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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 2 février 1990 - Vol. 31 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

La Présidente (Mme Marois): SI vous voulez bien prendre place, nous allons reprendre nos travaux. La commission des affaires sociales procède actuellement à une consultation générale et à des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous entendrons aujourd'hui six groupes en commençant ce matin par les représentantes, je crois, de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Si les personnes veulent bien s'avancer et prendre place dans les fauteuils devant nous.

Nous allons d'abord procéder aux remplacements, s'il y a lieu. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gautrin (Verdun) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et Mme Vermette (Marie-Victorin), par Mme Blackburn (Chicoutimi).

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Il faut souligner la présence du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, M. Sirros, député de Laurier.

Je vous rappelle brièvement nos règles: environ 20 minutes, pas plus, pour présenter votre mémoire. Par la suite, les membres de la commission sont invités à vous poser des questions, à émettre des commentaires, à échanger avec vous dans un temps qui se partage à peu près à parts égales, de part et d'autre de la table. Bienvenue à cette commission, nous vous écoutons.

Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles

Mme Guay (Lorraine): Au nom du conseil d'administration de la Clinique de Pointe-Saint-Charles...

La Présidente (Mme Marois): Je m'excuse. Pouvez-vous vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne?

Mme Guay: D'accord. Je suis Lorraine Guay. Je suis présidente du conseil d'administration de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et Jocelyne Bernier est la coordonnatrice générale de la clinique. On vous remercie de nous accueillir en commission parlementaire-Juste quelques constations. Probablement que vous connaissez Pointe-Saint-Charles; je vous donne quelques chiffres qui vont vous situer encore mieux. notre quartier comprend 14 000 habitants, habitantes. nous avons un taux de sans-emploi dans le quartier qui est supérieur à 55 %, avec 35 % environ de la population qui est sur le bien-être social et le reste au chômage. nous avons 52 %, forcément, des gens qui sont sous le seuil de la pauvreté, un taux de chômage qui est autour de 20 %, légèrement supérieur à celui du sud-ouest en général, qui est de 16 %. un tiers des familles sont des familles monoparentales avec, évidemment, les femmes à la tête de ces familles-là. plus de 50 % aussi de la population est analphabète et, enfin, 18 % des personnes sont des personnes seules. dans un contexte comme ça, mme la présidente, vous comprendrez que ce ne sont pas la haute technologie médicale ni les "scans" qui vont régler nos problèmes. c'est pourquoi on tient à dire qu'on est complètement en accord avec le fait que le système se propose maintenant d'axer toutes ses énergies sur des objectifs de santé à atteindre et pas seulement sur des services à mettre sur pied. à ce niveau-là, on est d'accord avec ça et on tient à le souligner. sauf que, au niveau de ces objectifs de santé, un aspect qui nous apparaît sous-estimé dans l'avant-projet de loi, c'est le fait que la réduction des inégalités ou la lutte à la pauvreté - vous comprendrez qu'on en parle parce qu'on vit dedans quotidiennement - ça ne nous apparaît pas suffisamment fort, suffisamment ciblé comme objectif global de notre système. par exemple, on est d'accord pour dire qu'il faut réduire de 20 %, bien sûr, les maladies cardio-vasculaires, personne ne veut mourir de ça, sauf que, dans notre coin, par exemple, la simple réforme du bien-être social, les réductions dans l'assurance-chômage qui vont être amenées par la réforme de l'assurance-chômage vont produire au moins 20 % de stress supplémentaire et des conditions encore plus difficiles. ce qui fait que le climat général du quartier est à la baisse, au niveau des conditions de vie et, dans ce sens-là, toutes les campagnes possibles pour faire diminuer la cigarette, pour manger mieux, pour avoir de meilleurs comportements sexuels etc., ça devient très difficile. alors, on trouve que les objectifs du système ne sont pas suffisamment axés sur les causes fondamentales des problèmes de santé qui sont reliés aux conditions socio-économiques, et je pense qu'on en est la preuve vivante.

C'est pour ça qu'à la Clinique communautaire de Polnte-Saint-Charles, bien sûr, on donne des services. Cette clinique-là, qui existe depuis plus de 20 ans maintenant, donne des services de santé dans les différents domaines, mais fait en

sorte que les services ne soient pas le seul objectif et la fin en soi de ce système-là. On n'a jamais dit à la population que c'est ça qui va régler principalement les problèmes de santé. Alors, la clinique s'est beaucoup engagée dans toute son existence sur des luttes qui concernent les conditions de vie.

Je vous donne juste quelques exemples. On a, par exemple, investi énormément d'énergie au niveau du logement, pas tout seuls, avec l'ensemble des acteurs communautaires de notre quartier parce que, si on réussit à maintenir à la baisse le prix des loyers, c'est autant de gagné, c'est autant d'acquis pour rendre un climat plus favorable à la santé pour les locataires de notre coin.

La même chose au niveau des jeunes. On a mis sur pied une table de concertation jeunesse où se retrouvent la ville de Montréal, la CECM, les écoles, les comités de parents, les groupes communautaires et les organisations de jeunes du quartier pour faire en sorte qu'on s'attaque ensemble à ces problèmes. C'est une dimension très importante du travail de la clinique, autant que de faire un examen des oreilles ou un examen vaginal.

Encore une fois, au niveau des objectifs de santé, pour finir là-dessus, on trouve qu'il faudrait que ce soit davantage axé sur l'ensemble des conditions de vie. On est sceptiques et on embarque très peu dans des objectifs qui ne font que s'attaquer aux comportements déviants des gens. À ce compte-là, on est tous, dans notre quartier, des déviants à plus d'un titre à cause de nos habitudes de vie et, encore une fois, ce ne sont pas des campagnes qui vont changer ça.

Un dernier aspect. On trouverait à ce moment-là très important qu'il y ait une large consultation publique sur la politique de santé et de bien-âtre parce que c'est là que pourrait se déterminer la façon dont on va fixer et réaliser ces objectifs. Je ne sais pas, Jocelyne, si tu veux ajouter quelque chose. Ça va?

Le deuxième aspect de notre mémoire traite du mode d'organisation proposé. On tient à souligner assez fortement que nous sommes contre la proposition de fusionner les conseils d'administration de l'ensemble des établissements par territoire de CLSC. On trouve que ce n'est aucunement un exercice démocratique qui va faciliter et promouvoir une véritable participation des citoyens. Ça nous semble une mesure administrative qui est en contradiction avec l'un des objectifs de la loi qui vise à promouvoir la participation des citoyens et même à améliorer cette participation, compte tenu de ce qui a été fait durant les vingt dernières années.

On trouve qu'à ce niveau-là il y a des dangers évidents de réduire la participation des citoyens. De même, le fait que seulement le tiers de ces citoyens-là soient élus et que les autres soient cooptés le fait que soient exclus des conseils d'administration les représentants des travailleurs et des travailleuses de ces institutions nous semblent aussi une lacune importante à ce niveau-là. À cause de notre expérience qui dure maintenant depuis plus de 20 ans, on est tout à fait favorables à la participation des représentants d'employés aux conseils d'administration. Nous sommes un conseil d'administration, nous avons des représentants d'employés et, loin de faire valoir uniquement les intérêts des employés là-dessus, c'est un élément de plus qui permet au conseil d'administration de prendre des décisions plus éclairées, en s'assurant justement de la participation des travailleurs.

Ce sur quoi on veut insister, c'est sur notre expérience à Pointe-Saint-Charles. Comme je le disais tout à l'heure, c'est une clinique qui existe depuis plus de 20 ans. Ça a été une des premières cliniques communautaires au Québec. Notre expérience prouve, je pense, dans les faits, la participation des citoyens. Nous avons un conseil d'administration qui est entièrement composé de citoyens, dix citoyens et un représentant des employés. Les citoyens sont élus en assemblée générale annuelle où le taux de participation, compte tenu de notre population, est très important, très élevé. L'intérêt se maintient d'année en année, bien sûr, entretenu et stimulé par l'organisation communautaire, mais on trouve que cette expérience est infiniment positive pour l'implication des citoyens dans l'orientation et dans la gestion de leurs services.

À ce compte-là, on voudrait attirer l'attention de la commission parlementaire sur le fart que la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles jouit d'un statut particulier. C'est un organisme sans but lucratif complètement contrôlé par les citoyens, mais qui a un mandat public de CLSC, qui remplit, à toutes fins pratiques, les mêmes fonctions qu'un CLSC, mais dont le mode de gestion est complètement différent. Dans les différents articles de loi, il nous est apparu qu'il n'y a rien qui puisse garantir le statut de notre clinique. Alors, on voudrait demander à la commission d'appuyer le maintien de notre statut et, même, s'il y a d'autres milieux qui ont la volonté et les capacités de mettre en oeuvre, de mettre sur pied de telles cliniques, on trouve que ça devrait être possible.

Je me souviens très bien, parce que j'y étais à l'époque, en 1972, que la clinique avait présenté, au moment de la loi 65, un mémoire qui demandait au gouvernement de l'époque de faire en sorte que des cliniques qui existent déjà, qui ont une expérience, qui sont contrôlées par la communauté, puissent continuer et que ça ne soit pas passé sous le rouleau compresseur de modes d'organisation unifiés à travers la province de Québec. Cela avait été refusé, évidemment, sauf qu'on s'était battus pour garder notre statut particulier. Alors, encore une fois, on refait la même demande. On voudrait conserver ce statut particulier parce qu'on trouve que c'est ce qu'il

y a de plus valable pour notre quartier.

Quelques mots sur la décentralisation qui nous apparaît être plus, dans ce que nous en avons compris, une déconcentration administrative. On trouve qu'à ce niveau aussi cette orientation, qui est valable, qu'on appuie, nous apparaît un peu handicapée par le fait que le ministère continue quand même de conserver l'orientation générale. Au niveau d'une politique globale de santé, bien sûr, ça revient au gouvernement élu, mais concernant la fameuse question de programmes-cadres, on trouve qu'il y a là un risque de bureaucratisation, d'uniformisation des pratiques qui est très dangereux.

Même chose, la question de la participation des citoyens, du pouvoir réel des régions à ce niveau-là par leurs citoyens nous apparaît très faible dans cet aspect.

La place aussi des organismes communautaires. Je pense que vous conviendrez avec nous que c'est un des secteurs de la société québécoise particulièrement vivant, qui a apporté depuis plusieurs années des façons nouvelles de répondre à des besoins nouveaux, beaucoup de vitalité, de dynamisme, beaucoup d'Implication. À ce niveau, la volonté, un peu, d'encadrer de façon beaucoup trop précise le communautaire à l'intérieur du réseau ou d'en faire un volet qui veut simplement compléter le réseau nous apparaît aussi très dangereuse et réductrice par rapport à la pratique des groupes communautaires. En particulier, le fait que les groupes communautaires seront soumis aux programmes-cadres, qu'ils devront se soumettre à des mécanismes d'évaluation dirigés depuis la régie régionale, etc., nous apparaît contraire à la pratique des groupes communautaires. On risque là de tarir la source, si on veut.

En particulier, on trouve dommage que les regroupements d'organismes communautaires soient retirés du financement possible parce que vous savez comme nous autres, je pense, qu'un regroupement provincial de maisons d'hébergement, de centres de femmes, de jeunes, etc., c'est un véritable laboratoire d'échanges de pratiques, etc., et que couper les vivres à ces organisations qui donnent déjà énormément de temps, d'investissements et d'énergie, c'est, encore une fois, priver la société québécoise d'un apport extrêmement riche.

Finalement, il nous est apparu que dans ce projet de loi il y avait un oubli surprenant qui était les polycliniques privées. En fait, on a bien compris M. Castonguay quand il est venu demander une privatisation accrue de ce système pour introduire la concurrence. On trouve que ça existe déjà pas mal et que le réseau des polycliniques privées est, en fait, un système de santé parallèle qui n'est soumis à aucun objectif de santé et à aucun contrôle de la part de la population.

À ce niveau-là, on pense qu'il y a deux poids, deux mesures. On introduit dans le système des objectifs très précis, des modes d'évaluation. On va juger la performance de tous les acteurs du système, ce qui est bon, sur un certain nombre d'objectifs à atteindre, mais les polycliniques privées sont complètement flottantes dans notre système et impriment à ce système-là aussi une direction sur laquelle ni les citoyens, ni le gouvernement n'ont de prise.

C'est sûr qu'avoir une clinique communautaire dans un quartier, puis à trois pas de la rue avoir une polyclinique privée qui donne aux citoyens une tout autre vision de la santé, qui les traite différemment, c'est une sorte de schizophrénie dans notre système qui est très malsaine à l'heure actuelle. On trouve qu'il pourrait très bien y avoir un bilan des performances des polycliniques privées, de tout le système privé au niveau de la santé - est-ce que ça améliore vraiment notre santé, ce genre de système-là? - avant de continuer dans la même direction.

Alors, j'arrête là. Ce sont les principaux éléments de notre réflexion.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux à échanger avec vous et à poser des questions.

M. le ministre.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme Guay. Je trouve toujours intéressant d'entendre la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles faire des recommandations, parce que vous êtes effectivement un modèle à peu près unique, je pense, dans le domaine de la santé. Vous avez survécu pendant 20 ans maintenant. Même si vous avez des craintes par rapport à votre survie face au conseil d'administration unifié, je reste confiant, parce que vous avez su, à travers ces 20 dernières années, faire face à toutes sortes de difficultés et de problèmes, que ce soit au niveau du manque de ressources, de la mise sur pied du réseau des CLSC, des efforts qui ont été faits peut-être pour vous transformer en CLSC. Vous êtes devenue, en quelque sorte, un CLSC, tout en restant une clinique communautaire basée beaucoup sur un modèle de participation des citoyens. Et c'est peut-être à partir de ça que j'aimerais commencer la discussion, parce que la réforme, en quelque sorte, elle vise beaucoup une réforme basée, elle aussi, sur la participation des citoyens. On peut discuter des modalités qui sont mises de l'avant, mais les citoyens ont une plus grande place dans les structures qui sont proposées qu'ils n'en ont actuellement et, même, il y en a plusieurs qui disent que c'est trop, dans le sens qu'on a évacué les professionnels qui peuvent représenter des intérêts, etc., pour les remplacer strictement par des gens élus, des citoyens qui, par la suite, en choisissent d'autres, etc.

J'aimerais vous entendre un petit peu sur comment vous, vous avez réussi, en quelque sorte, l'implication de vos citoyens, même avec la concurrence que vous souligniez tout à l'heure des polycliniques qui offrent une autre vision de santé dans le quartier, même dans un quartier dont beaucoup disent que c'est un quartier difficile. Mais vous avez quand même réussi à développer une participation, puis une implication active de la part de la population autour de la clinique communautaire. Vous avez un conseil d'administration qui est différent de celui des CLSC. En particulier, j'aimerais vous entendre un peu sur le rôle que joue le personnel ou le représentant du personnel sur le conseil d'administration. Vous n'en avez qu'un, d'après ce que je vois, ce qui est déjà différent, parce que les autres ont les professionnels, les non-professionnels, le Conseil des médecins et dentistes, etc. Et c'est souvent une source de frustration dans beaucoup de conseils d'administration des autres établissements. (10 h 30)

Alors, peut-être avoir un peu vos réflexions sur l'implication et la participation des citoyens et le rôle que peuvent jouer les citoyens dans d'autres contextes, parce que, effectivement, les autres contextes sont différents de ceux de Pointe-Saint-Charles.

Mme Guay: Merci de ces questions-là, c'est intéressant. Si on est défavorisés au niveau socio-économique, on ne l'est pas du tout au niveau de la participation et, je dirais, de la culture de la participation qui s'est développée dans ce quartier-là. Je pense que la clinique en a bénéficié en même temps qu'elle a enrichi ce mouvement, parce que la même prise en charge qu'on retrouve à la clinique, elle se fait au niveau de tous les autres secteurs, au niveau du logement, au niveau du développement économique communautaire, au niveau de la garderie, au niveau du carrefour d'éducation populaire, au niveau de la pharmacie communautaire. L'ensemble des organisations communautaires fait en sorte que c'est la population elle-même qui est appelée à gérer ses institutions. Alors, on n'est pas différents et ça, ça aide énormément. Évidemment, on n'est pas tout seuls dans notre coin à vouloir faire cette expérience-là. Il y a, encore une fois, une espèce de culture qui s'est développée, à laquelle on tient énormément et dans laquelle on met énormément d'énergie.

Par exemple, je pense que, si on a réussi a mousser la participation des citoyens, c'est parce que c'est un objectif important. Donc, on y consacre du temps, des énergies. Quand vient le temps de préparer les assemblées générales de la clinique, les assemblées générales, ce ne sont pas des exercices formels. On ne fait pas juste envoyer un petit avis, comme ça, où on dit aux gens: Venezl Ça ne marche pas de même. Ils .ont aller plus au bingo qu'à l'assemblée de la clini- que. Alors, il y a beaucoup d'énergie en porte-à-porte. Au niveau du travail avec les patients, quand les patients viennent pour leur rendez-vous, on leur parle de ce qui va se dérouler à l'assemblée générale. Il y a des petits théâtres populaires qui sont organisés, on va chercher la participation des groupes. Il y a un effort de mobilisation et les gens répondent très bien à cet effort-là. Quand on place les gens dans des conditions pour participer, ils vont participer. Ça ne tombe pas du ciel comme ça la participation; elle se bâtit, elle se construit avec des moyens comme l'organisation communautaire.

Au fil des années, on trouve que la présence majoritaire, et exclusivement majoritaire dans notre cas, de citoyens sur le conseil d'administration, c'est ça qui garantit que la boîte, si on veut, ne tourne pas à vide ou ne tourne pas juste pour elle-même. Du fait d'avoir des citoyens sur un conseil d'administration, qui arrivent avec un regard très différent, qui arrivent avec leur vécu, avec ce qu'ils vivent dans la maison chez eux, etc., avec leurs voisins, ils sont capables de voir si ce qu'on fait répond aux besoins de santé d'une population. Alors, il y a des débats au niveau du conseil d'administration sur les services qu'on donne, sur la façon dont le personnel les donne aussi et il y a une espèce de débat constant à ce niveau. Le fait d'avoir des gens qui sont extérieurs à la boite elle-même, c'est superimportant pour apporter la vision du quartier sur un conseil d'administration.

Mme Bernier (Jocelyne): J'aimerais compléter un petit peu. Je suis un peu dans la situation de gestionnaire. Je pense qu'il y a des acquis à tirer de l'expérience de la clinique. Quand on veut orienter un réseau de santé vers des objectifs de santé, rien de mieux que d'avoir une présence, à mon avis, majoritaire des usagers sur le conseil d'administration. Ils vous questionnent sur les résultats. Vous avez des comptes à rendre et, quand les gens sentent qu'ils ont un pouvoir réel, ils viennent l'exercer.

Je vais vous donner un exemple qui a été vécu, disons, il y a quelques années à la clinique autour de la situation des jeunes assistés sociaux qui ne recevaient que 180 $ par mois. La population nous a dit: Écoutez, vous avez beau les soigner, ça développe de la criminalité, de la prostitution et le reste. Il faut que la clinique fasse quelque chose, il faut qu'elle déplace ses énergies. C'est une institution comme une autre. Ce n'est pas facile. À l'interne, parfois les services existent, mais les citoyens ont insisté, ont demandé qu'on déplace les énergies, qu'on établisse des priorités.

À travers ça, on a développé des organismes jeunesse, on a développé une table de concertation jeunesse. Donc, les usagers étant de l'extérieur vous questionnent sur votre performance. Si on veut vraiment orienter le système dans ce sens-là, un des outils, c'est de créer des

conseils d'administration où ils peuvent exercer - pas des superstructures où ils vont être perdus à gérer cinq établissements en même temps - où ils vont questionner les gestionnaires des établissements. Je pense que les employés étant présents, ça permet cet échange et c'était justement pour répondre aux attentes de la population.

L'autre élément que je veux dire, c'est que, dans l'approche, aussi, les citoyens amènent... Ce n'est pas le réseau qui digère le communautaire. Mais la clinique, à travers son histoire, a contribué à la mise sur pied d'une pharmacie communautaire, d'une garderie populaire, d'une maison de jeunes, d'un café pour jeunes adultes qui a une vocation sociale. Elle a contribué au programme économique de Pointe-Saint-Charles. La clinique a une ressource alternative en santé mentale. La clinique a ceci comme approche: souvent, elle développe des programmes et les remet aux usagers progressivement, en les soutenant dans ça, ce qui a permis à la clinique de jouer un rôle dans le développement d'un réseau communautaire et dans la prise en charge, par la population, des difficultés qu'elle rencontre. Bien sûr, on ne contrôle pas tout le développement économique. C'est ça qui a fait, par exemple - ce qui a un petit peu dérangé le gouvernement, j'ai eu à le vivre - qu'on a critiqué la réforme de l'aide sociale, à un moment donné, sous la pression du milieu qui disait: Écoutez, c'est une question de santé. Et c'est ça, l'approche que le projet de loi prétend faire.

Déjà, dans le document d'orientations, on dit qu'il faut une approche multisectorielle. Il faut penser aux conséquences sur la santé des mesures socio-économiques qu'on prend, telle la réforme de l'aide sociale, ou d'autres mesures au niveau du développement économique. Cette approche, qui est un peu particulière, moi, je dirais qu'elle est attribuable à la participation des citoyens. Leur vision des services de santé est une vision qui est très proche de l'impact des conditions de vie sur leur santé.

Mme Guay: Je voudrais... Est-ce que je peux?

La Présidente (Mme Marois): Oui. Ça va, allez-y, Mme Guay.

Mme Guay: Je voudrais ajouter, sur la question de la participation des citoyens, que le conseil d'administration, c'est un des lieux pour le faire, mais qu'on développe aussi d'autres lieux à l'intérieur même de la clinique. Parce que ça pourrait aussi n'être qu'un seul des endroits. Mais, par exemple, le comité de sélection du personnel est composé aussi, majoritairement, de citoyens du quartier. Alors, ce sont eux qui font la sélection, avec la représentante des employés du métier concerné. Si c'est une infirmière qu'il faut engager, il va y avoir une représentante infirmière, avec la directrice du personnel aussi, à ce niveau-là. Mais c'est un comité de sélection dirigé par les citoyens du quartier, qui, de même, est nommé par le conseil d'administration. Il y a aussi un comité de relations avec les usagers où, encore une fois, les citoyens vont être majoritaires. De sorte qu'il y a différents lieux à l'intérieur même de la clinique où les citoyens ont leur place et pas juste pour décider de la couleur des murs, mais pour décider profondément sur des orientations importantes.

Sur la question qu'il n'y ait qu'un seul représentant des employés professionnels et non professionnels, nous avons toujours tenu à ça mordicus et on va continuer à y tenir parce qu'on trouve que le conflit professionnels-non-professionnels est réel, bien sûr, mais que, quelque part, c'est un faux conflit aussi. Et le reproduire dans des structures ne fait qu'accentuer ce conflit-là, à notre avis. Les professionnels, médecins, infirmières, en particulier, dans des CLSC ou dans une clinique comme la nôtre, sont un des éléments de la promotion d'une santé communautaire; ils ne sont pas le seul. Ils n'ont pas nécessairement tout le temps le rôle capital qui leur revient. Nous, on a des travailleurs communautaires. On a des organisateurs communautaires. On a des gens à l'accueil. On a des gens qui travaillent en lien avec les patients et qui ont un apport parfois aussi important et, des fois, je dirais plus important que certains professionnels, de sorte que, si on prétend poursuivre ensemble des objectifs de santé et réduire les inégalités dans notre coin, on ne voit pas pourquoi il y aurait une sorte du supériorité de pouvoir accordée à l'un ou l'autre de ces corps professionnels. De sorte qu'il y a un représentant du personnel qui est élu par l'assemblée générale du personnel. Ça a parfois été un médecin, mais pas souvent; ça a souvent été d'autres travailleurs, une infirmière, une travailleuse communautaire, une secrétaire. Au fil des années, une variété de personnels ont été représentés. On va continuer de tenir à ça. On trouve que ce qui est apporté au conseil d'administration, ce qui doit être apporté par le représentant du personnel, c'est la vision d'un personnel qui doit fonctionner en équipe dans une clinique comme celle-là. Il n'y a pas de raison, encore une fois, d'accorder à un métier ou à l'autre... En tout cas, en santé communautaire, les médecins ont une part importante à jouer, mais sûrement pas la part la plus importante. On tient à marquer ça d'une façon structurelle aussi.

M. Sirros: D'accord. L'autre volet qui m'intéressait un peu et sur lequel j'aimerais vous entendre aussi, c'est la question des organismes communautaires. Vous avez participé à la mise sur pied de plusieurs organismes communautaires dans votre quartier, vous en avez fait l'énuméra-

tion, des organismes communautaires pourtant qui sont axés vers la dispensation de services à des gens autour des objectifs communautaires reliés à la santé, dans votre cas. Ce qui est probablement l'une des façons les plus, je dirais, correcte ou claire de faire de l'organisation communautaire à l'intérieur d'un centre communautaire, d'une clinique communautaire qui aide l'organisation de la communauté autour des objectifs de services en santé à la communauté et reliés aux besoins de la population.

Vous avez aussi dit que, finalement, les organismes communautaires ne devraient pas être associés comme tels aux programmes qui seraient mis de l'avant par la région et devraient maintenir en quelque sorte, donc, une indépendance ou une autonomie qui leur permettrait d'agir selon les besoins locaux. Deux questions: Est-ce le cas actuellement des organismes communautaires qui oeuvrent dans votre coin? Reçoivent-ils des subventions? Ont-ils des comptes à rendre? Quel est le statut, finalement, de leur association par rapport aux objectifs du réseau? 2. Ça m'étonne, mais "étonne", c'est peut-être fort comme mot, la demande que plusieurs font de maintenir le lien entre les organismes communautaires et le ministère directement plutôt que de les associer à la planification régionale. Je comprends le souci d'accaparer en quelque sorte ou de conscrire des organismes communautaires dans des objectifs qui seraient définis ailleurs. Mais ne trouvez-vous pas aussi que plus on va rapprocher le centre de décision de l'endroit où les besoins se font sentir le plus clairement et le plus directement, plus on a de chance d'avoir véritablement un rôle influent que les groupes peuvent jouer au niveau de la détermination des objectifs de leur coin?

Mme Guay: Sur la première partie de la question, à savoir nos liens avec les organismes communautaires de notre quartier, je pense que la clinique, depuis toujours, a éliminé de son approche l'impérialisme en matière de... Évidemment, ce serait très facile, la clinique étant...

M. Sirros: Ce qui se fait souvent.

Mme Guay: Pardon?

M. Sirros: Ce qui existe souvent.

Mme Guay: Oui, oui. On connaît ça, oui, parce qu'on est l'un des gros organismes aussi par la taille, par la dimension du budget, par le nombre d'employés etc., donc par les ressources. Mais ce serait, d'ailleurs, une attitude complètement...

M. Sirros: Antidémocratique.

Mme Guay: ...antidémocratique et qui serait refusée par le milieu lui-même, à cause encore une fois de la culture que... Alors, ce que Jocelyne disait, tous les organismes qui ont été mis sur pied par la clinique ont très vite pris leur autonomie par rapport à cette clinique-là et on trouve que c'est quelque chose de très riche, de très intéressant de maintenir cette autonomie-là. Alors, par exemple, la garderie...

M. Sirros: Je voulais dire aussi l'autonomie par rapport au...

Mme Guay: Réseau.

M. Sirros: ...gouvernement. (10 h 45)

Mme Guay: Oui, oui, je vais répondre sur cette autre question-là. Je veux insister là-dessus parce que, au niveau des CLSC aussi, souvent, il peut y avoir cette volonté-là, à toutes fins pratiques, de contrôler le milieu plutôt que cT'autonomiser" le milieu. En tout cas, notre expérience nous prouve que, par exemple, "Le Café sans mur", qui a été l'un des organismes que la clinique a aidé à mettre sur pied et qui est en train de... Les jeunes, quand ils viennent, quand ils s'adressent à la clinique en assemblée générale, par exemple, ils nous ont fait des demandes très précises et pas juste en termes de financement, non plus. Il y a des choses très importantes qui naissent quand le groupe a l'autonomie nécessaire pour le faire. On aime mieux gérer des problèmes d'autonomie que des problèmes de dépendance, d'une certaine façon.

L'autre aspect du volet. Je pense que, pour l'ensemble des organisations communautaires, il y a deux aspects. Le fait de pouvoir avoir accès au centre du pouvoir... Dans l'avant-projet de loi et dans le document d'orientations c'est évident que les programmes-cadres, que tout ce qui fait le coeur de ces objectifs-là, c'est décidé au niveau du ministère. Alors, ne pas avoir accès à ça et être relégué à un niveau second où ces choses-là vont être tout simplement appliquées, je pense qu'il y a une réaction saine de vouloir aller là où est le coeur des choses, premièrement. Deuxièmement, je pense que les organismes ne sont pas du tout contre le fait d'avoir à entretenir des relations avec le niveau régional, au contraire. Ce sont tous des organismes qui ont des pratiques importantes dans des quartiers et dans des régions. Il n'y a aucun problème à ce niveau-là. Le problème se situe au niveau où est déterminée l'orientation générale du système et ne pas y avoir accès alors que d'autres vont pouvoir y avoir accès, c'est là qu'est le problème.

Mme Bernier: Je voudrais juste compléter brièvement sur les liens de la clinique avec le réseau. Je représente la clinique; que ce soit au niveau du département de santé communautaire, je siège au comité directeur. J'ai des liens réguliers, pour représenter la clinique, avec le

conseil régional. La clinique est donc un organisme communautaire qui se concerte. On a des ententes de services, par exemple, en santé mentale, avec le centre hospitalier psychiatrique, le centre hospitalier Douglas, où on a une approche très particulière. C'est possible pour des organismes et, pourtant, à travers tout ça, la clinique exerce son autonomie.

À notre avis, l'un des problèmes de la réforme comme telle: le ministère doit déterminer les grandes orientations, mais, si le ministère va jusqu'à la programmation, il risque d'y avoir une vision trop éloignée des milieux. Et, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir possibilité d'autonomie. On donne les services équivalents à un CLSC, mais avec une approche qui correspond aux particularités du milieu. L'autre élément peut-être à signaler qui questionne le réseau, c'est que la réponse à des nouveaux besoins et les nouvelles approches - pensez aux ressources alternatives en santé mentale, pensez aux centres d'hébergement pour femmes violentées - ce n'est pas le réseau qui les a développées. Ce sont les citoyens qui se sont regroupés dans des organisations communautaires et les regroupements de ces organisations-là sont des milieux d'échange de pratiques qui doivent se poursuivre, parce que quand on est isolés... La clinique garde sa vitalité parce qu'elle est au coeur d'un réseau communautaire aussi. Dans un organisme communautaire, sans ces regroupements, ces échanges de dynamisme risquent un peu d'être atrophiés. Dans ce sens-là, si l'on veut que le réseau se fasse questionner par la population, il y a peut-être lieu de maintenir des regroupements provinciaux d'organismes communautaires.

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Sirros: On me dit que mon temps est écoulé, mais on aurait pu continuer longtemps encore. J'espère que d'autres questions seront soulevées de votre côté. Sûrement.

La Présidente (Mme Marois): Oui, sûrement, il y a d'autres questions qui seront soulevées qui vous permettront d'explorer un autre point de vue. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. On va aller dans le même sens, dans la même direction que le ministre délégué, compte tenu effectivement de la longue expérience que vous avez dans le communautaire et, faut-il le préciser encore une fois, des succès que vous avez obtenus avec cette formule de l'approche communautaire. Je pense qu'il serait important d'essayer de voir à travers votre expérience du communautaire jusqu'où on peut aller à l'extrême limite, parce que votre première critique sur la place du communautaire dans le projet de loi est sur- tout - et, là, ça m'apparaît comme fondamental - le message que vous laissez au ministre et au ministère sur la définition des objectifs de santé en relation avec les causes, et vous avez absolument raison. Quant à nous, il n'y a pas suffisamment de liaison entre les causes, par exemple, pauvreté, situation des populations, et la détermination des objectifs de santé.

Au cours des présentes auditions, on a été, j'ai été, en tout cas, particulièrement un peu beaucoup surpris que plusieurs groupes communautaires ou des regroupements nous disent: La régionalisation, oui, mais, pour ce qui concerne le communautaire, s'il vous plaît, laissez-nous entre les mains du ministre. Il y a comme quelque chose de gros, là, qui m'est difficilement explicable. On a une approche communautaire et on se fait dire: Nous aimerions mieux fonctionner avec le centralisé et, entre guillemets, quel que soit le ministre et quel que soit le fonctionnement du ministère, avec plus d'arbitraire, forcément. Comment expliquez-vous ça et quelle est votre façon de voir les choses là-dessus? Deuxièmement, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur: oui, effectivement, quant à vous, vous êtes prêtes pour l'approche communautaire, la Clinique de Pointe-Saint-Charles est prête à gager, entre guillemets, sur le jeu de la complémentarité, de la concertation et de la collaboration avec un organisme régional.

La Présidente (Mme Marois): Mme Bernier.

Mme Bernier: Je pense que le fait que la réforme... Il n'est pas clair quel est le mandat des régies régionales. Nous, on dit: Oui, décentralisez, mais pas une décentralisation strictement administrative. Donnez aux régies régionales le pouvoir d'établir des programmations. Ce que le communautaire veut, c'est se greffer à l'endroit et se faire entendre là où se déterminent non seulement les objectifs généraux, mais aussi la programmation. Je pense que c'est un élément important. Si vous pensez à une régionalisation uniquement par une décentralisation administrative et des programmes définis en haut, il y a un risque qu'on ne tienne pas compte des communautés et les gens du communautaire veulent avoir, comme interlocuteur, le lieu où se décident les programmations. C'est un premier élément. Je pense que, dans la survie des regroupements communautaires, j'ai parlé brièvement de l'importance de ces regroupements comme lieux d'échange de pratiques. Si vous voulez en maintenir la vitalité, je pense que vous devez les maintenir.

L'autre élément, c'est qu'au niveau des régies régionales, en tout cas, nous, et, je pense, plusieurs organismes communautaires veulent participer, mais une participation qui leur soit accordée sur une base réelle. Si vous remarquez, entre le collège électoral et le conseil d'ad-

ministration, la proportion du communautaire diminue. Pourquoi ne la maintient-on pas, d'une part? D'autre part, il est possible de se concerter avec le réseau tout en gardant une autonomie dans l'approche. Je pense que ça aussi, c'est un autre message du communautaire. La clinique le fait; elle le fait depuis de longues années. On est partie prenante du réseau, on collabore avec plusieurs établissements, on a des ententes interétablissements dans différents domaines de services, mais on garde une approche qui est contrôlée par la communauté. La contradiction est peut-être plus apparente que réelle, dépendant des options qui seront faites au niveau du réseau. Si vous gardez la programmation au niveau central, oui, le communautaire doit y avoir accès si ce sont des approches nouvelles. Gardez, ne perdez pas les lieux de vitalité qui existent dans les regroupements; donnez-leur une place réelle avec un pouvoir de programmation au niveau régional et peut-être qu'on se comprendra mieux.

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.

Mme Guay: Deux aspects sur cette question-là aussi. Je pense que la méfiance du communautaire face au régional vient beaucoup de son expérience de la régionalisation, de l'expérience des CRSSS. Je pense que le rapport Rochon, à ce niveau-là, et plusieurs rapports de recherche, entre autres, les filières d'action sociale, racontent à répétition les expériences malheureuses du communautaire avec les CRSSS. Je pense qu'il y a là une explication historique de cette méfiance.

