ministères : tel ministère a dit ça, la Santé a dit telle affaire. Malheureusement, ce n'est pas les ministères qui ont parlé, c'est des citoyens. Si le ministère ne répond pas, qui doit réagir? Est-ce que le promoteur peut parler au nom d'un ministère? Il ne peut pas. Puis, quand il se fait interpeller sur une question de santé, le promoteur, il ne peut pas parler, les commissions industrielles ne peuvent pas parler, les villes ne peuvent pas parler, il y a juste la Santé qui peut parler. Quand il n'y a pas de réponse, qu'est-ce qui arrive? Le vide se remplit. Donc, c'est là qu'on voit où est-ce qu'il y a un soulèvement populaire, parce que les gens vont commencer à avoir des craintes, qui sont justifiées parce qu'ils n'ont pas les réponses. Ils vont essayer de trouver des réponses où est-ce qu'ils vont chercher de l'information. Bien souvent, ça va être sur Internet, sur Facebook. On s'entend que, bien souvent, ce genre d'information là fait en sorte qu'on part sur des mauvaises prémisses. On a eu de nombreux exemples d'une dérive du débat dans notre région quand les experts ne se sont pas prononcés, ce qui a le résultat que le débat s'est transporté sur un débat d'émotions où l'esprit de rigueur scientifique n'avait plus sa place. Donc, notre sixième recommandation, c'est que le Québec s'est doté d'une fonction publique performante, qui a le devoir de protection des citoyens, d'assurer une pérennité économique et d'offrir un milieu sain, rétablir les faits dans les plus brefs délais fait partie de sa mission.

M. Brouillette (Marc) : Alors, je vais assurer la suite, M. le Président.

Le Président (M. Morin) : Allez, M. Brouillette.

• (15 h 40) •

M. Brouillette (Marc) : On l'a déjà souligné à plusieurs reprises, autant au niveau de la présentation en commission parlementaire de la Loi sur la Société du Plan Nord ou les deux projets de loi sur les mines, n° 79 et n° 43, l'importance d'avoir un fonds de diversification économique. C'est un élément indispensable, dans un contexte d'acceptabilité sociale, de tout projet d'envergure, notamment minier ou autre, qui peut se réaliser au Québec. Alors, c'est un fonds, évidemment, qui va, je dirais, répondre à des besoins, souvent des besoins au niveau des infrastructures pour une municipalité ou un milieu, à diminuer l'impact négatif que peut avoir un projet dans un milieu qui accueille un investisseur, permettre aussi à une municipalité ou un milieu de se diversifier, de sortir d'un réseau mono-industriel. Bref, en bout de piste, à partir des redevances ou de retours qui pourraient être versés dans ce fond de diversification économique là, notre sixième recommandation, c'est la mise en place d'un fonds de diversification économique et social par territoire de MRC opéré notamment par un comité, ou l'équivalent d'un Comax, composé des acteurs socioéconomiques des entreprises et des décideurs politiques.

Ce qu'il est important aussi de souligner, et on l'a vécu malheureusement trop souvent sur la Côte-Nord récemment, et je le dis, là, de façon très, très sereine, il faut que l'administration, au-delà de nos lois que nous avons, actuelles, fasse en sorte qu'on écourte les délais auxquels sont confrontés les projets d'envergure. Les investisseurs, la communauté, les gouvernements aussi, il faut le dire, les élus, il faut trouver une façon de se rendre plus facilitateurs au niveau du développement de ces projets-là. Et ça, ça fait partie malheureusement aussi de la question d'acceptabilité sociale. Alors, dans un contexte semblable, vous savez, les opportunités d'affaires, quand ça prend deux ou trois ans à partir d'un projet qui est présenté devant le BAPE, il faut trouver une façon de réduire ça pour que l'opportunité d'affaires demeure et qu'on ne perde pas l'investisseur. Dans ces circonstances-là, notre septième recommandation, c'est : Québec doit s'engager à diminuer drastiquement les délais associés à des projets économiques et à renouer avec, je dirais, un esprit de facilitateur au niveau du développement de nos affaires.

La huitième recommandation, on est tout à fait d'accord avec la mise en place d'un bureau de coordination des grands projets au sein du ministère. C'est l'orientation 5, objectif 2, action 2. Évidemment, la difficulté qu'on va avoir, c'est qu'il faut que ça soit fait de façon à être arrimé avec tous les autres organes, et organismes, et bureaux qui vont exister : bureau de la commercialisation au niveau de la Société du Plan Nord, les développements qui sont faits, exemple, par Investissement Québec, les développements qui sont faits par les ZIP, arrimé avec la Stratégie maritime, arrimé avec la stratégie de développement de l'aluminium. Alors, il faut que tout ce monde-là se parle pour que l'investisseur, la société, tout le monde sache qu'il y a juste une porte d'entrée, qu'il n'y en a pas 12 000.

Et, conséquemment à ça, ce qui est important, c'est qu'il faut que les gens au sein du ministère, ce soient des gens qui accompagnent immédiatement tout investisseur, c'est notre dernière recommandation, M. le Président. Ça devrait compléter le 10 minutes.

Le Président (M. Morin) : Merci. Il vous restait 40 secondes. Merci. Donc, M. le ministre, vous avez 15 minutes pour échanger avec nos invités.

M. Arcand : Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Brouillette et M. Tremblay. Bienvenue. Et j'ai lu évidemment avec beaucoup d'attention votre mémoire, et inutile de vous dire jusqu'à quel point le développement économique, particulièrement à Sept-Îles, me tient à coeur. Alors, ça, je pense que c'est... Je dis ça d'entrée de jeu. Ça me tient à coeur partout, mais disons que, pour des raisons évidentes, la Côte-Nord, pour moi, revêt un caractère très important.

Maintenant, sur la question de la diversification économique, je vous dirais, d'entrée de jeu, que c'est un dossier, évidemment... On est très conscient de la demande qui nous a été faite. On regarde différentes avenues au moment où on se parle, et donc je pense également que, sur la question des royautés, entre autres, probablement qu'une partie des royautés, ce dont on a discuté, entre autres, avec les municipalités, devrait aussi, peut-être, servir au niveau du développement économique. Il n'y a pas juste le gouvernement du Québec dans ça, il y a les municipalités.

Mais moi, j'aimerais vous poser la question, parce qu'on ne semble pas être au courant, au ministère, de la grille scientifique de l'UQAC dont vous avez parlé tout à l'heure : Est-ce que vous pourriez nous donner quelques idées sur ce que c'est exactement pour déterminer c'est quoi, l'acceptabilité sociale?

M. Tremblay (Russel) : En fait, M. le Président, ils n'ont pas déterminé c'était quoi, l'acceptabilité sociale, ils ont juste évalué toutes les facettes du développement durable, et il y a plusieurs éléments. Donc, c'est vraiment un exercice qui est très rigoureux. Chacune des facettes d'un projet est analysée avec des cotations, comment que le milieu perçoit chacun des éléments. Et après ça on prend des personnes qui sont neutres dans le débat et on fait... C'est quasiment comme un ensemble de sondage où il y a tout le monde qui doivent remplir ça. Et après ça on regarde les résultats.

Le promoteur fait aussi le même exercice de son côté avec la grille, puis, bien souvent, on va voir sa... un élément très visuel, ils réussissent à mettre une forme de triangle, les trois éléments du développement durable. Puis c'est là qu'on voit si le promoteur se distingue ou il est juste normal. Il respecte-tu juste les lois? Est-ce qu'il va plus loin dans certains secteurs? Et on voit la perception du promoteur versus la perception de la communauté hôte. Donc, c'est là qu'on voit c'est quoi, les éléments à bonifier. C'est-u des choses que le promoteur a faites mais qu'il n'a pas assez bien dites? Donc, on se rend compte c'est où, le travail à faire.

Pour nous, ça a été un document qui a été intéressant. Malheureusement, vu qu'il y avait eu une certaine forme de dérive dans ce dossier-là... Je crois qu'il aurait dû y avoir plus de place à cet outil-là, mais c'est un outil, là, qui n'est pas unique dans son genre dans le monde, là. On avait fait des recherches, là, vu qu'on avait des gens qui étaient spécialisés là-dedans au Québec, on avait passé par la chaire de l'UQAC. Mais on sait qu'il y a d'autres outils de ce genre-là qui peuvent apporter une forme de rigueur scientifique à l'acceptabilité sociale, ce qui fait quelque chose qui est différent. Et ça pourrait être intéressant, là, de creuser plus loin puis de l'enchâsser dans une loi.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : En tout cas, je vous remercie beaucoup de nous en informer. Puis on va certainement, au ministère, voir exactement comment cette grille-là peut être regardée. Et je vous remercie donc de nous sensibiliser à cet élément-là.

M. Tremblay (Russel) : Si je pourrais ajouter, je pourrais vous...

M. Arcand : Oui.

Le Président (M. Pagé) : Oui, M. Brouillette, allez-y.

M. Tremblay (Russel) : M. le Président, je pourrais envoyer, au niveau de la documentation... déposer notre grille qu'on a utilisée dans le dossier de Mine Arnaud.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Bon. Merci. J'aimerais juste qu'on revienne, parce que je pense qu'il y a un élément qui est important dans ce dont on discute aujourd'hui, c'est tout ce qui s'est passé dans le cas de Mine Arnaud. Je pense que c'est bien important qu'on revienne à ça, parce que c'est clair qu'on en a parlé puis que ça a été un élément de discussion. Est-ce que je me trompe en vous disant que, dans le cas de Mine Arnaud, non seulement il y avait certains enjeux reliés à la santé, là, et la question environnementale, mais qu'il y avait même, au départ, certaines préoccupations sur le plan économique, dans lequel on se disait : Est-ce que ce projet-là est suffisamment bon pour la communauté? Est-ce que, sur le plan économique, le marché de l'apatite est assez bon, etc.? Il y avait des discussions. Est-ce qu'au départ, même sur la question économique, je dirais, sur la rentabilité pour la communauté, sur ce que ça allait créer comme emplois, etc., il y avait certaines questions qui étaient posées à ce moment-là ou, d'après vous, c'était un enjeu qui était uniquement environnemental?

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette...

M. Brouillette (Marc) : En fait, au fil...

Le Président (M. Pagé) : Ah! M. Tremblay.

M. Brouillette (Marc) : M. le Président, dans... Je suis M. Brouillette, M. le Président.

Le Président (M. Pagé) : Oui, allez-y.

M. Brouillette (Marc) : Merci. Au fil du dossier, l'économie a pris une certaine importance. Mais initialement l'enjeu de taille a été un enjeu environnemental, de santé, et ça, ça a été clair, notamment du côté des groupes citoyens. Au fil du temps — et, je vous dirais, dans le cadre aussi du BAPE, on l'a vu — l'économie a pris une place... et les circonstances ont fait que le côté économique a pris une place qui n'aurait pas dû être, nécessairement. Et, encore aujourd'hui, la réalité, c'est que le dossier, d'un point de vue économique, est encore omniprésent sur la place publique, notamment compte tenu de la recherche d'un investisseur, comme vous le savez si bien. Et il y a eu des informations — puis c'est un petit peu le point qu'on traitait — il y a eu des informations qui ont été présentées et qui n'étaient pas exactes, mais qu'il n'y a personne qui a corrigé correctement le tir de la part de ceux qui détenaient l'information. Et ça, ça a contribué à ne pas aider l'aspect économique. Je vous le résume, là, succinctement, M. le ministre, là, mais essentiellement je pense que c'est vraiment le portrait, là, de la situation, qui a évolué, évidemment, sur une période d'à peu près trois ans.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : O.K., mais, juste pour que je comprenne bien, les enjeux, au départ, étaient... juste que vous me disiez quels étaient les enjeux. Il y avait une question environnementale, il y avait une question de santé, de dangerosité, là, de l'exploitation.

M. Brouillette (Marc) : Il y avait une question de la qualité de l'air, M. le ministre... M. le Président, excusez.

Le Président (M. Pagé) : Allez-y, M. Brouillette.

• (15 h 50) •

M. Brouillette (Marc) : ...une question de la qualité de l'air, la qualité de l'eau. Il y avait une question aussi sur certaine fiabilité des infrastructures qui étaient proposées par le promoteur qui a été mise en évidence, et la totale de ça dans un contexte où il y a d'autres entreprises qui oeuvrent à Sept-Îles, l'effet cumulant... culminant, excusez-moi.

M. Tremblay (Russel) : Cumulatif.

M. Brouillette (Marc) : Alors, M. Tremblay voulait ajouter quelque chose, M. le Président.

Le Président (M. Pagé) : Oui. Allez-y, M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : À la limite, au niveau économique, c'est plus au rôle du promoteur de faire ses devoirs. Dans ce dossier-là, c'est sûr que l'élément économique a été abordé, mais ce n'est pas le rôle de la communauté, ce n'est pas le rôle de M. et Mme Tout-le-monde de se positionner là-dessus. Le promoteur doit faire ses devoirs. Et nous, comme communauté, si les investissements se font puis que finalement ils n'ont pas la même rentabilité, on a quand même les emplois, on a quand même les investissements qui vont être faits. Donc, ce n'était pas un... Ça a été amené comme un débat où est-ce que c'était grave, la rentabilité, mais, dans le fond des choses, les données, disons, sensibles du projet, donc, sont davantage concurrentielles au niveau de l'apatite qui est dans le gisement, sa façon de procéder dans le cas... Dans le temps, c'était Yara qui était l'exploitant. Il a ses façons de faire, qu'il n'a pas à divulguer à tout le monde pour dévoiler son avantage concurrentiel avec le reste du monde.

Donc, le point de vue économique, si le projet est rentable ou non, on ne croit pas que ça fait partie de l'acceptabilité sociale. En fait, les retombées économiques dans la communauté, si, mais la rentabilité du projet, ça n'en fait pas vraiment partie, selon nous.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Je ne veux pas vous poser trop de questions parce que je sais que mes collègues en ont, mais je vous poserais comme question... Vous avez quand même été très dur en disant, entre autres : Écoutez, on a senti, même si le BAPE est un organisme sérieux, que, surtout au départ, là, c'étaient des séances, vous avez dit, de défoulement populaire, où là, évidemment, quand c'est des séances de défoulement populaire, c'est toujours un peu difficile d'avoir, comme on dit, les vraies choses, les vraies affaires. Et ma question est la suivante : S'il y avait eu au départ une étude d'impact indépendante, faite par les différents ministères au sein du gouvernement, qui avait clairement déterminé les enjeux économiques, est-ce que, pour vous, ça aurait aidé à avoir, à tout le moins, un BAPE qui aurait été un peu moins empreint de défoulement populaire, pour employer votre expression?

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette ou monsieur... M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : C'est sûr que, quand on... En fait, pourquoi qu'on fait les BAPE à cette date-là, dans n'importe quel projet, c'est parce que l'ingénierie de détail, ça coûte excessivement cher. Puis, si on est pour se positionner pour dire non à un projet comme société, ça serait plate pour le promoteur d'avoir à engendrer 60 %-70 % de ses frais pour avoir toutes les réponses à toutes les informations. Ça fait qu'effectivement, oui, en maintenant le BAPE à ce moment-là de chacune des étapes du projet, ça fait en sorte qu'il y a des réponses qui sont plus vagues, parce qu'ils n'ont pas toute l'information détaillée, et ça finit par dire : Bien, ils nous cachent quelque chose. Ah! ils ne nous ont pas répondu là-dessus, donc probablement que ça va changer en cours de route.

Et nous, on travaille en développement économique, on sait un petit peu comment ça fonctionne, on sait que, même s'il y a un BAPE qui est favorable à un projet, les ministères, ils ne se lavent pas les mains, puis le projet peut aller de l'avant, puis il peut faire les dégâts qu'il veut, puis il n'y a pas de suivi qui est fait par la suite. Peut-être que l'élément de suivi est peut-être mis un petit peu moins en lumière de ce qu'on peut penser dans l'imagerie populaire. Peut-être que ce serait intéressant de démontrer que le BAPE est une étape à travers le processus, que le promoteur va être quand même suivi, on va avoir le respect de chacune des normes et même aller au-delà. Peut-être que c'est un élément qui pourrait être un peu plus, là, sorti.

Parce qu'effectivement, là, des réponses qui n'étaient pas des réponses au BAPE, ça a créé du tort. Puis je ne parle pas nécessairement rien que du promoteur. Dans le cas de Mine Arnaud plus particulièrement, au BAPE, on avait vu qu'il y avait plusieurs personnes de plusieurs ministères — je ne veux pas cibler personne en particulier — mais qui n'avaient été pas préparées à répondre aux questions, et ça a... Tu sais, quand on voit les experts qui se font poser une question par le public, ils disent : Je vais demander à mon expert à côté, puis l'expert à côté dit : Je vais demander à l'expert à côté, puis l'expert à la fin, il demande à l'expert au premier de dire : Peux-tu répondre, parce que moi, je ne la connais pas, la réponse, puis ça fait la «loop»... Ça a été dommage. Puis, s'il y a un élément que les opposants et les pour ont été d'accord dans ce dossier-là, c'est de voir l'impréparation des experts qui ont été invités, là, pour le BAPE pour Mine Arnaud.

M. Arcand : O.K. Merci.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre, je pense qu'il y avait deux de vos collègues, soit le député d'Abitibi-Est ou des Îles-de-la-Madeleine... Lequel des deux? Député d'Abitibi-Est, allez-y.

M. Bourgeois : Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 3 min 30 s.

M. Bourgeois : Merci, M. le Président. Justement pour faire... Un peu dans la même lignée, vous parliez des éléments qu'il faudrait considérer, toute la question évolutive d'un projet, bon, on sait, en cours de route, puis c'est un des aspects quand on amène les gens à présenter leurs projets, à échanger. Ça peut permettre aussi d'ajuster en fonction des attentes du milieu hôte, la modalisation du projet en tant que tel dans sa réalisation, mais également dans ses impacts auprès du milieu.

Donc, le livre vert, dans ce qu'on recherche en termes d'acceptabilité sociale, est-ce que vous le jugez plus adéquat, plus structurant que simplement la démarche du BAPE, et comment vous le positionneriez un par rapport à l'autre?

Le Président (M. Pagé) : M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : C'est fondamental d'impliquer la communauté d'accueil. On a eu un colloque, l'ADNPlanNord, à Baie-Comeau, là, il y a quelques semaines, puis il y avait un promoteur qui nous a donné un exemple d'acceptabilité sociale, puis j'ai trouvé ça vraiment... c'était une figure frappante. Il est arrivé, il avait sa page titre en anglais, il dit : Écoutez, moi, je suis un francophone. J'étais dans mon bureau à Montréal puis je me disais : Bon, bien, regarde, moi, je vais aller faire une formation sur l'acceptabilité sociale; vu que je parle français, je vais faire ma présentation en anglais, comme ça, là, tout le monde va être content, les anglophones ne se sentiront pas lésés, tout ça. Puis là il a dit : Par souci, là... qui est anglophone ici? Il n'y a personne qui a levé la main. Là, il dit : Vous savez, c'est ça, l'acceptabilité sociale. L'idée, dans mon bureau de Montréal, était excellente, mais je n'ai pas contacté le milieu, je n'ai pas impliqué le milieu. Si j'avais connu le milieu d'accueil, j'aurais su qu'il n'y a pas un anglophone à Baie-Comeau — en tout cas, c'est entre parenthèses, il n'y avait pas d'anglophone. Donc, mon idée était superbonne, mais finalement, en arrivant ici avec une présentation en anglais, je vous braque contre moi.

Puis eux, c'était Nemaska Lithium. Ils ont dit : On a fait beaucoup de consultations, on a demandé l'avis des gens dans notre projet, mais on n'a jamais fait des vrais échanges, on a surtout donné de la formation. On s'est rendu compte qu'après quatre ans on a perdu notre temps, puis on a rechangé notre façon de faire, puis on a impliqué les gens dès le début.

Donc, ce que vous faites dans le livre vert, si c'est une notion qui est bien ancrée, qui est d'impliquer les communautés d'accueil... Parce que ce n'est pas nécessairement la meilleure idée qui doit être appliquée dans chacun des projets, c'est l'idée qui fait l'affaire du milieu d'accueil qui doit être mise en place.

Le Président (M. Pagé) : Oui, il vous reste 50 secondes.

M. Bourgeois : Oui, juste rapidement. Justement sur la notion de communauté d'accueil également, la Côte-Nord est une grande région, comme la mienne, et, quand arrivent des projets d'une certaine ampleur, et là je vais faire le parallèle avec le projet de la Romaine et Sept-Îles, est-ce que c'est la région qui doit parler? Est-ce que c'est la localité, la MRC? Puis quel niveau d'importance on doit attacher à chacun de ces acteurs-là par rapport, exemple, au provincial?

Le Président (M. Pagé) : En 15 secondes, M. Brouillette.

M. Brouillette (Marc) : Je vais répondre très rapidement. C'est sûr que ce n'est pas toujours évident, là, vous en êtes conscients, vous le vivez, et on le vit. Ce qu'on essaie de construire maintenant via la création d'un comité de maximisation de retombées économiques... celui-ci serait dans la MRC, actuellement, et couvrirait donc le territoire de la MRC, mais on a des projets, évidemment, qui ont des retombées un peu partout sur la Côte-Nord, il y a des gens de Baie-Comeau qui travaillent à la Romaine, alors...

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, vous pourrez compléter, parce qu'on a déjà écoulé notre temps. Donc, on va passer avec l'opposition officielle pour un bloc de neuf minutes.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Bienvenue à mes confrères du territoire de la Côte-Nord, bien heureux de vous voir. J'aimerais vous entendre sur quelques-uns des principes que vous avez énoncés. Vous avez parlé tout à l'heure puis vous avez soulevé un peu ce qui s'est passé dans le cas de la Mine Arnaud , où est-ce que, dans la communauté ou à travers les différents médias, il y avait des faussetés qui étaient véhiculées, et malheureusement des organisations, ministères, comme vous avez nommé, n'avaient pas tenté de corriger le tir.

À l'intérieur du livre vert, le ministre propose qu'il y ait un agent de suivi à l'intérieur du MRN pour accompagner le promoteur. Croyez-vous que cet agent de suivi là pourrait être le répondant ou, du moins, la courroie de transmission lorsqu'on perçoit dans la région une fausseté, pour qu'elle soit adressée au ministère en question et pour qu'il puisse effectivement corroborer ou, du moins, donner la bonne réponse?

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette.

• (16 heures) •

M. Brouillette (Marc) : C'est sûr que cette personne-là doit jouer son rôle, mais elle ne pourra pas le jouer toute seule. Si cette personne-là est assise à Québec, n'est pas imprégnée du milieu qui accueille l'investisseur, oubliez ça. Il faut que cette personne-là soit dès le départ... Puis c'est une de nos recommandations, il faut qu'il y ait un accompagnement qui soit assuré le plus rapidement possible, dans tout dossier, avec les gens du milieu, c'est un effet combiné. Nous, on est capables d'allumer des lumières pour s'assurer que l'information soit traitée, ce n'est pas nécessairement à nous de le faire, c'est-à-dire de traiter l'information, mais d'être en mesure de faire en sorte qu'il y ait un porte-étendard dans le projet et qu'il assume à tout moment l'évolution du projet.

Tu sais, Mine Arnaud, là, c'est un autre exemple. Entre le moment où on a fini le BAPE, à l'été 2013, et le moment où le décret est sorti, un 19 mars 2015, où j'accueillais M. le ministre... Tout le monde, de notre côté économique, on est contents le 19 mars. Mais pensez, là, à la période qui a été vécue par la communauté pendant pratiquement deux ans de temps, où on n'a pas pu savoir vraiment qu'est-ce qu'il se passait. Et ça, ça a créé de l'émoi partout, à un tel point qu'à un moment donné tout le monde était unanime, disait : Faites quelque chose, que ça soit bon, pas bon, annoncez-le. Et ça, un agent devrait être en mesure de pouvoir dire à la population : O.K., voici ce qu'il se passe, le BAPE est rendu là; il y a tel document qui s'échange, il y a telle intervention que vous pouvez faire encore. Parce qu'il y a des interventions peut-être qui peuvent être faites encore par le public que, là, on ne pouvait pas faire, mais, au moins, on avise le milieu, et ça, ça va alléger de beaucoup, beaucoup.

Pensez à l'investisseur qui ne sait pas du tout par moments, pas toujours, mais qui ne sait pas par moments, qu'est-ce qu'il se passe exactement dans ces différentes enceintes là. Et ça, là, il faut vraiment, un, donner l'information, réduire les délais. Ça, c'est deux de nos recommandations.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. Donc, ma question : Est-ce que l'agent de suivi pourrait faire ça avec le promoteur? Quand je vous entends, vous me dites qu'il faudrait plutôt avoir un agent d'information qui ferait effectivement cette diffusion-là.

M. Brouillette (Marc) : C'est un tout, M. le député, c'est un tout.

M. Ouellet : C'est un tout.

M. Brouillette (Marc) : C'est clair.

M. Ouellet : Vous avez parlé tantôt dans votre introduction de l'importance de la communauté d'accueil, qu'elle soit complète par des experts, qu'il y ait des gens autour de la table qui sont nommés et reconnus. À l'intérieur de l'orientation 3 du livre vert, on voit que le ministère veut produire de l'information plus accessible et vulgarisée et qu'elle organise aussi des séances publiques de rétro-information.

Bref, est-ce que vous voyez cette communauté d'accueil soudée, c'est-à-dire que, quand un projet commence, c'est la même communauté d'accueil qui suit le projet, ou elle peut être variable, cette communauté d'accueil là, tout dépendamment... Exemple, bon, on dit que c'est le président de la chambre de commerce qui est là. Demain matin, la présidence change, c'est une autre personne. Est-ce que vous voulez des individus reconnus, dits experts ou des organisations dites compétentes pour parler au nom de, dans vos communautés d'accueil?

Le Président (M. Pagé) : M. Tremblay. Oui, allez-y.

M. Tremblay (Russel) : C'est un peu des deux. C'est sûr que c'est important qu'il y ait des gens qui soient imputables quand on parle, là, de ce que le besoin du milieu est, quand on parle... que ça soit des développeurs économiques, que ça soit des gens en protection de l'environnement, que ça soit la ville en tant que telle. C'est sûr qu'il y a aussi des M., Mme Tout-le-monde qui doit faire partie comme... un petit peu comme les comités de suivi, là, qui sont actuellement, là, imposés dans chacun des projets miniers. On retrouve quand même une très grande majorité de gens qui sont imputables et certains citoyens qui doivent appliquer, puis qu'il y a un processus qui doit être aliéné.

Le problème avec ça dans les dernières années, c'est que, bien souvent, c'est les regroupements de citoyens qui deviennent comme les porte-parole de l'environnement. Nous, on a une corporation environnementale très dynamique sur notre territoire, mais le premier réflexe des médias, dans tous les débats de projets miniers, ou autres, ça a toujours été d'aller voir les regroupements de citoyens et non pas la corporation environnement, qui a quand même des employés qui ont des formations de haut niveau en environnement, donc qui sont capables d'analyser mieux les chiffres, ce qui fait en sorte que, des fois, il y a des éléments qui sont dits dans... C'est important que les citoyens puissent s'exprimer, mais techniquement, des fois, c'est des experts qui devraient se positionner.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Vous avez parlé dans une de vos recommandations qu'il y ait dans les projets des fonds de diversification. Ma question que j'aurais pour vous : Est-ce que vous voyez que, pour chaque projet du MERN, donc, il y aurait un fonds qui serait créé en fonction de l'établissement même et de la réalisation du projet? Est-ce que c'est ça ou que, dans la région, on fait plutôt globalement : voici les projets qui sont susceptibles de se réaliser, voici un fonds global par rapport à ces projets-là? Est-ce que vous le compartimentez ou vous en voulez un tout global, plutôt?

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette.

M. Brouillette (Marc) : En fait, la présentation qui a été toujours maintenue jusqu'à présent, c'est d'avoir un fonds qui est plus global pour une région donnée, O.K.? C'est sûr qu'idéalement, après ça, on laisserait au fonds, je pense, le soin de déterminer. Si ça vise un territoire qui est beaucoup plus grand, on laisserait au fonds, aux acteurs de déterminer la répartition de ces argents-là. Parce que, si ça s'applique, exemple, comme on le prétend dans notre recommandation, au territoire de la MRC et que le projet est fait dans strictement une municipalité de la MRC, qu'il n'y a pas de retombées ailleurs que dans cette municipalité-là, alors on va laisser les gens qui vont siéger sur ce comité-là déterminer la partition.

Là, ce qui est important, c'est de le mettre en place, ce fameux comité de diversification là, parce que ça fait plusieurs années qu'on en parle et on ne voit pas encore la couleur de ces argents-là dans le cadre d'un comité. Parce que, pour nous autres, il aurait été utile récemment, là, dans la question économique qui est vécue sur la Côte-Nord, pour permettre à tout le territoire d'utiliser ces argents-là pour contribuer à une diversification, à garder des travailleurs qui ont dû quitter la Côte-Nord. Dans notre milieu à nous autres, on a perdu un peu plus de 1 000 emplois dans l'espace de 18 mois. On aurait peut-être pu garder ces gens-là, faire une formation différente, les préparer, exemple, pour peut-être le projet de Mine Arnaud, peut-être pour la phase III d'Alouette, peut-être dans d'autres orientations, aider nos entreprises à prendre un virage technologique différent, à faire du maillage au niveau de la transformation de l'aluminium, etc. Vous voyez les opportunités. Mais, à chaque jour puis à chaque heure qui passe on n'a pas accès à ces argents-là, peu importe la couleur, là, issue du gouvernement, c'est quelque chose, quant à nous, qu'on vit déjà depuis plusieurs années et qu'il faut qu'on mette en place. C'était d'ailleurs une des recommandations que j'ai faites comme président de la chambre de commerce quand on a présenté la Loi sur la Société du Plan Nord. Il faut vite créer ce comité-là... ce fonds-là, en fait, excusez-moi.

M. Ouellet : Combien de temps?

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 50 secondes, M. le député de René-Lévesque.