L'autre explication aussi est plus profonde. Je pense que des grandes problématiques comme, par exemple, la question de la violence faite aux femmes, les maisons d'hébergement, etc., ne sont pas que des problématiques régionales, à ce niveau-là. Si on les particularise, c'est-à-dire si c'est la régie régionale qui devient le seul lieu, pour un organisme qui s'occupe de cette prati-que-là, de discuter et de débattre, il y a risque la aussi d'un arbitraire assez important. Chaque régie régionale pourrait dire, à toutes fins pratiques, que dans sa région il n'y en a pas tellement, de violence faite aux femmes et qu'on ne va pas tellement accorder d'importance à ça au niveau des budgets puis au niveau de l'encouragement de pratiques. À ce moment-là, on peut comprendre facilement que l'ensemble des regroupements de femmes qui s'occupent de cette problématique-là tiennent mordicus à avoir accès au pouvoir central qui, lui, va pouvoir dire, si c'est dans le projet de loi: Bien, la violence faite aux femmes, elle est incontournable, quelle que soit la régie régionale. Il y a cette dynamique-là, à l'heure actuelle, qui joue, plus le fait que les régies régionales, en tout cas dans ce qu'on en comprend, ce n'est ni tout à fait une régionalisation totale, ni non plus une simple déconcentration administrative. Alors, il y a une espèce de structure un peu douteuse, en gros.

M. Trudel: Oui. Il m'apparaît assez clairement que c'est effectivement l'expérience bureaucratique, entre guillemets, des relations avec certains CRSSS, par exemple, ou plusieurs CRSSS, peut-être, qui amène cette crainte qui, par ailleurs - je pense qu'on peut bien le reconnaître - est encore difficile a comprendre. De cette peur des CRSSS, on se reporte sur un organisme central, et vous venez d'en parler, qui va décider des objectifs à poursuivre, qui va fixer les horizons et qui, forcément, doit avoir une vision, par définition même, plus large, moins individualisée, moins particularisée, moins situationnelle, parce que devant tenir compte de l'ensemble de la population du Québec.

À cet égard, vous avez parlé très brièvement tantôt - et j'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus - de la détermination des objectifs de santé. À partir du moment où vous introduisez, à très juste titre, quant à moi, la nécessité de lier la détermination des objectifs de santé et, donc, tout ce qu'on va faire en termes de programmation - ça aussi, on y reviendra après - pour atteindre ces objectifs-là, dans quelle mesure allez-vous être là pour en discuter, pour échanger? Est-ce qu'il ne vous apparaît pas anormal, mais complètement anormal, sinon anachronique, que la détermination des objectifs de santé ou que les mécanismes de détermination des objectifs à poursuivre ne comprennent pas les usagers, la population en général et ceux et celles qui sont dans le système, et quel devrait être, selon vous, ce mécanisme qui permette, à mon avis, annuellement, à tout le moins, d'analyser les résultats et de réviser, si tant est qu'il y aurait à réviser, les objectifs poursuivis non seulement en termes d'une réforme, mais de pratiques qu'on va introduire dans le système de santé et des services sociaux? C'est où, et comment on devrait faire ça, selon vous?

Mme Guay: Bon. Je pense qu'on n'a pas fait une analyse détaillée, bien sûr, des mécanismes à ce niveau-là. Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'on parle d'établir une politique de santé et de services sociaux. Ce n'est pas encore fait. Il y a des pas qui vont dans ce sens-là. Cette politique-là, à notre avis, c'est elle qui va être un peu le coeur des futures années, en termes d'objectifs de santé.

M. Trudel: Je vais vous arrêter tout de suite en disant: Écoutez, ça n'a pas de bon sens de dire qu'on va définir une politique de la santé et du bien-être quand on est en train de construire toute la machine pour les réaliser.

Allez, continuez. (11 heures)

Mme Guay: Là-dessus, il faut minimalement faire de vastes consultations et donner la possibilité aux gens de dire ce qu'on veut atteindre en termes d'objectifs de santé, sur quoi on veut travailler. On l'a dit, on est très conscients de ça. On met en place, effectivement, des structures, des mécanismes parce qu'on est en train de passer d'un système axé sur des objectifs de services à un système axé sur des objectifs de santé. Ça, on dit que c'est la bonne voie. Mais là c'est bien sûr que toutes les énergies sont mises pour changer les structures, changer les mécanismes qui existent à l'heure actuelle. Ça ne va pas nous faire atteindre ces objectifs-là, on en est convaincu. C'est pour ça qu'on demande que sur la politique de santé il y ait un vaste débat public important, capital, qui va déterminer non seulement comment on va les atteindre mais ce qu'on va atteindre comme objectifs de santé, ce qu'on se fixe comme société à atteindre d'ici l'an 2000, par exemple.

Mme Bernier: J'ajouterais qu'on a été déçu entre le document d'orientation et l'avant-projet de loi de voir qu'il ne s'agissait que d'une réforme de structures. Nous, on aurait souhaité - c'est pour ça que c'est le premier point dans notre mémoire - des consultations sur les objectifs de santé. C'est un premier élément. L'autre élément sur la détermination de ces objectifs-là, je pense qu'on reconnaît au ministère la responsabilité de définir des grandes orientations et on souhaite qu'au niveau régional il y ait plus qu'une décentralisation administrative. Donc, qu'il y ait de larges débats là-dessus parce que nous, quand on regarde les objectifs de santé, parfois ça nous questionne. Il y a des questions d'orientation qui ne sont pas transparentes. Prenons, par exemple, l'objectif de réduire à 6 pour 1000 le nombre de mortalités périnatales. On peut, là-dessus, se lancer dans une technologie à tous crins qui va nous coûter des millions, alors que les facteurs principaux sont des facteurs de pauvreté, qui ne coûtent pas tant que ça. C'est une intervention préventive qui est peut-être moins "flashée", mais qui risque d'apporter plus de résultats que d'investir dans un financement de haute technologie.

Ce n'est pas notre objectif de dire que les hôpitaux ne sont pas nécessaires et qu'on ne doit pas se pencher sur la qualité des services qui sont donnés. Je veux bien préciser la chose. Mais, quand on discute d'objectifs de santé, il peut y avoir matière à débats d'orientation extrêmement importants qui vont faire en sorte qu'on va atteindre ou ne pas atteindre nos objectifs. Et ce n'est pas parce que le système "hospitalocentrique", comme j'appellerais, est le plus important et le plus gros que c'est là qu'on doit continuer les développements. à notre avis, si on se laisse questionner - et le gouvernement comme nous, on essaie de faire à la clinique - par le milieu, on va être amené à faire peut-être des choses qui, vues de loin, n'ont pas l'air d'Interventions de santé. Par exemple, les luttes qu'on a menées sur la réforme de l'aide sociale, parce que, pour nous, pauvreté et santé, c'est une situation qui a été largement établi et qui devrait être prise en compte. Ce n'est pas la clinique. Il y a des chercheurs. Plusieurs chercheurs ont établi le fait que les résultats ou l'état de santé de la population est d'abord lié à ses conditions de vie, non pas à ses habitudes de vie individuelle, mais à ses conditions de vie.

M. Trudel: D'habitude, le ministre de la Santé et des Services sociaux répète souvent, à cette commission, qu'il a son petit carnet vert pour prendre les notes les plus importantes quant au travail qu'il va réaliser après les présentes auditions. Certainement que le ministre délégué pourrait amener des citations que vous venez de lui faire sur le lien pauvreté-santé. Je suis...

Une voix: ...sur la couleur des carnets.

M. Trudel: ...certain qu'il va transmettre le message parce que c'est central. C'est central, la description que vous faites là, et la façon d'organiser les choses après. Si on n'a pas bien saisi les racines du mal, les racines du problème, les racines de la situation, on ne fait que passer par ce qu'on a appelé ici comme vous le rouleau compresseur de la santé, parce que, quand on regarde dans tout le système de la santé et des services sociaux, la proportion même d'argent qu'on investit dans l'un ou l'autre des volets, on se rend compte que, sur les quelque 10 000 000 000 $ - ce n'est pas des pinot-tes - que l'on consacre à ces deux services au Québec, 20 % vont au communautaire et aux services sociaux - et je répète - incluant la réadaptation, par rapport à tout le restant évidemment, 80 %, quelque chose comme 6 000 000 000 $ pour les services de santé. Avec la description que vous nous faites, comment penser diminuer la deuxième partie qui gobe la plus large part du budget? Il y a comme une mauvaise orientation quelque part.

Une dernière question avant de passer la parole à Mme la députée de Chicoutimi. Vous travaillez beaucoup évidemment, vous êtes en contact très étroit avec les bénéficiaires. Est-ce que vous avez l'impression que les bénéficiaires dans le système de santé et de services sociaux au Québec sont suffisamment protégés, qu'ils peuvent exercer leurs droits et qu'ils exercent leurs droits correctement? Et est-ce que les mécanismes par lesquels ils peuvent passer pour s'assurer de la jouissance de ces droits sont suffisants au Québec?

Mme Guay: Ce n'était pas dans notre mémoire. On n'a pas étudié ça de façon approfondie. On pense globalement qu'il n'y a pas

suffisamment de protection des droits des bénéficiaires. Il y a des mécanismes, bien sûr, des comité de bénéficiaires, etc., mais comme ce ne sont pas des mécanismes de pouvoir, il y a très peu de pouvoirs à ce niveau-là, on n'a pas de système d'"advocacy" non plus... En particulier, dans l'avant-projet de loi, le fait que le mécanisme de défense des droits, que les plaintes que les bénéficiaires peuvent apporter soient gérées par le système lui-même - c'est la régie régionale qui va recevoir la plainte de l'institution, etc.; la régie régionale va déterminer un organisme communautaire qui va être le pilote d'une plainte à l'intérieur du système - c'est une autre preuve, à notre avis, d'encadrement du communautaire.

À mon avis, l'absence de système global d'"advocacy" à ce niveau-là est une faiblesse fondamentale de notre système. Ce qu'on essaie de développer au niveau de notre quartier, c'est, comme on le disait tout à l'heure, des mécanismes de comités de relations d'usagers, de comités d'usagers qui, eux-mêmes, vont être en mesure de critiquer le service lui-même et de le critiquer, comment dirais-je, au niveau des objectifs et de la structure aussi. La plainte qu'un bénéficiaire peut faire, bien sûr, elle est dans le cadre de sa pratique à lui, avec un service, ou un médecin, ou une infirmière, etc., ou une institution, mais il y a peu de places dans ça pour une critique plus globale des structures elles-mêmes et de la qualité des services. Alors, on veut mettre plus de mécanismes où les citoyens vont avoir leur mot à dire à ce niveau-là.

Mme Bernier: À la clinique, ce comité de relation avec les usagers gère les plaintes. On lui fait rapport de l'ensemble des plaintes et il peut faire des recommandations au conseil d'administration sur des modifications à apporter dans les services. Donc, je vous dirais qu'au moindre problème les gens savent qu'ils ont accès direct au conseil d'administration ou à ce comité d'usagers. Donc, le téléphone, ça ne prend pas de temps qu'il sonne. Ils sentent qu'il va y avoir des mesures. On ne va pas nécessairement dans la confidentialité des dossiers, on va gérer, on fait un rapport sur toutes les plaintes qui ont été faites, sur quoi elles portaient, quels ont été les correctifs et, parfois, ça peut amener à faire des recommandations plus générales au conseil d'administration. C'est un peu la façon de fonctionner. Encore là, en mettant la présence des usagers au coeur de la gestion, je pense que ça assure une meilleure défense des droits des usagers.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la députée de Chicoutimi qui, en fait, je vais le corriger, remplace le député de Joliette et leader de l'Opposition.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente.

Très brièvement, parce qu'il y aurait beaucoup de questions à poser, mais le temps passe rapidement. Vous avez, je pense, bien fait le tour de la question en signalant que le projet de loi que nous avons sous la main ne donne pas vraiment suite au rapport Rochon, non plus qu'au document de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux qu'elle est allée consulter. L'impression générale qui s'en dégage, c'est une loi touchant les structures, mais on n'est pas certains qu'en dessous de ça la volonté réelle, ce n'est pas une plus grande privatisation - le prétexte de la loi ressemble un peu à ça - et tantôt, peut-être même, si on suit le raisonnement de l'Association des hôpitaux, des tickets modérateurs. Et, ça, c'est inquiétant.

J'aimerais juste rappeler que les organismes communautaires, pour le Parti québécois et l'Opposition officielle, c'est à ce point important qu'on s'était engagés, nous, à consacrer l'équivalent de 1 % du budget du Québec aux organismes communautaires, parce qu'on y croit, parce que c'est le seul endroit où il se fait vraiment du travail, en tout cas, qui ressemble plus à de la prévention que ce qu'on trouve dans le curattf, évidemment, parce que c'est davantage votre action. Mais, si on veut vraiment parier de prévention, il faudrait que ce soit encore un peu à la tête et avant ce que vous faites. Vous êtes entre les deux, finalement. Alors, pour nous, c'était majeur et important et il me plaît de le rappeler.

Je comprends votre inquiétude touchant les CRSSS. Les CRSSS, c'était le bras du ministère. Il y en a qui les appelaient la boîte à lettres du ministère. Ils n'avaient pas de pouvoirs, parce que l'essentiel des règles étaient établies à Québec, au ministère ou par le gouvernement. Le rapport entre la pauvreté et la sous-scolarisation, ça m'a toujours préoccupée. La sous-scolarisation égale chômage, maladie, pauvreté. Et ça, ça va de pair. Et parler de prévention, c'est parler de scolarisation aussi.

Alors, la réponse, c'est le BS, c'est-à-dire les modifications au BS, les modifications à l'assurance-chômage qui vont accroître le phénomène, de même les frais de scolarité, les écoles privées, le gel de quatre ans des budgets pour les maternelles. Alors, tout ça va précisément à rencontre de tout ce que serait une politique de prévention.

Là-dessus, j'aimerais que vous en pariiez haut et fort. Cependant, je crois très fort à la décentralisation. Ma question est dans un tout autre ordre d'idées. Mais j'aimerais vous entendre, parce qu'on laisse planer l'idée de cette carte pour supprimer les abus. Que pensez-vous de la carte à puce? Parce que ça vise vos clientèles, si j'ai bien compris.

Mme Guay: Nous, nous sommes absolument contre toute mesure qui va accroître le contrôle sur les gens. D'abord, cette notion d'abus, nous,

on la conteste de façon importante. Il n'y a pas plus d'abus... Il y a des abus dans notre système, mais ils ne sont pas plus importants ni plus graves dans les milieux comme les nôtres que dans les milieux gouvernementaux, dans les milieux de professionnels, dans les milieux d'affaires ou bancaires, etc. S'il y avait eu des boubous macoutes dans les milieux d'affaires, probablement qu'on aurait découvert plus que quelques millions d'abusés.

Alors, je m'excuse. On est écoeurés de se faire traiter de cette façon en laissant supposer que les populations, entre guillemets, défavorisées sont celles qui abusent du système, alors que c'est complètement faux. C'est complètement faux, cette notion-là. Je pense qu'il faut se rendre compte à quel point les conditions de vie sont difficiles, à quel point la misère est dramatique dans certains quartiers et dans certaines régions.

Et quand on est une femme seule avec des enfants, etc., pas de travail, difficultés d'accès à peu près à tout, de venir à une clinique communautaire, de faire examiner son enfant et de pouvoir parler d'autres choses en même temps... Les gens n'abusent pas du système. Et toute mesure qui va... Ce que je pourrais dire, il peut peut-être y avoir... Ils vont peut-être venir souvent, pour un certain nombre de problèmes, mais ça fait juste nous dire à quel point la misère est profonde et à quel point ce qu'on leur offre n'est peut-être pas adéquat aux types de besoins qu'ils ont.

Je veux dire, les gens qui... J'ai dit tout à l'heure qu'il y a 55 % de notre population qui n'a pas d'emploi. Mais, quand on n'a pas d'emploi, les problèmes qu'on vit sont joliment plus dramatiques. Et on peut venir, à ce moment-là, soi-disant, plus souvent. Mais ce qu'on dit en venant souvent, c'est qu'on aimerait ça avoir un autre genre de vie. On aimerait ça travailler pour pouvoir avoir accès à un niveau de vie où on ne serait pas obligé d'avoir recours aux pilules et à ces expédients-là.

Alors, à ce niveau-là, on est complètement en désaccord avec ça, et toute mesure, bien sûr, qui va diminuer des services qui existent déjà à des populations comme les nôtres. Ça va produire le même effet que la réforme de l'aide sociale, le même effet que la réforme de l'assurance-chôma-ge. Ça va accroître la pauvreté. (11 h 15)

Mme Bernier: J'aimerais aussi peut-être ajouter que ce qu'on qualifie d'abus peut mettre en doute les services qui sont donnés. Si, parfois, les gens vont voir plusieurs médecins de suite, on peut se questionner: Est-ce que le corps médical est suffisamment formé pour avoir une approche globale médico-sociale? Si l'usager qui reste dix minutes avec son médecin a le sentiment qu'on n'a pas pris en compte ses problèmes, il y a peut-être là des raisons qui expliquent un certain "shopping" médical.

À ce moment-là, la carte, on n'en a pas vraiment discuté. Ce qui est important pour le conseil d'administration, c'est de protéger la confidentialité. Ça peut être un certain outil, mais, à notre avis, ce n'est probablement pas l'outil principal. Questionnons-nous sur l'attention qui est portée à l'usager quand il va voir son médecin et peut-être qu'on comprendra pourquoi il va en voir trois s'il ne trouve pas le service de qualité auquel il a droit.

L'autre élément que je veux souligner là-dessus, c'est la question de la privatisation qu'on critique dans le mémoire. On est un organisme avec un statut privé communautaire, si vous voulez, on collabore avec le réseau, mais si on veut s'engager dans le sens de la privatisation, à notre avis, il y aurait un sérieux bilan à faire des polycliniques privées. Quel est leur travail au niveau préventif si on s'oriente vers une approche d'objectifs santé? Quelle est leur performance? Pourquoi, dans le projet de loi, n'en parle-t-on pas, et, pourtant, c'est financé à même les fonds publics? C'est la Régie de l'assurance-maladie qui finance ces services-là. Pourquoi n'en est-il pas question? Pourquoi ne sont-elles pas parties prenante d'une concertation? Pourquoi les usagers n'ont-ils rien à dire sur l'orientation des services qui est donnée? La carte santé est peut-être un élément, mais si on veut s'interroger sur les abus, entre guillemets, je pense qu'on doit aussi poser ces questions. Quelle est la formation des médecins parce que, souvent, une problématique de santé est aussi une problématique sociale? Quelle est, finalement, la qualité de services que les gens reçoivent et quel est le mot qu'ils ont à dire sur un certain réseau privé de santé? Donc, avant de le développer, questionnons-le.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Malheureusement, notre temps est écoulé, il a même été dépassé. Nous vous remercions du témoignage sûrement très significatif pour les membres de la commission. M. le député, madame, M. le ministre.

M. Sirros: Si on avait pu continuer plus longtemps, j'aurais eu d'autres choses dont on aurait pu discuter au sujet de l'implication des citoyens, le lien entre le communautaire, le privé et le gouvernement, mais merci beaucoup, ça a été intéressant.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie.

M. Trudel: Malheureusement, ça a été trop court.

La Présidente (Mme Marois): J'inviterais maintenant le Regroupement des organismes communautaires jeunesse du Montréal métropolitain à bien vouloir prendre place à la table. Alors, c'est

Mme Ubaldi, qui est présidente. J'aimerais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent. Vous avez ensuite une vingtaine de minutes au maximum pour présenter votre mémoire, et, par la suite, les membres de la commission pourront échanger des propos avec vous.

Regroupement des organismes communautaires jeunesse du Montréal métropolitain

Mme Ubaldi (Terry): Bonjour, je suis Terry Ubaldi, la présidente du Regroupement des organismes communautaires jeunesse et je suis déléguée du centre Head and Hands, une clinique communautaire à Notre-Dame-de-Grâce. Je vais laisser les personnes ici se présenter elles-mêmes avant de commencer.

M. Parazelli (Michel): Michel Parazelli, je suis secrétaire administratif pour le Regroupement, c'est comme la permanence.

M. Rivard (Marcel): Marcel Rivard, représentant de l'organisme Carrefour jeunesse Lon-gueull.

M. Moïse (Jacques): Jacques Moïse, je suis coordonnâtes du projet.

La Présidente (Mme Marois): Nous n'avons pas compris.

M. Moïse: C'est parce qu'il y avait un bruit.

La Présidente (Mme Marois): Oui, vous avez eu un peu de concurrence.

M. Moïse: Jacques Moïse, du projet d'interventions auprès des mineurs prostitués.

La Présidente (Mme Marois): Merci.

Mme Gervais (Lise): Use Gervais, du Bureau de consultation jeunesse, bonjour.

mme ubaldi: avant de commencer à vous dire qui on est, ce qu'on fait et un peu nos réflexions, on aimerait déposer une tablette avec notre mémoire, notre nouveau mémoire et tous les autres mémoires qu'on a déposés à plusieurs commissions différentes. alors, on voudrait vous présenter ça.

Une voix: ...tablette?

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Je ne sais pas. On pourrait poser la question. Vous savez, le sens de tablette, au gouvernement, ce n'est pas très positif. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Mais on comprend que c'était pour vous aider à déplacer le nombre important de mémoires que vous avez.

Une voix: Ou encore, c'est parce qu'ils ont été "tablettes".

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): C'est pour ça que je soulevais la question.

Mme Ubaldi: Le ROC est une association communautaire qui regroupe seize ressources communautaires qui ne travaillent pas uniquement mais de façon prioritaire avec les jeunes et les jeunes adultes. Nous sommes dans la région du grand Montréal. On nous retrouve dans des villes comme Laval et Longueuil, du nord au sud, à l'ouest, à Pierrefonds, à l'est, dans Montréal-Est, et dans toutes les différentes régions à l'intérieur du grand Montréal: Hochelega, Verdun, LaSalle, NDG, etc.

Nos pratiques communautaires sont bien enracinées dans nos diverses communautés par nos actions démocratiques qui soutiennent les initiatives des citoyens et, pour plusieurs d'entre nous, on est là depuis plus de 20 ans, ça veut dire même avant que le réseau public soit là. Nous sommes différents et semblables, l'un et l'autre. Différents, parce que nos organismes représentent un peu les couleurs de nos diverses communautés et leur réalité et qu'on travaille dans différents champs d'action. Juste pour vous dire, il y a ceux qui travaillent plutôt sur la vie scolaire, d'autres sur la vie familiale, la vie de non-travail pour les jeunes, etc. Et semblables, parce que l'action communautaire autonome représente des principes très importants; on est pareils dans ce sens-là.

Je vais les expliquer un peu, ces principes: Que les citoyens - quand on dit citoyens, on inclut les jeunes parce que, bien souvent, on pense que, les citoyens, ce sont seulement les personnes qui peuvent voter, mais, pour nous, les citoyens sont aussi les jeunes avec qui on travaille - puissent s'associer volontairement aux activités des organismes et que ces citoyens définissent eux-mêmes leurs problèmes, leurs besoins, leurs projets et ce qu'est pour eux, une bonne qualité de vie; que ces citoyens puissent participer à l'élaboration des actions et des mécanismes de décision qui orientent les activités de l'organisme et de leur vie associative; que les organismes aient une place publique pour ces citoyens où ils puissent défendre leurs droits, s'exprimer librement et que, par des représentations sociales, ils puissent modifier ou influencer leur condition; et que, à travers les actions, les projets et les interventions qu'on fait, qui ont tous été conçus avec l'esprit et les causes des problèmes, on vise toujours l'émancipation des personnes, une place pour la socialisation et non pas la consommation passive des services.

Bref, au-delà de nos multiples services et projets, nos objectifs fondamentaux restent toujours que ces citoyens se réapproprient leur dignité, qu'ils aient des moyens d'agir sur leur vie, qu'ils se prennent en charge individuellement et collectivement et qu'ils exercent et conservent un pouvoir sur leur vie sociale et leur condition sociale. On est le soutien à l'expression démocratique.

Avant de passer la parole, le dernier point que j'aimerais soulever, c'est qu'avec plusieurs commissions et dans l'avant-projet de loi, on voit beaucoup le mot "complémentaire". Il y aurait peut-être une place pour les organismes communautaires qui seraient un complément aux autres services existants. Comme je l'ai dit, on est là depuis longtemps et on n'est pas contre la complémentarité. On est contre ou on n'est pas pour que les organismes communautaires complètent le travail d'un réseau qui ne fonctionne pas bien. Je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'on a besoin d'une réforme, mais on n'est peut-être pas d'accord sur la forme que la réforme devrait prendre. Je vais passer la parole à Michel Parazelli qui va soulever les aspects de notre réflexion.

M. Parazelli: Bonjour. Le constat général que nous pouvons faire est le suivant, c'est divisé en plusieurs points, entre autres au niveau de la régionalisation, l'efficacité, l'efficience, l'approche utilisée pour aborder le social et un peu une analyse globale du type de gestion qui est proposé dans l'avant-projet de loi et les orientations de i'ex-ministre, Mme Lavoie-Roux.

Le projet de régionalisation tel que formulé par l'avant-projet de loi est une fausse décentralisation politique, et nous ne pouvons y souscrire. En fait, on déconcentre au niveau de la conception politique et administrative des services, et on décentralise uniquement au niveau des tâches d'organisation du travail. C'est l'analyse qu'on en a faite. Cette réorganisation n'offre aucune autonomie régionale quant au choix des orientations. Contrairement au discours véhiculé par le ministère, cette régionalisation demeure initiée, orientée, dirigée et évaluée par le pouvoir central. Même le contexte structurel et les conditions politiques de la participation de la population à la gestion des services soulèvent de sérieuses questions sur le plan de la démocratie locale. En effet, on élimine ce qui reste de dynamisme local au profit d'un monstre supralo-cal ou sous-régional soumis lui-même à une régie régionale. En ce sens, les fusions d'établissements constituent une dépossession des pouvoirs locaux.

Au niveau de l'efficacité et de l'efficience, on parle beaucoup d'efficacité et d'efficience, mais de l'efficacité de quoi au juste? Ce n'est pas très clair, c'est comme si c'était évident, l'amélioration des services liés au bien-être et à la santé. Selon nous, l'efficacité et l'efficience mises de l'avant dans le projet de réforme relèvent plutôt d'une motivation électoraliste. En premier lieu, rendre visibles de façon efficace les actions posées par le gouvernement, c'est-à-dire transformer de plus en plus les actes médicaux et les relations d'aide en objets statistiques. Pour ce faire, on va Jusqu'à traiter les réalités sociales comme autant de problèmes à comptabiliser qu'il y a de spécialistes, sans se soucier des impacts négatifs de cette opération sur l'existence humaine. Dans ce contexte, orienter les objectifs sur les résultats n'est pas plus vertueux que de les orienter sur les services, cela revient au même. Parce que les résultats, c'est plus de l'ordre de la comptabilisation statistique des traitements qu'on offre plutôt que vraiment sur le bien-être de la personne.

La lunette d'approche du social, ça, c'est effectivement là qu'on a accroché le plus parce que c'est incompatible avec notre approche au niveau communautaire. Quand on nous interpelle pour nous associer, ça pose problème. La lunette d'approche du social, c'est l'épidémiologie. Dans le cahier des orientations de la réforme, nous remarquons que le ministère a choisi de développer une véritable épidémiologie sociale. Les techniques de dépistage et de mesures issues de l'épidémiologie viennent renforcer cette objec-tivation du social. Cette approche pose problème. Tout d'abord, les rapports sociaux sont les produits d'une culture et non d'un corps organique et encore moins l'objet de pathologies. Ce détournement pseudo-scientifique des réalités socioculturelles vers une vision biomédicale du social a comme conséquence de dissimuler les causes réelles des problèmes sociaux et de n'agir que sur les symptômes. De cette façon, le ministère centre le système sur les pathologies de la personne et non sur la personne. Ça, c'est fondamental parce que c'est là que, quelque part, on ne peut pas vraiment collaborer d'une façon évidente avec un réseau qui ne travaille pas vraiment sur la personne en tant que telle, mais uniquement sur des parties qui ne vont pas bien.

Comme si cela n'était pas suffisant, cet avant-projet de loi décrète le partenariat obligatoire et intègre les organismes communautaires à la standardisation institutionnelle de la production de services. De cette façon, l'État nivelle toute possibilité de répondre différemment aux besoins sociaux. Associée à la lecture épidémiolo-gique des réalités sociales, cette uniformisation des services et des actions sociales produira une marginalisation croissante des citoyens et des citoyennes. De quelle manière? En individualisant la responsabilité de leurs conditions de vie via les pathologies et en traitant l'existence humaine de façon dispersée et découpée. Bref, le ministère se dirige tout droit dans le sens contraire de ses objectifs: ajouter du bien-être, des années et de la santé à la vie. Par cette manière de gérer le social, les établissements publics se

mettent hors-jeu des milieux de vie des jeunes. Du côté communautaire, imaginez le non-sens. En réduisant les organismes communautaires jeunesse à des thérapeutes de la pauvreté, les jeunes devront traduire leurs besoins de socialisation en maladie pour avoir accès à une ressource du milieu. On augmente alors la pression sous le couvercle de la marmite. (11 h 30)

Par exemple, actuellement, à défaut de porter un regard sur les causes des problèmes sociaux, les professionnels sont amenés par les gestionnaires à considérer les jeunes sous l'angle de leurs dysfonctionnements sociaux et à les traiter par des techniques pseudo-préventives préconisant des modifications de comportement comme remèdes magiques. Bref, une politique mettant en oeuvre une répression préventive des comportements.

Las de se faire traiter en objets, de plus en plus de jeunes choisissent entre guillemets de vivre en rupture avec le monde institutionnel, ce dernier étant davantage préoccupé à justifier son travail qu'à répondre aux besoins existentiels des jeunes en tant qu'êtres humains. On peut presque qualifier cette situation "d'état de non-service" du monde institutionnel pour les jeunes. Au Québec ce sont les lois qui encadrent la vie sociale des jeunes: la loi 24, la loi des jeunes contrevenants, le monde scolaire et le service civil de l'aide sociale. Les jeunes ont plutôt besoin d'espaces de socialisation qui leur permettent d'acquérir un peu de pouvoir sur leur vie, et ce, de façon volontaire, pour souffler, pour respirer, pour apprendre à vivre collectivement, à définir eux-mêmes et non pas se faire définir leurs problèmes, leurs besoins et leurs projets, sans être obligés de se faire étiqueter "jeunes à risque". Bref, être supportés dans leurs initiatives sans que leur expérimentation sociale ne soit traversée uniquement d'interdits.

Pour ce qui est du type de gestion qu'on en retire, on appelle ça la consolidation de la gestion permanente du provisoire, compte tonu des approches proposées par l'épidémiolo'jle. Selon nous, l'avant-projet de loi et les orientations associées tels que proposés consolident la gestion permanente de solutions provisoires: une politique pour améliorer la gestion administrative de l'entreposage de ce que le Dr Jean Robert appelle les BPC sociaux, et non une politique pour améliorer le bien-être et la vie sociale des jeunes. En ce sens, elle participera certainement à renforcer le mouvement actuel de "dualisation" de la société. Vous êtes bien placés pour savoir que, tout comme les BPC, une catastrophe sociale entreposée trop longtemps explose un jour ou l'autre. Si vous ajoutez à ce sombre portrait les conséquences d'appauvrissement des autres réformes auxquelles les groupes communautaires ont été confrontés cette année, comme l'aide sociale, l'assurance-chômage, les politiques d'habitation et les autres qui auront des consé- quences à long terme comme la TPS, les modifi cations à la loi des jeunes contrevenants, le projet de loi sur l'avortement, nous pensons qu'à l'instar d'autres pays occidentaux, le Québec consolide et élargit l'état de sous-développement social, culturel et économique à de plus en plus de citoyens et de citoyennes. Dans ce contexte, l'amélioration du bien-être frise la supercherie politique, car les effets de cet avant-projet de loi s'ajoutent aux autres politiques d'appauvrissement. Voilà pour notre point de vue sur l'avant-projet de loi.

Ce n'est pas terminé parce que, si vous avez remarqué, on vous a apporté une tablette, pour y déposer tous les mémoires avec le nôtre, mais ce n'était pas non plus pour vous divertir ni pour être méchants. Dans le fond, c'est parce qu'on se pose de sérieuses questions sur la pratique démocratique de cette commission. Au moment où nous nous parlons, plusieurs aspects de l'avant-projet de loi sont déjà en application. Par exemple, dans certaines régions, la fusion d'établissements a été opérée. Il n'y manque que la sanction légale. D'autre part, nous apprenions par le Journal de Montréal, mardi dernier, que M. Côté a déjà pris la décision de créer des régies régionales. Cela expliquerait que certains CRSSS envoient déjà des formulaires de demande d'accréditation à des organismes communautaires, alors que d'autres, dans le cadre de l'application de la politique de santé mentale incitent déjà les organismes communautaires à s'inscrire dans des plans d'organisation de services. Ajoutez à cela la caution politique qu'un ministère a fournie à certains groupes d'établissements comme les centres d'accueil et les CSS, leur permettant d'imiter les hôpitaux et de se doter de fondations privées. Avec ces fondations, les établissements mettent sur pied des OSBL qu'ils appellent "communautaires", que vous appelez "structures intermédiaires" et que nous appelons "commu-nautiques". Ces organismes de services institutionnels puisent dans le réservoir réduit des ressources financières privées gouvernementales, mais avec beaucoup plus de moyens que les organismes communautaires. Et cette orientation existe depuis déjà huit ans. Ainsi, à quoi peut servir cette vaste consultation, entre autres, pour les organismes communautaires, quand nous constatons que les fonctionnaires du Service de soutiens aux organismes communautaires ont reçu comme mandat de normaliser les organismes? On a beau s'époumoner à convaincre les employés du ministère de nous laisser une certaine marge de manoeuvre pour agir de façon communautaire et non de façon institutionnelle, rien n'y fait, le mot d'ordre est lancé: Rationalisez les dépenses en réduisant les organismes communautaires à une fonction du système sans souci pour l'entorse ainsi faite à la vie démocratique. Bref, nous voyons bien que la machine des services sociaux et de santé n'attend pas après les résultats de cette commission pour amorcer la

réforme. Ainsi, nous ne vous demandons qu'une seule chose: limiter les dégâts. C'est pourquoi nous vous soumettons les revendications suivantes.

Attendu que nous ne voulons pas être réduits à des distributeurs de services thérapeutiques à des clientèles à risque pour être supportés financièrement par la régie régionale; attendu que nous ne voulons pas assujettir la gestion de nos services et de nos actions aux conditions de financement telles que proposées par l'avant-projet de loi sur la santé et les services sociaux; en continuité avec l'espace de gestion actuel, nous voulons être supportés financièrement au niveau provincial par le Service de soutiens aux organismes communautaires du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous voulons le statu quo, mais avec un freinage sur la normalisation qui s'y exerce. Nous demandons rétablissement d'une enveloppe budgétaire protégée, récurrente et réservée pour la réalité groupale jeunesse, administrée par le Service de soutiens aux organismes communautaires du ministère. Nous demandons la mise sur pied, au sein du ministère, d'une table de discussion formelle composée des regroupements des organismes communautaires jeunesse et des représentants du ministère afin de discuter des questions relatives au financement des organismes. Nous demandons le maintien du financement des regroupements régionaux et provinciaux d'organismes communautaires par le Service de soutien aux organismes communautaires. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. Effectivement, j'inviterais d'ailleurs les membres de la commission à aller consulter la tablette qui nous a été déposée. Elle est intéressante à consulter. C'est un rappel des mémoires déposés par vos groupes, j'en informe les membres. Évidemment, c'est très symbolique, puisque tous ces mémoires-là sont liés, fermés et bien gommés de telle sorte qu'on ne peut pas y avoir accès. Je comprends que vous avez fait des recommandations, des représentations et qu'un certain nombre d'entre elles n'ont pas été suivies. D'accord.

Vous me rassurez un peu, quand je vous entends, quant à l'avenir parce que je me dis: Si on n'est pas contestataire à 20 ans, qu'est-ce qu'on va être à 40 ans? Alors, j'aime vous entendre. Je ne sais pas s'il en ira de même de la part de mes collègues. Je vais céder la parole au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je ne sais pas trop comment commencer. Je commencerai en disant que ça me déçoit. Ça me déçoit, bien que je ne mette pas en doute ni en cause la bonne volonté et le désir de vraiment agir sur les besoins, les problèmes et, globalement, sur l'être humain, surtout dans son volet jeunesse, comme vous êtes un regroupement d'organismes communautaires jeunesse. Ça me déçoit dans le sens suivant. Vous prenez pour acquis, d'une part, qu'il y a comme un complot quelque part qui vise à exterminer ou à éliminer les organismes communautaires et, d'autre part, et c'est peut-être plus ça qui me déçoit, je vois un agir qui me rappelle beaucoup, et je vais le dire très sincèrement et très simplement, les meilleures défenses d'intérêts corporatifs que de grosses corporations ont pu faire ici devant les commissions parlementaires, non seulement ici, mais ailleurs, et c'est ça, ma déception. Je le comprends, par exemple. Je le comprends parce que je relève un peu ce que la présidente a dit: Si on n'a pas de coeur à 20 ans, qu'est-ce qu'on va avoir à 42 ans, dans mon cas, ou à 50 ans pour d'autres, etc., et je ne veux pas le banaliser en disant ça.

Je veux tout simplement vous soumettre qu'il peut y avoir des aspects partisans en politique, mais il reste fondamentalement, quand on aborde des problèmes d'organisation et de distribution de soins de services sociaux et de santé, qu'il faut quand même prendre une certaine distance et voir au niveau de son efficacité par rapport aux problèmes auxquels on est confrontés et auxquels on doit faire face, comme ensemble et comme société. Quand je dis que ça me déçoit, c'est dans le sens que vous avez présenté, à mon point de vue, une argumentation pour défendre un peu le point de vue de vos intérêts corporatifs, entre guillemets, je le disais dans le sens que, finalement, vous êtes des groupes privés, communautaires, mais privés, sans but lucratif et que, dans ce sens, vous représentez un point de vue qui regroupe celui de vos membres, celui des gens qui sont impliqués avec vous.

Nous avons aussi ici un système étatique dans le bon sens du mot, social, qui appartient à l'ensemble de la société, qui n'est pas composé strictement d'un point de vue des groupes privés. L'effort qui est sur la table, c'est de voir comment on peut composer ensemble sans dire que le monopole exclusif appartient aux grands penseurs de l'État qui vont déterminer ce que tout le monde va faire et écarter tous les autres joueurs de la scène, mais de voir comment on peut, d'une part, retourner le vrai pouvoir là où il devrait être, entre les mains des citoyens, tout en tenant compte que c'est un système pour lequel tout le monde paie et en reconnaissant également qu'il y a des intérêts privés sans but lucratif, qu'on appelle les organismes communautaires, qui ont un rôle à jouer. On le définit en accédant, par exemple, à la demande qui est là pour que les organismes aient un financement triennal, une reconnaissance dans la planification des programmes. On peut discuter de ce qu'est un programme-cadre par rapport à un programme sur des bases régionales, etc. Mais la volonté qui est mise de l'avant, je peux l'affirmer, c'est de définir effectivement les grandes orientations et

les politiques au niveau national ou provincial et d'opérationaliser et définir la programmation sur la base régionale en ayant une place en particulier pour les groupes communautaires.

Vous réclamez que le lien soit fait directement entre les groupes communautaires et le ministère, sans rendre de comptes finalement. Ça revient un peu à ça. Je vous poserai la question suivante: Supposez pour un instant qu'au niveau de la régie régionale, où, dans le collège électoral, II y aurait une part définie des groupes communautaires comme faisant partie des membres qui élisent le conseil d'administration, mais que, également, il y aurait... Vous demandez un budget protégé au niveau du ministère. Supposez pour un instant qu'il y ait un budget protégé pour de l'action communautaire au niveau régional, qui serait, en quelque sorte, partagé ou dont le partage serait décidé par l'instance régionale. Pourquoi seriez-vous contre ça?

M. Parazelli: II y a plusieurs trucs auxquels je veux réagir. Vous avez interprété qu'on voyait un complot, quand, en fait, c'est sous une autre forme beaucoup plus subtile que les choses s'associent, c'est-à-dire que nous... Premièrement, on vous a présenté des faits qu'il y a déjà des choses qui se font, malgré que l'avant-projet de loi ne soit môme pas adopté. Ce sont des faits. On n'Invente rien. L'Idée du complot, c'est davantage, je dirais plus, ce n'est pas ce dont on parle, on parle d'une association, d'une complaisance aux valeurs socioculturelles des intérêts techno-médicaux, par exemple, des intérêts des médecins ou de l'approche biologique du social. À ce moment-là, quand les gens s'associent à ça pour être plus efficaces et traiter les problèmes sociaux, nous sommes contre. Ce n'est pas l'idée d'être corporatif. Je me demande où vous allez chercher ça parce que quand on dit ça... Écoutez, qu'est-ce que nous répondent les jeunes quand on leur dit: Tu es un cas ou tu as une pathologie? Ce n'est pas pour nos intérêts corporatifs qu'on dit ça. À quelque part, il n'y a aucun droit d'émancipation dans cette perspective. Comprenez-vous ce que je veux dire? C'est dans ce sens que ce n'est pas... La société, au niveau de l'impact des politiques sociales qui nous sont tombées dessus depuis un an, favorise une marginalisation croissante des jeunes, qui sont de plus en plus en rupture des institutions. Ça, c'est à cause d'une approche d'efficacité du genre où on cite des problèmes sociaux, des trucs, on divise le jeune en trois ou quatre cinq mille parties et le jeune ne se reconnaît pas. Ils ont besoin des espaces d'émancipation et de socialisation que sont les groupes communautaires. C'est dans ce sens qu'on devient une nécessité, ce n'est pas pour défendre uniquement des intérêts corporatifs. Je ne vois pas où vous avez pu comprendre ça dans notre discours. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui veulent aussi réagir.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Gervais?

Mme Gervais: Oui. Sur la question des... Effectivement, on est des organismes privés sans but lucratif, mais on est redevables à nos membres. Nos membres, ce n'est pas n'importe qui, ce sont les jeunes avec qui on travaille. C'est une façon de faire participer les citoyens aussi. Je trouvais que, dans votre affirmation, c'est comme si on balayait cette façon de (aire et ça fonctionne: Les jeunes sont présents dans nos conseils d'administration, il y a des lieux de rencontre, ils prennent des décisions. Pour moi, c'est une forme de participation. Les jeunes, les gens qui travaillent avec eux, leurs parents sont présents dans nos structures. Donc, on n'est pas si corporatistes, en tout cas, je trouve ça un peu étroit la façon dont cela a été nommé. (11 h 45)

L'autre chose, c'est la question de la définition des grandes politiques. Une des façons de faire des organismes communautaires, c'est de définir nos politiques, nos programmes, notre façon de faire à partir du terrain, à partir des jeunes avec qui on travaille. Les jeunes, ça va vite. Ça change, ça se déplace. J'ai de grosses craintes à l'effet que des politiques générales soient quelque peu décalées de ce que nous autres on est capables d'observer et de vivre avec des jeunes sur le terrain. J'ai l'impression que quand on arrive avec des politiques gouvernementales... Bon, je peux prendre un exemple, la prévention contre les MTS et le sida, bien ça fait deux ou trois ans que nous autres, avec plus ou moins de moyens, on travaille là-dessus. À Montréal, parce qu'on est un regroupement montréalais, les gens se préoccupent de la violence parce que, bon, il y a eu des agressions et tout ça, et ça fait quelques années qu'on travaille là-dessus. Si on perd cette capacité de se servir de ce gros gros avantage qu'on a d'être avec les jeunes dans notre façon de travailler, dans notre façon d'identifier ce qu'on a à faire avec eux autres, je pense que, la, on perd une richesse importante des organismes.

Et l'autre chose que je voulais dire, c'est que dans la proposition amenée, ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas rendre de comptes. Je pense qu'on ne veut pas faire de vol, même si on travaille à certains moments avec des délinquants, on n'a pas nécessairement cette pratique avec l'État. Tous les ans, on remplit des demandes de subventions. Tous les ans, on envoie un rapport annuel. Tous les ans, on fournit des états financiers. On n'a jamais refusé de rencontrer quiconque du ministère. On s'est déjà vus. Je pense que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas rendre de comptes, mais on veut aussi que soient pris en considération les comptes qu'on rend à nos membres qui sont les jeunes avec qui on travaille. Dans les orientations,

surtout, il y a toute une préoccupation que les usagers soient parties prenantes des services - nous autres, on le fait depuis longtemps et on a peur que ça, ce soit mis en péril - pour que cet effort de démocratisation de rapprocher des citoyens, ça se fasse à un niveau autre que celui où ça se fait déjà... Et nous, on le fait et ça marche. On a peur qu'en se transformant, ça devienne plus gros. Montréal, c'est une très grosse ville. Ça va être difficile que le ou les représentants des citoyens à la régie régionale se sentent concernés de ce qui se passe dans tous les quartiers avec toutes les dimensions qu'a la vie montréalaise actuellement.

M. Sirros: Je veux clarifier une chose, d'une part. Je ne remets pas en question le fonctionnement démocratique des groupes. L'affirmation que c'est une présentation corporatiste, ce n'était pas dans le sens de dire que vous n'êtes pas démocratique, que vous ne définissez pas les orientations de vos membres et que ce ne sont pas vos membres qui définissent vos orientations, c'était par rapport à certaines demandes. On pourrait y revenir... Par exemple, que le financement des regroupements soit assuré par le ministère, que ce soit le ministère qui finance les groupes communautaires, parce que vous jugez, finalement... En tout cas, on pourra y revenir. Mais j'aimerais reprendre plus le fond de la discussion par rapport au communautaire, à son rôle et à son implication.

Je trouve ça intéressant, ceux qui viennent de vous précéder, la Clinique communautaire de Pointe Saint-Charles, c'est peut-être un excellent exemple. Je m'aventure peut-être un peu sur un terrain risqué parce que je ne connais pas tous les détails du fonctionnement de la clinique. Mais je me rappelle très bien, au début des années soixante-dix, quand la clinique commençait, qu'il y avait à peu près le même genre de positionnement qui disait finalement: Nous, on veut être à l'extérieur du réseau, on ne veut pas avoir de comptes à rendre, etc., mais on veut être financés et on veut définir nous-mêmes nos propres objectifs, etc. Vingt ans plus tard, il y a une clinique communautaire à Pointe Saint-Charles, dans un quartier très défavorisé, très difficile, avec de grands besoins, où, d'une part, l'esprit communautaire et l'implication des citoyens sont vraiment implantés et régnent et qui pourrait peut-être servir de modèle et, d'autre part, un groupe communautaire qui, en quelque sorte, est devenu l'équivalent d'un établissement, parce qu'il remplit le rôle d'un CLSC dans le coin. Il n'y a pas de CLSC dans le coin, parce que le gouvernement a reconnu l'organisme communautaire comme étant l'endroit où seraient dispensés les services que normalement un CLSC dispense. Je me dis: C'est peut-être un excellent exemple de ce que je voulais dire quand je dis qu'il y a une place pour les groupes communautaires, mais qu'il y a aussi une place pour une collaboration entre l'implication communautaire et la participation réelle des citoyens dans la gestion de leurs affaires et de leur prise en charge, et un système qui appartient à la collectivité où ces groupes ont un rôle à jouer. Ça devrait être possible de trouver des façons de faire cette jonction.

S'il y a des mesures concrètes ici où on trouve, où vous trouvez que ça ne va pas dans ce sens-là, qu'on en discute, on est là pour ça, mais qu'on écarte du revers de la main cette possiblllté-là en disant: Ce n'est pas possible, aussitôt que les groupes communautaires vont embarquer dans le système, ils vont être - c'est quoi, votre mot? - "internalises", comme si le système va les avaler tout d'un coup, les digérer et les déchiqueter, puis ils vont perdre leur spécificité... Je vous soumets tout simplement que tout n'est pas noir ou blanc et que peut-être on pourrait tirer profit de l'exemple de la clinique qui vous a précédés pour voir qu'il y a possiblement des voies intéressantes à suivre qui permettent de faire cette jonction entre le communautaire et l'étatique, dans le bon sens du mot, sans qu'on prenne des positions de part et d'autre qui disent: C'est noir ou c'est blanc, on veut être à l'extérieur ou on veut tous vous avaler. C'est tout ce que je voulais dire quand je disais que l'élément spécifique... On pourrait y revenir, parce qu'il me reste très peu de temps, c'est terminé.

Je permettrais peut-être à mon collègue de l'autre côté de poursuivre. J'imagine qu'il aura, lui aussi, des questions, peut-être pas dans le même sens; on verra. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous voulez répondre au ministre sur ça?

M. Moïse: Ce n'est pas de façon directe, mais peut-être que le ministre délégué voudrait quand même entendre des sons de cloche des jeunes, parce que les jeunes, quelque part, ont pris connaissance, à leur façon, de ce mémoire-là et ils pensent que le fait de s'intégrer à la même structure administrative de gestion de l'État, ça pourrait causer problème, comme on peut dire. Et je peux vous donner quelques réponses de jeunes à qui je demandais certaines questions, que j'ai notées. Il y en a eu beaucoup, mais j'en ai notées quelques-unes. La première question que j'ai posée, c'est à l'enfant d'un parlementaire qui fréquente nos locaux, ça tombe bien, qui me disait exactement ceci, parce que moi, je suis coordonnateur d'un projet qu'on appelle "Le repaire": Je ne suis pas prostitué. Est-ce que je ne pourrais plus venir ici si tout est étiqueté et rationalisé? Je ne suis pas prostitué, mais j'aime bien venir dans ce local-là parce que je peux communiquer, socialiser avec d'autres jeunes, je peux parler de prostitution. Le jeune, qu'est-ce qu'il voit? C'est qu'en rationalisant les choses, tel organisme est étiqueté "violence" et tel autre

"drogue" et tel autre... Ça, quelque part, c'est étriqué, c'est étroit. Je vais vous en donner d'autres: II y en a un qui m'a dit: Je ne viendrai plus ici si "Le repaire" devient le lieu exclusif réservé à une clientèle et je ne pourrai plus participer ou créer des choses.

Une autre affaire qui est bien importante, c'est quand... Un jeune m'a dit, j'ai noté ça ici: on va tous partir de ce local s'il devient rationalisé. On n'ira plus dans le réseau. On n'ira plus chez vous. Où est-ce qu'on va aller? Qu'est-ce qui va arriver avec ça? Les jeunes ne viendront plus chez nous, ne viendront plus, non plus, dans le réseau. Où est-ce qu'ils sont, ces jeunes-là? On ne fait pas de complot, là. Mais ce qu'on dit carrément, c'est que ces jeunes-là qui ne vont plus dans le réseau, ils ne viennent plus dans les organismes communautaires. Statistiquement, c'est déjà perdu. Donc, c'est très tentant quelque part de dire dans nos gros rapports qu'il y en a eu 15 % ou 20 % de moins. Mais où est-ce qu'ils sont, ces jeunes-là, à quelque part? Ce sont des jeunes qui ne veulent plus venir chez nous, parce que, nous autres, c'est tout le temps des jeunes de façon volontaire et qui viennent puis avec une certaine confidentialité.

Mais, lui, là, quand il voit "rationalisation", qu'est-ce qu'il pense? Je parle du jeune, et il faut écouter ce jeune qui parle, môme si J'ai 42 ans!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Moïse: Je vous donne le son des jeunes. Si vous avez une réponse, je peux tout le temps la refiler aux jeunes. C'est comme les bénévoles aussi, l'action bénévole. Il y a un bénévole de ce local-là qui pense sincèrement qu'il va être récupéré quelque part puis que l'action bénévole n'aura plus le même impact pour lui, parce qu'il est dans un système rationnel, tandis que le bénévolat, ce n'est pas tout à fait ça. En tout cas, je pourrais vous en donner une liste de choses comme ça. Je vais laisser la parole à d'autres personnes.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Très brièvement, M. le ministre.

M. Slrros: Tout ce que je veux dire, c'est que je trouve dommage, effectivement, que le cadre de ces considérations ne nous donne que quelques minutes, finalement, pour échanger sur des choses sur lesquelles on pourrait continuer longtemps. Je ne veux pas laisser l'impression que je ne suis pas à l'écoute de ce que les jeunes ont à dire, puis que je n'apprécie pas de recevoir ce genre de critique quand même, parce qu'effectivement...

M. Moïse: II y a une chose. C'est peut-être qu'il y a un manque de clarté quelque part, parce que les jeunes comme les plus vieux...

C'est peut-être qu'il y a un manque de clarté quelque part dans l'avant-projet de loi. Il peut y avoir des interprétations. C'est peut-être qu'il faut regarder par là aussi.

M. Sirros: Je pense que oui, on prend ce qui est dit pour pouvoir regarder de nouveau ce qu'on a dit.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue?

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Bien sûr qu'on va aller aussi dans le sens de l'interrogation du ministre, en commençant cependant par dire que s'il est déçu de votre approche, nous, on en est extrêmement réjouis. C'est rafraîchissant de vous entendre ce matin. Ce que vous nous dites d'entrée de jeu et ce que vous dites - non seulement à la partie gouvernementale - aux parlementaires, c'est que vous êtes en train de vous concocter une mécanique. Vous êtes en train de mettre au point tout un système et il n'y a pas eu de discussion sur les orientations, sur les objectifs, sur la façon de faire les choses, sur l'état des populations, sur l'état de catégories de populations comme les jeunes, et vous nous dites que vous êtes en train de poursuivre le raffinement de la mécanique et vous êtes probablement en train, par rapport à bien des égards, de tomber dans une espèce d'approche que vous avez qualifiée de techno-médicale, qu'on appelle aussi souvent le rouleau compresseur de la santé et du curatif, qui va nous chercher, mais dans les milliards et les milliards. Et vous refusez, en quelque sorte, de regarder non pas le symptôme, mais la cause, d'où ça vient profondément.

Le fait qu'on soit obligé - mais obligé littéralement et socialement - de consacrer des montants si importants, si fantastiques, finalement... Écoutez, on le répète parce qu'il faut le redire. On parle, on est en train de discuter ici du tiers du budget de l'État. S'il nous arrivait de prendre les mauvaises pistes, admettons ensemble qu'on se prépare de très mauvais lendemains. Et compte tenu aussi de ce que vous nous dites en ce qui regarde en particulier le mouvement communautaire - je l'appellerai portion jeunesse - puis qu'on a constaté ici, à cette commission, depuis quelque huit jours qu'on est en audiences, qu'on est comme très mal pris pour toute la clientèle, pour toutes les personnes qui sont de plus en plus vieillissantes, puis on a un très grave problème là, un problème de société qui se confirme de plus en plus - vous nous le redécrivez - un immense problème pour les jeunes, 18-25 ans, peut-être pourrions-nous dire 18-30 ans. (12 heures)

II ne resterait qu'une partie très congrue de la population qui serait, possiblement, dans une situation un peu meilleure. Et, si on s'en Va,

avec notre population vieillissante, vers des problèmes affreux - on ne se prépare pas, non plus, à en vivre, des problèmes non moins affreux, avec ce qui se passe au niveau des jeunes, si on parle de précarité dans l'emploi, de situation de la pauvreté, d'impossibilité d'augmenter actuellement l'employabilité - et qu'on s'intéresse uniquement à la rationalisation, à la rationalisation budgétaire peut-être nécessaire du système en disant: Où est-ce qu'on va en poigner le plus possible pour rapetisser les coûts, pour rapetisser l'assiette budgétaire que l'on consacre aux problèmes qu'on s'est créés collectivement? C'est à cet égard-là que je trouve rafraîchissante... Parce que vous nous donnez comme une taloche, mais une bonne taloche qui va, je l'espère, obliger la nécessaire réflexion au niveau de la poursuite du travail - en particulier, je fais comme ça, parce que c'est une responsabilité ministérielle - au niveau du nécessaire travail à réaliser dans la préparation d'un projet visant à définir... À cet égard-là, il y a quand même lieu d'avoir un certain nombre d'inquiétudes quant à votre perception des choses et la mécanique qui est voie de se préparer.

Ces régies régionales, encore une fois, ici, vous nous décrivez, par votre première recommandation, par le Service de soutien aux organismes communautaires du ministère de la Santé et des Services sociaux, votre préférence, en quelque sorte, pour un endroit protégé - on le comprend bien - mais centralisé, au lieu d'aller vers ce qu'on pourrait appeler le monde plus proche, le monde qui connaîtrait mieux nos affaires. C'est difficile. Je vous le dis franchement, moi qui suis d'une région qui s'appelle l'Abitibi-Témiscamingue, j'ai bien de la misère avec ça, parce que, vous voyez, mes jeunes, sur la rue Reilly, à Rouyn, mes jeunes à Ville-Marie, à Témiscaming, quand ils sont poignés pour aller parler à un appareil central, ils se sentent comme avalés par une très grosse machine. Ils sentent comme une impossibilité à avoir de l'influence sur la machine. Est-ce qu'il y a une voie, quelque part, qui nous permettrait de réaliser cette nécessaire décentralisation, et non pas déconcentration, comme vous l'avez si bien expliqué dans votre document, et, pour employer un langage un peu plus commun, que les jeunes aient, en termes de système de santé et de services sociaux, des poignées, au niveau communautaire? Est-ce qu'il y a des voies?

M. Parazelli: Moi, ce que j'aimerais dire par rapport à ça, c'est qu'on trouve que ça va un peu trop vite, pas dans le temps, mais dans les gestes posés au sein du gouvernement, dans ses rapports de partenariat avec nous autres, dans le sens que, là, on veut tout de suite... Au moment où on dit qu'on reconnaît le communautaire, on s'en débarrasse dans les régions. Mais quelle reconnaissance a-t-on eue au sein du ministère lui-même? Il n'y a aucune place où on peut effectivement discuter comme on le fait là. Non, il n'y a aucune place, au sein du Service de soutiens aux organismes communautaires, où on peut discuter de notre financement, des réalités avec lesquelles on travaille, etc. C'est sur des projets ponctuels, comme sur la violence, que vous nous avez invités à un moment donné. Mais il n'y a aucun endroit. Il faudrait peut-être prêcher par l'exemple, au sein même du ministère, là-dessus, et commencer à s'attabler pour commencer à parler. Ce n'est même pas fait. C'est dans ce sens-là qu'on trouve Important de dire que la régionalisation, c'est beau, mais, quelque part, il faudrait au moins commencer à se parler de ça.

L'autre aspect, c'est plus... En tout cas, je vais y revenir parce que...

M. Trudel: Au niveau des régies régionales, que le communautaire, qu'on puisse s'adresser à...

M. Parazelli: Ah oui!

M. Trudel: Je dis régies, mais mécanisme régional.

M. Parazelli: Le fait du rapprochement au niveau des régions. Nous autres, ce qui nous préoccupe, c'est que les jeunes aient plus de pouvoir sur leur vie, à travers nos associations. C'est pour ça qu'on a un fonctionnement démocratique. Si on va dans une région, même si on dit qu'elle est plus proche physiquement, mais dont l'approche, dont les niveaux décisionnels sont plus loins, par exemple, du niveau de pouvoir, on va aller directement là où on en a eu un plus fort qui est au service de soutien aux organismes communautaires; c'est comme une logique d'intérêt, tout court. On n'ira pas se mettre la main dans l'engrenage quand on sait qu'elle va se faire arracher. C'est dans ce sens qu'on dit que c'est plus proche malgré l'éloigne-ment physique.

M. Trudel: Madame.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Chicoutimi.

M. Trudel: Non, non.

La Présidente (Mme Marois): Non? Excusez-moi. Oui.

M. Trudel: C'est parce que madame voulait continuer.

Mme Gervais: Je pense qu'il y a aussi une pratique. Ça a été mentionné par les gens de la clinique tantôt. Il y a une certaine pratique douloureuse des rapports particulièrement avec les CRSSS. J'ai, par hasard, un exemple qui s'est

passé dans votre région il y a quelques années où un ensemble de groupes communautaires se sont mis ensemble, dans le cadre d'un sommet socio-économique, pour essayer d'avoir une plus grande reconnaissance. Ils ont demandé l'appui au CRSSS, qui leur a été refusé. Et après, tu vas t'en aller te faire diriger et fonctionner avec ces gens-là? C'est un peu inquiétant; c'est môme très inquiétant. Comment cela pourrait-il se faire? Je pense que ça prendrait des études, mais |e sais que la piste "régie régionale" me semble très très hasardeuse d'autant plus que - et là, Je vais revenir à un exemple plus montréalais -pour nous... Moi, je travaille dans un organisme qui va se trouver à couvrir trois régions administratives, petit détail. Je prends le point de service qu'on a à Longueuil. Les jeunes de Longueuil vivent une force d'attraction vers Montréal, ce qui est normal: un pont à traverser, un métro à prendre, et on est rendu au centre-ville de Montréal. Ce qui fait que la dynamique et la réalité de ces jeunes-là sont beaucoup plus proches de celles de Montréal que de celles de Saint-Hyacinthe ou de Granby, sauf qu'admlnls-trativement, maintenant, ils vont relever de... Il va y avoir une espèce de... Et ça n'a pas de sens pour les jeunes. Je ne veux pas parler pour les autres, mais les jeunes voyagent. Montréal est une force d'attraction importante. Les jeunes de Laval s'en vont au centre-ville de Montréal. Et ces dynamiques-là, ça nous permet de travailler avec tout ça autant quand Ils sont à Laval que quand ils sont à Montréal. Mais les jeunes ne respectent pas le découpage administratif. Le pont, ce n'est pas énervant; un autobus, ça se prend. Comment va-t-on faire, nous, après, pour travailler avec ce que vous allez imposer comme réalité? Je ne sais pas. C'est très très inquiétant.

La Présidente (Mme Marois): Allez-y, M. le député, oui.

M. Trudel: Le temps file et c'est vraiment malheureux. Est-ce qu'on peut conclure de votre intervention qu'à la suite d'expériences, mais extrêmement malheureuses, que vous venez de décrire dans ma région - ce qui est connu, communément appelé le coup des ballons du sommet socio-économique, vous vous en souvenez? La conscience du ministre était là à l'époque aussi, le coup des ballons sur le communautaire - l'histoire et les pratiques des CRSSS ont été tellement terribles entre guillemets, à certains égards, que ça se transporte sur un terrain de la méfiance généralisée sur un organisme plus démocratique, plus représentatif qui s'appellerait, ici, la régie régionale? Par ailleurs, vous dites: À ce prix-là, on aime mieux, encore une fois, ministre et central, parce qu'on a au moins une poignée là-dessus, on en a au moins une; c'est qu'on peut faire de la pression de type politique, y compris contribuer à faire renvoyer le ministre chez lui si ça ne faisait pas notre affaire. C'est la démarche de la démocratie. Si on se donnait, au niveau des régies régionales, des organismes régionaux décentralisés véritablement, les mêmes mécanismes en clair, en net et en précis, et si ces organismes étalent administrés par des conseils d'administration élus - des élus au sens d'élection universelle, large participation, et pas des collèges électoraux, mais des élections au suffrage universel - est-ce que ça pourrait contribuer, d'une part, à cette espèce de garantie minimale que vous retrouvez actuellement au ministère, même si c'est loin, même si ça peut être difficile en particulier pour certaines régions? Est-ce que ça pourrait être une garantie suffisante de dire: On veut bien travailler avec notre monde, mais on veut être capables aussi de les renvoyer lorsque ça ne fonctionne pas et d'avoir le contrepoids? Est-ce que ce serait une forme qui pourrait nous permettre de rejoindre, par exemple, vos objectifs?

M. Parazelli: C'est sûr que ce serait à étudier, comme je vous dis, il faudrait la regarder. Ce n'est pas comme ça qu'on va vous répondre tout de suite, de même. C'est clair, par exemple, que ça créerait, vite de même, un intermédiaire de plus aussi. Là où je trouve qu'on est peut-être mal compris, c'est quand vous parlez de méfiance. Ce n'est pas une méfiance aveugle ou comme si on avait été échaudés. Les gens qui... Parce qu'on a été d'ailleurs commissaire comme regroupement, pendant sept ans, aux CRSSS de la région de Montréal. Donc, on en a du bagage dans ce sens-là. Ce qu'on a remarqué, c'est l'analyse qu'on fait aujourd'hui, c'est le pouvoir techno-médical qui est sous-jacent à une vision de la santé, du social mais plus que ça, du communautaire. C'est là qu'on trouve qu'il y a un problème. C'est au niveau de la conception politique du gouvernement à investir dans l'action communautaire. C'est que tu ne peux pas faire ça comme une institution. Une action communautaire, ce sont des initiatives des citoyens. Donc, tu dois prendre le risque, comme gouvernement, d'attendre un bout de temps et que l'expérimentation se fasse et, après, d'avoir des résultats. Mais ce sont les résultats. On ne peut pas planifier le communautaire. Le communautaire demande des ressources seulement. C'est ça... C'est au niveau de la conception politique de l'investissement dans l'action communautaire qui pose problème actuellement au gouvernement. Ce n'est pas l'une des branches du social ou de la santé ou de ci ou des loisirs ou de n'importe quoi. Ça ne se gère pas de cette manière-là.

M. Trudel: Une minute.

La Présidente (Mme Marois): Très bref, M. le député. Après ça, Mme la députée de Chicou-

timi, vous aurez une question seulement parce que notre temps... On est vraiment... On a pris du retard un peu.

M. Trudel: Le moins que l'on puisse penser, c'est que s'il existait ces organismes, ces régies régionales, il faudrait prévoir les audiences publiques annuelles de discussions et d'échanges et qu'on arrête de dire comme on dit ce matin: C'est vraiment trop court, c'est vraiment trop difficile, c'est vraiment rapetisser dans le temps, pour qu'on puisse aller au fond de choses extrêmement intéressantes, comme vous nous le soulignez ce matin.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Chlcoutimi.

Mme Blackburn: Un bref commentaire. Je pense que ce qu'il faut se dire ici, je pense que la conclusion de Rochon était claire: Les CRSSS tels qu'on les a connus et qu'ils existent, il faut mettre un X là-dessus. Parce qu'ils avaient été un peu envisagés, au départ, comme étant des organismes à la fois boîtes à lettres du ministère, mais aussi à la fois porte-parole des besoins de la région. Mais on a réalisé, à l'usage, que la très grande majorité d'entre eux sont devenus les bras du ministère et du ministre, avec tous les effets que vous signalez que je connais. Et je pense que ça a été la conclusion. La plupart des intervenants qui sont venus Ici ont dit: Le CRSSS tel qu'il a été conçu et tel qu'il exerce actuellement ses activités, il faudrait mettre un X là-dessus. SI on veut vraiment décentraliser et non pas déconcentrer, il faut revoir une structure qui a de véritables pouvoirs sur les orientations des services de santé et des services sociaux dans les régions, ce que je partage. Mais l'État, pour qu'on fasse ça, on ne commence pas par les structures, on commence par définir des grands objectifs nationaux: la santé. Ça, c'est la responsabilité de l'État et du ministère. Le deuxième: les grands principes généraux que sont la gratuité et l'accessibilité, l'équité dans le partage des ressources. Ensuite, vous décentralisez et les régions ont la responsabilité d'établir les moyens de rejoindre les objectifs. C'est comme ça que ça se... Quand on parle de décentralisation, c'est ça. Alors, moi-Juste une question. Je sais, parce qu'il y en aurait trop, mais... Le problème qui s'est posé par rapport aux organismes communautaires, ce que j'ai constaté au cours des quatre dernières années, ça a été les coupures sombres dans les budgets reliés aux tables de concertation nationales ou aux regroupements nationaux. A un moment donné, on a dit: Les organismes paieront, mais le gouvernement ne paie plus, là. Et je sais qu'ils se sont retirés un peu partout, et l'effet net, c'est que ça réduit ou ça réduit le nombre de rencontres, mais ça empêchait, à toutes fins utiles, ces organismes-là de se concerter pour voir ce qui se faisait un peu partout, de se consulter et d'établir des stratégies d'intervention. Moi, ce que je me demandais et c'était là ma question: Est-ce qu'on pourrait penser une régionalisation telle que je l'entends, une fois que les grands objectifs sont arrêtés? Les régions se donnent les moyens qui correspondent à leur situation économique et sociale, mais nos organismes communautaires devraient bénéficier d'un budget, les regroupements de ces différents organismes, qui leur permette de maintenir, au plan national, le contact pour à la fols mieux comprendre ce qui se passe dans les différentes régions, pouvoir faire certaines évaluations, partager les expériences heureuses ou malheureuses. Et ce budget devrait venir d'un organisme central et ne devrait pas dépendre des organismes membres non plus que des régies régionales. C'était un peu l'idée que j'avais brassée. (12 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez-y.

Mme Gervais: C'est sûr qu'on est d'accord. Je pense qu'il faut qu'un maintien se fasse au niveau du financement des organismes, des regroupements tant nationaux que régionaux. Mais on n'exclut pas du tout la participation des groupes membres. Je pense que la plupart des regroupements ont un financement mixte, à la fols des cotisations des membres et des subventions qui viennent de Québec. On pourrait éventuellement augmenter la participation des membres, sauf que les subventions données aux membres sont tellement dans un piètre état qu'on se retrouve dans une situation de double contrainte. Ce n'est pas qu'on ne veuille pas que... Je pense que c'est important aussi que les groupes membres s'investissent dans leur regroupement; par contre, il faut donner les moyens pour que ça se fasse. Je pense que le financement mixte est intéressant dans ce sens-là, comme il fonctionne actuellement. C'est pour ça qu'on demande le maintien.

Mme Blackburn: La question était: Comment s'assurer que ces organismes continuent de jouer un rôle important lorsqu'il s'agit de transmettre les Informations, pour savoir comment ça se passe d'une région à une autre ou d'un organisme à un autre? Je trouve que c'est majeur lorsqu'on veut évoluer. Et s'assurer, en même temps, que les organismes ne soient pas tous formés sur le même modèle. Votre crainte - est-ce que vous ne dites pas - que j'ai entendue souvent, c'est: De plus en plus, les organismes communautaires risquent de devenir des sous-traitants du système? Parce que c'est ça. Quand on dit: II faudrait juste s'occuper des jeunes prostitués, comme vous le disiez tout à l'heure, et, là, ça exclurait tous les autres; ça veut dire que là, on est en train de se donner un modèle unique. C'était l'idée que j'essayais de voir. J'essayais

de voir, dans la pratique, comment on pouvait garder les avantages du système d'un regroupement régional et national et, en môme temps, s'assurer que les décisions locales, régionales correspondent le mieux possible aux besoins locaux et régionaux. Pour mol, c'était davantage dans le sens d'une véritable décentralisation des moyens.

La Présidante (Mme Marois): Un commentaire bref, s'il y a lieu. Oui?

M. Parazelli: Oui. Je pense que, môme au niveau de la commission Rochon, cette tendance à la médicalisation du social était présente. O.K. Donc, quand on arrive à des moyens comme "déréglonallser", on n'est pas plus en accord sauf qu'effectivement, quand c'est un pouvoir accru, on dirait: C'est quand môme mieux. Sauf que ce n'est pas ça. Ce n'est pas là. Ce n'est pas au niveau des régions, pour nous autres. Ce ne sont pas des moyens de gestion du système. C'est qu'est-ce qu'on gère? C'est quoi qu'on gère? Et c'est ça qu'on questionne ici. Est-ce que ce sont des problèmes pathologiques ou si ce sont, dans le fond, des réalités humaines qui sont globales? Dans ce sens-là, l'action communautaire est inhérente à l'initiative des citoyens pour essayer de chercher et de s'enligner dans des projets, etc., qui répondent beaucoup plus à leurs besoins. C'est dans ce sens-là que l'appel qu'on fait beaucoup plus, c'est au niveau bien plus de votre conscience sociale ici, dans le sens que l'initiative des citoyens, est-ce important? Donc, est-ce que c'est de choisir de le rattacher à un système d'État ou si c'est de lui laisser souffler et respirer un peu pour qu'il y ait un minimum de liberté afin qu'il y ait autre chose qui puisse exister dans le social et au niveau de la santé? C'est carrément là que se pose la question. Ce n'est pas corporatif, c'est purement et simplement une analyse de la société dans le sens de laisser un peu de marge de manoeuvre aux gens qui sont marginalisés déjà et exclus.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Bourget, très brièvement.