M. Tremblay (Russel) : ...information rapide par rapport à...

Le Président (M. Pagé) : Oui, M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : ...par rapport, là, à une donnée vraiment cartésienne, il y a des chercheurs australiens qui ont évalué que, pour des retombées économiques, là, pour faire un comité de maximisation, c'est un rayon de 70 kilomètres autour du projet qui... ce sont eux qui ont les impacts les plus grands, puis c'est dans ce rayon-là qu'on doit mettre des genres... des fonds de diversification, dans un rayon de 70 kilomètres autour du projet.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 20 secondes, M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Rapidement, quand est-ce qu'on crée ce fonds-là, lorsque le projet démarre ou lorsque les études commencent?

Le Président (M. Pagé) : M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : Quand les investissements se font.

M. Ouellet : O.K. Merci.

Le Président (M. Pagé) : Alors, je vous remercie. Alors, on va passer à la deuxième opposition pour un bloc de six minutes. M. le député de Groulx, la parole est à vous.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Alors, M. Brouillette, M. Tremblay, bonjour. Alors, mes questions vont aller dans le sens de ceux de mon collègue, qu'il vient de poser, au niveau de diversification, mais de la création d'un fonds, en fait, là. Alors, oui, la diversification, mais ma première question, elle serait au niveau de l'investissement que les entreprises vont faire pour donner une qualité de vie à la communauté puis pour... Alors, comment ça fonctionne en... Est-ce que les entreprises devraient être tenues de verser un montant qui est une quote-part des revenus qu'ils vont tirer ou des matières qu'ils vont extraire du territoire? Est-ce que vous auriez des critères à suggérer pour s'assurer que l'argent vienne?

M. Brouillette (Marc) : Moi, je pense que c'est une partie... l'approche qui a été développée au fil de la présentation qu'on a faite, c'est une partie des redevances qui devrait être retournée par le gouvernement à la création de ce fonds-là, ou de demander, sans nommer l'exemple qu'on a, une aluminerie qui contribue à un fonds qui est québécois actuellement, qui... de ces argents-là, on pourrait prendre une partie et la retourner dans le fonds de diversification régional ou local. Ça, c'est deux exemples concrets qu'on vous soumet.

Alors, il y aura, je pense, autant de possibilités d'avoir des sources d'argent qu'il y a de programmes qui existent. Parce qu'à un moment donné on sait que ces argents-là servent aussi... les redevances servent aussi à d'autres fins. Essentiellement, là, deux exemples concrets que je viens de vous donner pourraient contribuer à le créer.

Vous savez, dans les meilleures années, là, sur la Côte-Nord, au niveau minier, il sortait entre 200, 250 millions. Retourner un pourcentage minime de ça nous aurait permis, nous autres, de réaliser... exemple qu'on donnait, d'avancer tranquillement le gazoduc sur la Côte-Nord, qui nous aurait permis de faire quoi? De la deuxième transformation sur une période de peut-être 10, 12 ans, un peu ce que les gens de Terre-Neuve ont fait avec la Trans-Labrador Highway sur une période de 15 ans à coups de 10, 15, 20 millions. C'est un petit peu l'exemple que ça peut vous donner.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Est-ce qu'il y a déjà eu des tentatives, quand même, par le passé de s'assurer d'une diversification du territoire en demandant aux entreprises de contribuer? Là, je sens qu'on veut le faire, mais il y a sûrement eu des tentatives ou des expériences passées qui ont été faites?

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette.

• (16 h 10) •

M. Brouillette (Marc) : Bien, il y a eu effectivement des démarches, mais, pour obtenir comme... Je ne veux pas dévoiler de secrets d'État, là, mais, dans le cadre d'un projet qu'on a actuellement, si le projet se réalise, il y a une possibilité que l'investisseur puisse mettre des argents, ou une participation dans un fonds, ou participer à un autre niveau au lieu de mettre l'argent dans ce fonds-là. Ça fait que ça, c'est une façon de faire qui est actuellement débattue. Je vous ferais le parallèle un peu : quand le gouvernement du Québec va octroyer une tarification hydroélectrique, on a négocié des conditions qui permettent au gouvernement d'avoir certaines garanties au niveau de l'emploi, au niveau donc de certaines retombées. C'est sûr qu'il y a des aspects qui seraient intéressants de toucher, comme, on voit dans d'autres provinces, de ne pas avoir de «fly-in/fly-out» pour des entreprises dans le cadre de l'opération, mais pas dans le cadre de la construction, ou de faire en sorte... comme on a chez nos voisins de Terre-Neuve, une obligation de faire de la transformation dans la province, ou une partie, là, tout le moins, de la transformation, ou d'exiger un minimum d'investissement dans la province sur l'investissement global qui est effectué. Il y a aussi ces paramètres-là. Il y a deux niveaux d'intervention possibles actuellement.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Si vous parlez quant au niveau d'investissement global qui a été fait, si on compare les entreprises d'exploration et d'exploitation, l'entreprise d'exploration, elle va investir, elle n'aura pas de retour tout de suite. Donc, est-ce que vous serez quand même enclin à suggérer qu'elles investissent aussi dans la diversification d'économies, même si c'est simplement de l'exploration qu'elles font? C'est ce que vous avez semblé dire tantôt.

Le Président (M. Pagé) : M. Brouillette. M. Tremblay.

M. Tremblay (Russel) : Une exploration, les dépenses sont beaucoup moins intéressantes que les projets de construction et puis d'exploitation. Donc, je ne pense pas qu'au niveau de l'exploration on serait là.

Mais un élément qui est à considérer par rapport à votre première question, c'était la stabilité. La plupart des grandes entreprises préfèrent avoir un cadre stable, de savoir comment que ça va coûter faire leurs projets. Donc, aller pièce à la pièce pour demander à chacun des donneurs d'ordres : Est-ce que vous pouvez contribuer à la diversification économique?, je pense qu'on risque de se mettre en porte-à-faux. On le sait, avec les négociations autochtones, de notre côté, c'est : chacune des ententes qui est signée est la base de l'autre qui suit. Ça crée un débalancement puis des mécontents tout le temps. Donc, imaginez un petit peu, là : il y a une ville comme Sept-Îles qui réussit à avoir un fonds avec... si on administre son territoire. Arrive la ville à côté que la minière, elle, elle ne veut rien savoir. Ça va encore créer de la jalousie. On est mieux de mettre un cadre qui soit stable pour tout le monde, donc on sait c'est quoi, les règles du jeu quand on va au Québec.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 30 secondes, M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Dans la grille dont vous faisiez allusion, là, on a réussi à la trouver, vous indiquez un point : «[Favorise] la production et l'accès à des biens et services de la plus grande qualité possible.» Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par ça? Parce que, les entreprises qui vont produire, il n'y a pas de... L'acceptabilité sociale, c'est de s'assurer qu'ils ne fassent pas de dégât, là, dans la communauté et puis... Mais de leur demander : Est-ce qu'ils produisent des biens de la plus grande qualité possible?, je ne sais pas...

Le Président (M. Pagé) : Malheureusement, le temps nous est écoulé. Alors, c'est tout le temps que nous avions pour cette présentation.

Alors, nous allons suspendre pour un moment, je vous remercie de votre présence, pour laisser le temps au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Pagé) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes le représentant de l'Institut du Nouveau Monde. Je vous invite à vous présenter, et vous avez 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire.

Institut du Nouveau Monde (INM)

M. Venne (Michel) : Merci, M. le Président. Je m'appelle Michel Venne, je suis le directeur général de l'Institut du Nouveau Monde. Et je voudrais d'abord m'excuser de ne pas avoir fait parvenir notre mémoire au préalable. Il vous sera acheminé avec toutes les références et les annexes nécessaires dans les prochains jours.

L'Institut du Nouveau Monde, c'est une organisation à but non lucratif dont la mission est d'accroître la participation des citoyens à la vie démocratique, et, pour les fins du sujet qui nous occupe aujourd'hui, je mentionne qu'on a organisé l'an passé, en collaboration avec l'UQAR, un colloque, un forum public sur l'acceptabilité sociale, dont les actes ont été publiés. On a mené divers travaux sur ce sujet-là pour la ville de Sept-Îles. Nous avons animé des rencontres publiques dans le cadre de l'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste et nous avons conduit, en 2012, une conversation publique sur l'avenir minier du Québec, qui a fait ressortir les attentes d'environ 500 citoyens que nous avons consultés, y compris des membres de l'industrie minière, en matière d'acceptabilité sociale. Et c'est sur la base de ces différents travaux que nous prenons la parole aujourd'hui.

Entre autres, je souligne que la définition de l'acceptabilité sociale qui est retenue dans le livre vert est celle qui a été proposée il y a déjà quelques années par ma collègue la directrice générale adjointe de l'INM, Julie Caron-Malenfant. Celle-ci m'aurait accompagné volontiers si elle n'était pas présentement chez elle en congé de maternité. Mais elle me souffle un message : selon elle, il y aurait lieu de réviser légèrement cette définition-là, entre autres en y introduisant la notion de démocratie, et je vais vous expliquer pourquoi.

Les divers travaux qu'on a menés ensemble au cours des dernières années nous invitent en effet à mieux insérer les processus destinés à mesurer l'acceptabilité sociale des projets dans le cadre des institutions démocratiques existantes et des processus de décision collective portant, entre autres, sur l'aménagement du territoire et le développement économique des régions. Je cite à cet égard une des conclusions de notre conversation publique sur l'avenir minier : «La question minière ne peut être abordée en vase clos. Le développement minier doit s'inscrire dans une vision globale du développement. Logiquement, il faudrait que les régions se dotent de plans de développement qui porteraient aussi [sur les] considérations à long terme.

«La conception et l'adoption de ces plans à long terme forceraient à mettre en balance les avantages et les inconvénients du développement minier dans une région donnée, par rapport aux autres potentiels liés à l'utilisation du territoire : forêt, agriculture, tourisme, conservation, villégiature, et autres. Ils prendraient en considération le point de vue éclairé des citoyens et l'impact des activités minières sur leur qualité de vie, tant sur le plan social, économique que culturel.» Fin de la citation.

Ce que nous retenons de nos consultations avec les citoyens sur l'avenir minier, c'est que l'acceptabilité sociale dépend de l'insertion du projet concerné dans une vision plus globale de la région, qui s'appuie sur l'histoire de cette région-là, sur ses caractéristiques sociodémographiques, sur l'état de l'économie, le taux de chômage, et ainsi de suite. C'est sur cette vision globale que les citoyens veulent d'abord être consultés puis pouvoir veiller, à travers des instances qui leur sont familières, à ce qu'un projet particulier s'articule convenablement avec le plan général adopté.

En ce sens, l'intention du ministère de rendre plus transparents et plus participatifs les mécanismes de planification et de conciliation des usages dans les plans d'affectation du territoire public et de les actualiser est une très bonne nouvelle, que nous accueillons favorablement, ainsi que l'intention d'assurer la mise en place de processus prévisibles d'information et de consultation à toutes les étapes d'un projet. Ce sont de bonnes nouvelles.

Nous accueillons favorablement des éléments du livre vert. Cependant, il y a deux ou trois choses sur lesquelles j'aimerais insister et qui pourraient constituer des améliorations à ce qui est proposé.

• (16 h 20) •

Le livre vert devrait être plus clair à l'égard des pouvoirs locaux. Si le ministère est le gardien des territoires, les municipalités et les MRC peuvent prétendre la même chose, et c'est une lacune sévère du livre vert de ne pas considérer le rôle des municipalités de manière plus explicite. On a vu, par exemple, dans l'Est du Québec des décideurs publics locaux réagir de plusieurs manières aux contestations, à une certaine époque, de la filière éolienne et intégrer dans la conversation locale et régionale ces projets, qui sont devenus pour plusieurs des opportunités. Il y a des élus locaux qui ont utilisé leur marge de manoeuvre, leur capacité d'intervention pour maximiser les retombées économiques locales en devenant partenaires de certains projets. Il y en a d'autres qui ont utilisé des outils réglementaires pour encadrer ou établir des normes de localisation des équipements. Mais surtout, dans le travail accompli par les acteurs publics locaux, on peut observer des arrangements originaux, qui montrent leur capacité à traduire dans des normes, ou des lois, ou des règlements, ou des pratiques les représentations qui émergent de la discussion publique, que ce soit une contestation ou que ce soit le discours des groupes dans cette communauté-là.

Bref, les élus locaux sont des agents de changement parce que leur action est intégrée à la trame régionale. Elle tient compte de l'histoire de la région, de son rapport à une industrie, des besoins variés de la population, des conflits sous-jacents et du désir de satisfaire la communauté de manière équilibrée, ne serait-ce que pour être réélus aux élections suivantes. Ils jouent un rôle important, et ce serait bête de ne pas s'appuyer sur eux. Alors, la motivation est forte de bien faire, mais on ne leur donne pas toujours les moyens d'agir.

Les élus locaux ne peuvent pas être considérés comme des parties prenantes ordinaires avec lesquelles les promoteurs devront avoir pris contact à travers un comité de liaison, comme le propose le livre vert.

Le palier régional de concertation — je me permets de le souligner — que constituaient les conférences régionales des élus pouvait représenter aussi un atout quant à la concertation sur des projets dont les impacts dépassent les frontières des localités. Bon, les CRE n'existent plus. Il faudrait peut-être songer à les remplacer par d'autre chose, ne serait-ce que pour ces fonctions-là.

Les intentions du ministère, donc, sont bonnes. Les concepts clés sont dans le livre vert : consulter en amont, assurer une bonne information à toutes les étapes, rendre des comptes. Je souligne par contre que les mesures qui sont proposées sont des mesures volontaires, et nous aurions souhaité, pour notre part, qu'elles soient plus contraignantes. Et ça ressort de ce que les citoyens, les écologistes, les élus locaux et même des gens de l'industrie nous ont dit lorsque nous avons consulté sur l'avenir minier. Entre autres, dans l'industrie, on veut au moins deux choses : une certitude quant aux exigences auxquelles on devra se soumettre lorsqu'on développera un projet et, deuxièmement, une application équitable des règles à l'ensemble de l'industrie.

Au-delà, donc, de la question de la contrainte, il y a deux aspects fondamentaux qui m'apparaissent importants de critiquer. Le premier, c'est que la diffusion de l'information de même que la mise en place d'un processus de consultation publique relèvent, selon le livre vert, d'abord de la responsabilité du promoteur d'un projet. Un promoteur peut, certes, établir un dialogue avec les citoyens et les parties prenantes. Ces actions de relations avec la communauté sont une bonne chose, mais elles relèvent de pratiques de relations publiques, pratiques certes légitimes mais qui ne peuvent pas remplacer les processus politiques ou les institutions démocratiques.

Le livre vert perpétue, dans ce sens-là, une pratique répandue, qui renvoie à une sorte de négociation privée, entre le promoteur et les parties prenantes, l'établissement de l'acceptabilité sociale d'un projet, alors que l'effet de cette négociation aura des impacts sur toute la communauté, sur toute la région, dans certains cas sur tout le Québec. La légitimité de ces négociations reste toujours fragile, entre autres parce que le promoteur est juge et partie.

Le deuxième aspect concerne le rôle même dévolu au ministère dans les processus participatifs proposés. Je veux d'abord rappeler une des conclusions de notre conversation publique sur l'avenir minier : «La conversation publique a permis de déceler chez nombre de citoyens une méfiance, pour ne pas dire une grande déception, plus grande à l'endroit de l'État même qu'envers les compagnies minières. Le message est assez clair : Que l'État assume ses responsabilités! Fiduciaire des ressources naturelles, c'est à lui de les protéger. Pour d'aucuns, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune — à l'époque — ne peut pas à la fois agir pour protéger le territoire, l'environnement et les citoyens, d'une part, et se faire le chantre et le promoteur de l'industrie minière, d'autre part.» Fin de la citation.

D'une certaine manière, le ministère est aussi perçu comme juge et partie à cause de son rôle de promotion du développement économique, ce qui n'est pas un tort du tout en soi, mais il y a une sorte de confusion des rôles quand on est à la fois promoteur de quelque chose et en même temps qu'on est le responsable d'un processus consultatif où la neutralité est quelque chose d'important. Il nous est arrivé à plusieurs reprises, dans d'autres contextes, de suggérer au gouvernement de se doter de mécanismes de participation publique qui puissent être utilisés dans tous les contextes et servir à tous les ministères. On a créé le BAPE il y a une quarantaine d'années. On était, au Québec, à l'avant-garde à cette époque. Depuis, on fait un peu de surplace. Mais depuis, aussi, on a découvert l'impact des questions sociales sur les projets, on a découvert que l'acceptabilité sociale était fondamentale. Les gens des milieux économiques réclament un bureau d'audiences publiques sur les impacts économiques. Il y aurait peut-être lieu de réviser cela et de s'en servir pour des projets locaux.

Et je conclurai, M. le Président, en disant que le livre vert représente un pas dans la bonne direction puisqu'il reconnaît le caractère crucial de l'acceptabilité sociale des grands projets et qu'il amène le ministère à développer une culture de la participation publique. Il faudrait cependant retirer aux promoteurs la responsabilité de la participation des citoyens. Il faut considérer le fait que le ministère peut difficilement jouer lui-même deux rôles distincts. Le rôle des municipalités et des MRC devrait être mieux considéré et reconnu dans le livre vert. Et finalement je vous remercie d'avance de penser à l'accompagnement non seulement des promoteurs dans les processus participatifs, mais des citoyens. L'acceptabilité sociale est une question de compromis au sein d'une communauté. C'est donc une affaire politique.

Le Président (M. Pagé) : Merci bien. Alors, M. le ministre, pour un bloc de 15 minutes, vous pouvez échanger avec M. Venne.

M. Arcand : Merci infiniment, M. Venne. Bienvenue à cette audience de la commission parlementaire. Évidemment, on a eu l'occasion, je pense, de se côtoyer pendant de nombreuses années sur plusieurs questions. Je me rappelle, entre autres, à l'époque du débat du gaz de schiste, entre autres, où vous aviez fait... organisé, en tout cas, certaines réunions de citoyens, etc.

M. Venne (Michel) : Qui avaient été assez houleuses.

M. Arcand : C'est ça. Ça a été très bien fait. Écoutez, j'écoutais beaucoup ce que vous disiez. je dois vous dire que, tout de suite je vous le dis en commençant, le rôle du ministère, ce n'est certainement pas d'être le promoteur, c'est d'être un facilitateur, d'une part. D'autre part, je suis tout à fait d'accord avec vous sur le rôle très important des municipalités. Mais je me rappelle, entre autres, très souvent, quand il y a eu le débat, au départ, du gaz de schiste, souvent les promoteurs allaient voir le maire puis ils disaient : j'allais voir le maire puis quelques conseillers, et par la suite, bien, j'ai parlé au maire, donc il est d'accord, donc la population doit être d'accord. On s'entend pour dire que ça va bien souvent bien au-delà de ça.

Mais ce que je retiens de ce que vous me dites, c'est que vous voulez des règles ou enfin, pour vous, il devrait y avoir des règles plus contraignantes aux promoteurs ou dans le processus que l'on discute actuellement dans le livre vert. Est-ce que vous pourriez me dire à peu près ce que vous avez en tête comme règles plus contraignantes comme telles?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : En fait, c'est que le livre vert contient toutes les bonnes suggestions, hein : consulter en amont, fournir de l'information à chacune des étapes, rendre des comptes à la fin du processus, s'assurer que l'information soit facilement accessible, dans certains cas c'est au ministère qu'on attribue cette fonction-là, mais, bref, toutes ces propositions-là pourraient devenir contraignantes, c'est-à-dire que, pour obtenir un permis ou en tout cas une autorisation, je ne me rappelle pas des termes que vous utilisez, il faudrait que le projet soit passé à travers une série de règles. Pourquoi? Je l'ai expliqué, il y a des raisons qui tiennent à la clarté du processus, entre autres, pour les citoyens, mais ça vaut aussi pour les gens de l'industrie, de sorte qu'on serait certains que tous les joueurs dans l'industrie passeraient par le même processus, pas seulement ceux qui sont de meilleure volonté que les autres. Je comprends que, dans des processus de politique publique, on aime bien — et on a raison de voir les choses comme ça — commencer par essayer d'inciter les gens à faire les choses et puis, si, au bout de quelques années, on se rend compte que la bonne volonté ne suffit pas, on peut légiférer, on peut réglementer, mais il me semble que le temps serait mûr pour établir des règles claires.

Ensuite, parmi ces règles-là, et je répète, elles sont pas mal toutes dans votre livre vert, mais, au travers ces règles-là, il me semble qu'il sera important d'intégrer le processus dans les processus politiques locaux ou régionaux, surtout ceux qui sont liés à l'aménagement du territoire. Parce qu'il y a une responsabilité des MRC en aménagement des territoires. On sait que les villes, en tout cas si on en croit la FQM et l'UMQ, sont demandeurs pour... demandeuses... oui, en fait, demanderesses... en tout cas demandent plus de responsabilités et de marges de manoeuvre sur le plan de l'aménagement du territoire. Elles demandent aussi plus de marges de manoeuvre et plus de responsabilités en matière de développement économique. Et il me semble qu'il n'y a pas d'intégration qui est prévue, alors que je pense que les processus locaux et régionaux sont des processus de compromis, de concertation, où on est capable de jouer certains arbitrages qu'un ministère ne pourra pas faire, parce que justement il n'est pas de la région.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

• (16 h 30) •

M. Arcand : J'ai regardé, lorsque j'étais ministre de l'Environnement, il y avait un dossier qui était extrêmement litigieux, et qui l'est d'ailleurs toujours, parce que j'ai vu ça aux nouvelles aujourd'hui, le promoteur d'une mine de niobium, je pense, dans la région d'Oka, et à l'époque... je pense que c'est un projet qui date d'au moins 15, 20 ans, si ce n'est pas plus. Et évidemment tous les ministres de l'Environnement ont eu toutes sortes de difficultés avec ce projet-là. Et, encore aujourd'hui, j'ai vu quelque part que ce projet-là allait être retiré. Parce que finalement il semble qu'il n'y ait pas, justement, d'acceptabilité sociale, le promoteur a tout de suite conclu qu'il n'y en aurait pas, et il n'y en avait pas eu avec d'autres promoteurs également. Or, il existe actuellement au nord de Dolbeau une mine de niobium ou enfin une opération exactement similaire. Dans ce cas-là, ça ne semble pas poser de problème. Dans le cas qui nous préoccupe, à Oka, gros problème. Pourtant, c'est pas mal le même genre d'opération.

Et vous avez parlé, donc, d'insertion dans la région, que souvent la différence, c'est l'insertion dans la région. Est-ce que je me trompe, d'une part, en vous disant que plus on se rapproche des grands centres urbains, plus l'acceptabilité sociale devient difficile, plus on s'éloigne en région, c'est un peu plus facile, de façon générale? Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des enjeux puis des problèmes, mais, en général, est-ce qu'on... Quand je regarde ces deux exemples-là, ce sont des exemples qui m'indiquent qu'il semble y avoir une problématique d'approche dans bien des cas.

Le Président (M. Morin) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Une question de densité de population : plus il y a de gens dans une agglomération, évidemment plus il y a de gens qui peuvent ressentir différentes sortes d'inconvénients à un projet. Dans le cas de Mine Arnaud, par exemple, il y a des gens qui ne voulaient pas de ce projet-là parce qu'il y avait je ne sais trop combien de camions qui auraient passé sur la rue pas loin de chez eux à chaque jour pendant x nombres d'années, ou il y aurait eu des explosions répétitives dans un site situé à quelques kilomètres à peine de la ville. Et, en effet, j'ai entendu à Sept-Îles une dame dire : Écoutez, là, allez creuser des mines au nord, mais laissez-nous le bord du fleuve, hein? Alors, en effet, la proximité des centres joue un rôle.

Mais, vous savez, l'acceptabilité sociale, ça dépend d'un ensemble de facteurs. Les gens qui m'ont précédé parlaient d'une grille d'analyse, qui vous a été suggérée, provenant de l'UQAC, il y en a plusieurs autres, grilles, qui existent — je pourrai vous les acheminer, si vous le souhaitez, mais je suis sûr que les gens de votre ministère les ont — mais sauf que l'acceptabilité sociale, ça ne se fait pas en cochant des grilles. C'est un phénomène intangible qui tient à tout un ensemble de conflits puis d'histoires dans la région et qui tient aussi à toutes sortes de conditions.

Mine Arnaud, au début, là, il y avait de l'opposition, entre autres, parce qu'il n'y avait pas de chômage. Il y avait de l'opposition à Sept-Îles aussi à des projets d'immeubles à logements parce que ça allait cacher la vue sur la baie de Sept-Îles, là, mais les gens n'avaient pas besoin de ces logements-là, ça allait bien sur le plan économique. Et l'appui au projet a augmenté au fur et à mesure que le chômage a augmenté.

Alors, bref, c'est toute une série de facteurs qui n'ont rien à voir avec la qualité du projet parfois. Donc, ce sont des circonstances. Et c'est pour ça que c'est un arbitrage politique qui doit être fait. On ne peut pas le faire de manière administrative. C'est vraiment un jeu politique dans lequel il y a, bien sûr, les institutions, les institutions qui doivent servir à faire des compromis lorsqu'elles sont bien menées — et, en général, au Québec, on est relativement bons là-dedans — mais ça joue aussi du débat public, qui, lui, est incontrôlable, en effet. Et c'est pour ça que c'est une alchimie, et ça dépend... ça prend du talent politique pour assurer l'acceptabilité sociale d'un projet lorsque ce projet-là crée des inconvénients aux gens.

Le Président (M. Morin) : M. le ministre.

M. Arcand : Plusieurs personnes... ou enfin ce qui se dégage jusqu'ici, c'est que les gens nous disent : Bien, écoutez, ce ne serait pas mauvais d'avoir, finalement, deux étapes, à tout le moins, c'est-à-dire d'aller en amont avec le projet, analyser au départ l'aspect économique du projet, dans un premier temps, avec un processus qui pourrait être public, donc, et par la suite aller éventuellement au BAPE pour... et que ça permettrait, en fait, aux promoteurs même de pouvoir corriger certains aspects du tir, à partir du moment où il y a une première audience publique.

Je ne sais pas ce que vous pensez de ça, mais ce sont des choses qui semblent être ressorties souvent ici, sur le fait qu'au départ, s'il n'y a pas de viabilité économique ou d'intérêt économique ou les citoyens trouvent qu'il n'y a pas assez de retombées économiques, bien, à ce moment-là, ça ne donne rien d'aller plus loin. Parce que le projet va faire probablement comme ça a été le cas à Oka, d'après ce que je comprends, là, et avoir... tout de suite le promoteur a décidé de ne pas aller plus loin.

Alors, je ne sais pas ce que vous pensez de l'idée d'aller à une, deux ou peut-être même trois étapes, je ne le sais pas, mais pour pouvoir faire évoluer ce projet-là.

Le Président (M. Morin) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Écoutez, quand un promoteur a un projet en main, il y a eu découverte d'un gisement, si on parle des mines, par exemple, ou il existe une forêt qui pourrait être exploitée, ou enfin, bref, il y a une possibilité d'exploitation. Lui-même, j'imagine, calcule la rentabilité d'un projet comme celui-là, il calcule ses coûts et... bon. Et c'est clair qu'une communauté, elle aussi, elle calcule ses coûts et ses gains. Et, en effet, les retombées économiques, c'est un des grands facteurs d'acceptabilité sociale. Je l'ai mentionné pour Sept-Îles : plus le taux de chômage a augmenté avec la fermeture de certaines mines, à cause des changements dans le marché mondial du fer, plus l'appui au projet a augmenté. Alors, c'est pareil, dans n'importe quelle communauté, on va voir qu'est-ce que ça nous rapporte, un projet comme celui-là. Et c'est vrai que c'est un facteur important. Donc, vous n'avez pas tort en disant ça.

Deuxièmement, tout ce que j'ai entendu chaque fois que j'ai fait des consultations sur des questions comme ça, c'est qu'il était préférable, y compris pour le promoteur, de faire des consultations le plus en amont possible. Ça, c'est tout à fait vrai, et vous l'avez déjà noté dans votre livre vert.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Ça va.

Le Président (M. Pagé) : On va passer à votre collègue des Îles-de-la-Madeleine. M. le député, il vous reste 4 min 30 s.

M. Chevarie : Merci. Combien?

Le Président (M. Pagé) : 4 min 30 s.

M. Chevarie : Merci. Merci, M. le Président. Merci de votre contribution, M. Venne, c'est très intéressant. Si j'ai bien compris de votre organisme, sur le concept d'acceptabilité sociale, puis vous me corrigerez si j'ai une mauvaise lecture, vous mentionnez, entre autres, que ce n'est pas l'acceptation passive d'un projet par une majorité silencieuse ou encore ça ne se résume pas par deux pôles, un pour, l'un contre, mais que ça met en débat des valeurs, dépendamment des gens de la communauté, des visions du territoire, ainsi de suite, puis ça exige la mise en place d'un processus d'interaction entre les différentes instances d'une communauté, les individus, ainsi de suite.

Donc, ce n'est pas un concept qui est très facile à définir, je dirais, dans le cadre d'une image ou de quelques mots. Mais j'ai retenu une définition de Mme Corinne Gendron, de l'UQAM, que j'imagine que vous connaissez, qui est professeure-chercheuse, qui, elle, dit : L'acceptabilité sociale, ça égale un jugement populationnel. Partant de ça, comment est-ce qu'on peut l'évaluer ou le qualifier, ce jugement-là?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : L'acceptabilité sociale, en fait, ce n'est pas si compliqué que ça, c'est : Est-ce que la communauté en veut, du projet, ou si elle n'en veut pas? Hein, la définition, ce n'est pas... on peut chercher midi à 14 heures, là, mais, en gros, c'est ça : Le monde en veut-u ou il en veut-u pas? Mais évidemment la question est de savoir qui parle au nom de la communauté. C'est toujours ça, la grande difficulté. Et, dans notre régime démocratique, on a des institutions démocratiques dont les élus sont des représentants de la population. Et c'est une des raisons pour lesquelles je mentionne le rôle important que devraient jouer les municipalités dans les processus, c'est qu'on a là déjà des gens qui ont été élus dans un processus légitime et qui ont la légitimité de représenter la population. Sauf qu'on vit dans une société pluraliste, et il y a une certaine méfiance envers les élus, et il y a des citoyens qui s'organisent, et l'expression du point de vue de ces différents citoyens là est aussi importante. Alors, il faut trouver le moyen de la laisser s'exprimer.