Mme Boucher-Bacon: Oui. Je ne voudrais pas non plus prendre trop de temps, dans ce sens que je voudrais partager un peu le point de vue du ministre délégué à l'effet que je trouve votre mémoire, l'ayant lu, pas trop rafraîchissant et pas trop réjouissant, comme le disait le critique des services sociaux du Témiscamingue, M.Trudel.

Quand je lis, moi, des "monstres supra-locaux", la guerre des groupes d'intérêt, un bas d'écluse, décontamination sociale, souffrir d'amnésie volontaire, hypermarché des services sociaux et communautique, je me pose de sérieuses questions sur la jeunesse d'aujourd'hui. Je tiens à vous dire que j'étais sensée ou, enfin, j'avais comme conscience sociale de me pencher sur les services communautaires pour pouvoir essayer de convaincre ou changer des choses. Mais, à vous entendre aujourd'hui, ça ne me réjouit pas d'essayer de vous défendre. J'aurais aimé entendre Ici un cri du coeur qui m'aurait permis de savoir ce que vous faisiez pour améliorer la drogue, les courants sociaux, la délinquance, la prostitution, qui m'aurait encouragée à vous supporter. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Peut-être oui, s'il vous plaît, un commentaire?

M. Rlvard: Pour pouvoir avoir une idée de tout ça. de ce qu'on fait et comment on te fait, je vous Invite à passer chez nous n'Importe quand.

La Présidente (Mme Marois): C'est sûrement une invitation que l'ensemble des membres de la commission reçoivent et, à un moment ou à un autre, à laquelle ils accéderont, c'est-à-dire qu'ils accepteront cette invitation et sûrement qu'ils vous rencontreront.

M. Slrros: Un mot de remerciement. Même si j'ai exprimé une certaine déception au début, je veux vous remercier pour la vigueur de votre présentation, la sincérité de votre engagement. Je pense que, en dépit de tout ce qui a été dit, il y a une voie sur laquelle on peut développer un partenariat intéressant, réel et démocratique entre la société comme un ensemble et les groupes communautaires que j'appelais des groupes privés sans but lucratif. Ils le sont, mais ils travaillent aussi pour le bien commun et je le crois. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. On vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

J'inviterais maintenant les représentants du centre hospitalier de St. Mary, du Centre hospitalier des convalescents de Montréal, du Centre d'accueil Father Dowd et du CLSC Côte-des-Neiges à venir prendre place à la table, s'il vous plaît.

Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission. Nous vous invitons à nous présenter votre mémoire en le ramassant à l'intérieur d'une vingtaine de minutes, au maximum. Je préviens d'ailleurs les membres de la commission que je vais resserrer un peu les contrôles, même si je n'aime pas trop ça, mais ce sont des règles que nous-mêmes avons acceptées, que l'on enfreint, à l'occasion. Évidemment, c'est toujours très intéressant, de toute façon, d'entendre les groupes qui se présentent devant nous.

J'inviterais la personne qui est porte-parole pour le groupe à se présenter et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Centre hospitalier de St. Mary, Centre

hospitalier des convalescents de Montréal,

centre d'accueil Father Dowd et

CLSC Côte-des-Neiges

M. Nucci (Constant): Mme la Présidente, M. le ministre délégué, membres de la commission, je suis Constant Nucci, le directeur général du centre hospitalier de St. Mary. J'aimerais vous présenter mes collègues: du centre d'accueil Father Dowd, représenté par son directeur général, M. Al Eisenring; du Centre hospitalier des convalescents de Montréal, représenté par son directeur général, M. Michel Brunet; et du CLSC Côte-des-Neiges, représenté par son directeur général, M. Jacques Lotion.

Ce mémoire vous est présenté conjointement par quatre institutions du territoire du CLSC Côte-des-Neiges. Nous vous sommes reconnaissants de votre invitation et vous en remercions. Nous vous souhaitons tout le succès possible dans votre mandat, lequel est si difficile mais si terriblement important. Mes collègues m'ont demandé de faire la présentation et je les remercie de ce privilège.

Ma présentation n'est pas un résumé du mémoire mais des commentaires additionnels, à l'exception de ce qui concerne les comités, les conseils d'administration. En général, nous croyons à la philosophie et à l'esprit qui animent l'avant-projet de loi. Par des efforts de collaboration, de rationalisation, un usage judicieux des ressources, une responsabilité fiscale, nous désirons offrir des services de santé et des services sociaux à nos patients, allant de la promotion de la santé et la prévention des maladies jusqu'au traitement des maladies aiguës, la réadaptation, les soins à long terme et des services à domicile pour la communauté. Nos quatre institutions situées dans le secteur du CLSC Côte-des-Neiges sont particulièrement sensibles 'au fait que notre communauté est caractérisée par une proportion élevée de gens âgés et par le multiculturalisme.

À la page 19 du document "Orientations... Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec", on trouve, dans le choix des objectifs ce qui suit: "Pour améliorer la santé et le bien-être de la population, le système de services doit enfin adopter des objectifs qui concourent simultanément à: Ajouter des années à la vie... Ajouter de la santé à la vie... ajouter du bien-être à la vie..." Avant même la publication du document "Orientations" nos quatre institutions ont collaboré ensemble avec ces objectifs en vue. Les premiers efforts de collaboration entre nous ont débuté, il y a deux ans, avec le CLSC Côte-des-Neiges et le Centre hospitalier de St. Mary.

Des comités des deux institutions ont été formés en administration, médecine familiale, gériatrie, soins à domicile, services obstétriques et psychiatrie. De plus, les conseils d'administration, aussi bien du CLSC que du Centre hospita- lier de St. Mary, ont approuvé, en principe, le déménagement du CLSC sur le site de l'hôpital. Aussi, les résidents en médecine familiale reçoivent leur formation des médecins de St. Mary au CLSC Côte-des-Neiges, les deux établissements faisant partie de la Faculté de médecine de l'Université McGill. Au cours des dernières années, les directeurs généraux ici présents, représentant les quatre établissements, se sont réunis pour établir des mesures concrètes afin d'assurer une meilleure coordination entre eux et une continuité au plan des services offerts à nos patients.

Les cadres supérieurs de nos quatre établissements se sont ensuite réunis pour discuter, poursuivre des négociations et accélérer le processus. Les services qui se prêteraient bien au partage et à une meilleure coordination sont les suivants: la formation, la physiothérapie, la pharmacie, la buanderie, l'imprimerie, service dentaire, services sociaux, réadaptation, comptabilité, les ressources humaines, médecine familiale, la planification, le transport, la diététique, les laboratoires, les soins palliatifs. Afin d'atteindre les objectifs précédemment mentionnés, tout en étant respectueux de la nature, de l'historique, des réalisations antérieures, de la mission, de l'individualité et du support culturel de chaque institution, il nous semble impérieux que St. Mary maintienne pleinement son affiliation universitaire et soit classé comme un hôpital universitaire; deuxièmement, de conserver nos conseils d'administration respectifs et non un conseil d'administration pour l'ensemble des établissements quand il s'agit de leur siège social dans le territoire d'un CLSC comme celui de Côte-des-Neiges. La coordination parmi les quatre établissements pourrait être assurée par un comité formé par les directeurs généraux qui, à leur tour, feraient rapport à leur conseil d'administration respectif. Et ceci fonctionne maintenant très bien pour nous.

Je vais maintenant expliquer le point de vue de l'hôpital St. Mary en ce qui touche ses propositions, St. Mary comme hôpital universitaire. St. Mary a toujours été, depuis sa fondation, un hôpital d'enseignement affilié à l'Université McGill. Il a fait appel à beaucoup de ressources, tant humaines que financières, pour bâtir sa réputation dans le domaine de l'enseignement. (12 h 30)

Au cours des dix dernières années, environ 1 000 000 $ provenant des fonds de la fondation de St. Mary ont été consacrés à des services de support pour l'enseignement, excluant le salaire de certains professeurs. Notre rôle dans le domaine de l'enseignement nous permet de nous attirer un personnel très compétent qui rehausse la qualité des soins que nous dispensons.

St. Mary remplit toutes les exigences décrites à l'article 34 de l'avant-projet de loi, à l'exception du fait qu'il ne possède pas de centre

ou d'institut de recherche dûment reconnu par le Fonds de recherche en santé du Québec. En 1986, notre demande à Mme Lavoie-Roux a été refusée, malgré le fait que nous étions prêts à investir 1 000 000 $ en immobilisations. La raison invoquée pour le refus, que nous avons très bien acceptée, était que ni le ministère ni le FRSQ ne pourraient supporter les frais de fonctionnement de ce nouvel institut. Par conséquent, St. Mary a poursuivi ses travaux de recherche, sans avoir un institut comme tel.

Les fonds alloués pour la recherche par la Fondation de l'hôpital St. Mary au cours des quinze dernières années sont de près de 2 000 000 $. Je pourrais, de façon plus détaillée, vous donner un rayonnement de notre recherche. Le personnel de St. Mary, affecté à l'enseignement universitaire, comprend 206 personnes. Nous sommes également fiers de notre affiliation avec le département de médecine dentaire à l'Université de Montréal. St. Mary a eu au cours des années et a encore des résidents dans certaines spécialités médicales, notamment, chirurgie, pathologie, psychiatrie, orthopédie, urgence, soins intensifs. Dû à la diminution du nombre de résidents dans le réseau et aussi probablement au fait que nous étions un hôpital affilié et non un hôpital totalement universitaire, selon la classification des hôpitaux à l'Université McGill, au cours de ces dernières années, le nombre a diminué à St. Mary peut-être - non, pas peut-être - a plus diminué, en comparaison avec les autres hôpitaux du réseau de McGill.

Contrairement aux établissements de soins tertiaires qui traitent les pathologies peu communes, St. Mary soigne un grand nombre de maladies couramment rencontrées dans la population du Québec. Les institutions offrant des soins tertiaires sont fières, et avec raison, de pouvoir former des médecins très spécialisés qui sont principalement intéressés à la recherche et à un enseignement hautement spécialisé. La même fierté et la même considération devraient exister, mais ceci n'existe pas, ce n'est pas le cas, pour la formation des spécialistes et des médecins en médecine familiale qui devront soigner des maladies fréquemment rencontrées au sein de la population en général.

En plus d'avoir l'expertise, le volume de patients, le désir et la fierté de soigner des malades observés quotidiennement à St. Mary, nous offrons, dans le cadre de notre enseignement, une approche globale en ce qui concerne les soins offerts aux bénéficiaires. Cela est possible grâce à la continuité des soins offerts à la communauté par le CLSC Côte-des-Neiges, grâce aux liens que nous entretenons avec le Centre hospitalier des convalescents de Montréal, dans le domaine de la médecine de réadaptation et des soins palliatifs, et avec le centre Father Dowd, dans le domaine de la gériatrie. Notre programme de médecine familiale offre également la possibilité de rotation à la Baie-James,

Chlbougamau, Shawvllle, Hull, Cowansville et au CLSC Côte-des-Neiges.

Donc, est-ce que le fait de former des médecins qui seront appelés à soigner des patients atteints de maladies courantes à travers la province a moins d'importance que le fait de former des scientifiques? Or, l'hôpital qui dispense de l'enseignement dans cette dernière catégorie de médecins lui vaut d'être classifié comme hôpital universitaire, tandis que l'hôpital qui dispense de l'enseignement à la catégorie précédente de médecins ne bénéficie pas de cette même considération. Ce genre d'hôpital est considéré comme un hôpital de seconde classe et est simplement affilié à une université sur une base de contrat.

Il y a également toute la question des réalisations personnelles à l'intérieur de la Faculté de médecine. Cela s'accomplit grâce à la possibilité de siéger sur des comités, à l'accessibilité à une formation poussée, à l'échange des idées et au fait de pouvoir se tenir constamment à jour. Je voudrais très fortement insister sur le point suivant, que le plus grand avantage d'un statut universitaire serait que St. Mary pourrait exercer une plus grande influence au plan des programmes d'études destinés à nos médecins, de façon à les orienter en fonction des besoins de la personne et de la communauté dans son ensemble. Mais cela ne sera pas possible si nous ne sommes pas liés de près au statut universitaire. Nous devons accorder le même statut à ceux qui dispensent un enseignement aux étudiants en médecine qui devront soigner un grand nombre de patients qu'à ceux qui donnent une formation dans un domaine médical très spécialisé et la recherche. Si cela n'est pas fait, la vocation des soins primaires et secondaires sera reléguée au second plan. Cela a malheureusement été le cas dans le passé et nous avons dû en subir les conséquences.

Le conseil d'administration. D'après notre expérience dans le domaine, nous croyons que le fait de conserver nos conseils d'administration respectifs assurerait une continuité au plan de la gestion, le maintien des services du bénévolat et l'Injection de fonds considérables. Nous craignons que l'application de la législation proposée nous fasse perdre beaucoup dans ces trois domaines. Il n'y aurait plus de sentiment d'appartenance envers une institution ou un hôpital, ni de continuité. Nous risquons également de perdre de nombreuses heures de bénévolat qui nous permettent d'offrir des services de qualité supérieure.

Si nous étions en présence d'un conseil unifié qui représenterait plusieurs établissements, nous risquerions de ne pouvoir obtenir des sommes aussi substantielles lors des campagnes de levée de fonds. Nous croyons que par le biais d'un comité dûment structuré des directeurs généraux, qui ferait rapport à leur conseil d'administration respectif doté d'un mandat spécifique de collaboration, il serait possible

d'atteindre les objectifs énoncés dans l'avant-projet de loi. Notre expérience vécue avec les quatre établissements a déjà fait ses preuves.

De cette manière, nous pourrions être assurés de l'expertise, de la continuité, de même que de la participation d'un nombre important de bénévoles qui représentent la vaste communauté desservie par St. Mary.

Nous croyons fermement que si les citoyens et les bénéficiaires constituent un élément important dans le domaine de l'administration d'une institution, il est aussi important de maximiser l'expertise au sein du réseau. Par conséquent, nous quatre recommandons que le conseil d'administration soit composé de façon suivante: trois membres nommés par la corporation propriétaire; un membre nommé par l'université; un membre nommé par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens; un membre nommé par le ministère et trois membres dont un nommé, respectivement, avec l'approbation du ministre, par le CLSC, le Centre d'accueil Father Dowd et l'Hôpital des convalescents de Montréal; le centre hospitalier de St. Mary nommera également un membre à chacun des conseils respectifs des autres institutions, et que le directeur général soit inclus à ce conseil d'administration. À notre avis, un conseil composé de dix membres, tel que décrit ci-haut, avec une certaine représentation conjointe, tout en conservant les éléments positifs de la composition actuelle des conseils, permettrait une gestion saine et efficace.

Enfin, nous croyons fermement qu'en introduisant certains changements que nous proposons, nous contribuerons à ajouter des années à la vie, de la santé à la vie et du bien-être à la vie de la population, en tenant compte de la force qui se manifeste au plan des missions respectives de nos quatre établissements, de même que dans notre leadership et ce, dans un esprit de collaboration et de complémentarité. Nous pourrons ainsi affronter les défis actuels et futurs d'une manière réaliste et innovatrice pour le bien-être des bénéficiaires du système de santé et des services sociaux et ce, conformément aux orientations proposées par le réseau et par le ministre.

En conclusion, ceci met fin à notre présentation. Nous avions décidé, à nous quatre, de partager le temps alloué. Cependant, vu l'importance que St. Mary conserve son statut de centre hospitalier universitaire, mes collègues m'ont proposé de faire cette présentation et je les remercie. Nous avons vécu une expérience enrichissante en travaillant ensemble. Nous anticipons les nouveaux défis que nous aurons à relever pour offrir à nos bénéficiaires des services complets, intégrés et continus, de grande qualité, ceci dans un esprit de collaboration et de complémentarité et de concert avec les autres personnes concernées dans ie réseau, tout particulièrement avec le conseil régional, les conseils régionaux et le ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est un plaisir et un honneur, pour moi, d'être ici, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux à vous poser des questions ou à faire des commentaires, à échanger avec vous.

M. Sirro8: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais centrer, peut-être, nos échanges autour de la question du statut universitaire et du conseil d'administration, ensuite. On a eu l'occasion, la semaine passée, d'échanger un peu avec le centre d'accueil Father Dowd. Je pense que les deux autres sont ici surtout par rapport à toute cette question de l'unification des conseils et c'est peut-être autour de ça qu'on peut avoir une discussion. D'abord, concernant le centre hospitalier St. Mary et le statut universitaire, vous savez qu'il y avait quatre critères mis de l'avant par la commission Rochon pour la reconnaissance d'un statut universitaire. J'aimerais peut-être, dans un premier temps, vérifier avec vous chacun de ces critères par rapport à l'hôpital St. Mary. Les quatre critères étaient que l'établissement devait offrir des soins ultraspécialisés et spécialisés, faire de la recherche et contribuer à l'évaluation des techonolo-gies. En première réaction, où est-ce que l'hôpital St. Mary se situe par rapport à ces quatre critères-là?

M. Nucci: Du point de vue de l'ultraspécia-lisation, nous faisons de la dialyse et de l'hémo-dialyse à l'hôpital...

M. Sirros: O.K.

M. Nucci: ...comme vous le savez. C'est une fonction très importante de notre institution. Nous avons développé dans les années - et je pourrais vous fournir des statistiques - un département interdisciplinaire en oncologie où le volume de patients traités est énorme. Nous avons l'enseignement depuis les dernières 30 années; j'ai fait mon internat là en 1956 et je peux vous assurer que c'est...

M. Slrro»: Ça continue. (12 h 45)

M. Nucci: ...un aspect croissant d'année en année dans les spécialités. Maintenant, dû au fait, comme vous le savez, du contingentement des résidents dans les dernières années, nous avons perdu quelques résidents dans certaines spécialités, non pas parce que notre enseignement n'était pas égal ou souvent même inférieur, et ceci, c'est bien... Si on voit les accréditations des différentes corporations et des collèges, il est bien écrit que notre enseignement était même mieux qu'ailleurs. On les a perdus, comme vous

pouvez comprendre... L'aspect, comme j'ai expliqué un peu plus tôt, dans les universités, naturellement les hôpitaux universitaires où siègent les chefs de département et les différents directeurs de programmes gardent leurs résidents. Peut-être que... Je n'ai rien à dire à part de ça.

Du point de vue de médecine familiale, nous avons augmenté nos résidents en médecine familiale; nous en avions douze iI y a quelques années et nous en avons maintenant 44; nous sommes le plus gros département. Du point de vue de l'enseignement au niveau de sous-gradués à la Faculté de médecine de McGill, je crois que le chiffre que nous avons eu cette année est de 389 étudiants qui sont passés chez nous.

M. Sirros: Par rapport à la recherche?

M. Nucci: Pour la technologie encore une fois, pour un hôpital de notre grosseur et ainsi de suite, on fait une technologie assez avancée. Surtout, comme vous le savez probablement, nous sommes un centre obstétrical assez important dans la province, nous faisons 4000 accouchements par année. Certainement qu'avec notre technologie et celle qui s'en vient, qu'on va recevoir bientôt, ce sera quelque chose qui n'existe pas ici à Montréal. Notre point, c'est qu'on n'a pas d'institut de recherche, M. Sirros.

M. Sirros: O. K. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on peut prendre l'engagement de revalider tous les critères auprès des universités d'une part et on prend aussi l'engagement de revoir la liste des établissements. Il y a, comme vous savez, actuellement, quelque chose comme 40 établissements universitaires, centres hospitaliers et instituts. Il y a une proposition de diminuer ce nombre-là, mais avant de le faire, on regardera très soigneusement toute la question de la validation des critères ainsi que des particularités qui peuvent entrer en ligne de compte par rapport à la désignation comme telle. Ça, c'est sur le statut universitaire.

J'aimerais peut-être vous entendre un peu au niveau des conseils d'administration. Vous êtes contre le conseil d'administration unifié. D'abord, on voit de plus en plus un genre de communauté d'intérêts qui fait en sorte que c'est un concept qui trouve beaucoup de résistance sans qu'il y ait des bénéfices très grands par la suite. Le souci qui est derrière l'idée de mettre sur pied des conseils d'administration unifiés, c'est un souci de concertation, de collaboration, de mise en commun de ressources et de ne pas faire de la compétition pour la gloire, en quelque sorte, dans un territoire donné. Vous avez mentionné un peu dans votre exposé les choses qui pourraient être mises en commun: la buanderie, le laboratoire etc. Comment est-ce que vous pourriez sans un conseil d'administration unique, comment est-ce qu'on pourrait envisager la mise en commun de ce genre de ressources de façon efficace?

M. Nucci: M. le ministre délégué, est-ce que vous permettriez que peut-être M. Lorion réponde à cette question ou...

M. Sirros: Tout à fait.

M. Lorion (Jacques): Nous avons vécu depuis plusieurs années, enfin, près de trois ans, des liens très étroits comme CLSC avec les établissements de notre territoire, notamment avec l'Hôpital général juif et avec l'hôpital St. Mary. Les objectifs visés par l'Intégration des conseils d'administration, comme vous venez de le dire, c'était vraiment d'améliorer l'articulation entre ces établissements. Nous, on n'a pas eu besoin de ça, ce sont les circonstances de la vie qui ont fait qu'on avait besoin des hôpitaux généraux de courte durée de notre territoire pour pouvoir offrir des services de qualité. Aussi, comme vous le savez, dans les CLSC, par exemple, on n'avait pas de médecin. Et on a essayé de comprendre pourquoi on n'avait pas de médecin dans nos établissements. La raison était: Quand on va travailler dans un CLSC, on est isolés professionnellement. Donc, on a obtenu l'affiliation de McGill et on s'est aussitôt rapprochés de nos deux centres hospitaliers qui faisaient de la médecine familiale et on a créé un modèle de fonctionnement où on a des médecins qui sont aux deux endroits: à la fois à l'hôpital St. Mary et à la fois à l'Hôpital général juif et à la fois au CLSC Côte-des-Neiges. Donc, on n'a plus cette brisure entre les établissements quand un client a besoin de services. On n'a plus cette brisure où le client, quand iI quitte notre CLSC, compte tenu de la complexité de son problème, il doit absolument être réadmis, réintégré dans un autre hôpital avec toutes les conséquences que vous connaissez.

Donc, c'est un modèle déjà mis en place qui fonctionne et cette articulation que tout le monde souhaite, pour nous, c'est une réalité. Donc, pourquoi intégrer nos conseils d'administration quand on sait que... Je donne l'exemple du conseil d'administration de St. Mary sur lequel je siège. C'est un conseil qui a réussi à inviter ou à solliciter de la grande communauté beaucoup de personnes et donc, cet intérêt volontaire et aussi cet intérêt qui se traduit souvent par des apports d'argent, je ne suis pas sûr qu'il serait soulevé si on intégrait les conseils d'administration. Donc, les effets négatifs.

M. Sirros: II y a une autre chose, une autre question, quelque chose qui me frappe dans votre proposition par rapport aux conseils d'administration tels que vous le proposez qui serait un conseil pour chaque établissement. Il y a deux choses en fait qui me frappent. D'une part, tous

les membres sont des membres nommés qui représentent soit les universités, soit les établissements, soit nommés par le ministre, soit nommés par les fondations, soit nommés... Ils sont tous nommés, il n'y a aucune prévision de faite pour une élection de la part des citoyens comme tels, des citoyens purs et simples. une deuxième chose sur laquelle j'aimerais avoir votre réaction. vous y mettez quelqu'un qui serait nommé par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, mais vous excluez tous les autres membres du personnel dans votre proposition. deux choses: pourquoi ne pas avoir laissé une place au niveau de l'élection d'usagers ou de citoyens et est-ce que ça ne devrait pas être majoritaire au bout de la ligne, les citoyens? deuxième chose, est-ce que vous faites une distinction entre médecins et autres employés et, avant ça, est-ce que je prends pour acquis, donc, que vous êtes pour la participation des employés d'un établissement sur le conseil d'administration de l'établissement?

La Présidente (Mme Marois): L'un ou l'autre de vous peut répondre.

M. Nucci: Très bien. Dans notre proposition, quand nous disons que les trois autres établissements pourraient avoir un siège sur notre conseil d'administration, cela n'exclut pas que ces trois membres soient élus de la communauté de cette institution. On a marqué "approuvé par le ministère" parce qu'on a pensé que peut-être vous voudriez faire la coordination. Mais les trois ou quatre institutions, dans leur communauté, pourraient élire quelqu'un sur les quatre conseils d'administration.

M. Sirros: Et les employés? Est-ce qu'ils devraient être sur le conseil?

M. Nucci: Les employés, vu qu'on voulait essayer de faire un compromis, on ne les a pas inclus. On a inclus les médecins parce que, de plus en plus, la profession médicale se sent de plus en plus éloignée des fonctions administratives qui se passent dans nos hôpitaux. Étant médecin, peut-être que j'entends ceci plus que d'autres dans mon institution, et je crois que c'est malheureux parce qu'ils sont en train de s'éloigner tellement qu'ils sont en train de peut-être perdre intérêt. Je crois que, s'ils perdent intérêt, notre niveau de soins va en souffrir. Il va souffrir de leur dévotion à la population, du point de vue qu'ils ne se sentent pas impliqués. On va en souffrir aussi du point de vue financier parce que c'est essentiel, et je crois que ça devient de plus en plus essentiel que les médecins, que les chefs de département assument des responsabilités fiscales. Comme professionnels, dans le passé, on n'a jamais été mis dans une position qu'il faille prendre en considération l'aspect financier. Quand on voyait des patients, notre seul intérêt, dans le passé, était de traiter ces patients de la meilleure façon que nous puissions le faire. Aujourd'hui, je crois qu'il y a un autre facteur qui rentre dans l'équation. C'est très Important et on peut se lancer avec tout ça dans des questions d'éthique, des questions de priorisation de soins, relier tout ça au coût financier et les choses qui sont discutées au niveau du conseil d'administration, du point de vue des finances, sont extrêmement importantes et je crois que s'il n'y a pas de médecins qui siègent à ce niveau, avec un rôle important à jouer, peut-être que nous allons en souffrir.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le ministre. Oui? Vous voulez ajouter, M. Brunet? Allez, oui.

M. Brunet (Michel): J'aimerais revenir rapidement sur les propos du Dr Nucci. Le fait que nous avons exclu les employés soit cliniques ou non cliniques de nos conseils d'administration n'exclut pas le fait que le représentant que nous mentionnons dans le mémoire sort un employé qui représente ie centre hospitalier Untel sur un autre conseil d'administration.

En ce qui a trait au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, le fait que ce ne sont pas des employés à titre d'employés, qu'ils ne sont pas rémunérés par l'établissement, nous avons cru bon d'avoir leur représentation sur (e conseil d'administration parce que nous croyons qu'ils jouent un rôle très important dans l'établissement.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Assez rapidement...

La Présidente (Mme Marois): Oui, s'il vous plaît.

M. Trudel: Oui. On va regarder l'heure comme il faut. On va essayer de couper les questions en commençant par quelques remarques. Il ne faut pas trop vous forcer pour expliquer pourquoi seront exclus dans la nouvelle formule les employés, les autres employés dans vos institutions, puisque l'avant-projet de loi les exclut systématiquement, partout. Si la raison que vous donnez et si ce qu'on vous demande ici de justifier demande de faire quelques entour-loupettes, j'espère que ça se fera également de ce côté, lorsqu'on ira au niveau du projet de loi.

Par ailleurs, je ne m'adresserai pas beaucoup à vous en termes de conseil d'administration unifié et de toutes ces formules de complémentarité puisque c'est réglé, dans ie sens où le ministre a bien dit, hier, que ce n'était pas la formule, et qu'il allait regarder autre chose en termes de complémentarité. C'est pour ça qu'on

va économiser le temps et les minutes pour regarder autre chose, en particulier, peut-être quelques questions supplémentaires en regard de votre fonctionnement qui est particulièrement intégré en termes de services à la population. Vous en avez donné un bon aperçu.

À la page 3, vous nous donnez dans les dimensions de votre institution, par exemple, l'ordre budgétaire, l'ordre du budget de votre institution. Vous nous dites 52 800 000 $ et ce budget a été respecté. Vous êtes en équilibre.

M. Nucci: Oui.

M. Trudel: Avez-vous des lits fermés?

M. Nucci: Oui.

M. Trudel: Combien?

M. Nucci: 24 sur 414.

M. Trudel: Sur 414. Pour quelle période de temps ont-ils été fermés si vous avez ça comme moyenne?

M. Nucci: Ils ont été fermés pour une période de deux ou trois ans, les 24, à peu près, avec des hauts et des bas.

M. Trudel: Oui.

M. Nucci: Pour les périodes naturellement près de Noël, des périodes durant les vacances, ainsi de suite, c'est peut-être un petit peu plus élevé. La fermeture maintenant est pour une raison seulement, c'est le manque d'Infirmières, parce que nous n'avons pas de lits fermés dû au budget. Nos lits sont fermés parce que nous ne pouvons pas trouver des infirmières. Nous avons des postes que nous ne pouvons pas remplir. (13 heures)

M. Trudel: Très bien. Est-ce que vous avez, parmi les quelque 414 lits de courte de durée, des lits qui sont occupés par des malades de longue durée, des chroniques?

M. Nucci: Nous en avons trop, comme vous le savez. Le chiffre qui nous avait été proposé, quand on a ouvert des lits de longue durée, était d'à peu près 10 % de nos lits. C'est maintenant rendu que nous en avons à peu près 90 a la place de 41...

M. Trudel: 20 %.

M. Nucci: ...lits de longue durée.

M. Trudel: Plus de 20 %...

M. Nucci: Oui.

M. Trudel: ...qui sont occupés par longue durée. Voyez-vous, je vous pose ces questions parce que vous recherchez en même temps, pour votre institution, une reconnaissance d'institution d'enseignement universitaire affiliée à une université. Or, il nous a été donné d'entendre, ici, à cette commission, que, si tout le monde veut aller au paradis avec cette reconnaissance de la part du ministre, il appert que ça coûte cher d'avoir cette vocation. Il y a des institutions, ici, qui nous ont affirmé que d'être reconnues hôpital, établissement d'enseignement ou institution universitaire, ça coûtait jusqu'à 20 % de leur budget et, à cet égard, elles sont allées plus loin, ces institutions, elles nous ont dit: Nous sommes obligées en quelque sorte de rogner sur notre budget de soins de courte durée, fondamentalement, pour être capables de réaliser cette mission et cette fonction universitaires.

C'est très inquiétant lorsqu'on entend une institution qui est d'abord dévouée, vous le reconnaissez bien, aux besoins d'une population donnée et qui, pour faire mieux, recherche cette reconnaissance de type universitaire, mais par ailleurs on se rendrait compte, dans le système, que ça vous coûterait, dans les paramètres actuels, 20 %. Vous seriez obligés de rogner et si j'additionne cela, vos 20 % de longue durée qui occupent des lits de courte durée, si j'ajoute à cela le problème de recrutement et le problème de personnel au niveau Infirmier, la portion d'argent, la portion des ressources qui vont aller directement aux bénéficiaires, ça me semble devenir de plus en plus inquiétant. Comment vous entendez concilier toutes ces dimensions-là pour à la fols obtenir pour l'augmentation de la qualité des services - vous l'avez bien décrit, sur ce statut - et en même temps rendre le service aux bénéficiaires?

M. Nucci: Premièrement, je crois que le chiffre de 20 % pourrait être "questionné". En octobre, à Winnipeg, II y a eu une réunion de l'Association des hôpitaux enseignants du Canada avec l'Association des collèges médicaux au Canada où un après-midi a été "dévoué" à ce sujet. Les présentations n'étaient pas d'accord et II y avait de la controverse sur cet aspect. Je crois que ça n'a pas été prouvé. Je crois qu'on mélange aussi, monsieur, l'aspect que la majorité des hôpitaux classifies comme étant des hôpitaux universitaires, ce sont des hôpitaux de soins tertiaires et ceci, naturellement, coûte beaucoup plus cher que des soins ordinaires à des pathologies ordinaires. Et pour distinguer si le coût augmenté aux hôpitaux universitaires est dû au fait qu'il y a de l'enseignement ou est dû au fait qu'il y a une pathologie beaucoup plus aiguë, encore une fois, c'est difficile à voir.

L'autre point, peut-être, que je voudrais souligner, c'est qu'on devrait assurer que si nous avons de l'enseignement, la supervision des résidents, internes et l'effet sur tous les méde-

cins devrait être, peut-être, l'habileté à faire un diagnostic sans prescrire de tests énormes. Ça devrait être, peut-être, mieux que, disons, dans une institution où il ne se fait pas d'enseignement. Je dis peut-être.

M. Trudel: Expliquez-nous donc cela. M.Nucci: Pardon?

M. Trudel: Expliquez ça, comment ça pourrait amener la diminution du nombre d'actes et d'analyses. C'est intéressant parce que... Juste une petite précision...

M. Nucci: Oui.

M. Trudel: Je regarde dans l'ensemble du financement du système, le ministre est très inquiet là-dessus, la société est très inquiète là-dessus. Vous avez entendu, ce matin, au niveau de la consommation, on dit souvent que ce sont les usagers qui consomment trop et qui y vont trop largement. Il faut aussi questionner les producteurs d'actes et, là, vous nous fournissez une piste en disant: Au niveau des producteurs des actes qui amènent, évidemment, la dépense, le fait d'être une institution reconnue d'enseignement universitaire, ça pourrait... Pourrlez-vous nous expliquer ça assez concrètement, s'il vous plaît?

M. Nucci: Bien, comme nous ne sommes pas très à l'aise avec le diagnostic, on prescrit de plus en plus d'examens de laboratoire et d'examens radiologiques. L'autre chose qui nous fait prescrire beaucoup de ces examens, c'est la peur de poursuites, et je crois que la profession ne peut pas y faire grand chose pour essayer de limiter ceci; mais peut-être que les législateurs pourront faire quelque chose de cette façon. Je crois que, de plus en plus, les médecins sont très conscients du fait du coût de tous ces tests et ainsi de suite. Je crois que nous avons fait du progrès pour essayer d'établir certaines normes, mais il y a des abus qui pourraient être contrôlés.

M. Trudel: Merci beaucoup, Dr. Nucci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Atkinson: Merci, Mme la Présidente. J'ai étudié votre présentation sur le mémoire avec intérêt, c'est bien clair, mais j'ai deux questions. Je vais poser ma question en anglais, vous pourrez répondre en anglais ou en français, si vous voulez, c'est sur le centre hospitalier de St. Mary et le centre d'accueil Father Dowd, le centre hospitalier des convalescents et le CLSC Côte-des-Neiges, c'est un groupement de quatre.

These four institutions, from what I can read in your presentation, have already started to work together in the areas you mentioned of administration, family médecine, geriatrics, home care, obstetrics and psychiatry that in many ways are kind of in the avant-projet de loi. You have already introduced something that I'avant-projet de loi is proposing. Where did this initiative come from and how is it working and how did you get It to work?

M. Nucci: Very good question, Sir. The initiative came from... He is blushing. As Mr. Lorlon told you, he sat on our Board of directors. We got to know each other, we discovered that we had a similar vision, basically - and I am very proud to say this - devoid of all political considerations, but what we wanted was the best for our patients and this was the motivating factor. We did not know each other before that at all and the relationship, I can assure you for my part, has been an education for me because I am a bit of the old school. I came out of medical school in 1956, I am an obstetrician-gynecologist by profession. I have academic ties. I was vice-dean at McGill University and I did not know a lot about CLSC's and what they do. Mr. Lorion educated me and it has been an enriching experience for me and then, just before the avant-projet de loi, when we joined with the other two institutions, again, I did not have much knowledge about them because I was what we call in my profession a "cutter" - it is surgery.

What an experience it has been for me to sit in this seat for the last three years and to broaden my horizons and visions and I think that for other people, other professionals in my profession and others, there is a lot to learn out there and to contribute and I have been very proud to be associated with Mr. Lorion.

M. Atkinson: Mr. Eisenring, from Father Oowd's point of view, do you concur and what are you getting out of it that you were not getting or could not get before?