Et, pour savoir ce que les gens, ce que la communauté pense, il faut capter toutes les voix de la communauté, et puis ça prend quelqu'un qui est neutre, qui n'a pas d'intérêt là-dedans, et qui va porter un jugement sur ce qu'il a entendu, et qui va dire aux promoteurs ou aux élus : Écoute, ce que j'ai entendu, là, ce n'est pas du tout accepté par la population, ou encore ce serait accepté si on ajoutait les conditions suivantes, ou encore qui dirait : Écoute, ça passe comme une balle, ou qui dirait : Écoute, c'est moitié-moitié, là, et là toi, comme élu, tu as une décision à prendre. Mais c'est ce que le gouvernement fait à chaque fois qu'il reçoit un rapport du BAPE.

Alors, c'est ça qu'il faut, au fond, continuer d'instituer. Parce que, «anyway», on est loin de partir de zéro, il y en a eu plein, de beaux processus qui ont bien marché, mais il faut l'instituer, le répandre, le rendre universel et puis considérer que c'est un processus politique et non pas un processus administratif ni scientifique, cette affaire-là. Ça tient dans l'interaction, puis je pense qu'on a tout avantage à ce que ça passe à travers les institutions qu'on connaît déjà.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Pagé) : M. le député des Îles, il vous reste 30 secondes.

M. Chevarie : 30 secondes. Bien, on sait tous qu'un projet de développement minier ou énergétique, il y a trois dimensions : le volet économique, vous en avez parlé, le volet de l'acceptabilité sociale, le volet écologique ou environnemental. Et tantôt, à une réponse au ministre, je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous sembliez dire que le volet économique est vraiment le facteur prédominant. J'aimerais ça vous entendre là-dessus quelques secondes.

Le Président (M. Pagé) : Il reste cinq secondes, M. Venne.

M. Venne (Michel) : Ce que je veux dire, c'est que c'est un débat extrêmement important, mais ce qu'on voit apparaître au cours des dernières années, c'est les retombées ou les répercussions sociales des projets qui montent en importance dans l'expression de ce que disent les citoyens, et même au-delà des préoccupations environnementales.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie. Donc, on va passer, pour un bloc de neuf minutes, à l'opposition officielle, M. le député de René-Lévesque. C'est parti.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Venne. Je suis content de vous voir. J'avais eu l'opportunité par le passé de déjà travailler avec votre institut, avec Mme Baril, en question, avant d'être député. Donc, je connais bien votre organisation et le genre de travail que vous faites.

M. Venne (Michel) : Merci.

M. Ouellet : J'aurais quelques interventions que j'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus. En acceptabilité sociale, on dit souvent : Plus on commence tôt, plus les gens sont informés, mieux on peut répondre à une panoplie de questions en amont. La question que j'ai pour vous : Est-ce que, dans certains cas, plus on commence tôt... et, si les promoteurs n'ont pas suffisamment d'information, est-ce qu'on n'est pas en train un peu de biaiser le processus? Donc, si on a commencé un petit peu plus tard, c'est-à-dire quand on n'a pas toute l'information, mais une bonne partie, on pourrait faire un processus plus démocratique puis les échanges seraient plus complets?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Je pense qu'il faut voir cette question-là comme devant s'insérer dans un processus qui est continu, d'une certaine manière. Si on va très en amont, je l'ai mentionné dans ma présentation, ce que les gens nous ont dit quand on a fait le tour des régions sur l'avenir minier, c'est : Écoute, nous autres, dans notre région, là, on devrait avoir un plan — d'ailleurs la plupart des régions en avaient un — de développement qui met l'accent sur telle ou telle industrie, sur telle ou telle activité économique, sur la diversification, comme l'ont dit les gens qui m'ont précédé à cette tribune tout à l'heure, et comment s'insère le minier là-dedans. Alors, on part de là. Et là, ensuite, bien, c'est une conversation qui est continue entre les élus locaux, les élus régionaux, les MRC, les entrepreneurs, les promoteurs, les explorateurs. Tous ces gens-là ont des relations continues, à travers la chambre de commerce ou autrement. Et donc le processus, il est continu.

Alors, c'est la même chose à partir du moment où le projet apparaît. Il peut y avoir... On peut dès le départ dire : Bien, on aurait un projet, là, d'une mine. Si c'est une mine à ciel ouvert, ça implique évidemment un gros trou. Elle est située où? Ça, on sait ça. Tu sais, déjà on sait ça. Même si on n'a pas tous les détails d'un rapport d'évaluation environnementale qu'on présente au BAPE, on a déjà des éléments clés. On commence par le dire. C'est sûr que les entreprises sont réticentes parfois, parce qu'il y a des questions de compétitivité, ou le reste.

Et puis, au fur et à mesure qu'on en sait davantage, on donne de l'information, c'est-à-dire que... Et, en effet, tout au long de ce processus-là, c'est itératif, comme on dit, il y a des allers-retours entre l'information qui est disponible, les décideurs et la population. Et on évolue dans le projet au fur et à mesure, mais déjà... Par exemple, à Sept-Îles, je suis persuadé que, dès le départ, quand on a dit qu'il y aurait une mine à ciel ouvert à cinq kilomètres du centre-ville de Sept-Îles... Il y a des gens qui disaient que c'était à proximité d'une source d'eau. Je n'ai pas la précision, mais enfin, bref, avant même d'avoir les détails sur le contenu chimique du produit ou le nombre ou la densité de la poussière dans l'air, il y avait certainement déjà des opposants. Alors donc, ça permet quand même assez rapidement non seulement de répondre à des questions, mais de voir quelle est l'attitude de la population, de la communauté face au projet. Mais on évolue dans ce projet-là.

Mais plus tôt on commence, plus tôt le promoteur sait à quoi s'attendre. Dans certains cas, il verra comment il peut améliorer son projet. Dans d'autres cas, peut-être qu'il tirera la conclusion, comme à Oka, qu'il n'y a rien à faire.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. Dans votre mémoire, vous parlez de l'importance ou du rôle, du moins, des élus dans le processus pour... je ne veux pas dire favoriser l'acceptabilité sociale, mais travailler à la mise en place du processus.

M. Venne (Michel) : Bien, pour savoir...

M. Ouellet : Oui, allez-y... Non, allez-y.

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Non, mais, en fait, c'est pour savoir c'est quoi, la décision qu'on doit prendre, en fonction de la communauté.

M. Ouellet : O.K. Vous savez, les élus changent aux cinq ans. Dans certains cas, on pourrait avoir un maire ou une mairesse favorable à un état de fait en commençant le projet. Et on pourrait avoir un autre élu en cours de mandat, bon, qui se présente et qui se positionne contre, et effectivement, à bout de course, faire chavirer un peu l'adhésion populaire, parce que celui qui était pour a maintenant un adversaire qui se lance contre et, bon, qui gagne des suffrages. Est-ce que, ça, vous voyez un enjeu, qu'un élu se positionne ouvertement et foncièrement en accord ou en désaccord pour ce qui est d'un processus dit démocratique ou pour et par les citoyens?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : En fait, vous voyez, dans le débat public, les élus ont comme un double rôle. D'une part, vous êtes des hommes et des femmes politiques. En fait, je devrais dire «des hommes» parce qu'il n'y a que des hommes députés, je crois, autour de la table. Alors, vous êtes des hommes ou des femmes politiques et vous avez des opinions. Vous n'êtes pas allés en politique parce que vous n'aviez pas d'opinion, vous avez un point de vue, parfois une idéologie. Donc, il est normal que vous la défendiez et il est normal qu'il y ait certains projets qui vous plaisent et que vous souhaitiez les défendre. Et, dans le débat public, vous vous exprimez, puis c'est normal, ça fait partie des règles du jeu, puis on aime ça, même, des fois, vous voir vous chamailler un peu.

Mais, au-delà de ça, quand arrive le moment de prendre une décision, là il y a des processus qui doivent être suivis. Pour adopter une loi ici, il y a un processus à suivre, il y a des règles de procédure, il y a des délais qui sont impartis. C'est la même chose lorsqu'il s'agit de prendre une décision au niveau municipal, il devrait y avoir des règles. Et, quand on parle d'acceptabilité sociale comme on le fait aujourd'hui et quand on dit : On doit se fixer des règles du jeu, bien, il faut que ces règles du jeu là soient suivies par les élus, même ceux qui ont des opinions.

Alors, comme les élus ont des opinions, souvent, presque toujours en fait, c'est la raison pour laquelle je disais dans ma présentation qu'il serait intéressant qu'il y ait un tiers neutre qui puisse la faire, la consultation. Parce que, si c'est le maire qui a déjà pris parti pour ou contre un projet qui mène la consultation par lui-même, bien, évidemment, il va être pris en grippe par le camp opposé, alors que, si c'est un tiers neutre qui mène la consultation, légitime, un tiers neutre légitime, eh bien, à ce moment-là, le résultat de la consultation sera clair. Le maire demeure le maire : avec ses conseillers, il va prendre une décision dans son champ de juridiction, et le ministre va prendre une décision dans son champ de juridiction. Puis, au bout du compte, on va savoir s'il y a un permis, une autorisation ou s'il n'y en a pas. Mais le processus de consultation, lui, va avoir été crédible parce qu'il y aura un tiers neutre qui l'aura mené.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Gaspé, il vous reste deux minutes et quelques secondes.

M. Lelièvre : Merci, M. le Président. Je salue M. le ministre et l'ensemble des collègues de toutes les formations politiques. Bonjour, M. Venne. Il me fait plaisir de vous rencontrer. J'ai lu beaucoup sur vous, je vous ai entendu, mais je pense que c'est la première fois que j'ai le plaisir de vous voir en personne.

M. Venne (Michel) : Ça me fait plaisir d'être ici avec vous.

M. Lelièvre : Écoutez, j'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais la première, on n'a pas grand temps : Quand on parle d'acceptabilité sociale, j'aimerais savoir le cadre de référence physique applicable à cette notion-là. Je m'exprime... Je m'explique. Par exemple, au niveau, disons, d'un projet pétrolier dans une région x et dans une municipalité x, pour un enjeu aussi important que le pétrole, par exemple, selon vous, quand on parle d'acceptabilité sociale, est-ce que l'enjeu en question ou le type de ressource en question peut influencer le niveau territorial d'acceptabilité sociale, donc viser un plus grand ou un plus petit groupe d'acteurs?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Oui. La réponse, c'est oui. Par exemple, dans le cas du pétrole... Je vais prendre la réponse autrement. L'acceptabilité sociale commence, je dirais, au niveau national, c'est-à-dire : Est-ce qu'au niveau national, tel type d'industrie, on est pour ou on n'en veut pas? Dans les années 70, à un moment donné, on a décidé qu'on ne ferait pas de nucléaire. On avait Gentilly, on a arrêté. On s'est tourné vers l'hydroélectricité. Ça a été une décision qui a été prise au niveau national, évidemment, par les institutions politiques, mais qui a fait consensus. On a dit : On ne veut pas de nucléaire, on s'en va sur l'hydroélectricité. O.K. À partir de ce moment-là, il y a une sorte d'acceptabilité sociale au niveau national de la filière hydroélectrique.

Dans le cas du pétrole, je pense qu'on n'est pas encore rendu là tout à fait. C'est-à-dire qu'il y a encore des grands débats sur la question de savoir si le Québec devrait ou pas exploiter ses ressources fossiles, et, si oui, comment, et, si non, pourquoi. Ça serait le fun de le savoir aussi. Et donc le débat national n'est pas fini. Alors, inévitablement, même quand il y a un enjeu qui est local à propos du pétrole, inévitablement le débat va rebondir au niveau national parce qu'il y a des acteurs du débat public national qui sont impliqués dans la discussion sur la question de savoir si...

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie...

• (16 h 50) •

M. Venne (Michel) : ...au plan national, on est pour ou on est contre.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie. Alors, c'est ce qui complète le bloc. On va aller maintenant avec la deuxième opposition pour un bloc de six minutes. M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Est-ce que vous voulez terminer rapidement ce que vous étiez en train de dire? Je peux vous laisser 15, 30 secondes.

M. Venne (Michel) : Oui, bien, j'allais dire que... Mais par contre, une fois que l'acceptabilité sociale existe au niveau national, il faut le vérifier au niveau local. Parce qu'il y a d'autres enjeux qui se jouent, qui sont de l'ordre des répercussions de l'environnement local, de santé, des questions sociales comme le logement, l'impact sur le logement, l'impact sur les dépendances, l'impact sur la délinquance, et ainsi de suite, mais ça se fait au niveau local à ce moment-là.

Le Président (M. Pagé) : Allez-y, M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Alors, peut être local, mais, au niveau de la concertation régionale, vous avez mentionné dans votre document qu'il faudrait revoir, en fait, l'effet de la création d'une instance au niveau régional. Alors, on sait très bien que les CRE ne sont plus là. Bon. Alors, est-ce que vous pourriez suggérer une façon de faire, qui soit la même dans tous les cas, pour éviter justement, comme on disait tantôt, que... si un maire a un intérêt, bon, il va prendre des gens peut-être plus de sa vision, et donc, pour éviter ça, créer une structure qui va faire en sorte que ce soit toujours neutre? Auriez-vous une suggestion à faire?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Là, il y a deux aspects dans ce que vous dites. Quand j'évoquais tout à l'heure l'aspect de la concertation régionale, c'est que, souvent, les projets qui touchent les ressources naturelles touchent de grands territoires, et ça chevauche plusieurs territoires municipaux, ou en tout cas les impacts ou les répercussions vont toucher toute une région. Et, dans ce sens-là, le fait qu'il existait une instance de concertation régionale pouvait, en tout cas, être un atout. Est-ce qu'il était bien utilisé ou pas bien utilisé? Ça, on aurait pu faire une évaluation des CRE puis on l'aurait su. Mais néanmoins je trouve qu'il y a un avantage sur certains enjeux, surtout les territoriaux, d'avoir une instance régionale ou palier régional où on peut se concerter. Ça ne doit pas nécessairement avoir la même forme dans toutes les régions. Montréal, ce n'est pas pareil, puis Québec, et puis l'Abitibi, puis la Côte-Nord, là, on n'est pas dans des univers similaires, mais l'idée d'une concertation régionale, ça aide à voir comment s'insère un projet dans une dynamique régionale.

Par rapport aux instances neutres de consultation, on a des exemples, le Bureau d'audiences publiques, c'en est un, exemple, il est consacré aux impacts environnementaux. Tout à l'heure, je pense que le Conseil du patronat vient ici, il me semble que le Conseil du patronat prône l'existence d'un bureau d'audiences publiques sur les impacts économiques. Bien, pourquoi on ne fait pas tout ça dans la même instance? Et pourquoi cette instance-là n'est pas appelée à intervenir un peu partout au Québec sur des projets de grande ampleur? Mais on peut aussi avoir des instances comme l'Office de consultation publique de Montréal, qui est une instance qui fonctionne à peu près de la même manière mais sur des enjeux montréalais. On pourrait avoir la même chose au niveau soit de chaque région ou d'un ensemble de régions, mettre à la disposition des MRC ou des villes un instrument de consultation compétent, reconnu, légitime, qui viendrait travailler sur leur territoire quand il y a un projet.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Au niveau des particuliers, vous mentionnez qu'il faudrait penser à l'accompagnement non seulement des promoteurs, mais des citoyens qui veulent participer en leur réservant des ressources, l'accès à l'expertise à des guides et à des sources d'information faciles à consulter. Au niveau de ces axes-là, donc de l'expertise en particulier, ça peut impliquer des coûts, à ce moment-là, de faire affaire... Alors, qu'est-ce que vous verriez comme proposition qu'on puisse répéter partout au niveau du support des gens pour...

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Ce que je dis là, ça nous est venu des citoyens qu'on a consultés sur l'avenir minier, les gens disaient : Écoutez, nous autres, on est du monde ordinaire, là, on n'est pas tous des spécialistes en chimie et on a besoin d'avoir accès à des ressources. La meilleure façon d'avoir accès à des ressources, c'est de faire ce que le gouvernement fait déjà, mais de le faire peut-être un petit peu plus intensément, de s'assurer qu'il existe dans la société des organisations qui sont spécialisées dans des questions comme celles-là et qui peuvent se mettre au service de citoyens. Le Centre québécois de droit sur l'environnement en est un, peut-être que M. le ministre a déjà eu maille à partir avec le centre, je n'en sais rien.

Mais, cela étant dit, mon exemple n'est peut-être pas bon, là, j'ai peut-être mal choisi, mais il y a des organisations qui existent, il s'agit de les financer, et puis, comme ça, des citoyens peuvent y avoir recours pour avoir de l'expertise sur des enjeux très précis. Et donc les coûts ne sont pas si énormes. Mais je pense qu'il est préférable d'avoir ça et d'avoir un bon processus participatif, que le coût d'un projet qui était bon puis qui n'est pas réalisé à cause d'une contestation mal fondée, ou d'avoir un projet mauvais qui est réalisé et qui a des répercussions négatives par la suite.

Le Président (M. Pagé) : 1 min 15 s, M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Pardon?

Le Président (M. Pagé) : Une minute.

M. Surprenant : Merci. Donc, vous parlez de financer ces groupes-là qui vont supporter des gens. Comment on établit des règles claires de financement, que les gens sachent à quoi s'attendre?

Le Président (M. Pagé) : M. Venne.

M. Venne (Michel) : Il s'agit de les définir. C'est quoi, les mandats des organisations qu'on veut financer? Et c'est ce que fait le gouvernement dans plein de domaines aujourd'hui. Si, par exemple, le gouvernement décide de financer des entreprises d'économie sociale dans le domaine de la gestion des services à domicile, bien, il établit des règles, des contrats avec ces organisations-là. Ou alors on crée un programme de subventions avec des normes — c'est commun dans l'administration publique — et qui disent : Bien, voici, nous, on est prêts à financer des organisations qui vont produire de l'information fondée sur des travaux scientifiques, qui vont mettre à la disposition des groupes de citoyens des scientifiques réputés, etc.

M. Surprenant : Donc, ma question, c'est que ce serait au gouvernement à financer ça? On n'imposerait pas ça aux entrepreneurs, aux promoteurs de projet qui mettent un montant pour subventionner les gens, là?

Le Président (M. Pagé) : En quelques secondes, M. Venne.

M. Venne (Michel) : Comme vous le savez, le gouvernement n'a pas d'argent, il va toujours chercher l'argent dans les poches de quelqu'un. Alors, c'est à lui ensuite de déterminer de quelle manière il peut refiler la facture dans le cadre de processus d'autorisation de projet ou autrement, par la fiscalité ou par des taxes à payer.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, M. Venne. Et on va suspendre pour un moment, laisser le temps au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 16 h 58)

Le Président (M. Pagé) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux, chers collègues. Nous recevons, pour le mémoire, la présentation, la ville de Gaspé. Je vous demande de vous présenter. À partir de maintenant, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire. Merci.

Ville de Gaspé

M. Côté(Daniel) : Parfait. Je me présente : je suis Daniel Côté. Je suis le maire de Gaspé. Je suis accompagné de Jocelyn Villeneuve, qui est directeur à l'urbanisme, à l'environnement et à l'aménagement du territoire de la municipalité.

Merci, M. le Président. Merci, Mmes et MM. les députés, M. le ministre, de nous entendre ici aujourd'hui. Je vais y aller assez rondement. On aurait beaucoup de choses à dire, parce qu'on a vécu toutes sortes de projets de développement impliquant de l'acceptabilité sociale sur notre territoire, mais je vais essayer d'y aller le plus rondement possible, puis ensuite on pourra répondre, évidemment, à toutes vos questions.

Je vous dirais, comme prémisse de base à la discussion qu'on va tenir ce matin... cet après-midi, pardon, la question de la vision du territoire, la question de la planification territoriale, donc les enjeux qui sont relatifs aux pouvoirs municipaux, c'est quelque chose qui va nous occuper beaucoup; aussi la nécessité d'avoir des cadres juridiques qui sont les plus cohérents possible à tous les paliers, que ce soit... — fédéral, ça ne nous concerne pas aujourd'hui, mais c'est quand même derrière nous — il y a le provincial, il y a le municipal — c'est important d'être cohérent dans notre cadre juridique, on va vous le démontrer tout à l'heure — la nécessité d'avoir des pouvoirs habilitants qui sont, oui, présents aux bonnes instances, mais aussi qui sont assumés par les paliers qui sont concernés, par les types de développement; l'implication des acteurs à toutes les étapes des projets; et également le maintien constant d'un équilibre entre les projets de développement et leur milieu d'insertion. Donc, c'est ce qui va guider notre présentation.

On va vous donner deux exemples : d'abord, le développement éolien et ensuite le développement des hydrocarbures. C'est deux choses qu'on a vécues et qu'on vit sur notre territoire. D'abord, en éolien, petit historique rapide : 2003, projet de parc éolien dans notre municipalité. Au départ, le promoteur débarque avec son projet, présente ça, boom!, petite bombe dans le milieu. Les gens sont tous contre : Il n'est pas question de venir scraper notre paysage, blablabla. Toute la grosse affaire. Ils ne s'installeront pas sur ma place de chasse — parce que ça se passe en milieu forestier — et tout ça. Ça fait que, O.K., ça ne va pas bien au départ. Bon. C'est mal reçu au départ. Qu'est-ce qu'on fait?

• (17 heures) •

D'abord, il faut savoir, la première chose, c'est que les municipalités étaient habilitées de certains pouvoirs en aménagement du territoire. Comment ça se transmet concrètement? C'est qu'on avait la possibilité d'avoir des règlements de zonage, d'établir du zonage. Donc, on avait la possibilité de faire des RCI, qu'on appelle, un règlement de contrôle intérimaire, pour encadrer le développement de cette industrie-là. Du côté de Gaspé, on a choisi la voie du plan d'implantation et d'intégration architecturale, qu'on appelle le PIIA. Qu'est-ce que ça mange en hiver? Bien, ça vient dire qu'est-ce qu'on fait, comment on encadre le développement, c'est-à-dire quelle distance séparatrice on met entre une éolienne puis la route, entre les éoliennes et les maisons, comment on l'intègre, qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis en termes d'aménagement du territoire. Ça, c'est le rôle qui était consacré à la municipalité, et, du côté de Gaspé, on l'a bien assumé, puis ce qu'on a vu, c'est qu'à peu près partout où les municipalités ont bien assumé leur rôle, les projets éoliens se sont bien implantés.

Vous allez me voir venir dans mes conclusions assez facilement, vous allez voir, je suis assez transparent. Voilà. Donc, une façon de le gérer pour améliorer l'intégration, c'est que les pouvoirs soient le plus proche possible de la population. Quand une municipalité exerce ses pouvoirs de zonage, bien, habituellement les projets s'implantent mieux dans le milieu. Tu sais, une municipalité ne mettra pas une usine lourde dans le milieu d'un quartier résidentiel, ça va de soi. Donc, on fait notre zonage, c'est un pouvoir qu'on a reçu dans les années 70, les municipalités, donc on l'exerce.

Ensuite, dans le développement éolien, ce qui est arrivé chez nous, dans le parc éolien qui est sur notre territoire, le BAPE se penche systématiquement sur le dossier, une demande d'audience du BAPE qui a été exécutée, effectivement les gens ont eu l'occasion de se faire entendre, ils ont eu l'occasion de participer au processus. On a eu l'occasion, via le processus de PIIA, qui implique aussi la population, et via le processus du BAPE, d'entendre la population et de tasser les irritants. Tu sais, on le voyait au début, pourquoi les gens étaient contre, on disait : Bon, pourquoi? Ah, j'ai dit «on», je n'étais pas maire à l'époque, j'étais simple citoyen, je l'ai vu comme citoyen, se passer dans le coin chez nous puis personnellement même, au départ, j'avais peut-être un petit préjugé contre, sauf que j'ai compris les bons côtés des choses après, puis ça, c'est important aussi. Mais, ceci étant dit, bon, le BAPE arrive, le PIIA se fait, la population est impliquée, on tasse les irritants, qu'est-ce qui ne fait pas l'affaire, bon, on était trop proche de tel chalet, on était peut-être trop proche de tel site patrimonial, trop visible de la route, trop d'éoliennes visibles de la route. Bon, on remodule le projet, on le refait en fonction de tasser les irritants, avec, en plus de ça, l'autre volet, c'est les retombées économiques et l'expertise.

Il y a eu, à travers tout ça, l'implantation d'un technocentre éolien sur le territoire chez nous. Mine de rien, c'est 25, 30 experts qui débarquent, des maîtrises, des doctorats. Il y a un centre de recherche qui se bâtit chez nous. Donc, on a accès aux experts qui sont dans notre cour, qui viennent faire l'épicerie avec nous autres. Ça fait que c'est facile de leur poser des questions, c'est facile de les voir, c'est facile de faciliter l'intégration quand tu as accès, quand tu as une question-réponse qui est facile à obtenir. Tu as à peu près, quoi, 300 emplois qui ont été créés aussi dans l'industrie manufacturière locale, et avec des retombées qui dépassent le local, évidemment. Puis tu as aussi des redevances qui sont versées au milieu. Les redevances au milieu, c'est toujours facilitant en termes d'acceptabilité sociale.

De sorte qu'une fois qu'on a franchi toutes ces étapes-là il y a l'appropriation citoyenne. Les citoyens qui, au départ, étaient irrités par ce type de développement là... une fois qu'on a tassé les irritants, la population l'a accepté. La population l'a accepté et non seulement l'a accepté, mais est maintenant fière. À preuve, on fait une charte des paysages. D'ailleurs, la première charte des paysages municipaux, dans une municipalité du Canada, de tout l'ensemble du Canada, ça s'est passé chez nous il n'y a pas longtemps, concours, photos. Qu'est-ce qui ressort comme paysages de choix? Les paysages avec des éoliennes dessus, ça ressort. Donc, l'irritant est devenu une source de fierté grâce à toutes ces étapes-là. Donc, c'est la façon dont l'éolien a été traité chez nous.

Développement d'hydrocarbures. Autre dossier, complètement autre dossier. En fait, pour se localiser, il y a trois projets qui se passent en Gaspésie présentement, on a le projet Bourque, qui est à à peu près 40 kilomètres de Gaspé, le projet Galt, à une vingtaine de kilomètres du centre-ville, et le projet Haldimand, qui est dans le centre-ville. Disons-nous les vraies affaires, là, peu importe ce qu'on dira, puis il y a une lisière boisée qui sépare des maisons, on est à 350 mètres d'une maison. On est à deux kilomètres du centre-ville. On est à 150 mètres d'un petit ruisseau qui va se jeter dans une rivière à saumon de renommée internationale, qui, la rivière à saumon, se jette dans une baie où il y a toutes sortes d'espèces de baleines, où on fait un développement touristique autour de ça. Bref, il y a tout ça. Pas facile l'acceptabilité sociale quand le projet se passe dans la cour des citoyens. On l'avait goûté avec l'éolien, il y avait eu les ajustements nécessaires, mais, dans ce cas-ci, c'est beaucoup plus difficile. C'est ça qu'on est venus vous témoigner.

Le pourquoi c'est difficile? D'abord, le pouvoir habilitant, zéro pouvoir aux municipalités. Les municipalités peuvent décider à peu près tout ce qu'ils veulent en termes de zonage, on a une grande latitude, sauf le développement des hydrocarbures. Comment veux-tu... On dit : On ne peut pas mettre une industrie lourde dans un quartier résidentiel, par contre un développement pétrolier peut se faire dans un quartier résidentiel, pas de trouble avec ça.

Deuxièmement, la législation date, la législation de base, là, le cadre législatif date de 1880. Oui, il y a eu des ajustements législatifs avec le temps, un peu. Par contre, le développement des hydrocarbures est très récent, et les ajustements législatifs n'ont pas encore été tout à fait faits. Puis on a vraiment hâte d'avoir une loi sur les hydrocarbures à jour aussi là-dessus. La Loi sur les mines a été mise à jour, on aimerait bien que le cadre des hydrocarbures le soit aussi. On sait que c'est dans les cordes du gouvernement, mais ça cause toutes sortes d'incohérences quand tu as un cadre législatif qui est dépassé.

Puis je vais vous donner un exemple. Dans les processus d'approbation environnementaux, un salon de coiffure qui veut se ploguer sur une fosse septique doit avoir un certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement, mais ça ne prend pas de certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement pour forer un puits d'hydrocarbures en phase exploration. Phase d'exploitation, c'en prend un, mais ça ne prend pas de BAPE. Ça prend un BAPE pour quatre éoliennes, 10 MW éoliens, ça prend un BAPE, mais ça n'en prend pas pour faire une exploitation d'hydrocarbures. Ça fait qu'il y a comme des incohérences là-dessus.

Autre affaire, les EES sur les hydrocarbures, on était bien heureux de voir les évaluations environnementales stratégiques, on l'a salué puis on était très contents de voir que ça se développait, que ça se passait, que le gouvernement, vraiment, faisait des grosses consultations là-dessus. On en est ressortis qu'il y avait 25 études spécifiques sur l'île d'Anticosti, il y avait zéro étude spécifique sur le seul endroit où ça se fait en milieu habité, ce développement-là. Gaspé, zéro, l'île d'Anticosti, 25. 14 études spécifiques sur le milieu du golfe Saint-Laurent, zéro, je le répète, sur Gaspé ou en Gaspésie, là où le développement se fait dans un cadre particulier, le cas de Haldimand, où ça se fait en milieu habité. On se dit : À quelque part, il y a une dichotomie qui est importante, qu'il faut combler si on veut que les projets soient acceptables socialement. Puis, ça fait quoi, ça fait tout près d'un an, là, qu'on martèle la nécessité que le BAPE se penche sur ce dossier-là aussi. Et on l'a vu en éolien, le BAPE a adouci les problématiques. Ça fait qu'on aimerait bien aussi que le BAPE s'y penche. J'écoutais le précédent interlocuteur qui venait à peu près mentionner la même chose.