M. Elsenring (AI): Of course, St. Mary's and Father Dowd have had a long association with each other. They are our primary source for emergencies; our doctors are affiliated with St. Mary's. Some of the services, when you are a small resource, a small Institution like we are, relatively speaking, we cannot afford some of the services or we can ill-afford them. So, this is why some of the examples that Dr. Nucci mentioned, pharmacy, staff formation, those are the things from which we can only benefit if this happens. Also, there is the psychogeriatrics supplied to us from St. Mary's, ophtalmology. So, we have very close liaison, the same as with the CLSC, and we share some services with them.

Of course, when they come to the hospital, they often come via the Montreal Convalescents Hospital. It is a natural kind of affiliation.

M. Atkinson: So, has the administration been cut down now? I mean, with the four of you grouping together, do you have less Individual administration?

M. Nucci: We have more coordination among the administration with a view to, yes, cutting down and, if you will allow me, Sir, the other comment that I want to make and, maybe that Is why we are a little heavy on the directors general getting together to work this out rather than common boards... I can assure you...

Je peux vous assurer que si M. Lorion n'avait pas siégé à notre conseil et qu'il était directeur général, nos deux conseils, et je ne veux pas parler pour lui, mais certainement, mon conseil d'administration et les autres conseils ne seraient pas réunis de cette façon. C'est grâce à nous quatre et, aussi à l'acceptation de nos concepts, mais les gens, c'est nous qui avons développé ceci. C'est pour ça que je crois que ça devrait continuer de cette façon parce qu'on comprend un peu plus. Ça prend moins de temps, moins d'explications pour pouvoir comprendre où on peut se réunir, où on peut se compléter.

Pour expliquer tout ceci à un conseil d'administration, ça va prendre beaucoup de temps parce que, aussi, II va y avoir certaines opinions, certains conflits et je ne sais pas... Je crois que nous, surtout à St. Mary's, avons énormément à perdre si nous ne gardons pas notre conseil parce que notre conseil, avec sa vision et sa dévotion, nous a mis à la place où nous sommes aujourd'hui avec fierté.

M. Atkinson: Madame?

La Présidente (Mme Marois): Oui?

M. Atkinson: Une petite question.

La Présidente (Mme Marois): Toute petite.

M. Atkinson: M. le docteur, dans votre mémoire, vous faites opposition à l'article 44, the elimination of the boards, c'est pour l'effet que de la Fondation... Pouvez-vous l'expliquer?

M. Nucci: We, as everyone knows here, have naturally a cultural tradition. Our roots, our finances, our campaigns, our growth and development have been traditionally and historically, since 1924, through our community. Now, our community originally was an English Catholic, maybe in brackets, Irish community. Our community has now changed. It has grown and evolved with the times but that background, that history, that tradition has given us our volunteers, our foundation, our auxiliaries, again that have made us what we are, and we are very fearful of losing this time, but we are also very much aware that we live in a new society, that we live in québec, and this is why we are sitting here together. maybe we can send the message out there.

M. Atkinson: Merci, M. le docteur. Merci, madame.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. J'imagine que M. Lorion est allé à la bonne école. Nous avons été aux HEC ensemble. Ça me fait plaisir de le saluer.

D'un commun accord, et le député de Notre-Dame-de-Grâce a accepté ça aussi, nous reprendrions nos travaux à 14 h 30 cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 14 h 33)

La Présidente (Mme Marois): Si les membres de la commission veulent bien prendre place, nous allons reprendre nos travaux. J'inviterais les personnes qui sont déjà présentes devant nous et qui représentent le CLSC centre-ville à nous présenter leur mémoire, une vingtaine de minutes pour la présentation et, ensuite, il restera du temps aux membres de la commission pour échanger avec vous, discuter, poser des questions.

J'aimerais que la personne qui va présenter le mémoire ou présenter le groupe se présente elle-même et, ensuite, présente les personnes qui l'accompagnent.

CLSC centre-ville

Mme Thibaudeau (Marie-France): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs, je suis Marie-France Thibaudeau, la présidente du conseil d'administration du CLSC centre-ville. Je vais d'abord vous présenter les membres de notre équipe du CLSC centre-ville: à ma gauche, Mme Justiane Ruel, coordonnatrice du programme de santé à domicile; M. Jacques Gagné, directeur général du CLSC; à ma droite, M. Jean Fortier, secrétaire du conseil d'administration et représentant du personnel clinique au conseil d'administration.

Je veux d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter des commentaires relatifs à certains aspects de l'avant-projet de loi qui nous touchent plus directement, et vous présenter aussi certaines caractéristiques de la population du territoire de notre CLSC qui en tracent la mission.

Notre CLSC est situé au coeur de Montréal. C'est peu dire. Ce centre-ville est caractérisé par une très grande détérioration du tissu social

et par la coexistence de populations vivant aux extrémités de l'échelle sociale. On compte une population résidente d'environ 7200 personnes, dont 1700 personnes ont plus de 65 ans et 60 % de ce groupe ont plus de 75 ans.

Les célibataires de plus de quinze ans comptent pour presque la moitié de la population et, si on ajoute les veufs et les divorcés, on arrive à 60 % de la population. Nous avons un grand nombre de chambreurs, au moins 1000, une population chinoise d'à peu près 730 personnes, chinoise et allophone. Nous avons certains complexes d'habitation à prix modique, les HLM. Une caractéristique qui identifie très bien notre secteur: il n'y a que cinq maisons individuelles.

Nous avons une population résidente qui est très petite, comme vous le voyez, mais notre population de passage quotidien - c'est-à-dire qui passe une grande partie de sa vie et une partie essentielle de sa vie dans le centre-ville -est très grande. Nous comptons environ 200 000 travailleurs qui sont des fonctionnaires dans des édifices à bureaux pollués, des commerces, de la restauration, des petites industries; 20 % de cette population des travailleurs sont syndiqués; 80 % ne sont pas syndiqués. Ils sont dans des emplois précaires, souvent dans des conditions d'insalubrité très grande et, parce que ce sont des emplois précaires, ce sont souvent des emplois occupés par des femmes.

Nous avons aussi... Nous servons, devrais-je dire, une population d'itinérants qui peut se chiffrer à environ 15 000. C'est un chiffre énorme. Il y en a 7000, ou environ 7000, qui vont dans Dernier recours, qui viennent chercher des abris temporaires. Ils vont et viennent, c'est difficile de classifier les itinérants, et d'autres, environ 8000, qui viennent utiliser les services. Il y a un médecin qui va à Dernier recours et on a aussi un rapport avec du personnel qui essaie d'aider les itinérants dans ces maisons. On essaie de les supporter de diverses façons. On pourra parler davantage de ce problème parce que c'est un problème important.

On sert aussi - et on ne la sert pas bien, je pense, parce qu'on n'a pas assez de ressources - la population étudiante de l'UQAM et aussi le cégep du Vieux-Montréal. Ce sont aussi des populations avec un certain risque parce que ce sont des populations stressées. Ce sont des populations de jeunes où les services en prévention et en promotion de la santé devraient être beaucoup plus développés parce que là, je pense que le "payoff1 est beaucoup plus grand.

On a aussi un programme avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sur la prévention du sida. C'est ce programme qui s'appelle CACTUS. Un programme de nuit, parce que c'est un programme pour les drogués, alors, c'est la nuit qu'ils vivent. C'est un programme qui fonctionne de 10 heures le soir à 4 heures du matin, où on échange des seringues aux Intoxiqués, des seringues souillées pour des seringues propres, où ça nous donne l'occasion de donner beaucoup d'information et de faire un peu de prévention. C'est un programme qui est en processus d'évaluation et, déjà, on sait qu'il pourrait avoir des répercussions plus grandes sur l'arrêt de la drogue parce que ça nous amène, à ceux qui le demandent, à les référer à des organismes pour un programme de désintoxication.

On a aussi cet autre programme provincial - et le CLSC Métro en a un aussi - où on travaille avec les personnes qui sont atteintes du virus HIV et celles qui veulent être testées, c'est déjà une préoccupation qu'elles ont de se protéger. Ça veut dire qu'on a encore un potentiel de prévention qui est très grand.

Ces données donnent une image des besoins et des problèmes de notre population qui sont complexes, diversifiés et particuliers. Vous comprendrez que cette évaluation de la population nous amène à affirmer un certain nombre de principes et de valeurs qui doivent guider les services de santé et les services sociaux, et on les a présentés dans notre mémoire. C'est le principe de l'universalité, l'accessibilité universelle et la gratuité des services, la participation des citoyennes et des citoyens à l'administration des services, la continuité avec les organismes du réseau et l'articulation de ses services, la prévention et la promotion de la santé qui ne sont pas assez présentées dans l'avant-projet de loi - et on ne donne pas un rôle assez grand aux CLSC dans ce sens, la décentralisation qui est le pendant de la participation et l'humanisation des services qui implique de minimiser la bureaucratie et la technocratisation des services.

Le CLSC, c'est, dans le réseau des services de santé et services sociaux, l'organisme qui peut le mieux assurer les soins de santé primaires, les soins fondés sur des méthodes et techniques pratiques. Et là, je vous donne la définition des soins de santé primaires de l'OMS: des services qui sont scientifiquement valables et socialement acceptables, accessibles à tous les individus et les familles dans la communauté, avec leur pleine participation et à un coût que la communauté et le pays peuvent assumer dans un esprit d'auto-responsabilité et d'autodétermination. C'est un peu, si vous voulez, notre acte de foi quand on dit ça.

A ce point-ci, je voudrais passer la parole à M. Jacques Gagné, qui va vous expliquer davantage certaines dimensions que nous avons présentées dans notre programme.

M. Gagné (Jacques): Je vais essayer d'être le plus bref possible pour laisser du temps pour les discussions.

Je vais reprendre un certain nombre de points du mémoire. D'abord, un point qu'on a voulu faire, c'est celui de la définition du CLSC. Une des raisons pour lesquelles on s'est préoccupés de cette question de la définition du

CLSC, d'abord II faut dire qu'à partir de la loi qu'on veut modifier et qu'on veut bonifier dans l'avant-projet de loi, dans la loi qui existait, la définition était très vague et très générale, puis pas juste pour nous mais pour l'ensemble des établissements. Tout le monde sait fort bien que, depuis vingt ans, il n'y a pas une catégorie d'établissement qui n'a pas passé un nombre d'heures à réécrire sa mission, puis à clarifier ou à interpréter sa définition. Je pense que c'est important qu'on arrête ce genre de champ de bataille, ce genre de patinoire et qu'on établisse le plus clairement possible, au moins au point de départ, à ce moment-ci, avec l'expérience du vécu des vingt dernières années et du vécu et du cadre de partage CSS-CLSC, qu'on assoie plus clairement les définitions d'établissement pour qu'on ne revive pas le tiraillage CSS-CLSC, le tiraillage DSC-CLSC, et parlons-en, hein!

C'était important, pour nous, de le mentionner parce que, quand on regarde l'article 27 de l'avant-projet de loi, jusqu'à un certain point, l'article 27 dit bien, dans sa première partie, ses deux petits paragraphes, les règles des services de prévention, mais c'est surtout quand on regarde, dans le fond, et qu'on dit "À cette fin", puis ce qu'on décrit à cette fin, eh bien, là, il ne s'agit plus de faire de la prévention; ce qu'on fait, c'est du service direct clinique curatif. Il y a comme une forme de contradiction, ce qui veut dire que ça traduit fort bien ce qu'on veut traduire: c'est qu'il n'y a pas beaucoup de conviction, dans l'avant-projet de loi, sur la dimension prévention et promotion de la santé qui peut relever d'une fonction de première ligne, d'une fonction terrain dans des services locaux. On aimerait, pour éviter le tiraillage à l'avenir, que la définition de CLSC soit le plus près possible de cette notion d'un CLSC porte d'entrée, d'un CLSC charnière entre le réseau public et la population, de se laisser le premier contact pour la population une définition plus large et qui permette non seulement de faire des services primaires, mais de faire des services de prévention aux primaires.

Alors, ça ne veut pas dire qu'une définition semblable nous amène a rejeter l'Idée qu'il faut aussi donner des services curatifs, qu'il faut aussi donner des services palliatifs. Je pense que donner des services, ça fait partie du "bag" important pour établir des contacts avec une population et répondre à un besoin de base. Mais il ne faut pas juste faire ça parce que, jusqu'à un certain point, on se situe dans un contexte où on vadrouillerait beaucoup le plancher sans jamais fermer l'eau, sans jamais travailler à fermer l'eau. Ça pose un problème sérieux dans un contexte où... On le fait. Dans les faits, il y a des choses de prévention qui se font, mais ce n'est jamais comme par la grande porte d'entrée. D'ailleurs, on aimerait une définition qui soit plus claire, qui nous donnerait plus de portée pour, par la suite, clarifier nos programmes et nous présenter clairement avec la population et ne pas vivre dans ce demi-monde gris lorsqu'on parle du communautaire, lorsqu'on parle du préventif, lorsqu'on parle de la promotion de la santé.

Cette définition du CLSC, on suggère une définition. Il y a bien du monde qui va en suggérer une. La fédération va revenir avec ça. Je pense que ce qui est important, c'est de véhiculer une notion d'établissement dans laquelle on est sûrs qu'on va avoir, avec cette notion-là, suffisamment de paramètres pour bien travailler à la fois à la promotion de la santé, aussi bien que de travailler, jusqu'à un certain point, au maintien à domicile, à des services sociaux courants de première ligne. Il faut avoir une définition qui nous permette de travailler à tous les niveaux et qui nous permette aussi, jusqu'à un certain point, de vraiment s'associer à ce que je pourrais appeler "la construction des milieux de vie". Pour Montréal, pour nous, ça représente encore plus qu'ailleurs, mais on sait que dans l'ensemble du monde moderne, industriel, les tissus sociaux, ça a pris une dégringolade. Ça, on le sait, mais plus à Montréal qu'ailleurs, on sait que même si, en apparence, il y a moins de population, les gens sont de beaucoup plus démunis. Quand on regarde les recherches les plus récentes sur la problématique de l'itinérance et d'autres types de problèmes plus récents, surtout des problèmes urbains, la grande catastrophe, jusqu'à un certain point, c'est la désorganisation des milieux primaires qui ont pris le bord, l'absence de la relation d'amour. Il ne faut pas avoir peur de ça, la relation familiale, puis la relation d'un milieu de voisinage qui est significatif. Je pense que les CLSC doivent avoir la souplesse nécessaire dans leur définition puis dans tout ce qui suit, à partir d'une définition, la souplesse nécessaire pour pouvoir travailler à l'aise, en pleine lumière, sans travailler en cachette pour l'avenir dans la reconstruction des milieux de vie. Je pense aussi que quand on parie d'une définition des CLSC, il faut aussi non seulement mettre le curatif et le préventif en lien, c'est ce qu'on essaie de faire, il faut donner les deux dimensions et les donner à part égale. Mais il faut aussi, jusqu'à un certain point, si on veut être réalistes avec le préventif et la promotion, reconnaître que les CLSC ont des approches. Ils doivent avoir une approche, on doit reconnaître une approche qui leur permette de travailler avec les milieux de vie, donc une approche communautaire, une approche en milieu ouvert. Bien, je dis ça et ça n'a l'air de rien, tout le monde est d'accord avec ça, sauf que quand on regarde le nombre de postes en communautaire dans les CLSC, c'est une dégringolade depuis les dix dernières années. Alors, il y a quelque chose qui ne marche pas certain quelque part, entre le discours et ce qui arrive dans les faits. Alors, je me dis que c'est peut-être le temps de se dire clairement ce qu'on veut. Mais

si vraiment on veut une reconstruction des milieux de vie et des tissus sociaux et qu'on pense, comme charnière, comme prolongement pour le réseau le plus près possible dans cette fonction-là, je pense que les CLSC peuvent jouer un rôle et on est mieux de le dire clairement.

Une dernière dimension que je trouve importante pour les CLSC, c'est de reconnaître que les CLSC, et on a vu qu'à Montréal on vit avec les extrêmes, les plus riches mais aussi les plus pauvres, surtout dans le quartier, on voit très bien c'est quoi les écarts entre les riches et les pauvres, et l'écart grandissant entre la richesse et la pauvreté, entre les gens qui vivent... je pense que le CLSC, parce qu'il vit dans cette réalité du milieu, ne peut pas faire abstraction de sa responsabilité qu'on pourrait appeler de développement social, mais sa responsabilité de travailler aux conditions de vie et aux niveaux de vie des populations. Et ça, c'est un long débat. On va peut-être dire: C'est lequel des ministères? Mais je ne voudrais pas embarquer dans ce niveau du débat de lequel des ministère. Je pense qu'il y a, jusqu'à un certain point, un rôle stratégique des CLSC, un positionnement stratégique. On n'est pas près du milieu pour rien, on est l'établissement peut-être le plus près des défavorisés dans ce sens-là, et je pense que l'opportunité étant là, la dimension plus stratégique étant là, je ne vois pas pourquoi on ne trouverait pas le moyen, dans la planification des CLSC, dans la programmation des CLSC, de reconnaître cette fonction-là, la fonction de travailler à l'amélioration des conditions de vie et des niveaux de vie des populations avec lesquelles on travaille.

Je pense qu'il y a moyen, dans l'avant-projet de loi et dans la réécriture du projet de loi, de redonner aux CLSC plus de spécificité. Je ne veux pas enlever de la prévention à d'autres. Je rie veux pas enlever de la prévention aux DSC. Tout le monde, à mon point de vue, doit avoir une dimension préventive. On doit faire chacun nos bouts et ça va nous demander de la complémentarité. Mais je pense que ce qu'il faut... je ne veux surtout pas que les CLSC, que nous, en tout cas, notre CLSC, se considère comme la personne qui assume de façon exclusive un rôle de prévention. Ce n'est pas ça que je veux dire. Mais il faut l'assumer nous, à notre niveau, le plus possible. Et ça, il faut que ce soit reconnu.

Une dimension dans notre rapport, si je peux changer de point, de sujet, je vais passer assez rapidement, on a parié aussi des CA unifiés, ou des conseils d'administration. Nous, on a dit des conseils d'administration plus près de la population. Je pense que... je ne reviendrai pas, je ne ferai pas une longue plaidoierie là, pour démontrer qu'il y a vraiment un certain nombre de handicaps qui est associé à l'idée des CA unifiés. Je lisais les journaux de ce matin, à moins que les journalistes n'aient été dans l'erreur complète, je pense que M. le ministre, hier, a annoncé qu'il reculait un peu, qu'il évoluait. C'est normal et je trouve que c'est encourageant pour nous de venir, ce matin, en se disant qu'il y a des idées qui ont changé. Tant mieux. Ha, ha, ha! Mais au cas où, par hasard, le clou ne soit pas assez planté, je me dis: Ce n'est pas une bonne affaire pour nous, les CA unifiés. Et c'est peut-être une bonne affaire pour d'autres types d'établissement qui ont des vocations plus près, mais on a l'impression que pour le CLSC, étant donné sa vocation qui doit plus se définir en relation avec la population, elle se définit moins en relation avec les autres établissements. Et j'ai l'impression qu'il y a comme un genre de... ou bien on fait l'option technocratique et bureaucratique de se définir avec, dans nos bonnes relations, dans un club d'établissements, comme on dit, nos bonnes relations avec les CH ou nos bonnes relations avec les centres de longue durée; après ça, quand II nous reste des espaces où on peut faire participer les gens aux définitions, alors on va voir la population, surtout pour leur faire accepter ce qu'on a décidé avec les autres. Je pense que ce n'est pas ça, la stratégie, Et la stratégie, à mon point de vue, devrait être moins bureaucratique, moins technocratique et on devrait laisser, dans la logique même de ce qu'est un CLSC, sa possibilité d'être le plus près possible et d'avoir sur son conseil d'administration, sur ses mécanismes de prise de décisions, le plus possible de la population. C'est pourquoi on voudrait que notre CLSC soit moins... On n'est pas tellement chauds vis-à-vis des représentants d'autres établissements parce qu'il y a peut-être d'autres moyens pour le faire, mais surtout des gens qui sont élus, qui viennent des milieux avec lesquels on travaille. et c'est le point qu'on voulait faire avec le conseil d'administration unifié. par exemple, je vais vous donner juste une idée qu'on pourrait discuter après, mais on a parlé d'un comité d'établissements. bon, l'idée n'est pas bête, sauf qu'on sait fort bien qu'un comité d'établissements avec un seul conseil et des d.g. ensemble, quand on connaît les d.g., ils vont facilement s'organiser pour avoir un bon pouvoir. quand ils sont tous d'accord, je ne suis pas sûr que beaucoup de conseils d'administration vont aller contre une idée unanime, une proposition unanime des d.q., vous savez.

C'est très technocratique. Il y a un grand danger là, mais je me dis que cette même idée d'un comité d'établissements, si on veut vraiment, parce que je comprends le problème que les législateurs peuvent avoir... On veut vraiment une stratégie horizontale, une statégie d'intégration à ras le sol pour que les gens, soient pour une population, se mettent ensemble. C'est ça qu'on veut. Alors, peut-être qu'il y aurait possibilité de prendre ce comité d'établissements et de le mettre plus politique, un peu semblable

aux MRC par rapport aux municipalités et leur donner une fonction plus politique, avec les présidents d'établissements. Les MRC n'ont jamais enlevé - on a su comment c'était, cette bataille-là - l'autorité aux municipalités. Bien, je pense que ce comité n'enlèverait pas l'autorité des conseils d'administration, mais permettrait d'être une table de négociation surtout pour s'attarder à des questions qui concernent les éléments, les relations interétablissements pour une population, pour un territoire donné, pour une problématique donnée. Ça, c'était l'Idée derrière le CA unifié.

Un autre point qu'on a traité, ce sont les régies. On voulait des régies véritables. Là-dedans, vous savez, c'est un problème qu'on traîne depuis les auras, depuis le début de la réforme. On a voulu, jusqu'à un certain point, finalement, donner aux régions, on a voulu... Tout le monde a parlé de la décentralisation, on en reparle encore toujours et je pense qu'on est sérieux quand on en parle. Le seul problème, c'est un peu comme "tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir", c'est jusqu'à quel point on va se déléguer des responsabilités et on va les déléguer vers le bas, puis jusqu'à quel point on peut le faire.

Alors, à ce moment-là, les régies doivent avoir une forme de légitimité. L'idée de la commission Rochon n'était pas fantastique de les faire élire comme les commissions scolaires, mais, en tout cas, c'est une recherche et on a le même problème. La proposition de la régie ne règle pas beaucoup le problème de la légitimité, mais il y a quand même un effort. Mais je me dis que d'une façon ou d'une autre, si on veut faire des régies et qu'on veut que les gens prennent ça au sérieux et investissent les énergies qu'il faut, il faut ce que j'appelle couper le téléphone rouge, c'est-à-dire couper l'intégration verticale. Autrement dit, mol, je suis D.G., je vais jouer le jeu au conseil régional de mon territoire, mais j'ai toujours la possibilité, puisque le décideur ultime est à Québec, à un moment donné, quand ça ne fait pas mon affaire, je ne dis rien et j'appelle Québec. Et ça, ça se fait couramment.

Je me dis que si la proposition ne donne pas la possibilité de couper cette dimension, bien, on s'en va encore dans un cul-de-sac et, dans dix ans d'ici, on va encore faire une autre étude comme on a fait dans les années quatre-vingt pour dire: Ah! les pauvres régies, comme les pauvres CRSSS, ils n'ont pas réussi à... Alors, je me dis que si on prend la peine d'établir des régies, et je trouve ça important qu'on régionalise et qu'on décentralise mais, à ce moment-là, faisons donc le bout de chemin nécessaire pour éliminer cette apparente tutelle. On a un problème, je le sais, et je ne peux pas le régler maintenant. On a un problème de légitimité. On a peut-être des possibilités de donner plus de légitimité à ces structures, mais je pense que c'est important que les régies régionales puissent jouer les rôles qu'on décrit dans l'avant-projet de loi, qu'on leur donne la dimension décisionnelle qui leur appartient, qui doit leur appartenir pour éviter ce genre d'ambiguïté des prises de décisions, à l'heure actuelle.

Évidemment, vous allez le voir dans le mémoire, on est contre la nomination si elle va dans cette ligne, c'est pour clarifier le pouvoir vraiment d'une régie, la nomination du D.G. par le ministre, toute la dimension où il y a une forme d'emprise. Je comprends aussi qu'à cause de la faible légitimité, parce qu'il ne s'agit pas d'élus, il faut maintenir une forme d'emprise. Alors, on a un problème là, mais je pense que dans la mesure où on peut la réduire, on devrait la réduire le plus possible pour que ce sort le plus réel possible, la décentralisation. Et ça va de même pour la nomination du président. On est un peu contre l'idée d'un P.-D.G., d'abord, parce que c'est la seule chance que les régies vont avoir d'avoir une forme de légitimité, c'est d'avoir des Mens avec la population. C'est sûr que si la personne qui exerce le plus de pouvoir, qui s'appellera un directeur général et un P.-D.G., si, en plus, elle est nommée par le ministre, elle assume toute cette concertation du pouvoir, cette concentration du pouvoir chez elle, à ce moment-là, la dimension participation de la communauté, pour donner une légitimité aux régies, est plus faible, est d'autant plus faible. On est pour une position où les régies vont plutôt aller chercher leur légitimité par un président de la communauté élu par eux. (15 heures)

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Gagné: On a parlé dans notre mémoire d'un réseau public fort. Ce n'est pas qu'on est contre le privé, on est contre une certaine commercialisation du privé. Je pense qu'au niveau des questions, je pourrais aller plus loin. Il y a différentes solutions possibles. On n'est pas contre la concurrence, on n'est pas contre une émulation, une stimulation qui pourrait nous venir, mais on est contre toute proposition qui risquerait d'amplifier dans notre société une santé des riches et une santé des pauvres. Une fois qu'on a saisi ça, ça nous permet d'avoir une forme de paramètre pour identifier des propositions, ce qui risque de produire plus de distances dans la société ou ce qui risque de développer une plus grande égalité de chances chez les gens.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. Gagné: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de cette très Intéressante présentation. J'allais vous dire que vous vous retrouvez dans le club, parce qu'il y a au moins deux anciens, un directeur général et une directrice générale de CLSC à cette table, le ministre et

moi-même. Ça nous fait probablement doublement plaisir de vous entendre. Je vais lui céder la parole pour des questions ou des commentaires.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. D'ailleurs, c'est bon de retrouver M. Gagné qui, avant qu'il soit D.G. de CLSC, avant que Je le sois, a été mon employeur, en quelque sorte.

La Présidente (Mme Marois): Moi aussi, imaginez donc.

M. Sirros: C'est vrai? Il l'a été aussi?

La Présidente (Mme Marois): Oui, tout à fait.

M. Sirros: Mon Dieu! Quelque part, nos chemins se sont séparés, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Pour se rencontrer aujourd'hui.

M. Sirros: Parfait. Merci pour la présentation. Je pense que l'aimerais reprendre ce que vous avez amené au niveau de la définition des CLSC, de leur mission, parier un petit peu du conseil d'administration unifié et plus du fonctionnement des CA et, évidemment, l'autre point que vous avez touché, la régie.

Au niveau de la définition, je pense que je ne peux que bien entendre ce que vous avez dit et, en relisant effectivement la définition qui est là, il y a une constatation, c'est que la première partie, c'est presque le mot à mot du rapport Brunet, dont j'avais eu le plaisir et l'honneur d'être un des participants, à l'époque, du comité Brunet. La deuxième partie, on ne la retrouve pas dans le rapport Brunet. Effectivement, il y a peut-être quelque chose à ajouter par rapport à la prévention qui est mentionnée dans la première partie. D'ailleurs, quand on retourne dans le document d'orientation comme tel, on voit qu'effectivement, c'est probablement un oubli non voulu parce que, dans le document d'orientation, il y a quand même une place qui est réservée à la prévention. Il y a aussi un souci et un désir, je pense, de passer de ce que plusieurs ont dit être une définition tellement large qu'on avait de la difficulté à cerner, et que la population aussi avait de la difficulté à cerner, à la mission véritable des CLSC, d'où venait la situation, possiblement, où on avait et on a toujours 30 et quelques programmes différents qui se trouvent à l'intérieur des CLSC, d'où vient la proposition du rapport Brunet et qui est reprise dans le document d'orientation de ramener ça autour de trois grands secteurs. Vous les trouvez là en termes de services aux groupes à risques, de services psychosociaux courants et le maintien à domicile. Donc, une première chose pour vous dire qu'on est sensibles, et je suis sensible, à toute cette question de la définition, mais il y a aussi un souci de cerner les choses pour avoir une globalité prévention-curatif, mais autour de certains axes.

J'aimerais peut-être revenir sur la question des CA. C'est peut-être vrai qu'il y a quelque chose de spécial par rapport aux CLSC, parce que c'est le territoire des CLSC qui avait été retenu pour faire un peu l'unification des CA. Dans ce sens, vous proposez que, indépendamment de ce qui peut arriver aux autres, les CLSC en soi ont une particularité qui devrait leur donner accès à des CA spécifiques. Peut-être il y a lieu d'unifier d'autres conseils d'établissements similaires. Donc, si je poursuis la logique, ce serait de dire que si, sur un territoire donné, à proximité, il y a plus d'un centre d'accueil, par exemple, d'hébergement, un CHSP ou un centre hospitalier de courte durée non universitaire, on pourrait peut-être songer à des fusions d'établissements, peut-être à des unifications de tous les CA d'un territoire. Est-ce que je suis un peu votre raisonnement?

M. Gagné: Oui. Je ne veux pas proposer des fusions d'établissements en soi. Je sais que je m'embarquerais dans une longue...

M. Sirros: Ha, ha, ha!

M. Gagné: Parce que j'ai l'Impression qu'il y ades...

M. Sirros: Bon! Trouvons une autre façon de dire ça.

M. Gagné: Non, que ce soient des fusions ou des formes d'unification, je pense que c'est plus facile et plus réaliste, si on veut aller vers cette voie-là et si on veut simplifier le nombre de conseils d'administration, je crois que c'est plus facile de le faire pour des établissements à vocation commune que les établissements CLSC et autres qui ont des vocations très différentes.

M. Sirros: et qu'est-ce qu'on fait par la suite pour assurer la concertation et la coordination des services sur un territoire donné entre ces différents établissements?

M. Gagné: Mol, ce que j'ai suggéré, j'en ai parlé un peu tout à l'heure. Vous savez, dans la proposition de l'avant-projet de loi, il y a un comité d'établissements qui est en fonction - dans le fond, c'est un comité de D.G. - pour préparer le travail du conseil d'administration, pour que ce ne soit pas trop lourd pour lui de gérer plusieurs types d'établissements. Mais cette idée d'un comité d'établissements, mais au-dessus des conseils d'administration, qui regrouperait les différents conseils d'administration d'établissements, comme une table, et qui pourrait avoir une sanction - j'ai donné comme comparaison l'exemple des MRC par rapport aux

municipalités - je pense que c'en est une voie.

Il ne faut pas sous-estimer aussi l'expérience des CRSSS dans les commissions administratives autour de problématiques. Je pense qu'il y a quand même eu un certain niveau de concertation. Si les CRSSS avaient eu des pouvoirs de décision plus réels et qu'ils avaient été des partenaires, vraiment, avec une emprise dans les décisions, je pense que cette stratégie de commission administrative aurait été bonne. Je me méfie aussi de planifier une concertation pour un territoire uniquement avec des établissements qui vont avoir tendance à sauvegarder leurs intérêts. Et je me dis qu'il serait peut-être intéressant aussi, pas uniquement de planifier pour qu'on rende complémentaires des établissements, mais en fonction d'une problématique, parce que, très souvent, en fonction d'une problématique, on va se rendre compte que, même chez les gens autour de la table, il y a des établissements qui n'existent pas et qu'il faut créer, qu'il faut innover par rapport à une problématique donnée, tandis que, quand vous mettez une série d'établissements, Ils vont avoir tendance à ne parler que des choses que, généralement, ils font. Pour la concertation et la complémentarité, c'est un domaine beaucoup plus complexe et j'ai l'impression qu'il ne faut pas l'aborder avec une seule stratégie simple. Il faut l'aborder de façon multiple, comme stratégie.

Mme Thibaudeau: M. le ministre, je voudrais intervenir là-dessus parce que ça me paraît un point extrêmement important. C'est basé sur la mission du CLSC qui est près de la population. Et le danger des fusions, c'est: Mettez ensemble un conseil d'administration où il y a des gens, des directeurs généraux qui ont l'artillerie lourde des hôpitaux qui coûte extrêmement cher, on l'a vu hier soir, et vous savez où l'argent va aller, dans la maladie. Il ne restera rien au CLSC parce que c'est la prévention, c'est la promotion. C'est plus difficile à cerner. Mais quand vous avez des pauvres malades qui font bien pitié et qui ont besoin de lits, qui ont besoin de ci et qui ont besoin de ça, l'argent va là-dedans. Et c'est très évident que, dans le conseil d'administration, les gens vont tirer sur la maladie, parce que c'est elle qui parle, et elle parie fort. On le sait, l'argent va là-dedans, dans les systèmes de santé. Alors, le CLSC, il faut le protéger. Il faut que le ministère le protège avec sa mission de santé si, dans les orientations du ministère, la santé a une place aussi grande que la maladie. C'est clair, ça, hein?

M. Sirros: Qu'est-ce qu'on peut dire? Peut-être juste un dernier point sur les conseils d'administration. Je vois que vous êtes accompagnés de votre secrétaire qui est organisateur communautaire, j'imagine, au CLSC?

M. Fortier (Jean): Oui.

M. Sirros: Et vous savez qu'une des propositions du document, c'est effectivement d'évacuer la présence du personnel sur les conseils d'administration des établissements, ceci surtout parce que, souvent, c'est une situation - je ne dis pas que c'est le cas actuel - de conflit. Il y a quelque chose de contradictoire à ce que le personnel soit - le personnel syndiqué et non syndiqué, les médecins le sont aussi s'il y a une présence au conseil... Il y a quelque chose de contradictoire, on nous l'a dit souvent, d'avoir le personnel qui devienne, en quelque sorte, le patron du patron, parce que le conseil, finalement, c'est le définisseur des orientations, engage le directeur général, suit les opérations du CLSC, etc. Votre réaction face à ça, c'est quoi? On s'est fait dire aussi, une deuxième chose que les gens disent, c'est qu'il faut quand même tirer profit de l'expertise et de l'intérêt que peuvent avoir les employés du réseau. Il y a aussi, donc, dans l'air, l'hypothèse de dire: On va permettre à des gens d'être sur les conseils d'administration mais, peut-être, d'un autre établissement que le leur. Est-ce qu'il y a une reaction face à ça? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez regardé?

M. Fortier: On a fait une réflexion au conseil d'administration sur le projet de loi et on a débattu cette question. Notre position sur la composition des CLSC, c'est qu'on trouve très important que la majorité des membres du conseil d'administration soient issus de la communauté, des usagers, qu'ils soient élus, et on croit important de conserver des représentants des employés. L'expérience au CLSC est positive. Il semble, pour ce qu'on a vu aussi dans le reste des établissements qu'on connaît, que ça a été positif aussi; il est possible qu'il y ait eu des accrochages. Mais le principe est le suivant. C'est qu'il y a des initiatives pour essayer de développer la motivation du personnel, responsabiliser le personnel, faire participer le personnel au niveau de la définition des programmes, de l'évaluation, de la prise en compte des besoins de la population et tout ça. Il y a une tradition, en tout cas dans notre CLSC, où il y a une bonne participation du personnel à tous ces niveaux. Selon nous, ça a toujours été dans cette logique qu'il y a eu l'élection de deux représentants pour représenter le personnel clinique et non clinique. C'est vraiment dans le sens de dire: Pourquoi, dans une partie de la réalité, on trouve important, et je pense que la commission Rochon l'a souligné, d'impliquer le personnel puis de tabler sur son sens des responsabilités et, quand vient le temps du conseil d'administration, lui enlever toute place au conseil d'administration? Là, est-ce qu'il s'agit de conserver beaucoup de place? C'est une autre question. Mais la position que nous avons chez nous, c'est que d'éliminer du conseil d'administration des représentants des employés, ce ne serait pas une

initiative qui nous ferait avancer. Je ne sais pas si ça répond bien à la question. Chez nous, les conflits d'intérêts, on ne les vit pas.

M. Sirros: Conflits de rôles plus que d'intérêts, je pense.

M. Fortier: À notre sens, finalement, le conseil d'administration, à certaines périodes dans l'année, fait un examen des besoins de la population et doit, à ce moment, faire des choix sur les programmations locales, par exemple, chez nous, les itinérants, le sida, les services aux travailleurs. Même s'ils sont en minorité, je crois que l'éclairage des représentants des employés est très positif. Il y a possibilité, évidemment, qu'ils soient invités comme personnes-ressources pour donner l'Information. Mais Je crois que dans la philosophie des CLSC d'Impliquer la population, d'impliquer le personnel et d'Impliquer tous les gens concernés vers l'atteinte des objectifs, c'est peut-être un symbole, une façon de faire qui est cohérente, du reste. Ce n'est évidemment pas question d'une autogestion. On parle de deux représentants élus. Il est sûr aussi qu'il y a le représentant des médecins qui se rajoute à ça.

La question est de se dire: Nous pensons qu'à notre conseil d'administration, il doit rester une place pour des représentants des employés, parce que ça se situe en continuité avec tous les gestes pour impliquer le personnel et développer son sens des responsabilités, son engagement vers l'atteinte des objectifs et la satisfaction des besoins de la population.

Mme Thibaudeau: M. le ministre, je voudrais ajouter quelque chose parce que je n'ai pas de conflit de rôles, moi. Je trouve que c'est très important pour les membres du conseil d'administration d'avoir au moins une personne pour prendre le pouls de ce qui se passe dans la boutique dont vous êtes responsable. On le demande à l'employé: Comment çâ se passe? Qu'est-ce que vous voulez? Donnez-nous des renseignements; donnez-nous de l'information. Autrement, on ne le sait pas. On peut administrer tout simplement des papiers au conseil d'administration, les budgets et ainsi de suite. Un tas de papier part... Il y a beaucoup de papier qui vient du ministère, d'ailleurs. Mais on peut être tout à fait détachés de ça. Mais il faut avoir une sorte de thermomètre de ce qui se passe dans la boîte que vous administrez. Et, souvent, il nous aide par rapport à ça.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.

M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Avec les gens de Pointe-aux-Trembles, ce matin, c'est formellement le premier groupe, le premier CLSC que nous recevons à cette commission, ici. Et, pour ma part, j'avais hâte parce que, voyez-vous, la grosse machine, le gros rouleau compresseur de la santé avait pris - comme, souvent, vous le dites - le gros morceau et avait monopolisé l'attention et beaucoup de temps de cette commission. J'avais hâte que l'on regarde ensemble ceux et celles ou les établissements qui sont sur la première ligne, ceux qui sont en avant et qui sont, je pense, près des populations.

Quelques questions et observations en même temps, donc, autour de votre mission et je ne reviens pas beaucoup là-dessus, parce que le ministre délégué convient bien qu'il y a comme de l'ajustement dans les définitions à réaliser et on verra ça au projet de loi qui sera présenté. Mais c'est assez évident qu'il faut compléter la définition et l'ajuster à la réalité, ne serait-ce que pour éviter ce que vous dénoncez vous autres mêmes comme étant la perte d'énergie qu'il y a eue au cours des dernières années, à savoir: Qui va faire quoi? C'est quoi, la mission? Profitons de l'expérience acquise dans les CLSC pour essayer de caser ça un petit peu plus à cet égard-là.

Un peu découlant de cette affirmation et du rôle que vous avez à jouer dans le système, les hôpitaux nous ont presque tous demandé et ont demandé au ministre d'inclure dans leur définition la mission de prévention. C'est quoi votre opinion là-dessus et ce serait quoi l'avis que vous donneriez au ministre quand il va ressaisir sa plume pour réécrire ce projet de loi quant à la mission prévention dans les hôpitaux?

Mme Thibaudeau: M. le député, je trouve que dans tous les services de santé, chaque fois que quelqu'un va dans un service de santé, il doit en sortir avec un plus par rapport à la connaissance de sa santé, la connaissance de ses besoins et comment se débrouiller pour ne plus y revenir. Alors, à mon avis, c'est foutu et on n'arrivera jamais à rien si chaque personne qui va à l'hôpital ressort avec son petit paquet de pilules et peut-être un petit paquet de pansements puis qu'elle revient à la prochaine occasion.

Alors, ce n'est pas leur premier rôle, les hôpitaux. Leur premier rôle, il est curatif, mais ils ont aussi ce rôle de prévention et de promotion de la santé. Je pense que c'est même écrit dans la loi aussi qu'ils peuvent l'avoir. Mais le CLSC, lui, c'est fondamental, la prévention et la promotion. Mais tous les hôpitaux, il faut qu'ils l'aient, ce rôle-là aussi, et qu'ils l'assument, parce qu'ils ont des patients devant eux qui sont en état de crise et c'est souvent en état de crise qu'on apprend le mieux, et c'est souvent en état de crise qu'on apprend à changer ses comportements.

Il y a un paquet de gens qui vont arrêter de fumer, malheureusement parce qu'ils s'en

vont à l'hôpital avec un emphysème pulmonaire ou un cancer du poumon. Il ne faut pas être rendu là, mais on peut en prévenir un certain nombre avant quand on peut, à l'occasion, les avoir. Ils sont captifs. Ils sont intéressés à leur santé, à ce moment-là, ils ont un temps d'arrêt pour y penser. Et je pense qu'il ne faut pas enlever ça aux hôpitaux. Il faut leur donner et leur dire: Vous devez le faire.

La Présidente (Mme Marois): Oui, allez y.

M. Fortler: Je suis d'accord avec ce qui a été dit. Mais on est placés d'une façon assez incroyable, les CLSC, pour faire de la prévention. Si on pense aux 200 000 travailleurs du centre-ville ou aux 30 000 étudiants qui sont à l'UQAM et au cégep du Vieux-Montréal... On est dans les milieux de travail. Là, on n'est pas dans un hôpital. Ce sont des gens en santé. Ce sont des gens, par ailleurs, qui ont différents malaises. Par exemple, ce sont des malaises qui peuvent être reliés au stress, au début de burn out, ou des maladies qui peuvent être reliées à la mauvaise qualité de l'air, par exemple.

Au centre-ville de Montréal, c'est un dossier sur lequel on est souvent obligés d'intervenir, la question de la qualité de l'air dans les édifices. Avec les normes d'économie d'énergie, avec un certain laxisme au niveau de l'entretien des systèmes de ventilation, il y a plusieurs personnes qui se plaignent de différents malaises qui sont reliés à la qualité de l'air. Toutes ces personnes-là, on est très bien placés pour intervenir sur le milieu de travail. Mais en réalité, si on n'intervient pas, et bien souvent c'est comme ça que ça se passe, qu'est-ce qui se passe? La personne retourne dans sa banlieue, le soir, retourne dans l'est de Montréal, bon, ces 200 000 personnes-là retournent chez elles. 5 %, 10 % vont voir le médecin avec des problèmes de sinus, de maux de tête, ou avec différents problèmes associés au stress.

On croit que c'est très coûteux parce que là, la personne qui y va avec un problème de sinus, par exemple, parce que dans son milieu de travail il y a un manque d'apport d'air frais ou différents contaminants, c'est une référence chez l'oto-rhino-laryngologiste, c'est une référence, après ça, chez l'allergiste, ce sont des radiographies à répétition et tu multiplies ça par le nombre de travailleurs en question. Alors, si tu interviens dans le milieu de travail, des fois on se rend compte, quand on intervient dans un milieu de travail, qu'on a oublié de mettre une bouche d'apport d'air frais. Il y a des locaux qui n'ont pas d'apport d'air frais, ou, dans d'autres locaux, ça fait un an que le système d'humidification est débranché, ou, dans d'autres locaux, ça n'a pas été nettoyé mais il y a de la contamination.

Bien, ce sont tous des gens qui vont voir le médecin, ça - ça coûte cher, la "castonguet- te" - et puis qui peuvent se retrouver aussi à l'hôpital. Mais le médecin, lui, iI ne le sait pas, ça. Assez souvent, la question n'est pas posée sur le milieu de travail quand on rencontre le patient et puis, des fois, peut-être que le médecin, ça lui passe par l'esprit, mais poser cette question-là, qu'est-ce qu'il va faire avec la réponse? Va-t-il venir au centre-ville - je ne le sais pas, dans le bureau du Trust Royal ou dans le bureau de n'importe quelle compagnie du centre-ville - et Intervenir sur le milieu de travail? Il n'est pas placé pour ça puis, et dans le cadre dans lequel il pratique, II n'est pas organisé pour ça.

Je crois que les CLSC, de par la proximité qu'on a avec les milieux de vie, les milieux de travail, on est très bien placés pour faire de la prévention et on est en présence de personnes en santé. C'est avec ces gens-là qu'on doit travailler. Il y a beaucoup de travail qui se fait dans notre CLSC au niveau de la promotion et de la santé, entre autres, sur ces deux dossiers-là. Je crois que c'est très payant. Ça épargne énormément de coûts de médecin mais ça, évidemment, ça ne rentre pas dans la comptabilité de tout le système. C'est difficile à comptabiliser, tout ça, mais c'est incroyable, les épargnes qu'on pourrait faire à ce niveau-là.

M. Trudel: Ce que vous nous dites, en particulier à partir de votre expérience et des populations que vous avez à desservir, c'est l'allocation des ressources à partir du type de clientèle, du type de personne, du type de milieu dans lequel on vit parce que, par exemple, votre réalité, la réalité socio-économique de centre-ville fait en sorte, effectivement, que vous avez beaucoup d'entreprises, entre guillemets, et de milieux de vie qui sont immenses et que vous ne réussissez pas à atteindre, compte tenu que l'allocation des ressources ne se fait pas nécessairement en fonction des clientèles et de la particularité des clientèles et du type de problème que l'on retrouve parmi ces clientèles-là.

Le temps file rapidement. J'aurais une question avant de passer la parole à Mme la députée de Chicoutimi. Au niveau des régies régionales, c'est absolument intéressant, ce que vous nous signalez; pas tellement en termes de régie en soi, mais de nous dire: Si vous y allez sur la décentralisation, n'y allez pas à moitié. Organisez-vous pour le couper, le fil, qu'on ne double pas les structures et en prenant toutes les précautions, par ailleurs, pour responsabiliser ces organismes-là. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'une véritable régie régionale, véritablement décentralisée? On sait généralement ce qu'on veut dire avec cela, avec un conseil d'administration élu au suffrage universel et, deuxièmement, avec un directeur général qu'il s'engage lui-même, puisqu'il serait responsable... Qu'est-ce que vous pensez de cette façon de faire les choses, en notant - parce que je

perdrai le droit de parole après ça - qu'au niveau de l'imputabilité, il y a bien d'autres chefs d'institutions qui gèrent de très gros budgets qui ne sont pas nommés directement par le ministre ou le ministère, mais qui sont nommés par des conseils d'administration et qui gèrent des budgets à 90 %, 95 % de l'argent en provenance de l'État? Vous n'avez pas oublié la question? Qu'est-ce que vous pensez de ça, des élus universels et redevables?

La Présidente (Mme Marois): Oui.

M. Gagné: Je pense que ça en est une stratégie. Ce que je voudrais éviter à ce moment-ci, c'est de dire que c'est la seule. Je pense que de faire élire des élus qui vont avoir une légitimité, à ce moment-là, pour pouvoir prendre des décisions et dépenser des fonds publics, c'est ce qu'on recherche. Ça en est une. Ce qu'il faut éviter avec... Ma question que j'avais avec l'élection des membres du conseil d'administration de la régie ou des gens de la régie, c'était évidemment de saturer. On sait que nos milieux sont saturés par différents niveaux d'élections, etc., et il y aurait peut-être, à ce moment-là, des pistes à explorer avec des élections ou un rôle avec les MRC. Je veux dire qu'il y a des pistes à explorer, plutôt que de-Mais jusqu'à un certain point, si on veut vraiment décentraliser, il faut leur donner une forme de responsabilisation politique. Dans ce sens-là, l'élection c'est la façon la plus simple et la plus claire. J'imagine que la commission Rochon a dû explorer beaucoup d'autres solutions: les solutions avec les MRC, les regroupements avec les municipalités. Il y a peut-être des possiblités pour ne pas trop saturer les milieux avec les niveaux d'élections, malgré que je regarde la démocratie américaine, on peut bien en rire, mais aux États-Unis, élire son shérif, c'est important. Je pense qu'il y a une dynamique démocratique où on peut apprendre. Je ne voudrais pas prendre tout le reste des États-Unis, mais cette partie-là, je pourrais la regarder.

La Présidente (Mme Marois): Effectivement, les shérifs, les juges, enfin, on passe son temps en élections, d'ailleurs, aux États-Unis.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Je suis incapable de ne pas faire le commentaire suivant concernant les conflits potentiels de rôles entre un membre du personnel s'il siège au conseil d'administration alors qu'il travaille dans le même établissement, alors que jamais j'ai entendu quelqu'un ici s'interroger sur les conflits de rôles possibles pour les médecins. Pourtant, Dieu sait que l'accent plus ou moins mis sur le curatif, plutôt que le préventif... on sait que la tendance générale chez le médecin va être de privilégier davantage le curatif, parce que c'est sa formation qui est telle. Ça m'étonne toujours quand j'entends ça. Je ne peux pas m'empêcher de faire ce commentaire.

Je vais éviter de faire des commentaires sur un tas d'autres questions, y compris l'idée de la MRC que je trouve particulièrement alléchante comme modèle pour voir où on s'en va. Je trouve ça intéressant On voulait faire des CLSC. C'était pour l'Opposition, et d'ailleurs au moment de sa création, le pivot un peu des services de première ligne. Et là, on voit qu'on a évacué, pour l'essentiel, tout ce qui touche le psychosocial, dans le sens que tout le service social est pour ainsi dire évacué au bénéfice de la santé mentale des groupes cibles plus le maintien à domicile.

En matière de prévention, mon grand étonnement est: Comment se fait-il qu'on n'ait jamais exigé des hôpitaux du Québec que jamais quelqu'un puisse passer dans un hôpital sans qu'on ait trouvé le moyen de lui accorder dix minutes, au cours de son séjour, pour qu'il s'interroge sur les raisons qui l'ont amené là, puis comment iI pourrait s'arranger pour ne pas y revenir? Il me semble que c'est tellement élémentaire. La même chose, obliger qu'il y ait une ou deux minutes des cinq minutes de consultation d'un spécialiste de la santé, d'un professionnel de la santé, qui soient consacrées à cette question. Ça me semble tout à fait élémentaire. Je n'ai jamais compris qu'on n'ait pas mis ça quelque part, de façon plus formelle - puis nous non plus, je n'accuse personne - je veux dire que l'histoire de notre système de santé n'ait pas fait de cette question-là une priorité. Ça ne coûte pas cher.

Je veux m'arrêter à la privatisation. Vous l'abordez en vous inquiétant de ses effets. Mais j'ai une question simple: Est-ce que vous avez, dans votre CLSC, recours aux agences privées pour le maintien à domicile? Comment cela fonctionne-t-il? (15 h 30)

La Présidente (Mme Marois): Oui, madame.

Mme Ruel (Justiane): Ç'a été débattu au conseil d'administration, cette question-là, parce qu'on a fait face à un problème de sous-financement. On avait plusieurs demandes auxquelles on ne pouvait pas faire face. Alors, on s'est posé la question si on devait faire affaire avec les agences. On devait déjà faire affaire avec les agences pour des services qu'on ne pouvait pas offrir, parce qu'il y avait plusieurs personnes d'absentes en même temps et que notre liste de rappels n'était pas suffisante. Alors, on doit faire affaire avec des agences pour, par exemple, des services de soir ou de fin de semaine, ou pour des services qu'on ne peut pas offrir en dehors des heures d'ouverture du CLSC, c'est-à-dire les auxiliaires familiales, par exemple. Alors, on a choisi de ne pas s'en aller dans cette direction. Je pense que si d'autres CLSC ont dû le faire, c'est à cause du sous-financement. On

sait qu'avec une agence, par exemple, on va payer un service à 8.82 $ alors qu'on reçoit une subvention de 8.50 $, je vous donne un exemple, par rapport aux services aux personnes handicapées de l'OPHQ. Alors c'est sûr qu'on n'a pas le choix lorsque c'est cette situation-là, mais c'est sûr qu'on peut donner plus de services à môme nos budgets lorsqu'on prend une agence, sauf qu'on se pose des questions sur la qualité. La personne qui donne un service par une agence, elle n'est pas en contact avec l'équipe multkjisclplinaire qui a élaboré le plan d'intervention et le plan de service. Alors, elle donne un service qui, H nous semble, peut s'éloigner de l'orientation qu'on veut lui donner.

D'autre part, au CLSC, on ne pouvait pas non plus s'orienter vers la privatisation, parce qu'on a un programme de santé au travail qui s'intéresse aux non-syndiqués, qui s'intéresse à la précarité de l'emploi. Alors, comment, nous, pouvions-nous choisir de donner des services à des agences, d'emblée, parce qu'on voulait donner plus de services? Ça allait contre notre conception, et le syndicat nous appuyait, faisait des pressions à ce nlveau-là, pour qu'on crée plutôt des postes à temps complet, qu'on assure quelqu'un dans un emploi. Je pense que ça allait contre notre philosophie d'offrir ces services. Maintenant, c'est une partie infime de notre budget qui va aux agences, pour répondre directement à votre question. En maintien à domicile, cette année, on aura, au maximum, investi 30 000 $, sur un budget de 3 000 000 $.

Mme Blackburn: À l'occasion des crédits... Mme Ruel: Des agences privées, oui.

Mme Blackburn: ...que nous avons étudiés en commission parlementaire...

La Présidente (Mme Marois): Dernière intervention, Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, madame. Le printemps dernier, un relevé assez sommaire nous a permis de voir qu'il s'était consacré un peu plus de 20 000 000 $ - si ma mémoire est fidèle c'est aux alentours de 25 000 000 $, juste le relevé qu'on a pu faire, de façon volontaire auprès des différents établissements - sur le recours aux agences privées. On ne s'est pas aperçus qu'on avait fait un peu de privatisation. Quand le CRSSS du Montréal métropolitain donne 8.50 $ à une agence pour embaucher quelqu'un pour aller faire du maintien à domicile, l'agence se retourne et en donne 6 $ à la personne, et elle n'est pas protégée ni par l'assurance-chômage ni par la CSST, aucune sécurité. Est-ce qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui a déjà examiné la question suivante, peut-être que ça été fait et je l'ignore. Quand on parie de privatisation, on a l'air de parier des bons et des pas bons, des méchants, d'opposer l'un à l'autre, exclusivement sur le biais de: On va finir par faire une médecine pour les riches et une pour les pauvres, ce avec quoi je serais assez d'accord, mais pas pour les mêmes raisons. Est-ce qu'on s'est jamais interrogé sur la question suivante: Les coûts, lorsqu'on a recours à une agence, généralement, sont plus élevés en tout cas en ce qui concerne les infirmières sûrement. Mais ne parions pas de ça, parions de ce que ça nous coûte comme société lorsque, avec les mêmes coûts pour le système, on a recours à ce type d'agence, qui offre de moins bonnes conditions de travail, c'est-à-dire que la personne qui est embauchée par une agence a moins de sécurité, moins de couverture, moins de salaire, investit moins dans la société, et moins dans le long terme. Alors, au plan strictement économique, la valeur d'un emploi un peu plus stable syndiqué, plus permanent, est-ce qu'on s'est déjà interrogé là-dessus?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Gagné. M. Gagné: Très brièvement...

La Présidente (Mme Marois): II n'y a pas de problème.

M. Gagné: Je vais vous référer aux travaux de Mme David de TIRAT, par exemple, sur le temps partiel depuis les années 1976. Avant de venir au CLSC, j'étais chercheur associé au CCDS et j'ai fait des travaux, en particulier, sur la relation entre la précarité et la santé mentale. Les coûts de la précarité du travail sont énormes, à tous les niveaux. Et j'ai l'impression qu'il y a toutes sortes de coûts à la privatisation.

Mme Blackburn: C'est ça.

M. Gagné: Pour moi, il n'y a pas juste le problème... J'ai mentionné le plus grave problème, c'est d'avoir une société où on va avoir des mondes distincts de pauvres et de riches. Mais il y a d'autre problèmes. Par exemple, si on privatise avec les OSIS, il y a un élément intéressant. Il y a d'autres problèmes pour lesquels j'ai beaucoup de questions mais, il y a un élément intéressant dans cette privatisation-là, c'est qu'il y a une dimension, jusqu'à un certain point, d'Idée de promotion de la santé, c'est-à-dire promotion de la santé, en ce sens que si vous voulez faire de l'argent, il faut que vous mettiez les gens en santé et que vous les mainteniez en santé plutôt que... Ça c'est intéressant, il y a quand même un élément intéressant là. Mais dans la proposition de l'avant-projet de loi, quand on connaît ce genre de centres d'accueil privés... parce qu'ils vont faire de l'argent en donnant des soins. Autrement dit, on développe un système qui va nous coûter, si le panier est percé encore, c'est-à-dire

où il n'y aura plus de fric, il va nous coûter très cher parce que leur intérêt, pour faire de l'argent, c'est de donner des soins. Là, vous avez un système qui va, jusqu'à un certain point, tourner à vide pour créer des soins, un système qui va être orienté par la maladie plutôt qu'un système orienté vers la santé et vers la promotion de la santé.

Dans ce sens-là, j'ai beaucoup de questions sur cet aspect de la commercialisation de la santé parce que c'est faire faire de l'argent dans un contexte de production de soins, sans obligation et sans frein pour la santé.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Nous vous remercions de votre participation à la commission. Je suis persuadée que vos propos ont éclairé les membres de la commission. M. le ministre, Mme la députée.

M. Sirros: Merci beaucoup également et on aura sûrement l'occasion de se revoir.

La Présidente (Mme Marois): Merci. J'inviterais...

Mme Blackburn: ...ex-président, les directeurs généraux des CLSC puissent un peu infléchir les orientations du ministre en faveur du CLSC, il va de soi.

Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants

La Présidente (Mme Marois): On l'espère bien. J'Inviterais maintenant les représentants de l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, j'inviterais M. Di Done, c'est ça...

M. Di Done (Riccardo): C'est bien ça, oui.

La Présidente (Mme Marois): ...à nous présenter le point de vue de son organisme, s'il vous plaît.

M. Di Done: Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, premièrement, j'aimerais vous remercier de nous permettre d'être ici aujourd'hui. Ma collègue va être de retour d'ici peu.

L'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants a vu le jour en 1983. Elle est composée de groupes multidlsclplinalres qui cherchent à déterminer de nombreux secteurs dans lesquels les enfants ont non seulement besoin de protection, mais également de reconnaissance de leurs droits légaux, et à quel niveau se situe leur participation dans la procédure juridique afin de respecter ces droits.

Parmi les aspects auxquels l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants s'Intéresse, citons - et il ne s'agit pas d'une liste exhaustive - les mauvais traitements physiques, les mauvais traitements psychologiques, les abus sexuels et les mauvais traitements en milieu scolaire. Étant donné que 40 % des enfants et adolescents ont des problèmes psychologiques significatifs et à long ternie, à la suite des conditions qui entourent la séparation et le divorce, étant donné que 50 % des femmes se retrouvent sous le seuil de la pauvreté à la suite de séparations et de divorces, étant donné le pourcentage très élevé d'adolescents qui se retrouvent au Tribunal de la jeunesse, qui proviennent de l'éclatement de la famille, étant donné qu'au Manitoba le système de référence obligatoire à la médiation a permis de régler hors cour 95 % des cas de divorce, minimisant ainsi le choc émotif des enfants, et à la suite d'un congrès national qui fut organisé par l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants dont le thème était "Divorce et enfants, comment intervenir?", un congrès santé sur les moyens d'action à prendre avant, pendant et après le divorce, où plus de 400 participants de groupes multidisciplinaires étaient présents, voici ce que nous proposons ici, aujourd'hui, pour faire en sorte que l'agonie si souvent vécue par nos enfants et adolescents soit des plus minimisée, sans parler des parents et grands-parents. Mais advenant que cela survienne, il s'agit de s'assurer que notre société ait les outils nécessaires pour mieux aider nos enfants, adolescents et parents en difficulté.

Voici les avantages qu'apporterait un système où les parents doivent se référer à la médiation, et le fonctionnement de cette dite médiation. Lorsque des parents divorcent, lis se présentent devant un juge avec leurs avocats. Au Manitoba, il y a une cour spécialisée où les juges développent une expérience approfondie dans le domaine, puisqu'ils ne président que des causes de séparation et de divorce. Le fait est que les solutions aux disputes familiales sont si importantes, mais en même temps si difficiles, qu'il est important d'avoir une attention concentrée des juges voués à cette tâche. La sélection de ces juges demande une attention particulière. Le juge se doit de référer les parents à la médiation. Les travailleurs sociaux peuvent aussi sensibiliser les parents à la nécessité de maintenir leurs responsabilités, tant sur l'aspect physique, psychologique que monétaire. Le mot "garde" n'existe plus, on parle plutôt de responsabilité parentale. Les résultats du Manitoba en sont que les parents sont fortement encouragés à maintenir leurs responsabilités et, d'ailleurs, les deux tiers des parents s'entendront en première Instance. Pour le tiers restant, lorsqu'ils se retrouvent devant une conférence préalable qui est présidée par un juge autre que celui qui présidera le procès éventuel, ce sera réglé sans qu'il y ait procès. Les juges leur suggèrent qu'en tant que parents ils de-

vraient être en moyen de trouver une solution mieux qu'un Juge qui ne connaît point les parents et les enfants.

Un des grands bénéfices de la conférence préalable est de donner aux parties l'occasion de se parler l'un à l'autre dans une situation raisonnablement contrôlée. Un autre avantage est de permettre aux parties de raconter leur histoire à un juge. C'est souvent tout ce qu'ils désirent. Il leur en est donné l'occasion dans une atmosphère informelle. Le problème de séparation et de divorce est un problème socio-économique et pour être médiateur on doit être travailleur social ou psychologue, formé au travail auprès de couples et de familles. Un avocat ne peut être médiateur, l'avocat étant formé en droit et non en psychologie. Pourtant, un avocat ou un notaire pourrait devenir un médiateur s'il se conforme au cours de travailleur social ou de psychologue.

Soit dit en passant, au Manitoba, plus de 10 % des ruptures sont épargnées. lorsqu'on calcule qu'au canada, en moyenne, on a plus de 160 000 personnes qui divorcent annuellement, ça représente quand même un total d'environ 16 000 parents pour une moyenne d'environ 8000 enfants. 8000 enfants qui auraient été épargnés de la rupture de leurs parents. d'ailleurs ne devrions-nous pas aller à une étape plus loin où un système de réconciliation serait disponible en tout temps pour les parents en difficulté?

Souvent, aujourd'hui, on parle de problématique de violence, de délinquance, de drogue, de suicide. On fait des études sur toutes ces problématiques pour pouvoir les minimiser. On fait des tables de concertation. Écoutez, si vraiment on veut aller à la source des problèmes, qu'on veuille les minimiser, une des sources premières des pourcentages énormes de toutes ces difficultés ne commencent-elles pas dans le noyau familial? C'est vrai que la violence à la télévision n'aide peut-être pas, mais ce que je peux dire, si je me fie à un éducateur qui travaille à un centre de réhabilitation avec lequel on travaille en étroite collaboration, au-delà de 85 % des causes qui lui sont confiées proviennent de l'éclatement de la famille. le tribunal de la jeunesse de montréal, d'ailleurs, a au-delà de 90 % des causes qui proviennent soit de l'éclatement de la famille ou de familles monoparentales. sachant que les enfants de l'éclatement de la famille ne sont quand même pas la majorité de nos enfants, la réalité est que le système ne favorise pas une entente amicale entre les deux parties pour le bien-être des enfants. d'ailleurs, le solliciteur général de l'ontario disait dans une émission w5, il y a à peine deux semaines, lorsqu'on lui a parlé de pension alimentaire, de soutien de famille: le système ne fonctionne absolument pas, et ceci incluait aussi le droit de visite.

(15 h 45)

En bref, ce que nous vous suggérons, ici, aujourd'hui, c'est: premièrement, de créer un service de réconciliation disponible en tout temps auprès des services spécialisés; l'instauration d'un service de médiation obligatoire, sous la responsabilité du ministère des affaires sociales ou, si possible, du ministère de la Famille, mettant en relief l'Importance primordiale de garder impliqués les deux parents après une rupture conjugale, au plan psychologique, physique et monétaire. Les deux parents seraient référés à ce service par le juge saisi de leur demande dès le début du dossier, sauf dans le cas où il y a violence ou inceste. Par la suite, ce juge étudierait le rapport du médiateur et, s'il n'y a pas d'entente, à cette étape, il y aurait alors tenue d'une conférence préparatoire avec les parties et leurs avocats. Si la médiation n'est pas obligatoire et si on se fie aux statistiques exitant déjà ici même, à Montréal, à peine 5 % de la population s'en servirait, ce qui ferait que plus de 95 % de nos enfants adolescents seraient défavorisés. Voulons-nous vraiment minimiser les tragédies si souvent vécues par nos enfants? En voici une chance inouïe.

Soit dit en passant, ces recommandations ont été endossées par l'archevêché de Montréal, la Fédération des travailleurs du Québec, la Ligue des droits de la personne du Canada, l'Office de la famille de Montréal, les femmes du B'nal Brith du Canada, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des chefs de police et pompiers du Québec et plusieurs ministres et députés, tant du Parti libéral que du Parti québécois. Nous savons que la société actuelle du Québec vit un problème financier sérieux. Voici certains des avantages d'un système de médiation obligatoire.

D'abord, la priorité. On sait qu'on minimiserait les tragédies et le déchirement si souvent vécus par nos enfants et adolescents. Les résultats seraient que la société épargnerait des sommes importantes d'argent sur les soins de santé, si on considère tous ces enfants qui ont besoin de soins psychologiques, sans parler des soins physiques, car personne ne peut dire à quel point leur santé sera affectée par ces mois et souvent ces années de stress, le coût des procédures, dans le système actuel, concernant la séparation et le divorce, le système judiciaire et tout ce qui s'ensuit lorsqu'on parie de délinquance, de violence, de drogue et de prostitution, les 50 % des femmes qui se retrouvent sous le seuil de la pauvreté que la société doit supporter.

En ce moment même, après le jugement... Les jugements ne sont pratiquement jamais respectés et ceci fait que ça devient très coûteux de poursuivre leur exécution et les gens abandonnent. Ce qui fait que, tôt ou tard, on a un pourcentage d'environ 80 % des parents qui ne respecteront pas les jugements, tant en ce qui concerne le soutien financier que les besoins de communication et ce qui vise à assurer à ces

enfants qui nous sont si précieux l'amour et la sécurité dont ils ont tant besoin et encore plus que jamais lorsque les couples sont séparés.

Mme la Présidente, j'aimerais maintenant passer la parole à ma collègue, le Dr Liliane Spector-Dunsky, qui a travaillé très fort pour le comité scientifique de l'organisation et qui est très sensibilisée à ce genre de problématique.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Oui, madame.

Mme Spector-Dunsky (Liliane): Avant de parler de la médiation, je voudrais revenir un petit peu sur la question de ce qu'on appelle l'éclatement de la famille et les retombées du divorce. Je serais la dernière à dire qu'il n'y a pas de problème ou qu'il n'y a pas de souffrance, mais je voudrais quand même nuancer ce qui entoure cet état de la question. Quand on parle des conséquences négatives, on ne peut pas faire un lien immédiat entre divorce et conséquences négatives sans identifier certaines des conditions qui entourent la situation de séparation et de divorce. Je voudrais énumérer certaines de ces conditions qui ont été identifiées à la suite du nombre de recherches, en particulier aux États-Unis.

Les points suivants sont: premièrement, l'intensité des conflits qui ont "pré-existé" le divorce - on n'arrive pas juste au moment du divorce, il y a toute une situation qui a précédé un des points finals qui est le divorce; deuxièmement, comme l'a mentionné M. Di Done, c'est le taux de pauvreté dont sont atteintes la plupart de ces familles dont la mère serait à la tête de la famille; troisième point, ce sont les conflits, c'est la persistance des conflits entre les deux conjoints, persistance qui se perpétue longtemps après la séparation, le divorce légal; enfin, un des points qui n'est pas le moindre, c'est l'absence de contacts continus entre les enfants et leurs deux parents. Malheureusement, le plus souvent, c'est le père. Donc, on ne peut pas parier de conséquences sans tenir compte de tous ces éléments-là.

Je voudrais vous présenter certains des résultats qui ont été obtenus à la suite d'une recherche faite au Canada, qui a été présentée, un rapport qui a été soumis au ministre de la Justice du Canada, recherche qui remonte à juillet 1987 - donc, c'est très récent - et des résultats qui ressortent aussi de l'expérience au Manitoba.

Quels seraient donc les avantages à la médiation? Il y a trois points, ou à peu près, qui rassortent d'une façon consistante. Ce sont les suivants: Premièrement, la question des montants de pension alimentaire. Ces montants sont payés d'une façon beaucoup plus régulière à la suite d'une médiation et, en général, sont aussi plus élevés que lorsqu'il y a eu appel à l'aspect "adversarial". Donc, la somme est plus élevée et celle-ci est payée d'une façon plus régulière.

Une des retombées immédiates, donc, serait une diminution des difficultés économiques, qui sont de taille pour les familles séparées. Une deuxième retombée immédiate serait une diminution des conflits entre les ex-conjoints.

Deuxième retombée. La recherche fait ressortir que, lorsque les couples utilisent la médiation, ils s'entendent davantage pour une garde partagée ou conjointe, ce qui, évidemment, a pour implication Immédiate une bien plus grande implication de la part du père et un contact continu entre les enfants et leurs deux parents, ce qui n'est pas du tout le cas, nous le savons, quand les couples passent par le système judiciaire actuel. De plus, les femmes qui passent par la médiation semblent avoir une image gardée et avoir une Image beaucoup plus positive de leur ex-conjoint que dans les autres cas. Nous savons ce que ça peut avoir aussi comme effet sur les enfants.

Donc, retombée immédiate, c'est qu'il y aurait une diminution des critiques mutuelles et des attaques mutuelles dans lesquelles nous savons que les parents s'engagent à la suite d'une séparation: Ton père ne vaut rien, ta mère ne sait pas comment elle t'élevait, etc.

La troisième retombée est que le processus légal est beaucoup plus rapide quand les couples passent par la médiation. Autrement dit, le temps qui s'écoule entre la demande de séparation jusqu'au moment de la passation en cour serait beaucoup plus rapide lorsque les couples passent par la médiation.

Donc, retombée immédiate; il y aurait une diminution d'angoisse et de stress pour tous les membres de la famille qui passent par cette période qui est très pénible.

En conclusion, j'aimerais donc dire que, dans l'ensemble, la médiation globale - et je voudrais mettre l'accent sur ta médiation globale qui serait une formule qui a été innovée à Montréal - par la médiation globale, il s'agit de s'adresser aux aspects financiers, économiques, psychologiques et émotifs de la famille. Donc, il n'y a pas de séparation, on ne travaille pas que sur l'un de ces aspects.

Donc, dans l'ensemble, la médiation globale semble avoir des retombées positives sur certains des points le plus délétères au bon fonctionnement postdivorce. Dans ce sens, la médiation peut avoir aussi, donc, un impact préventif.

Pour l'enfant, il est assuré d'un accès aux deux parents, il n'est pas pris dans les jeux conflictuels et destructeurs dans lesquels les deux parents s'engagent souvent. Ça permettrait aux enfants de poursuivre leur développement et, enfin, ça les assure de moindres difficultés financières.

Pour les parents. Pour la mère, évidemment, elle aurait moins de problèmes économiques, il y aurait plus de stabilité et d'assurance, puisqu'elle sait que les paiements seront faits régulièrement,

elle gagne le soutien du père et ça Implique moins de conflits entre les deux. Finalement, elle serait ainsi dégagée pour continuer aussi sa vie. Pour le père, ça lui assure un contact beaucoup plus continu avec ses enfants. Il ne se sentirait pas exclu ou victimise en pensant qu'il a dû donner beaucoup plus d'argent qu'il ne le pense nécessaire. Cela assure aussi, donc, une meilleure coopération avec son ex-conjointe, moins de conflits et, lui aussi, 11 serait dégagé pour poursuivre sa vie.