Donc, nos recommandations finales, ce serait grosso modo de suivre le modèle qui a été bâti dans le développement éolien. Deuxièmement... Bien, en fait, dans ce modèle-là, d'abord prévoir des pouvoirs accrus aux municipalités. C'est-à-dire quoi? C'est-à-dire des pouvoirs d'aménagement du territoire, des pouvoirs de zonage qui nous permettraient de faire les meilleurs développements possible. On va me dire : Ah oui, mais on ne peut pas déplacer un gisement. Dans l'éolien non plus, on ne peut pas déplacer un gisement de vent, c'est un gisement aussi, mais par contre on s'ajuste en fonction de la présence de la population. On pourrait faire la même chose en termes d'hydrocarbures aussi ou en termes miniers : avoir des mécanismes de consultation comme le BAPE, avoir des retombées économiques claires, de l'expertise locale qui se développe, technocentre, par exemple, ou autres, et, au final, on présume, si ça se passe comme dans l'éolien, au final on va avoir une appropriation citoyenne de ces projets-là, que les gens vont en être fiers. Puis c'est ça qu'on veut, que le développement se fasse comme il faut, qu'il se fasse avec l'acceptabilité des citoyens.

Le Président (M. Pagé) : Merci beaucoup. Top chrono, M. le maire de Gaspé. Félicitations pour votre présentation, et vos belles photos nous donnent envie d'aller chez vous!

M. Côté (Daniel) : Bien, vous viendrez cet été, avec plaisir!

Le Président (M. Pagé) : Absolument! Alors, M. le ministre, un bloc de 15 minutes pour échanger avec le maire de Gaspé.

M. Arcand : Bien, d'abord, M. Côté et M. Villeneuve, merci infiniment de votre présence ici. Je dois vous, dire d'entrée de jeu, que vous avez couvert pas mal large, si vous me permettez l'expression, parce qu'ici on n'est pas là pour nécessairement changer la loi québécoise sur l'environnement, mais j'ai écouté quand même avec beaucoup d'intérêt toutes les recommandations que vous avez faites à ce sujet-là.

Si vous étiez capables, au départ, juste de me donner une mise à jour rapide, là. Vous avez trois projets principaux : Bourque, Haldimand et Galt. Pouvez-vous juste me faire une mise à jour de ce qui se passe actuellement au niveau de l'acceptabilité sociale? Est-ce que ces projets-là avancent? Est-ce que ces projets-là ont de l'acceptabilité sociale? Est-ce qu'il y a des enjeux particuliers? Je vois qu'avec Haldimand vous semblez indiquer, là, que c'est un peu proche, là, de la ville, mais juste pour me guider un peu au départ.

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Parfait. En fait, le projet Bourque, on est à 40 kilomètres de Gaspé, 20 kilomètres de Murdochville, 25 kilomètres de Grande-Vallée. À vrai dire, on est dans le milieu du bois. Des fois, je dis : On est dans le milieu de nulle part. Ce n'est pas nulle part, c'est dans le milieu de la Gaspésie, mais on est vraiment très, très loin des populations. Enjeu d'acceptabilité sociale, c'est accepté. Je ne peux pas vous dire le pourcentage, mais c'est accepté à un très, très fort pourcentage. Galt est quand même plus proche de Gaspé puis, malgré tout, à une vingtaine de kilomètres à peine du centre-ville, peut-être une dizaine de kilomètres de la résidence la plus proche, tout près d'une rivière à saumon aussi. Par contre, il est loin de la population, donc les gens l'acceptent très bien aussi. On entend très peu, sinon pas de critiques sur ce projet-là non plus. Haldimand, le dernier forage était à 350 mètres d'une résidence. Ça, plus tu es proche de la population, on dirait que plus l'acceptabilité sociale est difficile, puis ça va de soi.

Puis, je vous dirais, j'ajouterais : Chez nous, l'acceptabilité sociale est difficile par la population locale. Quand je regarde Anticosti, c'est un autre enjeu, l'acceptabilité sociale est plus difficile sur Le Plateau—Mont-Royal pour Anticosti, je pense. Par contre, chez nous, l'acceptabilité sociale, c'est sur le territoire où ça se passe. C'est là où c'est vraiment différent. Puis on a peut-être moins accès aux tribunes aussi, puis c'est peut-être pour ça qu'on en entend moins parler, mais c'est vraiment difficile, on le sent, chez nous on le sent, la population est carrément divisée. On essaie d'essayer d'être rassembleurs là-dedans puis de tasser les irritants, mais, quand tu n'as pas de pouvoir, quand tu n'as aucun pouvoir comme municipalité, comment tu fais pour tasser les irritants? Tu demandes aux responsables, à ceux qui ont le pouvoir habilitant de les tasser, les irritants, mais ce n'est pas simple.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Vous avez quand même... Les municipalités n'ont peut-être pas le genre de pouvoir que vous voudriez avoir mais ont quand même un certain pouvoir, d'abord, moral très important. C'est vous qui êtes... Les maires et mairesses sont quand même très reliés, si on veut, à leurs communautés.

J'essaie juste de concilier ces éléments-là de pouvoir. Parce que vous réclamez beaucoup de choses, dans un premier temps. Puis vous dites : Écoutez, nous, on pense que le BAPE, c'est une bonne affaire. On trouve que c'est important d'avoir un BAPE, etc. Par contre, dans votre recommandation n° 4, vous dites : C'est très important d'avoir des retombées économiques locales, d'avoir une étude qui pourrait être faite sur les retombées économiques locales. C'est un peu ce que le ministère de l'Énergie semble proposer, de dire : En amont, avant même qu'on fasse un BAPE, il serait peut-être important d'avoir une étude économique qui va être faite avec les différents ministères, sous l'égide, si on veut, du ministère de l'Énergie, dans laquelle on va être en mesure d'évaluer de façon la plus objective possible si ce projet-là, sur le plan économique, peut faire du sens. Alors, est-ce que ce rôle-là qui est attribué au niveau du ministère est quelque chose sur laquelle vous êtes d'accord?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : En principe, je vous dirais que oui, oui, en effet. Parce que c'est important de savoir toutes les retombées, parce qu'on ne peut pas juste focusser sur le volet environnemental ni sur le volet social. D'abord, est-ce que c'est des projets qui économiquement rapportent quelque chose au milieu? Que ce soit en emploi, que ce soit en expertise, enfin d'emplois reliés à l'expertise, ou que ce soit redevances au milieu, ou peu importe, c'est très important qu'on se penche sur la question des retombées économiques, vous avez entièrement raison, puis on est d'accord avec ça, puis ça, on l'a dit, dans une perspective de développement durable, on ne fera pas le diagramme du développement durable, vous le connaissez aussi bien que moi, là.

L'économie doit se concilier avec l'environnement puis la population, puis l'acceptabilité sociale est là. Le tout fait les meilleurs projets qu'on peut imaginer. Donc, évidemment qu'on est d'accord avec le volet économique, mais il faut aussi que soient greffés le volet environnemental et le volet de l'acceptabilité sociale. Est-ce qu'on est dus — je ne veux pas lancer la question trop loin — pour moderniser le BAPE pour qu'il inclue non seulement l'environnement, mais aussi l'acceptabilité sociale, qu'il fait de plus en plus d'ailleurs, et le volet économique? Peut-être que ça serait une instance de ce type-là qu'il faudrait développer pour englober tout ça pour arriver avec le meilleur tout. Ça, je plaiderais en faveur de ça sans problème.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Bien, tout à l'heure, je parlais de ça parce que je parlais de la mine de niobium à Oka, où le promoteur ne s'est même pas rendu au BAPE puisqu'il a vu rapidement, en faisant ses rencontres et ses analyses, et à l'intérieur d'un processus, qu'il n'avait pas besoin d'aller plus loin parce qu'il n'avait pas d'acceptabilité sociale. Cette mine-là est située à quelques kilomètres du centre-ville de Montréal, et je pense que c'est... Oka est à peu près à, je ne sais pas, une trentaine de kilomètres, ou quelque chose comme ça, déjà il est près de Laval, il est près de... Alors, vous comprenez que, dans ce cas-là, il y avait véritablement une problématique.

Mais je voulais quand même qu'on revienne sur le cas de Haldimand. Est-ce que, dans ce cas-là, pour vous, c'est une problématique qui est quelque chose qu'on peut contourner, qui peut être discutée, ou si c'est quelque chose que, vraiment, là, il y a une problématique majeure sur laquelle il n'y aura à peu près pas d'acceptabilité sociale?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Je pense que la problématique est contournable, mais j'espère qu'il n'est pas trop tard pour la contourner, parce qu'en fait il y a eu des étapes qui ont été peut-être dépassées un petit peu trop vite. Il faut agir en amont si on veut avoir une meilleure acceptabilité sociale. Dans ce cas-ci, on ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas refaire le passé, là, mais il y a eu quelques lacunes, disons, sur les actes qui auraient dû être posés en amont pour impliquer davantage la population. Puis en fait l'un des enjeux à la base de la problématique de l'acceptabilité sociale, c'est le manque d'information. À la base, dans une saine communication, ça prend de l'information, puis de l'information impartiale, de l'information indépendante. Je ne veux pas plaider pour l'industrie ou pour les industriels. Par contre, je trouve qu'ils sont souvent laissés à eux-mêmes en termes d'information. Puis, quand l'information émane de l'industrie elle-même, bien, quelle crédibilité les gens lui accordent? Ils vont dire : Bien, c'est sûr, l'industrie travaille pour elle-même, elle travaille pour sa poche. Puis c'est normal, tu sais, puis c'est sain, sauf que, d'un autre côté, l'information indépendante n'est pas là.

En termes du développement des hydrocarbures au Québec, jusque dans les années 90 on avait la SOQUIP, qui était une institution de l'État, donc qui avait, à quelque part, une certaine indépendance, une certaine impartialité vis-à-vis le développement, mais qui faisait quand même de la prospection, puis tout ça, mais pas nécessairement avec le même intérêt pécuniaire que peut avoir une entreprise privée. Donc, à quelque part, ce qui émanait de la SOQUIP était plus indépendant, plus impartial, les gens pouvaient plus s'y fier. Puis je ne dis pas qu'il ne faut pas se fier à l'industrie privée, sauf que son intérêt, c'est des intérêts pécuniaires. Puis c'est normal, c'est sain, on a le système capitaliste, c'est bien correct. Sauf que, si on veut que les projets soient plus acceptables, si on veut les rendre acceptables, il faut partager la bonne information, il faut que les pouvoirs habilitants partagent l'information avec le public et aillent chercher les consensus nécessaires pour le développement.

On l'a vu en éolien, je vous disais. L'exemple de tout à l'heure, on pourrait le voir aussi. Dans le cas de Haldimand, est-ce qu'il est trop tard? Peut-être pas. Peut-être pas, mais, avant d'aller trop loin, avant d'aller plus loin... avant de faire de nouveaux forages, avant de passer en mode exploitation, là il n'est pas trop tard. Il y a sûrement d'autres étapes qui s'en viennent dans Haldimand. Là, ils vont faire des tests de production longue durée, là, dans les prochains mois. C'est bien correct, ça n'implique pas nécessairement des grosses étapes majeures, à ce qu'on en comprend. Par contre, avant de faire un Haldimand 5, ou un 6, ou un 7 ou avant de passer en exploitation, est-ce que le BAPE pourrait se pencher sur le dossier? Je pense qu'on a assez d'information maintenant pour soumettre ça au BAPE et que le BAPE fasse la consultation nécessaire et fasse l'étape d'appropriation citoyenne qui est nécessaire avant d'aller plus loin. Je pense qu'on est vraiment rendus là dans ce dossier-là.

Écoutez, ça fait tout près d'un an que je plaide la demande de BAPE, puis on l'a faite au conseil municipal, que l'industrie était d'accord, que les citoyens étaient d'accord, que le milieu environnementaliste était d'accord, et même que les tenants du développement pétrolier à tout prix étaient aussi d'accord. Tout le monde était d'accord sur la demande de BAPE qu'on a faite le 2 mai 2015. On est presque un an plus tard, puis on me réfère toujours aux évaluations environnementales stratégiques, où il n'y a aucune étude spécifique de faite sur le territoire de Haldimand sur le territoire de Gaspé. J'ai hâte d'avoir une réponse claire que, oui ou non, on a un BAPE ou pas. Parce que moi, je pense qu'on est rendus là. Je vous l'exprime.

Puis vous faites les consultations, vous avez entendu plein d'intervenants ici, puis je suis certain qu'il y en a plusieurs qui ont parlé du BAPE, son importance, du respect que la population donne à cette instance-là, à cette institution-là. Je pense qu'on est rendus là dans ce dossier-là, si on veut... pour atteindre un processus qui serait irréversible... si on ne veut pas aller trop loin.

Ça fait que vous me demandez si on est rendus trop loin ou si c'est irréversible, je pense que ce n'est pas irréversible, je pense qu'il y a moyen d'avoir une appropriation citoyenne.

Le Président (M. Pagé) : O.K. M. le ministre, une dernière?

M. Arcand : Je n'ai pas d'autre question, parce que je sais que mon collègue veut vous en poser, mais j'aurais juste un commentaire à faire. Je sais que, dans les études EES, l'INRS a fait une étude spécifique sur l'eau, je pense, au niveau de Gaspé, sur l'impact des forages sur la nappe phréatique. Alors, je voulais juste vous dire qu'il y a quelque chose, quand même, là, de façon spécifique, qui a été fait.

Le Président (M. Pagé) : Merci, M. le ministre. Alors, votre voisin, le député des Îles-de-la-Madeleine. Allez-y, M. le député. Il vous reste cinq minutes.

M. Chevarie : Cinq minutes?

Le Président (M. Pagé) : Oui.

M. Chevarie : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale, merci pour votre contribution à cette commission.

M. Côté (Daniel) : Merci de nous accueillir, cher voisin.

M. Chevarie : Oui, c'est ça, voisin à 200 quelques kilomètres, mais quand même, oui, effectivement. Vous avez émis un certain nombre de recommandations, puis ça touche plusieurs étapes dans ce que vous émettez comme recommandations : le BAPE à différentes étapes, un peu le suivi de la démarche de l'éolien, vous demandez que la ville puisse avoir une plus grande autonomie par rapport à la réglementation, tout ça, et bien sûr les retombées économiques, l'acceptabilité sociale. Mais vous avez soumis un autre élément important dont vous n'avez pas parlé tantôt, c'est toute la question de la santé publique. Et j'apprécierais que vous nous en parliez un peu par rapport à l'implication de la Santé publique, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Et est-ce que vous l'avez sollicitée dans le cadre de la filière éolienne?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

• (17 h 20) •

M. Côté (Daniel) : Je n'ai pas la réponse pour la filière éolienne. Comme je vous le disais, moi, je suis élu depuis 2013, ce développement s'est fait en 2003, 2004, 2005. Je ne sais pas à quel point la Santé publique avait été interpellée, mais, en fait, je présume, à quelque part, qu'il y a tellement eu d'études qui ont été faites, d'études environnementales, et tout ça, je présume qu'il y a eu quelque chose aussi sur la santé publique. Ça a été documenté en long et en large, là, les effets acoustiques et tout le tralala, là.

Du côté hydrocarbures, dans le cadre des évaluations environnementales stratégiques, il y a eu une étude qui porte sur la santé publique. Pour nous, on s'attendait... Quand on l'a lue, on l'a lue avec beaucoup d'attention, étant donné que, quand ça se passe proche des citoyens... Bien, «citoyen» dit «santé» aussi, hein? On l'a lue avec beaucoup d'attention puis, en fait, on s'attendait à trouver beaucoup de réponses là-dedans. Puis ça a été le contraire, ça a soulevé plus de questions, de nouvelles questions plutôt que de nous apporter des réponses. Il y a plein d'éléments là-dedans qui ressortaient, au niveau, par exemple, des risques reliés au radon. On sait que la Gaspésie est un territoire fertile au niveau du radon. En fait, il y a eu beaucoup de tests dans les écoles qui ont été faits et qui démontraient un haut taux de radon. Quand on voyait les interactions entre le radon versus les forages, puis tout ça, on se disait : Wow! Ça nous apporte encore des nouvelles questions dont on n'a pas, malheureusement, les réponses.

Ça fait qu'au niveau de la santé publique les enjeux sont effectivement très, très, très présents, surtout quand ça se passe en milieu résidentiel. Tu sais, quand tu es dans un parc industriel, tu poses un petit peu moins la question déjà, puis, quand tu es dans le milieu du bois, bien, tu ne poses pas la question pantoute. Mais là, dans le cas d'un de nos dossiers, ça se passe en milieu résidentiel, donc les questions se posent, puis malheureusement non seulement on n'a pas eu de réponse avec les EES... Bien, on a eu quelques réponses, mais on a eu plus de questions que de réponses avec les EES, malheureusement. Mais, bon, je pense qu'il faut continuer d'aller de l'avant.

Puis je reviens encore... je suis tannant avec mon BAPE, mais je vais toujours être tannant avec mon BAPE, je vais continuer de le dire : Si le BAPE arrivait et demandait, à quelque part, d'avoir de l'expertise en santé publique, on aurait aussi des réponses peut-être plus précises sur un projet qui est plus précis, et non pas des réponses génériques.

Le Président (M. Pagé) : Moins de deux minutes, M. le député des Îles.

M. Chevarie : Oui, merci. Par rapport à Haldimand, est-ce que c'est un des éléments ou un des facteurs qui pourraient favoriser une plus grande acceptabilité sociale, là, je ne veux pas dire qu'il y aurait un consensus ou surtout pas l'unanimité, mais en impliquant la Santé publique par rapport à des conséquences d'un forage ou un puits qui perfore, ou des choses comme ça?

M. Côté (Daniel) : Clairement, oui. Clairement, oui. On a eu quelques réponses au niveau de l'étude hydrogéologique dont parlait M. le ministre tout à l'heure. Dans le fond, il y a eu quelques éléments plus rassurants à cet effet-là. Ça, c'est au niveau de l'eau, c'est la seule étude spécifique qu'il y a, là, c'est l'étude hydrogéologique prévue par le règlement, le RPEP.

Au niveau de la santé publique, c'est sûr que ce serait de nature à rassurer les gens, c'est évident, c'est évident, soit les rassurer, ou soit l'effet contraire, ou soit de répondre... au moins ça répondrait à leurs questions. Puis, quand les gens sont informés — je reviens au nerf de la guerre, c'est l'information — quand les gens sont informés, ils peuvent se faire une tête puis après ça dire si, oui ou non, ils en veulent, donc répondre à la question : Est-ce qu'on est socialement d'accord ou pas avec le projet?

Mais, en amont, on n'a pas les réponses à toutes ces questions-là, à tous ces risques-là, donc c'est tout le temps difficile de dire : Est-ce qu'on a une acceptabilité sociale parfaite ou pas? Entre le noir puis le blanc, il y a plein de gris, mais, dans le cas de Haldimand, on est en plein dans le gris. Tu as une minorité de population qui va en vouloir à tout prix, tu as une minorité de population qui ne voudra jamais aucune espèce de développement d'hydrocarbures. Ça, c'est correct, les extrêmes, je les tasse. Mais je regarde le grand gris dans le milieu, ils veulent avoir des réponses à ces questions-là : la santé, l'eau — on a déjà eu des belles pistes de réponse, mais la santé c'en est une — le reste des risques environnementaux, les réelles retombées économiques de ces projets-là, combien ça crée d'emplois? Dans l'éolien, on l'a vu, c'est 300 emplois sur le territoire de Gaspé, à peu près, là, c'est des chiffres très, très larges que je donne, c'est 200 dans une usine de pales, et le reste, en expertise, et tout ça, les firmes d'ingénierie, etc. Bref, on a peut-être un 300 emplois là.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, M. le maire de... M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Si on avait ces réponses-là aussi, ce serait bien.

M. Chevarie : Merci.

M. Côté (Daniel) : Merci à vous.

Le Président (M. Pagé) : Alors, c'est ce qui met fin à notre bloc. On va passer à un deuxième bloc avec l'opposition officielle. Alors, si vous aviez votre voisin, là, je pense que vous allez avoir immédiatement votre député local, M. le maire de Gaspé, parce que je pense que je vais prêter la parole au député de Gaspé pour un bloc de neuf minutes.

M. Lelièvre : Merci, M. le Président. Je tiens à remercier le maire de Gaspé, M. Côté, puis le directeur de l'urbanisme, M. Villeneuve, deux personnes avec qui j'ai l'occasion de collaborer depuis longue date et des gens très compétents et engagés. Puis je tiens à souligner, entre autres... Je me souviens, à l'époque, quand je travaillais à la ville avec M. Villeneuve, on avait été la première ville à adopter un plan d'implantation et d'intégration architecturale, PIIA. C'était une première au Québec. Puis c'est une des clés, je pense, de la solution pour améliorer, hein, l'acceptabilité. C'était une démarche, là, qui a porté fruit puis qui a été reprise partout ailleurs au Québec, là, par après.

Écoutez, moi, j'aimerais revenir sur un peu la présentation que vous avez faite, M. le maire, concernant le cadre de référence différent au niveau des hydrocarbures versus l'éolien. Bon, vous avez parlé de retombées économiques, bien sûr, qui sont beaucoup plus évidentes au niveau de l'éolien qu'au niveau des hydrocarbures. Bien sûr, on n'est pas à l'étape d'exploitation, mais il reste qu'on peut se questionner sur les éventuelles retombées dans le domaine des hydrocarbures, si jamais on se rend à l'étape d'exploitation. Vous avez parlé également du cadre réglementaire des pouvoirs municipaux en matière éolienne et l'absence de pouvoirs municipaux actuellement dans le domaine des hydrocarbures. Vous avez parlé de consultations. Bon, oui, les PIIA ont été une façon de consulter la population, mais il y a eu d'autres processus, par, entre autres, l'adoption de réglementation de contrôle intérimaire, réglementation d'urbanisme, de zonage, où les gens ont été finalement consultés véritablement.

Écoutez, moi, ce que j'aimerais vous entendre... Parce qu'on est vraiment dans un processus, une commission où on parle de l'importance de l'acceptabilité sociale, puis tantôt j'ai posé une question aux participants précédents en référence au cadre, hein, le cadre d'intervention différent au niveau national, au niveau régional, puis toute l'importance, là, de situer le bon niveau de consultation en regard du type de ressource naturelle qui est exploitée. Donc, au niveau des hydrocarbures, vous êtes aux prises avec plusieurs projets, M. le ministre vous a fait préciser, là, l'emplacement des différents projets, que ce soit Bourque, à Murdochville, où finalement il y a une grande acceptabilité sociale au niveau du gaz naturel. Au niveau de Galt, qui opère depuis quelques années, on sent aussi, à 20 kilomètres de Gaspé... en tout cas, moi, je vis dans cette communauté-là, je n'entends pratiquement pas de plaintes à ce niveau-là. Par contre, Haldimand 4, au centre-ville, c'est beaucoup plus problématique. Donc, en quoi vous pensez que le fait qu'une ville ou que le monde municipal... Que le secteur municipal ait plus de pouvoirs en termes de réglementation — et pouvez-vous jusqu'à nous préciser le niveau de pouvoirs qui serait souhaité idéalement — en quoi ce serait plus bénéfique pour le développement puis l'acceptabilité sociale, éventuellement, de la filière gazière et pétrolière, puisqu'au niveau éolien je pense qu'on a bien fait le tour?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Merci. En fait, en quoi? En fait, à partir du moment où tu mets les bonnes choses au bon endroit sur ton territoire, à partir du moment où tu fais un quartier résidentiel qui est résidentiel, puis un quartier commercial qui est commercial, puis un quartier industriel qui est industriel, à partir du moment où tu mets tes carrières puis tes sablières loin dans ta cour puis que tu fais ton développement minier puis ton développement d'hydrocarbures, puis même ton développement éolien à la limite, plus loin dans ta cour, à quelque part les usages s'harmonisent mieux. Chaque développement est à sa place sur son territoire. Si les municipalités ont le pouvoir de le faire à tous les égards, il y a un pouvoir qu'elles n'ont pas, c'est en termes d'hydrocarbures. Le développement peut se faire... En fait, il peut débarquer un développement, bang!, demain matin, on n'a pas un mot à dire. En fait, on va avoir un pouvoir, peut-être, d'influence, un pouvoir moral, mais qui, concrètement, ne donne pas grand-chose, je vous l'avoue, là. Ça fait presque un an qu'on demande un BAPE, puis on n'a pas de réponse. Puis un BAPE qui fait consensus partout. Mais, ceci étant dit, quand la municipalité, qui est le pouvoir le plus proche de la population, édicte où est-ce qu'elle met ses créneaux de développement, où est-ce qu'elle concilie ses usages.

C'est sûr que, dans le cas de Haldimand, par exemple, si on avait un pouvoir de zonage, la zone qui inclut le périmètre urbain, qui inclut le secteur résidentiel de Haldimand, il n'y aurait pas de puits de pétrole dans cette zone-là. Peut-être qu'il y en aurait plus loin, même on ne serait peut-être pas très, très loin du centre-ville, mais à deux kilomètres des résidences, par exemple, ou à 10 kilomètres des sources d'eau potable, où, par exemple, quand tu t'éloignes un peu, ça devient plus acceptable.

Puis je suis à peu près certain, sans être un spécialiste des hydrocarbures, mais je suis à peu près certain que, s'il y a du pétrole sur le petit point ici, là, il doit y en avoir sur le petit point à côté, là, aussi. Puis, avec les forages horizontaux qui existent aujourd'hui, tu vas être capable, à partir d'un petit point qui est pas mal plus loin, d'aller chercher le pétrole qui est plus proche des résidences en diminuant ton risque, parce que tu ne viens pas jouer dans la nappe phréatique, tu joues en dessous. Tu sais, il y a sûrement moyen de moyenner.

Ça a été demandé, mais semble-t-il que ce n'était pas possible techniquement dans le cas de Haldimand 4. Mais j'ai toujours des doutes, j'ai toujours des réserves, parce que la nappe, elle est en dessous. Ça fait qu'à cette heure, avec les façons de faire, avec les forages horizontaux, il y a moyen d'aller les chercher. Mais tu te tasses, tu ne fais pas ton industrie extractive collée sur les résidences. On n'autoriserait pas une carrière dans un quartier résidentiel. Donc, pourquoi on autoriserait une industrie d'hydrocarbures dans un quartier résidentiel? Les municipalités ne le feraient pas, je ne connais pas une municipalité au Québec qui le ferait.

Donc, on concilierait le développement. Donc, c'est là où, quand tu as des pouvoirs, tu aménages ton territoire convenablement, puis tu arrives avec des résultats qui sont plus acceptables socialement. J'espère avoir répondu...

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre : Un élément aussi qui est important, c'est d'impliquer la communauté le plus possible dans le projet. Ça, je pense qu'il y a un consensus, tout le monde le dit autour de la table ici.

Je me souviens, c'est le 30 juin 2012 que tous les permis ont été émis, hein, par le gouvernement de l'époque. 30 juin 2012, tous les permis ont été émis pour Haldimand 4. Et ça, est-ce que vous pensez que le fait que ça a été émis assez rapidement, pour ne pas dire en hâte, sans consultation de la population... Est-ce qu'aujourd'hui vous vivez encore avec les contrecoups de ça?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : C'est sûr que oui. C'est sûr que oui. Je le disais tout à l'heure, quand il n'y a pas de processus consultatif en amont, quand tu n'impliques pas la population, quand tu n'impliques pas le milieu municipal en amont, tu te ramasses avec des décisions déjà prises puis tu es poigné pour vivre avec les décisions. Il y a moyen de rectifier le tir et il n'est pas trop tard pour rectifier le tir en allant maintenant consulter la population, même s'il y a une partie du développement qui est faite. Mais, avant de faire d'autres gros morceaux au niveau du développement, allons chercher le consensus de la population. Avant de prendre de nouvelles décisions, d'émettre de nouveaux permis, avant d'aller plus loin, on pourrait y aller, consulter la population, puis essayer d'aller chercher un consensus minimal ou une certaine acceptabilité sociale qui, présentement, n'est pas au rendez-vous. On pourrait le faire.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Gaspé, il vous reste 2 min 30 s.

• (17 h 30) •

M. Lelièvre : Oui, O.K. Vous avez parlé beaucoup du BAPE. Si on résume, du côté de Haldimand 4, où il y a plus de problèmes en termes d'acceptabilité sociale, Haldimand 4 fait l'objet, bon, d'une émission de permis et certificats depuis le 30 juin 2012 mais pour la phase exploration sans fracturation. Cette phase-là, bon, va s'achever dans les prochains mois. Si jamais il y avait demande du promoteur d'aller vers une phase exploratoire avec fracturation ou une phase qui amènerait à l'exploitation du site, est-ce qu'à ce moment-là vous souhaitez fortement — je présume que oui — que la population, cette fois-ci, soit consultée et que les études qui se sont déroulées partout ailleurs sur les autres sites au Québec s'appliquent également à Haldimand 4?

M. Côté (Daniel) : Clairement. Clairement. Il va falloir avoir toute l'information nécessaire, on n'aura pas le choix, avant toute phase supplémentaire, pas juste avant fracturation ou avant autre chose du genre. En fait, fracturation en milieu habité, là, on va être clairs, là : ça ne se passera pas chez nous tant que je vais être là. Ça, c'est clair. Ça, c'est clair, clair, clair. S'il y a un permis de fracturation qui est donné à Haldimand ou dans le périmètre urbain, je vous jure que vous allez connaître quelqu'un de méchant. Je suis capable de sortir de mes gonds de temps en temps, mais cette fois-là je vais sortir solide. Mais, ceci étant dit, avant toute prochaine étape, un nouveau forage exploratoire dans ce secteur-là, exploratoire, pas de fracturation, rien, je pense qu'il faut, avant d'autoriser un nouveau permis quelconque, là, qui autoriserait un forage, ou une mise en exploitation, ou quelque chose du genre... Je pense qu'on est rendus au stade du BAPE. Avant de demander le BAPE, il faut avoir de l'information, mais maintenant, de l'information, on en a, il y en a de disponibles. L'industrie est capable de nous parler maintenant, il y a trois forages qui ont été faits, dont un horizontal, il y a plein de tests qui ont été faits, elle serait capable de donner l'information nécessaire au BAPE pour donner l'heure juste avant qu'on autorise une nouvelle étape majeure dans le projet.

M. Lelièvre : Merci.

Le Président (M. Pagé) : 30 secondes, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre : C'est beau, ça fait le tour du dossier, je pense que... Je vous remercie.

M. Côté (Daniel) : Je peux parler 30 secondes, je suis capable.

Le Président (M. Pagé) : Je suis convaincu que vous allez avoir l'occasion de vous reparler. Alors, on va passer à la deuxième opposition, M. le député de Groulx, pour un bloc de six minutes.

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Alors, M. Villeneuve, j'ai une question à vous poser au niveau des PIIA, qui sont les plans d'implantation et d'intégration architecturaux. Alors, vous sembliez dire tantôt que le vote est très, très précis, et puis je me demandais : Est-ce que ça ne pourrait pas plus servir, les PIIA, pour circonscrire le territoire puis d'éviter le plus possible d'avoir recours à des consultations additionnelles sur l'implantation de quoi que ce soit, finalement?

M. Côté (Daniel) : La question était pour M. Villeneuve. Allez-y.

M. Villeneuve (Jocelyn) : Oui. Bien, si ça pourrait éviter, en fait, d'avoir des consultations inutiles, vous voulez dire, par la suite...

M. Surprenant : Bien, non, je ne dirais pas inutiles, là, mais d'avoir...

M. Villeneuve (Jocelyn) : Mais qui ne seraient pas...

M. Surprenant : Si ça règle à la source plus de choses, finalement, là.

M. Villeneuve (Jocelyn) : Oui, bien, en fait, c'est ce qui est arrivé, c'est ce qui est arrivé dans le cas de l'éolien. Parce que, quand on a établi le règlement sur les PIIA, il y a eu des consultations pour créer le règlement, puis par la suite, bien, il y a eu une forme de consultation avec le comité d'urbanisme, avec le conseil municipal, donc ça a évité beaucoup de consultations que le promoteur n'a peut-être pas eu besoin de faire dans ces cas-là.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Mais est-ce qu'on pourrait aller plus loin avec les PIIA pour s'assurer que, lorsqu'un promoteur arrive, à peu près tout soit déjà pensé puis que ça aille plus vite, les choses?

Le Président (M. Pagé) : M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Jocelyn) : Bien, en fait, ce qu'on demande, on va demander des simulations visuelles, donc c'est assez parlant, tu sais, avec notre PIIA. Lorsque le promoteur arrive avec un projet, bien, il nous fait une simulation de c'est quoi, le pire scénario qu'on risque d'avoir. Dans le cas de l'éolien, ça a été très parlant, c'est sûr, ça a été très parlant dans le cas de l'éolien. Parce que ça a évité tout débat inutile, en fait, sur peut-être qu'on va en voir de là, du site touristique, ça va dégrader l'environnement, et tout ça. Donc, étant donné qu'on avait les pires simulations, bien, les comités qui étaient en place pouvaient prendre les bonnes décisions à ce moment-là avec un visuel qui parle, qui était parlant. Puis, pour motiver leur décision, bien, il y avait beaucoup de critères d'évaluation, tu sais, qui permettaient de circonscrire la réflexion dans des objectifs puis des critères bien précis. Donc, ça permettait...

Pour nous, ça a été un exercice de consultation qui était extraordinaire. Mais, initialement, on craignait un peu le fait que de la grande industrie gérée par des PIIA... c'est un peu mal vu, tu sais, on se disait : Des PIIA, d'habitude, c'est plus pour des secteurs historiques, des secteurs patrimoniaux, c'est là que ce genre d'instrument est utilisé. Mais nous, on se disait : Dans le cas de grande industrie, c'est un visuel qu'on veut voir, l'implantation dans le milieu, on veut être capables de... Puis chaque critère que... pas critère, mais chaque inquiétude que la population avait, on avait transformé ça en objectifs et en critères d'évaluation. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question, là.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx, oui.

M. Surprenant : J'ai une autre petite question. Je vais laisser ma collègue en poser une par la suite. Monsieur, vous disiez tantôt que vous aimeriez ça avoir un BAPE et puis vous pourriez devenir un peu plus virulent puis dynamique dans vos propos, et je me posais la question : On sait qu'un BAPE, souvent, c'est sous la bonne volonté du ministre qu'il y ait un BAPE. Est-ce que, dans votre analyse de la situation, vous auriez peut-être des suggestions à faire où on pourrait en venir à une mécanique où automatiquement il y aurait un BAPE dans certaines circonstances?

Le Président (M. Pagé) : M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Merci. Effectivement, dans certains dossiers, le BAPE est pratiquement systématique. Pour 10 MW éoliens, par exemple, pour un pipeline de deux kilomètres ou plus, le BAPE est pratiquement systématique. Il suffit que quelqu'un lève la main, puis le BAPE part. Bien, j'exagère un peu, je caricature, mais c'est à peu près ça. Par contre, dans le cas du développement des hydrocarbures, il n'y a aucun BAPE qui n'est prévu dans aucune espèce de phase. Il y a le pouvoir discrétionnaire du ministre qui existe. Puis c'est au ministre, dans le fond, qu'on demande d'exercer son pouvoir discrétionnaire depuis 10 ou... depuis 11 mois maintenant — on arrive à un an, ça va vite — mais, bon, présentement, il n'est pas exercé, ce pouvoir discrétionnaire là. On nous référait beaucoup aux EES, mais les EES, comme je vous le disais tout à l'heure, ont apporté souvent plus de questions que de réponses. Puis, un BAPE, on ne veut pas avoir un BAPE générique sur la filiale des hydrocarbures au Québec, les EES sont beaucoup génériques sur l'ensemble du territoire du Québec, le BAPE spécifique sur le territoire, sur le milieu d'insertion qu'est le secteur de Haldimand, à deux pas du centre-ville de Gaspé.

Tu sais, si on faisait un forage d'hydrocarbures sur Le Plateau—Mont-Royal, on ne se poserait pas la question... bien, pas sur Le Plateau, mais sur le mont Royal lui-même, on ne se poserait pas la question longtemps. Je pense que, premièrement, ce serait refusé d'entrée de jeu, puis, si on décidait d'aller de l'avant, on irait avec un BAPE.

Mais le milieu du mont Royal versus la population, là, c'est à peu près pareil comme Haldimand versus la population. Les citoyens de Gaspé ne sont pas moins importants que les citoyens de Montréal, à ce que je sache. Peut-être un peu moins nombreux, mais on est aussi importants dans le Québec, je pense.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx, il vous reste 1 min 20 s... Mme la députée de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour.

M. Côté (Daniel) : Bonjour.

Mme Soucy : Le fait que le gouvernement... ou plutôt le premier ministre ait refusé, d'entrée de jeu... puis même d'entendre parler d'Anticosti, alors qu'on sait que c'est un projet qui est loin de la population, alors que chez vous c'est un projet qui est près de votre population, et puis qu'il refuse de vous accorder le BAPE, j'imagine que... Comment vous voyez ça? Est-ce que vous sentez qu'il y a de l'injustice ou... Comment vous voyez ça? Est-ce que vous voyez que le fait que la décision provienne... à la bonne volonté du ministère, ou on devrait avoir des critères qui sont déjà établis? J'aimerais vous entendre sur ça.

Le Président (M. Pagé) : 30 secondes, M. Côté.

M. Côté (Daniel) : Merci. Le BAPE devrait être plus systématique dans ce type de cadre... dans ce type de projet là, ou, minimalement, des certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement avant d'aller trop loin dans les processus. Présentement, il n'y a rien de prévu. C'est un permis du ministère des Ressources naturelles qui est émis, puis on part avec un point GPS, là. C'est à peu près ça. Donc, il faudrait que ce soit prévu.

Dans le cadre du traitement Anticosti versus Gaspé, c'est clair qu'il y a une dichotomie importante. C'est énorme. Est-ce qu'il y a une injustice? À tout le moins, on n'a pas encore de non pour le BAPE, hein? Vous avez dit qu'il nous avait été refusé, je n'ai pas encore eu de lettre qui me dit non. J'espère avoir une lettre, un jour, qui me dit oui ou non, mais je n'en ai pas eu. Ça fait que c'est ça.

Le Président (M. Pagé) : C'est tout le temps que nous avons pour ce bloc. Alors, je vous remercie pour votre présentation.

On va suspendre un petit moment pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

(Reprise à 17 h 40)

Le Président (M. Pagé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux pour notre dernier bloc avec le Conseil du patronat du Québec, des gens qu'on a déjà vus ici. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Je vous laisse vous présenter, et vous avez un bloc de 10 minutes pour faire la présentation de votre mémoire.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Je me présente : M. Yves-Thomas Dorval, je suis président et directeur général du CPQ, le Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné, à ma gauche, de M. Benjamin Laplatte, qui est directeur des Affaires publiques au CPQ, qui a travaillé beaucoup dans l'élaboration de ce mémoire et des consultations qui ont fait l'objet de notre présentation.

Je remercie la commission de nous écouter, de nous avoir conviés à cette discussion sur le livre vert. Et, d'entrée de jeu, peut-être rappeler que le CPQ est une organisation qui regroupe différentes associations sectorielles dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine des ressources naturelles, dans le domaine de la transformation, dans le domaine des services, et ainsi que des employeurs. Et, au total, on représente plus de 70 000 employeurs qui ont des opérations au Québec.

M. le Président, on veut réitérer l'importance pour le CPQ d'intégrer la question de l'acceptabilité sociale dès les premières phases d'un projet ainsi que d'offrir un accompagnement constant et transparent des parties prenantes à chacune des étapes afin de maximiser les chances de réussite des projets. Je dois vous dire, M. le Président, qu'on a eu l'occasion au cours des derniers mois d'avoir plusieurs échanges sur cette question-là. D'abord, on a eu des échanges directement avec le ministère et avec le ministre bien avant, au tout début des discussions. On a participé aux consultations qui ont été menées sur cette question-là, on a contribué, et, pour ce faire, on a consulté nos membres pour établir nos positions. Et on a même établi un forum, un colloque sur cette question-là, où le ministre est venu d'ailleurs rencontrer les employeurs du Québec et où Raymond Chabot Grant Thornton est venue également livrer et répondre aux questions concernant le rapport suite à la recherche qu'ils ont faite, l'étude et les consultations qu'ils ont menées. Et aujourd'hui on est devant vous évidemment suite à la publication de ce livre vert.

Donc, nous avons suivi l'ensemble du processus, nous nous sommes impliqués. Et on doit dire, d'entrée de jeu, qu'au Québec on vit à l'occasion des tensions autour de plusieurs projets de développement économique. Or, quand un bon projet est avorté, ce n'est pas juste son promoteur qui en écope, mais toute la société, et il y a donc un sérieux besoin de revoir les processus destinés à favoriser un dialogue entre les différentes parties et un arrimage de leurs intérêts respectifs.

Le CPQ prend note qu'à travers le livre vert le ministère reconnaît l'importance de l'acceptabilité sociale dans la réussite des projets de valorisation du territoire québécois et de ses ressources énergétiques et minérales, de même que l'importance de mettre en place des outils visant à améliorer le dialogue entre les parties. On ne peut pas arriver à un bon projet s'il n'y a pas eu des démarches de façon intégrée et complète qui impliquent la question de l'acceptabilité sociale.

Il salue notamment le désir d'assurer la prévisibilité des processus de consultation à chacune des étapes d'un projet et de favoriser une plus grande transparence quant aux retombées économiques des projets de mise en valeur des ressources naturelles, de même qu'aux impacts environnementaux et sociaux pour les communautés concernées.

Le développement durable, ça repose sur trois grands piliers. On entend beaucoup, beaucoup parler du pilier de l'environnement, on entend quand même parler du pilier social, et malheureusement, dans l'étude des projets, on n'entend pas nécessairement parler aussi d'une manière aussi approfondie des impacts économiques, et, quand on parle d'impacts économiques, ça inclut les impacts sociaux aussi.

Alors, qu'il s'agisse de respecter la liberté et le droit d'entreprendre, évidemment ça fait partie du credo de notre mission, de notre plateforme, autant que de limiter les externalités négatives d'un projet, favoriser la recherche de l'acceptabilité sociale est avant tout une démarche qui repose sur deux principes forts que sont l'identification et la responsabilité sociale et le dialogue entre les parties prenantes.

La crainte souvent évoquée de voir une majorité décider systématiquement pour une minorité, ou inversement, est réductrice. Et le CPQ considère que, lorsque les choses sont faites dans les règles de l'art, en respect des lois et en toute transparence, ces deux scénarios peuvent s'avérer parfaitement légitimes, car tout est affaire de circonstances. Pour cette raison, il faut résister à la tentation d'assujettir les processus dont il est question dans le livre vert du ministère à la recherche d'une adhésion unanime des parties prenantes, ou, pire, de les soumettre à une sorte de plébiscite.

À défaut de consensus sur une définition de l'acceptabilité sociale, il importe, et cela est fondamental, que le ministère détermine les conditions d'acceptabilité sociale avec les parties prenantes au préalable, le plus tôt possible dans la genèse d'un projet, afin de respecter un contrat social qui veut, un, qu'un projet perfectible puisse être dûment autorisé sans avoir à craindre d'être subitement refusé pour des raisons émotives ou par opportunisme, que l'acceptabilité, deux, sociale par une population, même si elle est une variable parfois capricieuse dans le temps et dans l'espace, puisse être fondée sur la recherche de compromis.

Par rapport à l'orientation 1 dans les considérations générales, le rôle du ministère, tel qu'identifié dans son livre vert, est clair du point de vue du CPQ : tout en assumant sa vocation économique, son rôle y est décrit comme celui d'un accompagnateur et d'un conciliateur pour les différentes parties prenantes, même si ultimement son pouvoir est celui d'un arbitre en cas de nécessité. Le CPQ appuie l'orientation 1 du ministère, qui vise à mieux faire connaître ses rôles et responsabilités en matière de planification et de gestion du territoire, de même qu'en matière d'acceptabilité sociale.

Le CPQ est en accord avec les orientations 2 et 3, mais dans la mesure où un maximum de processus de planification et de valorisation du territoire seraient combinés, par exemple la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, milieux humides, MRC, etc., au sein de l'exercice d'actualisation des plans d'affectation du territoire public. On est aussi en accord avec ces orientations dans la mesure où la communication en continu et les activités de rétro-information — le mot est important — ne contribuent pas à alourdir les obligations déjà denses et fastidieuses des promoteurs, particulièrement dans le cas des activités déjà assujetties à la Loi sur les mines ou la Loi sur la qualité de l'environnement.

À chaque étape du cycle de vie d'un projet, et en dépit du travail accompli lors de l'élaboration des PATP, il est toujours possible que certains individus n'y trouvent pas leur compte, et c'est pourquoi l'expression des citoyens est importante et doit être prise en considération avec sérieux. Évidemment, au même titre que le risque ou la nuisance zéro n'existe pas et que la quête de l'unanimité est une utopie, tout projet est imperfectible. C'est pourquoi il est nécessaire d'entretenir un dialogue soutenu avec les municipalités, notamment, les différentes communautés au cours des différentes étapes d'un projet. Il est possible d'aller de l'avant tout en maintenant un climat de confiance mutuelle et de saine collaboration, ce qui contribue à entretenir notre fierté collective.

Par contre, le CPQ veut, là encore, rappeler l'importance de réduire autant que possible l'incertitude et la confusion entourant les projets de développement, de même que les impacts négatifs liés à des procédures et des décisions ponctuelles et imprévisibles, ce qu'on veut éviter ici.

Le CPQ tient à saluer les orientations 4 et 5, notamment l'importance d'informer les populations sur les retombées économiques, on aurait pu aussi ajouter sociales, de ces projets. Ces retombées se fondent sur la nécessité de mettre en lumière la contribution des entreprises, des entrepreneurs à la vitalité des communautés et des régions concernées.

À ce titre, le CPQ souligne, de plus, la volonté du ministère d'accompagner citoyens, promoteurs et communautés dans le développement des projets et appuie à cet effet les actions proposées visant à mettre en place un bureau d'analyse d'impact économique, un guichet unique d'information et d'échange, de même qu'un bureau de coordination des grands projets. Rappelons que le CPQ a déjà soulevé à plusieurs reprises cet impératif de mettre en place un organisme d'évaluation économique indépendant visant à évaluer les impacts économiques des projets de développement.

Concernant les comités de suivi, le ministère devra toutefois prendre soin de mettre en prendre des balises claires pour s'assurer de la compétence et des intérêts des parties impliquées, tout en conservant les responsabilités qui lui reviennent en matière de gestion des ressources naturelles. De plus, il ne devrait pas être du ressort du bureau de juger de la viabilité ou de la rentabilité d'un projet, puisque cet élément relève uniquement du promoteur, qui détermine le seuil de rentabilité de son projet sur la base de rigoureuses analyses.

Au niveau des recommandations, je résumerai de façon très rapide trois recommandations, entre autres : Éviter un alourdissement dommageable du processus consultatif, donc que le ministère mette en place un guichet unique pour les parties prenantes concernées par un projet sous sa responsabilité, ainsi que des processus prévisibles, simples et efficaces ayant pour objet d'alléger les procédures réglementaires et les formalités administratives superflues.

La recommandation 2 : Que le ministère offre un accompagnement à chacune des parties prenantes d'un projet, à titre de facilitateur d'un dialogue social, sain, serein et constructif, en mettant en place des mécanismes à sa disposition pour assurer l'indépendance et l'impartialité du bureau et de toute autre entité ou processus sous sa responsabilité, de même à assurer la crédibilité de la démarche afin d'y préserver la mission de développement économique du ministère.

avoir fait preuve de son efficacité, que le gouvernement évalue l'opportunité d'étendre à l'ensemble de l'appareil gouvernemental les orientations que le ministère propose afin de mettre en place un cadre cohérent, clair et harmonisé avec les autres ministères et organismes actuellement impliqués dans les processus de consultation.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, M. Dorval. Alors, on pourra y aller pour faire un bloc de 14 minutes avec la partie ministérielle. M. le ministre.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, M. Dorval et M. Laplatte. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui, d'abord parce que je sais que le Conseil du patronat a été impliqué. J'ai participé d'ailleurs à une de vos journées en compagnie, entre autres, de la mairesse de Chibougamau, ça a été particulièrement intéressant.

Et donc je suis très heureux aussi de voir que vous semblez partager notre opinion sur, évidemment, l'idée d'avoir un bureau d'évaluation économique et je voulais vous sensibiliser tout de suite sur une chose : c'est qu'il n'est pas question pour nous d'examiner la rentabilité. Je pense que ça, là-dessus, je tiens à vous rassurer.

Il y a autre élément sur lequel je tiens à vous rassurer également. Vous parlez à un moment donné qu'il pourrait y avoir une espèce de problématique entre le bureau des grands projets et la Société du Plan Nord. Je pense que le rôle de la Société du Plan Nord n'est pas de faire des audiences publiques, des processus publics. Nous, en tout cas, on a examiné ça et on ne voit pas de problématique, là, au niveau d'un conflit potentiel de juridictions. Alors, ça, là-dessus, je pense que c'est très clair.

Et je vous dis également que notre but n'est pas d'alourdir mais d'alléger. On pense que, dans un processus comme celui dont on parle... On pense que c'est évident qu'on veut alléger davantage, évidemment, les structures et on pense qu'en allant en amont ça va peut-être contribuer à ce que les projets, à partir du moment où on sent une acceptabilité ou non... mais, à tout le moins, on sent qu'il va y avoir éventuellement, peut-être, une accélération du processus.

Moi, la première question que je voulais vous poser, c'est parce que tout à l'heure il y avait le maire de Gaspé, et un des enjeux qui n'a pas été tellement débattu jusqu'ici, puis j'aimerais peut-être avoir votre opinion là-dessus... C'est que le maire de Gaspé était très insistant pour avoir beaucoup plus de pouvoirs pour les municipalités. Il dit que, par exemple, la ville de Gaspé est... Alors là, la question qu'on se posait, c'est : Quel est le rôle du gouvernement versus la municipalité? Qui a un droit de veto sur quoi, etc.? Est-ce que le Conseil du patronat a une opinion là-dessus?

Le Président (M. Pagé) : M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Quelle belle question, M. le Président, puisque vous savez probablement que l'Union des municipalités et plusieurs municipalités font partie du membership du Conseil du patronat, ainsi que plusieurs employeurs dans le domaine des ressources naturelles ou dans... pas dans l'expropriation, mais dans l'exploration, pardon.

Écoutez, la première des choses, je pense qu'il y a des responsabilités dans chacune des parties, puis, à la fin, il y a des schémas d'aménagement qui sont faits et qui doivent être d'ailleurs approuvés aussi par le gouvernement à la fin. Donc, il y a une démarche, je dirais, d'intégration au niveau gouvernemental, de toute façon.

Il est clair que les élus municipaux ont un devoir de responsabilité à l'égard de leurs commettants, de leurs électeurs, et ils font un travail, ils ont des responsabilités. Mais il est clair aussi que le gouvernement a un rôle d'arbitre aussi, parce que les ressources naturelles, c'est un fonds commun qui appartient à l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Il y a un intérêt collectif qui est très grand, et c'est le rôle, finalement, du gouvernement de faire, d'avoir ce rôle d'arbitre. Et d'ailleurs vous le mentionnez dans le livre vert à plusieurs fois que le ministère a un rôle, à la fin, d'arbitre, et un arbitre neutre, à la fin dans tout ça, tout en faisant valoir l'importance de libérer le potentiel économique qu'il y a et qui existe au Québec au niveau de ses ressources naturelles.

Les municipalités, il faut faire attention aussi, ne sont pas toutes équipées avec les mêmes moyens, les mêmes capacités, selon leur taille et leurs responsabilités, là, dans l'examen et l'élaboration de toutes ces choses. Par contre, ce sont des unités, des communautés qui sont très proches de leurs résidents, de leurs citoyens. Donc, ils sont particulièrement au fait.

L'approche du CPQ est très simple : on le voit, nous, plus dans l'approche d'un promoteur, il y a tout intérêt pour un promoteur de travailler très, très rapidement, au début du projet, avec les municipalités. Alors, pour moi, c'est la clé. La clé, c'est moins une question de chicanes de juridiction que de travailler le plus tôt possible dans le processus avec les instances locales, et je pense que ça, c'est important.

Mais en même temps ça représente un défi, M. le Président, pour les promoteurs, parce que, souvent, quand on fait une approche hâtive et proactive, vous n'avez pas toutes les réponses aux questions, parce que vous êtes dans un projet... dans une phase avant-projet et vous n'avez pas beaucoup de réponses aux questions. Souvent, l'exploration, le projet en étude d'avant-projet, c'est une phase où est-ce qu'on est justement en processus d'aller chercher de l'information, et le promoteur a toujours peur, à quelque part, qu'en commençant une communication alors qu'il n'a pas toutes les réponses il soit coupé trop rapidement, avant même d'avoir pu faire toute la cueillette de l'information nécessaire, soit parce qu'un mouvement de contestation va s'établir, soit parce que, pour des raisons de toutes sortes, il y a un blocage qui peut se passer. Or, au Québec, c'est probablement un des plus grands défis que nous avons : c'est qu'on n'a pas assez d'appui global, au niveau de la population, sur l'importance de libérer davantage le potentiel économique qu'on a, en particulier au niveau de nos ressources naturelles.

Alors, pour un promoteur, c'est un enjeu. Mais ultimement il va être aux prises avec cet enjeu-là. C'est pour ça que, nous, la recommandation qu'on a à faire aux promoteurs : Vous n'avez pas le choix, parce que, si vous tardez trop, de toute façon vous allez être obligés de le faire un jour ou l'autre. Et, si vous n'avez pas commencé dès le début votre relation ou votre communication — et c'est là que l'acceptabilité sociale va commencer — bien, de toute façon, vous allez frapper un noeud à un moment donné. Alors, nous, on préfère travailler plus sur la prévention, et la prévention, c'est d'amener le plus possible de parties prenantes, en commençant par les municipalités.

Quant aux questions de schéma d'aménagement, comme je vous ai dit, bien, il y a un processus d'arbitrage à faire, à quelque part, et le gouvernement doit accompagner aussi les municipalités pour les aider dans ce processus-là. Alors, l'accompagnateur, là, il n'est pas juste pour le promoteur, il est aussi pour les parties prenantes que sont les municipalités.

Puis en même temps il y a des municipalités qui ont beaucoup de compétences aussi, qui ont beaucoup de capacités, puis on pense, entre autres, aux regroupements dans les municipalités, les MRC aussi, là, il y a quand même une certaine capacité là. Il ne faut pas non plus prendre les intervenants municipaux comme étant des gens qui n'ont pas de compétence. Au contraire, ce sont des gens qui ont une compétence en particulier, c'est celle de bien connaître leurs résidents, leurs concitoyens.

Le Président (M. Morin) : M. le ministre.

M. Arcand : M. le Président. Je vous posais la question parce que je sais qu'il y a des cas, entre autres, là — j'ai des dossiers en tête, là — le fameux dossier des carrières et des sablières, où parfois les maires donnent leur appui, on donne un permis, puis, à un moment donné, le vent vire un peu, les gens n'en veulent plus. Et souvent, dans le cas des carrières et des sablières, j'ai vu beaucoup de cas où il y a eu des problématiques reliées à ça. C'est pour ça qu'à un moment donné le rôle du gouvernement du Québec, qui est un peu en recul, qui doit consulter, qui doit faire affaire avec les municipalités... et c'est fondamental, bien sûr, mais, à un moment donné, ça prend une décision finale qui appartient au gouvernement du Québec. Parce qu'on ne peut pas commencer à donner des droits de veto à gauche et à droite. Je ne sais pas si...

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord avec ça, parce que j'ai mentionné dès le début de ma présentation que la prévisibilité était importante. Et ce que M. le ministre vient de dire, c'est que cette prévisibilité-là peut être en cause quand il y a justement des changements. Et là je ne veux pas du tout regarder le gouvernement en place, mais ça arrive aussi, parfois, au niveau du gouvernement provincial, ça arrive même, des fois, au niveau du gouvernement fédéral, des changements, je dirais, d'horizon par rapport à certaines situations.

Mais ici je vous dirai qu'on a, je pense, une organisation démocratique qui fait en sorte que le rôle du gouvernement du Québec est important par rapport à ça, et ça doit se faire en partenariat avec les municipalités.

M. Arcand : O.K.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. le ministre. On va se diriger vers l'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Merci, M. le Président. M. Dorval, vous mentionnez que vous représentez 70 000 employeurs. Quand on parle de projets, de projets majeurs, de processus dans ce qu'on recherche comme acceptabilité sociale, est-ce que vous avez une définition de qui ça devrait toucher? Est-ce que c'est vos 70 000 membres ou... C'est quoi, l'ampleur qui viendrait déterminer d'avoir un processus d'accompagnement comme celui-là?

Le Président (M. Morin) : M. Dorval.

• (18 heures) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Tout d'abord, quand on parle d'acceptabilité sociale, on parle de plusieurs parties prenantes. Donc, on ne parle pas seulement des membres qu'on représente, on parle de l'ensemble. Puis, en passant, dans les membres qu'on représente, M. le Président, on a tant les communautés locales, je vous l'ai dit tantôt, comme des municipalités, qui sont membres chez nous que des promoteurs, que d'autres organisations, ou même des sociétés d'État qui sont dans le domaine de l'énergie. Alors, c'est juste pour vous dire qu'on a quand même à embrasser plutôt large.

Non, ce qui nous intéresse, parce que c'est dans la mission du CPQ, qui est celle de favoriser les meilleures conditions possible pour prospérer... Ce n'est pas pour rien qu'on a lancé une campagne importante, un mouvement sur quatre ans pour améliorer les conditions de prospérité au Québec. Pour nous, c'est important, pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. Le titre de notre campagne, c'est Prospérité pour tous, par tous et avec tous. Donc, ce n'est pas l'intérêt de nos membres seulement, parce que c'est l'intérêt de tout le monde. Et c'est d'ailleurs dans notre mémoire : quand un projet réussit, ça profite à tout le monde puis, quand un projet échoue, ce n'est pas juste le promoteur qui échoue, ce n'est pas juste le gouvernement qui échoue, c'est l'ensemble de la collectivité aussi qui échoue.

Alors, pour nous, quand on parle de représenter, c'est une chose, mais, quand on vous adresse ici, ça fait suite à une consultation. On le regarde d'une façon très large et très globale parce que la prospérité, c'est pour tout le monde, donc toutes les parties prenantes.

C'est pour ça que l'acceptabilité sociale est importante, parce que, si toutes les parties prenantes n'ont pas toute l'information, premièrement, il va y avoir un problème parce qu'à ce moment-là les décisions vont se prendre avec une absence d'information. Et, entre autres, c'est pour ça qu'on salue, dans le livre vert, certaines choses par rapport au bureau d'évaluation économique. Pourquoi une analyse d'impact économique? Parce que c'est un des éléments qui, trop souvent, n'est pas pris en compte. Pourquoi? Parce que le promoteur est trop souvent perçu comme étant en conflit d'intérêts puis que, l'information qu'il livre, on dit : Ce n'est pas crédible parce que le promoteur a un intérêt là-dessus. Alors, le fait d'avoir un bureau d'analyse économique indépendant, ça vient justement ramener dans le débat une analyse indépendante. Elle n'est pas plus objective qu'un promoteur, à mon avis, le promoteur, il est tout à fait objectif dans ce qu'il veut faire, mais la perception de l'objectivité n'est pas la même, et c'est pour ça qu'un bureau indépendant est intéressant. Donc, pour nous, ça fait partie des critères qui peuvent favoriser une acceptabilité sociale.

Et, pour le reste, encore une fois, je pense que le ministère se positionne là-dedans comme un accompagnateur des parties prenantes.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. le président. C'est parce que les députés veulent avoir d'autres questions. Vous avez une facilité de réponse.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, ça me fera plaisir d'être plus concis.