Au niveau de retombées économiques à long terme, on peut espérer qu'avec une réduction des problèmes secondaires à un divorce les coûts financiers pour faire face à ces problèmes risquent fortement d'être diminués. Ça coûte très cher de travailler avec ces adultes - parce que les adultes aussi font souvent appel aux soins en santé mentale - ça coûte très cher, donc, et pour les adultes, et pour les enfants d'avoir à faire face à toutes ces retombées négatives par la suite.

J'aimerais ça quand même souligner certaines limites à ce processus. Nous n'avons pas de drogue miracle. Il restera sans doute encore un petit pourcentage de couples réfractaires et qui ne vont pas pouvoir bénéficier de cette approche.

Le deuxième point touche à la formation des médiateurs. Il est absolument nécessaire de savoir comment travailler avec des couples, avec des familles. Il est aussi nécessaire d'avoir une connaissance des lois concernant la famille. Donc, une connaissance dans un seul de ces deux aspects ne serait pas suffisante.

Et, enfin, la limite concerne aussi le modèle de médiation. Il semble que le modèle de médiation globale donne de très bons résultats. Donc, les recommandations seraient, premièrement, une médiation obligatoire et gratuite; deuxièmement, un tribunal de la famille composé de professionnels formés et sensibilisés à la problématique de cette population; troisièmement, II faudrait s'adresser à la question de formation des médiateurs. Et, finalement, un point que je trouve qui est important, c'est que toute entente à laquelle seraient arrivés les deux ex-conjoints soit une entente dynamique, c'est-à-dire qu'elle risque de changer avec le temps. Ce n'est pas une entente qui est écrite dans du ciment, mais qu'au bout d'un certain temps il y ait possibilité de renégociation.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je veux accueillir d'abord nos invités. Je reconnais en M. Di Done une personne très dévouée à toute la cause des enfants qui sont pris dans le processus du divorce. Il y a évidemment des propositions mises sur la table par rapport au service de médiation et, d'ailleurs, un vibrant plaidoyer en faveur d'une médiation basée sur les travailleurs sociaux et les psychologues plutôt que les avocats qu'on ne peut qu'entériner et appuyer au ministère de la Santé et des Services sociaux.

D'ailleurs, vous allez retrouver - et c'est peut-être de là que vient votre mémoire - le service de médiation comme quelque chose qui fait partie de la définition des CSS et du rôle des CSS, des Centres de services sociaux. Et ce sont effectivement les travailleurs sociaux, les psychologues, les agents de relations humaines, finalement, qui travaillent à l'intérieur des CSS. C'est dans une perspective d'aide qui est offerte aux couples, et non pas en termes d'une "litigation" pour gagner ou perdre une cause, mais pour pouvoir passer à travers un moment difficile dans la vie d'une famille, y inclus les enfants et les adultes. C'est dans ce sens-là que le service de médiation est prôné à l'intérieur des CSS.

Je ne sais pas si j'ai vraiment une question à vous poser, si ce n'est une question à laquelle je connais déjà votre réponse. Actuellement, le service de médiation existe seulement dans les CSS de Montréal et de Québec. J'Imagine que vous souhaiteriez le voir étendu à l'ensemble du territoire québécois. J'aimerais peut-être vous entendre un petit peu sur ça. Mais, de façon résumée, je prends bonne note de votre plaidoyer en faveur de cette médiation basée sur les travailleurs sociaux et de l'intérêt et de l'attention que vous apportez à la cause des enfants qui sont pris dans un processus auquel ils n'ont aucune participation, responsabilité et qui souvent sont des victimes, finalement, d'un conflit qui les dépasse. (16 heures)

Peut-être quelques commentaires sur les bénéfices que vous escomptez par un service de médiation dans l'ensemble de la province.

M. Di Done: M. le ministre, c'est sûr qu'on aimerait le voir dans toutes les régions du Québec. On l'avait suggéré, d'ailleurs, dans tous les CSS de la province de Québec. Mais pour supporter ce que Dr Spector-Dunsky disait auparavant, il serait très important, quand même, que ça ne soit pas juste parce que c'est un psychologue ou un travailleur social qu'il soit automatiquement un médiateur. C'est très important que ce soient des personnes formées pour faire de la médiation.

J'ai une liste ici. Je ne sais pas si... Je peux en nommer juste quelques-uns de ce qui s'ensuit aujourd'hui, et on sait qu'il y a un rapport direct, à un très haut pourcentage, avec les problèmes de délinquance et de violence. Quand on parle que dans une année... Il y a à peine quelques années, ici, au Québec, on avait 25 000 inscriptions de jeunes dans des centres d'accueil, 300 000 foyers monoparentaux sous le seuil de la pauvreté au Québec, on a 30 000 cas

de poursuites judiciaires impliquant des adolescents. C'est un problème, je pense, qui mérite une attention particulière très rapide. J'aimerais ajouter aussi, parce que c'est une question qui m'a été souvent posée. Qu'est-ce que vous faites quand un parent disparaît, pour une personne, disons, plus jeune? Au Manitoba, ce qu'ils font aujourd'hui, c'est que dans leur cour spécialisée, vous faites une plainte formelle. Admettons que le mari s'en va, abandonne son épouse avec ses quatre enfants, l'épouse dépose une plainte formelle à la Cour de la famille du Manitoba et, à ce moment-là, en dedans de deux semaines, une personne sera "appointée" pour aller sensibiliser la ou le parent qui ne veut pas maintenir ses responsabilités. Ce qu'il en est survenu, c'est qu'ils s'aperçoivent que le parent va être beaucoup plus apte à maintenir ses responsabilités. Ils vont le sensibiliser au bien-être de maintenir les responsabilités tant sur l'aspect moral, psychologique et monétaire, ce qui fait que c'est une réussite totale.

Le processus, je pense, même ici, qu'on a au Québec, c'est que si un parent, disons, ne veut pas maintenir ses responsabilités financières, ça peut prendre jusqu'à six mois avant d'être renforcé, sinon plus, et il y a mille et une manières de s'en sortir.

J'aimerais aussi, juste pour supporter l'aspect: Pourquoi ça devrait être, disons, la Santé ou sous le ministère de la Famille? Disons que la médiation ait tombé sous le ministère de la Justice. Un des gros problèmes qui vient: premièrement, ils ne sont pas formés; deuxièmement, j'ai pris le cours, moi-même, de médiateur. À ce moment-là, un des avocats de l'université est venu nous donner certaines formations en droit et il disait qu'un coût de séparation par la médiation serait beaucoup moindre. Ça coûterait 3000 $ environ à un couple, pour se séparer ou divorcer.

Premièrement, advenant que le couple ne puisse pas se permettre les 3000 $, que doit-il faire? On va à l'aide juridique. Malheureusement, souvent, il arrive aujourd'hui qu'on ait des revenus qui ne nous permettent pas d'avoir l'aide juridique; par contre, pas assez de revenus pour pouvoir se permettre d'engager un avocat. Ce qui fait, encore là, que tous ces enfants-là sont défavorisés, sans parler de la violence qui peut s'ensuivre. Pour terminer, c'est que si on est refusé à l'aide juridique, on veut aller en appel, ça prend quatre mois. C'est un engrenage qui est très vicieux où tout le monde est perdant à l'intérieur, incluant nos gouvernements, étant donné le coût énorme que ça apporte. Alors, on espère... D'ailleurs, je suis très content de voir votre support à cet aspect et j'espère que vraiment, dans un avenir très rapproché, le tout deviendra une réalité.

La Présidente (Mme Marois): Merci, monsieur. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs, bonjour. Voilà, pour reprendre un peu la suggestion, la question du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. Comme députée d'une région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, plus particulièrement, évidemment, on déplore déjà, depuis un bon moment, l'absence de services de médiation dans nos régions. Évidemment, on s'interroge pourquoi. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas réussi? Compte tenu des résultats très positifs de cette mesure-là, comment se fait-il qu'on n'ait pas réussi à étendre ça rapidement à tout le Québec? Actuellement, la situation - je me permets de le dire, à ce moment-ci - est particulièrement pénalisante pour ces couples et ces enfants dans la région, à tout le moins, sur le territoire de Chicoutimi, parce qu'en raison des coupures qu'on a faites dans les services judiciaires dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean la durée d'attente pour une expertise psychosociale, ce qui est ordonné par le juge au moment de la séparation volontaire des couples - le juge ordonne une expertise psychosociale pour définir qui va prendre charge de l'enfant, qui va avoir la garde de l'enfant - l'attente, tenez-vous bien, j'ai été informée de ça la semaine dernière, est de 12 à 18 mois. Alors, ça vous donne une idée dans quel climat et dans quelles conditions vit l'enfant, comment ça se vit pour l'enfant et les parents. C'est totalement inacceptable.

J'aurais une question très précise: Pour nous, on devrait de plus en plus tenter de recentrer les services de première ligne des services de santé et des services sociaux autour d'un territoire de CLSC. Vous parlez des CSS; le projet de loi parle également des CSS. J'aimerais qu'on revienne à l'idée des CLSC. Est-ce que ça vous apparaîtrait faisable qu'on puisse confier cette responsabilité aux CLSC plutôt qu'à un CSS? Et je m'explique. Il me semble qu'on devrait de plus en plus tendre à rapprocher les lieux d'exercice de ce type d'activité des bénéficiaires, pour utiliser un terme que je n'aime pas toujours, mais des personnes les plus concernées. Comme un divorce ou une séparation, vous commencez à en avoir des séquelles souvent plusieurs années avant le fait, on peut le voir déjà, commencer à le déceler à l'école avec des enfants, dans les CLSC, les visites, ainsi de suite. Alors, je me demande toujours s'il n'y aurait pas lieu de plus en plus, par rapport à une gamme de services, de recentrer ça autour du CLSC. Et nous, nous envisagions avec beaucoup d'intérêt l'idée que le CLSC se voie confier, par exemple, la gestion de ce que pourrait être une politique de la petite enfance, vraiment très intégrée, qui part de la périnatallté au début de la fréquentation scolaire. Donc, l'idée que ça pourrait être un des éléments de ce service, est-ce que ça vous apparaît faisable?

Mme Spector-Dunsky: Oui, je pense que

c'est faisable mais, pour mol, la question est beaucoup moins peut-être ou...

Mme Blackburn: Ou que de le faire.

Mme Spector-Dunsky: Évidemment, la question d'accessibilité est très importante, mais beaucoup plus la question de la formation des gens. Que ce soit au CLSC, au CSS ou dans les hôpitaux ou dans les cliniques, c'est la question des personnes formées pour répondre à ces questions. Autrement, on risque de tomber dans une difficulté et de faire faire un travail par des gens qui ne sont pas formés. Actuellement, à Montréal, quand je voudrai référer des parents ou des couples, môme avant le divorce, ne serait-ce qu'à la période pour empêcher un divorce, il y a encore très peu d'endroits, très peu de professionnels qui sont capables de travailler avec des couples et des familles dans cette perspective-là. Alors, la perspective encore d'une médiation qui demanderait une connaissance plus poussée et une formation plus poussée, ça risque d'être encore difficile à trouver au niveau du CLSC. Mais si on entreprend un programme de formation, ça peut très bien se faire au niveau du CLSC.

Mme Blackburn: Vous faites beaucoup référence à la structure manitobaine, par rapport à celle qu'on s'est donnée en matière de médiation familiale ici, au Québec. Est-ce qu'il y a des différences majeures ou si ce sont sensiblement les mêmes...

M. Di Done: Mme la Présidente, premièrement, juste pour compléter la question originale, la raison pour laquelle on poussait vers les CSS, c'était, premièrement, pour le coût économique au gouvernement qui se sentait très crédible, ce serait très rentable et ça pourrait se faire dans un avenir rapproché, mais c'est sûr que s'il y en avait partout, ce serait encore mieux.

La différence avec la médiation au Manitoba, c'est que le médiateur au Manitoba, premièrement, peut sensibiliser le parent à maintenir son Implication et le pourquoi. Au Québec, le médiateur va modérer les deux parents et va faire en sorte que les deux parents en viennent à une entente. Ça, c'est une des grosses différences qui existent.

Deuxièmement, on sait qu'il y a une cour qui est structurée, de sorte qu'on s'assure que les parents aillent à la médiation. SI on laisse le libre choix aux gens d'aller à la médiation ou de ne pas y aller, on sait qu'à peine 5 % de la population s'en servira. Ce qui fait que, dans le fond, c'est une perte d'énergie incroyable pour la société. Si vraiment on veut améliorer le sort de nos enfants, de nos adolescents, on se doit de s'assurer que les parents ne deviennent pas égoïstes dans une séparation ou un divorce et qu'ils comprennent la nécessité de maintenir leur implication à tous les niveaux. Souvent, on m'a dit... Encore là, on dit: Écoutez, on ne peut pas forcer les parents à aller à la médiation. Au Québec, on porte une ceinture de sécurité pour protéger notre intérêt. Je sais que dans la ville où j'habite on se doit d'avoir un détecteur de fumée. Ici, on parle de milliers d'enfants. On ne va pas me dire que pour protéger l'intérêt de l'enfant, on va se servir de la charte des droits de la personne. D'après moi, d'ailleurs, si on va suivant la charte des droits de la personne, on se doit de protéger les intérêts de l'enfant. Alors, ce sont deux des gros points, disons, de différence entre la médiation au Québec et la médiation au Manitoba.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

M. Di Done: Ici, à date, la médiation n'est pas supportée.

La Présidente (Mme Marois): Merci, Mme la députée. Vous vouliez ajouter une chose, oui?

Mme Spector-Dunsky: S'il vous plaît. En effet, je crois que l'accent est à mettre sur une différence de perception. On parie du droit du père, du droit de la mère et j'aimerais suggérer que l'on remplace ça par la notion de responsabilité. Le seul droit qui existe, c'est que les enfants aient le droit de bien vivre. Ça, ils y ont droit, mais les parents, eux, Ils ont des responsabilités.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Je pense que c'est... Oui, M. Di Done.

M. Di Done: Mme la Présidente, excusez-moi, le fait qui semble être une réalité pour la majorité des gens aussi, c'est que lorsque le mot "garde" est employé et qu'un parent a gagné la garde, qu'il soit le père ou la mère, le ciel vient de tomber sur la tête de l'autre parent, c'est une catastrophe. On s'imagine qu'on vient de les perdre, nos enfants. Et ce qu'on doit démontrer, c'est que non, on ne perd pas nos enfants, on a une responsabilité et on doit les encourager à le faire. Ça minimiserait, d'ailleurs, plusieurs centaines de kidnappings qu'on a anuellement...

La Présidente (Mme Marois): Oui, oui.

M. Di Done: ...par un parent ou l'autre, et le manque de responsabilité à tous les niveaux.

La Présidente (Mme Marois): Je suis d'accord avec vous. Merci de votre présentation, de votre éclairage apporté aux membres de la commission.

J'inviterais maintenant les représentants de la résidence Yvon-Brunet à venir prendre place à la table, s'il vous plaît. Pour les fins de l'infor-

mation des membres de la commission, c'est le 48e groupe que nous entendons aujourd'hui, depute le début de nos séances de travail dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi.

Résidence Yvon-Brunet

M. Joly: Je peux vous rappeler, Mme la Présidente, qu'il nous en reste encore 200.

La Présidente (Mme Marois): Je suis... Je crois qu'on a été... On a bien travaillé, d'une part, mais surtout c'est, d'une fois à l'autre, très intéressant, ce qui nous est apporté par les groupes qui se présentent là, et je suis persuadée que les représentants de la résidence Yvon-Brunet ont aussi un certain nombre de choses à nous dire qui vont venir éclairer notre lanterne. Merci. Nous vous écoutons.

M. Harvey (Germain): Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je dois vous dire honnêtement qu'on ne s'attendait pas à être invités, de sorte que vous nous avez pris par surprise. D'autre part, je ne connais pas non plus les façons de procéder des commissions parlementaires.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que vous me permettez une phrase ou deux?

M. Harvey: Allez-y.

La Présidente (Mme Marois): Vous avez pu voir un petit peu comme on a fait ça très simplement. J'aimerais d'abord que vous vous présentiez et que vous présentiez la personne qui vous accompagne. Vous présentez ensuite une synthèse de votre mémoire, ce que vous voulez faire comme représentation sur le fond aux membres de la commission. Par la suite, nous échangeons avec vous, soit des questions ou des commentaires.

M. Harvey : Merci. Mon nom est Germain Harvey, je suis directeur général de la résidence Yvon-Brunet, et mon coéquipier, M. Gérard Labelle, est président du conseil d'administration de la résidence Yvon-Brunet.

Alors, je disais qu'on nous a pris un peu par surprise. Est-ce qu'il est permis, dans les procédures de la commission... À la suite de la lettre qu'on vous a envoyée, avec l'annexe de la philosophie du centre d'accueil, j'ai résumé sur une page cinq ou six recommandations supplémentaires qui allaient avec la lettre. Je les ai avec moi. Est-ce que c'est permis de distribuer ça?

La Présidente (Mme Marois): Tout à fait, cher monsieur. Vous pouvez les distribuer aux membres. On va même le faire pour vous...

M- Harvey: Merci.

La Présidente (Mme Marois): ...distribuer ce petit document qui va tout simplement s'ajouter à votre mémoire. (16 h 15)

M. Harvey: Tout d'abord, la résidence Yvon-Brunet est un centre d'accueil public d'environ 200 places qui a ouvert ses portes il y a sept ans, en janvier 1983. On a voulu vous donner nos Impressions, notre opinion sur une partie seulement du projet de loi, et non pas sur l'ensemble, surtout en ce qui concerne les personnes âgées, donc les centres d'accueil d'hébergement. Notre but est aussi et surtout de vous montrer qu'il est possible d'avoir une vision de la vieillesse qui n'est peut-être pas celle qui est courante actuellement dans le réseau, et que ça entraîne des conséquences qui sont quand même importantes dans la façon de donner les services.

Les résidents des centres d'accueil et d'hébergement ont, en moyenne, aux alentours de 82 ans - au centre d'accueil, en tout cas, chez nous, c'est 82 ans, dont les trois quarts sont des femmes. C'est sûr que leur façon de penser et leur façon de vivre sont souvent complètement différentes des nôtres, alors que nous prenons des décisions, quotidiennement, dans les centres d'accueil, qui les concernent.

Ça se complique drôlement du fait que les personnes âgées, pour plusieurs raisons, ne disent pas facilement ce qu'elles veulent. D'une part, elles n'ont pas beaucoup d'énergie pour le faire; à 88 ans, à 90 ans ou 95 ans, on n'a pas toujours l'énergie pour demander. D'autre part, elles ont été élevées à une époque où ce n'était pas l'habitude, où ce n'était pas la tradition de revendiquer. Elles ont une notion de l'autorité qui n'est plus celle qu'on a aujourd'hui. La direction d'un centre d'accueil est une forme, une représentation de l'autorité. Elles ne vont pas facilement demander ou questionner ce qui est décidé dans un centre d'accueil. D'autre part, elles sont dépendantes, quotidiennement, de tous les gens qui les entourent, simplement pour survivre. Alors, dans ces conditions-là, c'est bien difficile de critiquer et, en plus, elles connaissent des gens de près qui n'ont pas une place dans les centres d'accueil et se considèrent privilégiées de l'avoir, donc raison de plus pour ne pas demander et revendiquer.

Ce qui est dangereux, dans le cas des personnes âgées, c'est que, comme elles n'expriment pas ce qu'elles veulent, souvent les directions des centres d'accueil vont décider de ce qu'elles veulent, non pas dans le sens de leur faire du tort ou pour leur nuire, mais sans s'en rendre compte.

Sans faire tout l'éloge du système privé, je trouve quand même que le système privé, en général, a un grand avantage, dans le sens que, si une entreprise ne répond plus à un besoin du

consommateur, elle perd ses clients. Il n'y a, paraît-il, jamais de clients insatisfaits dans le secteur privé, il n'y a que des ex-clients. Quand il y a suffisamment d'ex-clients, il y a des ex-entreprises, ce qui fait qu'on est certain, à moyen terme, que les entreprises vont définitivement répondre à un besoin. Mais dans les centres d'accueil publics, on peut très bien répondre, c'est-à-dire que la totalité des résidents d'un centre d'accueil peut très bien être insatisfaite des services et le centre d'accueil va fonctionner pour les vingt prochaines années sans que personne ne le sache. Ça, à mon avis, c'est l'élément le plus dangereux de notre réseau des affaires sociales.

Si on veut contrebalancer ça, il y a des façons, à mon avis, de le faire. Une de ces façons, c'est de s'assurer que les conseils d'administration soient près des résidents. Alors, le |our où... Dans le projet de loi, par exemple, on recommande de fusionner les conseils d'ad-minlstratlon. Je me demande comment les conseils d'administration vont pouvoir être près de ces résidents-là? Être près, ça veut dire, d'abord, faire ses réunions sur place, au conseil, voir ce que les résidents mangent, connaître des gens du personnel, connaître des cadres, participer à des activités. Être près, ça veut dire que dans les décisions que le conseil aura à prendre quotidiennement, il connaît assez les besoins des personnes âgées pour être capable de les discerner au moment de prendre des décisions. C'est déjà extrêmement difficile et exigeant, si, en plus, il faut regrouper quatre ou cinq centres d'accueil, un CLSC et un hôpital, je pense qu'un rapprochement entre les résidents et les membres du conseil d'administration est presque impossible.

Ce qui m'amène à vous suggérer, dans la première recommandation, dans les documents qu'on vous remettait tantôt, que les bénéficiaires... Dans le fond, dans ce document-là, on a regroupé sept recommandations qui sont un peu la suite du document qu'on vous a envoyé et qui visent deux thèmes: le premier, c'est de rapprocher le consommateur de services du producteur. Puisque ça marche tellement bien dans le privé, pourquoi est-ce que ça ne marcherait pas aussi dans le secteur public? Une des façons, ce serait que les bénéficiaires - j'utilise le terme "bénéficiaire" parce que c'est le terme légal; chez nous, on emploie habituellement le terme "résident" qui est, à mon avis, beaucoup plus juste - de chaque centre d'accueil et d'hébergement conservent leur propre conseil d'administration, justement pour que les conseils soient plus près de leurs résidents; qu'une majorité des membres du conseil d'administration des centres d'accueil et d'hébergement soient des parents des bénéficiaires desservis, c'est-à-dire les fils, les filles, les frères, les soeurs, de sorte qu'eux vont être beaucoup plus, préoccupés, beaucoup plus près des besoins de leurs parents dans le centre d'accueil; que le ministère encourage la création de postes de conseiller en milieu de vie ou, si vous voulez, d'ombudsman, dans les centres d'accueil et d'hébergement, dont le rôle principal serait de représenter l'intérêt et les droits des bénéficiaires dans l'organisation. Puisque les personnes âgées ne le font pas elles-mêmes, puisqu'elles n'ont pas l'énergie pour le faire, si on n'a pas un mécanisme qui nous assure que c'est représenté, on va passer à côté. Vous avez, en annexe, des recommandations, une description des tâches de ce que pourrait être le rôle du conseiller en milieu de vie. Ça existe, chez nous, depuis l'ouverture du centre d'accueil, donc depuis plus de sept ans et je peux vous assurer que ça a amené des changements majeurs dans l'organisation du centre d'accueil.

Quatrième recommandation, qu'en termes de ligne d'autorité le conseiller en milieu de vie dépende directement du directeur général ou du conseil d'administration du centre d'accueil d'hébergement. Pour qu'il y ait influence, il faut que la ligne d'autorité passe par les lignes de pouvoir. À mon avis, à ce niveau-là, des changements peuvent être apportés.

La deuxième partie, c'est pour élargir la vision actuelle de la vieillesse d'un modèle uniquement médical à un modèle global. Ça, à mon avis, c'est l'élément clé, actuellement. SI J'avais à résumer ce que Je pense être le problème le plus important des centres d'accueil d'hébergement Je dirais que c'est la vision qu'on a de la vieillesse aujourd'hui, dans nos centres.

Je vais vous donner des parallèles avec des exemples que je me suis amusé à mettre par écrit tantôt. Dans le modèle traditionnel, quand je dis modèle traditionnel, je dis souvent... Le problème, vous le savez comme moi, c'est que pour être admis dans un centre d'accueil d'hébergement iI faut avoir besoin de soins qui varient entre une heure et demie et deux heures et demie, dans notre langage. Sauf que ce qu'on a fait souvent comme erreur, c'est de partir de cette identification des besoins et de dire: Parce que pour être admis on a besoin de soins la réponse va être uniquement de l'ordre des soins. C'est là, à mon avis, qu'on a fait l'erreur la plus sérieuse.

Le modèle traditionnel, Je vais vous le décrire, et, ensuite, le modèle qu'on vous propose, avec des exemples, juste pour vous faire comprendre la différence. Dans le modèle traditionnel actuel, que je dis médical, l'accent est mis quasi uniquement sur les soins. Le personnel qui travaille est exclusivement composé d'infirmiers, infirmiers auxiliaires, médecins. Le centre est perçu comme un hôpital. La totalité des ressources est consacrée au maintien de la vie. L'accent est mis sur l'hygiène, la propreté, les bons soins, les bons médicaments, la bonne alimentation, évidemment définis par les professionnels. L'environnement est celui d'un hôpital. Les murs sont ce qu'on appelle en anglais "off-

white", couleur coquille d'oeuf. Il y a des lits d'hôpital. Le personnel est en uniforme. Il y a des postes de garde. L'activité principale - et je caricature à peine - c'est la distribution des médicaments. La réglementation est indue et on va décider souvent, pour leur bien, ce qu'ils doivent manger, quand ils doivent se coucher, quel médicament prendre, permettre ou non de consommer de l'alcool, permettre ou non de recevoir quelqu'un dans leur chambre, quelles sont leurs heures de visite, combien de bibelots ils doivent avoir dans leur chambre, quels meubles doivent être dans leur chambre, de quelle couleur doivent être leurs rideaux et leur couvre-lit, qu'ils doivent aller en traitement de physiothérapie à 14 h 15, qu'ils devront aller chez le dentiste le mardi à 16 h 45, qu'ils doivent prendre leur bain 2,3 fois en moyenne par semaine, selon le plan de soins, que le ménage sera fait deux fois par semaine, le mardi à 16 heures et le jeudi à 15 heures pour permettre aux responsables de l'entretien ménager de planifier, qu'ils doivent rester dans leur chambre quand on fait le ménage de leur corridor, qu'ils ne doivent pas fumer, qu'ils ne doivent pas consommer de sucre ou d'aliments salés, qu'ils ont droit à trois onces de viande, deux onces de patates et pas plus de 350 calories par repas et que ceux-ci doivent contenir les quatre aliments essentiels définis par les nutritionnistes, qu'ils n'ont pas le droit de choisir leur médecin, qu'ils doivent désormais suivre une diète parce qu'ils sont trop gros, celle-ci définie par le professionnel de service, qu'ils sont obligés de circuler en chaise roulante parce que le médecin l'a prescrit, qu'ils doivent aller à l'hôpital pour subir une opération du foie qu'ils le veulent ou pas, qu'ils doivent prendre leur pilule rouge à 14 heures, la verte à 16 heures et surtout ne pas oublier la jaune avant d'aller se coucher à 19 heures parce que l'infirmière y veille, qu'on l'appellera désormais Mme Hébert, même si elle s'appelle Mme Garon depuis son mariage, il y a 60 ans - ainsi le veut la loi et surtout l'ordinateur -qu'on la tutoiera et l'appellera par son prénom, même si leur fils et leur fille les vouvoient depuis bientôt plus de 60 ans, alors que vous allez dans n'importe quel McDonald's du coin et on va vous vouvoyer, que Mme Hébert recevra un bain par Pierre, un préposé de 19 ans, que le nom apparaissant à sa porte sera dorénavant A404, parce que c'est plus facile pour les ressources matérielles.

Je pense qu'aucun d'entre nous n'aimerait vivre dans un environnement où tous les professionnels, la direction, l'organisation viennent définir quand on va aller à la toilette, quand on va sortir et combien de temps on doit y rester. C'est, actuellement, et je ne pense pas que j'exagère beaucoup, ce qu'on fait dans nos centres d'accueil d'hébergement. Il est temps qu'on change cette approche.

Dans une approche différente, je vous dirai que les soins, dans la philosophie qu'on préconise, sont une petite partie d'un ensemble, dont les activités occupent la partie principale. Plusieurs formations en sciences humaines s'ajoutent au modèle actuellement d'Infirmier. Le centre est leur maison et n'est pas un hôpital. Les ressources visent d'abord à la qualité de la vie et non pas à la durée de la vie. L'accent est mis sur l'information et sur le respect de tout citoyen de choisir ce qui est bon pour lui et non pas défini par le professionnel qui est présent. L'environnement est celui qu'on retrouve dans la société, c'est-à-dire qu'il doit y avoir des couleurs, des plantes, des oiseaux, des aquariums, des animaux, peut-être une rue commerciale, une garderie, du personnel qui n'est surtout pas en uniforme, 60, 80 ou 150 activités organisées et les médicaments, évidemment, ne constituent pas l'activité principale. Finalement, on ne devrait pas y retrouver plus de réglementation qu'en société, c'est-à-dire que, tant que les droits collectifs ou le droit du voisin n'est pas touché, on n'a pas le droit d'intervenir sur le droit d'une personne âgée pour ses activités.

Dans ce sens-là - et vous avez en annexe un document beaucoup plus élaboré sur la philosophie du centre d'accueil - on vous recommande trois autres éléments qui se résument à ceci: Pour élargir la vision actuelle de la vieillesse d'un modèle uniquement médical à un modèle global, pour la période d'introduction - parce que je pense qu'actuellement, ce qu'on a à faire, c'est de changer la vision hôpital en une vision plus milieu de vie - que la formation du conseiller en milieu de vie soit obligatoirement en sciences humaines, pour compenser la surreprésentation du personnel médical, paramédical et infirmier actuellement en poste dans nos établissements; que le ministère de la Santé et des Services sociaux adopte dans les meilleurs délais une philosophie de services aux personnes âgées qui identifie la vieillesse comme une étape normale de la vie d'une personne, par opposition au modèle médical actuel, et qu'en conséquence nos centres d'accueil soient vus comme des milieux de vie et non comme des hôpitaux; que les articles 84.1 à 84.3 du règlement sur l'organisation et l'administration des établissements soient rayés. Ce sont les articles où il est dit que chaque centre d'accueil et d'hébergement doit obligatoirement avoir un responsable des soins infirmiers qui soit membre de l'Ordre de infirmières et infirmiers du Québec. En pratique, ce règlement fait, compte tenu des budgets des centres d'accueil et d'hébergement, que le directeur du département des services cliniques est nécessairement un Infirmier et, à mon avis, c'est une des raisons pour lesquelles on a une vision aussi médicale de la vieillesse. La formation qu'on reçoit, je pense qu'elle teinte sérieusement la réalité, la façon dont on voit l'environnement. Si, dans un centre d'accueil, la seule profession qui est présente est celle

d'infirmier, je ne m'étonne pas qu'au bout de la ligne la réponse du besoin soit médicale. Ce sont les articles 84.1 à 84.3. En pratique, comme les centres d'accueil ne peuvent pas se permettre d'avoir un responsable des soins médicaux et un directeur des services cliniques, ils combinent les deux ensemble et, automatiquement, c'est un infirmier.

Juste pour terminer la présentation là-dessus, à moins que M. Labelle ne veuille en ajouter... Il n'y a pas longtemps, la grand-mère de ma femme est entrée dans un centre d'accueil public, à Montréal. Ça fait peut-être deux mois de ça. La semaine passée, le médecin a décidé qu'elle était trop grosse. Dorénavant, le soir, elle n'aura plus droit à ses biscuits au chocolat ni à son lait; elle va se contenter de trois biscuits secs. Et elle a dorénavant un régime, une diète à suivre, qu'elle le veuille ou qu'elle ne le veuille pas. Je pense bien qu'autour de la table il n'y a personne entre nous qui aimerait se retrouver dans une organisation où on décide à notre place. À mon avis, si on n'a pas des mécanismes qui permettent de s'assurer de ce que les personnes âgées veulent avoir, c'est excessivement facile de passer à côté. Voilà!

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup. Est-ce que ça va, M. Labelle?

M. Labelle (Gérard): Je ne voudrais pas ajouter grand-chose. Je ne voudrais pas en ajouter beaucoup, il en a déjà suffisamment dit pour nous donner un vrai portrait d'un centre d'accueil, celui qui est le nôtre présentement, autrement que la caricature qu'il nous a présentée tantôt. Nous avons une politique qui a été bâtie à coups de problèmes ardus et même, en passant, une petite "grèvette" qui nous a donné des soucis, parce que la politique que nous avions brisait des habitudes du personnel, pas des résidents. Les résidents, eux, ils voulaient vivre autre chose que la caricature que M. Germain nous a donnée. Alors, il fallait inculquer au personnel des habitudes nouvelles pour qu'il respecte d'autant les personnalités des résidents et résidentes. Nous avons, à ce moment-là, bâti une charte que vous avez vue dans le présent document. En passant, cette charte-là a fait figure dans le document de Mme Thérèse Lavoie-Roux, à la page 53, dans le document d'orientation. Alors, c'est signe que la ministre l'a vue, en passant. Nous avons eu ses commentaires à ce moment-là. (16 h 30)

Ici, c'est pour vous dire que, si le centre d'accueil a pu vivre et bâtir une politique comme celle qui se vit présentement, c'est qu'il y a eu - on s'envoie des fleurs un petit peu - un conseil d'administration qui était près des problèmes des résidents et résidentes. Avec la section III du projet de loi, on se fait balayer, en passant. On se demande comment les nou- veaux conseils d'administration, avec un CLSC, des hôpitaux régionaux et spécialisés, avec les autres organismes, vont être près des problèmes des résidents et résidentes alors qu'on va probablement parler, comme on l'a vu tantôt avec les CLSC, d'hôpitaux, on va parler de médicaments, on va parler du milieu de vie. Mais le milieu vrai, le résident, c'est lui qui doit être... Le centre d'accueil n'existe pas pour nous, il existe pour le résident, la résidente qui est là sur place, 24 heures par jour, 365 jours par année. Ce n'est pas comme un hôpital où on vit cinq, six jours puis ils nous foutent dehors après. C'est pourquoi nous nous opposons un peu, beaucoup au projet de mélange des conseils d'administration.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de, je dirais, cet éloquent plaidoyer. Ça nous ramène très concrètement, sûrement, dans le vécu de plusieurs personnes âgées. Ce serait peut-être intéressant que d'autres aient entendu ce qu'on a entendu à votre présentation. M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

M. Sirros: Je les conserve, les autres. Moi, je vous ai entendu un peu, beaucoup aussi. Je pense effectivement que votre plaidoyer est très éloquent.

Je voulais commencer en disant que je trouve que ce que vous présentez et ce que vous décrivez est très rafraîchissant dans un domaine où, souvent, les gens l'abordent avec un pessimisme et une difficulté de vivre que... De toute façon, c'est plein de choses, qui sont finalement des choses d'un bon sens et d'une simplicité évidents, de choses que, finalement, on fait tous les jours dans nos vies. Je regardais votre charte et je regardais un peu certaines des règles que vous avez comme le fait que le chez-soi de quelqu'un, c'est le chez-soi de quelqu'un, puis ce n'est pas parce que quelqu'un est un infirmier ou une infirmière qu'il peut entrer là impunément, n'importe quand, n'importe comment.

Donc, au niveau du respect humain du bénéficiaire, du client, de l'usager ou de la personne hébergée dans le centre, je pense que c'est quelque chose qui est très remarquable. Ce qui m'amène à vous poser la question suivante: Qu'est-ce qui a fait que ça s'est développé chez vous et qu'on le volt tellement peu dans les autres centres d'accueil? Qu'est-ce que vous avez de particulier?