Le Président (M. Morin) : O.K. Mais il ne faut pas retarder avec notre échange. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui, M. le Président. Merci de votre intervention. Effectivement, j'ai d'autres éléments. Moi, j'aimerais savoir, justement, dans votre groupe, vous avez des discussions, tout ça, quand on parle d'acceptabilité sociale par un milieu, qui doit-on prioriser dans l'analyse de l'acceptabilité par rapport à l'implantation d'un projet. Est-ce qu'on parle du milieu local, la MRC, la région? Parce qu'il y a plein de monde qui se présentent, qui ont des prétentions et des ambitions en lien avec des projets. Comment on fait cette déclinaison-là?

Le Président (M. Morin) : Faites-moi une réponse en une minute.

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, M. le Président, personnellement, j'ai eu à m'impliquer dans plusieurs projets, dans plusieurs démarches, soit de responsabilité sociale, puis c'est des démarches tout à fait cohérentes, soit dans des projets d'énergie aussi. J'ai commencé ma carrière en 1980 sur des projets d'énergie, de développement d'énergie au niveau de l'acceptabilité sociale. Donc, ça fait longtemps que je baigne là-dedans.

Je vous dirais qu'il faut faire un inventaire des parties prenantes. Chaque projet est différent, chaque projet a ses spécifications, chaque communauté a ses spécifications, chaque partie prenante est particulière. Si vous discutez d'un projet, il y a plusieurs parties prenantes, et c'est l'objectif, dans une démarche d'acceptabilité sociale, de faire... excusez-moi, en anglais, on appelle ça un «stakeholder mapping», hein, c'est-à-dire une cartographie des parties prenantes en fonction de leurs préoccupations et de leurs enjeux. Et qu'est-ce qu'on fait quand on fait une cartographie des parties prenantes? On identifie quels sont les impacts en termes d'importance et la probabilité que ces impacts-là se produisent en termes de risque ou de probabilité. Et on regarde à travers ça quels sont... Et c'est à chaque projet une question qui est différente. Donc, ça ne peut pas être : on va privilégier une partie ou une autre. La seule chose qu'on sait ultimement, c'est que, si le promoteur, il ne le fait pas, le projet, il n'y a personne qui va en bénéficier non plus.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. Dorval. Oui, M. le député de... voyons! René-Lévesque.

M. Ouellet : Comté de René-Lévesque.

Le Président (M. Morin) : Oui, oui, je l'ai devant moi, René-Lévesque. Je ne regardais pas du bon côté. Allez-y, M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Pas de problème, M. le Président. Merci, messieurs. Dans votre résumé, dans votre mémoire, vous faites mention que vous voulez voir abroger l'annexe 2, parce que vous la trouvez trop simpliste, trop limitée, et qu'elle devrait plutôt être introduite avec un ensemble de processus qui tient compte de la Loi sur les mines, sur la qualité de l'environnement. Bref, qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer... Si on scrape l'annexe 2, est-ce qu'on est capables de mapper ce processus-là, qu'il soit compréhensible, et qu'on soit capables de faire un cheminement critique, ou vous nous dites tout simplement de le mettre de côté et de ne rien toucher à ça?

M. Dorval (Yves-Thomas) : En toute collégialité, je vais laisser mon collègue répondre à la question.

Le Président (M. Morin) : Oui, M. Laplatte, c'est à vous.

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, merci pour la question. En guise de réponse, c'est-à-dire que l'idée n'est pas — parce que, là, il s'agit d'un document d'orientation — donc, d'abroger, c'est plutôt d'améliorer peut-être la représentation qui est faite de l'annexe 2. Au stade-ci de la consultation, on trouvait qu'elle offrait une lecture, en tout respect, pour le non-initié, un peu réductrice de la complexité par laquelle doit passer un promoteur, notamment dans tous les processus dont l'objectif est d'obtenir une autorisation, une certification, etc.

Donc, l'annexe, ce qu'elle résume, dans le fond, c'est un peu les grands traits, les grands faits saillants du livre vert, sauf qu'à l'étape de l'autorisation, là, comme on le voit dans l'annexe 2, on parle beaucoup des mécanismes de rétro-information, mais on ne met pas ici en lumière l'ensemble du cadre législatif réglementaire à travers lequel doit passer un promoteur, qui est complexe, qui est différent d'une filière à une autre. Ce n'est pas du tout pour les mêmes processus, selon qu'on parle de la Loi sur les mines, selon que l'on parle d'un projet éolien, ou autres. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est aussi simple que ça, et l'annexe ne rend pas nécessairement justice de la complexité des processus actuels. En fait, il y a, on pourrait dire, une sorte de boîte noire qui mériterait d'être clarifiée à l'étape du processus de délivrance desdites autorisations.

Le Président (M. Morin) : Oui, M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Je vais passer la parole à mon collègue de Gaspé.

Le Président (M. Morin) : Oui...

M. Lelièvre : Merci, M. le Président. Vous avez parlé de l'article 246. Quand on vous interrogeait à savoir, bon : Est-ce qu'on devrait donner plus de pouvoirs au monde municipal en matière de contrôle de l'utilisation du territoire?, vous avez parlé de l'article 246, qui déjà, bon, donne certains paramètres. Vous avez parlé aussi du schéma d'aménagement. Puis ce que j'ai cru décoder, c'est comme si vous disiez : Bien, écoutez, les municipalités, via le schéma d'aménagement de la MRC, ils ont déjà une négociation qui se fait avec le gouvernement puis ils ont déjà un mot à dire à ce niveau-là.

Est-ce que vous arrivez à la conclusion que ça serait comme suffisant, donc, le fait que le schéma d'aménagement prévoie certaines affectations de territoire, et non pas du zonage, des affectations? Des grandes orientations, pour vous, c'est suffisant ou on devrait... Parce que la question qui nous intéresse, c'est : Est-ce qu'on devrait se rendre jusqu'au niveau municipal, notamment, comme le maire de Gaspé le demandait, comme un précédent, aussi, intervenant, M. Venne, l'a mentionné également? Donc, oui ou non, selon vous, là, est-ce qu'on devrait se rendre jusqu'à donner des pouvoirs supplémentaires au monde municipal?

Le Président (M. Morin) : M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je vais vous répondre par l'inverse. Vous savez, malgré un cheminement d'aménagement... un chemin... en tout cas, un schéma d'aménagement, pardon — il commence à être tard — il peut arriver par la suite qu'on découvre dans un territoire donné un potentiel qu'on ne connaissait pas avant. Et là il faut le remettre en question à ce moment-là, à savoir est-ce que c'est dans l'intérêt commun de voir la possibilité de changer un schéma d'aménagement parce que, justement, on découvre un potentiel, minéral ou autres, qui pourrait répondre à un besoin de la collectivité, peut-être la collectivité plus large ou la collectivité locale.

Alors, dans ce sens-là, je vous dirais : Il faut être ouvert aux deux, hein? Il faut être ouvert au fait que, un, malgré qu'il y a des schémas d'aménagement approuvés... (Interruption) — je m'excuse — on puisse les revoir, mais en même temps, à la fin, ce qu'on disait, c'est : Pour n'importe quelle partie prenante, ça prend, à un moment donné, un arbitre dans ces questions-là. Puis c'est là où est-ce qu'on est arrivés en disant : À la fin, même s'il y a un travail qui est fait au niveau des schémas de façon générale, quand on arrive sur des décisions, c'est important que l'arbitre soit placé pour regarder les intérêts non pas seulement d'un petit groupe ou d'une communauté, mais de l'ensemble aussi du territoire, parce que...

• (18 h 10) •

Et je vous donnerais un exemple très simple, très, très simple, qui n'est pas directement dans un schéma, mais on a, nous, rendu public notre appui au projet de ligne de transfert... de transport d'énergie Chamouchouane—Bout-de-l'Île. Ça ne veut pas dire que tout le monde est d'accord puis ça ne veut pas dire que... mais, à un moment donné, il faut, dans l'intérêt commun, qu'il y ait... l'électricité, elle passe à quelque part puis il faut qu'elle se rende.

Alors, il faut prendre dans le mécanisme d'acceptabilité sociale le maximum de préoccupations des parties prenantes, des communautés, etc., mais, à un moment donné, il y a une décision à prendre. Et malheureusement il n'y aura jamais d'impact nul ou zéro. Et, même l'activité humaine, même de respirer, on émet du... Alors, ce que je veux juste vous dire, c'est qu'à la fin là, il y a trop d'éléments pour arriver à l'unanimité.

Mais ce que vous avez dit, c'est : Qui doit prendre... Si c'est une dynamique où les municipalités ont un rôle majeur à jouer, parce qu'elles sont en lien direct avec leurs citoyens, elles ont des rôles et responsabilités importants dans leurs schémas d'aménagement, le gouvernement, à la fin, doit aussi exercer son rôle d'arbitre, dans l'intérêt commun.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. Dorval. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre : Oui, merci. Je reviens aussi, encore, sur le même élément. Vous avez nommé souvent le mot «arbitre» durant votre présentation, et c'est parce que c'est un terme qui n'existe pas vraiment dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit des pouvoirs spécifiques aux MRC, aux municipalités et au gouvernement dans le cadre du schéma d'aménagement, dans le cadre des instruments d'urbanisme que seront le schéma, le plan d'affectation, le plan de zonage, etc.

Mais tantôt M. le ministre m'a fait sursauter un peu. Vous avez mentionné aussi... Vous avez un peu adhéré dans ce sens-là, vous avez dit : Écoutez, on a des projets, par exemple, de carrières, sablières où souvent les maires vont donner des permis, mais ça crée, bon, de l'insatisfaction dans le milieu. Ça fait qu'il faut que quelqu'un, à quelque part, puisse trancher. Ça, c'est un pouvoir qui est déjà acquis. Les municipalités ont déjà un pouvoir d'émettre ou non des permis pour les carrières, les sablières. Est-ce qu'on doit comprendre qu'on envisage même de reculer à ce niveau-là? J'espère que non, parce que le gouvernement actuel dit fortement que le monde municipal, ce sont ses principaux partenaires.

Dans la loi n° 28, on a à peu près tassé tout le monde puis on a dit : Dorénavant, c'est le monde municipal qui va gérer le développement économique, occupation du territoire. Puis là on dit : Ils ne sont peut-être même plus capables de gérer une carrière puis une sablière, là. J'espère que ce n'est pas ce que vous pensez, là. Mais, de votre côté, j'espère que vous n'allez pas... Comme Conseil du patronat, j'espère que vous êtes d'accord que le monde municipal continue à occuper au moins le champ de juridiction actuel, qu'on ne leur enlève pas de pouvoirs qu'ils ont en vertu notamment de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Le Président (M. Morin) : M. Dorval, un effort : 35 secondes pour répondre.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ça va être plus bref que ça. Je pense que la question s'adresse plus au ministre qu'à nous, parce qu'honnêtement on ne s'est pas prononcés directement sur un détail comme... sur celui-là, par exemple, les carrières, et ainsi de suite. Je vais laisser la discussion entre vous sur cette question.

Le Président (M. Morin) : Merci, M. Dorval. Ça va, M. le député de Gaspé? Il restait 10 secondes. Ça va?

M. Lelièvre : C'est beau, ça conclut. Merci.

Le Président (M. Morin) : O.K. On se dirige vers Saint-Hyacinthe. Mme la députée.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous mentionnez dans votre mémoire plusieurs termes, puis je vais vous en citer : «Ne contribue pas à alourdir les obligations déjà denses et fastidieuses pour les promoteurs». Vous revenez souvent avec ces termes. Voyez-vous un quelconque allègement dans le livre vert présenté versus le processus actuel ou on pourrait l'améliorer davantage pour l'alléger encore plus?

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, l'intention du livre vert — puis le ministre l'a communiquée dès le début en réponse à notre intervention — c'est d'alléger le processus. Le CPQ, on a quatre grandes priorités que les membres nous ont confiées, et il y en a deux qui sont directement concernées par ici, et l'une de celles-là, c'est l'allègement réglementaire, faire en sorte d'avoir une réglementation qui vise des objectifs de résultat plutôt que des processus et des moyens, donc éliminer le plus possible ce qui demeure de la procédurite pour s'en aller le plus possible à l'atteinte d'objectifs de résultat. La quatrième orientation, c'est sur l'économie durable. Donc, vous comprendrez que ça inclut les ressources naturelles.

Alors, dans votre question, on pense qu'il y a un potentiel d'allègement réglementaire et, en particulier, de prévisibilité, ce qui est très important pour les entrepreneurs et les entreprises. Par contre, ce qu'on dit aussi, c'est qu'il existe déjà beaucoup de choses autour, hein? On a parlé des autorisations au niveau de l'environnement, au niveau municipal, on pourrait en rajouter, là, au niveau du territoire agricole, et ainsi de suite. Donc, il y a beaucoup de mécanismes d'autorisation.

Évidemment, ce qu'on ne voudrait pas dans tout ça, c'est que la bonne intention qui est manifestée ici soit confrontée à de la duplication avec d'autre chose qui existe ou à une confusion, d'une part, ou, d'autre part, d'avoir des processus en parallèle, alors que, dans le fond, l'objectif, on le comprend : quand on parle d'un guichet unique, là, ça le dit en soi, là, hein? C'est de s'en aller vers un processus qui soit simplifié.

Alors, pour nous, on pense que, dans la proposition qui est devant nous, on a des intentions d'allègement, mais c'est dans les actions et dans l'implantation... On est dans un livre vert actuellement, on n'est pas dans un projet de loi, et nous, on intervient, quand on parle de réglementation, beaucoup quand on arrive dans les projets de législation ou de réglementation, pour dire : Oups! Là, on en rajoute. Vous savez, le gouvernement s'est donné un mécanisme qui s'appelle le cran d'arrêt, au niveau des finances publiques des programmes. J'espère que le cran d'arrêt existe aussi au niveau de la réglementation. Je veux dire, quand on fait une nouvelle réglementation qui est bonne, il faut en éliminer d'autres à côté pour ne pas qu'on surcharge l'ensemble des contribuables avec trop de réglementation.

Le Président (M. Morin) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Donc, on retient que l'intention, elle est là mais qu'il y a encore place à l'amélioration, là, pour s'assurer que l'allègement va se continuer. Merci, je n'ai pas d'autre...

M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est intéressant, M. le Président, parce qu'on a dit dans notre mémoire qu'au niveau de l'acceptabilité sociale tout projet est perfectible, ainsi que celui d'un livre vert.

Le Président (M. Morin) : MM. Dorval et Laplatte, du Conseil du patronat du Québec, merci, bon retour à la maison.

Et, compte tenu que nous nous revoyons à 19 h 30, je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 18 h 16)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Iracà) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les auditions publiques sur le livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale. Nous entendrons ce soir Transfert Environnement et société et Raymond Chabot Grant Thornton, ainsi que le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Merci de vous être déplacés ce soir à l'Assemblée nationale. Pour des fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, madame monsieur, la parole est à vous.

Transfert Environnement et société inc. (TES) et
Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT)

Mme Gélinas(Johanne) : Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale, M. Charland, bonsoir et merci de votre invitation. Mon nom est Johanne Gélinas, je suis associée chez Raymond Chabot Grant Thornton, et je suis accompagnée ce soir d'André Delisle, que je vais laisser se présenter.

M. Delisle (André) : Bonsoir. Merci de l'invitation. Alors, je suis de Transfert Environnement et société, associé fondateur, conseiller senior aujourd'hui.

Pour ceux qui ne le savent pas, Transfert Environnement et société est une firme de consultants qui intervient directement dans les dossiers d'acceptabilité sociale depuis 20, 25 ans, même avant que le mot existe. Donc, on fait les mandats en participation publique, relations communautaires, impacts sociaux, stratégies sociales.

Mme Gélinas (Johanne) : Et Raymond Chabot Grant Thornton, au-delà de ses comptables, a une pratique similaire à celle de Transfert Environnement. Donc, nous, André et moi, avons été mandatés il y a près d'un an et demi maintenant pour amorcer le processus de consultation en lien avec l'aboutissement qui est le livre vert qui est à l'étude aujourd'hui. André et moi sommes deux anciens commissaires du BAPE. Ensemble, nous cumulons 70 ans d'expérience en environnement, consultations publiques et acceptabilité sociale. Si vous divisez par deux, vous avez notre âge.

Nous n'avons pas l'intention de commenter le livre vert lui-même parce qu'on a contribué à sa mise en oeuvre. Mais ce qu'on aimerait faire avec vous ce soir, c'est de prendre quelques minutes pour aborder certains points qui nous apparaissent importants, qu'on a entendus dans le cadre de la commission parlementaire, qu'on a suivie avec beaucoup d'intérêt, et aussi certains points qui ont été moins abordés mais pour lesquels on aimerait attirer votre attention.

Donc, tout d'abord, un mot sur la consultation. C'est un processus de consultation qui était ouvert, inclusif, avec une importante composante régionale. On a fait le tour du Québec. Les citoyens qu'on a rencontrés et les groupes sont venus parler beaucoup au je. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'ils ont parlé sur la base de leur expérience personnelle. Et pourquoi je le signale? C'est que, dans l'exercice que vous faites et le rapport qui en émanera, il faut se rappeler que le citoyen est au coeur de la démarche d'acceptabilité sociale. On parle principalement de projets qui sont au coeur des communautés, et les communautés sont constituées d'individus. Et, en parlant de communautés, il y a très certainement un rôle important à considérer pour les municipalités, qui se sont exprimées dans toutes les régions que nous avons visitées.

M. Delisle (André) : Notre mandat, dans le cadre du Chantier de l'acceptabilité sociale, ça a été d'abord de faire un diagnostic interne des pratiques relatives à l'acceptabilité sociale au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Après quoi, nous avons fait la consultation dont Johanne vient de parler, consultation des parties prenantes, des citoyens, des élus dans toutes les régions du Québec, pour avoir leurs réflexions et leurs suggestions sur le dossier de l'acceptabilité sociale, ce qui a donné lieu à un rapport dans lequel il y avait des pistes d'action et de réflexion qui ont servi pour la préparation du livre vert.

Trois points saillants qui ont ressorti de ces consultations. Premièrement, l'acceptabilité sociale, c'est perçu non pas comme une finalité, une notion mesurable, et tout, mais plutôt comme une démarche et un processus qui aboutit sur des constats.

Une chose qui nous a été répétée souvent, c'est que les processus d'acceptabilité sociale ne devaient pas être des processus de vente sous pression de projets, mais bien des processus pour échanger sur les projets, et que la possibilité, dans la démarche, devait être préservée pour les citoyens et les communautés de refuser des projets qui passaient dans la procédure ou dans le processus d'acceptabilité sociale.

Une chose qui est revenue très souvent, à peu près systématiquement aussi, lors des consultations, c'est le rôle important du ministère du Développement durable, Environnement, Lutte aux changements climatiques dans tout processus d'acceptabilité sociale qui porte sur l'énergie et les ressources naturelles.

• (19 h 40) •

Mme Gélinas (Johanne) : Donc, l'acceptabilité sociale, c'est le résultat d'une réflexion collective sur un sujet ou un projet donné, principalement un projet, qu'on a été à même de constater. Le processus, quel qu'il soit, c'est l'outil d'encadrement de la réflexion. Et la décision, en démocratie, appartient ultimement aux élus. Ce qu'on nous a dit, dans toutes les régions du Québec, c'est que les élus doivent venir expliquer leur décision suite à la prise de décision par rapport à un projet.

Et ça explique, entre autres... J'ai entendu beaucoup parler, dans le cadre de votre commission, de la définition de l'acceptabilité sociale. Ce que les gens sont venus nous dire, c'est qu'ils ne revendiquent pas une définition formelle, ils ne cherchent pas non plus à avoir des processus très structurés. Ce qu'on a entendu, c'est qu'ils veulent une démarche qui soit relativement souple, flexible, intelligente et qui s'adapte aux réalités des projets et des communautés d'accueil. Donc, on ne veut pas de pense-bête, on ne veut pas d'aide-mémoire, on ne veut pas, en bon français, des «checklists». Ce qu'on veut surtout, c'est des lignes directrices, des principes de base qui vont guider le gouvernement dans son approche, et une forme d'encadrement. En ce qui concerne l'encadrement, les gens souhaitent que le gouvernement joue un rôle dans l'appréciation de la démarche qui est mise de l'avant par les promoteurs, ce qu'on appellerait, en entreprise, un contrôle de qualité de la démarche.

Un autre élément qui est ressorti aussi et dont vous avez largement entendu parler dans le cadre de votre commission, c'est le rôle dévolu soit à ce qu'on a appelé des comités de liaison, des comités de voisinage, des comités de suivi. En fait, pour résumer ce que nous, on a entendu, c'est que les gens souhaitent avoir un espace public d'échange qui soit structuré, donc qui permette des échanges cordiaux, et ça, dès le début d'un projet.

Alors, il y a trois éléments dans cette structuration d'un espace d'échange. Les gens veulent être en mesure de pouvoir sonder l'intérêt pour un projet, donc connaître un peu, au niveau des balbutiements, quel type de projet que c'est puis est-ce que ça vient s'inscrire avec les orientations de développement régional, à titre d'exemple. Ils veulent par la suite contribuer à la bonification du projet. Donc, vous avez sûrement entendu fréquemment parler de la coconstruction. Mais c'est quoi? C'est travailler avec le promoteur et les autres parties prenantes à la bonification et bâtir, le cas échéant, sur la longue durée, l'acceptabilité sociale.

Quand on parle d'un projet qui a été accepté puis qui a été construit, en exploitation, c'est là qu'on change un peu de vocables, et on parle des comités de suivi ou des comités de bon voisinage, qui pour l'essentiel sont l'interface entre le promoteur et la communauté pour s'assurer que, dans l'exploitation d'un projet quelconque, il y a une harmonisation.

Concernant les points qui ont été moins discutés, on en retient deux. Je vais vous présenter le premier, et André prendra le relais. C'est la prise en compte du partage des bénéfices et de la compensation pour les impacts dans une démarche qui se veut ouverte et transparente. En fait, on a distingué trois éléments dans ce qui était présenté par les gens, qui n'utilisaient pas nécessairement ce vocable que je vais vous présenter, mais l'essentiel était là : la compensation, la notion de compensation qui s'adresse aux individus qui vont vivre les impacts au premier chef...

Le Président (M. Iracà) : Mme Gélinas, simplement pour laisser savoir, il vous reste à peu près deux minutes. Alors, je le dis aussi pour votre collègue.

Mme Gélinas (Johanne) : ... — on n'en a pas besoin de plus — les bénéfices, qui est l'avantage que va retirer une communauté, et les redevances, qui sont le principe de redistribution de la richesse à l'ensemble de la collectivité québécoise.

M. Delisle (André) : Il y a un autre point qui n'a pas été beaucoup développé lors de la commission, c'est celui de l'importance de la planification du territoire. Le travail qu'on a fait a porté beaucoup sur la place de la planification du territoire dans le processus de débat ou d'élaboration et d'évaluation des projets. La planification du territoire arrive en amont et apporte un cadre pour harmoniser les usages ou pour concilier les usages et l'occupation du territoire. C'est très important, cette étape-là, pour arriver à l'étape d'examen des projets, et qu'on a déjà certains choix de société, certains choix de communautés qui ont été faits sur qu'est-ce qui peut être fait sur un territoire, et ça, ça n'a pas été beaucoup mentionné, je pense, dans le cadre de la commission.

S'il me reste du temps, on a peut-être deux observations rapides.

Le Président (M. Iracà) : Oui. Allez-y.

M. Delisle (André) : Ça va? Il y a une chose qui est ressortie énormément et que nous, on veut attirer l'attention de la commission là-dessus : c'est très important d'arrimer, de coordonner les différents ministères dans ce processus ou dans cette approche du gouvernement sur l'acceptabilité sociale. Il faut absolument avoir une approche intégrée. Parce que plusieurs ministères sont présents. Personnellement, j'ai eu à participer au chantier du ministère du Développement durable sur la modernisation de la Loi de la qualité de l'environnement, et cette thématique-là, ce dossier-là était abordé aussi par un autre ministère, mais aussi le ministère de la Santé et le ministère des Transports.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci, M. Delisle. À moins que, M. le ministre, là, si vous êtes...

M. Arcand : Bien, s'ils veulent conclure, on peut...

Le Président (M. Iracà) : Si vous voulez conclure, là, une minute, là.

M. Delisle (André) : Bon, c'est pour conclure.

Le Président (M. Iracà) : Allez-y, allez-y.

M. Delisle (André) : La deuxième observation...

Le Président (M. Iracà) : Sur le temps du ministre, oui.

M. Delisle (André) : Deuxième observation — merci, M. le ministre — deuxième observation, c'est sur le bureau d'analyse économique des projets. Je pense que c'est une des suggestions, une des orientations du livre blanc. Oui, un bureau comme ça qui soit indépendant, mais transversal au niveau interministériel, ce ne serait peut-être pas une bonne idée qu'il dépende seulement du ministère de l'Énergie, Ressources naturelles, et qui, pour nous, devrait arriver avant le BAPE. Mais il ne faudrait pas que ça ait comme conséquence d'enlever au BAPE le mandat d'examiner les enjeux économiques d'un projet dans une perspective de développement durable, puisque, dans cette perspective-là, on doit examiner les enjeux économiques, environnementaux et sociaux.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Delisle, Mme Gélinas. Nous allons procéder présentement à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Alors, je passe directement la parole à M. le ministre.

M. Arcand : Mme Gélinas, M. Delisle, merci infiniment. D'abord, félicitations pour le travail. Je pense que le livre vert, en tout cas, a suscité beaucoup d'intérêts et je pense qu'il y a eu un travail très important qui a été accompli, surtout que le sujet n'est quand même pas facile, ce sont des notions qui sont toujours un peu difficiles à définir de ce côté-là.

Et, moi, ma première question touche évidemment la planification du territoire. Parce que, s'il y a un enjeu actuellement qui semble être très important, c'est toute cette question-là, les municipalités veulent avoir plus de pouvoir pour pouvoir le définir. Ce que j'ai vu, moi, au niveau des ministères, c'est que très souvent on parle de... je vois des définitions. C'est indiqué, par exemple : 80 % du territoire d'usages multiples. Ce n'est pas très, très... ce n'est pas très défini. Et ce sont des discussions entre différents ministères, des MRC, mais ça se fait assez en circuit fermé, je dirais.

Alors, ma question, c'est : Comment vous voyez l'évolution de ça? Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut faire, comme ministère, qui permettraient une meilleure planification du territoire? Selon ce que vous avez entendu ou selon votre propre expertise, est-ce que vous avez quelques idées là-dessus?

Mme Gélinas (Johanne) : Deux points, rapidement. Il faut de toute évidence élargir la participation dans le processus de planification du territoire au-delà de la clientèle naturelle du MERN. Et l'autre élément, c'est qu'il faut que les citoyens comprennent que, s'ils ne participent pas en amont à cet exercice-là, bien, ils vont se retrouver avec des choix qui ont été faits, qui pourraient avoir un impact sur les types de projets qu'ils ne veulent pas nécessairement avoir sur leur territoire. André.

M. Delisle (André) : Vous savez, une grande partie des conflits qui arrivent sur des projets, souvent c'est parce que le projet ne respecte pas le plan d'aménagement du territoire, soit-il provincial ou soit-il régional ou municipal. Alors, bien sûr, il faut rendre le processus plus ouvert, plus transparent, plus axé sur les choix des communautés locales pour que l'ensemble des intervenants sachent si leurs projets s'inscrivent dans la planification du territoire et qu'à partir de là les chances qu'il y ait des conflits soient beaucoup minimisées.

M. Arcand : C'est juste que, quand on regarde la situation, éventuellement il va falloir définir un peu plus ce que j'appelle les milieux humides, une meilleure planification du territoire. À un moment donné, vous avez les tenants de ceux qui disent que ça devrait être assez flexible, parce qu'on ne veut pas que ce soit éminemment rigide, mais en même temps les gens veulent savoir. Puis aujourd'hui je discutais aussi de toute la question des carrières et des sablières, des gens qui vont se construire à côté puis qui ne sont pas contents parce qu'à un moment donné il y a une exploitation puis... Alors, je ne sais pas jusqu'à quel point il faut préciser, jusqu'où il faut préciser au niveau de l'utilisation du territoire.

Mme Gélinas (Johanne) : Chose certaine, il va falloir changer de vocabulaire, parce que, lorsqu'on dit qu'un secteur permet des usages multiples, j'en suis, mais encore faut-il expliquer qu'est-ce que ça sous-tend, des usages multiples, pour que les gens comprennent ce que ça implique, et qu'ils soient en mesure de porter un jugement s'ils veulent ce genre d'usages sur leur territoire ou non, et qu'ils n'arrivent pas avec les surprises qu'un projet industriel quelconque était prévu depuis belle lurette sur un territoire, mais on n'en avait jamais compris les tenants et aboutissants.

M. Arcand : D'accord. Est-ce qu'il y a eu une définition ou vous avez entendu ou vous avez une définition sur ce qu'est un projet majeur? Est-ce qu'il y a une définition par rapport à ça? Parce qu'il y a quand même plusieurs projets qui existent. Je pense que tout le monde reconnaît que des projets comme Énergie Est, c'est assez majeur comme projet, on peut dire. Mais à quel moment on arrête ou on trace la ligne? Est-ce qu'à travers les consultations que vous avez faites il y a eu quelque chose de plus précis là-dessus?

• (19 h 50) •

M. Delisle (André) : Ce ne sera pas une réponse à votre question, malheureusement. Souvent, de l'acceptabilité sociale... Tout projet est important. Ce n'est pas une question de grosseur, c'est une question d'enjeu et de préoccupation locale. Ce qui fait que, dans les processus qui sont proposés, soit par le ministère de l'Énergie, Ressources naturelles, soit par le ministère, on essaie de développer des processus de participation, d'évaluation, d'information publique qui s'appliquent à l'ensemble des projets, étant entendu que, ce qui est défini comme un projet majeur selon la législation, la Loi de la qualité de l'environnement, il y a des seuils d'établis. Mais moi, je pense que le progrès par rapport au processus d'acceptabilité, à tout ce chantier, toute cette activité autour de la notion d'acceptabilité sociale, c'est que c'est considéré comme s'étendre à l'ensemble des activités, des projets. On est ici en Énergie, Ressources naturelles, mais ça va aussi pour les projets d'aménagement urbain, les transports.

M. Arcand : Donc, on n'a pas intérêt nécessairement à diviser grands, petits projets puis de tracer une ligne. Tout dépend de la sensibilité du milieu, d'après ce que vous me dites.

M. Delisle (André) : C'est parce que, souvent, des petits projets font des grands conflits et des grandes crises sociales. Petits projets selon les définitions des réglementations, comme par exemple celle sur la procédure d'évaluation environnementale.

M. Arcand : Vous avez dit que les gens vous ont dit : Écoutez, c'est très important qu'il y ait un BAPE, hein, que le ministère de l'Environnement doit jouer un rôle important. Est-ce que l'idée que le ministère des Ressources naturelles... Puis je comprends très bien le message que vous avez également lancé, qu'il faut que le ministère des Finances, que les Affaires municipales, à l'intérieur d'une évaluation économique, là, soient impliqués, là, tout le monde a bien compris ça également. Mais est-ce que ce rôle qui est dévolu au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles pour participer d'abord à une coordination au niveau des projets et à être, si on veut... donner, si on veut, le lead, si vous me permettez l'expression, en matière économique, est-ce que c'est quelque chose qui vous est apparu un besoin absolument important au niveau de la population?

Mme Gélinas (Johanne) : Un premier point sur les études économiques. On a entendu à plusieurs reprises que ce serait bon d'avoir un organisme indépendant, quel qu'il soit, là, qui ferait les études économiques, parce que le BAPE n'a pas nécessairement toute l'expertise pour faire ce travail-là. On l'a entendu assez régulièrement. Si vous me permettez juste de revenir sur les grands puis les plus petits projets, au niveau de l'acceptabilité sociale, il n'y a pas de grands puis de petits, mais, au niveau de la procédure, il va falloir penser à des procédures très certainement allégées, qui vont permettre de considérer des plus petits projets, avec tout le respect et la rigueur que ça demande, et des plus gros projets, avec la machine qu'on a déjà actuellement, qui est, entre autres, le BAPE pour la fin de vie de l'étude, si on veut.

M. Delisle (André) : Une chose qui m'a frappé sur cette question-là, parce que j'ai participé à la fois sur le Chantier de l'acceptabilité sociale et celui, je le disais tout à l'heure, de la modernisation de législations environnementales, c'est que, dans ces deux démarches-là, un processus s'appliquant aux petits projets était développé, d'un côté, par le ministère de l'Énergie, Ressources naturelles, de l'autre côté... et c'était deux processus différents. Moi, ça m'apparaissait contre-productif. C'est pour ça qu'on a insisté dans nos observations sur l'importance qu'au moins le ministère de l'Énergie et le ministère de l'Environnement travaillent conjointement. Maintenant, la porte d'entrée, puis c'est ça qui est un peu l'orientation du livre vert, que ce soit le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles... Je pense qu'on a vu dans le diagnostic que les projets de ressources naturelles et d'énergie arrivent d'abord au ministère de l'Énergie, Ressources naturelles. Alors, c'est un peu normal que ce soit la porte d'entrée. Pour que ça devienne la porte d'entrée unique, ça demande un gros arrimage avec le ministère de l'Environnement.

M. Arcand : D'accord.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais passer immédiatement la parole au député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Merci, M. le Président. M. Delisle, Mme Gélinas, moi, je vais faire un petit peu plus de pouce sur ce que vous venez d'amener là et je vais l'amener dans une réalité très concrète, par exemple dans les projets miniers, où il y a eu des normes qui ont été modifiées pour diminuer le nombre de tonnes par jour traitées, qui fait en sorte que maintenant on est obligés à un processus pour, exemple, une exploitation de 3 000 tonnes par jour, puis qu'on n'avait pas auparavant. Et, quand on le regarde, ce que ça a comme impact, c'est que souvent ces projets-là, c'est des petits projets — tout est relatif, là, on va s'entendre, dans le monde minier — et qui ont une durée de vie parfois de trois ou quatre ans. Et, si on enclenche des processus très lourds, la viabilité économique de ces projets-là, et tout ce que ça engendre, est remise en cause. Comment on fait l'équilibre là-dedans? Comment on départit? Parce que, là, je vous parle d'exemples miniers, mais on pourrait l'appliquer dans plusieurs projets, dans d'autres secteurs. Qui pourrait être l'arbitre là-dedans? Qui pourrait venir conseiller?

Mme Gélinas (Johanne) : Déjà, si on va de l'avant avec la modernisation de l'évaluation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement, on devrait pouvoir créer de l'efficacité, de l'optimisation de l'efficience. On fait les petits projets parce que les petits projets sont considérés aussi avoir des impacts environnementaux importants. C'est au ministère de l'Environnement de définir c'est quoi, les exigences de l'étude d'impact. Actuellement, on a des directives, c'est les mêmes pour tout le monde. Donc, dans la révision puis l'exercice de modernisation, ça devrait être adressé, ce point-là.

Et, si vous me permettez, je vais en ajouter un troisième pour complexifier un peu la situation. On parle des petits projets, des gros projets au Québec, ajoutez à ça, notamment dans les projets miniers auxquels vous faites référence, la procédure fédérale. Donc, il faut s'assurer qu'au Québec, au moins, si on garde nos obligations légales et réglementaires, on bâtisse de l'efficacité puis de l'efficience au niveau des chevauchements et au niveau aussi de la complémentarité. Dans mon esprit, il n'y a pas de raison qu'il y ait deux procédures en parallèle, alors qu'on pourrait travailler ensemble, en faire une, puis aller chercher le meilleur de tout le monde dans l'exercice. Parce que ça coûte cher aux promoteurs. Mais il ne faut pas oublier que les citoyens puis les groupes qui viennent en audiences publiques, qui préparent des dossiers, ils doivent le faire pour deux instances.

Donc, essayons de voir comment on peut bâtir de l'efficience et de l'efficacité à partir de la réflexion qu'on fait, où ce qu'on veut à la fin de la journée, c'est avoir des projets qui font l'unanimité, qui sont reconnus et qui vont continuer à créer de la richesse au Québec, mais selon des concepts et des principes qui seront respectés de tous.

M. Bourgeois : Une des choses importantes dans le livre vert et qui vient des demandes des populations concernées, et ça répond en partie à votre question, c'est d'y aller avec un processus participatif informatif en amont, amont, amont. Alors, ça allait bien avant les petits projets miniers dont vous nous parlez. Les gens voudraient avoir leur mot à dire ou au moins être informés et pouvoir réagir même dans les projets d'exploration qui sont encore plus petits que les petits projets miniers. Et les gens disaient : Il faudrait avoir un processus d'information-rétroaction même dans les décisions antérieures à l'arrivée d'une firme d'exploration sur le terrain, c'est-à-dire quand le ministère délivre un claim ou accepte un bail, même sur ces décisions-là, les gens aimeraient ça. Si ça se faisait en amont, peut-être que ça serait plus simple et plus rapide quand on arrive au projet en aval.

Combien de temps encore?

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste une minute, monsieur.

M. Bourgeois : Bon, rapidement. Dans la notion des... on a posé la question à plusieurs acteurs : Qui devrait être priorisé dans le processus quand on veut dire qu'on respecte, dans le fond, l'acceptabilité sociale d'un projet, mais en lien avec le milieu? Quel est-il, ce milieu-là? Quel est ce milieu-là qu'on devrait privilégier?

Mme Gélinas (Johanne) : Je vais dire une seule phrase — je vais laisser André prendre le relais : Il faut penser à ceux qui vivent avec les impacts du projet à la base. C'est eux qui composent au quotidien avec la réalité d'un projet qui a cours sur un territoire. André va compléter.

• (20 heures) •

M. Delisle (André) : Et c'est la question difficile parce qu'effectivement, sur plusieurs projets, il y a des choix sociaux préalables, et ça arrive quand on commence à discuter de la justification du projet. Il y aurait moins de problèmes entre les collectivités locales et les organismes, disons, nationaux s'il y avait plus de processus qui interviennent en amont des projets. On parle des audiences génériques, on parle des évaluations, le ministère l'a fait dans le cadre des hydrocarbures. C'est là que se fait la discussion sur l'acceptabilité sociale des grands enjeux, des grands choix sociaux. Et, si ça, c'est fait, quand on arrive par après dans les projets, c'est beaucoup plus facile, et il y a moins de collision ou de confrontation entre les acteurs locaux et les acteurs nationaux.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Delisle. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Maintenant, vous avez une période d'échange avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Donc, si je comprends bien, d'entrée de jeu, vous ne voulez pas commenter les différentes orientations du livre vert puisque vous y avez contribué. Dans ce cas-là, j'aurais peut-être d'autres questions sur la méthode dont vous avez pris pour arriver à cette consultation-là. La première, vous avez mentionné que vous avez fait le tour du Québec, et je vois, bon, Montréal, Québec, Sept-Îles, Rouyn, Gaspé : Est-ce qu'il y a eu d'autres villes que vous avez visitées ou c'est seulement ces villes-là? Si c'est ça, pourquoi vous avez arrêté ce choix-là et non pas aller au Bas-Saint-Laurent, Montérégie ou à Gaspé? Première question.

Et, la deuxième, vous avez notamment rencontré des communautés autochtones, dont les nations huronnes, cries de Wendake et Mistissini, et non pas des communautés innues, qui sont majoritairement, présentement, en territoire Côte-Nord, avec lesquelles plusieurs projets miniers ont eu à être discutés ou débattus, disons-le comme ça. Alors, j'aimerais comprendre sur quel pas vous avez arrêté les enjeux territoriaux pour visiter telles villes et pourquoi telles communautés versus les autres.

Mme Gélinas (Johanne) : Alors, une partie des réponses pourraient être obtenues par le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, mais, à la base, on avait une enveloppe budgétaire, on a travaillé en collaboration pour essayer d'être le plus inclusifs possible. Donc, initialement, on a commencé avec les régions Montréal, Québec, et on a proposé d'élargir l'exercice pour couvrir des régions. On a essayé de couvrir les régions où il y avait des enjeux particuliers reliés aux ressources naturelles, d'où les choix qui ont été faits. Par la suite — André, tu pourras compléter — pour les communautés autochtones, les communautés cries qu'on a rencontrées à Mistissini, c'est à leur demande, et on avait aussi identifié des communautés qui avaient vécu des enjeux d'acceptabilité sociale, notamment la communauté de Wendake, ici, dans la région de Québec.

M. Ouellet : ...les communautés innues de Pessamit, Essipit ou Mashteuiatsh... pas Mashteuiatsh, pardon, mais d'Uashat-Maliotenam ont été dans votre horizon parce que vous vous êtes présentés à Sept-Îles, vous avez rencontré des gens de Sept-Îles. Donc, ma question est : Avez-vous pu rencontrer aussi des communautés innues?

Mme Gélinas (Johanne) : Sur ce point, j'ajouterais, et merci de le mentionner, l'invitation était ouverte à tous. On a eu — parce que c'est moi qui ai fait la rencontre de Sept-Îles — des représentants notamment de Malieutenash, mais je ne voudrais pas insister là-dessus, mais il me semble que c'est cette communauté-là, et la personne s'est retirée disant qu'éventuellement il y aurait peut-être des rencontres plus spécifiquement avec les communautés autochtones en particulier. Je ne pourrais pas vous en dire plus.

M. Ouellet : Dans votre allocution, vous avez mentionné que, lors des consultations, les gens parlaient beaucoup du je, donc, quand ils étaient assis à votre table, ils parlaient de ce qu'ils vivaient. Est-ce que, dans ce que vous avez entendu, vous avez entendu aussi les populations locales parler de cette interférence, des fois, qui est causée par des gens de l'extérieur qui viennent venir se mettre dans la joute publique, pour un enjeu ou un autre, au nom et au su d'une cause qui est plus nationale, et qui viennent intervenir directement, sans dire pervertir, mais ils viennent intervenir directement sur les enjeux locaux?

M. Delisle (André) : C'est un peu ce que je disais tout à l'heure, on a cette dynamique ou cette polarisation entre les populations locales et les grands organismes nationaux, pas seulement dans la consultation sur l'acceptabilité sociale, c'est là à peu près dans tous les projets. Et, quand, je dirais, le promoteur accepte que les intervenants, quels qu'ils soient, quel que soit leur niveau d'intervention, ont une place, ont un mot à dire, le débat se passe assez bien, et le conflit se règle de soi. On fait des consultations, nous, sur des projets miniers, par exemple, ou des projets énergétiques, et les organismes nationaux sont invités à venir présenter leur position, présenter leurs intérêts, leurs opinions sur les projets. Et, quand le processus se passe bien, les gens locaux sont prêts à l'écouter. La réputation, ça s'est fait beaucoup sur les débats, sur les projets miniers, des gens des mines, des régions minières et les gens du Plateau à Montréal, pour le nommer. C'est un peu caricatural.

Les organismes nationaux, aussi, ce qu'on voit, nous, dans les consultations, ils essaient de se faire représenter par des gens des régions, que ce soient les grands groupes environnementaux, les associations minières, associations de développement énergétique. Ils sont prudents, et souvent ils savent la sensibilité locale par rapport à ça, et ils envoient des gens qui sont connus sur place mais qui font partie de ces grands organismes.

Mme Gélinas (Johanne) : Et j'ajouterais qu'on parle beaucoup des groupes nationaux plus particulièrement en référence à des groupes environnementaux souvent, mais ce n'est pas différent de l'Association minière du Québec qui vient parler au nom de son regroupement, qui est plus à caractère national, ou encore la Fédération des chambres de commerce. Ils viennent parler au nom de leurs membres, et souvent leurs membres en régions vont aussi venir exprimer leurs points de vue. Et ça a toujours été. Quand on était au BAPE, dans les années 90, les nationaux venaient, les régionaux venaient, les locaux venaient, puis on reprenait tout ce qu'on avait entendu, puis on se faisait une tête là-dessus, puis on faisait rapport.

Donc, c'est un lieu de débat, on l'a dit, c'est un lieu de débat, c'est un lieu d'échange, tout le monde a le droit au chapitre, mais on s'entend que les gens ne sont pas tous affectés de la même façon.

M. Ouellet : Selon vous, parce que ces groupes nationaux là sont structurés, organisés et ont des moyens, est-ce qu'ils... pas n'essaient pas, mais n'obtiennent pas, dans le cas du débat public, une plus grande couverture ou une plus grande pénétration du message? Parce que, si on les contrebalance avec une position citoyenne où est-ce que M., Mme Tout-le-monde n'a peut-être pas tous les moyens, les recherchistes, les spécialistes pour approfondir ce qu'ils croient être nécessaire ou important d'être fait... Il n'y a pas là un déséquilibre entre une population qui va vivre des préjudices mais obtenir des bénéfices sur son territoire versus des organisations nationales qui cherchent un bénéfice mais n'auront assurément pas tous les inconvénients de cette exploitation-là sur leur territoire?

Le Président (M. Bourgeois) : M. Delisle.

M. Delisle (André) : Oui. Moi, je dirais que, ce déséquilibre-là, moi, je ne le vois pas tellement, parce que les organismes locaux, les comités de citoyens, les groupes environnementaux locaux sont très revendicateurs par rapport aux instances nationales. Ils demandent d'être appuyés, ils demandent même souvent des services et des budgets du côté des organismes nationaux. C'est vrai pour les organismes économiques, comme Johanne le disait tout à l'heure, c'est vrai pour les organismes environnementaux. Et je peux dire que, localement, l'impact des organismes et des groupes de pression locaux est très bien couvert au niveau des médias locaux. Peut-être qu'au niveau de l'impact sur des grandes institutions comme l'Assemblée nationale... peut-être que ça a moins de résonnance médiatique dans les grands médias, mais, au point de vue local, les groupes locaux sont très bien couverts et appuyés dans leurs actions.

M. Ouellet : ...temps, M. le Président?

Le Président (M. Bourgeois) : 1 min 20 s.

M. Ouellet : Rapidement, rétroaction, rétro-information, qu'est-ce que vous avez entendu lors de vos consultations? Qu'est-ce que les citoyens demandent dans cette rétroaction-là ou cette rétro-information et qu'est-ce qu'ils veulent faire avec cette information-là?

Mme Gélinas (Johanne) : Bien, en fait, vous connaissez le processus, les gens viennent s'exprimer, par la suite, si c'est un projet qui s'en va au BAPE, à titre d'exemple, il va y avoir le rapport du BAPE, qui est public. Il y a la recommandation du ministère, qui, elle, n'est pas publique, ça s'en va pour une décision au Conseil des ministres. Quelle que soit la décision, les gens souhaitent de fermer la boucle, la rétroaction, pour qu'on vienne expliquer pourquoi telle décision a été prise et les conditions, exemple, qui vont être assorties au projet. Les communautés veulent pouvoir se les faire expliquer, poser des questions puis connaître la suite des choses.

M. Ouellet : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bourgeois) : 30 secondes. Ça va?

M. Ouellet : Oui. Merci.

• (20 h 10) •

Le Président (M. Bourgeois) : Merci. Nous allons maintenant passer avec la députée de Saint-Hyacinthe, groupe de la deuxième opposition.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonsoir, merci d'être ici. J'avais une question qui allait dans le sens de mon collègue du Parti québécois, qui l'a posée, mais je voudrais juste revenir sur, justement, les consultations publiques puis leur fonctionnement. Effectivement, on a l'impression que souvent les groupes environnementaux prennent beaucoup de place médiatiquement, puis souvent peut-être qu'ils se font plus entendre, mais également sont souvent repris aussi par des partis politiques à l'Assemblée nationale. Alors, ça amplifie ou ça teinte peut-être encore plus le message quand c'est repris systématiquement par un parti politique. Mais vous avez raison, par exemple, de dire que souvent les groupes locaux sont également entendus dans les médias, les médias locaux les couvrent aussi pas mal.

J'ai deux questions, une sous-question pour vous. L'Université du Québec à Chicoutimi a élaboré une grille d'analyse de développement durable, et puis sous différents thèmes, différentes dimensions. Croyez-vous à la pertinence, l'efficacité de ces grilles d'analyse? Est-ce qu'elles sont efficaces? Est-ce qu'elles permettent vraiment de mettre un pourcentage sur l'acceptabilité sociale?

Le Président (M. Bourgeois) : M. Delisle.

M. Delisle (André) : Je vais y aller sur les grilles d'abord, mais je voudrais revenir sur votre premier point. On utilise beaucoup ce type de grille d'analyse dans les processus d'acceptabilité sociale pour mesurer le risque social, mesurer l'ampleur des préoccupations qui vont s'exprimer. Il ne faut pas mélanger une grille d'analyse avec une grille de mesures. Ces grilles-là ne permettent pas de faire la mesure d'acceptabilité sociale. On s'en sert pour voir qu'est-ce que c'est, le potentiel de résistance. Et à quoi ça sert de mesurer le potentiel de résistance ou d'essayer de l'évaluer? Ça sert à ajuster le processus de participation publique qu'on va mettre en place, et ça, ça rejoint le premier point, la qualité du processus de participation est importante. Puis c'est pour ça qu'on parlait de contrôle de qualité. Pour avoir un processus qui est valide et valable, on doit tenir compte de la représentativité des participants, du déséquilibre des moyens et des forces. C'est certain que les groupes nationaux ont plus de moyens, mais, si on a un processus qui est bien fait, il va y avoir un équilibre qui va être permis dans la possibilité d'intervention, la possibilité d'information pour des organismes qui ont moins de moyens, et c'est comme ça que les choses s'équilibrent au niveau de la... c'est sur la qualité des processus de participation.

Le Président (M. Bourgeois) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : O.K. Merci. Également, je voulais revenir sur si vous avez... Vous avez répertorié, en fait, les listes des documents consultés par secteurs. Comment les municipalités arrivent à faire le tri là-dedans? Est-ce qu'il y aurait une façon, je ne sais pas, une pédagogie à faire pour que, systématiquement, ils puissent se retrouver dans ces lois et règlements, dans ces orientations, aussi, stratégiques pour s'adresser au bon ministère, à consulter le bon règlement? Parce que vous revenez souvent sur les mots «efficience» et «efficacité» dans vos propos tantôt. Je pourrais résumer ça par... bien, on pourrait dire : Bien, il faudrait vraiment que le ministre des Ressources naturelles, mon collègue le ministre Arcand, et le ministre Heurtel s'assoient ensemble et s'entendent sur une façon de faire, hein, un processus pour que les entreprises ne disent pas... Parce que ça nous est rapporté, les entreprises disent : Bien, parfois j'ai le feu vert du ministère des Ressources naturelles et, de l'autre côté, je peux recevoir un avis d'arrêt du ministère de l'Environnement. Avez-vous une façon... une recommandation? Pensez-vous que c'est possible de le faire?

Le Président (M. Bourgeois) : Mme Gélinas.

Mme Gélinas (Johanne) : Ça va être plus court que ça. On a proposé quelque chose de très simple, c'est un guichet unique pour les projets où l'ensemble de l'appareil gouvernemental se coordonne, et, pour le citoyen, pour la municipalité, pour le promoteur, il y a un numéro de téléphone, une adresse, puis, quand ils appellent, ils parlent à quelqu'un qui va les guider dans le cheminement pour obtenir leur information. On aura beau faire l'encyclopédie, l'acceptabilité sociale, ça sera toujours compliqué. Maman dirait : Fais simple. Bien, c'est une façon de faire simple.

Mme Soucy : Donc, inévitablement, il faut que les deux ministères travaillent main dans la main, qu'ils trouvent un processus commun, puis le tour est joué, on a simplifié les choses.

M. Delisle (André) : Ce serait déjà un premier pas, les deux ministères, mais, il ne faut pas oublier, il y a d'autres ministères qui ont des pouvoirs juridictionnels...

Mme Soucy : Oui, bien, vous l'avez dit tantôt.

M. Delisle (André) : ...et qui ont une influence sur les décisions que le gouvernement prend sur les projets. On pense au ministère de la Santé et...

Le Président (M. Bourgeois) : Je vous remercie. Malheureusement, le temps qui nous était alloué est terminé.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants, et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 16)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Bourgeois) : Je souhaite la bienvenue à nos invités. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Lessard (Guy) : Merci, M. le Président. Mon nom est Guy Lessard, je suis président du Conseil régional de l'environnement Chaudière-Appalaches; à ma gauche, Philippe Bourke, que vous connaissez sans doute, qui est notre dynamique directeur général au regroupement national; et, de l'autre côté, j'ai notre nouveau directeur général, chez nous, dans Chaudière-Appalaches, Martin Vaillancourt.

Alors, écoutez, je vais mettre la table, puis je vais laisser Philippe vous développer — comme il le fait merveilleusement bien — le reste de notre présentation. Alors, on vient un petit peu comme en audition ce soir, et notre mémoire va suivre dans quelques jours.

On est dans une période d'effervescence en environnement au Québec, je ne sais pas si vous le savez, alors, malgré qu'on est bien organisés puis qu'on a beaucoup de ressources, comme je l'ai entendu tout à l'heure, il y a quand même des petits bémols à prendre en considération. Alors, c'est sûr que c'est un privilège, hein, votre invitation de pouvoir venir vous donner notre opinion sur comment on devrait mettre en valeur le territoire public et les ressources énergétiques du Québec. Notre objectif, évidemment, c'est de contribuer à bonifier les travaux que vous faites déjà. Puis, les résultats, bon, on les connaît. Ce que vous recherchez, on le sait, c'est consigné dans le livre vert. Et, pour ce faire, bien, on ne peut pas passer à côté de s'appuyer sur notre expérience. Ça fait plus de 25 ans qu'on participe à des consultations publiques, à peu près, sur les grands débats qu'on a connus au Québec, on était présents. Et également, depuis surtout 2006, on s'approche de plus en plus au niveau de la mise en oeuvre de la Loi sur le développement durable. Alors, c'est un petit peu notre approche.

• (20 h 20) •

Quand on parle de la Loi sur le développement durable, à notre avis, ça fait de plus en plus consensus. On vient de modifier la stratégie, là, deuxième version de la stratégie. Même, présentement, on participe aux audiences du BAPE sur Énergie Est, sur le projet d'oléoduc, et on voit l'évolution. La Loi sur le développement durable, c'est une loi qui est en évolution. Il y a des outils dans cette boîte à outils là, et on fait l'apprentissage de les apprendre au fur et à mesure, et l'acceptabilité sociale, c'est du même ordre.

Alors, les principes, bien, je ne vous ferai pas lecture de tout ce dossier-là, j'imagine que vous l'avez entendu plusieurs fois, mais c'est sûr que, dans un dossier comme celui qui concerne votre ministère, les questions de santé et de qualité de vie, c'est présent, on ne peut pas contourner ça. La participation puis l'engagement des communautés, vous en avez parlé, je pense, chaque fois que vous avez rencontré des groupes. L'accès au savoir et également la subsidiarité, ça, c'est des éléments à côté desquels... qu'on soit au niveau de la gouvernance, au niveau de l'État, qu'on soit au niveau des promoteurs d'un projet ou qu'on soit au niveau de la communauté, des représentants de la communauté, soit des organismes ou des citoyens, c'est des choses, à mon avis, sur lesquelles on devrait être capables de s'entendre.

Dernier petit commentaire là-dessus, on a beaucoup participé à la révision de la stratégie du développement durable, on est venus en commission parlementaire. Elle a été adoptée en décembre dernier. J'aimerais vous rappeler qu'il y a deux objectifs en particulier qu'on devrait garder à l'esprit : l'objectif 1.3 qui dit que la stratégie vise à «favoriser l'adoption d'approches de participation publique lors de l'établissement et de la mise en oeuvre des politiques et des mesures gouvernementales». Après ça, l'autre, c'est l'objectif 6.3 qui propose de «soutenir la participation publique dans le développement des collectivités».

Alors, pour les considérations générales, je vais passer la parole à Philippe.

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup, Guy.

Le Président (M. Bourgeois) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Donc, oui. M. le ministre, messieurs dames les députés, merci. Donc, première considération générale, bon, évidemment, à l'égard de la réflexion, on tenait absolument à saluer l'initiative qui a été prise par le ministère de se pencher, en fait de faire une grande réflexion sur cette question-là qui est très sensible, très d'actualité et qui n'est pas sans conséquence. Et je voudrais aussi saluer le processus qui a été choisi, le travail de fond, on a la chance de suivre ceux qui ont en été un peu les maîtres d'oeuvre de ce processus-là. Et ça a été essentiel de bien diagnostiquer les choses, de réfléchir, d'amener une conversation avec les milieux pour perfectionner. Donc, on tenait à le saluer.

Comme on dit, c'est un enjeu sensible. C'est quelque chose qui, à cause... En fond, le problème d'acceptabilité sociale est associé à une espèce de dysfonctionnement dans le processus d'autorisation de projet, et ça cause des problématiques au niveau social, donc des personnes, des individus, des collectivités qui sont déchirés lorsque se présentent des problématiques graves d'acceptabilité ou de division, de polarisation. C'est aussi des conséquences économiques graves, parce que ça coûte cher à l'État, ça coûte cher aux gens. C'est aussi source de risques importants au niveau de notre capacité à générer des investissements, du développement pour le Québec, c'est important. Et, lorsque les processus sont mauvais et qu'on en échappe comme ça, c'est toujours très malheureux.

Cela dit, je pense qu'une des questions — on n'est pas les seuls à l'avoir soulevée — c'est que c'est sûr que c'est bien que le ministère des Ressources naturelles se penche sur ce sujet-là, mais nous, on vit ce sujet-là bien au-delà de la gestion des ressources naturelles, on le vit dans les municipalités, de plus en plus des problèmes d'usage, de conflit d'usage importants. Nous-mêmes qui faisons la promotion de nouvelles formes de développement — M. Lessard parlait du développement durable — bien, lorsqu'on parle de développement énergétique durable, lorsqu'on parle de lutte contre les changements climatiques, veux veux pas, on se bute aussi à des problèmes d'acceptabilité. M. Arcand le sait très bien, une des mesures fortes du plan d'action sur les changements climatiques qui serait assurément très efficace, c'est, entre autres, le bonus-malus dans le secteur des transports, mais c'est extrêmement difficile à mettre en oeuvre parce qu'il y a un problème d'acceptabilité sociale au niveau de cette mesure-là. Donc, ça donne un exemple que cet enjeu-là est beaucoup plus large que la question des ressources naturelles, et, pour ça, un des messages qu'on veut renvoyer ici, c'est évidemment de suggérer que ça prenne aussi... ça dépasse le cadre du ministère des Ressources naturelles.

Un autre élément de nature générale qu'on voulait soulever, et ça a été traité avec les intervenants juste avant nous, je pense que l'enjeu de l'arrimage avec le ministère de l'Environnement est très important, d'autant plus qu'il y a en cours, justement au sein de ce ministère-là, une réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, une réforme des processus d'autorisation, et forcément il y aurait tout lieu d'arrimer ces deux mécanismes-là pour éviter qu'il y ait des dédoublements inutiles.

Bon. Dans notre mémoire, vous verrez qu'on a toute une série de considérations spécifiques pour chacune des cinq orientations. Mais malheureusement, compte tenu du temps, je n'entrerai pas là-dedans. Je vais tout de suite passer à la conclusion, qui, à mon point de vue, est la plus importante aujourd'hui.

D'abord, ce que je voulais souligner... Vous savez, quand on veut changer ou embarquer dans un processus comme celui-là, il faut être capable de distinguer les choses qui sont immuables, pour employer le vocabulaire de M. Lessard, et d'autres choses que, elles, on sait qu'on a une capacité d'agir. Et ces choses-là, souvent, c'est une question de timing. Et on pense justement que, sur un des enjeux qui pourraient avoir un grand impact pour améliorer l'acceptabilité sociale, il y a un timing superintéressant en ce moment, et c'est là-dessus que je voudrais insister, d'abord pour dire que...

Une parenthèse sur le fait qu'en ce moment ce qui explique, de notre point de vue, les difficultés qu'on a au Québec à favoriser l'acceptabilité sociale, c'est l'absence d'un consensus collectif sur une vision du développement du Québec. Il n'y a pas cette vision partagée de dire : Aïe! C'est par là qu'on devrait aller, qu'une majorité de gens disent : Nous, c'est la qu'on se voit dans l'avenir. Puis une majorité suffisamment partagée pour faire en sorte qu'après ça, bien, les projets qui s'inscrivent dans cette vision-là, forcément, les décisions qui vont dans ce sens-la, forcément ils vont aller de source, ils vont s'intégrer dans ça. On entend souvent le cliché : Il n'y a pas de projet de société au Québec. Je pense que c'est un bon cliché. Et, si on en avait un, assurément que ce serait une façon de favoriser l'acceptabilité sociale.