M. Harvey: Je ne sais pas si je devrais dire ça mais, avant que je devienne directeur général du centre d'accueil, ma grand-mère a passé dans un centre d'accueil public. C'est assez. Elle est morte d'Alzheimer à 92 ans. L'image que j'ai encore, c'est mon père qui va voir ma grand-mère puis qui cache une boîte de chocolat dans sa poche, puis je lui dis: Comment ça que tu

caches ça? Ma grand-mère ne reconnaissait ni mon père ni moi quand on y allait. Elle était complètement perdue, sauf qu'elle aimait beaucoup le chocolat. Ça fait que mon père dit: Je suis obligé de le cacher parce que la direction dit qu'elle n'a pas de budget, parce que, chaque fois que ma grand-mère mangeait du chocolat, disons que ça faisait des dégâts et, comme il n'y avait pas assez de culottes parce que ça coûtait cher et, en plus, il n'y avait pas assez de personnel pour entretenir, donc, c'était interdit d'apporter du chocolat à ma grand-mère. Ça, c'est l'image qui m'est restée. Alors quand, plus tard, on a commencé à appliquer la philosophie puis qu'on a commencé a "collecter" tous les inconvénients - parce qu'on s'est payé une grève, des visites, des inspections, puis des risques à tout bout de champ - dans les moments difficiles, ce que je me suis rappelé, c'était le visage de ma grand-mère. Ça, il faut dire que ça aide beaucoup. Mais je pense bien que c'est surtout un travail d'équipe, surtout un travail où un conseil d'administration nous appuie puis qu'une équipe est prête à aller vers ça.

Parce que, finalement, l'autre partie qui est aventureuse, qui est excessivement excitante là-dedans, c'est que personne ne peut prétendre connaître ia vieillesse. Donc, tout est permis. On peut essayer à peu près n'importe quoi. Tout ce qu'on connaît sur la vieillesse, ce sont les conséquences physiologiques: à tel diagnostic, telle maladie. Mais le reste, on ne le sait pas. Donc, on peut inventer, créer, essayer une foule de choses, contrairement à d'autres types de clientèles où on a des systèmes qui marchent peut-être depuis 25 ans, tous réglementés dans des façons de travailler. Ça, c'est excitant, puis c'est une aventure pour le personnel aussi. Avec le temps, on le découvre. Au début, ce qu'on voit plutôt, ce sont les inconvénients parce qu'on vous demande de changer vos habitudes de travail.

M. Sirros: C'est un centre d'accueil public? M. Harvey: Oui.

M. Sirros: Ce n'est pas privé et subventionné, c'est public, avec un conseil d'administration tel que défini par la loi actuellement?

M. Harvey: Oui.

M. Sirros:ii y a au moins quelque chose qui me rend un peu optimiste, finalement, c'est que, si nos structures actuelles ont quand môme permis que ça se développe dans un centre d'accueil comme ça, il y a des possibilités qu'on puisse le voir se développer dans d'autres, si on prenait tes moyens, en quelque sorte. parce qu'ici vous dites que c'est peut-être le fait que vous, vous avez eu une volonté personnelle basée sur une expérience puis un vécu qui vous a amené à... Pourriez-vous peut-être décrire un peu les résistances que vous avez trouvées, comme directeur et comme conseil, si vous avez trouvé des résistances?

M. Harvey: Oui. D'abord, je voudrais juste dire que ça ne partait pas juste du directeur général, d'accord? C'est une expérience personnelle, mais il y avait aussi des membres du conseil qui en avaient aussi.

M. Sinros: Oui, c'est pour ça que je dis les deux.

M. Harvey: C'est beaucoup, c'est toute une équipe. On avait aussi la chance que c'est un nouveau centre d'accueil. Donc, on a choisi le monde avec qui on voulait travailler et je vous avoue... Vous parlez de types de difficultés; en l'espace de deux ans, j'ai perdu 50 % du personnel, 60 % des cadres. C'est ça que ça veut dire.

M. Sirro8: Qui les a choisis? D'abord, le conseil a choisi un directeur général.

M. Harvey: Le directeur.

M. Sirros: Et par la suite? Décrivez-moi un peu parce qu'on a souvent entendu vivre des situations très conflictuelles au niveau du choix des employés, le conseil vis-à-vis de l'engagement du personnel, le D.G. vis-à-vis du conseil d'administration. Qu'est-ce qui a fait en sorte que... Vous dites quand même que vous avez vécu un "turnover", en quelque sorte, de 50 %. Donc...

M. Harvey: Oui.

M. Sirros: Mais, au départ, vous avez établi certains objectifs et certaines approches.

M. Harvey: Ce qui a aidé beaucoup, je pense, c'est que, comme on le disait tantôt, les personnes âgées ne disent pas ce qu'elles veulent. Alors, quand on arrive au conseil d'administration, la direction arrive puis on ne sait pas ce que le consommateur veut, bref, comparé au système privé.

On a engagé, à ce moment-là, une conseillère en milieu de vie. Et un an après, après avoir rencontré chacune des personnes une à une je ne sais combien de fois, des heures et des heures, II est ressorti de façon évidente que les personnes âgées voulaient ça, ne voulaient pas ça, voulaient ça. La messe le dimanche, ça compte; celle du samedi, ça ne compte pas; la messe du mercredi matin, ce n'est pas valide. Les terrasses en arrière, ça ne compte pas; celles d'en avant, elles comptent. Ils veulent avoir du poisson le vendredi; le repas du dimanche midi, pas comme les autres. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Alors, quand c'est devenu évident, ça... Ils ne veulent pas avoir des bains par une

personne du sexe opposé. Ils ne veulent pas être tutoyés. On en a des centaines et des centaines. Quand ça, c'est devenu évident, pour nous, c'était comme de dire: Bien, la piste est évidente, là. On a un centre d'accueil qui est censé ôtre pour des personnes âgées et, pour une fois, on peut affirmer que c'est ça qu'elles veulent et ce n'est pas ça qu'ils veulent. À partir de là, on l'a changé.

Le conseil d'administration, ]e vais ôtre bien franc aussi, au départ, on savait qu'on s'en allait vers beaucoup de risques et beaucoup de problèmes. Déjà, le conseil d'administration, on s'est assis avant de commencer toute cette démarche-là puis on s'est dit: Est-ce que vous êtes prêts à aller jusqu'au bout de cette démarche-là? Est-ce que vous êtes prêts - je m'excuse s'il y a des gens du ministère dans le centre, Ici - avoir des pressions politiques parce que vous dérangez un peu en coure de route parce qu'il y a une grève, puis qu'ils font des pressions dans les journaux, puis que le cabinet du ministre n'aime pas ça? Ou d'avoir des grandes centrales syndicales qui disent: Bien là, vous touchez aux droits à l'ancienneté quand vous respectez le droit à l'Intimité des personnes âgées? Ou quand vous touchez aux infirmières un peu, vous risquez d'avoir des problèmes? Alors, est-ce que vous êtes prêts à prendre ces risques-là? Les gens ont dit oui. Bien, je me dis: Je ne sais pas si c'est possible partout. J'avais un conseil qui disait: Oui, on est prêts à prendre ces risques-là et à aller jusqu'au bout.

Mais on savait aussi, honnêtement, qu'on avait tout un pouvoir parce que la société, la collectivité, actuellement, la moyenne d'âge, le baby-boom dont les parents arrivent dans les centres d'accueil, ils savent très bien ce qui se passe actuellement. Et ça, c'est un pouvoir qui est énorme, aussi. Alors, quand est arrivée la grève, honnêtement, quand les journalistes sont venus au centre d'accueil, j'ai sorti la convention collective à droite, de 350 pages puis 850 articles, puis j'ai sorti la Charte des droits, avec 32 articles, et j'ai dit: Lequel des deux voulez-vous qu'on prenne? Parce que, actuellement, dans le réseau, j'ai l'impression que c'est celle-là qu'on prend parce que ça, ce n'est pas risqué.

Souvent, on est en opposition ou, si on touche le droit des employés, on se ramasse devant des problèmes et, si on touche le droit des personnes âgées, il n'y a aucun problème, parce qu'elles ne sont pas groupées, elles ne sont pas présentes politiquement. Un exemple précis, toujours pour répondre à votre question. Les personnes âgées nous ont dit, les femmes en particulier: Quand c'est le temps des bains, ne nous envoyez pas un homme, on n'en veut pas. C'était clair, mais pas dit avec des pancartes, pas avec des pétitions, dit via le conseiller en milieu de vie. On a ouvert des postes et on a dit: Les hommes pour les hommes et les femmes pour les femmes. Le syndicat a dit: Ça ne respecte pas les normes d'ancienneté. Qu'est-ce que vous faites? C'est vrai que ça ne respecte pas les normes d'ancienneté, mais la priorité, d'abord, c'est le droit à l'intimité et il arrivera ce qui arrivera. Il est arrivé une grève illégale de douze jours. On est allés à la télévision et je suis sûr que c'est ça qui nous a évité d'avoir des pressions politiques.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Harvey: Et je le referais demain matin parce que ça a été payant.

M. Slrro8: Ça va. O.K. Une des résistances que vous avez eues, concrètement, c'était au niveau syndical où l'organisation syndicale trouvait que c'était, en tout cas qu'il y avait une priorité pour la convention collective par rapport à la charte de vos droits, ce qui a résulté en une grève. D'autres résistances? D'autres points de résistance?

M. Harvey: Oui, les corporations. On a eu en l'espace de trois mois, par hasard, ta visite de la Corporation des médecins, celle des infirmières et celle des pharmaciens. Ça doit être le hasard. Voyez-vous, ce sont beaucoup de choses comme ça qui arrivent, des hasards. Il y a beaucoup de résistance qu'on sent dans le réseau actuellement parce que c'est vu comme une espèce de guerre des professions. Est-ce que ce sont des infirmiers qui sont là? Alors, nous, on dit: Pourquoi juste des infirmiers? Pourquoi le cadre ne serait-il pas psychologue? Actuellement, chez nous, il y a un cadre qui est ergothérapeute, l'autre est travailleur social et l'autre est psychoéducateur. Pourquoi pas? Parce que chacun de ces gens-là amène une vision de la vieillesse que l'autre n'a pas. Notre formation atteint notre perception et on est censés être là pour donner des services globaux. Alors, plus j'ai de perceptions différentes de la vieillesse, plus je suis susceptible d'avoir des réponses globales. Mais ça, ce n'est pas facilement accepté, ça dérange de ne pas avoir juste des infirmiers.

M. Sirros: Je vous entends parier et je me dis: C'est rafraîchissant, c'est intéressant et ça devrait être quelque chose qui devienne "instruisant" pour le réseau. Est-ce que vous estimez qu'il y a actuellement des mécanismes qui vous permettent de transférer à d'autres l'expérience que vous avez ou si c'est quelque chose qui demeure typique à vous, mais qui ne déborde pas? Qu'est-ce qu'on pourrait faire dans le sens d'ouvrir un peu les portes pour que ça déborde?

M. Harvey: Les seuls moyens que j'ai pu utiliser jusqu'à présent, c'est quand j'avais l'occasion d'aller aux journaux, à la télévision ou de donner des conférences. Ce sont les moyens que j'ai pu utiliser.

M. Sirros:mais il n'y avait rien dans la structure comme telle. vous n'avez pas trouvé, par exemple, je ne sais pas, au niveau des...

Une voix: Des conseils régionaux.

M. Sirros: Oui, du conseil régional, des mises en commun dans les tables.

M. Harvey: L'Association des centres d'accueil, un peu, sauf qu'eux se heurtent un peu à la même situation, c'est-à-dire qu'elle représente l'ensemble des centres d'accueil dont tous les directeurs de soins sont infirmiers. Elle a pris position un peu, dans ce sens-là aussi, depuis quelques années, l'Association des centres d'accueil.

Des mécanismes, oui. Dans les recommandations qu'on faisait tantôt, quand je parlais de conseillers en milieu de vie, je dis: Ça peut aider en crime d'accepter qu'il y ait d'autres formations professionnelles dans les établissements de centres d'accueil; oui. D'avoir des parents - je ne pense pas qu'il faudrait le prendre à la légère - des résidents sur les conseils d'administration. Je vous garantis que, quand ils vont voir leur mère attachée six heures sur la chaise, ils vont réagir au conseil d'administration. Les portes barrées du centre d'accueil et les visites pas après 21 heures, je vous garantis qu'ils vont réagir. Parce qu'ils sont poignés émotivement, ça va les rejoindre quelque part. Ça prend ça un peu dans les...

M. Sirros: Donc, pour vous, si on n'avait pas de conseil d'administration unifié et si on avait un conseil d'administration pour votre établissement composé uniquement de citoyens, de parents, par exemple, des usagers ou de bénéficiaires eux-mêmes s'ils le peuvent, sans la présence de groupes d'intérêt particuliers, que ce soit la Corporation des médecins, que ce soient les syndiques ou les non-syndiqués, les cliniques et les non-cliniques, ça c'est quelque chose que vous trouvez qui correspondrait plus à votre philosophie?

M. Harvey: Oui, de beaucoup.

M. Sirros: Un conseil formé de gens qui reflètent un peu les personnes qui sont dans l'institution...

M. Harvey: Oui.

M. Sirros:... et qui ont, comme premier intérêt, l'intérêt des gens qui sont dans l'institution et non pas là pour défendre...

M. Harvey: Voilà.

M. Sirros:... leur corporation, leur profes- sion, etc.

M. Harvey: Oui. Je peux vous faire un parallèle. Par exemple, je connais des gens... Ma femme, par exemple, siège au comité de l'école du quartier où on est. Nos deux enfants sont à cette école là. Je vous garantis que quand il se prend des décisions concernant les enfants, ce n'est pus long qu'il y a des "feedbacks" Ça se répand, ça touche quelque part un intérêt chez la personne. (16 h 45)

M. Sirros: Je crois que le temps file et on pourrait continuer longtemps. J'ai peut-être deux autres petites questions. La proposition dans le document d'orientation qui est reprise dans l'avant-projet de loi de fusionner les centres hospitaliers de soins prolongés et les centres d'accueil d'hébergement, parce que la constatation est faite que la clientèle se ressemble de plus en plus au niveau de la condition physique, quelle est votre réaction face à ça? Et lié à ça, j'imagine que vous devez dire que ça doit prendre un certain équilibre au niveau de la capacité physique de la clientèle qui est hébergée dans le centre. Ma sous-question, c'est: Comment faites-vous avec des gens qui sont plus lourdement physiquement dans une situation difficile où ils n'ont pas la capacité de prendre eux-mêmes certaines décisions?

M. Harvey: Tout d'abord, au niveau de la fusion des centres hospitaliers de soins de longue durée et des centres d'accueil, je dirais oui en principe, pour autant qu'on me garantisse bien que, par exemple, le centre d'accueil, avec un budget de 3 000 000 $, qui est fusionné avec le CHSP, qui a un budget de 45 000 000 $, il y aura quelque part une espèce d'équilibre qui va se faire, parce que, actuellement, les centres hospitaliers de soins prolongés ont une mentalité d'hôpital. Ce qui va arriver, c'est que si le centre d'accueil a une mentalité de milieu de vie, il va se faire avaler là dans les semaines qui vont suivre. Il faudrait donc que le centre hospitalier ait des garantis qu'il devienne lui aussi un milieu de vie et, dans ces conditions-là, je dis oui.

Votre deuxième partie, dans le cas d'une personne âgée qui devient de plus en plus confuse, dans le fond, ce qu'on fait - et c'est là que le conseiller en milieu de vie est d'une très grande utilité et les contacts avec la famille -on utilise ces deux niveaux. Supposons qu'une personne âgée est complètement confuse. D'abord, je n'en ai jamais vu une qui est complètement confuse tout le temps; il faudrait qu'on m'en présente une; il y a toujours moyen d'entrer en contact avec elle, soit par des signes verbaux, des soupirs, des façons de s'exprimer. On va entrer en contact avec elle le plus possible. Donc, le chef d'unité qui la connaît va dire: Bien, je pense qu'elle veut me dire telle

chose. On va vérifier avec le conseiller en milieu de vie qui dit oui ou non. S'il y a de la famille, on va aller voir. S'il n'y en a pas, on va décider pour la personne évidemment, mais en se basant sur ce que les autres personnes non confuses décident. Une personne âgée qui a toujours mangé du chocolat toute sa vie, qui adore le sucre, puis qui, à un moment donné, devient confuse. Sa famille dit: Elle a toujours aimé ça. Vous lui présentez un morceau de chocolat et elle veut l'avoir. Si le médecin dit: Non, non, non, ce n'est pas bon pour son régime... Je regrette, elle va l'avoir son chocolat. C'est dans ce sens-là qu'on met une barrière.

M. Sirros: En tout cas, si je résume votre position, ou votre point de vue plutôt, c'est de dire que les besoins humains de la personne passent bien avant d'analyser ses besoins en termes professionnels.

M. Harvey: Oui. Est-ce que je peux vous donner un exemple qui est très concret, très pratique, et qui vient de se passer?

M. Sirros: Oui.

M. Harvey: II n'est pas fait pour dénigrer, c'est juste pour vous faire comprendre. Il y a dans le DSC actuellement un nouvel exercice qui a été mis sur pied: service dentaire dans les centres d'accueil mobile. On a fait venir une espèce de service dentaire de Californie, une dernière technologie: les dentistes arrivent dans les centres d'accueil, font le tour de la clientèle et donnent les services sur place. Au départ, ce n'est pas mauvais, c'est bien, mais regardez bien ce qui arrive. Là, ils viennent chez nous et ils disent: Maintenant, on va faire le tour des personnes âgées, on va examiner leurs dents. Ils disent: Par exemple, j'ai vu dans tel autre centre d'accueil une dame qui ne le savait pas, mais qui avait un ulcère dans la bouche qui pouvait être cancéreux et, en l'examinant, on s'en est aperçu Donc, un rationnel, qui n'est pas plus beau, qui est très beau, qui est excellent. Sauf qu'ils disent: Par contre, celles qui ne veulent pas vont signer un refus de traitement. Ça, là, signer un refus de traitement à 88 ans? C'est vrai pour nous autres, des refus de traitement. Alors, ils vont partir, vont faire le tour des centres d'accueil, ils vont arriver avec je ne sais combien de factures de dentiers. L'État, ça va lui coûter quelques billets, des centaines de mille, minimum, pour réparer des dents que, de loute façon, les personnes âgées ne veulent pas avoir. Ce qu'on a dit aux dentistes, c'est: Oui, vous allez venir; on va mettre une affiche dans le centre d'accueil, on va informer les personnes âgées que les dentistes viennent; s'il y en a quatre qui se présentent, il y en a quatre; s'il y en a vingt, il y en a vingt; mais vous n'allez pas créer des besoins à leur place. Depuis quand, dans la société, on ferme les deux bouts d'une rue d'une ville et on sort les gens des appartements en disant: montrez-nous vos dents, vous avez besoin de services? ça n'a pas d'allure. c'est un exemple.

M. Sirros: Ça illustre très bien ce que j'ai bien compris de votre présentation et, en terminant, de ma part, je voudrais tout simplement dire que j'apprécie énormément ce que vous avez présenté. Je pense que les personnes qui sont chez vous doivent apprécier énormément d'être chez vous. Je pense que nous, de notre côté, on doit faire, et je m'engage à le faire moi-même, tout ce qu'on peut faire pour voir si on ne peut pas étendre ce genre de conditions de vie pour les personnes, qui sont hébergées dans les centres d'accueil ou dans nos centres, au-delà de simplement un accident de parcours d'un établissement qui a réussi à mettre ensemble les éléments qui ont permis d'arriver à ce que vous avez ici aujourd'hui. Je pense que si on a pu le voir naître et exister à l'intérieur d'un centre, il y a fort probablement des possibilités de le voir étendu à d'autres et ailleurs. Et c'est dans ce sens-là qu'on doit l'aborder.

La Présidente (Mme Marois): D'accord, merci. Mme la députée de Saint-Henri.

Mme Loiselle: Pour le bénéfice des membres de cette commission, j'ai eu le plaisir de visiter le centre et c'est vraiment extraordinaire. J'ai été estomaquée quand je suis allée là, parce qu'il y a beaucoup de centres dans mon comté, il n'y avait pas cette atmosphère de froideur quand on entre dans un centre d'accueil qui est, comme on dirait, un hôpital. Là-bas, il y a de la couleur partout. Mais il y a un point que vous n'avez pas mentionné et que, brièvement, j'aimerais peut-être décrire. C'est la rue principale.

La Présidente (Mme Marois): C'est dans le mémoire.

mme loiselle: parce qu'il y a une rue principale où on retrouve un coiffeur, une coiffeuse; il y a un mini bar, une taverne que pour les hommes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Non, mais les gens de 75 ans ne sont pas habitués aux brasseries. Il y a aussi un endroit où les femmes peuvent aller popoter. Moi, quand j'y suis allée, il y avait trois petites dames qui, avec l'aide d'une dame du communautaire, faisaient des pots de confitures et de marinades. C'était l'automne. Qu'est-ce qu'il y a à part ça?

M. Harvey: II y une garderie, il y a des serres.

Mme Loiselle: Ah oui, il y a une garderie où les personnes âgées, qui décident une journée d'aller passer deux heures avec les enfants, vont passer deux heures avec les enfants. Il y a un aquarium.

M. Harvey: II y a une banque.

Mme Loiselle: II y a une banque où, ils peuvent aller faire leurs dépôts.

M. Harvey: II y a une pharmacie, un magasin de vêtements.

Mme Loiselle: C'est vraiment extraordinaire, c'est un milieu de vie où l'on sent la chaleur. J'inviterais les gens de la commission, si vous passez dans le sud-ouest de Montréal, vous me permettez, M. Harvey...

M. Harvey: Je vous en prie.

Mme Loiselle:... à aller faire un tour parce que c'est vraiment l'exemple typique d'un centre d'accueil comme ça devrait être et non pas comme on retrouve aujourd'hui. Merci.

M. Harvey: Vous êtes les bienvenus.

La Présidente (Mme Marois): Oui, merci beaucoup. Merci, Mme la députée, je pense que c'est intéressant qu'il y ait aussi des témoignages des gens de la commission qui viennent encore apporter davantage d'information. Merci. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Je pense qu'on peut faire ça un peu moins long compte tenu du fait que les questions qui ont été posées vont vraiment dans le sens... Vraiment, on devrait faire plus souvent de vendredis après-midi. On a toujours les expériences rafraîchissantes le vendredi après-midi et qui nous donnent de l'espoir quant à ce grand système et à sa déshumanisation évidente dans beaucoup d'endroits, dans beaucoup de situations pour beaucoup de personnes, et c'est tout à votre honneur. Pour ma part, comme on va tous finir un peu par passer par là, j'aimerais m'inscrire tout de suite sur la liste d'attente pour être sûr que j'aurai ma place, parce que j'ai l'impression que vous allez avoir, à la suite de vos émissions à la télévision et à votre témoignage et avec ce qu'on en dit, vous allez avoir de très longues listes d'attente.

Je voudrais examiner - pas trop formellement - un des aspects de la forme que peut prendre la protection des bénéficiaires. Si vous permettez, M. le directeur général, je vais parler à votre président de conseil d'administration. On sent très bien - et ça, là, c'est tout à votre honneur - vous êtes, avec votre personnel - vous l'avez bien décrit tantôt - vous êtes la locomotive activante de tout ça et ça paraît d'évidence que vous êtes convaincu, que vous fonctionnez avec enthousiasme.

Mais au niveau du conseil d'administration, M. Labelle, d'abord, un, comment vous êtes arrivé comme président du conseil? Le hasard?

M. Labelle: Le jour où j'ai pris ma retraite, on m'a demandé: Veux-tu être bénévole dans un centre d'accueil quelque part? Alors, j'ai dit oui. Il y en avait un tout près de chez nous, alors on ma envoyé comme délégué; je représentais le CSSMM. Alors, j'arrive à Notre-Dame-du-Rosaire; c'est un foyer qui était la caricature de celui que Germain a présenter tantôt. Je vous assure que ce n'était pas un cadeau. On m'envole dans le pire foyer qu'il pouvait y avoir dans tout Montréal. Là, j'ai essayé, de différentes façons, de m'éclipser pour aller ailleurs, mais seulement je suis resté là. On a dû déménager parce que le foyer était condamné par le service des incendies et le service de santé. Il y avait des rats, des punaises, des coquerelles; il y avait de tout ce que vous vouliez là-dedans. Une journée ou l'autre, il a fallu fermer.

Il y avait un centre qui était en construction dans Ville Émard. C'était loin de chez nous, mais on a déménagé 33 résidentes - c'étaient que des femmes - et avec un personnel presque uniquement féminin. Là, on va avoir des problèmes. On arrive là-bas avec le personnel et 33 résidentes. Là, il fallait avoir du personnel masculin parce qu'on avait des couples, là-bas. On avait des gens catholiques, pas catholiques et on avait des Jéhovah, on en a eu de toutes les sortes, à l'autre bout. La sexualisation des postes: un homme qui ne voulait pas se faire donner son bain par une dame, puis la dame qui ne voulait... Alors, c'est là qu'il y a eu des problèmes. C'est comme ça que j'ai abouti là-dedans. Je vous assure que, s'il n'y avait pas eu, d'abord, un directeur et des cadres hors pair, parce qu'on n'en trouve pas beaucoup dans la province de ce calibre... Les journées d'étude et journées de formation... Ce sont les comités de formation qui ont eu lieu en cours d'année, c'est ça qui a permis de changer tout le personnel qu'on avait à transporter de Notre-Dame-du-Rosaire à là-bas. On avait fait une expérience avec le collège Marie-Victorin qui a donné des cours pour entraînement du personnel. Si c'était possible de transporter ça dans toute la province, pour changer la mentalité du personnel dans les centres d'accueil...

M. Trudel: Pour que je comprenne bien, M. Labelle, cette première expérience assez malheureuse, dans un milieu assez difficile, quand vous dites que vous avez déménagé, parlez-vous d'Yvon-Brunet?

M. Labelle: Oui, c'est ça.

M. Trudel: M. Harvey, vous n'étiez pas là à

ce moment-là?

M. Labelle: Notre-Dame-du-Rosaire est devenu Henri-Dunant et Henri-Dunant, tout le quartier a fait une pétition pour le faire changer de nom qui est devenu Yvon-Brunet.

M. Trudel: O. K. Bon. Est-ce qu'au moment, et c'est ça qui m'intéresse beaucoup... Je suis très content quo vous nous disiez ça, parce que je suis aussi beaucoup préoccupé comme le ministre délégué. C'est beau, c'est fin, c'est fantastique, c'est sensationnel, mais si ça n'en demeurait que là, que la formule est bonne, qu'on y trouve de très gros avantages et qu'il faille aller dans ce sens, il faut chercher des formules vers une généralisation. Est-ce que vous avez l'impression que, comme président du conseil d'administration, vous auriez eu l'inverse de M. Harvey, comme directeur général? Est-ce que vous avez l'impression que, comme président du conseil d'administration, en supposant un certain nombre de conditions qui existeraient, vous auriez pu avoir les poignées nécessaires pour transporter, en quelque sorte, jusqu'à la direction générale des opérations toutes les situations qui sont si bien décrites ici, par rapport aux personnes, dans ce qu'est devenue votre philosophie? Vous êtes partis vraiment de la réalité. Est-ce que vous sentiez que, comme bénévole, président d'un conseil, vous aviez vraiment les poignées pour faire changer quelque chose?

M. Labelle:tout d'abord, s'il y avait un directeur avec une ouverture d'esprit comme celui que nous avons, d'accord. mais si - je ne voudrais pas nommer de directeurs...

M. Trudel: Non.

M. Labelle:... mais il y en a que je... Je ne dis pas que je n'accepterais pas, mais j'essaierais de faire changer quelque chose quelque part. Parce qu'il y a des directeurs qui ne devraient pas être là. Si nous avions un conseil d'administration tel que proposé dans la loi, je vous assure que ce ne serait pas un cadeau de faire entrer dans la tête des médecins ou des psychologues qu'un centre d'accueil, ce n'est pas un hôpital. Ça, ce ne serait pas facile à faire entrer dans la tête. Et c'est ce qui va se produire avec les nouveaux conseils d'administration, avec les CLSC, les hôpitaux, etc. C'est là que va être le danger. S'il y a un autre centre d'accueil comme le nôtre - il y en a un à Saint-Pascal-de-Kamouraska, je suis allé le voir au cours de l'été, je vous assure que c'est emballant de le voir - et s'il y avait des conseils comme celui qu'on prône dans la loi... Je vous assure que ça va être un éteignoir.

M. Trudel: Oui. On ne s'étendra pas beau- coup là-dessus, M. Labelle, sur ce que ça donnerait comme résultat parce que je pense que le ministre a compris. Il a dit hier qu'il allait réviser toute cette partie, que - ce sont mes mots, ce ne sont pas les siens - ça n'avait pas grand bon sens et qu'il fallait se rapprocher... Mais il va falloir aussi à l'appareil, au ministère et au ministre, avoir le plus d'indications possible pour faire mieux par rapport à la formule actuelle. Parce que. vous le dites si bien, vous le dites très bien, c'est largement dû à la bonne volonté, à la façon dont l'équipe d'Yvon-Brunel fonctionne, en particulier son directeur général, que vous en arrivez à des résultats aussi heureux, et tant mieux. Mais s'il ne faut compter absolument que sur le hasard pour en arriver à des résultats comme celui-là, il est inutile que le législateur se paie une telle réforme du système et essaie de trouver la fine fleur des structures pour arriver à ce fonctionnement-là.

Dans ce cadre, je pense, par ailleurs, que M. Harvey nous donnait tantôt un élément d'inspiration pour le ministère et le ministre lorsqu'ils auront à composer cette partie de la loi au niveau de la réforme. Vous nous avez dit: Ça n'a pas été facile à implanter et des dimensions, entre autres, très problématiques, ça a été le corporatisme et la division du travail dans les conventions collectives. Vous avez ajouté ceci: Nous sommes allés à la télévision et c'est probablement grâce à ça qu'on a pu un peu calmer toutes les affaires et passer a travers le système.

Il y a donc là un aspect très important, c'est que le rapport de forces entre ceux et celles qui reçoivent des services, ceux et celles qui les organisent et qui les dispensent n'est absolument pas du même ordre. C'est tout à fait disproportionné.

Quand vous dites: Vous savez, lorsqu'on a une moyenne d'âge, comme dans votre centre, de 82 ans, on manque d'énergie, on n'a pas la même énergie pour faire valoir ses droits. Ça nous semble, de prime abord, tellement évident qu'il faille supporter le cheminement des besoins ou de l'expression des besoins de ces gens, c'est le cas pour une très grande partie aussi des bénéficiaires des autres systèmes.

Par exemple, actuellement le mécanisme de plainte fait en sorte que si tu veux faire un appel quelque part, tu déposes une plainte, la mécanique est que tu vas au CRSSS. Petite enquête rapide faite, la plupart des CRSSS, compte tenu du volume, vont dire à la personne: Ah! Avant qu'on s'intéresse à ça, écrivez-nous ça, faites-nous une plainte par écrit. Taux de personnes au Québec qui ne sont pas capables d'écrire, tout le phénomène de l'analphabétisa-tion, il y a 20 % des Québécoises et des Québécois qui ne sont pas capables de s'exprimer par écrit. Alors, pour eux, leurs droits, leur rapport de forces est absolument débalancé.

Dans ce sens, je pense que le ministère et

le ministre auront à réfléchir sur la création du rapport de forces, en particulier, au niveau des gens extérieurs au système qui devront ou devraient occuper les présidences de conseils d'administration. Je pense qu'il y aurait avantage à regarder le fonctionnement dans un certain nombre d'unités de soins aux États-Unis où, par exemple, à Seattle, et je pourrais vous donner la référence là-dessus dans un... À Seattle, compte tenu du volume, on va jusqu'à fournir du personnel d'assistance au bureau du président, "chairperson" du conseil d'administration, pour lui permettre de traiter les demandes et, en quelque sorte, d'arriver au conseil et face à la direction des opérations, à la direction générale, d'être capable de créer ce rapport de forces qu'on a créé à Yvon-Brunet de façon circonstancielle, avec leur créativité, par les médias d'information.

On sait qu'on ne peut pas généraliser cette formule-là, ça va de soi. Donc, il y aura à réfléchir là-dessus, sur les pouvoirs accrus des présidents de conseil d'administration, entre guillemets, comme représentants des usagers, en n'excluant pas cette formule, évidemment, de l'animateur comme milieu de vie, dans des résidences comme vous avez chez vous, par exemple, tout en prenant garde toujours...

Chez vous, le système fait en sorte que c'est vraiment un représentant et vous le percevez comme tel. Vous avez désigné le poste à cette fin-là, en prenant garde que dans d'autres institutions où la philosophie ne serait pas la même, une espèce d'ombudsman qui serait rattaché à la direction générale aurait peut-être tout à fait les effets contraires. Ça aiderait à faire passer les trucs de la direction générale.

Alors, est-ce que, M. Brunet... M. Labelle, pardon, vous nous avez dit: Heureusement qu'on avait le collège Marie-Victorin pour nous aider dans le cheminement du personnel. Est-ce que vous pensez qu'on devrait aussi, dans beaucoup de conseils d'administration avec des pouvoirs accrus, porter assistance en termes d'information et de support à l'exercice du rôle d'un bénévole, en particulier, au conseil d'administration d'une institution publique?

M. Labelle: Une chose est certaine, c'est qu'on devrait favoriser la formation du personnel. Maintenant, amener des bénévoles au conseil d'administration, je ne comprends pas ce que vient faire la chose. Mais, moi, je vois plutôt la formation du personnel sur place, avec l'aide de la direction, l'aide du technicien en milieu de vie. Ça, ça aide - comment je pourrais dire? - à mieux vivre avec les residents, leur vio. Qu'on y crée un vrai milieu de vie, vivable, semblable un peu à notre vie familiale à la maison. Il ne faut pas oublier que les gens qui ont 80 ans ont déjà vécu ailleurs que dans le centre d'accueil. C'est ça qu'on oublie. Si le personnel est formé pour aider ces personnes âgées à revivre leur vie familiale, bien là, ce serait l'idéal, mais c'est la formation du personnel qu'il faut. Le collège Marie-Victorin a participé là-dessus, pour aider et les cadres et le personnel.

M. Trudel: Alors on aurait pu, oui, poursuivre l'échange d'idées très longtemps. Merci beaucoup de votre contribution. J'ai comme l'impression que ce mémoire va être un peu plus élevé parmi l'ensemble de ceux que l'on a reçus et qu'il va se retrouver tout au-dessus de la pile et rappeler que c'est souvent à travers les lunettes de petites institutions que l'on voit mieux la vérité que les grands intérêts de grandes corporations et de grandes institutions.

M. Labelle: J'aurais la tentation de dire: II y a des hôpitaux universitaires; pourquoi n'y aurait-il pas des centres d'accueil universitaires?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: On me souffle que c'est prévu dans le document d'orientation duquel découle le projet de loi. Il y a, peut-être, des jonctions qu'il reste encore à faire entre ce que nous avons mis dans le projet de loi par rapport à ce qu'il y avait dans le document d'orientation. Parce que dans le document d'orientation vous avez inspiré, et spécifiquement vous, le centre, vous avez inspirez l'ajout d'un certain nombre de choses en termes d'orientation, spécifiquement par rapport au droit à la dignité et le désir de voir instaurer dans le réseau une charte des droits des bénéficiaires. Il faudrait peut-être retrouver ça de façon plus spécifique dans l'éventuel projet de loi. C'est une des choses sur lesquelles je suis tout à fait d'accord. Ce genre d'expérience et de mémoire va être au-dessus de la pile. Je pense que je ne me tromperai pas en disant qu'on prêtera une attention toute particulière, et je le ferai moi-même personnellement, afin de voir, de regarder ça de plus près.

La Présidente (Mme Marois): Nous vous remercions de cet apport aux membres de la commission et peut-être, surtout, nous vous remercions de votre engagement auprès de gens qui l'apprécient sûrement.

M. Harvey: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup.

Nous ajournons nos travaux au mardi 13 février, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 10)

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