Si je reviens au timing, il y a un certain ministre du gouvernement actuel qui va faire une annonce jeudi, qui concerne la stratégie québécoise énergétique. On a appris ça dans les médias. Et nous, de notre point de vue, on pense que ça, c'est un exemple de stratégie qui a le potentiel de générer une telle vision. Nous, les conseils régionaux de l'environnement, ça fait cinq ans qu'on travaille...

Le Président (M. Bourgeois) : ...il vous reste un peu moins d'une minute.

M. Bourke (Philippe) : ... — je termine justement là-dessus, ça tombe bien — qu'on travaille à essayer de convaincre les autorités qu'il y a, derrière la transition énergétique, la lutte aux changements climatiques, quelque chose comme un projet de société, parce qu'il y a des bénéfices économiques, il y a des bénéfices sociaux, il y a des bénéfices environnementaux, il y a une vision à long terme. Et c'est assurément le genre de vision de développement qui pourrait, à terme, rassembler suffisamment les Québécois et faire en sorte que tous les projets de développement qui vont s'inscrire dans une telle vision vont assurément être facilement acceptables. Donc, c'est là-dessus que je voulais terminer, parce que je trouve que c'est important de le mentionner. Des fois, on cherche des solutions dans les mécanismes puis les processus, mais on oublie que, des fois, un vent d'enthousiasme collectif, ça peut faire beaucoup de choses.

Le Président (M. Bourgeois) : Excellent! Vous avez quand même utilisé quelques secondes du côté ministériel. Le ministre avait offert gracieusement d'extensionner. Puis je suis convaincu qu'il aura de bonnes questions pour vous rapidement.

M. Arcand : Bien, merci beaucoup, M. le Président. M. Lessard, M. Bourke, M. Vaillancourt, merci infiniment d'être ici ce soir. Je peux vous dire que la politique énergétique va être excellente, jeudi, ça, j'en suis certain, ça va être un bon projet. La difficulté, toujours, c'est que, vous savez, c'est un peu comme en politique : vous avez une partie de la population qui est à gauche, l'autre partie est plus à droite, dépendamment. C'est toujours un peu la même chose, je vous dirais. Je ferai simplement le commentaire suivant : À un moment donné, je discutais même avec des communautés inuits, et, à un moment donné, on s'est mis à parler d'un projet, de faire en sorte qu'il y ait des routes qui se rendent finalement à Kuujjuaq, qui était dans le cadre du Plan Nord. Et je peux simplement vous dire que, dans ce cas-là, tout de suite le chef de la communauté m'a dit : Oh! on est très divisés. Il y en a qui veulent vraiment rester isolés, puis il y en a d'autres qui veulent le progrès, puis ils veulent avoir une route, etc. Alors, même dans les communautés, il y a des divisions. On l'a vu également dans plusieurs autres projets. Ce ne sont pas, je dirais, des éléments faciles.

Maintenant, vous allez me dire si je comprends bien ce que vous nous dites. Vous nous rappelez d'abord que le BAPE, pour vous, est très important. C'est un organisme essentiel pour aborder les questions environnementales. Mais vous n'êtes pas contre le fait — et vous allez me dire si je lis bien ce que vous me dites — que le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, je dirais, fasse d'abord une évaluation économique en collaboration avec les autres ministères : Finances, Économie et Affaires municipales, etc. Alors, tous ces ministères-là ensemble devraient travailler à faire peut-être, au départ, une évaluation économique des projets avant, nécessairement, de passer à la question environnementale. Est-ce que j'ai compris ce que vous avez dit, dans ce sens-là?

• (20 h 30) •

Le Président (M. Bourgeois) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Bien, oui, tout à fait. Moi, je pense que c'est à l'expérience, en particulier. Au cours des dernières années, plusieurs grands projets de développement qui ont occupé énormément d'espace sur la place publique, dans les débats médiatiques, dans les communautés, au fil du temps, se sont avérés, au bout du compte, que c'est souvent sur la base économique que ça ne tenait plus la route. L'exemple des gaz de schiste en est un. Finalement, la décision, ça a été de dire : Bien, l'économique n'est pas là. C'est sûr qu'on avait fait le tour de tous les autres problèmes, mais assurément que, si l'économique aurait été là, on en parlerait beaucoup plus encore aujourd'hui. Ça a été le cas avec le projet de Rabaska. Finalement, au bout du compte, on en a parlé, et tout ça, puis, comme disait M. Lessard, il n'y avait pas de promoteur ou, en tout cas, il n'y avait pas de client pour le gaz. La Mine Arnaud, un peu la même chose, on arrive à la fin, il n'y a pas d'investisseur.

Donc, il y a un besoin, à notre avis, avant d'aller jusque dans les évaluations, dans des consultations de la population... si le projet, au départ, il ne répond pas à des critères d'analyse coût-bénéfice, de faisabilité, de bénéfice global pour la société. Il me semble qu'on pourrait s'éviter beaucoup de problèmes si c'était fait dès le départ. Et si, en plus, ça s'avère que les bénéfices sont là, bien, ces éléments-là, appelons ça de preuve, dans la mesure où ils sont justement assez indépendants, bien, vont assurément contribuer à l'acceptabilité, dans la mesure où, à ce moment-là, ils seraient favorables.

Le Président (M. Bourgeois) : M. Lessard.

M. Lessard (Guy) : Oui. En fait, la question est vraiment importante, c'est là-dessus, je pense, qu'il faut essayer de trouver des solutions. Dans les exemples que Philippe a donnés, en bout de ligne, on s'est aperçus, à la fin, malgré que ça a été des gros problèmes d'acceptabilité sociale, il a toujours manqué... appelons ça une information, pour le moment donné, là, à ce moment-ci, mais nous, de plus en plus, au lieu de parler d'information, on parle de la connaissance. Il nous a manqué des connaissances dans ces dossiers-là. Dans le dossier des centrales au gaz, il nous manquait la connaissance de ce que c'était pour nous coûter, les Québécois, si jamais on n'utilisait pas les équipements. Dans le cas de Rabaska, on ne savait pas qu'il n'y avait pas de promoteur. On avait plein de monde qui était intéressé au projet parce qu'ils y trouvaient leurs profits puis leurs bénéfices, mais on n'avait pas un fournisseur de gaz.

Par contre, si vous allez dans les gaz de schiste, ce qui a été intéressant, c'est que le gouvernement a accepté qu'on fasse une évaluation environnementale stratégique. Ça a été la première fois qu'on l'a faite au Québec. C'est un outil de base en matière de développement durable. On ne l'avait jamais utilisé. On l'a utilisé. Nous, on a participé au BAPE n° 1 puis au BAPE n° 2, c'était complètement différent. Là, la présence des gens qui soufflaient n'importe quel préjugé, ce n'était plus là, on avait la connaissance, on avait la compréhension aussi, parce que les experts qui ont fait ces évaluations-là, ils sont venus nous les expliquer, et là il y a un petit peu plus de savoir-faire qui rentre en ligne de compte à ce moment-là.

Puis, quand vous mettez ces trois domaines-là ensemble, vous êtes dans un processus de changement d'attitude et de comportement. C'est sûr que nous, on est toujours pressés, hein, les Québécois, on va chercher une technologie en Europe, on l'applique, puis eux autres viennent voir qu'est-ce qu'on fait avec, tu sais, on est toujours pressés. Mais ça, la démarche pour emmener toute une communauté à l'échelle de la province à penser autrement que juste prendre une considération puis la défendre, soit environnementale, soit sociale, ou économique, si on ne fait pas l'apprentissage de mettre les trois domaines ensemble, à long terme, on va toujours rencontrer les difficultés qu'on a là.

Un dernier mot sur cette question-là. Ce qui m'apparaîtrait extrêmement important, M. Arcand, c'est que, dans chacun des domaines comme celui qui nous concerne, votre ministère, ici, il faudrait absolument avoir une espèce de stratégie de développement à long terme de votre secteur d'activité. Ça éviterait, quand on discute, que ce soit dans un BAPE ou dans la famille durant le temps des fêtes, de se chicaner, parce qu'il y aurait des paramètres qui seraient là, on aurait des points de repère. Au Québec, on s'est donné une stratégie de développement à long terme. Ça fait que, quand arrive un projet, on discute du projet. On ne discute pas de vouloir refaire le monde autour de l'énergie, on a déjà établi nos règles. Ça, ça m'apparaîtrait, pour les prochaines années, un moyen qui serait beaucoup plus important que les processus qu'on veut ajouter. Mais c'est un méchant défi.

Mais là, si je comprends bien, cette semaine on va avoir un éclairage avec votre politique sur l'énergie. Dans les autres domaines d'activité gouvernementale, si on faisait la même chose : prendre le temps de le faire, de bien le faire, c'est que, par la suite, c'est beaucoup plus facile d'apporter des décisions suite à des consultations, parce que, là, on a des paramètres pour le faire. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais...

Le Président (M. Bourgeois) : M. le ministre.

M. Arcand : D'accord. Merci. Merci infiniment. Je pense que je serai en mesure de répondre, en tout cas certainement en grande partie, à vos interrogations à partir de jeudi. Alors, là-dessus, c'est très clair.

Je voulais simplement vous poser une question sur la santé publique. Vous avez abordé ça tout à l'heure, que c'était un élément. Est-ce que vous voyez ça dans un processus inclus dans le BAPE? Est-ce que je comprends ça ou si vous voyez une intervention extérieure du ministère de la Santé pour ces questions-là? Je vous pose la question parce que j'ai vu même, aux États-Unis et ailleurs, entre autres, de l'opposition dans certains États, j'ai vu ça pour des projets verts, en théorie, où on faisait des sources d'énergie avec évidemment les matières résiduelles, c'est toujours le système où on faisait... Et là il y avait même de l'opposition pour des projets considérés extrêmement bénéfiques, parce qu'on se libérait de beaucoup, là, des centres d'enfouissement, puis tout ça, et, malgré ça, je voyais dans certains endroits qu'il y avait ce genre de problématique là, et c'était justement invoqué au nom de la santé publique. On disait : Bien, ça va créer des odeurs ou je ne sais pas trop quoi, et là, au nom de la santé publique... Comment vous voyez cet ajout? Parce que je ne suis pas sûr que le BAPE a beaucoup traité en détail de la santé publique. Il l'a peut-être abordée par la bande par le passé. Mais est-ce que vous avez une vision par rapport à ça?

Le Président (M. Bourgeois) : M. Lessard.

M. Lessard (Guy) : On participe présentement aux audiences du BAPE, là, sur Énergie Est, puis je peux vous dire qu'il y a un avancement assez important par rapport à ce qu'on a connu à dire jusqu'à maintenant. Les citoyens qui se présentent là arrivent avec leurs questions, puis ils sont bien préparés, puis ils ont une bonne entrée en matière, ils posent des bonnes questions. Du côté du BAPE, du côté du promoteur, également, je trouve qu'il y a des efforts vraiment qui sont faits pour répondre, donner les bonnes informations. Donc, dépendamment des termes qu'on a étudiés à chaque jour, les représentants des différents ministères, des différents organismes, que ce soit dans le domaine de la santé ou autres, sont là et ils doivent répondre aux questions, puis, s'ils ne sont pas capables de répondre sur le tas, ils sont obligés par la suite de revenir avec une réponse écrite. Ce n'était pas aussi évident que ça avant. Ça, j'ai trouvé ça vraiment intéressant. Le président se revire de bord puis il adresse sa question à tel organisme puis à tel monsieur ou telle madame, et, si vous allez voir les enregistrements, c'est vraiment... puis vous les comparez à d'autres qu'on a eus préalablement, ça, ça nous aide beaucoup.

Mais, là aussi, du côté de la santé, on devrait être en mesure de se donner une stratégie à moyen puis à long terme pour voir comment, au Québec, on doit, par rapport aux principaux problèmes qu'on a, évoluer au cours des prochaines années pour contraindre ces... Parce qu'on sait que la santé, ça coûte cher, hein, au trésor québécois. Vraiment, il y a des efforts à faire sur le plan économique, sur le plan social, pour que les gens soient plus en forme, plus efficaces au travail. Et, sur le plan environnemental, bien, c'est sûr qu'il y a une partie des maladies qui sont causées par des problématiques environnementales, mais c'est comme dans n'importe quel domaine, là, à un moment donné... et c'est pour ça qu'il faut être...

Nous, les conseils régionaux de l'environnement, on est des organismes de concertation en environnement. Ça fait que, quand on intervient, on a affaire à être bien documentés, on à affaire à être précis. Parce que notre crédibilité n'est pas dans notre oreille à nous autres, elle est dans la vôtre. Alors, si on fait trop d'erreurs puis on est tous croches, ce n'est pas long qu'on n'a plus de crédibilité. Mais ça, c'est vrai pour tout le monde, c'est vrai pour le BAPE, c'est vrai pour le promoteur qui est là, c'est vrai pour des organismes comme nous autres qui intervenons.

La question de la santé, ce n'est pas juste parce que ça coûte cher, c'est parce que la principale ressource qu'on a au Québec, c'est nos citoyens et nos citoyennes, et on a vu dans le passé des choses assez pénibles à ce niveau-là. Aujourd'hui, tu ne pourrais plus voir ça parce que les gens sont éveillés à ça. Mais tu auras toujours des gens qui, que ce soit sur le plan économique ou de la santé, vont vouloir pousser leur vision un peu trop loin.

• (20 h 40) •

M. Bourke (Philippe) : Je dirais peut-être quelque chose... une réponse peut-être directement à la question. Les autorités de santé publique ont, de ma compréhension, pouvoir d'avis, ou, même, c'est même requis, c'est-à-dire qu'ils doivent fournir un avis sur les projets en matière de santé publique. Je pense que, ces professionnels-là, c'est eux qui sont le mieux positionnés pour pouvoir doser la problématique que vous soulevez. Parce qu'effectivement elle est réelle. Nous qui faisons, entre autres, la promotion où on dit aux gens : N'allez pas reconduire vos enfants à l'école, il faut qu'ils marchent, c'est important, la marche, bien là, tu es pris entre le fait que tu veux que ton enfant soit en santé puis qu'il marche, mais tu as peur, il y a tellement d'autos proches de l'école, qu'il se fasse frapper, puis tu aimes mieux aller le reconduire. Ça fait que, là, c'est un peu ça, là, des fois : la balance entre la sécurité puis la santé devient... Je pense qu'il faut laisser les professionnels, à ce moment-là, être les bons juges de fournir l'information.

M. Lessard (Guy) : Et, sur la question de la santé, ça, je sens qu'il y aurait peut-être des choses à rajouter. Les promoteurs ont une grande responsabilité quand ils déposent un projet. Eux, ils doivent être capables de prouver qu'ils ont fait des études, des analyses, qu'ils ont fait de la recherche et que ce qu'ils nous proposent comme implantation, ça respecte les préoccupations qu'on doit avoir au niveau de la santé. Le promoteur, c'est lui qui arrive puis qui est en demande. Donc, on devrait s'attendre à ce qu'il soit capable non pas seulement de démontrer tous les avantages économiques qu'on va avoir, ça, ils n'ont pas trop de difficultés là-dessus, mais ils doivent être capables de le faire aussi au point de vue de la santé.

Le Président (M. Bourgeois) : M. le député de... Est-ce qu'on a des membres du... M. le député de Saint-Maurice.

M. Giguère : Oui, c'est intéressant, ça, le côté qualité de vie puis la santé, parce que, quand ils viennent s'installer, bien, c'est la population qui est là qui continue à vivre avec ça.

Vous avez parlé dans votre mémoire que les critères d'accessibilité sont à court terme, ne sont pas... souvent sont incompatibles avec ceux du long terme. Donc, j'aimerais ça vous entendre un petit peu sur ça.

M. Lessard (Guy) : Si vous vous penchez sur un projet qui a lieu à Sainte-Ambroise, pour ne pas identifier aucun projet sur lequel on a travaillé, là, et où le promoteur, évidemment, veut vendre son projet, il fait le tour des gens puis il préconise ses choses, c'est sûr que vous êtes dans un environnement qui est plus fardé, puis peut-être qu'il n'y aura pas de BAPE, parce que, s'il y a un BAPE, c'est parce que quelqu'un le demande. Les critères d'accessibilité, là, le processus... ce n'est pas un processus, d'ailleurs, c'est plus un exercice de concertation. Ça ne sera pas les mêmes que si vous arrivez sur un projet qui touche une problématique environnementale importante à l'échelle mondiale puis qu'au Québec on essaie de se donner des objectifs... je ne sais pas, moi, les gaz à effet de serre, c'est peut-être le meilleur modèle. C'est sûr que, même si ce projet de loi a lieu à quelque part dans un petit milieu, c'est que plein de gens vont s'en intéresser. Et là l'accessibilité, elle est... comme on le dit souvent, c'est Le Plateau à Montréal, c'est tout le monde, là, qui est impliqué là-dedans, et c'est là que, quel que soit le modèle qui se développe en termes de débat...

Le Président (M. Bourgeois) : Je vous remercie, M. Lessard. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait.

M. Lessard (Guy) : C'est déjà terminé.

Le Président (M. Bourgeois) : Nous allons maintenant passer avec le député de l'opposition officielle, le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Merci à vous trois d'être présents, vous êtes, de mémoire, nos derniers à être présents. Je ne dis pas que vous êtes les derniers parce que ce n'était pas important de vous voir, je pense que de terminer avec vous, c'est tout à fait essentiel.

On a entendu plusieurs personnes, et j'aimerais peut-être... Parce qu'on n'a pas eu l'opportunité d'avoir votre mémoire avant, mais j'aurais peut-être quelques questions sur certains points qui ont été soulevés lors de la commission. Plusieurs intervenants nous ont parlé que, l'acceptabilité sociale, pour qu'elle soit obtenue, ou du moins qu'elle soit consensuelle, ce qui demeure important, c'est qu'elle soit intégrée dans une planification territoriale ou, du moins, à long terme.

Vous, vous êtes des acteurs locaux, vous jouez un rôle de concertation dans toutes les régions du Québec, j'aimerais vous entendre sur cette nécessité-là d'avoir une planification à long terme, mais surtout comment, comme conseils régionaux, pourriez-vous y contribuer comme acteurs de concertation et comme, j'aimerais dire, groupe qui détient une certaine connaissance sur des enjeux qui, par le passé, ont trouvé des avenues ou, du moins, par le futur, qui auraient des voies de passage à explorer.

Une voix : ...répondre à votre question.

Le Président (M. Bourgeois) : Monsieur?

M. Vaillancourt(Martin) : Vaillancourt.

Le Président (M. Bourgeois) : Vaillancourt. M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Martin) : Oui. Disons, en tant que conseil régional, on a pris l'habitude d'approcher les promoteurs qui avaient des projets à proposer dans la région pour les inviter d'abord à nous les présenter en amont. On a, à plusieurs reprises, accompagné des promoteurs dans des projets de développement éolien, par exemple. Et, lorsqu'on arrive au BAPE, il est un peu tard, pour le promoteur, pour changer, disons, plusieurs éoliennes de place dans un parc. C'est préférable, disons, dans une perspective d'améliorer le projet puis de faire prendre conscience au promoteur qu'il y a certains enjeux qui peuvent être locaux, qui peuvent être des fois en lien avec les espèces présentes, des fois en lien avec les habitats présents, des fois en lien avec des considérations de la communauté qui accueille ou qui va accueillir le projet, donc, d'intervenir le plus en amont possible.

Donc, à partir du moment où les promoteurs ont une ouverture vers les groupes comme nous, qui ont une connaissance du terrain, vous le soulignez, et qu'ils sont aussi réceptifs aux suggestions qu'on est en mesure de faire, il y a généralement une amorce où le projet peut être bonifié et qu'il s'intègre un peu mieux dans le milieu d'accueil. On n'a pas la prétention de régler l'ensemble des problèmes associés à un projet, mais, pour ce qui concerne les domaines où on a une expertise, ça nous fait plaisir d'amener ces éléments-là. De la même façon, les promoteurs, encore là sur une base volontaire, peuvent accepter de remettre leurs études d'impact, en même temps de les rendre publiques, ils les rendent disponibles aux différents ministères et organismes concernés. Donc, encore là, ça nous permet de prendre connaissance en amont de l'ensemble du projet et d'apporter des commentaires, encore là, qui vont toujours dans une idée de le bonifier.

Et, je dirais, dans le cas où les projets vont moins bien, c'est généralement parce que les promoteurs ont moins cette vision d'ensemble là. On a vécu des projets éoliens à répétition au Québec, puis, vous vous souviendrez, en Gaspésie, les premiers, là, l'acceptabilité sociale était très difficile à obtenir, il y avait... en fait l'industrie dénonçait certains agissements de certains promoteurs. Donc, il y a eu une autorégulation, il y a un apprentissage, les communautés ont commencé à apprendre, il y a eu la mise en place des comités de suivi, les comités de liaison entre l'industrie, le projet et la municipalité. Tout ça permet d'améliorer les projets. C'est toujours un nouveau projet, parce que, la communauté d'accueil qui reçoit le huitième ou le 28e parc éolien, c'est la première fois pour lui, mais les organisations nationales ou locales commencent à comprendre comment les outils fonctionnent puis comment accompagner tout ce beau monde là, là, pour en faire de meilleurs projets.

Je vais vous donner un autre exemple où on n'arrive pas à avoir cette dynamique-là, c'est lorsqu'on a commencé à voir l'ensemble du développement des gaz de schiste. Puis, quand on demandait aux promoteurs : Combien de puits allez-vous forer, c'est quoi, votre projection sur deux, trois, cinq ans?, l'industrie n'était pas en mesure de donner ces informations-là. On peut les comprendre, là, ils étaient dans une phase d'exploration, mais c'était ce genre de questionnement là que la communauté avait besoin de savoir, et le promoteur n'était pas capable de se projeter, donc d'avoir une feuille de route à présenter. Probablement que, s'il l'avait eue, ça aurait fait une base de discussion différente que l'ensemble des possibles qui étaient ouverts, n'ayant pas l'information à ce moment-là.

Le Président (M. Bourgeois) : M. le député de René-Lévesque.

M. Bourke (Philippe) : Moi, je rajouterais peut-être quelque chose...

Le Président (M. Bourgeois) : M. Bourke.

• (20 h 50) •

M. Bourke (Philippe) : ...spécifiquement par rapport au mécanisme. Dans le livre vert, il y a quelque chose de vraiment intéressant, qui est de revaloriser un vieil outil qui était présent au ministère, qui est le plan d'affectation du territoire. Et ça, moi, en 20 ans au regroupement, c'est arrivé une fois qu'il y a une directrice d'un CRE qui m'a appelé, m'a dit : Philippe, il y a une mise à jour, il faut s'intéresser à ça. Puis je ne savais pas de quoi elle parlait, ça avait l'air compliqué, puis on avait plus ou moins le temps d'intervenir, puis on ne savait pas quoi faire. Mais visiblement, aujourd'hui, si on valorise cet outil-là puis qu'on fait en amont les arbitrages sur un territoire pour dire : Bien, ce type de développement là, on va le permettre dans cet espace-là parce que ça convient, dans celle-là, on va préserver, etc., ça devient beaucoup plus facile, une fois qu'on s'est entendus collectivement sur ce plan-là, de faire... si les projets rentrent dans le cadre de ce plan-là.

C'est la même chose à l'échelle des schémas d'aménagement des MRC. Encore là, c'est un bon outil, qui est perfectible, je vous dirais, souvent c'est la somme des intérêts individuels mis en commun dans un plan, mais, si c'était une vraie vision de développement global commune d'une MRC, bien... Puis, quand c'est bien amené puis que la population s'est impliquée dans les choix, dans l'adoption de ce schéma-là, en général, après ça, les projets s'implantent beaucoup mieux, le développement se fait mieux.

Le Président (M. Bourgeois) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Je suis content que vous m'ameniez sur les PAT, effectivement, parce que, bon, dans le livre vert, on dit qu'on veut offrir une plus grande possibilité, du moins qu'il y ait une participation citoyenne. Vous êtes un organisme de concertation, vous êtes pour un meilleur développement. Nous avions à l'époque des conférences régionales des élus dans les différents territoires, elles n'existent plus. Alors, on a quand même besoin d'un endroit de concertation où, effectivement, lorsqu'il y aura des enjeux environnementaux par rapport aux enjeux de ressources naturelles, il va falloir y répondre, ou du moins avoir un endroit pour y discuter. Dans le livre vert, on dénote qu'on pourrait mettre un agent de suivi, donc, qui pourrait accompagner le promoteur.

Comment, selon vous, les conseils régionaux d'environnement pourraient travailler en collaboration ou est-ce qu'ils devraient travailler en collaboration, justement, comme Martin le soulevait, pour faciliter... Parce que, ce que j'ai cru comprendre, les promoteurs ne sont pas obligés d'aller vers vous, ils le faisaient par bonne conscience ou bon escient. Avec le livre vert, on veut mettre une certaine pratique au goût du jour. Alors, comment vous pouvez y contribuer?

M. Lessard (Guy) : Moi, je peux vous dire actuellement que la première chose qu'un promoteur fait quand il veut venir en Chaudière-Appalaches, c'est qu'il nous appelle, puis il vient nous rencontrer, je pourrais tous les nommer un en arrière de l'autre, mais généralement on réussit à cheminer avec eux autres avant même qu'ils déposent leurs rapports d'évaluation environnementale. On dit : Regarde, chez nous, ça, là, d'après nous autres, tu devrais plutôt faire ça comme ça. Puis on est sur le terrain. Moi, j'ai vu, dans le cas du Massif du Sud, faire déplacer 20 éoliennes, là, leur faire passer sur des chemins qui existaient déjà, parce qu'eux autres ils avaient prévu construire des nouveaux chemins pour monter en montagne.

Donc, les conseils régionaux, ils connaissent leurs territoires, ils connaissent leurs gens aussi. Puis, comme on est habitués à faire de la concertation, bien... Entre autres, dans le cas du Massif du Sud, il y avait deux projets sur la table du ministre, il y avait le projet d'énergie trans, un gros projet d'éoliennes, puis il y avait un projet d'aires protégées, un gros projet d'aires protégées. Et là on fait quoi? Le ministre, il a deux projets, il y en a un qui est économique puis l'autre qui est plus du côté de la protection des aires protégées puis des écosystèmes. D'habitude, on met ça en opposition, hein, puis on se retrousse les manches, puis c'est celui qui est le plus fort qui va gagner, bien souvent, malheureusement. Mais là ce n'est pas ça qu'on a fait. On a dit : On va regarder si on peut faire les deux. Il n'y a pas personne qui s'était posé cette question-là. Et finalement on a une concertation, toutes les municipalités, les MRC, la conférence régionale des élus, puis le conseil régional d'environnement qui poussait en arrière de ça. On a réussi à faire accepter un plan où, de façon intégrée... La gestion intégrée des ressources naturelles, c'est un des volets de la Loi sur le développement durable.

Alors, on a beaucoup d'éléments puis de réponses qui sont déjà dans nos lois. Il s'agit de bonifier ça, de faire en sorte que chaque groupe puisse mieux participer, mieux se préparer à jouer son rôle. Et, à mon avis, l'attitude...

Le Président (M. Bourgeois) : Je vous remercie, M. Lessard. Malheureusement, le temps est écoulé, et nous allons maintenant passer à la deuxième opposition avec la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonsoir, alors merci d'être ici. Je suis entièrement d'accord avec vous — M. Bourke, je crois — vraiment entièrement d'accord avec vous qu'il faut un projet de société, que ce soit pour donner espoir du point de vue économique, mais également pour avoir une vision d'un projet à accomplir à court terme, à long terme. Puis, comme on sait qu'un projet ça doit être prédéterminé puis le plus précis possible, alors je pense que vous avez raison de dire que c'est un pas dans la bonne direction pour l'acceptabilité sociale. Du moins, ce sera au moins une acceptabilité sociale des différents ministères qui sont concernés, puis le projet de société peut passer, comme vous l'avez dit, hein, par une politique énergétique.

Alors, je pense que ce que je retiens de toutes les consultations qu'on a faites durant le livre vert, c'est le travail de concertation entre les différents ministères impliqués, arrêter de travailler en silo. Puis, si les consultations amènent, en fait, les ministères à réfléchir sur une façon de s'organiser, de bien s'organiser puis de travailler ensemble dans la même direction pour accompagner nos promoteurs, bien, je pense que ce sera mission accomplie pour des projets... amener à bon terme des projets économiques pour l'ensemble du Québec.

Écoutez, je suis vraiment... je suis ravie d'entendre ce discours-là ce soir, je pense que ça termine bien nos consultations publiques. Alors, je n'ai pas vraiment de questions, je pense que ça a fait le tour, mais je tenais à vous dire que c'était fort apprécié.

M. Bourke (Philippe) : Puis, la concertation, bien, on aime ça, on en vit, c'est dans nos veines. Et donc on souhaite que justement ça soit revalorisé à travers ce mécanisme-là du livre vert. Donc, effectivement, si l'enjeu est ressorti à ce point-là, nous, on pense que, clairement, c'est un instrument qui... Puis je pense que les Québécois, on peut être fiers de cette capacité-là qu'on a de se réunir, puis de discuter autour des enjeux, puis de débattre.

Mme Soucy : En gardant toujours en tête que l'efficacité doit toujours faire partie...

M. Bourke (Philippe) : Primer.

Mme Soucy : Oui. Alors, merci.

Le Président (M. Bourgeois) : Donc, ça complète, Mme la députée de Saint-Hyacinthe?

Mme Soucy : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Bourgeois) : Eh bien, sur ce, MM. Vaillancourt, Lessard et Bourke, je vous remercie.

Mémoires déposés

Et nous allons maintenant procéder... Ceci termine nos travaux. Et, avant de terminer, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors des auditions.

Et je tiens donc à remercier à nouveau tous nos invités pour leur contribution aux travaux de la commission et je lève la séance. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci de votre collaboration.

(Fin de la séance à 20 h 57)

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